Mercredi 11 septembre 2019
La séance est ouverte à neuf heures trente.
Présidence de Mme Agnès Firmin Le Bodo, présidente
La commission spéciale procède à la suite de l'examen des articles du projet de loi relatif à la bioéthique (n° 2187) (M. Jean-Louis Touraine, rapporteur des articles 1 et 2, Mme Coralie Dubost, rapporteure des articles 3 et 4, M. Hervé Saulignac, rapporteur du titre II, M. Philippe Berta, rapporteur des titres III et IV, M. Jean-François Eliaou, rapporteur du titre V, et Mme Laetitia Romeiro Dias, rapporteure des titres VI et VII).
Mes chers collègues, nous poursuivons l'examen du projet de loi relatif à la bioéthique, en reprenant nos travaux aux amendements à l'article 1er.
Article 1er (suite) : Élargissement de l'AMP aux couples de femmes et aux femmes seules
La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques n° 1532 de M. Matthieu Orphelin et n° 1549 de M. Bruno Fuchs ainsi que les amendements n° 1828 de Mme Sylvia Pinel, n° 1905 de M. Didier Martin, n° 1766 et n° 1767 de M. Hervé Saulignac
L'amendement n° 1532 vise à permettre au membre du couple survivant de poursuivre le projet parental, ainsi que l'ont successivement recommandé l'Agence de la biomédecine, le Conseil d'État et le rapport d'information de la mission parlementaire.
Dès lors que l'on permet aux femmes célibataires d'avoir recours à l'assistance médicale à la procréation (AMP) en utilisant des gamètes ou des embryons issus d'un don, il paraît incongru de leur refuser l'accès aux gamètes et embryons de leur partenaire défunt. Évidemment, et cela fera l'objet d'un amendement ultérieur, cela suppose d'avoir recueilli préalablement l'accord écrit de celui-ci à la poursuite de l'AMP dans l'éventualité de son décès.
L'amendement n° 1549 est identique. Ce que propose le projet de loi est très paradoxal puisqu'une femme veuve disposant d'un embryon créé au cours de son mariage ne pourrait pas en bénéficier alors même qu'elle pourrait faire appel à un autre donneur. Cette disposition est inacceptable en l'état.
Cet amendement est le premier traitant le sujet. D'autres suivront, qui préciseront les modalités de l'implantation possible de cet embryon.
L'amendement n° 1828 vise, dans le même esprit que les précédents, à permettre à une personne engagée dans une procédure d'AMP avec son conjoint de poursuivre cette démarche avec les gamètes ou les embryons issus de ce conjoint, dans le cas où ce dernier viendrait à décéder.
L'interdiction de l'AMP post-mortem est difficilement justifiable dès lors que l'on permet aux femmes célibataires d'avoir recours à l'AMP avec tiers donneur anonyme. Comment peut-on autoriser les femmes seules à recourir à l'AMP avec un tiers donneur et continuer de le leur interdire avec les gamètes de leur conjoint décédé ?
Bien sûr, l'AMP post-mortem nécessite un strict encadrement. Elle ne doit être possible que si le couple était déjà engagé dans un parcours d'AMP et si le conjoint décédé avait préalablement donné son accord à une telle utilisation. Il s'agit, finalement, d'autoriser la poursuite d'un projet parental.
Nous aborderons, dans des amendements à suivre, la question des délais d'utilisation, toujours dans le sens d'un encadrement strict de cette procédure.
Je reprends les arguments qui viennent d'être exposés par nos collègues à l'appui de l'amendement n° 1905.
La condition pour avoir recours à l'AMP post-mortem est que les conjoints aient exprimé leur consentement ex ante, formellement et par écrit, afin que l'accord des deux membres du couple ne fasse aucun doute.
L'amendement n° 1766 est quasi-identique.
Pouvons-nous ouvrir la PMA aux femmes seules et refuser aux femmes veuves de poursuivre leur projet parental ? Il convient d'évaluer le traumatisme que serait, pour une femme endeuillée, d'avoir à donner ou à détruire les embryons conçus avec son compagnon, alors qu'on lui proposerait de poursuivre son projet avec un tiers donneur.
Évidemment, la question du délai se pose. La loi espagnole ne rend, par exemple, ce transfert possible qu'au terme d'un délai de douze mois à compter du décès, quand il est de six mois en Belgique. Il s'agira de bien caler celui que nous pourrions impartir. En tout cas, ne pas autoriser l'AMP post mortem relèverait d'un raisonnement assez tortueux.
L'amendement n° 1767 est de repli.
La question est importante. Plusieurs amendements porteront encore dessus et, moi-même, j'en présenterai sous plusieurs formes afin de laisser un choix à notre commission.
Il s'agit de savoir si des gamètes ou embryons conservés dans le cadre d'un projet parental, par exemple dans la crainte du décès de l'homme possiblement soumis à une chimiothérapie ou gravement malade, peuvent être laissés à la libre disposition de la femme devenue veuve ou si nous devons décider à sa place.
Nous avons été sollicités, de façon assez formelle, par le Conseil d'État qui nous demande de compléter le texte par une disposition autorisant la PMA post mortem, pour deux raisons, l'une logique et l'autre pratique. La première est que, lors des révisions antérieures des lois de bioéthique, le législateur a toujours refusé d'autoriser la PMA post mortem au motif que cela aurait ouvert la PMA aux femmes seules. Aujourd'hui, dans la mesure où nous étendons le bénéfice de la PMA aux femmes seules, la logique veut que cet argument tombe.
La raison pratique est liée à une décision récente. En plusieurs circonstances, des femmes ont sollicité le droit d'utiliser des gamètes ou des embryons. Récemment, l'une d'entre elles a obtenu du Conseil d'État que ses embryons lui soient restitués afin qu'elle aille effectuer la PMA en Espagne. De ce fait, à l'avenir, les femmes placées dans des circonstances comparables pourraient être incitées à saisir le Conseil d'État afin de mener à bien leur PMA à l'étranger. La situation s'avère inconfortable.
J'ajoute, à titre personnel, que si nous récusions cette avancée, nous entraverions un choix parental formellement exprimé puisque, dans les couples concernés, la conservation des gamètes ou des embryons avait pour objet un projet parental. Il faut laisser la femme décider si, à la lumière des discussions qu'elle a pu avoir avec son compagnon, elle souhaite le prolonger ou l'interrompre.
Quelles peuvent-être les difficultés ? Celles tenant aux successions ont été aplanies, puisqu'il est de tradition, dans ces cas, que la succession soit différée. La raison commande tout de même de préciser que le projet parental ne doit pas être poursuivi de très nombreuses années après le décès, car on ne peut pas différer une succession de dix ans. Un délai d'un ou deux ans est très habituel. Les exemples sont nombreux, à l'heure actuelle, de successions différées pour des raisons moins importantes que la naissance d'un enfant.
Faut-il accorder cette possibilité dès le décès du conjoint ? Il apparaît plus raisonnable d'accorder un délai permettant de traverser la phase de deuil et donc de s'assurer que l'enfant à venir ne soit pas celui du deuil, et que la femme ne soit soumise à aucune pression au moment où elle décide de poursuivre ce projet parental.
En définitive, il me semble qu'il s'agit d'une question de confiance vis-à-vis d'une femme qui, une fois qu'elle a traversé la période difficile du deuil, est tout à fait apte à décider ce qui est le mieux dans son propre intérêt et dans celui de l'enfant à naître dans le cadre du projet parental qu'elle a initié avec son défunt conjoint.
Je suggère cordialement aux auteurs des amendements, en indiquant que je les approuve, de bien vouloir les retirer dans la mesure où cette disposition sera plus à sa place dans la partie du texte consacrée aux ruptures d'AMP.
La PMA post mortem ne permet pas, à mon sens, de respecter l'intérêt supérieur de l'enfant. Des spécialistes de l'enfance nous ont clairement indiqué, lors des auditions, qu'elle revenait à faire symboliquement engendrer un mort : au moment où l'AMP est effectuée, on sait d'ores et déjà que l'enfant naîtra d'un père mort. La situation est tout à fait particulière ! En voulant institutionnaliser une telle pratique au nom de la société, on prend un risque énorme. Beaucoup de spécialistes nous ont alertés sur le fait que l'intérêt supérieur de l'enfant ne serait pas respecté.
La PMA post mortem pose, à l'évidence, plusieurs problèmes spécifiques. On peut entendre le désir des adultes, mais pas s'il contrevient à l'intérêt de l'enfant. Savoir qu'au moment où le processus de sa création était engagé, son père était déjà mort n'est pas neutre du tout. Avant de faire assumer collectivement cette évolution à notre société, il faut que nous en mesurions les effets.
Un autre argument, juridique celui-là, a été avancé par le Conseil supérieur du notariat, notamment : le risque de voir apparaître un héritier postérieurement au règlement d'une succession.
Comme l'a dit Mme la ministre, de telles situations sont extrêmement rares : dix cas seulement ont été dénombrés en dix ans.
Le positionnement sur cette question est complexe. J'entends le risque de faire vivre à une femme un double deuil ainsi que l'absurdité de détruire un embryon conçu avec son mari défunt alors qu'elle pourra ensuite recourir à la PMA avec un tiers donneur.
La femme endeuillée se trouve dans une position de fragilité et peut subir des pressions. Votre proposition de lui laisser un délai n'est pas inintéressante, mais dans quelle mesure pourra-t-elle faire son choix en toute liberté ? L'idée de fabriquer un enfant orphelin me met mal à l'aise. Il en va autrement si la femme est déjà enceinte au moment du décès de son conjoint : même si elle a le choix de poursuivre ou non son projet parental, l'embryon a déjà été implanté. En outre, je crains que l'enfant ne soit vu comme un réparateur, celui qui comble un deuil, qui console. Je suis également très mal à l'aise avec l'idée du père mort qui engendre.
Au nom de l'intérêt supérieur de l'enfant, je me prononce donc contre ces amendements.
Mes chers collègues, pour la clarté de nos débats, je vous rappelle que le rapporteur vous demande de vous rallier à son amendement n° 2238, que nous examinerons dans quelques instants. Je laisserai chacun s'exprimer sur cette question très importante de façon à pouvoir procéder aux mises aux voix successives un peu plus rapidement.
J'étais initialement favorable à la PMA post mortem, mais je ne le suis plus. Mes réflexions et les débats m'ont fait réaliser la difficulté qu'il y aurait à inscrire dans la loi un encadrement exhaustif pour cette disposition.
S'agit-il d'autoriser la PMA post mortem à partir des gamètes ou des embryons ? Ce n'est pas du tout la même chose. Les embryons signifient que le projet parental est bien avancé.
Quand faut-il l'autoriser et quand faut-il l'interdire par rapport à la date du décès ? Il me semble très compliqué d'inscrire un délai dans la loi. Je ne suis pas sûr que celle-ci doive descendre à ce niveau de détail et d'intimité.
Il y a aussi les contraintes liées aux successions, dont le rapporteur a parlé. Différer la succession d'un ou deux ans ne posera pas de problème aux notaires. Cela pourrait en être un s'il fallait aller au-delà, dans l'attente du moment où la femme décidera de faire un enfant et d'implanter ces embryons.
Or les fécondations in vitro avec des embryons, dans 70 % des cas, n'aboutissent pas à une grossesse. Ce serait, pour la femme concernée, la double peine : à la douleur du décès du père s'ajouterait l'échec de la conception d'un enfant à partir de ses spermatozoïdes. Elle vivrait alors une situation dramatique, à l'issue d'un parcours de fécondation in vitro lui-même long et pénible.
Enfin, dans quelles situations va-t-on prévoir dans la loi la possibilité de recourir à une telle procédure ? Celle dans laquelle le père est atteint d'un cancer ou celle d'un père qui se crashe contre un arbre ? Les deux situations sont bien différentes.
Pour ces raisons, je suis défavorable à ces amendements.
Il est dommage que le conseil des ministres ait lieu ce matin, car la ministre aurait pu nous livrer sa position, très intéressante, sur ce sujet auquel elle a beaucoup réfléchi. La question était déjà présente dans les débats en 1994 puis en 2004 et en 2011. À chaque fois, nos prédécesseurs, sous quelque majorité politique que ce soit, dans leur grande sagesse, l'ont tranchée avec prudence.
Considérons d'abord la situation de la mère, confrontée à la mort. Cela n'a rien d'anodin. Non seulement il lui faudra passer par la clinique du deuil, mais, au poids du deuil, vont parfois s'ajouter des pressions familiales et sociales attendant un transfert de l'image paternelle vers l'enfant. On ne veut jamais mourir, sauf, parfois, le rapporteur… La procréation porte en elle notre volonté de survivre par la transmission.
Plaçons-nous surtout du point de vue de l'enfant, qui naîtrait orphelin. Un délai pour la mise en oeuvre de la PMA post mortem ne ferait qu'éloigner la date de fécondation de la date du décès, avec toutes les répercussions d'ordre psychologique que cela peut avoir pour l'enfant.
Si le seul argument tient au fait qu'ouvrir la PMA aux femmes seules rendrait, par déclinaison, compliqué de s'opposer à la PMA post mortem, cela est problématique. On voit bien que prendre pour seule base le projet parental atteint une limite quand il pourrait se faire au détriment de l'enfant.
Monsieur Bazin, il serait bon qu'on ne porte pas de jugement sur les propos de nos collègues.
Comment faire son deuil ? Comment faire preuve de résilience ? Comment ne pas subir la pression familiale des proches du défunt ? Surtout, comment l'enfant à naître peut-il se construire alors même qu'il a été conçu grâce aux cellules d'un mort ?
Ce point soulève sur le fond des questions extrêmement importantes, mais aussi des questions de forme, d'organisation et de légistique. M. le rapporteur l'a bien dit, le projet de loi ne l'avait absolument pas pris en compte, pas plus que le droit positif.
M. le rapporteur a rappelé que des décisions du Conseil d'État et de la Cour de cassation ont contraint l'État français à restituer du matériel génétique à des femmes qui sont allées faire réaliser l'implantation à l'étranger. Ces cas ont beau avoir été extrêmement rares – dix au cours des dix dernières années –, la situation ne manquera pas de se reproduire à l'avenir. Or le législateur ferait montre de sagesse en l'encadrant puisque, par la décision du Conseil d'État, les femmes pourront aller réaliser une PMA post mortem à l'étranger.
À mon sens, l'État français doit organiser l'insémination ou l'implantation d'embryons post mortem en apportant des réponses aux arguments qui ont été avancés : celui de la succession comme celui du consentement. Ce dernier doit être éclairé et libre ; il doit être exprimé au moment où est fait le choix de recourir à une AMP, évidemment par les deux membres du couple ; la femme survivante doit pouvoir le retirer à tout moment.
Si ces conditions étaient remplies, nous pourrions aboutir à une situation qui satisfasse à la fois nos impératifs et notre volonté d'encadrer cette procédure.
Je conclus en soulignant que la question du délai est extrêmement importante.
Nous sommes quelque peu troublés par le cas de figure en débat et, pour tout dire, assez réservés concernant la proposition qui nous est faite.
Une première question me vient à l'esprit : le projet parental ne se trouverait-il pas modifié par la nouvelle situation ? Dans ce cas, peut-être faut-il voir les choses autrement.
Deuxième élément, ne s'agit-il pas d'une extension exorbitante des capacités humaines puisque, la personne concernée n'étant plus là, elle n'est, en principe – hors la technique –, plus capable de donner la vie ? L'enfant à naître ne naîtrait pas d'un don, mais d'un père décédé.
Cela peut se produire dans la vraie vie. On sait bien dans quelle situation déjà très difficile se retrouvent les femmes n'ayant pas eu recours à une PMA : c'est une douleur que de devoir faire des choix, de trancher.
Je ne suis donc pas certain de saisir tout le sens que peut avoir, au bout du compte, une telle démarche. Je crains que des familles et des femmes ne se retrouvent confrontées à des dilemmes encore plus douloureux. Et je me demande s'il est vraiment souhaitable d'envisager les choses sous l'angle de la logique de réparation qui sous-tend certains propos.
Mme la garde des Sceaux a indiqué hier que la loi visait à traiter des situations générales. Or nous parlons d'une dizaine de cas en dix ans. Est-il raisonnable d'inscrire dans la loi une disposition tellement discutée et qui ne concerne que si peu de cas ?
Je vous invite, chers collègues, à bien réfléchir au point de vue de l'enfant. Vous parlez beaucoup de l'adulte qui vit un deuil, qui pourrait poursuivre son projet procréatif en bénéficiant des gamètes de son conjoint décédé plutôt que de ceux d'un donneur anonyme. Mais qu'en est-il de l'enfant ? Comment recevra-t-il son histoire, lorsqu'on lui racontera plus tard qu'il n'était pas encore né que son père était déjà décédé ? Comment peut-on psychologiquement porter une chose pareille ?
Les lois relatives à la bioéthique sont, à mon sens, fondées sur l'idée que ce qui est techniquement possible n'est pas toujours souhaitable. Gardons à l'esprit cet équilibre. Mes chers collègues, ne jouons pas aux apprentis sorciers !
Sur ce sujet, il n'existe pas de réponse qui ne présente pas d'inconvénients. À partir du moment où l'on joue avec le temps pour la conservation des gamètes, il y a obligatoirement un effet boomerang lorsque surviennent des accidents, comme le décès d'un membre du couple.
On voit bien aussi que la proposition qui nous est faite aurait un effet cette fois domino. D'abord, dès lors que vous ouvrez la procréation médicalement assistée aux femmes seules, comment expliquer qu'elle serait refusée aux femmes ayant construit avec leur conjoint décédé un projet parental ?
Ensuite, vous considérez que dans la mesure où cette procédure peut se dérouler à l'étranger, il faudrait l'autoriser en France. Une telle logique de dumping éthique n'est pas souhaitable.
Il faut bien mesurer les conséquences en droit de nouvelles dispositions légales, notamment en matière de succession. Un enchaînement de délais peut apporter bien des complications : d'abord, six mois minimum à partir du décès, puis douze mois au cours desquels aura lieu l'insémination ou le transfert d'embryons, et enfin le temps de la grossesse. En tout, vingt-sept mois qui peuvent avoir des conséquences familiales ou patrimoniales si le défunt était chef d'entreprise, et si donc une entreprise fait partie de l'actif successoral. Les juristes nous ont alertés sur ces points.
Il est effectivement dommage que Mme la ministre Agnès Buzyn ne soit pas présente parmi nous pour pouvoir formuler ses interrogations, mais je veux les reprendre parce qu'elles m'ont donné matière à réflexion. Je pense, d'une part, au poids que l'on fait peser sur l'enfant de sa naissance intervenue après le décès de son père, et, d'autre part, aux pressions que son entourage familial pourrait exercer sur la femme. On aura beau prévoir d'organiser le recueil d'un consentement libre, on sait que les relations familiales sont souvent compliquées à gérer par le droit.
Pour ces raisons, je suis très réticent.
Je ne m'exprime pas, s'agissant de ce sujet particulier sur lequel chacun doit se déterminer en fonction de ses convictions et des orientations, au nom de l'ensemble du groupe La République en marche.
Il me semble que nous devons respecter un principe de double cohérence. La première, qui a déjà été soulignée, voudrait que, avec l'ouverture de la PMA aux femmes célibataires, on cesse de ne proposer aux femmes engagées dans un parcours de PMA avec un conjoint qui viendrait à décéder que trois choix : faire don des embryons restant à la recherche ou à une autre femme, ou les détruire. Expliquer à une femme qui vient de perdre son conjoint qu'elle ne peut poursuivre son projet parental avec ses embryons mais qu'une autre femme le pourrait, et que, pas d'inquiétude, elle aura la possibilité de recourir à la PMA qui sera ouverte aux femmes seules dès l'adoption de ce projet de loi, est absolument incohérent.
La deuxième cohérence est liée au poids que nous voulons éviter de faire supporter à l'enfant à naître. Prenons le cas où, dans le cadre de la loi actuelle, une femme dont le conjoint est décédé aurait fait don de ses embryons à une autre femme ou à un autre couple. Au nom du droit d'accès aux origines, l'enfant né de ce don pourrait avoir accès à l'identité de cette femme et entrer en contact avec elle, par exemple dans le but de la remercier. Elle pourrait tout à fait lui expliquer qu'elle aurait souhaité mener elle-même cette gestation mais qu'à l'époque, la loi le lui interdisait et que c'est pour cette raison qu'elle avait donné de son embryon à une autre femme. Le poids qui pèserait alors sur les épaules de l'enfant ne serait sûrement pas neutre !
Il est compliqué d'expliquer à une femme qu'elle serait sous l'emprise de son entourage familial. À mon sens, la femme dispose d'une liberté d'appréciation. L'amendement n° 2238 de notre rapporteur borne le recours à une PMA post mortem puisqu'il ne serait pas possible avant l'expiration d'un délai de deuil et de prévenance de six mois courant à compter du décès du conjoint. Du reste, l'argument de la femme sous influence a déjà été utilisé dans d'autres débats : le droit de vote des femmes, l'interruption volontaire de grossesse. Il ne me paraît pas approprié ici.
A priori, quand on perd la vie, on ne peut plus la donner. Pourtant, la technique aujourd'hui le permet. Nous sommes là au coeur de la bioéthique : si la technique le permet, la loi doit-elle pour autant l'autoriser ?
Notre groupe considère que la femme veuve est une femme seule. Très seule. Tragiquement seule. Dans certaines circonstances, elle peut avoir à se demander si l'amour qui prévalait au moment de son engagement dans la PMA avec son conjoint est bien toujours en accord avec le désir d'enfant. La question est très compliquée.
Pour les détracteurs de cette procédure, l'enfant qui va naître aura une histoire personnelle absolument terrible. La littérature contredit cela de la manière la plus nette.
Quant aux pressions, également terribles, qui s'exerceraient sur la femme, elles pourraient être évitées par l'amendement qui vise à recueillir les consentements au sujet de la PMA post mortem : il sera toujours possible d'arguer que ce consentement n'a pas été donné.
Je pense que nous devons rendre possible pour ces femmes l'accès à la maternité grâce à la technique. Je ne me vois pas, demain, expliquer à une femme qui aurait perdu son époux que nous lui avons refusé de concrétiser son désir d'enfant au motif que nous craignions les pressions qu'elle aurait pu subir.
Je retire, par conséquent, mes amendements au profit de l'amendement n° 2238 du rapporteur.
Les amendements n° 1766 et 1767 sont retirés.
Merci, monsieur le rapporteur, pour votre amendement qui me semble très structuré et encadré. Vous avez mis à profit les recommandations qui ont été données, notamment, par le Conseil d'État.
Je voudrais aussi évoquer la cohérence globale du projet de loi. On fonde l'ouverture de l'accès à la PMA à toutes les femmes et la suppression du motif thérapeutique sur la force de la volonté et le projet parental, affirmé à un stade antéconceptionnel, chez le notaire. Celui-ci recueillera le consentement au don et, s'agissant d'un couple de femmes, la reconnaissance conjointe. On confère une force juridique à la volonté exprimée par le projet parental, que ce soit à deux ou de la part d'une femme non mariée. C'est exactement ce qu'a dit le Conseil d'État dans l'affaire « Mme G. » de mai 2016, par son arrêt annulant une décision de refus de transfert d'embryons post mortem. Au passage, je préférerais un autre terme. À mes yeux, le projet parental survit : il s'agit finalement d'une PMA de volonté survivante plutôt que post mortem.
Le Conseil d'État a autorisé cette pratique – qui, je le rappelle, avait été votée par notre assemblée en 2011, avant que la disposition ne soit retirée au Sénat – au motif que la loi n'assure pas une application correcte de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, relatif au droit au respect de la vie privée et familiale, au sens de la Cour européenne des droits de l'homme. Il fallait donc envisager une application différente. Le Conseil d'État, dans son étude sur la révision de la loi de bioéthique de 2018, formule des préconisations qui vont dans le sens de l'encadrement d'une PMA de volonté survivante, que votre amendement a fidèlement reprises, qu'il s'agisse de l'expression du consentement préalable chez le notaire au moment du consentement au don, qui confère toute sa force à la volonté, ou de l'encadrement par les délais.
Il me semble que le droit encadre déjà la capacité des femmes à prendre des décisions lorsque surviennent certaines difficultés. Nous sommes donc en mesure d'adopter cette disposition, à laquelle je suis très favorable.
Je dois être le seul membre de la commission à avoir connu toutes les lois de bioéthique. Je suis un cas unique !
En 2011, nous avions tous refusé l'insémination post mortem. Même si, comme cela a été rappelé, la majorité de l'époque s'était un peu laissé aller, le Gouvernement avait fait corriger cela au Sénat. Au risque de choquer certains d'entre vous, je reconnais que l'amendement Touraine est cohérent avec le texte. Mais c'est bien là le problème : il tire les conclusions de l'extension aux femmes seules et aux couples de femmes du recours à la PMA.
Prenons l'exemple d'une femme qui perd son mari alors que le couple avait entamé une PMA. Vous lui refuseriez l'insémination par les gamètes – supposons qu'il n'y ait pas encore d'embryon – alors que vous l'autoriseriez, puisqu'elle est une femme seule, à recourir à la PMA ? De surcroît, avec la jurisprudence du Conseil d'État, elle peut récupérer les gamètes de son défunt mari et les exporter – on n'a pas interdit, en effet, l'exportation ni l'importation des gamètes. Elle pourrait donc réaliser son projet en Espagne ou en Belgique, pour ne citer que ces pays. Vous voyez donc bien que la situation est intenable. Si vous êtes opposé à l'insémination ou à la réimplantation d'embryon post mortem, vous ne pouvez pas être favorables à la PMA pour les femmes seules et les couples de femmes. C'est pourquoi l'amendement Touraine est très cohérent au regard de l'ouverture à la PMA.
Par ailleurs, on ne distingue plus les gamètes de l'embryon. Il me semble qu'à partir du moment où il y a un embryon, la vie a commencé : c'est un être en devenir, comme on disait jadis. Vous n'allez pas refuser à une femme l'implantation lorsque son mari est décédé, mais en sens inverse, le veuf devrait trouver une femme tierce pour porter l'embryon. Vous voyez bien dans quoi on rentre !
Réfléchissez bien à l'amendement Touraine : vous n'y échapperez pas, par cohérence et par respect du principe d'égalité, malgré l'opposition du Gouvernement ; si vous y êtes opposés, vous devez voter contre la PMA pour les femmes seules et les couples de femmes. Le débat est aussi simple que cela.
Effectivement, il y a une certaine cohérence. Par la procréation post mortem, on permet de naître d'un mort – il faut appeler les choses par leur nom. Au sein de ma circonscription rurale, dans mes 173 communes, il faut que j'explique ce qu'est la PMA post mortem, il faut dire que cela signifie naître d'un individu mort.
On entend bien que, si on accepte la PMA pour les femmes seules, les objections contre la PMA post mortem tombent d'elles-mêmes : en cela, c'est cohérent. Dans l'ancien monde, une veuve pouvait se remarier, avoir une histoire avec un nouveau compagnon, nourrir un projet différent, avec d'autres spermatozoïdes. Ainsi, la vie va de l'avant et ne s'attarde pas sur le passé. S'agissant de la PMA post mortem, à l'instar de la PMA pour une femme seule, on ne retient que le désir de la femme. Le père ne voulait peut-être pas de cette décision. Est-on certain qu'il aurait accepté de ne pas voir son enfant ? Peut-être voulait-il absolument l'élever.
Je souhaiterais qu'on pense aussi à l'intérêt supérieur de l'enfant. Cette mesure suscitera de réelles difficultés au sein d'une même famille. On sait déjà que porter ne serait-ce que le prénom d'un oncle, d'un père, d'un frère aîné décédé pose de réels problèmes à un enfant, alors naître d'un individu décédé, c'est encore pire.
Nous faisons face à une question qui interroge chacun de nous profondément, en ce qu'elle touche à la mort, au deuil. Je suis cosignataire de plusieurs amendements visant à lever l'interdiction de la PMA post mortem, car je considère que l'interdiction établie par le projet de loi risque de déboucher sur des situations incohérentes, pour ne pas dire ubuesques. Une veuve pourrait être autorisée à s'engager dans un processus d'assistance médicale à la procréation, avec l'intervention d'un tiers donneur, tout en devant abandonner l'embryon, fruit du projet parental conçu avec son mari, son conjoint, de son vivant. Il y a là, effectivement, une incohérence, pour ne pas dire une injustice, qu'il sera difficile de justifier – je rejoins les propos de mon collègue de Courson. Il convient de lever cette interdiction en posant les garde-fous nécessaires, comme le propose l'amendement de M. le rapporteur. Les garde-fous doivent concerner les délais, le consentement explicite avant le décès et une certaine clarification ; à cet égard, le terme d' « embryon » est plus approprié que celui de « gamètes ».
Concernant d'éventuelles pressions, je suis d'accord avec M. le rapporteur qu'il faut faire confiance aux femmes. Il ne s'agit pas aujourd'hui pour nous, chers collègues, de remettre en question le libre arbitre des femmes et leur droit à disposer de leur corps. D'ailleurs, les pressions pourraient aussi s'exercer en sens inverse. Enfin, c'est notre rôle de législateur, me semble-t-il, d'encadrer cette matière pour ne pas laisser la décision au juge ; la jurisprudence a d'ailleurs déjà tranché en autorisant, à deux reprises, dans des cas très exceptionnels, l'insémination post mortem à l'étranger grâce à l'exportation des gamètes.
Sur ces questions, chacun a sa part de vérité, mais je voudrais insister sur la cohérence. Vous ouvrez, par ce texte, la PMA aux femmes seules, mais vous l'interdisez à celles qui étaient engagées dans un processus d'AMP avec leur compagnon, et alors même que l'embryon peut être déjà là. Imaginez le drame que cela représente pour une femme qui perd son compagnon brutalement ou dont le compagnon donneur, à la suite d'une maladie, ne peut plus procréer. Chers collègues de La République en marche, vous ne pouvez pas dire, d'un côté, que vous laissez la liberté à des femmes seules d'avoir recours, demain, à la PMA, tout en l'interdisant dans quelques cas très isolés.
Par ailleurs, je rappelle que le code civil admet, sous certaines conditions, les mariages post mortem, qui sont certes extrêmement rares. Ce que nous n'encadrerons pas par la loi, rassurez-vous, la jurisprudence le fera pour nous. Vous entendez instituer un délai, monsieur Touraine, mais vous savez très bien qu'il s'agit de moments terribles de déstabilisation. Qui peut savoir si l'arrivée d'un enfant, qu'une femme a conçu dans le cadre d'un projet d'AMP avec son mari, sera de nature à la conforter ou à la fragiliser, lorsqu'elle sera devenue seule ? Qui a la réponse ? Puisqu'il y a quelques cas isolés, je pense qu'il vaut mieux les encadrer que de favoriser le contournement par l'étranger, dans des délais sur lesquels les juridictions se positionneront à un moment ou à un autre. J'invite chacun à réfléchir posément et à se demander si ces quelques cas ne méritent pas un encadrement plutôt que le laisser-aller, lequel entraînerait davantage de dérives.
« PMA post mortem » : derrière un nom pour le moins sinistre, de quoi parle-t-on ? Quelles sont les situations de vie rencontrées, certes, par un petit nombre de familles – une dizaine en dix ans ? C'est un débat difficile, qui honore notre assemblée. Il m'est rarement arrivé d'être à ce point dans l'incertitude avant un vote sur un amendement.
Les projets parentaux élaborés par les couples peuvent connaître beaucoup de changements radicaux. Considérons un projet de PMA, avec un embryon fécondé prêt à être implanté. Le père biologique apprend qu'il est atteint d'une maladie grave et incurable, tel un cancer. Pour autant, doit-on cesser le projet ? La question ne se pose pas dans cette situation, mais dans le seul cas de la bascule de la vie à la mort du père biologique. On connaît des situations aussi dramatiques que celle-ci, qui peuvent percuter un projet parental. Pour ma part, à l'inverse de mon collègue Jean-François Eliaou, j'étais plutôt défavorable, a priori, à la PMA post mortem ; je suis maintenant dans l'incertitude, à la lecture des débats et de l'avis du Comité consultatif national d'éthique (CCNE), qui, depuis plus de vingt ans, nous enjoint de légiférer pour légaliser la PMA après la mort du père biologique. Dans cette situation particulière, au nom de quelles valeurs devrions-nous interdire à une femme majeure, qui a un projet parental, de le mener à bien ?
J'entends certes les risques de pressions, mais je vois dans l'amendement de M. Jean-Louis Touraine plusieurs mesures sécurisantes, tels le consentement éclairé, qui peut être annulé à tout moment, et le délai minimal et maximal. Je ne crois donc pas que ces hypothétiques pressions soient de nature à créer une difficulté.
Nous devons plutôt nous demander si cette situation aura un effet sur l'enfant à naître ou sur l'accomplissement du deuil pour la future mère. Je dois dire que l'avis du CCNE nous incline plutôt à légiférer dans le sens proposé par le rapporteur.
Le sujet est extrêmement sensible. J'aimerais qu'on se place, l'espace d'un instant, à hauteur de l'enfant conçu de cette manière, dont plusieurs orateurs se sont interrogés sur la charge qu'on allait faire peser sur ses épaules. Nous ouvrons la PMA aux femmes seules. Si l'on refuse à une veuve l'accès aux gamètes de son défunt mari tout en lui permettant de s'engager dans un parcours de PMA avec tiers donneur, quel poids fait-on potentiellement peser sur les épaules de l'enfant à naître, lui qui sera un enfant de remplacement et non pas celui qui était imaginé dans le cadre du projet parental ? Encore une fois, je regrette qu'on n'ait pas entériné, hier, la notion de projet parental, qui me semble essentielle. Comme le disait Mme Rossi, il faut faire confiance aux femmes. Une femme sait quel est le meilleur projet pour son enfant et pour elle, et dans quelle mesure elle pourra élever cet enfant dans les meilleures conditions, sans faire peser le poids du deuil.
Prenons conscience que, même si l'on n'a recensé que dix cas en une dizaine d'années, ces personnes ont quand même dû emprunter des parcours judiciaires extrêmement lourds, qui s'apparentent beaucoup, en plus de l'épreuve du deuil, à une espèce de châtiment imposé pour la simple raison que nous ne savons pas prendre parti sur cette ouverture. Je pense donc qu'il faut régler cette question, ne serait-ce que pour ces dix femmes.
On voit bien la terrible impasse éthique et juridique dans laquelle on se trouve désormais pour avoir ouvert l'accès de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules. J'entends tous les arguments en faveur et en défaveur de la possibilité de procréation post mortem. À partir du moment où la volonté prime sur tout le reste – puisque tel est bien le fondement des dispositions présentées –, il n'y a pas d'autre possibilité que d'emprunter cette voie, par cohérence, par esprit de justice et aussi parce que, quand bien même il n'y aurait que peu de cas, si la loi ne fixe pas une règle, la jurisprudence s'y emploiera. Cela dit, il me paraît très regrettable que l'État, le législateur soit obligé d'entrer dans le très intime des personnes pour déterminer qui a droit à tel type d'enfant. On est très éloigné de ce qui me semble être l'éthique à la française.
Je suis favorable à l'ouverture de la PMA à toutes les femmes. Ce qui guide mon choix, c'est le projet parental. Or, si je pense à ce projet parental et à l'intérêt de l'enfant, je ne peux pas concevoir la PMA post mortem comme possible. À partir du moment où une femme perd son mari, il me semble que son projet de vie devient nécessairement autre, qu'un basculement s'opère. Même si, évidemment, je fais confiance aux femmes, la situation nouvellement créée n'a, à mes yeux, rien à voir. Ce qui me guide au plus haut point, c'est l'intérêt supérieur de l'enfant. Il me semble que, dans le processus de construction identitaire de l'enfant, ce serait vraiment catastrophique de naître dans ces conditions.
Le sujet est éminemment difficile. Même si les cas restent peu nombreux, il soulève nombre de questionnements. Pour ma part, n'étant pas favorable à la PMA pour les femmes seules, il m'est sans doute plus facile de me prononcer sur ce sujet. J'observe que, non seulement il y a peu de cas, mais que les risques encourus semblent nombreux et qu'on ne les mesure pas forcément tous. On se sent l'obligation de légiférer systématiquement sur des situations peu fréquentes. Pour ma part, j'engage à la prudence et à ne pas chercher à légiférer sur tout. La jurisprudence peut se prononcer sur de tels cas. Il faut plutôt, à mon sens, rester en retrait et ne pas vouloir toujours tout encadrer jusqu'au plus petit détail – on ne pourra pas le faire, et je ne crois pas que ce soit l'objet de la loi.
Selon les chiffres qui m'ont été communiqués, on a connu quatre situations de ce type dans le passé. Même si l'on est à l'échelle de l'epsilon, il faut aussi prendre en compte la cause du décès du conjoint : est-ce un décès accidentel, une pathologie ? Le cas échéant, cette dernière est-elle héréditaire, dominante, transmissible ? Cela soulève beaucoup de questions.
Les législateurs que nous sommes sont appelés à s'interroger sur des techniques qui auraient peu ou prou évolué. En l'occurrence, ce n'est pas le cas : la PMA post mortem ne fait pas appel à une technique novatrice. Depuis le début de notre discussion sur le projet de loi, notre fil conducteur est le projet parental. Je souhaite vraiment que nous l'ayons à l'esprit tout au long de notre réflexion.
Je remercie notre rapporteur, parce que chaque ligne de son amendement est marquée par la prudence ; son initiative consacre avec humanité cette pratique, dans le respect du projet parental. Ces situations sont extrêmement rares, mais elles nous parlent d'histoires de vie, d'amour. Un grand nombre d'enfants naissent tous les jours dans un contexte facile, biologique, mais sont-ils le fruit de l'amour ? L'étayage formidable pour un enfant, pour se construire, connaître une adolescence solide, devenir un adulte équilibré est bien, à chaque instant, de savoir qu'il est le fruit du désir parental, d'un amour qui peut dépasser la mort. Qui sommes-nous, législateurs, pour nous substituer à ce désir ? L'enfant existe même quand le père disparaît, quelle qu'en soit la raison, dans la parole de la mère au quotidien. J'espère donc que vous voterez l'amendement du rapporteur.
L'organisation de nos débats est un peu compliquée : alors que nous débattons, en théorie, des premiers amendements en discussion commune, c'est l'amendement n° 2238 de M. Touraine, qui porte sur l'alinéa 5, qui est affiché.
Je m'interroge sur l'insémination post mortem, en ce qu'elle établira une filiation avec une personne décédée. Pour ma part, je présenterai ultérieurement un amendement qui vise à autoriser une femme seule à recourir à l'insémination post mortem dans le cadre d'un don dirigé, en utilisant les gamètes ou l'embryon déjà réservés pour ce projet, mais en limitant la filiation à la femme seule.
Comme le disait mon collègue Saulignac, nous sommes au coeur de ce qu'est une loi de bioéthique, dans la mesure où il nous est demandé de choisir entre le souhaitable et le possible. Pour ma part, j'ai longtemps estimé que ce qui doit primer, c'est l'équité des droits et qu'à partir du moment où nous ouvrons la PMA aux femmes seules, la logique commanderait de l'étendre aux femmes devenues seules. Toutefois, à la réflexion, à l'écoute des débats, je me pose deux questions. Premièrement, y a-t-il un véritable parallélisme des vies, en vertu duquel la loi devrait intégrer un parallélisme des droits ? Les deux cas précités ne sont pas du tout comparables : une femme seule et une femme devenue seule sont titulaires des mêmes droits mais ne s'inscrivent absolument pas dans le même contexte social. Deuxièmement, peut-on considérer que l'enfant à naître connaîtra les mêmes conditions de naissance, un environnement familial et social comparable à celui d'un enfant né d'une PMA accomplie par une femme seule ? Je ne le pense pas davantage. Je ne suis pas sûr que cette disposition contribue à l'équilibre que le projet de loi s'efforce en permanence de maintenir entre le droit des femmes et l'intérêt de l'enfant.
J'ajoute un élément de droit, en appelant à la prudence concernant les dons dirigés – ce qui ne concerne pas l'amendement de M. Jean-Louis Touraine. Sommes-nous capables d'intégrer la jurisprudence à notre réflexion ? Après avoir pensé autre chose, il y a encore quelques jours ou quelques heures, je donne plutôt un avis défavorable aux amendements portant sur cette question très sensible.
L'amendement du rapporteur me paraît procéder d'une réflexion très aboutie. Il n'a pas pour objet d'introduire une quelconque transgression, mais d'assurer la transmission. On ne souhaite pas transgresser et dépasser la mort, mais rendre présent l'absent et transmettre quelque chose du couple. Si le couple conjugal est, par définition, fini, le couple parental reste à construire. Cet amendement vise à ce que la parentalité voie le jour et se développe, sans aucun déni du deuil, dont le dernier stade est l'acceptation et l'espoir. La possibilité de l'insémination par un don, non pas anonyme mais identifié, rendrait présente la figure du père, dont l'importance a été rappelée ici à de nombreuses reprises. Les pères absents deviennent présents dès lors que la mère dit à l'enfant : « c'était ton père ». Je crois que cet amendement s'inscrit pleinement dans la logique de la transmission de la vie, parce que la vie doit l'emporter sur la mort.
L'amendement de notre collègue Touraine est parfaitement cohérent avec le projet de loi, même si c'est une cohérence dans laquelle, personnellement, je ne me reconnais pas. Cela montre bien l'effet domino de ce texte. À partir du moment où on reconnaît la PMA pour toutes, y compris pour des femmes célibataires, on ne voit pas au nom de quoi on imposerait à une veuve de renoncer à son projet parental, au fruit de son amour, en la contraignant éventuellement à repasser par la case départ pour avoir recours à un tiers donneur anonyme. Le texte, en l'état, est donc totalement illogique. Cela montre bien l'impasse dans laquelle il nous mène.
L'État a, d'une certaine façon, la mainmise sur la procréation. Des attentes existent, des questions sont soulevées ; on entend une demande de légalisation ou, à tout le moins, de définition de règles pour éviter que la jurisprudence puisse faire, si j'ose dire, tout et n'importe quoi. Demain, on aura peut-être d'autres questions, et ainsi de suite. C'est là l'effet domino que nous dénonçons – même si, encore une fois, je reconnais la cohérence parfaite, la logique implacable de la disposition qui est proposée par notre collègue Jean-Louis Touraine et par les auteurs des autres amendements. Néanmoins, cette logique ne peut pas être suivie, sans que cela retire en rien toute empathie pour le projet parental, que nul ne conteste. La loi n'a pas vocation à prévoir tous les cas de dons d'amour, de projet parental, à moins de vouloir instaurer une forme de mainmise de l'État sur la procréation. On fait, finalement, peu de cas de l'intérêt de l'enfant.
Nos discussions sont très enrichissantes mais quelque peu contradictoires. Quand j'entends une collègue dire qu'un enfant est le fruit d'un amour, cela met en question, à mes yeux, la PMA pour les femmes seules. Il faut s'efforcer, selon moi, de simplifier les choses. L'amendement est très long, car il s'emploie à préciser, peut-être au-delà du nécessaire. Il faut revenir aux choses simples. Comme le disait notre collègue Hammouche, cette question nous renvoie à la mort. Face à cette réalité brutale, il faut aller de l'avant et pas en arrière. La vie est toujours plus forte. Il faut laisser à la femme la chance de repartir de l'avant, de rebondir.
Pour faire écho aux propos de notre collègue Véran, ce débat, dont on perçoit sans conteste la dimension sensible, nous honore. Je suis de ceux dont la position a évolué au cours de la discussion. J'étais plutôt favorable à la PMA post mortem, mais, à l'écoute de nos discussions, j'ai changé d'avis.
Je définirai d'une manière un peu différente de Mme Martine Wonner ce qu'est une loi de bioéthique : à mes yeux, elle doit assurer l'adéquation entre la science, le droit et l'évolution de la société. C'est la raison pour laquelle on révise ces lois à échéances régulières : aujourd'hui, tous les sept ans, demain, peut-être, tous les cinq ans. On doit prendre en considération, à mon sens, l'état de la société. Je ne suis pas sûr, en entendant les uns et les autres, que nous ayons une position très claire sur un sujet aussi sensible. On se fonde sur le projet parental, mais ce n'est pas un mot magique. Il justifie qu'on prenne en considération la volonté des individus d'avoir un enfant, mais aussi – c'est le rôle de la loi, et c'est ce qui arrête l'effet domino qu'évoquait notre collègue Gosselin – qu'on fixe une limite. En l'occurrence, à mon avis, on va trop loin. J'ai le sentiment, eu égard à l'état de la société, que nous ne sommes pas prêts. C'est pourquoi il faut, me semble-t-il, s'en tenir au texte du Gouvernement.
J'apprécie beaucoup ce débat, mais j'avoue que je suis pris aussi d'un certain vertige. Je me demande si nous ne succombons pas à une sorte d'ivresse qui nous conduirait à nous prendre un peu pour Dieu ou, comme diraient certains, pour le grand architecte. Je m'interroge : quelles limites doit-on se fixer ? Où réside la frontière de la vie ? Je crois sincèrement que nous devons agir avec prudence et, entre technique et éthique, ne pas basculer dans une « science sans conscience ». Donner la vie après la mort de manière consciente est, me semble-t-il, une question bien plus complexe qu'il n'y paraît. Nous devons veiller à ne pas franchir certaines limites. Le projet parental dont on nous parle, n'était pas, avant la mort du conjoint, de créer un orphelin. Faisons attention !
Je suis d'accord avec notre collègue Gosselin, sans en tirer les mêmes conclusions, évidemment. Ayant proposé un amendement d'esprit similaire, nous considérons que l'amendement du rapporteur doit être voté à partir du moment où l'on est favorable à l'extension de la PMA. Ce qui nous guide, dans le cadre de l'examen de ce projet de loi, c'est la recherche de l'égalité. Un collègue évoquait tout à l'heure les difficultés que susciterait la filiation avec une personne décédée, mais cela existe déjà. Lorsqu'un couple veut avoir un enfant, personne ne conteste le fait que la mère puisse lui donner naissance si le père est mort entre-temps. Il en va de même dans le cas où un père, se sachant condamné, décide de manière lucide et réfléchie, avec la mère, de donner malgré tout la vie. À partir du moment où on admet la PMA comme un moyen de donner la vie, je ne vois pas pourquoi on introduirait une inégalité.
Par ailleurs, à l'heure actuelle, vérifie-t-on si, dans le cadre des dons anonymes, des gamètes ne sont pas utilisés alors que le donneur est mort entre-temps ? Ce cas doit se produire, puisqu'on ne peut le vérifier qu'au bout d'un an – et encore les centres d'étude et de conservation des oeufs et du sperme humains (CECOS) nous disent qu'ils ne peuvent pas le vérifier dans toutes les situations.
Enfin, une fois que le choix de la PMA a été fait, avec un père que l'on a choisi, je ne sais pas s'il n'est pas plus traumatisant d'avoir affaire à un donneur anonyme.
Par conséquent, il faut voter l'amendement n° 2238 du rapporteur.
Au-delà des arguments relatifs à la cohérence défendus par mes collègues, je veux rappeler à ceux qui évoquent l'opportunité de laisser la jurisprudence se positionner qu'elle l'a déjà fait. En 2016, le tribunal administratif de Rennes a enjoint au centre hospitalier de Rennes d'exporter le sperme du mari décédé d'une jeune femme pour une insémination à l'étranger. Le Conseil d'État a également autorisé un transfert de sperme. Il me semble que les magistrats envoient au législateur un message qu'il serait opportun d'entendre.
Par ailleurs, nous ne défendons pas l'idée qu'il serait souhaitable de poursuivre un projet de PMA après le décès du conjoint, car nous ne pouvons pas préjuger de l'opportunité de poursuivre le projet parental, qui dépend des situations individuelles ; nous défendons la possibilité de faire un tel choix. Maintenir l'interdiction, c'est juger a priori de l'inopportunité de poursuivre le projet et empêcher toute réflexion autour.
Nous sommes au coeur de ce qu'est, pour moi, un projet de loi relatif à la bioéthique, puisque nous sommes mis face à des choix qui n'ont rien d'évident, et que personne ne peut dire, au sein de notre commission, qu'il a raison et que l'autre a tort, quels que soient les arguments employés.
Certains ont rapproché l'ouverture de la PMA aux femmes seules et l'autorisation de la PMA post mortem. Je ne crois pas qu'ouvrir la PMA aux femmes seules entraîne nécessairement l'ouverture de la PMA post mortem. Je suis donc défavorable aux différents amendements.
Examiner un projet de loi relatif à la bioéthique, c'est se poser à chaque instant la question de la conciliation entre ce qui est techniquement possible et ce qui est éthiquement souhaitable. Pour les raisons qui ont été invoquées, de l'évolution de la nature du projet parental, de l'intérêt de l'enfant, qui doit tous nous guider, que nous revendiquons à chaque instant dans nos interventions et qui est ici potentiellement en contradiction avec l'intérêt de la femme, de la définition du bon délai, qui garantisse le respect du deuil tout en permettant que le projet ne soit pas réalisé trop longtemps après le décès, des questions techniques et successorales ou encore des risques de pressions familiales sur la femme, je considère qu'il est éthiquement souhaitable de ne pas ouvrir l'accès à la PMA post mortem.
Je vous remercie tous pour vos divers points de vue et cette réflexion commune, qui est délicate. Chacun a conscience d'avoir évolué vers un point de vue qui n'est pas forcément superposable à celui qu'il avait a priori. On se rend compte qu'il y a, sur cette question, des options diverses qui sont toutes légitimes.
Nous pouvons, par notre vote, témoigner de notre confiance à des femmes qui ont certes traversé une période difficile de leur vie, mais qui se sont reconstruites et qui choisissent, en responsabilité, après avoir eu toutes les informations souhaitables, soit d'interrompre le projet parental qu'elles avaient formé avec leur conjoint, soit de le poursuivre. Faisons-leur confiance. Quel serait l'intérêt supérieur de l'enfant, en plus de l'intérêt de ces femmes ? N'est-il pas de naître dans cette famille qui l'a conçu, espéré et aimé avant même qu'il ne se soit développé ? Les deux autres possibilités seraient que l'enfant naisse dans une autre famille – quitte à ce qu'il vienne, dix-huit ans plus tard, trouver cette femme qui lui expliquerait ce que la loi l'a obligée à faire – ou que l'embryon soit détruit. L'embryon n'a pas d'autre issue. S'il est proposé à la recherche, il sera détruit après quatorze jours. En définitive, nous devons réfléchir à l'intérêt supérieur de l'enfant, tout autant qu'à l'intérêt de la femme concernée et à son aptitude à choisir, en son âme et conscience.
Nous sommes encouragés en ce sens par tous les organismes qui se sont penchés sur la question, que ce soit le Comité consultatif national d'éthique, le Conseil d'État ou beaucoup des personnes auditionnées. Ils ne le font pas de gaieté de coeur, parce qu'ils ont, eux aussi, été partagés entre des sentiments contradictoires, mais, après réflexion, il leur semble que la solution la plus favorable était de laisser la femme choisir ce qui lui paraît bénéfique pour elle et son enfant.
Monsieur de Courson, je vous rassure, je propose deux amendements : l'amendement n° 2238 a trait à la transmission des gamètes et des embryons et l'amendement n° 2232 à la transmission des seuls embryons. Ce sont, en effet, des questions un peu différentes, certains pouvant considérer que l'embryon représente un stade plus avancé dans le projet parental et qu'en tant que tel il ne peut qu'être ou détruit ou développé pour devenir un enfant dans cette famille qui l'a espéré.
Enfin, j'ai beaucoup entendu parler des risques de pression, auxquels je suis sensible. Mais nous avons déjà la réponse à cette question, qui se pose également dans le cas, un peu comparable, des dons d'organe du vivant. Nous nous sommes prémunis contre la crainte qu'un donneur de rein soit soumis à la pression de sa famille, en organisant une visite du donneur seul auprès d'un juge, afin qu'il atteste qu'il n'est soumis à aucune pression. Il n'y a jamais eu, en France, aucune pression qui ait conduit à des prélèvements abusifs.
Tel est, mes chers collègues, après vous avoir tous entendus, le fruit de ma réflexion. Je vous remercie encore très chaleureusement pour vos interventions, et vous suggère de retirer les amendements précédant les miens.
Mon amendement n° 1532 ayant été coupé en deux, je le retire au profit de l'amendement n° 2238.
L'amendement n° 1532 est retiré.
Les amendements n° 1549 et n° 1828 sont retirés.
Même si je fais confiance à notre assemblée pour voter l'amendement n° 2238 du rapporteur, je maintiens mon amendement n° 1905.
La commission rejette l'amendement n° 1905.
L'amendement n° 1534 de M. Matthieu Orphelin est retiré.
La commission adopte l'amendement rédactionnel n° 2124 du rapporteur.
Puis, suivant l'avis défavorable du rapporteur, elle rejette l'amendement n° 544 de Mme Annie Genevard.
Elle en vient à l'amendement n° 383 de M. Charles de Courson.
Ne faut-il pas distinguer les gamètes des embryons ? Il me semble que, pour ceux qui sont dans la logique du texte, on ne peut pas assimiler les gamètes à un embryon, qui est un être en devenir. Refuser à une femme qui vient de perdre son mari d'implanter des embryons qui étaient prêts à l'intervention, ce n'est pas la même chose que de conserver les gamètes du défunt. Si M. le rapporteur propose deux amendements, il ne nous a pas indiqué sa préférence.
Par ailleurs, nous parlons du cas des veuves, mais il faudrait aussi parler de celui des veufs !
Non ! Mais si vous êtes veuf et que vous perdez votre femme, alors que vous vous étiez lancés dans un processus de PMA et que des embryons ont été formés, est-il choquant, dans la logique de votre texte, d'essayer de trouver une femme tierce pour porter ces embryons ? Il faut aller jusqu'au bout, sans quoi vous allez créer une discrimination entre les femmes et les hommes. Il faut parler des deux situations.
Mon amendement vise à vous faire choisir l'amendement du rapporteur qui prend en compte les seuls embryons, les gamètes étant détruits en cas de décès.
Monsieur de Courson, si je vous ai bien compris, vous êtes d'accord pour retirer votre amendement en faveur de mon amendement n° 2232 ?
La commission rejette l'amendement n° 383.
Elle examine, en discussion commune, les amendements n° 1777 de M. Raphaël Gérard, n° 2238 du rapporteur, n° 2096 de M. Didier Martin faisant l'objet du sous-amendement n° 2268 de M. Erwan Balanant, n° 2094 de M. Bruno Fuchs, n° 2089 de M. Matthieu Orphelin, n° 1911 de Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel, n° 1550 de M. Bruno Fuchs, n° 1908 de M. Didier Martin, n° 2058 de M. Pascal Brindeau, n° 2232 du rapporteur, les amendements identiques n° 1037 de Mme Émilie Bonnivard, n° 1678 de Mme Annie Vidal, n° 1705 de Mme Claire Pitollat et n° 1949 de Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon, ainsi que les amendements n° 1663 de M. Bastien Lachaud et n° 2229 de Mme Sylvia Pinel.
L'amendement n° 1777 est retiré.
Nous avons bien compris que c'est l'amendement n° 2238 qui a la préférence du rapporteur. Nous vous alertons depuis des heures. L'inévitable effet domino du projet de loi va nous entraîner dans des impasses éthiques. Il est dangereux de se fonder sur le projet parental. L'intérêt de l'enfant, que l'on oublie en ce moment dans nos discussions, doit primer sur la volonté de la veuve. Faisons attention quand on invoque le concept d'amour, qui est subjectif et risqué en droit. Prenons également garde à la tentation de l'immortalité. Jusqu'où irons-nous ? Quel sera le rapport de notre société au réel ? Quel sera son rapport au temps ?
Monsieur le rapporteur, votre amendement concerne l'embryon mais aussi l'insémination des gamètes. La mise à disposition des gamètes du conjoint décédé pose également la question de la non-patrimonialité du corps. Soyons très prudents avec ces gamètes qui ne peuvent pas être mis sur le même plan que des embryons créés en présence des deux personnes vivantes. Pour toutes ces raisons, je vous invite à vous opposer à l'amendement n° 2238 du rapporteur.
C'est un débat difficile, dans lequel il n'y a pas d'évidence. Néanmoins, il me semble faux d'avancer que le projet parental serait rompu au moment du décès de l'un des conjoints, puisque l'autorisation préalable inscrit cette éventualité dans le projet parental. Le couple s'étant déjà prononcé sur une telle possibilité, je ne vois aucune rupture du projet parental.
Par ailleurs, la question relève de la responsabilité de chacun : des adultes peuvent décider en conscience. Le délai laisse également la possibilité de changer d'avis. Il ne s'agit pas d'imposer une faculté, mais d'ouvrir un droit à ceux ou celles qui le souhaitent. L'amendement n° 2238, que nous soutenons, vise, ni plus ni moins, à offrir à chacun la capacité de gérer sa vie et d'être responsable de ses décisions.
L'amendement n° 2096 vise à introduire la notion de délai durant lequel le recours à la PMA est possible. Ce délai serait défini par le Conseil d'État.
Le sous-amendement n° 2268 vise à encadrer le processus. Notre souhait d'ouvrir la PMA à toutes les femmes entraîne des effets auxquels il faut répondre. L'amendement n° 2238 du rapporteur, tout comme l'amendement n° 2096 sous-amendé par mon sous-amendement, permettent d'exclure tous les risques que nous avons relevés. Si nous ne faisons rien, nous serons dans une situation très difficile : des recours devant le Conseil d'État risqueront d'allonger les délais et de poser de vrais problèmes à un certain nombre de femmes. Définissons un cadre et votons pour l'amendement du rapporteur.
Les amendements n° 2089 et n° 1911 sont retirés.
L'amendement n° 1550 vise à fixer un délai encadrant la période pendant laquelle on peut faire le choix de l'insémination, de douze à trente-six mois après le décès. Je le retire.
L'amendement n° 1550 est retiré.
L'amendement n° 1908 vise à définir un délai de réflexion de six mois après le décès et à laisser au maximum deux ans pour avoir recours à la PMA post mortem.
L'amendement n° 2058 est retiré.
L'amendement n° 2232 est un amendement de repli, qui vise à autoriser le seul transfert d'embryons. Dans le premier cas, je proposais la possibilité de transférer soit les gamètes, soit l'embryon. Il faut comprendre que, même lorsqu'il s'agit de spermatozoïdes, le projet parental peut déjà être relativement avancé. J'ai ainsi connu le cas d'un homme atteint d'un cancer évolutif qui a conservé ses spermatozoïdes avant une chimiothérapie. Sa femme a entrepris une insémination artificielle du vivant de son mari. Malheureusement, la maladie a évolué. L'insémination n'ayant pas réussi à la première tentative, la femme a demandé d'utiliser les spermatozoïdes. Le projet était déjà très avancé, même sans fécondation in vitro ni embryon. À vous de voir, en toute conscience, dans quelle mesure vous souhaitez restreindre cette évolution au seul cas de l'embryon ou l'étendre au cas plus large des embryons et des gamètes.
Les amendements n° 1678, n° 1705 et n° 1949 sont retirés.
L'amendement n° 1663 s'inscrit dans le même esprit que l'amendement n° 2238 du rapporteur, si ce n'est que nous proposons d'étendre le délai pendant lequel la PMA est possible, pour tenir compte des éventuels problèmes de succession.
L'amendement n° 2229 est retiré.
La commission rejette successivement l'amendement n° 2238, le sous-amendement n° 2268, ainsi que les amendements n° 2096, n° 2094, n° 1908, n° 2232, n° 1037 et n° 1663.
La réunion, suspendue à onze heures quinze, reprend à onze heures vingt-cinq.
La commission adopte successivement les amendements rédactionnels n° 2237, n° 2126 et n° 2125 du rapporteur.
Elle examine, en discussion commune, les amendements n° 1396 de M. Jean-François Mbaye et n° 1973 de Mme Michèle de Vaucouleurs.
La jurisprudence du tribunal administratif de Rennes, en janvier 2016, qui a autorisé le rapatriement des gamètes d'un mari décédé, en faisant un contrôle de conventionalité fondé sur l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme, m'a inquiété. C'est pourquoi j'ai tenu à ce que nous puissions engager cette discussion sur la PMA post mortem avec cet amendement n° 1396.
L'amendement n° 1973 vise à donner à une femme dont le conjoint est décédé la possibilité de poursuivre le projet d'AMP qui était engagé. L'AMP étant ouverte aux femmes seules, rien ne s'oppose à ce qu'elles puissent bénéficier de ce qui pourrait s'apparenter à un don dirigé au sein du couple. Le consentement à l'AMP pourrait notamment envisager cette disposition. Toutefois, la filiation serait alors établie au nom de la mère et, le cas échéant, de son nouveau conjoint. Les conditions encadrant ce don dirigé, notamment dans le temps, seraient précisées par décret.
La commission rejette successivement les amendements n° 1396 et n° 1973.
Elle est saisie de l'amendement n° 1021 de Mme Emmanuelle Ménard.
En son alinéa 6, l'article 1er prévoit que l'âge requis pour bénéficier d'une PMA soit fixé par décret, ce qui le rendrait plus facilement modifiable puisqu'il échapperait ainsi au contrôle du législateur. Nous avons tous en tête des cas extrêmes, telles ces femmes qui, l'une en Inde, est devenue mère à plus de soixante-dix ans, et l'autre en Espagne, a eu des jumeaux à près de soixante-sept ans. Or les risques de complications d'une grossesse augmentent avec l'âge de la mère. Fixer l'âge par décret pose problème dans la mesure où l'on pourrait tout à fait assister à une pression sociale. Comme on veut étendre aujourd'hui la PMA aux couples de femmes ou aux femmes seules, pourquoi ne pas décider demain qu'une femme de soixante ans, soixante-dix ans voire davantage pourrait, toujours au nom de la sacro-sainte égalité, bénéficier d'une PMA ?
Votre présentation est quelque peu contradictoire. En supprimant l'alinéa 6, vous laissez toute liberté de recourir à l'assistance médicale à la procréation à n'importe quelle condition d'âge.
L'important, c'est que la loi précise qu'il y aura des conditions d'âge, celles-ci étant fixées par la voie réglementaire, après avis de tous les experts, en particulier de l'Agence de la biomédecine, et pouvant éventuellement être modifiées en fonction de l'évolution des techniques.
Ce débat a déjà eu lieu lors de l'examen des précédentes lois de bioéthique. Toutes les positions avaient été défendues, y compris celle consistant à fixer un âge différent pour les femmes et pour les hommes. La sagesse l'ayant emporté, nous avions adopté un texte qui ne fixait pas d'âge pour les femmes compte tenu de leur extrême diversité au regard de la capacité à procréer, mais prévoyait d'examiner la situation de santé de la femme, certaines femmes pouvant procréer jusqu'à cinquante ou cinquante-deux ans, d'autres étant ménopausées à trente-cinq ans.
Les hommes aussi avaient fait l'objet d'un grand débat puisque, techniquement, ils peuvent concevoir un enfant jusqu'à l'âge de soixante-dix ou soixante-quinze ans. Je crois me souvenir que, pour eux, nous avions fixé un âge sociétal de soixante ou soixante-cinq ans.
Je souhaiterais savoir ce que le Gouvernement envisage en la matière. Lors de leur audition dans le cadre de la mission dont vous étiez le rapporteur, les ministres nous avaient donné des indications. En tout cas, la rédaction actuelle n'est pas bonne. On ne peut pas dire qu'un décret fixera un âge. Il faut laisser davantage de souplesse, notamment pour les femmes.
Les conditions d'âge requises pour bénéficier d'une AMP ne sont pas fixées dans la loi mais par décret en Conseil d'État, pris après avis de l'Agence de la biomédecine. Les âges que vous évoquez n'étaient pas fixés dans la loi ; il s'agissait de recommandations de l'Agence, qui n'auraient que cette valeur si la loi ne mentionnait pas de limitations d'âge.
C'est le décret qui les indiquera, aussi bien pour les femmes que pour les hommes, puisque, pour les unes comme pour les autres, mais pour des raisons différentes, il est dangereux de recourir à une PMA à un âge avancé, dans l'intérêt tant des parents que des enfants. Les problèmes tiennent à la capacité de procréation mais aussi à diverses maladies.
L'alinéa 6 pose, je le crois, les conditions souhaitables ; il ne faut donc pas le supprimer. L'Agence de la biomédecine a fixé des âges – soixante ans pour les hommes, je crois. Tout cela sera indiqué dans le décret.
Je suis assez sensible aux arguments de M. de Courson sur les bornes d'âge. Par le renvoi au décret, le législateur sera dessaisi d'une question importante – jusqu'à quel âge ? – des points de vue à la fois éthique, moral, sociétal, médical et scientifique. C'est un débat dont nous sommes un peu privés. Pourrions-nous avoir, d'ici à l'examen en séance publique, des indications un peu plus précises sur les orientations qui pourraient être prises dans le cadre de la rédaction du décret ?
Il est dommage que le conseil des ministres empêche Mme la ministre d'être présente ce matin, car la question du décret est fondamentale. Surtout, le texte pèche par son imprécision concernant l'âge pour les hommes également dans les articles relatifs à la conservation et à l'utilisation des gamètes. Sans même évoquer la PMA post mortem, dans les cas où des hommes sont très âgés, la question de l'intérêt de l'enfant se pose. Des dérives sont déjà observées aujourd'hui, avec des personnes qui se présentent alors qu'elles avaient déjà eu un parcours d'AMP en 1980. Il faut pouvoir réguler, encadrer de manière très précise. C'est pourquoi il est nécessaire que la ministre nous indique quel sera le contenu du décret de sorte que nous sachions ce que compte faire le Gouvernement en la matière.
La commission rejette l'amendement n° 1021.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements identiques n° 9 de M. Xavier Breton et n° 197 de M. Patrick Hetzel, l'amendement n° 637 de M. Thibault Bazin, les amendements identiques n° 10 de M. Xavier Breton, n° 198 de M. Patrick Hetzel, n° 639 de M. Thibault Bazin et n° 1048 de M. Philippe Gosselin, ainsi que l'amendement n° 526 de M. Patrick Hetzel.
L'amendement n° 9 tend à prévenir les abus dans la rédaction du décret. Demander que l'homme et la femme formant le couple soient vivants, en âge de procréer et aient consenti préalablement au transfert des embryons humains ou à l'insémination permettrait d'encadrer de manière raisonnable le décret à venir.
L'amendement identique n° 197 vise à assurer une plus grande sécurisation, y compris juridique. Il convient de préciser clairement que le couple doit être vivant, en âge de procréer et qu'il ait donné son consentement explicite. C'est là un triptyque de conditions qui doivent être réunies en même temps.
L'amendement n° 10 est de repli. Il s'agit d'indiquer expressément que l'âge limite de la femme pour bénéficier d'une AMP est fixé à quarante-trois ans, qui est aussi l'âge limite de la prise en charge d'une fécondation in vitro (FIV) par la sécurité sociale et celui qui permet d'attendre des taux de grossesse réalistes.
Il est gênant d'aborder ce sujet alors que la ministre n'est pas là pour nous indiquer quelles orientations elle compte donner pour la rédaction du décret. Cela pose un problème de méthode, puisque nous présentons des amendements pour ouvrir le débat mais n'obtenons pas de réponses. Si nous connaissions les intentions du Gouvernement, nous ferions un travail un peu plus sérieux !
Il est vrai que l'éclairage du Gouvernement sur ce point précis serait très utile puisque, hier soir, la ministre a indiqué que certaines choses étaient techniquement possibles mais éthiquement pas souhaitables.
Comme l'a indiqué M. Xavier Breton, dans un but de sécurisation et pour éviter toute dérive, je propose, par l'amendement n° 198 de repli, de fixer un âge limite de quarante-trois ans pour la femme. À un moment donné, il faut poser une borne, tout le débat étant de savoir quelle est celle qui est légitime. La question, il est vrai, peut être traitée par décret, mais il nous faudrait quelques garanties.
Avec un taux de grossesse par PMA de moins de 5 % chez les femmes de plus de quarante-deux ans, il est vraiment raisonnable de fixer la limite d'âge de la femme pouvant bénéficier d'une AMP à quarante-trois ans, âge également limite pour la prise en charge d'une FIV par la sécurité sociale. Cela permettrait d'éviter une forme d'acharnement procréatif. Tel est l'objet de l'amendement n° 639.
Il faut une forme de parallélisme, sinon des compétences, au moins des dates. C'est l'objet de l'amendement n° 1048. La sécurité sociale a fixé la limite d'âge pour la prise en charge des FIV à quarante-trois ans ; il serait idéal d'en faire de même pour l'AMP.
Je ne suis pas opposé par principe à ce qu'un décret puisse établir d'autres limites, mais avant de confier cette responsabilité au Gouvernement, il serait bon qu'il puisse nous apporter quelques éclairages. Je suggère que l'on attende le retour de la ministre parmi nous, cet après-midi, pour voter ce point précis. N'y voyez aucune intention polémique ; il s'agit non pas de modifier le débat mais d'avoir des éléments de réponses plus concrets, des orientations plus précises.
L'actualité peut aussi nourrir ce débat puisqu'il ne vous a pas échappé qu'une femme de soixante-quatorze ans a donné naissance en Inde, il y a quelques semaines, à des jumelles. On voit bien quels problèmes vont se poser : lorsque les enfants auront dix-huit ans, leur mère en aura quatre-vingt-douze.
L'amendement n° 526 reprend les conclusions de l'étude d'impact du Gouvernement suggérant de fixer une limite. C'est vraiment le type de sujet sur lequel nous aimerions connaître l'avis du Gouvernement.
Avis défavorable sur ces deux séries d'amendements. Les premiers, parce qu'ils reviennent sur la nécessité que les couples soient composés d'un homme et d'une femme pour pouvoir bénéficier de la procréation médicalement assistée. Les seconds, parce qu'ils tendent à fixer dans la loi une limite d'âge, d'ailleurs pour les seules femmes, en introduisant une confusion entre l'âge autorisé et la limite d'âge pour le remboursement d'une FIV par la sécurité sociale. Tout cela n'est pas abouti.
Il est légitime que la loi précise qu'il y aura des limites d'âge, mais il importe que ce soient les professionnels, et non le législateur, qui les définissent, en fonction des connaissances médicales à un moment donné, aussi bien pour les hommes que pour les femmes. C'est la tâche de l'Agence de la biomédecine et des experts qui sont consultés par elle.
Pour la énième fois, fixer une barrière générale pour les femmes est une totale erreur. Il faut revenir au texte que nous avions précédemment voté, qui prévoyait une appréciation au cas par cas. Certaines femmes ont des enfants par les voies naturelles jusqu'à un peu plus de cinquante ans, tandis que d'autres n'en ont pas à trente ou trente-trois ans. Il faut moduler, pas fixer un âge comme cela.
La question de la limite d'âge interroge le projet parental. Je me réjouis qu'on ait repoussé cette notion de projet parental, parce qu'elle ancrait totalement la question de la filiation dans la volonté et dans le projet. Dès lors, tout est possible, y compris des naissances à des âges totalement périlleux. La limite d'âge est donc une question très pertinente et elle mériterait d'être inscrite dans la loi.
On voit bien que vous tâtonnez dans ce nouveau champ des possibles que vous explorez – un nouveau champ des possibles n'est pas toujours synonyme de progrès. Hier, vous nous avez objecté des arguments sur l'effectivité et l'égalité des droits, sur le fait qu'il faille rembourser la PMA sans père pour toutes les femmes et les femmes seules. Aujourd'hui, si l'on adopte le texte en l'état sans avoir obtenu d'éclairage de la part de la ministre, des personnes n'auront pas les mêmes droits que d'autres à partir d'un certain âge puisqu'elles devront payer la PMA. Tant qu'on ne se sera pas mis d'accord sur ce que devraient être les bornes d'âge et comment devraient évoluer les âges de prise en charge, ce texte pâtira d'une incohérence supplémentaire et vous instaurerez les conditions d'une PMA à plusieurs vitesses. Peut-être faut-il, comme le disaient mes collègues, prendre le temps de discuter davantage et attendre que la ministre revienne pour faire quelque chose de vraiment abouti.
Nous ne sommes pas en Inde ni, pour reprendre l'expression de M. Bazin, dans l'acharnement procréatif. Si la loi devait fixer un âge, ce ne serait qu'un âge chronologique qui n'a souvent rien à voir, aussi bien pour les femmes que pour les hommes, avec l'âge physiologique. L'appréciation de l'âge physiologique et des capacités de la femme de procréer et d'élever des enfants est extrêmement importante. Il faut donc faire confiance au corps médical et à l'Agence de la biomédecine pour indiquer quand la PMA est possible ou pas.
Je suis donc favorable à ce que la loi indique qu'il y aura prise en compte d'une limite d'âge, mais défavorable à ce qu'elle fixe précisément un âge.
J'ai bien entendu que ce qui gêne le rapporteur dans la première série d'amendements, c'est la mention d'un homme et d'une femme. J'en déduis qu'il est d'accord avec les autres critères d'un couple vivant, en âge de procréer et ayant préalablement consenti au transfert des embryons humains ou à l'insémination pour bénéficier d'une PMA. Je retire donc l'amendement n° 9 pour le retravailler d'ici à l'examen du texte en séance publique.
Ce n'est pas parce que j'ai donné une raison évidente de ne pas accepter des amendements qu'il n'y en a pas d'autres secondaires qui emportent le même avis. N'en pas parler ne vaut pas approbation des autres critères que vous énoncez. La seule mention que ces amendements sont en dehors du cadre de la loi suffit à motiver la demande de leur retrait.
Les amendements identiques nos 9 et 197 sont retirés.
Je maintiens l'amendement n° 637, même si je le retravaillerai d'ici à l'examen du projet de loi en séance publique. Je suis très inquiet des évolutions prévues dans le texte.
La commission rejette successivement l'amendement n° 637, les amendements identiques nos 10, 198, 639 et 1048, ainsi que l'amendement n° 526.
Elle est saisie de l'amendement n° 1842 de Mme Aude Luquet.
L'âge de l'homme et de la femme est déterminant, non seulement dans la réussite d'une assistance médicale à la procréation, mais également pour le bien-être de la mère et de l'enfant au regard de pathologies qui se trouvent surreprésentées l'âge avançant. Il convient donc, par cet amendement, d'énoncer clairement que l'âge limite qui doit être fixé par le Conseil d'État s'entend aussi bien pour la femme que pour l'homme.
Je comprends votre intention louable d'apporter cette précision « de l'homme et de la femme », même si elle est sous-entendue. Toutefois, cela exclut les personnes transgenres et obligerait à apporter cette précision complémentaire en plusieurs autres endroits du texte.
Il est effectivement utile de préciser que les conditions d'âge ne concernent pas uniquement la femme, mais bien l'homme et la femme. Je vous propose de retirer votre amendement pour le retravailler en vue de la séance publique.
L'amendement n° 1842 est retiré.
La commission en vient à l'amendement n° 1189 de Mme Marie-France Lorho.
Octroyer au Conseil d'État la possibilité de fixer par décret l'âge idéal de la fécondité est sensé si cette autorité prend en compte le cycle naturel de la fécondité féminine. Sans cette prise en compte, l'institution pourrait être accusée de vouloir distordre la réalité. Il me semble qu'il sera très difficile pour le Conseil d'État de déterminer un âge idéal de la fécondité, car cette période est tacitement déterminée par la loi naturelle.
La modification proposée n'est pas opérationnelle. Elle ne constitue pas un critère juridique suffisant pour fixer une limite d'âge. Parler de l'âge naturel de fécondité n'est pas assez précisément définissable.
Je voterai cet amendement. La notion d'âge naturel de la fécondité constituerait un bon cadre pour la rédaction du décret.
La commission rejette l'amendement n° 1189.
Puis elle examine l'amendement n° 1840 de Mme Aude Luquet.
Afin de déterminer les conditions d'âge requises pour bénéficier d'une PMA, il faut prendre en compte non seulement les risques médicaux de la procréation liés à l'âge, mais aussi l'intérêt de l'enfant. Celui-ci passant par le respect de la place de l'enfant dans les générations familiales, il convient d'énoncer clairement la nécessité de respecter les liens intergénérationnels pour fixer l'âge maximal d'accès à la PMA.
Votre amendement est satisfait. Le projet de loi précise bien que les conditions requises pour bénéficier d'une PMA prennent en compte l'intérêt de l'enfant à naître, ce qui montre la place des enfants dans les générations. C'est d'ailleurs l'avis du Conseil d'État. La précision que vous souhaitez apporter est donc redondante, et je vous demande de retirer cet amendement.
C'est un amendement intéressant. Il eût été bon que Mme la ministre soit présente pour nous indiquer si l'inscription de l'enfant dans les générations familiales sera prise en compte lors de la rédaction du décret.
L'amendement n° 1840 est retiré.
La commission est saisie de l'amendement n° 1353 de Mme Agnès Thill.
Mon amendement vise à préciser le cadre reconnu de l'intérêt de l'enfant.
Ce qui me préoccupe, c'est le consentement. Dans notre droit, il ne justifie pas l'acte, ou alors notre justice deviendrait une justice de contrats, avec toutes les dérives possibles qu'on peut imaginer. D'ailleurs, l'enfant est-il consentant pour ne pas avoir de père ?
Heureusement, la justice française protège les enfants. Elle n'obéit pas à la demande ni au consentement pour avoir ou obtenir. Ce n'est pas une justice de contrats mais une justice de lois et d'éthique que nous devons défendre, avec un parlement qui pense à la dignité de l'enfant.
Enfin, je rappelle que l'article 7 de la convention internationale des droits de l'enfant prévoit que « l'enfant est enregistré aussitôt sa naissance et a dès celle-ci le droit à un nom, le droit d'acquérir une nationalité et, dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d'être élevé par eux. »
Votre proposition est inutile : tout au long du texte il est question de l'intérêt supérieur de l'enfant. On ne va pas préciser que l'intérêt de l'enfant est d'avoir un père, que ce soit pour la PMA ou pour les autres modes de procréation.
Restons-en à la rédaction actuelle du projet de loi, qui énonce que l'intérêt de l'enfant est préservé sans aller jusqu'à spécifier un intérêt particulier comme celui supposé de la présence du père.
Cet amendement est intéressant. Votre réponse me plaît, monsieur le rapporteur, parce que vous dites que l'intérêt supérieur de l'enfant est inscrit à maintes reprises dans le projet de loi – nous vous proposerons toutefois de l'ajouter là où cela n'apparaît pas forcément dans le texte.
Cela dit, nous n'avons pas de définition de ce que recouvre l'intérêt de l'enfant. À cet égard, la déclaration des droits de l'enfant est beaucoup plus complète que ce qu'a pu indiquer le Conseil d'État, qui fait seulement état de la connaissance de ses origines et de la stabilité. On voit bien que d'autres dimensions devraient être prises en compte dans l'intérêt de l'enfant, et il est intéressant d'avoir ce débat.
La commission rejette l'amendement n° 1353.
Puis elle examine l'amendement n° 1975 de Mme Michèle de Vaucouleurs.
Cet amendement tend à préciser que le décret en Conseil d'État pourra prévoir des conditions d'âge différentes si, dans le cadre de l'assistance médicale à la procréation, il y a eu recours ou non à un double don de gamètes ou à un don d'embryons ainsi qu'à des ovocytes auto-conservés. Il ressort, en effet, des auditions que le recours à une AMP pourrait être autorisé à un âge plus avancé en cas de don d'ovocytes ou d'accueil d'un embryon, les risques d'échec de l'AMP étant limités par rapport à une AMP effectuée avec des ovocytes plus âgés.
Je comprends l'intention, mais ce n'est pas dans la loi que ces précisions sont opportunes. Si l'Agence de la biomédecine, qui sera consultée lors de la rédaction du décret, le juge utile, différentes conditions d'âge pourront être fixées. Je ne crois pas que le législateur doive entrer dans ces considérations techniques, qui sont d'ailleurs sujettes à évoluer.
Nous avons discuté des ovocytes auto-conservés dans le cadre de la mission d'information. Le danger, c'est que des femmes, notamment cadres supérieures ou menant une carrière professionnelle, utilisent le dispositif que vous proposez pour différer jusqu'à des âges avancés la conception des enfants qu'elles souhaiteraient avoir.
La commission rejette l'amendement n° 1975.
Elle examine ensuite les amendements identiques n° 1033 de M. Pascal Lavergne et n° 1771 de M. Hervé Saulignac.
Depuis la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, les personnes transgenres peuvent procéder à la modification de la mention de leur sexe à l'état civil sans avoir subi de stérilisation. Ainsi, un homme trans peut porter un enfant et accoucher. De ce fait, il est important de préciser que cette modification de la mention du sexe à l'état civil n'est pas une entrave à la réalisation d'une PMA. Tel est l'objet de l'amendement n° 1033.
L'amendement n° 1771 est identique. Hier, Mme la ministre a indiqué clairement que l'état civil décidait, en toutes choses et en toutes circonstances, de la possibilité d'accéder ou non à une PMA, et qu'une personne trans, en l'occurrence une femme devenue homme, ne pouvait pas procéder à une PMA. Mais cette réponse ne règle pas totalement la question. Quid d'une femme devenue homme qui n'a pas encore changé de sexe à l'état civil, qui procède de manière régulière à une PMA et pourrait vouloir changer de sexe à l'état civil après avoir eu un enfant ? Des personnes trans peuvent parfaitement comprendre que leur intérêt, si elles souhaitent avoir un enfant, est de ne pas changer de sexe à l'état civil, de faire l'enfant et d'en changer après.
Avis favorable. Ces amendements simplifieront les choses, car de tels cas vont se présenter et il faut bien reconnaître la filiation des enfants qui naîtront de ces personnes. Cela ne veut pas dire que les choses sont simples dans de telles circonstances, mais il est prudent d'éviter que la modification récente de la loi n'entrave la possibilité pour ces personnes de mettre au monde des enfants.
Sagesse et prudence commandent donc d'adopter ces amendements.
Sans relancer le débat assez confus que nous avons eu hier soir, j'insiste sur la prudence dont nous devons faire preuve pour ne pas créer de nouvelles discriminations. Aujourd'hui, certaines personnes transgenres ont déjà accès à la PMA au sein d'un couple hétérosexuel. Si l'on ne clarifie pas ce point, on risque de créer des différences de traitement en fonction des statuts des personnes. Ainsi, comme le disait M. Saulignac, les hommes trans se verraient discriminés selon qu'ils auraient ou non effectué leur changement de sexe à l'état-civil.
Je voudrais aussi revenir sur une imprécision de vocabulaire qui m'irrite beaucoup. Un homme trans, ce n'est pas une femme qui décide de devenir un homme. Le seul choix que fait la personne, c'est d'assumer son identité de genre et de se mettre en conformité avec la réalité de son identité. Il est donc bien question d'identité et pas d'un changement qui résulterait d'un caprice ou d'une décision personnelle.
Le projet de loi ne peut pas introduire de nouvelles discriminations pour des personnes aux parcours de vie extrêmement compliqués.
Chers collègues, je vous invite à la brièveté, car nous avons déjà eu un très long débat sur le sujet hier soir.
S'agissant d'une loi de bioéthique, c'est l'honneur de notre assemblée que de permettre que les arguments soient défendus jusqu'au bout.
Les amendements que nous avions déposés pour autoriser la PMA pour toute personne en capacité de procréer ayant été déclarés irrecevables sans que nous comprenions pourquoi, nous appuyons ces deux amendements identiques.
Mon collègue l'a dit, la question de l'égalité doit toujours nous guider dans le vote des amendements. Dans le cas considéré, il y a rupture d'égalité. Le débat d'hier a montré que de nombreux aspects n'ont pas été compris. Nous parlons bien d'hommes assignés femmes à leur naissance qui effectuent une transition vers le genre masculin. Bien qu'ils soient en capacité de procréer, dans la rédaction actuelle du projet de loi, ceux-là ne pourraient pas bénéficier de la PMA en raison de l'indication présente dans leur état civil alors qu'une personne transgenre en couple hétérosexuel qui n'a pas déclaré pas son changement de sexe à l'état civil le peut. Il y a là une anomalie absolue, qu'il est utile et nécessaire de corriger.
Le Conseil d'État a souligné que plusieurs pays européens qui se sont dotés de lois de bioéthique ne définissent pas d'identité de genre pour autoriser la PMA. Enfin, la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) a donné un avis en ce sens.
La garde des Sceaux avait développé, hier soir, des arguments extrêmement convaincants, indiquant notamment les difficultés juridiques que pourrait entraîner une rédaction différente de celle du projet de loi. Son absence au moment où ce sujet éminemment sensible est traité est particulièrement regrettable.
Les ministres, qui se sont largement exprimées hier sur ce sujet, assistent ce matin au conseil des ministres. Je puis vous assurer qu'elles seraient venues si elles l'avaient pu, car elles le souhaitaient vivement.
L'anomalie juridique n'intervient pas nécessairement dans la situation actuelle mais dans l'hypothèse où nous ouvrons le droit à la PMA. Cas d'école : une femme en transition vers le statut d'homme, n'ayant pas déclaré à l'état civil qu'elle est devenue homme, se fait inséminer et accouche ; à l'état civil, elle est considérée comme mère. Si elle assume ensuite sa transition, et devient homme, devient-elle père, par présomption, à l'état civil ou devra-t-elle adopter son enfant comme père ? La situation est inextricable.
L'introduction de la notion de genre fondée uniquement sur la volonté, en évacuant toutes les réalités corporelles et sexuées, aboutit à des impasses. Nous n'avons pas de réponse aux questions simples, comme celle que vient d'énoncer notre collègue, et l'absence du Gouvernement n'aide pas.
J'entends qu'un débat s'est tenu hier, mais il portait sur un amendement dont l'objet était tout autre. Les conditions dans lesquelles nous travaillons sont donc très difficiles. Il est malheureux que l'opposition se retrouve dans l'obligation de défendre les positions des ministres !
La commission rejette les amendements n° 1033 et n° 1771.
Elle est ensuite saisie de l'amendement n° 1835 de Mme Sylvia Pinel.
Le délai nécessaire pour trouver un donneur compatible varie d'un centre à l'autre en fonction du stock de gamètes disponibles dans le centre et des contraintes d'appariement des couples. L'appariement se fait selon certaines caractéristiques morphologiques ou biologiques. L'amendement vise à permettre au couple ou à la femme non mariée demandant un don de gamètes de refuser de subordonner ce don à un appariement correspondant notamment à son origine ethnique. En effet, certaines personnes peuvent voir leurs chances de trouver un donneur diminuer du fait de leur appartenance à un groupe ethnique minoritaire.
D'après les données de l'Agence de la biomédecine, le délai moyen pour bénéficier d'un don d'ovocytes répondant aux critères d'appariement entre la donneuse et la receveuse varie d'un à trois ans, en fonction du nombre de donneuses qui se sont présentées dans le centre. La ressemblance physique ne doit pas nécessairement être une priorité, si les candidats à l'AMP font le choix d'y renoncer. Il faut leur laisser la possibilité de la refuser, s'il n'y a aucune contre-indication, notamment médicale.
Cet amendement est comparable à celui que j'ai défendu hier. J'y suis toujours favorable. Il faut laisser le choix aux personnes d'utiliser ou non l'appariement réalisé par les CECOS. Cela est d'autant plus important pour les minorités ethniques, qui auront un accès limité au don de gamètes.
Si les amendements portant sur cette question n'étaient pas adoptés, ils pourraient être retravaillés en vue de la séance publique, afin de bien faire comprendre à nos collègues que de larges groupes de personnes se trouvent pénalisés si on ne les laisse pas s'exonérer de l'appariement réalisé par les CECOS.
Cette question a été évoquée hier. Je crois avoir entendu Mme la ministre des solidarités et de la santé expliquer que la première question posée par les CECOS est de savoir si les parents souhaitent ou non un appariement. Par conséquent, le choix leur est donné. Cet amendement, comme celui du rapporteur hier, me semblent donc sans objet.
La commission rejette l'amendement n° 1835.
Elle en vient aux amendements identiques n° 2241 du rapporteur et n° 1950 de Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon.
L'amendement n° 2241 porte sur le dispositif de réception des ovocytes de la partenaire (ROPA). Pour diverses raisons, dans un couple de femmes, on peut rencontrer le souhait ou la nécessité que l'une des deux femmes fournisse les ovocytes et l'autre porte l'enfant. Cela peut se produire du fait de certaines maladies ou d'une différence d'âge, si la femme la plus âgée du couple n'a plus d'ovocyte fécondable. Dans de telles circonstances, il s'agit d'offrir la possibilité que la PMA soit réalisée en utilisant les ovocytes de l'une des membres du couple tandis que l'autre membre porte l'enfant.
L'amendement n° 1950 est identique. Alors que nous sommes alertés sur une possible pénurie de gamètes, il permettrait à un couple de femmes d'aller jusqu'au bout de son projet parental. Dans le cas où la première femme aurait un problème de nidification et la seconde, d'ovocytes, la PMA ne nécessiterait pas de don extérieur.
Cette solution n'est absolument pas comparable à une GPA, car personne ne met son ventre à disposition d'autrui. La gestation se fait pour l'enfant du couple. La femme qui porte l'enfant sera bien sa mère, de même que sa compagne.
Ces amendements, et bien d'autres qui portent sur le même sujet, en promouvant l'idée que l'ovocyte d'une femme soit accueilli par une autre, fournissent un exemple de toutes les combinaisons possibles que souhaitent faire adopter certains dans le cadre de cette loi.
J'y vois précisément une gestation pour autrui et l'illusion que l'enfant bien est celui de deux femmes. C'est non seulement l'effacement plus que total de la dimension masculine de la filiation, puisque l'enfant est le produit de l'ovocyte et de l'utérus de deux femmes, mais aussi l'illustration de la dérive vers le techniquement possible mais éthiquement condamnable.
Monsieur le rapporteur, les propositions que vous défendez sont à 180 degrés des propos qu'a tenus la ministre des solidarités et de la santé lundi soir. Nous avons besoin de savoir où nous allons avec ce texte : là où vous voulez nous conduire en tant que rapporteur, ou là où se positionne la ministre ?
En ce qui concerne la ROPA, la ministre a très clairement exprimé qu'il s'agit d'un don dirigé, qui contrevient au principe du strict anonymat entre les donneurs et les receveurs. C'est un glissement vers la notion de mère porteuse.
Nous risquons d'être pris dans un engrenage extrêmement dangereux. Soyons prudents sur ces questions et votons contre l'amendement du rapporteur.
Je suis du même avis. La ROPA serait un terrible recul en arrière puisqu'il semble clairement établi aujourd'hui que les dons ne doivent pas être dirigés. La ROPA est tout l'inverse. Ne vous en déplaise, le dispositif est absolument assimilable à une GPA, certes éthique puisqu'il n'y aurait pas de contrepartie financière, mais une GPA tout de même.
Nous en tiendrons-nous au principe d'une absolue interdiction de la GPA en France ou ferons-nous une exception, dans ce projet de loi, pour une GPA éthique ?
Si l'on autorise ce don dirigé, comment le droit, donc la bioéthique, pourra-t-il interdire demain le don d'un homme vers un couple de femmes ou une femme seule ? Vous faites sauter une digue qui, là encore, emporte des conséquences que personne ne maîtrise.
Je suis favorable à ces amendements. J'en ai d'ailleurs déposé un similaire, qui sera examiné par la suite. Il s'agit effectivement d'un don dirigé, mais qui ne recouvre pas les mêmes difficultés que d'autres dons dirigés.
Je trouve ce débat complexe et intéressant. M. le rapporteur confirmera qu'il existe des levées partielles d'anonymat, notamment au bénéfice du conjoint ou d'autres membres de la famille, dans le cas de dons d'organes croisés hors gamètes. Si cette possibilité existe déjà dans le cadre médical, pourquoi ne pas l'étendre au cas des gamètes ?
Par ailleurs, nous avons entendu lors des auditions qu'une pratique très assumée des CECOS consiste à demander à une femme ayant besoin d'ovocytes de venir accompagnée d'une donneuse dont les ovocytes iraient à d'autres. Une orientation est donc déjà prise, et je pense que la ROPA mérite d'être regardée non pas comme une atteinte au principe d'anonymat absolu mais comme une des clauses dérogatoires à cet anonymat, qui sont déjà considérées dans la pratique médicale.
Les mots ont un sens. On ne peut pas ici parler de GPA, car la mère porte l'enfant pour elle-même et sa compagne, dans le cadre d'un couple. On ne peut pas non plus parler de don dirigé, puisqu'il s'effectue à l'intérieur d'un couple.
En revanche, je m'inquiète du risque de rupture d'égalité. Certains couples auront la chance d'avoir cette possibilité, d'autres ne l'auront pas. Nous devrons contrôler cette pratique des CECOS consistant à faire remonter dans la liste d'attente des personnes qui se présentent avec un ami ou des membres de la famille prêts à donner leurs gamètes. Ce n'est pas une bonne pratique. De surcroît, elle risque de diminuer la possibilité de recourir au don altruiste car, finalement, le don d'ovocytes restera limité au sein des couples, et ceux qui ne seraient pas en mesure de se plier à cette pratique n'auraient pas la possibilité de recevoir des ovocytes d'une tierce donneuse.
Je suis donc assez défavorable à la proposition.
On voit bien qu'en fondant la filiation sur le seul acte de volonté qu'est le projet parental, on en vient à bricoler, à manipuler toutes les combinaisons possibles. Le pilier biologique, qui devrait être stable, est utilisé selon le désir des adultes, bien loin de l'intérêt de l'enfant.
Il serait décidément intéressant que nous ayons l'avis du Gouvernement. Ce texte est le sien, il en a étudié la cohérence, et le Conseil d'État a donné son avis. Il est regrettable qu'il ne soit pas représenté ce matin, alors que nous discutons de points certes ponctuels mais néanmoins importants, puisqu'ils participent de l'effet domino inhérent au texte. Finalement, ce sont les députés Les Républicains qui défendent les positions du Gouvernement, comme ils le peuvent, face à une majorité divisée. Il tout de même dommage de travailler dans ces conditions.
Au moins le rapporteur est-il cohérent. Il a déclaré plusieurs fois publiquement qu'il était favorable à la GPA éthique ; avec la ROPA, il nous propose un glissement progressif vers la GPA, celle-ci se définissant par la présence de deux donneurs, par un double don. Avec les arguments ici développés, on ne voit pas comment la GPA, fût-elle éthique, n'arriverait pas dans notre pays. J'entends que, dans cette salle, certains y sont favorables ; pour ma part, j'y suis hostile. Je vois bien que tout est fait pour que l'effet domino devienne la règle compte tenu des irréversibilités que vous créez.
Je regrette, moi aussi, que le Gouvernement ne soit pas présent alors que nous avons à analyser la cohérence d'ensemble de ce texte. Nous voyons que, progressivement, certaines alertes que nous avons formulées sont en train de se confirmer. Ces amendements entrent clairement dans cette logique. Le rapporteur se montre donc cohérent, mais nous nous opposons fermement à son projet politique.
Les députés ne doivent pas se sentir abandonnés ou esseulés lorsqu'ils examinent un texte à l'Assemblée nationale en l'absence de l'exécutif ! Hier soir, nous avons échangé jusque tard dans la nuit avec les représentants du Gouvernement ; notre rapporteur a animé l'ensemble des auditions et des réunions de travail prévues. Le législateur peut légiférer assez tranquillement et de manière éclairée.
Je n'ai pas de position de principe sur la ROPA, dans laquelle je ne vois ni une GPA éthique ni un don dirigé. Je peux comprendre son intérêt pour un couple lesbien présentant une grande différence d'âge, les ovocytes de la femme la plus jeune ayant plus de chance d'être fécondés que ceux de la femme la plus âgée. Néanmoins, s'agissant de don d'organes, il importe de s'assurer que le consentement de la personne donnant l'ovocyte n'est pas contraint, c'est-à-dire qu'il n'y a pas eu de pression sur l'une des deux femmes du couple afin de donner un ovocyte à sa conjointe. Pour le don d'organes, il me semble qu'un passage devant le juge ou le notaire est nécessaire. J'aimerais avoir un éclairage sur ce processus.
Nous sommes opposés à la GPA non pas pour des raisons techniques, mais parce que nous refusons le risque de marchandisation des corps, en l'occurrence de femmes étrangères à un couple qui seraient utilisées à des fins de gestation pour autrui. Tel n'est pas le cas ici. Je suis donc étonné par la notion de « GPA éthique », qui apparaît davantage comme un oxymore.
La situation visée n'est pas celle d'une GPA, mais celle d'un défaut de fertilité au sein d'un couple. Il s'agit moins d'autoriser un don dirigé que de permettre à deux mères de concevoir. J'entends que ce point puisse faire débat ; pour notre part, nous l'envisageons. Par certains de ses aspects, cet amendement rejoint l'esprit du projet du Gouvernement. Nous sommes bien là dans un projet parental solidaire, de l'engagement à l'enfantement.
Enfin, je voudrais citer à l'appui de cet amendement une tribune récente de Réseau Fertilité France, qui explique pourquoi, médicalement, la ROPA est intéressante : elle « permet de suppléer au défaut de fertilité d'une femme du couple en recourant aux ovocytes de l'autre femme, sans avoir à se tourner vers un don d'ovocytes. Elle est alors conforme aux dispositions encadrant la PMA qui prévoient que les fécondations in vitro (FIV) soient réalisées en priorité à partir des ressources du couple afin de réserver l'accès à la banque de sperme ou d'ovocytes aux personnes chez qui ceux-ci sont déficients ou absents. » Nous sommes bien là dans le cadre d'un projet parental solidaire, conforme à l'esprit de la loi.
On ne peut pas établir de comparaison avec le don d'organes, car l'objet n'est pas du tout le même. Il s'agit là de faire naître un individu nouveau, non de remédier aux défauts d'un organisme ou aux effets d'une maladie, par un don de rein par exemple.
L'on peut bien s'étriper sur le terme, GPA ou ROPA, c'est là un processus totalement différent de l'AMP pour toutes. C'est un nouvel étage de la fusée, qui s'apparente davantage aux mères porteuses et à la GPA, qu'on le reconnaisse ou non. D'ailleurs, une étape supplémentaire est franchie puisqu'on qualifie ce processus de « solidaire », pour les uns, d'« éthique » pour les autres, et qu'on le légitime par le projet parental. On est toujours dans la même approche, qui montre bien l'impasse dans laquelle nous nous trouvons et l'effet domino que nous dénonçons depuis le début. À cet égard, je salue moi aussi la cohérence pleine et entière du rapporteur sur le sujet.
Dans le cas où la femme qui portera l'enfant a un problème ovarien et ne peut pas utiliser ses propres ovocytes dans le cadre de la PMA, je ne vois aucune difficulté à ce que l'ovocyte provienne de sa partenaire. Si la femme qui portera l'enfant dispose d'ovocytes fonctionnels mais souhaite, pour une forme de partage dont je peux comprendre le principe, bénéficier des ovocytes de sa partenaire, j'y serai opposé pour une raison médicale. Sauf confusion de ma part – j'aimerais entendre M. le rapporteur sur ce point –, il existe un risque accru de complications obstétricales, notamment d'éclampsie, pour des grossesses avec don d'ovocytes. On ne peut pas faire courir de risque sanitaire aux femmes qui porteront l'enfant.
Je ne comprends pas bien l'argument selon lequel le don d'ovocytes effectué au sein d'un couple ou d'une famille ne revient pas à recourir à une mère porteuse et de facto à une GPA. Pour moi, le fait d'implanter les ovocytes d'une femme dans sa compagne, pour une raison médicale ou autre, revient tout simplement à recourir à une mère porteuse. Puisque l'argument a été étendu aux membres d'une même famille, s'il y a un dysfonctionnement au sein du couple, qu'est-ce qui empêchera, demain, la mère de l'une des deux femmes de porter l'enfant du couple ? On ouvre là une porte sans entrevoir où elle peut nous mener. Nous sommes convaincus que ce que vous permettez là conduira de facto à une GPA, quel que soit le terme que vous lui accolerez.
J'ai du mal à concevoir le cheminement intellectuel de nos collègues qui parlent de GPA au sein d'un même couple. Encore une fois, M. Coquerel l'a très bien rappelé, le code de la santé publique précise qu'avant de recourir à un tiers donneur, il faut utiliser les gamètes disponibles au sein du couple. Dès lors que l'on consacre ce principe, on l'applique. Pour cette raison, la pratique de la ROPA me semble parfaitement justifiée pour un couple de femmes.
Dans le cas décrit par Mme Vanceunebrock-Mialon d'une femme qui rencontrerait des problèmes de nidification et dont la compagne aurait la capacité de porter un enfant, le couple serait obligé de recourir à un double dons de gamètes – ovocyte extérieur au couple et spermatozoïdes. Faisons simple ! Nous connaissons tous les tensions qui existent sur le don d'ovocytes. Lorsque les gamètes sont disponibles au sein du couple, utilisons-les.
Certains de nos collègues sont embarrassés par ces amendements parce qu'ils ne voient pas très bien ce qui les motive, si ce n'est le souhait d'offrir un choix qui peut presque être considéré comme une forme de confort, même si le terme n'est pas approprié. Il me semble qu'ils deviendraient entendables si l'on réintroduisait la notion d'infertilité : une femme infertile dans un couple de femmes peut recourir aux ovocytes d'une autre femme, y compris ceux de sa conjointe, partenaire ou épouse. Il y a là un argument fondé, qui rend respectable et entendable le recours à ces ovocytes.
Je comprends qu'il puisse exister un désir, volonté de partage ou projet solidaire, que les deux mères aient une forme de lien biologique avec l'enfant. C'est une idée que nous avons beaucoup interrogée dans nos discussions récentes sur ce que c'est qu'être parent.
Ce qui m'importe c'est la manière dont, au fil des décisions que nous prenons, nous construisons une loi, une pensée cohérente. Les questions posées par cet amendement ne viennent-elles pas interroger fondamentalement la philosophie du don, au-delà des cas qui nous sont présentés ? Ainsi, je me demande s'il ne faut pas réfléchir à asseoir, de manière solide, ce que nous appelons le don dans notre pays, et la manière dont nous le pratiquons. En tout cas, il ne faut pas chercher, à travers des décisions de ce type, à réguler les dons. Une pénurie ou des difficultés d'approvisionnement ne peuvent pas être résolus de cette manière.
Je ne lis pas ces amendements comme une GPA bis ou déguisée, ni un recours à une mère porteuse, mais comme le projet de deux mères qui sont plutôt heureuses. Selon moi, ils pourraient être reliés à l'article 75 de notre code civil, selon lequel deux conjoints se doivent assistance et secours mutuels. Si cette assistance doit passer par une procréation médicalement assistée, pourquoi pas ?
Plusieurs problèmes médicaux – nidification, stérilités ovarienne ou tubaire – justifieraient médicalement ces dons d'ovocytes. Ouvrir la possibilité d'un don d'ovocytes dans le couple est utile, cela permettra d'éviter aux couples d'attendre longtemps un tel don. Laissons aux médecins, dont c'est le métier, le soin de juger au cas par cas des risques d'éclampsie ou des cas particuliers de stérilité, et ouvrons aux couples de femmes la possibilité de recourir à la ROPA.
Je rejoins mon collègue Dharréville. Ne risque-t-on pas de remettre en cause la philosophie du don altruiste ?
Hier, nous avons adopté un amendement pour limiter les risques de « priorisation » dans l'accès à l'AMP. Or la disposition dont nous débattons le remet, de fait, en cause : s'il est possible d'avoir accès aux ovocytes de sa compagne, le couple passera mécaniquement en haut de la liste. Cela me paraît contradictoire avec l'esprit de la loi.
Enfin, pour rebondir sur les propos de mon collègue Véran, du point de vue médical, le processus n'est pas du tout anodin : la mère qui donnera ses ovocytes subira une stimulation ovarienne et pour celle qui recevra l'embryon, il faudra en passer par une FIV. En audition, nous avons été nombreux à souhaiter que la priorité soit donnée, quand cela est possible, à d'autres méthodes moins intrusives.
Mieux vaudrait rejeter ces amendements, contradictoires avec la philosophie du don et celle du projet de loi.
Écoutons les femmes, nombreuses, qui adoptent les moyens actuels de procréation, dont la ROPA ; écoutons les professionnels de santé qui les pratiquent au quotidien, et les enfants qui en sont nés et en sont heureux. Il s'agit non pas de se projeter dans des risques futurs, mais d'analyser ce qui est une pratique actuelle : devons-nous ou ne devons-nous pas la fixer dans la loi ?
De nombreux arguments plaident pour l'affirmative. L'amendement est parfaitement dans l'esprit de la loi, selon laquelle il faut en priorité recourir aux ressources propres du couple. M. Gosselin contestait les comparaisons de Mme Dubost et de M. Chiche avec les dons d'organes, mais je partage leur point de vue : le don d'un organe de son vivant comporte une levée d'anonymat et se réalise dans des conditions permettant de se prémunir contre toute pression. La philosophie n'est donc pas complètement différente.
À l'inverse, j'ai beaucoup de peine à entendre la comparaison avec la GPA, car c'est exactement le contraire ! Dans la GPA, la femme porteuse – j'emploie délibérément ce terme – transmet l'enfant dont elle a accouché à un autre couple. Dans la ROPA, la mère accouche de l'enfant qu'elle a porté dans son utérus. Je ne comprends pas vos craintes. La ROPA reproduit quasiment les conditions naturelles de procréation.
Quant à la disparition du rôle du père, ne nous faites pas ce procès ! Ne sommes-nous pas ceux qui introduisent des dispositions sur l'accès aux origines dans notre droit, autrement dit la reconnaissance du donneur masculin et la possibilité de connaître le nom de son donneur à dix-huit ans et, éventuellement, d'échanger avec lui ? Au contraire, grâce à nous, le donneur masculin sera davantage reconnu.
Je redis ma conviction que le législateur aurait tout avantage à entériner la pratique de la ROPA telle qu'elle se pratique dans notre pays comme dans beaucoup d'autres, au bénéfice de tous ceux qui peuvent y recourir, notamment quand ils ont des difficultés de procréation.
La commission rejette les amendements n° 2241 et n° 1950.
Puis elle examine l'amendement n° 2239 du rapporteur.
Il s'agit de répondre à une demande récurrente. La France se distingue des autres pays par un manque d'études prospectives de suivi des femmes ou des couples receveurs, comme des enfants nés de ces pratiques. Pourtant, nous avons du recul puisqu'avant 1994, ces dernières étaient monnaie courante avant d'être transitoirement prohibées. Des enfants en sont donc issus. Malgré tout, aucune étude n'a été réalisée.
L'amendement tend à faire mener des études prospectives de suivi de toutes les personnes concernées par les centres d'AMP ou d'autres professionnels de la procréation, ainsi que par des universitaires, notamment en sciences humaines. Même si notre loi tente de se rapprocher de la perfection, soyons modestes : nous devrons peut-être y apporter des améliorations ou des corrections. Au moins pourrons-nous nous fonder sur des études françaises. Pour le moment, elles sont essentiellement anglo-saxonnes. Or la sociologie est légèrement différente dans ces pays.
Je tiens à souligner l'intérêt d'une telle mesure en France où nous n'avons pas d'études de suivi des receveurs et des enfants issus de dons de gamètes, ni des dons d'organes ou de cellules souches hématopoïétiques. Or nous attachons autant d'importance au suivi médical que psychologique de ces patients. Des amendements ultérieurs proposeront la constitution d'un registre. Il est très important d'apporter notre soutien à cette proposition.
Beaucoup de nos collègues ont souligné la cohérence du rapporteur. Je dénonce son incohérence ! Pendant les auditions, il n'a cessé de nous répéter que la PMA ne posait aucun problème aux enfants qui en étaient issus, que toutes les études anglo-saxonnes le démontraient, allaient dans le même sens et que les cohortes étaient suffisantes. Le présent amendement dit précisément le contraire ! Il reconnaît qu'il n'existe pas d'étude suffisamment fiable et que celles qui sont disponibles sont, pour l'essentiel, anglo-saxonnes. Vous venez de souligner que la sociologie de ces pays est différente de la nôtre, monsieur le rapporteur ; vous reconnaissez donc que le législateur est appelé à prendre une décision en méconnaissance de ses conséquences ! Je vous en remercie. Vous avez raison, il serait très utile de mener des études approfondies.
J'ai assisté à de nombreuses auditions, et je me souviens de l'insistance très forte du professeur Frydman pour procéder à une évaluation et à un suivi de la loi. Il n'y a donc absolument aucune incohérence entre la proposition du rapporteur et le fait de nous appuyer sur des études réalisées dans d'autres pays pour proposer cette réforme. Il est important de disposer, à l'avenir, d'éléments nationaux de suivi des conséquences de cette nouvelle mesure, qui introduit un droit fondamental et constituera une transformation profonde du droit de filiation.
Je soutiens très fermement l'amendement du rapporteur.
L'amendement met surtout en lumière la pauvreté, que tous les universitaires ici présents connaissent, de la recherche épidémiologique en France. Si nous voulons être à la hauteur des revues internationales, il faut autoriser de telles études épidémiologiques.
Ce n'est pas un amendement, c'est un aveu de faiblesse et d'impuissance plutôt inquiétant.
Comme mon collègue Didier Martin, je soutiens cet amendement : toute nouvelle pratique doit s'accompagner d'outils d'évaluation et de suivi.
Je soutiens également très fermement cet amendement. Mes collègues ont raison, les auditions ont souligné que nous aurions tout à gagner à accompagner ces nouvelles dispositions d'un suivi étayé.
La commission adopte l'amendement n° 2239.
La séance est levée à douze heures cinquante.
Membres présents ou excusés
Réunion du mercredi 11 septembre à 9 heures 30
Présents. - M. Didier Baichère, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Thibault Bazin, Mme Aurore Bergé, M. Philippe Berta, M. Xavier Breton, M. Pascal Brindeau, M. Pierre Cabaré, M. Guillaume Chiche, Mme Bérangère Couillard, M. Marc Delatte, M. Pierre Dharréville, Mme Coralie Dubost, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Pierre-Henri Dumont, M. Jean-François Eliaou, Mme Nathalie Elimas, Mme Elsa Faucillon, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel, M. Bruno Fuchs, Mme Annie Genevard, M. Raphaël Gérard, M. Philippe Gosselin, M. Guillaume Gouffier-Cha, M. Brahim Hammouche, M. Patrick Hetzel, M. Cyrille Isaac-Sibille, Mme Anne-Christine Lang, Mme Marie Lebec, Mme Monique Limon, M. Didier Martin, Mme Sereine Mauborgne, Mme Emmanuelle Ménard, M. Thomas Mesnier, M. Maxime Minot, M. Matthieu Orphelin, Mme George Pau-Langevin, Mme Bénédicte Pételle, Mme Sylvia Pinel, Mme Claire Pitollat, M. Jean-Pierre Pont, Mme Florence Provendier, M. Alain Ramadier, M. Pierre-Alain Raphan, Mme Laëtitia Romeiro Dias, Mme Laurianne Rossi, M. Hervé Saulignac, Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, M. Jean-Louis Touraine, Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon, Mme Michèle de Vaucouleurs, M. Olivier Véran, M. Philippe Vigier, M. Guillaume Vuilletet, Mme Martine Wonner
Excusés. - M. Francis Chouat, M. Bastien Lachaud, M. Jacques Marilossian
Assistaient également à la réunion. - M. Erwan Balanant, Mme Émilie Bonnivard, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, M. Fabien Di Filippo, Mme Virginie Duby-Muller, M. Pascal Lavergne, Mme Marie-France Lorho, Mme Aude Luquet, M. Jean François Mbaye, Mme Agnès Thill, Mme Annie Vidal