Présidence
La commission poursuit l'examen des articles 48 à 71, non rattachés, de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2019 (n° 1255) (M. Joël Giraud, rapporteur général).
Article 52 : Suppression de l'exonération de taxe sur les conventions d'assurances (TSCA) sur la garantie décès des contrats d'assurance emprunteur
La commission examine les amendements de suppression II-CF15 de Mme Véronique Louwagie, II-CF100 de Mme Marie-Christine Dalloz et II-CF900 de Mme Émilie Bonnivard.
L'article 52 de ce projet de loi de finances a pour objet de supprimer l'exonération de taxe spéciale sur les conventions d'assurances (TSCA) sur la garantie décès des contrats d'assurance emprunteur. Il est prévu que les recettes soient affectées à la société Action Logement Services pour ses besoins de financement.
Nous parlons d'un budget de 560 millions d'euros. Cela veut dire que la suppression de cette exonération entraînera pour les emprunteurs un surcoût de 560 millions d'euros ! Je m'oppose à une telle disposition, qui affectera crédits immobiliers, crédits à la consommation et crédits professionnels. Il est déjà difficile pour certains d'équilibrer leur budget et d'accéder au crédit ; leur imposer d'assumer cette nouvelle charge, c'est priver certains d'accès au crédit.
Je propose donc la suppression de cet article.
Je propose également de supprimer cet article.
Tout le monde a souscrit un emprunt immobilier. Le surenchérissement de la garantie décès sera de 9 %, et vous savez que le coût de l'assurance porte non sur le capital restant dû, mais sur la totalité du capital emprunté. Cette charge supplémentaire sera donc assumée par les emprunteurs pendant toute la durée du prêt. Bien sûr, ces 560 millions d'euros seraient une recette supplémentaire pour l'État, mais, une fois encore, c'est le pouvoir d'achat des Français qui est entamé. Et cela affectera purement et simplement l'immobilier.
Nous tirons la sonnette d'alarme depuis deux ans. Toutes les mesures affectant l'immobilier auront un jour des conséquences. Cette surtaxe sur les garanties décès des contrats d'assurance emprunteur est une nouvelle atteinte au pouvoir d'achat des Français !
Une fraction du produit de la TSCA est affectée aux départements, qui en reversent une partie aux services départementaux d'incendie et de secours (SDIS). En vertu de cet article, les recettes affectées aux départements seront diminuées en raison de la réorientation de ces montants vers Action Logement Services. Cela ne semble pas opportun dans une période où ces collectivités se trouvent déjà amputées d'une partie de leurs ressources et obligées d'assumer des charges extrêmement importantes, qu'il s'agisse de l'action sociale ou des mineurs non accompagnés.
Les deux autres principales garanties des contrats d'assurance emprunteur, la garantie invalidité incapacité et la garantie perte d'emploi, sont assujetties à la TSCA. Pourquoi la garantie décès ne le serait-elle pas ? Rien ne justifierait cette incohérence, d'autant que l'ouverture du marché de l'assurance permet, c'est le moins qu'on puisse dire, une certaine concurrence. Au-delà, étant donné que le rendement de la TSCA est amélioré, il n'y a pas à s'inquiéter pour les affectataires actuels de ladite taxe, qui continueront à la percevoir dans des conditions identiques.
Je suis donc défavorable à ces amendements de suppression.
Monsieur le rapporteur général, l'assurance perte d'emploi et l'assurance invalidité ne sont pas obligatoires, au contraire de l'assurance décès, que, de nos jours, les banques exigent. Trouvez donc un prêteur qui n'exige pas cette garantie !
Le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires sur les taxes affectées est très intéressant. Le Gouvernement ne veut plus de taxes affectées, mais voici que des moyens financiers supplémentaires sont trouvés pour Action Logement Services, par de telles taxes dont l'affectation sera certainement plafonnée un jour. J'ajoute qu'Action Logement Services exerce une compétence de l'État. Pourquoi le seul contribuable emprunteur devrait-il la financer ?
Cet article met à la charge des Français 560 millions d'euros. Par ailleurs, la fin de l'exonération s'appliquerait également, semble-t-il, aux surprimes, encore souvent imposées aux personnes présentant un risque de santé aggravé lorsqu'elles accèdent à l'assurance, notamment via la convention AERAS, « S'assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé » ou la mise en oeuvre du droit à l'oubli. Me confirmez-vous donc, monsieur le rapporteur général, que ces surprimes ne seraient plus, elles non plus, exonérées de cette taxe ? Le cas échéant, nos amendements de suppression n'en seraient que plus justifiés.
Le Gouvernement prétend avoir entendu : il faut donner du pouvoir d'achat à nos concitoyens. Pourtant, avec une telle disposition, le pouvoir d'achat de nos concitoyens se trouve réduit d'un demi-milliard d'euros. Encore une fois, il y a un écart entre les discours et les actes. La fiscalité sera alourdie de plus d'un demi-milliard d'euros par cette taxe affectée !
Bien évidemment, je soutiens ces amendements, et je ne comprends pas votre argument, monsieur le rapporteur général. C'est une taxe gouvernementale de plus ! Et puis emprunter pour acheter une maison, pour un couple, c'est un projet de vie. Alourdir le coût de cet emprunt, c'est parfois rendre impossible la réalisation du projet. Face à un gouvernement champion du monde des taxes, je soutiens bien évidemment ces amendements de suppression !
L'assurance, chers collègues, n'est absolument pas obligatoire. Ce sont là des pratiques et des exigences des banques.
On peut subroger un contrat et le donner en garantie plutôt que de prendre une assurance décès. Évidemment, je peux comprendre le sens de ces amendements de suppression, mais pourquoi traiter le risque décès différemment du risque invalidité ? Cela ne me semble pas logique, d'autant que le marché s'ouvre et que le montant des primes diminue. L'effet ne sera donc pas catastrophique, et nous pouvons tout à fait dénoncer par ailleurs la pratique consistant à exiger une assurance décès.
Certes, cher collègue Mattei, il n'est inscrit dans nulle loi que l'assurance décès est obligatoire mais, dans les faits, les banques l'exigent.
Si le groupe Socialistes et apparentés n'a pas déposé d'amendement de suppression, c'est parce qu'il y a effectivement une question de cohérence. Et puis le principal, dans cette affaire d'assurance immobilière, c'est quand même la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation, qui permet aujourd'hui aux emprunteurs de renégocier pendant toute la durée de vie de leur emprunt, ce qu'ils n'hésitent plus à faire. Nous avons donc une concurrence saine dans le secteur. Il conviendrait plutôt de promouvoir encore une mesure largement méconnue.
Que dit l'évaluation préalable de l'article ? La suppression de l'exonération est justifiée par cet énoncé : « L'objectif social de limitation du coût de l'accès à un crédit immobilier ou à la consommation est également aujourd'hui moins justifié, dans un contexte de taux bas. » Chers collègues, ne vous faites aucune illusion : lorsque les taux remonteront – et ils commenceront à le faire dès l'an prochain –, vous pouvez être sûrs que l'on ne reviendra pas sur cette suppression d'exonération ! L'argument est donc nul et non avenu.
Selon un deuxième argument, l'exonération ne serait justifiée ni juridiquement ni économiquement : « Sur le plan économique, l'avantage fiscal dont [ces contrats] bénéficient au travers de cette exonération constitue un effet d'aubaine. » Mais où donc est l'effet d'aubaine ?
Chers collègues, les justifications données par l'étude d'impact sont nulles et non avenues. La véritable raison de cette suppression d'exonération est qu'il s'agit de financer Action Logement Services à la suite des décisions prises. Le reste, c'est du « blabla ».
Et qu'en est-il, monsieur le rapporteur général, de la rétroactivité de la mesure ? On nous affirme qu'elle ne s'appliquera que pour l'avenir, mais quid de ceux qui ont renégocié leur assurance sur des emprunts antérieurs au 1er janvier 2019 ? Seront-ils taxés parce qu'ils ont renégocié ? Pourrait-on nous préciser cela, qui n'est pas du tout indiqué dans l'évaluation préalable ?
Je crois que vous déposez par ailleurs, cher collègue de Courson, un amendement visant à limiter l'application de la mesure aux contrats conclus après le 1er janvier 2019. Il y a vraiment matière à interrogation sur ce point.
Sur le fond, je ne suis pas d'accord pour considérer que le pouvoir d'achat est financé par le crédit. Le crédit finance des besoins extrêmement particuliers, des projets de vie, mais pas forcément le pouvoir d'achat des ménages au quotidien. Je rejoins parfaitement Mme Pires Beaune sur la cohérence de cette mesure par rapport à ce qui existe déjà pour le risque invalidité et sur la renégociation fréquente des prêts et contrats d'assurance depuis la loi relative à la consommation, dite « loi Hamon ». C'est pourquoi je ne voterai pas les amendements de suppression. En revanche, je m'interroge sur celui que M. de Courson a déposé à propos de la rétroactivité de cette mesure.
Une autre manière d'assurer une cohérence aurait été de supprimer la TSCA pesant sur les autres garanties...
La commission rejette les amendements.
Elle se saisit ensuite des amendements identiques II-CF16 de Mme Véronique Louwagie, II-CF99 de Mme Marie-Christine Dalloz, II-CF1192 de M. Xavier Paluszkiewicz et II-CF1203 de M. Charles de Courson.
Par cet amendement de repli, je propose de limiter le champ de cet article aux seuls contrats d'assurance emprunteur portant sur des prêts immobiliers. Pourquoi taxer les crédits à la consommation et les crédits professionnels qui n'ont aucun lien avec Action Logement Services ? Je propose de réduire l'assiette.
Il s'agit de revenir aux fondamentaux. Financer, aujourd'hui, du logement social par une taxation des assurances emprunteurs contractées dans le cadre du marché privé, c'est déjà assez novateur. Vous représentez-vous le renchérissement du coût pour les futurs acquéreurs ? Si vous considérez que plus personne ne doit être propriétaire et que tout le monde doit passer par l'accession sociale, par le logement social, vous faites une profonde erreur. Nous sommes bien loin de nos récents débats sur les business angels !
J'entends parfaitement les arguments énoncés tout à l'heure par le rapporteur général sur les prêts immobiliers, mais je rejoins mes collègues : nous pourrions ne pas supprimer l'exonération pour les crédits à la consommation. Les recettes étant fléchées vers Action Logement Services, il est pertinent de supprimer plutôt l'exonération pour les prêts immobiliers.
Le 18 juillet dernier, le gouverneur de la Banque de France nous disait que le nombre de dossiers de surendettement avait progressé de 5 %. Ce n'est pas bon signe. Il semblerait que cela concerne pour 21 % des prêts à la consommation et pour 79 % de prêts immobiliers, mais il serait bon de disposer de chiffres plus précis pour nous prononcer de manière éclairée sur la suppression de cette exonération.
Par mon amendement, je propose de limiter la suppression de l'exonération aux seules assurances liées à des prêts immobiliers. D'après l'évaluation préalable, les assurances liées aux prêts immobiliers concernés représenteraient un montant de 4,5 milliards d'euros, celles liées aux crédits à la consommation 1,3 milliard d'euros, celles liées aux prêts professionnels 0,4 milliard d'euros. En somme, l'amendement réduirait d'un tiers le champ de cette suppression d'exonération. Est-il bien raisonnable de renchérir le crédit à la consommation ? Nous avons d'ailleurs constitué un groupe d'études sur le surendettement. Excluons donc prêts professionnels et prêts à la consommation du champ de cet article.
Je rappellerai seulement quelques chiffres. En fait de coût du crédit, le renchérissement résultant de cet article ne serait, pour un crédit renouvelable sur douze mois, par exemple pour acheter un ordinateur, que de 1 euro par mois, de même que sur un crédit automobile de 15 000 euros d'une durée de soixante-douze mois. Le renchérissement d'un crédit immobilier de 100 000 euros sur quinze ans serait de 3 euros par mois. Le renchérissement d'un crédit immobilier de 500 000 euros sur vingt-cinq ans serait de 17 euros par mois. Voilà la réalité. Par ailleurs, n'oublions pas les effets de la loi « Hamon », citée à juste titre tout à l'heure, et de la concurrence, si bien que les montants peu élevés que je viens de donner sont en fait des montants théoriques maximaux.
Je suis défavorable à l'ensemble de ces amendements.
La commission rejette les amendements.
Puis elle adopte l'amendement rédactionnel II-CF855 du rapporteur général.
Elle en vient ensuite à l'amendement II-CF1170 de M. Charles de Courson.
Cet amendement dispose que la TSCA s'applique aux contrats d'assurance en cas de décès souscrit en garantie du remboursement d'un prêt conclu à compter du 1er janvier 2019. Si, comme vous pouvez le faire tous les ans, vous dénoncez le contrat d'assurance de votre prêt souscrit antérieurement à cette date pour prendre une nouvelle assurance, vous conserverez le bénéfice de l'exonération. Il s'agit de régler le problème que j'ai soulevé tout à l'heure.
Je comprends votre idée, cher collègue. Il s'agit d'éviter que cet article ne dissuade les emprunteurs déjà assurés de chercher à changer d'assurance. Je rappelle cependant que les règles de résiliation sont, depuis plusieurs années, considérablement assouplies, et le Conseil constitutionnel a rendu au mois de janvier dernier une décision déclarant conformes à la Constitution les dispositions de la loi du 21 février 2017 permettant de résilier chaque année son contrat d'assurance en matière de crédit immobilier.
Avec les nouvelles conditions de marché dans le domaine de l'assurance emprunteur associée à des emprunts immobiliers, cela limitera les répercussions de l'assujettissement de la TSCA sur les primes d'assurance, y compris dans le cas de la renégociation de contrats anciens. Le risque d'un effet désincitatif de l'assujettissement de la TSCA aux contrats d'assurance me paraît donc faible.
En l'état du texte, ce ne sera même pas la peine de renégocier une assurance pour en diminuer le coût de 10 %, puisque la taxe est déjà de 9 %...
Ceux qui négocient bien parviennent à une assurance au taux de 0,5 % ou 0,6 %. Sans négociation, cela peut dépasser 1 % du montant du prêt. Chacun sait que l'étude de l'Inspection générale des finances montrait que la marge, en ce domaine, était de 50 %. Mettons-nous donc dans une situation de marché. Cela fait un écart de 10 %, ce n'est pas normal.
S'il s'agit de prendre des dispositions pour l'avenir, il faut régler la question des prêts antérieurs.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 52, modifié.
Article additionnel après l'article 52 : Pérennisation de la réduction de tarif de la taxe sur les conventions d'assurances (TSCA) applicable à Mayotte
La commission examine, en discussion commune, les amendements II-CF954 du rapporteur général et II-CF1376 de Mme Ramlati Ali.
L'amendement II-CF954 vise à pérenniser la réduction de tarif de la TSCA prévue par l'article 57 de la loi de finances rectificative du 29 décembre 2013 pour le département de Mayotte. Il a également pour objet de procéder à une modification rédactionnelle nécessaire.
L'amendement II-CF1376 procède du même esprit, mais son objet est un peu plus réduit. J'invite donc Mme Ali et les autres signataires à se rallier à celui que je viens de défendre.
N'y a-t-il, monsieur le rapporteur général, de régime dérogatoire qu'à Mayotte ? Je croyais me souvenir d'exonérations en vigueur en Polynésie ou en Nouvelle-Calédonie.
Ce n'est, à ma connaissance, qu'à Mayotte qu'une mesure de réduction de ce tarif expire à la fin de l'année. Cependant, si des cas particuliers n'ont pas été considérés, nous pourrons les examiner d'ici à la séance publique.
En Guyane, le tarif est divisé par deux – je n'invente rien, cela figure dans l'évaluation préalable. Il serait donc pertinent de compléter votre amendement, monsieur le rapporteur général.
Si un dispositif pérenne est déjà en vigueur, il n'y a rien à changer. À Mayotte, c'est un dispositif transitoire qui prend fin. Il convient donc de le pérenniser.
L'amendement II-CF1376 est retiré.
La commission adopte l'amendement II-CF954.
Article 53 : Plafonnement de l'abattement sur les bénéfices en faveur des jeunes agriculteurs
La commission examine les amendements de suppression II-CF901 de Mme Émilie Bonnivard et II-CF992 de M. Jean-Paul Mattei.
Actuellement, les jeunes agriculteurs bénéficient d'un abattement de 50 % sur le bénéfice imposable réalisé au cours des cinq premières années d'activité. L'article 53 a pour objet de remettre en cause cet avantage en proposant un abattement dégressif qui tienne compte du bénéfice effectivement réalisé. Il aboutira donc à augmenter l'impôt des jeunes agriculteurs. On peut comprendre la nécessité, en droit, de ne pas octroyer un avantage automatique indépendant du bénéfice réalisé. Cependant, du point de vue de l'attractivité, c'est une fausse bonne idée. L'article repose sur l'idée d'un bénéfice stable de l'agriculteur, que corrobore rarement la réalité. Si la situation se dégrade au cours des cinq ans, son traitement fiscal sera moins favorable qu'en application des dispositions en vigueur.
De plus, le régime actuel a le mérite de la simplicité, tandis que le régime introduit par cet article est beaucoup plus complexe, et aucun dispositif n'est prévu pour atténuer les effets de seuil susceptibles de résulter de l'introduction d'un système de tranches. Cela pourrait entraîner des phénomènes d'optimisation ou des déclarations ne correspondant pas à la réalité.
Il faut que les jeunes aient envie de s'installer. L'objectif doit donc être la simplicité et l'attractivité. C'est là un choix politique.
Souscrivant aux propos de ma collègue, j'ajouterai simplement que l'activité agricole s'inscrit dans le temps long. Il faut donc prévoir les aléas. Cet article donne un mauvais signal. En outre, l'application du dispositif sera très compliquée. Dans un souci de simplification, je propose la suppression de ces dispositions qui, pour moi, marquent un retour en arrière.
Contrairement à ce qui est écrit dans l'exposé sommaire de l'amendement II-CF901, l'objet de cet article est non pas de supprimer le dispositif mais de le recentrer au profit des agriculteurs qui en ont le plus besoin, c'est-à-dire qui réalisent le moins de bénéfices. Cette mesure est notamment motivée par le fait que près de la moitié de la dépense fiscale profite aux 10 % des foyers les plus aisés. Par ailleurs, l'article n'entraînera pas d'effet de seuil massif.
Certes, il peut y avoir des problèmes techniques, que d'autres amendements visent à régler. Je vous propose, chers collègues, de travailler avec le Gouvernement pour parvenir à une solution intelligente. Pour l'heure, je suis défavorable à l'ensemble de ces amendements, au profit d'un travail commun d'ici à la séance en vue de remédier à ces difficultés techniques, éventuellement sous la houlette de notre collègue Hervé Pellois, corapporteur spécial des crédits de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales, qui me semble le plus susceptible de rassembler l'ensemble des groupes politiques sur ce sujet.
Nous sommes toujours en discussion avec les jeunes agriculteurs et le ministère sur cet article 53. Nous avons pratiquement abouti à un texte que nous pourrons vous présenter mais qui n'est pas encore totalement finalisé. Je me propose de réunir ceux qui le souhaiteront pour que nous abordions ensemble ces éléments.
Par principe, nous ne voterons pas ces amendements de suppression. Lorsqu'un rapport de la Cour des comptes dénonce certains aspects d'une dépense fiscale, le plus raisonnable est d'y travailler. J'aimerais donc être associée, si c'est possible, à ce travail, mais la suppression pure et simple de l'article ne me semble pas appropriée.
La commission rejette les amendements identiques.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements identiques II-CF175 de Mme Véronique Louwagie et II-CF1193 de M. Charles de Courson, les amendements identiques II-CF24 de M. Vincent Descoeur et II-CF513 de M. Jérôme Nury, ainsi que les amendements II-CF155 et II-CF156 de Mme Lise Magnier.
Il s'agit de revenir sur les seuils proposés et de permettre des aides un peu plus importantes. Nous proposons ainsi de fixer à l'équivalent de trois SMIC nets annuels le premier plafond de l'abattement « jeunes agriculteurs ».
Je suis favorable au plafonnement, mais l'article me semble mal calibré.
Je propose de déduire la dotation jeune agriculteur, que tous les jeunes agriculteurs ne perçoivent pas et qui ne doit pas être une raison de les pénaliser, du bénéfice de l'exploitant et d'instaurer un système dégressif. C'est d'ailleurs un schéma envisagé dans l'évaluation préalable. Il permet d'éviter les effets de seuil et une réduction à zéro de l'abattement quand le bénéfice atteint trois SMIC.
Je suis favorable à l'idée d'un travail qui permette de trouver une solution intelligente, parce que, pour l'instant, « ça ne tourne pas », pour reprendre une expression du rapporteur général.
S'il est judicieux de recentrer l'abattement sur les plus modestes, les plafonds proposés ne tiennent pas compte de la réalité des revenus perçus ni de la dotation jeune agriculteur. Je propose donc, par l'amendement II-CF24, de les relever.
Je vous invite, chers collègues, à retirer vos amendements, pour travailler à un amendement commun sous la houlette de M. Pellois. Si aucun consensus ne se forme, si ces difficultés techniques sont insurmontables, vous pourrez toujours redéposer vos propres amendements en vue de la séance.
Les amendements sont retirés.
La commission adopte l'amendement de précision II-CF1352 du rapporteur général.
Puis elle adopte l'article 53, modifié.
Après l'article 53
La commission se saisit des amendements identiques II-CF102 de Mme Marie-Christine Dalloz, II-CF151 de Mme Lise Magnier, II-CF1220 de M. Benoit Simian et II-CF1329 de M. Alexandre Freschi.
Nous proposons un dispositif incitatif simple pour accélérer l'engagement des viticulteurs dans la viticulture durable : un crédit d'impôt qui bénéficierait à toutes les certifications environnementales de niveau 2 et 3 visées aux articles D. 617-3 et D. 617-4 du code rural et de la pêche maritime, dans le but d'inciter le plus grand nombre d'exploitants à s'engager dans ces démarches. C'est cohérent avec la politique menée par le Gouvernement.
À l'instar du crédit d'impôt en faveur de l'agriculture biologique, ce crédit d'impôt devrait s'inscrire dans le respect de la réglementation européenne relative aux aides de minimis dans le secteur de l'agriculture.
Le dispositif permettrait notamment de prendre en charge une partie des coûts, non négligeables, de la certification – ils représentent malheureusement un frein à la certification durable et environnementale. L'objectif est bien d'accompagner nos agriculteurs et nos viticulteurs.
Aujourd'hui, les viticulteurs sont exonérés de la contribution économique territoriale. Nous proposons de ne maintenir l'exonération que pour ceux qui sont engagés dans des démarches de sortie de la chimie. Cet amendement vertueux et incitatif marquera que notre majorité soutient les viticulteurs.
Des amendements plus ciblés, déposés en première partie, notamment par notre collègue Marie-Christine Verdier-Jouclas, ont déjà été retirés. J'invite les auteurs des amendements dont nous sommes maintenant saisis à les retirer de même, en me permettant simplement de faire observer à M. Simian que son propos ne s'applique en fait qu'à l'amendement II-CF1219, dont nous nous saisirons dans quelques instants.
La commission rejette les amendements identiques.
Puis elle examine l'amendement II-CF1219 de M. Benoit Simian.
C'est effectivement par cet amendement que je propose de réserver le bénéfice de l'exonération aux viticulteurs engagés dans des démarches de sortie de la chimie.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement II-CF104 de Mme Marie-Christine Dalloz.
Afin de favoriser l'investissement dans l'agriculture biologique, cet amendement vise à ce que les terrains exploités en agriculture biologique et ceux destinés à l'être puissent bénéficier d'un droit d'enregistrement réduit.
Je suis défavorable à l'amendement pour des raisons techniques. Aucune proportion de mode biologique n'est prévue : est-ce à dire que dès lors qu'à peine 10 % des recettes tirées du terrain proviennent d'un tel mode, le taux réduit s'appliquera ? Ou au contraire faudra-t-il que 100 % des recettes en proviennent ? Je crains que ces difficultés ne rendent cet amendement inopérant.
La commission rejette l'amendement.
Article additionnel après l'article 53 : Maintien de l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties pour les bâtiments agricoles abritant une activité accessoire
La commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements II-CF1328 du rapporteur général ainsi que II-CF157 et II-CF150 de Mme Lise Magnier.
S'il en est d'accord, M. Pellois peut présenter l'amendement II-CF1328 dont il est l'un des cosignataires.
Dès lors qu'un bâtiment à usage agricole est également utilisé pour une activité accessoire, l'exploitant perd le bénéfice de l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB). L'amendement II-CF1328 vise à maintenir cette exonération lorsque l'activité en question ne dépasse pas 10 % des recettes totales tirées du bâtiment.
Je salue l'amendement II-CF1328, qui s'inscrit dans la continuité des échanges que nous avons eus l'année dernière concernant la polyactivité dans le secteur agricole. Il recoupe, par ailleurs, les enjeux de l'article 56, sur lequel notre collègue Daniel Labaronne a beaucoup travaillé. L'amendement II-CF1328 vise à sécuriser très fortement le cadre fiscal pour les agriculteurs. Dans la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire, dite « EGALIM », et avec toutes les mesures d'accompagnement que nous prenons, nous appelons à une véritable diversification des activités. Il est donc extrêmement important que notre système fiscal ne soit pas, quant à lui, désincitatif, notamment au regard des activités de transformation dans les exploitations agricoles. L'amendement constitue donc une véritable avancée, qui doit être saluée.
Pour des questions de rédaction, l'amendement II-CF1328 fonctionne mieux que les deux autres. Je vous propose donc, madame Magnier, de les retirer à son profit. Cela dit, il s'agit bien de résoudre les problèmes que vous évoquiez tout à l'heure.
Les amendements II-CF157 et II-CF150 sont retirés.
Il faut rappeler, à l'intention de ceux de nos collègues qui ne connaissent pas le problème, que même si les activités annexes représentent 1 % ou 2 % du produit total, c'est l'ensemble du bâtiment qui est requalifié. L'amendement II-CF1328 est plein de sagesse, car il vise à éviter la requalification dans la limite de 10 %. Se pose évidemment le problème de savoir ce qui se passe au-delà de 10 %. Actuellement, me semble-t-il, il n'y a pas de proratisation. En ce qui me concerne, j'ai toujours défendu ce mécanisme : en dessous de 10 %, on est exonéré, au-delà on proratise, pour éviter les effets de seuil. Ce n'est pas ce qui est proposé à travers l'amendement II-CF1328. Si ses auteurs – notamment vous, monsieur le rapporteur général – en étaient d'accord, ils pourraient rectifier l'amendement pour instaurer la proratisation au-delà de 10 %.
Je vous invite, monsieur de Courson, à réfléchir à un sous-amendement en vue de la séance. À ce stade, nous pourrions nous contenter d'adopter cet amendement de consensus.
Effectivement, monsieur de Courson : cela existe pour la cotisation foncière des entreprises, mais pas pour la TFPB. Les deux mécanismes sont très différents.
La commission adopte l'amendement II-CF1328.
Après l'article 53
Elle examine ensuite les amendements identiques II-CF8 de Mme Véronique Louwagie, II-CF101 de Mme Marie-Christine Dalloz et II-CF138 de Mme Lise Magnier.
Nous vous proposons, à travers notre amendement, un mécanisme de suramortissement fiscal pour les investissements réalisés par les exploitants agricoles, notamment pour faire l'acquisition de matériels utilisant des technologies plus respectueuses de l'environnement. Je pense en particulier aux pulvérisateurs : le renouvellement du parc actuel est très limité, alors que cela irait dans le sens de la transition écologique, dont nous parlons beaucoup. Ce serait une manière de soutenir nos agriculteurs, et nous enverrions un message permettant d'accroître la sensibilisation, même si celle-ci existe déjà.
J'ajoute aux propos de Mme Louwagie que le parc de pulvérisateurs dans les exploitations agricoles a été estimé par une étude récente, au niveau national, à 200 000 unités, et que l'âge moyen des appareils est de quinze ans. Vous imaginez bien qu'au vu de l'évolution des technologies, et surtout avec la prise en compte de la dimension environnementale – notamment pour ce qui est des traitements phytosanitaires –, il conviendrait d'inciter nos exploitants à renouveler leur matériel. À cette fin, nous vous proposons un dispositif de suramortissement fiscal.
Je vous rappelle que nous avons voté, en première partie du projet de loi de finances, l'article 18, qui favorise fortement les investissements dans le domaine agricole à travers la nouvelle déduction pour épargne de précaution. L'adoption de cet article a d'ailleurs été saluée sur tous les bancs.
Par ailleurs, le dispositif que vous proposez ne me paraît pas suffisamment opérationnel : il pourrait bénéficier aux exploitants relevant du micro-bénéfice agricole, alors que l'abattement de 87 % prévu par ce régime inclut toutes les charges. En outre, si sa rédaction était strictement entendue, ce dispositif pourrait exclure les exploitations soumises à l'impôt sur les sociétés, puisque l'article 63 du code général des impôts, visé par l'amendement, porte sur les bénéfices agricoles relevant de l'impôt sur le revenu. Enfin, il comporte un risque d'incompétence négative : il n'est pas précisé si la déduction de 40 % est immédiate ou pas, ni si elle porte sur chaque annuité d'amortissement du bien.
Compte tenu de ces différents éléments, j'invite leurs auteurs à retirer ces amendements. À défaut, l'avis sera défavorable.
La commission rejette les amendements identiques.
Article 54 : Transposition de la directive visant à éliminer les doubles impositions entre États membres
La commission adopte l'article 54 sans modification.
Article 55 : Prorogation des aides fiscales à l'économie ultramarine, assortie de mesures anti-abus
La commission examine l'amendement II-CF1086 de M. Philippe Dunoyer.
Cet amendement vise à étendre l'aide fiscale à l'investissement outre-mer au secteur des maisons de retraite – et, de manière plus générale, aux maisons pour personnes âgées, dépendantes ou non. Le besoin en la matière, pourtant avéré, n'est pas satisfait dans l'ensemble des outre-mer, et plus particulièrement dans les collectivités françaises du Pacifique. Le vieillissement accru des populations rend plus criante encore l'insuffisance du dispositif d'hébergement. Facteur aggravant, les dispositifs fiscaux favorables tels que le « Censi-Bouvard » ou le régime du loueur en meublé non professionnel ne sont pas applicables dans les collectivités d'outre-mer.
Le vecteur que vous utilisez n'est pas le plus approprié, puisque l'article 199 undecies B du code général des impôts, visé par le dispositif, concerne les investissements productifs. Le principe posé dans l'article est celui d'une éligibilité par principe des investissements réalisés notamment dans les activités agricoles et commerciales, avec des exclusions nommément citées, parmi lesquelles figurent la santé, l'éducation et l'action sociale. Le vecteur, je le répète, n'est donc vraiment pas approprié. Au demeurant, je ne suis pas sûr non plus que le moyen que vous proposez soit très efficace, étant donné qu'il existe déjà le fonds exceptionnel d'investissement (FEI), dont les dotations sont portées à 110 millions d'euros dans le projet de loi de finances. Le dispositif proposé serait moins efficace que celui-ci. Je vous demande donc de retirer votre amendement. À défaut, avis défavorable.
Je le maintiens. Si le vecteur juridique n'est pas le bon, nous corrigerons cet amendement en vue de la séance. Le FEI sera, bien sûr, susceptible d'accueillir ce type d'investissements, mais il faut mener une véritable politique d'investissement dans ces structures dans l'ensemble des outre-mer. Voilà pourquoi nous proposons d'étendre à ce secteur le dispositif pérenne de défiscalisation outre-mer, qui s'applique déjà à un certain nombre d'investissements, notamment aux logements locatifs, aux hôtels et aux résidences de tourisme.
Je profite de cet amendement, monsieur le rapporteur général, pour vous demander si vous êtes ouvert à l'idée d'étendre aux territoires ultramarins le dispositif « Censi-Bouvard ».
Monsieur de Courson, je propose, au contraire, une extinction progressive du « Censi-Bouvard », dans des conditions qui ne soient pas trop brutales.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement II-CF340 de M. Lénaïck Adam.
Il s'agit d'exclure la Guyane et Mayotte du dispositif visé. En effet, la faiblesse des structures éducatives, médicales et sociales de ces territoires pourrait justifier un renforcement des constructions, et donc l'octroi d'une réduction d'impôt sur le revenu pour les contribuables domiciliés en France qui souhaitent investir dans ces domaines.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite, en discussion commune, l'amendement II-CF166 de Mme Nicole Sanquer, l'amendement II-CF1053 de M. Philippe Dunoyer et l'amendement II-CF165 de Mme Nicole Sanquer.
L'amendement II-CF166 vise à supprimer l'extension de cinq à quinze ans de la durée pendant laquelle les investisseurs métropolitains ont l'obligation de conserver leurs parts dans les sociétés ou groupements dans lesquels ils investissent. Je préconise de conserver la durée actuelle, à savoir cinq ans.
L'amendement II-CF1053 vise, d'une part, à ramener à dix ans la durée pendant laquelle il est fait obligation d'exploiter les infrastructures touristiques ayant bénéficié de l'aide fiscale à l'investissement. Actuellement, la durée est de cinq ans. Étant donné qu'un certain nombre de réorientations de l'investissement ont été constatées à l'échéance, il a été jugé opportun d'allonger cette durée. Le projet de loi vise ainsi à la porter à quinze ans. Il me semble que le fait de passer de cinq à quinze ans constituerait un handicap pour le développement de nouveaux projets. Il paraît donc opportun de limiter la durée à dix ans.
D'autre part, en ce qui concerne les investisseurs en défiscalisation, dont il faut rappeler qu'ils mobilisent leurs fonds dans le seul but d'aider au financement de projets dont ils ne sont pas les exploitants, l'extension à quinze ans, proposée dans l'article, serait totalement mortifère. Dans ce cas, il nous paraît indispensable de maintenir la durée traditionnelle, à savoir cinq années. À défaut, le dispositif resterait inscrit dans la loi mais ne trouverait plus de traduction sur le terrain.
Avis défavorable à l'amendement II-CF166. Les amendements II-CF1053 et II-CF165 visent quant à eux à raccourcir la durée prévue pour l'obligation d'exploiter les constructions à des fins touristiques, en la ramenant à dix ans. Si les dispositifs visés ont été proposés par le Gouvernement, c'est parce que des abus ont été constatés. Cela étant, étendre la durée à dix ans est peut-être un compromis raisonnable. Cela vaudrait le coup, madame Sanquer, que vous puissiez exposer un amendement de ce type devant le Gouvernement, pour voir quelle sera sa position définitive. S'agissant de l'amendement II-CF165, je m'en remets donc à la sagesse de la commission. Je demande à M. Gomès de bien vouloir se rallier à cet amendement, et donc de retirer l'amendement II-CF1053.
L'amendement II-CF1053 est retiré.
La commission rejette l'amendement II-CF166.
Elle adopte l'amendement II-CF165.
Elle examine ensuite l'amendement II-CF139 de M. Philippe Dunoyer.
La loi de finances pour 2014 a prévu un dispositif d'extinction progressive de la défiscalisation traditionnelle en la transformant, en ce qui concerne les entreprises ayant un chiffre d'affaires inférieur à 20 millions d'euros, en crédit d'impôt. Toutefois, le dispositif, qui avait vocation à décliner progressivement – jusqu'à 5 millions d'euros, puis zéro – était lié à la mise en place de financements pérennes par les établissements financiers.
Pour les petites entreprises, qui ont peu de fonds propres et pour lesquelles l'accès au crédit bancaire est difficile, le passage au système du crédit d'impôt était quasiment impossible. C'est la raison pour laquelle notre collègue Serge Letchimy avait fait adopter un amendement conditionnant l'extinction du dispositif à la mise en place de mécanismes de financement pérennes. Tel n'a pas été le cas jusqu'à présent, comme me l'ont confirmé l'Association française des banques et la Banque publique d'investissement, que j'ai auditionnées. Il nous paraît donc indispensable de conserver la disposition en l'état.
Pour ma part, je crois sincèrement que le dispositif « Letchimy » – appelons-le ainsi – est dérogatoire à la loi de programmation des finances publiques. Je ne suis donc pas du tout favorable à l'existence d'un système de défiscalisation permanent et ne faisant l'objet d'aucune évaluation. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement II-CF1093 de M. Philippe Gomès.
Il est proposé, par cet amendement, de prendre en compte le fait que le taux de l'impôt sur les sociétés (IS) en métropole a vocation à diminuer – la trajectoire vise un taux de 25 % à l'horizon 2022. Or, dans les collectivités relevant de l'article 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie, les montages en défiscalisation dépendent du taux de l'IS. Ces collectivités subissent donc une atteinte forte ; l'attractivité des investissements s'en trouve nettement diminuée. On imagine bien les désordres que cela entraîne pour les projets qui ont d'ores et déjà été engagés.
Pour cette raison, nous proposons tout simplement, à travers cet amendement et le suivant – même s'il s'agit de mécanismes différents –, que les montages en question bénéficient d'un niveau d'avantage équivalent à celui qu'il y avait lorsque le taux de l'impôt sur les sociétés était fixé à 33 % en métropole. Nous avions déjà eu l'occasion de proposer ce dispositif et M. le rapporteur général avait laissé la porte entrouverte.
Non seulement cet amendement n'est pas soutenable sur le plan budgétaire, mais nous irions très au-delà de l'objectif de compensation de la baisse du taux de l'IS. Avis défavorable.
Vous venez de rejeter mon amendement de façon lapidaire, mais il ne s'agit pas du tout de créer un avantage supplémentaire ou d'augmenter le niveau d'aide fiscale. L'objectif est simplement de maintenir l'avantage au niveau précédemment fixé. La modification du niveau de l'IS a pour conséquence, pour les collectivités ayant une autonomie fiscale, que les schémas de défiscalisation reposant sur l'IS ne sont plus attractifs. Si on ne corrige pas le dispositif, ces schémas vont dépérir. En sus, je le répète, un certain nombre de dossiers ont d'ores et déjà été montés.
Je vous rappelle, monsieur le rapporteur général, qu'il était prévu que la proposition fasse l'objet d'un examen juridique par les services compétents du Gouvernement ou de l'Assemblée. Voilà pourquoi j'ai de nouveau déposé cet amendement. Je ne sais pas si vous avez eu le temps de procéder à l'examen en question. Le Gouvernement avait lui aussi laissé la porte ouverte, de façon que cette mesure de justice à l'égard des collectivités de l'article 74 et de la Nouvelle-Calédonie soit effectivement mise en oeuvre.
Monsieur le rapporteur général, vous estimez que le taux de 45,3 % prévu dans cet amendement pour le crédit d'impôt n'est pas au bon niveau par rapport au taux de l'IS, lequel sera, à terme, de 25 %. Pouvez-vous donc nous dire quel serait, selon vous, le bon niveau ?
Là n'est pas la question, monsieur de Courson. Avec cet amendement, on passerait d'un système de déduction d'assiette de l'impôt sur les sociétés à un système de réduction de l'impôt, créant ainsi un avantage fiscal considérable. C'est la raison fondamentale de mon avis défavorable à l'amendement.
La commission rejette l'amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement II-CF1209 de M. Philippe Gomès.
L'objet de cet amendement est le même que celui du précédent, même si les modalités diffèrent. L'idée est donc bien, je le répète, de ne pas dégrader le niveau d'aide apporté aux projets d'investissements réalisés dans les collectivités de l'article 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie du fait de la baisse du taux normal de l'IS – baisse qui n'affecte pas les départements d'outre-mer. L'aide fiscale apportée aux projets dans le cadre des opérations de défiscalisation reposant sur l'impôt sur les sociétés est directement proportionnelle au taux de l'IS en vigueur l'année du fait générateur de l'investissement. La trajectoire de baisse du taux de l'IS pour toutes les entreprises à partir de 2019 aurait, de ce fait, un impact négatif sur tous les projets des collectivités concernées si cet effet n'était pas corrigé.
Il convient de rappeler que cette baisse de l'IS ne s'applique pas aux collectivités ultramarines disposant de l'autonomie fiscale. Le présent amendement vise à affecter aux projets un coefficient de révision permettant d'annuler – et non pas de majorer, monsieur le rapporteur général – l'effet négatif de la baisse de l'IS sur le niveau de l'aide qui leur est apportée. Là encore, une expertise devait être effectuée.
Il y a là un vrai sujet : dans certains territoires, effectivement, la question de l'attractivité des investissements se pose. Il peut aussi être décidé par ces territoires d'agir sur la trajectoire du taux d'IS et d'arriver à un ensemble tout à fait cohérent. En l'espèce, cependant, je ne peux pas donner un avis favorable à votre amendement, au motif qu'en Nouvelle-Calédonie le percepteur de l'impôt est différent de ce qui existe dans d'autres territoires.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite les amendements identiques II-CF71 de Mme Véronique Louwagie et II-CF105 de Mme Marie-Christine Dalloz.
Conformément aux engagements pris à l'issue des Assises de l'outre-mer, l'article 55 du projet de loi de finances pour 2019 proroge jusqu'au 31 décembre 2025 l'ensemble des dispositifs d'investissement outre-mer réservés aux entreprises. Néanmoins, le crédit d'impôt pour les investissements productifs réalisés outre-mer prévu à l'article 244 quater W du code général des impôts serait recentré pour que l'intégralité de l'avantage fiscal bénéficie effectivement aux seuls exploitants ultramarins. Cette nouvelle écriture du dispositif opère une confusion complète entre l'exploitant et l'investisseur. Pour garantir l'attractivité des outre-mer et continuer à y attirer des investisseurs, il est nécessaire d'encourager ces derniers. C'est pourquoi il est proposé de revenir sur la restriction apportée.
La proposition contenue dans l'article 55 est un gage de cohérence, puisqu'elle marque la fin d'une asymétrie entre les associés selon que la société relève de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés. Cela recentre l'avantage fiscal sur les exploitants locaux – démarche qui ne peut qu'être saluée, et ce quels que soient la collectivité ou le territoire concernés. Opposer les intérêts et les logiques des investisseurs et des exploitants locaux ne peut se faire qu'au détriment de l'intérêt économique des outre-mer. Avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Elle examine ensuite l'amendement II-CF1088 de M. Philippe Gomès.
Cet amendement vise à rendre l'activité de monteur en défiscalisation incompatible avec l'exercice de certaines professions réglementées – en l'espèce celles d'avocat, de commissaire aux comptes, d'expert-comptable, d'huissier de justice et de notaire. Il s'agit d'encadrer davantage cette activité professionnelle.
Ce qui me gêne le plus dans cet amendement, c'est qu'il exclut des professions qui sont assujetties à des règles déontologiques particulières et qui, précisément, sont de nature à fournir l'expertise technique requise pour les opérations de défiscalisation. Compte tenu des abus que l'on observe, c'est tout simplement dangereux. Avis défavorable.
L'amendement est retiré.
La commission en vient à l'amendement II-CF167 de Mme Nicole Sanquer.
Cet amendement correspond tout à fait à l'esprit qui a présidé à la rédaction de l'alinéa visé. En effet, on ne peut que cautionner la levée d'une sanction dès lors que l'auteur était de bonne foi et a réparé son erreur. Je propose simplement d'aller encore un peu plus loin en levant la sanction pour l'auteur d'une erreur sans gravité se révélant être constitutive d'une infraction.
La modification proposée ne me semble pas nécessaire, puisque la rédaction de l'article couvre déjà toutes les erreurs, quelle qu'en soit d'ailleurs la gravité, dès lors qu'elles ont été réparées. Par ailleurs, l'adoption de cet amendement introduirait une différence, donc une hiérarchie entre les obligations déclaratives à respecter, ce qui ne me paraît pas souhaitable. Avis défavorable.
L'amendement est retiré.
La commission adopte ensuite l'article 55, modifié.
Après l'article 55
La commission examine l'amendement II-CF967 de Mme Émilie Bonnivard.
Cet amendement vise à favoriser la réalisation d'opérations immobilières de tourisme dans les stations de ski, afin de créer des lits durablement « chauds ». Depuis plusieurs années, en effet, les stations touristiques, notamment les stations de ski, pâtissent de la sortie de lits touristiques du secteur marchand, à raison de 3 % environ par an. Or, le nombre de lits loués est directement corrélé au modèle économique des domaines skiables.
Mon amendement vise à favoriser les investissements dans des opérations immobilières neuves à travers des sociétés civiles de placement immobilier (SCPI). En effet, ces sociétés optimisent au maximum le remplissage de leurs biens et réinvestissent périodiquement pour prévenir leur obsolescence. Il s'agit donc d'inciter les particuliers, à travers une exonération d'impôt sur les revenus fonciers, à acheter des parts de sociétés civiles de placement immobilier opérant dans certaines stations bien précises, lorsque ces sociétés contribuent vertueusement au développement par de l'immobilier marchand.
Malgré mon tropisme montagnard, je ne peux qu'être défavorable à cet amendement qui vise à ressusciter ce que l'on appelait les « SCPI Robien », lesquelles sont mortes pour une raison très simple : leur coût était exorbitant. Par ailleurs, et pour être tout à fait honnête, je ne suis pas sûr que ce soit le meilleur moyen de créer ce que vous avez appelé des lits « durablement chauds ».
La commission rejette l'amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement II-CF1334 de M. Dominique Da Silva.
Cet amendement vise à inciter les entreprises, notamment les plus petites, à investir, sur la base du volontariat, dans la construction de logements pour leurs salariés. En effet, ces derniers ne peuvent pas toujours bénéficier d'une politique publique adéquate en fonction des territoires, du marché du travail et des secteurs d'activité concernés.
Certains emplois en tension, en particulier dans les secteurs de l'hôtellerie, de la restauration – en particulier pour les postes de saisonniers – ou du bâtiment ne trouvent pas facilement preneur en raison de l'impossibilité d'avoir un logement adapté et au loyer abordable. Pour parvenir à un équilibre, notamment dans le logement intermédiaire, nous proposons d'ouvrir aux entreprises la possibilité d'amortir sur neuf ans les acquisitions de logements neufs ou réhabilités. Cela leur permettrait de réaliser un investissement utile et efficace, sans qu'il soit pour autant particulièrement rentable d'un point de vue spéculatif.
Pour parer à tout risque d'un retour au paternalisme, nous prévoyons une gestion sécurisée de ces logements par Action Logement, en prenant en compte la garantie de loyer, la vacance et l'indisponibilité d'occupation, dans le cadre de contrats d'intermédiation locative.
Le dispositif n'entraînerait pas de pertes de recettes à proprement parler, puisqu'il s'agirait, pour l'essentiel, de nouveaux logements.
Monsieur Da Silva, je salue votre travail sur le sujet, mais je ne suis pas certain que le dispositif soit opportun. Le risque spéculatif qu'il comporte ne me paraît pas nul. De surcroît, cet amortissement sur neuf ans au lieu de quarante pourrait entraîner un coût important. Je vous invite donc à retirer votre amendement pour le moment et à ouvrir une discussion sur le sujet avec le Gouvernement en séance publique.
Je retire l'amendement, mais pour le retravailler : je le déposerai peut-être de nouveau, sous une autre forme. Vous parlez de spéculation, mais à la sortie, si le bien est amorti, la plus-value est appliquée, notamment sur l'impôt sur les sociétés. En réalité, il n'y aurait donc pas vraiment de dimension spéculative : il s'agirait vraiment d'un accompagnement des politiques publiques conduites en la matière. Il faut comprendre que les très petites entreprises et les petites et moyennes entreprises sont complètement exclues des attributions de logements. Ce qui est sûr, c'est qu'il va falloir examiner cette question.
L'amendement est retiré.
La commission examine ensuite l'amendement II-CF1239 de M. Philippe Latombe.
Je demande à ses auteurs de bien vouloir retirer cet amendement, à défaut de quoi l'avis sera défavorable : il a été très largement satisfait en première partie du projet de loi de finances, pour les équipements dont la liste figure à l'article 18 quater.
L'amendement est retiré.
La commission examine ensuite l'amendement II-CF1096 de Mme Sabine Rubin.
Cet amendement vise à supprimer le crédit d'impôt recherche (CIR). En effet, le mécanisme est problématique. À la limite, s'il était fléché, par exemple vers des entreprises vertueuses en termes d'embauche de chercheurs et contribuant au développement de la recherche en France, on pourrait comprendre qu'il soit maintenu, mais tel n'est pas le cas. Sanofi, qui a perçu, au cours des dix dernières années, entre 110 et 150 millions d'euros par an à ce titre, a, dans le même temps, supprimé 2 000 postes de chercheurs en France et fermé des bâtiments à Montpellier. On voit donc bien le problème : non seulement le CIR coûte cher à l'État – c'est autant d'argent qui manque au budget de l'enseignement supérieur et de la recherche : souvenez-vous du grand mouvement des chercheurs, il y a quelques années –, mais il ne va pas au bon endroit. Nous proposons donc de le supprimer.
C'est un amendement que nous avons déjà vu. Sans revenir en détail sur les arguments qui plaident en faveur du CIR, je rappellerai tout de même que le nombre de chercheurs pour 1 000 actifs a doublé entre 2000 et 2014. La France, grâce au CIR, est l'un des premiers pôles de recherche industrielle dans le monde. Vous êtes soucieux de l'information des administrations, monsieur Coquerel ; je pense qu'un amendement d'Amélie de Montchalin allant dans ce sens va vous satisfaire. En attendant, avis défavorable.
C'est un sujet sur lequel nous avons déjà débattu à de multiples reprises au cours de l'examen du projet de loi de finances. Sans aucun doute faut-il soutenir la recherche publique – Patrick Hetzel, Danièle Hérin et moi-même en avons bien montré l'importance dans le rapport issu de la mission d'évaluation et de contrôle sur l'évaluation du financement public de la recherche dans les universités –, mais il ne faut pas nécessairement supprimer pour autant toutes les incitations bénéficiant à la recherche privée.
Comme je l'ai déjà fait observer à de nombreuses reprises, si nous voulions être au même niveau que l'Allemagne en termes de dépenses, il nous faudrait consacrer 10 milliards d'euros supplémentaires à la recherche publique et 30 milliards de plus à la recherche privée. Le CIR s'élève à 6 milliards d'euros, effectivement, mais cela ne veut pas dire que, si nous le supprimions, cet argent pourrait être mobilisé pour la recherche publique, d'un point de vue budgétaire, avec la même efficacité en termes de créations d'emploi et d'attractivité – donc de compétitivité, au sens large, de manière à préparer l'avenir.
Nous avons une réflexion assez large sur les outils dont il faut doter notre système de recherche dans son ensemble – c'est ce que je soutiens dans le rapport que j'évoquais –, notamment pour renforcer les liens entre les laboratoires publics et les entreprises, pour valoriser la recherche publique et s'appuyer sur elle afin de créer des start-up, ou pour valoriser la recherche privée et, ce faisant, soutenir les laboratoires publics quand ils sont en convergence.
Nous maintenons notre amendement. J'entends vos propos, madame de Montchalin, mais il faut arrêter de comparer le secteur public avec les start-up. Cette comparaison est mauvaise. Peut-être les start-up ont-elles un rôle à jouer dans l'économie de marché – encore faudrait-il me le prouver car je suis un peu dubitatif quant à leur apport, mais enfin, pourquoi pas, je suis prêt à en débattre –, mais arrêtons de parler de start-up nation ! La recherche publique doit justement être conduite de façon à ne pas répondre aux seules demandes du marché : il faut faire de la recherche pure, laquelle pourra ensuite, très certainement, servir aussi des intérêts privés.
Je constate que, parallèlement à l'augmentation du CIR – dont le montant s'élevait, au départ, à 2,8 milliards d'euros –, la recherche publique pâtit de plus en plus d'un manque de fonds. Je ne dis pas que ce sont des vases communicants, mais ce n'est pas un hasard si on a décidé de financer la recherche par ce moyen alors que, comme je l'ai montré avec l'exemple de Sanofi, c'est loin d'être toujours profitable à la recherche française.
La commission rejette l'amendement.
Membres présents ou excusés
Réunion du mercredi 7 novembre 2018 à 14 heures 30
Présents. – M. Éric Alauzet, M. Jean-Noël Barrot, Mme Émilie Bonnivard, M. Jean-Louis Bourlanges, Mme Émilie Cariou, M. Gilles Carrez, M. Jean-René Cazeneuve, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Olivier Damaisin, Mme Dominique David, M. Benjamin Dirx, M. Joël Giraud, Mme Perrine Goulet, Mme Olivia Gregoire, Mme Nadia Hai, M. Patrick Hetzel, M. François Jolivet, M. Daniel Labaronne, Mme Valérie Lacroute, M. Michel Lauzzana, M. Vincent Ledoux, M. Fabrice Le Vigoureux, Mme Véronique Louwagie, Mme Lise Magnier, M. Jean-Paul Mattei, Mme Amélie de Montchalin, Mme Cendra Motin, M. Xavier Paluszkiewicz, M. Hervé Pellois, Mme Valérie Petit, Mme Bénédicte Peyrol, Mme Christine Pires Beaune, M. François Pupponi, M. Xavier Roseren, M. Benoit Simian, Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, M. Jean-Pierre Vigier, M. Éric Woerth
Excusés. - M. Marc Le Fur, Mme Valérie Rabault, M. Olivier Serva, M. Philippe Vigier
Assistaient également à la réunion. - Mme Ramlati Ali, M. Thibault Bazin, M. Pascal Bois, M. Lionel Causse, M. Dominique Da Silva, M. Vincent Descoeur, M. Philippe Gomès, Mme Maina Sage, Mme Nicole Sanquer
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