La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures.
La parole est à M. Gérard Menuel, pour exposer sa question, no 1382, relative aux nouvelles techniques d'édition génomique.
Les agriculteurs s'interrogent sur leur avenir à court terme. Pour nombre d'entre eux, l'enjeu est déjà de terminer l'année : dans mon département de l'Aube, 30 % d'entre eux sont aujourd'hui dans le rouge. Ils s'inquiètent aussi de la tournure que prend le débat sur la réforme de la politique agricole commune, la PAC.
Notre société oublie un peu vite que leur mission première est de nourrir le monde, et constatons ensemble qu'en France, nos paysans jouent un rôle dans une chaîne alimentaire qui est de grande valeur, que ce soit en termes de qualité, de sécurité, de sûreté, de diversité ou de quantité. Ils ont cependant besoin d'être accompagnés dans la transition environnementale, dans la protection de la biodiversité et dans la lutte contre le réchauffement climatique.
Face à ces défis, la recherche et l'innovation doivent trouver leur place. Afin de limiter le recours à la phytopharmacie, la recherche variétale est essentielle. Pour lutter contre tous les agresseurs, les NBT – New Breeding Techniques, ou nouvelles techniques d'édition génomique – seront un véritable atout garantissant la durabilité de notre agriculture, d'autant qu'elles n'introduisent pas de matériel génétique exogène. La mutagénèse ou la fusion cellulaire ne peuvent être mises sur le même plan que les plantes transgéniques, ce qui appelle une nécessaire évolution. Je vous cite, monsieur le ministre de l'agriculture et de l'alimentation : « le cadre juridique européen n'est plus compatible avec le cadre scientifique ».
C'est un sujet important. Il y a ceux qui parlent beaucoup de l'agriculture – et le plus souvent de façon dogmatique – et ceux qui la font et la connaissent bien. Je sais que c'est votre cas. Il faut donner à nos agriculteurs du souffle et des perspectives, et le dossier des NBT est pour cela essentiel. Suivant quel calendrier et sous quelles formes la France entend-elle prendre des initiatives afin de faire évoluer le cadre juridique européen concernant les NBT ?
Vous évoquez une question essentielle, celle de la place de la science dans notre agriculture. Vous m'avez souvent entendu le dire, je crois beaucoup à la politique de la raison : la raison a trop souvent été oubliée dans le débat agricole. Il est essentiel de lui redonner une place, notamment dans la période que nous vivons où l'information circule très rapidement et peut parfois être galvaudée.
Le débat qui s'ouvre sur ces nouvelles technologies de recherche variétale appelle à faire preuve de beaucoup de raison. Je crois en ces nouvelles technologies, mais beaucoup de caricatures ont été faites lorsque je me suis exprimé sur ce sujet. Les NBT, ces nouvelles technologies, ne sont pas des OGM – organismes génétiquement modifiés. Du reste, c'est une technologie – qui vise à accélérer la sélection variétale – et non un organisme.
Il y a 10 000 ans, lorsque l'homme s'est sédentarisé, il pratiquait la culture socle, commençant à faire de la sélection variétale. Puis, au XIXe siècle, il a modernisé cette pratique et, année après année, décennie après décennie, il a amélioré les outils de sélection variétale. Les NBT sont un outil de sélection variétale : elles accélèrent l'apparition de la plante en question à un endroit de la planète, sans que nous ayons pour autant la capacité de l'identifier, alors même qu'elle présente des propriétés bénéfiques comme la réduction du stress hydrique ou de la dépendance à certains intrants nécessaires.
Premier élément de réponse, nous devons expliquer de manière apaisée et raisonnée ce que sont ces nouvelles technologies et que ces deux plantes, l'une issue de cette technologie et l'autre qui ne le serait pas, ne peuvent être différenciées sur le plan de l'espèce, précisément parce que ce ne sont pas des OGM et qu'on n'y introduit aucun gène qui ne serait pas un gène de l'espèce.
Deuxième élément, nous devons démontrer les atouts de ces nouvelles technologies, notamment – c'est pour moi un objectif très important – dans la lutte contre le stress hydrique.
Troisième élément, le cadre juridique n'est en effet plus compatible avec le cadre scientifique agronomique, puisque les NBT relèvent du seul règlement européen aujourd'hui adopté, à savoir le règlement relatif aux OGM. Dès la fin du mois, la Commission européenne publiera donc, à la demande des États membres, des recommandations et une évaluation sur ce sujet. Elle entamera ensuite, après consultation des États membres et en association avec eux, le cycle de révision du cadre juridique. Vous le voyez, les échéances sont proches et vous pouvez compter sur mon engagement.
Je vous remercie pour la précision de votre réponse, monsieur le ministre. Je suis d'accord avec vous : les NBT ne sont pas des OGM. Nous devons continuer de l'expliquer à l'opinion publique et à plusieurs organisations non gouvernementales qui n'ont pas compris ce que les NBT peuvent apporter à l'agriculture et à l'environnement. Cette technologie qui permet, vous l'avez rappelé, de lutter contre le stress hydrique et de limiter l'usage de la phytopharmacie, est essentielle pour l'avenir. Je note que le Gouvernement entend se montrer offensif sur cette question.
La parole est à M. Benoit Simian, pour exposer sa question, no 1386, relative à l'exonération de contribution économique territoriale pour les viticulteurs.
Tout d'abord, j'aimerais avoir une pensée pour nos sylviculteurs en Médoc, frappés ce week-end par un incendie qui a dévasté près de 300 hectares. Je sais pouvoir compter sur le soutien de votre ministère.
J'appelle aujourd'hui votre attention sur la question de la viticulture, plus précisément celle de l'incitation fiscale pour accompagner nos viticulteurs vers la transition écologique. Dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances – PLF – , j'avais proposé l'an dernier une mesure d'incitation fiscale pour encourager l'agroécologie consistant à maintenir l'exonération de contribution économique territoriale – CET – , l'ancienne taxe professionnelle, pour les viticulteurs engagés dans une démarche de sortie de la chimie. Il m'avait été répondu que ce type d'exonération n'était pas opportun et qu'il pouvait notamment y avoir un risque d'inconstitutionnalité au regard du principe d'égalité devant l'impôt.
Je suis satisfait de constater que le Gouvernement encourage par une exonération facultative de contribution économique territoriale, via l'article 42 du PLF pour 2021, l'implantation ou l'extension d'entreprises dans les collectivités territoriales. Cet article n'a pas été frappé d'inconstitutionnalité. J'en déduis donc que l'exemption de taxe partielle ou exceptionnelle que je proposais, sorte de différenciation fiscale accompagnée d'un bonus écologique, est tout à fait envisageable. Je regrette que ce type d'exonération ne soit pas également fléché en direction de projets de développement durable : beaucoup de viticulteurs en France souhaitent sortir de la chimie, mais les coûts les en empêchent.
Les grands groupes – je sais de quoi je parle en Médoc – ont plus de facilités, puisque leurs fonds propres leur permettent d'aller vers une sortie de la chimie plus rapide et qu'ils bénéficient de soutiens massifs dans le cadre de la PAC. En revanche, les petites productions viticoles n'ont pas ces facilités et rencontrent des difficultés financières pour opérer cette transition écologique. Appliquer cette exemption fiscale permettrait d'alléger les charges de production des entreprises viticoles de petite taille, TPE-PME, et donc de dégager des marges pour investir dans une agriculture raisonnée. Je ne parle volontairement pas du bio, parce que je préfère un bon produit raisonné à un produit bio – le bio peut impliquer la présence de plus de cuivre et ne rime pas forcément avec une écologie responsable.
Les communes y gagneraient alors en qualité de l'air et en qualité de l'eau. Le débat passionne dans nos territoires, notamment dans les zones urbaines où il y a des agriculteurs, qui seraient ainsi moins exposées aux épandages toxiques. Aussi souhaiterais-je connaître la position du Gouvernement concernant l'instauration d'une exonération de contribution économique territoriale pour les viticulteurs engagés dans une démarche de sortie de la chimie. Il nous reste un dernier projet de loi de finances avant la fin de la législature pour la prévoir.
Je voudrais d'abord m'associer à vos propos concernant les événements qui se sont déroulés ce week-end, mais aussi la baisse des températures enregistrée cette nuit. Ce nouvel événement climatique vécu par nombre de nos vignerons, arboriculteurs et céréaliers nous rappelle à quel point les variations climatiques affectent fortement notre agriculture. L'arrivée de vents aussi froids après les premières pousses de fleurs est évidemment très mauvaise pour les cultures, quelles que soient les plantes concernées.
Vous vous demandez, d'un point de vue politique, comment l'on peut apporter un soutien fiscal à celles et ceux qui sont engagés dans cette transition agroécologique. Je vous remercie d'aborder cette question politique qui met en évidence plusieurs éléments. D'abord, la transition agroécologique n'est pas suffisamment créatrice de valeur au regard des prix payés par le consommateur. Cela vous conduit à proposer, en qualité de parlementaire, de soutenir la filière par la création de dispositifs d'exonération fiscale permettant de créer la valeur nécessaire au coût des transitions. Nous sommes là au coeur du sujet. Vous m'avez toujours entendu le dire, les transitions agroécologiques seront d'autant plus rapides qu'elles seront créatrices de valeur pour le compte de résultat de nos agriculteurs, de nos viticulteurs, de nos éleveurs, de nos arboriculteurs. C'est essentiel : il ne faut jamais le perdre de vue.
Dès lors que l'on prend des mesures pour créer de la valeur sur le marché mais que celles-ci n'ont pas encore produit d'effets à la date d'établissement du compte de résultat de l'agriculteur, il nous faut, dans l'intervalle, recourir à des dispositifs fiscaux. Vous proposez une exonération de la CET. J'ai fait le même raisonnement que vous lors du dernier PLF : je n'ai pas proposé l'exonération de la CET, mais la création d'un crédit d'impôt haute valeur environnementale – HVE – , que cette assemblée a voté et qui répond à une demande formulée depuis de très nombreuses années, notamment par les viticulteurs. Ce crédit d'impôt est entré en vigueur au 1er janvier 2021. Nous serons attentifs à son application et nous ferons le point à la fin de cette année, lors de la préparation du nouveau PLF.
La parole est à Mme Stéphanie Do, pour exposer sa question, no 1374, relative au plan régional de prévention et de gestion des déchets.
Ma question, qui s'adresse à Mme la ministre de la transition écologique, porte sur la répartition de l'enfouissement des déchets en Île-de-France. Depuis novembre 2019, le nouveau plan régional de prévention et de gestion des déchets prévoit que la répartition des centres d'enfouissement de déchets inertes doit être équilibrée dans la région. Toutefois, la Seine-et-Marne compte neuf des dix-neuf sites de la région et ce nombre va s'accroître avec les nouveaux projets d'installations. Alors que 65 % des déchets inertes issus du bâtiment de la région sont enfouis en Seine-et-Marne, 80 % de ceux attendus dans le cadre du Grand Paris Express le seront également. À cette situation alarmante s'ajoute la multiplication des dépôts de déchets sauvages en Seine-et-Marne, puisque plus de 600 points ont été recensés en 2019. Ces deux phénomènes provoquent de nombreuses conséquences dommageables pour l'environnement, la santé et la sécurité.
Quels sont les moyens prévus pour mieux accompagner les collectivités dans leur gestion des déchets et pour s'assurer de la bonne mise en oeuvre du nouveau plan régional, avec une répartition plus juste de la gestion des déchets inertes sur le territoire francilien ?
Ne pouvant être présente, Mme la ministre de la transition écologique m'a chargé de vous répondre. Le plan régional de prévention et de gestion des déchets, approuvé en novembre 2019, prévoit la recherche d'un meilleur équilibre en ce qui concerne la répartition des installations de stockage de déchets entre les différents départements. Il importe avant tout d'améliorer la valorisation des déchets, notamment ceux issus des chantiers. Plusieurs actions importantes, qui rejoignent certaines pistes proposées dans le plan régional d'Île-de-France, sont lancées. Ainsi, le décret permettant d'assurer une meilleure traçabilité des déchets et des terres excavées a été publié le 27 mars dernier. Il apportera plus de garanties aux maîtres d'ouvrage qui acceptent de valoriser ces terres excavées sur leurs chantiers.
Par ailleurs, conformément à la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, ou loi anti-gaspillage, les travaux de préparation de la filière à responsabilité élargie du producteur – ou filière REP – des produits et matériaux de construction des bâtiments sont en cours, en lien avec l'ADEME – Agence de la transition écologique – et l'ensemble des professionnels du secteur. Ils visent notamment à déployer de nouveaux sites de collecte des déchets issus de la filière du bâtiment, afin de favoriser leur recyclage ou leur réemploi.
Ces nouveaux dispositifs de reprise des déchets triés contribueront également à lutter contre le fléau des décharges sauvages. À cet égard, la loi anti-gaspillage a considérablement amélioré les outils juridiques dont disposent les maires. Parmi ceux-ci figure la possibilité de désigner le président du groupement de collectivités ou de l'établissement public de coopération communale comme seule autorité compétente – au lieu du maire – pour l'application de la police administrative des déchets pour l'ensemble d'un territoire concerné. La loi a également renforcé les moyens de contrôle des collectivités, en élargissant l'habilitation à constater les infractions relatives aux déchets à d'autres agents publics. Enfin, le maire a désormais la possibilité de prononcer une amende administrative de 15 000 euros ainsi qu'une amende forfaitaire de 1 500 euros, ce qui lui confère un pouvoir dissuasif et coercitif certain.
C'est en mobilisant l'ensemble des acteurs, qu'il s'agisse des professionnels du bâtiment, des industriels ou des collectivités locales, que nous parviendrons à réduire les extensions d'installations de stockage de déchets inertes et à éradiquer les décharges sauvages. Vous pouvez compter sur l'appui du Gouvernement en la matière.
La parole est à M. Jean-Michel Clément, pour exposer sa question, no 1387, relative à la stratégie de lutte contre l'artificialisation des sols.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de la transition écologique. Je souhaite en effet revenir sur le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, et plus particulièrement sur son article 48, qui prévoit de limiter l'artificialisation des sols.
S'il est vrai que notre pays a mis du temps à prendre conscience que la consommation d'espace nécessitait une réflexion collective et responsable pour en limiter les excès, la probable adoption de cet article ne manque pas d'inquiéter les collectivités locales. Celles-ci sont déjà confrontées à de fortes restrictions en matière d'étalement urbain lors de l'élaboration de leur PLU – plan local d'urbanisme – ou de leur PLUI – plan local d'urbanisme intercommunal. Elles se voient même parfois priver de toute possibilité d'ajout de nouvelles constructions, même un modeste garage sur une parcelle déjà construite.
Dans ce contexte, l'objectif d'aboutir à une absence de toute artificialisation nette des sols sonne pour ces communes comme la fin de toute expansion, les condamnant ainsi à l'agonie. Plus de nouveaux habitants, plus de jeunesse, plus d'enfants, plus d'écoles : voilà ce qui menace les communes rurales et le monde rural.
Un décret en Conseil d'État doit fixer les conditions d'application de cet article et établir une nomenclature des sols artificialisés. Cependant, les collectivités locales dont les PLU sont en cours de révision ou qui envisagent de les modifier sont très légitimement préoccupées. Alors qu'une augmentation du nombre d'habitants est attendue dans les territoires ruraux à la suite de la pandémie et que le recours au télétravail est en train de devenir le quotidien de nombre de nos compatriotes, allons-nous arrêter cette dynamique ?
Quelles consignes seront-elles données aux services de l'État au cours de la première phase d'application de l'objectif de fin de l'artificialisation des sols et concernant les modifications en cours ou à venir des PLU et PLUI pour que ces derniers ne se transforment pas en sanction suprême pour les maires ? Quel espoir comptez-vous leur redonner, ainsi qu'au monde rural dans son ensemble ? Et quelles assurances le Gouvernement peut-il donner aux collectivités locales, au moment où se joue leur avenir, afin de les associer à un aménagement harmonieux de leur territoire et d'éviter qu'elles ne soient une variable d'ajustement de l'ambition de lutte contre l'artificialisation des sols ?
Vous interrogez Mme la ministre de la transition écologique qui, ne pouvant être présente, m'a chargé de vous répondre. Le projet de loi climat et résilience fixe un objectif quantifié ambitieux : atteindre une absence de toute artificialisation nette des sols en 2050. Pour ce faire, le texte prévoit un objectif intermédiaire de division par deux du rythme de la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers au cours des dix années suivant la promulgation de la loi par rapport aux dix années précédentes.
Avec ce projet de loi, nous repensons donc nos modes d'urbanisation. Nous voulons recréer des formes urbaines plus denses, donnant accès à nos concitoyens à des services et à des commerces de proximité et apportant davantage d'urbanité et de lien social, tout en permettant de conserver une qualité de vie et des espaces verts.
Vous l'avez évoqué, nous devons aussi encourager la valorisation et la reconversion d'espaces pour l'agriculture dans le cadre des projets alimentaires territoriaux. Le projet de loi prévoit ainsi l'intégration progressive de cet objectif dans les SRADDET – schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires – , puis dans les schémas de cohérence territoriale et les PLU et PLUI. Le texte prévoit aussi qu'il soit tenu compte des efforts déjà réalisés dans les documents d'urbanisme depuis la loi ALUR – loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové – grâce à des mesures transitoires.
Vous avez également insisté, à raison, sur l'importance des communes rurales dans la relance de l'économie et notamment du secteur de la construction. Le plan de relance permet en effet d'encourager et d'accompagner les collectivités dans la réhabilitation de terrains pour y installer logements et activités et dans la rénovation de bâtiments vacants, notamment en mobilisant le fonds friche, doté de 300 millions d'euros.
Enfin, vous avez évoqué les infrastructures, qui ont un impact sur la consommation d'espaces. S'agissant des projets d'envergure nationale ou régionale, il faudra évidemment en tenir compte à une échelle large, celle d'une région, du périmètre d'un SCOT – schéma de cohérence territoriale – ou d'un PLUI, et donc de chaque commune. Les modalités d'application prévues dans le projet de loi, qui reposent sur la déclinaison territorialisée de l'objectif dans les outils de planification, vont pleinement dans ce sens.
J'entends votre réponse et nous avons bien compris la nécessité de maîtriser l'artificialisation des sols. Toutefois, comme je l'ai dit, cette légitime préoccupation suscite de l'inquiétude. Chacun est évidemment convaincu de la nécessité de maîtriser l'étalement urbain, ce que nous faisons aujourd'hui mieux que par le passé. En tant qu'élu de province, monsieur le ministre délégué, vous mesurez cependant la différence qui existe entre Limoges et Bellac ou d'autres villages de votre circonscription. Les élus ruraux se demandent si de nouvelles maisons d'habitation pourront être construites sur leur territoire. Chaque jour, je m'entretiens avec un élu à qui un habitant a dit qu'il ne pouvait pas construire.
Les règles issues de la loi ALUR sont déjà strictement appliquées et risquent donc d'être renforcées, ce qui pose un problème de fond dans nos campagnes. Cette inquiétude était ressortie du grand débat et je ne voudrais pas qu'elle continue d'être exprimée. Au fond, c'est la vie dans nos villages qui est jeu. Quand les écoles ferment, c'est qu'il n'y a plus d'enfants. Et sans constructions nouvelles, il n'y aura plus de jeunes habitants pour en avoir. C'est une spirale infernale à laquelle nous sommes confrontés : nous allons encore opposer monde rural et monde urbain, alors même qu'ils ont intimement besoin l'un de l'autre pour vivre.
La parole est à Mme Valérie Six, pour exposer sa question, no 1388, relative à la qualité de l'air dans les établissements scolaires.
Ma question s'adresse également à Mme la ministre de la transition écologique. Dans le cadre de la pandémie, le Haut Conseil de la santé publique recommande d'assurer le renouvellement régulier de l'air des locaux scolaires, avec un apport d'air neuf qui devra si possible être augmenté, et de mesurer en continu la concentration en dioxyde de carbone à l'aide de capteurs pour évaluer la qualité de l'air.
Au-delà du contexte épidémique, les enfants peuvent être exposés dans les écoles et les lieux d'accueil à des concentrations en polluants mesurés dans l'air parfois plus élevées que dans d'autres lieux de vie, du fait de la densité d'occupation des locaux et d'un renouvellement de l'air souvent insuffisant. Cela peut avoir des effets sur la santé et le bien-être, allant d'une simple gêne à l'apparition ou l'aggravation de pathologies.
La loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement – loi Grenelle 2 – a rendu obligatoire la surveillance de la qualité de l'air intérieur dans les établissements recevant un public sensible. Par le décret du 17 août 2015, des échéances ont été fixées pour la réalisation de cette surveillance : il s'agit du 1er janvier 2018 pour les écoles maternelles et élémentaires, du 1er janvier 2020 pour les collèges et les lycées et du 1er janvier 2023 pour les autres établissements.
Le dispositif réglementaire comporte une évaluation des moyens d'aération par la réalisation, au choix, d'une campagne de mesure de polluants par un organisme accrédité ou d'une autoévaluation de la qualité de l'air au moyen d'un guide pratique, complétée par un plan d'action. Cependant, les dernières données publiées sur le site de l'INERIS – Institut national de l'environnement industriel et des risques – montrent qu'une minorité d'établissements ont jusqu'ici procédé à cette évaluation. En effet, les collectivités n'ont pas toujours les moyens financiers de se conformer à cette exigence. Les bâtiments sont souvent anciens et disposent de fenêtres dont les ouvertures ont parfois été restreintes par des règles de sécurité.
Toutefois, la question de la qualité de l'air intérieur trouve toute son actualité dans le contexte de la pandémie que nous traversons. En effet, face au risque de transmission du virus par aérosol dans les lieux clos où sont réunies plusieurs personnes, la surveillance et le contrôle du taux de CO2 permettent de calibrer l'aération des espaces intérieurs autour du triptyque « aérer, ventiler, respirer ». Pouvez-vous donc nous indiquer de quelle manière l'État suit l'application de cette obligation et comment il pourrait accompagner les collectivités territoriales, s'agissant notamment de l'installation de capteurs du taux de CO2 ?
Vous interrogez la ministre de la transition écologique qui, ne pouvant être présente, m'a chargé de vous répondre. Vous l'avez dit, de nombreux polluants volatils sont susceptibles d'être présents dans nos environnements. Le temps passé dans les espaces clos, qu'il s'agisse du domicile, du lieu de travail, du lieu d'enseignement ou des moyens de transport, représente en moyenne 85 % de la journée, ce qui fait de cette question une préoccupation de santé publique.
Afin d'améliorer la qualité de l'air dans les espaces clos, il est préconisé d'ouvrir les fenêtres en grand dans toutes les pièces au moins dix minutes par jour, été comme hiver, et lors des activités nécessitant la manipulation de solvants. S'agissant du logement, il est également important de disposer d'un système de ventilation, afin de renouveler l'air de manière continue, et de l'entretenir régulièrement. Si elles sont suivies, ces préconisations sont généralement suffisantes pour assurer une bonne qualité de l'air intérieur.
Dans le cas des établissements scolaires visés par les dispositions de la loi Grenelle 2, vous indiquez qu'une minorité d'établissements ont transmis leur évaluation à l'INERIS, mais cela ne signifie pas qu'ils sont peu nombreux à respecter la réglementation relative à la surveillance de la qualité de l'air. La plupart d'entre eux ont fait le choix de réaliser un plan d'action sur la base d'une autoévaluation de la qualité de l'air intérieur des locaux, dont la réglementation en vigueur n'impose pas de faire remonter les résultats. Après trois ans d'application de cette disposition, 63 483 données de mesure ont déjà été transmises par 3 609 établissements.
La surveillance de la qualité de l'air intérieur dans les établissements recevant du public est l'une des actions qu'il convient de consolider dans le cadre du quatrième plan national santé-environnement. Ainsi l'actuel dispositif de surveillance est-il amené à évoluer au profit d'un autodiagnostic régulier et de la réalisation de mesures de qualité de l'air intérieur aux étapes-clés de la vie d'un bâtiment, comme sa construction, les travaux de rénovation majeurs ou la réfection du système de ventilation. L'évaluation des moyens d'aération et de ventilation restera obligatoire. Le nouveau dispositif entrera en vigueur courant 2021.
La parole est à M. Luc Geismar, pour exposer sa question, no 1363, relative aux ralentisseurs de vitesse non conformes.
Monsieur le ministre délégué, je souhaite vous interpeller au sujet d'un fléau qui pollue les routes françaises. Il s'agit des ralentisseurs non conformes qui se multiplient démesurément sur nos routes depuis plusieurs années, malmenant nos véhicules et nos vertèbres.
J'en conviens, la vitesse des véhicules motorisés doit ralentir en ville et aux abords des points de dangerosité. L'installation de dispositifs de ralentissement est souvent légitime, en ce qu'elle répond à d'importants enjeux comme l'amélioration de la sécurité ou la diminution de la pollution et du bruit.
Cependant, pour atteindre ces objectifs louables, les règles relatives aux ralentisseurs sont parfois – voire souvent – ignorées, qu'il s'agisse de leur hauteur, de leur longueur ou de leur forme. Cet irrespect des normes est source de risques pour certains usagers de la route, en particulier les conducteurs de deux-roues, qui peuvent aisément se blesser avec ce type d'équipement non conforme. Plus globalement, ce sont tous les véhicules qui sont concernés par une usure plus importante, voire des détériorations. Le non-respect des normes peut également être source de douleurs, particulièrement pour les chauffeurs de bus, qui s'en plaignent. Et il engendre un risque accru pour les véhicules de transport de blessés en intervention.
Ces ralentisseurs et autres dispositifs à secousses non réglementaires sont ainsi une cause de danger pour les conducteurs, mais aussi de nuisances sonores pour les riverains. Il conviendrait donc de se saisir de la situation afin de procéder à une régularisation pour la sécurité de tous. Tous les usagers de la route doivent pouvoir prétendre à la sécurité, les automobilistes et les motards au même titre que les autres. Monsieur le ministre délégué, quelles actions allez-vous entreprendre pour lutter contre cette situation ?
Monsieur le député, vous m'interrogez au sujet de l'encadrement des différents types de ralentisseurs routiers.
S'agissant d'abord des ralentisseurs en dos d'âne ou trapézoïdaux, leurs caractéristiques géométriques et techniques, notamment leurs dimensions, sont décrites dans une norme française de mai 1994 à laquelle tous les ralentisseurs de ce type doivent répondre, car le décret de 1994 imposait une mise en conformité tous les cinq ans, soit en 1999. Le gestionnaire de voirie qui n'aurait pas pris les dispositions nécessaires engage donc aujourd'hui pleinement sa responsabilité.
En ce qui concerne les ralentisseurs de type coussin ou plateau, il s'agit de dispositifs de surélévation de la chaussée destinés à modérer la vitesse des véhicules en agglomération, afin de protéger les usagers vulnérables des véhicules motorisés. Ils ne doivent pas être agressifs pour le véhicule et ses occupants lorsque le conducteur respecte la vitesse autorisée et ne doivent pas non plus occasionner de nuisances sonores excessives. Ils ne sont toutefois soumis ni à la norme ni au décret de 1994 précités, mais font l'objet d'une recommandation du Centre d'études sur les réseaux, les transports, l'urbanisme et les constructions publiques – CERTU – , actualisée en 2010, qui n'a pas valeur réglementaire. Il n'en reste pas moins qu'un défaut d'entretien de ces ralentisseurs entraînant un risque pour les usagers engage aussi la responsabilité du gestionnaire.
Toutefois, devant les interpellations de citoyens et d'associations d'élus auxquelles vous faites écho aujourd'hui, j'ai demandé à mes services d'étudier l'opportunité d'une régulation et d'une réglementation spécifique de ces dispositifs. Je tiens à ce que cela débouche rapidement sur des mesures concrètes et je ne manquerai pas de vous en tenir personnellement informé.
Je vous remercie pour votre action et j'espère que nous aurons l'occasion de constater les effets de vos mesures.
La parole est à M. Jean-Luc Lagleize, pour exposer sa question, no 1362, relative aux secteurs de l'aéronautique et du transport aérien.
Ma question s'adresse au ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique chargé des transports et porte sur la situation critique des secteurs de l'aéronautique et du transport aérien.
Depuis maintenant plus d'un an, le coronavirus entrave la libre circulation des avions, en France bien sûr, mais également à travers la planète entière. D'après l'Organisation européenne pour la sécurité de la navigation aérienne et l'Association internationale du transport aérien, la reprise va être extrêmement lente, le transport aérien ne devant retrouver son niveau de 2019 qu'entre 2023 et 2029.
Ce trou d'air est le plus important que le secteur ait jamais vécu, bien plus considérable que la crise provoquée par les attentats du 11 septembre 2001. C'est un choc qui plombe l'ensemble de la filière aéronautique française, des donneurs d'ordre aux sous-traitants, mettant en péril le savoir-faire de cette industrie d'excellence et ses capacités de rebond et d'innovation, alors même que la continuité de la progression technologique a toujours constitué le coeur de ses succès.
Au-delà de cette crise économique et sociale, qui va entraîner des défaillances et des licenciements dans nos territoires, le secteur aérien et l'industrie aéronautique font face au défi incontournable de la transition écologique. Si le plan de soutien à la filière aéronautique annoncé en juin dernier, pour un montant de plus de 15 milliards d'euros d'aides en investissements, prêts et garanties, est à la hauteur de ce défi économique et écologique, pourquoi s'attaquer aussi frontalement à ces secteurs au travers du projet de loi dit climat et résilience débattu cette semaine dans l'hémicycle ?
Le plan de soutien vise à répondre à l'urgence en soutenant les entreprises en difficulté et en protégeant leurs salariés ; il prévoit d'investir massivement dans les PME et les ETI pour accompagner la transformation de la filière et pour concevoir et produire en France les appareils de demain. Le projet de loi climat et résilience prévoit quant à lui d'interdire certaines liaisons aériennes, de restreindre l'expansion des aéroports et de faire peser sur les compagnies aériennes des coûts et des contraintes supplémentaires.
Monsieur le ministre, ces objectifs ne sont-ils pas contradictoires ? Oui, nous devons agir énergiquement pour verdir le trafic aérien, qui représente 3,9 % des émissions de CO2 du secteur des transports, et donc 1,6 % des émissions totales en France – quoique ces taux soient actuellement nuls… Oui, l'industrie aéronautique française et européenne doit poursuivre ses objectifs de décarbonation du trafic aérien mondial ; mais n'oublions pas que si la filière aéronautique française est la seule, avec celle des États-Unis, à disposer de toutes les capacités pour développer, produire et commercialiser des avions et des hélicoptères civils et militaires, elle se pose la question de sa propre survie.
Ma question sera donc directe : quelle est votre stratégie pour sauver véritablement les secteurs aéronautique et aérien ?
Monsieur le député, vous m'interrogez sur la stratégie du Gouvernement pour accompagner le secteur aéronautique tant face à la crise que dans le cadre de sa nécessaire transition environnementale.
Avant toute chose, je tiens à vous rappeler que le Gouvernement et la majorité considèrent bien les secteurs aéronautique et aérien comme des secteurs stratégiques pour la France et qu'ils ne souhaitent ni la décroissance ni la disparition de cette industrie et de ce mode de transport. Nous plaidons au contraire – et, singulièrement, moi, le premier – pour sa décarbonation.
Je suis en effet persuadé que c'est grâce à la transition de notre industrie et grâce aux innovations technologiques que le secteur parviendra à opérer sa nécessaire transition écologique. Avec le projet de loi climat et résilience, nous ne partons pas en lutte contre les secteurs aérien et aéronautique ; nous organisons la complémentarité des modes et renforçons l'intermodalité avec le mode ferroviaire quand cela est pertinent – c'est l'objet de la mesure de remplacement des vols par des solutions ferroviaires de bonne qualité, lorsqu'elles existent, pour des durées de moins de deux heures trente ; nous lançons une filière de carburant durable pour l'aviation, promesse d'emplois industriels à haute valeur ajoutée, partout dans l'Hexagone, voire en outre-mer ; nous améliorons les programmes de compensation déjà existants ; enfin, nous défendons un budget extraordinairement ambitieux sur les deux prochaines années, qui nécessitera évidemment d'être prolongé pour inventer l'avion décarboné de demain.
Tout ceci implique non seulement de travailler sur les avions en tant que tels – leur aérodynamique, leurs composants et leur système énergétique – , mais également sur les opérations aériennes, bref sur l'ensemble de l'écosystème aérien, qui doit, dans sa globalité, aborder le virage de la transition écologique.
L'État a toujours été un partenaire de ce que vous avez qualifié, à raison, de fleuron aéronautique, et il le restera. Dès les prémices de la crise sanitaire, l'État a été au rendez-vous ; il a accompagné chaque entreprise et chaque compagnie aérienne, avec des mesures de droit commun et des mesures spécifiques au secteur. Un plan de 15 milliards d'euros a été annoncé en juin dernier pour combattre les effets de la crise, tout en engageant la profonde transformation que j'évoquais. Le secteur peut ainsi compter sur les moyens consacrés aux filières recherche et développement et aux projets des grands groupes, ainsi que sur les 1,6 milliard d'euros qui seront mobilisés sur les deux prochaines années, dans le cadre du plan France Relance, pour développer au plus vite la gestion décarbonée.
Les actes sont là, monsieur le député. Je vous sais particulièrement mobilisé auprès des entreprises de votre territoire, et plus globalement du Grand Ouest ; je sais aussi que c'est ensemble que nous parviendrons à atteindre ces objectifs souhaitables.
Attention : la Convention citoyenne pour le climat a été installée en octobre 2019, autant dire dans un autre siècle…
La parole est à M. Alain Bruneel, pour exposer sa question, no 1368, relative à la gare de triage de Somain.
Ma question porte sur le triage de Somain, situé dans le Douaisis, au sujet duquel vous n'êtes pas le premier ministre à être interrogé. Alors que depuis plus de dix ans, nous sollicitons la visite d'un ministre sur le site, nous avons eu des courriers, des promesses, de belles déclarations, mais jamais d'actes concrets.
Promise à un avenir national, cette gare de triage comptait environ 600 salariés en 2006 ; ils ne sont plus qu'une poignée aujourd'hui. Pétitions, manifestations, réunions dans les différents ministères : j'ai partagé tous les combats des syndicats, des élus de tous bords et des citoyens pour sauver et développer le site. J'ai été reçu par votre cabinet il y a quelques mois, pour lui présenter les projets de redynamisation et les promesses d'atouts de ce triage. J'ai aussi rencontré plusieurs fois l'alliance 4F, « Fret Ferroviaire Français du Futur », qui m'indique que Somain n'est pas prioritaire dans l'immédiat, malgré des perspectives intéressantes.
Situé sur un territoire fortement industrialisé, avec trois constructeurs automobiles, Somain est le dernier triage du Nord relié au réseau. Le canal Seine-Nord offre de grandes potentialités, ainsi que la proximité de la dernière entreprise de fabrication de wagons de fret. J'ajoute aussi la possibilité de faire de cette gare de triage un point de ravitaillement en hydrogène, puisque le territoire travaille sur le sujet. Ce qu'il manque à notre avis, c'est la volonté politique du Gouvernement de ranger Somain parmi ses priorités.
Le but aujourd'hui n'est pas de refaire l'histoire. Ce n'est pas non plus de vous entendre sur la stratégie nationale du fret, qui devait être présentée bientôt au Parlement. J'attends aujourd'hui du concret et du local : à l'heure où notre assemblée débat de la question environnementale sans un mot sur le fret, Somain et son triage vont-ils enfin être considérés comme une priorité par le Gouvernement, et si oui, comment ?
Monsieur le député, merci pour votre question, qui m'oblige quand même à revenir sur la stratégie nationale du fret ferroviaire, avec l'objectif de doublement de sa part modale. Non seulement, en effet, celle-ci est faible en France par rapport à la moyenne européenne, mais cette moyenne européenne est elle-même trop faible par rapport à ce qu'elle devrait être.
Le fret est donc une priorité tant pour le gouvernement français que pour l'Union européenne. C'est ainsi que depuis l'année dernière, nous avons engagé des actions très structurantes. La loi de finances pour 2021 a notamment permis d'acter un soutien de 170 millions d'euros au fret ferroviaire, à quoi s'ajoute le volet spécifique au fret dans le plan de relance, avec un programme d'investissements de plus d'1 milliard d'euros, qui devrait être cofinancé par l'Europe et les collectivités territoriales. Cela permettra notamment de créer trois nouvelles autoroutes ferroviaires, entre Calais et Sète, Perpignan et Rungis, et sur la façade ouest, entre le nord-ouest et Bayonne.
À plus long terme, le Gouvernement s'engage dans une stratégie qui vise à développer le fret ferroviaire : c'est la stratégie nationale qui sera présentée au Parlement d'ici à l'été, sous la forme d'un programme d'action global s'appuyant sur tous les leviers de développement possibles.
Concernant plus spécifiquement la gare de Somain, au sujet de laquelle je vous sais particulièrement mobilisé, ce site assure deux fonctions essentielles : d'une part, le tri des wagons et la formation de trains pour le transport par wagon isolé ; d'autre part, des opérations de relais de machines et de conducteurs, dans le cadre de la gestion des circulations.
Les services de wagon isolé ont été identifiés comme un enjeu essentiel et stratégique pour l'attractivité du fret ferroviaire. Les 170 millions d'euros que j'évoquais permettront d'en assurer la subvention d'exploitation, message que j'ai relayé auprès du Conseil européen la semaine dernière, puisque les autres opérateurs européens sont confrontés à la même problématique.
En ce qui concerne les infrastructures, un plan d'action de remise en état et de maintenance des voies de service du site de Somain nécessaires aux opérations des trains a déjà été établi pour la période 2018-2022. Des investissements d'un montant d'1,7 million d'euros ont ainsi déjà été réalisés par SNCF Réseau entre 2018 et 2020, et ils seront poursuivis dans les prochaines années, avec la contribution de l'État, dans le cadre du plan de relance.
La stratégie nationale pour le fret ferroviaire intégrera pleinement ces enjeux et les potentialités de développement de cette gare identifiées par la profession, en particulier par l'alliance 4F, qui fédère les opérateurs de fret ferroviaire. Soyez donc assuré, monsieur le député, que le Gouvernement sera au rendez-vous de l'histoire du fret ferroviaire et à vos côtés pour l'avenir de la gare de Somain.
Monsieur le ministre, je vous ai bien entendu et j'ai peut-être exagéré mes propos, mais ce discours, je l'entends depuis plus de dix ans, sans jamais en voir la matérialisation concrète.
Vous exagérez !
Loin de moi l'idée de mettre en doute votre parole, mais cette gare de triage souffre. Son dernier client est l'entreprise Roquette et, si celle-ci décide de quitter le triage, la gare mourra. Le wagon isolé a été la force de la gare de Somain, et je vous invite officiellement, monsieur le ministre, à venir à Somain, pour en discuter avec les élus et les syndicats de cheminots.
La parole est à Mme Stella Dupont, pour exposer sa question, no 1375, relative aux conditions de vie des personnes migrantes sur le littoral nord.
Madame la ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, je souhaite vous interpeller au sujet des conditions de vie des personnes migrantes présentes sur le littoral nord. J'associe à ma question mes collègues Bénédicte Pételle et Jacqueline Maquet. Au mois de février dernier, je me suis rendue à Calais et à Grande-Synthe afin de mieux appréhender la question. Les personnes se sont installées le long du littoral dans l'espoir de passer de l'autre côté de la Manche dans une semaine, dans un mois, dans un an.
J'étais déjà allée à Calais et je connaissais les conditions de vie difficiles : les évacuations quasi-journalières, la politique mise en place pour éviter ce que l'on appelle les points de fixation. Mais la découverte des conditions de vie à Grande-Synthe m'a surprise, pour ne pas dire choquée. Loin de moi l'idée de penser que les personnes présentes à Calais vivent dans des conditions décentes ; j'y ai cependant noté l'accès à un minimum de services déployés par l'État. À Grande-Synthe, en revanche, aucun accès aux sanitaires ni aux douches n'est possible. Le camp du Puythouck ne dispose que d'un point d'accès à l'eau potable, lequel était gelé lors de mon passage. De même, aucune association n'était à cette date mandatée par l'État pour distribuer des repas, les associations humanitaires devant seules, et avec les moyens du bord, répondre à la demande. Enfin, si les problématiques d'hébergement sont similaires sur les deux territoires, à savoir le refus des personnes présentes de rejoindre un centre d'accueil éloigné de la côte, j'ai pu noter l'existence d'hébergements d'urgence dans le cadre du plan grand froid à Calais. Ce dispositif visant à mettre d'urgence à l'abri les personnes qui le souhaitent lors des périodes météorologiques particulièrement rudes garantit aux bénéficiaires une localisation proche de la Manche. Au-delà de l'urgence, il me semblerait intéressant de déployer des hébergements le long de la côte par le biais de petites structures à la localisation dispersée : seule cette solution permettrait de conjuguer un accueil digne avec la maîtrise de la situation.
Au regard de ces éléments, j'appelle l'État à déployer des services suffisants d'accès à l'hygiène et à l'alimentation sur le littoral nord, et à Grande-Synthe en particulier. Plus globalement, le déploiement d'hébergements dispersés adaptés aux besoins des personnes sur le littoral est nécessaire pour casser les logiques actuelles menant au développement de réseaux de passeurs. Madame la ministre déléguée, pouvez-vous m'indiquer quelles actions seront menées pour répondre le plus rapidement possible aux besoins vitaux de la population se trouvant dans ces campements ?
Madame Dupont, je salue votre engagement de longue date sur ce sujet difficile. Dans le Pas-de-Calais, l'État a mis en place ces dernières années un dispositif à caractère humanitaire destiné à la population migrante afin de lui permettre un accès à l'eau, aux sanitaires et aux soins essentiels. Ce dispositif comprend une capacité d'hébergement de 315 places pour les demandeurs d'asile, auxquelles il faut ajouter 340 places d'accueil créées pendant la crise sanitaire et les dispositifs d'hébergement d'urgence qui ont bénéficié à 1 158 personnes vulnérables en 2020. À l'occasion de son déplacement à Calais en janvier 2018, le Président de la République a voulu renforcer le dispositif par la mise en place d'une prestation d'aide alimentaire, soit près de 1 800 repas distribués quotidiennement. En 2021, l'État va consacrer 14,7 millions d'euros de crédits à la prise en charge humanitaire, soit 60 millions depuis 2017.
Dans le Nord, le dispositif de prise en charge a été amélioré depuis l'an dernier : entre janvier 2020 et février 2021, le nombre total de places de mises à l'abri dans le département a été porté de 555 à 976. Le résultat de cette action offensive est que les capacités d'hébergement n'ont jamais été saturées et, depuis le 1er janvier 2021, 2 736 personnes présentes à Grande-Synthe se sont vu proposer une mise à l'abri. En ce qui concerne les soins de santé, un dispositif médical permanent est prévu via la protection civile, laquelle intervient en complément d'acteurs sociaux comme la Croix-Rouge ou Médecins du monde, dont je salue l'action, pour assurer la permanence d'accès aux soins de Dunkerque en gérant le transport depuis Grande-Synthe. L'aide alimentaire reposait jusqu'à présent sur les associations locales, avec le soutien du centre communal d'action sociale, tandis que l'État prenait à sa charge l'intégralité des dispositifs, mais le consensus local qui prévalait jusqu'à présent n'est plus réuni. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé au préfet du Nord de mettre en place une offre d'aide alimentaire destinée aux migrants présents à Grande-Synthe, laquelle sera financée par l'État dans les mêmes conditions qu'à Calais.
Je vous confirme néanmoins que l'orientation retenue est de ne pas créer de nouveau lieu d'hébergement sur le littoral, et plus spécifiquement à Grande-Synthe. Les demandeurs d'asile ont vocation à être accompagnés et orientés vers les centres d'accueil et d'examen des situations. Le nouveau schéma national d'accueil des demandeurs d'asile et des réfugiés, appliqué depuis le début de l'année, prévoit que ceux-ci peuvent faire l'objet d'une orientation sur l'ensemble du territoire national, dans les meilleures conditions d'accompagnement et d'humanité qui font l'honneur de la République.
Merci pour ces éléments de réponse. Je me permets d'insister, car l'absence d'hébergements de proximité, et donc l'existence de campements, renforce les trafics. Je pense qu'il faut au contraire renforcer les maraudes et la présence sur le terrain. La désinformation des migrants est très importante et l'OFII – Office français de l'intégration et de l'immigration – a un rôle à jouer. Il y a matière à muscler l'intervention de l'État sur le territoire pour renforcer la dignité de l'accueil de ces personnes.
La parole est à Mme Cécile Delpirou, pour exposer sa question, no 1377, relative aux assistant de service social dans l'Éducation nationale.
J'ai récemment eu l'occasion de rencontrer des assistantes de service social de l'éducation nationale de ma circonscription. Elles ont saisi l'occasion de la sortie du livre de Camille Kouchner et le débat dont s'est emparée la société sur la question de l'inceste pour me parler de leur mission au service de la protection de l'enfance.
Au quotidien, elles sont très régulièrement confrontées aux violences intrafamiliales de toutes sortes, dans un rôle de prévention, mais aussi pour des signalements permettant de mettre les enfants en sécurité. Pourtant, dans mon département de la Somme, on ne compte que vingt-quatre assistants sociaux, qui répartissent leur présence et leurs interventions entre quatre-vingts établissements scolaires. Entre septembre 2020 et février 2021, ils ont fait état de 209 informations préoccupantes et de 182 signalements au procureur, soit autant que sur l'ensemble de l'année scolaire précédente. Par ailleurs, cette fonction n'existe pas dans l'enseignement primaire, où les enseignants de mon département doivent se contenter de trois conseillers techniques joignables par téléphone en cas de difficulté. S'il est bien entendu important que les enseignants soient sensibilisés et formés pour détecter les signes et connaître les interlocuteurs pertinents, il paraît tout aussi indispensable que des professionnels dont c'est le coeur de métier puissent intervenir directement dans les écoles primaires.
Madame la secrétaire d'État chargée de l'éducation prioritaire, est-il envisagé de renforcer les effectifs des assistants de service social de l'éducation nationale dans le secondaire, eux qui sont en première ligne dans la lutte contre les violences intrafamiliales ? Le Gouvernement entend-il étendre cette fonction aux écoles primaires pour prévenir et repérer les situations de danger pour les enfants dès le plus jeune âge ? Enfin, pouvez-vous apporter des garanties à la profession quant à son maintien au sein de l'éducation nationale, notamment au regard des projets de décentralisation à venir ?
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de l'éducation prioritaire.
Merci pour cette question qui me donne l'occasion de saluer l'engagement des agents des services sociaux, qui ont été particulièrement mobilisés pendant la crise sanitaire sur le sujet douloureux des violences intrafamiliales. Ils ont redoublé d'énergie pour contribuer à la prévention du décrochage scolaire et à la protection de l'enfance, mais aussi à l'amélioration du climat scolaire, à la lutte contre le harcèlement scolaire et, plus généralement, à construire une école toujours plus inclusive. Le Gouvernement entend reconnaître l'engagement de ces professionnels du travail social.
Le corps interministériel des assistants de service social est classé, depuis le 1er février 2019, dans la catégorie A de la fonction publique. Il a connu une réévaluation du point d'indice de 30 à 40 points environ selon les échelons. Le corps interministériel des conseillers techniques bénéficie également, depuis la même date, de points d'indice supplémentaires et d'un déroulement de carrière sur deux grades. De plus, dans le cadre du Grenelle de l'éducation et de l'agenda social ministériel, un groupe de travail spécifique a été consacré à la filière sociale. C'est ainsi que le régime indemnitaire lié aux fonctions, aux sujétions, à l'expertise et à l'engagement professionnel de ces personnels a été revalorisé en 2020. Par exemple, le montant minimal annuel de l'indemnité a été porté, pour les assistants de service social classés dans le second groupe de fonctions, de 3 000 à 5 300 euros. Des instructions ont été données aux services déconcentrés de l'éducation nationale pour assurer une convergence indemnitaire entre les académies d'une même région et pour attribuer un complément indemnitaire annuel afin de reconnaître l'engagement de ces professionnels pendant la crise sanitaire, lequel est abondé par l'État à hauteur de 5,1 millions d'euros. Enfin, le groupe de travail consacré à la filière sociale se réunit de nouveau pour discuter des préoccupations de la profession et des académies, comme par exemple l'évolution des missions et des modalités d'intervention au service de l'élève, mais également des professeurs. Nous avons conscience de cet engagement, nous l'accompagnons et nous l'encadrons.
Merci pour cette réponse. Je souhaite insister sur deux points : d'une part, le souhait de ces personnels de continuer à oeuvrer au sein du ministère de l'éducation nationale ; d'autre part, l'intérêt très important d'étendre le réseau de l'enseignement secondaire vers l'enseignement primaire pour prévenir les violences intrafamiliales et intervenir dès le plus jeune âge.
La parole est à M. Maxime Minot, pour exposer sa question, no 1380, relative aux agressions contre les enseignants dans l'Oise.
Indignation, révolte, choc : les mots ne sont pas assez forts à la suite de l'agression d'une violence inouïe d'une enseignante, par ailleurs directrice de l'école Carnot à Nogent-sur-Oise, et de l'ATSEM – agent territorial spécialisé des écoles maternelles – qui l'accompagnait, le 18 mars dernier, par une mère et sa fille de dix-neuf ans à la suite d'une discussion qui aurait mal tourné. Ces faits inacceptables, qui n'ont pas leur place dans le sanctuaire du savoir et de l'apprentissage qu'est l'école de la République, ne sont malheureusement pas un cas isolé : intimidations, coups et blessures sont devenus quotidiens dans certains établissements labellisés REP – réseaux d'éducation prioritaire – et REP+ – réseaux d'éducation prioritaire renforcés – , mais pas seulement.
La dégradation des conditions d'exercice de l'activité d'enseignant est une réalité. Nous avons toujours en mémoire le drame qui a marqué le pays tout entier le 16 octobre dernier, l'odieux assassinat de Samuel Paty. L'application Faits établissements lancée en 2015 souhaite encourager la fin d'un certain mutisme. En outre, l'administration est censée protéger ses agents contre les attaques dont ils font l'objet dans l'exercice de leurs fonctions, comme elle en a l'obligation. Des mesures de responsabilisation des familles ont par ailleurs été prises. Mais cela suffira-t-il ? L'école est le reflet de notre société, et le problème est certainement plus profond. Il appelle donc une réponse globale. D'une part, un changement de paradigme : il faut une réponse pénale à la hauteur de la gravité des faits, ce qui suppose de ne plus pratiquer la politique de l'excuse qui amène à faire preuve d'une complaisance coupable à l'égard des auteurs. D'autre part, malgré les dispositifs et malgré le travail fourni par les équipes de circonscription, la hiérarchie de l'éducation nationale est souvent absente, préférant, semble-t-il, cacher la poussière sous le tapis en invoquant la formule bien connue : « Surtout, pas de vagues ! ». Aujourd'hui, les langues se délient. Il faut absolument encourager ce mouvement. Ainsi, madame la secrétaire d'État, allez-vous donner instruction en ce sens et infléchir la position gouvernementale vers davantage de fermeté pour avoir, enfin, une vraie école de la confiance ?
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de l'éducation prioritaire.
Évidemment, comme vous, je partage, nous partageons, et l'institution dans son entier partage votre indignation. Je vais vous répondre précisément et chronologiquement sur ce qui a été fait depuis cet acte inqualifiable. Je tiens auparavant à préciser, comme vous l'avez dit vous-même, que ces faits ne se déroulent pas que dans les réseaux d'éducation prioritaire, REP ou REP+, car je ne voudrais pas que l'on stigmatise ces réseaux. C'est malheureusement un phénomène général qui a lieu un peu partout.
L'institution a réagi. Mais, au-delà de la réaction de l'institution, nous devons travailler davantage avec les familles pour les responsabiliser : c'est ce que nous faisons avec les cités éducatives, de 0 à 25 ans, pour travailler à la racine. Vous avez rappelé les faits, je ne vais donc pas y revenir ; je décrirai simplement, et précisément, comment l'institution s'est mobilisée. Comme le dit assez souvent Jean-Michel Blanquer, nous ne voulons pas mettre la poussière sous le tapis, et je crois que nous en avons apporté la preuve ces dernières années.
L'académie d'Amiens s'est montrée très réactive face à l'agression. Dès le 18 mars après-midi, l'inspectrice de l'éducation nationale était au chevet des victimes pour accompagner leur prise en charge hospitalière. Les faits ont été immédiatement signalés au parquet sur le fondement de l'article 40 du code de procédure pénale. Dans le même temps, l'institution, par la voix du recteur, a fermement condamné l'agression.
Le 19 mars, l'inspectrice de l'éducation nationale s'est à nouveau rendue dans l'école, accompagnée cette fois d'une équipe mobile de sécurité, afin de créer une cellule psychologique. La directrice a été immédiatement remplacée dans ses fonctions et l'inspectrice de l'éducation nationale l'a accompagnée lors de son dépôt de plainte et de son examen par l'unité médico-judiciaire de Creil. Le rectorat d'Amiens a également déposé une plainte. Enfin, le 22 mars, le recteur a accordé la protection fonctionnelle à la directrice.
Vous l'avez dit, cette affaire illustre les violences auxquels les personnels sont confrontés de plus en plus fréquemment et qui concernent des élèves de plus en plus jeunes. Ainsi que le montre le cas de Nogent-sur-Oise, l'administration ne se borne plus à accorder la protection fonctionnelle aux agents. Des mesures très concrètes de suivi psychologiques sont prises et les victimes sont accompagnées dans leurs démarches judiciaires ; l'institution affiche publiquement son soutien aux enseignants. Enfin, un protocole d'accompagnement des enseignants visés par des plaintes abusives existe depuis 2019. Il prévoit notamment des conseils et des bonnes pratiques pour faire face à ces situations – certaines ont été appliquées en l'espèce.
Je tiens à redire tout mon respect à l'inspectrice de l'éducation nationale concernée, qui a effectué un travail exceptionnel d'accompagnement de la directrice. Je la remercie et la salue publiquement.
Madame la secrétaire d'État, je me suis rendu auprès des personnels qui ont manifesté à la suite de ces événements. J'ai pu mesurer leur exaspération et surtout les craintes que certains éprouvent à l'idée de se rendre dans leur établissement et de poursuivre l'exercice d'un métier qu'ils ont choisi avant tout par passion. Je vous demande de leur accorder une attention toute particulière.
La parole est à M. Frédéric Reiss, pour exposer sa question, no 1384, relative à l'objectif de bilinguisme et aux partenariats franco-allemands en matière d'enseignement et de formation professionnelle.
La réalisation des objectifs du traité d'Aix-la-Chapelle se heurte souvent à des réglementations nationales malvenues. En voici deux exemples.
L'arrêté du 3 avril 2020 qui rend la certification en langue anglaise obligatoire pour les étudiants dans l'enseignement supérieur va à l'encontre des efforts fournis en Alsace pour favoriser la maîtrise de l'allemand, laquelle constitue un véritable atout pour trouver du travail dans le bassin d'emploi du Rhin supérieur.
Financés jusqu'à présent par le conseil régional, les modules complémentaires d'allemand assurés dans les CFA – centres de formation d'apprentis – s'en trouvent menacés, au détriment de l'employabilité de nos jeunes en Allemagne et dans les entreprises allemandes implantées en France.
Second exemple, la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel transfère le pilotage de l'apprentissage des régions vers les branches professionnelles. Il remet ainsi en cause l'apprentissage transfrontalier que nous avons réussi à développer avec les collectivités territoriales et les partenaires consulaires français et allemands. 220 contrats sont en cours et seuls une dizaine de nouveaux contrats ont été signés pour le CFA académique durant l'année en cours. C'est une régression spectaculaire. Les filières proposées par les CFA consulaires se sont aussi effondrées. Pour débloquer la situation, il faut s'intéresser aux questions de financement et de responsabilité juridique. À l'heure de la montée en puissance de la CEA, la Collectivité européenne d'Alsace, les compétences des collectivités doivent être clarifiées afin d'assurer à nouveau la promotion de ce dispositif.
Madame la secrétaire d'État, en pérennisant ces deux offres de formation essentielles pour l'employabilité des jeunes, vous répondriez à une vraie demande des familles et des entreprises et vous permettriez aux jeunes de s'ouvrir sur l'Europe.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de l'éducation prioritaire.
Le ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports soutient bien sûr les collectivités territoriales dans la réalisation des objectifs inscrits à l'article 15 du traité d'Aix-la-Chapelle. Jean-Michel Blanquer a donc annoncé le 25 janvier, lors de la huitième rencontre entre ministres de l'éducation des Länder et recteurs d'académie, la création d'un second lycée franco-allemand à Strasbourg à partir de la rentrée de 2021. Ce projet sera conduit en étroit partenariat avec les collectivités territoriales – la région Grand Est, la Communauté européenne d'Alsace, l'Eurométropole de Strasbourg et la mairie de Strasbourg.
Le ministère suit également avec une attention toute particulière le projet de développement d'un centre de ressources à partir de l'INSPÉ – institut national supérieur du professorat et de l'éducation – de Colmar. Même si sa création a été retardée par la crise sanitaire, il n'est pas ajourné. Le COPIL – comité de pilotage – est en cours de constitution. Une plateforme de mutualisation des nombreuses ressources prévues pour favoriser le développement du bilinguisme en Alsace dans le cadre de la politique plurilingue menée dans l'ensemble de la région académique du Grand Est est également en cours d'élaboration.
Le ministère soutient également des partenariats entre les INSPÉ de Strasbourg, de Reims, de l'académie de Nancy-Metz et leurs homologues allemands en faveur de l'internationalisation de la formation de nos futurs enseignants.
La réunion du 25 janvier a été l'occasion de rappeler l'augmentation de plus de 80 % des crédits d'Erasmus +. Le ministre a également insisté sur son soutien au développement des partenariats, que vous avez évoqué, entre campus des métiers et des qualifications français et écoles professionnelles allemandes, afin « d'aller vers des partages de technologie, vers des projets ambitieux qui s'articulent avec les moyens de l'Union européenne, pour donner envie aux jeunes. » Il a ainsi été convenu de créer plus de vingt partenariats, en particulier autour des enjeux climatiques et des nouveaux métiers du numérique, l'objectif étant de développer une offre ambitieuse, susceptible d'attirer les jeunes et d'accroître leur employabilité.
Enfin, à cette occasion, comme convenu, le ministre a donné mandat aux commissions franco-allemandes des experts compétentes pour élaborer les stratégies permettant d'augmenter le nombre d'apprenants de la langue du partenaire et le niveau atteint par les élèves, ainsi que pour créer des outils d'excellence franco-allemands pour l'enseignement et la formation professionnelle, conformément à l'article 10 du traité d'Aix-la-Chapelle.
Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, pour ces éléments de réponse. Nous nous réjouissons évidemment de l'ouverture d'un deuxième lycée franco-allemand, qui va dans le sens souhaité par les familles.
Toutefois, n'oubliez pas la question des modules complémentaires d'allemand et de leur financement. L'obligation de certification en langue anglaise porte préjudice à la pratique de l'allemand, absolument nécessaire, notamment dans les CFA et CFAI – centre de formation d'apprentis de l'industrie – locaux, importants pour l'industrie.
La parole est à M. Bruno Duvergé, pour exposer sa question, no 1364, relative à l'extension du dispositif des cités éducatives aux zones de revitalisation rurale.
Le 2 mai 2019, le ministre Jean-Michel Blanquer et Julien Denormandie, alors ministre chargé de la ville et du logement, ont lancé le projet des cités éducatives. Plutôt que d'ajouter un dispositif supplémentaire à ceux existants, il s'agit de mieux les organiser et de les renforcer en réunissant l'ensemble des acteurs éducatifs des quartiers prioritaires de la politique de la ville – services de l'État, collectivités, associations et habitants. En fédérant tous les acteurs des domaines scolaire et périscolaire dans les territoires qui en ont le plus besoin et en y concentrant les moyens publics, le Gouvernement entend promouvoir la continuité éducative et conforter le rôle de l'école. Quelque 80 territoires urbains ont bénéficié des 34 millions d'euros alloués à ce programme.
Toutefois, ce dispositif favorisant la réussite éducative ne concerne que les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Or certains collègues et moi-même souhaitons qu'il soit adapté aux zones de revitalisation rurale – ZRR – créées en même temps que les zones de revitalisation urbaine dans des territoires qui, eux aussi, ont été oubliés par la République. Dans leur très beau livre, Les Invisibles de la République, Salomé Berlioux et Erkki Maillard constatent que les 60 % des jeunes qui ne vivent pas dans les grandes villes sont plus touchés par l'inégalité, notamment éducative. Je cite Mme Berlioux : « C'est l'exemple de cette lycéenne très brillante, poussée par ses professeurs vers des études de médecine et qui opte pour une école d'infirmières au prétexte que médecine, ce n'est pas pour elle. Comment s'autoriser un choix professionnel ambitieux quand cela implique de partir loin ? Quand il n'y a aucun modèle d'identification autour de soi ? [… ] Certains métiers paraissent inaccessibles à ceux qui en sont géographiquement éloignés. Être jeune, c'est compliqué partout. Choisir une bonne orientation est un casse-tête. Mais c'est encore plus vrai quand l'horizon des choix est rétréci par l'environnement géographique et culturel. »
Comme ces auteurs, je souhaite que les mesures de l'État en faveur des quartiers prioritaires puissent être adaptées aux milieux ruraux et, comme eux, je souhaite que soit créé dans nos territoires un écosystème avec les élus locaux, les associations, l'éducation nationale, les fondations et les entreprises. Madame la secrétaire d'État, comment entendez-vous décliner le dispositif des cités éducatives aux ZRR ?
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de l'éducation prioritaire.
Je vous remercie pour votre question, qui me permet de compléter votre propos sur les cités éducatives et d'abonder dans votre sens concernant les zones rurales.
Les cités éducatives sont désormais au nombre de 126, puisque quarante-six nouvelles ont été ajoutées aux quatre-vingts existantes depuis le comité interministériel des villes du 29 janvier. Notre objectif est d'aller encore plus loin, avec 200 cités éducatives d'ici à 2022.
Vous l'avez dit, ces cités ont pour objectif d'accompagner les élèves en permanence et tout au long de leur parcours – à l'école, sur le chemin de l'école, hors de l'école. Le spectre va de 0 à 25 ans, de l'accueil de la petite enfance à l'insertion professionnelle. L'objectif est de créer des alliances éducatives dans les territoires, de réunir tous les acteurs autour de la table – le principal du collège, l'État, les élus, les associations du sport, de la culture, du sanitaire et du social, ainsi que les acteurs du monde économique – pour bien accompagner les élèves.
Les cités éducatives ont eu un rôle clé l'année dernière pendant le premier confinement, puisqu'elles ont permis d'identifier les fragilités de certaines familles et, grâce à un abondement important de l'État, d'aider à résorber rapidement la fracture numérique dans ces territoires.
Forts de ces expériences, le ministre Jean-Michel Blanquer et moi-même avons décidé, après une lecture très attentive du rapport de Salomé Berlioux sur l'orientation et l'égalité des chances dans la France des zones rurales et des petites villes, de dupliquer ce modèle pour les territoires ruraux. Évidemment, la situation n'y est pas la même. Les cités éducatives sont, vous l'avez dit, implantées dans un milieu très urbain, celui des QPV – quartiers prioritaires de la politique de la ville. Le monde rural rencontre des difficultés propres, liées à la sociologie, à la géographie, à la démographie et à la mobilité. Nous constatons en effet que l'ambition scolaire des élèves y est plus faible. Le taux de passage au niveau supérieur après les classes de troisième et de seconde et dans l'enseignement supérieur y est bas au regard de la situation de l'école rurale – qui va très bien – et du taux de réussite au bac des élèves ruraux – qui est très bon.
Nous dupliquons donc le modèle des cités éducatives : les « territoires éducatifs ruraux » en sont en quelque sorte le copier-coller pour le monde rural. Nous avons lancé une expérimentation dans trois académies, celles de Nancy-Metz, de Normandie et d'Amiens, où nous avons identifié vingt-cinq territoires éducatifs ruraux, à partir d'éléments très concrets – les dispositifs déjà présents localement, le taux de réussite des élèves, la mobilité, les ressources éducatives, culturelles et sportives disponibles – , afin que l'ambition scolaire des élèves soit confortée partout sur le territoire. C'est la boussole de l'action du ministère, et en particulier de mon secrétariat d'État : lutter contre toutes les inégalités, qu'elles soient sociales ou territoriales.
Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, c'est une excellente nouvelle. Il serait formidable qu'un de ces dispositifs soit créé dans le Pas-de-Calais.
Eh bien voilà ! J'en prends note.
La parole est à M. Joël Aviragnet, pour exposer sa question, no 1392, relative à l'injustice subie par les lycéens.
La crise sanitaire que subit notre pays depuis un an bouleverse tous les champs de l'activité humaine. Nous avons soutenu votre choix d'oeuvrer pour une ouverture des écoles, des collèges et des lycées car nous avons le devoir d'offrir une scolarité de qualité à tous les jeunes. La dégradation prévisible de la situation sanitaire ces dernières semaines vous a poussés à prendre de nouvelles décisions : les cours sont donnés à distance cette semaine et ils seront suspendus à partir de la semaine prochaine et pour trois semaines.
Dans la situation sanitaire actuelle, vous avez choisi le contrôle continu pour le baccalauréat pour les enfants scolarisés dans un lycée public ou un lycée privé sous contrat. Or certains jeunes sont laissés sur le bord de la route, à savoir les lycéens inscrits au CNED – Centre national d'enseignement à distance – en classe complète réglementée. Les raisons expliquant ce statut particulier sont multiples et vont d'une maladie empêchant une scolarité dite classique à des incompatibilités diverses. Une scolarité via le CNED à inscription réglementée est le fruit d'un dialogue entre l'éducation nationale, ses représentants et les parents. Ces élèves sont considérés comme scolarisés.
Cette année, de nombreux enfants dans cette situation ont eu la surprise de recevoir une convocation à un examen en présentiel. Le syndicat national des enseignants du second degré vous a adressé un courrier à ce sujet pour vous faire part de son incompréhension. En outre, de nombreux élèves étudiant par le CNED réglementé n'ont reçu leurs codes d'accès aux cours qu'au mois de novembre 2020. Ils ont subi une double peine : ils ont eu deux mois de moins que leurs camarades des lycées publics ou privés sous contrat pour préparer leur baccalauréat et ils devront, eux, passer l'examen, ne bénéficiant du contrôle continu que pour leurs épreuves de spécialité.
Cette situation n'est pas envisageable. Il ne peut y avoir de différence entre les lycéens pour un même examen ; la loi est très claire à ce sujet. Ces jeunes se battent pour apprendre et préparer leur entrée dans la société malgré des situations de vie souvent difficiles, ils n'ont pas à souffrir d'une telle inégalité de traitement.
Envisagez-vous de revenir sur la note d'information du 1er mars dernier qui confirme le choix de considérer les élèves du CNED en classe réglementée comme des candidats libres et comptez-vous appliquer à ces lycéens les mêmes modalités d'examen du baccalauréat que leurs camarades des lycées publics ?
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de l'éducation prioritaire.
Je vous remercie pour votre question qui me donne tout d'abord l'occasion de saluer tous les professeurs et les élèves à l'orée de cette période un peu particulière de quatre semaines.
Le baccalauréat est une source d'angoisse et de stress pour les lycéens, surtout dans cette période de crise. Nous avons voulu ménager un équilibre entre le maintien des épreuves et les conditions exceptionnelles d'apprentissage liées au contexte sanitaire actuel. Nous avons donc adapté les modalités du baccalauréat de cette année : à situation sanitaire identique, l'épreuve de philosophie se tiendra normalement, comme le grand oral. Pour les élèves scolarisés dans un lycée, les épreuves de spécialité seront remplacées par le contrôle continu. Pour les élèves inscrits au CNED en classe réglementée, c'est-à-dire empêchés de suivre une scolarité en établissement, les évaluations ponctuelles des enseignements communs prévues au titre du contrôle continu seront maintenues selon la réglementation en vigueur, mais les candidats auront, dans chaque discipline, le choix entre deux sujets qui ne porteront exceptionnellement, pour cette session, que sur le programme de terminale. Les notes du livret scolaire remplaceront les épreuves finales de spécialité, comme pour tous les candidats scolaires.
Les élèves inscrits au CNED en classe réglementée n'auront qu'une seule épreuve d'évaluation commune par discipline sur tout le programme, au lieu de trois pour les élèves candidats scolarisés en établissement.
L'épreuve de philosophie se tiendra bien cette année. Les élèves auront le choix entre trois sujets de dissertation au lieu de deux, en plus du sujet d'explication de texte. Tous les candidats se présenteront au grand oral dans le courant du mois de juin.
Les candidats en situation de handicap ou atteints d'un trouble de la santé, y compris ceux inscrits au CNED, peuvent bénéficier d'aménagements, prévus par le code de l'éducation, pour passer les épreuves. La procédure de demande a été simplifiée à compter de cette session.
Enfin, vous avez affirmé que certains élèves n'avaient eu leurs codes d'accès aux cours en ligne qu'au mois de novembre : nous avons vérifié et, à la minute où les représentants légaux transmettent un dossier d'inscription complet aux services administratifs du CNED, l'inscription et l'accès aux cours sont immédiats.
Les familles nous ont fait part de difficultés, relayées par les syndicats, pour les codes d'accès : il y a donc sans doute quelque chose à contrôler, même si je fais toute confiance à votre administration.
La crise sanitaire génère certes des fonctionnements différents, mais je vous demande de prendre en compte la situation de ces élèves qui se trouvent déjà en grande difficulté à cause de leur situation particulière : ils doivent avoir les mêmes droits que les autres !
La parole est à M. Nicolas Meizonnet, pour exposer sa question, no 1389, relative à la fermeture de classes dans le Gard.
Le 16 mars dernier, nombre de Gardoises et de Gardois ont découvert dans la douleur la nouvelle carte scolaire pour la rentrée 2021. Au programme, la fermeture de quarante-trois classes dans le département ! Rien que dans ma commune de 11 500 âmes pourtant en croissance démographique, Vauvert, trois classes seront fermées.
Comme tous les parents d'élèves, je suis partagé entre incompréhension, stupéfaction et colère. Je me demande comment vous allez expliquer à nos concitoyens des territoires ruraux cette évaporation de classes, qui conduit inévitablement à la saturation de celles qui subsistent. Vous me direz que cinquante-deux classes sont ouvertes ailleurs dans le département et que vingt postes sont créés. Soit. Mais votre politique consiste à déshabiller Paul pour habiller Jacques et, plus précisément à dépouiller, comme toujours, la ruralité pour favoriser les quartiers prioritaires de la politique de la ville.
Pas du tout !
Je me souviens pourtant qu'Emmanuel Macron s'était engagé à garantir « la réussite de tous et l'excellence de chacun à l'école ». C'est peut-être envisageable dans les quartiers avec les classes dédoublées, mais c'est impossible dans les classes surpeuplées des déserts éducatifs que vous créez.
Madame la secrétaire d'État, ce n'est pas en supprimant des classes que nous lutterons contre la baisse généralisée du niveau scolaire, le décrochage des élèves – qui s'est accru à cause de la crise sanitaire – et la recrudescence des violences à l'école. Je partage évidemment l'inquiétude des habitants de Vauvert, des élus locaux du département du Gard, des personnels scolaires, des élèves et de leurs parents, et je m'oppose à la fermeture injustifiée des classes, chez moi comme dans tous les territoires ruraux.
Il y en a ras-le-bol de voir des habitants de mon département se sentir des citoyens de seconde zone, ras-le-bol de voir opposer deux France, celle des métropoles et des banlieues que vous chérissez tant et qui profite de la mondialisation et de toutes vos politiques, comme l'analyse parfaitement le géographe Christophe Guilluy, et celle, périphérique, des oubliés et des grands perdants à qui l'on retire tout, des bureaux de poste aux commissariats et des centres administratifs aux écoles.
Madame la secrétaire d'État, ma question est simple : allez-vous, oui ou non, supprimer toutes ces classes ? Comment le justifiez-vous ? Comment expliquez-vous que les élus locaux, les maires, les parlementaires et les conseillers départementaux, dont je suis, n'aient pas été consultés ? Plus généralement, quand cesserez-vous de discriminer la France périphérique au profit des quartiers prioritaires de la politique de la ville ?
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de l'éducation prioritaire.
Je ne peux pas vous laisser dire qu'il y a deux France que nous traiterions différemment. Vous étiez là tout à l'heure et vous m'avez donc entendue répondre à M. Duvergé sur le déploiement du programme des territoires éducatifs ruraux ; vous m'avez entendue saluer la qualité des écoles rurales. Vous avez cité le Président de la République, donc vous avez entendu son engagement de ne fermer aucune école dans les communes de moins de 5 000 habitants. Lors de la dernière rentrée, aucune classe n'a été fermée dans ces communes. Il est donc scandaleux que vous nous accusiez de travailler au développement de deux France distinctes et de ne pas faire cas de la ruralité.
Vous avez également affirmé qu'il y avait de plus en plus de décrocheurs, mais je m'inscris en faux contre cette affirmation : l'année dernière, lors du premier confinement, les professeurs ont accompli un travail extraordinaire. Je les salue une nouvelle fois, eux qui sont allés au contact des élèves dans les quartiers et les zones rurales pour être au plus proche d'eux. La vérité est peut-être contre-intuitive, mais il y a moins de décrocheurs cette année. Quand on affirme quelque chose dans l'hémicycle, il est bon de s'être assuré de son exactitude.
Vous dites que nous voulons fermer des classes dans le premier degré et que nous refusons de lutter contre le mal. Nous avons au contraire mis tous les moyens sur le premier degré et nous l'assumons pleinement. Nous avons créé 11 900 postes supplémentaires depuis 2017, alors que la baisse démographique est constante : il y a environ 150 000 élèves de moins depuis cette date. Nous n'avons pourtant pas cessé de mettre des moyens partout.
Vous l'avez dit, nous dédoublons les classes : les CP, les CE1 et, en ce moment, les grandes sections de maternelle. Mesure complémentaire à celle du dédoublement, nous plafonnons les effectifs des classes de grande section, de CP et de CE1 à vingt-quatre élèves. Cette politique permet, contrairement à ce que vous dites, de consolider les apprentissages fondamentaux des élèves – lire, écrire, compter et respecter autrui.
Les cinq départements de l'académie de Montpellier vont connaître, pour la première fois depuis vingt ans, une baisse des effectifs des élèves du premier degré. Malgré cela, nous avons doté l'académie de Montpellier de 140 emplois supplémentaires, dont 20 dans le département du Gard. Ainsi, à la prochaine rentrée scolaire, le nombre d'élèves par classe dans le département s'améliorera encore nettement pour descendre à vingt-deux élèves en moyenne. En outre, les classes de grande section dans les zones d'éducation prioritaire seront dédoublées dans 74 % des écoles de votre département à la rentrée prochaine, contre 5 % à la dernière rentrée.
Comme vous le constatez, le Gouvernement est pleinement engagé pour créer dans votre département, comme dans tous les autres, des conditions d'apprentissage propices à la réussite de tous les élèves.
La parole est à M. Alexis Corbière, pour exposer sa question, no 1366, relative à la détresse étudiante.
Face à la crise sanitaire, des millions d'étudiants dénoncent l'existence d'une génération, la leur, sacrifiée. Assignés à résidence, souvent cloîtrés loin de chez eux, leur précarité ne cesse de croître et atteint un seuil critique. D'après l'Observatoire national de la vie étudiante, un tiers des personnes entre 18 et 25 ans souffrent de troubles dépressifs et confient avoir des pensées suicidaires, pensées qui se traduisent hélas en actes par des vagues de suicides que l'on ne peut ignorer.
La France compte un psychologue pour 30 000 étudiants, soit vingt-cinq fois moins que les recommandations internationales. Et la plateforme de soutien en ligne n'y changera rien : elle témoigne même d'un certain décalage avec la réalité. Surtout, les services universitaires ne disposent pas de structures de suivi à la mesure du problème. Ce soutien psychologique ne fait pas tout et ne nourrit pas, notamment. En l'espace d'un an, les aides d'urgence versées aux étudiants ont doublé par rapport à 2019, mais la crise sanitaire n'a fait qu'amplifier un désastre organisé : bien avant la crise, un étudiant sur cinq était déjà sous le seuil de pauvreté.
Le 13 octobre 2017, j'ai rencontré la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation pour l'alerter de la précarité étudiante : elle m'avait répondu que les budgets étaient en hausse et que cela suffirait.
Face à ce constat, que j'espère nous partageons tous, pourquoi s'obstiner à refuser d'étendre le RSA – revenu de solidarité active – aux jeunes âgés de 18 à 25 ans ? Nous avons réclamé à de nombreuses reprises, comme de nombreux groupes parlementaires, cette mesure d'urgence que soutiennent deux Français sur trois.
Pourquoi aucune réquisition de locaux n'a-t-elle été envisagée pour désengorger les amphithéâtres et rouvrir les facultés ? Pourquoi ne pas recruter des médecins scolaires et mieux valoriser leur métier lorsque l'on sait qu'un tiers des postes sont vacants dans l'éducation nationale ? En septembre 2020, le Gouvernement a annoncé 6,5 milliards d'euros pour l'enseignement supérieur : pourquoi ne pas débloquer des crédits pour augmenter les bourses et les APL – aides personnalisées au logement ? Il s'agit d'une demande des étudiants et de leurs organisations : que leur répondez-vous ?
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de l'éducation prioritaire.
Je vous prie tout d'abord d'excuser Mme Frédérique Vidal, qui ne peut être présente ce matin ; je vais répondre à sa place. Vous nous interrogez sur la précarité étudiante et le soutien psychologique aux jeunes. Non, monsieur le député, on ne peut pas dire que le Gouvernement ait attendu que ce phénomène fasse la une des médias pour s'en saisir : dès mars 2020, les droits d'inscription et les loyers en cité universitaire ont été gelés et ils le seront à nouveau pour la rentrée de septembre 2021 ; le montant des bourses a été revalorisé ; les bourses ont continué à être versées à la rentrée pour ceux qui avaient dû décaler leur stage de quelques mois ; des aides exceptionnelles de 150 à 200 euros ont été versées, notamment en cas de perte d'emploi ; nous avons également instauré le ticket de restaurant universitaire à un euro, désormais accessible à tous les étudiants, boursiers, non boursiers et internationaux ; près de 10 000 contrats doctoraux ont été prolongés et financés en 2020 ou le seront en 2021 ; plus de 5 millions de repas ont été servis dans 500 points de vente ; les fonds d'aide d'urgence des CROUS – centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires – ont été doublés pour verser des aides spécifiques pouvant aller jusqu'à 500 euros ; nous avons créé près de 22 000 emplois étudiants pour répondre à la perte des petits jobs.
Le Gouvernement lutte également contre la précarité menstruelle, avec l'installation de 1 500 distributeurs de protections périodiques gratuites. La reprise des cours en présentiel un jour par semaine depuis février est également une mesure déterminante dans la lutte contre l'isolement ; grâce à ce redémarrage progressif, nous avons pu stabiliser un protocole sanitaire robuste, qui malgré la reprise épidémique, permet de maintenir les universités ouvertes et de donner des perspectives aux jeunes. Grâce à ces protocoles, les étudiants ont pu passer leurs examens du premier semestre sans décrochage massif ni baisse du niveau général ; je tiens à les en féliciter. Le Gouvernement renforce aussi de manière inédite les capacités d'accompagnement psychologique depuis le 10 mars, avec la plateforme santepsy. etudiant. gouv. fr, qui recense près de 1 300 psychologues volontaires ; 80 postes ont été créés dans les SSU – services de santé universitaires – pour renforcer les capacités de prise en charge et 60 postes d'assistants des services sociaux sont prévus dans les CROUS.
Pour ce qui est du climat, enfin, la ministre a renouvelé la semaine dernière le groupe de travail présidé par Jean Jouzel, qui a déjà permis des avancées majeures s'agissant de l'introduction de la transition écologique et du développement durable dans le code de l'éducation. Toutes ces dispositions ont été renforcées ici-même la semaine dernière lors de l'examen de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. Les travaux se poursuivent avec les étudiants et l'ensemble des acteurs ; nous y voyons un enthousiasme, une mobilisation et un engagement. Vous voyez, monsieur le député, nous écoutons les étudiants et nous agissons sans relâche pour accompagner leur présent et préparer leur avenir.
Je remercie MM. Corbière et Lecoq, ainsi que les députés qui prendront la parole après eux, d'avoir modifié leur emploi du temps, puisque nous avons dû faire face à des défections.
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour exposer sa question, no 1367, relative aux transferts de compétences des douanes.
Des missions de terrain incombant historiquement aux douaniers sont sur le point d'être transférées à la direction générale des finances publiques – DGFIP – par le biais de procédures dématérialisées. Il en irait ainsi du recouvrement de la taxe intérieure sur la consommation – TIC – , de la taxe intérieure sur les produits énergétiques – TICPE – et du droit annuel de francisation et de navigation – DAFN – , qui ne serait plus effectué par les douaniers. Soulignons que la seule TICPE rapporte annuellement au budget de l'État une recette de l'ordre de 40 milliards d'euros, après une augmentation de 63 % en trois ans.
Actuellement et sauf information contraire, le recouvrement de ces taxes s'opère à la satisfaction générale. Les douaniers effectuent un contrôle physique salutaire sur les produits taxés depuis les différentes portes d'importation du pays et assurent un rôle apprécié de conseil auprès des entreprises concernées. À cela s'ajoute une garantie de sécurité et d'équité, la sagacité des douaniers et leur savoir-faire dans ce domaine complexe étant bien connus. Je m'étonne par conséquent de la volonté affichée par le Gouvernement de leur ôter des compétences au profit d'agents de la direction des finances publiques. Ces derniers devront acquérir ces compétences spécialisées, tout en effectuant des opérations d'évaluation et de contrôle depuis leur bureau et leur ordinateur, situés à des kilomètres, voire des centaines de kilomètres, des points d'entrée des marchandises taxées. Dès lors, il est à craindre que le contrôle physique opéré sur le terrain soit remplacé par un autocontrôle des entreprises, d'où un risque accru d'erreur et de fraude, mais également une accentuation du risque sanitaire : aucun bordereau dématérialisé ne saurait mettre en évidence la qualité d'un produit et sa bonne conformité avec les normes exigées avant sa consommation.
À l'évidence, cette réforme fait courir un risque à l'État ; mais elle en fait également courir un au consommateur. Actuellement, je n'ai aucune connaissance des dispositifs et des moyens qui seront déployés pour assurer le même niveau de garantie et de protection que celui apporté par les douaniers. Quand bien même, pourquoi prendre un risque, alors que visiblement, tout fonctionne correctement dans ce secteur sensible ? Je crains que cette réforme ne soit qu'un moyen de compenser les créations de postes au sein des douanes en raison du Brexit, tout en compensant les effets de la réforme opérée au sein de la direction générale des finances publiques ; mais à quel prix ? Si vous partagez ces inquiétudes, exprimées notamment par l'ensemble des organisations syndicales des agents des douanes, je vous remercie, monsieur le ministre délégué, d'annoncer le retrait de cette réforme. Dans le cas contraire, je vous remercie de bien vouloir nous rassurer et rassurer les Français, tout simplement en nous expliquant comment, et avec quels moyens, les agents des services fiscaux pourront assurer les missions d'évaluation, de contrôle et de conseil dévolues actuellement à leurs collègues douaniers, sur le terrain et à proximité.
La parole est à M. le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises.
Le Gouvernement a décidé de créer un portail commun de recouvrement des recettes des administrations fiscales, douanières et sociales. Cette réforme majeure poursuit un objectif d'intérêt général, partagé par toutes les administrations publiques : la simplification et l'amélioration du parcours des usagers. Elle se traduit notamment par le transfert à la direction générale des finances publiques de plusieurs pans de la fiscalité, aujourd'hui gérés par d'autres administrations, notamment la douane.
Monsieur le député, vous me faites part de vos inquiétudes concernant les conséquences de cette réforme sur l'avenir de la direction générale des douanes et droits indirects – DGDDI – , en soulignant que celle-ci s'acquitte de façon pleinement satisfaisante de ses missions fiscales. Cette réforme ne repose pas sur le postulat que telle ou telle administration serait davantage compétente pour recouvrer l'impôt ; elle vise à unifier le parcours de l'usager, à lui offrir un interlocuteur unique et ce faisant, à dégager des synergies au bénéfice des entreprises, de l'administration et des affectataires, notamment les collectivités locales. Du point de vue de la douane, notre souhait est de faire de cette réforme une occasion de renforcer le coeur des missions douanières, c'est-à-dire le contrôle et la surveillance de la marchandise. La crise sanitaire et le Brexit ont démontré tout récemment que protéger nos frontières, qu'elles soient physiques, numériques ou maritimes, est une priorité absolue.
Au demeurant, soyez assuré, monsieur le député, que la douane conservera des missions fiscales en propre ou en partenariat avec la DGFIP, notamment en matière de lutte contre la fraude à la TVA ou en matière de contributions indirectes. En matière de contrôle en particulier, la pleine implication des agents des douanes dans le contrôle de l'assiette taxable aux frontières sera un élément clé de la réussite du projet. Je vous rappelle que certains transferts sont déjà achevés. Pour ce qui est de celui des taxes sur les boissons non alcooliques, réalisé au 1er janvier 2019, la comparaison des rendements ne conduit pas à constater une diminution des rentrées fiscales.
Vous mettez également en avant les risques sociaux qu'emportent ces opérations de transfert. Ces différentes réformes ont déjà fait l'objet de rendez-vous réguliers avec les représentants des personnels des deux directions générales sur les métiers. L'organisation des transferts, et tout particulièrement des aspects relatifs aux ressources humaines, fait l'objet de la plus grande attention et est examinée dans le cadre du dialogue social. À ce titre, il faut souligner que le maintien des agents dans leur secteur géographique, s'ils le souhaitent, est une priorité. La DGFIP est ainsi pleinement mobilisée pour permettre l'accueil des agents restructurés de la DGDDI ; des garanties concrètes ont été apportées sur ces points.
La parole est à M. Emmanuel Maquet, pour exposer sa question, no 1379, relative à la taxe sur les pompes à chaleur et chauffe-eau thermodynamiques.
Issu d'un territoire industriel, la Somme, j'ai interrogé Mme la ministre Agnès Pannier-Runacher en l'hémicycle sur l'utilisation du « made in France » dans un secteur très important pour ma circonscription : le verre. Je souhaite à nouveau appeler votre attention, cette fois sur d'autres entreprises innovantes également très nombreuses, mais particulièrement pénalisées. L'arrêté du 1er juillet 2018 a eu en effet des conséquences fiscales importantes pour l'économie locale en créant une taxe sur les pompes à chaleur et les chauffe-eau thermodynamiques au profit du centre technique des industries aérauliques et thermiques – CETIAT. Cette taxe est particulièrement lourde et déloyale pour les fabricants français : seules les entreprises produisant en France y sont soumises, y compris sur les produits exportés, tandis que les importations étrangères, majoritairement asiatiques, et les distributeurs qui les commercialisent n'y sont pas soumis. Or le CETIAT, qui bénéficie d'une contribution des constructeurs français par le biais de cette taxe, réalise des études techniques au profit des acteurs du monde entier pour des pompes à chaleur et des chauffe-eau thermodynamiques.
En résumé, les producteurs français financent le développement de leurs concurrents étrangers. Quelle aberration ! Monsieur le ministre délégué, face à cette situation déloyale et anticoncurrentielle, quand envisagez-vous la suppression de cette taxe parafiscale afin de rétablir l'équité, donc la compétitivité des entreprises françaises ?
La parole est à M. le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises.
Les centres techniques industriels – CTI – sont des établissements d'intérêt général, fondés à l'initiative des organisations professionnelles souhaitant mutualiser des projets liés à leur secteur d'activité. Ils ont pour objet la promotion du progrès technologique et sa diffusion, spécialement auprès des petites et moyennes entreprises industrielles qui, seules, ne pourraient pas en bénéficier, améliorant ainsi leur compétitivité.
Pour mener à bien leur mission d'intérêt général, les centres techniques industriels bénéficient de taxes fiscales affectées, proportionnelles au chiffre d'affaires réalisé en France. Pour le CETIAT, l'arrêté du 1er juillet 2018 précise les produits entrant dans l'assiette de ces taxes. Ces taxes sont essentielles au financement des missions des centres techniques industriels, missions qui conservent toute leur pertinence, comme l'a démontré le rapport de l'inspection générale des finances remis en mai 2019. En retour de leur assujettissement à ces taxes, les fabricants français bénéficient des actions collectives menées par le centre, notamment en matière de recherche et développement, mais aussi de transfert technologique, de normalisation et de formation. Ces actions collectives ne bénéficient pas aux entreprises non assujetties à ces taxes. Le centre technique des industries aérauliques et thermiques mène aussi des actions collectives au profit des fabricants français, afin de répondre aux enjeux de transition énergétique et écologique auxquels la profession est confrontée. La suppression de la taxe que vous évoquez, monsieur le député, n'est pas envisagée à ce stade, car celle-ci apparaît essentielle aux petites et moyennes entreprises industrielles.
Monsieur le ministre délégué, j'entends bien vos propos, avec lesquels je suis plutôt en accord, si ce n'est que ce dispositif bénéficie également aux entreprises étrangères, qui importent massivement du matériel, notamment asiatique. C'est bien ce problème que je souhaite soulever avec ma question et c'est la raison pour laquelle je vous interpelle : il faut supprimer cette taxe, ou en réserver le bénéfice uniquement aux industriels français, ce qui n'est pas le cas.
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour exposer sa question, no 1369, relative à la filière transmanche.
La filière transmanche, grâce à ses différentes liaisons avec les ports qui émaillent le littoral, fait travailler près de 20 000 salariés, des Hauts-de-France à la Bretagne en passant par la Normandie. Elle génère, grâce aux flux touristiques qui sont à 80 % d'origine britannique, plus d'un milliard d'euros de dépenses dans notre pays. Elle a été percutée de plein fouet par la crise du coronavirus et les mesures sanitaires que celle-ci a justifiées, ainsi que par le Brexit.
Ni plan de relance ni fonds de compensation du Brexit n'ont été mobilisés pour soutenir cette filière, alors qu'elle affronte, sur le fret notamment, une forte concurrence de nos voisins du Nord, et qu'elle devra, dans moins d'un an, appliquer les mesures frontalières biométriques du nouveau système d'entrée et de sortie, l'EES – EntryExit System – , décidé par l'Europe pour ses frontières externes. Les configurations portuaires rendent cette application complexe. À ce jour, ni les compagnies ni les ports du trafic transmanche n'ont été soutenus pour préparer cette importante échéance.
Au-delà des annonces du Gouvernement portant sur le remboursement des cotisations sociales et salariales pour les personnels navigants des traversées transmanches – qui n'est pas encore effectif et dont la ligne Dieppe-Newhaven, opérée dans le cadre d'une délégation de service public (DSP), ne bénéficiera pas – , quel plan d'envergure le Gouvernement entend-il déployer pour permettre au secteur transmanche de se rétablir, de préparer l'EES et de préserver l'emploi dans tous ses ports ?
Après l'entrée en vigueur du Brexit, les premières semaines du trafic transmanche ont montré les insuffisances du dispositif douanier, notamment à Dieppe, avec des conséquences négatives sur la fluidité des opérations de dédouanement. Elles confirment l'impérieuse nécessité d'avoir un bureau de douane de plein exercice. Au-delà des questions générales que je viens de poser, quel engagement le Gouvernement prend-il pour résoudre les difficultés douanières sur le port transmanche de Dieppe ?
La parole est à M. le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises.
Le Gouvernement a pleinement conscience de la situation économique difficile de la filière transmanche. Comme l'a annoncé le Premier ministre en septembre dernier, 30 millions d'euros sont débloqués afin de soutenir les compagnies de ferries, soit l'équivalent des cotisations salariales dues au titre de l'année 2021.
L'État a assuré la mise en place des infrastructures nécessaires au rétablissement des contrôles aux frontières. De tels aménagements ont conduit à un premier effort financier important, de près de 20 millions d'euros à ce jour. La France a demandé à ce que la réserve spéciale d'ajustement au Brexit contribue à leur financement, les quatre cinquièmes de ce fonds devant être décaissés dès 2021.
Au-delà, nous avons engagé, en partenariat avec les organisations professionnelles de la logistique, une démarche de reconquête en matière de performance logistique, puisque, comme vous le soulignez, la France affronte, dans le domaine du fret, une forte concurrence des pays voisins du Nord. Plusieurs mesures ont été annoncées en décembre 2020, dans le cadre du premier comité interministériel de la logistique.
Vous m'interrogez, enfin, sur les difficultés douanières dans le port de Dieppe et sur l'installation d'un bureau de douane. Depuis le déploiement du système dit de frontière intelligente, le 1er janvier 2021, sur l'ensemble des neuf points d'entrée et de sortie de la façade transmanche, dont le port de Dieppe, aucune difficulté majeure n'a été constatée. À titre d'exemple, sur les 688 camions ayant franchi la frontière intelligente à Dieppe au cours du dernier mois, seuls 21 % ont dû marquer un arrêt, avec un temps d'immobilisation d'une durée raisonnable.
Tout comme pour d'autres sites, comme Ouistreham, la gestion des formalités douanières par les flux empruntant le port de Dieppe est assurée par un bureau déporté et situé à Rouen, une organisation permise par la dématérialisation avancée de la quasi-intégralité des procédures de dédouanement et par le renforcement des équipes du bureau de Rouen, dans la perspective du Brexit.
Certaines formalités, nécessitant encore le visa de documents papier, sont prises en charge par les services de surveillance de la douane, présents sur le site de Dieppe : elles concernent essentiellement la réalisation des formalités migratoires et d'actions de lutte contre la fraude. Dès lors, au regard de la situation, que nous suivons avec attention depuis le début de l'année, l'intérêt d'implanter un bureau de douane à Dieppe n'est pas avéré.
Enfin, la plupart des marchandises débarquant à Dieppe ne sont pas destinées à être dédouanées sur place et leur acheminement est couvert par un titre de transit. Nous resterons néanmoins extrêmement vigilants sur ce point.
Avec la franchise qui me caractérise, monsieur le ministre délégué, je ne peux m'empêcher de considérer que cette réponse est théorique, je dirais même, d'un certain point de vue, technocratique. Vous ne répondez pas à la question de la mobilisation du plan de relance et du fonds de compensation du Brexit, notamment en vue de la mise en oeuvre du nouveau système EES, qui sera nécessaire en 2022 pour contrôler d'une manière biométrique les entrées et les sorties des ressortissants physiques.
Votre explication sur le bureau de douane ne me satisfait pas non plus. Travaillant sur la question du transmanche depuis une vingtaine d'années, je sais que ce secteur est porté à bout de bras par les collectivités locales. Vous ne dites rien sur la prise en charge des cotisations sociales pour la DSP transmanche de Dieppe. Enfin, les bureaux de douane de Rouen ne sont pas en situation d'absorber le fret durant le week-end : un port n'est pas une simple administration et nécessite réactivité, opérationnalité et efficacité.
La parole est à M. Jean-Bernard Sempastous, pour exposer sa question, no 1378, relative au Ségur de la santé et aux personnels médico-sociaux du privé.
Je souhaite vous interroger, madame la ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, sur la situation des professionnels médico-sociaux du privé, qui ne peuvent percevoir la prime mensuelle de 183 euros instituée par le Ségur de la santé.
Ainsi, en Occitanie, 55 000 professionnels de structures privées, des infirmiers, des éducateurs spécialisés, des psychologues ou encore des auxiliaires de vie, ne verraient pas leurs salaires revalorisés, alors même que leur travail est aussi essentiel pour les Français que celui des salariés des structures publiques.
Une telle différence pose, tout d'abord, un problème de reconnaissance du travail de ces professionnels, très impliqués dans la crise sanitaire. Les structures privées, qui peinent déjà à recruter, sont également davantage handicapées par la différence salariale engendrée par une telle mesure.
Je ne peux que saluer les méthodes du Ségur de la santé et les avancées inédites qui en résultent, car il était important de soutenir notre personnel soignant, qui fait preuve d'un professionnalisme exemplaire en toute circonstance. Dans le public comme dans le privé, les professionnels du secteur médico-social sont avant tout des femmes et des hommes passionnés, volontaires, indispensables, tous partie intégrante de notre système de santé.
Je peux en témoigner grâce à mes différentes visites sur le terrain, comme celle effectuée dernièrement au service de soins infirmiers à domicile du Magnoac, qui fait un travail remarquable dans ma circonscription, en dépit de conditions de travail difficiles. Je ne peux me résoudre à ce que les travailleurs de cet organisme à but non lucratif soient moins soutenus que ceux appartenant à d'autres structures. Quelles mesures pourraient être mises en place pour ces professionnels ?
Je suis parfaitement consciente de la problématique que vous soulevez, concernant les professionnels du domicile, avec qui je m'entretiens chaque semaine, pour qu'ils tiennent compte de la situation sanitaire et pour répondre à leurs questions.
Le Ségur, c'est un plan d'investissements massifs, pour les structures hospitalières, pour le médico-social, pour le bâti, mais aussi pour les ressources humaines, afin de reconnaître leur activité et de redonner de l'attractivité à ces métiers du soin, à l'hôpital comme dans les établissements médico-sociaux. L'accord de juillet dernier a institué un complément de traitement indiciaire de 183 euros nets par mois, pour les personnels des établissements de santé et des EHPAD, dont ils me disent être satisfaits : 1,5 million de personnes ont bénéficié de cette hausse représentant jusqu'à 10 % d'augmentation pour certains professionnels, notamment les aides-soignants.
L'accord prévoyait une clause de revoyure pour les établissements médico-sociaux que vous évoquez et, à cette fin, une mission a été confiée à Michel Laforcade. La majorité des organisations syndicales, la Fédération hospitalière de France (FHF) et le Gouvernement sont parvenus à un accord pour revaloriser l'ensemble des professionnels non médicaux des établissements publics de santé et des EHPAD autonomes relevant de la fonction publique, soit 18 000 bénéficiaires de plus. Ainsi, à compter du 1er juin prochain, ces professionnels bénéficieront aussi de cette hausse.
La mission confiée à Michel Laforcade porte sur les métiers de l'autonomie et vise à ce que soient formulées, au premier semestre 2021, des propositions opérationnelles globales de revalorisation de ces métiers. La représentation nationale sera bientôt informée des suites qui lui seront données. Dans l'attente, je vous remercie de votre question et de l'hommage que vous rendez à ces personnels.
La parole est à M. Alain Ramadier, pour exposer sa question, no 1385, relative à la fusion du FIVA avec l'ONIAM.
Ma question porte sur les victimes de l'amiante, qui risquent de voir leur régime d'indemnisation, le FIVA, le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, être fusionné avec l'ONIAM, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.
De nombreuses associations d'aide aux victimes de l'amiante et à leurs proches ont vivement exprimé leur rejet d'une telle fusion. Tel est notamment le cas d'une association importante de mon département, l'association départementale de défense des victimes de l'amiante de Seine-Saint-Denis – ADDEVA 93 – , dont nous ne pouvons que partager l'inquiétude.
Le FIVA a été créé le 23 décembre 2000 afin d'attribuer une indemnisation rapide aux victimes de l'amiante, ainsi qu'à leurs familles. Reconnu pour son efficacité, ce dispositif a permis d'indemniser plus de 100 000 personnes. L'ONIAM a quant à lui été créé en 2002, par la loi dite Kouchner, mais son efficacité semble assez relative, comme l'a dénoncé la Cour des comptes en 2017.
La fusion du FIVA et de l'ONIAM est très mal accueillie, car elle risque de se traduire par une dégradation des conditions de versement des indemnisations dues aux victimes de l'amiante. Je suis certain, madame la ministre déléguée, que vous êtes consciente de la gravité de cette question, qui concerne des personnes décédées pour être allées travailler.
À Aulnay-sous-Bois, comme dans bien d'autres communes de France, l'amiante a fait des victimes et continuera malheureusement à en faire. L'usine de broyage d'amiante CMMP a exposé des milliers de personnes aux poussières d'amiante. Nombreuses sont les familles inquiètes sur ce point. Le minimum que doit la nation française à ces victimes, c'est un régime de compensation digne et fonctionnant très bien.
Je n'ignore rien de la nécessité de simplifier toutes les démarches administratives françaises et d'en réduire les coûts. Cela ne doit néanmoins en aucun cas se faire au détriment des victimes de l'amiante. Ma question sera donc simple : le FIVA va-t-il être fusionné avec l'ONIAM ? Quelles sont les conclusions de la direction générale des finances publiques sur ce sujet ?
Je vous remercie pour votre question – quand on est originaire du Pas-de-Calais, on ne peut être insensible à la question que vous évoquez. Le ministre de la santé et le ministre chargé des comptes publics ont confié une mission à l'IGAS, l'inspection générale des affaires sociales, et à l'IGF, l'inspection générale des finances, pour examiner l'opportunité et les modalités d'un potentiel rapprochement entre le FIVA et l'ONIAM.
Cette mission doit permettre d'évaluer les possibilités de mutualisation des fonctions support, voire la pertinence d'un rapprochement plus étroit entre les deux établissements ; le maintien d'une attention particulière portée à la réparation des victimes de l'amiante ; le cadre de la mission éclair ; garantir, voire améliorer encore la qualité du traitement de l'indemnisation des victimes de l'amiante comme des accidents médicaux ; définir l'organisation la plus adaptée pour assurer la pleine réalisation.
D'octobre 2020 à février 2021, la mission a largement consulté les acteurs ; les conclusions sont désormais à l'étude. Des similitudes ont d'ores et déjà été constatées : les établissements partagent la même mission de réparation intégrale du dommage corporel ; le statut de leurs agents contractuels est le même ; ils partagent des locaux communs et sont régis par des règles juridiques et budgétaires proches ; ils ont des structures de financement similaires, avec un financement assuré pour l'essentiel par la sécurité sociale et à la marge par des dotations de l'État, au titre de la mission « Santé » ; tous deux sont de taille relativement limitée, avec 116 agents pour l'ONIAM et 76 agents pour le FIVA. Leur rapprochement est présenté comme pouvant renforcer leur efficacité.
La mission a identifié plusieurs scénarios : le statu quo, la mutualisation des fonctions support, ou un rapprochement plus poussé entre les établissements. Le rapport présente la dernière option comme la plus efficiente en termes de dématérialisation, de réduction des délais d'instruction et de recours aux droits.
L'arbitrage n'a pas encore été rendu. Les avantages et les inconvénients des différentes options doivent encore être évalués. Le seul impératif qui doit nous guider, c'est la meilleure prise en charge des besoins des victimes. La décision ne sera donc prise qu'après une concertation nourrie de l'ensemble des membres des instances des deux établissements, qui sera menée prochainement.
Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre déléguée. J'ai noté « garantir, voire améliorer », ce qui est très important.
La parole est à Mme Michèle Victory, pour exposer sa question, no 1391, relative à la prime grand âge.
L'attribution de la prime grand âge a exclu un certain nombre des personnels des hôpitaux et des EHPAD du dispositif. Cette situation suscite les inquiétudes légitimes des personnels oubliés. De toute évidence, le système de primes dans son ensemble, en raison de sa nature opaque et réservée, nourrit un sentiment d'injustice envers des personnels dont nous avons pourtant loué l'engagement et l'immense nécessité.
Alors que la crise sanitaire mobilise depuis un an l'ensemble des personnels soignants, que le Ségur de la santé a déjà créé de nombreuses inégalités de traitement au sein des équipes soignantes, la prime grand âge accroît non seulement les différences de traitement entre les personnels, mais aussi entre les structures – EHPAD, hôpitaux, courts séjours gériatriques, soins de suite et réadaptation gériatriques – , qui ne sont pas toutes reconnues.
Cette prime, qui marque la reconnaissance de l'engagement des professionnels auprès des personnes âgées, laisse de côté plusieurs maillons essentiels de notre système de soins : des agents des services hospitaliers – ASH – et les infirmières diplômées d'État – IDE – des pôles de gériatrie. Nous pensons qu'il est impératif, afin de fidéliser ces personnels dans l'exercice de leur mission, que l'ensemble des métiers des pôles de gériatrie bénéficient d'une revalorisation globale de leur salaire et de leur carrière. Il en va de la juste reconnaissance de ces métiers et d'une relation de confiance qu'il faut consolider.
Nous vous demandons ensuite qu'elles soient – je dis « elles » puisque ce sont encore et toujours presque exclusivement des femmes qui occupent ces postes – toutes éligibles à la prime grand âge, quels que soient leur statut et le type de structure dans lequel elles évoluent.
Dans ma circonscription, à Annonay, au sein du centre hospitalier d'Ardèche-Nord, 77 aides-soignantes bénéficient de la prime grand âge alors que 42 IDE et 41 ASH ne la perçoivent pas. Au total, 43 agents du pôle de gériatrie se retrouvent sur le bord de la route alors que cette prime, dans un contexte de crise sanitaire aussi terrible, ne serait qu'un juste retour des choses, compte tenu de leur implication. Les personnels déplorent ce système et m'ont fait part de leur incompréhension profonde face à cette situation inéquitable.
Ma question sera simple, madame la ministre : dès lors qu'ils sont mobilisés au même degré par la crise, pourquoi tous les personnels de notre système de soins travaillant dans les pôles de gériatrie – auxquels je tiens une nouvelle fois à rendre hommage – ne bénéficient-ils pas de cette prime ? Quand leur sera-t-elle versée ?
La prime grand âge, instaurée par Agnès Buzyn dans le cadre du volet « Investir pour l'hôpital » du plan « Ma santé 2022 », a vocation à reconnaître l'engagement des aides-soignants auprès de nos aînés et à rendre plus attractif l'exercice de cette profession, notamment dans les carrières hospitalières.
L'accompagnement qu'ils assurent aux personnes âgées suppose des compétences spécifiques et une technicité dont la reconnaissance devrait passer par un soutien financier. Nous nous y employons dans mon domaine. Le décret du 30 juin 2020 a traduit cet objectif pour la fonction publique hospitalière. Pour la fonction publique territoriale, le Gouvernement a précisé les choses par le décret du 29 septembre 2020. Il en découle que le montant de la prime est intégralement pris en charge par l'assurance maladie pour l'ensemble des professionnels exerçant dans les établissements et services qu'elle finance, qu'ils relèvent de la fonction publique hospitalière ou de la fonction publique territoriale. Les agents peuvent donc percevoir dès à présent la prime grand âge dans la mesure où l'assemblée délibérante de la collectivité ou de l'établissement public référent a adopté une délibération actant le versement de celle-ci.
Je me suis assurée que la direction générale des collectivités locales (DGCL) avait bien communiqué ce prérequis à la mise en paiement de la prime pour ces professionnels. Je peux mettre à votre disposition cette note du 18 novembre dernier présentant les modalités retenues. L'assurance maladie finance cette revalorisation de manière intégrale dans le cadre d'un dispositif exceptionnel, y compris pour les personnels des EHPAD qui relèvent de la section tarifaire relative à la dépendance financée par les départements. Si un problème devait demeurer, il serait dû à un manque de coordination, ce que je regretterais, croyez-le.
Je vous remercie pour votre question qui me permet de dissiper les dernières craintes qui pouvaient subsister et de rappeler la revalorisation de 183 euros issue du Ségur de la santé, comme le travail de reconnaissance des métiers du soutien à l'autonomie que nous effectuons.
Je vous remercie pour votre réponse, madame la ministre. S'il s'agit d'un dysfonctionnement, ce que j'espère vivement, les personnels seront ravis de l'apprendre. Dès la fin de la semaine, je communiquerai avec eux. Si les choses se sont ainsi passées, il convient qu'ils le sachent, parce qu'il n'y a aucune raison qu'il y ait des différences.
Cela nous ramène toutefois à la problématique de la revalorisation des carrières, car la question de la prime n'aurait pas pris une telle importance si les salariés se sentaient eux-mêmes suffisamment reconnus dans leur métier.
La parole est à M. Adrien Quatennens, pour exposer sa question, no 1365, relative aux alternatives au confinement.
Au mois de janvier, le Président de la République prenait la décision de ne pas reconfiner le pays, sans solliciter la représentation nationale, sans planifier d'alternative réelle au confinement, comme celle que nous proposons avec Jean-Luc Mélenchon pour limiter drastiquement la circulation du virus, sans tenir compte non plus des alertes des scientifiques selon lesquelles les mois de mars et avril constitueraient un moment très difficile pour notre système de santé. Le 1er mars, le président appelait les Français à « tenir encore quatre à six semaines », ce qu'ils ont accepté, eux qui ont été patients, disciplinés et indulgents pendant plus d'une année. Le 25 mars, tard dans la soirée, il prenait la parole à l'issue d'un conseil européen pour affirmer : « je n'ai aucun mea culpa à faire, aucun remords, aucun constat d'échec ». Pourtant, six jours plus tard, il faisait une nouvelle déclaration pour annoncer une sorte de reconfinement général de quatre semaines, incluant la fermeture des écoles alors que le Gouvernement disait encore la veille, par la voix du ministre Blanquer, qu'on ne s'y contaminait pas particulièrement.
Qu'est-ce donc que cela, sinon un constat d'échec ? Et quel mépris à l'égard de notre Parlement, réduit à devoir voter dès le lendemain matin pour dire en quelque sorte son appréciation de l'allocution télévisée ! Arrive un moment où les gesticulations et les tirades sur le thème du virus qui s'abat sur tout le monde et face auquel vous feriez pour le mieux ne suffisent plus à masquer l'incapacité du Gouvernement à gérer cette crise.
Dans quatre semaines, ou du moins à la date où vous déciderez de desserrer l'étau et d'assouplir les nouvelles mesures qui viennent d'entrer en vigueur, vous serez bien obligés de mettre en place des alternatives au confinement. Qu'attendez-vous donc pour faire équiper toutes les salles de purificateurs d'air produits en France ? Qu'attendez-vous pour distribuer gratuitement des masques FFP2 ? Qu'attendez-vous pour organiser des roulements et renforcer les protocoles sanitaires nécessaires à la réouverture des lieux clos ? Qu'attendez-vous pour lever les brevets sur les vaccins, ce qui mettra fin à la logique de marché et permettra de produire des doses partout où cela est possible ? Enfin, qu'attendez-vous pour ouvrir les lits promis à l'hôpital et engager un plan ambitieux incluant une revalorisation des salaires, de manière à faire revenir les professionnels qui en sont partis ?
Monsieur le député, vous connaissez suffisamment la réalité de la situation sanitaire sur le terrain pour que je n'aie pas besoin de m'y attarder. Elle est tendue, elle est difficile, elle est éprouvante pour tous nos concitoyens, et en premier lieu pour nos soignants. Vous avez raison de souligner les efforts consentis par toutes et tous depuis un an et le respect par l'immense majorité des Français des consignes, des gestes barrières, leur résilience responsable, la solidarité aussi dont nos concitoyens ont fait preuve. Cette crise inédite a évidemment remis en cause un grand nombre de nos certitudes. Depuis le début, les pouvoirs publics s'attachent à corriger des rigidités, pour beaucoup héritées, afin d'apporter des réponses adaptées aux difficultés de nos concitoyens. Notre action est placée sous le signe du pragmatisme, de l'humilité. Elle est guidée par des principes simples : la sécurité des Français, l'équilibre entre les différents rationnels – scientifique, psychologique, social – et la confiance dans le sens des responsabilités de chaque citoyen.
Nous avons cherché à être les plus agiles possible – l'exemple de Dunkerque est assez éloquent à cet égard. La stratégie de l'État s'est adaptée pour contenir le plus possible la progression du virus et de ses variants, comme d'ailleurs les autres pays l'ont fait. Cette agilité, couplée à la recherche du dialogue avec les territoires et à l'écoute des propositions des élus, s'inscrit toujours dans la même philosophie « protéger sans enfermer », que vous revendiquez, et qui nous a permis de ne pas mettre sous cloche, contrairement à la plupart de nos voisins. C'est le même état d'esprit qui a guidé nos dernières mesures. La stratégie du « tester, alerter, protéger » permet d'identifier, de casser les chaînes de contamination. La stratégie de vaccination nous rapproche de semaine en semaine de la sortie de crise, notamment grâce à la réussite de la campagne de vaccination en EHPAD, dont on parle peu, et à l'arrivée massive de doses au mois d'avril.
Les annonces mercredi dernier du Président de la République offrent un cap, celui d'un meilleur équilibre entre freinage de l'épidémie et maintien d'une vie sociale et économique. Vous pointez le peu de cas qu'aurait fait le Gouvernement de vos propositions et du débat parlementaire. Les chiffres sont pourtant là : plus de 150 heures ont été consacrées aux débats sur des textes parlementaires et au moins autant aux auditions et autres contrôles. Les Français attendent une sortie de la crise, des propositions constructives, et non des polémiques. De notre côté, nous poursuivons notre effort, et quand je dis « nous », ce n'est pas seulement le Gouvernement, mais aussi tous les agents publics, les préfets, les agences régionales de santé, les associations avec lesquelles nous travaillons. Nous consultons les corps intermédiaires à travers le collectif citoyen sur la vaccination que nous interrogeons régulièrement avec les parlementaires, à l'occasion notamment de nombreuses réunions informelles.
Madame la ministre, l'humilité, je veux bien vous l'accorder à vous, mais moins au Président de la République quand il se présente devant les Français pour dire qu'il n'a aucun mea culpa à faire, aucun remords et aucun constat d'échec. Nous aurions pu saluer le choix qu'il a fait en janvier de ne pas reconfiner s'il avait décidé de mettre en oeuvre des alternatives au confinement afin de limiter la circulation du virus. Cela n'a pas été fait et nous ne pouvons que constater que les mesures qui viennent d'être annoncées sont la conséquence d'une dégradation de la situation sanitaire. Quand vous desserrerez l'étau dans quelques semaines, il faudra, nous le répétons, organiser ces alternatives sous peine de devoir, quelques semaines plus tard, procéder à un nouveau serrage de vis.
Pour ce qui est du débat parlementaire, je ne nie pas que nous ayons passé des heures à discuter, mais vous n'êtes pas sans savoir que les décisions ne sont jamais prises ici et que les propositions des oppositions ne sont pas véritablement débattues. D'ailleurs, les décisions, ce n'est même plus le Gouvernement qui les prend, mais le conseil de défense, et c'est par la presse que les ministres en prennent connaissance !
Enfin, sur les vaccins, l'urgence est de lever les brevets pour en produire partout. Quel que soit le régime politique, que l'on soit d'accord ou pas avec lui politiquement, si le vaccin est sûr, si le vaccin est efficace, il doit être proposé.
La parole est à Mme Lise Magnier, pour exposer sa question, no 1361, relative au Ségur de la santé.
La crise sanitaire a souligné l'extrême nécessité de revaloriser le travail de tous ceux qui oeuvrent dans le domaine de la santé et du soin. Le Ségur de la santé a eu précisément pour ambition de revaloriser une filière qui, si nous en doutions encore, s'est révélée indispensable, notamment en augmentant les salaires de nos soignants. Le 11 février dernier, le ministre de la santé a annoncé que tous les salariés des structures sociales et médico-sociales rattachées à un établissement public hospitalier allaient recevoir 183 euros supplémentaires mensuels à partir du 1er juin prochain. Or, vous le savez, la réalité est multiple et l'hôpital est loin d'être le seul concerné. Il y a donc quelque chose d'incompréhensible dans cette annonce : pourquoi certains bénéficieraient de cette prime quand d'autres, qui exercent le même métier, en seraient privés ?
Madame la ministre, qu'en est-il de ceux qui exercent des métiers de la santé ou du maintien à domicile en dehors de l'hôpital – je pense aux salariés des services de soins infirmiers à domicile (SIAD) ou des EHPAD, rattachés aux centres communaux d'action sociale (CCAS) ou aux associations dans nos territoires ? L'avancée du Ségur semble presque gâchée par ces distinctions technocratiques reposant sur les différences liées au type de fonction publique et de rattachement administratif.
Pouvez-vous nous confirmer que tous les salariés des SIAD pourront bénéficier des dispositions du Ségur de la santé ? Si tel est le cas, quels grands principes détermineront le calcul des compensations de ces mesures pour les SIAD et les EHPAD et quelles seront leurs conséquences sur les prix de journée, qui ne doivent pas devenir rédhibitoires pour les résidents ?
Madame la députée, votre question étant assez proche de celle qu'une de vos collègues a déjà posée, ma réponse sera similaire à celle que je lui ai apportée – c'est heureux, d'ailleurs.
Vous avez raison de rappeler que ce secteur est confronté à d'importantes difficultés de recrutement, notamment pour les soins à domicile, comme j'ai pu le constater lorsque j'ai pris mes fonctions. L'enjeu est bien de faire remonter les chiffres, notamment en fidélisant ces professionnels. À l'occasion des accords de Ségur en juillet, le Gouvernement a instauré un complément de traitement indiciaire de 183 euros pour les personnels des établissements de santé et des EHPAD, et ce sont 1,5 million de personnes qui ont bénéficié de cette hausse, équivalente pour certains à 10 % d'augmentation. Dans le même temps, le Gouvernement s'est engagé à poursuivre des travaux complémentaires concernant les professionnels du secteur social et médico-social. Une mission a été confiée dès le mois de décembre à Michel Laforcade, ancien directeur général de l'ARS Nouvelle-Aquitaine.
Un accord a été trouvé mi-février pour une autre catégorie, l'ensemble des professionnels non médicaux des structures rattachées aux établissements publics de santé et aux EHPAD autonomes relevant de la fonction publique hospitalière. Dès le 1er juin, ces professionnels bénéficieront eux aussi d'un complément de rémunération. Dans le prolongement de cette première étape importante qui représente un effort de plus de 80 millions d'euros par an, la mission Laforcade mène des négociations avec les organisations syndicales au sujet des structures publiques autonomes relevant de la fonction publique hospitalière et, d'autre part, des professionnels du secteur privé non lucratif exerçant dans les établissements et services pour les personnes en situation de handicap.
Je tiens à préciser que, dans le cadre de cette mission sur les métiers de l'autonomie, des travaux sont en cours afin de mettre en oeuvre des propositions opérationnelles et globales de revalorisation de ces métiers. Leurs résultats sont attendus d'ici peu et la représentation nationale sera bien sûr informée. Il n'y aura pas d'oubliés du Ségur.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour exposer sa question, no 1393, relative au fonctionnement des centres de vaccination municipaux.
« Vacciner matin, midi et soir : pas de week-end et de jours fériés pour la vaccination », c'est un joli mantra du Président de la République qui, dans les faits, mobilise matin, midi et soir bien des communes. Pourtant, les doses n'arrivent toujours pas ou alors sont dispensées au compte-gouttes. À Béziers, le centre de vaccination communal mis en place pourrait accueillir 10 000 personnes par semaine, mais nous n'en vaccinons pas plus de 3 000.
Qu'importe, les communes n'ont pas mégoté, elles ont mis la main à la poche. Béziers n'échappe pas à la règle puisque, chaque semaine, son centre de vaccination coûte à la ville plus de 46 000 euros. À cela s'ajoutent les dépenses médicales dont la note s'est élevée à plus de 30 000 euros pour le seul mois de février, et dont une partie seulement serait apparemment prise en charge par l'ARS. Pour une ville de notre taille, une telle dépense n'est pas anodine.
Par ailleurs, depuis le 18 janvier, dix-huit infirmières remplaçantes, c'est-à-dire non installées en nom propre en cabinet libéral, participent à la vaccination au sein de notre centre. Cependant, elles n'ont toujours pas été rémunérées depuis cette date.
En effet, l'assurance maladie ne les reconnaît pas, car elles ne sont pas identifiées comme centre de santé et ne disposent pas d'un numéro FINESS – Fichier national des établissements sanitaires et sociaux. De ce fait, les bordereaux récapitulant leurs interventions ne sont pas traités lorsqu'ils sont adressés à l'assurance maladie et elles ne sont pas payées.
Pour bénéficier d'une rémunération, elles doivent être recrutées par un cabinet médical affilié à l'assurance maladie ; celui-ci encaisse le montant des vacations et leur verse une rétrocession d'honoraires. Il est donc nécessaire de trouver un centre de santé support qui accepte cette manipulation, ce qui n'est pas simple tant du point de vue du recrutement que des sommes importantes à gérer.
Ma question est double : pouvez-vous me confirmer que le coût des centres de vaccination gérés par les communes sera intégralement pris en charge par l'État et, dans l'affirmative, dans quels délais ? Quelle solution pourrait être trouvée pour faciliter et développer le travail des personnels soignants dans les centres de vaccination et accélérer leur rémunération ?
L'accélération de la vaccination nécessite de s'adapter en permanence ; c'est ce que nous faisons et nous ajusterons les moyens alloués aux collectivités et aux municipalités pour accélérer la campagne.
L'assurance maladie prend déjà en charge la plupart des dépenses, qu'il s'agisse du paiement direct des professionnels – s'il existe des retards, faites-nous le savoir, nous examinerons la situation – et des établissements préalablement référencés comme exerçant en libéral ou à l'hôpital, ou des professionnels à la retraite qui prêtent main-forte et sont pris en charge par leur structure de rattachement.
Dès le 18 février, nous avons délégué aux ARS 60 millions d'euros du fonds d'intervention régional (FIR), pour financer les dépenses les plus urgentes des 1 700 centres ouverts en France. L'estimation des besoins de ces centres, fixée à 50 000 euros pour six mois de fonctionnement, ne constitue pas un plafond et nous resterons fidèles à notre engagement de compenser les surcoûts, en prenant en considération notamment les frais liés à l'ouverture des centres le week-end.
Afin d'éviter toute tension sur la trésorerie des partenaires auxquels les centres de vaccination sont rattachés, les ARS doivent donner toute visibilité sur les délais des premiers versements de subventions et des signatures de conventions, et les réduire autant que possible. Tous les types de centres, qu'ils soient labellisés ou non, peuvent solliciter le FIR. Les coûts des centres hospitaliers sont, quant à eux, pris en charge dans le cadre de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM).
Nous allons nous tourner vers l'ARS qui, pour l'instant, ne donne aucune précision concernant les coûts pris en charge ou les délais de paiement.
Pour ce qui est de votre réponse partielle relative au personnel médical, j'ai évoqué un point très particulier, celui d'infirmières remplaçantes qui ne sont installées ni en cabinet libéral ni en centre de santé et que la caisse primaire d'assurance maladie refuse de reconnaître.
Nous sommes par conséquent confrontés à un problème concret : ces dix-huit infirmières remplaçantes – soit plus de la moitié de la trentaine d'infirmières qui interviennent au sein du centre de vaccination communal – , n'ont pas été payées depuis le 18 janvier, alors que nous sommes déjà au mois d'avril. Elles ne peuvent pas continuer ainsi et, si nous ne trouvons pas une solution très vite pour les rémunérer, elles arrêteront de travailler ; c'est alors la moitié du personnel du centre de vaccination, amené à devenir un vaccinodrome, qui sera défaillant. Il est bien sûr compréhensible qu'elles ne travaillent pas indéfiniment sans être rémunérées, mais nous serons confrontés à un manque de personnel médical pour assurer la vaccination. Il s'agit d'un vrai problème et d'une véritable urgence.
La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour exposer sa question, no 1390, relative au Ségur de la santé et secteur de l'aide à domicile.
Ma question porte également sur les aides à domicile, ce qui prouve qu'il s'agit d'un vrai sujet. Depuis plus d'un an, les soignants et tous les personnels des établissements de santé et des structures médico-sociales se retrouvent en première ligne.
Les mesures issues du Ségur ont constitué une première reconnaissance de leurs efforts et de leur engagement sans faille et, depuis septembre 2020, vous l'avez rappelé, ils perçoivent 183 euros supplémentaires par mois, mesure étendue ensuite à ceux qui travaillent au sein des EHPAD territoriaux, et je m'en réjouis.
Néanmoins, certains professionnels n'ont pas bénéficié de cette revalorisation, alors que les fonctions essentielles qu'ils exercent sont identiques : je pense notamment aux auxiliaires de vie à domicile rattachés à des centres communaux ou intercommunaux d'action sociale, aux aides-soignants à domicile et à tous les personnels qui interviennent dans des structures privées.
Pourquoi une telle rupture d'égalité ? L'engagement, le dévouement, les efforts, mais également les risques qu'ils prennent dans l'exercice de leurs missions, ont été et restent les mêmes.
Il s'agit d'une profonde injustice envers ces professionnels, source parfois d'une démotivation légitime qui risque de mettre en péril dans les mois à venir l'attractivité de ces professions dont on sait déjà qu'elles peinent à recruter.
J'ai rencontré la semaine dernière une auxiliaire de vie qui travaille pour un centre intercommunal d'action sociale (CIAS). Cette personne, dont les missions sont éprouvantes et qui fait, chaque jour, preuve d'un dévouement sans limites, est en poste depuis 2004 ; ses horaires sont fractionnés, elle travaille parfois le week-end et, pourtant, après seize années d'exercice, elle touche chaque mois un salaire à peine plus élevé que le SMIC. Elle n'a jamais cessé son activité depuis le début de la pandémie, mais n'a bénéficié d'aucune revalorisation salariale.
La semaine dernière, vous vous êtes engagée, madame la ministre déléguée, à ce que la commission du ministère des solidarités et de la santé valide d'ici à la fin mai, l'avenant no 43 relatif aux emplois et rémunérations à la convention collective nationale de la branche de l'aide, de l'accompagnement, des soins et des services à domicile, pour une application de la nouvelle grille salariale au 1er octobre prochain. Je m'en réjouis et veux croire, sincèrement, à l'effectivité de cette annonce.
Mais la question du financement reste entière puisque les départements n'ont, à ce jour, pas validé votre proposition de répartition. Pouvez-vous nous fournir des précisions à ce sujet ? Par ailleurs, les salariés des entreprises des services à la personne en sont exclus. Entendez-vous reconsidérer cette position ? Il est urgent de donner à tous les professionnels concernés la reconnaissance qu'ils méritent.
Enfin, au-delà de la rémunération, une véritable réflexion de fond doit être menée sur les métiers du grand âge et de l'autonomie, pour remédier notamment à cette perte de sens que les professionnels disent éprouver. Or, sur ce point, il n'y a malheureusement pas d'annonce. Qu'en est-il du projet de loi grand âge et autonomie, maintes fois annoncé par le Président de la République – et d'autres avant lui – , et tout aussi souvent repoussé ? Sera-t-il prochainement soumis au Parlement ?
Je partage vos préoccupations relatives à la situation des personnels du soin à domicile ; ce sujet a déjà été largement évoqué ce matin.
En ce qui concerne la revalorisation salariale des professionnels des services d'aide et d'accompagnement à domicile (SAAD) et des services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) relevant de la branche de l'aide, de l'accompagnement, des soins et des services à domicile, une mesure forte a été décidée dans le cadre de l'article 47 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, créant une dotation de 200 millions d'euros par an à partir de 2022 – 150 millions cette année – versés aux départements par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), afin de les aider à prendre en charge la revalorisation des salaires de ces professionnels ; et je ne doute pas qu'ils accompagneront cette démarche qu'ils réclamaient eux-mêmes. Face à la crise sanitaire, ces derniers ont en effet exprimé leurs difficultés à revaloriser les professionnels dépendant des collectivités.
La revalorisation de ces métiers est pour moi et pour le Gouvernement une priorité, afin de donner corps au virage domiciliaire que nous espérons et qu'il nous faut opérer. Cette mesure permet aussi le financement d'une revalorisation salariale structurelle pour la branche de l'aide à domicile. Elle s'appuie sur les travaux conduits par les partenaires sociaux dans le cadre de la négociation de l'avenant 43 relatif aux emplois et aux rémunérations du secteur, menée avec les partenaires sociaux, qui fera très prochainement l'objet d'un agrément ministériel.
Pour le reste, je vous renvoie aux éléments communiqués sur la mission Laforcade, dont la conclusion prochaine permettra au Gouvernement de préciser la feuille de route en matière d'extension des mesures du Ségur de la santé aux autres structures que vous avez mentionnées et qui sont, pour certaines, d'ores et déjà concernées : je pense notamment aux SSIAD relevant de la fonction publique hospitalière (FPH).
Des travaux sont en cours pour les professionnels relevant de structures non commerciales, et d'autres tranches de négociations suivront.
Je me permets d'insister sur le calendrier de la loi grand âge et autonomie.
Je profite également du temps qu'il me reste pour appeler votre attention sur une autre situation injustifiée : celle des agents des services hospitaliers en contrat unique d'insertion (CUI), qui ne perçoivent pas la prime covid-19. Ils ne sont pas très nombreux, mais ils accomplissent exactement le même travail que les autres personnels depuis le début de la crise, au sein des mêmes services. Or ils n'y sont pas éligibles. Je ne m'explique pas cette différence de traitement alors qu'ils sont mobilisés au même titre que leurs collègues. Est-il prévu de remédier à cette situation ?
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à onze heures vingt-cinq, est reprise à onze heures trente-cinq.
La parole est à M. Julien Dive, pour exposer sa question, no 1381, relative aux stages en alternance pour les étudiants.
Pas simple de débuter sa vie professionnelle dans un contexte de pandémie ! On n'est pas sûr de valider son année universitaire ou de formation, lorsque, dans ce contexte, on ne trouve pas de stage ou de contrat d'alternance. Il y a quinze jours, un étudiant que je recevais dans ma permanence s'inquiétait de la validation de sa licence professionnelle à l'université de Picardie Jules Verne à Saint-Quentin. Son stage devait être le juge de paix d'une année d'investissement, et il avait accepté les règles dès le début de l'année : « Tu trouves ton stage, tu valides ton année ; tu ne trouves pas de stage, tu perds une année », m'a-t-il expliqué, y voyant une manière de le pousser et de le motiver.
Comment ne pas ressentir une forme d'injustice quand les règles sont tronquées, car elles n'intègrent pas une crise sanitaire dans laquelle les incertitudes économiques rendent les recruteurs plus frileux que jamais ? Pas moins de 700 000 jeunes terminent leur année d'études ; ils préparent la suivante ou s'apprêtent à entrer sur le marché du travail, et ont besoin d'un stage ou d'un contrat d'alternance pour valider leur diplôme. Il leur était déjà difficile de trouver preneur avant 2020, mais avec la crise sanitaire et économique, les entreprises, privées de perspectives, sont encore plus réticentes à accueillir des stagiaires longs ou des alternants. La situation est douloureuse pour des milliers d'étudiants, dont certains connaissent la précarité et l'isolement, auxquels s'ajoute désormais le doute quant à leur avenir professionnel.
Vous me répondrez, madame la ministre déléguée, que vous avez lancé la plateforme « 1 jeune, 1 solution », bourse aux stages en ligne proposant 30 000 offres dans toute la France. Or, sachant que 700 000 étudiants terminent leur dernière année d'études, une écrasante majorité d'entre eux ne trouveront pas preneur et auront des difficultés à intégrer le marché du travail en septembre, ou à poursuivre leur cursus universitaire. Parallèlement, les collectivités locales font leur possible pour intégrer ces jeunes, en les accueillant en stage ou en alternance afin de les accompagner vers l'emploi. Toutefois, elles ne pourront pas répondre, seules, à l'ensemble des demandes. Certains secteurs, comme l'hôtellerie, la restauration, le commerce ou l'événementiel, ne peuvent prendre aucun stagiaire ou alternant, en raison des fermetures administratives liées à la situation sanitaire et à l'absence de calendrier de reprise. Il est maintenant clair et acquis que des milliers de jeunes, apprentis dans la restauration, seront amputés d'une grande partie de leur formation cette année.
Si le « quoi qu'il en coûte » a souvent été salué, il ne s'applique pas aux jeunes qui, faute de trouver un stage ou une alternance, perdront une année avant d'entrer sur le marché du travail – sans savoir, d'ailleurs, si ce dernier leur sera favorable. La compensation économique est certes essentielle pour maintenir notre économie, mais il est tout aussi essentiel de compenser l'absence de professionnalisation des jeunes. Notre devoir est de lutter pour éviter qu'une génération entière soit sacrifiée.
Madame la ministre déléguée, quelle stratégie de long terme comptez-vous déployer concernant les cursus de professionnalisation des étudiants ? Pouvez-vous inviter les présidents d'université à assouplir exceptionnellement les règles de validation des diplômes, en raison de l'absence de stages cette année ?
Je suis bien consciente qu'actuellement, il est plus difficile pour les jeunes de trouver un stage. Cependant, les difficultés varient selon les secteurs : certains restent très actifs, comme le BTP, le commerce alimentaire ou les services à la personne. Face à la crise, nous adaptons au mieux les règles pour que les jeunes puissent continuer à se former. Comme pendant le premier confinement, les opérateurs tels que les missions locales et l'AFPA – Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes – restent ouverts. Quant aux centres de formation des apprentis, ils rouvriront dès le 12 avril pour les formations pratiques – les formations théoriques restant dispensées à distance. En outre, les déplacements entre le domicile et le lieu de travail ou d'enseignement et de formation sont autorisés lorsque l'enseignement à distance n'est pas possible. Par ailleurs – et vous l'avez indiqué – , la plateforme « 1 jeune, 1 solution » recense près de 30 000 offres de stage, pour faciliter la mise en relation entre les propositions et les demandes.
Depuis le début de l'été, le Gouvernement a eu pour priorité de maintenir, autant que possible, la tenue des stages, notamment ceux dont la réalisation est absolument nécessaire à l'obtention d'un diplôme. Nous avons aussi pris des mesures pour aménager les modalités des stages : ainsi, la circulaire du 15 février, signée par Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, permet de réaliser des stages à distance et d'assouplir leurs conditions. Enfin, Mme Élisabeth Borne a réuni des dirigeants de grandes entreprises, pour les inciter à donner le maximum de visibilité aux étudiants sur les opportunités de stage qu'ils peuvent leur proposer dans l'immédiat et d'ici à l'été. Le Gouvernement est conscient des difficultés rencontrées par les jeunes à un moment crucial de leur vie, celui où ils construisent leur avenir. Nous sommes – et nous resterons – pleinement mobilisés à leurs côtés, pour les aider et les accompagner.
Les étudiants sont tous confrontés à une inconnue : ils sont 66 % à estimer être abandonnés – je n'affirme pas qu'ils le sont effectivement, mais c'est le sentiment qu'ils expriment – , et plus de la moitié ont envisagé d'arrêter leurs études. La situation est donc très sombre. Il est vrai que certains secteurs fonctionnent encore – et heureusement – , mais beaucoup sont à l'arrêt. Par ailleurs, de nombreux étudiants avaient l'habitude d'effectuer des stages dans des très petites ou des moyennes entreprises. Or, en l'absence de perspectives économiques, celles-ci tardent à réagir aux demandes de stage. Il faudra donc que les présidents d'université fassent preuve d'ouverture en examinant les situations au cas par cas et en allégeant les conditions de validation des diplômes quand la crise sanitaire a empêché les étudiants d'obtenir un stage.
La parole est à M. Buon Tan, pour exposer sa question, no 1372, relative à l'insécurité dans le 13e arrondissement de Paris.
Je souhaite interroger M. le garde des sceaux sur la réponse pénale apportée à la délinquance qui sévit dans le 13e arrondissement de Paris, notamment sur l'esplanade des Olympiades, dans la cité Glacière et autour de la rue du Chevaleret. Les incendies criminels, les tirs de mortier – plusieurs soirs d'affilée, l'été dernier – , ou encore les menaces et les affrontements avec la police, rappellent aux habitants la présence de cette délinquance au quotidien. S'y ajoute une multiplication des actes de racisme anti-asiatique, qui minent la vie des habitants et portent une atteinte grave à notre « vivre ensemble ».
Jusqu'à présent, la réponse pénale s'est révélée insuffisante : les auteurs de ces actes continuent d'agir impunément, sans jamais être arrêtés – ou, lorsqu'ils le sont, ils sont presque immédiatement relaxés sans condamnation, du fait, notamment, de l'engorgement des tribunaux. Quant aux rappels à la loi et autres travaux d'intérêt général, nombre de délinquants les considèrent comme une plaisanterie, quand ils ne les collectionnent pas comme des médailles…
Cette absence de sanctions pénales ne fait que renforcer le sentiment d'impunité de ces individus, parfois mineurs, qui très souvent récidivent et menacent les victimes qui portent plainte contre eux. Du côté des victimes, c'est souvent l'incompréhension totale. Beaucoup ne veulent plus perdre leur temps pour aller déposer plainte car, bien souvent, les plaintes seront classées et les auteurs ne seront pas retrouvés – sans qu'aucun retour ne soit fait aux victimes. Désabusés, certains habitants et commerçants envisagent de recourir à une sécurité privée. Cette situation est alarmante et a déjà trop duré. L'État doit agir et apporter des réponses fermes et concrètes à ces habitants exaspérés. La sécurité est l'un des piliers de notre liberté ; elle est un droit pour tous.
Aussi, quelles mesures concrètes sont prévues pour permettre à la justice d'apporter des réponses à ces délits, notamment à ceux commis par des mineurs ? Il était annoncé une augmentation du budget du ministère de la justice pour l'année 2021, notamment pour développer la justice de proximité. De quels moyens pourra bénéficier le 13e arrondissement de Paris pour lutter au mieux contre cette délinquance au quotidien ?
Je vous prie de bien vouloir excuser M. le garde des sceaux, retenu par un entretien avec les greffiers des tribunaux de commerce.
La lutte contre les infractions du quotidien qui créent de l'insécurité pour nos concitoyens est l'une des priorités du Gouvernement. La circulaire de politique pénale générale du 1er octobre 2020 et celle du 15 décembre 2020 relative à la justice de proximité appellent avec force l'attention des parquets sur ce sujet et leur demandent de veiller aux réponses apportées à toutes les formes de violences. Ces violences et incivilités sont d'autant plus insupportables quand elles interviennent dans un contexte discriminatoire et raciste. Les procureurs de la République sont pleinement mobilisés pour appréhender ces infractions, déférer les auteurs des infractions les plus graves et apporter pour les autres une réponse qui soit empreinte de pédagogie.
Le parquet de Paris s'est totalement saisi de ces préconisations en retenant, dès que cela est possible, la circonstance aggravante liée à l'ethnie supposée de la victime, notamment dans le cas de violences anti-asiatiques. Ces agressions ou propos haineux à l'encontre de la communauté asiatique retiennent toute l'attention du ministère de la justice. Il condamne avec la plus grande fermeté tout acte de violence commis en raison de l'origine et y reste très vigilant.
Enfin, l'augmentation de 8 % du budget du ministère de la justice pour 2021 permettra d'apporter une réponse pénale appropriée aux infractions du quotidien dans le cadre de la justice de proximité. Ainsi, le tribunal judiciaire de Paris a pu être renforcé de trente-trois juristes assistants et renforts de greffe, soit une augmentation des effectifs de près de 9 % pour le siège. Nous donnons les moyens à la justice pour traiter la délinquance dans votre circonscription, et plus généralement dans la capitale, en synergie avec les forces de sécurité intérieure.
Je vous remercie pour ces précisions.
Je tiens également à appeler votre attention sur ce qui se passe sur internet. Il y a beaucoup de faits entre les deux mondes qui ne sont pas séparés par un mur infranchissable, beaucoup d'appels à la haine qui se traduisent par des agressions conduisant parfois à quinze ou vingt jours d'incapacité temporaire totale, voire par des meurtres. Il est important que nous soyons vigilants.
Si je vous dis cela, c'est parce que récemment, les victimes de personnes qui avaient appelé à la haine en ligne et qui avaient été poursuivies, sont revenues vers moi pour me dire qu'elles avaient très mal vécu que le parquet n'ait requis que des travaux d'intérêt général. Ce n'est pas suffisant, et je ne pense pas qu'il faille attendre qu'il y ait eu des morts pour réagir fermement.
Par ailleurs, j'ai eu connaissance du travail mené par le garde des sceaux afin de supprimer les remises de peine automatiques, et de conditionner les remises de peine à une vraie volonté de travail et d'insertion dans la société. Cela va dans le bon sens, mais il faut également se pencher sur la question des mineurs parce que, entre la prison et presque rien, il n'y a pas grand-chose. Il faut leur envoyer un signe fort leur montrant que ce qu'ils font est répréhensible, mais il faut aussi les former, les éduquer et les alerter sans les emprisonner. Je compte sur ce travail et je pense que l'arrivée de polices municipales pourrait également contribuer à améliorer la situation.
La parole est à Mme Marie-Ange Magne, pour exposer sa question, no 1376, relative à la maison d'arrêt de Limoges.
Je souhaite appeler l'attention de M. le ministre de la justice sur la situation de la maison d'arrêt de Limoges, qui accueille des détenus depuis sa création en 1853. L'obsolescence des lieux saute aux yeux. Malgré quelques travaux de rénovation engagés depuis 2018, l'insalubrité des lieux demeure une préoccupation centrale. C'est un enjeu de dignité pour les détenus, c'est une nécessité pour la sécurité et les conditions de travail du personnel pénitentiaire et c'est enfin un besoin pour les riverains qui souffrent des répercussions de la présence de cet établissement en plein centre-ville.
En France, le taux d'occupation moyen des maisons d'arrêt et de 119 %. En moyenne, la maison d'arrêt de Limoges a un taux d'occupation de 150 % et il est actuellement de 167 % pour le quartier des hommes et de 161 % pour celui des femmes. Limoges affiche régulièrement le taux de surpopulation carcérale le plus élevé de la Nouvelle-Aquitaine. Au début de 2020, on comptait tout de même dix-sept détenus pour onze places dans la partie réservée aux femmes et 119 détenus pour cinquante-sept places dans la partie réservée aux hommes. Malheureusement, ce qui était exceptionnel devient le quotidien : trois détenus dans des cellules de 8 mètres carrés avec un matelas au sol.
Le contexte sanitaire renforce l'urgence d'agir face à cette situation. Pourtant, la maison d'arrêt de Limoges n'a pas été incluse dans le plan national qui prévoit la construction de 15 000 nouvelles places de prison sur le territoire national à l'horizon 2027. Depuis plusieurs années, les élus se mobilisent pour proposer un projet de construction d'un nouvel établissement pénitentiaire en périphérie de Limoges. Celui-ci s'inscrit pleinement dans la logique de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice du 23 avril 2019 : améliorer la prise en charge des détenus, sécuriser les établissements et les conditions de travail des personnels pénitentiaires. Des propositions foncières ont été faites ces derniers mois au ministère de la justice pour amorcer ce projet que j'ai eu l'occasion de relayer auprès de vos services. Aussi, dans quelle mesure la maison d'arrêt de Limoges pourra-t-elle intégrer le plan immobilier pénitentiaire afin de répondre à la fois aux problématiques de surpopulation carcérale et de vétusté des locaux actuels ?
Le garde des sceaux et le Gouvernement sont profondément attachés à l'amélioration des conditions de détention. Au 1er janvier 2021, la densité carcérale s'élève à 103 %, soit quinze points de moins qu'au 1er janvier 2020, grâce notamment aux mesures exceptionnelles de libération anticipée prises pendant la crise sanitaire.
La maison d'arrêt de Limoges a une capacité de quatre-vingt-trois places. En une année, son taux d'occupation est passé de 190 % à 143 %. Les effectifs restent malgré tout élevés, notamment dans les quartiers des majeurs. Une seule cellule à ce jour comprend un matelas posé au sol chez les hommes. Cela est malheureusement parfois nécessaire de façon temporaire, à l'arrivée d'un nouveau détenu. Par ailleurs, la direction interrégionale de Bordeaux est pleinement mobilisée pour réguler la population carcérale avec des transferts vers des établissements pour peine : 117 en 2020, 47 en 2021.
Vous rappelez l'engagement pris par le Président de la République de créer 15 000 places de prison d'ici à 2027. Les emplacements retenus se concentrent sur les territoires ayant les besoins les plus importants au regard du nombre actuel de places de détention et de la projection à dix ans de la population pénale. Le ministère de la justice n'a pas identifié de priorité dans la Haute-Vienne à moyen terme. En revanche, des travaux ont été conduits ces dernières années au sein de la maison d'arrêt de Limoges. La cuisine a été rénovée en 2015, les douches en 2016, 2018 et 2020, et les fenêtres du quartier disciplinaire en 2020. Depuis 2018, ce sont près de 130 000 euros de travaux qui ont été réalisés.
Enfin la démolition-reconstruction du centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan, où des places seront livrées dès 2023, réduira la surpopulation dans les établissements des départements voisins, dont la maison d'arrêt de Limoges.
Je veux remercier les services du ministère de la justice avec lesquels j'ai l'occasion d'échanger régulièrement et qui ont réagi à mes alertes. Effectivement, le taux de surpopulation a sensiblement réduit depuis notre dernière rencontre et des travaux nécessaires ont été engagés mais ils demeurent insuffisants, sachant que le site a 170 ans. Il me semble qu'il faut aller plus loin, et la période sanitaire nous oblige à redoubler de vigilance. Il appartient au ministère de la justice de fixer des perspectives pour ce site et le personnel pénitentiaire.
J'ai eu le plaisir, madame la ministre, de vous accueillir à Limoges pour parler de l'insertion professionnelle. J'espère que M. le ministre fera le déplacement pour constater par lui-même la vétusté du site de l'établissement pénitentiaire et rencontrer le personnel pénitentiaire qui fait preuve dans ces conditions d'un engagement exemplaire dans le cadre de ses missions. Je vous remercie de bien vouloir relayer cette invitation auprès de M. le ministre.
La parole est à M. Hervé Pellois, pour exposer sa question, no 1371, relative au placement des personnes handicapées en Belgique.
Madame la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées, je voudrais vous remercier pour la journée mondiale de sensibilisation à l'autisme que vous avez mise en valeur avec le Président de la République vendredi dernier, et qui a donné lieu à de très nombreuses mobilisations partout dans notre pays et sur les chaînes de télévision. J'ai eu le plaisir de rencontrer pour ma part l'association « Papa maman et moi construisons avec l'autisme » dans ma circonscription de Vannes, où opère le Centre national des soins à l'étranger (CNSE) qui traite notamment des paiements des établissements non conventionnés qui reçoivent en grand nombre nos compatriotes adultes handicapés, soit près de la moitié des 8 500 personnes expatriées en Belgique – 7 000 adultes et 1 500 enfants.
En 2016, j'avais déjà interrogé le Gouvernement sur le nombre croissant des placements, notamment des adultes. Depuis, la situation n'a fait que s'aggraver : 2 300 adultes en 2015 pour un coût de 103 millions d'euros, 3 900 adultes en 2020 pour 193 millions d'euros. Ce nombre n'a progressé que de 2 % en 2020, ce qui semble indiquer un revirement tangible de notre politique dont il convient de vous féliciter.
Actuellement, 146 établissements ne sont toujours pas conventionnés. Pouvez-vous nous dire si le plan de conventionnement décidé par l'État sur quatre ans et qui devait être mis en place en 2020 est opérationnel ? Par ailleurs, qui contrôle les établissements, et notamment la qualité des soins et des personnels ? Des abus de facturation sont toujours mentionnés par le CNSE, mais a posteriori.
Je souhaiterais également connaître l'avancement des annonces faites par le Gouvernement en février 2020 concernant la création de plus de 1 000 places en établissements français entre 2021 et 2022, et les mesures supplémentaires qui pourraient être élaborées pour venir en aide aux départements du Nord et de Seine-Saint-Denis, particulièrement dépendants de ces structures belges non conventionnées.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées.
La journée mondiale de sensibilisation à l'autisme, le 2 avril, a été placée sous l'égide du Président de la République, et je me suis récemment rendue avec lui à Saint-Egrève, en Isère, où nous avons visité une unité de soins précoces réservée aux enfants – le repérage précoce des troubles du neurodéveloppement est en effet l'un des domaines où nous devons changer la donne – , ce qui nous a permis de constater les avancées obtenues en la matière.
Vous m'interrogez sur les adultes. Aujourd'hui, parmi les personnes présentant des troubles du neurodéveloppement, plus de 700 000 ont un diagnostic d'autisme, qu'il soit on non déjà posé, dont près de 600 000 adultes pour lesquels nous travaillons justement à l'amélioration de leur diagnostic. Actuellement, 8 000 Français sont accueillis en Belgique et les départs d'adultes se poursuivent. Je précise que ce ne sont pas seulement les personnes autistes qui partent en Belgique, mais aussi celles atteintes d'un polyhandicap ou présentant une déficience intellectuelle. Si certains ont choisi de partir, d'autres, trop nombreux, ont accepté ce choix faute de solution en France. Nous ne pouvons plus tolérer cette situation. Nous sommes le premier gouvernement à mettre fin à ce scandale qui consistait à financer des places à l'étranger, à tolérer le démarchage commercial dans nos hôpitaux sanitaires. Nous avons décidé de lancer, avec mon homologue wallonne Christie Morreale dont je salue l'engagement à nos côtés, un moratoire sur la création de places d'accueil d'adultes en Wallonie. Je tiens à rassurer les familles : les projets d'orientation avalisés avant le 28 février, date de ce moratoire, seront honorés car nous ne voulons pas de ruptures de parcours qui sont en cours. Les trois régions les plus concernées par les départs vont recevoir 90 millions d'euros : plus de 26 millions pour les Hauts-de-France, 51 millions pour l'Île-de-France et 13 millions pour le Grand Est. 650 places nouvelles sont d'ores et déjà programmées dans ces trois régions, et d'ici à 2023 nous aurons proposé au moins 1 000 solutions nouvelles.
J'ai mis en place un comité national de suivi de ce plan de création, associant tous les acteurs des associations et bien sûr des départements, avec lesquels nous partageons cette responsabilité. C'est un engagement fort de l'État, un engagement collectif dont nous pouvons être fiers. Nous travaillons sur la création d'unités de vie de six personnes destinées aux adultes atteints de troubles sévères du spectre autistique, si complexes à accompagner. Nous devons privilégier ces solutions d'accueil dignes et respectueuses pour ces adultes qui trop longtemps ont été en errance, faute d'une prise en charge accompagnée.
Vous pouvez compter sur ma détermination à faire respecter ce plan. La mobilisation des associations gestionnaires des départements et des ARS est une priorité, un engagement de la grande stratégie nationale pour l'autisme au sein des troubles du neurodéveloppement.
Merci madame la ministre, pour votre engagement et ces mots d'espoir, si nécessaires pour nous tous, pour notre pays, pour les familles et pour ces personnes qui sont en grande difficulté. En tant qu'élus, nous sommes régulièrement alertés sur ces difficultés et ce manque de solutions d'accueil. Les efforts consentis par le Gouvernement sont louables, mais on doit à la fois réduire le nombre de personnes accueillies en Belgique – c'est quand même 8 000 emplois perdus pour la France au bénéfice de nos amis belges – et le temps d'attente des familles. Je sais que ce chantier important prendra du temps, mais l'engagement de l'État aux côtés des collectivités, en particulier du département, est plus que jamais nécessaire.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Suite de la discussion du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.
La séance est levée.
La séance est levée à douze heures.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra