La séance est ouverte.
La séance est ouverte à seize heures.
Je suis très heureux de vous retrouver pour la nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2021.
Nous sommes, quelques semaines plus tard, dans un contexte différent de celui qui avait présidé à l'examen du texte en première lecture. Nous avons réussi le confinement – je dis « nous », mais ce sont les Français qui ont fait preuve de sens des responsabilités, puisqu'ils ont accepté des mesures de restriction sanitaire qui nous ont permis de ralentir la circulation du virus tout en maintenant un niveau d'activité économique élevé. Pendant le deuxième confinement, la perte d'activité aura été de l'ordre de 12 % pour le mois de novembre ; lors du premier confinement, elle avait été de 30 %. Je dis tout de suite que cela n'est pas un prétexte à un troisième confinement ; c'est au contraire une incitation à poursuivre nos efforts en matière sanitaire de façon à conjuguer lutte contre la circulation du virus et maintien de l'activité économique.
Nous avons également enregistré de bons chiffres pour la consommation. Lors du week-end du Black friday, la consommation a été supérieure de 30 % à celle du week-end précédent, et les chiffres dont nous disposons montrent que cet événement promotionnel a été aussi réussi en 2020 qu'en 2019, avec notamment une forte consommation de biens d'équipement. Quant au reste de l'économie – en particulier le bâtiment, les travaux publics, l'agroalimentaire – , l'activité y reste soutenue. Nous sommes en train de réussir le pari de lutter contre la circulation du virus tout en maintenant le niveau d'activité économique le plus élevé possible.
Néanmoins, trop d'incertitudes demeurent, sur le front sanitaire comme sur le front international, pour réviser nos chiffres de récession pour 2020. Certains instituts, vous le savez, évaluent la récession pour 2020 à -9 % ou -10 % du PIB, mais nous maintenons, par souci de prudence et de responsabilité, une estimation à -11 %. Nous anticipons en revanche un fort rebond à +6 % en 2021, et je suis heureux de constater que la plupart des instituts économiques, tout comme la Banque de France, confirment notre ambition de revenir, à la fin de 2022, au même niveau d'activité économique que celui de 2019, avant la crise.
Parmi les incertitudes, il y a le Brexit. Je tiens à dire aux représentants de la nation qu'il aura d'abord un impact négatif sur les Britanniques et l'économie britannique, et que celui sur l'économie française devrait rester limité : nous l'évaluons à 0,1 point d'activité en 2021. Bien sûr, beaucoup d'entreprises seront touchées, mais nous les accompagnons depuis plusieurs mois, nous les aiderons à remplir les formalités de douane nouvelles, nous serons à leurs côtés : les 150 000 entreprises qui exportent vers le Royaume-Uni seront accompagnées, et chacune d'entre elles est importante. Toutefois, cela n'engage pas l'ensemble de l'économie française. Un secteur est particulièrement inquiet, celui de la pêche ; le Président de la République a dit très clairement que nous le soutiendrions et que nous en faisions un point dur de la négociation, mais, encore une fois, le Brexit n'emporte pas de conséquences pour l'ensemble de l'activité économique de la France. C'est la Grande-Bretagne qui sera pénalisée par le Brexit, c'est l'économie britannique qui sera pénalisée par le Brexit, bien plus que l'économie française. Je tiens à rappeler qu'on ne peut pas à la fois vouloir sortir du marché unique et, en même temps, vouloir en garder tous les bénéfices, à savoir près de 500 millions de consommateurs et l'activité qui va avec ; il faut assumer les choix politiques et les conséquences de ces choix.
Dans ces circonstances, notre stratégie économique pour 2021 restera la même que celle qui nous a guidés, le Président de la République, le Premier ministre et moi-même, depuis le début de cette crise, laquelle n'a pas d'équivalent dans l'histoire contemporaine de la France. Il faut soutenir les secteurs qui en ont le plus besoin, avec attention, efficacité et constance, mais il faut, dans le même temps, engager sans délai la relance qui doit permettre à l'économie française de sortir plus forte en 2022.
Le premier temps de la crise économique a été intégralement consacré à la protection des entreprises, à la protection des salariés et à la protection du pouvoir d'achat des ménages français. Ces premiers mois nous ont permis de sauver des centaines de milliers d'emplois, de protéger de la faillite des dizaines de milliers d'entreprises et de maintenir le pouvoir d'achat des Français – car ce sont l'État et les entreprises qui ont absorbé le choc, beaucoup plus que les ménages français, même si je ne néglige pas qu'une partie des Français parmi les plus fragiles ont été les plus touchés. Ce fut le premier temps de la crise : celui de la protection totale, efficace, de notre économie, des salariés et du pouvoir d'achat des Français.
Nous entrons maintenant dans le deuxième temps de la crise, durant lequel il faut continuer à soutenir les secteurs qui restent fortement touchés par la crise et simultanément engager la relance dans des secteurs qui, eux, se portent bien, commencent à se développer, ont besoin d'innovation, ont besoin d'investir, ont besoin de prêts participatifs, ont besoin de recréer de la richesse et de recréer des emplois. C'est le deuxième temps de la crise : celui dans lequel nous entrons aujourd'hui avec l'examen, en nouvelle lecture, du projet de loi de finances.
Ensuite viendra un troisième temps – j'aurai l'occasion d'y revenir – , lorsque la croissance sera de retour, lorsque la France aura retrouvé son dynamisme économique, où il faudra engager le rétablissement des finances publiques françaises.
Je dis à notre majorité qu'elle peut être fière d'avoir réussi, en trois ans, à passer sous la barre des 3 % de déficit public, à avoir fait sortir la France de la procédure pour déficit public excessif et à avoir stabilisé la dette : cela fait partie de l'identité de notre majorité que d'avoir des finances publiques bien tenues. Le moment venu – j'insiste là-dessus – , il faudra engager les décisions nécessaires sur la base des réflexions et des propositions que nous fera la commission sur l'avenir des finances publiques, présidée par Jean Arthuis, qu'Olivier Dussopt et moi-même avons installée. Il me semble essentiel que les Français connaissent avec précision et clarté la stratégie économique et financière que nous mettons en oeuvre avec la majorité, sous l'autorité du Président de la République et du Premier ministre : protéger d'abord ; relancer ensuite ; rétablir enfin les finances publiques sur la base de propositions sur lesquelles nous travaillons dès à présent.
La protection des secteurs les plus fragiles est une question d'efficacité économique et surtout de justice. Tout le monde n'est pas touché de la même manière, tout le monde n'est pas affecté avec la même violence par la crise sanitaire et ses conséquences économiques. De grandes entreprises industrielles se portent bien ; tant mieux. Des secteurs économiques ont commencé à redémarrer fort ; tant mieux pour nous, tant mieux pour eux, tant mieux pour l'économie française, tant mieux pour l'emploi. Et puis, des secteurs sont très durement touchés car les règles sanitaires nous imposent de les garder fermés ; eux, comme leurs clients et leurs fournisseurs, sont très durement touchés.
Je voudrais avoir un mot, à l'heure où ils manifestent non loin de l'Assemblée nationale, pour tous les restaurateurs de France.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et DEM ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je mesure, et nous mesurons tous ici, à quel point leur situation est difficile et plonge des milliers de restaurateurs dans la détresse ; il ne s'agit pas seulement de détresse financière, d'autant que nous apportons les soutiens nécessaires à cet égard, mais de détresse humaine, de détresse morale, quand on ne peut pas exercer son métier. Je pense qu'il n'y a rien de plus difficile, pour ces hommes et ces femmes impliqués, que de ne pas pouvoir exercer ce qui est à la fois un métier et une passion : accueillir ; témoigner de son art de vivre, de sa culture culinaire, faire preuve de convivialité ; avoir ses équipes autour de soi, ses salariés, ses serveurs, ses cuisiniers ; pouvoir recevoir du public, faire vivre la culture gastronomique française ; de tout cela, des dizaines de milliers de restaurateurs sont privés. Eux qui font notre bonheur, eux qui font notre plaisir, ils doivent savoir qu'ils bénéficieront du soutien total de l'État et de notre majorité pour les aider à passer ces moments difficiles dans les conditions les meilleures possible.
M. Jean-René Cazeneuve et M. Christophe Jerretie applaudissent.
Nous avons donc décidé, avec le Premier ministre et le Président de la République, d'apporter un soutien massif aux secteurs encore fermés, en particulier les restaurants, les bars et tous les autres secteurs de convivialité. Nous avons ainsi décidé de transformer le fonds de solidarité, lequel devait simplement, à l'origine, protéger les plus petites entreprises, en un fonds qui leur permettra de toucher jusqu'à 20 % de leur chiffre d'affaires dans la limite de 200 000 euros. Nous maintiendrons les exonérations de charges pour tous ces secteurs fermés et nous maintiendrons l'indemnisation du chômage partiel à 100 % pour tous les restaurateurs et tous les établissements tant qu'ils feront l'objet d'une fermeture administrative pour des raisons sanitaires.
Je voudrais également saluer les efforts accomplis par certains acteurs privés pour accompagner les restaurateurs et autres secteurs fermés. Les compagnies d'assurances ont décidé le gel de toutes les cotisations de contrats d'assurance multirisques professionnels pour 2021. À ceux qui voudraient toujours demander toujours davantage aux assureurs, je rappelle qu'il s'agit de trouver, dans notre réponse à la crise, un juste milieu entre le soutien aux secteurs les plus touchés et la préservation de l'équilibre financier de groupes dans lesquels une grande majorité de Français ont placé leurs économies, sous forme d'assurance vie.
Je voudrais également faire savoir au secteur de la culture, à tous les directeurs de théâtre, à tous ceux qui travaillent dans le cinéma et les musées, à tous ceux qui attendaient l'ouverture du 15 décembre – laquelle n'a pu avoir lieu, pour des raisons sanitaires – , que, comme je l'ai indiqué à la ministre de la culture, dont je salue au passage l'engagement et la détermination, nous leur apporterons tout le soutien nécessaire pour qu'ils puissent, eux aussi, passer ces semaines de fermeture dans des conditions aussi peu difficiles que possible.
Je voudrais en outre avoir un mot pour l'ensemble des stations de sports d'hiver et de montagne. Nous les avons réunies à plusieurs reprises, avec le Premier ministre, et nous leur apporterons un soutien massif. Celui-ci se concrétise, dans le projet de loi de finances tel qu'il s'établit en nouvelle lecture, par 400 millions d'euros de crédits exceptionnels, visant notamment à soutenir les pertes d'exploitation des remontées mécaniques.
Un autre secteur très touché est l'aéronautique, qui fait l'objet de toutes nos attentions parce que des centaines de milliers d'emplois en dépendent, parce qu'il s'inscrit dans une course à la technologie, parce que ses milliers de PME irriguent l'ensemble du territoire national et créent des emplois ; des postes d'ingénieur, d'ouvrier, d'ouvrier qualifié sont en jeu, et nous ne voulons pas perdre cette substance vive de notre industrie. J'ai donc apporté, depuis le début, un soutien massif à l'aéronautique, et nous continuerons à l'apporter. Nous soutiendrons donc l'ensemble du secteur – PME et grands groupes industriels – mais également la compagnie nationale Air France, que nous avons décidé de soutenir depuis le début et que nous continuerons de soutenir dans les mois à venir, ainsi que les aéroports. Il est ainsi proposé, en nouvelle lecture, 250 millions d'euros de crédits supplémentaires pour aider ces derniers, dont l'activité s'est totalement effondrée au cours des dernières semaines.
Enfin, je voudrais rappeler que, depuis le début de cette crise, nous avons aussi apporté un soutien massif à tous les plus fragiles : tous ceux dont les revenus sont les plus modestes, tous ceux dont le contrat à durée déterminée n'a pas été renouvelé, tous ceux qui ont du mal à trouver un stage, tous les intérimaires, qui furent les premières victimes de la crise économique. Tous ont fait l'objet de la plus grande attention de la part de la majorité. Je ne laisserai pas dire, comme des instituts ou des commentateurs le font trop souvent, que cette majorité ferait tout pour les entreprises, tout pour l'offre, et rien pour les salariés, rien pour la demande, rien pour les plus fragiles, parce que c'est tout simplement un mensonge !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Une majorité qui a eu le courage d'instaurer le dispositif d'indemnisation du chômage partiel le plus généreux d'Europe ne peut pas laisser dire que nous ne soutenons pas le pouvoir d'achat des Français !
Une majorité qui a augmenté la prime d'activité pour tous les salariés rémunérés au SMIC, …
… afin qu'ils bénéficient de 100 euros net supplémentaires par mois ne peut pas laisser dire que nous ne soutenons pas les ménages et les salariés les plus modestes.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
Une majorité qui a eu le courage de débloquer des fonds supplémentaires pour les plus fragiles – dans le présent projet de loi de finances, 120 millions d'euros iront ainsi à l'aide alimentaire – ne peut pas laisser dire que nous ne faisons pas le maximum pour les personnes les plus touchées par la crise.
Une majorité qui a instauré une prime exceptionnelle de 1 000 euros totalement défiscalisée, au profit de 5 millions de salariés, pour un montant moyen de 500 euros par an, ne peut pas laisser dire que nous n'avons pas soutenu massivement ceux qui ont les salaires les faibles.
Il n'est que justice de rétablir la vérité sur nos mesures ; il est parfois bon de le faire.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Au total, dans cette nouvelle version du projet de loi de finances, nous proposons 20 milliards d'euros de moyens supplémentaires pour le soutien aux secteurs économiques les plus touchés et aux personnes les plus fragiles, les plus affectées par la crise : nous avons prévu 11 milliards d'euros pour l'activité partielle, dont je rappelle qu'elle sera maintenue à 100 % dans tous les secteurs concernés par les fermetures ; 7 milliards d'euros pour le fonds de solidarité, dont nous avons revu les critères d'attribution, comme je vous l'ai indiqué ; 1 milliard d'euros pour les exonérations de charge ; s'y ajoutent tous les crédits que je vous ai indiqués, pour soutenir les personnes les plus durement frappées par la crise économique.
Dans le même temps, comme je vous l'expliquais, nous n'avons pas une minute à perdre pour engager la relance économique. C'est maintenant que se joue le développement économique de la France dans la prochaine décennie.
C'est maintenant que se joue la capacité de la France à continuer à jouer les premiers rôles en Europe, aux côtés de l'Allemagne et des plus grandes nations européennes en 2022, quand nous sortirons de la crise. C'est maintenant que se joue la capacité de la France à rester dans la course technologique face à la Chine, face aux États-Unis, conjointement avec ses partenaires européens.
J'entends bien tous ceux qui disent que, pour financer la demande, il n'y a qu'à prendre 2 milliards d'euros sur les crédits prévus pour l'hydrogène, ou que, pour soutenir le pouvoir d'achat, il n'y a qu'à prendre 1 milliard d'euros sur ceux consacrés aux batteries électriques ! Mais il serait irresponsable de ne pas investir dès maintenant dans ce qui fera la puissance, les emplois, l'activité économique, la prospérité et le niveau de vie des Français demain ! C'est maintenant que se joue l'héritage que nous laisserons à nos enfants, en matière de puissance économique pour la France.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Je constate d'ailleurs que les résultats sont là et que nos premières décisions en faveur de la relance donnent des résultats efficaces. Où en serions-nous en matière d'emploi des jeunes et d'apprentissage si vous n'aviez pas décidé – mon « vous » s'adresse à un ensemble de députés bien plus large que ceux de la majorité – de voter les crédits pour l'emploi des jeunes ? Où en serions-nous sans prime pour l'embauche en CDI des jeunes jusqu'à 26 ans ? Où en serions-nous, en matière d'apprentissage, sans la prime pour l'embauche d'un apprenti, de 8 000 euros quand il a plus de 18 ans, et de 5 000 euros quand il est plus jeune ? Les chiffres ne seraient certainement pas ceux que nous avons réussi à atteindre : en 2020, en pleine crise, autant d'apprentis ont été recrutés qu'en 2019. Ce succès vous doit tout, puisque c'est vous, sur ces bancs, qui avez voté ces crédits supplémentaires pour les jeunes.
La relocalisation industrielle constitue un deuxième exemple du succès de la politique de relance : 600 projets ont déjà été sélectionnés, avec des emplois à la clé ; l'activité industrielle se développe, par exemple dans l'industrie chimique avec Seqens, dans l'industrie agroalimentaire chez Lesaffre, dans les Hauts-de-France, avec à la clé 400 emplois, une nouvelle ligne de production financée par le plan de relance. La numérisation des PME est également un succès.
En outre, je suis convaincu que la rénovation énergétique des bâtiments publics, qui a fait l'objet d'un travail intense, conclu ce matin par le Premier ministre, nous permettra d'engager également la relance indispensable en matière environnementale. Le Premier ministre a annoncé ce matin que 4 214 projets ont été sélectionnés dans ce cadre, pour 2,7 milliards d'euros, selon une méthode simple : la sélection étant opéré par les départements, en consultation avec les élus locaux. Dans 95 % des cas, ainsi, la décision n'a pas été arbitrée par le Premier ministre, le ministre de l'économie, des finances et de la relance, ou d'autres membres du Gouvernement ; si les décisions se sont jouées au niveau local, c'est bien parce que c'est à ce niveau qu'elles doivent être prises. Par ailleurs, 95 % de ces projets sont d'un montant inférieur à 5 millions d'euros : ils bénéficieront dont prioritairement aux PME, aux TPE – très petites entreprises – plutôt qu'aux plus grands groupes. L'ensemble de ces projets doit nous permettre de créer en deux ans 20 000 emplois consacrés à la rénovation énergétique dans le secteur du bâtiment, qu'il s'agisse de commissariats, de gendarmeries, d'universités, de grandes écoles ou de CROUS – centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires. Notre choix en la matière est stratégique : près de 50 % des crédits iront aux universités parce que nous voulons envoyer un autre message : notre soutien aux jeunes, à l'intelligence, à la formation et à l'éducation de nos enfants.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
La relance est la condition du maintien de la France dans la course, parmi les grandes nations économiques et technologiques. Nous investirons donc massivement dans l'hydrogène, le calcul quantique, les batteries électriques, les semi-conducteurs, mais aussi la formation et la qualification. Les Français voient des métiers disparaître, des emplois supprimés, et ils veulent savoir dans quel domaine eux-mêmes ou leurs enfants pourront travailler demain. Eh bien, le plan de relance apporte une réponse à ces interrogations, en investissant dans les secteurs d'avenir où seront créés les emplois de demain.
L'ensemble de ces dépenses porteront le niveau de la dette publique à plus de 122 % de la richesse nationale. Je veux donc terminer mon intervention en insistant sur la nécessaire restauration des finances publiques, le moment venu.
Avant que chacun fasse la leçon à la majorité, je voudrais faire un bref rappel historique sur l'état des finances publiques depuis plusieurs années en France. Avant la crise financière de 2008, la dette publique se situait aux alentours de 60 % du PIB. Pour faire face à cette crise et pour relancer l'activité économique, des décisions ont été prises. Même si c'étaient les bonnes, elles ont fait passer la dette, au lendemain de la crise, à 97 ou 98 % de la richesse nationale. Ce niveau de dette publique n'a pas été baissé sous le quinquennat précédent, si bien que nous en avons hérité, je tiens à le rappeler. Pour faire face à la crise de 2020 – encore plus sévère que celle de 2008, parce qu'elle a touché l'économie réelle et entraîné une récession de 11 % – , nous avons engagé des dépenses publiques, que vous avez votées. C'était la seule décision responsable pour éviter qu'à une crise économique ne s'ajoute un drame politique, comme notre continent en a connu en 1929. Voilà ce qui a amené la dette publique à 120 % du PIB.
Je tiens à répéter à la majorité que cela ne retire rien aux efforts qu'elle a consentis pendant trois ans pour ramener le déficit public sous les 3 % du PIB, pour stabiliser la dette et pour sortir de la procédure pour déficit excessif. Cela prouve ceci : quand nous voulons restaurer les finances publiques, nous le pouvons. Cette majorité l'a fait, et je suis persuadé que, dans les années à venir, elle aura à coeur de le faire de nouveau et le saura, …
… en engageant un programme de long terme, en donnant de la visibilité aux Français, en expliquant pourquoi nous avons choisi cet objectif et comment y parvenir.
J'entends ces temps-ci un débat démocratique sur l'annulation de la dette publique. Il est parfaitement légitime : …
… à chacun de prendre position ! Certains déclarent : « C'est très simple, il faut annuler la dette. » Je leur rappelle que la France a toujours honoré sa signature, qu'elle n'a jamais fait défaut dans l'histoire récente, …
… et que rien ne serait pire pour la crédibilité et la puissance de notre nation que d'annoncer aux investisseurs que nous ne rembourserions pas notre dette. Ce serait, je le pense, une erreur, …
…. une faute ; ce serait aller contre les intérêts de la nation française.
Quant à tous ceux qui prétendent qu'il suffirait de ne pas rembourser la part de la dette financée par la Banque centrale européenne, je leur rappelle que ce serait contraire aux traités européens ! Qu'ils aillent donc au bout de leur raisonnement : s'ils ne souhaitent pas rembourser cette dette, c'est parce qu'ils souhaitent dénoncer ces traités…
… et sortir de l'Union européenne. Je ne pense pas que ce soit l'intérêt de la France.
Cela m'amène à défendre avec cette majorité une position différente : nous devons rembourser la dette. Il est possible de le faire de trois manières : en retrouvant de la croissance ; en se montrant responsables en matière de finances publiques ; en étant capables d'engager les réformes de structure indispensables, permettant à notre nation de vivre mieux et à nos enfants de maintenir le niveau de vie qui a toujours été celui des Français.
Une fois encore, la commission sur l'avenir des finances publiques dont Olivier Dussopt et moi-même avons demandé la formation, sous la présidence de M. Jean Arthuis, nous permettra de préparer ces décisions, tranquillement, sereinement, sans précipitation, parce que les décisions ne sont bonnes que quand elles interviennent au bon moment, après avoir été préparées avec méthode et sérénité. C'est le mode d'action qui, je pense, caractérise cette majorité.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Nous voici réunis pour une nouvelle étape de la grande course budgétaire commencée il y a plus de deux mois.
Dans une période de crise où l'incertitude du contexte sanitaire est omniprésente, il est essentiel pour le Gouvernement à la fois de fixer le cap de la reprise économique par l'intermédiaire du plan de relance, de tenir les engagements pris et d'adopter une démarche sincère et consensuelle, fondée sur la collaboration avec l'ensemble des parlementaires, car c'est la condition de sa réussite. Le projet de loi de finances que Bruno Le Maire et moi-même vous présentons satisfait ces conditions.
Comme vous le savez, ce budget est la clef de voûte du plan de relance que nous avons déjà eu l'occasion de présenter. Je rappelle que, sur le montant total de 100 milliards d'euros du plan de relance, l'État financera directement 86 milliards d'euros, dont 66 milliards de crédits budgétaires et 20 milliards de baisses d'impôts. Les crédits de la mission « Plan de relance », que vous avez adoptés en première lecture, notamment, s'élèvent à 36,4 milliards ; 22 milliards d'euros de crédits de paiement ont été prévus pour l'exercice 2021.
La baisse des impôts de production est l'autre vecteur majeur de la relance. Elle s'élève à 20 milliards d'euros sur deux ans, principalement au bénéfice des ETI et des PME. Elle soutiendra d'abord les secteurs de l'industrie manufacturière et du commerce, conformément à nos engagements.
Le reste du plan de relance sera financé par d'autres acteurs, comme la sécurité sociale ou l'UNEDIC, à hauteur de 8,7 milliards d'euros, notamment au titre du Ségur et de l'activité partielle de longue durée. Quelque 5,5 milliards d'euros seront en outre financés par la Banque des territoires et Bpifrance.
Enfin, le plan de relance bénéficiera d'un financement historique de la part de l'Union européenne, à hauteur de 40 milliards d'euros. Un cap a été dans la solidarité entre partenaires européens, nous ne pouvons que nous en réjouir.
Par ailleurs, ce projet de loi de finances contient des mesures exceptionnelles pour accompagner la sortie de crise de notre économie, tout en marquant la continuité de l'action du Gouvernement.
Hors plan de relance et mesures d'urgence, nous poursuivons ainsi nos investissements dans les chantiers d'avenir en augmentant les moyens de l'éducation nationale de plus de 1,3 milliard d'euros, et ceux de la recherche et de l'enseignement supérieur de 400 milliards d'euros. C'est un geste en direction de nos jeunes, dont la réussite professionnelle, nous le savons, conditionne les caractéristiques futures de l'emploi dans notre pays. Il fait écho au choix, rappelé par Bruno Le Maire à l'instant, de consacrer la moitié des crédits du plan de relance dédiés à la rénovation des bâtiments publics d'État, aux universités et aux infrastructures servant à la jeunesse.
De surcroît, le ministère de la culture et le ministère chargé de l'égalité entre les femmes et les hommes, qui assurent la conduite de deux axes essentiels de la politique du Gouvernement, verront leur budget augmenter de 150 millions d'euros – venant en complément des 2 milliards d'euros versés au titre du plan de relance – pour le premier et de 40 % pour le second.
En matière de transition énergétique, là encore, nous poursuivons et renforçons nos efforts. Ce budget contient en effet des mesures importantes pour préserver la biodiversité, réduire les émissions de gaz à effet de serre et adapter les territoires au changement climatique et au développement des circuits courts. Outre l'effort considérable financé par le plan de relance, à hauteur de 30 milliards d'euros, les moyens du budget du ministère de la transition écologique augmentent, à périmètre constant, de 550 millions d'euros.
L'importance de l'enjeu rend évidemment indispensable une évaluation de l'impact de l'ensemble des mesures budgétaires sur l'environnement. C'est la démarche que nous avons engagée pour la première fois, à l'initiative des parlementaires – je pense notamment à Bénédicte Peyrol – , au travers du budget vert. Ainsi, nous rendrons compte chaque année au Parlement et aux Français de l'impact environnemental du budget de l'État.
Au-delà, nous continuons et continuerons encore notre effort de baisse des prélèvements obligatoires. Le projet de loi de finances pour 2021 concrétise les baisses d'impôts importantes décidées par le Gouvernement.
La suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales se poursuit. En 2020, 80 % des foyers ne paient plus de taxe d'habitation. À compter de 2021, les contribuables qui y restent assujettis commenceront à bénéficier d'une exonération progressive qui aboutira à sa suppression définitive et totale pour les résidences principales en 2023.
Les entreprises continueront, elles aussi, à bénéficier de baisses d'impôts, puisque le taux d'impôt sur les sociétés poursuit sa diminution, jusqu'à représenter une baisse de 25 % en 2022, conformément à nos engagements.
Au total, les impôts auront diminué de 45 milliards d'euros à la fin de l'année 2021, la moitié de cette baisse bénéficiant aux ménages et l'autre moitié aux entreprises.
Vous le savez, cette période de construction du budget pour 2021 a été marquée par l'incertitude sanitaire et les incertitudes économiques consécutives. Nous avons donc dû adapter les grands équilibres sur lesquels s'appuient nos lois financières, au fur et à mesure des informations nouvelles dont nous disposions, guidés dans cette démarche par le principe de sincérité. Celui-ci s'apprécie en effet en fonction des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler. Nous avons souhaité tenir chaque assemblée informée au mieux des éléments dont nous disposions à chaque étape de la navette.
En définitive, par rapport à la présentation initiale du PLF pour 2021, le taux de croissance pour 2020 a été révisé de -10 à -11 %, et l'accroissement du déficit public de 10,2 % à 11,3 %. Quant aux prévisions de croissance pour 2021, elles ont été dégradées de 8 à 6 %. Ce sont des choix prudents dans le contexte d'incertitude actuel. Nous adapterons une nouvelle fois le scénario de finances publiques pour 2021 dans quelques minutes, pour prendre en compte les mesures d'urgence nécessaires déjà évoquées.
La nouvelle prévision de déficit public pour 2021 est fixée à 8,5 % du PIB, contre 6,7 % initialement prévus. Cette dégradation s'explique d'abord par l'effet mécanique du nouveau scénario macroéconomique, les recettes attendues des prélèvements obligatoires devant notamment chuter de 22 milliards d'euros. Elle s'explique aussi par les dépenses supplémentaires de soutien face à la crise sanitaire, notamment le réarmement des principaux dispositifs d'urgence, qui sont portés à 20 milliards d'euros, dont 13,4 milliards n'étaient pas encore budgétés.
Ces 20 milliards d'euros se décomposent ainsi : 11,4 milliards d'euros pour le soutien aux salariés, dont 11 milliards pour l'activité partielle – soit 4,4 milliards d'euros supplémentaires par rapport à la version initiale du PLF – et 400 millions pour le soutien aux permittents, comme l'avait annoncé Élisabeth Borne ; 7,6 milliards pour le soutien aux entreprises, dont 7 milliards pour le fonds de solidarité et 600 millions pour des secteurs particulièrement touchés par la crise – comme le sport, à travers notamment l'Agence nationale du sport – , la culture et les stations de montagne ; 1 milliard d'euros enfin pour les aides au paiement des cotisations.
S'ajoutent à ces crédits, 2,5 milliards d'euros destinés à financer notamment : des mesures de soutien spécifiques pour les jeunes, à hauteur de 202 millions d'euros ; un soutien de 66 millions d'euros au groupe La Poste, afin de garantir le niveau des ressources allouées aux commissions départementales de présence postale territoriale et au contrat national de présence postale ; les 250 millions de soutien aux aéroports dont vient de parler le ministre de l'économie ; la recapitalisation de l'Agence française de développement à hauteur de 500 millions d'euros ; l'achat de matériel sanitaire pour 430 millions d'euros ; 120 millions d'euros d'avance de trésorerie enfin, au titre de la campagne de l'aide alimentaire.
Nous vous proposerons également de réévaluer de 336 millions d'euros le montant du prélèvement sur recettes en faveur de l'Union européenne, ainsi que d'adopter une compensation de 300 millions d'euros pour les pertes de recettes d'exploitation aérienne et 130 millions destinés à un nouvel abondement de l'allocation aux adultes handicapés. Enfin, nous avons à inscrire 1 milliard d'euros de crédit d'impôt pour les bailleurs, au titre du dispositif adopté successivement par votre assemblée et par le Sénat.
Les mesures nouvelles que nous présentons aideront donc chaque entreprise, dans tous les secteurs, même si j'entends les demandes spécifiques à certaines activités. Ces soutiens complètent les mesures massives déjà existantes. Ainsi, pour donner à chaque jeune une solution, le plan de relance prévoyait-il 6,7 milliards d'euros ; il sera encore renforcé pour accompagner chacun.
La révision du déficit et du scénario macroéconomique nous conduit aussi à revoir le ratio d'endettement public, qui atteindrait 122,4 % du PIB en 2021, après 119,8 % en 2020, quand nos prévisions initiales reposaient sur une dette de 117,5 % en 2020 et de 116,2 % en 2021.
Vous allez donc, je l'espère, adopter un texte très enrichi par rapport au projet que nous avions déposé au départ. J'en profite pour vous remercier pour le travail intense que vous avez fourni et qui va se poursuivre dans les prochains jours.
Par vos différentes interventions et les amendements que vous avez déposés et fait adopter, vous avez fait vivre un véritable débat, permettant d'améliorer le texte sur plusieurs points majeurs. Je tiens à souligner qu'à ce moment du débat parlementaire, les trois quarts des amendements adoptés sont d'origine parlementaire, et je me réjouis de ce ratio, qui reflète un travail commun pour la construction de cette loi de finances.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
En première partie du projet de loi de finances, l'Assemblée nationale a adopté près de 160 amendements. De nombreuses mesures résultent d'initiative parlementaire, dont le maintien pour les non-résidents de la retenue à la source spécifique partiellement libératoire, qui préserve les Français vivant à l'étranger, ou encore le relèvement du plafond de chiffre d'affaires du taux réduit d'ISPME – impôt sur les sociétés pour les PME – à 10 millions d'euros au lieu de 7,6 millions, à l'initiative du rapporteur général.
Pour les collectivités locales, le Gouvernement et le Parlement ont introduit dans le texte des mesures qui ont un caractère historique. Outre les dispositions des lois de finances rectificatives, jusqu'à la dernière récemment adoptée, je pense à la neutralisation des incidences de la crise sanitaire sur la détermination des fractions de TVA revenant aux collectivités territoriales. De plus, le fonds de péréquation des départements a été abondé de 60 millions d'euros afin de le maintenir à son niveau actuel d'1,6 milliard d'euros. Enfin, la méthode actuelle de revalorisation des bases des locaux industriels a été conservée à l'initiative de députés de plusieurs groupes parlementaires, garantissant aux collectivités une dynamique de recettes importante.
Les crédits de la mission « Outre-mer » ont été augmentés de 10 millions d'euros afin de financer la création d'un contrat d'accompagnement pour les communes en difficulté financière.
Enfin, parmi les dernières modifications apportées au texte, un amendement de Jean-René Cazeneuve créera un filet de protection en matière de recettes fiscales des collectivités – nous aurons l'occasion d'en rediscuter au cours des prochaines séances.
En seconde partie, les amendements adoptés ont permis d'aller plus loin dans l'ambition du texte et d'apporter des réponses concrètes à plusieurs enjeux.
Un dispositif de révision des contrats photovoltaïques a été adopté afin d'ajuster la sur-rentabilité constatée de certains contrats. En cas de rentabilité inférieure, une clause de sauvegarde a été introduite au bénéfice des producteurs, pour que cette révision des contrats ne puisse entraîner des situations de rentabilité négative, qui feraient perdre tout intérêt aux acteurs économiques.
Par ailleurs, la date limite pour contracter un prêt garanti par l'État a été reportée au 30 juin 2021 afin d'apporter plus de marge de manoeuvre aux entreprises, et son amortissement pourra être étalé entre une et cinq années supplémentaires.
Dans le même esprit, vous avez souhaité soutenir la proposition du Gouvernement d'introduire dans le PLF pour 2021 un crédit d'impôt incitant les bailleurs à annuler une partie des loyers dus par les entreprises. Un amendement du Sénat a étendu cette mesure aux collectivités territoriales, et nous veillerons à ce qu'elle s'applique à l'ensemble des acteurs.
Enfin, le dispositif Pinel et le prêt à taux zéro en faveur du logement ont été prolongés, avec des ajustements de leurs paramètres pour rendre notre politique du logement plus efficiente.
Au Sénat, près de 600 amendements ont été adoptés, conduisant à une modification importante du projet de loi de finances et de son équilibre, ce qui explique certainement l'impossibilité d'aboutir à un accord en commission mixte paritaire, comme vous avez pu le constater.
Cependant, parmi les amendements adoptés, je souhaite souligner l'intérêt du Gouvernement pour le doublement exceptionnel et temporaire du plafond de la réduction d'impôt de 75 % dite « Coluche », destinée aux associations d'aide aux plus fragiles. Nombreux sont celles et ceux qui s'engagent dans des actions de solidarité au profit des plus modestes ; nous voulons leur apporter notre soutien.
Je mentionnerai également l'amendement adopté par le Sénat, dans la droite ligne de ce que nous avions adopté en PLFR, ramenant à 0 % le taux de TVA sur les vaccins contre la covid-19 mais aussi sur un certain nombre d'équipements de protection.
Je souligne enfin que le Sénat a adopté un amendement du rapporteur général, issu d'un travail avec le Gouvernement, qui supprime le jour de carence pour les fonctionnaires atteints de la covid, de manière à ce qu'il n'y ait pas d'inégalité de traitement entre les agents publics et les salariés du secteur privé, qui bénéficiaient déjà de cette suppression.
Au total, ce budget marque un soutien sans précédent de l'État à l'économie. Il est néanmoins de notre responsabilité de dire la vérité des chiffres et d'envisager le moment où nous retrouverons une trajectoire de finances publiques soutenable. En effet, la crise passée, nous devrons en effet veiller à ce que la dépense publique retrouve un niveau à la fois soutenable, crédible et supportable pour la nation.
Bruno Le Maire l'a dit, une commission sur l'avenir des finances publiques a été chargée de proposer des scénarios de finances publiques à moyen terme. Elle devra aussi émettre des recommandations sur la gestion de la dette et analyser l'opportunité de son cantonnement. Enfin, il nous faudra améliorer le cadre de gouvernance de nos finances publiques pour le rendre plus efficace et maîtriser à terme l'évolution de nos dépenses publiques.
C'est un point important car nous devons garantir la confiance de nos prêteurs dans la signature souveraine de la France et la confiance des Français dans notre gestion des contributions qu'ils versent. C'est ce à quoi nous devrons nous attacher dans les semaines et les mois qui viennent, au moment où, grâce aux efforts et aux engagements permis par ce projet de loi de finances, nous verrons enfin la sortie de la crise.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
La parole est à M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Nous sommes le 14 décembre 2020, à un moment charnière de la crise actuelle, je le pense sincèrement. Depuis le mois de mars, nous discutons beaucoup d'urgence, puis nous avons parlé de relance, dont ce projet de loi de finances pour 2021 constitue le véhicule. Nous voici maintenant à la charnière entre la fin des mesures d'urgences pour l'année 2020, leur anticipation pour le début de l'année 2021 et la mise sur les rails du plan de relance. C'est donc un moment délicat : il nous faut, avec cette nouvelle lecture, nous adresser clairement et intelligiblement à ceux qui souffrent pleinement des effets de la crise comme à ceux qui doivent se saisir des outils d'investissement qui feront de la France un pays plus fort, plus prospère, plus puissant et plus compétitif demain, après cette crise sanitaire et économique.
Nous devons de ce fait appréhender la discussion budgétaire de façon un peu différente de d'habitude, sachant que le Gouvernement – et il a eu raison – a déposé un amendement qui nous propose d'ouvrir 6 milliards d'euros dans la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire ». Cet amendement prévoit 5,6 milliards d'euros pour le fonds de solidarité et le soutien aux secteurs de la culture, du sport professionnel, des stations de ski, mais également pour l'acquisition de matériel sanitaire. Cela représente un ajout important par rapport à la première lecture, qui méritera donc que nous nous y arrêtions un moment.
Au-delà de ces 6 milliards d'euros, le Gouvernement prévoit des mesures de soutien au titre de l'urgence, pour un total de 13,4 milliards d'euros en 2021. À cet effet, il crédite d'autres missions ou il opère des reports des crédits de l'année 2020.
Compte tenu des financements dévolus à l'activité partielle, au soutien des permittents ou des bailleurs, au total, ce sont bien 20 milliards d'euros qui seront mis sans délai, dès le début de l'année 2021, à disposition de notre économie – je le dis à l'intention de Charles de Courson, avec qui nous en avons parlé un peu plus tôt dans la journée.
Dans ce contexte, le Gouvernement nous propose de rétablir la mission « Plan de relance » telle que l'Assemblée l'avait votée en première lecture. Je soutiens cette initiative puisque le calibrage que nous avions trouvé était le bon. Nous mettons ainsi un outil puissant à la disposition du Gouvernement pour permettre à l'ensemble des secteurs de notre économie non seulement de se redresser mais encore de préparer l'avenir.
En regardant le détail du texte, il me semble important de rappeler les apports de la navette parlementaire. Avant même les très nombreuses modifications de nos collègues sénateurs, l'Assemblée s'était attachée à améliorer le texte initial autour de cinq grands points saillants.
D'abord, au profit des entreprises, nous avons relevé à 10 millions d'euros le plafond du chiffre d'affaires ouvrant droit au taux réduit de l'impôt sur les sociétés à 15 % ; il s'agit d'un outil puissant pour la compétitivité de nos PME. Par ailleurs, nous avons aménagé la trajectoire des taxes affectées aux chambres de commerce et d'industrie, répondant ainsi aux craintes exprimées par de nombreux parlementaires et confortant l'action des CCI pendant la crise. Le secteur culturel fait également l'objet de mesures spécifiques, notamment la prorogation de deux ans de la réduction d'impôt sur le revenu pour les investissements dans les SOFICA – sociétés pour le financement de l'industrie cinématographique et de l'audiovisuel – et la consolidation de nombreux crédits d'impôt.
Je me réjouis que des progrès importants soient accomplis au bénéfice des collectivités territoriales. Ainsi, plusieurs prélèvements sur recettes sont créés, dont un en faveur des départements bénéficiaires du fonds de péréquation des DMTO – droits de mutation à titre onéreux – , à l'initiative de Jean-René Cazeneuve, et un autre pour les collectivités contributrices au FNGIR – fonds national de garantie individuelle des ressources. En outre, les ressources des établissements publics territoriaux qui exercent les compétences essentielles au sein de la métropole du Grand Paris, toujours en attente d'une réforme institutionnelle – nous en reparlerons lors de cette nouvelle lecture, pour affiner notre position – sont renforcées. Enfin, nous avons adopté une refonte des règles de calcul des enveloppes de DETR – dotation d'équipement des territoires ruraux – entre les départements, à l'initiative de notre collègue Christine Pires Beaune. La commission des finances propose également de conserver la réforme du régime de fiscalité locale liée au projet CIGEO – centre industriel de stockage géologique – , introduite par le Sénat comme point de départ attendu pour mûrir une réflexion pas tout à fait aboutie il y a trois ans.
Les ménages et les indépendants sont également soutenus grâce au maintien de la retenue à la source spécifique pour les non-résidents, qui permet de résoudre des difficultés liées à la réforme globale de leur imposition, et à des exonérations fiscales et sociales sur les aides versées aux indépendants.
Plusieurs mesures renforcent notre effort de transition écologique, comme la prorogation de deux ans du crédit d'impôt en faveur de l'agriculture biologique, l'augmentation du plafond d'exonération du forfait mobilités durables et la prorogation de trois ans de la réduction d'impôt « vélo ».
Enfin, nous persistons dans notre volonté de retrouver une fiscalité lisible. Vous savez à quel point ce sujet m'est cher, tant le consentement à l'impôt dépend de cette lisibilité. Nous avons ainsi supprimé huit petites taxes supplémentaires ainsi que la taxe funéraire.
Les apports du Sénat ont été significatifs. Notre commission en a conforté un grand nombre et conservé trente-deux articles votés par nos collègues sénateurs. Deux mesures permettront de mieux lutter contre la crise sanitaire. La première est la mise en place d'un taux de TVA nul sur les vaccins et les tests de covid-19 ; notre commission a d'ailleurs souhaité que cette disposition s'applique dès 2021, ce qui explique que vous la retrouviez en première partie. La seconde a trait à la suspension du jour de carence pour les agents publics dont l'arrêt maladie est directement lié à l'épidémie de covid-19.
D'autres mesures me semblent également aller dans le bon sens. Il y a tout d'abord la prolongation du dispositif « Coluche », renforcé pour une année supplémentaire, avec un plafond de 1 000 euros. En outre, nous réalisons des avancées importantes sur le glyphosate, avec la mise en place d'un crédit d'impôt pour aider les agriculteurs à abandonner cet herbicide et la garantie des moyens du plan écophyto à hauteur de 41 millions d'euros. Enfin, le crédit d'impôt pour les bailleurs bascule en première partie, afin que lui aussi s'applique dès 2021.
Au total, les mesures d'urgence et la dégradation du scénario macroéconomique font que le déficit budgétaire, dont nous parlerons dès l'article liminaire, devrait s'établir au-delà de 8 % du produit intérieur brut, soit à un niveau largement supérieur à celui de la première lecture, qui avait été estimé à 6,7 %, sur le fondement des informations alors en notre possession.
Je considère qu'il importera d'élaborer, dès les premiers mois de l'année prochaine, une trajectoire crédible de retour à l'équilibre de nos comptes publics, compte tenu de la dynamique de croissance que le plan de relance doit enclencher. L'effet du plan est estimé à 1,5 point de croissance dès 2021.
Je voudrais insister, après le ministre de l'économie, sur ce point : si nous pouvons assumer et assurer la notion présidentielle du « quoi qu'il en coûte » dans cette crise, pour l'urgence comme pour la relance, c'est aussi parce que le Gouvernement et la majorité ont démontré, pendant trois ans, leur sérieux budgétaire par temps calme. Nous devrons démontrer à nouveau notre capacité à stabiliser l'endettement public grâce à la maîtrise du déficit public, particulièrement celle du déficit structurel. Ce que nous avons démontré avant la crise devra l'être davantage après elle, afin de garantir la crédibilité de la signature française, c'est-à-dire la soutenabilité de notre endettement. M. le président de la commission des finances partage avec moi, je le sais, cette inquiétude et cette vigilance.
Nous observerons de près les conclusions de la commission présidée par Jean Arthuis, mise en place par le Gouvernement sur le sujet. Elle pourra faire oeuvre utile en éclairant nos propres travaux, qu'il nous appartiendra d'amplifier et d'affiner. Il faudra que nous nous saisissions de ces sujets pour repenser probablement la gouvernance des finances publiques et adopter plus efficacement des budgets mieux pilotés grâce à la meilleure responsabilisation des agents publics.
En attendant, la commission des finances a choisi d'adopter le projet de loi de finances pour 2021. Je vous inviterai à en faire de même – une fois que nous aurons achevé notre examen, entre ce soir et demain soir tard c compte tenu des travaux de rétablissement du texte auquel notre commission des finances s'est livrée, dans un exercice somme toute assez classique après l'échec de la CMP que chacun comprend bien. La commission des finances a déposé de nombreux amendements visant à rétablir les articles supprimés par le Sénat ; je ne donnerai pas beaucoup d'explications au banc, afin de concentrer nos débats sur les nouveautés de cette version du projet de loi, à savoir le rechargement de la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire », les nouvelles prévisions macroéconomiques et les perspectives destinées à assurer la croissance la plus élevée possible, qui reste la meilleure source de notre crédibilité à rembourser le nouvel endettement.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Dans cette dernière ligne droite de l'examen du projet de loi de finances pour 2021, je souhaite formuler quelques commentaires.
Tout d'abord, remarquons que le Gouvernement a innové car il nous présente le premier collectif budgétaire 2021…
M. le ministre délégué sourit.
En effet, vous déplacez plus de 20 milliards d'euros et vous transformez l'article liminaire : ce texte ressemble donc étrangement à un projet de loi de finances rectificative.
Dès octobre, nous vous avions dit que le projet de loi de finances pour 2021 n'était qu'indicatif. Nous avions raison – il ne fallait d'ailleurs pas être grand clerc pour le comprendre. Nous vous avions demandé d'élaborer plusieurs scénarios dynamiques pour nous donner de la visibilité, mais vous ne l'aviez pas souhaité. Au fond, le meilleur scénario est la transformation, au fur et à mesure, du budget. Évidemment, celle-ci est très forte et ne va pas dans le bon sens, mais l'actualité la dicte.
La dette publique va exploser, le ministre de l'économie comme le ministre délégué chargé des comptes publics l'ont dit, et dépasser les 122 % du PIB. Elle va augmenter, en deux ans, de plus de 400 milliards d'euros, ce qui représente 100 milliards de plus qu'en 2009 et 2010. Sans doute la crise actuelle est-elle plus profonde et difficile, mais les chiffres sont là.
Le mélange du « quoi qu'il en coûte » avec le « en même temps » est détonnant : il aboutit à la récession et à la dette. Cette année, nous allons emprunter un montant à peu près équivalent à celui des retraites versées, qui représente environ 320 milliards d'euros ; nous allons emprunter un peu moins, mais l'ordre d'idée est le même. La question de notre capacité à soutenir une telle dette se pose ; vous le savez, mais il faut maintenant agir.
J'ignore si vous avez lu le dernier prix Goncourt, très intéressant : l'auteur, Hervé Le Tellier, y duplique un avion avec ses passagers. Bercy a quelque peu tendance à dupliquer la dette au même rythme et à enclencher un mécanisme permanent de réattribution et d'augmentation de la dette, qui deviendra vite insoutenable.
Jean Arthuis – j'ai été auditionné tout à l'heure par la commission qu'il préside – demande la stabilité de la dette. Commençons par la stabiliser immédiatement ! Vous allouez 6 milliards ou 8 milliards d'euros d'argent frais – je n'ai pas très bien compris le montant exact, nous verrons cela au cours du débat – parmi les 20 milliards d'euros que vous réaffectez sur les lignes de dépenses, afin de tenter de faire face à l'urgence. Vous faites bien et je suis favorable à ces mesures, car les permittents et les titulaires de contrats précaires doivent être aidés grâce à un abondement du fonds de solidarité. Néanmoins, vous devez arbitrer entre les dépenses de moyen et long termes et celles de court terme. Vous ne pouvez pas accumuler les dépenses ! Il ne peut y avoir d'empilement de la dépense publique, qui conduit la dette à devenir insoutenable. Tant que les taux d'intérêt sont bas, elle est soutenable, comme vous l'avez dit, mais, comme vous l'avez également souligné, il faudra bien la rembourser d'une manière ou d'une autre.
Le taux d'endettement est préoccupant et vous devriez financer les nouvelles et nécessaires mesures d'urgence à dette constante.
Ce n'est pas insulter l'avenir que de le faire ! Vous devez arbitrer en faveur du court terme lorsqu'il y a urgence, mais beaucoup de crédits que vous avez inscrits dans le moyen et le long termes resteront, car ils sont bien plus élevés que les mesures de court terme.
Nous avons reçu, vendredi me semble-t-il, la liste des nouveaux secteurs S1 et S1 bis, qui conditionne l'éligibilité à certaines mesures. Il y a 185 secteurs, dont l'énumération s'étale sur cinq pages ! Raisonnez en fonction du chiffre d'affaires ! Cette liste de secteurs est assez cocasse, surtout au moment de la remise des prix littéraires. Elle a une vraie valeur, mais quand même, quand même ! On a l'impression que des dizaines ou des centaines de fonctionnaires et de ministères travaillent pour ajouter des secteurs oubliés sur la liste. Il y en aura sans arrêt de nouveaux et toute lisibilité aura disparu.
Enfin, comme je le disais au début de mon intervention, quelqu'un devra payer la dette un jour. Si nous voulons éviter d'augmenter des prélèvements obligatoires déjà beaucoup trop élevés, il faut élever la croissance potentielle de notre pays, mais cela nécessite des réformes structurelles, ce qui est compliqué.
Monsieur le ministre de l'économie, vous appelez à une réforme des retraites. J'ai l'impression que vous êtes l'un des seuls à le faire dans votre camp : je ne sais pas si c'est du wishful thinking ou si le Gouvernement y réfléchit, mais la nécessité de réformes structurelles ne fait aucun doute. Sans elles, la croissance potentielle n'augmentera pas. La véritable maîtrise des dépenses publiques accompagne cette exigence. Voilà la seule façon de régler la question de la dette. Nous en sommes bien loin, alors que ce sujet n'est pas pour demain mais pour aujourd'hui.
J'ai reçu de M. Jean-Luc Mélenchon et des membres du groupe La France insoumise une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à M. Éric Coquerel.
Pneumatiques : Bridgestone emploie 800 salariés sur son site de Béthune. Bridgestone a touché plus d'1 million d'euros de la ville en 2007, en échange de la création de 50 emplois. Au final, entre 2007 et 2015, il en aura supprimé 97. Bridgestone a reçu 1,8 million d'euros de CICE – crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi – en 2018. Bridgestone a bénéficié des mesures de chômage partiel pendant le confinement. Bridgestone a reçu 24 millions d'euros pour développer son usine en Pologne. Mais – parce qu'il y a un « mais » – , Bridgestone a annoncé la fermeture de son site, donc la suppression de ses 800 emplois, pour délocaliser en Hongrie et en Pologne.
Industrie : General Electric, qui a reçu 200 millions de CICE et de crédit d'impôt recherche depuis le rachat d'Alstom en 2015, a versé plus de 117 milliards à ses actionnaires en dix ans. Mais voilà, parce qu'il y a encore un « mais », General Electric, dont la production est indispensable pour la filière énergétique, a annoncé en septembre un nouveau plan social. Plus de 1 000 emplois du site de Villeurbanne, où sont fabriqués des disjoncteurs uniques au monde pour l'énergie hydraulique et nucléaire, sont menacés de délocalisation en Italie et en Chine.
Agroalimentaire : Danone, géant de l'agroalimentaire, bénéficie régulièrement des aides publiques. Il a reçu 1,6 million de CICE en 2015. En avril 2020, Danone allait bien et versait 1,5 milliard de dividendes à ses actionnaires. Mais voilà, parce qu'il y a toujours un « mais », Danone a annoncé 400 à 500 licenciements en France.
Automobile : Renault a reçu de l'État 5 millions d'aides publiques pour surmonter la crise. Mais voilà, parce qu'il y a ce « mais » qui résonne comme une honte pour vous, Renault va supprimer 2 500 postes pour réaliser 2 milliards d'économies en trois ans.
Restauration collective : Sodexo, qui aurait bénéficié d'environ 248 millions de CICE de 2013 à 2018, a également eu accès aux aides publiques pendant la crise épidémique. Ces trois dernières années, Sodexo a versé 1,2 milliard de dividendes à ses actionnaires. Mais voilà, parce qu'il y a toujours ce « mais » qui vous colle à la peau comme une tache, Sodexo a annoncé un plan social de 2 000 postes en France.
Santé : Peters Surgical, fabricant de sondes médicales, affichait en 2018 un bénéfice net de 5,9 millions. Son fonds d'investissement Eurazeo a touché 660 000 euros d'aides de l'État et a bénéficié du dispositif dit « de zones franches » pour son site de Bobigny en Seine-Saint-Denis. Peters Surgical a versé 2,5 millions de dividendes à Eurazeo en 2019. Pendant l'épidémie de covid-19, la production de sondes, essentielles pour les hôpitaux, est passée de 6 850 à 47 500 par jour. Mais voilà, car il y a ce terrible « mais », les 60 salariés sont licenciés et le site délocalisé en Inde, malgré mes alertes successives.
Industrie pharmaceutique : le groupe Sanofi va bien ; il a distribué presque 4 milliards de dividendes à ses actionnaires le 28 avril 2020. L'État aime bien que Sanofi aille bien : chaque année, le groupe touche plus de 130 millions de crédits d'impôt. Mais voilà, parce qu'il y a un « mais » toujours aussi insupportable, en dix ans, Sanofi a supprimé 5 000 emplois en France et a fermé huit sites. Cela touche aussi bien la production que la recherche et le développement. Déjà, des médicaments ne sont plus fabriqués en France ; des molécules, comme le paracétamol, non plus. Récemment, le groupe a annoncé que 1 000 emplois disparaîtront d'ici à 2022.
Collègues, ministres, oubliez vos « on est les meilleurs ». Je vous le dis avec une gravité qui imprègne chaque mot : un cyclone social est en train de s'abattre sur la France. À la date du 11 décembre, presque 80 000 emplois sont menacés ou condamnés. Les suppressions d'emploi depuis le 1er mars sont trois fois plus nombreuses que l'année dernière. La France va donc connaître l'aggravation d'une nouvelle épidémie, sévère : celle de la pauvreté. Fin 2021, le taux de chômage devrait dépasser 10 %. Cette tempête économique risque bien d'emporter beaucoup de notre humanité. Derrière ces licenciements, il y a des visages, des vies, des familles sur le carreau. Derrière le chômage, il y a des rêves qui se brisent, des projets communs qui s'annulent, des expériences et du savoir-faire accumulé qui disparaissent. Derrière la pauvreté, il y a des dignités perdues, des assiettes qui ne se remplissent plus, des petits plaisirs qui disparaissent.
Face à cette tornade sociale, il faudrait être fort ; mais vous n'êtes pas forts. Lire votre projet de loi de finances, vos PLFR et votre plan de relance me fait honte. Quand vous ajoutez, comme tout à l'heure, la suffisance, cela me met carrément en colère. Il y avait hier à la tête du pays un capitaine de pédalo ; il y a aujourd'hui le commandant d'un radeau. Face au premier souffle de la crise, vous avez été contraints de changer un peu de cap, de modifier votre logiciel, d'accepter un fait que vous vouliez enterrer sous des tonnes de terre de libéralisme : oui, l'État est utile et son intervention dans l'économie est nécessaire. Mais votre boussole indique toujours l'abandon de la puissance publique. Aux grands groupes, vous avez beaucoup donné l'argent des Français. Quand j'additionne tous les projets de loi de finances rectificative, le projet de loi de finances, le plan de relance, le CICE, le crédit impôt recherche, je totalise 90 milliards, hors reports de cotisations et prêts garantis.
Le problème n'est pas d'aider les entreprises. Je pense notamment aux restaurateurs, aux entreprises de l'événementiel, aux dirigeants de discothèque qui se mobilisent aujourd'hui devant l'Assemblée nationale. La question est la suivante : quelles entreprises en priorité et comment ? Une bonne partie de cet argent est en effet revenu dans les poches des grandes entreprises, y compris celles qui licencient. Cet argent, c'est celui des Français ; vous l'avez distribué comme si, au fond, cela avait peu d'importance. Car voilà comment ces groupes, qui se sont gavés d'argent public, vous répondent : en vous riant au visage.
Où sont passées les idées de nationalisation, Bruno Le Maire ? Les nationalisations, au moins temporaires, …
On l'a fait !
… au nom de la souveraineté, pour éviter que des vautours n'utilisent le covid-19 pour délocaliser là où ça coûte moins cher : en Inde, en Chine ou ailleurs en Europe, bénéficiant du vaste encouragement au dumping social qu'est l'actuelle Union européenne.
Vous qui savez tout interdire : les manifestations, …
Il y a des manifestants en ce moment même devant l'Assemblée nationale !
… les libertés, la culture, l'art, les lieux de vie, pourquoi ne savez-vous pas interdire les licenciements aux entreprises ayant reçu des aides publiques mais qui distribuent des millions en dividendes à leurs actionnaires ?
Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.
Vous qui n'avez à la bouche que la responsabilisation des chômeurs, des pauvres, de ceux qui galèrent, pourquoi n'avez-vous jamais responsabilisé les grands patrons ? Pourquoi ne demandez-vous pas le remboursement des aides à ceux qui s'étaient engagés à ne pas licencier ? Vous faites l'inverse dans les projets de loi de finances, en les récompensant, eux et les actionnaires, avec des cadeaux fiscaux toujours plus indécents, alors même que vous menacez les salariés de vous en prendre de nouveau à leur système de retraite.
Vous qui êtes en guerre contre tout et tout le monde,
Protestations sur les bancs des groupes LaREM et Dem
contre le covid-19 et contre les manifestants, pourquoi n'êtes-vous pas en guerre contre ceux qui, en dix ans, ont désossé 45 % de la recherche pharmaceutique ? Pourquoi n'êtes-vous pas « en guerre », comme vous dites, …
… pour que notre pays ait assez de chercheurs et qu'il soit capable de développer ses propres médicaments et ses propres vaccins ?
En définitive, en guise de souveraineté sanitaire et industrielle, vous avez renoncé à toute mesure de protection. Vous comptez même sur les vieilles recettes libérales – compétitivité, politique de l'offre – pour garder ces entreprises. En définitive, vous avez laissé faire le marché, et le marché s'est fait sans vous, ou plutôt avec vous. L'argent a bien été encaissé, mais tout ça se fait sans les Français ; les licenciements auront quand même lieu. Votre impuissance vous rend coupables ; votre responsabilité est absolument immense. Nous prendrons la nôtre :
Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM
nous appelons à rejeter le projet de loi de finances et nous montrerons bientôt qu'un futur différent est possible pour le pays.
Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC.
Dans les explications de vote sur la motion de rejet préalable la parole est à M. Alain David.
Cette motion de rejet est la réponse que nous devons apporter pour signifier à la majorité que le compte n'y est pas. Pour une grande majorité de Françaises et de Français, le compte n'y est pas. D'abord, pour les plus fragiles, qui ont été exclus des mesures d'aide, le bilan est édifiant : 1 million de pauvres supplémentaires, qui viennent s'ajouter aux 9 millions de pauvres d'avant la crise. Le compte n'y est pas pour les restaurateurs, les hôteliers, les salles de sport, bref, tous ceux qui sont les sacrifiés de la crise du covid-19.
La prochaine fois, ce ne sera pas six, mais quatre !
Le compte n'y est pas pour le monde de la culture, parent pauvre de la relance, condamné à la fermeture des structures.
Nous soutenons la motion de rejet parce que vous devez être convaincus que votre plan de relance ne peut pas se faire seulement avec une politique de l'offre. Aider les entreprises, oui, mais sous réserve qu'elles soient au service de l'emploi ou de l'environnement. Nous soutenons cette motion parce que vous devez être convaincus que la relance peut se faire aussi par des politiques de la demande et du pouvoir d'achat, pour les plus fragiles, par un plan de relance de la consommation.
Nous soutenons cette motion, parce que vous refusez délibérément de mettre à contribution les plus aisés en rétablissant l'ISF – impôt sur la fortune – , en imposant les plus hauts revenus et en faisant participer le secteur des assurances. Le groupe Socialistes et apparentés votera en faveur de la motion de rejet préalable.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Naturellement, le groupe Mouvement Démocrate (MoDem) et démocrates apparentés ne votera pas en faveur de la motion de rejet.
Sur la forme, je trouve que le discours n'est ni argumentatif ni explicatif : …
… ce n'est pas une motion de rejet. Vous faites un diagnostic de nombreux éléments, mais qui n'explique pas le PLF et qui n'a aucun rapport avec ce que nous votons et ce que nous allons faire. C'est une remarque de forme, mais je suis assez déçu parce qu'il vous arrive d'apporter des choses plus intéressantes au débat.
Sur le fond, défendre une motion de rejet signifie qu'on rejette les besoins, les difficultés et les solutions ; ça me gêne aussi parce qu'il me semble que, dans le PLF, nous nous sommes quand même attaqués aux investissements, aux difficultés et aux problématiques de la jeunesse. Bien évidemment, tout n'est pas réglé, mais il faut bien avancer ; je crois que ça vient d'être dit dans la présentation du texte comme cela l'avait été en première lecture, il est nécessaire de mettre en oeuvre les mesures prévues et de s'attaquer aux difficultés.
Ce PLF, avec un plan de relance dont on a débattu plusieurs fois et de nouvelles annonces, me semble être désormais beaucoup plus prégnant et beaucoup plus fort. Il faut mettre un peu de positif dans la vie des Français et des entreprises. L'État et le Parlement travaillent ; il n'y a pas lieu de rejeter un travail fait en commun par le Sénat, l'Assemblée nationale, l'exécutif et les oppositions qui veulent être constructives. Nous sommes là pour avancer et le PLF me semble être une bonne avancée.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe LaREM.
Le groupe Agir ensemble ne votera pas non plus pour la motion de rejet, un peu pour les mêmes raisons que celles qui viennent d'être données par notre collègue Christophe Jerretie.
Ce budget suscite beaucoup d'attentes, à la fois des entreprises et des salariés. Il permet de compléter les dispositifs déjà instaurés lors des PLFR pour l'année 2020. Évidemment, avec un confinement supplémentaire engagé au mois de novembre, qui n'a pas permis, à la date du 15 décembre, de rouvrir certains commerces, …
… des pans entiers de secteurs d'activité – la restauration et le tourisme, par exemple – n'ont aucune activité. Plus que jamais, ils ont besoin d'être accompagnés ; la copie n'est peut-être pas parfaite, mais le PLF 2021 permet d'apporter beaucoup de réponses, avec le fonds de solidarité, le chômage partiel et les mesures à destination des jeunes.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Il est vrai que cette discussion sur la motion de rejet préalable a quelque chose de surréaliste.
Chiche : que se passerait-il si nous l'adoptions ? Eh bien, nous fonctionnerions au douzième provisoire, sur la base de l'année précédente, c'est-à-dire celle qui s'achève.
Ce n'est pas de notre faute si la motion de renvoi en commission a été supprimée !
Autant vous dire que les crédits dont on a besoin pour faire face à une partie des conséquences de la crise – qu'on soit pour ou contre – tomberaient. Je ne pense pas que c'est le souhait de M. Coquerel.
M. Coquerel adore critiquer le fait que des entreprises distribuent des dividendes.
Par ailleurs, monsieur Coquerel, vous avez un peu d'épargne, comme tous les Français, un petit contrat d'assurance vie ou que sais-je.
Nous ne jouons pas en bourse, nous ! Nous ne vivons pas dans la même société que vous, monsieur de Courson !
Pensez-vous qu'il y aurait encore des gens pour investir dans des entreprises s'ils ne percevaient jamais de dividendes ? Il me paraît évident que non ! Ne critiquez pas le principe de la distribution de dividendes ; les entreprises ont besoin d'en distribuer.
Vous avez raison, partiellement, sur un point : …
… le problème social. En effet, contrairement à ce qu'a dit M. Le Maire, il y a encore des trous dans la raquette, qu'il s'agisse de ceux qui étaient en CDD, dont certains n'ont pas droit au chômage, ou de ceux qui travaillent en intérim. L'intérim, qui avait beaucoup chuté, est reparti, mais il reste encore toute une série de catégories non couvertes.
M. Jacques Marilossian fait claquer son pupitre.
Mais raison de plus pour ne pas voter en faveur de la motion de rejet préalable ; sinon, la prolongation du système de chômage partiel ne permettrait pas de le désamorcer. C'est pour ces raisons que le groupe Libertés et territoires ne votera pas en faveur de la motion de rejet préalable.
Une motion de rejet préalable constitue surtout une occasion d'exprimer notre inquiétude. Parce que celle du groupe de la Gauche démocrate et républicaine est forte, je voterai cette motion.
Je profite de mes deux minutes d'explication de vote pour répondre au ministre, qui a exposé les trois aspects du projet de loi de finances : protéger, relancer et rétablir les finances publiques. En dansant cette valse à trois temps, vous allez vous prendre les pieds dans le tapis. Vous avez effectivement protégé les Sanofi, les Total et les Verallia que mon collègue Coquerel a évoqués. Ce sont de grandes entreprises qui versent des dividendes mais qui licencient. Elles sont protégées, mais pas leurs salariés, qui perdent leur emploi, comme ceux de Bridgestone. Vous relancez en baissant les impôts de production, soutenant ainsi les grandes entreprises. En effet, les ETI bénéficieront des trois quarts des baisses d'impôts, tandis que les 560 000 PME, TPE, commerçants et artisans recevront des miettes : là encore, vous avez choisi de soutenir les gros, et pas les petits.
Votre troisième temps, le meilleur, sera consacré à la restauration des finances publiques. Je crois qu'on va entendre jusqu'en 2022 qu'il faut restaurer les finances publiques ! En langage libéral, ça veut dire : « vous allez payer ! » Vous annoncez aux Français la reprise de la réforme des retraites, c'est-à-dire qu'ils devront travailler plus tard pour rembourser la dette ! Affirmer qu'il faut restaurer les finances publiques revient à dire qu'il n'y a plus d'argent pour les hôpitaux, …
… l'école et les transports, et qu'il faut faire des économies. En clair, vous annoncez de nouveaux sacrifices, et nous n'en voulons pas !
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Défendre une motion de rejet sur le budget le plus fort et plus ambitieux de la Ve République, …
Exclamations sur les bancs des groupes LR, SOC, FI et GDR
… franchement, il fallait oser ! Vous souhaitez donc que la représentation nationale rejette un budget inédit, qui permettra d'affronter une crise sans précédent. Vous refusez d'accorder aux plus précaires l'aide et l'accompagnement qu'ils méritent ; vous refusez à nos entreprises et à leurs salariés les mesures nécessaires à la sauvegarde de leurs activités ; …
… vous refusez le plan de relance, ses 30 milliards d'euros en faveur de la transition écologique et ses 20 milliards d'euros en faveur de la solidarité, dont 6 milliards d'investissements pour le système de santé ; vous refusez 6,5 milliards d'euros pour l'emploi des jeunes.
… et une pseudo-arrogance de la majorité, mais que manifestez-vous en refusant un texte budgétaire pour l'élaboration duquel le Gouvernement s'est concerté pendant des semaines avec l'ensemble des parties prenantes, qui a été discuté longuement par les deux assemblées, et surtout qui est adapté aux besoins de chacun et solide financièrement ?
Exclamations sur de nombreux bancs.
… des bénéficiaires du CICE, mais ce dernier n'a jamais visé à protéger de la crise sanitaire ! Vos raccourcis n'impressionnent plus personne et vos propositions dogmatiques n'impriment pas car elles sont en complète contradiction avec les demandes des Français et les réalités qu'ils vivent. Comme d'habitude, vous rejetez ; quelle que soit l'urgence, vous rejetez ; quels que soient les efforts consentis, vous rejetez !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
C'est toujours trop ou pas assez ! En réalité, vous refusez le compromis qui fait la richesse de notre démocratie.
Quoi qu'il arrive, vous faites de la politique, rien que de la politique, la plus dogmatique et démagogique qui soit.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – Protestations sur les bancs du groupe FI.
Cependant, vous avez un coeur et une conscience, et je pense que tout au fond de vous, vous espérez que cette motion de rejet ne sera pas adoptée, tant ses conséquences, vous le savez, seraient dramatiques pour notre pays. Rassurez-vous, nous, députés du groupe La République en marche, voterons évidemment contre cette motion, puis nous voterons pour ce budget !
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe FI.
Le groupe Les Républicains ne votera pas en faveur de cette motion de rejet…
… car nous ne partageons pas les inquiétudes exprimées pour la défendre.
Toutefois, nous sommes inquiets. Madame David a affirmé qu'il s'agissait du budget le plus vertueux de la Ve République. Non ! Le déficit vertigineux de l'État a de quoi nous inquiéter, comme la dette qui s'envole.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Or vous n'apportez aucune solution, et les transmettez ainsi aux générations futures, à nos enfants et petits-enfants.
Nous avons déjà assez souvent exprimé ces inquiétudes. Le Sénat a certes introduit des modifications intéressantes, …
… et nous espérons en maintenir certaines. Il a ainsi adopté des dispositions visant à rétablir une équité fiscale entre le e-commerce et le commerce de détail, répondant aux préoccupations que nous avions exprimées ici en première lecture.
Nous la défendrons, et j'espère que vous la conserverez, car ce sujet inquiète nos concitoyens. D'autres dispositions tendent à renforcer le pouvoir d'achat, comme la suppression de la TVA sur les billets de train SNCF, adaptée à la situation, ou sur les dispositifs de dépistage du covid-19. Nous devrions également retenir l'étalement de la hausse du malus automobile sur cinq ans, plutôt que sur trois ans, afin de le rendre plus progressif. En effet, je rappelle que le mouvement des gilets jaunes a trouvé son origine dans des décisions prises ici sur la fiscalité des carburants : nous devons être attentifs à ces sujets.
Vous souteniez déjà le président des riches ; avec ce budget, en pleine crise sanitaire, sociale et économique, il arrose le CAC 40 d'argent public, ruine les petits commerçants, condamne les plus précaires à la mort sociale.
Oui, vous avez raison, collègues de la République en marche, vos politiques ont porté leurs fruits : des riches ont gagné 1,7 million d'euros chacun grâce à votre réforme de l'ISF ; certes, notre pays compte 10 millions de pauvres et 300 000 personnes sont à la rue, mais ça ruisselle fort en « Macronie »… Vous soutenez aussi le président de la dérive autoritaire, celui qui matraque les manifestants, qui les enferme à tour de bras, qui nous couvre de honte dans le monde entier en faisant du pays des Lumières celui de la démocratie piétinée !
Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
Plus étrange, vous soutenez maintenant le président qui vous méprise. Petit exemple : nous avions voté contre la suppression de quatre-vingt-quinze postes à l'Office national des forêts, et voilà que l'on apprend dans la presse qu'elle est maintenue – d'ailleurs, la suppression figure déjà dans les documents du conseil d'administration. Peu importent les deux votes dans les deux assemblées et peu importe la Convention citoyenne pour le climat, devenu un symbole de vos renoncements, qui demandait à renforcer les moyens de l'ONF. Quitte à torpiller une petite victoire, après des années de suppressions d'emplois, Bercy envisage même 600 suppressions de postes supplémentaires d'ici à 2026. Soyons fous, pourquoi ne pas privatiser le service public forestier, en dépit des femmes et des hommes qui y travaillent et du dérèglement climatique ?
Monsieur le ministre délégué, vous avez dit qu'il n'y a pas de marge de négociation sur l'ONF. Je vous informe donc, collègues, que, lorsque nous pensons débattre au nom du peuple, en fait, nous négocions avec le Gouvernement ! Nous négocions, et si le Gouvernement le veut bien, dans la mesure du possible, si ça ne le dérange pas, peut-être daignera-t-il, dans son immense bonté, prendre en considération ce que nous disons ici. Fermez l'Assemblée nationale, …
… remballez vos affaires, la démocratie est annulée ! Il foule aux pieds la séparation des pouvoirs, il méprise la représentation nationale, il ignore notre vote ! Ce projet de loi de finances est celui de la honte : votez pour notre motion de rejet !
Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR. – Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
Il va sans dire que l'avis du Gouvernement est défavorable et que le caractère purement outrancier des propos que je viens d'entendre…
… ne fait que renforcer la conviction qu'il partage avec la majorité : nous allons dans la bonne direction.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Madame Panot, peut-être le découvrez-vous : oui, la majorité et le Gouvernement discutent ! La majorité et le Gouvernement travaillent ensemble. J'irai même plus loin : lorsque l'attitude des députés d'opposition est constructive, nous travaillons avec eux.
M. Maxime Minot s'esclaffe.
Le rapporteur général a rappelé les dispositions adoptées concernant la DETR, à l'initiative de Christine Pires Beaune ; certaines dispositions adoptées par le Sénat nous conviennent, comme il y a des amendements du groupe LR qui nous conviennent, qui vont dans le bon sens, et nous travaillons alors à leur adoption. Pour citer un seul exemple, les discussions avec la majorité aboutiront à assurer un revenu minimum garanti aux permittents, aux extras et à tous ceux qui se trouvent en difficulté, comme Élisabeth Borne l'a annoncé ; la majorité adoptera tout à l'heure les crédits nécessaires !
Exclamations sur les bancs du groupe FI.
Les discussions entre le Gouvernement et la majorité aboutissent à protéger les plus fragiles.
Les plus fragiles, vous ne parlez que d'eux, mais vous ne faites rien pour eux.
Protestations sur les bancs du groupe FI.
Vous en faites le refrain de vos incantations, parce que vous visez leur clientèle, …
… mais ils ne vous croient pas, et ils ont raison, car vous n'avez jamais rien fait pour eux ! La misère et la précarité vous arrangent, c'est votre fonds de commerce, mais nous ne vous laisserons jamais prospérer dessus !
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens. – Protestations sur les bancs du groupe FI.
Monsieur Coquerel, vous avez vous-même défendu la motion de rejet préalable. Si vous aviez l'obligeance d'écouter les réponses qui vous sont faites, même si elles ne vous satisfont pas, la bonne tenue de nos débats y gagnerait.
La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.
Nous entamons la dernière ligne droite de l'examen du projet de loi de finances dans une situation sanitaire radicalement dégradée par rapport à fin septembre. Ce texte d'une envergure exceptionnelle prévoit les mesures de soutien à nos entreprises et à la relance économique. Il fait partie du corpus budgétaire qui nous a mobilisés tout au long de l'année 2020, avec l'adoption de quatre lois de finances rectificatives qui témoignent de la réactivité des pouvoirs publics face à la crise. Je salue l'extraordinaire effort qui, depuis le printemps, a permis d'amortir le choc tant sanitaire qu'économique. Il ne s'agit pas de suffisance, mais simplement d'un constat : des mesures importantes pour toutes les entreprises ont été adoptées.
Nous pouvons espérer, dans quelques mois, être mieux protégés de l'épidémie et avoir préservé, grâce aux mesures budgétaires, le tissu entrepreneurial français. Le confinement opéré durant l'examen de ce budget a eu des conséquences plus limitées que celui du printemps, avec une baisse d'activité de 12 %, contre plus d'un tiers à l'époque. Avec 18,7 % de croissance au troisième trimestre, l'expérience du déconfinement a prouvé que la croissance rebondirait avec l'activité. C'est pourquoi il est à la fois indispensable et pertinent de financer ce bouclier de l'économie, constitué par l'activité partielle, le PGE – prêt garanti par l'État – , le fonds de solidarité et les reports et annulations d'impôts et de charges.
Toutefois, les entreprises ont subi un double choc : sur le plan bilanciel, certaines ont accru leur endettement, parfois en souscrivant au PGE, quand d'autres ont dégradé leurs fonds propres pour amortir la crise ; le deuxième choc a été provoqué par une perte de chiffre d'affaires totale, sans perspective claire de rebond à court et moyen termes. Nous devrons plus que jamais les accompagner au cours des mois qui viennent.
Les défis pour assurer notre avenir sont immenses. Ce projet de loi de finances vise à les relever, grâce à l'instauration d'un plan de relance d'un montant de 100 milliards. Je n'aurai pas le temps de citer l'ensemble des mesures concernées, mais trois d'entre elles illustrent les trois priorités de la relance : la baisse de 10 milliards d'euros des impôts de production permet d'envisager la relocalisation rapide des activités industrielles dans le territoire, et pas seulement au profit des grandes entreprises ; le plan jeunes offrira une solution à la génération qui a été fragilisée ; enfin, l'effort très important consenti en faveur de la rénovation énergétique des bâtiments publics participera à préserver l'environnement – des annonces importantes en ce sens ont encore été faites tout à l'heure.
Les députés démocrates saluent ce plan de relance et, partant, ce projet de loi de finances. Nous avions rappelé à cette tribune, au début de son examen, les deux principaux axes selon lesquels nous souhaitions améliorer ce texte.
Premièrement, nous voulons mieux encore accompagner la transition des entreprises. Si je regrette que nos amendements sur la transformation des entreprises individuelles en sociétés permettant l'apport de capitaux externes n'aient pas pu être adoptés, des avancées méritent d'être saluées. Un amendement de Jean-Noël Barrot élargit le régime d'abandon de créances aux entreprises engagées dans une procédure de conciliation. L'exonération temporaire d'impôt sur les sociétés créées afin de reprendre une activité industrielle a également été prorogée à notre initiative. Nous avons activement contribué au dispositif de cession-bail, à même de créer rapidement de la trésorerie pour les entreprises. Mohamed Laqhila nous proposera à nouveau son amendement sur le régime de CFE – cotisation foncière des entreprises – pour les sociétés civiles de moyens, supprimé par le Sénat.
Notre deuxième axe d'intérêt est et restera la préservation de l'environnement. Un amendement de Jean-Luc Lagleize permet, en encourageant les surélévations, de lutter contre l'étalement urbain. Un autre amendement de notre collègue Justine Benin facilitera la réhabilitation de logements outre-mer, avec une meilleure protection sismique. S'agissant du volet agricole, je voudrais saluer les travaux, auxquels a contribué Sophie Mette, qui ont débouché sur la création d'un crédit d'impôt pour la transition des exploitations vers le label haute valeur environnementale. La création d'un crédit d'impôt visant à soutenir la sortie du glyphosate nous réjouit de la même manière, et j'espère que nous pourrons faire adopter l'amendement de notre collègue Nicolas Turquois l'ouvrant aux éleveurs.
Durant cette nouvelle lecture, nous nous attacherons, avec notre collègue Christophe Jerretie, à accompagner encore mieux les collectivités dans la crise.
Nous souhaitons aussi continuer le débat sur la mixité sociale dans nos quartiers, autour de notre collègue François Pupponi.
J'espère, enfin, que nous ayons un débat apaisé.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Dem et sur quelques bancs des groupes LaREM et Agir ens.
Nous voici réunis pour examiner, en nouvelle lecture, le projet de loi de finances pour 2021. Ce texte reste imprégné des conséquences de la pandémie de 2020, qui se prolonge malheureusement encore et encore.
Je ne reviendrai pas sur l'organisation et le rythme de nos débats, mais il est difficile de se satisfaire de leur nature. Vos certitudes laissent peu de place, hélas, au débat de fond, et encore moins à nos propositions d'amendements. Pourtant, en cette période singulière, on attendrait mieux d'une démocratie ; nos propositions méritent peut-être une plus grande attention. Je pense en particulier à celles sur l'endettement des entreprises ou sur certains ajustements pour des secteurs d'activité particuliers, ou encore à des propositions mieux-disantes pour celles et ceux de nos concitoyens les plus exposés, les plus touchés, les plus fragilisés par les conséquences économiques, sanitaires et sociales de cette crise.
Que dire lorsqu'une crise aussi brutale frappe de plein fouet l'économie tricolore et plonge, jour après jour, les finances publiques dans des profondeurs jamais explorées ? Que dire de la dette et de sa gestion, dont vous parlez peu ? Ce sera pourtant un fardeau, à l'avenir, pour notre jeunesse ; c'est aussi un élément stratégique en matière de politique économique et fiscale pour les années à venir, comme pour ce budget 2021. Nous devrions atterrir, en 2021, à plus de 120 % du PIB – voilà pour le stock, dirons-nous. Certes, la responsabilité en revient aussi aux gouvernements passés, mais que dire des dépenses liées à vos décisions sanitaires et créatrices de dette ? Rien, si ce n'est exprimer des regrets.
On ne peut que regretter votre surdité vis-à-vis du monde des soignants ; regretter la saga des masques qui ne cesse de rebondir, de mensonge en mensonge ; regretter votre premier déconfinement manqué ; regretter vos décisions privant d'activité des secteurs entiers. Vos décisions hasardeuses et malheureuses pèsent lourd sur l'état de la dette et continuent d'affecter brutalement le budget pour 2021. Vous prévoyez d'ailleurs une rallonge de 20 milliards d'euros, comme pour vous faire pardonner vos erreurs.
Il y a aussi, dans le stock, la dette liée au plan de relance. Cette bonne dette, assise sur l'investissement d'avenir et qui répare notre planète, nous la trouvons bien trop timide ; elle n'est pas à la hauteur des enjeux mis en évidence par la Convention citoyenne pour le climat, alors que vous fustigez bon nombre des mesures proposées par celle-ci.
Contenir la dette, c'est aussi aller chercher de nouvelles recettes. Pourtant, vous avez balayé d'un revers de main pour 2020, comme pour 2021, toutes nos propositions en faveur d'une contribution plus solidaire de celles et ceux qui vont très, très bien, malgré la pandémie. En revanche, vous n'hésitez pas à faire peser sur les épaules de la sécurité sociale une partie de cette dette, et vous réactivez jusqu'en 2033 un impôt qui devait s'éteindre en 2024. Quand il s'agit de payer, vous savez partager avec les plus modestes. Bref, vous nous laissez un niveau de dette fruit de vos erreurs et de vos choix partisans ; il nous faudra faire avec.
À cette situation, vos réponses pour 2021 nous font bondir. Vous vous obstinez à mener des politiques ultralibérales en espérant un retour rapide de la croissance. Pourtant, comme le montre de façon emblématique le deuxième rapport du comité d'évaluation des réformes de la fiscalité sur l'ISF, ces mesures ultralibérales ont eu une conséquence : les riches deviennent encore plus riches. Le ruissellement, c'est une grande utopie, mais qu'importe ! Vous continuez encore et encore votre politique de l'offre, et vous continuez à entamer nos recettes par la baisse des impôts de production – une réponse structurelle à une crise conjoncturelle. Allez comprendre…
Pire encore, vous avez missionné, comme l'a rappelé M. le ministre, un comité de dix experts présidé par l'ancien ministre des finances Jean Arthuis pour proposer des scénarios de retour à l'équilibre des comptes, dans un objectif de stabilisation puis de réduction progressive de notre dette publique, le tout avec l'objectif de pérenniser des baisses de prélèvements obligatoires. Autrement dit, ce sont les dépenses publiques qui vont trinquer, ce qui n'augure rien de bon pour les retraites, l'éducation, la santé, le logement, l'assurance chômage, le plan grand âge ou l'investissement public. Comme l'a rappelé dans une tribune Christopher Dembik, responsable de la recherche macroéconomique chez Saxo banque, ce schéma est « une erreur historique » : quand l'économie fait face à des difficultés profondes et à des changements structurels, comme ces temps-ci, elle a besoin d'un État protecteur et d'investissements publics. Votre vision du désendettement est ringarde, en quelque sorte ; elle nous rappelle les années 2010, quand les pays de la zone euro ont mis en place des plans de rigueur et d'austérité qui ont provoqué un véritable désastre.
À moins d'un changement radical de vos politiques, par l'adoption de nos amendements qui défendent un meilleur équilibre entre les politiques de l'offre et de la demande, et une relance par la consommation, le groupe Socialistes et apparentés ne votera pas pour ce texte.
Nous voici réunis pour la dernière ligne droite d'un marathon budgétaire inédit, au terme d'une année qui ne ressemble à aucune autre. À la même date l'année dernière, qui aurait pu imaginer que nous serions sur le point de voter un budget dont les principaux chiffres donnent le vertige ? Car la crise sanitaire qui nous frappe depuis le début de l'année a obligé le Gouvernement à nous présenter un budget à tous points de vue exceptionnel.
À mi-chemin entre le soutien indispensable aux secteurs les plus touchés par la crise et l'impératif de relance, l'arsenal budgétaire que nous nous apprêtons à examiner en nouvelle lecture a pu être enrichi par le travail du Parlement. Depuis le début de la crise, les parlementaires n'ont en effet eu de cesse de faire remonter les difficultés rencontrées sur le terrain. Nous pouvons, je crois, reconnaître que le Gouvernement a su globalement écouter les préoccupations dont nous lui avons fait part. Fiscalité du SP95-E10, financement du réseau des chambres de commerce et d'industrie, crédit d'impôt pour les loyers, accompagnement de nos collectivités territoriales les plus touchées : l'examen de ce projet de loi de finances pour 2021 aura d'ores et déjà permis de coconstruire un texte sérieux et calibré. La nouvelle lecture sera l'occasion de parfaire ce texte.
Le soutien apporté aux acteurs les plus touchés par la crise et massif ; il complète les mesures exceptionnelles déployées depuis le début de la crise par les lois de finances rectificatives successives. Jamais un gouvernement n'aura mis en place aussi rapidement des mesures de soutien aussi puissantes. À l'occasion de la nouvelle lecture, et parce que la levée du confinement initialement prévue le 15 décembre est plus restrictive que prévu, environ 8 milliards d'euros supplémentaires sont engagés pour soutenir les secteurs de la culture, de la restauration, de l'événementiel ou du tourisme. Dans le même temps, la relance est amorcée, notamment via les appels à projets, qui rencontrent un vrai succès dans nos territoires.
C'est donc dans un esprit de responsabilité que nous devons aborder l'examen de ce budget, car les points d'inquiétude demeurent.
D'un point de vue macroéconomique d'abord, la situation de nos finances publiques est inquiétante. En 2021, le déficit devrait atteindre 8,5 points de PIB ; la dette publique devrait donc encore augmenter pour s'établir au ratio vertigineux de 122,4 % du PIB. Il apparaît donc désormais clair que le seul retour de la croissance ne permettra pas de revenir à un taux d'endettement soutenable à plus ou moins long terme. Il nous faudra donc rapidement tenir un débat sur la trajectoire de nos finances publiques, car nous ne pourrons pas repousser ad vitam æternam cette question majeure.
D'un point de vue microéconomique, les mesures de soutien prises depuis le mois de mars dernier ont prouvé toute leur efficacité. Le mécanisme de chômage partiel a permis de préserver le pouvoir d'achat des salariés, pour un coût estimé à 34 milliards d'euros en 2020 ; le fonds de solidarité rapidement déployé et sans cesse enrichi est également un outil adapté. Mais nos indépendants, commerçants, artisans, restaurateurs sont tout de même en proie à des difficultés majeures. Certains voient le travail d'une vie entière réduit à néant par cette crise qui emporte tout sur son passage. Leur état financier et psychologique nous inquiète, et nous devrons continuer de les accompagner avec force. Enfin, les publics qui vivaient déjà une grande précarité avant la crise, ainsi que les jeunes, se retrouvent dans des situations souvent insoutenables. La réponse du Gouvernement a été forte et je ne doute pas que nous saurons continuer d'apporter des réponses adaptées à chacun. Je veux notamment saluer le mécanisme puissant qu'est le plan « un jeune, une solution ».
L'aspect économique de la gestion de la crise a évidemment pour corollaire la gestion sanitaire de l'épidémie. Nos concitoyens et notre économie ne sauraient résister à un troisième confinement ; nous devons donc au plus vite adapter notre politique sanitaire pour endiguer l'épidémie. À ce titre, le vaccin suscite évidemment un immense espoir, mais il ne doit et ne saurait être le seul axe de notre politique. Le groupe Agir ensemble a, sur ce point, formulé des propositions concrètes, notamment sur l'isolement des malades.
En tout état de cause, notre groupe soutient la politique économique du Gouvernement, traduite dans ce budget, que nous voterons, bien évidemment, à nouveau.
Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens et sur plusieurs bancs du groupe Dem.
Alors que le contexte économique et social demeure extrêmement incertain en cette fin d'année et que la situation sanitaire reste encore très évolutive, il est évident que ce projet de loi de finances pour 2021 ne peut être un budget comme les autres. C'est un budget de crise, mais c'est également un budget de défi face aux difficultés que nous affrontons avec résilience. Entre la mise en place de l'état d'urgence et la relance de notre activité économique, ce budget patchwork continue à modifier la trajectoire de nos finances publiques, avec une dette publique désormais attendue à 122,4 % du PIB l'an prochain, rendant caduc le plan de relance et les prévisions financières qui le sous-tendent anachroniques. Malgré tout, le prolongement des dispositifs d'accompagnement jusqu'à l'été 2021 reste vital pour stimuler le redressement de l'activité dans notre pays en récession.
Monsieur le ministre délégué, plusieurs questions attendent une réponse.
Afin d'adapter ce prêt au nouveau confinement, comptez-vous revoir le plafonnement des PGE au-delà de 25 % du chiffre d'affaires ? Quelle période de référence retiendrez-vous ? La plus favorable pour le calcul du chiffre d'affaires, à savoir l'année 2019, ou bien la moyenne du chiffre d'affaires sur les trois derniers exercices ?
Autre question : beaucoup de restaurateurs, gérants salariés ou non salariés, ne sont pas indemnisés comme des salariés classiques. Que comptez-vous faire à ce sujet ?
Par ailleurs, nous regrettons que la commission propose de supprimer l'article, introduit au Sénat par le rapporteur général Jean-François Husson, qui prévoyait une contribution exceptionnelle assise sur les primes des contrats d'assurance dommages, relevée à 2 % par un sous-amendement du sénateur Vincent Delahaye, membre du groupe Union centriste. Rappelons que des dizaines de contentieux entre le secteur de la restauration et les assureurs ont été portés devant les tribunaux au sujet de la couverture des pertes d'exploitation, rarement prises en charge en cas de pandémie. Pourquoi le secteur des assurances n'est-il pas davantage mis à contribution pendant cette crise, alors que nous continuons à verser nos cotisations ? Il s'agit d'une question logique, que nos concitoyens ont le droit de se poser ; les assureurs doivent jouer le jeu davantage qu'ils ne l'ont fait depuis le début.
Par conséquent, vous engagez-vous à faire en sorte qu'ils continuent d'assurer les copropriétés et les immeubles dans lesquels se trouvent des restaurants, bars ou discothèques, sans augmenter les cotisations d'assurance ? Parmi les commerçants et restaurateurs de ma circonscription que j'ai rencontrés sur ce sujet à Gérardmer, le patron de la discothèque m'a indiqué que son assureur ne voulait plus prendre charge l'assurance de la copropriété, sinon en augmentant drastiquement le prix des cotisations.
Des prélèvements exceptionnels auprès des assureurs permettraient également de financer les petites entreprises, les commerces et tous ceux dont l'activité économique sera indispensable au redémarrage de notre tissu productif. Malheureusement, ils risquent de disparaître si l'on ne finance pas leurs dépenses quotidiennes.
Nous devons aussi penser, plus que jamais, aux collectivités territoriales, qui sont un levier décisif pour la relance économique de nos territoires. Il serait souhaitable que l'État renouvelle la possibilité pour les communes et les EPCI – établissements publics de coopération intercommunale – d'instaurer un dégrèvement de la CFE afin de soutenir les entreprises affectées par la crise sanitaire. Cette possibilité existait lors du premier confinement, à la condition que la décision soit impérativement prise avant le trente juin. Or, les élections municipales ont été décalées et nous avons mené campagne durant tout le mois de juin, si bien que beaucoup de collectivités n'ont pas pu prendre cette décision. Au moins faudrait-il leur laisser à nouveau cette possibilité au titre du deuxième confinement.
Je regrette également que le rapporteur propose la suppression de l'article 22 ter B introduit au Sénat, qui prévoit, pour calculer la compensation des départements de l'affectation de la taxe foncière sur les propriétés bâties – TFPB – départementale aux communes, dans le cadre de la suppression de la taxe d'habitation, d'intégrer en 2021 la dynamique des bases départementales de TFPB observée entre 2019 et 2020, par l'affectation d'une fraction de TVA. N'attendons pas que les finances de nos collectivités atteignent un point de non-retour !
En somme, parce qu'il contient des mesures de relance et d'aide aux entreprises qui sont indispensables – en espérant que nous obtenions une réponse tant de la part du ministre que du rapporteur sur les points que j'ai soulevés – , notre groupe UDI et indépendants votera majoritairement pour ce budget, tout en ayant à l'esprit le fait qu'il n'a pas assez anticipé les circonstances dans lesquelles nous nous trouvons.
La crise que nous traversons est certes inédite, tant par son ampleur que dans sa durée. Les mesures de reconfinement partiel qui se multiplient, chez nous comme chez nos voisins européens, et la circulation encore active du virus, dépassant les prévisions les plus pessimistes, ne risquent pas d'éclaircir un tableau déjà pourtant bien sombre. Récession programmée, effondrement de l'activité et de l'investissement, contraction de la demande solvable, paupérisation et licenciements en pagaille : tout cela nécessite d'anticiper pour mieux accompagner nos concitoyens – salariés, indépendants, TPE-PME.
Des efforts ont été consentis pour répondre à l'urgence ; dont acte. Mais il faut aussi de sortir des sentiers battus et rebattus depuis trop longtemps : ce sont ceux d'une politique économique libérale qui offre des milliards aux entreprises, même à celles qui licencient, même à celles qui distribuent des dividendes. Ce sont les sentiers d'une politique de relance par une offre brouillonne et aveugle ; les sentiers qui fixent pour horizon des contraintes budgétaires d'un autre âge, à l'aune d'une reprise incertaine ; les sentiers qui agitent la dette, pourtant illusoire en raison des taux négatifs, pour justifier la réforme des retraites et autres futurs rabots.
J'en veux pour preuve les discussions au Sénat : malgré une majorité dont on ne peut pas dire qu'elle se compose de bolcheviques patentés, nos collègues sénateurs ont néanmoins su voter des mesures transpartisanes, frappées au coin du bon sens et pour plus de justice sociale et fiscale.
L'article 4 sexies, supprimé par la commission, introduisait enfin une véritable taxe sur les GAFA grâce à la notion d'établissement stable, à rebours de l'ersatz de taxe proposée par le Gouvernement qui ne prend en considération que le chiffre d'affaires issu de la fourniture de certains services. Tandis que l'évitement fiscal représente pour les GAFA une somme colossale de plusieurs milliards, votre taxe au rabais ne devrait pas rapporter plus de 400 millions d'euros. Si l'on veut éviter l'effritement des recettes, en plus de celui du consentement de tous à l'impôt, il faut, il aurait fallu, il faudra maintenir ce nouvel article introduit par le Sénat.
De même, une majorité de sénateurs se sont accordés pour voter deux taxes exceptionnelles frappant prioritairement les profiteurs de crise : le commerce en ligne et les assurances. Malheureusement, pour certaines entreprises ou secteurs d'activité, on ne fera guère mentir le dicton : eau trouble, bonne pêche. C'est le cas en particulier pour les entreprises du commerce en ligne, qui, avec le confinement, profitent éhontément d'une distorsion brutale de la pseudo-concurrence libre et non faussée, complètement inopérante en la période. L'instauration d'une taxe sur le chiffre d'affaires de ces entreprises, à hauteur de 2 %, constituerait un premier pas, certes insuffisant au regard des bénéfices supplémentaires réels, mais un premier pas tout de même, qui aurait le mérite de réunir une large approbation sur les divers bancs de cet hémicycle.
Autre motif d'inquiétude : les collectivités financièrement exsangues depuis des décennies et durement sollicitées durant cette crise du covid-19. Les départements ne pourront pas supporter la perte d'un milliard d'euros de recettes au titre de la compensation de la suppression de la taxe d'habitation, par un transfert de TVA.
Dois-je vous rappeler que plus d'un million de nos concitoyens basculent dans la pauvreté du fait de cette crise, qui risque de faire exploser le nombre d'allocataires du RSA ? Dois-je vous rappeler que les départements peinaient déjà à assumer la facture du fait des baisses de dotations et de la sous-traitance de l'austérité auprès des collectivités ?
Dans mon département, la Seine-Saint-Denis, la sonnette d'alarme a été tirée maintes et maintes fois. C'est pourquoi le groupe La France insoumise approuvait la suppression par le Sénat de l'article 22 bis, suite à un amendement de nos camarades communistes. Nous resterons vigilants quant à l'attitude du Gouvernement sur cet enjeu budgétaire majeur.
Vous vous vanterez, certes, des quelques mesures annoncées dans la précipitation par le Gouvernement pour abonder le plan d'urgence : aide d'exceptionnelle pour le CROUS, élargissement du fonds de solidarité, aide pour les saisonniers et pour les extras de l'hôtellerie, etc. Nous nous réjouissons bien sûr de cette prise en considération, même tardive, de la paupérisation croissante de la société et singulièrement des plus jeunes. Mais c'est bien la méthode qui nous interroge : plutôt que de procéder à un véritable débat parlementaire ou de prendre ce type de mesures conformes à l'intérêt général, mesures que nous avons d'ailleurs déjà proposées, nous sommes tous et toutes suspendus au bon vouloir d'obscurs arbitrages entre ministères.
Si vous vous gargarisez sans cesse de l'épithète républicaine, n'oubliez pas, chers collègues, que ce qui fonde historiquement notre République, c'est bien l'affirmation de la souveraineté du peuple sur la libre détermination du budget de la nation. Peuple que nous représentons, face à tous les arbitraires de tous les gouvernements.
Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.
Cette nouvelle lecture sera, pour la majorité, l'occasion de rétablir très largement le texte adopté ici en première lecture. Vous faites le choix de revenir sur certaines avancées permises par le Sénat ; vous en conservez quelques-unes. C'est donc sans surprise que le groupe Libertés et territoires votera contre ce projet de loi de finances pour 2021, pour quatre raisons.
La première raison tient au fait que vous avez renoncé à toute économie structurelle et que vous financez massivement les dépenses publiques par l'endettement. Vous avez déposé un amendement à l'article liminaire, portant la dette publique de 119,8 % en 2020 à 122,4 % du PIB en 2021. Monsieur le ministre délégué, au nom du Parlement, je voudrais vous faire grand-croix de l'ordre de la dette publique.
L'orateur brandit une médaille factice en chocolat.
Je vous offrirai cette décoration tout à l'heure. Je l'avais d'ailleurs déjà donnée, pour le franchissement du seuil de 100 %, à votre prédécesseur, Christian Eckert.
En septembre 2020, vous nous présentiez un déficit s'élevant à 6,7 points du PIB. Il est aujourd'hui de 8,5 % : on a hâte de découvrir le prochain projet de loi de finances rectificative ! Il est vrai qu'en 2020, les déficits publics sont passés de 2,2 % en loi de finances initiale à 11,3 % aux dernières nouvelles : ce sont 9,1 points de PIB en plus, soit 223 milliards d'euros supplémentaires.
La charge des intérêts de la dette – 37 milliards – reste certes à un niveau historiquement bas, grâce à des taux d'intérêts très faibles. Mais la dette atteindra quasiment 3 000 milliards d'euros fin 2021, soit 100 000 euros par famille française. Chez moi, monsieur le ministre délégué, cela équivaut à la valeur d'une maison.
Je souligne d'ailleurs que l'État finance une part croissante de ses dépenses, 150 milliards sur 450 milliards d'euros, soit un tiers, à crédit. En d'autres termes, pour équilibrer le seul budget de fonctionnement de l'État, il faudrait majorer l'ensemble des impôts – 271 milliards pour l'État – d'un peu plus de moitié.
Monsieur le ministre délégué, aucune économie structurelle n'a été réalisée depuis votre arrivée aux responsabilités. Faut-il encore rappeler que la crise n'explique pas à elle seule notre endettement record : avant celle-ci, la dette française frôlait déjà les 100 % du PIB, contre un peu plus de 80 % en moyenne dans l'Union européenne. Nous avons donc abordé la crise en situation de faiblesse par rapport à nos voisins. Nous ne pouvons que le constater une nouvelle fois en 2021 : aucune économie structurelle ne sera réalisée et ce sera donc open bar jusqu'aux présidentielles. Nous verrons ensuite.
Deuxième raison : le volet social du plan de relance est insuffisant. Je ne reviendrai pas sur les effets d'annonce du plan de relance de 100 milliards : pour 2021, il est en réalité que de 22 milliards au titre du budget de l'État.
Le groupe Libertés et territoires estime que ce plan doit soutenir les plus touchés par la crise. Ces derniers mois, un nombre croissant de Français a basculé dans la précarité et dans la pauvreté. La crise sanitaire se poursuit et la crise sociale s'accentue. Or, les mécanismes que vous mettez en place ne sont pas à la hauteur de l'urgence sociale…
… même si le Gouvernement a commencé à prendre des mesures.
Pour lutter contre l'aggravation des inégalités sociales, nous pensons qu'il faut changer d'approche et la crise le justifie encore davantage. Pourquoi refusez-vous systématiquement de faire participer nos compatriotes les plus aisés à cet effort ? Notre pays a besoin de justice fiscale. La période exige d'aider davantage les victimes de la crise et de faire participer davantage les plus fortunés à l'effort de solidarité nationale. Nous devrions avoir un vrai débat sur la redistribution en faveur des plus précaires.
Troisième motif de refus de ce texte : le volet écologique de ce projet de budget doit être renforcé. S'agissant du volet environnemental, des efforts sont faits ; nous partageons votre volonté de faire de la rénovation énergétique un axe majeur de la relance ; nous nous réjouissons de l'élargissement du dispositif MaPrimeRenov', qui était d'ailleurs une demande de longue date du groupe Libertés et territoires. Nous sommes plus sceptiques quant aux moyens déployés : la hausse des crédits prévus au titre de la mission « Écologie » dans le plan de relance permet à peine de revenir au niveau d'investissement public atteint en 2018 par le CITE – le crédit d'impôt pour la transition énergétique.
Quatrième et dernière raison : c'est une relance qui est faite au détriment de l'autonomie fiscale des collectivités territoriales.
Le groupe Libertés et territoires considère que les collectivités territoriales doivent être au coeur de cette relance. Elles assurent plus de 70 % de l'investissement public. C'est la raison pour laquelle elles doivent être rassurées sur leurs ressources futures et sur leur capacité d'autofinancement.
Je salue à cet égard l'introduction de l'article 22 bis B par le Sénat, étoffé lors de l'examen en commission par le président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, Jean-René Cazeneuve. Cet article assure une clause de sauvegarde des recettes des collectivités et leur donne une meilleure visibilité au moment de finaliser leur budget. Le groupe Libertés et territoires souhaitait conserver cette avancée du Sénat.
Pour autant, …
… ce plan de relance se fait au détriment de l'autonomie fiscale des collectivités territoriales. Si la diminution des impôts de production va dans le bon sens, l'erreur que vous commettez – une nouvelle fois, et vous n'êtes pas les premiers – est de compenser ces pertes fiscales par des parts d'impôts nationaux et non par des impôts modernes à base territoriale et à taux fixes.
En conclusion, vous le savez comme nous monsieur le ministre délégué, ce budget pour 2021 est déjà dépassé. Nous nous retrouverons dans quelques semaines ou quelques mois, pour un premier projet de loi de finances rectificative. Votre budget pour 2021 est à courte vue ; c'est pourquoi le groupe Libertés et territoires votera à la quasi-unanimité contre.
Merci, monsieur de Courson. Je vous rappelle que le règlement ne nous autorise pas à brandir des objets, même lorsqu'il s'agit d'une récompense attribuée à un membre du Gouvernement.
La parole est à M. Fabien Roussel. Si jamais vous avez un cadeau à remettre au ministre délégué, mon cher collègue, je vous invite à le faire après la séance.
Sourires.
Votre budget, finalement, c'est un peu comme l'Euromillions : quelques gros gagnants et énormément de perdants. À ceci près qu'avec vous, le hasard n'entre pas en ligne de compte : ce sont toujours les mêmes qui raflent la mise, au détriment de tous les autres.
M. Jean-René Cazeneuve s'exclame.
La précarité explose comme jamais dans notre pays : un million de personnes supplémentaires sont passées sous le seuil de pauvreté, dont des étudiants et des salariés. Or vous campez sur tous vos refus : refus d'augmenter le SMIC, alors que la France restera championne des dividendes, 37 milliards ayant été distribués cette année par les entreprises du CAC40 ; refus de conditionner le versement des aides publiques aux entreprises au fait que celles-ci embauchent – ce serait le minimum – ou s'engagent en faveur du climat ; refus d'annuler les plans de licenciement, pourtant dépourvus de lien avec la crise sanitaire ; refus d'embaucher les 100 000 emplois qui manquent dans nos écoles, dans nos hôpitaux, dans nos EHPAD et dans le secteur de l'aide à domicile. Rien de tout cela ne figurera dans votre budget.
Pourtant, après l'examen du texte par le Sénat, certains éléments auraient pu faire consensus. Je pense à l'imposition des GAFAM et à la taxe sur les géants du commerce électronique, que nous avions proposées et que le Sénat a introduites, en retenant la notion d'établissement stable.
Ne nous y trompons pas : nous n'entendons pas taxer les petites entreprises qui font du commerce en ligne en respectant toutes les règles du jeu. En revanche, nous pensons à Amazon, qui s'enrichit comme jamais, son activité ayant augmenté de 40 % au troisième trimestre. En effet, Amazon délocalise ses bénéfices au Luxembourg et ne paiera pas tous les impôts qu'il lui revient d'acquitter en France, à la différence de nos PME. Les GAFAM paient neuf fois moins d'impôt qu'ils ne le devraient – ce n'est pas moi qui le dis, c'est votre ex-secrétaire d'État Mounir Mahjoubi. Le consensus est donc large, à droite comme à gauche, pour agir enfin, sans attendre une hypothétique, et pour tout dire improbable, décision au niveau européen.
Il en va de même concernant les assurances. Comme le Sénat, nous proposons de les mettre vraiment à contribution, tandis que vous leur demandez tout juste de ne pas augmenter leurs échéances. De vous à moi, vous êtes tout de même un peu coupés de la réalité ! Écoutez les commerçants : vous entendrez qu'ils demandent la prise en compte à 100 % de leurs pertes d'exploitation dues à la crise, dont ils ne sont en rien responsables. Pourquoi les AXA et consorts resteraient-ils assis sur un tas d'or quand les petits commerçants boivent le bouillon ?
Le projet de loi de finances pour 2021, qui aurait dû être exceptionnel eu égard à la crise, s'inscrit dans les mêmes pas que tous les précédents. Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine a fait le calcul : le montant des baisses d'impôts, des exonérations de cotisations et des cadeaux en tout genre s'élèvera à 71 milliards d'euros, dont les trois quarts profiteront aux grandes entreprises, les petits devant se contenter des miettes. Vous prévoyez 71 milliards pour soutenir l'offre et 0,8 milliard seulement pour lutter contre la pauvreté !
Si encore ces aides aux entreprises étaient accompagnées de l'obligation de maintenir les emplois, de relocaliser la production, de réduire le temps de travail, de former des salariés, d'embaucher des jeunes et de laisser les anciens partir à la retraite ; bref, si vous aviez adopté un plan ORSEC pour l'emploi…
Mais c'est tout l'inverse qui se produit : Airbus, Renault, Bridgestone, Nokia, Danone, Vallourec, General Electric à Belfort, Grid à Villeurbanne, Cargill, Verallia – je pourrais citer des dizaines d'exemples – ont annoncé un plan de sauvegarde de l'emploi – PSE – ou un plan de licenciement ; nous assistons à une véritable saignée dans notre industrie. Rien n'est fait pour empêcher ces plans, pour conserver nos productions et nos savoir-faire, pour garnir les carnets de commande. Votre seule réponse, monsieur le ministre délégué, consiste à accompagner les licenciements. Bref, c'est du chômage à gogo, …
… qui plus est, payé par nous !
À votre place, nous aurions empêché toute délocalisation, tout plan de licenciement lorsque l'entreprise distribue des dividendes ou n'a pas mis en oeuvre toutes les solutions permettant de conserver les emplois : la diversification, la relocalisation d'activité, la formation, la réduction du temps de travail, les départs en retraite anticipés.
De même, il y a tant de besoins auxquels nous devons répondre dans nos services publics, dans nos communes. Tel est le sens de l'appel de Grigny, lancé par cette commune et de nombreuses autres qui ne demandent qu'à garantir l'égalité à leurs citoyens. Où est le milliard attendu pour ces communes ?
Pour finir, l'Organisation des Nations unies a appelé les États à déclarer « l'état d'urgence climatique » afin d'atteindre la neutralité carbone, et il n'y a plus de temps à perdre. Or votre budget ne prévoit pas les moyens nécessaires pour rénover 700 000 logements par an – contre 100 000 à peine au rythme actuel – , ni pour développer le fret ferroviaire et les transports collectifs gratuits. Bref, votre projet de loi de finances résonnera comme un énième budget très libéral, alors que la situation exige un budget de reconquête industrielle, un budget de développement de nos services publics, un budget écologique, social et solidaire.
Au nom de la majorité de nos concitoyens, au nom des travailleurs, au nom de ceux qui luttent pour leur emploi, pour des services publics de qualité, pour leur commune, les députés communistes ne voteront pas ce budget.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.
La France traverse une crise économique sans précédent, qui frappe nos entreprises, nos concitoyens et nos collectivités territoriales. Face à cette crise, le Gouvernement a su faire preuve de réactivité…
… et apporter des solutions fortes et immédiates, grâce à quatre grands budgets rectificatifs, que nous avons adoptés au cours de l'année et dont nous pouvons, collectivement, être fiers.
Face aux incertitudes latentes dans lesquelles nous plonge la situation sanitaire, notre priorité doit être la relance de l'économie. Tel est le cas avec un plan inédit de 100 milliards d'euros, organisé autour de trois objectifs stratégiques, que je rappelle – il est toujours bon de le faire : la transition écologique, le développement de la compétitivité de nos entreprises, le renforcement de la cohésion sociale et territoriale de notre pays. Qui peut être contre ces priorités ? Qui peut être contre cet effort inédit ? Qui peut être contre ce budget ?
Grâce au concours des députés et du rapporteur général, le texte sorti des murs de cet hémicycle est plus ambitieux que celui qui avait été déposé ; soucieux d'accompagner chacun et chacune, nous avons souhaité aller plus loin encore. Je prendrai trois exemples : pour alléger les charges fixes de nos entreprises, nous créons un crédit d'impôt en faveur des bailleurs qui acceptent de renoncer à un à trois mois de loyer ; pour accélérer la transition écologique et mettre en oeuvre les recommandations de la convention citoyenne pour le climat, nous relevons de 100 euros le forfait mobilités durables ; pour accompagner le secteur de la culture, nous prorogeons les dispositifs fiscaux qui le concernent.
Le texte nous revient largement modifié par nos collègues sénateurs. Certains de leurs apports vont dans le bon sens et doivent être, je crois, conservés. Tel est le cas du relèvement, jusqu'à 2021, du plafond des dons au profit des associations d'aide aux personnes en difficulté et de la suspension du jour de carence pour les agents publics touchés par le covid-19.
En outre, nous pouvons collectivement nous féliciter de l'engagement obtenu, pendant la navette, de la part du secteur de l'assurance. Ainsi, toutes les entreprises contraintes de baisser le rideau cette année bénéficieront d'une couverture d'assistance gratuite lorsque le chef d'entreprise ou le salarié aura été personnellement touché par le covid-19 et verront leur prime d'assurance gelée en 2021. Le Parlement s'est fortement mobilisé pour que ce secteur s'investisse davantage dans l'effort économique national et dans le soutien aux entreprises.
Néanmoins, certains sujets continuent à faire l'objet d'un débat au sein de notre assemblée. Tel est le cas, entre autres, des entreprises de loisirs en salle, que les nombreux mois de fermeture ont rendues particulièrement vulnérables. Notre majorité s'engage en leur faveur et proposera différents amendements visant à leur apporter un soutien spécifique, afin qu'elles passent toutes cette période difficile.
En ma qualité de président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, je souhaite répondre à tous ceux qui voudraient faire croire que nous n'avons rien fait pour aider les élus locaux.
L'impact pour les finances locales a été, c'est vrai, particulièrement fort en 2020. Il doit néanmoins être relativisé, d'une part parce qu'il ne pèse que 3 % des recettes réelles de fonctionnement des collectivités territoriales, d'autre part parce qu'il est moins important que prévu initialement. Depuis le début de la crise, nous avons multiplié les mesures en faveur des collectivités. Je suis fier de souligner que près de 7 milliards d'euros leur ont été apportés par l'État, sous forme de compensations, d'avances ou de soutien à l'investissement.
Cet effort considérable est inédit, et nous le poursuivons dans le budget pour 2021 : en faveur des régions, en compensant intégralement leurs futures pertes de recettes de CVAE – cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises – , ce qui coûtera 1,2 milliard environ ; en faveur des départements, en abondant leurs fonds de péréquation et de stabilisation respectivement de 60 et de 200 millions ; en faveur du bloc communal, en proposant un amendement qui vise à renouveler en 2021 les mesures prises dans le cadre du PLFR 3, conformément au message politique clair porté par notre majorité.
Ainsi, l'État soutiendra toutes les collectivités territoriales et aucune d'entre elles ne verra ses ressources fiscales baisser au-dessous de la moyenne des trois dernières années. En communiquant aux élus locaux ce socle de ressources dès le début de l'année, nous continuerons, comme nous le faisons depuis le début de la crise sanitaire, à leur donner de la visibilité et à les rassurer sur le niveau des ressources futures de leur collectivité, ce qui leur permettra d'accroître les investissements.
Le budget pour 2021 est historique. Nos entreprises, nos concitoyens et nos collectivités en ont besoin. Je vous enjoins donc tous, mes chers collègues, quels que soient les bancs sur lesquels vous siégez, à le soutenir.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Nous avons commencé l'examen du projet de loi de finances pour 2021 il y a deux mois. Or, en deux mois, loin de s'améliorer, la situation sanitaire, économique et sociale de notre pays s'est aggravée : un deuxième confinement, de nouvelles fermetures administratives, un plan de relance déployé au plus mauvais moment. Dès le mois d'octobre, nous avons dénoncé les hypothèses irréalistes du Gouvernement, tout comme le contenu de ce budget, qui n'est pas à la mesure de la crise que nous subissons.
À l'issue de la première lecture, nous n'étions guère plus satisfaits, la majorité ayant refusé l'intégralité ou presque des propositions, pourtant responsables et utiles, du groupe Les Républicains.
Nonobstant, nous nous réjouissons de la qualité du travail fourni par le Sénat, qui a permis de nombreuses avancées déterminantes et très attendues. Alors que la majorité n'avait pas souhaité nous écouter ici lorsque nous l'avions alertée sur les inégalités de traitement entre les commerces de proximité et le e-commerce, les sénateurs ont décidé d'instaurer une contribution exceptionnelle sur le chiffre d'affaires des entreprises de vente à distance. Nous saluons cette mesure, absolument nécessaire pour les petits commerces qui ont subi deux épisodes de fermeture administrative en l'espace de quelques mois seulement.
Par ailleurs, les sénateurs ont décidé de lisser la hausse du malus automobile sur cinq ans, contre trois ans prévus initialement. Cette mesure est tout aussi indispensable. En première lecture, nous avions pointé du doigt la brutalité de cette nouvelle taxe, et nous sommes heureux d'avoir été entendus par le Sénat. Il s'agit de protéger le secteur automobile français et l'emploi.
Prenant la mesure des difficultés rencontrées par nos collectivités territoriales, la Chambre haute a en outre prévu la compensation, par un prélèvement sur les recettes de l'État, des pertes de produit de CVAE que subiront les départements et le bloc communal en 2021.
Enfin, conscient du rôle important joué par les professionnels médicaux tout au long de la crise sanitaire, le Sénat a supprimé le plafond d'exonération de leurs heures supplémentaires.
Ces mesures visaient à faire du projet de loi de finances pour 2021 un réel budget de soutien et de relance de notre économie, face à une crise qui n'en finit pas. Aussi ne pouvons-nous que regretter qu'elles aient toutes été écartées par la majorité lors de l'examen du texte par la commission des finances vendredi dernier.
Nous espérons néanmoins que le débat qui s'ouvre aujourd'hui permettra de lever le brouillard sur certains points, et de sauver ce qui peut encore l'être.
La très faible contribution des assurances aux pertes d'exploitation des TPE-PME ne doit pas être occultée : sur ce point, nous attendons beaucoup plus de transparence et de clarté. Le Gouvernement était tenu par la loi de remettre au Parlement, avant la fin du mois d'août, un rapport sur l'évolution de la sinistralité au premier semestre 2020. Il ne nous a été remis que le 12 décembre, et encore, suite aux demandes du président de la commission des finances. Pourtant, nous savons que les assurances doivent faire bien davantage dans la crise sanitaire et économique qui nous frappe.
De plus, lors de l'examen par la commission mixte paritaire du troisième PLFR pour 2020, la majorité s'était engagée à soutenir et à protéger le secteur du tourisme. Or c'est une déception, puisque les fonds alloués plus particulièrement aux espaces de loisirs et d'attractions et aux espaces culturels semblent encore insuffisants et ne prennent pas toujours en considération leurs spécificités. Les effets du deuxième confinement sur cette filière sont dévastateurs. Nous espérons obtenir le soutien de la majorité et du Gouvernement sur ce sujet : la survie de tout un secteur économique en dépend.
Enfin, nous nous réjouissons de la suppression d'une mesure de redéfinition du périmètre des travaux de rénovation énergétique éligibles au taux réduit de TVA à 5,5 % : comme beaucoup d'autres, le secteur du bâtiment a suffisamment souffert de la crise pour qu'on ne lui impose pas un tel bouleversement. Nous espérons que cette suppression sera maintenue.
Nous demanderons par amendement au Gouvernement de prolonger, en 2021, la possibilité pour les communes et les EPCI d'exonérer de CFE les entreprises les plus fragiles de leur territoire.
Depuis le début de la crise sanitaire et après quatre projets de loi de finances rectificatives, nous pensons vous avoir prouvé notre esprit de responsabilité. Malheureusement, nous ne pouvons en dire autant de la majorité, qui ignore bien trop systématiquement les propositions de l'opposition, pour la seule et simple raison qu'elles viennent de l'opposition.
La suppression de la quasi-totalité des mesures voulues par le Sénat en est la triste preuve.
Un contexte sanitaire aussi difficile exigeait de travailler de concert et en faisant preuve de responsabilité : le projet de loi de finances pour 2021 aurait pu être considérablement enrichi par le travail des sénateurs, mais cela ne sera pas le cas car votre majorité s'est hélas montrée plus sectaire que jamais. Nous sommes très loin du nouveau monde que vous nous promettiez ! Dans ces conditions, les députés du groupe Les Républicains voteront contre le budget pour 2021.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Devantures fermées, chaises et tables rentrées, rideaux baissés, stades vidés, remontées de ski au point mort et caisses vides pour tous : les secteurs de la restauration, de la culture, du sport, et j'en passe, sont les grands malades de cette crise économique.
Pour tenter de minimiser l'impact d'un choc inéluctable, vous continuez – à raison – de mettre sous perfusion les entreprises contraintes à la fermeture et poursuivez le financement du chômage partiel, avec une nouvelle enveloppe de 20 milliards d'euros. Et parce que cela ne suffit malheureusement pas, de nouveaux soutiens particuliers vont donc être apportés : je pense, par exemple, aux 400 millions d'euros alloués aux stations de ski, ainsi qu'à l'enveloppe de 250 millions à destination des aéroports, dont le trafic est en chute libre. Il y a deux ans, le Gouvernement assurait que l'argent magique n'existait pas mais, depuis, vous semblez avoir trouvé la formule pour tenter de maintenir hors de l'eau la tête d'un pays qui boit la tasse.
Pour aller plus loin encore, l'État choisit de renoncer à une partie de ses recettes fiscales, qui sont en baisse de 22 milliards. Inéluctablement, et mécaniquement, le déficit budgétaire n'en finit pas de se creuser pour atteindre 8,5 % du PIB en 2021, ce qui conduira logiquement la dette de l'État à excéder 120 % du PIB l'an prochain. Un lot de consolation, néanmoins : nous nous endettons à un taux négatif. Maigre compensation, il est vrai, mais en ces temps difficiles, il est préférable de voir le verre à moitié plein.
Quant à la récession, elle devrait atteindre 11 % : ce n'est qu'une demi-mauvaise nouvelle, car malgré la dégringolade, le second confinement semble avoir été moins nocif que prévu. Pas de quoi se réjouir pour autant : les projections de croissance économique pour l'année 2021 ne permettront pas de revenir au niveau d'avant la crise. La croissance devrait osciller entre 5 % et 6 %, selon Bercy.
Après neuf mois de crise sanitaire et quatre projets de loi de finances rectificatives, nous voilà donc rassemblés pour adopter un projet de loi de finances entérinant le plan de relance de 100 milliards d'euros que le chef du Gouvernement a annoncé le 3 septembre.
Malgré une gestion de crise approximative et une succession de décisions parfois incohérentes qui ont plongé le pays dans une défiance sans précédent, reconnaissons tout de même plusieurs points positifs. Je pense à la relative territorialisation de la mise en oeuvre de ce PLF grâce à une déconcentration des crédits auprès des préfets de département et de région, ou encore au plan de relance, conçu de manière à être copiloté avec les régions – c'est un bon point. Je me réjouis également de la réduction des impôts de production : 10 milliards d'euros, ce n'est pas rien.
En dépit de mesures allant dans le bon sens, ce projet de loi de finances ne suffira pas à rétablir la confiance. Quel dommage que vous n'ayez pas permis de soutenir encore un peu plus l'économie locale, en acceptant de revoir ici et là le zonage du dispositif Pinel…
… ou celui des zones franches urbaines, qui auraient eu le mérite de soutenir les commerces de proximité installés dans nos centres-villes. Avouez qu'ils en ont bien besoin ! Vous avez certes prolongé le dispositif Pinel jusqu'au 31 décembre 2024, et c'est heureux, mais pourquoi vous être arrêtés en si bon chemin…
… et avoir refusé l'extension de l'expérimentation menée en Bretagne ou la possibilité, pour certaines communes répondant à certains critères bien déterminés, d'être classées en zone B1 plutôt que B2 ? Il y a urgence, et vous le savez.
Autre incohérence : avec une aide médicale d'État de plus de 1 milliard – destinée, je le rappelle, à soigner des étrangers en situation irrégulière – et des aides à la presse qui n'en finissent pas d'être distribuées à des journaux souvent de moins en moins lus, il est difficile d'expliquer aux agences de voyages, qui sont au bord de la banqueroute, qu'il est compliqué de créer un fonds de compensation, ou encore d'apaiser les restaurateurs, qui devront serrer les dents encore plusieurs semaines alors qu'un tiers est en danger de mort économique. Quant aux commerces de proximité, quelle bataille pour que le Premier ministre accepte enfin leur réouverture !
Votre situation n'est pas facile, je le concède, et certains ont regretté un manque de lisibilité de votre plan de relance. Mais aujourd'hui, notre responsabilité est lourde : travaillons de concert et acceptez d'examiner les propositions que nous formulons. Une fois n'est pas coutume, vous pourriez même nous écouter !
En cette période de Noël, pourquoi ne pas rêver ? Vous pourriez même prendre en considération nos remarques : j'ai la candeur de croire qu'elles ne sont pas à balayer d'un revers de main.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-huit heures trente.
J'appelle maintenant les articles du projet de loi de finances pour 2021, dans le texte adopté par le Sénat.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement no 174 .
Si j'ai déposé cet amendement qui, me direz-vous, n'a pas d'autre portée que d'affichage, c'est parce qu'en première lecture, le texte du Gouvernement prévoyait pour 2020 un déficit effectif de 10,2 % du PIB, et un déficit structurel de 1,2 %, soit 1 point de moins que l'année précédente. J'avais estimé ces chiffres totalement surréalistes : le déficit structurel ne peut être réduit sans réduction des dépenses structurelles. Le rapporteur général m'avait alors concédé que cette colonne ne présentait pas beaucoup de sens.
Quelle ne fut pas ma surprise de constater que le Sénat a accentué l'écart en portant le déficit effectif à 11,3 % et en ramenant le solde structurel à -0,6 % ! Je suis plus étonné encore que le Gouvernement ait conservé les dispositions du Sénat. Cet amendement vise donc à fixer le déficit structurel à 2,8 %, ce qui correspond à la moyenne entre 3,6 % et 2,2 %, c'est-à-dire entre vos prévisions initiales pour 2021 et l'exécution 2019.
Par ailleurs, monsieur le ministre délégué, le solde structurel pour 2021 a été fixé par un amendement du Sénat à -3,4 % ; vous le portez à -3,8 % par l'amendement no 1215 , que nous examinerons bientôt. Pourriez-vous nous expliquer d'une part comment nous en arriverions à un solde structurel de -0,6 % en 2020, d'autre part pourquoi, sans toucher aux prévisions pour 2020, le solde effectif étant calé sur le chiffre de -11,3 % qui ne fait pas débat, vous rectifiez celles pour 2021 ?
Effectivement, les prévisions de cet article liminaire ont été revues ; c'est une particularité de cette deuxième lecture, qui se comprend aisément au vu de la progression d'une crise exceptionnelle.
Vous n'avez pas tort, monsieur de Courson : l'évolution du solde structurel, qu'il s'agisse des prévisions pour 2020 ou pour 2021, a été une surprise collective. En réalité, elle est liée au fait que les mesures d'urgence et de relance sont considérées comme des dépenses exceptionnelles et non structurelles. Nous pourrions en débattre pour chacune d'entre elles, et il est vrai que certaines sont en quelque sorte hybrides, c'est-à-dire qu'elles pourraient rester en vigueur après la crise. Quoi qu'il en soit, nous devrions prendre acte des chiffres proposés par le Gouvernement, tout en acceptant une certaine instabilité de ces indicateurs des finances publiques : solde structurel, solde conjoncturel, déficit public, endettement. Dans une situation elle-même instable, il est normal, et il nous faut accepter, que cet article liminaire évolue régulièrement.
Ce qui est intéressant, en revanche, c'est la projection que nous aurons de ces données une fois que la crise sera derrière nous. J'espère que le Gouvernement pourra proposer au Parlement, le plus rapidement possible, un projet de loi de programmation des finances publiques, afin qu'en matière de solde structurel nous puissions définir un objectif, une cible en fonction de laquelle nos politiques publiques seront orientées. Au coeur de la crise, encore une fois, il faut prendre ce solde avec humilité et admettre son instabilité ; demain, il jouera au contraire un rôle central dans la compréhension de la relance. Avis défavorable.
Avant toute chose, je souhaiterais préciser que si je n'ai pas pris la parole à la suite de la discussion générale, ce n'est pas pour éviter de répondre aux questions, mais parce que je réserve mes réponses pour le débat que fera naître chaque article, chaque amendement.
M. de Courson me demande pourquoi le solde structurel pour 2020 est moins mauvais que prévu et pourquoi nous le fixons à -0,6 %. Il y a deux explications à cela. La première réside dans le fait que lorsque la croissance et donc la production s'écroulent, les recettes des prélèvements obligatoires se dégradent moins rapidement : cette élasticité entraîne une forme d'amélioration faciale. J'en déduis la nécessité de regarder ces chiffres à distance, et avec humilité, pour les années de crise. Je rejoins également le rapporteur général sur un autre point : dans le cadre d'un projet de loi de programmation pluriannuelle, ou de l'examen des prévisions de croissance à l'occasion du PSTAB, le programme de stabilité, l'évolution du déficit structurel est particulièrement importante.
La deuxième explication tient à ce que nous avions déjà proposé un déficit structurel de 0,6 %, que l'Assemblée a adopté, lors de l'examen du PLFR 4. Si, monsieur de Courson, je vous assure : ce chiffre avait déjà été actualisé. En revanche, nous n'avions pas encore opéré d'actualisation pour 2021. L'article liminaire, tel que nous vous proposons aujourd'hui de l'adopter, a donc été modifié en ce sens lors de son passage au Sénat : cette dernière actualisation tient compte des nouvelles prévisions, notamment en matière de dépenses. Par conséquent, je demande le retrait de l'amendement ; à défaut, avis défavorable.
J'ajouterai – pardonnez-moi, monsieur le président – que, pour me prémunir contre toute tentative de reprise du présent que m'a fait M. de Courson, les membres de mon cabinet et moi-même mangerons le présent en question dans quelques jours. Monsieur le député, merci pour le chocolat !
Sourires.
J'anticipe l'adoption de votre amendement, car je ne doute pas que la majorité votera en sa faveur, comme d'habitude : nous aurons alors un solde structurel de -2,2 % en 2019, -0,6 % en 2020 et -3,8 % en 2021, puisque telle est votre proposition, d'ailleurs raisonnable, pour l'année prochaine. Vous voyez bien que ce -0,6 % est impossible ! C'est conforter mon propre calcul, qui consiste à faire la moyenne de 2019 et 2021 pour ne pas décrédibiliser complètement l'article liminaire. En première lecture, nous en étions à -1,2 % ; le Sénat a encore renchéri sur ce que vous proposiez. Nous n'irons pas expliquer à la Commission européenne que nous avons amélioré la situation en 2020 ! Voilà ce que je critique.
L'amendement no 174 n'est pas adopté.
Il s'agit de l'amendement du Gouvernement, déjà évoqué, visant à actualiser l'article liminaire, afin de tenir compte des mesures prévues en 2021. J'ai évoqué tout à l'heure le fait que, par rapport à la prévision initiale du solde public 2021 présentée au mois de septembre, nous prévoyons une baisse des prélèvements obligatoires et de nouvelles mesures de soutien à l'activité, pour 13,4 milliards, portant celles-ci à 20 milliards. Je n'en dresse pas la liste, puisque je l'ai fait au cours de mon intervention.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
Je remercie le Gouvernement pour ces nouvelles orientations des finances publiques. Il faut préciser que, depuis la première lecture, s'est produit un basculement dont nous devons prendre conscience avec une certaine gravité : la prévision du déficit public étant aggravée et celle de la croissance plus prudente, à 6 %, notre dette publique augmentera en 2021 également. Nous devons le dire à nos concitoyens ; nous devons assumer le fait que la crise aura de lourdes conséquences sur notre endettement et que le rebond de 2021 ne suffira pas, dans un premier temps, à le stabiliser. Raison de plus de nous montrer extrêmement ambitieux dans notre effort de relance, afin que dès 2022, voire dès 2021 dans une certaine mesure, nous puissions faire mentir ces chiffres. Avis favorable à l'amendement du Gouvernement et défavorable aux deux autres.
Sourires.
Monsieur le ministre délégué, vous vous étiez engagé à nous fournir la décontraction des 8,5 % de déficit public entre l'État, les organismes divers d'administration centrale – ODAC – , la sécurité sociale et les collectivités territoriales. En général, vous la faites figurer dans l'exposé des motifs mais j'ai lu celui-ci avec attention : cette répartition n'y est pas indiquée. Pourriez-vous nous éclairer sur ce point ?
Par ailleurs, dans cet exposé des motifs, vous rappelez les nouvelles hypothèses de croissance, ou de décroissance : -11 % pour 2020, 6 % pour 2021. Dans son analyse de la conjoncture, la Banque de France penche plutôt pour 5 %. Pouvez-vous nous indiquer comment vous êtes parvenu aux prévisions retenues par votre amendement ?
Vos questions font écho au débat précédent : je n'ai d'ailleurs pas signalé à cette occasion que les mesures d'urgence pour l'année 2020 sont en majeure partie considérées comme ponctuelles et donc non intégrées au solde structurel. La prise en compte de ces dépenses, et leur nature, expliquent donc dans une large mesure l'écart entre 2020 et 2021.
Je ne dispose pas de la décomposition précise des 8,5 % de déficit public : je vous la ferai parvenir. Tout ce que je peux dire, c'est que l'État en assume l'essentiel, ainsi que la totalité de la dégradation de ce déficit entre 6,7 % et 8,5 %. Il joue là son rôle d'assureur en dernier recours dans les périodes de crise. Le deuxième poste, par ordre décroissant, est la sécurité sociale. La sphère locale vient très loin derrière ou plus exactement, s'agissant de 2021, ne vient pas. Encore une fois, ce déficit est donc essentiellement celui de l'État et marginalement celui de la sécurité sociale.
L'écart entre nos prévisions et celles de la Banque de France s'explique principalement ainsi : si l'année n est marquée par une récession particulièrement forte, le rebond en n + 1, par pure élasticité, par pur automatisme, est plus fort. Par rapport aux autres analyses et prévisions, excepté celles de la Banque de France, notre anticipation de 6 % de croissance en 2021 se trouve tout à fait raisonnable, voire prudente. En outre, elle succède à une récession de 11 % en 2020, alors que les 5,1 % de la Banque de France surviennent après une récession estimée à 9,1 %. Cet écart de 2 points dans l'évaluation de la récession justifie amplement 1 point d'écart dans la prévision du rebond automatique de l'année prochaine.
Monsieur le ministre délégué, nous souhaiterions simplement une précision : quel est l'impact de la baisse des impôts de production sur votre calcul du solde structurel ?
Un impact de 10 milliards par an.
L'amendement no 1215 est adopté.
L'amendement no 95 de Mme Marie-Christine Dalloz est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Il est défavorable. Notons que les recettes de l'impôt sur les sociétés baissent fortement mais que celles de l'impôt sur le revenu, quant à elles, sont stables. Cela démontre à quel point le pouvoir d'achat des Français a été maintenu pendant la crise, notamment grâce à l'activité partielle et aux aides sociales mises en oeuvre.
L'amendement no 95 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Comme il l'avait fait en première lecture, le groupe Les Républicains relate par cet amendement la chronique d'une dette annoncée, car elle ne survient pas ainsi sans causes. Il faut en observer le cheminement et constater que quel que soit le scénario choisi parmi ceux que nous proposons, elle s'établira toujours à un niveau considérable en 2025, aux alentours de 120 % du PIB. Il peut bien sûr y avoir de bonnes nouvelles et la situation pourrait s'avérer plus favorable, mais même dans le cas d'un scénario plutôt optimiste, le taux d'endettement atteindrait toujours un niveau extrêmement élevé de 117 % environ. La dette que la France lèvera sur les marchés l'année prochaine s'élève presque au niveau des pensions versées aux Français. Ces dépenses sont si sensibles qu'on peut dès lors s'interroger sur la capacité de notre pays à y faire face, sur son autonomie et même sa souveraineté. La dette atteint désormais un montant équivalent à deux ans et demi de recettes fiscales et sociales.
Il ne suffit pas de dire, comme le fait le Gouvernement, que l'on a pleinement conscience du niveau de dette mais que l'on s'en préoccupera plus tard. Il faut d'abord la stabiliser. Pour cela, les nouvelles dépenses de fonctionnement – que nous ne contestons pas – , prévues par le Gouvernement pour faire face à l'urgence, doivent selon nous être financées grâce à la suppression de certaines dépenses figurant actuellement dans le plan de relance. Entre le court terme et le moyen terme, il faut arbitrer en faveur du premier, même si le moyen terme est évidemment nécessaire pour générer une croissance potentielle supplémentaire. Autrement, le Gouvernement continuera d'accroître et d'empiler la dette alors qu'il faut la stabiliser. Les dépenses supplémentaires visant à répondre à l'urgence doivent être consenties à endettement constant.
L'amendement no 98 de Mme Marie-Christine Dalloz est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Il est tout de même paradoxal de proposer le transfert de crédits destinés à la relance – donc à stimuler la croissance – pour les consacrer essentiellement à l'urgence dans le but de maîtriser le plus rapidement possible l'endettement. Nous avons vraiment deux visions différentes de la situation, monsieur Woerth. J'estime pour ma part qu'il est prioritaire de se donner tous les moyens de réaliser la croissance la plus forte possible dès 2021– quand bien même cet objectif serait décalé dans le temps, comme le montrent les nouvelles prévisions de déficit et de croissance – quitte à décaler le remboursement et la stabilisation de la dette. La situation macroéconomique et monétaire nous permet de faire face à la crise grâce à l'endettement.
Cela ne signifie naturellement pas qu'il ne faudra pas stabiliser et rembourser la dette. Mais se précipiter pour stabiliser la dette au mépris d'une croissance qui pourrait être renforcée par les crédits de la mission « Relance » constituerait, à mon sens, une erreur. Si nous sommes d'accord sur le constat, nous ne partageons vraiment pas le même avis sur les outils de stabilisation de la dette et le moment où il faudra les actionner. Je pense pour ma part qu'il ne serait pas raisonnable de l'envisager avant 2022 car nous grèverions alors nos capacités de rebond, qui doit absolument être notre priorité après la crise que nous avons traversée. Avis défavorable.
Il est également défavorable, pour les mêmes raisons. J'ajoute que la maîtrise de la dette et, à terme, sa diminution doivent aussi être au centre de nos préoccupations, d'abord parce que nous n'avons pas les moyens de faire défaut – ce serait folie que de le penser – mais aussi parce que l'annulation de la dette est impossible en l'état actuel des choses. Les travaux que j'ai évoqués lors de mon intervention précédant la discussion générale vont dans ce sens.
Décidément, il est toujours difficile d'arbitrer entre des dépenses. Les propos de M. le rapporteur général, qui reporte la stabilisation de la dette à plus tard, le démontrent. Or on ne peut pas dépenser pour tout – pour le court, le moyen et le long terme – tout en se lançant en même temps dans une relance budgétaire.
Dans un monde idéal, ce serait formidable, mais c'est impossible, même si les taux sont très bas – ils resteront très bas quelques années mais un jour, nous serons rattrapés par la patrouille et d'ici là, je ne suis pas certain que les efforts nécessaires auront été consentis.
Au début du quinquennat, le Gouvernement avait annoncé des efforts, mais ceux-ci ont été très limités et la France a abordé la crise dans une situation de faiblesse relative par rapport à tous les autres pays – j'insiste : tous les autres. Un exploit ne vaut jamais à titre individuel uniquement ; il doit être comparé à ce que font les autres – or regardez les déficits de la zone euro !
En clair, le Gouvernement devra arbitrer. Il est vrai que c'est compliqué et qu'il faut du courage. Je voudrais moi aussi que la croissance s'accélère ; je crois moi aussi que des réformes structurelles sont nécessaires, et qu'il faudrait investir. Mais le Gouvernement ne peut pas compenser toutes les pertes du pays à court terme et investir à moyen et à long terme !
Il faut choisir entre les dépenses, sans quoi on risque d'entrer dans un interminable cycle infernal. Un effort de stabilisation de la dette à hauteur de 8 milliards d'euros, face à un plan de relance annoncé de 100 milliards, me semblerait acceptable et ne brûlerait pas tous nos vaisseaux en matière d'investissement.
L'amendement de M. Woerth vous invite, monsieur le ministre délégué, à nous expliquer comment vous envisagez l'évolution des finances publiques non pas seulement en 2021, mais jusqu'en 2024. Vous nous avez d'ailleurs promis un nouveau projet de loi de programmation – conformément à la loi organique, étant donné le dérapage considérable des finances publiques – pour le milieu de l'année, me semble-t-il. Pourriez-vous nous éclairer sur la stratégie du Gouvernement ? Poursuivra-t-il l'augmentation de la dette en 2022 et 2023 ou s'efforcera-t-il de stabiliser son évolution non pas en valeur absolue, mais par rapport au PIB ?
Avant de céder la parole à Mme Véronique Louwagie puis à deux autres intervenants, je rappelle que près d'un millier d'amendements ont été déposés sur ce texte. Sans trahir nos échanges, monsieur Woerth, vous m'avez même demandé que nous en achevions l'examen avant la fin de la présente séance – ce qui me paraît difficile…
Sourires.
Quoi qu'il en soit, je comprends que l'Assemblée débatte de votre amendement mais je vous invite tous, chers collègues, à faire preuve de concision.
Cet amendement met en relief la question que le groupe Les Républicains pose depuis plusieurs semaines, voire plusieurs mois : comment le Gouvernement envisage-t-il de financer la dette ? Cette question, les citoyens nous la posent tous les jours ! Mes collègues J'en discutais avec mes collègues Valérie Beauvais et Thibault Bazin : nous sommes interpellés par nos concitoyens qui se demandent qui va payer, et s'interrogent sur l'origine des milliards d'euros ainsi dépensés. Il est de la responsabilité du Gouvernement de répondre à cette question. Or nous pouvons vous reprocher de ne pas le faire, tout comme nous vous reprochons de ne pas avoir profité des années de croissance, depuis 2017, pour résorber le déficit, ce qui aurait permis de s'emparer du problème de la dette. Les citoyens vous posent une question, monsieur le ministre délégué ; vous devez y répondre.
Il me semble important, avant tout chose, de différencier le stock de dette et les flux ultérieurs. Ce n'est pas le stock de la dette qui pose problème, la France ayant emprunté à des taux très bas. On peut en revanche s'interroger sur les flux futurs qui contribueront à accroître la dette. Il me semble impératif de stabiliser les déficits pour stabiliser la dette. Tout le monde semble étonné par votre stratégie de surendettement – pardon, de désendettement…
Sourires et exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Le Gouvernement a demandé à la commission présidée par M. Arthuis de stabiliser la dette tout en conservant la même trajectoire de prélèvements obligatoires.
Autrement dit, le désendettement se fera forcément au détriment des services publics, de la santé ou encore de la retraite.
M. Bricout vous a interrogé tout à l'heure sur l'impact qu'aura la baisse des impôts de production sur le déficit et sur la fameuse croissance : qu'en sera-t-il ? D'autre part, s'il faut en effet choisir entre les dépenses, certaines sont incompressibles, comme celles destinées à l'hôpital, à l'éducation ou encore à la recherche. Vous arrive-t-il de calculer, monsieur le ministre délégué, l'effet positif que ces dépenses pourraient aussi avoir sur la relance ? C'est une façon de penser que vous occultez totalement !
Je viens d'entendre de très bonnes nouvelles émanant des bancs de la gauche et de la droite de l'hémicycle : nous dépensons trop.
J'en déduis – peut-être suis-je naïf – que quasiment aucun des amendements qui suivent ne sera défendu par son auteur ! Pendant deux jours, chers collègues, vous n'allez en effet nous proposer qu'une augmentation des dépenses, comme l'ont fait les sénateurs, qui voudraient creuser le déficit de 20 ou 25 milliards d'euros supplémentaires ! Vous ne pouvez pas nous mettre en garde contre un déficit et passer deux jours à défendre les amendements que vous avez déposés.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Je vous remercie, monsieur le président, de nous laisser le temps d'avoir ce débat. Il est en effet important que nous évoquions l'article liminaire et la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire », qui ont changé entre la première lecture et celle-ci. Il est aussi important, politiquement, que la représentation nationale s'exprime sur l'avenir de notre endettement dans le cadre de ce PLF.
Monsieur Woerth, le choix que vous suggérez de faire entre urgence et relance serait, selon moi, mortifère. Il nous empêcherait en effet d'obtenir le rebond de croissance nécessaire. C'est probablement ce souffle, ce carburant, qui ont manqué lors de la crise précédente pour relancer l'économie française ; il a finalement fallu augmenter les prélèvements obligatoires car les finances publiques étaient exsangues. Nous voulons à tout prix éviter d'avoir à augmenter les impôts des ménages et des entreprises ; pour ce faire, il faut savoir investir aujourd'hui. Il est vrai que nous amorçons encore davantage la pompe de l'endettement, que nous avons atteint 120 % du PIB en 2020 et atteindrons peut-être 122 % en 2021. Nous l'assumons, car c'est ainsi que nous pourrons stabiliser et réduire l'endettement.
Jouer petit bras aujourd'hui, en termes de dépenses et d'investissements, serait le meilleur moyen de ne pas rebondir fortement.
À l'évidence, la question du remboursement de la dette se pose. Nous avons plusieurs objectifs. Le premier consiste d'abord à stabiliser la dette par rapport au PIB, après l'augmentation que nous anticipons pour 2021, puis à la réduire. Je partage l'avis de M. le rapporteur général : cette trajectoire prendra nécessairement plusieurs années, ne serait-ce que parce que nous avons encore besoin de financer en 2021 des dépenses de relance ou d'urgence. Nous souhaitons qu'à terme, la dette soit remboursée ou, au moins, que son poids diminue en part du PIB grâce à la croissance et aux recettes qu'elle engendrera. Nous refusons par ailleurs d'augmenter les prélèvements obligatoires, comme nous le répétons en permanence.
Au cours des prochains mois, nous aurons à travailler ensemble. Une commission est chargée de nous faire des recommandations, c'est un fait. Mais nous tiendrons évidemment compte aussi des propositions des parlementaires pour dessiner notre vision pluriannuelle de la dette, du niveau des dépenses publiques, de la trajectoire de redressement et de l'évolution des prélèvements obligatoires – au moins dans un premier temps, en vue de l'échange que nous devons avoir avec la Commission européenne sur le programme de stabilité.
C'est ce travail qui nous attend, et je réaffirme notre volonté : créer la relance la plus forte possible. Nous estimons que le plan de relance générera 1,5 point de croissance en 2021. Nous espérons ainsi retrouver le niveau de production de richesse de fin 2019 d'ici à la fin de 2022 puis continuer sur la voie d'une croissance productrice de richesse, toujours sans augmenter les prélèvements obligatoires. Les mois à venir – je pense surtout au printemps prochain – seront l'occasion d'avoir ces débats sur la vision pluriannuelle.
L'article liminaire, amendé, est adopté.
Nous abordons l'examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2021.
Cet amendement, rédigé par notre collègue Jean-Paul Dufrègne dans le cadre d'une proposition de loi qu'il a défendue au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, vise à instaurer un barème de l'impôt sur le revenu qui soit véritablement progressif puisqu'il comprendrait onze tranches contre cinq aujourd'hui, ce qui permettrait d'une part de faire baisser l'impôt sur le revenu des premières tranches, d'autre part de faire en sorte que les tranches les plus élevées, correspondant à ceux qui gagnent le plus, payent plus d'impôt et participent donc davantage à l'effort national.
Cette proposition aurait pour effet de réduire le montant de l'impôt d'un célibataire gagnant jusqu'à 3 900 euros par mois – ce qui est déjà un bon salaire – et de l'augmenter pour ceux qui perçoivent des revenus supérieurs à cette somme. Elle maintiendrait à son niveau actuel de 73 milliards d'euros le rendement de l'impôt sur le revenu, alors que votre choix de baisser l'impôt sur le revenu des familles moyennes et modestes sans taxer davantage les plus hauts revenus se traduit par une perte sèche pour le budget de l'État.
La parole est à M. Jean-Louis Bricout, pour soutenir l'amendement no 829 .
Cet amendement propose de revaloriser les seuils d'imposition en les faisant passer de 0,2 % à 0,8 % afin de donner un peu plus de pouvoir d'achat aux ménages et de contribuer au retour à l'équilibre économique en favorisant une relance par la consommation.
C'est cette majorité qui a baissé l'impôt sur le revenu de tous les Français qui l'acquittent, à hauteur de 5 milliards d'euros dès l'année 2020. C'est cette majorité qui a baissé de 22 milliards d'euros les prélèvements obligatoires des ménages, mais aussi des entreprises pour le même montant – ce qui a profité à l'emploi. C'est donc cette majorité qui a baissé les prélèvements obligatoires comme aucune autre ne l'avait fait.
Pour ce qui est de savoir qui il faut taxer le plus, nous avons justement introduit de la progressivité dans l'impôt sur le revenu en ramenant la première tranche à un taux d'entrée de 11 %. Ce que vous demandez, nous l'avons fait avant la crise, et nous continuons à le faire en n'augmentant pas les taux d'imposition. J'émets donc un avis défavorable à ces deux amendements.
La parole est à M. Jean-Louis Bricout, pour soutenir l'amendement no 830 .
L'article 2 du PLF vise à neutraliser les effets de l'inflation de 2020 sur l'impôt sur le revenu. Avec l'amendement n° 830 , nous souhaitons instaurer une exception pour la plus haute tranche d'impôt sur le revenu, qui représente les 1 % de Français les plus aisés. Il s'agit en quelque sorte, dans le contexte de crise actuel, de demander une contribution plus importante à ceux qui vont plutôt bien.
Votre amendement aurait pour conséquence d'augmenter les impôts, ce à quoi nous nous refusons. Avis défavorable.
L'amendement no 830 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement vise à créer pour 2021 et 2022, c'est-à-dire le temps du plan de relance, une cinquième tranche d'impôt sur le revenu, relevée de quatre points par rapport à la précédente et applicable uniquement aux 0,1 % de plus hauts revenus. Cette mesure d'équité permettra de limiter l'explosion des inégalités provoquées par les mesures du début de mandat et mises en évidence par l'INSEE.
Même si je comprends la finalité de votre amendement, je suis gêné par l'idée que vous laissez transparaître, selon laquelle l'impôt sur le revenu ne serait pas assez progressif. En réalité, l'impôt sur le revenu est fortement progressif : c'est probablement l'un des impôts au monde les plus progressifs et redistributifs. Aujourd'hui, 10 % de la population imposable payent 70 % de l'impôt sur le revenu. On peut considérer que ce n'est pas assez, mais on ne peut pas dire que ce n'est ni redistributif ni progressif. J'émets donc un avis défavorable.
On comprend bien, monsieur le rapporteur général, que vous ne voulez pas toucher aux impôts et encore moins aux exonérations d'impôts des plus riches. Il faut en finir avec ces analyses laissant penser que la fiscalité française serait essentiellement constituée de l'impôt sur le revenu, alors que celui-ci en représente 20 %, pas davantage. La fiscalité est beaucoup moins redistributive que vous le dites si, au lieu de ne considérer que l'impôt sur le revenu, vous prenez en considération l'ensemble de la fiscalité et des cotisations qui pèsent sur les personnes : on s'aperçoit alors que vos 1 % les plus riches s'en sortent plus que correctement par rapport aux classes moyennes et, pour ce qui est de l'impôt sur le revenu, s'en sortent même mieux que tous les Français qui, s'ils ne payent pas l'impôt sur le revenu, s'acquittent en revanche de la TVA et de toutes sortes d'autres impôts et taxes. Il faut donc arrêter de raconter cette fable !
Le problème, c'est qu'à force de diminuer l'impôt sur le revenu et son importance dans la fiscalité globale, vous avez rendu la fiscalité moins redistributive – vous n'avez d'ailleurs pas été les premiers à le faire. C'est pourquoi la proposition d'augmenter le nombre de tranches – nos collègues communistes en proposent onze moyennant une cinquième tranche temporaire, nous en proposons quatorze – est nécessaire mais ne permettra tout au plus que d'ébrécher la politique d'inégalité mise en place depuis des années, notamment avec la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune – ISF.
Pour ma part, je trouve intéressante l'idée d'une cinquième tranche, car c'est ça ou l'augmentation de la contribution sur les très hauts revenus qui vous a été proposée par ailleurs… Ce qui est dérangeant, c'est que durant cette période de crise où certaines personnes auraient les moyens de contribuer davantage à la solidarité nationale, vous refusez de les faire contribuer au motif que vous ne voulez pas augmenter la fiscalité des ménages. Or, quand on parle des ménages, on parle de dizaines de millions de Français, et pas uniquement des 0,01 % les plus aisés.
Malgré tout le respect que je vous porte, monsieur Saint-Martin, je suis désolée, mais la prolongation de la CRDS est un prélèvement obligatoire sur les ménages, comme vous le savez très bien, puisqu'elle frappe absolument tous les revenus, y compris les très faibles, et qu'elle porte même sur les indemnités chômage et les indemnités journalières versées par la sécurité sociale.
Oui, en reportant une partie de la dette résultant du covid-19 sur la caisse d'amortissement de la dette sociale – CADES – , qui sera à son tour financée par une prolongation de la CRDS, vous faites porter une partie de cette dette sur les ménages. Je peux comprendre que vous refusiez de mettre en place une hausse de la fiscalité sur les très hauts revenus et sur les profits financiers des grandes entreprises, mais le problème est que, parallèlement, vous mettez à contribution les ménages à revenus faibles et moyens, notamment par le biais des réformes de l'assurance chômage et des retraites.
Je crains fort que la commission Arthuis sur l'avenir des finances publiques, qui doit se prononcer sur la dette française, ne le fasse à la manière d'une nouvelle troïka, en se conformant à la feuille de route déjà rédigée, prescrivant qu'il ne doit pas y avoir d'augmentation de fiscalité sur les entreprises et que seuls les ménages français doivent être mis à contribution.
L'amendement no 831 n'est pas adopté.
Monsieur le ministre délégué, monsieur le rapporteur général, avec votre majorité, vous vous inscrivez dans la continuité des socialistes en matière de politique familiale, puisque vous avez confirmé le rabot sur le quotient familial qui frappe le pouvoir d'achat des familles de classe moyenne. Le résultat de votre absence de politique familiale, c'est que la natalité baisse en France depuis plusieurs années, alors qu'elle était un atout. L'amendement n° 20 , présenté par le groupe Les Républicains à l'initiative de notre collègue Marc Le Fur, vise à rétablir le quotient familial à son niveau de 2012.
C'est un amendement plus modeste, mais sa présentation me permet de m'exprimer par anticipation sur l'amendement suivant, qui vise à rétablir le rabot initial. Dans son exposé des motifs, monsieur le rapporteur général, vous évoquez les effets non redistributifs du quotient familial. Or, la politique familiale ne vise pas à cela, mais bien à soutenir la natalité !
Le 9 avril 2017, le candidat à la présidentielle Emmanuel Macron affirmait lui-même que la force de la France réside dans sa vitalité démographique, et proposait de rétablir le quotient familial. Il disait que raboter était un problème, et que c'est un élément de justice d'accompagner les familles. Que faites-vous de cette promesse ? J'ai un peu l'impression qu'en matière de politique familiale, vous boitez sur votre seule jambe gauche…
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 616 de la commission et donner l'avis de la commission sur l'ensemble des amendements en discussion commune.
Le problème, quand on parle de fiscalité des ménages, c'est qu'on est souvent pris en tenaille entre ceux qui nous reprochent de boiter de la jambe gauche et ceux qui nous reprochent de boiter de la jambe droite. Dans ces conditions, on risque l'amputation et, si l'on n'y prend garde, on pourrait même finir cul-de-jatte !
L'amendement n° 616 propose effectivement de rétablir le plafond du quotient familial tel qu'il était en première lecture de l'Assemblée nationale.
Pour ce qui est des autres amendements en discussion commune, je comprends leur finalité, et nous n'avons pas l'intention de mener une politique fiscale allant à l'encontre des familles. Cependant, l'adoption de ces amendements reviendrait à favoriser les ménages les plus aisés, ce qui ne me paraît pas raisonnable dans la période actuelle. Pour commencer à bénéficier des dispositions de votre amendement, monsieur Bazin, il faudrait qu'un couple avec trois enfants perçoive des revenus de 7 000 euros, ce qui est bien au-dessus du revenu médian des familles ; en clair, votre amendement favoriserait les familles les plus aisées, ce qui n'est pas souhaitable. Avis défavorable à tous les amendements en discussion commune sauf à celui de la commission.
Il n'est guère étonnant que ces débats que nous avons déjà eus en première lecture reviennent en nouvelle lecture, puisque c'est aussi l'occasion de rappeler les positions des uns et des autres. Pour sa part, le Gouvernement est favorable au rétablissement du texte adopté à l'Assemblée nationale. J'émets donc un avis favorable à l'amendement n° 616 de la commission des finances, et défavorable à tous les autres.
L'amendement no 136 n'est pas adopté.
L'amendement no 616 est adopté.
L'article 2, amendé, est adopté.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement de suppression no 617.
Cet amendement vise à supprimer un article introduit par le Sénat, qui prévoyait d'augmenter la déduction forfaitaire pour frais professionnels.
L'amendement no 617 , accepté par le Gouvernement, est adopté ; en conséquence, l'article 2 bis A est supprimé.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement de suppression no 618.
Cet amendement vise à supprimer l'article introduit par le Sénat accordant aux veuves et aux veufs vivant seuls une demi-part supplémentaire de quotient familial. Nous avons déjà eu un long débat sur ce point en première lecture.
L'amendement no 618 , accepté par le Gouvernement, est adopté ; en conséquence, l'article 2 bis B est supprimé.
Je suis saisi de deux amendements de suppression, nos 619 et 896.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 619 .
Cet amendement vise à supprimer l'article du Sénat qui supprime les plafonds annuels de 5 000 euros et 7 500 euros pour l'exonération d'impôt sur le revenu du temps de travail additionnel des professionnels médicaux hospitaliers.
L'amendement n° 896 a pour objet de revenir sur l'article visant à supprimer le plafond de 5 000 euros concernant la non-imposition du temps de travail additionnel des professionnels médicaux hospitaliers. S'il convient de trouver des solutions au déficit d'attractivité de l'hôpital public, nous pensons qu'elles ne sont pas dans la défiscalisation des heures supplémentaires et l'augmentation du temps de travail, mais plutôt dans de meilleures conditions de travail, de considération et de rémunération. L'heure n'est plus au « travailler plus pour gagner plus », mais à des rémunérations justes au regard du rôle essentiel des professionnels de nos hôpitaux.
Je veux dire ma stupéfaction devant ces amendements de suppression. Si les professionnels médicaux hospitaliers ont fait des heures supplémentaires, c'est parce que nous le leur avons demandé et non parce qu'ils le souhaitaient. Ces heures supplémentaires, il a été très important qu'ils les effectuent pendant le premier confinement et c'est encore vrai en cette période : nous les sollicitons énormément. Le taux d'absentéisme dans les hôpitaux est très élevé car nombreux sont ceux parmi eux à être affectés par le covid-19. Ces heures supplémentaires sont nécessaires car les hôpitaux sont confrontés à de grandes difficultés.
Supprimer le plafond pour la défiscalisation de ces heures supplémentaires est une mesure juste, …
… une mesure de soutien, une mesure de reconnaissance de tout le travail effectué par ces professionnels médicaux hospitaliers.
Un mot pour vous rassurer, madame Louwagie. Votre argumentation tiendrait si le niveau des salaires visé n'avait pas à être pris en compte. Or, avec un plafond annuel à 5 000 euros, ce sont 94 % des Français, du secteur public comme du secteur privé, qui bénéficient de la défiscalisation des heures supplémentaires. Et ce plafond a été porté à 7 500 euros en PLFR.
Déplafonner ou surplafonner comme le propose le Sénat conduirait à faire bénéficier de cette exonération d'impôt des hommes et des femmes dont les revenus sont sans commune mesure avec ceux des aides-soignants et des infirmiers.
Je le répète, avec un plafond fixé à 5 000 euros – en dehors donc du surplafonnement voté cette année – , 94 % des Français faisant des heures supplémentaires sont déjà couverts.
Monsieur le ministre, permettez-moi de vous dire que votre argument ne tient pas. Aux chefs de service qui gagnent 7 000 à 10 000 euros par mois, qui se sont mobilisés intensément, qui ont effectué énormément d'heures supplémentaires pour faire face aux besoins, qui sont souvent exténués et qui ne craignent qu'une chose, l'arrivée d'une troisième vague, comment allez-vous expliquer que leurs revenus supplémentaires vont être récupérés par l'État à hauteur de 60 % et qu'il ne leur en restera que 40 %, s'ils sont dans les tranches marginales supérieures ? Telle est bien la question.
Vous, vous trouvez ça normal mais s'ils avaient refusé de faire des heures supplémentaires, que ce serait-il passé ? Les hôpitaux se seraient effondrés !
De temps en temps, il faut savoir récompenser ceux qui se donnent à fond au détriment de leur propre santé.
Votre argument provient d'une gauche archaïque pour laquelle il est normal que l'État prenne 60 % au-delà d'un certain niveau de revenus. Et s'ils avaient refusé, dans quel état serait le pays ?
De surcroît, il s'agit d'une mesure exceptionnelle et non pas récurrente. Il importe quand même de leur rendre hommage.
Votre formule de « gauche archaïque », monsieur de Courson, a poussé le rapporteur général à vouloir reprendre la parole.
Je sais que nous sommes tous fatigués en fin de période budgétaire mais de là à dire que nous boitons et que nous sommes archaïques…
Plus sérieusement, ne laissez pas penser que ces heures supplémentaires seraient amputées de quoi que ce soit. Elles sont bien évidemment payées. Nous parlons d'un plafond de défiscalisation.
Or ce plafond couvre déjà, comme l'a très bien dit M. le ministre délégué, 95 % des Français.
N'adoptons pas la logique du toujours plus jusqu'à l'absurde. Compte tenu des circonstances exceptionnelles, ce plafond de défiscalisation a été relevé temporairement dans un PLFR. Ne dites pas que les gens qui effectuent des heures supplémentaires du fait de la crise ne sont pas payés pour ce temps de travail en plus.
Ils sont évidemment rémunérés à ce titre. Seulement, ces revenus sont soumis à un plafond de défiscalisation qui me semble assez cohérent.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 620 .
Il vise à supprimer cet article 2 bis D, qui prévoit d'étendre à titre expérimental le champ du mécénat, notamment aux sociétés publiques locales – SPL – à vocation culturelle.
Le groupe Les Républicains s'oppose à cet amendement de suppression du dispositif introduit par le Sénat que nous avions tenté d'ajouter par voie d'amendement en première lecture. Il s'agit d'ouvrir à titre expérimental la possibilité de recourir au mécénat pour les SPL à caractère culturel. Comme beaucoup d'autres intervenants du monde de la culture, ces sociétés rencontrent des difficultés inouïes, y compris de graves problèmes de trésorerie. Les collectivités territoriales qui, elles aussi, ont à subir la raréfaction de leurs ressources sont de plus en plus nombreuses à faire appel à des mécènes pour développer leurs politiques culturelles.
Nous souhaitons donc que soit maintenue cette expérimentation destinée à ouvrir le champ du mécénat aux SPL à caractère culturel. Elle aurait le mérite de répondre aux demandes de ces acteurs et serait de nature à relancer le dynamisme culturel et économique dans de nombreux territoires, quand les événements culturels pourront à nouveau s'y tenir – le plus vite possible, nous l'espérons.
L'amendement no 620 est adopté ; en conséquence, l'article 2 bis D est supprimé.
La parole est à M. Laurent Saint-Martin, pour soutenir l'amendement no 621 .
Il prévoit de supprimer l'article 2 bis E introduit par le Sénat, qui propose de soumettre à l'impôt sur le revenu les gains réalisés par les clubs d'investissement.
L'amendement no 621 , accepté par le Gouvernement, est adopté ; en conséquence, l'article 2 bis E est supprimé.
L'article 2 quater A, introduit par le Sénat, supprime pour les revenus perçus ou réalisés à compter du 1er janvier 2020 le taux minimum d'imposition majoré applicable aux non-résidents pour la fraction du revenu qui excède la limite supérieure de la deuxième tranche du barème de l'impôt sur le revenu. Nous proposons de le supprimer.
Cet article supprime l'augmentation du taux minimum d'imposition à 30 % pour la fraction de revenus supérieure à 27 519 euros des Français de l'étranger. Nous demandons aussi sa suppression.
Demande de suppression de cet article introduit par le Sénat, qui prévoit que les contribuables non-résidents peuvent déduire de leur revenu mondial les prestations compensatoires versées en cas de divorce.
La parole est à M. Jean-Louis Bricout, pour soutenir l'amendement no 898 .
Cette suppression de l'article a été parfaitement justifiée par le rapporteur général, qui boite ici plutôt de la jambe gauche : nous sommes donc d'accord avec lui…
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 624 .
Cette fois-ci, il s'agit de supprimer un article introduit par le Sénat qui ouvre la possibilité pour les contribuables non-résidents de bénéficier de la réduction d'impôt au titre de dons effectués par des particuliers.
L'amendement no 624 , accepté par le Gouvernement, est adopté ; en conséquence, l'article 2 quater C est supprimé.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 625 .
Nous vous proposons de supprimer un article du Sénat tendant à exonérer de taxe et de droit de timbre la délivrance et le renouvellement des titres de séjour des étrangers mariés à des Français.
L'amendement no 625 , accepté par le Gouvernement, est adopté ; en conséquence, l'article 2 quater D est supprimé.
L'article 2 sexies est adopté.
En proposant de supprimer l'article 3, nous marquons notre opposition à la baisse de 10 milliards des impôts de production.
Je voudrais revenir sur le débat que nous avions tout à l'heure au sujet de la dette. Depuis des années, les raisons principales de son augmentation résident dans la baisse des recettes et non dans l'augmentation des dépenses publiques contrairement à ce qui est dit, puisque celles-ci sont rabotées chaque année toujours plus. La baisse des recettes, les études les plus sérieuses le montrent, notamment celles de l'INSEE, favorise toujours les plus riches de nos concitoyens, toujours.
Pour ce qui est des entreprises, cette baisse de la fiscalité n'a aucune conséquence en termes de création d'emplois et d'investissement. En revanche, la France détient des records en Europe en matière de distribution de dividendes, y compris en période de crise, alors que l'on pourrait s'attendre à ce que des efforts soient faits de ce côté-là pour participer à la solidarité nationale.
Toute cette politique qui tend à augmenter les déficits par la baisse des recettes en favorisant les plus riches vous permet ensuite d'en appeler à la baisse des dépenses publiques et à des politiques de rigueur, justifiées par l'augmentation même de la dette. Elle a pour seules victimes ceux qui ne profitent jamais des baisses fiscales ; ils subissent une double peine en bénéficiant de moins de services publics et de moins de solidarité nationale, lesquels, on le sait, sont d'autant plus nécessaires qu'on a moins de revenus.
De ce point de vue, la baisse des impôts de production, au-delà de son impact pour les collectivités locales qui perdront encore en autonomie…
… sans qu'il soit certain qu'elles reçoivent une compensation à l'euro près, au vu de ce que l'on a pu observer dans un passé récent, est un très mauvais coup porté au pays, puisqu'il y aura moins de recettes et même encore plus de déficit.
L'article 3 a trois objets : il abaisse de 50 % le taux de CVAE, ce qui revient à supprimer la part de cette cotisation dévolue aux régions, actuellement destinataires de la moitié de son produit ; il compense cette perte de recettes par l'attribution aux régions d'une fraction de la TVA ; il fait passer de 3 % à 2 % le plafond de la contribution économique territoriale.
Nous ne sommes pas opposés à une réflexion sur une éventuelle évolution de certains impôts de production mais nous ne partageons pas les choix retenus par le Gouvernement dans le cadre du PLF 2021, d'où cette demande de suppression de l'article.
Avis défavorable : je ne souhaite pas que nous supprimions l'article 3. Nous avons longuement débattu de la baisse des impôts de production, qui est une composante essentielle du plan de relance. Il ne s'agit pas de faire des cadeaux à quiconque mais d'être cohérent. Si nous voulons retrouver notre souveraineté économique, alors nous devons avoir une fiscalité similaire à celles des autres pays. Or la France est, de très loin, le pays qui applique la plus forte imposition à ses sites de production. Nous devons corriger cela pour dégager davantage de compétitivité en faveur du tissu industriel, donc en faveur de l'emploi de nos concitoyens.
Je rappelle que la baisse des impôts de production a un coefficient de retour de 0,3 contre un facteur 1 pour les mesures jouant sur la demande ; autrement dit, l'effet est trois fois moindre en termes d'impact de la dépense publique. C'est ça la réalité ! Qu'on ne dise pas qu'à travers cette mesure, on favorisera l'investissement public et la demande. Tout cela est faux, archi-faux. Nous le vérifions depuis des années que ce type de politique est mis en oeuvre.
L'amendement no 190 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, à vingt et une heures :
Suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de finances pour 2021.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures trente.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra