Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Réunion du mercredi 15 décembre 2021 à 10h05

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La réunion

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La réunion débute à 10 heures 05.

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente.

La Commission examine le rapport de la mission d'évaluation des lois organique et ordinaire du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique (nos 2017-1338 et 2017-1339) (Mme Yaël Braun-Pivet et M. Philippe Gosselin, rapporteurs).

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Nous examinons ce matin le rapport d'évaluation des lois du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique. Le vote de ces lois, organique et ordinaire, nous a occupés en juillet et début août 2017, au début de la législature. Les dispositions qui y figurent avaient suscité de très nombreux débats dans l'opinion publique, au moment de la campagne présidentielle, puis dans l'hémicycle. Nul n'a oublié la qualité de ces débats, parfois enflammés. Plusieurs années après, il m'a semblé essentiel que la commission se penche sur l'évaluation de ces lois afin de mesurer si elles avaient rempli leurs objectifs.

La loi ordinaire avait fait l'objet d'un consensus avec le Sénat et la commission mixte paritaire avait été conclusive, contrairement à celle concernant la loi organique qui avait achoppé sur une seule disposition, relative à la réserve parlementaire. Il est d'autant plus important de le souligner que c'est un point qui continue à faire débat, alors que les autres dispositions font toujours consensus. Ces lois ont été appliquées correctement et ont, pour l'essentiel, atteint les objectifs qui leur étaient assignés. En revanche, nous formulons cinquante recommandations visant à améliorer ou approfondir certains dispositifs. Une part importante du rapport est consacrée au financement de la vie politique – pour lequel il y a encore beaucoup à faire.

Nos travaux se sont organisés autour de quatre axes : prévention des conflits d'intérêts ; exemplarité et probité des responsables publics ; transparence ; financement de la vie politique.

Pendant six mois, de mai à fin novembre, nous avons auditionné une cinquantaine de personnes au cours de dix-sept auditions et tables rondes. Nous avons entendu des députés, des sénateurs, deux anciens gardes des sceaux – Mme Nicole Belloubet et M. François Bayrou –, des représentants d'élus locaux, des organisations non gouvernementales, des responsables d'administration centrale, l'ancienne et l'actuel déontologues de l'Assemblée nationale, des directeurs d'autorités administratives indépendantes, ou encore le médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques. Nous avons également consacré du temps à la question des collaborateurs parlementaires et avons donc entendu leurs représentants, ainsi que des trésoriers de partis politiques, des commissaires aux comptes et, évidemment, le président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Nous tenons à les remercier pour leur concours précieux.

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Vous avez raison, madame la présidente, globalement, nous partageons les mêmes conclusions. Les lois votées à l'été 2017 constituent une amélioration, avec quelques limites, dont l'une – la réserve parlementaire – peut paraître anecdotique, mais est en réalité assez révélatrice de notre approche différente du rôle d'élu. Mais, rassurez-vous, le rapport ne porte pas essentiellement sur la réserve parlementaire ! Les auditions, et nos débats, ont été beaucoup moins passionnés qu'à l'été 2017 – nous avons appris à nous apprivoiser !

Force est de constater que ces lois n'ont pas suffi à restaurer la confiance dans la vie politique et la défiance s'exprime encore, notamment par une faible participation aux élections. Certes, la covid‑19 a contribué à installer une chape sur la vie sociale, mais aussi peut-être sur la vie démocratique. Toutefois, le problème est plus structurel, et plus profond, et la société plaide pour une approche politique différente. On parle souvent d'une démocratie plus participative et moins représentative, d'une réforme du Parlement, mais la confiance ne se décrète pas, elle se bâtit.

Une étude très intéressante de la Fondation pour l'innovation politique (Fondapol) et de la Fondation Jean-Jaurès sur la perception des députés a été présentée le 23 novembre dernier à la présidence de l'Assemblée nationale. Les chiffres sont effrayants et illustrent un fait divers dramatique intervenu récemment dans mon département : un maire a été attaqué chez lui parce qu'il soutenait le Président de la République et ses voitures ont été incendiées. Cet acte criminel a fait beaucoup de bruit. De la même façon, régulièrement, des parlementaires subissent des violences. Dans l'étude susmentionnée, 13 % des sondés considèrent comme normal qu'on s'en prenne avec violence à un élu et 60 % estiment que ce n'est pas normal, mais que cela fait partie des « risques du métier » ! Il ne suffit donc pas d'une loi pour restaurer la confiance… C'est une des pièces du puzzle mais, pour la rebâtir, je plaide pour l'unité des forces démocratiques.

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Vous avez raison. L'Assemblée nationale a d'ailleurs conduit de nombreux autres travaux qui se complètent et se nourrissent les uns des autres : la mission d'information de la conférence des présidents visant à identifier les ressorts de l'abstention et les mesures permettant de renforcer la participation électorale, qui a rendu ses conclusions il y a quelques jours ; les travaux que la commission des Lois mène sur l'organisation de la vie démocratique de notre pays au XXIe siècle.

En 2017, ces nouvelles dispositions législatives visaient à mettre fin à certaines pratiques et à mieux en encadrer d'autres. Elles ont porté leurs fruits.

La prévention des conflits d'intérêts constitue le premier axe des deux lois, qui ont – c'était bienvenu – consacré la définition du conflit d'intérêts des parlementaires, en excluant explicitement les conflits entre intérêts publics. Les activités de conseil exercées par les parlementaires sont mieux encadrées, avec une interdiction de poursuivre une telle activité lorsqu'elle a débuté dans l'année précédant le début de l'exercice du mandat, ainsi que l'interdiction des activités de représentation d'intérêts. Ces deux dispositions sont parfaitement comprises des parlementaires, et respectées.

Nous nous sommes interrogés sur le fonctionnement des groupes d'études, une des voies d'entrée des représentants d'intérêts à l'Assemblée nationale. Un peu plus de transparence dans leur fonctionnement serait utile. Nous préconisons donc de publier sur le site de l'Assemblée nationale la liste des personnes qu'ils auditionnent.

Toute la transparence doit être faite sur la façon dont les représentants d'intérêts exercent leur activité – qui est parfaitement légitime et nous permet de disposer d'une meilleure connaissance des sujets. Cela concerne à la fois les rencontres et la rédaction des amendements – nos propositions divergent quelque peu sur ce dernier point.

Le fameux décret du 9 mai 2017 relatif au répertoire numérique des représentants d'intérêts a occupé notre commission, notamment Olivier Marleix et Raphaël Gauvain dans le cadre de l'évaluation de l'impact de la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite Sapin 2. Nous continuons à joindre nos voix à la leur, et à celle de Didier Migaud, président de la HATVP, et plaidons notamment pour la suppression de la mention « à leur initiative », qui exclut du périmètre des actions de représentants d'intérêts une part non négligeable de leur activité.

Nous souhaitons que le nombre d'actions déclenchant une obligation d'inscription soit comptabilisé par personne morale, et non par personne physique. J'écrirai en ce sens au ministre des finances, pour la troisième fois. Il attendait nos travaux d'évaluation et il est désormais grand temps d'avancer.

En outre, les amendements doivent être mieux sourcés lorsqu'ils émanent ou sont inspirés par des rencontres avec des représentants d'intérêts. Nous divergeons légèrement avec le rapporteur sur le périmètre. Je considère que tous les amendements déposés par les parlementaires doivent être concernés.

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Il me paraît inutile d'alourdir la rédaction des amendements. En outre – mais la crainte est peut-être infondée –, je me méfie d'un regard a priori négatif systématiquement porté sur les amendements issus du « lobbying ». Dans ce terme, il ne faut pas confondre les cabinets spécialisés d'un côté – on en connaît tous et c'est à nous de ne pas céder et d'être vigilants – et, de l'autre côté, les fédérations professionnelles, le conseil national des barreaux (CNB), des syndicats, des associations, etc. Ainsi, quand un amendement au projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dit 3DS, est inspiré par les maires, doit-on le sourcer comme émanant d'un « lobby » ? Je crains que nous ne tombions rapidement dans de regrettables excès.

Le député seul n'est pas grand-chose, je le dis souvent. Il est porte-parole et représentant. Il se nourrit des rencontres, des contradictions qui lui sont portées, mais aussi des suggestions intéressantes qu'on peut lui faire, à Paris ou en circonscription. Je ne me sens jamais sous pression, ou l'homme lige de qui que ce soit, quand je traduis ces idées en amendements.

C'est pourquoi je propose que nous n'indiquions l'origine de l'amendement que lorsque nous le déposons en tant que rapporteur ou président de commission, ces derniers ayant beaucoup plus de poids qu'un député lors de l'examen d'un texte.

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Dans la même dynamique de transparence, je propose que les parlementaires publient sur leur agenda leurs rencontres avec des représentants d'intérêts.

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J'entends le souci de transparence mais il ne faudrait pas que, par défiance ou méconnaissance du fonctionnement parlementaire, le parlementaire devienne suspect de céder au grand capital, à tel groupe ou branche professionnelle. Nous ne sommes pas un gadget de la République. Le statut, comme l'immunité, du parlementaire sont constitutionnels. Tout cela n'est plus très bien compris, mais participe à notre protection et à notre capacité d'expression.

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Enfin, nous proposons d'étendre le dispositif du registre des déports aux membres des cabinets ministériels, dont on sait à quel point ils ont une part très active dans nos travaux, ainsi qu'aux collaborateurs des groupes parlementaires.

Nous proposons également de communiquer davantage auprès des parlementaires au début et durant le mandat sur l'existence de ce registre et d'encourager la pratique des déclarations ad hoc, dans l'hémicycle. Le registre des déports existe depuis le début de la législature mais seuls trois députés s'y sont inscrits. Cela ne reflète donc pas nécessairement la réalité.

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Le deuxième axe de notre rapport concerne le renforcement de l'exemplarité et de la probité. Il analyse les dispositifs relatifs à l'inéligibilité, à la vérification de la situation des parlementaires et des personnes nommées ou pressenties pour être nommées au Gouvernement, sans oublier la situation des collaborateurs parlementaires et du déontologue. Nous avons bien évidemment rencontré notre collègue Michel Larive, président de l'Association des députés-employeurs.

La loi du 15 septembre 2007 a créé une peine complémentaire obligatoire d'inéligibilité, dans le droit fil de la loi Sapin 2, en ciblant une série d'infractions dont la commission n'est pas compatible avec l'exercice d'un mandat électif public. C'est une bonne chose. Mais nous proposons de compléter et de renforcer certaines dispositions. Il conviendrait d'élargir la peine complémentaire obligatoire aux condamnations pour fraude fiscale et travail illégal, tout en laissant au juge la possibilité de l'écarter en fonction des circonstances, par une motivation spéciale. On ne peut laisser penser que des élus pourraient favoriser le travail illégal ou la fraude fiscale. Mais nous devons également faire attention à ne pas renforcer les stéréotypes contre les parlementaires !

Nous ne souhaitons pas inclure les délits de presse dans le champ de cette peine complémentaire obligatoire. Dans la logique de mes propos sur l'immunité parlementaire, un élu doit pouvoir s'exprimer librement et la peine doit demeurer facultative en cas de condamnation pour provocation à la haine, à la violence ou à la discrimination ou de contestation de crime contre l'humanité. Il faut être prudent, afin de ne pas attenter aux conditions d'expression des parlementaires, et donc aux conditions du débat démocratique. Comme nous l'avons vu lors de nos débats sur la haine en ligne, il faut trouver le bon équilibre.

La vérification de la situation fiscale des parlementaires et des personnes pressenties pour entrer au Gouvernement est opérationnelle. Soixante-quinze situations de non‑conformité ont été constatées et la quasi-totalité régularisée. Si la non-conformité persiste, le parlementaire peut être déclaré démissionnaire d'office – c'est arrivé une fois. S'agissant des nominations gouvernementales, un cas d'actualité soulève peut-être quelques difficultés d'application du dispositif, mais je n'insiste pas car ce n'est pas directement l'objet du rapport.

Nous avons tous beaucoup d'estime pour nos collaborateurs, nos bras droits, dont la situation fait également l'objet de propositions. J'ai récemment perdu une personne qui m'était très chère, et avec laquelle je travaillais depuis de longues années. Ces relations de confiance, d'estime, vont largement au-delà de relations de travail habituelles car, parfois, nous passons plus de temps avec nos collaborateurs qu'avec nos propres familles…

Il nous paraît important de créer les conditions d'un dialogue social renouvelé, de développer les formations sur la prévention du harcèlement à destination des députés, de créer des passerelles plus nombreuses avec le monde « extérieur » – même si nous ne sommes pas sous cloche – et d'encourager la tenue, par les groupes parlementaires, d'un registre mis à la disposition des députés, mentionnant le nom des collaborateurs parlementaires à la recherche d'un nouveau député-employeur.

En revanche, la création d'un « statut » de collaborateur, qui est souvent demandée, nous paraît extrêmement délicate, car cela reviendrait à créer une catégorie assez singulière. Nous avons déjà de belles propositions pour améliorer la situation de nos collaborateurs et nous souhaitons qu'elles s'appliquent dès le début de la prochaine législature, en juin ou juillet 2022.

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Je voulais revenir sur les peines d'inéligibilité, pour que les choses soient bien claires. Lorsque nous avons voté la loi en 2017, nous avons inclus les délits de presse, la contestation de crimes contre l'humanité, les injures et les discriminations dans le champ de la peine obligatoire. Or le Conseil constitutionnel avait estimé que c'était contraire à la Constitution. Nous proposons donc de les inclure dans le champ de la peine complémentaire facultative qui existe déjà en matière de provocation à la violence ou à la haine. Il nous paraît important d'introduire cette disposition, car un homme ou une femme politique, même en campagne, ne peut pas tout dire. Le juge appréciera, selon les cas, s'il y a lieu de prononcer cette peine complémentaire. Il faudra pour cela une nouvelle loi, qui ne sera évidemment pas rétroactive.

Le troisième axe consiste à réaffirmer l'exigence de transparence, ce qui englobe le contrôle des frais de mandat, la question de la réserve parlementaire et les obligations déclaratives à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).

Sur le premier point, il nous a semblé que le bilan était particulièrement positif. L'Assemblée nationale et le Sénat n'ont pas retenu le même système et nous n'avons pas à nous prononcer sur le choix des sénateurs, compte tenu du sacro-saint principe de l'autonomie de nos assemblées. Le système qu'ils ont imaginé semble leur convenir parfaitement et ce qui compte, c'est que nous soyons d'accord sur la nécessité de contrôler davantage les frais de mandat des parlementaires, en leur demandant de produire des justificatifs. Sur ce point, il y a toujours un accord parfait entre nos deux chambres.

S'agissant des frais de mandat, nos deux propositions principales sont les suivantes : rendre obligatoire pour les députés l'enregistrement de leurs dépenses et de tous leurs justificatifs dans une application centralisée ; faire appel à des experts-comptables pour assurer le contrôle des dépenses imputées sur l'avance de frais de mandat (AFM).

Concernant les obligations déclaratives à la HATVP, nous proposons des petits ajustements, qui visent à simplifier la vie de la HATVP et des gens qui sont soumis à ces obligations. Je crois qu'il n'y a pas l'épaisseur d'une feuille de papier à cigarette entre Philippe Gosselin et moi sur ce point : si nous voulons que nos concitoyens aient de nouveau confiance en leurs élus, il importe d'être totalement transparents sur notre patrimoine, nos intérêts et nos ressources. Parce que l'argent qui nous permet de rémunérer nos collaborateurs ou d'assumer les frais inhérents à l'exercice de notre mandat sont des deniers publics, nous devons être absolument transparents et exemplaires. Il s'agit de l'argent des Français et nous sommes comptables de chaque euro dépensé sur ces enveloppes.

Une divergence importante subsiste entre Philippe Gosselin et moi au sujet de la réserve parlementaire. Pour ma part, je ne souhaite pas la réintroduire, pour les mêmes raisons qui nous avaient conduits à la supprimer en 2017. Nous continuons de penser que le rôle d'un parlementaire n'est pas d'attribuer des fonds publics sur un territoire.

Pour compenser la disparition de la réserve, nous avions choisi de passer par deux fonds : la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et le fonds pour le développement de la vie associative (FDVA). Nous sommes d'accord pour dire qu'ils sont insuffisants, parce qu'ils ne sont pas assez dotés, que les parlementaires n'y participent pas suffisamment et qu'ils ne sont pas assez connus dans les territoires. Nous faisons des préconisations communes pour renforcer ces fonds et mieux les faire fonctionner mais je répète que, pour ma part, je ne suis pas favorable à un retour à la réserve parlementaire. Le député doit avoir un rôle dans sa circonscription, mais je ne crois pas que cela passe par une distribution d'argent.

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Je n'ai pas changé d'avis au sujet de la réserve parlementaire depuis 2017. Il est clair que nous avons une approche différente du rôle du parlementaire. Celui-ci a des fonctions constitutionnelles, définies à l'article 24 de la Constitution : légiférer, contrôler et évaluer. Mais j'estime que le rôle de représentation de la nation se fonde sur un territoire donné, celui de nos circonscriptions, et une population donnée. Pour moi, le député est une forme d'incarnation – même si cela peut paraître présomptueux. Il est en « 3D », sur le terrain. Il arpente sa circonscription, au contact des associations et des entreprises, qui le sollicitent. Les gros projets trouvent toujours à se financer, grâce à des fonds des régions, des départements ou de l'Europe. Mais les petites associations, et même les petites communes, peuvent avoir des difficultés à trouver de l'argent. Je suis le député d'une circonscription qui compte 169 communes. Cet émiettement communal fait que les maires n'ont pas toujours les moyens de frapper à la bonne porte, parfois par méconnaissance, ou parce que leur secrétariat ne fonctionne que quelques heures par semaine.

Dans ces cas-là, il paraît assez naturel d'aller voir le député du coin, parce qu'on le connaît, qu'il est sur le terrain et qu'il est facile d'accès. Quand le club de sport a besoin de 1 000 euros pour refaire ses vestiaires, ou l'association d'anciens combattants de 1 200 euros pour refaire son drapeau qui part en miettes, on va voir le député. La réserve parlementaire permettait de donner des petits coups de pouce à des projets qui n'entraient dans aucune case. C'était son principal intérêt.

Le FDVA et la DETR ne permettent pas de pallier complètement cette suppression. Le premier est plafonné à 25 millions. Même si des fonds venus de quelques comptes bancaires en déshérence ont permis d'en augmenter un peu le montant, celui-ci reste inférieur à ce que permettait la réserve parlementaire. Quant à la DETR, qui bénéficie aux petites communes, elle préexistait à la loi pour la confiance dans la vie politique et la suppression de la réserve parlementaire n'a pas entraîné une hausse suffisante de son montant. Enfin, les projets des toutes petites communes n'entrent pas nécessairement dans le cadre de la DETR, car chaque département, avec le préfet et les élus de la commission DETR, fixe ses propres règles d'attribution, qui sont donc très variables d'un département à l'autre. Cela ne me gêne pas, puisque je suis très attaché à la territorialisation – les besoins ne sont pas forcément les mêmes à la montagne, en Corse ou en Normandie – mais, à mes yeux, on n'a pas trouvé mieux que la réserve parlementaire, qui avait le mérite de la souplesse, et qui était beaucoup mieux contrôlée et répartie entre les parlementaires dans les dernières années de son existence. Je reste attaché à la conception d'un parlementaire de terrain, qui est au contact des associations et qui les aide à monter leurs petits projets.

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Nous n'allons pas refaire le débat sur la réserve parlementaire. Il est vrai qu'elle contribuait parfois à aider les petites associations, mais j'ai sous les yeux un document détaillant l'usage que faisait un député-maire de sa réserve parlementaire : les quatre cinquièmes de celle-ci allaient à sa commune.

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Il va de soi qu'il faut encadrer les choses pour éviter les excès.

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Sur le quatrième thème, qui propose de faire évoluer les règles de financement de la vie politique, nous sommes parfaitement alignés, Philippe Gosselin et moi. À en croire certaines des personnes que nous avons auditionnées, le financement de la vie politique ne poserait aucun problème. Mais l'audition des trésoriers des partis politiques ou de certains candidats nous ont montré que des problèmes importants se posent à chaque élection, dans chaque territoire et pour chaque parti politique.

Les problèmes de financement ne sont donc pas l'apanage d'un seul parti, dont les difficultés tiendraient à la couleur politique. Les problèmes de financement concernent tous les partis politiques ; ils concernent les grands candidats, comme les petits. Or nous considérons qu'il est très important, dans un État démocratique, que chaque candidat puisse se présenter à une élection et faire campagne. La vie démocratique ne doit pas être entravée par des difficultés de financement – qu'elles concernent les partis politiques ou les campagnes électorales. Nous avons donc fait un certain nombre de propositions pour fluidifier le financement de notre vie politique.

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Le financement public des partis consiste en des dotations de l'État, calculées en fonction du nombre de parlementaires et des résultats obtenus aux élections législatives. Or il nous paraît important d'assurer un peu plus de sécurité aux formations politiques, pour une durée un peu plus longue qu'aujourd'hui. Lorsqu'un parti politique qui a été dans la majorité se retrouve dans l'opposition, son financement connaît immédiatement une forte chute. Il nous semble qu'un parti qui a été aux affaires pendant de nombreuses années participe, par définition, à la vie démocratique, même lorsqu'il a de moins bons résultats électoraux. Il serait donc dangereux de l'enterrer sur-le-champ. Nous faisons un certain nombre de propositions, qui visent surtout une meilleure représentativité des courants politiques. Nous proposons notamment d'intégrer les élections européennes et de retenir deux cycles électoraux, au lieu d'un seul.

Nous avons exclu les élections locales, parce qu'il y a trop de différences entre les régions, les départements et les villes. En outre, certains mouvements politiques se présentent dans un territoire, et pas dans un autre, parce qu'ils sont régionalistes. C'est ce qui fait la diversité de la République. Par ailleurs, les élections locales sont souvent moins politisées ; nombre de candidats sont indépendants et ne se rattachent à aucun parti politique.

L'autre enjeu est d'assurer aux partis un financement bancaire. Les rapports qui disent qu'il n'y a pas de problème à cet égard ne rendent pas compte de la réalité. Il n'est pas normal que des partis politiques inscrits dans l'histoire de la République depuis des générations peinent à se financer. Je songe à la situation actuelle de madame Anne Hidalgo ou à celle qu'ont connue des collègues de La France Insoumise il y a quelques années. On aurait tort de penser que seuls le Renouveau français ou le Rassemblement national ont des difficultés de financement.

Le médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques fait un travail remarquable et est très investi dans ses fonctions. Mais il n'est saisi que de très peu de cas, car les candidats ont tendance à s'autolimiter et à abandonner. Il n'a pas de pouvoir de coercition ; c'est un bon diplomate, un intermédiaire, mais son pouvoir ne va pas au-delà.

Afin de revenir à un financement bancaire digne de ce nom, nous faisons un certain nombre de propositions. On pourrait améliorer le système actuel en donnant un peu plus de pouvoir au médiateur, notamment un mandat de gestion pour qu'il puisse négocier les crédits avec les banques. On peut aussi envisager que le médiateur rende public le nom des banques avec lesquelles d'importantes difficultés ont été constatées.

Nous avons deux séries de solutions plus ambitieuses. Nous vous proposons de revenir au projet de « banque de la démocratie », dont le nom pourrait évoluer. Ce ne serait ni une usine à gaz, ni une banque de guichet. La banque de la démocratie n'a pas vocation à être dans chaque chef-lieu de canton et à s'adresser à tous nos concitoyens. Il s'agirait d'une institution spécialisée pour une approche ambitieuse. Nous avons une proposition qui permettrait de cadrer les choses à court terme et une proposition plus structurée qui nécessitera, quant à elle, une intervention législative.

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En 2017, nous avions habilité le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour créer une banque de la démocratie, qui devait résoudre des difficultés de financement structurelles. Le Gouvernement avait finalement renoncé à créer cette banque, parce qu'un rapport de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection générale de l'administration affirmait qu'il n'y avait pas de difficultés de financement et que les quelques rares problèmes rencontrés pouvaient être résolus par la création du médiateur du crédit.

Cinq ans après, nous constatons que si le médiateur du crédit joue bien son rôle, il n'a pas assez de pouvoir, ni assez de moyens. Il n'est pas saisi de tous les cas et n'arrive pas à résoudre seul la question du financement des campagnes électorales. C'est la raison pour laquelle nous estimons qu'il faut revenir au projet de banque de la démocratie. Il s'agirait de permettre à la Caisse des dépôts et consignations, qui a une expertise et des moyens, d'accorder des prêts et des garanties aux candidats et aux partis. Cela assurerait l'accès au crédit et l'expression pluraliste des courants d'opinion.

Comme l'a rappelé le rapporteur, cette disposition nécessiterait de modifier la loi, ce qui semble difficile avant les prochaines élections, même s'il suffirait d'un texte assez bref – les dispositions réglementaires, quant à elles, seraient plus importantes. Nous avons donc imaginé un dispositif qui pourrait d'ores et déjà remplir cette mission : il s'agirait de nous appuyer sur la Banque postale. Le code monétaire et financier prévoit que La Poste et ses filiales, dont la Banque postale, peuvent conclure des conventions pour offrir toute prestation relative aux opérations bancaires, dont celle du crédit. Il nous semble donc possible de conclure une convention qui permettrait de fournir aux candidats et aux formations politiques des prestations de crédit. Nous proposons, pour les prochaines élections et de façon transitoire, de nous appuyer sur le réseau de la Banque postale et, pour les élections suivantes, de procéder à la création de la banque de la démocratie, qui réglerait structurellement et sur le long terme ces problèmes de financement.

Nous avons une autre proposition, qui nécessiterait également une modification législative. Un problème de seuil se pose, dont, la presse s'est encore fait l'écho : les banques, lorsqu'elles accordent un prêt à un parti, se fondent sur les sondages. Or on constate qu'elles ne sont prêtes à financer que les candidats ayant au moins 8 % d'intentions de vote – une façon de tenir compte de la marge d'erreur et d'une possible chute dans les sondages. C'est très contestable sur le plan démocratique, parce qu'on ne peut pas subordonner le financement de partis politiques, dont certains sont historiques, à des sondages d'opinion, même rigoureux et professionnels.

Nous proposons donc de fixer des seuils, correspondant chacun à un pourcentage de remboursement des frais de campagne. Un candidat ayant obtenu au moins 5 % des suffrages obtiendrait 100 % du remboursement possible ; un candidat qui aurait obtenu 4 % des suffrages obtiendrait 80 % du remboursement, etc. Cela nous permettrait de lisser les choses et de casser cet effet de seuil, qui semble être l'une des barrières à l'obtention des crédits.

Vous le voyez, nous avons des propositions constructives pour fluidifier ces financements et pour faire en sorte que notre vie démocratique ne soit pas freinée par des questions financières.

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Nous nous sommes creusé la tête sur cette question de la banque de la démocratie. La formule que nous proposons, qui est assise sur le code monétaire et financier, a l'avantage de donner un cadre législatif précis. La Banque postale peut déjà faire beaucoup de choses et, s'il y a une vraie volonté gouvernementale, on peut aller plus loin et résoudre très vite 90 % des difficultés. Il nous appartient d'être les porte-voix de cette mesure et aux collègues de la majorité de convaincre le Gouvernement. Il y a urgence. Il faut que l'expression pluraliste puisse s'exprimer !

L'argent ne fait pas tout, mais il contribue à la vie démocratique. Je veux rassurer nos concitoyens : il ne s'agit pas d'octroyer des prêts à fonds perdu ou de permettre que ceux‑ci ne soient pas remboursés. Il s'agit d'accorder à un candidat, non pas un avantage indu, mais une avance budgétaire, un crédit, gagé sur des garanties réelles ou assorti d'une assurance, à l'instar de l'emprunt que l'on contracte pour financer l'achat d'une maison, par exemple. Ce système simple, contrôlable et contrôlé, permettrait l'expression de la pluralité des opinions.

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S'agissant de la réserve parlementaire, certains collègues m'ont rapporté que le fait de ne pas pouvoir participer, même de manière symbolique, au financement de bâtiments publics, par exemple, les privait de la possibilité de prendre la parole lors de leur inauguration. Ainsi, la suppression de la réserve parlementaire peut avoir des effets importants sur l'exercice du mandat de député sur le terrain. Cet outil mériterait donc d'être rétabli, pourvu qu'il soit encadré de manière que la transparence soit garantie. Il est en effet un moyen d'assurer concrètement notre représentation sur le terrain et de prendre une part plus active à certains événements.

Il me paraît pertinent de préconiser, comme vous le faites, la publication de la jurisprudence du déontologue de l'Assemblée nationale. Il m'est en effet arrivé d'interroger ce dernier à propos d'une dépense et de recevoir sa réponse trop tard. Si l'on disposait d'un registre des décisions qu'il a prises dans certains domaines, on pourrait se faire une idée de ce qui est permis ou pas.

Enfin, lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, en 2017, le rétablissement de la confiance entre nos concitoyens et leurs élus apparaissait comme une impérieuse nécessité. Or force est de le constater, en 2021, le lien est toujours délité. Comme disait le garde des Sceaux ce matin à la radio, « morceau avalé n'a plus de goût ». Nos concitoyens ont, hélas ! oublié les importantes dispositions que nous avons adoptées avec enthousiasme au début de la législature. Il nous appartient de les leur rappeler, mais je crains qu'en matière de transparence et de règles garantissant la probité en politique, on nous demande d'aller toujours plus loin.

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Je ferai le même constat que Stéphane Mazars : en dépit des mesures que nous avons adoptées et des très nets progrès qu'elles ont induits, la confiance n'est pas rétablie. Peut-être est-ce dû à un défaut de communication, car beaucoup de nos concitoyens ne connaissent pas les règles qui régissent notre indemnité et son utilisation.

Je souhaite aborder trois points. Le premier concerne la publication de l'agenda des parlementaires. Dieu sait si, dans mes anciennes fonctions, j'ai œuvré en faveur de la transparence mais, sur ce point, je suis plus proche de la position de Philippe Gosselin. En effet, il faut prendre garde à l'excès de transparence, notamment lorsqu'il y va, comme c'est le cas en l'espèce, de l'autonomie du député dans l'exercice de son mandat, lequel doit être protégé de toute interprétation ou instrumentalisation. Au reste, souvenez-vous, j'avais interrogé Didier Migaud à ce sujet lors de son audition, et il m'avait répondu que la question de la publication de l'agenda des députés n'était pas à l'ordre du jour.

S'agissant de la réserve parlementaire, je crois, comme Stéphane Mazars, que nous nous sommes trompés de bonne foi – moi la première ! Il fallait, disions-nous, mettre fin à ce système clientéliste opaque, qui permettait de favoriser ses copains. Or ce n'était plus le cas à la fin de la législature précédente : le dispositif était devenu tout à fait transparent, grâce notamment à la publication du montant de chaque subvention allouée. Permettez-moi d'illustrer mon propos par une anecdote. Lorsque j'ai été élue, j'ai souhaité réunir les maires de ma circonscription, en commençant par ceux de la métropole de Clermont. Ce fut un flop ! À peine deux d'entre eux ont répondu à mon invitation, qui plus est pour me dire que, depuis la suppression de la réserve parlementaire, je ne les intéressais plus… Par cette mesure, nous avons coupé l'un des fils qui nous relient aux maires de la circonscription. Certes, l'argent n'est pas le plus important, mais il permet des réalisations qui, elles, comptent parfois beaucoup. De fait, la réserve parlementaire permettait au député d'être plus proche des édiles et de participer un peu à la vie de son territoire – même si j'ai une conception très constitutionnelle de l'exercice du mandat de député.

Cette question me semble donc devoir être de nouveau discutée ; un dispositif très encadré pourrait être la solution adéquate s'il permettait de rétablir le contact avec les élus et de financer de petits projets.

Enfin, la création d'une banque de la démocratie était défendue surtout par ma formation politique, qui a longtemps regretté de ne pas avoir su convaincre, à l'époque. Aujourd'hui, alors que nous nous apprêtons, pour beaucoup d'entre nous, à participer à des campagnes électorales, nous mesurons combien un tel organisme serait utile, ne serait-ce que pour financer ces campagnes. En tout cas, il est indispensable d'intervenir rapidement dans ce domaine.

En conclusion, je remercie nos rapporteurs. Nous avons encore quelques sujets de débat ; j'espère que nous pourrons en discuter plus tard…

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Je m'exprime ici en mon nom personnel, indépendamment de mon groupe, qui n'est pas unanime sur les questions dont nous débattons.

Je remercie nos rapporteurs pour leurs travaux, cohérents et importants. Quatre ans et demi après le vote des lois pour la confiance dans la vie politique, je suis fier d'avoir contribué à ce mouvement en faveur de la transparence, que nous n'avons certes pas amorcé mais que nous avons amplifié. J'ai le sentiment que nous avons fait œuvre utile, même si – je partage le constat de nos rapporteurs – tout n'est pas réglé. De fait, une loi ne peut remédier à elle seule à l'ensemble des difficultés provoquées par une crise profonde, à la fois sociétale, humaine et internationale, dont notre système démocratique subit l'onde de choc. Je m'étonne, du reste, que la critique porte exclusivement sur l'Assemblée nationale, qui n'est pourtant qu'une partie de la représentation du pays ; on semble oublier l'existence de l'autre chambre et les systèmes de représentation pyramidaux.

Beaucoup des propositions de nos rapporteurs me paraissent cohérentes et nécessaires. J'apporterai une petite nuance en ce qui concerne la publication des agendas. Il faut, en la matière, avoir confiance dans le discernement des parlementaires : ils sont capables de savoir à qui ils ont affaire parmi les représentants d'intérêts. Mais, sur l'exemplarité et le financement de la vie politique, je les rejoins entièrement – il me paraît notamment essentiel d'en finir avec les effets de seuil. Je souscris également, pour l'essentiel, à leurs propositions concernant la transparence.

En revanche, je tiens à exprimer mon désaccord total sur un éventuel rétablissement de la réserve parlementaire. Je ne peux pas souscrire à l'idée selon laquelle le rôle d'un député consiste à parcourir sa circonscription pour y distribuer de la menue monnaie et payer ainsi, si j'ai bien compris ce qu'a dit Stéphane Mazars, le tribut qui lui permettra de s'exprimer à la tribune aux côtés des représentants des collectivités territoriales. Il est pathétique de penser encore de cette manière en 2021 !

Mon désaccord est profond et dépasse la question de la réserve parlementaire. Ainsi, il est question de rétablir le cumul des mandats vertical. De fait, une petite musique monte, depuis quatre ans et demi, dans les travées de l'hémicycle : on ne pourrait pas penser le national, voire aimer le pays et les territoires, si l'on n'exerce pas des responsabilités locales. Je m'inscris évidemment en faux contre cette idée ! Plutôt que d'espérer des rétablissements infertiles, dont nos compatriotes ne veulent pas, mieux vaut se projeter dans l'avenir et se pencher – puisqu'on est actuellement au milieu du gué – sur une question systématiquement évacuée de tout débat politique, celle du cumul horizontal des mandats locaux, qui aboutit à mettre véritablement sous cloche la démocratie locale. Pour avoir confiance dans les institutions, il faut pouvoir y accéder !

Telles sont les problématiques sur lesquelles je souhaitais alerter nos rapporteurs, que je remercie de nouveau pour l'œuvre utile que constitue l'ensemble de leurs nombreuses propositions techniques, notamment en ce qui concerne le financement de la vie politique.

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Je remercie nos rapporteurs pour leurs travaux, qui sont très utiles, ne serait-ce que parce qu'ils suscitent des discussions sur la manière dont nous, députés, exerçons notre mandat, sur le terrain et à l'Assemblée nationale.

Tout d'abord, la représentation nationale fait le job depuis plusieurs années. Du reste, les travaux de nos rapporteurs s'inscrivent, et je leur en sais gré, dans le droit fil de ce qu'avait accompli la majorité précédente. À présent, c'est aux autres de prendre le relais en matière de probité : le Parlement, c'est aussi le Sénat. En 2014, nous avons adopté des dispositions prévoyant de soumettre l'ensemble de notre indemnité à l'imposition, et c'est très bien ainsi ; nous avons également rapproché notre système de retraite de celui du droit commun. Or le Sénat n'est pas du tout dans cette épure, et cela affecte beaucoup la vision d'ensemble que l'on peut avoir du Parlement. Je profite donc de cette discussion pour supplier en quelque sorte les sénateurs de rentrer à leur tour dans le rang ; cela suppose des sacrifices, mais c'est à ce prix que l'on rétablira la confiance.

Sur le cumul des mandats locaux, je rejoins notre collègue Euzet. Je ne dis pas qu'il doit être complètement interdit, mais il faut en supprimer les excès et renforcer la transparence. Car le clientélisme est également pratiqué par les élus locaux, notamment dans le cadre des subventions versées aux associations. C'est la classe politique dans son ensemble qui doit lutter contre ce phénomène.

Quant au Gouvernement, quel qu'il soit, il doit aussi faire des efforts. Notre groupe, parmi d'autres, et l'Observatoire de l'éthique publique, qui a fait des propositions transpartisanes à ce sujet, ont réclamé à plusieurs reprises la désignation d'un référent déontologue au sein du Gouvernement, où le manque de transparence et les conflits d'intérêts sont patents. De fait, le droit gouvernemental n'existe pas et nous ne connaissons pas l'origine des projets de loi. Or nous devons savoir qui rédige ces textes ainsi que leur exposé des motifs, et quelles sont les personnes qui ont été entendues. Certes, nous ne pouvons pas adresser d'injonctions au Gouvernement, mais cette évolution s'impose à celui-ci.

Les propositions de nos rapporteurs me paraissent toutes intéressantes – y compris leurs divergences, qui soulignent la difficulté de l'exercice. Il ne faudrait pas qu'une approche tatillonne tue la déontologie. Ainsi, s'agissant des déclarations de patrimoine et d'intérêts mais aussi du contrôle des indemnités et des frais, il faut faire confiance aux députés. Il serait inutile et infructueux de descendre à un niveau de détail où, de toute façon, les pratiques ne relèvent pas de la malhonnêteté car la majorité d'entre nous est très soucieuse des deniers publics.

Sur la question de la peine d'inéligibilité, je partage le point de vue de notre présidente. J'ajoute, à propos de la déclaration de patrimoine, que celle-ci pourrait être préremplie, dès lors que les éléments fiscaux sont connus : cela nous éviterait des recherches fastidieuses.

J'en viens à la suppression de la réserve parlementaire. En vérité, nous l'avons bien cherché, car nous n'avons pas su mettre en avant les mesures prises pour lutter contre le clientélisme. Néanmoins, je rejoins notre collègue Gosselin : c'est un dispositif utile, non pas pour les députés, mais pour les associations qu'ils aidaient et les communes avec lesquelles ils entretenaient par ce biais un dialogue précieux. Non pas que l'argent soit indispensable, mais il est un moyen de rencontrer les acteurs locaux et d'avoir un pied dans la vie locale en participant à des opérations qui ne trouvent pas de financements par ailleurs. De fait, certaines petites associations en difficulté n'ont pas trouvé, faute de réserve parlementaire, le soutien financier qu'elles pouvaient espérer. Sur la transparence des amendements, je suis d'accord avec notre présidente : leurs sources doivent être connues et figurer, si possible, dans l'exposé sommaire de l'amendement.

Je conclurai en ajoutant, à propos de la réserve parlementaire, que le rôle local du parlementaire, en particulier du député, doit être défini dans la Constitution. S'il prend la parole, ce n'est pas au titre de sa réserve parlementaire, mais au titre de son rôle local et national.

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Si les lois de 2017 ont permis un certain nombre d'avancées, je crains également que nos concitoyens n'estiment qu'en matière de transparence, on n'en fait jamais assez. Aussi, soyons attentifs à ne pas verser dans le voyeurisme. Dans ce domaine, le plus important, me semble-t-il, est que les personnes chargées du contrôle soient au-dessus de tout soupçon – à cet égard, la HATVP fait correctement son travail – et qu'en cas de dérives, les sanctions soient fortes et, à la limite, rendues publiques. Encore une fois, veillons à ne pas céder au voyeurisme, notamment en ce qui concerne le patrimoine des parlementaires ; ce dont il faut être certain, c'est que le mandat ne sert pas à s'enrichir de manière indue.

S'agissant de la réserve parlementaire, je suis en complet désaccord avec notre collègue Euzet. En reliant le député à son territoire, elle permettait de pallier la déconnexion d'avec la réalité vécue par nos concitoyens que l'on reproche au monde politique. Elle favorisait le dialogue, le soutien de projets. Le parlementaire a besoin d'être immergé dans sa circonscription pour bien comprendre les difficultés de ses concitoyens. Si, comme l'a dit madame Vichnievsky, on a pu avoir le sentiment que la réserve parlementaire favorisait le clientélisme, la transparence instaurée par notre assemblée, en imposant la publication des sommes versées et de l'identité des bénéficiaires, permettait d'éviter cet écueil.

Sur la banque de la démocratie, je suis entièrement d'accord avec nos rapporteurs : de par son statut, la Caisse des dépôts et consignations est la mieux à même de remplir cette mission. Le lissage dans le temps des sommes versées aux formations politiques me paraît également très intéressant. En effet, ces formations, notamment celles de gouvernement, sont trop tributaires de leurs résultats électoraux, lesquels sont ponctuels mais ont des conséquences pendant cinq années. En l'état actuel des choses, plus elles sont dans une situation de faiblesse, plus on les affaiblit financièrement, de sorte qu'il leur est difficile de défendre leur vision de la société. Or, je le rappelle, les groupements politiques sont mentionnés dans la Constitution et concourent à la démocratie. Il est donc important d'assurer leur pérennité.

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Tout d'abord, je ne comprends pas les réticences que suscite le « sourcing » des amendements. Non seulement cela relève de l'honnêteté intellectuelle, mais il est important que les électeurs sachent que nous travaillons parfois avec ce que certains appellent des lobbies ou des associations. Lorsque j'ai déposé des amendements qui avaient été élaborés avec le réseau Emmaüs, par exemple, il m'a paru normal de le préciser, ne serait-ce que parce que ces propositions sont souvent le fruit de leur travail et de leur réflexion.

En revanche, sur la publication de l'agenda, ma position est différente. Le travail parlementaire est parfois un travail de l'ombre, fait de rencontres et de rendez-vous. Il ne me paraît pas forcément utile que nos concitoyens soient informés de l'identité de toutes les personnes que nous rencontrons : il y va de notre liberté constitutionnelle de faire notre travail comme bon nous semble. Bien entendu, si l'on retire un avantage de la rencontre de certaines personnes, il est normal – mais cela est prévu par le code de déontologie – que l'on soit éventuellement sanctionné. Nos agendas doivent être compréhensibles par les citoyens, mais pas à un niveau de détail qui nous priverait de notre liberté de réflexion.

S'agissant de la réserve parlementaire, il faut en finir avec le mythe selon lequel un parlementaire qui n'exercerait pas également des fonctions exécutives locales ou qui ne pourraient pas distribuer de l'argent à des associations locales serait déconnecté de son territoire. Sur ce point, je rejoins notre collègue Euzet. Le lien avec le territoire se tisse en écoutant les acteurs locaux, en les comprenant, en faisant évoluer la loi pour résoudre une problématique locale, en aidant une association à remplir un dossier de subvention... Du reste, jusque dans les années 2000, certains jeunes députés ignoraient l'existence même de la réserve parlementaire ! Il s'agit d'une vieille pratique, que nous avons bien fait de supprimer. Le travail local d'un député est bien plus intéressant que la distribution d'argent. Et j'encourage ceux d'entre nous qui ne seraient pas invités à s'exprimer aux tribunes locales à rappeler à leurs interlocuteurs qu'ils demeurent financeurs des projets locaux, car ils votent le projet de loi de finances, et donc notamment le montant de la DETR que perçoivent les petites communes. N'hésitez donc pas à faire votre travail de contrôle et d'évaluation sur le terrain !

Je me réjouis que la banque de la démocratie, si décriée en 2017, fasse désormais consensus. Le mode de financement des partis doit être revu. Le système actuel soulève en effet quelques problèmes d'ordre politique puisque, pour être financé, un parti doit présenter des candidats aux législatives dans toutes les circonscriptions. Or il arrive que, dans certaines d'entre elles, il préfère, par exemple, soutenir le candidat d'un autre parti. Il conviendrait donc de réfléchir à d'autres clés de répartition et, surtout, à d'autres critères de financement.

Quant à la proposition n° 39, « permettre aux personnes physiques de nationalité française d'accorder des prêts aux candidats à l'élection présidentielle », elle me laisse très dubitatif. Ce serait une énorme erreur de toucher à l'équilibre des grandes lois de 1988 et 1990, qui ont permis d'assainir la vie politique française. Cette proposition part sans doute d'une bonne intention mais elle serait contre-productive et, surtout, inutile, dès lors que serait créée la banque de la démocratie.

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Je remercie chaleureusement nos rapporteurs pour leurs travaux d'évaluation, qui permettront, je l'espère, de promouvoir les avancées obtenues en matière de transparence de la vie politique et de respect du civisme dans le cadre de nos missions. Je ne doute pas que ces travaux feront l'objet d'une émission de La Chaîne parlementaire diffusée à trois heures du matin, entre deux émissions historiques sur la vie parlementaire entre 1954 et 1966… Mais peut-être l'intervention de Cécile Untermaier, à laquelle je souscris, incitera-t-elle Public Sénat à organiser un débat sur le thème : « Le Sénat ne doit-il pas suivre l'exemple de l'Assemblée nationale ? ».

Comme Erwan Balanant, j'estime qu'il ne faut pas toucher aux lois de 1988 et 1990, car un équilibre a été trouvé, même s'il faut chercher des moyens publics ou parapublics – je pense à la Caisse des dépôts – pour améliorer le financement de la vie politique.

Reste la question de la réserve parlementaire. À cet égard, je suis d'accord avec Christophe Euzet, qui s'est exprimé brillamment, avec son cœur. Toutefois, si l'abaissement du plancher de la DETR pallie, pour les maires des plus petites communes, la disparition de la réserve parlementaire en leur permettant de trouver sans difficulté des financements pour leurs projets, y compris les plus modestes, la question du soutien aux associations demeure. L'État devrait réfléchir à la manière dont il pourrait contribuer de manière plus efficace au financement du monde associatif. Les dossiers du FDVA sont très compliqués à monter, et le fonds lui-même est un peu éloigné des territoires : peut-être devrait-il intervenir à l'échelle des sous-préfectures. En tout cas, une réflexion doit être menée sur les mécanismes de financement par l'État de la vie associative. Je ne dis pas qu'il faut rétablir la réserve parlementaire, mais qu'il faut s'interroger sur les soutiens qu'elle apportait à la vie associative et qui ont en partie disparu depuis sa suppression. De fait, elle n'avait pas été créée par hasard : elle venait combler – maladroitement, certes, et en présentant certains risques – deux vides.

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Je suis bien entendu totalement favorable à la proposition de créer une banque de la démocratie. En revanche, je partage les réserves d'Erwan Balanant sur la possibilité, pour les personnes physiques, de consentir des prêts aux candidats à l'élection présidentielle : cette préconisation mériterait d'être à tout le moins précisée. Pour le reste, les propositions me semblent répondre au besoin de financement de la vie politique en prenant en considération l'ensemble des problématiques liées à cette question.

Je ne peux que souscrire aux propositions concernant l'exigence de transparence : tout ce qui permet de donner à nos concitoyens des preuves d'exemplarité supplémentaires est bienvenu, au moment où l'abstention est très importante.

Quant à la réserve parlementaire, tout le monde peut admettre qu'elle souffrait d'un manque de transparence. Mais on pouvait y remédier de différentes façons. On a choisi de transférer ce financement, des élus au suffrage universel vers les préfets, donc l'administration, le pouvoir exécutif. C'est un changement de nature que je ne peux cautionner. On aurait pu instaurer un cahier des charges, imposer un appel à projets ou rationaliser cette aide qui serait venue compléter des financements existants : cela aurait été plus efficace et aurait correspondu à la capacité qu'a l'élu de trouver des cofinancements auprès de l'État et des collectivités. Dans mon département, la commission chargée de répartir les aides du FDVA n'a jamais été réunie ! Encore une fois, et c'est là que le bât blesse, le financement en question a changé de nature, puisqu'il est passé de personnes élues au suffrage universel à l'exécutif. Ce type de passerelles et de raccourcis doit être évité, car il ne correspond pas aux attentes des élus locaux.

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Je remercie nos deux rapporteurs pour cet important travail. Une de vos propositions vise à sourcer les amendements. Je vous alerte sur les risques de complexifier et de contraindre un travail parlementaire déjà bien lourd. En outre, en la matière, tout n'est pas blanc ou noir. Ainsi, quand je reçois une association, des citoyens, un syndicat, je ne reprends pas forcément leurs propositions dans leur totalité, mais uniquement les aspects qui me semblent intéressants. Comment faire dans ce cas ? Doit-on expliquer que l'amendement est issu à un quart des syndicats et aux trois quarts du député ?

Enfin, quand les députés reprennent telles quelles les propositions qui leur sont soumises, c'est extrêmement visible car de nombreux amendements identiques sont déposés et identifiables sur la feuille jaune, d'autant – sans vouloir nous jeter des fleurs – que nous indiquons de plus en plus fréquemment nos sources, je l'ai remarqué. Plutôt que d'en faire une règle absolue, il serait préférable de sensibiliser les parlementaires afin qu'ils indiquent leur source dans l'exposé des motifs ou lors de leur prise de parole.

Votre rapport revient également sur le contrôle de l'AFM. Il est parfaitement normal que nos dépenses soient contrôlées puisqu'il s'agit d'argent public. Il est aussi parfaitement normal que nous devions fournir des justificatifs de dépenses et qu'un contrôle aléatoire soit effectué, a minima tous les cinq ans et par tirage au sort – ce qui nous oblige à la rigueur durant tout notre mandat. Mais je suis plus dubitative sur votre proposition d'application centralisée, couplée au recours obligatoire à un expert-comptable. Cette dernière proposition est une bonne chose car nous ne sommes pas tous comptables de formation et cela évite de faire des erreurs, de bonne ou de mauvaise foi. En revanche, les experts-comptables ayant leurs propres outils pour travailler, et n'étant pas forcément extrêmement bien rémunérés pour cette activité, il ne paraît pas opportun de les obliger à utiliser des applications auxquelles ils ne sont pas habitués.

Je m'étais déjà fortement opposée à la peine d'inéligibilité pour les délits de presse et suis très heureuse que le Conseil constitutionnel l'ait censurée car c'est un moyen extrêmement commode de faire taire ses opposants. Restons extrêmement vigilants.

Dernier sujet, celui qui fâche, la suppression de la réserve parlementaire, fausse bonne idée par excellence. Le FDVA est un mécanisme extrêmement compliqué et très peu connu des associations. Tous les ans en septembre, lors des journées des associations, dans la ville et les villages de ma circonscription, je distribue des formulaires et propose aux associations de les aider à remplir le dossier. Mais cela reste très compliqué pour les plus petites associations, que nous aidions par le passé.

Seulement cinq associations ont bénéficié du FDVA dans ma circonscription en 2020, alors qu'elles étaient 118 dans l'Hérault. Je ne dis rien de plus mais je fais le même constate depuis le début de mon mandat, depuis que le FDVA a remplacé la réserve parlementaire. En 2020, dans l'Hérault, le FDVA a bénéficié de 291 414 euros, soit une baisse de 45 %. L'argent consacré à la réserve parlementaire est donc loin d'avoir été intégralement transféré à la préfecture, qui gère le FDVA. En outre, la situation est peut-être différente dans d'autres départements, mais les députés ne sont absolument pas associés à l'examen des dossiers, alors que nous le réclamons systématiquement.

Enfin, mon collègue Acquaviva l'a souligné, la compétence transférée à un représentant de l'État – le préfet – appartenait à des élus. Au moment où nous examinons un projet de loi concernant la décentralisation, c'est pour le moins étrange…

Quant aux accusations de copinage sous-entendant qu'avec la réserve, un parlementaire pourrait avantager certaines associations, je m'y oppose. Le dispositif peut être parfaitement encadré. Que se passe-t-il actuellement ? J'étais surprise qu'une association reçoive deux ans de suite une grosse subvention du FDVA. Eh bien, le dossier était passé par la sous-préfecture et le président de l'association est très copain avec le chauffeur du sous-préfet… Le copinage fonctionne partout et avec tout le monde, et le FDVA n'est pas plus transparent que la réserve parlementaire !

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Je ne vais pas reprendre ce que madame Ménard vient de dire car je suis d'accord sur certains points. Je ne reprendrai pas non plus le brillantissime exposé de notre collègue Christophe Euzet, éminent spécialiste en droit public, parce que je ne pourrai pas faire aussi bien.

Mais je vous ferai part de mon expérience d'élue de terrain, d'ancienne maire devenue députée. « Je ne serai jamais la baronne de la cinquième circonscription de l'Isère » ai-je dit aux maires que j'ai rencontrés après mon élection. C'était ma façon de justifier la suppression de la réserve parlementaire. Bien sûr, tous les députés n'avaient pas la même attitude, mais c'était souvent ressenti comme une distribution de prébendes, faisant du récipiendaire l'obligé du député.

En outre, Laurence Vichnievski l'a rappelé, il y a encore beaucoup de pédagogie à faire. Ainsi, la semaine dernière, j'ai reçu la demande d'une association de judo demandant une subvention afin de combler son déficit de fonctionnement. Même si j'avais disposé de la réserve parlementaire, cet argent n'était pas fait pour combler les déficits. En outre, j'ai été maire et les communes définissent souvent un cadre de financement des associations. Ainsi, dans la ville dont j'étais maire, nous ne subventionnions qu'une association par sport. En tant que parlementaire, il ne me semble pas opportun de me mêler de la politique de subvention d'un maire. Il faut respecter la libre organisation des communes. À l'inverse, les maires doivent respecter le protocole républicain, qui avait été fortement écorné en début de mandat – certains maires qui nous recevaient ne souhaitant pas nécessairement nous donner la parole. Ce n'est pas parce que nous ne distribuons plus d'argent que nous sommes déconnectés des réalités locales puisque nous y avons notre place, que nous avons des enfants et avons eu – ou avons encore parfois – un métier.

Enfin, je pense que le fonctionnement du FDVA pose un certain nombre de problèmes. D'abord, la plupart des députés ne sont ni consultés, ni même avertis par le préfet sur la répartition des aides. Je suggère que l'on revoie la composition de la commission chargée de répartir les aides du FDVA : les députés doivent en faire partie dès lors qu'une commune de leur circonscription est concernée, ainsi que les maires, et je propose que ces réunions fassent l'objet d'une préparation. Notre rôle de député est d'aider les maires des petites communes, qui manquent souvent de personnel, à préparer leurs demandes. C'est beaucoup plus important que de distribuer de l'argent. Pour moi, c'est le fonctionnement du FDVA qui doit être revu de fond en comble.

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Vous avez fait un travail important pour redorer le blason du politique, dans le prolongement des mesures que nous avions déjà prises au sujet du cumul des mandats et de la réserve parlementaire – dont certains pensaient que ce qui n'était pas distribué revenait dans la poche du député. Nous avons aussi modifié le régime de retraite des députés, puisque nous passions pour des nantis. Je me demande si tout cela a changé quelque chose. Comme moi, vous avez dû voir la haine dans les yeux des Gilets jaunes. La vitrine de ma permanence a été brisée trois fois et je dois en être à la huitième ou neuvième menace de mort. Perdre la confiance, c'est extrêmement facile. La reconquérir va être un chemin long et difficile.

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J'ai été maire pendant trente-six ans, conseiller régional ou vice-président de région pendant vingt ans et député pendant quinze ans, tout cela en une seule vie. Cela m'a appris à prendre un peu de recul et à écouter les gens, afin de comprendre ce qui est le plus agréable et le plus efficace pour eux.

Les élus sont aimés. Il arrive de recevoir des menaces, c'est vrai, mais la population aime son maire, se sent proche de lui, et c'est très important. C'est pourquoi je regrette que certaines compétences aient été transférées aux préfets, au détriment des maires. On a supprimé la réserve parlementaire, mais pourquoi revient-il aux préfets de décider de l'attribution des aides du FDVA ? Pour gérer ma réserve parlementaire, j'avais constitué une commission composée de dix conseillers généraux ; elle était paritaire et représentait tous les secteurs de ma circonscription. J'adressais à cette commission tous les dossiers qui me parvenaient et c'est elle qui prenait des décisions, que j'ai toujours suivies. J'ai été maire de ma commune pendant trente-six ans et, pendant trente-six ans, elle n'a jamais eu droit à la réserve parlementaire, parce que je me l'étais interdit. Ce système faisait l'unanimité et les gens n'ont pas compris qu'on le supprime.

La réserve parlementaire a permis de soutenir des projets très intéressants. Dans le conflit israélo-palestinien, une initiative extraordinaire consistait à accueillir les enfants palestiniens malades du cœur dans l'un des grands hôpitaux d'Israël. Il fallait 7 000 euros pour sauver un enfant. Ma réserve parlementaire m'a permis de sauver des enfants palestiniens, avec l'aide des médecins israéliens. Je peux vous assurer que c'est l'une des choses qui m'a fait le plus chaud au cœur.

En ce qui concerne les frais de mandat, je crois que nous nous sommes trompés. Pour ma part, je suis partisan d'une augmentation de la rémunération globale des députés, avec une fiscalisation à 100 % : le député ferait ce qu'il veut de cette somme, et tout serait très simple. On supprimerait ainsi l'avance de frais de mandat. C'est d'ailleurs ce que je me suis appliqué à moi-même : je n'ai pas touché à l'AFM depuis plus de trois ans – près de 300 000 euros vont ainsi être rendus à l'État.

C'est une solution qui peut être rejetée par certains, mais qui est logique. Je serais favorable à l'organisation d'une vaste convention qui associerait les parlementaires et le personnel de nos deux assemblées : elle aurait pour but de fixer une rémunération qui serait à peu près la même pour les députés et les administrateurs. Il y aurait ainsi une référence commune et on ne pourrait plus se faire attaquer.

Le contrôle des dépenses, tel qu'il a été introduit, a quelque chose de tatillon. Actuellement, on est obligé de donner des justificatifs sur le montant de nos repas. J'ai été invité avec un ami dans un bon restaurant, près d'ici ; on m'a donné un papier attestant que la note ne dépassait pas 150 euros. Il est tout de même curieux d'en arriver là. La solution que je propose avait d'abord été retenue par nos responsables politiques, puis ils l'ont rejetée, par peur que l'augmentation de la rémunération de base des députés ne renforce l'antiparlementarisme.

Il faut renforcer le pouvoir législatif ; y renoncer, c'est, de fait, renforcer l'exécutif. Il n'y a qu'à voir la manière dont le pouvoir des préfets s'est accru depuis quatre ans, surtout depuis le début de la crise sanitaire, qui leur a donné les pleins pouvoirs. La démocratie ne repose plus que sur un pied, l'exécutif.

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Merci à tous. Ces débats sont passionnants et sans fin.

Je voulais seulement apporter une précision au sujet des prêts des personnes physiques aux candidats à l'élection présidentielle. Le support normatif date de 1962 et l'interdiction a été introduite dans la loi en 2001. Or cette disposition est en décalage avec toutes les autres élections, pour lesquelles les prêts de personnes physiques sont possibles. Le médiateur du crédit est favorable à un alignement du régime des prêts des personnes physiques pour toutes les élections. Il nous a semblé que cet alignement était nécessaire pour fluidifier le financement de la vie politique, à condition, évidemment, qu'il soit bien encadré.

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Pour répondre à notre collègue Christophe Euzet, je vais citer – une fois n'est pas coutume ! – le Président de la République. Le 7 décembre dernier, il a dit, à propos du non-cumul des mandats, qu'il voulait « retricoter quelque chose », parce que la question se pose, a-t-il dit, pour les numéros un ou deux de l'exécutif des petites villes. Le sujet n'est peut-être plus aussi tabou qu'il y a quelques années ; l'exercice du pouvoir et des pouvoirs a peut-être permis de s'apercevoir de certaines lacunes.

Globalement, même s'il peut y avoir des nuances dans notre manière d'aborder certaines questions, nous avons tous à cœur d'assumer nos fonctions avec la plus grande probité, et c'est ce que nous voulons montrer à nos concitoyens. Il y a peut-être – sans doute – des individus véreux parmi les élus, comme dans le reste de la société, mais la très grande majorité d'entre eux exercent leurs fonctions avec probité et honneur. J'ai peut-être l'air de faire un plaidoyer pour la classe politique, mais il importe de le répéter. Nous devons continuer sur cette voie ouverte par d'autres, à qui nous avons emboîté le pas. Pour finir avec une touche d'humour, il n'y a plus qu'à déposer une proposition de loi sur la réserve parlementaire : nous aurons des débats animés qui nous rappelleront le bon vieux temps.

En application de l'article 145, alinéa 7, du règlement, la commission autorise la publication du rapport d'information.

La réunion se termine à 12 heures 05.

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Caroline Abadie, M. Jean-Félix Acquaviva, M. Pieyre-Alexandre Anglade, M. Erwan Balanant, M. Ugo Bernalicis, M. Florent Boudié, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Xavier Breton, M. Vincent Bru, Mme Marie-George Buffet, Mme Émilie Chalas, M. Éric Ciotti, M. Éric Diard, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Christophe Euzet, M. Jean-Michel Fauvergue, Mme Camille Galliard-Minier, M. Raphaël Gauvain, M. Philippe Gosselin, M. Guillaume Gouffier-Cha, M. Sébastien Huyghe, Mme Élodie Jacquier-Laforge, Mme Catherine Kamowski, Mme Marietta Karamanli, M. Guillaume Larrivé, M. Philippe Latombe, Mme Marie-France Lorho, M. Olivier Marleix, M. Fabien Matras, M. Stéphane Mazars, Mme Emmanuelle Ménard, M. Ludovic Mendes, M. Jean-Michel Mis, M. Paul Molac, M. Pierre Morel-À-L'Huissier, Mme Naïma Moutchou, Mme Danièle Obono, Mme Valérie Oppelt, M. Didier Paris, M. Pierre Person, M. Jean-Pierre Pont, M. Éric Poulliat, M. Rémy Rebeyrotte, M. Thomas Rudigoz, M. Raphaël Schellenberger, M. Jean Terlier, M. Alain Tourret, Mme Cécile Untermaier, Mme Laurence Vichnievsky, M. Guillaume Vuilletet, M. Jean-Luc Warsmann

Excusés. - M. Philippe Dunoyer, M. Jean-François Eliaou, Mme Paula Forteza, M. Mansour Kamardine, M. Matthieu Orphelin, Mme Maina Sage