La réunion

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Mission d'information de la conférence des Présidents sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de Coronavirus Covid-19

L'audition commence à dix-sept heures trente-cinq.

Présidence de M. Richard Ferrand, président de la mission d'information

Audition, en visioconférence, de Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire, et de M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports.

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Nous entendons aujourd'hui Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire et M. Jean‑Baptiste Djebbari, secrétaire d'État chargé des transports, que je remercie en votre nom à tous d'avoir répondu présents pour cette audition.

Votre présence, madame la ministre va nous permettre d'aborder les enjeux portés par votre ministère pendant la crise sanitaire : la continuité des services publics essentiels dont vous avez la charge – eau et assainissement, énergie, déchets, pour ne citer qu'eux – et dont les agents constituent cette deuxième ligne indispensable qui a toute notre reconnaissance ; ou encore la poursuite des contrôles des sites industriels à risques et des procédures environnementales.

Nous avons souhaité vous entendre avec M. Jean-Baptiste Djebbari car, à quelques jours du début du déconfinement, la question des transports et de leur organisation est un sujet évidemment majeur. En effet, pour lutter contre la propagation de l'épidémie de Covid-19, la mise en place de l'état d'urgence sanitaire a conduit à l'adoption de mesures de restriction des déplacements de nos concitoyens sans précédent. La crise sanitaire a aussi rendu obligatoires de nouvelles règles d'organisation de l'activité des transporteurs, que ce soit pour les transporteurs routiers ou pour les opérateurs de transports publics, afin que soient respectées les mesures d'hygiène et de distanciation sociale nécessaire.

Nous allons maintenant entrer dans une deuxième phase, celle de la prolongation de l'état d'urgence sanitaire pour accompagner la phase de déconfinement progressif pendant laquelle l'organisation des déplacements sera évidemment cruciale pour éviter le rebond de l'épidémie.

C'est ainsi que l'article 2 du projet de loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire permet de les réglementer ; son champ d'application est élargi, dans la perspective de la reprise progressive des déplacements et des transports en commun. Il va nous falloir en effet réussir à concilier trois impératifs : éviter la diffusion du virus, en particulier en limitant les déplacements d'une région à l'autre ; assurer la sécurité sanitaire de ceux qui doivent se déplacer et qui ont recours aux transports collectifs ; assurer enfin la sécurité sanitaire des enfants utilisant les transports scolaires.

Le Premier ministre l'a annoncé : le port du masque sera obligatoire dans les transports publics. C'est un véritable défi à relever, avec les entreprises et les élus, en particulier dans les régions les plus peuplées – je pense naturellement à l'Île-de-France.

Dans l'intérêt de tous, nous devons permettre la reprise progressive des activités, pratiquement suspendues dans la plupart des secteurs économiques depuis le 17 mars. La crise sanitaire va avoir, et a déjà, un impact économique considérable. Ces difficultés n'épargnent pas, loin de là, le secteur des transports qui nous occupe aujourd'hui particulièrement. Nous sommes confrontés à une fragilisation considérable du secteur aérien, qui a conduit à l'adoption d'un plan de sauvetage de 7 milliards d'euros accordée à Air France. La question de la trajectoire financière de la SNCF ne manquera pas non plus d'être posée : l'entreprise connaît des recettes quasi nulles, tandis que ses coûts fixes sont inchangés. Dans le secteur du transport de marchandises enfin, même s'il n'est pas aussi affecté que celui des voyageurs, l'activité est réduite – plus de 50 % des véhicules sont à l'arrêt – et le secteur accumule des pertes en raison d'importants surcoûts.

Ce sont donc des sujets très lourds qui nous réunissent aujourd'hui et sur lesquels nous souhaitons faire le point avec vous.

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élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire

L'énergie, l'eau, les transports, la logistique, les déchets et la prévention des risques industriels sont des secteurs essentiels à la vie de notre pays.

Ils ne peuvent pas s'interrompre, même en temps de crise. Le ministère de la transition écologique et solidaire a sous sa responsabilité plus de la moitié des opérateurs d'importance vitale que compte notre pays. C'est pourquoi mon ministère dispose d'une solide culture de la gestion de crise, qu'il s'agisse de répondre aux accidents industriels, aux inondations ou aux tempêtes ; il l'a prouvé à maintes reprises, les deux derniers mois le montrent encore une fois. Le ministère de la transition écologique et solidaire, ses agents en administration centrale comme dans les territoires, répondent toujours présents, et je voudrais leur transmettre ici mes remerciements pour leur travail, dans ces circonstances difficiles.

Depuis le début de ces événements, nous sommes extrêmement vigilants et attentifs. Avec Jean-Baptiste Djebbari, Emmanuelle Wargon et Brune Poirson, nous échangeons très régulièrement avec les acteurs des différents secteurs pour répondre aux interrogations et aux difficultés de terrain, et pour assurer avec eux la continuité des missions de service public.

Cette continuité s'organise grâce aux plans de continuité d'activité (PCA), dont doit disposer chaque entreprise qui assure une mission essentielle. Bien que ces PCA aient intégré un scénario de pandémie grippale, il a été nécessaire de les adapter à l'épidémie de coronavirus – une épidémie inédite –, afin de permettre aux secteurs stratégiques de poursuivre leurs missions. Je souhaite à nouveau remercier les femmes et les hommes qui continuent d'être sur le terrain tous les jours : nous avons de l'eau, de l'électricité et du gaz, les déchets sont ramassés, les déplacements toujours possibles pour aller travailler, les supermarchés sont livrés : c'est bien grâce à cette deuxième ligne.

Ainsi, dans le secteur de l'énergie, l'approvisionnement et la distribution se sont poursuivis sans difficultés majeures ; quant à la consommation, elle est en baisse, du fait des mesures de confinement. Dans le secteur de l'eau, les opérateurs ont assuré leur mission essentielle dans le cadre de leur plan de continuité d'activité. Dans le secteur des déchets, les collectes d'ordures ménagères se sont également poursuivies sans difficultés majeures : près de 80 % des collectivités ont maintenu leur collecte sélective, 40 % des déchetteries sont désormais ouvertes, au moins partiellement, au public, et de nombreuses réouvertures sont attendues dans les jours à venir. La production des déchets d'activités de soins à risques infectieux (DASRI) a, bien sûr, considérablement augmenté, avec une hausse de 100 % en volume au pic de l'épidémie.

La continuité de la vie de la nation passe aussi par la sécurité des sites industriels. Si de nombreuses installations industrielles se sont arrêtées en totalité ou partiellement, nous restons très attentifs au contrôle des installations classées et au fait que les exploitants continuent d'assurer la sécurité des installations dont ils sont responsables.

Dans les transports, la situation est différente. En effet, nous avons volontairement réduit le service aux voyageurs sur longue distance pour garantir que le confinement produise ses effets. En revanche, maintenir le transport de marchandises était une priorité pour assurer l'approvisionnement. Ainsi le fret ferroviaire et maritime ont-ils toujours fonctionné à un niveau élevé ; quant aux entreprises de logistique, elles relèvent un impact modéré sur le transport intra-européen de marchandises essentielles, malgré des ralentissements sur certains passages de frontière. L'impact de la crise sur l'activité globale des transports routiers est néanmoins fort, même si les livraisons ont globalement toujours été assurées.

Je fais devant vous un constat clair : les secteurs stratégiques qui relèvent de mon ministère ont tenu et tiendront dans cette crise. S'ils ont tenu et tiendront, c'est parce que des femmes et des hommes se sont mobilisés et parce que nous avons une culture de crise. Soyons lucides : cette crise est totalement inédite et a nécessité au quotidien beaucoup d'adaptabilité et d'agilité pour répondre aux difficultés rencontrées sur le terrain – trouver, par exemple, des équipements de protection individuelle, notamment des masques FFP2 et FFP3, pour les secteurs de l'eau, des déchets ou de l'énergie, s'adapter à la surproduction des déchets d'activités de soins à risques infectieux ou adapter les organisations du travail, avec, par exemple, la mise en place de cycles de deux fois douze heures au lieu de trois fois huit heures, dans le secteur de l'énergie.

Trois mots d'ordre ont régi la gestion de crise : analyser la situation, décider et anticiper. Pour analyser la situation, nous avons mis en place un système de remontée d'information quotidienne. Nous n'avons pas attendu le confinement pour vérifier que tous les acteurs du secteur étaient en ordre de marche et pour mettre en œuvre leur plan de continuité d'activité. J'ai réuni pour cela, dès le 2 mars, les opérateurs d'importance vitale qui relèvent du ministère. L'ouverture du centre de crise du ministère, au début du mois de mars, permet le suivi de l'évolution des différents secteurs plusieurs fois par jour ; enfin, des réunions très régulières sont organisées avec les différents acteurs des secteurs concernés, en mobilisant tous les services du ministère.

Ces remontées de terrain ont été essentielles pour prendre ensuite des décisions pertinentes, afin de lever des blocages et de répondre aux inquiétudes. C'est pourquoi nous avons ainsi accordé des délais supplémentaires, sans pénalités de retard, pour la mise en service de projets d'énergies renouvelables : l'arrêt des chantiers était déjà suffisamment pénalisant. Nous avons également accompagné ces secteurs pour rédiger des guides de bonnes pratiques indispensables à la bonne reprise du travail dans le BTP, le transport routier ou, bientôt, chez les gestionnaires de réseaux d'énergie.

De manière à anticiper enfin, nous avons toujours eu en tête, au cœur de la crise, les conséquences très opérationnelles à court et moyen termes sur les différents secteurs couverts par le ministère : je pense à l'adaptation du calendrier de maintenance des centrales nucléaires très fortement perturbé par la suspension des chantiers dans les premières semaines de crise qui exigent d'assurer la sécurité de notre approvisionnement l'hiver prochain et les hivers suivants, tout en garantissant la sûreté nucléaire ; les conséquences économiques – les pertes subies par l'ensemble des entreprises vont nécessiter des accompagnements spécifiques dans les secteurs les plus touchés dès à présent, pour certaines de nos entreprises stratégiques comme Air France ou Renault ; les conséquences sur les carnets de commandes, qui m'ont incitée à donner de la visibilité aux acteurs de la rénovation énergétique en prolongeant les coups de pouce existant pour les changements de chaudières fioul ou en créant de nouveaux coups de pouce destinés plus spécifiquement aux copropriétés et aux bâtiments tertiaires. Les conséquences de cette crise sont plurielles et diverses, le bilan se fera progressivement, secteur par secteur.

Plusieurs principes ont guidé les décisions prises pendant la crise. Le premier, c'est bien évidemment la sécurité sanitaire. Il a fallu accompagner tous les secteurs, pour qu'ils assurent à leurs salariés, mais aussi à nos concitoyens, une sécurité sanitaire maximale. C'est pourquoi nous avons par exemple saisi le Haut Conseil pour la santé publique sur les équipements de protection individuelle nécessaires pour les salariés chargés de la collecte et du tri des déchets, ou encore l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) sur les conditions d'épandage en toute sécurité des boues de station d'épuration.

Le second principe a consisté à assurer la continuité des services essentiels. Pour y parvenir, je crois au dialogue et à l'écoute avec les opérateurs et les collectivités territoriales ; leur rôle est central, car leurs remontées de terrain sont très précieuses. J'ai veillé également à adresser des messages de soutien aux salariés de nos secteurs.

Ensuite, nous avons fait en sorte de résoudre les problèmes rencontrés au quotidien sur le terrain. Nous avons ainsi accompagné ou suscité la réouverture des aires de service et de repos sur les autoroutes pour que les transporteurs routiers disposent de repas et de sanitaires – cela peut paraître anecdotique, mais c'est ce type d'actions qui ont permis à nos chaînes logistiques de fonctionner.

Notre quatrième principe a été de porter une attention particulière aux plus vulnérables, qu'il s'agisse des citoyens ou des entreprises. Nous avons interdit les coupures d'eau, de gaz, d'électricité pour les entreprises éligibles au fonds de solidarité, nous avons prolongé la trêve hivernale pour les plus modestes, et nous avons mobilisé La Poste pour l'envoi des chèques énergie.

Une priorité n'a cessé de m'animer : garder le cap de la transition écologique et solidaire. La crise écologique n'a pas disparu avec la crise sanitaire ou économique et il est indispensable de maintenir nos exigences environnementales et climatiques. C'est pourquoi, malgré le confinement, nous avons annoncé, début avril, 288 projets lauréats pour des projets d'énergie éolienne ou photovoltaïque et que nous avons également publié la stratégie nationale bas carbone et la programmation pluriannuelle de l'énergie, qui fixe une trajectoire vers la neutralité carbone de la France et les moyens pour y parvenir. Ces décrets étaient attendus, ils sont le gage d'une stabilité indispensable pour nos entreprises.

Maintenant, que va-t-il se passer ? La priorité est évidemment de préparer le déconfinement pour un retour à la normale dans les meilleures conditions possibles. Pour le ministère, ses opérateurs et les opérateurs d'importance vitale dans son périmètre qui n'ont jamais cessé de fonctionner, cette nouvelle phase signifie la reprise de l'ensemble des activités. Il s'agit de relancer celles mises en sommeil pendant la phase de confinement qui ne peuvent être durablement suspendues – je pense notamment aux contrôles de terrain et aux travaux de maintenance. Pour réussir cette reprise d'activité, le redémarrage du BTP est essentiel, si l'on veut rattraper les retards pris et assurer la sécurité et la fiabilité de nos installations. Cela fera l'objet d'un suivi attentif par mes services.

Un autre point de vigilance est le maintien de notre capacité à réagir en cas de surprise, que ce soit un rebond épidémique ou des épisodes météorologiques comme une canicule ou des inondations. Le rôle de mon ministère et de veiller à ce que tous ces secteurs anticipent et soit fonctionnels en toutes circonstances.

Je laisserai Jean-Baptiste Djebbari développer notre action dans le secteur des transports, notamment les transports publics, au cœur de la préoccupation de nos concitoyens en ce moment, mais j'entends bien les inquiétudes de nos transporteurs publics. La période qui arrive et d'une complexité inédite et nous devons y répondre selon la spécificité de chaque territoire.

Dans cette période, il reste indispensable de privilégier des solutions alternatives à la voiture. C'est le sens des soutiens que nous apportons aux collectivités et à tous les Français qui souhaiteront pouvoir reprendre le vélo ; c'est un plan sur lequel nous avons travaillé avec la Fédération des usagers de la bicyclette.

Pour finir, je souhaite vous dire que, si nous voulons réussir l'après-Covid-19, nous devrons tirer toutes les leçons de cette crise en construisant une économie et une société beaucoup plus résilientes. Plus résilientes pour faire face à une aire d'instabilité chronique, car les crises sont aujourd'hui plurielles, imbriquées les unes dans les autres, et ont des conséquences en chaîne. Dans un monde instable, nous n'avons pas le choix, il nous faut être moins vulnérables, mieux préparés à absorber les chocs que l'avenir nous réserve. Parce qu'il ne saurait y avoir de prospérité sans protection et sans stabilité, je suis convaincue que la transition écologique et solidaire est un puissant moteur pour l'avenir, et tout particulièrement dans cette sortie de crise.

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Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports

Le secteur des transports a été, comme tous les autres secteurs d'activité, durablement et profondément touché par la crise. Quatre-vingts pays ont pris des mesures de confinement avec des restrictions très fortes des déplacements individuels, et les frontières se sont très souvent fermées de manière non coordonnée.

Cela a induit des conséquences économiques très lourdes, qu'illustrent les deux chiffres suivants : la réduction très forte du trafic aérien, de l'ordre de 95 % – aujourd'hui Air France opère une dizaine de vols par jour, là où, d'ordinaire, elle en opère environ mille –, et le fait que plus de 80 % des entreprises de la logistique et du transport routier émargent au chômage partiel ; on ne saurait donner image plus parlante du choc économique opérationnel et organisationnel qui a secoué le secteur des transports.

Dans ce contexte, le Gouvernement a eu deux priorités : d'abord gérer la crise, ensuite préparer le déconfinement. Gérer la crise a en premier lieu consisté à accompagner la décrue de l'offre de transport pour ne préserver que les déplacements essentiels. Aujourd'hui, seuls fonctionnent environ 30 % du réseau RATP, 15 % du réseau SNCF, avec une restriction supplémentaire sur les trajets longue distance – 6 à 7 % des TGV et des Intercités, 15 % des TER, et, en région parisienne, environ 25 % des Transiliens.

Dans le secteur aérien, nous avons eu comme priorité, en lien avec Jean-Yves Le Drian, au Quai d'Orsay, de rapatrier nos compatriotes qui étaient éparpillés dans plus de quarante pays. À ce jour, ce sont plus de 170 000 Français qui ont été rapatriés, grâce notamment aux efforts de la compagnie Air France, mais pas uniquement. Cela a nécessité un travail assez fin et beaucoup de contacts bilatéraux ; je tiens ici à saluer les efforts considérables du Quai d'Orsay.

S'agissant du transport maritime et fluvial, les ports fonctionnent, avec un niveau d'activité de l'ordre de 50 %. Ce chiffre recouvre des situations très hétérogènes, les ports de Calais et de Dunkerque fonctionnant, par exemple, plutôt à 80 ou 90 % de leur activité habituelle.

Le transport de marchandises et les sites logistiques n'ont pas, en tant que tels, subit de restrictions, mais ils ont forcément pâti de la déstructuration des flux. Ainsi le secteur maritime a-t-il subi les arrêts consécutifs des bassins chinois puis indiens et, aujourd'hui, dans une moindre mesure, du bassin sud-américain.

Concomitamment à la décrue de l'offre, nous avons sécurisé l'exploitation. Ainsi, dans les transports urbains, nous avons fait en sorte que les mesures sanitaires permettent à la fois de sécuriser les voyageurs et les opérateurs : nous avons, par exemple condamné les portes avant des bus, de manière que les passagers entrent par l'arrière, et laissé une rangée vide entre le chauffeur et les passagers.

Enfin nous avons accompagné le secteur des transports à la fois par des mesures générales – chômage partiel pour les salariés, prêts garantis par l'État, reports multiples de taxes et de charges – et, quand cela était nécessaire, par des mesures spécifiques de soutien, comme l'aide aux transporteurs routiers. Nous avons, avec Gérald Darmanin, il y a quinze jours, annoncé des mesures de soutien complémentaires, de l'ordre de 390 millions d'euros, en faveur de ces entreprises qui irriguent l'ensemble de notre territoire.

Il s'agit désormais de préparer le déconfinement. Pour cela, nous avons une méthode, un objectif une stratégie. La méthode, c'est d'abord celle de la concertation, avec les élus et les opérateurs. Nous leur avons proposé des éléments de cadrage national, une doctrine sanitaire assortie d'objectifs très précis définis en lien avec le ministère de la santé, éléments qu'il s'agit de décliner localement, là où les spécificités du terrain s'apprécient de la manière la plus juste.

Notre objectif est simple, c'est que les trajets nécessaires puissent être effectués à compter du 11 mai, dans de bonnes conditions sanitaires, et notre stratégie consiste en trois axes relativement simples : augmenter l'offre de manière à avoir le maximum de trains, notamment pour les trajets quotidiens, et de manière également à réguler le nombre de voyageurs dans ses trains ; lisser la demande, c'est-à-dire notamment désengorger les heures de pointe, ce qui implique le recours au télétravail, qui a déjà été acté dans bon nombre d'accords d'entreprise mais que nous préconisons pour la période qui s'ouvre jusqu'au 2 juin ; instaurer enfin de nouvelles mesures de protection sanitaire, qui font l'objet d'un décret qui sera très probablement publié, à tout le moins arrêté dans ses modalités fines jeudi et qui, pose comme principe obligatoire le port du masque dans les transports, parmi d'autres mesures en lien avec certaines spécificités territoriales.

Nous faisons face à une situation inédite. Nous essayons, dans ce contexte, de prendre des mesures lucides, qui correspondent aux réalités des territoires et qui auront vocation à s'adapter au jour le jour, parce que le 11 mai ne sera pas le 12, ni le 13, et que, tant du côté de l'offre que celui de la demande, les choses vont être très évolutives.

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Comment comptez-vous vous assurer de l'effectivité de la distanciation sociale dans les transports collectifs, le métro, le RER, les trains ? Concrètement, comment imaginez-vous que les opérateurs publics seront en mesure de la faire respecter à l'intérieur des rames ?

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Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État

Cette question est au cœur des discussions très pragmatiques que nous avons avec les opérateurs et les régions. Ainsi, le président de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur nous ayant indiqué que la condamnation d'un siège sur deux était possible au vu du trafic de pointe, nous serons en mesure d'organiser la mise en œuvre de la distanciation physique, en lien avec le préfet.

En Île-de-France, les choses sont évidemment plus compliquées. J'ai ouvert la semaine dernière les discussions avec les autorités préfectorales, avec la présidente de la région et présidente de l'autorité organisatrice de la mobilité, et avec la maire de Paris, afin d'établir différents scénarios. Compte tenu du trafic aux heures de pointe, notamment dans les métros et les Transiliens, il est compliqué de maintenir la distance physique au sein des rames. Nous avons donc choisi de travailler plutôt en amont, à l'entrée des stations de métro et des gares, en mettant en place des marquages au sol. Pour ce qui est de la protection sanitaire, nous avons instauré des procédures de nettoyage et de désinfection renforcées.

Ces discussions se poursuivent – nous avons une réunion de travail ce soir, et il y en aura d'autres ces prochains jours – et, le 11 mai, tout sera prêt pour que l'objectif de distanciation physique dans les transports soit atteint, y compris en région parisienne.

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Je m'associe aux remerciements adressés à tous les salariés des secteurs stratégiques, qui nous ont permis d'avoir la vie la plus normale possible dans les circonstances que nous connaissons.

Nous serons très attentifs à ce que l'État fera pour aider le secteur stratégique du transport et aux contreparties qu'il demandera en matière environnementale. Ainsi, pour ce qui est d'Air France, il faudra définir quels sont les agrocarburants éligibles aux aides et, en ce qui concerne la SNCF, voir si le fret ferroviaire peut être développé.

Il est indispensable que le ministère de la transition écologique et solidaire soit associé à l'élaboration de la relance économique, car la seule logique économique ne saurait prévaloir en la matière comme cela a été le cas en 2008. Comment voyez-vous ce copilotage, et l'appel à des organismes extérieurs tels que le Haut conseil pour le climat (HCC) pour évaluer en amont les conséquences environnementales des politiques publiques vous semble-t-il envisageable ?

La période actuelle se caractérise par la mise en œuvre de certaines procédures dérogatoires, notamment dans le domaine de l'environnement. S'il est nécessaire de simplifier l'action publique dans le cadre de la gestion de crise, les dérogations accordées doivent faire l'objet d'un contrôle : quelles en sont les modalités ?

Le rythme d'inspection des installations classées a été de 10 % de la normale depuis le début du confinement. Dans quelles proportions cette inspection sera-t-elle finalement réalisée et comment vos services assureront-ils la sûreté des installations concernées ? Plus largement, à la lumière de la crise actuelle, l'État ne doit-il pas réviser sa doctrine en matière de gestion et de culture des risques ?

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Sommes-nous prêts pour le 11 mai ? Sur ce point, le courrier adressé par les opérateurs de mobilité au Premier ministre le 30 avril nous a inquiétés à double titre. Premièrement, étant donné que seulement 12,5 % des places doivent être occupées pour que la distanciation physique soit respectée, pouvez-vous nous expliquer comment les choses vont se passer ? Vous avez évoqué une régulation en amont, monsieur le secrétaire d'État, mais concrètement, comment allez-vous réguler l'accès aux transports ? Allez-vous fermer des stations de métro ? Les usagers qui ne pourront pas monter à bord d'un métro ou d'un train se verront-ils délivrer une attestation afin de justifier leur absence auprès de leur employeur ? Pourquoi n'est-il pas possible actuellement de réserver un trajet en train ?

Deuxièmement, comment allez-vous garantir la distribution des masques ? Un chauffeur de bus pourra-t-il interdire à une personne ne portant pas de masque de monter à bord ?

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Le respect des règles de distanciation va certainement se traduire par une moindre fréquentation des transports publics. Dans ces conditions, si nous allons maintenir le télétravail partout où il est possible, on peut tout de même craindre que les Français soient nombreux à utiliser leur véhicule individuel. Je salue le fait que vous ayez développé un plan vélo, mais il ne faut pas perdre de vue la possibilité de développer massivement le covoiturage, en Île-de-France et dans les grandes agglomérations. Cela peut se faire grâce à des voies dédiées – aujourd'hui à titre provisoire, mais demain peut-être de façon pérenne –, grâce à des modulations tarifaires sur les sections à péage, par les dispositions de la loi d'orientation des mobilités (LOM) permettant des remises de charges fiscales et de frais pour certains salariés, par l'accès limité à certains hypercentres aux heures de pointe, ou encore par le développement d'outils numériques dédiés au covoiturage. Tous ces dispositifs peuvent-ils être appliqués dès la semaine prochaine – et ensuite pérennisés, afin que nous continuions à bénéficier de leurs effets positifs sur la réduction de la pollution ?

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Monsieur le président, je regrette votre décision de réduire notre temps de parole, qui est source de frustration et n'est pas à la hauteur du travail que nos concitoyens attendent de nous.

Après que le Président de la République a fixé la date du 11 mai pour le déconfinement, le Premier ministre a présenté hier au Sénat le plan de déconfinement, et nous avons appris ce week-end que certains grands opérateurs de transport, notamment la SNCF, la RATP et l'association AGIR, avaient écrit à Édouard Philippe pour l'avertir qu'ils ne seraient pas en mesure de faire respecter la distanciation physique entre les voyageurs. Cette alerte est préoccupante, et conduit à se demander si les opérateurs ont été consultés comme il se doit avant que ne soit retenue la date du 11 mai.

Sommes-nous prêts pour le déconfinement prévu dans moins d'une semaine ? Pouvez-vous nous donner une estimation du flux quotidien de voyageurs à compter du 11 mai ? Quels sont le niveau de service et le cadencement prévus à cette date ? Y aura-t-il des lignes, des gares et des stations fermées ? La reprise des transports se fera-t-elle dans les mêmes conditions selon que le département concerné est classé vert ou classé rouge ? D'une manière générale, comment entendez-vous faire respecter la distanciation sociale ? Le port du masque sera-t-il obligatoire dans les transports scolaires et les transports publics de voyageurs ? Le sera-t-il pour tous les âges ? Enfin – et ce sera ma dernière question compte tenu du peu de temps dont je dispose –, comment la désinfection des cabines et des voitures sera-t-elle effectuée ?

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Vous avez disposé d'une minute quarante, monsieur Vallaud, et à en juger par le nombre de questions que vous avez posées, je m'étonne que vous puissiez vous sentir frustré…

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élisabeth Borne, ministre

Mme Pompili m'a interrogée au sujet des entreprises de transport. Si nous avons bien l'intention de les accompagner, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire avec Bruno Le Maire dans le cadre de l'audition effectuée conjointement par la commission du développement durable et celle des affaires économiques, les soutiens de l'État ne sont accordés qu'en contrepartie d'engagements en faveur de la transition écologique. Je ne vais pas énumérer à nouveau les engagements pris par Air France, ayant vocation à être inscrits dans un contrat de performance et de transition écologique et à l'application duquel mon ministère sera particulièrement vigilant. Cela vaut aussi bien pour Air France que pour la SNCF, qui est également une entreprise stratégique et doit pouvoir continuer à investir, puisque c'est la condition d'un service de qualité rendu aux Français, conformément à la loi pour un nouveau pacte ferroviaire adoptée en 2018. Bien entendu, nous ne pouvons préjuger de ce que sera la reprise du trafic dans les mois qui viennent et devrons faire régulièrement le point sur la trajectoire financière de cette entreprise.

Je peux également vous assurer que je suis extrêmement vigilante à ce que les entreprises de transport, notamment aérien, recourent à des biocarburants avancés. Dans ce domaine, des pistes prometteuses sont apparues au cours des derniers mois, qu'il s'agisse des huiles usagées, des résidus agricoles ou forestiers ou, à plus long terme, des algues. Il pourra également être fait appel à des carburants de synthèse, ainsi qu'à l'hydrogène, auquel je crois beaucoup.

Mon ministère est très mobilisé pour prendre part à une relance que Bruno le Maire et moi-même estimons devoir être fondée sur la transition écologique. C'est la meilleure stratégie de protection et de croissance pour l'Europe en général et la France en particulier. Nous ne sommes plus en 2008, et nos concitoyens ne comprendraient pas que nous cédions à ceux qui nous demandent de réduire nos ambitions en la matière – les centaines de milliers d'entreprises engagées dans la transition écologique ne le comprendraient pas non plus.

Le Haut conseil pour le climat est une instance extrêmement précieuse en ce qu'elle permet de disposer d'un avis indépendant sur les stratégies, les programmes et les projets de loi portés par le Gouvernement. Votée il y a quelques jours, la loi de finances rectificative prévoit de saisir le HCC afin d'évaluer l'impact environnemental des mesures de relance. S'il ne faut pas s'interdire d'effectuer des interventions urgentes lorsqu'elles sont nécessaires, il me semble très intéressant de consulter le Haut conseil en amont de l'action publique, comme cela a été le cas au sujet du Pacte productif pour le plein emploi et l'accélération de la transition environnementale de l'économie, dont Bruno Le Maire et moi-même allons prochainement reprendre les travaux.

La crise n'a conduit à aucun renoncement à des ambitions environnementales : il n'est donc prévu aucune dérogation aux objectifs de protection de l'environnement. Nous avons été amenés à geler les procédures d'autorisation de certains opérateurs industriels afin d'éviter que des décisions ne soient prises de façon tacite, mais les autorisations peuvent être prises au cas par cas, et les procédures habituelles seront à nouveau mises en œuvre à l'issue de la période d'urgence ou du confinement.

Pour ce qui est des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), j'ai tenu à ce que nous soyons présents auprès de celles dont la production ne s'est pas interrompue – je pense notamment à la production de gel hydroalcoolique. Dans le cadre du plan de reprise d'activité de mon ministère, les inspecteurs des ICPE retrouveront dès la semaine prochaine leur plein niveau d'activité, afin d'être en mesure d'accompagner le redémarrage des sites concernés.

Pour ce qui est des transports, nous nous référons à des principes définis au niveau national. Vous comprendrez, monsieur Vallaud, qu'on ne puisse vous décrire ce qui va se passer en France station par station, tramway par tramway, bus par bus… Le Gouvernement estime qu'il faut aussi faire confiance aux territoires, et à leur capacité à trouver les bonnes solutions.

La réussite du déconfinement en général, et dans les transports en particulier, est l'affaire de tous. Évidemment, les autorités organisatrices et les entreprises de transport doivent proposer des plans de transport et des modalités de gestion des flux adaptées, mais nous ne réussirons le déconfinement dans les transports qu'à condition que les entreprises jouent le jeu en maintenant le maximum de salariés en télétravail et en décalant les horaires de prise de service. Il faut aussi que chaque citoyen prenne conscience que c'est aussi sa responsabilité que d'appliquer les gestes barrières, dans les transports comme ailleurs. Les Français ont montré leur grand sens des responsabilités pendant la période du confinement, et je suis persuadée que nous pouvons continuer à compter sur eux durant la période de déconfinement.

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Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État

Pour ce qui est de la trajectoire de la SNCF, les recettes de Voyages SNCF, c'est-à-dire essentiellement de l'activité TGV – actuellement réduite à 7 % du trafic et 1 % du nombre de voyageurs par rapport à la normale – affichent des pertes considérables. Il ressort de la discussion que j'ai eue avec Jean-Pierre Farandou que nous ne connaissons pas la dynamique de reprise, pas plus que nous ne savons à quoi ressemblera cet été en ce concerne les déplacements par le train. Un bilan sera dressé en fin de crise sanitaire, et des mesures prises en conséquence.

En ce qui concerne SNCF Réseau, la loi a consacré le principe de la reprise de 35 milliards d'euros de dette, aujourd'hui partiellement engagée. Dans le contexte que nous connaissons, la diminution des recettes résultant de la non-perception des péages est compensée par le fait que les travaux se trouvent soit suspendus, soit ralentis. La trajectoire financière du gestionnaire d'infrastructures de la SNCF sera marquée par un rephasage des travaux à réaliser, mais la situation n'est pas comparable à celle du transport de voyageurs.

Pour répondre à Mme Pompili au sujet du fret ferroviaire, pour lequel nous avons beaucoup d'ambition, je dirai que nous avons trois équations à résoudre. La première équation est celle de Fret SNCF, un opérateur en difficulté. La deuxième est celle du fret européen, qui se partage entre de nombreux acteurs, dont la plupart sont déficitaires. Les niveaux de subventions publiques sont hétérogènes : celui de la France est plutôt faible en comparaison de celui de ses voisins, notamment l'Allemagne et l'Autriche, ce qui justifiera sans doute qu'une action volontaire soit menée sur ce point. La troisième équation est celle des contentieux en cours sur le marché national, qui devront être résolus avant tout plan de relance du fret ferroviaire.

Nous pouvons lancer rapidement des appels d'offres susceptibles d'alimenter les flux européens. Pour ce qui est de la ligne reliant Barcelone, Perpignan, Rungis et Anvers, nous disposons d'une fenêtre industrielle et organisationnelle pour faire avancer ce projet, mais aussi d'une fenêtre politique, puisque mes homologues allemand, italien, espagnol et moi-même avons adressé un courrier à la Commission européenne pour lui demander de mener, au-delà de l'harmonisation des mesures sanitaires prises dans le cadre de la gestion de la crise du Covid-19, des actions très fortes sur le fret ferroviaire et sur l'aviation du futur.

Je veux dire à M. Abad que l'offre est actuellement d'environ 30 % sur le réseau RATP, pour une fréquentation de 4 %. Pour le 11 mai, nous anticipons une offre qui se situe dans la fourchette de 20 % à 30 %, et nous avons construit une offre surabondante à 70 %, étant précisé que, sur les lignes les plus utilisées, l'offre est adaptée au cas par cas : certaines lignes vont quasiment retrouver leur niveau maximal dès le 11 mai – je pense notamment aux lignes automatiques du métro.

Pour ce qui est des mesures de régulation, la fermeture de stations est celle qui prévaut déjà – une cinquantaine de stations de métro sont aujourd'hui fermées –, et nous envisageons effectivement de délivrer des attestations aux voyageurs qui ne trouveraient pas de solution de déplacement, même si des arbitrages interministériels doivent encore intervenir.

Pour les trains longue distance – Intercités, TGV et certains TER –, nous appliquerons le principe de la réservation obligatoire, en faisant en sorte de ne jamais remplir les trains à plus de la moitié de leur capacité. Cette mesure a été déjà appliquée, en accord avec la SNCF, sur le constat que de nombreux Franciliens étaient partis en province juste avant la mise en œuvre du confinement : dès le week-end suivant, nous avons réduit la capacité des TGV, procédé à des contrôles à l'entrée des gares et bloqué les réservations à la moitié de la capacité des rames. Ces mesures de restriction par l'offre continueront à être appliquées lors du déconfinement du 11 mai.

Nous pourrons mobiliser les forces de l'ordre, en lien avec la Préfecture de police de Paris et le ministère de l'intérieur, mais nous pourrons également faire appel aux opérateurs de sûreté et de sécurité des grands opérateurs publics, qui seront d'ailleurs habilités à contrôler et le cas échéant à sanctionner le non-respect du port du masque. Si nous constatons des dysfonctionnements en matière d'ordre public ou de sécurité sanitaire, nous n'hésiterons pas à fermer les lignes de bus, de train ou de tram concernées. C'est pour nous un engagement essentiel, car la sécurité des Français représente évidemment une priorité absolue pour le Gouvernement.

Je veux dire à M. Mignola que nous travaillons intensément, avec la région Île-de-France et la mairie de Paris, à la sécurisation des pistes cyclables temporaires, afin que le vélo soit une réalité tangible et sûre. Nous voyons en effet une filière d'avenir dans ce mode de transport emprunté par un grand nombre de Parisiens début décembre, lors de la grève des transports. Dans la plupart des pays qui ont commencé à déconfiner, on a observé un fort report modal sur la voiture individuelle. C'est pourquoi le décret qui vous sera communiqué prochainement comprend des mesures encadrant la mobilité partagée, le covoiturage et le recours aux taxis et aux VTC, dans l'objectif de favoriser ces modes tout en assurant la sécurité sanitaire.

Pour ce qui est du courrier adressé le 30 avril par les opérateurs de transport au Premier ministre, j'avoue qu'il m'a désagréablement surpris car, sur le fond, nous discutons presque quotidiennement avec ces opérateurs, et je pensais avoir déjà apporté des réponses très concrètes aux questions posées dans ce courrier. Cela dit, nous avons repris contact, et le Premier ministre a été particulièrement clair, hier à la tribune du Sénat, sur les questions de responsabilité et sur les engagements que devaient prendre les transporteurs publics. Nous avons toujours bien travaillé avec eux et avons l'intention de continuer après le 11 mai.

La couleur de chaque département n'a pas une importance déterminante en matière de transport, puisque nous voulons partout sur le territoire un maximum de trains du quotidien afin d'avoir un nombre réduit de voyageurs par train. À l'inverse, nous souhaitons limiter le nombre de trains de longue distance – et le nombre de réservations – afin d'éviter qu'un afflux de voyageurs entre les différentes régions ne favorise la propagation du virus.

Nous avons fait de grands progrès en matière de procédures de désinfection, en échangeant beaucoup avec les opérateurs du Sud-Est asiatique, qui nous ont fait profiter de leur expérience. J'en profite pour saluer les opérateurs qui se consacrent à cette tâche depuis de nombreuses semaines, et je me félicite de la mise en œuvre de mesures qui me semblent de nature à donner aux voyageurs un sentiment de confiance dans les transports en commun.

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La SNCF a fait savoir qu'environ 15 % des trains circuleraient à partir du 11 mai, ce qui, à mon sens, laisse craindre une vraie inégalité territoriale. Alors que le tourisme représente un peu plus de 7 % du PIB en France, ce sont principalement des lignes reliant les grandes villes entre elles qui vont être rouvertes. Or, de nombreux territoires ruraux, parmi lesquels le massif vosgien, ont besoin du tourisme pour vivre. Qu'avez-vous l'intention de faire pour rouvrir les petites dessertes rapidement et permettre ainsi aux citadins de se rendre dans les territoires ruraux et d'y faire vivre le tourisme, un pan de l'économie capital pour nos territoires ?

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Dans quels délais le ministère instruit-il les dossiers concernant la transition écologique – photovoltaïque, biomasse ? Pourrait-il les raccourcir au motif que ces projets participeront à la relance de la France ?

Par ailleurs, les transports scolaires sont souvent la seule offre de transport en milieu rural. Les mesures de distanciation sociale pourront y être appliquées dans un premier temps, car peu d'enfants reprendront l'école. Mais comment les transports scolaires s'organiseront-ils en septembre, si ces règles sont maintenues ? Dans ma circonscription, où 95 % des enfants les utilisent, il n'existe pas d'autre moyen de transport. Qui paiera la facture si nous doublons l'offre ?

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Je m'associe aux propos de Boris Vallaud sur la réduction de notre temps de parole, dans un moment où le Parlement peine à conserver une vie démocratique, pour les raisons que nous connaissons.

La réponse de M. Djebbari me laisse dubitatif. Depuis le 13 avril, la situation des transports en Île-de-France est catastrophique aux heures de pointe. J'ai du mal à imaginer comment elle pourrait être réglée d'ici au 11 mai.

Il est de plus étonnant que les masques ne soient pas fournis gratuitement à l'entrée des transports, au moins aux heures de pointe.

Je m'interroge également sur le nombre de personnes qui seront présentes pour réguler les rames, car les agents habituels ne suffiront pas.

Le secteur des transports a été présenté comme stratégique. Il est certes normal de consacrer 7 milliards pour sauver Air France, et de soutenir la SNCF. Mais peut-on avoir la garantie que ces plans ne se transforment pas en suppressions d'emplois ?

Plus globalement, la crise a montré la nécessité d'une entreprise nationale capable d'agir sur tout le territoire. Dès lors, pourquoi ne reviendrions-nous pas sur l'ouverture à la concurrence et la privatisation rampante, pour imaginer un pôle public du transport ? M. Le Maire a récemment repris une mesure que nous avions proposée, celle d'assurer une desserte par train, plutôt que par avion, aux destinations situées à moins de deux heures trente. Une réflexion sur l'ensemble des moyens de transport est donc nécessaire, que seul un pôle public pourra mener.

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La relance économique et industrielle sera-t-elle sociale et écologique ou la planète en prendra-t-elle plein les naseaux ? Stop. Reporter la transition écologique ? Non. Accélérer. Affronter sans retard l'ensemble des enjeux. Besoin d'investissement massif. Maintenir ce qui est prévu. Aller au-delà. Stop. Conditionner les aides. Stop. Idée d'un fonds stratégique financé par les dividendes et relocaliser l'outil industriel en le transformant. Stop.

Préoccupation vive sur l'avenir des sites de production d'acier. Travaux prévus et redémarrage à assurer. Risque d'augmenter massivement nos importations, à un coût social et environnemental insupportable. Stop.

Préoccupation rail : y a-t-il une position claire du Gouvernement sur les suppressions d'emplois et sur les investissements pour éviter de nouveaux reculs ?

Préoccupation ports : sécuriser les outils et les revenus des travailleurs portuaires, le temps du creux. Stop.

La prochaine fois, je le fais en morse. Stop.

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Quel outil de gestion sera introduit pour contrôler le trafic en temps réel dans les transports en commun, notamment les métros ? Quelles mesures seront prises en amont, pour contrôler un premier trajet ?

Le projet de loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire prévoit de conférer un pouvoir étendu de verbalisation aux agents de sécurité des transports. Combien d'agents sont-ils concernés ? Quelles mesures de contrôle sont prévues pour encadrer ce nouveau pouvoir, dévolu à un grand nombre de personnes ?

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élisabeth Borne, ministre

Nous préparons l'étape 1 du déconfinement, dont la priorité est d'éviter tout rebond de l'épidémie. Si nous ne perdons pas de vue l'importance d'une desserte équilibrée du territoire, la relance de l'activité touristique ne figure pas au cœur de cette étape, dans laquelle nous limitons les déplacements de longue distance.

Je suis très attentive à donner de la visibilité aux projets concernant le photovoltaïque ou la biomasse, notamment, comme nous l'avons fait, en publiant la programmation pluriannuelle de l'énergie, et en maintenant le rythme des appels d'offres prévus en 2020. Nous serons certainement conduits à scinder ces derniers, pour permettre aux porteurs de projet de répondre de manière échelonnée, mais nous maintiendrons le flux des projets en matière d'énergies renouvelables.

La crise confirme la nécessité de diversifier notre mix énergétique et de nous émanciper des énergies fossiles, alors que les cours du baril de pétrole ont fluctué de 1 à 5 dans les derniers mois. Les problèmes survenus dans la maintenance de notre parc nucléaire nous incitent également à nous appuyer sur des sources diversifiées de production d'énergie. Nous continuerons donc à soutenir le développement de filières d'énergies renouvelables, en nous préoccupant, comme l'a indiqué Bruno Le Maire, de les relocaliser, avec leurs technologies, sur notre territoire. Le soutien à des projets concernant le photovoltaïque, l'hydrogène ou des batteries, comportant une production en France, sera un des enjeux des mois à venir.

Je l'ai dit devant deux de vos commissions, la transition écologique et solidaire doit être au cœur de la relance de notre activité : elle est notre meilleure stratégie de rebond. C'est aussi le projet du green deal lancé au niveau européen. Il sera donc utile de s'appuyer sur le plan de relance que prépare la Commission européenne pour soutenir le redémarrage de notre économie, fondé sur des activités non polluantes, peu émettrices de gaz à effet de serre, qui assureront la résilience de notre économie et de notre société.

S'agissant d'un pôle public de transport, je salue la constance de M. Coquerel, qui en a défendu l'idée dans les débats de ces derniers mois voire ces dernières années. Quel que soit leur statut – grande entreprise privée, petite entreprise, régie –, tous les acteurs des secteurs essentiels de mon ministère ont répondu présent. La crise a montré que les salariés comme les agents étaient conscients de l'importance de leur mission de service public. Ils l'ont accomplie, malgré la difficulté de la période actuelle.

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Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État

Nous organisons le transport scolaire en lien avec les territoires, qui en ont la compétence. Un enfant sur trois l'emprunte tous les jours, ce qui représente un volume considérable, de 4 millions d'enfants. Nous avons commencé les discussions sous l'égide des préfets voici plusieurs semaines. Nous relèverons ce défi logistique et territorial selon les situations locales et la façon dont s'organisera la réouverture des classes.

Plus largement, nous aurons à répondre à la question des surcoûts engendrés par la crise alors que deux types de recettes manquent aux collectivités.

S'agissant du versement mobilité, le Premier ministre a récemment indiqué aux associations d'élus que l'ACOSS, en lien avec le Groupement des autorités responsables de transport (GART), avait déjà traité les acomptes pour avril et mai. Le solde financier devra être calculé à la fin de la crise. L'État entrera alors en discussion avec les collectivités sur des bases objectivées.

Quant aux pertes de recettes dues à la diminution de la fréquentation, elles font souvent l'objet de dispositions contractuelles, qui devront être examinées. L'État étudiera ce sujet de manière transparente et responsable.

Notre objectif est qu'un maximum de trains de transport du quotidien circulent le 11 mai – ce sera le cas pour 50 à 60 % des transiliens en Île-de-France. Pour ce qui concerne l'activité touristique, dont chacun peut déplorer l'arrêt brutal, ce n'est qu'à l'horizon du 2 juin que nous disposerons d'une vision plus précise de la situation, pour le mois de juin et la période estivale. Vous le savez, le Gouvernement a pris des mesures considérables pour pallier l'arrêt brutal d'activité des secteurs de l'hébergement et de la restauration, qui souffrent profondément.

En marge des canaux de distribution de masques, que vous connaissez bien à présent, j'ai organisé avec Agnès Pannier-Runacher le déstockage de 9,5 millions de masques à usage unique, qui ont vocation à être distribués en appoint dans les transports en commun – 4,5 millions pour l'Île-de-France, 5 millions pour le reste du territoire. Il importe que, dans les premiers jours, l'État accompagne ceux qui auraient oublié de se munir du masque qu'ils ont la responsabilité de se procurer d'ici au 11 mai.

L'effort pour l'opérateur public ferroviaire, la SNCF, a été considérable depuis 2017, puisque l'État a repris 35 milliards de dettes et investi 3,6 milliards par an dans le réseau, un montant substantiellement plus élevé que celui consenti pendant la décennie précédente. Il agit encore aujourd'hui. Alors que 70 % des cheminots de la SNCF émargent au chômage partiel, sa signature a permis à l'entreprise de se refinancer à court terme, ce qui est heureux. Comme l'ont confirmé le Premier ministre et Mme Élisabeth Borne, l'État soutiendra la SNCF maintenant et à l'avenir.

Enfin, la gestion en temps réel du trafic s'appuiera sur les outils de régulation que j'ai cités. Nous serons conduits à fermer certaines correspondances, dans les réseaux où elles seront nombreuses. S'agissant des opérateurs et de leurs habilitations, la Surveillance générale (SUGE) de la SNCF compte 3 000 agents, auxquels s'ajoutent les 1 000 agents du Groupe de protection et de sécurité des réseaux (GPSR) de la RATP. L'encadrement de l'action de ces 4 000 agents, prévu par la loi, sera précisé par le décret, qui sera porté à votre connaissance très prochainement.

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Quand l'aéroport de Paris-Orly pourra-t-il ouvrir à nouveau ? Sera-t-il fermé jusqu'au 31 mai ou jusqu'à l'automne prochain, comme un quotidien l'a affirmé ? Cette fermeture a des conséquences directes pour les deux départements corses, qui ne sont pas reliés au continent. Pour pallier ce manque, la compagnie Air Corsica a proposé de rouvrir la liaison Corse-Roissy-Charles de Gaulle.

Par ailleurs, comment les personnes qui empruntent tous les jours les trains de Transport express régional (TER) et les Intercités pourront-elles satisfaire l'obligation de réservation ?

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Les transports publics sont essentiels pour réussir l'après-11 mai. Masques, distributeurs de gel, désinfection des trains et des stations, réduction du nombre de sièges, marquage au sol, étalement des horaires, maîtrise des flux d'entrée, toutes ces mesures, et bien d'autres encore, sont vitales pour garantir la sécurité des transports en commun, en particulier en Île-de-France. Nous avons besoin d'une stratégie globale.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous rassurer sur ce point les très nombreux usagers des transports de la région parisienne, et préciser la feuille de route que vous entendez suivre, en liaison avec tous les acteurs, opérateurs, autorités concernées, pour que la sécurité de tous soit garantie ?

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Le Gouvernement a passé contrat avec Air France pour un plan de performance, en contrepartie d'une aide de 7 milliards – 4 milliards de prêts garantis et 3 milliards de prêts directs. Or les concurrents d'Air France ne sont pas assujettis aux mêmes engagements environnementaux. Quelles démarches mènera la France auprès des autorités européennes, pour qu'Air France ne soit pas désavantagée par rapport à d'autres opérateurs aériens, notamment de Chine et du Golfe persique, lesquels ne sont pas même assujettis au paiement du kérosène ?

S'agissant de la négociation du règlement européen n° 261/2004 du Parlement européen et du Conseil du 11 février 2004, établissant des règles communes en matière d'indemnisation et d'assistance des passagers, où en est la demande d'ajustements temporaires formulée par la France ?

Enfin, plusieurs départements français, dont les Pyrénées-Atlantiques, sont totalement enclavés. Depuis le mois de mars, aucun train ne dessert le Béarn ou le Pays basque ; aucun avion ne vole vers Pau ou Biarritz. La SNCF doit considérer que le territoire au sud de Bordeaux n'est plus la France. Nous ne sommes donc plus reliés à la capitale de la Gironde, ni au reste du pays. Les parlementaires du Pays basque et du Béarn, tous, indépendamment de leur sensibilité, s'en sont plaints par un courrier au Premier ministre.

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Outre les aides attribuées aux grandes compagnies nationales, le Gouvernement soutient-il d'autres compagnies, comme Air Tahiti Nui ou Air Austral, qui desservent notamment les outre-mer et dont l'activité est stratégique pour l'économie et l'attractivité de ces territoires ?

Au-delà des opérateurs, quelles aides sont prévues pour assurer la survie des constructeurs – Airbus, Alstom, PSA, Renault – afin que les transports de demain puissent s'effectuer avec des moyens français ? Il s'agit là d'une question de souveraineté.

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élisabeth Borne, ministre

Le travail est en cours en Île-de-France comme dans les métropoles de chaque région. Les autorités organisatrices jouent un rôle crucial dans la définition de l'offre de transport public, quand les opérateurs sont déterminants dans son organisation. L'État les accompagne.

Il devra préciser les scénarios qui pourront être retenus, en lien avec ces acteurs, notamment la présidente d'Île-de-France Mobilités et le préfet de région. Ces plans visent à assurer au mieux la reprise de l'activité économique, tout en veillant à la santé des Français, qui est notre priorité.

Notre objectif est bien que l'ensemble des aides consenties par les différents pays européens à leurs entreprises stratégiques respectent les mêmes engagements environnementaux que ceux que nous avons pris en France. En attendant les lignes directrices de l'Union européenne, nous plaidons pour que ce principe s'applique à toutes les entreprises stratégiques en Europe.

On aurait tort d'opposer performance écologique et performance économique car elles vont de pair. Lorsqu'Air France renouvelle sa flotte, pour disposer d'avions moins polluants, elle s'assure également d'une moindre consommation.

En tant que constructeur de matériel ferroviaire, Alstom a un carnet de commandes bien rempli, ce qui n'est pas le cas de toutes les entreprises. J'avais eu l'occasion de m'en entretenir avec son président, au moment où les chaînes se sont arrêtées. Je me réjouis que l'entreprise ait repris son activité.

Bruno Le Maire a indiqué que l'État garantira un prêt de 5 milliards d'euros aux constructeurs automobiles. Nous entendons leur appel à redynamiser la demande et serons attentifs à relancer les véhicules à très faibles émissions, notamment les véhicules électriques. Le meilleur service que le Gouvernement puisse rendre à PSA et Renault, qui figurent parmi les trois meilleurs constructeurs européens en termes d'émissions de gaz à effet de serre, est toutefois de maintenir ses exigences dans ce domaine, et de soutenir le développement de tels véhicules, en veillant à ce qu'ils soient accessibles à un grand nombre de Français tout en accélérant le déploiement des infrastructures de recharge.

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Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État

Monsieur Door, la continuité territoriale avec la Corse est maintenue par voies maritime et aérienne. Des avions assurent la liaison entre la Corse, Nice et Marseille puis, de ces aéroports, quelques rotations permettent de rejoindre Paris, avec le meilleur remplissage possible, tout en respectant les règles sanitaires. Depuis quelques jours, Air France impose le port du masque à bord de ses avions.

Deux compagnies aériennes demandent la réouverture d'Orly avant fin juin, d'autres préconisent d'attendre la fin de l'été, la reprise du trafic n'étant pas assurée. Les mesures devront nécessairement être harmonisées au niveau international, notamment entre les différents pays européens. Monsieur Habib, avec mes homologues allemand, italien et espagnol, j'ai écrit à la Commission européenne afin de proposer d'étendre nos mesures réglementaires et de coordonner nos calendriers.

Madame de Sarnez, la stratégie repose sur les trois piliers dont j'ai déjà parlé : augmentation de l'offre afin de réduire la fréquentation par véhicule ; diminution de la demande – notamment aux heures de pointe ; mesures de sécurité sanitaire. Vous avez raison, le maître mot de cette première phase de déconfinement, c'est la confiance. C'est ce qui a parfois manqué dans certains pays et explique le fort report vers les véhicules individuels.

Monsieur Habib, je vous transmettrai une réponse écrite concernant la situation des Pyrénées-Atlantiques, sur laquelle vous m'avez déjà alerté. La diminution de l'offre de TGV répond aux impératifs sanitaires de moindre circulation.

Vous le savez, la situation financière des compagnies aériennes et des agences de voyages est très difficile. Nous avons déjà obtenu que ces dernières puissent rembourser leurs clients par le biais d'avoirs. Nous plaidons auprès de la Commission européenne pour ce système : les avoirs, valables douze mois, pourraient être remboursés à l'issue de la période, ou prolongés au-delà.

Nous souhaitons protéger le consommateur dans ses droits, tout en trouvant des solutions financièrement réalistes : on parle de 35 milliards d'euros – c'est considérable – d'autant que les compagnies aériennes nécessitent quasiment toutes des plans de sauvetage et que les agences de voyages sont en grande difficulté.

Vous nous avez interrogés sur le verdissement de l'industrie des transports : nous n'avons peut-être pas suffisamment exploité cette dimension et nous disposons désormais d'une fenêtre et de possibles alliances politiques pour le faire. Si Air France vole avec des avions alimentés par carburant fossile, c'est que nous n'avons pas su inventer l'avion vert. Pourquoi notre compagnie ne volerait-elle pas demain avec du biocarburant, après-demain avec des carburants de synthèse et après après-demain à l'hydrogène, avec des avions complètement décarbonés ? Nous disposons du potentiel industriel : les meilleurs motoristes et constructeurs d'avions, des alliances industrielles fortes autour d'Airbus, avec l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne, la Grande-Bretagne, qui souhaitent cette transition industrielle. Cette crise est une opportunité pour être plus ambitieux.

Cela vaut également pour Alstom, nous en avons déjà parlé à de nombreuses reprises. Avec Élisabeth Borne, nous souhaitons impulser la création d'une filière de trains légers, qui pourront être alimentés à l'hydrogène et coûteront moins cher. Tout en contribuant à l'innovation industrielle, ils seront plus sobres en carbone et apporteront une solution économiquement plus efficiente aux collectivités territoriales.

M. Habib a incidemment évoqué la régulation des excès de la mondialisation. Les compagnies aériennes – irlandaises – qui, après avoir joué pendant une dizaine d'années avec les zones grises du droit européen, se proposent de vendre des billets à un euro pour accompagner la reprise dans le cadre d'une stratégie commerciale quasi prédatrice, n'ont pas vraiment compris ce que nous attendons du « monde d'après ». Nous avons un rôle politique majeur à jouer dans la régulation sociale de différents secteurs, notamment celui du transport aérien, qui a bien souffert au cours des dernières années.

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Le télétravail est une conséquence positive de la crise : il est bon pour la planète – trois jours de télétravail par semaine représentent une baisse de 7 % des émissions de gaz à effet de serre par personne. Nous ne réussirons pas le déconfinement sans maintien du télétravail. Des négociations sont en cours avec les employeurs et les autorités organisatrices de transports. Comment faire en sorte qu'il perdure ? Peut-on imaginer des incitations ?

Il ne faudrait pas que tout le monde reprenne sa voiture, ce qui pose la question des mobilités douces, des vélos ou des voitures électriques. Le plan de 20 millions d'euros que vous avez annoncé pour aider les collectivités est nettement insuffisant – la Convention citoyenne pour le climat réclame entre 50 et 200 millions. Prévoyez-vous des moyens supplémentaires ?

Ne nous racontons pas d'histoires : le futur plan de relance devra représenter entre 3 et 5 milliards d'euros de plus par an pour la transition énergétique – rénovation thermique des logements, chaleur renouvelable, méthanisation, changement de voitures, etc. En aurons-nous les moyens financiers ? Ces investissements seraient générateurs de très nombreux emplois non délocalisables, importants dans la situation économique actuelle.

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Le coronavirus pourrait être l'occasion d'une véritable bifurcation écologique, mais vous ne voulez pas saisir cette chance. Madame la ministre, on ne vous a pas entendue concernant l'avis favorable donné au projet d'exploitation d'or primaire et alluvionnaire, dit Montagne d'or bis, en Guyane alors qu'il implique une déforestation massive, la pollution irréversible des sols et que l'entreprise attributaire est déjà poursuivie pour des faits de pollution environnementale. On ne vous a pas non plus entendue concernant la finalisation des négociations des traités de libre-échange entre l'Union européenne et le Mexique, ou avec le Vietnam, en pleine crise mondiale, alors que l'urgence est à la relocalisation. Vous êtes également muette quand l'état d'urgence devient un prétexte pour affaiblir le droit de l'environnement : un décret, publié début avril, permet aux préfets de déroger à certaines normes. Vous ne dites rien quand on apprend que l'enquête qui vise les militants antinucléaires de Bure a coûté près d'un million d'euros, a abouti à des milliers d'heures d'écoute, tout en mobilisant extrêmement les forces de police et de justice.

Vous êtes à la tête du ministère de la transition écologique et solidaire et, alors que nous traversons une crise dont les origines sont écologistes, où sont la transition écologique et la solidarité ? Vous êtes à ce ministère ce que Casper est pour les humains : un fantôme. Quand allez-vous revenir sur terre et enclencher les mesures dont nous avons tant besoin ?

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Je salue votre effort considérable pour soutenir notre compagnie nationale Air France. Je salue également les efforts que cette dernière a déployés pour ramener en France nos compatriotes dispersés partout dans le monde. Un tel opérateur nous est envié par beaucoup de pays européens.

Quelles seront les conditions d'accueil à l'arrivée dans les aéroports et dans les gares avant et après le 2 juin ? Certes, il y aura peu de touristes mais, pour des raisons professionnelles, certains de nos concitoyens vont recommencer à voyager. En outre, les étudiants en fin d'année universitaire vont aller et venir. Mais, surtout, des centaines de milliers de Français vont venir, comme tous les étés, retrouver leurs familles et leurs proches après une année de séparation. Y seront-ils autorisés ? Quelles formalités devront-ils suivre avant de partir ? Quels documents devront-ils produire ? Quels contrôles spécifiques pensez-vous leur imposer ? Qui sera soumis à une quatorzaine ?

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élisabeth Borne, ministre

Monsieur Pancher, vous avez raison, il ne faut pas perdre l'acquis du télétravail. Cette crise engendre beaucoup de difficultés, de douleur et de souffrances, mais elle a également conduit à la mise en place rapide du télétravail pour une large proportion des salariés, alors que personne n'y aurait cru avant la crise. Il est important de la capitaliser, d'autant que, même s'ils souffrent du confinement, les salariés apprécient le temps de transports économisé et la fatigue en moins. Les ordonnances réformant le code du travail, prises au début du quinquennat, ont largement facilité le télétravail. La loi d'orientation des mobilités (LOM) a ensuite prévu une négociation obligatoire entre les salariés et leur employeur concernant les déplacements domicile-travail.

Le meilleur déplacement est celui qu'on ne fait pas ! En sortie de crise, il faudra bâtir sur ce socle propice. Nous accélérerons la publication des textes régissant le forfait mobilité afin d'accompagner les modes de déplacement les plus vertueux – vélo, covoiturage. Le développement du télétravail passera sans doute également par des tiers lieux dans les territoires où il est compliqué de télétravailler de chez soi. Vous pouvez compter sur ma détermination pour capitaliser sur cet acquis.

Rassurez-vous, monsieur Pancher, les 20 millions d'euros annoncés la semaine dernière ne remplacent pas les 350 millions d'euros déjà promis. Nous allons continuer à soutenir le développement des infrastructures cyclables. Nous avons souhaité stimuler l'utilisation du vélo et permettre à tous ceux qui ont un vélo dans leur cave ou leur garage de le faire réparer. Le plan vise également à soutenir les collectivités afin qu'elles déploient très rapidement des stationnements sécurisés pour les vélos. Cela permettra à un maximum de Français d'adopter durablement ce mode de déplacement.

Effectivement, il faut accélérer la transition écologique et j'ai plaidé en ce sens lors de mon audition la semaine dernière : contrairement à la situation de 2008, les technologies sont désormais mûres. Des filières industrielles se sont structurées pour les voitures zéro ou très faibles émissions et dans la rénovation des bâtiments. En prenant appui sur ces filières, nous relancerons notre économie, assurerons sa résilience, ainsi que celle de la société, mais protégerons également la santé des Français. En effet, la pollution de l'air est un facteur aggravant de la crise sanitaire actuelle.

Madame Panot, si vous n'écoutez pas, vous ne pouvez pas m'entendre… Concernant le projet de mine en Guyane, j'ai clairement indiqué que je m'y opposerai s'il ne respectait pas nos exigences environnementales. Même si vous ne voulez pas l'entendre, ni le voir, depuis le début du quinquennat, nous avons adopté la loi d'orientation des mobilités, révolutionnaire, qui vise à encourager toutes les mobilités propres. Nous avons également fait voter la loi relative à l'énergie et au climat afin d'atteindre la neutralité carbone en 2050 et nous sommes le premier pays en Europe à l'avoir fait. Vous avez examiné une loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, une des plus ambitieuses d'Europe. Nous avons stoppé le projet de Notre-Dame-des-Landes et celui d'EuropaCity. Malgré la crise actuelle, nous avons publié notre Stratégie nationale bas-carbone – cap vers la neutralité carbone – et une programmation pluriannuelle de l'énergie, saluée par tous les acteurs. Si vous ne voulez pas voir les engagements du Gouvernement, c'est votre choix…

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Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État

Monsieur Pancher, en Île-de-France, selon nos modélisations, sans recours au télétravail, environ 30 % des voyageurs habituels se présenteront dans les transports en commun le 11 mai. En continuant à y recourir, ce taux baisse à 19 %. Il est donc essentiel de l'organiser, ce à quoi nous nous attelons.

Depuis le début de la crise, trois phases se sont succédé outre-mer : jusqu'au 23 mars, nous avons procédé aux rapatriements de ceux qui voulaient rejoindre leur domicile ; jusqu'au 6 avril, nous avons accompagné la décroissance de l'offre aérienne, comme partout sur notre territoire, afin de mieux contrôler la circulation du virus ; depuis le 6 avril, nous restons particulièrement attentifs à la continuité territoriale et à l'acheminement du fret. En Martinique, Guadeloupe et Guyane, deux vols mixtes – passagers et fret – sont opérés par semaine. Dans les deux îles, un vol fret vient compléter le dispositif, piloté par les préfets. En fin de semaine, avec la ministre des outre-mer, nous ferons un point précis concernant le fret et la continuité territoriale.

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Le président de l'Association internationale du transport aérien ou International air transport association (IATA) estime que le prix des billets pourrait augmenter de 50 % si les mesures de distanciation étaient appliquées en vol. Cela constituerait un grave coup d'arrêt à la continuité territoriale outre-mer. Comment comptez-vous concilier sécurité sanitaire et maintien de tarifs raisonnables sur nos dessertes ?

Des informations contradictoires circulent concernant les conditions d'arrivée des ultramarins dans l'Hexagone à partir du 11 mai. Seront-ils soumis à une quatorzaine ? Une telle mesure serait incompréhensible car nos territoires sont tous classés en vert – sauf Mayotte – et les Italiens, Belges, Espagnols ou Britanniques ne seront, eux, soumis à aucune mesure de confinement. Pourriez-vous nous rassurer ?

J'attends également des réponses aux questions posées par notre collègue Pierre Dharréville concernant l'acier et les emplois à la SNCF.

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La paralysie des lignes intérieures enclave de nombreuses régions. Elle en paralyse d'autres. C'est le cas de la région Sud qui dépend beaucoup de l'économie touristique. Pourriez-vous nous transmettre le calendrier de réouverture des lignes intérieures car il est impératif qu'elles rouvrent progressivement ? En outre, Nice-Paris ne faisant plus l'objet que d'une desserte quotidienne, les avions sont souvent surchargés, ce qui est contradictoire avec l'exigence de sécurité sanitaire.

Qu'en sera-t-il de la réouverture de l'aéroport d'Orly ? La presse fait état d'une possible fermeture jusqu'à l'automne, mais, pour favoriser les dessertes intérieures, il est important que la plateforme rouvre.

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Vous avez évoqué le report des transports en commun vers la voiture individuelle. À quel moment un soutien à la conversion vers des véhicules plus propres serait-il pertinent ? Est-il envisagé ?

La LOM prévoit la création de zones à faibles émissions et leur contrôle automatisé. Ces mesures sont-elles toujours sur les rails, notamment la deuxième ? Les banques alimentaires sont très sollicitées. Or leurs camions frigorifiques ne sont pas éligibles à la prime à la conversion. Elles s'inquiètent d'être durement sanctionnées lors de la mise en place des contrôles automatisés dans les zones à faibles émissions dans quelques mois. Pourriez-vous veiller à les épargner ?

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Vous avez évoqué les 2 milliards d'euros de pertes du groupe SNCF. Le Conseil d'orientation des infrastructures a sélectionné certains projets et déterminé leur trajectoire de financement. Le quasi-renflouement des comptes et des moyens financiers de la société nationale par l'État amène-t-il à revoir ce calendrier ou la capacité à faire face à l'ensemble des dépenses s'agissant notamment des projets de lignes ferroviaires, dans les territoires ?

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élisabeth Borne, ministre

Monsieur Jean-Noël Barrot, mon ministère étudie actuellement comment mieux soutenir, au-delà de la prime à la conversion de 5 000 euros destinée aux ménages les plus modestes et du maintien du bonus écologique de 6 000 euros, l'acquisition de véhicules zéro émissions. Il formulera des propositions visant à accroître leur diffusion.

Le déploiement des zones à faibles émissions (ZFE) constitue effectivement un enjeu très important, notamment au regard de la santé publique et de la pollution de l'air qui occasionne des milliers de décès tous les ans et qui aggrave l'impact de virus comme le Covid-19. Certaines voix s'étaient élevées pour demander le report de certaines consultations relatives au décret permettant la mise en place de ces zones : étant plus déterminés que jamais à les déployer, nous les avons reprises. Nous devons en effet répondre aux attentes de nos concitoyens en matière de qualité de l'air.

J'ignore si nos dispositifs permettent de surmonter la difficulté liée aux camions frigorifiques, mais nous veillerons à ce que ce soit bien le cas.

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Jean-Baptiste Djebarri, secrétaire d'État

Monsieur M. Gabriel Serville, le Président de la République a indiqué dans un message récent que l'absence de quatorzaine devait être la règle de droit commun au sein de l'espace Schengen.

S'agissant des flux aériens entre la métropole et les DOM-TOM, à l'équilibre sanitaire parfois fragile, qui doivent notamment permettre le retour des 12 000 étudiants ultramarins, une réflexion visant à trouver la meilleure solution est en cours avec les préfets concernés. Comme je l'ai indiqué, j'apporterai des précisions à ce sujet avec la ministre des outre-mer d'ici à la fin de la semaine.

S'agissant du taux de remplissage des avions, que nous surveillons quotidiennement avec Air France, notamment sur les vols intérieurs, afin qu'il avoisine les 50 %, il faut distinguer tout d'abord la phase actuelle, au cours de laquelle le petit nombre de vols assuré a parfois connu une certaine affluence qui n'est pas totalement étrangère au retour de personnes s'étant déplacés avant le confinement. À ma demande, Air France a très rapidement distribué, de façon systématique, des masques tant à ses passagers qu'à son personnel, de façon à assurer leur sécurité sanitaire.

Ensuite, au cours de la phase de réouverture progressive du trafic, il faut une harmonisation. Il ne saurait exister de dissymétrie entre les mesures sanitaires prises en France, dans l'espace Schengen et en Europe car elles induiraient une dissymétrie économique. Ainsi, Lufthansa ne respecte pas le taux de remplissage de 50 %, pas plus que les Anglais ne le feront.

Il faut que les mesures sanitaires, particulières dans les cabines d'avions nous permettent à la fois d'élaborer un continuum de sécurité sanitaire tout au long du parcours du passager et de prendre en compte la dimension économique. Je vous rappelle que si un TGV atteint son équilibre économique avec un taux de remplissage de l'ordre de 55 %, celui-ci doit être de quelque 75 % pour un avion.

Si la connectivité dans le monde d'après permettra peut-être d'envisager différemment ces données, il demeure urgent d'harmoniser nos mesures sanitaires et d'exploitation ainsi que de coordonner les calendriers : c'est la raison pour laquelle nous avons pris cette initiative européenne avec le groupe formé avec l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne.

Monsieur Christophe Bouillon, notre ambition demeure intacte pour la SNCF. L'arrêt ou le ralentissement de certains travaux conduiront à revoir le calendrier, en bonne intelligence et en parfaite coordination avec les territoires et la société nationale. Seule la reprise du trafic nous assurera cependant la visibilité nécessaire sur les coûts et à la mise au point d'un calendrier précis.

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La question d'Olivier Becht portait sur les compagnies aériennes ultramarines : comment les sauver et éviter les distorsions de concurrence ? Vous n'y avez pas tout à fait répondu, monsieur le secrétaire d'État.

Quelle est la situation de nos ressortissants confinés à l'étranger, parfois malgré eux ? Quels engagements l'État peut-il prendre envers eux ?

Je me réjouis par ailleurs que vous ayez évoqué une expérimentation territoriale de trains légers, circulant si possible à l'hydrogène.

Madame la ministre, le 2 avril dernier, la Banque des Territoires entrait au capital d'Ostwind, un groupe allemand de production d'éoliennes, opération que nombre de nos concitoyens pourraient mal interpréter, dans le contexte. Quels sont les contours de la stratégie de l'État dans ce dossier ?

La filière éolienne française est loin derrière ses concurrents internationaux. Aucune entreprise hexagonale ne figure ainsi parmi les dix premiers constructeurs mondiaux, ce qui nous rend dépendants. La crise ne constitue-t-elle pas une occasion de bâtir une filière éolienne française ?

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Monsieur le secrétaire d'État, vous connaissez l'importance d'Airbus tant pour le tissu économique toulousain que pour celui de la région Occitanie.

Je salue les premières décisions prises par l'exécutif dans le secteur aérien, et notamment le soutien important apporté à Air France sous formes de prêts garantis par l'État et de prêts directs accordés en contrepartie d'engagements environnementaux. Que comptez-vous faire pour le relancer, pour faciliter l'investissement en recherche-développement et l'accès aux avances remboursables, et enfin pour utiliser le levier majeur des commandes dans le secteur de la défense ?

Comment comptez-vous aider les compagnies aériennes, dont la trésorerie est fragile, à passer des commandes à notre fleuron industriel et à ses sous-traitants à la faible visibilité et qui en dépendent directement ?

Comment enfin soutiendrez-vous et protégerez-vous nos entreprises de prises de contrôle par des puissances étrangères ou par des fonds d'investissement ?

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élisabeth Borne, ministre

Je partage, madame Sophie Auconie, votre préoccupation de conforter notre souveraineté énergétique. Je ne peux que déplorer que nous ayons, au fil des ans, laissé filer en Asie la production de panneaux photovoltaïques ou de batteries et que nos entreprises soient absentes la filière éolienne.

Avec Bruno Le Maire, nous allons nous employer notamment dans le cadre du Pacte productif, à redévelopper des filières européennes de batteries et à veiller à l'implantation en France d'usines de panneaux photovoltaïques. Notre pays compte d'ailleurs quelques pépites sur le créneau des tuiles photovoltaïques.

Notre priorité en matière d'éolien reste de faire émerger des leaders en matière de parcs offshore. J'ai demandé à mes équipes d'examiner comment nous pourrons tenir les délais tant des parcs en cours de construction que ceux fixés par les appels d'offres à venir.

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Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État

Monsieur Éric Ciotti, nous observons évidemment la situation du transport aérien avec la plus grande attention. L'aéroport Roissy-Charles de Gaulle assure aujourd'hui sur trois terminaux – et demain peut-être plus que sur un seul – l'intégralité du transport aérien de voyageurs et de marchandises, qui représente environ 2,5 % du trafic habituel.

Nous devrons, au gré de l'harmonisation des mesures et des décisions politiques des États et de l'Union européenne, réarmer tant Roissy que, demain, Orly. Le niveau de trafic actuel pourra être pris en charge, y compris les vols vers la Corse, par Roissy jusqu'à la fin du mois de juin. Deux compagnies aériennes demandent la réouverture d'Orly à cette date: nous le ferons de manière ordonnée, en lien avec Air France qui, au travers de sa filiale Transavia, en est l'est des opérateurs privilégiés. Nous ne manquerons pas de vous informer de ce qu'il en sera en fonction de l'évolution de la situation sanitaire et de la reprise du trafic aérien.

Madame Sophie Auconie, nous analysons au cas par cas, en lien avec la cellule des restructurations industrielles de Bercy, la santé des compagnies aériennes et montons des projets d'accompagnement, au travers de prêts garantis par l'État ou en sollicitant leurs actionnaires.

Il y a deux mois, 126 000 de nos concitoyens confinés ou vivant à l'étranger avaient demandé leur rapatriement. Grâce à l'action du ministère des affaires étrangères, 175 000 personnes ont pu regagner le sol national. Comme l'a indiqué Jean-Yves Le Drian, tous les Français ayant des problèmes particuliers, notamment d'ordre sanitaire, doivent se signaler auprès de leur ambassade ou de leur poste consulaire : leur cas sera traité avec le plus grand sérieux et avec la plus grande diligence.

Je ne peux que partager l'ambition du projet de liaison ferroviaire légère Tours-Loches, qui est soutenu par l'ensemble des élus de la région et que j'ai eu l'occasion d'évoquer hier soir avec le Président de la République. La production massive et décarbonée d'hydrogène sur place constitue en effet un bon exemple de ce que nous voulons démontrer.

Nous avons bien en tête, monsieur Mickaël Nogal, le caractère stratégique d'Airbus pour la région Occitanie : plus de 80 000 personnes en dépendent directement ou indirectement. Je me réjouis que le groupe ait pu sécuriser une ligne de crédit de 15 milliards d'euros afin de faire face aux difficultés du moment. Nous aurons sans doute besoin d'accélérer encore le rythme des investissements si nous voulons construire un avion de transport régional bas carbone qui nous permettrait de rayonner à l'international, dans un contexte géostratégique dans lequel les Chinois n'ont pas tout à fait atteint notre niveau de compétences et dans lequel les Américains connaissent des difficultés.

Nous avons les savoir-faire nécessaires. Il s'agit d'un véritable projet industriel pour l'Europe qui appelle l'élaboration d'une stratégie nationale et européenne : telle est la proposition que j'ai faite à mes homologues européens qui en ont, je crois, parfaitement perçu la pertinence.

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Je vous remercie, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, pour votre participation à cette audition extrêmement riche et concrète. C'est en effet à l'aune des capacités des uns et des autres à se déplacer en sécurité que sera jugée la réussite – ou pas – du déconfinement progressif qu'organise le Gouvernement. Tous les membres de la mission forment pour vous des vœux de succès.

L'ensemble des Français et notre économie doivent renouer progressivement, mais en toute sécurité sanitaire, avec la vie : là réside toute la difficulté de votre tâche et de celle des opérateurs travaillant à vos côtés.

L'audition s'achève à dix-neuf heures trente.