Groupe de travail sur les conditions de travail à l'assemblée nationale et le statut des collaborateurs parlementaires

Réunion du mardi 6 mars 2018 à 8h45

Résumé de la réunion

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La réunion

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GROUPE DE TRAVAIL N° 2 – LES CONDITIONS DE TRAVAIL À L'ASSEMBLÉE NATIONALE ET LE STATUT DES COLLABORATEURS PARLEMENTAIRES

Mardi 6 mars 2018

Présidence de M. Michel Larive, président du groupe de travail

La réunion commence à huit heures quarante-cinq.

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Madame la rapporteure, mes chers collègues, nous poursuivons ce matin notre nouveau cycle de travaux sur la prise en compte du handicap dans le fonctionnement de l'Assemblée nationale, avec deux nouvelles tables rondes consacrées à la situation, dans ce domaine, des collaborateurs parlementaires. Nous allons recevoir les syndicats, puis des associations.

Notre groupe a choisi de se réunir tous les mardis matin jusqu'à onze heures et cette phase de nos travaux s'achèvera à la fin du mois de mai par la remise de nos propositions au Bureau de l'Assemblée nationale.

Notre cycle d'auditions a commencé la semaine dernière par une table ronde réunissant les syndicats représentant les personnels de l'Assemblée nationale. Aujourd'hui, nous nous penchons sur une autre catégorie de personnes jouant un rôle essentiel, au quotidien, dans le fonctionnement de l'Assemblée et en soutien des députés : les collaborateurs parlementaires, salariés de droit privé choisis par les députés pour les assister personnellement. Précisons que certains d'entre eux travaillent au sein des groupes politiques et pas uniquement auprès d'un député.

Nous recevrons ultérieurement des associations représentant les personnes en situation de handicap, ainsi que des acteurs institutionnels, comme le secrétariat d'État chargé des personnes handicapées, ou certains services de l'Assemblée nationale concernés, d'une manière ou d'une autre, par l'amélioration de la prise en compte du handicap.

Pour cette première table ronde, nous avons pu réunir aujourd'hui des représentants de quatre syndicats. Il s'agit, par ordre alphabétique, de la CFDT, de la CFTC, de FO et du syndicat Solidaires.

Avant de céder la parole à Mme la rapporteure et aux représentants de ces syndicats, je voudrais vous donner déjà quelques éléments généraux sur ces organisations, dont les représentants pourront compléter ou corriger si nécessaire les informations dont nous disposons.

Créée en 2008, la CFDT-SMA, Confédération française démocratique du travail-Syndicat des mouvements et associations de l'Assemblée nationale, vise à défendre les droits des assistants parlementaires à l'Assemblée nationale, mais aussi en circonscription. Elle est représentée par M. Brayen Sooranna, secrétaire de section de ce syndicat.

Créée en 2016, la CFTC-Parlement est rattachée à la Confédération française des travailleurs chrétiens et elle a signé le premier accord collectif pour les collaborateurs parlementaires. Elle se déclare particulièrement attachée à l'épanouissement personnel des travailleurs et au respect d'un principe de subsidiarité dans l'élaboration des règles sociales.

Créé en 2013, le Syndicat national des collaborateurs parlementaires-Force Ouvrière (SNCP-FO) est composé de collaborateurs de tous les groupes politiques. Il les conseille et les informe sur leurs droits au travail et peut les accompagner, particulièrement en cas de situation difficile, ce qui recouvre certainement le cas des collaborateurs en situation de handicap.

Créé en 2015, le syndicat Solidaires-Assemblée nationale a pour particularité d'être composé à la fois de collaborateurs parlementaires, de fonctionnaires de l'Assemblée nationale, de contractuels de droit public et de salariés de droit privé travaillant à l'Assemblée nationale, par exemple à la boutique ou au salon de coiffure.

Notre groupe de travail ne remplace pas le dialogue social et vise uniquement à étudier les moyens d'améliorer la prise en compte du handicap à l'Assemblée. Dans ce cadre, nous sommes vivement intéressés par vos avis et propositions sur ce thème. Vous avez certainement été confrontés, dans votre expérience professionnelle, à cette question du handicap au sein de notre institution et, plus particulièrement, parmi les collaborateurs parlementaires.

Cette table ronde devant durer une heure au maximum, je vous propose de vous présenter très brièvement les uns et les autres, avant que nous en venions aux questions.

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Brayen Sooranna, secrétaire de section à la Confédération française démocratique du travail-Syndicat des mouvements et associations de l'Assemblée nationale (CFDT-SMA)

Attaché parlementaire à l'Assemblée nationale depuis le mois d'août, j'occupe cette fonction au sein de mon syndicat depuis le mois de novembre.

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Gonzague de Chantérac, délégué à la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC)

Pour ma part, je suis collaborateur parlementaire depuis six ans et je précise que mon syndicat est également représenté au Sénat.

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Trixie Meyssonnier, secrétaire générale au Syndicat national des collaborateurs parlementaires-Force Ouvrière (SNCP-FO)

Au nom de mon syndicat, je vous remercie d'organiser cette audition qui permet de mettre en lumière la thématique du handicap. À ma connaissance, c'est une première à l'Assemblée. Or, c'est un sujet très important.

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Alexis Girszonas, membre du bureau du SNCP-FO

Certains d'entre vous, ici, me connaissent et connaissent ma situation. Je suis évidemment très heureux de pouvoir partager mon expérience, longue de bientôt six années, dans la maison.

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Arthur Moreau, secrétaire général à Solidaires-Assemblée nationale

Pour ma part, je suis attaché parlementaire et représentant de mon syndicat depuis septembre dernier. À mon tour, je vous remercie d'avoir organisé cette table ronde.

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Laurence de Saint-Sernin, collaboratrice parlementaire, membre de Solidaires-Assemblée nationale

Après avoir exercé au Sénat, je suis attachée parlementaire à l'Assemblée nationale.

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Je donne la parole à notre rapporteure pour une première série de questions.

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Merci à tous pour votre participation à ce groupe de travail.

Certains d'entre vous ont commencé à répondre à ma première question qui est la suivante : avez-vous déjà participé à une précédente réflexion conduite par l'Assemblée sur cette thématique et, le cas échéant, quel bilan tirez-vous de votre contribution passée ?

À votre avis, l'Assemblée nationale prend-elle suffisamment en compte, dans son fonctionnement, le handicap ? Avez-vous déjà recueilli des témoignages de collaborateurs se plaignant d'une mauvaise accessibilité de locaux ? Avez-vous été personnellement témoin d'une situation où un collaborateur en situation de handicap n'a pas pu accéder à l'un des bâtiments de l'Assemblée nationale ?

Les députés vous semblent-ils suffisamment sensibilisés à l'enjeu du handicap ? L'association de députés-employeurs prend-elle en compte la problématique du handicap dans son agenda ? Cette association pourrait-elle, selon vous, contribuer à une meilleure intégration dans l'emploi de collaborateurs en situation de handicap ?

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Brayen Sooranna, secrétaire de section à la Confédération française démocratique du travail-Syndicat des mouvements et associations de l'Assemblée nationale (CFDT-SMA)

Au nom de mon syndicat, je vous remercie de nous avoir conviés une nouvelle fois à vos travaux sur les conditions de travail à l'Assemblée et le statut des collaborateurs parlementaires, le sujet du jour étant la prise en compte du handicap.

Madame la rapporteure, j'ai déjà participé à des réflexions sur la question du handicap. Était-ce à l'Assemblée nationale ? Non, jamais. Ces réflexions sont davantage conduites dans le milieu associatif ou syndical qu'au sein de notre belle institution.

L'Assemblée nationale prend-elle en compte la question du handicap ? En préparant mon audition, j'ai essayé de trouver des éléments statistiques sur le nombre de collaborateurs parlementaires dont la situation de handicap est reconnue par le ministère. Je n'ai pas trouvé de chiffres tangibles. S'ils existent, la difficulté à les trouver est en elle-même significative.

À ma connaissance, les bâtiments de l'Assemblée nationale ne sont pas aménagés pour les personnes à mobilité réduite ou ayant un handicap visuel. Certaines plateformes permettent aux personnes à mobilité réduite de prendre un couloir en évitant les escaliers, mais elles ont généralement été conçues pour la manutention. Pour l'instant, il n'existe pas un cadre spécifique et objectif pour la question du handicap. Quand un ascenseur ne fonctionne pas, une personne qui ne connaît pas de handicap prend l'escalier et arrive facilement dans son bureau alors qu'une personne à mobilité réduite doit suivre tout un parcours avant d'accéder au sien. Si l'ascenseur est en panne à longueur d'année, inutile de vous dire comment les personnes concernées peuvent le vivre.

Les grandes entreprises sont tenues par des obligations légales en matière d'emploi de personnes en situation de handicap et d'aménagement de leurs locaux. Ainsi, dans les entreprises de plus de vingt salariés, les personnes en situation de handicap doivent représenter 6 % de l'effectif total. Certaines structures, comme Pôle emploi, ont prévu des aménagements spécifiques – qui font notamment appel au toucher – pour permettre aux personnes ayant un handicap visuel de pouvoir s'orienter dans les bâtiments. L'Assemblée nationale, le cœur battant de la République, devrait montrer l'exemple.

Que dire de l'association de députés-employeurs ? Toutes les bonnes énergies et les bonnes idées seront les bienvenues, notamment en ce qui concerne l'élaboration d'un accord contraignant sur des aménagements d'infrastructure, une sensibilisation et des retours d'expérience.

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Gonzague de Chantérac, délégué à la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC)

À mon tour, je vous remercie d'avoir organisé cette table ronde consacrée à la question du handicap. Nous avons pu avoir des expériences personnelles – pour ma part, ce fut avec l'Association des paralysés de France (APF) et des structures liées à l'autisme. En revanche, nous n'avions pas encore eu l'occasion d'échanger sur la manière dont l'Assemblée nationale devait s'organiser pour répondre aux attentes de tous : public, députés, et personnels, quel que soit leur statut. Au nom de la CFTC, je tiens à saluer cette très bonne initiative.

Cette table ronde s'inscrit dans un processus de dialogue naissant : les collaborateurs n'y participent que depuis environ deux ans, ce qui fait que même ceux qui ont une certaine ancienneté n'ont pas connu de processus similaire. Vous l'avez rappelé, un dialogue est nécessaire en dehors des groupes de travail, pour que les organisations représentatives puissent s'exprimer sur le sujet. Cet espace de discussion et d'échanges est une excellente chose.

Dans son fonctionnement, l'Assemblée nationale prend-elle suffisamment en compte le handicap ? Elle a fait des efforts et réalisé quelques travaux pour l'accueil du public : amélioration de l'accès par le 33 quai d'Orsay ; réfection de l'ascenseur des journalistes pour qu'une personne en fauteuil roulant puisse être accompagnée et assister à la séance.

Parmi les nombreux lieux dont l'accès reste très difficile, l'hémicycle est sans doute le plus symbolique. Peut-être avez-vous en tête le cas d'un parlementaire en situation de handicap dont la collaboratrice sera auditionnée au cours de la deuxième table ronde. Ce n'est pas toujours facile. Même s'il n'est pas en fauteuil, ce député a quelquefois besoin d'être accompagné par un auxiliaire. Une réflexion est donc à mener sur l'hémicycle, lieu dont le caractère historique ne doit pas empêcher que la diversité des situations de validité soit pleinement prise en compte.

Mon collègue de la CFDT parlait des ascenseurs. L'un d'entre eux, qui permet d'accéder à la salle Colbert, est condamné depuis deux ou trois ans. De toute façon, ce n'est certainement pas l'accès le plus facile pour arriver à l'Assemblée : le 128, rue de l'Université donne sur des pavés qui ne sont pas égalisés contrairement à ceux de la cour d'honneur après les travaux. Des efforts restent donc à faire pour améliorer l'accès aux bâtiments de l'Assemblée, notamment à celui de la présidence sur lequel notre attention a été appelée à plusieurs reprises.

En débordant un peu du cadre, je dirais que les abords extérieurs de l'Assemblée nationale mériteraient aussi quelques aménagements : les stations de métro n'ont pas d'ascenseur ; les stations de bus sont assez loin des entrées ; certains trottoirs sont étroits et défoncés. Il faut déjà faire un véritable effort pour arriver à l'Assemblée. Nous pouvons élargir notre réflexion à ces sujets si nous ne voulons pas que ce soit un parcours du combattant pour accéder à un bâtiment qui, lui, serait devenu irréprochable.

Les députés nous semblent-ils suffisamment sensibilisés à l'enjeu du handicap ? L'expérience personnelle joue un grand rôle en la matière. Quand vous avez été confronté vous-même au handicap, votre regard change.

Nous profitons de cet échange pour signaler que, d'après ce que nous avons cru comprendre, une deuxième association de députés-employeurs pourrait être en gestation, ce qui serait susceptible d'avoir des conséquences sur les relations que nous entretenons avec la première. Quel serait; dans un tel cas, le cadre de dialogue et de négociation avec cette deuxième association ?

Quoi qu'il en soit, nous serons évidemment toujours partants pour dialoguer avec tout le monde afin de trouver des solutions dans tous les domaines, y compris celui du télétravail. S'il peut parfois être une solution, le télétravail ne doit certainement pas devenir une mesure d'isolement. Les personnes en situation de handicap – physique ou autre – ont besoin de la continuité d'une vie professionnelle normale. Comme tous les salariés, elles doivent pouvoir bénéficier de mesures d'adaptation qui ne deviennent pas des mesures d'isolement.

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Trixie Meyssonnier, secrétaire générale au Syndicat national des collaborateurs parlementaires-Force Ouvrière (SNCP-FO)

Mes collègues l'ont rappelé, c'est la première fois qu'une table ronde sur la question du handicap est organisée à l'Assemblée. L'organiser est déjà, en soi-même, très positif : c'est le symbole d'une prise de conscience de la nécessité d'agir. Nous devons établir ensemble le bon diagnostic pour ensuite proposer des solutions adéquates. Le handicap est une aventure individuelle, parfois collective, qui peut bouleverser la vie à tout moment. Il est important de le rappeler.

Quels problèmes les collaborateurs peuvent-ils rencontrer à l'Assemblée ? Afin que nous puissions bâtir ensemble des solutions collectives, le SNCP s'est appuyé sur l'expertise de plusieurs personnes en situation de handicap. Vous le verrez, nous allons vous faire des propositions parfois très simples qui pourraient donc être appliquées rapidement.

La convention relative aux droits des personnes handicapées, adoptée le 13 décembre 2006, impose aux employeurs l'obligation d'un aménagement raisonnable des installations, à chaque étape d'un parcours professionnel : formation, recrutement, promotion. Vous constaterez qu'ici, à l'Assemblée nationale, cet aménagement raisonnable est parfois très relatif.

Quels sont les problèmes que peuvent rencontrer les personnes en situation de handicap tout au long de leur parcours à l'Assemblée nationale ? Au moment du recrutement, lorsqu'une personne en situation de handicap arrive à l'Assemblée nationale, elle n'est pas du tout accompagnée. Elle est renvoyée vers l'Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH). Créée en 1987, l'AGEFIPH permet de favoriser l'insertion professionnelle et le maintien dans l'emploi des personnes en situation de handicap.

Cependant, lorsqu'une personne en situation de handicap appelle l'AGEFIPH, l'association se trouve assez désemparée : elle voudrait renvoyer le collaborateur vers le fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique. Une fois encore, nous nous heurtons aux difficultés que pose le statut hybride, ou plutôt le non-statut, des collaborateurs parlementaires. Nos interlocuteurs extérieurs n'ont aucune idée de notre situation.

C'est la raison pour laquelle nous vous faisons plusieurs propositions. Une fois de plus, nous plaidons pour l'établissement d'un véritable statut de collaborateur parlementaire. En matière de handicap, nous vous proposons de désigner un référent pour les collaborateurs au sein de la division de la gestion financière parlementaire. Cet interlocuteur unique serait chargé de répondre aux questions des collaborateurs et du député-employeur. Il jouerait le rôle d'une « mission handicap » de grande entreprise. Nous vous proposons également de désigner un référent unique pour l'Assemblée nationale au sein de l'AGEFIPH, ce qui permettrait à l'association de mieux comprendre notre situation et d'informer toutes les antennes départementales que 577 permanences parlementaires peuvent accueillir des collaborateurs en situation de handicap. Nous ne parlons évidemment pas que du handicap moteur, même si c'est le plus visible. La loi de 2005 définit cinq types de handicap : moteur, psychique, mental, sensoriel et lié aux maladies invalidantes. Je ne sais pas si vous l'avez prévu, mais il pourrait être intéressant pour vous de rencontrer des responsables de l'AGEFIPH.

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Trixie Meyssonnier, secrétaire générale au Syndicat national des collaborateurs parlementaires-Force Ouvrière (SNCP-FO)

Très bien.

Encore une fois, nous rencontrons un problème avec les statistiques. Par le biais de ce que l'on pourrait appeler le site de l'Assemblée nationale, nous avons connaissance des collaborateurs qui sont en situation de handicap moteur. En revanche, nous n'avons pas de données statistiques particulières, notamment en ce qui concerne les circonscriptions. Je ne sais pas si la division de la gestion financière parlementaire peut demander, au moment du recrutement, si la personne est ou non en situation de handicap et nous faire remonter l'information. Cela nous permettrait de faire un suivi particulier de ces statistiques et de voir si le nombre d'embauches de personnes en situation de handicap augmente.

Dans les entreprises de plus de vingt salariés, les personnes en situation de handicap doivent représenter au moins 6 % des effectifs. À l'Assemblée nationale, cela ne peut évidemment pas être le cas puisque nous sommes considérés comme 577 très petites entreprises (TPE). Une fois de plus, nous voyons que l'absence de statut peut empêcher les collaborateurs parlementaires d'avoir accès au droit, en l'occurrence celui des personnes en situation de handicap.

Nous vous proposons aussi d'organiser périodiquement des campagnes d'information et de sensibilisation pour améliorer le regard qui est porté sur le handicap. Des partenariats pourraient être développés avec les établissements spécialisés pour l'accueil des élèves en situation de handicap, notamment pour la promotion d'élèves stagiaires. Cette initiative permettrait d'ouvrir le regard que nous portons sur le handicap et de montrer à ces jeunes – potentiels collaborateurs – qu'ils peuvent venir travailler à l'Assemblée nationale, malgré leur handicap.

Dernière proposition simple : il faudrait formaliser toutes ces informations dans le livret d'accueil des députés et des collaborateurs.

Ces solutions peuvent, pour la plupart, être mises en œuvre assez rapidement. L'Assemblée nationale se doit d'être exemplaire, ont dit mes collègues. Nous sommes évidemment de cet avis. Nous considérons que l'émergence d'une société inclusive, moins individualiste, relève d'une responsabilité collective qui engage chacun de nous.

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Je rappelle que, depuis le début de cette législature, nous menons une réflexion sur le statut des collaborateurs. Dans deux ans, les négociations en cours feront l'objet d'une feuille de route assez détaillée qu'il faudra sûrement encore amender. Si vous le voulez, je peux rappeler à chaque réunion que le statut est en train d'être construit.

Pour ma part, je suis administrateur de l'association de députés-employeurs existante. M. de Chantérac nous a livré un scoop ce matin : l'éventuelle création d'une deuxième association. Nous allons nous renseigner.

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Alexis Girszonas, membre du bureau du SNCP-FO

Un sujet qui peut paraître anecdotique mais qui ne l'est pas, c'est l'attribution des bureaux en début de législature. Cette question est traitée par les secrétaires généraux des groupes, ce qui oblige le député qui aurait un collaborateur en situation de handicap à faire une demande auprès de son groupe. Si la démarche lui paraît difficile, parce qu'il connaît mal le fonctionnement ou parce qu'il a recruté son collaborateur non pour son handicap mais pour ses compétences et qu'il ne tient pas forcément à ce que ce handicap entre en ligne de compte dans des considérations politiques, il ne fera pas cette demande. Quand je suis arrivé en 2012, on m'a répondu que je ne pouvais avoir un des bureaux adaptés du 101 rue de l'Université – il y en a deux, je crois – car je n'étais pas député.

Nous proposons donc que la gestion des bureaux adaptés soit prise en charge par les services de l'Assemblée nationale, ce qui suppose une proportion de tels bureaux un peu plus importante. Dans le cas des handicaps visuels, ce n'est pas un problème d'espace mais de lumière. L'avantage d'une recentralisation de la gestion des bureaux est que cela permettrait aussi de régler la situation des collaborateurs à mi-temps, avec un rapprochement des bureaux qui évite les allers-retours et des pertes de temps aujourd'hui considérables, selon l'état de fonctionnement des élévateurs.

L'un des députés pour lequel je travaille a été rapporteur en 2014 de la loi créant les agendas d'accessibilité programmée. Je m'étais permis à l'époque de faire un tour dans la maison pour lister les points de difficulté. Le diagnostic que nous faisons aujourd'hui se base sur les points relevés à cette occasion.

Au 101 rue de l'Université, les portes sont lourdes à pousser et se referment trop vite. Les élévateurs, à ne pas confondre avec les ascenseurs, devraient faire l'objet d'une maintenance régulière et il faudrait que nous ayons un contact chez les équipes de maintenance ; c'est d'ailleurs pourquoi un correspondant handicap est une idée intéressante. Aujourd'hui, nous devons compter sur le fait que les fonctionnaires veulent bien nous aider ; cela se passe en général très bien mais rien n'est officialisé et cela peut poser problème.

Les rampes d'accès, notamment à la salle des quatre colonnes, ne sont pas aux normes et elles sont dangereuses. Souvent les agents m'aident mais est-ce dans leurs attributions, et qui serait responsable si la manipulation se passait mal ?

Si toutes les campagnes de travaux intègrent désormais la problématique de l'accessibilité, nous souhaiterions de même qu'un plan pluriannuel d'investissement s'étalant sur l'ensemble de la législature prenne en compte cette question. Le suivi de ce plan pourrait être assuré par le Bureau de l'Assemblée. Nous proposons également que soit réalisé un diagnostic des différentes sources lumineuses afin de s'assurer qu'elles sont conformes aux normes définies dans les agendas d'accessibilité programmée de 2014. Je vous avais proposé à titre personnel, bien avant que nous sachions que notre organisation serait auditionnée, de m'accompagner dans un tour de visite ; le bureau du SNCP se joint à moi pour formaliser cette demande.

Permettez-moi un dernier mot sur la sécurité, qui est un enjeu majeur. Je n'ai rencontré un pompier sous la précédente législature que trois mois avant la fin de celle-ci. Il est venu dans mon bureau pour m'expliquer le cheminement à suivre en cas d'évacuation. Je pense qu'ils me connaissent, car ils me voient, mais je ne sais pas quelle est la chaîne de commandement. Au début de la nouvelle législature, j'ai changé de bureau et cherché à me signaler auprès d'agents. On m'a dit que ma présence dans les bâtiments avait bien été remontée mais je n'en ai jamais eu une confirmation officielle.

La question des bureaux très éloignés les uns des autres relève également de la sécurité. L'un de mes bureaux est au 33 rue Saint-Dominique. J'y mets très rarement les pieds parce qu'on y est très isolé, et je ne vous cache pas que j'ai peur de ne pouvoir être identifié s'il m'arrive quoi que ce soit.

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Laurence de Saint-Sernin, collaboratrice parlementaire, membre de Solidaires-Assemblée nationale

Au moment du recrutement des collaborateurs, il faut que les services de l'Assemblée soient parfaitement informés des différentes possibilités et qu'ils informent les députés pour que ces derniers n'aient pas d'hésitation à embaucher des collaborateurs en situation de handicap. C'est pourquoi il faudrait, dans le livret d'accueil et de façon orale, une information plus soutenue sur l'embauche de personnes en situation de handicap, comme d'ailleurs sur les questions de harcèlement, en faisant bien savoir que cela donnera lieu à un aménagement.

L'aménagement à conduire tout au long de l'exécution du contrat de travail serait à voir avec le médecin du travail. Il existe in situ un médecin de prévention pour les fonctionnaires ; nous savons qu'il a un peu de temps disponible. Il pourrait servir aux collaborateurs de manière générale, mais également à aider la personne référente au service de la gestion financière et sociale dans l'adaptation des postes de travail.

Il faut également permettre aux députés d'adapter le temps de travail. Certains collaborateurs souhaitent travailler à temps partiel et beaucoup de députés en emploient. Il faut leur expliquer que les collaborateurs en situation de handicap peuvent travailler à temps partiel comme à temps plein, en fonction de ce que souhaitent les uns et les autres. Il faut tout faire, dans la maison, pour essayer d'adapter les postes de travail à ces différentes possibilités.

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Arthur Moreau, secrétaire général à Solidaires-Assemblée nationale

Il nous semble important, dans un premier temps, d'avoir des chiffres sur la situation actuelle à l'Assemblée, ainsi que de prévoir une personne référente pour traiter ces questions.

Un point sur lequel nous revenons souvent au sein de notre syndicat, c'est le CHSCT : toutes les questions que nous sommes en train de soulever en relèvent. En intégrant les syndicats représentant les attachés parlementaires au CHSCT, on pourrait poursuivre et pérenniser ce travail sur le handicap. Dans les textes relatifs au comité d'hygiène et de sécurité de l'Assemblée, il est prévu, à l'article 20, que le président du comité peut inviter des experts ou des personnes qualifiées pour s'exprimer sur les questions à son ordre du jour. Il est donc possible d'intégrer les organisations syndicales.

Votre groupe de travail auditionne aujourd'hui les collaborateurs de députés, mais l'essentiel de nos collègues travaillant pour les groupes réalisent le même travail, en tout cas à l'Assemblée.

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La thématique du groupe de travail est le handicap à l'Assemblée nationale, donc tout le monde est concerné : fonctionnaires, prestataires de service, collaborateurs des députés et des groupes notamment.

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Le député nouvel arrivant est pris dans un tourbillon et a peu de visibilité de ce qu'il pourrait faire pour intégrer des collaborateurs en situation de handicap.

La question de votre statut est majeure : il n'existe pas vraiment de statut, vous l'avez dit, et c'est un problème pour la gestion du handicap. Le dernier intervenant a évoqué les collaborateurs de groupe. On pourrait envisager pour les groupes une obligation de faire appel à des collaborateurs en situation de handicap : c'est plus facile pour un groupe parlementaire que pour un député de manière individuelle, pour qui cela peut être compliqué dans l'organisation quotidienne du travail, s'il faut, par exemple, une seconde personne. J'ai connu cela dans le secteur privé.

L'accessibilité à l'Assemblée est un autre problème. Elle est encore médiocre. C'est en partie parce qu'il existe des contraintes de bâtiments historiques, mais il faut conduire une réflexion sur le sujet.

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S'agissant de l'accessibilité, je reçois de temps en temps des maires de ma circonscription et je rougis un peu de voir ce qu'en écrivant la loi nous imposons aux collectivités locales, sans l'appliquer à l'Assemblée. On nous fait souvent des réflexions sévères à ce sujet.

Depuis le début des réunions de ce groupe de travail, j'ai toujours eu le souci de bien intégrer les collaborateurs de circonscription, qui peuvent aussi être en situation de handicap. Dans nos permanences, c'est parfois extrêmement compliqué ; cela nécessite des aménagements, qui, de mon point de vue, ne sont pas pris en compte par l'Assemblée nationale.

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Brayen Sooranna, secrétaire de section à la Confédération française démocratique du travail-Syndicat des mouvements et associations de l'Assemblée nationale (CFDT-SMA)

Je suis d'accord au sujet des collaborateurs de groupe et des collaborateurs de circonscription, mais prenons aussi en considération les collaborateurs de circonscription dans les outre-mer, qui connaissent des sujétions et difficultés particulières liées à la géographie et aux infrastructures.

Un point à prendre en compte est le maintien d'une personne handicapée dans l'emploi, car n'oublions pas que le handicap peut intervenir à tout moment de nos vies : il faudrait prévoir quelques éléments à cet égard dans un accord syndical.

Un audit sur les infrastructures pourrait être demandé à l'AGEFIPH, qui a dans ses attributions l'accompagnement des entreprises sur ces questions.

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Gonzague de Chantérac, délégué à la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC)

Quand je parlais d'un cadre de dialogue à construire, cela concerne évidemment le dialogue social, dont certaines instances spécifiques, comme le CHS. Il est important que les 2 000 collaborateurs, dont près de 800 à l'Assemblée, puissent dire ce qu'ils vivent, et qu'ils fassent aussi remonter ce qu'ils entendent quand ils accueillent des visiteurs.

S'agissant de la santé au travail, on nous envoie vers des centres médicaux à l'extérieur car le médecin de l'Assemblée ne dispose visiblement pas de toutes les habilitations. La place de la santé devrait être accrue dans nos murs.

La baisse, dont il est question, du nombre de députés impliquera un redéploiement des bureaux. Il existe aujourd'hui quelques bureaux adaptés pour les personnes à mobilité réduite. Si le nombre de députés diminue, que vont devenir ces bureaux ? En restera-t-on au statu quo actuel ou bien allons-nous en profiter pour conduire une réflexion sur l'organisation des espaces de travail et la place des collaborateurs ? L'Assemblée nationale française va-t-elle rester la seule à mettre quatre salariés dans douze mètres carrés ? Les conditions de travail au Parlement allemand sont beaucoup plus agréables, pour les personnes en situation de handicap comme pour les collaborateurs de manière générale.

Du point de vue de la CFTC, une baisse du nombre des députés ne devrait pas s'accompagner d'une baisse du nombre de collaborateurs. C'est déjà très tendu aujourd'hui, avec trois ou quatre collaborateurs, et si, avec des circonscriptions plus grandes, le nombre de collaborateurs baissait, la qualité du travail législatif en souffrirait.

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Nous aborderons la question lorsque le nombre de députés sera débattu. Pour l'instant, il y a 577 députés et je souhaite qu'ils restent 577.

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Trixie Meyssonnier, secrétaire générale au Syndicat national des collaborateurs parlementaires-Force Ouvrière (SNCP-FO)

La loi de 1987 impose à toutes les entreprises de vingt salariés et plus d'employer au moins 6 % de personnes en situation de handicap. Aujourd'hui, 78 % de ces entreprises appliquent l'obligation. Les groupes de l'Assemblée nationale qui emploient plus de vingt salariés ont, eux aussi, l'obligation d'employer 6 % de personnes en situation de handicap.

Je souhaite aborder une problématique qui ne l'a pas encore été, celle du transport. L'accessibilité sur le lieu de travail suppose d'évoquer en amont l'accessibilité au lieu de travail. Les collaborateurs parlementaires ayant des amplitudes horaires très variables, ils ne peuvent bénéficier des dispositifs lambda, comme PAM 75 à Paris, service public de transport pour les personnes à mobilité réduite. Nous proposons deux solutions. Tout d'abord de pérenniser pour l'ensemble des collaborateurs, notamment en circonscription, celle qui est déjà proposée par la questure, à savoir la prise en charge du transport des collaborateurs en situation de handicap. Ensuite d'étudier la possibilité de passer un marché public pour une prise en charge du transport par une société adaptée, pour l'ensemble du personnel et non seulement les collaborateurs parlementaires.

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Alexis Girszonas, membre du bureau du SNCP-FO

La difficulté à recruter des collaborateurs en situation de handicap ne tient pas qu'à l'environnement, mais aussi au fait qu'un vivier a du mal à se constituer parce que la France peine à permettre aux personnes en situation de handicap de faire de longues études, donc d'avoir un niveau de qualification correspondant au niveau que l'on est en droit d'attendre d'un collaborateur parlementaire. Cela dépasse notre cadre ici mais il me semblait important de le souligner.

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Arthur Moreau, secrétaire général à Solidaires-Assemblée nationale

J'ai omis de mentionner l'une de nos propositions. Le prochain CHS se tiendra le 30 mars. Nous souhaitons y être invités pour parler des questions du handicap et des travaux au 101 rue de l'Université.

Il est important que les députés aient davantage d'informations, aussi bien sur les obligations que sur les aides à l'embauche existantes.

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Ce travail est un travail de coproduction et la présente étape est un chantier de deux mois, donc n'hésitez pas à nous adresser des contributions. Elles seront examinées avec beaucoup de bienveillance.

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Merci pour tous ces apports, dont nous tiendrons compte.

La première audition s'achève à neuf heures cinquante.

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La seconde audition commence à dix heures cinq.

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Nous poursuivons, avec cette seconde table ronde, les échanges consacrés aux collaborateurs parlementaires, qui sont également représentés par des associations, dont deux sont ici ce matin, les autres n'ayant pas pu répondre à notre invitation. Par ailleurs, nous avons l'intention d'entendre, la semaine prochaine, l'Association des députés employeurs, car il nous faut bien entendu croiser les points de vue.

Nous avons compris que l'Association française des collaborateurs parlementaires (AFCP), créée en 1979, regroupe des collaborateurs de députés de la droite et du centre et que l'Association des collaborateurs démocrates (CoDem), créée en 2017, regroupe quant à elle des collaborateurs d'élus démocrates et centristes.

Je rappelle, à nouveau, que notre groupe de travail n'a pas vocation à se substituer au dialogue social et à ses instances propres, mais vise uniquement à étudier les pistes pour améliorer les modalités de prise en compte du handicap à l'Assemblée. C'est dans ce cadre que nous souhaitons recueillir votre avis et vos propositions, nourries de votre expérience pratique.

Je vous propose de vous présenter très brièvement les uns et les autres, avant que nous ne vous posions de premières questions.

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Mélody Mock, vice-présidente de l'Association française des collaborateurs parlementaires (AFCP)

Je tiens tout d'abord à vous remercier d'avoir bien voulu nous entendre sur un sujet important, trop peu abordé, et qui peut poser problème au quotidien à certains collaborateurs ou certains députés.

Le député dont je suis la collaboratrice, Damien Abad, est le seul reconnu comme handicapé à l'Assemblée nationale ; je pourrai vous faire part des circonstances de son arrivée dans nos murs.

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Maxime Torrente, secrétaire général adjoint de l'AFCP

À mon tour je remercie le groupe de travail de nous recevoir. Mon parcours personnel me permet également de vous apporter des contributions et de répondre à vos questions sur la prise en compte du handicap à l'Assemblée nationale.

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Lova Rajaoarinelina, CoDem

La CoDem, que je représente est une jeune association de collaborateurs parlementaires. Je vous remercie de nous avoir conviés à ce rendez-vous, très important à nos yeux.

Comme mes collègues ici présents, je suis concernée par la question du handicap, d'autant que le père de ma fille est en fauteuil roulant. En entrant à l'Assemblée nationale pour la première fois, j'ai pu constater quelques défauts d'accessibilité, susceptibles de concerner les parlementaires, les collaborateurs et les visiteurs.

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À votre avis, l'Assemblée nationale prend-elle suffisamment en compte le handicap dans son fonctionnement ?

Avez-vous déjà recueilli des témoignages de collaborateurs se plaignant d'une mauvaise accessibilité des locaux, ou avez-vous été témoin d'une situation dans laquelle un collaborateur en situation de handicap n'a pu accéder à l'un des bâtiments de l'Assemblée nationale ?

Bien entendu, notre groupe travaille pour l'ensemble des salariés de la maison, mais aussi pour les fonctionnaires, sans oublier les visiteurs.

Par ailleurs, les députés vous semblent-ils suffisamment sensibilisés à l'enjeu du handicap ? L'Association des députés employeurs prend-elle en compte la problématique du handicap dans son agenda ? Selon vous, cette association pourrait-elle contribuer à une meilleure intégration dans l'emploi de collaborateurs en situation de handicap ?

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Mélody Mock, vice-présidente de l'Association française des collaborateurs parlementaires (AFCP)

Au cours de la précédente législature, M. Abad employait un collaborateur qui était en fauteuil roulant et travaillait en circonscription. Lorsqu'il se rendait à l'Assemblée nationale, des progrès avaient déjà été réalisés dans le domaine de l'accessibilité, mais, pour assister aux séances de questions au Gouvernement, par exemple, il n'avait pu accéder qu'à la loge des journalistes ce qui, faute de constituer une adaptation définitive, n'était qu'une solution de dépannage.

Par ailleurs, les collaborateurs ne sont pas formés pour les cas où, à l'occasion de visites libres de l'Assemblée, sans l'accompagnement de fonctionnaires agents, des personnes présentent des handicaps non visibles, notamment sensoriels. Dans ces situations, une information sur le fléchage des parcours adaptés serait bienvenue. Une sensibilisation des collaborateurs est aussi souhaitable, car pour l'instant ils ne prennent conscience de la question qu'à la condition d'être directement concernés.

Il est vrai que, lorsqu'on les cherche, on trouve les informations nécessaires, mais pas sur le site internet de l'Assemblée nationale, seulement auprès des agents. Ainsi, certains de mes collègues, découvrant à l'occasion d'une visite qu'un des invités était malvoyant, se sont-ils trouvés très dépourvus.

On gagnerait donc à adresser une information globale aux collaborateurs.

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Lova Rajaoarinelina, CoDem

Au-delà de l'adaptation des locaux, il me semble que la question centrale est celle de l'accès à l'emploi de collaborateur parlementaire à des personnes en situation de handicap. Un silence assourdissant règne au sujet de l'intégration du handicap dans le monde politique.

Au sein du groupe Mouvement démocrate et apparentés, nous sommes attentifs à cette thématique, mais nous manquons d'une vision claire des moyens et actions à mener pour faire avancer les choses. La sensibilisation a été faite ; l'heure de la concrétisation a sonné.

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Maxime Torrente, secrétaire général adjoint de l'AFCP

S'agissant de l'accessibilité des locaux, il est indéniable que beaucoup d'efforts sont faits, comme le prouve l'installation de plateformes d'accès aux fauteuils roulants à la commission des finances et à la salle des quatre colonnes.

Ce qui manque le plus c'est l'information, singulièrement pour l'organisation de visites. La question relève donc surtout d'un effort de communication et de mise à disposition des moyens mis en œuvre à l'Assemblée nationale afin de faciliter l'accessibilité.

Il faut avoir à l'esprit que les collaborateurs parlementaires sont des salariés de microentreprises. Par ailleurs, le premier interlocuteur des collaborateurs en situation de handicap est leur député en tant qu'employeur ; nous ignorons si l'Association des députés employeurs dispose d'un interlocuteur dédié, et il ne semble pas que la division de la gestion financière parlementaire de l'Assemblée en soit dotée. En outre, si nos députés ne nous informaient pas de l'existence d'un cabinet médical à l'Assemblée, nous l'ignorerions.

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Mélody Mock, vice-présidente de l'Association française des collaborateurs parlementaires (AFCP)

Poser la question de l'accès à l'emploi revient à s'interroger sur la reconnaissance du handicap : qu'est-ce qu'un handicap, l'intéressé a-t-il envie d'être reconnu comme tel ? Car, si une personne handicapée peut facilement appeler l'administration pour s'informer ou prévenir son député employeur, ce n'est pas pour autant que la parole est libérée à ce sujet dans son entourage professionnel.

Si nous pouvions disposer au sein de l'administration d'un référent handicap comme il en existera un pour la formation, cela nous permettrait d'avancer et de simplifier les démarches.

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Lova Rajaoarinelina, CoDem

J'observe que les bureaux des parlementaires ne sont pas accessibles aux collaborateurs qui seraient en fauteuil roulant ; ce qui est singulier lorsque l'on songe qu'il s'agit du lieu de travail ! Il me semble que des adaptations mineures pourraient améliorer la situation.

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Mélody Mock, vice-présidente de l'Association française des collaborateurs parlementaires (AFCP)

Des difficultés rencontrées dans la vie quotidienne portent sur des choses élémentaires. Ainsi, un de mes collègues souffre de la maladie cœliaque, qui se manifeste par une intolérance extrêmement forte au gluten. Or, les employés de la cantine de l'Assemblée utilisent la même louche pour servir toutes les céréales, ce qui doit être évité et contrevient aux normes d'hygiène. Nous avons beau le leur signaler, ils n'en tiennent pas compte. Il est surprenant que des personnels de la maison ne soient pas sensibilisés à ce problème, alors que cela prive des personnes de l'accès aux restaurants.

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Pensez-vous que les locaux de l'Assemblée nationale sont suffisamment accessibles aux personnes présentant des handicaps sensoriels, tels la surdité ou la cécité ?

L'Assemblée devrait-elle s'engager dans une démarche de traduction plus fréquente de documents institutionnels, par exemple en braille, ou recourir plus souvent à l'interprétation en langue des signes, comme nous le faisons pour notre groupe de travail ?

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Lova Rajaoarinelina, CoDem

Je souscris pleinement à ces propositions, mais ces transcriptions pourraient aussi concerner l'ensemble des auditions. On pourrait commencer par le sous-titrage des débats, technique a priori assez simple qui permettrait un indéniable progrès.

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Maxime Torrente, secrétaire général adjoint de l'AFCP

La proposition de Mme la rapporteure et de ma collègue est excellente. J'observe que la Chaîne parlementaire (LCP) traduit certains débats en langue des signes ainsi que les questions au Gouvernement, ce qui n'est pas le cas des réunions des commissions ou d'autres, plus ponctuelles.

Il est vrai qu'il ne sera pas possible de disposer d'un interprète pour chaque réunion, mais un sous-titrage systématique constituerait une grande avancée.

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Mélody Mock, vice-présidente de l'Association française des collaborateurs parlementaires (AFCP)

Nous sommes tous d'accord : il s'agit d'une excellente idée. Il serait tout aussi pertinent de créer un onglet consacré au handicap sur la page internet de l'Assemblée.

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Vos organisations ont-elles été saisies de plaintes collectives portant sur la mauvaise accessibilité de certains bâtiments ? Quels travaux préconiseriez-vous, éventuellement en s'inspirant de l'expérience pas toujours simple de votre député, Mme Mock ?

Je précise par ailleurs que la rencontre d'aujourd'hui n'est qu'une première étape : nous conduisons un travail de coproduction et ce chantier va durer deux mois. N'hésitez pas, au fur et à mesure de vos réflexions et de vos diverses conversations, à nous adresser vos remarques et contributions, que nous examinerons avec beaucoup de bienveillance.

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Mélody Mock, vice-présidente de l'Association française des collaborateurs parlementaires (AFCP)

Lors de son arrivée à l'Assemblée nationale, M. Abad a remarquablement été pris en charge : dans l'hémicycle, son pupitre et son siège ont été modifiés à son intention. Trois places ont été modifiées afin de pouvoir recevoir des personnes en fauteuil roulant.

Il est vrai que tout ce qui regarde l'accessibilité est coûteux, mais, en plus de cinq ans de fréquentation de la maison, j'ai constaté des progrès considérables. L'accès des fauteuils roulants à l'hémicycle a été grandement amélioré.

C'est une belle mentalité qui est à l'œuvre, mais de petites difficultés demeurent au quotidien. En outre, il règne une certaine omerta : les gens n'osent guère aborder les sujets ou ne le font qu'à voix basse, nous l'avons constaté à l'occasion de cette affaire de cantine que j'ai évoquée. En certaines occasions, l'AFCP a envoyé des courriers dont certains sont restés sans réponse. C'est pourquoi nous sommes très heureux de participer à ce débat afin d'évoquer ces sujets.

Nous avons par ailleurs été sollicités au sujet du quota de 6 % de personnes handicapées dans les entreprises et les administrations ainsi que de celui de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH). Il est vrai que, dans le contexte de très petite entreprise (TPE) qui caractérise l'emploi des collaborateurs parlementaires, il serait difficile d'exiger un quota de collègues handicapés.

Le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères organise des concours d'entrée réservés aux personnes handicapées, fondé sur un quota. Certes, on sort ainsi du cadre des collaborateurs, mais cela peut ouvrir vers une réflexion plus globale.

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Lova Rajaoarinelina, CoDem

Je suis en parfait accord avec tout ce qui vient d'être dit. Il me semble néanmoins qu'il faut bien identifier les divers handicaps, selon qu'ils sont sensoriels ou moteurs notamment, d'autant plus que certains de ces handicaps régressent.

S'agissant de l'accès à la profession de collaborateur parlementaire, pourquoi ne pas faire savoir sur internet que des personnes handicapées peuvent être recrutées ? Cette « manifestation d'intérêt » permettrait à l'Assemblée nationale de mieux appréhender l'accompagnement de ces personnes au sein de l'institution. Il lui revient, en quelque sorte, de faire le premier pas en faisant connaître les possibilités d'emploi existantes.

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Maxime Torrente, secrétaire général adjoint de l'AFCP

L'accès au cabinet médical est très problématique. Alors qu'en principe les collaborateurs ont droit à rencontrer le médecin, dans les faits, ils sont reçus par un infirmier ; certains s'en sont plaints auprès de nous.

Certes, il ne s'agit pas de situation de handicap, mais d'affections de longue durée et de maladies chroniques ; néanmoins nous passons régulièrement plus de dix heures par jour au travail et prendre rendez-vous avec un médecin est difficile. C'est faute de temps que beaucoup de nos collègues ne se rendent pas à la médecine du travail, et non parce que le député employeur ou eux-mêmes ne le souhaitent pas.

Dans ces conditions, il est tout à fait curieux que le médecin attaché à l'Assemblée nationale ne nous reçoive pas.

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Les visites de l'Assemblée nationale organisées par le service de la communication et de l'information multimédias vous paraissent-elles prendre suffisamment en compte la singularité des personnes en situation de handicap ?

Quelles pourraient être vos suggestions de pistes d'amélioration pour rendre ces visites plus accessibles ?

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Lova Rajaoarinelina, CoDem

Je me bornerai à raconter une anecdote. Une de mes collègues accueillait une classe de lycéens atteints du spectre autistique ; la députée à l'origine de l'invitation, souhaitait que ces jeunes se restaurent à l'Assemblée. Au motif qu'ils étaient trop bruyants, l'accès leur a été refusé, et il a fallu les recevoir dans un restaurant extérieur : c'est odieux !

Le propos n'est pas de stigmatiser ceux qui sont à l'origine d'une telle décision, mais de mettre au jour un problème de sensibilisation à ces sujets.

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Mélody Mock, vice-présidente de l'Association française des collaborateurs parlementaires (AFCP)

Je l'ai dit, la formation à l'accueil est primordiale, des textes portant sur ce sujet sont d'ailleurs disponibles ; de notre côté, nous ne sommes absolument pas formés, ce qui est regrettable.

Ainsi, j'ignore ce que je pourrais faire si une personne sourde participait à une visite libre ; il serait donc souhaitable d'avoir les moyens d'anticiper les situations. Encore une fois, lorsque l'on cherche l'information, on peut la trouver, mais elle n'est pas directement disponible.

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Maxime Torrente, secrétaire général adjoint de l'AFCP

En prenant pour modèle les séminaires de formation aux accidents vasculaires cérébraux (AVC) et aux premiers secours, qui sont régulièrement dispensés et mis en ligne sur le site AN577, des séminaires de formation à la prise en compte du handicap de collègues ou de visiteurs pourraient être organisés.

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Avez-vous pu constater un taux de rotation du personnel plus élevé que d'ordinaire pour des postes de collaborateurs parlementaires en situation de handicap ? Diriez-vous, le cas échéant, que ces rotations plus fréquentes pourraient relever d'une discrimination liée au handicap ?

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Mélody Mock, vice-présidente de l'Association française des collaborateurs parlementaires (AFCP)

Depuis un peu plus de cinq ans que je travaille à l'Assemblée nationale, je n'ai pas constaté une telle discrimination. Je l'ai dit, l'un des collaborateurs de M. Abad était en fauteuil roulant, ce qui n'était pas toujours simple ; et il est parti ailleurs pour faire autre chose. Vous avez auditionné l'un de nos collègues que je croise depuis quelques années ; je n'ai pas l'impression qu'il fasse l'objet d'une quelconque discrimination.

Je répète toutefois qu'il règne une sorte d' omerta, et que les handicaps sont plus ou moins visibles. Lorsque l'on débute dans un emploi, on ne va pas dire que l'on est atteint d'une maladie de longue durée ou d'un cancer. L'une de mes collègues a eu un cancer dont elle est guérie depuis quatre ans ; elle est toujours suivie au titre du contrôle, mais je ne suis pas sûre que sa députée employeuse soit au courant.

De fait, les intéressés ont parfois peur de perdre leur poste, ce qui est regrettable. Au demeurant, ce type de situations excède le seul cadre de l'Assemblée nationale, même si cette institution se doit d'être exemplaire.

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Pensez-vous que l'amplitude horaire, fréquemment rencontrée par les collaborateurs, comme le travail de nuit et la très forte disponibilité, posent des difficultés particulières à l'intégration des personnes en situation de handicap, notamment physique ou mental ?

Comment, selon vous, ces difficultés pourraient-elles être surmontées ?

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Lova Rajaoarinelina, CoDem

Votre question va au-delà des situations de handicap, je pense notamment aux mères célibataires – sans dire que la maternité soit un handicap, je suis mère moi-même ! Mais elle soulève le problème de la catégorisation des affectations que l'on donne aux collaborateurs.

Chaque député gère son mandat à sa manière et décide des tâches qu'il affecte à son collaborateur. Certains députés peuvent s'organiser avec un collaborateur à l'Assemblée nationale qui fait tout, tandis que d'autres auront un collaborateur qui se charge de toutes les tâches législatives, et un deuxième en circonscription en charge des tâches administratives. Cette distinction est la règle au Parlement européen.

On peut considérer que les tâches administratives peuvent se faire avec des temps partiels bien ciblés, et l'amplitude horaire sera plus simple à contrôler. Le collaborateur chargé des tâches politiques doit être plus flexible, et le résultat se fera au petit bonheur la chance, en fonction de la manière dont chacun appréhende son poste. Nos postes sont particuliers, et nous ne demandons pas que les choses soient plus faciles pour nous. Mais le but est de mettre en place certains éléments pour faciliter le travail au profit du parlementaire, et séparer les différentes tâches y contribuerait. Je travaille pour deux députés, et hier soir, après avoir terminé mon travail pour l'un, j'ai dû retourner dans mon autre bureau, et je n'ai pas fini avant 23 heures. Je pense que la manière dont une personne en situation de handicap pourrait le faire dépend beaucoup du lien qu'elle a avec son député.

L'administration pourrait aider, je suis favorable à ce que l'on distingue différentes tâches pour que les choses soient plus simples.

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Maxime Torrente, secrétaire général adjoint de l'AFCP

La distinction des tâches pourrait mener à des situations assez complexes. On peut redouter de voir apparaître différents niveaux de postes de collaborateur parlementaire, avec une fiche pour les collaborateurs handicapés, et une autre pour les collaborateurs valides. Ce serait mettre le doigt dans un engrenage assez dangereux.

L'amplitude horaire est généralement librement consentie par les collaborateurs. Nous restons à faire du travail de nuit par conscience, par devoir personnel. Il est vrai que les collaborateurs en circonscription peuvent être dans des situations particulières. Les députés peuvent utiliser leur avance de frais de mandat pour effectuer des travaux rendant leur permanence accessible aux personnes handicapées, mais je ne sais pas si tous pourront fermer leur permanence parlementaire en circonscription pour faire de tels travaux.

S'agissant de la proposition de partager le travail entre les différents collaborateurs parlementaires, ce ne sont pas les tâches données qui doivent s'adapter au handicap, mais surtout les lieux. La relation avec l'employeur est une relation de confiance, et il doit prendre en compte, en fonction des missions, les difficultés rencontrées par ses collaborateurs.

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Ce que vous dites s'applique aux collaborateurs valides, mais il existe une spécificité pour les collaborateurs en situation de handicap dont les capacités peuvent être moindres que celles des valides. C'est pour cela que je pose cette question.

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Mélody Mock, vice-présidente de l'Association française des collaborateurs parlementaires (AFCP)

Vous devez connaître les statistiques de 2016 sur les collaborateurs : on compte seulement 8 temps partiels thérapeutiques, 6 accidents du travail et 413 arrêts maladie. Les temps partiels thérapeutiques sont très rares ; en réalité, plus de personnes pourraient en avoir besoin. Nous en revenons à la question du référent, qui aiderait à mettre toutes ces mesures en place et à sensibiliser les députés à ce sujet. Certains comprennent très bien, d'autres ne comprennent pas les situations de handicap, les enfants ou les contraintes.

Le temps partiel thérapeutique est une solution très intéressante, mais il n'est pas mis en avant, en tout cas pas ou peu connu.

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Maxime Torrente, secrétaire général adjoint de l'AFCP

Un moyen assez simple de remédier aux difficultés temporaires pour se rendre au lieu de travail consisterait en une amélioration du système de télétravail par l'intermédiaire du portail de l'Assemblée nationale.

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Mélody Mock, vice-présidente de l'Association française des collaborateurs parlementaires (AFCP)

S'agissant de l'accès, nous parlons des bâtiments, mais l'accessibilité du métro et des autres moyens de transport est aussi importante, bien qu'elle ne soit pas de votre responsabilité.

La table ronde se termine à dix heures quarante.

Membres présents ou excusés

Réunion du mardi 6 mars 2018 à 8 h 45

Présents. - M. Michel Larive, M. Gilles Lurton, Mme Jacqueline Maquet, M. Jean-Paul Mattei

Excusés. - M. Yannick Favennec Becot, M. Régis Juanico, Mme Claire Pitollat, M. Jean-Charles Taugourdeau, Mme Nicole Trisse