COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Mercredi 28 octobre 2020
La séance est ouverte à dix-sept heures cinq.
La commission procède, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021 (n° 3360) (seconde partie) à l'audition de Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l'autonomie, de Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances, et de Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées, puis à l'examen et au vote des crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances
(M. Brahim Hammouche, rapporteur pour avis)
Mes chers collègues, nous poursuivons nos travaux sur le projet de loi de finances pour 2021. C'est pour notre commission un honneur de recevoir trois femmes ministres ! Cela change de certaines tribunes.
Nous examinons les crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances, mission qui revêt un caractère particulier cette année. Face à la crise sanitaire, mais également économique et sociale, que nous traversons, la solidarité et la protection des publics les plus vulnérables constituent des enjeux prioritaires.
La mission Solidarité, insertion et égalité des chances contient quatre programmes relevant de plusieurs ministères. Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées, présentera le programme 157 Handicap et dépendance ». Le programme 137 Égalité entre les femmes et les hommes est porté par Élisabeth Moreno. Je m'attacherai au programme 304 Inclusion sociale et protection des personnes et au programme portant les crédits de fonctionnement des ministères sociaux, le programme 124 Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales.
Telle est la budgétisation proposée dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2021. Elle traduit les engagements présidentiels en matière d'inclusion, de protection des personnes vulnérables et de lutte contre les inégalités, pris dans le cadre de l'acte II du quinquennat.
L'action du Gouvernement vise à apporter des réponses concrètes aux attentes de nos concitoyens. De ce point de vue, les crédits présentés en PLF 2021 s'inscrivent dans la continuité des crédits de la loi de finances initiale pour 2020, qui avaient augmenté de 10 % par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2019 : près de 2,4 milliards d'euros de crédits supplémentaires ont ainsi conforté les politiques en faveur des travailleurs pauvres, des familles vulnérables, des personnes dépendantes ou en situation de handicap, ainsi que la lutte contre les inégalités et les violences faites aux femmes.
Les principales réformes portées et financées par le présent projet de loi visent deux priorités.
D'une part, l'amplification de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, présentée par le Président de la République en 2018 : en 2021, 252,6 millions d'euros de crédits du programme 304 seront consacrés à la mise en œuvre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. Des mesures importantes lancées en 2019, emblématiques et concrètes, ont été poursuivies et amplifiées en 2020 : tout d'abord, la contractualisation avec les départements, chefs de file de l'action sociale, est une méthode novatrice de l'action publique. Elle porte sur des mesures d'accompagnement, particulièrement quatre d'entre elles : l'insertion professionnelle des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA), la prévention spécialisée, la prévention des sorties sèches de l'aide sociale à l'enfance et les maraudes mixtes autour de l'hébergement des familles à la rue.
Cette démarche novatrice porte ses fruits. Elle permet à l'État de conforter son rôle de garant du modèle social et de déployer des politiques sociales adaptées aux contextes locaux, dans le respect de la libre administration des collectivités. Cette contractualisation engage les conseils départementaux dans leur quasi-totalité, à l'exception des Yvelines et des Hauts‑de‑Seine. La contractualisation avec les conseils régionaux et les métropoles est en cours de développement, mais reste réduite.
Les crédits consacrés par l'État à cette contractualisation poursuivent leur montée en charge en 2021 : 200 millions, après 175 millions en 2020 et 135 en 2019. La stratégie repose également sur des mesures pilotées par l'État central ou déconcentré dont le principal objectif est de réduire les inégalités dès l'enfance, en garantissant à tous un accès au droit et en prévenant les situations de privation matérielle : accès à la crèche pour les plus défavorisés, accès à un petit déjeuner à l'école, cantine à 1 euro dans les territoires ruraux les plus pauvres, lutte contre le surendettement avec la labellisation de 250 nouveaux points conseil budget. Deux ans après son lancement, la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté présente des réalisations concrètes dans nos territoires.
En outre, depuis le 1er janvier 2019, dans le cadre des mesures d'urgence économiques et sociales, la prime d'activité est revalorisée de 90 euros au niveau du SMIC. Cette réforme permet d'augmenter les montants moyens des primes versées, mais également d'ouvrir leur bénéfice à de nombreux foyers devenus éligibles : en un an, fin 2019, le nombre d'allocataires avait crû de 52 %, soit 1,25 million de nouveaux bénéficiaires. Cette hausse se poursuit en 2020, à hauteur de 3 %, malgré les effets de la crise sanitaire sur l'emploi. Couplée à la hausse du SMIC, elle offre un gain mensuel de pouvoir d'achat pouvant aller jusqu'à 100 euros pour un travailleur rémunéré au SMIC. Les crédits de la prime d'activité inscrits au PLF 2021 s'élèvent ainsi à plus de 11,2 milliards d'euros, en hausse de 0,7 milliard.
Le programme 157 Handicap et dépendance finance les actions engagées en faveur des personnes en situation de handicap et des personnes âgées en perte d'autonomie. En 2021, il est doté de 12,808 milliards d'euros, en progression de 2,2 %. Ce budget soutient deux principales mesures : le financement de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) ; l'accompagnement des travailleurs handicapés en établissement et service d'aide par le travail (ESAT) et en milieu ordinaire, à travers l'emploi accompagné.
Avec plus de 11 milliards de crédits, la dépense d'AAH représente le poste le plus important du programme. Cet engagement majeur du Président de la République a été tenu. Grâce à deux revalorisations exceptionnelles en deux ans, l'AAH s'élève désormais à 900 euros par mois. Cette année encore, les crédits progressent de plus de 200 millions d'euros afin de répondre aux besoins. La revalorisation a bénéficié à plus d'un million de personnes et représente 2 milliards d'investissements sur le quinquennat.
En parallèle, le Gouvernement se mobilise au profit de l'insertion professionnelle des personnes handicapées en mettant en place deux mesures exceptionnelles, la première dans le cadre de mesures d'urgence face à la crise sanitaire, la seconde dans le cadre du plan de relance.
L'État a mis en place durant la crise un dispositif de soutien au profit des ESAT afin de garantir la rémunération de leurs près de 120 000 employés et de pallier les pertes d'activité commerciale, pour un montant total de 160 millions durant huit mois – de mars à octobre.
Dans les temps incertains qui s'annoncent, les ESAT bénéficient du plein soutien de l'État pour garantir leur pérennité et s'adapter au nouveau contexte, en se transformant structurellement. Les crédits au bénéfice des emplois accompagnés ont été multipliés par deux l'année dernière ; en 2021, ils progressent encore de 5 millions d'euros, et sont complétés de 15 millions de crédits du plan de relance. Le plan France Relance prévoit au total 100 millions d'euros pour financer une mesure d'aide au recrutement de 4 000 euros pour un travailleur handicapé, sans limite d'âge, et pour le soutien de l'emploi accompagné.
De surcroît, l'Association de gestion du fonds pour l'insertion des personnes handicapées (AGEFIPH) et le fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) ont mobilisé presque 40 millions de crédits pour des aides complémentaires en faveur de l'insertion professionnelle des personnes handicapées recrutées ou en poste.
L'objectif du Gouvernement était de descendre sous la barre symbolique des 500 000 chômeurs : il a été franchi en janvier et février 2020 mais, du fait de la crise, n'a pu être tenu plus longtemps. Les mesures que je viens de présenter visent à revenir à la situation que nous connaissions avant la crise sanitaire et économique : c'est pour cela que nous sommes tous mobilisés.
J'ai une pensée pour Mme la rapporteure Stella Dupont, qui ne peut être parmi nous. J'ai l'honneur de vous présenter les crédits du programme 137 Égalité entre les femmes et les hommes, rattachés à mon ministère.
En 2021, le budget du ministère va connaître une augmentation historique : le programme 137 s'élèvera à 48,7 millions d'euros en autorisations d'engagement et 41,5 millions d'euros en crédits de paiement, soit une hausse de 40 % par rapport à 2020, 11,3 millions d'euros de budget supplémentaire.
Par cet effort important, le Gouvernement souhaite renforcer son action en faveur de la grande cause du quinquennat dans trois directions. Il s'agit d'abord de répondre aux besoins d'écoute et d'orientation des femmes victimes de violences, en développant des lieux d'information et d'accueil de proximité sur tout le territoire national, en métropole et outre‑mer.
Il s'agit ensuite de soutenir les associations qui interviennent auprès des victimes en prévention des actes de violence conjugale et des récidives. Enfin, il s'agit d'améliorer l'insertion professionnelle des femmes, notamment par la création d'entreprise et l'accompagnement par la formation.
La lutte contre les violences faites aux femmes constitue une priorité de la grande cause pour l'égalité entre les femmes et les hommes. Elle s'est concrétisée au cours des trois dernières années par le vote de trois lois et par les mesures adoptées lors du Grenelle contre les violences conjugales.
Suite à la période de confinement, cette politique a bénéficié de crédits complémentaires votés lors de la troisième loi de finances rectificative, à hauteur de 4 millions d'euros, ainsi que de la levée anticipée de la réserve de précaution 2020, à hauteur de 1,2 million d'euros.
En 2021, le ministère en charge de l'égalité amplifiera ses efforts contre les violences faites aux femmes, avec la mobilisation de crédits supplémentaires qui permettront l'accomplissement de trois chantiers principaux. Dans le cadre d'un marché public lancé fin 2020, nous déploierons une plateforme d'écoute téléphonique pour les femmes victimes de violences, sept jours sur sept, vingt‑quatre heures sur vingt-quatre. Elle sera plus facilement accessible aux femmes des territoires ultramarins, ainsi qu'aux femmes en situation de handicap.
Ces crédits nous permettront également d'accroître le soutien financier aux associations informant, accueillant et accompagnant les femmes victimes de violences.
Enfin, nous financerons le déploiement de nouveaux centres de suivi et de prise en charge des auteurs de violences conjugales, en leur proposant un suivi médical et thérapeutique ainsi qu'un suivi social, l'objectif étant de mieux protéger les victimes et de lutter contre la récidive. Ces centres compléteront les seize qui seront mis en place d'ici à la fin de l'année.
En 2021, les crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances s'élèveront à 26,12 milliards d'euros, avec une importante modification de périmètre du programme 124 Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales, près de 30 % des effectifs rémunérés sur ce programme étant transférés.
Les deux programmes qui structurent la mission – le programme 304 Inclusion sociale et protection des personnes et le programme 157 Handicap et dépendance – sont stables, tandis que le programme 137 Égalité entre les femmes et les hommes connaît une augmentation substantielle de plus de 37 %.
Je salue cette hausse inédite du budget du ministère chargé de l'égalité entre les femmes et les hommes, qui inscrit son action autour de trois axes d'intervention prioritaires : la prévention et la lutte contre les violences faites aux femmes ; l'émancipation économique des femmes ; l'accès aux droits et la diffusion de la culture de l'égalité.
Il a deux ans, je m'étais intéressé à la thématique de la lutte contre la maltraitance et de la promotion de la bientraitance, déclinée dans les quatre programmes que comporte la mission, dont le programme 137, bien sûr, qui permet de lutter contre toutes les formes d'agissements et de violences sexistes et sexuelles.
Le Président de la République a déclaré que l'égalité entre les femmes et les hommes était la grande cause du quinquennat et qu'elle devait mobiliser tout le Gouvernement : le budget pour 2021 témoigne de la volonté de tenir cette promesse et de l'engagement du Gouvernement en faveur de cette stratégie forte et ambitieuse.
Je suis par ailleurs convaincu que la responsabilité de l'État dans le domaine de la solidarité, de l'insertion et de l'égalité des chances n'est pas seulement organisationnelle et budgétaire ; elle requiert avant tout de développer une véritable culture de l'attention aux autres.
À cet égard, dans la partie thématique de mon rapport, suite au basculement d'un grand nombre de personnes dans la précarité avec la crise du coronavirus, j'ai choisi de m'intéresser à la perspective de l'instauration d'un revenu universel – dont les contours restent bien sûr à définir – afin de prévenir et de lutter contre la pauvreté.
Lors de la présentation du plan pauvreté, l'annonce par le Président de la République de la création d'un revenu universel d'activité (RUA) a témoigné, s'il le fallait, de la pleine reconnaissance de cet enjeu. En septembre 2018, le Gouvernement a lancé une stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté : c'est dans ce cadre que le Président de la République a souhaité que soit instauré un RUA, c'est-à-dire une aide qui fusionne le plus grand nombre possible de prestations, et dont l'État sera entièrement responsable.
Il s'agirait de refonder l'ensemble des prestations de solidarité en France, prestations monétaires sous conditions de ressources et dégressives avec le niveau de ressources. En effet, le système actuel des prestations de solidarité, produit de l'histoire, est illisible : il génère des phénomènes de non-recours et ne remplit par conséquent pas son objectif ; il mine la confiance de la partie de la population qui n'est pas aidée ; il est objectivement très difficile, pour ne pas dire impossible à piloter.
Hélas, le processus de concertation sur le RUA s'est de fait interrompu avec la crise sanitaire.
On parle beaucoup de la crise sanitaire que constitue le covid, en oubliant parfois ses conséquences sur les plus précaires, qui auront une influence très lourde sur le taux de pauvreté, et risque d'atteindre un niveau historique. En l'absence de réformes profondes, structurelles, le risque est grand d'une hausse importante du taux de pauvreté : une fois que les gens « entrent en pauvreté », ils mettent très longtemps à en sortir, parfois plus de dix ans.
La thématique n'est pas tant technique que politique : s'il existe à peu près autant de revenus universels que de personnes auditionnées, mon objectif est avant tout de remettre ce sujet en débat et de formuler quelques propositions concrètes pour avancer. Je suis à cet égard impatient de connaître l'avis des ministres.
J'ai noté avec une grande satisfaction que le Premier ministre a décliné, samedi dernier, des mesures à l'intention des plus précaires, avec un plan de 1,8 milliard d'euros, qui s'ajoutent aux mesures prises durant la crise, soit 1,5 milliard d'euros, et à celles du plan de relance, pour 6 milliards d'euros. Il a déclaré que « l'attention aux plus démunis et aux plus vulnérables est plus que jamais au centre des priorités du Gouvernement ». Je salue ces premières annonces.
Il est vrai que les chiffres sont accablants et que les signaux d'alerte se multiplient ; toutes les associations qui œuvrent contre la précarité l'ont confirmé : 1 million de personnes supplémentaires sont en train de basculer dans la pauvreté suite à la crise sanitaire – étudiants, intérimaires, chômeurs, mais aussi autoentrepreneurs et artisans. Elles s'ajoutent aux 9,3 millions vivant déjà au‑dessous du seuil de pauvreté monétaire – 1 063 euros par mois –, soit 14,8 % des ménages en 2018 selon l'Institut national de la statistique et des études économiques.
Le nombre de bénéficiaires de l'aide alimentaire a augmenté d'environ 30 %. On constate également une augmentation de 10 % des dépenses du RSA, et une hausse de 20 % des demandeurs, non à cause des nouvelles entrées mais en raison d'un nombre moindre de sorties vers l'emploi.
Mesdames les ministres, pouvez-vous nous en dire davantage sur les mesures que le Gouvernement envisage de prendre, ainsi que la façon dont elles seront déclinées dans vos domaines de compétences respectifs ?
Trois principes me semblent devoir guider la mise en place d'un futur revenu universel : l'inconditionnalité et l'automatisation du dispositif pour résorber le non-recours, l'ouverture aux jeunes de moins de 25 ans et la dégressivité en fonction des revenus d'activité. Il s'agit aussi de réduire la pauvreté, de soutenir les travailleurs à bas revenus et de simplifier le système de prestations sociales.
Avec la crise du covid, le revenu universel – ou revenu de base, ou encore revenu minimum garanti, peu importe son nom – va revenir en force dans le débat. En effet, cette crise révèle une évidence : les minima des temps ordinaires restent insuffisants, bien que nécessaires, pour rétablir une trajectoire d'insertion et de correction des incertitudes du quotidien. Les minima sociaux ne sont plus des filets de sécurité ; ils ne suffisent plus. Un choix politique s'impose, un choix de société. Il n'est plus possible d'accepter une société duale, où les plus pauvres sont traités dans des dispositifs spécifiques qui les maintiennent dans une situation de marginalité et de non-effectivité de leurs droits.
Ces droits, il faut le rappeler sans relâche, sont indivisibles. Les personnes en situation de grande pauvreté ont les mêmes droits fondamentaux que les autres pour exercer leurs responsabilités de citoyens, de parents, de travailleurs, de patients : mener une vie familiale digne, s'instruire, se former, se cultiver, se soigner, participer à la vie associative, partir en vacances, ester en justice, être consulté, être représenté.
Les formes et les visages de la précarité et de l'exclusion ont évolué, le contexte également. Chômage, inégalités et pauvreté sont étroitement liés. Les crises économiques contribuent à maintenir les personnes dans la grande pauvreté ; elles aggravent la situation des personnes pauvres et risquent encore d'en accroître le nombre – jeunes, familles monoparentales, migrants. Les crises environnementales font peser sur elles de nouveaux risques.
Beaucoup d'études techniques, pour certaines retracées dans mon rapport, existent sur le revenu universel. Mais il s'agit avant tout d'un choix politique. Sans me focaliser sur une dénomination particulière ou des modalités techniques trop précises, j'ai souhaité remettre cette thématique au cœur du débat politique, pour que vivent les alinéas 10 et 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, laquelle fait partie de notre bloc de constitutionnalité : « La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement. Elle garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence. » Quel que soit le nom qu'on lui donne, le revenu universel doit avant tout être un revenu facteur d'émancipation et une garantie active de mobilité sociale.
J'ajouterai que cette proposition s'inscrit dans les pas des fondateurs de la sécurité sociale. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, ils avaient pour projet de permettre à chacun de se débarrasser des incertitudes du lendemain. L'impératif demeure, et nous avons besoin d'un socle social robuste pour affronter les grandes transformations auxquelles nous appelle le défi écologique, mais les risques ont évolué. Le risque d'être durablement privé de revenus en est un. Il nous faut le reconnaître, et l'assumer collectivement, afin que quiconque se retrouve en difficulté soit assuré d'un minimum de sécurité financière garanti par la société.
Je conclurai en faisant miens les mots de Léon Bourgeois en 1896 dans Solidarité : l'idée de solidarité et ses conséquences sociales : « Si la liberté humaine est un principe, le droit à l'existence en est un aussi, nécessairement antérieur à tout autre et l'État doit le garantir avant tout autre. »
Je remercie mes collègues, Stella Dupont et Brahim Hammouche, pour leurs travaux. La mission que nous examinons est très large. Je concentrerai mon propos sur la lutte contre la pauvreté et sur l'égalité entre les femmes et les hommes – mais les autres programmes budgétaires sont tout aussi essentiels,
Les crédits pour 2021 sont en augmentation de 1 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2020. Nous ne pouvons que nous réjouir de la hausse de 252 millions d'euros des crédits affectés à la stratégie de lutte contre la pauvreté. Notre groupe votera bien évidemment ces crédits en hausse substantielle, d'autant qu'une enveloppe de 49,5 millions d'euros, ouverte au titre du plan de relance, viendra s'y ajouter.
Les crédits bénéficieront aux associations qui œuvrent pour la lutte contre la pauvreté. Ils permettront également à quatre-vingt-dix-neuf départements qui ont contractualisé avec l'État de compléter leurs actions en matière de lutte contre les sorties sèches de l'aide sociale à l'enfance, de financer la formation de travailleurs sociaux ou la mise en place de maraudes mixtes État-conseil départemental, particulièrement utiles pour identifier les familles dans le besoin ; or elles ne sont pourtant actives que sur dix-sept territoires, alors qu'il faut lutter d'urgence contre la prostitution des mineurs. Les crédits permettront de déployer ces maraudes de manière plus conséquente, en lien avec les tissus associatifs locaux, tout en se nourrissant de leur expertise.
Les crédits de paiement du programme 137, consacrés à l'égalité entre les femmes et les hommes, s'élèveront à 41,5 millions d'euros, soit une augmentation de 37,5 % par rapport à 2020. Ils permettront notamment de mener des actions d'information, d'orientation et d'accès au droit, en finançant les centres d'information sur les droits des femmes et des familles, principal réseau d'information, ou les espaces de vie affective, relationnelle et sexuelle.
Les politiques de lutte contre les violences sexistes et sexuelles, dont les crédits ont été abondés lors du Grenelle des violences conjugales, incluent une offre d'intervention en direction des auteurs de violences conjugales. Il s'agit de contribuer à une meilleure prévention et protection des victimes.
1,2 million d'euros sont prévus pour l'aide financière d'insertion sociale et professionnelle (AFIS) de sortie de la prostitution. La commission des finances a adopté un amendement de Stella Dupont qui devrait permettre aux bénéficiaires de l'AFIS de percevoir la nouvelle aide exceptionnelle de solidarité, dont la concrétisation est attendue dans le quatrième projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2020.
Les actions en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes dépassent le strict cadre du programme. L'enveloppe interministérielle allouée à cette grande cause du quinquennat atteignait 1,1 milliard d'euros en 2020, montant deux fois plus élevé que celui voté en 2019. Ce budget exceptionnel s'était traduit par un soutien massif aux associations œuvrant dans le secteur de l'égalité professionnelle et des études, soutien renouvelé en cette année de crise inédite.
Je ne pourrai aborder tous les sujets, mais je tiens à saluer la tarification sociale des cantines dans les communes rurales défavorisées, les petits déjeuners à l'école ou les subventions à destination des associations œuvrant à l'inclusion sociale et dans le secteur de l'aide alimentaire.
Je terminerai, mesdames les ministres, par une question relative aux annonces du Premier ministre de samedi dernier, annonçant la seconde phase du Plan pauvreté : comment seront-elles traduites dans le budget ?
Le budget de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances connaît une relative stabilité, avec une augmentation pour le programme Égalité entre les femmes et les hommes et une forte diminution pour le programme Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales, en raison du transfert des emplois liés au sport et à la vie associative au ministère de l'éducation nationale. Cette mission comprend quatre programmes, dont les deux principaux sont le programme 157 Handicap et dépendance et le programme 137 Égalité entre les femmes et les hommes.
Pour ce qui concerne le handicap, l'année 2020 s'est ouverte avec la cinquième conférence nationale du handicap à la suite de laquelle cinq chantiers ont été lancés. Peu de temps après, la crise sanitaire et ses conséquences sont venues frapper de plein fouet le secteur médico-social.
La réponse sur le handicap est globalement positive, notamment avec l'aide de 100 millions d'euros pour dynamiser le recrutement sans limite d'âge de près de 30 000 personnes en situation de handicap et amplifier le dispositif d'emploi accompagné ainsi qu'avec le plan « Un jeune, une solution », qui a pour objectif d'embaucher 8 000 jeunes en situation de handicap.
On peut toutefois déplorer les inégales revalorisations des salaires des personnels, prévues dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Ces revalorisations touchent majoritairement les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes mais touchent inégalement les personnels des établissements spécialisés dans le handicap.
Force est de constater que le chantier de l'autonomie est à l'arrêt. À l'exception des mesures visant à compenser les surcoûts issus de la crise et des revalorisations prévues à la suite du Ségur de la santé, la loi sur le grand âge et l'autonomie tant annoncée est encore et toujours repoussée. Après le rapport de nos collègues Monique Iborra et Caroline Fiat en 2018, et celui du haut fonctionnaire Dominique Libault en mars 2019, fort de 175 propositions, suivi six mois plus tard de ceux de Myriam El Khomri et de Laurent Vachey, vous avez décidé, madame la ministre déléguée chargée de l'autonomie, de lancer une nouvelle phase de concertation, le « Laroque de l'autonomie ». Je le regrette.
Les crédits du programme ne sont pas entièrement révélateurs, puisque, outre cette mission budgétaire, les dispositifs instaurés sont répartis dans le PLFSS et le plan de relance. Cette précision est d'importance lorsque l'on voit que ces crédits stagnent cette année.
De manière générale, 86 % des crédits de la mission sont consacrés à l'AAH. Une première revalorisation a été décidée par le décret du 31 octobre 2018 relatif à la revalorisation de l'AAH et à la modification du plafond de ressources pour les bénéficiaires en couple. On peut toutefois regretter que des mesures soient venues atténuer cette revalorisation. Rappelons qu'en 2019, elle s'est accompagnée du gel du plafond de ressources pour les couples, du fait du repli du coefficient de prise en compte des revenus du conjoint, qui est passé de 2 à 1,89, puis, à partir du 1er novembre 2019, de 1,89 à 1,81, privant ainsi nombre de personnes handicapées de la revalorisation de l'AAH. Nous pouvons également regretter l'absence de revalorisation, au 1er avril 2019, en fonction du taux d'inflation.
Le programme porte également sur les financements dédiés à l'emploi accompagné. En 2021, une nouvelle enveloppe de 5 millions d'euros vient renforcer les crédits de la loi de finances pour 2020, qui avait attribué 15 millions d'euros.
Le programme Égalité entre les femmes et les hommes est en hausse significative par rapport aux budgets précédents. Depuis le PLF 2019, le programme est entièrement réorganisé, avec de nouvelles actions, notamment l'accès aux soins, la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, les partenariats et innovations, le soutien du programme égalité entre les femmes et les hommes. Je ne peux que le saluer.
Enfin, deux autres programmes complètent cette mission. Le programme 124 Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales, tout d'abord, a été renommé par le PLF 2021, afin de le recentrer sur ses objectifs sanitaires et sociaux. Les moyens dédiés au sport, à la jeunesse, à l'éducation populaire et à la vie associative sont rattachés au ministère de l'éducation nationale.
Quant au programme 304 Inclusion sociale et protection des personnes, il est en légère baisse, après avoir connu de fortes hausses, en particulier dans le précédent PLF, tirées par l'augmentation de la prime d'activité, conséquence du mouvement des « gilets jaunes ». Il connaît en outre des disparités importantes.
À la suite du basculement d'un grand nombre de personnes dans la pauvreté du fait de la crise du covid, vous avez choisi, monsieur le rapporteur, de vous intéresser dans la partie thématique de votre rapport à la perspective d'un revenu universel d'activité, qui vise à prévenir et à lutter contre la pauvreté. Les contours restent encore à définir, mais la perspective d'une fusion des aides va dans le bon sens : le système actuel, illisible, ne remplit pas son objectif. Il est également difficile à piloter. Il est donc impératif de le faire évoluer.
La mission Solidarité, insertion et égalité des chances inclut de nombreux sujets, en lien avec l'humain. C'est pourquoi son étude doit être minutieuse, surtout dans la période de crise sanitaire que nous connaissons, dont les effets affecteront nécessairement 2021.
Je veux tout d'abord évoquer le programme 304 Inclusion sociale et protection des personnes. On ne peut que se féliciter de la nouvelle augmentation du budget consacré à la protection et à l'accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables, En trois collectifs budgétaires, ces crédits auront progressé de 90 millions d'euros, pour s'établir à 246 millions d'euros.
J'appelle votre attention sur le montant stabilisé consacré au service national d'accueil téléphonique de l'enfance en danger : avec la crise, le 119 pourrait à nouveau devoir faire face à une augmentation des appels. Des crédits supplémentaires me semblent nécessaires pour assurer une ouverture élargie non seulement aux enfants d'outre-mer, mais également aux enfants en situation de handicap. J'aimerais savoir, madame la ministre, ce que vous en pensez.
On peut également se satisfaire des 114,8 millions d'euros alloués à la contractualisation avec les départements dans le cadre de la stratégie de prévention et de protection de l'enfance. Ils permettront, je l'espère, de réduire les différences territoriales de prise en charge, qui conduisent à une inégalité de traitement des enfants protégés par l'aide sociale à l'enfance dans notre pays.
La stratégie de lutte contre la pauvreté voit son budget monter en puissance depuis son lancement, avec une progression de 107 millions d'euros en trois ans, pour s'établir à plus de 252 millions. Les 25 millions supplémentaires alloués dans le cadre de la contractualisation permettront, je l'espère, de lutter plus efficacement contre les sorties sèches de l'aide sociale à l'enfance (ASE), notamment dans le contexte sanitaire actuel.
Dans ces deux plans – de protection de l'enfance et de lutte contre la précarité –, le budget national vient abonder par contractualisation les budgets des départements de manière importante, à hauteur de 314 millions d'euros. Pour les années à venir, je souhaiterais que la représentation nationale que nous sommes soit plus éclairée sur la répartition de ces fonds entre les départements, ainsi qu'entre les objectifs, sur l'utilisation des fonds et leur efficacité. Madame la ministre, comment envisagez-vous ce retour au parlementaire ?
Eu égard à la crise que nous vivons, deux budgets m'interrogent. Celui de la prime d'activité, d'abord, est revalorisé de 200 millions d'euros mais le nombre de foyers bénéficiaires est évalué au même niveau pour 2020, soit 4,2 millions. Ne pensez-vous pas que leur nombre risque d'augmenter avec la crise ?
Venons-en au budget de la prévention et de la lutte contre la précarité alimentaire. Du fait de la crise économique, le besoin social est particulièrement important, avec une précarité qui augmente. Pourtant, la contribution de l'État au Fonds européen d'aide aux plus démunis (FEAD) baisse de 11 millions d'euros. Madame la ministre, pouvez-vous nous expliquer ce choix, en sachant que des incertitudes pèsent sur le FEAD, puisqu'il doit être rediscuté au premier trimestre 2021 ?
Le programme 157, qui porte sur le handicap et la dépendance, est en très légère augmentation de 2 millions d'euros, pour un budget de 12,536 milliards d'euros.
L'aide au titre de la garantie de rémunération des travailleurs handicapés connaît une légère augmentation en montant, mais pas en nombre de personnes accompagnées. Or, avec la crise, il est à craindre que les entreprises embauchent moins de personnes en situation de handicap et que la demande soit plus forte auprès des ESAT. Madame la secrétaire d'État, quelle est votre opinion à ce sujet ? Comment envisagez-vous ces accompagnements ?
Le 11 février se tenait la cinquième conférence nationale du handicap. Je souhaiterais connaître votre stratégie pour accélérer le déploiement des solutions adaptées aux personnes ayant les besoins les plus soutenus, donc lutter contre l'exil en Belgique.
Je tenais également à vous remercier pour l'envoi, la semaine dernière, du lien du baromètre de suivi des relations entre les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et les personnes en situation de handicap, permettant de suivre l'efficacité de ces établissements. Nous avons besoin que les droits des personnes soient octroyés plus rapidement, et que le traitement des dossiers soit homogénéisé dans toute la France.
Le programme 137 présente une partie du budget consacré à la grande cause du quinquennat, l'égalité entre les femmes et les hommes. Il s'agit notamment de permettre aux femmes d'avoir un meilleur accès à leurs droits, en particulier en matière d'interruption volontaire de grossesse ou d'accès à la contraception, de lutter contre les mutilations génitales ou les mariages forcés, ou de mieux accompagner les femmes victimes de violences, par exemple en rendant la plateforme d'écoute accessible vingt-quatre heures sur vingt-quatre. D'aucuns diront que ce n'est pas assez, d'autres que c'est trop, mais ce budget en augmentation de 40 %, qui s'établit dorénavant à plus de 48 millions, est une avancée significative.
Une petite partie de ce budget – 2,1 millions d'euros – est consacrée aux associations chargées d'accompagner les personnes en situation de prostitution. Madame la ministre, ne pensez-vous pas que ce budget nécessiterait d'être amendé, pour permettre la prise en charge de ce nouveau fléau qu'est la prostitution des mineurs ?
Enfin, s'agissant du programme 124, pouvez-vous préciser les effets de la séparation des directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale et ses incidences dans les territoires ruraux ?
Nous examinons aujourd'hui les crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances pour 2021, alors que de nouvelles annonces sur la pauvreté ont été faites par le Premier ministre il y a quelques jours et qu'un PLFR, comportant notamment des mesures en faveur des plus démunis, sera examiné en novembre. Cela rend difficilement lisible l'exercice qui nous réunit aujourd'hui, et consacre l'insuffisance des crédits qui y sont affectés.
Le taux de pauvreté ne cesse d'augmenter depuis 2017. Aux personnes en situation de pauvreté nous devons ajouter tous ceux qui ont basculé ou vont basculer dans la précarité en raison de la crise – leur nombre est estimé à 1 million, portant à plus de 10 millions le nombre de Français en situation de pauvreté.
La baisse des crédits du programme 304 pour 2021, même légère, est donc un mauvais signal. Pour nombre de nos concitoyens, l'urgence c'est leur capacité à payer leur loyer, à se nourrir, à se chauffer et à se soigner. Or les mesures de relance du Gouvernement ont oublié les personnes en situation de précarité, en ne prévoyant que peu de dispositions pour soutenir leur pouvoir d'achat. Le plan de relance du Gouvernement ne consacre ainsi que 0,8 % de ses crédits aux plus démunis, et les quelques aides ajoutées, toujours appréciables, resteront conjoncturelles alors que des mesures structurelles devaient être prises.
Devant les alertes de l'opposition et des associations, et face à une stratégie pauvreté en perte de vitesse, le Premier ministre a été obligé d'annoncer samedi de nouvelles mesures en faveur des plus précaires, pour plus de 700 millions d'euros. Certaines sont bienvenues, mais c'est toujours aussi peu comparé aux 100 milliards du plan de relance et aux 20 milliards de baisses d'impôts de production décidés pour les entreprises. Nous regrettons que le Gouvernement persiste dans son refus d'augmenter les minima sociaux, dont il fait le fil rouge de sa politique.
Lors de sa création, le revenu minimum d'insertion représentait 50 % du SMIC. Aujourd'hui, il n'en représente plus que 39 %, du fait de ses trop faibles valorisations. Refuser l'augmentation du RSA dans une période où de plus en plus de Français doivent y avoir recours pour survivre est incompréhensible. L'insertion par l'économie, proposée par le Gouvernement, est une des réponses, mais elle ne suffira pas à absorber la pauvreté car elle est à trop long terme. Les personnes précaires ont besoin de réponses immédiates. Le RUA, qui devait être le pan majeur de la lutte contre la pauvreté dans ce quinquennat, a d'ailleurs été repoussé aux calendes grecques.
Quand le nombre de bénéficiaires de l'aide alimentaire a bondi de 30 à 45 % selon les associations, les crédits d'aide alimentaire ont baissé de plus de 11 %. Ces fonds ont peut-être été affectés à d'autres dispositifs comme celui des tickets service, mais il faut reconnaître que, là encore, nous manquons de lisibilité.
De plus, le Gouvernement n'apporte toujours aucune réponse aux jeunes, qui ont été les premières victimes de la crise et seront les derniers à profiter de la reprise, à ces étudiants qui ont perdu le petit job qu'ils occupaient dans un bar ou un restaurant pour payer leur scolarité, à ces nouveaux diplômés qui ne trouvent aucune offre d'emploi, à ces jeunes précaires, qui ne trouvent plus de mission d'intérim.
Nous avons fait certaines propositions en faveur de ces jeunes depuis juin, que nous avons notamment présentées lundi, en séance publique, à l'occasion de l'examen du plan de relance ; vous les avez refusées. Le groupe Socialistes et apparentés plaide également depuis longtemps pour l'instauration d'un revenu de base, d'un minimum jeunesse, comme il existe un minimum vieillesse. À défaut d'ouvrir le RSA aux jeunes de 18 à 25 ans, madame la ministre chargée de l'autonomie, quelles mesures entendez-vous prendre pour soutenir durablement notre jeunesse ?
Enfin, madame la ministre chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, quel sera le devenir de la plateforme Violences femmes info et du numéro d'appel 3919, fragilisés par l'annonce d'un marché public ?
La mission Solidarité, insertion et égalité des chances rend compte de l'effort public particulier en faveur de la lutte contre la pauvreté, de la réduction des inégalités et de la lutte pour les plus vulnérables. L'engagement de l'État en faveur de ces publics spécifiques traduit la solidarité particulière que notre société doit aux plus démunis. « La fraternité n'est qu'une idée humaine, la solidarité est une idée universelle », écrivait Victor Hugo. Nous devons aujourd'hui en examiner les modalités de mise en œuvre.
L'examen des crédits de la mission revêt une importance particulière cette année en raison de la pandémie de covid-19. Les plus fragiles sont toujours davantage exposés en cas de crise. En France, notre politique sociale est conçue pour en amortir les effets les plus graves et cette crise sanitaire, qui sera suivie d'une crise économique et sociale, verra plus que jamais la nécessité pour nos mécanismes de solidarité de s'exercer, et ce pour de longs mois.
Pourtant, la période que nous vivons se distingue par l'arrivée de nouveaux visages de la pauvreté : intérimaires dans la restauration, le bâtiment ou le nettoyage, professionnels de la culture, de l'événementiel ou du sport, artisans, commerçants, entrepreneurs. Les associations d'aide aux plus démunis le confirment, qui doivent non seulement augmenter les volumes distribués, mais également accompagner de nouveaux bénéficiaires.
Parallèlement, l'État a instauré de nombreuses aides et dispositifs, pour exprimer concrètement la solidarité de la Nation. Ainsi, une aide exceptionnelle de solidarité, de 150 à 550 euros, a été versée aux foyers les plus modestes. Les étudiants et jeunes précaires ont perçu par ailleurs un chèque de 200 euros et près de 95 millions d'euros ont été bloqués pour l'aide alimentaire dans le PLFR. Le quatrième PLFR permettra de prendre d'autres mesures de soutien ciblées en direction des publics précaires. D'ici à la fin de l'année, 150 euros seront versés aux 400 000 jeunes qui touchent les aides personnalisées au logement (APL) et aux étudiants boursiers, pour les aider à traverser cette passe difficile.
Ce soutien spécifique s'ajoute à la prime de 150 euros qui sera versée à chaque personne bénéficiant du RSA ou de l'allocation de solidarité spécifique (ASS), avec 100 euros supplémentaires par enfant. Il faudra néanmoins être vigilant à l'augmentation importante des bénéficiaires du RSA : les chiffres donnés par les départements sont à cet égard inquiétants.
Pour rendre compte de l'effort de l'État sur le périmètre de cette mission, il faut également ajouter les moyens spécifiques du plan de relance avec une aide exceptionnelle de 100 millions d'euros, qui permettra de dynamiser le recrutement, sans limite d'âge, de près de 30 000 personnes en situation de handicap, ainsi que d'amplifier le dispositif d'emploi accompagné pour assurer l'insertion et, tout aussi important, le maintien dans l'emploi des travailleurs handicapés recrutés.
Les jeunes en situation de handicap bénéficieront également de l'investissement massif du plan « Un jeune, une solution », pour un objectif d'embauche de 8 000 jeunes en situation de handicap.
Nous tenons aussi à souligner l'augmentation importante des crédits de l'AAH, qui ont permis de respecter l'engagement fort du Président de la République en ce sens.
Par ailleurs, le Gouvernement a annoncé des mesures prévues dans le deuxième axe de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. Il s'agit d'un signal essentiel, pour lequel nous avions formulé des propositions qui ont été écoutées.
Concernant la lutte contre les violences faites aux femmes dans le programme 137, les mesures prises lors du premier confinement ont-elles été évaluées ? Le temps n'a peut-être pas permis de le faire. Seront-elles maintenues dans les années à venir ? Pour les professionnels de santé, notamment les pharmaciens, elles ont montré des effets intéressants. Je salue aussi l'instauration de la plateforme qui permettra une écoute sept jours sur sept. La mesure est importante et attendue.
Le groupe Agir ensemble se prononcera favorablement sur les crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances.
La mission Solidarité, insertion et égalité des chances témoigne de l'effort public particulier qui est réalisé dans le domaine de la lutte contre la pauvreté et de la réduction des inégalités. Derrière la crise que traversent la France et l'Europe, ce sont autant de drames humains qui frappent nos territoires. Face à la détresse de tous ces hommes et ces femmes, nous devons tenir un discours volontaire, afin de leur redonner confiance en l'avenir.
Ainsi, alors que cette mission devrait être l'une des plus importantes du budget pour 2021 compte tenu de l'impact de la crise sanitaire, ses crédits sont en diminution de 0,62 % par rapport à 2020 à périmètre constant. Nous notons cependant que l'ensemble des crédits nouveaux alloués aux objectifs de cette mission sont inscrits dans le plan de relance. Il conviendra d'être vigilant quant à l'adoption des mesures pérennes d'accompagnement des personnes en situation de précarité lors de l'examen des exercices budgétaires des années 2022 et suivantes.
Mon intervention portera sur deux points : la lutte contre les violences faites aux femmes et le soutien à l'autonomie des personnes en situation de handicap.
Pour le programme 137, qui concerne la politique d'égalité entre les femmes et les hommes, grande cause nationale du quinquennat, nous reconnaissons l'effort d'augmentation des crédits de paiement à hauteur de 11,3 millions d'euros par rapport à l'année dernière, soit une hausse de 37,53 %. Cet effort est essentiel dans la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, alors que la période de confinement a provoqué une hausse importante du nombre de signalements, en raison d'une augmentation liée non seulement à une aggravation des faits de violence, mais aussi à une grande mobilisation des proches, en particulier du voisinage.
Cependant, certains engagements concrets peinent à être appliqués car ils dépendent souvent d'une action interministérielle complexe. Par exemple, le centre hospitalier de Roubaix, dans ma circonscription, attend la réouverture de son service de médecine légale, promise depuis plus de deux ans par le Gouvernement.
Pour ce qui concerne le programme 157 Handicap et dépendance, ses crédits contribuent très majoritairement – pour 86 % – à soutenir les revenus des personnes handicapées par le biais du financement de l'AAH. Cette allocation est une garantie de ressources pour les adultes atteints d'un certain degré d'incapacité, dû à un handicap ou à une maladie chronique. Son montant, porté à 860 euros par mois au 1er novembre 2018 puis réévalué en novembre 2019 et avril 2020, s'élève à 902,70 euros. L'aide est toutefois conditionnée aux revenus du conjoint ou de la conjointe du bénéficiaire : si celles-ci atteignent 1 275 euros par mois, la personne en situation de handicap ne peut bénéficier de l'AAH.
Cette prise en compte des ressources du conjoint crée de nombreuses difficultés morales et financières. Elle est, selon nous, contraire au principe même de l'allocation, qui est de garantir l'autonomie du bénéficiaire. C'est pourquoi, madame la ministre, considérant la situation exceptionnelle que le pays connaît, pensez-vous que le Gouvernement puisse envisager l'individualisation de l'AAH, une mesure de justice sociale ?
Pour conclure, en écho aux mesures présentes dans la mission Plan de relance du PLF 2021, je souhaite soulever la nécessité de favoriser l'accès des personnes handicapées aux professions médicales et paramédicales, et vous interroger sur les axes d'action décidés par votre ministère concernant non seulement l'installation des personnes handicapées, mais aussi le suivi dans leur carrière.
Je pense notamment aux kinésithérapeutes non ou mal voyants, qui sont environ 2 000 sur les 80 000 professionnels que compte la profession. Voie privilégiée d'insertion professionnelle et d'intégration, celle-ci n'est cependant pas d'une pratique évidente au quotidien. Ces personnes doivent faire face à la difficulté de disposer d'appareils spécifiques et adaptés : les logiciels, le mode de télétransmission et la gestion des prescriptions sont souvent des actions complexes pour un malvoyant et, surtout, une source de surcoûts importants pour leur adaptation. Il faut tenir compte de la spécificité de leur handicap durant l'installation et le déroulement de leur carrière. Je vous remercie pour les éléments d'éclairage que vous pourrez nous apporter à ce sujet.
Mesdames les ministres – cela fait plaisir de le dire, puisqu'il n'y a que des femmes –, la crise sanitaire plongera 1 million de nos concitoyens dans la pauvreté. Il s'agit certes d'une hypothèse, mais qui part des observations du terrain et qui ne peut nous laisser indifférents. Depuis le confinement généralisé du printemps dernier, un grand nombre de nos concitoyens s'enfoncent dans la pauvreté, ce que nous constatons lors des rendez-vous dans nos permanences.
Les dépenses du RSA sont en hausse de 10 % ; les demandes, de 20 %. L'inquiétude est vive pour les salariés précaires concernés par l'emploi de courte durée, qui se sont retrouvés sans emploi et souvent sans revenu en quelques semaines.
Les banques alimentaires constatent une hausse de la demande de 20 à 25 %. Les associations comme le Secours populaire français nous alertent : elles voient affluer des personnes qui ne venaient pas avant la crise sanitaire, et de nombreux jeunes. Nous nous devons d'être attentifs à cette aggravation : une fois entré dans le cercle vicieux de la précarité et de la pauvreté, il est bien difficile, voire impossible d'en sortir.
La mission qui nous occupe aujourd'hui voit ses crédits légèrement diminuer par rapport à 2020, ce qui pourrait surprendre à première vue, mais nous comprenons qu'il s'agit essentiellement de mesures de périmètre. Nous notons en revanche une augmentation des crédits alloués à la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, engagée depuis septembre 2018 ; celle-ci repose principalement sur une contractualisation avec les départements et, depuis 2020, avec les métropoles et régions volontaires. Nous nous réjouissons de voir que l'enveloppe de 200 millions d'euros ait été prévue pour 2021, en hausse par rapport à l'an dernier.
Néanmoins, cette stratégie doit être adaptée à la crise actuelle et toucher davantage les personnes concernées.
Or les principales dispositions prises depuis le début de la crise et dans le cadre du plan de relance, si elles sont nécessaires, ne permettent pas toujours de toucher les plus démunis, dans la mesure où elles restent principalement tournées vers l'insertion et l'emploi. Il faut bien sûr les appliquer, mais sans oublier de porter une grande attention aux plus précaires, à ceux qui, par exemple, sont durablement éloignés du marché du travail.
Nous regrettons par exemple qu'une revalorisation des prestations et minima sociaux n'ait pas été envisagée. Par ailleurs, nous le savons, les jeunes sont particulièrement touchés. Dès lors, nous ne comprenons pas pourquoi le Gouvernement refuse d'ouvrir le RSA aux jeunes de 18 à 25 ans. L'aide de 150 euros pour les bénéficiaires du RSA, de l'ASS ainsi que pour les étudiants boursiers et les non-étudiants touchant les APL est une avancée bien modeste. Elle ne sera versée qu'une seule fois ; pourtant, la crise va durer et les perspectives d'emplois ne vont pas aller en s'améliorant.
Surtout, le groupe Libertés et Territoires s'inquiète du non-recours aux droits, qui risque de s'aggraver avec la crise. Les restrictions des déplacements dégradent l'accueil physique des personnes ou entraînent un allongement des démarches. Alors que le nombre de bénéficiaires de la prime d'activité a augmenté de 47 % entre décembre 2018 et décembre 2019, du fait notamment des mesures d'urgence liées au mouvement des « gilets jaunes », mesdames les ministres, pouvez-vous nous indiquer ce qu'il en est depuis le début de la crise ?
Dans un tel contexte de précarité, il ne faudrait surtout pas que les personnes éligibles aux différentes prestations n'y aient pas accès, par manque d'information ou à cause de difficultés techniques ou matérielles.
Cela m'amène à un point toujours en suspens, celui du revenu universel d'activité. Où en sommes-nous aujourd'hui ? La crise socio-économique vous invite-t-elle à revoir certaines orientations ?
Nous saluons l'augmentation des crédits en faveur de l'emploi des personnes en situation de handicap. Néanmoins, après des revalorisations bienvenues de l'AAH en 2018 et 2019, nous regrettons de ne pas pouvoir avancer sur l'individualisation de son calcul par la déconjugalisation, réclamée depuis de nombreuses années. L'Assemblée avait adopté cette mesure en début d'année, à l'occasion d'une proposition de loi que j'avais déposée, mais qui doit encore être examinée par le Sénat.
Pour conclure, deux évolutions positives sont à noter dans ce budget : l'augmentation des crédits du programme Égalité entre les femmes et les hommes – c'était une nécessité, le confinement l'a dramatiquement rappelé – et la poursuite de la stratégie de protection et de prévention de l'enfance, qui s'effectue dans une démarche de contractualisation entre l'État et les départements, une démarche à développer et à encourager.
Merci de me permettre de transmettre mon salut amical à Stella Dupont, rapporteure spéciale, qui m'a demandé de donner lecture de sa contribution :
« Je vous remercie de m'accueillir à nouveau dans le cadre de l'examen pour avis des crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances ; je tiens à saluer l'engagement budgétaire important, pour une nouvelle fois en 2021, sur le champ de la mission, dont les crédits s'élèvent à 26,1 milliards d'euros.
« Je souhaiterais néanmoins vous faire part de deux points d'attention que j'ai pu identifier au cours de mes travaux.
« Le premier relève de la politique d'aide alimentaire, dans la mesure où toutes les difficultés en matière de gestion des crédits européens n'ont pas été levées. La crise sociale que nous traversons et le nombre croissant des bénéficiaires de l'aide alimentaire confirment la nécessité d'une meilleure gestion et d'une meilleure optimisation du FEAD.
« Le second point touche la prise en charge des mineurs non accompagnés et la modification du montant du forfait d'évaluation pour les départements qui n'utilisent pas le fichier d'appui à l'évaluation de minorité. Je regrette que les critères d'évaluation ne soient pas homogènes sur le territoire, ce qui mène à des réévaluations en chaîne et à la remise à la rue de certains jeunes pourtant évalués mineurs, à la suite des contestations des évaluations par les conseils départementaux, comme ce fut le cas en Maine-et-Loire. Le manque de structures d'accueil pour les jeunes majeurs au sortir de l'ASE pose également un vrai problème.
« Par ailleurs, nous devons définir de nouveaux outils pour apporter un soutien accru aux personnes en situation de grande précarité. À cette fin, je propose d'étendre le bénéfice de l'aide exceptionnelle de solidarité aux personnes engagées dans un parcours de sortie de la prostitution percevant l'AFIS. L'amendement que j'ai déposé en ce sens a été adopté en commission des finances. Je propose également de modifier les paramètres de la prime d'activité, afin de cibler les personnes perdant leur emploi ou dont les revenus sont inférieurs au seuil de pauvreté. Il serait également possible, me semble-t-il, de créer une allocation additionnelle temporaire mensuelle, d'un montant compris entre 100 et 150 euros, qui viendrait s'ajouter aux minima sociaux. Un tel outil permettrait de répondre à l'urgence de la crise en attendant une refonte d'ensemble : nous devons nous projeter dans une réorganisation des minima sociaux, pour trouver le bon équilibre entre l'exercice de la solidarité nationale, l'effort de résorption du non-recours aux droits et la bonne gestion des finances publiques. Une telle refonte pourra avoir lieu, je l'espère, dans le cadre de la mise en place du RUA que j'appelle de mes vœux. Je salue le travail de M. le rapporteur pour avis à ce sujet ; particulièrement éclairant, il devrait, me semble-t-il, nous permettre d'avancer sur ce dispositif de justice sociale. »
Madame la ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances, la lutte contre la prostitution dans nos territoires ruraux est un sujet que les élus locaux sont de plus en plus amenés à affronter et face auquel ils sont bien souvent démunis. Depuis le début de mon mandat, des élus comme des habitants me rapportent régulièrement qu'une forme d'habitude s'y est trop souvent développée à l'égard de la présence de camionnettes et de divers autres lieux de rendez-vous. Cette acceptabilité a atteint ses limites. Les populations exercent, à juste titre, une pression croissante sur leurs élus, tant le phénomène est prégnant et gênant dans leur vie quotidienne.
Les nouvelles équipes municipales sont peut-être encore plus sensibles au phénomène de la prostitution. Elles sont demandeuses de solutions pérennes et humaines pour ces jeunes femmes, qui sont elles-mêmes victimes de réseaux de proxénètes. Les collectivités locales peuvent compter sur l'appui de l'État, notamment des procureurs et des forces de gendarmerie, pour prendre en charge l'aspect répressif du problème. Dans ma circonscription, nous sommes déterminés à mener un travail de fond sur cette situation, avec le concours de la délégation départementale aux droits des femmes et à l'égalité, des élus locaux et des associations.
Nous devons mieux accompagner nos élus locaux dans la façon d'appréhender ce problème, et non nous contenter de leur offrir des solutions juridiques qui n'aboutissent au final qu'à déplacer l'activité de prostitution dans une commune voisine, sans régler le problème de fond. Madame la ministre déléguée, pouvez-vous préciser les moyens que vous entendez mobiliser pour intensifier l'action des associations, particulièrement sur ces territoires jusqu'alors dépourvus de moyens et pourtant fortement concernés ?
M. le rapporteur pour avis a choisi de s'intéresser à la perspective de l'instauration du revenu universel, dont les contours et le nom même restent à définir, afin de prévenir et combattre la pauvreté et à lutter. Pourquoi pas ? Je partage en tout cas avec lui, et sans doute avec chacun ici, le constat dressé dans son rapport : le système des prestations de solidarité en vigueur, produit de l'histoire, est illisible ; il provoque des phénomènes de non-recours aux droits, ce qui l'empêche d'atteindre son objectif ; il mine la confiance de la population qui ne perçoit pas d'aides ; enfin, il est objectivement très difficile, pour ne pas dire impossible à piloter.
La crise sanitaire, dont les conséquences touchent d'abord les plus précaires, a mis en exergue ces caractéristiques. On dénombre 1 million de nouveaux pauvres en 2020. Ces victimes de la crise sanitaire sont notamment des étudiants, des adultes au chômage, des artisans, des commerçants, des auto-entrepreneurs ; et j'ai une pensée particulière pour les personnes âgées percevant de petites retraites et les personnes en situation de handicap. Nous en mesurons tous les conséquences : aggravation des inégalités selon le lieu de vie, difficultés croissantes dans l'accès aux droits, décrochage scolaire, rupture éducative, déficit de socialisation pour les jeunes, aggravation de la fracture numérique, pertes d'emploi, troubles psychologiques...
Le processus de concertation sur le RUA s'est interrompu avec la crise sanitaire. Mesdames les ministres déléguées, madame la secrétaire d'État, pouvez-vous préciser vos intentions à ce sujet ? Quelles actions nouvelles comptez-vous mener pour accompagner celles et ceux qui en ont besoin ?
Par ailleurs, je constate que les moyens consacrés à l'aide alimentaire diminuent, passant de 74 millions à 64 millions d'euros. Les aides aux associations œuvrant sur le terrain, qui connaissent des difficultés particulières, sont pourtant maintenues. Pouvez-vous fournir des explications sur ce point ? La lutte contre la pauvreté est certainement un objectif qui peut nous rassembler, sur tous les bancs de cette commission.
Madame la secrétaire d'État, je vous remercie des propos que vous avez tenus et de l'action que vous menez. Les mesures que vous venez d'exposer confirment que les personnes handicapées ne sont pas oubliées dans cette crise, et que les dispositifs en vigueur sont bel et bien mobilisés pour répondre aux problèmes particuliers auxquels elles sont confrontées.
J'aimerais vous interroger sur le devenir de la plateforme Solidaires Handicaps, installée au mois de mars 2020, en collaboration avec le Conseil national consultatif des personnes handicapées, pour faire face à la crise du covid-19. Comment comptez-vous la mobiliser pour mieux affronter collectivement la seconde vague ?
J'aimerais également revenir sur le dispositif de l'emploi accompagné, qui bénéficiait à près de 3 000 personnes au 31 décembre 2019. Il peut désormais être prescrit par le service public de l'emploi, et non plus par les seules MDPH, ce qui est une bonne nouvelle. Le présent projet de loi de finances lui attribue un budget de 15 millions d'euros. Pouvez-vous indiquer, sur la base du retour d'expérience des premiers déploiements, les aides nécessaires et vos priorités pour l'extension de ce dispositif prévue au cours des deux années à venir ?
Madame la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées, l'AAH a été revalorisée, ce qui est une très bonne chose. Mais en même temps, le plafond de ressources des ménages a été abaissé : la prise en compte des revenus du conjoint nuit à l'autonomie des personnes en situation de handicap. Envisagez-vous de revenir sur ce point ?
Par ailleurs, j'aimerais faire état de plusieurs inquiétudes exprimées par le secteur du handicap. Les budgets annexes de production commerciale des ESAT souffrent frontalement du ralentissement économique général. Ils sont en première ligne face à la deuxième vague de l'épidémie de covid-19. Envisagez-vous d'inclure le secteur médico-social chargé du handicap dans les accords conclus dans le cadre du Ségur de la santé, dont ils sont exclus depuis le mois d'août ? Ils n'ont plus de ressources humaines disponibles. En Lorraine, des professionnels partent travailler chez nos voisins belges, luxembourgeois et suisses, où les rémunérations plus importantes. La situation devient très inquiétante ; nous avons besoin de réponses de la part du Gouvernement.
J'aimerais aussi évoquer la situation de nos concitoyens pris en charge à l'étranger, faute de place disponible dans nos structures, ce qui représente un coût pour le budget de l'État – sur une ligne budgétaire relative à l'international, certes. Vous avez mené une expérimentation très intéressante en Meurthe-et-Moselle, conjointement avec l'office d'hygiène sociale Lorraine et l'association départementale des amis et parents d'enfants inadaptés ; vous vous êtes même déplacée pour en annoncer le lancement et accueillir les premières personnes rentrées en France. Il s'agit d'augmenter temporairement les capacités d'accueil. Comptez-vous pérenniser ce dispositif en ajustant les capacités disponibles ? Cela soutiendrait l'emploi local par le biais des métiers induits, ce dont nous avons bien besoin.
Après M. Bazin et M. le rapporteur pour avis, un autre Lorrain prend la parole...
J'aimerais interroger Mme Sophie Cluzel sur la fluidification des parcours des travailleurs handicapés. Au cours des dernières années, l'accent a été mis, à juste titre, sur le dispositif de l'emploi accompagné. Un groupe de travail composé des principaux acteurs de l'emploi des personnes handicapées a publié un guide de l'emploi accompagné.
D'autres initiatives essaiment dans les territoires et donnent des résultats très encourageants. Citons notamment les essais de transition développés par l'association Messidor, dont l'objectif est de servir de passerelle vers le milieu du travail ordinaire. Les travailleurs atteints d'un handicap psychique sont suivis par une équipe réduite, composée d'un responsable d'unité de production et d'un conseiller d'insertion. Sans considérer que ces ESAT de transition constituent une réponse adaptée au problème, ne pourrait-on pas envisager de mobiliser des moyens de l'État pour donner un cadre national à cette expérimentation innovante ?
Madame la secrétaire d'État, je souhaite vous interroger sur le maintien de la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul du plafond de versement de l'AAH, qui a pour effet d'instaurer une relation de dépendance de la personne en situation de handicap vis-à-vis de son conjoint ou de sa conjointe.
Le Gouvernement argue qu'aucun allocataire en couple ne subira une baisse de l'allocation en raison de cette mesure, le fait qu'elle soit conjuguée avec la revalorisation de l'allocation garantissant que le niveau d'allocation des couples resterait croissant et supérieur au seuil de pauvreté. Mais dans la pratique, cela aboutit à créer des situations de minorité au sein du couple, et par le fait une triple peine : aux problèmes de santé dus au handicap s'ajoutent les problèmes d'argent, qui mettent parfois en péril les couples – sans même évoquer les cas malheureux de violences.
Cette mesure est en contradiction profonde avec la volonté de favoriser l'autonomie financière de l'individu au sein du couple, qui est un des piliers de la politique en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes : d'après une étude menée par l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales en 2016, les femmes en situation de handicap sont précisément celles qui subissent le plus de violences physiques et sexuelles au sein du couple. Le maintien de ces modalités de calcul en vient parfois à les entretenir.
Nous demeurons convaincus que l'AAH n'est pas un minimum social comme les autres. La situation des personnes handicapées étant malheureusement le plus souvent irréversible, il n'est pas possible de le comparer au RSA. Notre assemblée a adopté au mois de février la proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale, défendue par notre collègue Jeanine Dubié, que je salue, supprimant la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de l'AAH ainsi que dans son plafonnement. Cette initiative parlementaire mérite de prospérer. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Nous partageons tous ici, par-delà la diversité de nos parcours, la volonté de lutter contre la pauvreté, mais aussi l'inquiétude de devoir le faire alors que sévit une crise sanitaire d'une ampleur inégalée, et qui n'est pas terminée, tant s'en faut – des annonces nous attendent tout à l'heure. Chacun doit donc faire preuve d'une grande humilité en abordant de tels sujets et de tels budgets. Je tenais à vous remercier pour la mesure dont chacun a fait preuve dans ses propos en admettant que nous apportons des améliorations substantielles, quitte à relever qu'elles n'allaient pas toujours aussi loin que vous le souhaiteriez. J'ai en tout cas beaucoup apprécié la teneur de toutes vos interventions. Je commencerai par résumer notre action depuis le début de la crise sanitaire, avant de vous répondre sur des points plus précis.
Rappelons pour commencer que nous avons pris en faveur des plus précaires un ensemble de mesures sociales d'urgence d'une ampleur jusqu'alors inconnue dans ce pays et qui s'est élevé à 3 milliards d'euros de soutien direct, sous des formes différentes : une aide exceptionnelle de solidarité versée automatiquement, le 15 mai, à 4,1 millions de foyers en difficulté, une aide de 200 euros versée à 800 000 jeunes en difficulté, une revalorisation exceptionnelle de l'allocation de rentrée scolaire, pour un montant de 530 millions d'euros, auxquels est venue s'ajouter une nouvelle série d'aides, annoncées au début du mois d'octobre, pour un montant de 1 milliard d'euros – 150 euros pour les bénéficiaires du RSA, de l'ASS et aux jeunes percevant les APL, plus 100 euros supplémentaires par enfant.
Parallèlement, la politique nationale d'hébergement a été renforcée ; la fin de la trêve hivernale a été reportée. Les acteurs de l'aide alimentaire ont été aidés par la distribution massive de chèques alimentaires, notamment aux sans-abri. S'agissant de la lutte contre les inégalités en santé, 100 millions d'euros ont été prévus dans le Ségur de la santé. De son côté, le plan de relance prévoit des mesures de soutien aux associations de lutte contre la pauvreté et en faveur de l'hébergement, pour un montant de 100 millions d'euros.
À travers toutes ces mesures, prises au fil de l'eau, le Gouvernement a montré sa réactivité. Outre ces mesures financières, le Gouvernement a matériellement protégé les plus démunis en fournissant 53 millions de masques aux plus précaires, plus 52 millions de masques jetables mis à disposition des préfectures et 2 millions des associations – et cette aide est évidemment, compte tenu du contexte, en cours de renouvellement.
Enfin, il ne faut pas oublier que lutter contre la pauvreté, c'est avant tout à permettre aux gens de garder leur emploi : rappelons que l'indemnisation de l'activité partielle de plusieurs millions de salariés a coûté 7,6 milliards d'euros. Sans oublier le soutien aux auto‑entrepreneurs.
J'aimerais féliciter les réseaux d'élus qui ont participé à cet effort national, et continueront à y participer, par la force des choses. Ils méritent qu'on leur rende hommage, et on ne le fait pas assez. Il en est de même des bénévoles des associations, qui ont été sur le terrain et le seront encore, et des centres communaux d'action sociale, qui ont fait preuve d'une capacité d'innovation extraordinaire. On devrait en parler plus souvent, car tout cela participe de cet effort de solidarité nationale dans ces temps de crise sanitaire.
S'agissant de l'aide alimentaire, je remercie Jeanine Dubié d'avoir précisé qu'il faut tenir compte des périmètres respectifs du FEAD et de l'aide alimentaire nationale. Les fonds dédiés à l'aide alimentaire seront sanctuarisés. Nous y tenions, c'était une promesse du Président de la République. La France défend une certaine vision de l'Europe sociale alors que le modèle de financement européen de l'aide alimentaire avait été quelque peu mis à mal. Je tiens à vous rassurer : le passage du FEAD au Fonds social européen (FSE+) se fera en douceur et nous permettra d'être à la hauteur de ces enjeux essentiels, particulièrement cruciaux dans cette période.
Vous avez été plusieurs à souhaiter des explications sur la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. Au total, 252,6 millions d'euros dans le programme 304 seront consacrés à sa mise en œuvre. Nous avons adopté un mode de fonctionnement innovant, avec des collaborations étroites avec les départements, notamment sous forme de contractualisations avec les conseils départementaux – tous sauf deux, que je ne nommerai pas à nouveau, car cela ne serait pas gentil... – et des mesures pilotées par l'État, de manière tout à la fois centrale et déconcentrée, particulièrement pour ce qui concerne l'aide sociale à l'enfance.
Cette contractualisation est en cours ; l'axe n° 2 a été présenté, qui vise plus particulièrement l'insertion sociale et professionnelle. Certains considèrent que ce secteur ne devrait pas être ciblé en priorité ; j'estime au contraire que, en période de précarité accrue, il faut accompagner les gens. Plusieurs viviers d'emplois, notamment dans le domaine sanitaire, ne sont pas pourvus, alors même qu'ils pourraient l'être. Nous utiliserons les leviers disponibles pour booster le parcours emploi compétences, notamment en augmentant le plafond de l'aide accordée aux employeurs à 80 % du SMIC, ce qui les rend bien plus attractifs pour les collectivités territoriales et les associations désireuses de recruter, d'autant plus qu'ils s'accompagnent d'une formation et donc parfois d'une possibilité de sortie positive.
La prime d'activité a été augmentée massivement – on se souvent dans quelles conditions – en fin d'année, dans le cadre de mesures d'urgence. Son champ d'application a été notablement élargi ; les crédits inscrits pour son financement s'élèvent à plus de 11,2 milliards d'euros, en hausse de 0,7 milliard. Des mesures exceptionnelles ont été prises pour aider les travailleurs pauvres : les droits des allocataires n'ayant pas renseigné leur déclaration de ressources trimestrielle ont été maintenus et les actions de contrôle ont été suspendues. Par ailleurs, la prime d'activité a été cumulable avec le chômage partiel. Nous réfléchissons à la possibilité de maintenir ces dispositions tant que durera la crise sanitaire.
Perrine Goulet, Jeanine Dubié et d'autres ont évoqué l'aide sociale à l'enfance, sujet qui nous est cher. L'ASE est un axe important de notre politique, et nous sommes nombreux ici à y avoir travaillé d'une façon ou d'une autre. L'objectif, qui constitue une mesure socle des conventions signées par les conseils départementaux, est d'aider 100 % des jeunes devenus majeurs, sur la base de quatre-vingt-douze départements. En 2019, près de 20 000 jeunes relevant de l'ASE sont devenus majeurs. Plus de 50 % d'entre eux – 10 567 exactement – ont fait l'objet d'une prise en charge dans le cadre du référentiel de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. Nous avions, vous vous en souvenez, élaboré une charte des droits des enfants protégés ; aujourd'hui, les résultats sont là, même s'ils sont très hétérogènes et on ne peut que le déplorer. Beaucoup trop de disparités demeurent entre départements et ce constat vaut pour de nombreuses autres politiques sociales. Les contractualisations devront être revues au vu des résultats obtenus. En tout état de cause, des messages ont été adressés aux départements afin qu'ils ne procèdent à aucune sortie « sèche » de l'ASE tant que durera l'état d'urgence sanitaire. Pour les jeunes qui seraient malheureusement sans abri, des mesures d'hébergement d'urgence ont été prises. Les maraudes ont été reprises. Nous essaierons de circonscrire au maximum les effets de cette crise.
La question des mineurs non accompagnés (MNA) est assez compliquée à aborder dans le cadre d'un projet de loi de finances, car elle dépasse largement le seul aspect des crédits. La stratégie retenue consiste à préserver leur répartition au sein des compétences départementales, en travaillant avec un soutien financier et technique accru de la part de l'État, car il restait jusqu'alors insuffisant. L'indemnisation des départements durant la phase d'évaluation des MNA est améliorée, notamment grâce à la mise en place d'un forfait de 500 euros par évaluation, incluant un bilan de santé, un allongement de la durée d'indemnisation plus longue et une mise à l'abri – la seconde composante de l'aide de l'État étant attribuée au titre de la mise à l'abri des personnes qui se présentent comme MNA.
Le fichier d'aide à l'évaluation de la minorité, créé pour éviter des réévaluations de jeunes dans les différents départements, comporte une base nationale de recensement. Il a d'abord été expérimenté dans trois départements – l'Isère, l'Essonne et le Bas-Rhin – à partir du mois de février 2019 et ouvert aux autres le 1er avril de la même année : près de quatre-vingts départements utilisent désormais cet outil. Mentionnons également la refonte de l'arrêté relatif aux modalités de l'évaluation des personnes se présentant comme mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille, ainsi que le maintien du financement exceptionnel de la prise en charge des MNA dans le cadre du dispositif dit « Cazeneuve ».
Madame Corneloup, vous avez évoqué le futur projet de loi relatif au grand âge et à l'autonomie ; même si cela n'entre pas dans le cadre de ce budget, je tiens néanmoins à vous rassurer sur deux points.
Tout d'abord, nous ne partons pas de rien, je suis bien placée pour le savoir. Nous avons travaillé à ce sujet, et nous mènerons des évaluations et des concertations, qui serviront de base, aux côtés du travail parlementaire, pour anticiper et prévoir l'examen de ce projet de loi, qui est toujours prévu pour le premier trimestre 2021.
Pour ce qui est du « Laroque de l'autonomie », il ne s'agit pas, contrairement à l'interprétation qui en a été largement diffusée par certains réseaux, d'une énième concertation, mais bien d'une coconstruction, un peu dans le même esprit que le Ségur de la santé. C'est exactement ce que nous voulons faire : organiser quelques semaines de concertation pour coconstruire la loi, rien d'autre. La crise sanitaire reprenant de plus belle, son organisation déconcentrée et territorialisée est quelque peu mise en difficulté ; nous allons devoir procéder sous forme de visioconférences. Nous allons repenser le modèle, mais le fond demeurera inchangé. Quoi qu'il en soit, il ne s'agit pas d'une énième concertation, je le redirai partout où j'irai.
S'agissant du RUA, le chantier, annoncé par le Premier ministre, a lui aussi été mis en pause. De nombreux problèmes restent à régler : force est de constater que de nombreux organismes ne souhaitent pas que les prestations qu'ils versent soient intégrées dans le RUA.
Je remercie les orateurs d'avoir souligné les efforts accomplis en faveur du soutien à l'autonomie des personnes handicapées, notamment en matière d'emploi.
Quatre députés au moins sont revenus sur la demande de déconjugalisation de l'AAH. L'AAH est une prestation sociale destinée à assurer des conditions de vie dignes aux personnes handicapées dont les ressources sont les plus faibles, l'objectif étant de concentrer la solidarité nationale vers ceux qui en ont le plus besoin. À ce titre, son calcul, comme celui des autres minima sociaux, tient compte de l'ensemble des ressources du foyer du bénéficiaire, en cohérence avec l'objectif de lutte contre la pauvreté. Le seuil de pauvreté monétaire est apprécié en ramenant les ressources du foyer à sa composition. Le principe de solidarité entre conjoints sous-tend les mécanismes redistributifs, pour cibler la solidarité nationale au bénéfice des ménages les plus précaires.
Toutefois, les modalités de prise en compte des ressources du conjoint, du concubin ou du partenaire d'un bénéficiaire de l'AAH sont plus favorables qu'elles ne le sont pour tous les autres minima sociaux, au point d'en faire une prestation quasi individualisée. Les règles de calcul de l'AAH tiennent pleinement compte des besoins spécifiques de ses bénéficiaires. Ainsi, la base de calcul du plafond de ressources est réduite aux seules ressources imposables à l'impôt sur le revenu, et un abattement spécifique de 20 % sur la prise en compte des revenus du conjoint s'applique. Le plafond de ressources retenu est donc supérieur à celui applicable aux autres minima sociaux.
Il existe aussi des situations où la prise en compte des revenus du conjoint peut s'avérer favorable au bénéficiaire de l'AAH. Ainsi, un allocataire qui travaille et dont le conjoint ne travaille pas peut cumuler l'allocation à taux plein avec son revenu, par exemple en complément d'un SMIC. Depuis le mois de novembre 2019, il peut, dans ce cas précis, percevoir 900 euros en complément de son revenu d'activité rémunérée au SMIC. Si l'on ne prend plus en compte les ressources à l'échelle du foyer, cet allocataire ne pourra plus prétendre qu'à 344 euros mensuels au titre de l'AAH : ce serait pour lui un manque à gagner. Autrement dit, l'individualisation fera des gagnants et des perdants.
Ajoutons que cette mesure, défendue par Mme Dubié dans sa proposition de loi, renchérirait le budget de l'AAH de 560 millions d'euros par an, ce qui correspond à environ cinq fois ce que coûtera la création dans le cadre du plan de relance de l'aide à l'embauche visant à favoriser l'emploi des personnes en situation de handicap, dont l'effet de levier sera bien plus important sur le plan de l'autonomie ; c'est précisément à cet objectif que nous nous attachons à travers l'emploi accompagné. Je tenais à préciser le mode de fonctionnement de l'AAH, ainsi que la façon dont elle accroît les revenus des personnes qui en ont le plus besoin.
Plusieurs questions ont été posées sur l'emploi et la préservation des ESAT. Pendant la crise sanitaire, nous avons été aux côtés de ces établissements pour favoriser le maintien du revenu des personnes qui y travaillent et l'ensemble des ressources des établissements. Je l'ai dit tout à l'heure, 160 millions d'euros ont été consacrés aux ESAT entre le mois de mars et maintenant. Nous avons à notre disposition plusieurs leviers, dont celui du dispositif d'emploi accompagné.
Actuellement, 60 % des travailleurs handicapés bénéficiant de l'emploi accompagné sont en emploi durable. C'est donc un levier majeur pour l'entrée et le maintien dans l'emploi, c'est un accompagnement de la personne et du collectif de travail, et c'est ce que nous demandent vraiment les entreprises et les personnes en situation de handicap. Nous allons déployer ce dispositif d'emploi accompagné sur l'ensemble du territoire. À ce jour, plus de 70 % des départements disposent un dispositif emploi accompagné ; nous le transformons en plateforme afin de pouvoir servir l'ensemble des situations de handicap, sachant qu'à l'origine il était destiné au handicap déficience intellectuelle ou handicap psychique. Je tiens à saluer l'action de Messidor et de Clubhouse sur l'accompagnement des handicaps psychiques qui sont de vrais leviers : ESAT de transition, ESAT hors les murs, dispositif d'emploi accompagné, contrats à durée déterminée (CDD) dit « tremplin » à partir des entreprises adaptées. L'État est pleinement mobilisé puisque nous doublons les aides aux postes dans les entreprises adaptées. Elles ne sont pas inscrites dans ce budget-là mais elles contribuent à l'emploi et l'insertion professionnelle.
Le CDD « tremplin » est un véritable sas vers le milieu ordinaire ; nous sommes en train de réfléchir avec les ESAT sur les moyens d'accéder à ce dispositif. L'idée est de fluidifier les parcours en les sécurisant. C'est tout l'enjeu du grand rapport de l'Inspection générale des affaires sociales réalisé sur la transformation des ESAT. À cause de la crise sanitaire, nous avons été contraints de faire une pause, mais nous y travaillons dans chaque territoire, et des expérimentations très intéressantes sont en cours. Nous avons les leviers, nous avons les passerelles. Sécuriser le parcours, assurer la fluidité : tel est vraiment l'enjeu.
Je tiens à remercier Mme Goulet pour ses propos sur l'accès à ces droits, si fondamental, à travers le baromètre des MDPH. Deux de vos collègues, Agnès Firmin Le Bodo et Cécile Rilhac, font partie de la gouvernance nationale, donc du suivi de la feuille de route des MDPH. Je vous engage à vous en assurer dans vos territoires : comme certains l'ont dit, il est important de pouvoir vérifier que leur accès est bien une réalité. Vous serez certainement sollicités, dans le cadre de la gouvernance territoriale, pour accompagner dans vos circonscriptions cette transformation des MDPH, qu'il s'agisse des délais de traitement, de l'accès aux droits, et bien sûr de l'octroi des droits à vie, si important pour les personnes en situation de handicap. Il y va de leur dignité, et cela permet d'alléger la charge administrative qui pèse sur les épaules des familles et des personnes elles-mêmes.
Vous m'avez interrogée sur les expérimentations visant à faire revenir de Belgique les personnes des régions frontalières, mais également de territoires malheureusement très fragilisés, comme l'Île-de-France, le Nord et l'Est, où nous manquons de solutions pour accueillir les personnes en situation de handicap – autistes sévères, troubles du comportement, polyhandicap. Nous accélérons le processus : des crédits ont été inscrits sur plusieurs lignes budgétaires, précisément pour éviter les départs en Belgique et trouver des solutions durant la crise sanitaire ; nous avons anticipé le lancement des communautés 360 par rapport à ce qu'avait programmé la conférence nationale du handicap, ce qui répond à la question de M. Thierry Michels : le numéro 0 800 360 360 est encore plus crucial dans cette période de crise sanitaire. Il permet de répondre aux appels au secours sur les besoins de répit, mais également d'accès aux soins qui sont un véritable problème pour les personnes en situation de handicap. C'est ainsi que nous pourrons vraiment venir en aide aux publics et aux familles qui en ont le plus besoin.
Pour ce qui est des victimes de violences, nous travaillons pour pouvoir déclencher, dès qu'une mise à l'abri est faite, la possibilité pour une femme en situation de handicap de toucher à nouveau en totalité son AAH afin de favoriser son autonomie et de disposer d'une ressource propre. C'est assez complexe à mettre en place, mais il s'agit d'un engagement pris lors de la conférence nationale du handicap. Demain doit se tenir un comité interministériel du handicap ; le Premier ministre a reçu toutes les associations lundi pour aborder l'ensemble de ces sujets et montrer la mobilisation nationale du Gouvernement aux côtés des personnes en situation de handicap. Il a également entendu la demande de revalorisation des carrières et des salaires des personnels du secteur médico-social ; nous y travaillons.
Les sujets que nous défendons toutes et tous ce soir revêtent une importance cruciale en cette période de crise sanitaire et économique ; et je tiens à vous remercier pour vos contributions, vos suggestions et vos questions. Merci également d'avoir souligné les efforts importants réalisés pour promouvoir l'égalité entre les femmes et les hommes et lutter contre les violences dont les femmes sont encore trop souvent victimes.
Madame Goulet, je vous confirme que nous allons continuer de financer le parcours de sortie de la prostitution en 2021 et apporter un soutien renforcé aux associations dans le cadre d'une action globale de prévention et de lutte contre la prostitution. J'en profite pour remercier les associations sur le terrain, qui réalisent un travail remarquable. S'agissant des mineurs, un travail de coordination sera engagé avec le ministre Adrien Taquet, et j'ai décidé de réunir d'ici à la fin de l'année, j'espère le plus rapidement possible, un comité interministériel de suivi de la loi pour nous assurer de ses effets bénéfiques.
Lors du Grenelle des violences conjugales, le Gouvernement s'est fixé l'objectif ambitieux d'une plateforme téléphonique d'écoute des victimes de violences conjugales disponibles vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept, pour répondre notamment aux difficultés rencontrées dans les territoires ultramarins, du fait des décalages horaires, ainsi qu'aux demandes des personnes sourdes ou aphasiques. L'État entend faire de cette plateforme téléphonique d'écoute et d'orientation des victimes de violences conjugales un véritable service public. J'en profite pour souligner le travail remarquable réalisé par la Fédération nationale solidarités femmes depuis sa création, pour assurer l'écoute des victimes de violences conjugales, les soutenir et les accompagner.
Le cadre juridique dans lequel nous nous embarquons nécessite de passer une commande publique ; l'État étant à l'origine de cette démarche, il prendra en charge 100 % du financement de ces services. Bien évidemment, cette procédure est strictement encadrée par le droit des marchés publics ; elle garantira la qualité des projets présentés pour renforcer l'écoute et l'accompagnement des victimes de violences conjugales. Les candidats devront se conformer à un cahier des charges en cours de rédaction, extrêmement exigeant, qui devrait être publié d'ici à la fin de l'année. Compte tenu des délais juridiques nécessaires, la notification du marché public aura lieu d'ici au printemps prochain et le ministère et ses services seront particulièrement vigilants à la qualité des projets présentés, notamment en ce qui concerne la formation des écoutantes et des écoutants en matière de violences faites aux femmes, pour renforcer l'écoute et l'accompagnement des femmes et des enfants victimes de ces violences intrafamiliales.
Vous m'avez interrogée sur les différentes mesures prises pendant les périodes de confinement pour protéger les femmes et leurs enfants. Pour avoir vécu l'expérience du dernier confinement, nous savons que ce sont des périodes très anxiogènes qui augmentent encore les risques de violence. Nous nous sommes assurés que tous les dispositifs d'aide et d'écoute soient opérationnels : la ligne 3919 est là pour écouter, accompagner, guider et répondre à toutes les questions que les victimes peuvent se pose ; celles qui ne peuvent pas appeler peuvent envoyer un SMS au 114 et la plateforme gouvernementale arrêtonslesviolences.gouv.fr, ouverte vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, est reliée directement aux forces de l'ordre pour aider les personnes qui en ont besoin. Il existe également des dispositifs créés au printemps dernier et qui sont toujours actifs ; certains d'entre eux seront renforcés. Évidemment, l'accueil des plaintes en pharmacie continuera à exister, tout comme les points d'accueil dans les centres commerciaux. En lien avec tous les acteurs associatifs mobilisés sur le terrain, nous resterons très attentifs à l'évolution de la situation afin que les femmes soient totalement prises en charge lorsque ce sera nécessaire. Nous communiquerons également partout sur les moyens et les dispositifs mis à disposition pour que les femmes ne se sentent pas seules dans ces périodes extrêmement difficiles. Nous rappellerons bien sûr que les femmes n'ont absolument pas besoin d'attestation de sortie lorsqu'elles se sentent en danger : pour elles, le confinement ne s'applique pas. Les forces de l'ordre sont évidemment mobilisées et formées sur ces sujets pour réagir en urgence.
Madame Limon, la loi de 2016 constitue une avancée majeure pour protéger les femmes victimes des réseaux de traite des êtres humains et lutter contre le proxénétisme. Je rappelle qu'elle pénalise les clients de la prostitution. Elle nous a aussi permis de créer une aide financière pour aider les femmes qui le souhaitent à sortir de la prostitution et destinée à une insertion socioprofessionnelle. Le cadre juridique est donc en place ; reste, vous avez raison, à le décliner et à l'appliquer partout sur le territoire. À ce jour, il existe soixante-quinze commissions départementales de lutte contre la prostitution, soit treize de plus qu'en 2019. Mais je conviens que ce n'est pas suffisant et que nous devons avoir une meilleure couverture sur l'ensemble du territoire. J'ai rencontré récemment l'association Le Mouvement du Nid qui mène sur tout le territoire un énorme travail de sensibilisation et d'accompagnement des femmes en situation de prostitution. Parce que ces associations doivent avoir les moyens de poursuivre leur mission partout, nous leur apportons un soutien financier substantiel, tant au niveau national ainsi qu'au niveau local : en 2020, 2,1 millions d'euros d'aides supplémentaires auront été apportés aux associations, qui s'ajoutent aux 2 millions d'euros consacrés à l'AFIS. Enfin, j'entends réunir d'ici à la fin de cette année un comité interministériel pour suivre l'exécution et l'application de la loi d'avril 2016.
Les sujets que nous défendons toutes et tous ce soir revêtent une importance cruciale en cette période de crise sanitaire et économique ; et je tiens à vous remercier pour vos contributions, vos suggestions et vos questions. Merci également d'avoir souligné les efforts importants réalisés pour promouvoir l'égalité entre les femmes et les hommes et lutter contre les violences dont les femmes sont encore trop souvent victimes.
Madame Goulet, je vous confirme que nous allons continuer de financer le parcours de sortie de la prostitution en 2021 et apporter un soutien renforcé aux associations dans le cadre d'une action globale de prévention et de lutte contre la prostitution. J'en profite pour remercier les associations sur le terrain, qui réalisent un travail remarquable. S'agissant des mineurs, un travail de coordination sera engagé avec le ministre Adrien Taquet, et j'ai décidé de réunir d'ici à la fin de l'année, j'espère le plus rapidement possible, un comité interministériel de suivi de la loi pour nous assurer de ses effets bénéfiques.
Lors du Grenelle des violences conjugales, le Gouvernement s'est fixé l'objectif ambitieux d'une plateforme téléphonique d'écoute des victimes de violences conjugales disponibles vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept, pour répondre notamment aux difficultés rencontrées dans les territoires ultramarins, du fait des décalages horaires, ainsi qu'aux demandes des personnes sourdes ou aphasiques. L'État entend faire de cette plateforme téléphonique d'écoute et d'orientation des victimes de violences conjugales un véritable service public. J'en profite pour souligner le travail remarquable réalisé par la Fédération nationale solidarités femmes depuis sa création, pour assurer l'écoute des victimes de violences conjugales, les soutenir et les accompagner.
Le cadre juridique dans lequel nous nous embarquons nécessite de passer une commande publique ; l'État étant à l'origine de cette démarche, il prendra en charge 100 % du financement de ces services. Bien évidemment, cette procédure est strictement encadrée par le droit des marchés publics ; elle garantira la qualité des projets présentés pour renforcer l'écoute et l'accompagnement des victimes de violences conjugales. Les candidats devront se conformer à un cahier des charges en cours de rédaction, extrêmement exigeant, qui devrait être publié d'ici à la fin de l'année. Compte tenu des délais juridiques nécessaires, la notification du marché public aura lieu d'ici au printemps prochain et le ministère et ses services seront particulièrement vigilants à la qualité des projets présentés, notamment en ce qui concerne la formation des écoutantes et des écoutants en matière de violences faites aux femmes, pour renforcer l'écoute et l'accompagnement des femmes et des enfants victimes de ces violences intrafamiliales.
Vous m'avez interrogée sur les différentes mesures prises pendant les périodes de confinement pour protéger les femmes et leurs enfants. Pour avoir vécu l'expérience du dernier confinement, nous savons que ce sont des périodes très anxiogènes qui augmentent encore les risques de violence. Nous nous sommes assurés que tous les dispositifs d'aide et d'écoute soient opérationnels : la ligne 3919 est là pour écouter, accompagner, guider et répondre à toutes les questions que les victimes peuvent se pose ; celles qui ne peuvent pas appeler peuvent envoyer un SMS au 114 et la plateforme gouvernementale arrêtonslesviolences.gouv.fr, ouverte vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, est reliée directement aux forces de l'ordre pour aider les personnes qui en ont besoin. Il existe également des dispositifs créés au printemps dernier et qui sont toujours actifs ; certains d'entre eux seront renforcés. Évidemment, l'accueil des plaintes en pharmacie continuera à exister, tout comme les points d'accueil dans les centres commerciaux. En lien avec tous les acteurs associatifs mobilisés sur le terrain, nous resterons très attentifs à l'évolution de la situation afin que les femmes soient totalement prises en charge lorsque ce sera nécessaire. Nous communiquerons également partout sur les moyens et les dispositifs mis à disposition pour que les femmes ne se sentent pas seules dans ces périodes extrêmement difficiles. Nous rappellerons bien sûr que les femmes n'ont absolument pas besoin d'attestation de sortie lorsqu'elles se sentent en danger : pour elles, le confinement ne s'applique pas. Les forces de l'ordre sont évidemment mobilisées et formées sur ces sujets pour réagir en urgence.
Madame Limon, la loi de 2016 constitue une avancée majeure pour protéger les femmes victimes des réseaux de traite des êtres humains et lutter contre le proxénétisme. Je rappelle qu'elle pénalise les clients de la prostitution. Elle nous a aussi permis de créer une aide financière pour aider les femmes qui le souhaitent à sortir de la prostitution et destinée à une insertion socioprofessionnelle. Le cadre juridique est donc en place ; reste, vous avez raison, à le décliner et à l'appliquer partout sur le territoire. À ce jour, il existe soixante-quinze commissions départementales de lutte contre la prostitution, soit treize de plus qu'en 2019. Mais je conviens que ce n'est pas suffisant et que nous devons avoir une meilleure couverture sur l'ensemble du territoire. J'ai rencontré récemment l'association Le Mouvement du Nid qui mène sur tout le territoire un énorme travail de sensibilisation et d'accompagnement des femmes en situation de prostitution. Parce que ces associations doivent avoir les moyens de poursuivre leur mission partout, nous leur apportons un soutien financier substantiel, tant au niveau national ainsi qu'au niveau local : en 2020, 2,1 millions d'euros d'aides supplémentaires auront été apportés aux associations, qui s'ajoutent aux 2 millions d'euros consacrés à l'AFIS. Enfin, j'entends réunir d'ici à la fin de cette année un comité interministériel pour suivre l'exécution et l'application de la loi d'avril 2016.
Mesdames les ministres, ce fut une joie pour tous nos collègues ici présents de recevoir ensemble les trois « drôles de dames », si vous me permettez l'expression...
La commission en vient à l'examen des crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances.
Article 33 et état B : Crédits du budget général
La commission est saisie de l'amendement II-AS2 de Mme Jeanine Dubié.
Cet amendement tend, dans un souci de respect de l'autonomie des personnes, à revenir sur la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul et le plafonnement de l'allocation aux adultes handicapés.
Quand une personne qui travaille se retrouve en situation d'invalidité, on ne tient pas compte des ressources de son conjoint pour calculer le montant de sa pension d'invalidité. Une personne qui présente une incapacité de plus de 80 % et bénéficie de l'AAH ne peut pas exercer d'activité professionnelle. Elle ne saurait être doublement pénalisée, à la fois par son handicap, qui l'empêche d'exercer une activité, et par le fait de vivre en couple, les ressources de son conjoint étant prises en compte dans le calcul de l'AAH !
Nous ne cessons d'être interpellés à ce sujet. J'ai bien conscience que cet amendement a très peu de chances d'être adopté ; considérez-le donc comme un amendement d'appel. Je demande au Gouvernement de travailler sur la question, car on ne peut s'en tenir au statu quo, et parler à tout bout de champ d'autonomie sans pour autant permettre aux personnes concernées de disposer de leurs propres ressources, voire de se séparer de leur conjoint – ce qui leur est impossible, puisqu'on les rend financièrement dépendantes de lui.
Avis défavorable.
Mme la secrétaire d'État l'a souligné : faisant partie des minima sociaux, l'AAH tient compte de la solidarité qui s'exerce au sein du foyer. Qui plus est, elle a fait l'objet d'une revalorisation exceptionnelle, son montant s'élevant, depuis avril 2020, à plus de 900 euros, alors qu'elle n'était, au 1er avril 2017, juste avant notre entrée en fonction, que de 810,89 euros, par suite d'une revalorisation de 2,43 euros seulement. Cela représente une augmentation de 11 % par rapport à 2017, et un engagement de près de 2 milliards d'euros sur l'ensemble du quinquennat.
Je dois bien reconnaître qu'il y a deux ans, je m'étais moi-même interrogé sur les conséquences de la réforme. Or il s'avère que celle-ci a profité à 90 % des bénéficiaires ; 60 % des ménages, soit 162 000 personnes, ont bénéficié d'une revalorisation à plein et, pour les 40 % restants, le montant de l'AAH n'a pas diminué.
Enfin, je suis opposé à la diminution proposée des crédits de l'action 17 du programme 124, tout particulièrement dans le contexte sanitaire actuel. Nous avons besoin de renforcer l'action des agences régionales de santé, qui bénéficient dans le PLF 2021 d'une hausse de 5,7 % de leurs crédits, ce qui représente sur le terrain 500 agents supplémentaires, qui nous permettront d'être plus réactifs et de mieux coordonner nos actions pour lutter contre la crise sanitaire.
Allons, monsieur le rapporteur ! Tout député bien informé sait que, du fait de l'article 40 de la Constitution et de la loi organique relative aux lois de finances, nous sommes obligés de prendre des crédits quelque part ; mais rien n'empêche le Gouvernement de lever le « gage ». Votre argument est inaudible, et pour tout dire, petit...
Sur le fond, l'AAH est, comme son nom l'indique, une allocation. Elle relève du champ des prestations familiales, et elle est liée à l'état de handicap de la personne. Vous avez beau nous répéter ce qu'a dit Mme la secrétaire d'État, nous en sommes convaincus et continuerons à nous battre sur ce point.
Je le répète : il s'agit d'une question de dignité et d'autonomie. Vous qui ne cessez de parler d'autonomie, vous refusez aux personnes en situation de handicap la possibilité d'être autonomes grâce à la perception des revenus qui leur sont dus.
Je veux abonder dans le sens de Jeanine Dubié : nous sommes très souvent interpellés sur cette question, et je trouve vraiment dommage que la revalorisation de l'AAH n'ait pas été pleinement effective : comme vous l'indiquiez vous‑même, monsieur le rapporteur pour avis, presque un foyer sur deux – 40 % contre 60 % – n'a pu en bénéficier. Pourtant, initialement, le but de cette revalorisation était de renforcer l'autonomie de la personne handicapée, à travers son indépendance financière. Mme la secrétaire d'État a beau expliquer que, pour toutes les prestations sociales, on tient compte du revenu du conjoint, je soutiens que l'AAH n'a rien à voir avec les autres prestations sociales dans la mesure où elle est liée à un handicap et à l'incapacité d'une personne à travailler. Pour quelle raison devrait-on tenir compte des revenus du conjoint ? Le Gouvernement devrait vraiment réfléchir à l'éventualité de déconjugaliser cette prestation.
Je suis d'accord avec ce que viennent de dire les oratrices précédentes. Une rectification à destination du rapporteur : l'AAH a bien été augmentée entre 2012 et 2017, puisqu'elle est passée de 743 à 808 euros. Ne laissez pas croire que rien n'a été fait avant vous !
Le gage, c'est au Gouvernement de le lever, madame Dubié ; c'est donc à lui qu'il faut vous adresser. Et quoi qu'il en soit, on ne déshabille pas Pierre pour habiller Paul, ni Paul pour habiller Jacques... Vu le contexte sanitaire, toutes les lignes ont besoin d'être abondées.
Quant à la déconjugalisation de l'AAH, la secrétaire d'État vous a répondu.
Je maintiens mon avis défavorable.
Même si, à titre personnel, je serais favorable à un revenu universel individualisé, je trouve qu'il serait injuste de faire un cas spécifique d'un des minima sociaux. Quand on a épuisé ses droits au chômage et qu'on souhaite percevoir l'ASS, on est tributaire des revenus du couple...
On n'en est pas moins dans une situation totalement subie : dans la mesure où l'on n'est pas en situation de retrouver un emploi, on se retrouve financièrement dépendant de son conjoint. Le fait de ne pas avoir la capacité de travailler est un autre problème, qui mérite toute notre attention et contre lequel nous luttons, puisque la politique du Gouvernement est aussi de faire en sorte que, même si l'on est lourdement handicapé et que l'on perçoit à ce titre l'AAH, on puisse accéder à un emploi compatible avec son handicap. Que tout le monde puisse accéder à l'emploi : telle est la volonté politique du Gouvernement. Pour les personnes qui se trouveraient néanmoins sans solution, je serais d'accord pour qu'une prestation de compensation du handicap individualisée soit versée, mais, s'agissant des minima sociaux, il n'y a aucune raison de faire une exception.
Je le répète : contrairement au RSA, l'AAH ne fait pas partie des minima sociaux. C'est sur ce point que nous divergeons. Mais restons-en là.
La commission rejette l'amendement.
Puis, suivant l'avis du rapporteur pour avis, elle émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances sans modification.
Après l'article 58
La commission examine l'amendement II-AS21 de M. Thierry Michels.
Cet amendement tend à revaloriser le travail des personnes handicapées. Dans un rapport d'octobre 2019 relatif aux ESAT, l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l'Inspection générale des finances (IGF) préconisent de mieux reconnaître le travail des usagers d'ESAT, en rehaussant la part de la rémunération directe dans leur salaire et en abaissant celle des prestations sociales. Les économies d'argent public ainsi réalisées serviraient à financer les dispositifs d'accompagnement des personnes handicapées vers le milieu ordinaire.
L'objet de cet amendement est de demander une étude de la faisabilité d'une telle mesure et de ses impacts sur les ESAT, dans une optique de concertation. De manière plus générale, c'est la question de l'emploi des personnes handicapées qui est posée, la logique de la sous-traitance incitant les ESAT à être compétitifs pour obtenir des marchés, donc à ne pas mieux payer les usagers handicapés. Les entreprises ne devraient-elles pas davantage payer les services et prestations des ESAT auxquels elles font appel dans le cadre de la responsabilité sociétale ?
Au-delà se pose la question de l'effort collectif à fournir pour permettre à nos concitoyens handicapés de trouver leur place pleine et entière dans la société, et, en définitive, de la pertinence et de l'efficacité des politiques publiques menées à cet effet. Les très nombreux dispositifs actuels atteignent-ils leur but ? Permettent-ils à nos concitoyens en situation de handicap de contribuer au mieux, dans la mesure de leurs possibilités, au monde du travail, dans le cadre d'une société plus inclusive ?
Votre amendement est en effet inspiré d'un rapport de l'IGAS et de l'IGF ; le Gouvernement souhaitait lui-même faire évoluer le modèle des ESAT pour contribuer davantage à l'insertion des travailleurs handicapés en milieu ordinaire, mais cette réflexion a été interrompue par la crise sanitaire. Nous en sommes d'accord : il convient de renforcer la dimension inclusive des ESAT, et d'étendre le champ de leurs missions, notamment aux compétences d'expertise pour l'accompagnement des situations. Si le poids relatif de chacun des éléments de leur rémunération peut contribuer au sentiment de reconnaissance des travailleurs en ESAT, l'utilité des missions accomplies revêt une importance de premier plan.
Cependant, la secrétaire d'État l'a dit tout à l'heure, dans le contexte actuel, nous pouvons difficilement aller plus vite ; qui plus est, s'il était adopté, votre amendement risquerait même de fragiliser financièrement les ESAT. C'est pourquoi je vous invite à le retirer et à le redéposer en séance publique ; à défaut, mon avis serait défavorable.
Mon objectif était d'engager une réflexion sur cette question. Je vais donc retirer mon amendement pour le retravailler dans un sens peut-être plus global, afin que l'ensemble de ces dispositifs fassent l'objet d'un rapport du Gouvernement ou d'une mission d'information du Parlement, en vue d'assurer une meilleure inclusion des personnes handicapées dans le monde du travail et, au-delà, dans l'ensemble de la société.
L'amendement est retiré.
La réunion s'achève à dix-neuf heures dix.