La réunion débute à 21 heures.
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, Présidente.
La Commission auditionne M. Alain Gibelin, directeur de l'ordre public et de la circulation à la préfecture de police de Paris, dans le cadre des travaux menés pour « faire la lumière sur les événements survenus à l'occasion de la manifestation parisienne du 1er mai 2018 » (article 5 ter de l'ordonnance 58-1100 du 17 novembre 1958).
Je salue l'ensemble de nos collègues présents ce soir.
C'est notre troisième audition de la journée pour faire la lumière sur les événements survenus à l'occasion de la manifestation parisienne du 1er mai 2018. Pour ce faire, la commission des Lois s'est dotée des prérogatives d'une commission d'enquête, conformément à l'article 5 ter de l'ordonnance du 17 novembre 1958.
Je tiens à vous rappeler le cadre général de notre travail. Après avoir prêté serment, le directeur de l'ordre public et de la circulation (DOPC), M. Alain Gibelin, tiendra un propos liminaire. Puis le co-rapporteur et moi-même lui poserons quelques questions. Le directeur y répondra, et je laisserai ensuite un représentant de chaque groupe dans l'ordre d'importance poser une série de trois questions. Le directeur y répondra également, et nous passerons à une deuxième série de questions, une par député, dans l'ordre d'importance des groupes. Merci à chacun d'être concis et d'aller directement à sa question. Je donnerai la parole aux non-inscrits, compte tenu des nombreuses demandes, mais pas à la même hauteur qu'aux représentants des groupes, puisque les non-inscrits ne forment pas un groupe aux termes du Règlement de l'Assemblée nationale.
Concernant le travail qui nous réunit aujourd'hui, je vous précise que les questions que vous poserez devront être limitées sur le fond par le principe de séparation des pouvoirs, en vertu duquel il est interdit à une commission d'enquête de faire porter ses travaux sur des faits donnant lieu à des poursuites judiciaires aussi longtemps que celles-ci sont en cours. Mme la garde des sceaux nous a fait savoir, le 23 juillet, qu'une information judiciaire était ouverte.
Je rappelle que cette audition est ouverte à la presse, qu'elle est diffusée en direct sur la chaîne parlementaire et qu'elle fait l'objet d'une retransmission, en direct également, sur le site de l'Assemblée nationale.
Conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative aux commissions d'enquête, je vais vous demander, monsieur le directeur, de prêter le serment de dire toute la vérité, rien que la vérité.
M. Alain Gibelin prête serment.
Monsieur le directeur, vous avez indiqué à la commission des Lois que vous souhaitiez faire une déclaration liminaire. Je vous donne donc la parole.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, je souhaite, dans un premier temps, éclairer la représentation nationale sur deux points qui me semblent essentiels dans cette affaire. D'abord, je vous indiquerai la nature des relations précises qui existaient et qui existent entre la préfecture de police et la direction de l'ordre public et de la circulation dont je suis le directeur et M. Alexandre Benalla. Ensuite, je vous détaillerai par le menu tout ce que je sais concernant les faits depuis le 1er mai, jour de la manifestation, jusqu'à l'enchaînement des circonstances qui m'amènent aujourd'hui devant vous.
De tout temps, la préfecture de police a travaillé en liaison étroite avec l'Élysée concernant la sécurité du palais de l'Élysée. C'est la raison pour laquelle la préfecture de police a un service qui assure la sécurité extérieure du palais, la compagnie de garde de l'Élysée, qui est rattaché organiquement à la direction de l'ordre public et de la circulation (DOPC) qui est sous mon autorité. Ce sont en quelque sorte les personnes qui gardent l'extérieur du palais de l'Élysée. Ma direction est chargée également de tous les déplacements officiels du Président de la République dans l'agglomération parisienne, de quelque nature qu'ils soient, à l'exception des déplacements privés.
Comment est organisée la préparation de ces événements ? La présidence de la République informe la préfecture de police d'un déplacement du Président de la République ou d'une cérémonie à laquelle il va participer. Est alors organisée une réunion multipartite qui rassemble un ou des représentants du palais de l'Élysée. En règle générale, c'est soit le chef de cabinet du président, accompagné ou non de personnes du protocole, soit l'adjoint du chef de cabinet du Président de la République qui pilote, qui anime ces réunions pour informer, de manière très factuelle, les autorités chargées de la sécurité ou tout simplement les autres partenaires de la nature du déplacement présidentiel. Ces réunions ont lieu en amont de l'événement. Y participent, outre les personnes précitées, les représentants du cabinet du préfet de police, un ou des représentants de la direction de l'ordre public et de la circulation qui sont en général soit des officiers, soit pour les déplacements plus importants des chefs d'état-major adjoints. Peut être également associé à ces réunions préparatoires tout autre intervenant pouvant avoir à intervenir sur la nature du déplacement. Cela peut être, par exemple, la Ville de Paris, ou l'organisateur de l'événement, mais aussi, il est essentiel de le dire, le groupe de sécurité du Président de la République, qui a son mot à dire en termes de sécurité. C'est au cours de ces réunions que sont précisées les conditions du déroulement du déplacement présidentiel. Ces réunions font l'objet d'un compte rendu élaboré par le cabinet du préfet de police, et qui est transmis au directeur de l'ordre public et de la circulation pour mise en place du service d'ordre approprié.
Le jour du déplacement présidentiel, les autorités de la DOPC qui ont été chargées de sa préparation sont soit en salle de commandement, soit, le plus souvent, sur le terrain pour commander les forces de l'ordre qui vont avoir à concourir à la sécurisation de l'événement. Là encore, traditionnellement, les personnes présentes aux réunions sont sur le site. En l'occurrence, comme M. Alexandre Benalla avait cette fonction à l'Élysée, ou qu'en tout cas il avait été présenté comme tel, il était présent systématiquement ou quasi systématiquement sur toutes les réunions en amont des déplacements, c'est-à-dire les préparations, mais également le jour de l'événement, en accompagnement du Président de la République. Il était celui qui, au nom du cabinet du Président de la République, exprimait les souhaits, les desiderata concernant le déroulement des événements.
Telle est la nature exacte des relations que la préfecture de police, et donc la DOPC, entretenait avec M. Benalla, comme du reste elle les entretenait avec ses prédécesseurs. Pour le directeur de l'ordre public et de la circulation, il n'y a pas là quelque chose d'anormal, puisque de tout temps un représentant du cabinet du Président de la République a piloté les déplacements présidentiels.
J'en viens maintenant à l'enchaînement des événements concernant le 1er mai.
M. le préfet de police a eu l'occasion de vous dire quel était le climat de cette journée du 1er mai. C'était un climat d'une grande violence, avec des événements de voie publique qui ont rarement eu autant de prégnance que cette journée-là. Nous pressentions une journée très difficile ; elle ne nous a pas déçus de ce point de vue. Cela fait sept ans que je gère le maintien de l'ordre sur Paris. Je peux dire – c'est mon appréciation personnelle – que je n'ai jamais vu une manifestation d'une telle intensité et d'une telle violence. C'est dire le climat dans lequel se déroulait cette manifestation.
J'ai piloté personnellement depuis la salle de commandement de la préfecture de police l'ensemble des effectifs qui ont concouru à cette manifestation. J'avais personnellement pour mission de donner des instructions opérationnelles directes, précises, à l'ensemble des autorités ou des fonctionnaires concourant à cette mission d'ordre public.
Le soir de la manifestation du 1er mai, nous étions – permettez-moi cette expression un peu vulgaire – passablement dans le jus, c'est-à-dire que nous avions géré toute la journée de violents affrontements, notamment sur le pont d'Austerlitz, sur le bas du boulevard de l'Hôpital, avec les épisodes que vous connaissez – des dégradations particulièrement importantes ont été commises à l'encontre du McDonald's et une concession a été brûlée – et nous avons dû intervenir dans des conditions très difficiles face à un black bloc d'une importance inusitée d'environ 1 200 personnes extrêmement déterminées, oeuvrant et s'insérant en quelque sorte au sein d'un précortège composé de manifestants tout à fait normaux, ce qui rendait les opérations de maintien de l'ordre beaucoup plus difficiles.
Le soir, nous étions en cours de pilotage des événements qui ont suivi cette phase black bloc. Nous avions deux théâtres d'opérations. Le premier théâtre d'opérations, c'était la place de la Contrescarpe, où les informations que nous avions nous laissaient penser qu'un certain nombre de ces éléments black blocs pourraient souhaiter se rencontrer pour, en quelque sorte, aller faire un deuxième tour sur la place de la Contrescarpe et relancer un petit peu la dynamique de l'après-midi. Dans le même trait de temps, j'avais à gérer également d'importants dégâts qui avaient eu lieu sur la rive droite, singulièrement sur l'avenue Ledru-Rollin. Lorsque M. Benalla s'est présenté à la salle de commandement, j'étais avec mes deux collaborateurs qui oeuvraient sur ces deux divisions – j'avais un casque radio sur la tête – et je pilotais très directement, en donnant des instructions, ces deux divisions sur lesquelles se passaient des événements d'une particulière gravité.
Le soir de l'événement, M. le ministre de l'intérieur a tenu à venir exprimer sa satisfaction pour le travail effectué par les forces de l'ordre. Il est donc intervenu dans la salle de commandement pour féliciter, en compagnie du préfet de police, l'ensemble des fonctionnaires qui étaient présents.
À ce moment-là, je me suis aperçu que M. Alexandre Benalla était dans l'assistance. Je le connaissais puisque, je le répète, c'est un interlocuteur régulier, fréquent des fonctionnaires de la direction de l'ordre public et de la circulation, étant donné qu'il préside, qu'il concourt à l'ensemble des déplacements du Président de la République que nous gérons. Donc M. Benalla est une personne connue, très bien connue de l'ensemble des fonctionnaires, d'une grande partie en tout cas de l'échelon sommital de la DOPC.
Bien évidemment, je vois M. Benalla, mais je suis en train de gérer cette manifestation et je continue à la gérer avec toute l'intensité et toute l'acuité que vous imaginez pour faire en sorte que ces manifestations ne dérapent pas.
Lorsque les événements ont été terminés, l'ensemble des personnes citées ci-dessus ont quitté la salle d'information et de commandement. Immédiatement, je suis informé du désir du Premier ministre de se rendre sur le terrain, en l'occurrence au commissariat du 13e arrondissement qui était une cible potentielle des casseurs, pour féliciter les fonctionnaires de police engagés – CRS, gendarmes, compagnies d'intervention de la direction de l'ordre public et de la circulation, effectifs de la direction de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne. Nous y allons avec le préfet de police. Il est environ deux heures du matin.
Le lendemain matin, vers neuf heures trente ou dix heures, je reçois sur mon portable un coup de téléphone du directeur de cabinet du préfet de police m'informant de l'existence, sur les réseaux sociaux, d'une vidéo montrant M. Alexandre Benalla en train de participer à une interpellation, sans autre information que cela. Le directeur de cabinet du préfet de police me demande si j'ai des éléments de réponse à apporter aux questionnements du préfet de police sur cette vidéo. Je prends immédiatement mon ordinateur et je consulte les réseaux sociaux. La vidéo est accessible très facilement – je crois qu'elle était sur YouTube. On voit effectivement M. Alexandre Benalla se livrer à des violences sur une personne qui sera identifiée par nous ultérieurement comme étant un des interpellés de la place de la Contrescarpe.
Le préfet de police me demande immédiatement si j'avais connaissance de la présence de M. Alexandre Benalla sur le terrain. La réponse est non. M. le préfet de police ignorait lui aussi totalement la présence de M. Alexandre Benalla sur le terrain. Il me pose la question, c'est donc qu'il ne le sait pas. Je lui réponds que je suis moi-même dans la totale ignorance de la présence de M. Benalla sur le terrain. Immédiatement, M. le préfet de police me demande de lancer en urgence des investigations, de me renseigner très vite et de le renseigner très vite sur les circonstances qui ont conduit M. Alexandre Benalla à être présent aux côtés des forces de l'ordre place de la Contrescarpe. Naturellement, je me tourne vers le chef d'état-major qui est mon adjoint, l'inspecteur général Éric Belleut, pour lui demander s'il est au courant de la participation de M. Benalla à une opération de police, ou du moins dans quelles conditions il a été associé à une opération de police, s'il a lui-même donné son aval à une telle participation. La réponse est non. Immédiatement, nous nous retournons vers le « n – 1 » de mon adjoint, à savoir le contrôleur général Laurent Simonin qui finit par me dire qu'il a lui-même organisé la venue d'Alexandre Benalla sur cette manifestation. Il me dit que M. Benalla aurait eu des autorisations au sens large pour venir assister à cette manifestation en tant qu'observateur. Je rappelle alors au contrôleur général Laurent Simonin qu'il n'en a informé personne, pas plus le directeur adjoint, Éric Belleut, que moi, son directeur. Nous faisons donc le constat que je ne suis pas au courant de la venue d'Alexandre Benalla sur cette manifestation, venue qu'il a lui-même organisée.
J'ajoute que M. Alexandre Benalla ne pouvait ignorer les conditions dans lesquelles il est possible d'assister, en tant qu'observateur, à des opérations de police au sens large, qu'il s'agisse des opérations de maintien de l'ordre ou d'observer, par exemple, une brigade anticriminalité ou tout simplement un contrôle routier, puisque j'avais eu moi-même l'occasion d'informer M. Benalla une quinzaine de jours auparavant des dispositions, ou du moins de la voie à suivre, pour avoir une autorisation qui ne peut et ne pouvait émaner en tout état de cause que du préfet de police.
Le contrôleur général Laurent Simonin m'informe qu'il a lui-même organisé, après des contacts téléphoniques avec Alexandre Benalla, sa venue à la préfecture de police. Je lui pose davantage de questions pour savoir comment il a organisé cette venue. Il m'informe avoir désigné le major de police Mizerski pour l'accompagner sur le terrain, et lui avoir prêté un casque de maintien de l'ordre pour assurer sa sécurité, ce qui est parfaitement habituel lorsque des observateurs – journalistes, magistrats, parlementaires, sociologues – viennent sur le terrain. Lorsqu'il y a un risque potentiel, nous leur donnons les moyens pour assurer leur sécurité, c'est-à-dire un casque de protection, en l'occurrence un casque de maintien de l'ordre, et ce de manière exclusive, sans autre équipement de police. Laurent Simonin reconnaît en ma présence avoir fourni ce casque, ce qui est tout à fait légitime et naturel en pareille circonstance. Je rends compte immédiatement au préfet de police de ces faits. Le préfet de police me demande la rédaction d'une fiche technique, pour son information, pour l'information du ministère. La fiche technique est rédigée et envoyée dans la journée au préfet de police.
J'en viens maintenant à la deuxième phase de cette affaire, c'est-à-dire les circonstances dans lesquelles j'ai été amené à être informé, le mercredi 18 juillet, de l'existence d'une vidéo qui aurait été transmise à M. Alexandre Benalla par un des personnels relevant de mon autorité. Le mercredi 18 juillet, je suis informé au téléphone par le préfet de police qu'un article du journal Le Monde parle de cette affaire et qu'elle est en train de sortir dans les médias. Le lendemain matin, le préfet de police me convoque pour que je lui remémore les circonstances précises de la scène. On resitue très vite la scène place de la Contrescarpe, et le préfet de police veut avoir des éléments d'ambiance très précis pour sa propre information, savoir dans quel contexte s'inscrit cette vidéo. Je lui donne évidemment tous les éléments. Je demande à un de mes collaborateurs qui était physiquement sur place, qui commandait la CRS visible sur la vidéo, et qui était présent dans le service, de venir éclairer directement le préfet de police sur ce qu'il a vécu, ce qu'il a vu et ce qu'il a constaté. Le commissaire Maxence Creusat informe donc le préfet de police des circonstances exactes de ce qu'il a vu, etc., et, à la demande du préfet de police, il rédige un rapport, immédiatement transmis à ce dernier, pour éclairer cette intervention et remettre la vidéo dans son contexte.
Aux alentours de treize heures trente, mon collaborateur, à savoir le commissaire en question, demande à me voir dans mon bureau et, le visage défait, m'informe avoir fait, selon ses mots, une « grosse connerie ». Il me dit tout de go s'être déplacé dans la soirée du 18 juillet à la préfecture de police lorsqu'il a su que Le Monde avait fait un article sur cette vidéo, pour visionner d'éventuelles vidéos qui auraient pu être gardées sur la journée et les événements du 1er mai. Il m'informe avoir visionné cette vidéo qui existe et qui montre de manière très générale – j'ai eu l'occasion de la voir – les événements sur la place de la Contrescarpe sans qu'on puisse d'ailleurs identifier très précisément les faits qui nous préoccupent. Il me dit en avoir informé par téléphone son supérieur hiérarchique direct, qui n'est autre que le contrôleur général Laurent Simonin. Immédiatement, je téléphone au contrôleur général, qui est en vacances cette journée-là, en Normandie, qui me confirme avoir reçu ce coup de fil, avoir validé la possibilité de retirer des images et avoir contacté lui-même, bien évidemment sans en référer à qui que ce soit, M. Alexandre Benalla, et lui avoir proposé, me dit-il – l'enquête le déterminera de manière beaucoup plus précise –, de lui communiquer cette vidéo à laquelle, bien évidemment, il n'avait pas vocation à accéder. J'ai également tout de suite, dans le paysage, l'officier de liaison de la préfecture de police auprès du palais de l'Élysée, et qui, me dit-on, a été amené à prendre possession de cette vidéo et à l'apporter directement à l'Élysée, en l'occurrence à un adjoint au chef de cabinet, c'est-à-dire à M. Alexandre Benalla. Ces faits sont portés à ma connaissance à treize heures trente environ. Immédiatement, je demande à voir le préfet de police. Je me souviens très précisément qu'il était en train de déjeuner. Il me dit : « Écoutez, je ne peux pas vous recevoir, je suis en train de déjeuner avec des collègues préfets. » Je lui réponds : « Monsieur, c'est particulièrement grave, il faut que je vous voie séance tenante ». Il me demande donc de le rejoindre dans ses appartements vers quatorze heures. Immédiatement, je lui fais part des faits qui ont été portés à ma connaissance, de la gravité de ceux-ci, et il décide d'une part de porter ces faits à la connaissance du procureur de la République, d'autre part de demander presque concomitamment la suspension immédiate des fonctionnaires. Il me demande également de demander des explications immédiates à ces trois fonctionnaires, ce que je fais dans l'heure qui suit, deux fonctionnaires étant en capacité de faire ce rapport d'explications qu'ils me fournissent dans les deux heures. Je demande au contrôleur général Laurent Simonin, qui est alors en Normandie, de rentrer séance tenante sur Paris pour faire ce rapport. Celui-ci me fournit le lendemain ce rapport, que je transmets bien évidemment immédiatement à l'autorité judiciaire et ultérieurement à l'Inspection générale des services (IGS) saisie des faits.
Voilà, globalement, ce que je tenais à dire, à la fois sur les relations qui existaient entre Alexandre Benalla, devrais-je dire, entre l'adjoint au chef de cabinet du Président de la République, puisque telle était sa fonction, et la préfecture de police, et sur l'enchaînement très précis des faits entre la journée du 1er mai et le jeudi 19 juillet, date à laquelle nous avons porté ces faits à la connaissance du procureur de République.
Je vous remercie.
Je vais vous poser quelques questions qui font suite aux explications que vous venez de nous donner.
Vous nous avez indiqué que M. Benalla était systématiquement présent lors de toutes les réunions en amont des déplacements, et sur les déplacements. C'est donc quelqu'un que vous connaissiez finalement très bien. Était-ce la première fois qu'il bénéficiait du statut d'observateur lors d'une manifestation ?
Absolument.
La seule personne habilitée à autoriser quelqu'un à assister à une opération de police, en tout cas à la préfecture de police, est le préfet de police lui-même. Le préfet de police n'ayant pas donné son accord, il était là de manière indue. En tout état de cause, s'agissant de toutes les opérations de maintien de l'ordre que j'ai présidées puisque je suis responsable de tout l'ordre public sur Paris, à aucun moment M. Alexandre Benalla n'a participé de près ou de loin, en tant qu'observateur, à une opération de maintien de l'ordre, à l'exception évidemment de cette journée-là.
La procédure est très simple. Si une personne désire, pour une raison médiatique – par exemple, des personnes placées auprès du Défenseur des droits sont déjà venues en observateurs – être observateur, elle en fait la demande au cabinet du préfet de police. Si moi-même ou un de mes collaborateurs est saisi d'une telle demande, la seule personne habilitée à autoriser est le préfet de police. En l'occurrence, le préfet de police n'a pas été saisi parce que nous-mêmes n'avons pas été saisis. M. Alexandre Benalla avait demandé, une quinzaine de jours plus tôt lors d'une réunion à l'Élysée, s'il lui était possible d'assister à une manifestation. Il lui avait été rappelé très clairement – je le sais car c'est moi qui le lui ai rappelé – la règle à suivre, à savoir qu'il devait évidemment obtenir, j'imagine, une autorisation de sa hiérarchie – pour moi ce n'est pas le sujet – mais surtout une autorisation formelle du préfet de police qui me serait redescendue.
L'autorisation est donnée par le préfet de police et elle vous est communiquée. Quand vous avez connaissance qu'Alexandre Benalla est sur les lieux, quand vous voyez la vidéo, vous savez que vous n'avez pas reçu cette autorisation du préfet de police. Donc, vous savez que sa présence n'est pas régulière.
Tout à fait.
La seule chose que je sais de manière sûre, c'est que le casque a été fourni directement à M. Benalla par le contrôleur général Laurent Simonin. S'agissant très précisément du poste ACROPOL et du brassard « police », les investigations judiciaires sont en cours. Au moment où je vous parle, je n'ai aucune idée de la provenance de ces matériels.
Si je comprends bien, vous savez qu'il n'est pas là de façon régulière dès que vous apprenez qu'il a été présent sur les lieux. Sinon, vous auriez eu l'autorisation du préfet. Il a un brassard, mais vous ne savez pas comment il l'a obtenu. Vous savez, en revanche, qu'il est sous la responsabilité du contrôleur général qui a organisé sa présence sur le terrain. Pour quelle raison ne prenez-vous aucune sanction contre le contrôleur général à ce moment-là ? Pourquoi aucune note n'est rédigée ? Pourquoi n'y a-t-il pas de procès-verbal ? Pourquoi n'y a-t-il pas de sanction ? Il ne se passe rien.
Permettez-moi d'être très précis sur les faits.
Dans la journée du 2 mai, lorsque j'ai été averti, j'ai vérifié que le contrôleur général Simonin a organisé la venue de M. Benalla au sein de la DOPC, puis son déplacement sur le terrain. À aucun moment, ce jour-là, je ne suis informé de l'existence d'un brassard de police et d'un poste ACROPOL. Ce n'est que dans la journée du 19 juillet, où des images continuent à être diffusées par les réseaux sociaux, que le préfet de police et moi-même nous nous apercevons qu'il existe des vidéos ou des photos montrant Alexandre Benalla avec un brassard de police et un poste ACROPOL. Lorsque j'apprends que le contrôleur général Laurent Simonin s'est affranchi de son obligation de rendre compte, etc., je lui fais bien évidemment, à la demande du préfet de police, toutes les remontrances utiles de la manière la plus ferme pour ne pas avoir rendu compte à sa hiérarchie de ces faits. De la même façon, dès le lendemain je convoque l'ensemble de mes sous-directeurs – la sous-directrice de la circulation et de la sécurité routière est assise à côté de moi – ainsi que l'ensemble des personnes qui ont, à un titre ou un autre, vocation à organiser les déplacements officiels ou les manifestations pour leur rappeler les règles en vigueur à la préfecture de police, à savoir que nulle personne ne peut, à l'exception du préfet de police, autoriser ou inviter qui que ce soit. Tout est rappelé dès le lendemain.
Vous dites qu'il y a une personne qui est sur les lieux, qui n'a pas le droit d'y être, et qui a des agissements particulièrement graves. Vous avez les images, vous savez pour quelle raison et qui l'a autorisé à être sur les lieux, et vous nous dites que vous faites des remontrances utiles et très fermes. C'est la seule action que vous engagez à ce moment-là.
Le contrôleur général Simonin a manqué à son obligation de rendre compte ; je lui en ai fait remontrance. À ce moment là, ce ne sont pas des faits de nature pénale qui pourraient être reprochés au contrôleur général Simonin. Le préfet de police et moi prenons acte que ce « déplacement » s'est opéré sur le terrain, directement entre M. Alexandre Benalla et M. Laurent Simonin. Évidemment, toute remontrance utile est faite au contrôleur général Laurent Simonin. S'agissant de la possible nature pénale des faits, le préfet de police a eu l'occasion de vous dire qu'il a eu connaissance de cette vidéo alors que d'autres personnes au plus haut niveau étaient déjà informées, notamment les supérieurs hiérarchiques de M. Alexandre Benalla. J'ai été moi-même informé de l'existence de cette vidéo par un appel du préfet de police.
Je comprends que les faits reprochés à M. Simonin ne sont pas des faits de nature pénale. Vous êtes bien d'accord qu'au vu de la vidéo, les faits susceptibles d'être reprochés à Alexandre Benalla sont des faits de nature pénale. Mais vous ne jugez pas utile d'engager la procédure de l'article 40 pour dénoncer ces faits.
M. Benalla n'étant pas un fonctionnaire de police relevant de mon autorité, à partir du moment où le préfet de police et les autorités supérieures sont au courant de cette vidéo – d'ailleurs, j'en suis avisé par eux, quelque part –, il ne m'appartient pas de déclencher les dispositions de l'article 40.
J'ajoute, madame la présidente, pour être tout à fait complet et pour donner la preuve de ma parfaite bonne foi en la matière, que c'est moi qui déclenche, quelque part, la procédure de l'article 40 la journée du 19 juillet, puisque dans l'heure où j'apprends que des faits pourraient peut-être faire l'objet de délits de la part de fonctionnaires sous mon autorité – c'est l'enquête judiciaire qui le dira –, je les porte à la connaissance du préfet. Et je lui demande expressément dans mon rapport, que je tiens à disposition, que je souhaite que ces faits soient portés dans l'instant à la connaissance du procureur de la République.
Je vous remercie pour la précision de votre exposé, monsieur le directeur. Par ailleurs, notre commission, composée d'élus de la Nation, tient à dire sa reconnaissance et sa confiance aux fonctionnaires de la police nationale en général et aux fonctionnaires de la préfecture de police en particulier.
Pour ce qui est de l'affaire qui nous intéresse, je souhaite revenir sur la notion d'autorisation : qui autorise qui à faire quoi, et quand ?
Le porte-parole officiel du Président de la République – donc, d'une certaine manière, le Président de la République lui-même – a déclaré, le 19 juillet 2018, qu'Alexandre Benalla, qui est chargé de mission auprès du chef de cabinet de la Présidence de la République, avait demandé l'autorisation d'observer les opérations de maintien de l'ordre pour le 1er mai, autorisation qui lui avait été donnée car il agissait dans le cadre d'un jour de congé et ne devait avoir qu'un rôle d'observateur. Il précise qu'« il était accompagné ce jour-là et dans les mêmes conditions de M. Vincent Crase ». Si les mots ont un sens, alors cette expression semble signifier que M. Crase était lui aussi bénéficiaire d'une autorisation qu'il avait sollicitée.
Le même jour, le 19 juillet, la garde des sceaux déclarait devant l'Assemblée nationale : « J'ai pris connaissance comme vous des faits advenus dans le courant du mois de mai. La personne qui les a commis était présente dans la manifestation sans autorisation, ce qui pose évidemment un problème ». Nous avons donc, d'une part, le Président de la République qui, par l'intermédiaire de son porte-parole, tient un point presse officiel à l'Élysée pour dire que M. Benalla et M. Crase sont titulaires d'une autorisation, et d'autre part, la garde des sceaux, qui déclare le même jour devant l'Assemblée nationale que ces personnes n'avaient pas d'autorisation – ce qui semble également être votre position, monsieur le directeur.
Je vous le confirme, cette autorisation n'existait pas. Elle n'aurait en effet pu émaner que du préfet de police, lequel n'a jamais été sollicité, et est encore moins intervenu spontanément pour la délivrer. Je le répète, le processus normal pour tous les observateurs consiste à obtenir l'autorisation préalable du cabinet du préfet de police, avant que ladite autorisation soit immédiatement portée à la connaissance du directeur concerné – parfois assortie de précautions quant à la situation dans laquelle compte se placer l'observateur. S'il s'agit, par exemple, d'une opération de maintien de l'ordre, c'est le directeur de l'ordre public et de la circulation – autrement dit, moi-même – qui est avisé ; s'il s'agit d'une opération de police de type brigade anticriminalité (BAC) ou d'une intervention en réponse à des violences urbaines, c'est le directeur de la police urbaine de proximité de la préfecture de police. Chaque directeur est informé par le cabinet du préfet de l'existence d'une autorisation – quand celle-ci existe –, mais il va de soi qu'un directeur n'a pas compétence pour accorder une telle autorisation. Je répète donc de manière formelle que M. Benalla ne bénéficiait d'aucune autorisation de la préfecture de police pour être présent sur cette manifestation.
Lors d'une réunion de travail à l'Élysée portant sur les relations entre la compagnie des gardes de l'Élysée d'une part, les gendarmes d'autre part, M. Benalla avait demandé s'il était envisageable qu'il soit associé en tant qu'observateur à une opération de maintien de l'ordre, sans faire expressément référence à la manifestation du 1er mai – or, je rappelle qu'à l'époque il y avait de nombreuses manifestations. Il ne m'a donc jamais demandé l'autorisation d'être présent le 1er mai – une autorisation que, de toute façon, je n'avais pas vocation à lui accorder. Cependant, cela a été pour moi l'occasion de lui rappeler la règle, à savoir que seul le préfet de police est autorisé à délivrer une autorisation et que, si nous devions à un titre ou à un autre l'accueillir sur une manifestation ou tout autre événement, cela ne pourrait se faire que sur la base d'une autorisation formelle du préfet de police, à l'exclusion de toute autre personne
De votre déclaration, monsieur le directeur, je retiens donc qu'elle contredit celle du Président de la République, faite par l'intermédiaire de son porte-parole, selon laquelle M. Benalla et M. Crase bénéficiaient d'une autorisation. En tant que co-rapporteur, je réitère donc mon souhait que notre commission entende dans les meilleurs délais M. Bruno-Roger Petit, porte-parole du Président de la République, afin de comprendre en fonction de quels éléments factuels il a pu déclarer au nom du Président de la République que M. Benalla et M. Crase, le premier étant adjoint au chef de cabinet du Président de la République, le second employé du parti La République en Marche et collaborateur occasionnel du commandement militaire de l'Élysée, pouvaient bénéficier d'une autorisation.
Lors de son audition, M. le préfet a parlé de « copinages malsains » pour évoquer la nature de la relation entre M. Benalla et les trois policiers mis en examen, dont M. Simonin, votre « n – 1 ». Il semblerait que, compte tenu de leurs fonctions, M. Benalla et M. Simonin travaillaient en étroite proximité. Pour qualifier leurs relations, reprendriez-vous l'expression de M. le préfet de « copinages malsains » ?
Par ailleurs, il semble qu'il y ait eu un certain nombre de dysfonctionnements de vos services intégrés à la préfecture. Vous dites que ni le préfet, ni vous-même, ni votre chef d'état-major n'étiez informés de la présence de M. Benalla – avec qui vous dites avoir l'habitude de travailler. Qu'est-ce qui explique que, le 1er mai, vous n'ayez pas été informé de sa présence ? Selon vous, M. Simonin ne vous a fait remonter aucune information ce soir-là, agissant sans vous aviser de quoi que ce soit : cela pourrait-il s'expliquer par les mauvaises relations – pour ne pas dire les relations exécrables, comme j'ai pu le lire –, que vous entretenez avec lui ?
Enfin, monsieur le directeur, avec le recul, estimez-vous avoir correctement géré votre service, le 1er mai et les jours qui ont immédiatement suivi ?
Pour ce qui est de l'expression « copinages malsains » employée par le préfet de police, je ne puis que m'y associer. Je constate en effet qu'à aucun moment, je n'ai été mis au courant du fait que M. Benalla était en contact avec des effectifs relevant de mon autorité. Celui qui aurait dû m'en informer était le contrôleur général Laurent Simonin.
Pour ce qui est des relations que j'entretiens avec ce dernier, je ne vois pas ce qui vous permet d'affirmer que ces relations, d'ordre purement professionnel, sont exécrables. Laurent Simonin est un excellent professionnel qui a à son actif la gestion de grandes manifestations impliquant l'intervention de très importants services d'ordre – je pense notamment à la COP21, ainsi qu'à plusieurs autres déplacements importants. Par ailleurs, je précise que mon « n – 1 » n'est pas Laurent Simonin, mais l'inspecteur général Éric Belleut.
Laurent Simonin est l'un des commissaires d'état-major relevant de l'autorité de M. Belleut, et j'ai avec lui les relations qu'a un directeur avec l'un de ses commissaires d'état-major : elles ne sont ni bonnes ni mauvaises, et purement professionnelles. Pour ce qui est du 1er mai, il n'a à aucun moment informé sa hiérarchie – je le redis sous serment – des contacts qu'il a eus avec M. Benalla et qui lui ont permis d'organiser et de finaliser ses déplacements, en lui adjoignant, comme c'est la règle quand un observateur est présent, un « poisson pilote », c'est-à-dire un référent – le major Philippe Mizerski –, qui lui a remis un casque de protection pour le cas où il se trouverait mis en danger dans le cadre de la manifestation.
Je le répète, je n'étais pas informé de l'intervention de M. Benalla, et c'est seulement le lendemain que je l'ai été, grâce à la vidéo.
Pour ce qui est de M. Crase, j'ai appris son existence par les journaux dans la journée du 19 juillet : avant cette date, je ne savais rien de la présence d'un deuxième observateur – un observateur fantôme, pourrait-on dire – au sein du dispositif.
Oui, mais je ne savais pas qui était cette personne.
En résumé, je n'ai été informé à aucun moment de l'existence d'une opération d'accompagnement de M. Benalla par mon collaborateur Laurent Simonin, qui avait pourtant l'obligation d'informer sa hiérarchie – soit en avisant sa hiérarchie immédiate, en l'occurrence mon adjoint Éric Belleut, qui m'aurait à son tour informé, soit en m'informant directement. Il a, du reste, reconnu devant moi qu'il avait organisé ce déplacement en pensant que toutes les autorisations lui étaient accordées. Or, je rappelle qu'il n'est qu'une autorisation valable à nos yeux, celle du préfet de police – qui ne l'avait pas donnée.
Monsieur le directeur, je souhaite vous interroger sur deux points. Premièrement, alors que vous avez constaté qu'un observateur s'était trouvé sur une manifestation sans avoir les autorisations requises, aucune procédure disciplinaire n'a été enclenchée à l'encontre de votre collaborateur, qui avait fait en sorte que cette situation soit possible. Si cet observateur n'avait pas été un proche collaborateur du Président de la République, aurait-il bénéficié de la même absence de sanctions ?
Deuxièmement, pouvez-vous nous préciser quelle est la nature des pressions ayant été exercées sur les officiers actuellement mis en examen afin de les pousser à remettre les enregistrements vidéo à M. Benalla, alors même qu'il était de notoriété publique qu'il y avait une affaire, dans laquelle sa responsabilité pénale personnelle pouvait se trouver engagée ?
Lorsque j'ai appris que Laurent Simonin s'était affranchi de l'obligation de rendre compte, nous n'étions pas encore informés de l'extrême gravité de l'affaire : nous savions simplement que M. Benalla s'était livré à des gestes délictuels – mais aucun personnel relevant de la préfecture de police n'avait commis, de manière visible et immédiate, un fait grave répréhensible pénalement. Le contrôleur général Laurent Simonin étant, je le répète, un fonctionnaire d'une grande qualité professionnelle, il lui a été fait, comme il est naturel en pareil cas, des remontrances par son directeur – ce qui, au demeurant, n'est pas du tout anodin dans l'administration : cela constituait en effet une première marque de défiance à l'encontre d'un haut fonctionnaire relevant de mon autorité, et un acte fort dans la gestion habituelle de notre maison.
Par ailleurs, dès le lendemain, j'ai convoqué le sous-directeur ainsi que toutes les autres personnes ayant vocation à être, à un titre ou à un autre, confrontées à cette problématique, et je leur ai rappelé les règles très strictes en vigueur, à savoir que lorsqu'ils sont saisis d'une demande particulière, ils ont à en rendre compte immédiatement à leur hiérarchie, de façon que l'information remonte jusqu'à moi – à charge pour moi d'en aviser le préfet de police qui, seul, est habilité à donner des informations.
Pour ce qui est de votre deuxième question, une enquête judiciaire est en cours et pour le moment, je ne puis, comme vous, que constater que des gestes délictuels ont été commis. Je n'en connais pas les raisons et j'ignore quels ont été les ressorts ayant présidé aux décisions prises par des hauts fonctionnaires de police. Je ne peux donc pas vous en dire plus : il convient d'attendre les conclusions de l'enquête pénale, qui permettra certainement d'éclairer la justice et nos concitoyens sur les raisons ayant conduit un commissaire de police, un contrôleur général et un commandant de police à commettre un acte manifestement tout à fait illégal.
Monsieur le directeur, je vais vous poser à nouveau, à vous qui êtes un haut fonctionnaire, une question que je pose depuis ce matin sans parvenir à obtenir de réponse précise. Vous nous avez indiqué avoir été destinataire de la fameuse vidéo dès le 2 mai, date à laquelle vous avez pu constater qu'indépendamment des agissements susceptibles d'être qualifiées pénalement et concernant Alexandre Benalla, il y avait eu l'intrusion d'une personne non autorisée dans un dispositif de forces de sécurité que vous commandez, ladite personne étant venue au contact de manifestants – ce qui n'est déjà pas admissible de la part d'un observateur autorisé – et vous avez également pu observer l'inaction des policiers qui l'entouraient. Comment expliquez-vous n'avoir pas saisi, dès ce jour-là, l'inspection générale de la police nationale (IGPN) ?
Par ailleurs, vous nous avez dit que M. Benalla participait à toutes les réunions concernant les déplacements du Président de la République. Or, il est de notoriété publique que, postérieurement au 2 mai et avant le 19 juillet, M. Benalla a été présent aux côtés du Président de la République à l'occasion d'un certain nombre de déplacements privés ou publics. Comment expliquez-vous qu'il n'y ait eu aucune réaction à sa présence, alors que chacun savait, au sein du ministère de l'intérieur, qu'il y avait une affaire ?
Le directeur de la préfecture de police que je suis n'a pas la possibilité de saisir motu proprio l'Inspection générale de la police nationale. C'est en général le préfet de police qui doit la saisir, lorsque des faits le justifiant sont portés à sa connaissance – et c'est ce qu'il a fait, en saisissant la délégation parisienne de l'Inspection générale des services.
Pouvez-vous me répéter votre deuxième question, madame la députée, car je n'ai pas eu le temps d'en prendre note intégralement ?
Il est très surprenant de constater que M. Benalla a été présent aux côtés du Président de la République postérieurement au 2 mai et jusqu'au 17 ou 18 juillet, alors que chacun savait qu'une affaire – qu'elle soit de nature pénale ou administrative – était en cours, et que M. Benalla n'avait donc pas à apparaître à l'occasion de tous les événements publics où il a été vu. Comment se fait-il que vous n'ayez pas réagi à sa présence, alors que vous connaissiez les agissements qui lui étaient reprochés ?
Les faits ont immédiatement été portés à la connaissance de l'autorité hiérarchique de M. Benalla, qui a pris des sanctions sur-le-champ – ce que je n'ai su que très récemment. À aucun moment, ni le DOPC que je suis, ni ses collaborateurs, n'ont été avisés de sanctions prises à l'encontre de M. Benalla. Si j'avais croisé M. Benalla au cours d'un déplacement du Président de la République – ce qui ne me semble pas avoir été le cas avant le transfert des cendres de Simone Veil au Panthéon –, je n'aurais jamais imaginé qu'il avait fait l'objet d'une mesure de suspension par la Présidence de la République. L'autorité administrative ayant été avisée, je n'avais pas à me prononcer sur le fait que M. Benalla ait été maintenu intégralement ou partiellement dans ses fonctions.
Monsieur le directeur, vous avez dit que M. Benalla était très connu de vos services et que vous aviez l'habitude de le rencontrer au cours de tous les déplacements qu'il pouvait organiser pour le Président de la République. J'aimerais savoir depuis combien de temps vous le connaissiez, si vous vous êtes interrogé sur l'organigramme de l'Élysée, ainsi que sur les fonctions réelles de M. Benalla, et les relations qu'il pouvait entretenir avec le ministère de l'intérieur et la préfecture de police. Ce que nous avons entendu aujourd'hui à ce sujet n'est pas très clair. Par ailleurs, avez-vous des éléments particuliers à porter à notre connaissance au sujet de cet individu, de son comportement général sur le plan administratif, mais aussi psychologique, puisqu'on entend dire qu'il lui arrivait d'avoir des comportements un peu excessifs ?
Dès l'élection de M. Macron, M. Benalla a été nommé à un poste d'adjoint au chef de cabinet : il était d'ailleurs en possession de cartes de visite portant ce titre. Pour ma part, je n'avais aucune possibilité de savoir dans quelles conditions sont nommés les collaborateurs de la Présidence de la République, et ne pouvais donc que constater qu'il se prévalait de sa qualité d'adjoint au chef de cabinet vis-à-vis de l'ensemble de ses interlocuteurs – jusqu'au cabinet du préfet de police, où il a participé à des réunions de travail sur des sujets relevant de la sécurité des événements auxquels le Président de la République devait prendre part.
Je connais M. Benalla depuis sa nomination au poste qu'il occupait – si tant est qu'il y ait eu une nomination formelle, ce que j'ignore –, c'est-à-dire depuis l'élection d'Emmanuel Macron. Il a remplacé dans ses fonctions M. Monteil, qui se prévalait également d'être adjoint au chef de cabinet. C'est un interlocuteur qui s'est imposé naturellement dans le paysage, comme une personne tout à fait crédible en apparence, qui distribue des cartes de visite faisant mention de sa qualité d'adjoint au chef de cabinet et qui, lors des déplacements et des réunions préparatoires qui les précèdent, expose la vision et les souhaits du cabinet du Président de la République – ou du Président lui-même – en termes d'organisation.
Pour ce qui est des aspects relatifs à la sécurité, c'est surtout le Groupe de sécurité de la présidence de la République (GSPR) qui exprime des souhaits. Dans le cadre d'une relation de travail habituelle, les souhaits du Président de la République et de son cabinet sont exposés aux services du préfet de police, du GSPR ou encore des organisateurs de l'événement, qui expriment un avis quant à la possibilité de tenir compte de ces souhaits, et le cas échéant dans quelles conditions.
Pour être très clair, je vous confirme que M. Benalla est bien connu de la DOPC, ès qualités d'adjoint au chef du cabinet du Président de la République, un titre dont il se prévaut et dont il arbore les signes apparents depuis la mise en place du cabinet.
J'ajoute que je ne me rends jamais aux réunions préparatoires des déplacements, cette tâche étant dévolue à certains de mes subordonnés, qui travaillent avec des collaborateurs, parfois même avec les chefs du GSPR. Il arrive que le chef du cabinet du Président de la République prenne part lui-même à ces réunions. M. Benalla y est évidemment présent du fait de ses attributions, ainsi que certains collaborateurs du préfet de police, qui sont généralement des membres de la mission « police » du cabinet du préfet, chargés de faire remonter au préfet de police les souhaits formulés au cours de la réunion, avant que des instructions ne soient données sous la forme d'une note que le préfet de police m'adresse, et que je « mets en musique » avec mes services.
Pour ce qui est du comportement de M. Benalla, rien ne m'a été rapporté par mes collaborateurs. Comme vous, j'ai entendu des syndicalistes policiers affirmer récemment qu'il avait des comportements inappropriés vis-à-vis de policiers sur le terrain, mais, avant cela, rien ne m'était jamais remonté à ce sujet. La DOPC est une petite direction comportant vingt-huit cadres, me semble-t-il, du commissaire de police jusqu'à moi, et je peux vous assurer qu'aucun de mes commissaires ne m'a jamais fait remonter un comportement inapproprié d'Alexandre Benalla sur le terrain.
J'ajoute que j'ai l'habitude de contrôler les événements depuis la salle de commandement et que je me rends donc très peu sur le terrain – il faut pour cela qu'un contexte très particulier le justifie. Les deux dernières fois où j'ai aperçu Alexandre Benalla sur le terrain ont été le 1er juillet, jour du transfert des cendres de Simone Veil au Panthéon, et le 14 juillet. Aucun de mes collaborateurs ne m'a fait remonter de problèmes particuliers concernant Alexandre Benalla, et aucun ne m'a informé de sa participation à une opération de maintien de l'ordre, soit à titre personnel, soit en se prévalant d'une autorisation réelle ou supposée.
Monsieur le directeur, le groupe Nouvelle Gauche souhaite vous dire à nouveau toute sa gratitude, à vous et à l'ensemble des policiers et des gendarmes qui assurent la sécurité des Français. Comme vous l'a dit tout à l'heure M. le co-rapporteur, vous pouvez être assurés du soutien de la représentation nationale.
Je souhaite vous interroger au sujet des documents qui peuvent être établis à partir d'un certain nombre d'éléments techniques. D'après les informations dont je dispose, il existe des retranscriptions des échanges effectués au moyen du dispositif radio ACROPOL, dont sont équipées les forces de l'ordre – en tout état de cause, il est possible d'accéder aux enregistrements qui sont faits de ces échanges. Avez-vous eu connaissance des échanges ayant eu lieu dans le cadre de la manifestation du 1er mai ?
Je n'ai eu connaissance de l'existence d'un poste ACROPOL entre les mains d'Alexandre Benalla que le 19, en regardant une vidéo qui passait en boucle sur BFM et des photos circulant sur les réseaux sociaux. Je suis formel, à aucun moment entre le 1er et le 19 mai, je n'ai eu connaissance qu'Alexandre Benalla avait été en possession d'un poste ACROPOL ou d'un brassard de police.
Je vous précise qu'il est très facile de tracer un poste ACROPOL. Lorsque l'enquête judiciaire aura déterminé les conditions dans lesquelles Alexandre Benalla est entré en possession de ce poste et quelle était son origine, il sera facile de retrouver le service et même la personne qui le lui a remis – j'imagine que la justice lui posera très clairement la question.
S'agissant d'éventuels échanges radio entre Alexandre Benalla et un réseau directeur, comme je vous l'ai dit, je pilote moi-même les opérations à la radio. J'ai plusieurs trafics radio à gérer en même temps – en l'occurrence, il y avait deux divisions, l'une affectée aux événements de la Contrescarpe, l'autre, peut-être encore plus sensible, sur la rive droite, où se trouvaient d'importants groupes de casseurs qui vandalisaient des commerces aux abords de la gare de Lyon –, en me focalisant sur la fréquence correspondant la plus « chaude », celle correspondant aux événements les plus préoccupants. Dans l'exercice de ce qui relève de mes responsabilités, j'ai écouté une grande partie du trafic radio de cette journée, et je peux vous assurer qu'à aucun moment je n'ai entendu un message dont l'origine me semblait douteuse ; de même, mes collaborateurs m'ont confirmé a posteriori qu'aux moments où je n'écoutais pas la radio ils n'avaient capté aucun message d'origine douteuse. En d'autres termes, toutes les personnes que nous avons entendues s'exprimer sur les deux fréquences de la police correspondaient à des indicatifs clairement identifiés comme relevant de missions de service, et ayant soit reçu des instructions directes à ce sujet, soit effectué des comptes rendus.
Est-il possible qu'il y ait eu, durant la manifestation du 1er mai, des échanges radio sur d'autres fréquences que celles habituellement utilisées par la police ?
D'un point de vue purement technique, c'est possible.
Sauf erreur, la CRS 15 était présente. Or, si je ne m'abuse, toute intervention d'une CRS donne lieu à l'établissement d'un procès-verbal d'intervention appelé septimo constituant la trace écrite de cette intervention. Avez-vous pris connaissance de ce procès-verbal ? Enfin, je me tourne vers vous, madame la présidente, pour savoir si nous pourrons demander communication de cette pièce.
Les comptes rendus des CRS travaillant sous l'autorité du préfet de police, de même que les comptes rendus d'intervention des escadrons de gendarmerie mobile – qui sont des forces de la réserve nationale – sont adressés exclusivement à leur hiérarchie organique, et non à leur hiérarchie opérationnelle. Ce n'est que lorsque nous demandons expressément à obtenir certains éléments qu'ils peuvent être portés à notre connaissance. Un compte rendu a certainement été établi, mais il a été directement adressé à la direction centrale des CRS.
Monsieur le directeur, ma première question porte sur votre prise de connaissance de la vidéo le 2 mai. J'aimerais savoir par quels actes vous avez réagi au moment où vous avez visionné cette vidéo pour la première fois. J'imagine que vous avez cherché à savoir qui apparaît sur cette vidéo et ce qui s'est passé exactement : pouvez-vous nous dire qui vous avez contacté pour le savoir, et quelles questions vous avez posées. Par ailleurs, comment expliquez-vous que vous identifiiez M. Benalla, mais pas M. Crase, et que vous ne donniez pas suite à cette absence d'identification concernant l'une des personnes impliquées – alors même que M. Crase est le premier, sur la vidéo, à traîner le jeune homme sur plusieurs mètres, avant que M. Benalla ne prenne le relais ?
Le fait que cette affaire se soit soldée à votre niveau par une simple remontrance peut-il s'expliquer par le fait que les services de police soient paralysés à la simple idée d'interagir avec les services de l'Élysée ?
C'est un appel du directeur de cabinet du préfet de police qui m'a informé de l'existence de la vidéo, au sujet de laquelle il souhaitait que je l'éclaire. Avant cet appel, j'ignorais l'existence de la vidéo.
Bien sûr, je l'ai trouvée très facilement, et immédiatement regardée, ce qui signifie qu'un grand nombre de personnes présentes sur les réseaux sociaux l'ont fait avant moi – c'est peut-être votre cas, monsieur le député.
Je suis alors complètement interloqué par ce que je vois, à savoir M. Benalla présent sur le lieu de la manifestation, et interagissant avec les forces de l'ordre. Je contacte immédiatement mon « n – 1 », c'est-à-dire mon adjoint Éric Belleut, afin de lui demander si lui-même peut m'éclairer, mais lui aussi tombe de l'armoire, si j'ose dire… Cependant, dès que nous contactons Laurent Simonin, il reconnaît avoir co-organisé, avec M. Benalla, les conditions de la venue de celui-ci à la préfecture de police. Je rédige alors aussitôt une fiche technique de l'ensemble des faits dont j'ai connaissance, qui est communiquée à la justice ainsi qu'à l'Inspection générale des services (IGS).
Pour ce qui est de M. Crase, je répète que je n'ai eu connaissance de son existence que le 19 juillet.
Certes, mais au milieu d'un grand nombre de policiers, de CRS et d'autres personnes, et il ne faut pas oublier que j'étais alors concentré sur la présence de M. Benalla, parfaitement reconnaissable pour nous qui le connaissions. Je ne me suis même pas interrogé sur la présence de M. Crase, que j'ai pris pour un policier.
Ma question suivante est simple : qui est M. Mizerski ? Qui est-il donc pour être à la fois l'accompagnateur de M. Benalla sur le terrain sans faire remonter les faits jusqu'à vous, et pour faire entrer M. Benalla dans la salle de commandement, selon l'hypothèse formulée tout à l'heure par le préfet de police ? Qui est-il enfin pour être à nos côtés le jour de la marche en hommage à Mireille Knoll ? Qui est-il pour être également présent lors des évacuations d'étudiants à Tolbiac, etc. ? On le voit également lors de missions de protection quasi rapprochée du Président de la République ; il était également dans le secteur lors du Salon de l'agriculture. Quel est son rôle dans cette histoire ? On en parle assez peu.
Pour être très précis, M. Mizerski est major de police. Il est affecté à l'état-major de la direction de l'ordre public et de la circulation (DOPC). À ce titre, il concourt à la préparation et au suivi de toutes les opérations de voie publique, comme l'organisation d'un service d'ordre lors d'occasions festives telles que l'arrivée des joueurs de football sur les Champs-Élysées, ou lors de manifestations. Il a donc vocation à y être associé en amont, mais il n'est pas le seul : d'autres personnes du même grade le sont également. Il fait partie des nombreux fonctionnaires associés à la préparation et à l'exécution sur le terrain de toutes les opérations de maintien de l'ordre – ce que nous appelons, selon un barbarisme, le MO-SO-VO : maintien de l'ordre, service d'ordre, voyages officiels. Par sa fonction, il est fondé à être associé en amont à la préparation de tous les événements gérés par la DOPC. Il n'en est que l'un des éléments, parmi d'autres collègues ayant d'autres grades et fonctions. C'est donc tout naturellement que vous le retrouvez sur le terrain, de manière fort logique, à l'occasion de différentes missions soit d'observation de manifestations soit de participation à des événements. S'agissant de la marche en hommage à Mireille Knoll, il était sur le terrain au titre de l'exécution et du renseignement dans les services que nous mettons en place pour assurer la sécurité de l'événement.
Par « renseignement », j'entends du renseignement purement opérationnel – indiquer par exemple à quel endroit il se trouve en réponse aux questions que nous lui adressons comme à trente ou quarante autres personnes. En effet, il ne faut pas isoler M. Mizerski des autres personnels de la DOPC qui interviennent dans le dispositif. S'il est en position de donner un renseignement de nature opérationnelle, il le donne tout naturellement.
Par l'intermédiaire de ses avocats, Alexandre Benalla affirme qu'il s'est rendu à la manifestation du 1er mai non pas de sa propre initiative, mais sur invitation de la préfecture de police. Quelle est l'appréciation que vous portez sur cette déclaration ?
Deuxième question : existe-t-il des précédents ou des situations comparables dans lesquelles des personnes auraient été présentes sans avoir été autorisées ? En clair, la police a-t-elle en mémoire la présence d'observateurs sans autorisation ?
Mes réponses seront très claires et brèves. M. Benalla n'a en aucun cas été invité à participer – je le répète et l'ai déjà dit sous serment – à une opération de maintien de l'ordre. Tout au plus s'est-il ouvert de son souhait de le faire, et il lui a été indiqué quel était le processus pour obtenir une autorisation, qu'il n'a manifestement pas suivi. Je le répète : en aucun cas M. Benalla ne peut-il se prévaloir d'avoir été invité par qui que ce soit à la préfecture de police ; de ce point de vue, les choses sont très claires.
Ensuite, en trente ans de services dans la police, je n'ai pas connaissance de précédents de cette nature concernant des opérations de police au sens large – manifestations, contrôles de police et autres. J'ai commencé ma carrière à la préfecture de police en 1986 et, comme jeune commissaire sur le terrain, j'ai eu à accueillir des observateurs de toute nature qui travaillaient avec moi dans des opérations de maintien de l'ordre – des sociologues, des journalistes, parfois même des parlementaires. En trente ans, je n'ai hélas pas eu connaissance d'une personne qui aurait été présente lors d'une opération de police de la préfecture de police sans y avoir été dûment autorisée par le préfet de police.
Vous dirigez une grande direction ; au point que l'on dit parfois dans la police que la DOPC est un État dans l'État. Permettez-moi de préciser une question que j'ai déjà posée au préfet de police dans des termes sans doute trop imprécis : pouvez-vous nous certifier qu'à votre connaissance, M. Benalla, indépendamment des déplacements du Président de la République, n'a pas participé à d'autres opérations de maintien de l'ordre aux côtés de membres de votre direction avant et après le 1er mai ?
Cela n'a pas été le cas ou, si tel a été le cas, cela ne m'est pas remonté. Étant donné la très grande proximité que j'ai avec les commissaires de police, qui sont toujours les mêmes à exercer les missions de maintien de l'ordre, je n'ose imaginer un seul instant que mes commissaires, ayant vu M. Alexandre Benalla sur d'autres opérations de maintien de l'ordre que celle du 1er mai, ne m'en aient pas fait part ; ils l'auraient certainement fait.
Avez-vous conscience que des cadres de la police nationale affirment le contraire de ce que vous venez de répondre ?
Je leur laisse l'entière responsabilité de leurs propos ; il reste à le prouver. Je vous dis et vous répète sous serment, monsieur le député, qu'à ma connaissance, M. Alexandre Benalla n'a jamais participé de près ou de loin à des opérations de maintien de l'ordre. La seule connaissance que j'ai d'une participation de M. Benalla dans les conditions que je viens d'indiquer concerne clairement la journée du 1er mai – je dirais presque que c'est une journée de trop.
Chaque groupe politique a pu s'exprimer. J'ajoute une question : nous avons bien compris que M. Alexandre Benalla n'avait pas demandé d'autorisation pour être observateur. Cette autorisation est-elle soumise à un processus régi par une note de service ou un arrêté ? Comment fonctionne-t-elle ? Sur quels textes vous fondez-vous pour déterminer la procédure à suivre, qu'il n'a manifestement pas suivie ?
Il n'y a aucun texte, mais simplement une pratique de la préfecture de police qui est constante – encore une fois, j'exerce à la préfecture de police depuis trente ans et, en tant que jeune commissaire de police, j'ai toujours vu des observateurs associés à des opérations de maintien de l'ordre, de service d'ordre ou de contrôle. Je suis certain qu'il n'existe pas de texte de la préfecture de police qui régit les conditions dans lesquelles cette autorisation peut être donnée. Clairement, il suffit de l'accord du préfet de police, parfois sous forme d'un courrier électronique informant le directeur ou les services concernés de l'autorisation d'observation par le préfet de police, lequel peut aussi avoir à émettre des réserves ou à imposer des conditions concernant le déroulement de la mission d'observation. Imaginons par exemple que l'observateur puisse être en danger : il nous est alors demandé d'assurer sa protection. Si l'on estime qu'à tel ou tel moment de la mission d'observation, la personne en question ne doit pas assister à tel ou tel aspect de l'opération pour des raisons de confidentialité ou autre, il peut être demandé au directeur ou au service de police concerné de limiter le rôle de l'observateur à telle ou telle partie, de restreindre l'accès à un théâtre ou de demander un retrait en cas de dangerosité, par exemple.
Pour être très clair, madame la présidente, il n'y a aucun formalisme particulier de ce point de vue à la préfecture de police : l'autorisation du préfet de police suffit et elle peut être formalisée par tout moyen, y compris un coup de téléphone informant que M. Untel est autorisé par le préfet de police à observer une opération selon telle ou telle condition.
Je l'ignore, étant un pur produit de la préfecture de police où j'exerce depuis trente-deux ans et où j'ai fait toute ma carrière.
Je voudrais revenir, monsieur le directeur, sur l'éventuelle participation de M. Benalla, après le 1er mai, à des opérations non pas seulement de maintien de l'ordre stricto sensu mais liées à la fonction de sécurité, à Paris ou dans la zone de la police d'agglomération parisienne, aux côtés de fonctionnaires de police. En avez-vous connaissance ?
Il me semble avoir déjà répondu à cette question : évidemment pas. Encore une fois, compte tenu du fonctionnement de la DOPC, si cela avait été le cas d'une façon ou d'une autre, je n'ose imaginer que je n'en aurais pas été informé.
J'avais bien entendu cette réponse s'agissant des opérations de maintien de l'ordre. Nous savons cependant – il suffit pour cela d'allumer la télévision – que M. Benalla était à Paris, à l'extérieur, après le 1er mai, aux côtés – j'imagine – de fonctionnaires de l'État ou peut-être de militaires de la gendarmerie. Prenons un exemple précis : le 16 juillet, M. Benalla – comme l'a indiqué ce matin le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement sur l'antenne de RMC – était au côté ou dans le bus des Bleus qui défilaient sur les Champs-Élysées. Le secrétaire d'État a déclaré ce matin très officiellement qu'il était chargé de la logistique des bagages, ce qui peut susciter un certain nombre de questions. Il n'est pas tout à fait habituel qu'un adjoint au chef de cabinet du Président de la République soit chargé de gérer les bagages d'une équipe de football descendant les Champs-Élysées mais enfin, telle est la déclaration du secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement du Gouvernement nommé par Emmanuel Macron – et par ailleurs délégué général du parti La République en Marche. Cette fonction de bagagiste étant mise à part, dans quel cadre juridique, au vu de la pratique et de votre expérience, M. Benalla pouvait-il selon vous se trouver sur les Champs-Élysées le 16 juillet ?
Je vous répondrai très simplement : je n'en sais rien et je suppose que s'il s'y trouvait, c'était au titre de ses fonctions d'adjoint au chef de cabinet du Président de la République.
Nous allons refaire un tour de table en entendant les orateurs par séries de trois à raison d'une question chacun.
J'ai bien écouté vos explications, monsieur le directeur. Le préfet de Paris, quant à lui, nous a indiqué cet après-midi qu'il n'était pas le seul à délivrer des autorisations d'observation. Vous nous avez signalé et confirmé que M. Benalla était un collaborateur régulier, et nous avez informés que M. Simonin était assez convaincu que les autorisations avaient bien été validées par sa hiérarchie et que tout se déroulait dans des conditions normales. Vous êtes revenu sur le fait que seul le préfet délivre ces autorisations en disant qu'il s'agit de formalités pas tout à fait certaines – alors que là aussi, nous avons entendu dire qu'une circulaire avait été prise sur ce point le 4 juin.
Tout cela semble un peu obscur. En conséquence, je souhaite vous demander plus précisément si vous connaissiez M. Benalla. Où et quand l'avez-vous rencontré ? L'avez-vous rencontré dans les deux semaines précédant le 1er mai ? Peut-être auriez-vous échangé aux fins de l'organisation de ces manifestations ?
Je répète très précisément que je connais M. Benalla depuis sa prise de fonctions, c'est-à-dire presque depuis l'élection du président Macron, en raison de ses qualités affichées, évidentes pour tout le monde et qui n'ont jamais été démenties par qui que ce soit, d'adjoint au chef de cabinet du Président de la République.
Ensuite, ai-je rencontré M. Benalla et quelles sont mes relations avec lui ? Je l'ai rencontré à quelques reprises sur le terrain, lorsque je me déplace – très rarement – avec le chef de l'État : le 14 juillet, lors du transfert de Simone Veil au Panthéon, et à deux ou trois autres reprises, à l'occasion de salons auxquels le Président de la République s'est rendu. M. Benalla était toujours à ses côtés au titre, je suppose, de ses qualités et fonctions affichées.
Quant aux relations interpersonnelles que j'aurais pu avoir avec lui, je serai précis : j'ai eu quinze jours avant, si ma mémoire est bonne, une réunion de travail au Palais de l'Élysée concernant les problèmes à gérer entre les effectifs qui sont sous mon autorité et qui sont postés à l'extérieur du Palais, à savoir les membres de la compagnie de garde de l'Élysée, et ceux qui relèvent de l'autorité du commandant militaire de l'Élysée. C'est à cette occasion, au détour de la conversation, que M. Benalla s'est enquis de la possibilité technique d'assister en tant qu'observateur à des opérations de police concernant une manifestation. Je lui ai répondu que c'était évidemment possible à condition d'avoir obtenu une autorisation de sa hiérarchie – mais cela ne me regarde pas – et, surtout, que j'aie moi-même l'autorisation du préfet de police de l'accueillir, ce qui n'a pas été le cas. J'ajoute que lorsqu'il m'a posé cette question d'ordre très général, M. Benalla n'a à aucun moment fait référence à la manifestation du 1er mai.
Merci, monsieur le directeur. (« Une seule question par orateur ! » sur plusieurs bancs.) Non, c'est la même question et je poursuis car elle porte sur un point important. En début d'audition, vous nous avez dit que vous n'aviez pas connaissance du fait que M. Benalla allait venir à la manifestation du 1er mai, et voici que vous nous dites que, pendant les quinze jours précédents, vous avez préparé cette manifestation avec lui en lui disant que vous lui obtiendriez une autorisation d'observateur ! (« N'importe quoi ! Pas du tout ! » sur divers bancs).
Ma question va ramener un peu de calme. (Exclamations.) L'alinéa 2 de l'article 40 du code de procédure pénale est très clair : il impose à toute autorité constituée – officier public ou fonctionnaire – l'obligation d'aviser immédiatement le procureur de la République des faits délictueux ou criminels dont il pourrait avoir connaissance. Vous nous avez indiqué tout à l'heure, monsieur le directeur, avoir eu connaissance des faits le 2 mai par le visionnage de la vidéo. Le ministre de l'intérieur et le préfet de police nous ont indiqué aujourd'hui qu'il ne leur revenait pas de faire jouer cet alinéa 2 de l'article 40. En ne le faisant pas jouer vous-même, considérez-vous avoir agi en conformité avec les principes républicains et n'avoir pas manqué à vos obligations ?
Avant de répondre précisément à votre question, monsieur le député, permettez-moi d'indiquer à la députée qui vient de m'interroger que j'avais l'impression de m'être exprimé dans un français correct. Très clairement, madame la députée, je m'inscris en faux contre vos propos : à aucun moment – sauf à ce que je me sois mal exprimé ou que mon français soit très approximatif – n'ai-je reconnu avoir donné une autorisation ou co-organisé quoi que ce soit. C'est une interprétation de votre part dont je vous laisse entièrement responsable.
Je suis responsable sous serment de mes dires, qui sont très précis, mais je ne suis pas responsable de l'interprétation que vous en faites, madame.
J'en viens à la question de l'article 40 du code de procédure pénale, à laquelle je vais répondre très précisément. Lorsque j'ai visionné la vidéo, la chaîne serait longue des gens qui auraient été tenus de révéler au procureur de la République les faits qui y apparaissent. Cela vaut pour les hautes autorités et tous mes supérieurs hiérarchiques, du préfet de police au ministère de l'intérieur, mais aussi pour tous mes collaborateurs qui ont eu connaissance de cette vidéo. Encore une fois, ce sont quelques dizaines voire quelques centaines de personnes qui auraient été dans l'obligation de dénoncer les faits apparaissant sur la vidéo au procureur au titre de l'article 40, et qui ne l'ont pas fait.
À partir du moment où M. Benalla a été identifié comme relevant clairement de l'autorité de la Présidence de la République, et où les autorités – en ce qui me concerne, il s'agissait du préfet de police et du ministre de l'intérieur – étaient au courant, ainsi qu'un certain nombre de mes collaborateurs, qui devait « tirer le premier » ? S'il doit m'être reproché de ne pas avoir satisfait aux obligations de l'article 40, alors cette critique pourra également être adressée à quelques dizaines voire centaines d'autres personnes.
Je souhaiterais, monsieur le directeur, revenir sur les faits qui se sont produits le 1er mai sur la place de la Contrescarpe. Selon vous, les capacités opérationnelles des services de police dont vous avez la charge étaient-elles dépassées ce jour-là ? L'étaient-elles au point d'avoir besoin de l'intervention, comme il l'indique lui-même, de M. Benalla, puisqu'il dit avoir apporté son aide aux services de police sur la place de la Contrescarpe, et au point que les services de police eux-mêmes n'ont pas eu le temps d'intervenir pour empêcher l'action tout à fait impromptue, improbable et anormale de M. Benalla sur place ? Un seul fait générateur aurait produit deux conséquences directes. Pouvez-vous apporter une réponse précise à cette question ?
Tout à fait, monsieur le député. Le préfet de police avait mis à ma disposition tous les moyens nécessaires pour gérer à peu près correctement cette manifestation. Au moment des faits qui apparaissent sur la vidéo, j'étais en train de gérer une situation beaucoup plus sérieuse vers la gare de Lyon où une partie des black blocs étaient parvenus à se faufiler dans une rue en enfilade où ils se livraient à de très nombreuses dégradations. Il y avait aussi sur la place de la Contrescarpe une violence avérée : je vois très clairement sur les images des caméras des jets de bouteilles et de projectiles sur les forces de l'ordre. Celles-ci sont intervenues sans jamais être dépassées, mais elles étaient naturellement sous pression. C'est ce qui peut expliquer non pas la passivité des policiers présents sur place, qui auraient pu voir ce qui s'est passé, mais le fait qu'ils étaient occupés à se protéger contre les projectiles que leur lançaient les quelque soixante à cent manifestants. Ils étaient dans l'action. Je rappelle que la personne « victime » des exactions de M. Benalla a été interpellée parce qu'elle jetait des projectiles sur les forces de l'ordre, et qu'elle a été présentée à un service de police judiciaire.
De mon point de vue, les fonctionnaires présents – c'est humain – étaient occupés à protéger leur intégrité physique et à régler les problèmes d'ordre public. Dans l'action, l'adrénaline parle. Ils étaient dans l'action et se protégeaient eux-mêmes. L'interpellation s'est faite dans des conditions difficiles avec des jets de projectiles et alors que les incidents se sont poursuivis bien après la vidéo, pendant au moins deux ou trois bonnes heures. De mémoire, la dernière barricade faite de barrières de la Ville de Paris a été abandonnée vers vingt-trois heures sur la place de la Contrescarpe et les incidents étaient alors terminés. Pour vous donner la mesure de ces événements, nous avons procédé à trente-et-une interpellations sur cette seule place, dont les deux personnes qui ont « subi » les agissements de M. Benalla.
Nous avons bien compris qu'il se tient des réunions en amont pour préparer les différents événements à l'occasion desquels le Président de la République a vocation à se rendre dans Paris. Vous n'y étiez pas à titre personnel, mais l'intégralité de vos services y assistaient. Y a-t-il eu une réunion de ce type, quelle que soit la manifestation concernée, entre le 2 et le 18 mai ?
Oui, très certainement.
Comme vous nous avez indiqué tout à l'heure que M. Benalla était présent à l'intégralité de ces réunions, ne vous est-il pas apparu qu'il ne l'était pas à l'une des réunions qui auraient eu lieu entre le 2 et le 18 mai ?
Non. Je répète que la sanction prise à l'encontre de M. Benalla n'a été à aucun moment portée à ma connaissance ou à celle de mes collaborateurs.
Vous allez un peu plus loin en répondant à ma première question : personne ne vous a informé de cette sanction, mais vous venez par votre réponse d'indiquer qu'en réalité, cette sanction n'a pas été appliquée puisqu'il s'est tenu des réunions entre le 2 et le 18 mai et que M. Benalla y était présent avec vos services.
Je commencerai par remercier M. le directeur pour la précision de ses propos. Permettez-moi de revenir sur la situation de M. Crase. Selon le porte-parole du Président de la République, M. Crase est un employé de La République en Marche mobilisé par le commandement militaire de la Présidence de la République. À votre connaissance, dans quel cadre légal le commandement militaire de la présidence de la République peut-il prendre part à des opérations de maintien de l'ordre à Paris ?
J'ignore les conditions dans lesquelles M. Crase a été employé ou utilisé par le commandement militaire, mais il va de soi que celui-ci n'a pas vocation à participer de quelque manière que ce soit aux opérations de maintien de l'ordre dans Paris, qui sont du seul ressort du préfet de police et des effectifs dont il dispose, en l'occurrence les effectifs de la direction de l'ordre public et de la circulation et, plus généralement, tous les policiers parisiens, ainsi que les unités de la réserve nationale – CRS ou gendarmes – qui sont mises à sa disposition. Le commandement militaire n'intervient à aucun titre dans les opérations de maintien de l'ordre.
Je vous remercie à mon tour pour vos propos très clairs, monsieur le directeur. Vous avez indiqué que la demande de M. Benalla n'avait emprunté aucun canal officiel. À votre connaissance, qui a donc fait cette demande pour lui ? Est-ce lui seul ou quelqu'un d'autre au sein de l'Élysée ? Cette demande a-t-elle été faite à M. Simonin, contrôleur général ? Comment ce passe-droit a-t-il pu être permis ? Existait-il des connexions particulières entre M. Simonin et M. Benalla ? Enfin, compte tenu des propos que vous avez tenus, M. Benalla pouvait-il selon vous être considéré comme chargé de la sécurité du Président de la République ?
Aucune autorisation n'a été demandée au préfet de police, qui n'en a accordé aucune. Je constate – c'est un fait porté à la connaissance de la justice – que M. Benalla est arrivé dans des conditions matérielles organisées entre lui et le contrôleur général Simonin. J'ignore la nature précise des rapports personnels qu'entretiennent Laurent Simonin et Alexandre Benalla car, par définition, je n'ai pas vocation à intervenir dans les relations interpersonnelles des uns et des autres.
À ma connaissance, en aucun cas M. Benalla ne s'est présenté comme chargé de la sécurité du Président de la République. En revanche, il est clair, net et patent qu'il se présentait comme adjoint du chef de cabinet du Président de la République et qu'à ce titre, les demandes qu'il formulait – en matière de sécurité ou de protocole, par exemple – étaient perçues comme des souhaits émanant du cabinet du Président de la République.
Comme vous, monsieur le directeur, nous connaissons de cette affaire par les informations que nous donne la presse. Elle nous dit que cette personne serait sans doute habilitée au secret défense ; avez-vous une information sur ce point ? Surtout, qui préside les réunions auxquelles participe M. Benalla ? Quelles sont les conditions d'accès à la salle opérationnelle ? Le soir du 1er mai, en effet, vous êtes arrivés dans cette salle avec le préfet de police et vous êtes étonnés d'y trouver M. Benalla. Pourrais-je y débarquer moi aussi comme cela ?
Je ne suis pas habilité à habiliter d'autres personnes au secret défense et je n'ai absolument pas connaissance d'une éventuelle habilitation. En matière de maintien de l'ordre, le secret défense est proche de zéro.
Les réunions en question ne sont pas présidées à proprement parler : il s'agit de réunions de travail au cours desquelles tous les intervenants associés aux déplacements du Président se réunissent pour examiner concrètement son heure d'arrivée, les lieux où il doit se rendre et par où il doit arriver, l'emplacement réservé aux journalistes, les éventuels problèmes de sécurité voire d'intendance, par exemple l'opportunité de mettre un bureau à la disposition du Président afin qu'il s'isole pour travailler, et ainsi de suite. Ce sont des réunions de concertation sans présidence au cours desquelles sont examinés tous les éléments concourant au bon déroulement de la visite présidentielle. Quant aux mesures d'ordre public, elles sont portées par les membres du cabinet du préfet de police et actées avant de revenir sous forme d'instructions au DOPC pour être mises en oeuvre. Il n'y a pas davantage de formalisme que cela.
S'agissant des conditions d'accès à la salle de commandement, je n'ai pu que constater la présence de M. Benalla. Je vous rappelle qu'à ce moment-là, j'ai un casque sur la tête, et qu'après m'être aperçu de sa présence dans la salle, j'ai encore pendant une bonne heure au moins la charge de gérer cette manifestation loin d'être simple, croyez-moi – ce fut même l'une des plus difficiles que l'on ait connues. J'ai sept ans de maintien de l'ordre derrière moi : à l'exception peut-être de la manifestation du 14 juin 2016 concernant la loi sur le travail, je n'ai pas d'autre exemple d'une manifestation d'une telle violence. Quoi qu'il en soit, j'ai constaté la présence de M. Benalla dans la salle. Il va de soi que l'on ne rentre pas comme cela – Dieu merci – dans la salle de commandement de la préfecture de police. Il y a été non pas autorisé mais amené par quelqu'un. Compte tenu de ce que je découvre, j'imagine qu'il est tout simplement revenu avec la personne qui lui était « associée » comme « poisson-pilote », à savoir M. Mizerski, mais je n'en ai aucune garantie ; je m'interroge comme vous.
Dans votre propos liminaire, monsieur le directeur, vous nous avez indiqué que lorsque vous avez appris que le contrôleur général, Laurent Simonin, avait autorisé M. Benalla à être présent sans autorisation, vous aviez dressé une fiche technique – c'est-à-dire un rapport – pour le préfet de police sur la situation et les défaillances, en quelque sorte, de votre contrôleur général. Vous avez également évoqué des remontrances. Pourriez-vous nous éclairer sur la nature de ces remontrances ?
Là encore, pour être très précis, lorsque Laurent Simonin m'a rendu compte de la manière dont il a organisé ce déplacement dans la manifestation, il m'a dit qu'Alexandre Benalla lui avait garanti qu'il avait obtenu toutes les autorisations. Une enquête est en cours et déterminera précisément ce qui a été dit ou non entre les deux hommes, mais M. Simonin m'a dit être persuadé que M. Benalla avait toutes les autorisations – même s'il n'y en a qu'une seule qui vaille : celle du préfet de police.
Je répète que Laurent Simonin est un fonctionnaire de grande qualité professionnelle qui est sinon l'un des piliers de la maison « ordre public », qui a en tous cas géré de grands événements et de très gros dossiers avec beaucoup de bonheur et de compétence. Je n'avais donc pas de raison d'aller au-delà d'une admonestation verbale. Mais ne vous méprenez pas, madame la députée : dans le monde policier, l'admonestation d'un directeur qui sermonne un subordonné pour n'avoir pas rendu compte d'un fait qu'il imaginait parfaitement anodin, selon ce qu'il prétend, puisque M. Benalla se prévalait apparemment d'avoir les autorisations nécessaires n'est pas un acte neutre. C'est une marque de défiance très claire qu'adresse un directeur à un collaborateur de niveau important, avant d'autres suites si de tels événements se reproduisaient. Ce n'est certes pas un acte écrit et formel mais, croyez-moi, dans le milieu policier, se faire sermonner ou reprendre par un directeur des services actifs n'est agréable pour personne et n'est pas sans conséquences.
Merci, monsieur le directeur, pour toutes vos précisions. J'ai bien noté que vous entreteniez des rapports réguliers avec M. Benalla, comme c'était le cas avec son prédécesseur du temps de M. Hollande – je crois que vous avez cité M. Monteil. Vous avez rappelé à plusieurs reprises que M. Benalla n'était pas chargé de la sécurité du Président ; c'est également ce qu'ont déclaré des membres du Gouvernement comme MM. Griveaux et Castaner selon lesquels il était chargé de la logistique et des bagages. Quel est donc le souci ? Le souci est que ce monsieur portait un brassard de police, possédait une arme, portait une oreillette, s'entraînait au stand de tir du service de la protection, s'entraînait à la boxe ; certes, tout cela n'est pas interdit mais les images le montrent, lors des manifestations, à l'avant du dispositif policier alors qu'il a la formation d'un agent de sécurité pour personnalités du show business ou d'un videur de boîte de nuit et en aucun cas la formation de quelqu'un chargé de la sécurité du Président de la République, premier personnage de l'État.
J'en viens à ma question : que serait-il arrivé demain en cas de nécessité d'extraction s'il y avait eu des tirs – bref, s'il avait fallu une intervention comme il a pu y en avoir en d'autres temps pour M. Rabin ou pour M. Sadate ? M. Benalla est au premier rang par fidélité, par amour pour le Président de la République, mais, malgré ses bonnes intentions, il n'est pas formé pour ce genre d'opérations. C'est de là que vient le problème car tout le monde l'identifie comme un membre de la sécurité dont, en fait, il ne fait pas partie. C'est d'ailleurs pourquoi il veut assister aux manifestations : il veut apprendre. Il aurait pu faire une école de police mais cela n'a pas été le cas.
Je souhaite donc avoir votre avis sur le sujet. Peut-être sa présence est-elle même un handicap pour les officiers chargés de la protection du Président de la République qui ont à éventuellement à l'extraire, etc.
Je ne connais pas la formation de M. Benalla et il ne s'est toujours prévalu auprès de mes services que de sa qualité d'adjoint au chef de cabinet de la Présidence de la République. Vous me demandez s'il y aurait des difficultés en cas de crise. Je pense qu'il faut poser la question à ceux qui sont chargés de la protection directe du Président de la République, à savoir à mes camarades du GSPR qui pourraient vous éclairer sur la difficulté qu'il pourrait alors y avoir à extraire le Président dans le cas que vous évoquez. La direction de l'ordre public, pour sa part, n'est pas chargée de la protection directe du chef de l'État, mais de la protection périphérique des sites dans lesquels il est amené à évoluer : on place des tireurs sur les points hauts, on dispose des CRS pour bloquer les rues… La sécurité directe du chef de l'État, je le répète, est sous la responsabilité directe du GSPR et non de la DOPC. Nous sommes les éléments de l'architecture du service d'ordre qui agit autour de l'événement.
Ensuite, le chef de l'État, dans ses déplacements, n'est pas entouré que de M. Benalla ; il y a en effet, parfois, des ministres, ou bien, quand il va par exemple au salon de l'agriculture, le président du salon se trouve à ses côtés.
Dans une situation dangereuse, le fait qu'il y ait des personnes peu formées ou pas formées peut en effet poser des difficultés pour mes camarades du GSPR.
J'ai eu l'occasion d'être en immersion en gendarmerie et en général un brief est organisé, on est vraiment accueilli, on nous explique les opérations, on rencontre les équipes, on leur est présenté en même temps que notre qualité leur est présentée. Je souhaite donc savoir si c'est aussi le cas pour le type d'opération dont il est question ici : comment s'organise l'accueil des observateurs ? Ensuite, le soir, lorsque vous voyez M. Benalla au débrief, comprenez-vous qu'il vient du terrain où il s'est rendu en observateur ?
Les conditions d'accueil que vous avez vécues sont les mêmes pour la venue d'un observateur dans tous les services de la préfecture de police. Quand une telle demande est validée par le préfet de police il y a bien évidemment ce que vous appelez un briefing sur la faisabilité, sur les conditions d'exercice de la mission d'observation… Une présentation aux équipes est faite et, tout naturellement, quand l'autorisation est donnée, nous faisons en sorte que l'observateur soit au courant de tous les éléments qu'il peut avoir à connaître.
Concrètement, si j'avais été destinataire d'une autorisation du préfet de police de venue de M. Benalla pour la manifestation en question, compte tenu, vous vous en doutez, de l'importance de la fonction de M. Benalla, j'aurais moi-même – et je n'aurais laissé le soin à personne d'autre de le faire – eu à coeur de quadriller avec lui toutes les conditions de déroulement de sa mission d'observateur en le mettant notamment en garde de ne pas s'exposer, de ne pas intervenir… Je l'aurais fait moi-même, je n'aurais même pas laissé ce soin à l'un de mes collaborateurs alors que quand ce sont des journalistes qui veulent observer le déroulement d'un service d'ordre, mes collaborateurs le font très bien à ma place. Ici, j'y insiste, j'aurais moi-même cadré la mission, j'aurais très certainement moi-même désigné le « poisson pilote » – et je n'aurais sans aucun doute pas mis un major de police à ses côtés mais probablement un commissaire de police, ce qui me semble plus en rapport avec la fonction de M. Benalla ; or si cela n'a pas été le cas, c'est parce que ni le préfet de police ni moi-même n'avons été au courant ni n'avons autorisé cette venue.
Monsieur le directeur, vous êtes hermétique à toute confusion des genres mais ne pensez-vous pas qu'il soit possible, compte tenu du poste occupé par M. Benalla au « Château », proche du Président, qu'il se permette de donner des ordres aux services ? Voilà qui expliquerait l'erreur de certains fonctionnaires, le contrôleur, le major, à l'occasion de cette opération qui a mal tourné – pour moi, ils apparaissent davantage comme les victimes d'un abus de pouvoir, en quelque sorte. Quel est votre sentiment ?
Faute de disposer des voies et moyens de sonder les coeurs et les âmes de mes collaborateurs directement confrontés à M. Benalla, je n'ai pas connaissance d'une quelconque autorité réelle ou supposée de sa part sur l'ensemble des fonctionnaires qui ont travaillé ce jour-là, ni à chaque fois que M. Benalla est venu pour un service d'ordre. Que la personnalité et les fonctions affichées aient pu, à un moment donné, mettre en position de fragilité tel ou tel fonctionnaire, c'est possible, je n'en sais rien. En tout état de cause, tous les ordres opérationnels donnés à l'ensemble des services d'ordre où M. Benalla a pu se trouver – exclusivement, en ce qui le concerne, pour les déplacements du Président de la République et donc à l'exception de la manifestation en question – n'émanent que d'une seule autorité – le préfet de police –, ne sont relayés que par une seule autorité – le directeur de l'ordre public et de la circulation – et je n'ai pas d'exemple que mes collaborateurs aient manqué aux instructions que je leur ai données.
Je remercie le directeur pour la clarté de son propos depuis le début de cette audition, clarté qui nous a permis d'avoir des informations sur la présence, entre le 2 et le 18 mai, de M. Benalla à un certain nombre de réunions préparatoires à des déplacements du Président de la République.
Vous avez évoqué au début de votre audition, monsieur le directeur, la rédaction d'une fiche technique relative aux événements survenus place de la Contrescarpe et je souhaite que vous nous confirmiez qu'il s'agissait d'une fiche technique pour l'information du préfet de police et du ministère de l'intérieur.
Je confirme que le préfet de police m'a demandé des éléments d'explication qui lui ont été fournis de deux façons : orale, bien évidemment, dans l'urgence, dès que j'ai eu connaissance des faits ; écrite sous la forme d'une fiche qui lui a été transmise dans la journée. Que cette fiche m'ait été demandée par le préfet de police me paraît parfaitement naturel. J'ignore l'usage qui en a été fait ensuite.
Monsieur le directeur, vous avez dit avoir été surpris de voir la personne en question dans la salle de commandement le soir du 1er mai. Le préfet de police s'est également déclaré surpris. Fort de votre longue expérience, pouvez-vous nous indiquer si vous avez l'habitude de voir quelqu'un de l'Élysée venir en salle de commandement en pleine action ?
Concrètement : non. Il est arrivé que nous y trouvions des membres du cabinet des ministres de l'intérieur successifs, depuis sept ans que je suis à ce poste. J'ai même vu des ministres de l'intérieur assister aux opérations depuis la salle de commandement. Mais également des membres des cabinets ministériels, autorisés par le cabinet du préfet de police, des membres de ce dernier, ce qui est légitime, et le préfet de police lui-même.
Avec votre permission, madame la présidente, je poserai les deux questions dévolues aux non-inscrits.
Vous avez indiqué, monsieur le directeur, que M. Simonin, qui a organisé la venue de M. Benalla le 1er mai, vous avait précisé qu'il était persuadé que M. Benalla avait toutes les autorisations nécessaires. Arrive-t-il souvent que quelqu'un explique avoir une autorisation de cet ordre sans qu'on lui demande de la fournir ? Avez-vous demandé à M. Simonin de quelles autorisations il s'agissait puisque vous saviez que ce n'était pas celle du préfet de police ? A-t-il précisé à un seul moment qu'il pouvait s'agir d'autorisations provenant de l'Élysée ?
Ensuite, nous savons, par le biais des vidéos qui ont circulé, que M. Benalla avait à sa disposition, pendant les événements du 1er mai, un casque, un brassard de police, une radio et peut-être même une arme puisque M. Crase, salarié de La République en Marche, semblait en avoir une sur lui alors qu'il n'avait pas de permis de port d'arme. Les communications par radio dépendent du système ACROPOL. Est-il à votre avis possible, pour un observateur, d'avoir accès au système ACROPOL ? Est-ce déjà arrivé ? Pour pouvoir communiquer par radio, il faut un indicatif. Un tel indicatif a-t-il pu être attribué à l'observateur Benalla ? Existe-t-il, par ailleurs, un indicatif propre à l'Élysée et, le cas échéant, qui le fournit ? Enfin, le préfet de police a déclaré cet après-midi qu'il ne savait pas qui avait pu fournir cette radio à M. Benalla. Savez-vous si M. Benalla en a fait usage et, si c'est le cas, avons-nous la possibilité de le « tracer » puisque le rapport du commissaire de police qui se trouvait sur place devrait en faire mention ?
En ce qui concerne la possibilité, pour un observateur, de quelque nature qu'il soit – qu'il vienne de l'Élysée, qu'il soit journaliste ou autre – d'avoir une radio lors de ces opérations d'observation : c'est strictement interdit. Et comme c'est interdit, il n'est absolument pas question d'attribuer audit observateur l'indicatif radio, cela va soi. J'ai eu l'occasion de vous dire que sur les fréquences que j'ai personnellement animées toute la journée avec un casque sur la tête, à aucun moment je n'ai entendu un indicatif… j'allais dire : suspect. Toutes les personnes que j'ai entendu s'exprimer sur les ondes, tous les indicatifs que j'ai entendus étaient connus, reconnus et ces personnes agissaient strictement dans leur cadre, autrement dit, il ne s'agissait que de forces de police.
Ensuite, oui, la traçabilité est possible et quand on connaîtra la provenance du poste ACROPOL en question, on pourra très certainement tracer les trafics radio. En attendant, j'y insiste : il n'y a pas eu de message « bizarre » sur les ondes, pas d'indicatif anormal et, pour répondre une nouvelle fois à votre question, aucun observateur n'a de radio puisqu'il n'en a pas l'utilité.
Il faudra peut-être que M. Simonin s'en explique devant l'inspection générale des services. Il m'a dit : M. Benalla s'est prévalu de toutes les autorisations de l'Élysée – j'imagine qu'il s'agit d'un blanc-seing hiérarchique – et du cabinet du préfet de police ; et M. Benalla a peut-être même ajouté, je ne sais pas, qu'il avait une autorisation de la DOPC... Reste que la DOPC n'a pas vocation à donner des autorisations, et qu'elle n'a donc pu en délivrer une à M. Benalla. M. Simonin ne s'est-il pas méfié, a-t-il péché par excès de légèreté, n'a-t-il pas vérifié ces autorisations ? En tout état de cause, il eût dû le faire et pour cela informer son supérieur hiérarchique et moi-même qui nous seuls avions la possibilité de vérifier auprès du cabinet du préfet de police que M. Benalla bénéficiait d'une autorisation du préfet de police.
Merci, monsieur Gibelin, pour vos réponses très claires, ce qui change de celles que nous avons eues ce matin.
Le préfet de police a parlé tout à l'heure de « copinages malsains ». Il est vrai qu'on voit peu à peu se dessiner une galaxie de personnages : d'abord, apparemment, une bande de copains, composée de deux, puis trois, puis quatre personnes… mais qui semble s'élargir ensuite à un groupe un peu plus structuré. Il est question de la fameuse radio – vous avez précisé que si elle a été utilisée, c'était sur un autre canal que le vôtre – que M. Benalla a pu se procurer grâce à une cinquième ou une sixième personne. Dans ce groupe, je relève les noms de MM. Mizerski, Crase, Benalla, Simonin – dont vous avez au moins salué les états de service, ce qui est honorable de votre part étant donné les circonstances. Vous nous expliquez que ce dernier fait partie d'agents sérieux qui, dans un contexte très tendu, ne pourraient prendre la décision qu'on sait simplement pour faire plaisir à quelqu'un, parce que c'est un ami et qu'il faut plus que l'aura élyséenne pour qu'ils autorisent M. Benalla sans que leurs supérieurs hiérarchiques soient au courant.
J'ai donc l'impression qu'au-delà du copinage apparaît un système un tant soit peu organisé. La mise en cohérence…
Si je reviens sur ce point, c'est parce que ma question porte sur la personne qui a donné l'autorisation. Il ne semble pas qu'il s'agisse d'une personne pourvue d'une autorité suffisante dans la hiérarchie du ministère de l'intérieur pour avoir amené ces agents à commettre ces fautes. Il s'agit donc d'une autorité supérieure qui n'appartient pas au ministère de l'intérieur et à même d'amener l'agent…
Qui, selon vous, d'après votre expérience, a l'autorité suffisante, aujourd'hui, pour conduire autant de personnes à commettre autant de fautes professionnelles au service d'un homme tel que M. Benalla ? (Brouhaha.)
Avec tout le respect que je vous dois, j'ai du mal à comprendre la question.
Madame Obono, nous allons laisser M. Gibelin répondre : nous sommes là pour poser des questions et surtout pour écouter les réponses.
Je ne peux en aucun cas parler d'un système, car il faudrait que j'en aie connaissance, ce qui n'est pas le cas. Je constate simplement qu'une personne qui aurait dû bénéficier d'une autorisation à participer à une manifestation dans les conditions que je viens d'exposer…
Il faudra lui poser la question. Je constate simplement que M. Benalla et M. Simonin ont co-organisé les conditions…
Mais posez-lui la question ! Je vous ai répondu très clairement tout à l'heure – j'ai parfois l'impression de me répéter – que M. Simonin m'a dit avoir eu un contact téléphonique avec M. Benalla, sans préciser qui avait appelé qui, lequel s'était prévalu d'avoir l'autorisation nécessaire. M. Simonin n'a pas cru bon de rendre compte à sa hiérarchie pour que soit vérifiée l'effectivité de cette autorisation. Ensuite, encore une fois, l'enquête de l'inspection générale des services et l'enquête judiciaire détermineront ce qui s'est très exactement passé entre M. Simonin et M. Benalla au cours de leurs échanges téléphoniques – moi, je n'en sais rien. Dès lors, me faire dire qu'il y a un système, non : il n'y a pas de système.
Vous n'avez pas fini de répondre à ma question concernant M. Mizerski. Je vous ai vu acquiescer, mais s'il s'agit vraiment de quelqu'un formé au renseignement opérationnel, pourquoi n'a-t-il pas accompli sa mission quand il se trouvait au côté de M. Benalla ? Quelles suites y avez-vous donné ?
Il faudra lui poser la question. Vous avez vous-même, je crois, vous l'avez dit, été confronté à la présence de M. Mizerski lors d'une manifestation. La mission de ce dernier, en matière de service d'ordre, consiste à faire remonter de l'information opérationnelle. Or il n'a rien fait remonter de tel. Il aurait pu signaler, par exemple, la présence d'un black bloc à cinquante mètres de lui... Ce n'était pas, en l'occurrence, la mission qui lui avait été donnée ce jour-là par le contrôleur général Simonin, clairement. Je vais être très direct : les conditions dans lesquelles M. Mizerski a été missionné par Laurent Simonin, ne sont, en l'état, pas claires du tout.
Vous avez déclaré, monsieur le directeur, que, dans le cas où un danger était à craindre pour les observateurs, des précautions étaient prises. Dans le climat de grande violence que vous aviez anticipé pour ce 1er mai, pensez-vous qu'une autorisation aurait été accordée à M. Benalla s'il en avait fait la demande ?
Si le préfet de police, qui est le seul à pouvoir délivrer une autorisation, m'avait interrogé, je le lui aurais très fortement déconseillé.
Tout simplement parce que nous connaissions le caractère très sensible de cette manifestation ; nous savions qu'auraient lieu des affrontements assez graves et, permettez-moi de le dire de façon très directe, s'embarrasser d'un observateur alors qu'on a mieux à faire…
Donc, je le répète, n'étant pas habilité, personnellement, à délivrer une autorisation, si l'on m'avait demandé mon avis, j'aurais fortement déconseillé qu'on la donne pour cette manifestation-là.
Encore une question très factuelle, monsieur le directeur, que j'ai posée au préfet de police tout à l'heure. Il m'a donné une réponse mais, entre-temps, je me suis renseigné, ce qui me permet d'être plus précis. On a beaucoup parlé de la présence de M. Benalla place de la Contrescarpe ; or, un certain nombre de photos et de vidéos le montrent, toujours lors de la manifestation du 1er mai, sans casque, cette fois, mais avec un brassard de police et un talkie-walkie, devant les lignes de CRS dans une position qui pourrait s'apparenter à une position de commandement et non pas d'observation. M. le préfet de police a émis l'hypothèse que c'était probablement à la suite des charges données boulevard de l'Hôpital après que des commerces avaient été incendiés.
Vérification faite, vidéos et photos à l'appui, la présence de M. Benalla est bien attestée – et je tiens les vidéos et les photos à disposition de la commission des Lois –, portant un brassard de police et muni d'un talkie-walkie, devant les lignes de CRS, avant que tout incident ne se produise entre les black blocs et les forces de police boulevard de l'Hôpital.
Avez-vous analysé le rôle de M. Benalla, alors dans une position intermédiaire entre les black blocs et les lignes de CRS, brassard de police en évidence et talkie-walkie à la main, avant que ne surviennent les incidents boulevard de l'Hôpital ?
Je n'ai connaissance de la présence de M. Benalla que place de la Contrescarpe. En effet, les premières images montrant M. Benalla avec une radio de police et un brassard ne me sont connues – et, il me semble, ne sont connues du préfet de police – que le 19 juillet. La seule image que nous ayons de M. Benalla « en action », est celle où on le voit un casque sur la tête mais sans Storno et sans brassard de police. Les images dont vous parlez et qui tournent en boucle, je le répète, je ne les découvre qu'à partir du 19 juillet.
Auparavant, j'y insiste, la seule vidéo que j'ai d'Alexandre Benalla le montre « en action » avec un casque sur la tête, casque qui lui a été fourni par le contrôleur général Simonin, et il n'a pas de brassard, vous pourrez le vérifier, ni de Storno.
Monsieur le directeur, en réponse à l'une de nos collègues du Pas-de-Calais, vous avez indiqué qu'à votre connaissance, selon mes notes, « il n'y a[vait] pas eu d'absence de M. Benalla aux réunions de préparation des déplacements du Président de la République entre le 1er mai et le 18 mai ». Or je rappelle à nos collègues, pour la bonne information de tous, que M. Bruno Roger-Petit, porte-parole du Président de la République,…
… déclare, le 19 juillet dernier, que M. Benalla, lorsqu'il a été mis à pied, a été « démis de ses fonctions en matière d'organisation de la sécurité des déplacements du Président de la République ». Je pense, madame la présidente, que ces deux déclarations nécessitent, pour que nous soyons pleinement éclairés, l'audition dans les meilleurs délais de M. Bruno Roger-Petit, porte-parole du Président de la République.
À cet égard, cher co-rapporteur, je me suis référée aux déclarations faites par le porte-parole du Président de la République que j'ai bien relues. Il indique clairement qu'Alexandre Benalla, chargé de mission auprès du chef de cabinet de la Présidence de la République, a demandé l'autorisation d'observer les opérations de maintien de l'ordre prévues pour le 1er mai. Cette autorisation lui a été donnée puisqu'il agissait dans le cadre de l'un de ses jours de congé. J'ai bien compris que l'autorisation dont il est fait état, l'autorisation qu'il demande à l'Élysée, n'est pas une autorisation demandée à la préfecture de police de Paris. C'est en tout cas ce qui ressort très clairement de ses déclarations. (Brouhaha.)
J'entends la lecture de Mme la co-rapporteure avec beaucoup d'intérêt et, puisque je note que son interprétation qui consiste à dire, si j'ai bien compris, que l'Élysée avait autorisé M. Benalla à prendre un jour de congé, le 1er mai,…
Je disais avoir bien noté l'interprétation que fait Mme la co-rapporteure de la déclaration de M. Bruno Roger-Petit, interprétation manifestement différente de la mienne : je n'ai pas compris que l'Élysée avait seulement autorisé M. Benalla à prendre un jour de congé le 1er mai…
… et puisque nous avons une interprétation différente, je pense qu'il serait utile d'entendre M. Bruno Roger-Petit pour savoir ce qu'il a voulu dire.
Nous vous remercions beaucoup, monsieur Gibelin, pour toutes les précisions et pour la clarté de vos propos.
La réunion s'achève à 23 heures 15.
Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Caroline Abadie, Mme Laetitia Avia, M. Erwan Balanant, Mme Huguette Bello, M. Ugo Bernalicis, Mme Yaël Braun-Pivet, Mme Émilie Chalas, M. Éric Ciotti, M. Alain David, M. Éric Diard, Mme Coralie Dubost, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Jean-François Eliaou, M. Christophe Euzet, Mme Élise Fajgeles, M. Jean-Michel Fauvergue, Mme Isabelle Florennes, M. Raphaël Gauvain, M. David Habib, M. Sébastien Huyghe, M. Mansour Kamardine, Mme Catherine Kamowski, M. Guillaume Larrivé, Mme Alexandra Louis, M. Jean-Louis Masson, M. Stéphane Mazars, M. Jean-Michel Mis, M. Pierre Morel-À-L'Huissier, Mme Naïma Moutchou, Mme Danièle Obono, M. Didier Paris, M. Stéphane Peu, M. Jean-Pierre Pont, M. Éric Poulliat, M. Bruno Questel, M. Rémy Rebeyrotte, M. Thomas Rudigoz, Mme Maina Sage, M. Raphaël Schellenberger, M. Jean Terlier, Mme Alice Thourot, M. Boris Vallaud, M. Arnaud Viala, Mme Laurence Vichnievsky, M. Guillaume Vuilletet, Mme Hélène Zannier
Excusés. - M. Richard Ferrand, M. Marc Fesneau, Mme Paula Forteza, Mme Marie Guévenoux, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Jean-Luc Warsmann
Assistaient également à la réunion. - M. Thibault Bazin, M. Sébastien Chenu, M. Pierre Cordier, M. Jean-Pierre Cubertafon, M. Fabien Di Filippo, M. Julien Dive, M. Pierre-Henri Dumont, M. Nicolas Dupont-Aignan, M. Bruno Fuchs, M. Claude de Ganay, M. Meyer Habib, Mme Constance Le Grip, Mme Marine Le Pen, Mme Emmanuelle Ménard, M. Maxime Minot, M. François Pupponi, Mme Marie-Pierre Rixain, M. Éric Straumann, M. Bruno Studer, Mme Cécile Untermaier, M. Patrice Verchère
1 Par lettre datée du 24 juillet 2018, adressée à la présidente de la commission des Lois, M. Alain Gibelin a indiqué que : « Cette nuit, en revisionnant le film de mon audition, j'ai constaté avec stupeur que j'avais mal entendu une question qui m'avait été posée par une parlementaire sur ce que je savais des fonctions de M. Benalla entre le 1er mai, date des faits reprochés à M. Benalla, et ce que j'ai cru entendre être la date du 18 juillet, date à laquelle les faits ont été révélés par la presse. J'ai donc répondu en toute bonne foi que M. Alexandre Benalla avait entre ces deux dates, 1er mai et 18 juillet, participé à des réunions relatives aux modalités des déplacements présidentiels associant des fonctionnaires relevant de mon autorité. J'ai répondu par l'affirmative concernant cet intervalle de temps. La lecture de la vidéo et des débats m'ont indiqué que cette députée parlait de la date du 18 mai et non du 18 juillet.
Soucieux de porter à la connaissance de la représentation nationale l'exacte vérité sur les faits sur lesquels elle enquête, je me dois de vous apporter les précisions suivantes : si entre le 1er mai et le 18 juillet M. Alexandre Benalla a bien participé à des réunions relatives à l'organisation des déplacements présidentiels (question que j'avais cru m'être posée), cela ne fut pas le cas sur la période allant du 1er au 18 mai ».