La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
L'ordre du jour appelle les questions sur la situation du commerce et des autres secteurs touchés par la crise de la covid-19.
Je vous rappelle que la conférence des présidents a fixé à deux minutes la durée maximale de chaque question et de chaque réponse.
Nous commençons par les questions du groupe Libertés et territoires.
La parole est à Mme Sylvia Pinel.
Monsieur le ministre délégué, je souhaite vous poser trois questions précises. À mesure que la crise sanitaire s'éternise, les difficultés s'accumulent pour les commerçants, les artisans et les auto-entrepreneurs confrontés à des fermetures administratives. Ces professionnels disposent, il est vrai, d'un large panel d'aides qui leur permettent de maintenir l'existence de leur entreprise et de payer leurs charges fixes. Mais certains indépendants ne sont pas salariés de leur propre entreprise et ne peuvent donc pas bénéficier du dispositif de chômage partiel. Sans revenu, ils sont condamnés à puiser dans leurs ressources, au risque de voir celles-ci s'épuiser. Le Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants – CPSTI – a décidé d'accorder une aide exceptionnelle à ces professionnels, mais il s'agit d'une aide unique, versée une seule fois, s'élevant à 500 euros pour les auto-entrepreneurs et à 1 000 euros pour les autres indépendants. Elle sera sans doute insuffisante, d'où ma première question : allez-vous renouveler cette aide en cas de prolongation des fermetures administratives ?
Pour d'autres entreprises du secteur de la restauration et de l'hôtellerie, les difficultés sont apparues en amont de la crise de la covid-19, à l'occasion des différents mouvements sociaux. Elles ont contracté à cette époque des dettes fiscales et sociales qui les empêchent aujourd'hui de bénéficier des dispositifs d'aide. Serait-il envisageable, pour ces entreprises, que le Gouvernement demande à l'administration fiscale de statuer au cas par cas et non de manière générale ? Par ailleurs, les URSSAF ont annoncé la reprise du recouvrement des cotisations et contributions sociales personnelles des indépendants ne relevant pas des secteurs S1 et S1 bis. Les indépendants sont pourtant nombreux à ne pas bénéficier d'une réelle reprise de leur activité. Envisagez-vous de leur accorder de nouveaux délais de paiement pour soutenir leur trésorerie ?
La parole est à M. le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises.
Permettez-moi d'abord madame la présidente, en ce début de séance, d'exprimer mon émotion à la suite du décès de Marielle de Sarnez et d'adresser mes condoléances à ses collègues ainsi qu'à sa famille. Comme beaucoup, je garderai le souvenir d'une ministre engagée au service de la France.
Madame la députée Pinel, vous m'avez interrogé sur trois sujets, en commençant par l'éventuel renouvellement par le CPSTI de l'aide qu'il avait accordée. Une première aide, décidée au mois d'avril et généralisée à l'ensemble des commerçants et artisans, a consisté au remboursement de la cotisation de 2019. Le CPSTI a ensuite décidé de l'octroi d'une autre aide dont le versement n'était pas automatique mais intervenait sur demande, et dont le montant pouvait atteindre 500 ou 1 000 euros, comme vous l'avez indiqué. Si le CPSTI, dont c'est la compétence, décide du renouvellement de cette aide, le Gouvernement y donnera un avis favorable.
S'agissant des dettes fiscales, je vous confirme, comme nous l'avons indiqué à plusieurs reprises, qu'il sera répondu favorablement au cas par cas à toute demande d'étalement ou, en cas de situation difficile, d'annulation du paiement. Quant aux cotisations URSSAF, il est important de rappeler que nous avons décidé que les reports pourraient atteindre trente-six mois ; de nombreux professionnels n'ont pas encore intégré cette possibilité. Par ailleurs, nous avons donné des consignes aux URSSAF pour effacer les dettes des entreprises se trouvant en difficulté particulière, afin de leur permettre de passer ce moment extrêmement délicat.
Notre groupe Libertés et Territoires a souhaité interroger le Gouvernement sur la stratégie et les politiques concernant le commerce et l'artisanat, un secteur qui se trouve dans une situation très grave, de surcroît avec le couvre-feu actuel. C'est le cas notamment dans mon département où de nombreux établissements voient encore leur chiffre d'affaires s'écrouler. Le Gouvernement a mis en place des mesures fortes, que nous avons d'ailleurs soutenues et que vous avez rappelées il y a quelques instants, monsieur le ministre délégué, parmi lesquelles l'étalement des charges sociales et les prêts garantis par l'État – PGE. Vous venez de rappeler qu'en cas de réelles difficultés pour payer ces charges, voire pour rembourser un PGE, la situation des entreprises serait examinée au cas par cas, de façon à éviter, à chaque fois que possible, les dépôts de bilan.
Avec ma collègue Sylvia Pinel, au nom des parlementaires de notre groupe, nous avons demandé au Gouvernement, notamment au Premier ministre, de mettre en place des commissions départementales intervenant avant les commissions des chefs de services financiers de l'État, afin de faire en sorte que ces situations soient réellement traitées en amont. Le Premier ministre nous a indiqué que c'était une très bonne idée. Je souhaitais donc vous demander si cette stratégie allait être mise en place, et dans quel cadre. Il s'agit de réunir l'ensemble des acteurs et d'éviter, évidemment, de très nombreux dépôts de bilan. Il est important que nous connaissions la méthode qui sera adoptée, afin de pouvoir aider tous les commerçants en difficulté.
Nous sommes tout à fait conscients, monsieur le député, des difficultés que rencontrent aujourd'hui de nombreux professionnels, qu'ils soient artisans, commerçants ou libéraux. Comme vous l'avez rappelé, le Gouvernement a mis en oeuvre des mesures qui sont régulièrement adaptées à la situation. Celle-ci est particulièrement difficile pour les secteurs qui ont dû fermer ; d'autres fonctionnent mieux, comme celui du bâtiment et des travaux publics, dont nous avons rencontré les représentants la semaine dernière. Mais vous avez raison : il faut absolument concentrer nos efforts sur ceux qui sont le plus en difficulté. Nous sommes en relation directe avec le garde des sceaux et les services de son ministère pour mettre en place des dispositifs en amont de toute procédure au tribunal de commerce et ainsi agir au plus vite auprès des organismes sociaux, avec les représentants professionnels, les chambres consulaires et, naturellement, les représentants des territoires.
Je vous confirme notre volonté de mener un travail d'écoute et d'identification la plus rapide possible des difficultés, afin de mettre en place les dispositifs adaptés à chaque entreprise. Je remarque que les défaillances d'entreprise sont moins nombreuses qu'au cours des années passées, mais je reste très prudent : nous savons bien que cela est lié au soutien de l'État. Le Gouvernement souhaite donc continuer d'être à l'écoute et d'accompagner les entreprises au fur et à mesure de la reprise, que nous espérons rapide, afin d'éviter que l'économie ne s'effondre en 2021 et que les défaillances ne se multiplient. Nous sommes donc déterminés à trouver les solutions adaptées en amont, comme vous l'avez souligné, pour accompagner les entreprises les plus en difficulté.
La crise sanitaire que nous traversons s'est également muée en crise économique. Le Gouvernement a pris des mesures bienvenues pour soutenir l'activité, en général très appréciées. Il est cependant un type de commerces sur lequel j'aimerais appeler votre attention : les commerces multiservices, essentiels en milieu rural. Ce peut être un bar avec une boulangerie, ou une épicerie avec un restaurant. Et si seulement la partie bar ou restaurant ferme, mais pas la boulangerie ou l'épicerie, et si la baisse du chiffre d'affaires n'atteint pas 50 %, ces commerces ne peuvent être aidés. Or ils se caractérisent souvent par une rentabilité très faible et une très large amplitude horaire, et ils sont parfois le seul lien et le dernier service offert à la population dans nos communes ou dans nos bourgs. C'est dire à quel point nous en avons besoin : il y va évidemment de la survie économique de ces commerçants, mais aussi de l'équilibre social et de l'aménagement du territoire.
Après avoir annoncé que je poserais une question à ce sujet, j'ai été interpellé par plusieurs personnes, comme le journal Ouest France s'en est fait l'écho, qui étaient pressées que je le fasse. J'aimerais donc savoir si, en dépit du fait que ces commerces n'ont souvent qu'un seul numéro SIRET et une comptabilité unique, il ne pourrait pas être tenu compte de leur pluriactivité pour les aider davantage, dans certains cas…
… et déroger au critère de 50 % de baisse du chiffre d'affaires, qui est un obstacle. J'insiste sur la faible rentabilité de ces commerces, et sur l'enjeu que représente le maintien d'un lien social et de la vie dans nos campagnes. On parlait à l'instant des dépôts de bilan : quand son dernier commerce ferme, c'est toute la vitalité de la commune qui disparaît.
« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LT.
Je suis particulièrement sensible à votre intervention, monsieur le député. Vous avez totalement raison : c'est un impératif absolu, dans de nombreux territoires, de conserver le commerce multiservices qui constitue le seul lien social mais aussi le seul accès, pour beaucoup, aux services de première nécessité. Il est vrai que, parmi la diversité des aides proposées, le Gouvernement n'a pas travaillé spécifiquement sur ce type d'activité – d'autant que ces commerces ne bénéficient souvent pas d'une représentation institutionnelle. Néanmoins, nous travaillons avec les buralistes, qui ont mis en place des dispositifs visant à élargir leurs prestations. L'opération « 1 000 cafés » poursuit le même objectif ; j'ai rencontré leurs représentants la semaine dernière, dans le but d'amplifier ce dispositif. Derrière cette initiative qui concerne les cafés, il y a aussi, en effet, l'activité multiservices. Mais je prends acte de votre alerte, monsieur le député Molac, et je m'engage à étudier, avec Bruno Le Maire, la possibilité d'une aide au-delà des dispositifs existants – sachant que si la baisse de leur chiffre d'affaires dépasse 50 %, ces commerces bénéficient des mêmes aides que les autres. Et comme je l'ai rappelé à madame la députée Pinel, ils peuvent aussi bénéficier d'une exonération de cotisations URSSAF. Mais j'ai bien conscience que leur situation peut néanmoins s'avérer difficile et que leur fermeture serait dramatique et encore plus coûteuse pour la collectivité. Je prends donc bonne note de votre question et je m'engage à regarder très rapidement s'il est possible d'envisager des mesures particulières.
« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LT.
Ce jeudi 7 janvier, le Premier ministre a annoncé ce que les acteurs de la montagne redoutaient depuis plusieurs semaines : les remontées mécaniques ne rouvriront pas jusqu'à nouvel ordre. Certes, nos territoires de montagne sont résilients et, en cette fin d'année, les professionnels ont fait preuve d'ingéniosité et de détermination pour permettre aux vacanciers de découvrir la montagne autrement, au travers de nouvelles activités et dans le respect de protocoles sanitaires stricts. Mais avec la fermeture des remontées mécaniques, les stations de ski ont vu leur taux de fréquentation fortement chuter et ont déjà perdu plus de 20 % de leur chiffre d'affaires. La clause de revoyure étant prévue le 20 janvier, soit deux semaines seulement avant les vacances de février, les professionnels de la montagne craignent désormais une saison blanche.
En dépit de la diversité des dispositifs de soutien proposés pour accompagner les différents acteurs économiques et visant à pallier les pertes de chiffre d'affaires, le secteur des résidences de tourisme et des villages de vacances ne bénéficie d'aucun abattement de charges ni de mesures de soutien adaptées à la taille et au nombre d'établissements exploités en territoire de montagne. Ces établissements sont pourtant un maillon essentiel de l'écosystème montagnard ; ils assurent l'hébergement de nombreux touristes, quel que soit leur pouvoir d'achat. Ils font face aujourd'hui à une vague d'annulations et il leur faudra plusieurs semaines pour reconstituer leur flux de réservations. Compte tenu de la grande incertitude qui pèse sur la date possible de réouverture des remontées mécaniques, il est à craindre que les vacances de février ne soient compromises. Il est donc indispensable que des mesures spécifiques soient envisagées pour éviter la cessation définitive d'activité de nombreuses structures. Pouvez-vous, monsieur le ministre délégué, nous indiquer si le Gouvernement envisage de prendre des mesures adaptées à ce secteur d'activité ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LT.
À trois reprises, le Premier ministre a eu, pendant près d'une matinée, des échanges nourris avec l'ensemble des acteurs de la montagne. Nous avons été contraints, comme du reste la plupart des pays voisins, de fermer les remontées mécaniques, mais certaines stations ont pu conserver une activité – certes réduite. Vous soulignez la difficulté particulière que rencontrent les résidences de tourisme.
Nous avons depuis plusieurs semaines rencontré ses représentants à mon cabinet. Nous n'avons pas encore finalisé le dispositif car la situation est complexe, du fait que certains propriétaires passent par des organismes pour les locations. Nous comprenons bien l'intérêt qu'il y a à accompagner ces acteurs essentiels pour l'activité économique de la montagne. J'espère que d'ici à deux ou trois semaines, nous aurons trouvé avec eux un dispositif adapté qui leur permettra de passer ce moment difficile.
Nous en venons aux questions du groupe de la Gauche démocratique et républicaine.
La parole est à Mme Elsa Faucillon.
En 2021, près de 100 000 dépôts de bilan pourraient intervenir, soit deux fois plus qu'en année normale. Dans le même temps, des centaines de milliers de travailleuses et de travailleurs subissent des plans de licenciement. Pour faire face à cette situation, le fonds de solidarité, trop peu ambitieux à ses débuts, est monté en puissance au fil des mois : désormais, les restaurants, les hôtels fermés mais aussi les entreprises qui en dépendent peuvent être indemnisés par le fonds de solidarité jusqu'à 20 % de leur chiffre d'affaires. Mais les petites entreprises ont une trésorerie très limitée et les aides qui leur sont destinées devraient être amplifiées pour compenser davantage leurs pertes.
Vous semblez pourtant choisir une autre stratégie, celle qui consiste à étendre le fonds de solidarité aux entreprises plus grosses, notamment les plus grandes. Le plafonnement de l'aide à 200 000 euros, suffisant pour les très petites entreprises – TPE – et les petites et moyennes entreprises – PME – excluait les plus grandes entreprises, notamment dans l'hôtellerie. Vos mesures permettront désormais aux groupes comptant jusqu'à 5 000 salariés d'accéder au dispositif du fonds de solidarité.
L'ouverture du fonds de solidarité aux grandes entreprises ne saurait se faire sans conditions, à notre avis. Nous le savons, les 763 plans sociaux comptabilisés depuis mars ont pour beaucoup eu lieu dans des entreprises bénéficiant d'aides publiques. Quelles conditions comptez-vous fixer, monsieur le ministre ? Prévoyez-vous de conditionner l'octroi de ces aides à la non-distribution de dividendes, à l'interdiction de plans de licenciement collectifs et à la publication d'un reporting pays par pays retraçant l'activité des entreprises à travers le monde pour rendre publiques les pratiques d'évasion fiscale ?
Comme vous l'avez indiqué, madame la députée, le Gouvernement a essayé au fil des mois d'adapter les dispositifs à l'ampleur et à la durée de la crise. Les aides du fonds de solidarité, à partir du mois de mars, ont été fixées à 1 500 euros pour les entreprises ayant perdu 70 % de leur chiffre d'affaires ; à partir du mois de novembre, nous avons décidé que ces aides passeraient à 10 000 euros de compensation de chiffres d'affaires pour les entreprises fermées et que celles-ci bénéficieraient aussi d'exonérations de charges sociales ; à partir du mois de décembre, en particulier pour le secteur des cafés, hôtels et restaurants, mais aussi du secteur de l'événementiel, nous avons mis en place un double dispositif : aides allant jusqu'à 10 000 euros ou indemnisation à hauteur de 20 % du chiffre d'affaires, selon le choix des entreprises.
À la suite de cette décision, les représentants de ces professions, en particulier du secteur des cafés, hôtels et restaurants, nous ont expliqué que ce dispositif permettait de couvrir 98 % voire 99 % des entreprises mais pas les frais de certains groupes – ce terme pouvant désigner des personnes physiques possédant une dizaine ou une vingtaine de restaurants.
Les choses ne sont pas encore finalisées car elles font encore l'objet de discussions avec la Commission européenne. Nous envisageons un dispositif qui permettrait d'aller jusqu'à un plafond de 3 millions d'euros pour compenser les pertes de ces entreprises qui, pour beaucoup, je le rappelle, ont connu quatre à cinq mois de fermeture au cours de l'année 2020.
Vous me demandez si nous envisageons de conditionner ces aides, notamment au non-versement de dividendes. Très clairement, madame la députée, la réponse est non : cela n'a jamais été dans les intentions du Gouvernement. Permettez-moi seulement de faire remarquer qu'il semble peu probable que les restaurateurs et les hôteliers versent des dividendes alors que nombre d'entre eux ont perdu 90 % de leur chiffre d'affaires. Il ne me paraît pas utile que nous prenions semblables dispositions. La sanction va tomber d'office pour ces entrepreneurs.
D'après les chiffres publiés par le cabinet Protourisme à la fin du mois de novembre, la filière du tourisme a perdu depuis le premier confinement 60 milliards d'euros de chiffre d'affaires dont un quart, soit 15 milliards d'euros, pour le secteur de la restauration, des cafés et des débits de boissons. Et ce bilan continue de s'alourdir. Les entreprises du voyage ont quant à elles perdu entre 70 % et 80 % de leur chiffre d'affaires en 2020, soit l'équivalent de 20 milliards d'euros. Les acteurs du tourisme social et solidaire sont aussi durement touchés. Les villages vacances, les colonies de vacances, les auberges collectives, les organisateurs de séjours scolaires et linguistiques devraient connaître une chute de plus de 50 % de leur chiffre d'affaires annuel.
Pour faire face aux difficultés de ce secteur et pour protéger toutes ces entreprises et associations d'un risque de liquidation, l'Union nationale des associations de tourisme et de plein air propose la création d'un fonds national de soutien à la filière du tourisme social et solidaire, l'instauration d'une réduction ou crédit d'impôt sur les frais de colonies de vacances pour les familles, sur le modèle des services à la personne, une amplification du programme « Seniors en vacances » de l'Agence nationale pour les chèques-vacances ou encore l'ouverture du dispositif des chèques-vacances aux artisans et indépendants. Toutes ces mesures vont dans le sens d'un droit à l'accès à des vacances de qualité pour tous d'autant plus utile qu'à l'issue de la crise sanitaire, nos concitoyens auront besoin de se retrouver et de se ressourcer.
Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à faire droit à ces propositions dans les prochaines semaines et les prochains mois ?
Vous avez fait le bon constat, madame la députée : le tourisme fait malheureusement partie des secteurs les plus touchés par la crise sanitaire, ce qui se conçoit aisément. Même si c'est le cas dans tous les pays du monde, les conséquences sont plus graves pour la France, pays éminemment touristique. Les acteurs du tourisme sont extrêmement nombreux et diversifiés dans leur constitution, et le tourisme social joue un rôle important.
J'ai en effet vu arriver certaines propositions concernant la reprise. Pour l'instant, avec Jean-Baptiste Lemoyne, nous continuons d'accompagner les acteurs du tourisme pour leur permettre de tenir le coup, ce qui est la moindre des choses. Ils tiennent, même si la situation est difficile, particulièrement pour les agences de voyages. Néanmoins, il sera nécessaire, le moment venu, d'accompagner ces acteurs comme d'autres vers le rebond. Nous savons très bien que même lorsque les conditions sanitaires seront meilleures, il faudra plusieurs mois avant que l'activité reprenne pleinement.
Je vous confirme, madame la députée, que nous allons regarder avec Jean-Baptiste Lemoyne, Bruno Le Maire et avec les acteurs eux-mêmes quels peuvent être les moyens les plus adaptés pour leur permettre de rebondir et de retrouver au plus vite une activité normale.
Nous passons aux questions du groupe La République en Marche.
La parole est à Mme Typhanie Degois.
Des vaccins ont été trouvés pour lutter contre la pandémie ; mais des vaccins, les entreprises en ont aussi besoin pour faire face au mur de la dette auquel elles sont confrontées après un an de difficultés économiques. Elles ont accumulé 178 milliards d'euros de dettes supplémentaires en 2020, ce qui a porté leur endettement à plus de 85 % du PIB à la fin du mois de juin.
La baisse d'activité des entreprises a lourdement affecté leur trésorerie, déjà bien malmenée avant la crise sanitaire. Cette année, une entreprise sur quatre pourrait être en situation de crise de paiement. L'octroi de prêts garantis par l'État, les délais pour les charges sociales ou les impôts ont été bien sûr de bonnes choses, mais ces dispositifs n'ont fait que renvoyer les problèmes à plus tard. Le manque de trésorerie et de fonds propres dans les entreprises risque de produire des défaillances en chaîne, provoquant des pertes d'emplois à grande échelle. Au mieux, les entreprises survivront mais ne seront plus en mesure d'investir suffisamment, ce qui ne fera que retarder la reprise économique dont nous avons tant besoin.
Afin de permettre aux entreprises viables de rebondir et à notre économie de se reconstruire, il est primordial d'encourager la restructuration des dettes des entreprises. Les tribunaux de commerce sont bien sûr la pierre angulaire d'une renégociation des échéances et des créances.
Notre devoir est aussi de créer de nouveaux mécanismes pour consolider les trésoreries : allégement de la fiscalité sur la part des revenus conservés dans les entreprises, fléchage de l'épargne des Français vers les entreprises, notamment grâce à une extension de la réduction d'impôt IR-PME, incitation à la renégociation des créances et au regroupement des dettes et créances accumulées par le biais d'un prêt de consolidation, par exemple, qui pourrait être garanti par l'État et amortissable sur une dizaine d'années.
À l'heure de la relance économique, monsieur le ministre, pourriez-vous éclairer la représentation nationale sur les mesures concrètes envisagées ces prochains mois pour assurer la pérennité des entreprises viables ? Comment entendez-vous encourager la restructuration de leurs dettes et la consolidation de leur trésorerie ? Comment prévoyez-vous de faire repartir le cercle vertueux de l'investissement ?
Vous avez raison, madame la députée, la question de la trésorerie des entreprises est prioritaire. Elle a été prise en compte dès le début de la crise grâce aux prêts garantis par l'État : plus de 650 000 entreprises ont bénéficié d'un PGE, pour un montant total qui atteint aujourd'hui près de 131 milliards d'euros. Nous avons d'ores et déjà décidé de prolonger du 31 décembre 2020 au 30 juin 2021 la période pendant laquelle elles pourront recourir à ces prêts ; le Parlement ayant prévu une enveloppe de 300 milliards, nous avons encore de la marge. Nous avons négocié avec les banques un différé d'un an supplémentaire pour le remboursement des PGE s'agissant des secteurs faisant l'objet d'une fermeture. Néanmoins, la durée de ces prêts est limitée à six ans par la Commission. Dès lors, beaucoup se posent la question de savoir si ces entreprises seront en mesure de rembourser dans de bonnes conditions. Précisons toutefois que selon la Banque de France, 65 % des PGE n'auraient pas été utilisés par les entreprises. C'est une bonne nouvelle, mais elle n'est pas sans poser question.
Depuis plusieurs mois, nous avons travaillé pour trouver des dispositifs complémentaires. Depuis le 1er janvier, nous l'avons annoncé avec Bruno Le Maire, les entreprises peuvent recourir à des prêts participatifs qui ont pour intérêt ne pas figurer au bilan en tant que dettes. Nous avons fixé un montant total de 20 milliards mais, bien évidemment, nous ferons preuve d'ouverture : si cette somme n'est pas suffisante, nous proposerons au Parlement des moyens complémentaires.
Il y a aussi un outil relativement peu utilisé : le mécanisme des avances remboursables, qui sont directement traitées par Bercy, qui permet d'obtenir un différé de remboursement de trois ans à un taux d'intérêt de 1 % et sur une durée de dix ans. PGE, prêts participatifs et avances remboursables : autant de dispositifs qui nous paraissent, dans un premier temps, adaptés à la situation des entreprises.
J'entends bien votre demande d'une consolidation intégrant les prêts antérieurs. C'est un sujet sur lequel nous travaillons, en particulier avec les organisations patronales, à trouver un dispositif susceptible d'être accepté au niveau européen.
J'aurai tout d'abord une pensée émue pour Marielle de Sarnez, présidente de la commission des affaires étrangères dont je suis membre.
Après le premier confinement, une enquête de l'observatoire Amarok a conclu à la fragilité de la santé de nos chefs d'entreprise. Cette première étude sur l'état de l'entrepreneuriat français et le redémarrage économique post-crise sanitaire se conclut par ces mots : « Il faudra certainement demain élargir le champ d'action de la santé au travail pour y englober la santé des travailleurs non-salariés. C'est un jeu gagnant-gagnant car un dirigeant qui se préoccupe de sa santé se préoccupe davantage aussi de la santé de ses salariés. Ajoutons enfin que les conséquences d'un souci de santé s'amplifient dans les petites entreprises. Plus la taille est petite plus la santé du dirigeant s'impose comme le premier capital immatériel de son entreprise ». Étant moi-même à la tête d'une TPE, ce sont des réalités que je vis tous les jours et que mes partenaires de gestion ne manquent pas de me rappeler régulièrement. Mes collègues Charlotte Parmentier-Lecocq, Carole Grandjean et Cendra Mottin s'intéressent à ces sujets dans le cadre de leurs travaux sur la santé au travail et la prévention.
Pour accélérer le déploiement des 100 milliards du plan de relance et faciliter la prise en main des dispositifs par les chefs d'entreprise en vue de la phase post-récession, il faut améliorer leur prise en charge. Pour préserver la capacité de nos entreprises à rebondir, pour assurer un retour sur investissement de notre plan de relance, nous devons accompagner ces femmes et ces hommes pleinement engagés, mais aussi fragilisés. Le cabinet Amarok et plusieurs chambres consulaires ont lancé une deuxième enquête nationale dont les résultats devraient être connus fin janvier.
Monsieur le ministre, compte tenu des efforts déployés par le Gouvernement, par les chambres consulaires, par le tissu associatif, que je remercie vivement, comment mieux coordonner les solutions propres à améliorer la santé de nos dirigeants, comment rendre l'aide apportée plus efficiente, notamment pour les travailleurs indépendants les plus isolés et donc souvent les plus fragiles ?
Vous avez raison, madame la députée : comme tous les Français, les entrepreneurs affrontent une situation sanitaire difficile, et craignent de surcroît pour leur entreprise. Nombre d'entre eux ont besoin d'être accompagnés et soutenus psychologiquement. C'est pourquoi le Gouvernement a créé un numéro vert, le 0 805 650 050, qui se tient à leur écoute ; ce dispositif s'appuie sur l'association APESA – Aide psychologique aux entrepreneurs en souffrance aiguë – , qui regroupe notamment des mutuelles et des chambres consulaires, et permet, avec l'aide de spécialistes, de suivre et d'accompagner les entrepreneurs à chaque fois qu'est identifiée une difficulté psychologique particulière.
Au-delà des actions ponctuelles liées à la crise, nous devons effectivement nous doter d'outils plus adaptés en la matière. Des concertations se sont tenues dans le cadre de la mission conduite par la députée Charlotte Parmentier-Lecocq ; il y a quelques jours, les partenaires sociaux ont signé un accord relatif à la santé au travail, qui accorde une priorité à la prévention des difficultés des entrepreneurs et à leur suivi. Un projet de loi consacré à ce sujet sera en outre soumis à la représentation nationale. À titre personnel, je ne verrais que des avantages à ce que la mission de la médecine au travail s'intéresse de plus près à la prévention, à l'écoute et à l'accompagnement des entrepreneurs les plus fragiles, en particulier des travailleurs indépendants.
Le monde de la montagne est préoccupé par la situation à laquelle ses acteurs sont confrontés. La saison d'hiver, bien entamée, enregistre un triste record : avec une baisse annoncée de plus de 80 % de l'activité économique, le début de la saison est raté. Alors que les acteurs de la montagne attendaient une potentielle ouverture des stations le 7 janvier, ils doivent encore prendre leur mal en patience. Mon département, la Haute-Savoie, territoire d'entrepreneurs audacieux, est extrêmement affecté par la fermeture de ses remontées mécaniques. En hiver, le tourisme fait vivre nos stations, qui sont des références mondiales ; il fait également vivre les commerces en vallée, en particulier les nombreux restaurants qui dépendent de la saison hivernale. C'est donc tout un écosystème qui est touché, celui de l'industrie du sport de la montagne : fabricants, industriels, fournisseurs et l'ensemble des autres acteurs.
L'univers de la montagne, sa culture et son économie sont spécifiques. Peu d'organisations sont aussi entraînées à l'imprévu – les remontées mécaniques et les services de piste sont habitués aux aléas de la météo et des chutes de neige, entre autres exemples ; la rudesse de la montagne impose à ses acteurs d'être agiles. La montagne est changeante, et les hommes qui la servent adaptent chaque jour leurs missions à ses sautes d'humeur. Autant dire que les professionnels de la montagne sont parfaitement capables de gérer des protocoles sanitaires stricts, d'organiser l'accès aux remontées mécaniques en imposant une distanciation, et de limiter le nombre de personnes dans les cabines.
J'en appelle à une décision ferme, immédiate, annoncée sans délai, d'ouverture des remontées mécaniques pour les vacances de février. Les professionnels de la montagne ont besoin de retrouver de la visibilité et de la confiance ; la survie de dizaines de milliers d'entreprises et d'emplois en dépend. Quelles mesures d'urgence, et surtout d'élargissement, prévoyez-vous pour sauver ce secteur si essentiel au rayonnement touristique français ?
Sachez combien je suis sensible à ce sujet, madame la députée, pour bien connaître votre département et pour en apprécier les paysages, tout autant que le savoir-vivre dont font preuve ses acteurs dans cette période. Le Premier ministre et moi-même avons échangé avec ces professionnels à trois reprises ; à cette occasion, nous avons pu appréhender l'écosystème de la montagne, et apprécier la responsabilité et l'engagement de ses représentants dans la recherche de solutions. Néanmoins, la plupart des pays qui avaient envisagé d'ouvrir leurs stations pour les fêtes de fin d'année et début janvier ont été contraints d'y renoncer. Beaucoup de pays européens, y compris la Suisse – dont la situation est certes différente de la nôtre, puisque les décisions y sont prises par canton – ont dû fermer leurs stations.
Cette situation est difficile à vivre, nous en sommes conscients. C'est pourquoi le Premier ministre a instauré des mesures exceptionnelles pour les acteurs de la montagne : prise en charge des frais des remontées mécaniques jusqu'à 70 % ; compensation spécifique pour les moniteurs, à hauteur de 10 000 euros ou 20 % du chiffre d'affaires ; dispositif de soutien pour l'ensemble des activités des vallées et des communes de montagne. Je comprends que ce ne soit pas pleinement satisfaisant pour les acteurs de la montagne, comme pour tous les professionnels qui aimeraient travailler. Le Premier ministre annoncera ce soir les perspectives sanitaires qui guideront nos décisions quant à l'ouverture ou non des stations de ski. Quoi qu'il en soit, soyez assurée que nous continuerons à trouver les moyens les plus adaptés pour accompagner l'ensemble des professionnels de la montagne.
Face à la propagation croissante du covid-19 début novembre, vous avez dû prendre la difficile décision de fermer de nombreux commerces et lieux de rassemblement. En limitant la propagation du virus, il s'agissait aussi de permettre aux Français de profiter des instants précieux des fêtes de Noël. Celles-ci représentent un moment déterminant pour les commerçants ; le fait d'avoir ralenti la diffusion du virus en novembre a judicieusement permis de rouvrir les magasins dès le 28 novembre, et de sauver cette période cruciale. Avez-vous des informations sur le chiffre d'affaires que les commerces ont réalisé durant cette fin d'année 2020, par rapport aux années précédentes ?
Nous savons par ailleurs que certaines activités ne pourront pas reprendre tout de suite – je pense notamment aux théâtres et aux cinémas, mais aussi aux restaurants, voire aux remontées mécaniques. Leurs acteurs ont salué les aides gouvernementales, qui sont à la hauteur de leurs besoins. Pouvez-vous leur assurer qu'elles seront reconduites aussi longtemps qu'il le faudra, jusqu'à la reprise normale de leur activité ?
Enfin, en cas de troisième confinement, pouvez-vous étudier la possibilité, pour les commerces et les services de proximité, de rester ouverts sur rendez-vous ? Cette solution permettrait facilement de limiter les sorties de chacun à une ou deux heures par jour ; en cas de contrôle, il suffirait de produire un justificatif de rendez-vous émis par le commerçant. Cette solution numérique de prise de rendez-vous est déjà prête sur le plan technique ; elle est adaptée à tous les commerces, quelle que soit leur taille, dans l'ensemble du territoire. Vous paraît-elle pertinente ?
Il nous a été très difficile de décider de fermer les commerces en novembre, et c'est ce qui nous a amenés à mettre en place un dispositif exceptionnel de compensation qui, je l'espère, a permis aux commerçants de traverser cette période difficile. Nous avons particulièrement veillé à ce que ces mesures soient activées rapidement : les commerçants ont pu déposer leurs dossiers dès le 4 décembre, et beaucoup ont perçu une indemnisation dans les quinze jours. Près de 900 000 entreprises ont reçu une compensation, pour près de 4 milliards d'euros.
Néanmoins, la situation sanitaire reste délicate. Des annonces sont attendues ce soir de la part du Premier ministre, et des mesures devront être prises. Nous verrons de quelle manière nous pourrons accompagner ces entreprises et naturellement, en cas de difficultés particulières, nous continuerons bien évidemment à le faire aussi longtemps qu'il le faudra : il serait ridicule, après les avoir aidées de mars 2020 à janvier 2021, de leur retirer brutalement l'échelle et de les obliger à cesser leur activité.
Vous me demandez par ailleurs si, en cas de nouveau confinement – ce que je n'espère pas – , nous envisageons des prises de rendez-vous chez les commerçants. Mes équipes et moi y travaillons depuis plusieurs semaines avec les représentants des commerçants. Eux-mêmes n'avaient pas retenu cette solution qui pourrait être un peu compliquée à organiser dans certains cas, en particulier pour les plus grandes structures ; mais c'est une piste que nous continuons à explorer.
Enfin, l'activité économique a été plutôt bonne entre le dernier week-end de novembre et la fin du mois de décembre, par rapport à 2019. La situation est toutefois contrastée : si l'activité a globalement augmenté d'environ 15 %, les commerces de chaussures et d'habillement ont moins profité que les autres de cette amélioration, et restent dans une situation particulièrement compliquée. C'est pourquoi nous travaillons avec cette branche au meilleur moyen de l'accompagner dans l'avenir.
Élu d'un département rural, la Manche, je constate, comme un peu partout en France, la diminution du nombre de commerces de proximité. Dans un grand nombre de petits villages, il ne reste plus bien souvent qu'un commerce multiservices ; il propose des produits alimentaires de base, sert de dépôt pour le pain, le gaz et le pressing, mais souvent aussi de bar-tabac où il fait bon se retrouver pour boire un verre et jouer aux cartes. C'est un vrai lieu de vie, terriblement important pour le village. Souvent tenu par une seule personne, ce dernier commerce ouvre sept jours sur sept, sur une large amplitude horaire ; il contribue ainsi fortement au lien social et à la vie du village.
Ces commerces de proximité n'ont pas été concernés par les fermetures administratives liées au confinement, car ils proposent des produits alimentaires de première nécessité. Cependant, leur activité de café-bar et de restauration a dû cesser. Leur chiffre d'affaires en a été fortement affecté, car cette activité est la plus rémunératrice et celle qui dégage la plus forte marge. Pour répondre aux besoins de la population locale et aux attentes des maires, certains commerçants ont presque immédiatement proposé de nouveaux services, comme la livraison ou la préparation de commandes. Ce sens du service leur a permis de limiter la perte de chiffre d'affaires, mais parfois au point de leur interdire, à leur grand regret, d'être éligibles aux aides dès lors celle-ci ne dépassait pas 50 %. Alors qu'ils dégagent déjà un revenu très modeste en temps normal, au prix de longues heures de travail, ces commerces multiservices se retrouvent désormais aux prises avec sérieuses difficultés financières. Ces dernières semaines, j'ai rencontré plusieurs de leurs gérants, ainsi que des maires ruraux : leur inquiétude est réelle et grandissante quant à la pérennité de cette activité, pourtant essentielle.
Comment le Gouvernement entend-il soutenir, au plus près et de façon spécifique, ces magasins multiservices qui sont souvent les derniers commerces des villages ruraux, et qui sont si précieux pour le lien social et la vie des communes ?
Votre constat est malheureusement réel : on compte beaucoup moins de petits commerces qu'il y a une vingtaine ou une trentaine d'années. J'ai d'ailleurs demandé au Premier ministre, qui l'a accepté, de saisir le Conseil économique, social et environnemental de cette question ; il doit nous remettre un rapport, avant fin février, sur la situation du commerce en France et sur les politiques susceptibles de revitaliser les commerces dans les territoires.
Comme je l'ai indiqué à M. Molac, nous tenons compte de la spécificité des commerces multiservices en milieu rural. Des politiques soutenues aident ainsi les buralistes à créer des activités multiservices. L'opération 1 000 cafés vise également à répondre aux difficultés que vous pointez. Il n'en reste pas moins que les établissements qui ont perdu moins de 50 % de leur chiffre d'affaires ne bénéficient pas d'un accompagnement particulier. Nous étudierons, dans les prochaines semaines, les dispositifs qui pourraient les aider à maintenir leurs services si essentiels pour les territoires et pour les populations. Je vous confirme mon engagement à examiner ce dossier très rapidement.
Nous en venons aux questions du groupe Les Républicains.
La parole est à M. Patrick Hetzel.
Monsieur le ministre, l'ensemble de la filière des cafés, hôtels, restaurants et discothèques, ainsi que les brasseurs et les distributeurs de boissons sont en grande difficulté. Ils doivent être davantage soutenus. Les professionnels du secteur, avec lesquels je suis en contact très régulier, n'en peuvent plus des annonces « stop and go » du Gouvernement. Au sein de cette filière qui fait véritablement la richesse de la France et le rayonnement de son activité touristique, l'hôtellerie souffre très fortement. En effet, depuis le début de la pandémie, les hôtels sont réputés être ouverts, sauf que les clients sont sous couvre-feu ou confinement, donc ne peuvent se déplacer. Par ailleurs, tous les services de l'hôtel n'ont pas le droit d'être proposés.
Parfois, la situation devient véritablement kafkaïenne. Les rares aides sont accordées sur la base de deux paramètres : le code APE – activité principale exercée – et la catégorie ERP – établissement recevant du public. Dans les faits, cela n'est pas très pertinent. Ainsi, qu'il s'agisse d'un palace de la Côte d'Azur ou d'une humble auberge de campagne, l'aide est la même, donc non proportionnée. Autre exemple : des sociétés ayant un code APE hôtel alors qu'elles ont également des restaurants n'ont pas accès aux aides de la catégorie hôtels-restaurants… Depuis le début de la pandémie, les hôtels sans autre activité ne sont pas dans les dispositifs d'aides. Il a fallu attendre le mois de novembre, mais surtout celui de décembre, pour voir le mécanisme commencer à être ajusté.
Parmi les mesures souhaitables, citons par exemple la transformation du PGE en crédit d'impôt ou encore une fiscalité adaptée pour les amortissements et provisions qui pourraient permettre l'investissement, accélérateur de croissance, générateur d'emplois et, bien entendu, de TVA.
Alors que ce secteur investit habituellement 15 % de son chiffre d'affaires en mise aux normes et rénovations, il en est désormais totalement incapable puisque son chiffre d'affaires est devenu quasi insignifiant. L'hôtellerie est le parent pauvre des différents accords. Que comptez-vous faire, monsieur le ministre, que compte faire le Gouvernement pour changer enfin cela ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Monsieur le député, le secteur, cafés, hôtels, restaurants, discothèques est particulièrement touché par la crise. D'ailleurs je précise, même si ce n'était pas l'objet de votre question, que les discothèques ont été encore plus affectées : depuis le mois de mars ce secteur en est à zéro jour d'ouverture, tandis que certains hôtels ont pu ouvrir entre les mois de mai et d'octobre – c'est moins le cas à Paris et dans les grandes villes – et ainsi retrouver un peu d'activité. Néanmoins, comme vous l'avez indiqué, ils n'ont jamais figuré comme étant fermés administrativement parlant, ce qui ne leur a pas permis dans un premier temps d'obtenir d'office les mêmes soutiens automatiques que les restaurateurs, même si je suis bien conscient que ces soutiens automatiques demeurent de toute façon insuffisants par rapport à la dureté de devoir arrêter de travailler.
C'est pour cela qu'avec Bruno Le Maire, et en concertation étroite avec les représentants des hôtels-restaurants, nous avons considéré qu'il était indispensable d'intégrer, depuis le mois de décembre, les hôtels dans les dispositifs identiques à ceux des restaurateurs, c'est-à-dire l'aide de 100 000 euros ou une indemnisation de 20 % du chiffre d'affaires ou, si nous sommes suivis par la Commission européenne, ce dispositif nouveau qui permettra d'aller jusqu'à 3 millions. Les hôtels ont désormais accès à ce dispositif, au même titre que les restaurants.
Vous avez raison, ce sont souvent des entreprises qui ont besoin d'investir pour rénover. D'ailleurs, et je le dis à titre personnel, il serait peut-être utile de définir avec ces professionnels un vrai plan de rénovation de l'hôtellerie en France. Le travail que nous continuons à faire régulièrement – je recevrai encore la semaine prochaine leurs représentants – nécessite que nous puissions regarder comment les accompagner.
Vous évoquez les amortissements. J'ai rencontré le président de l'Autorité des normes comptables pour regarder si nous pouvions, pour 2020, laisser la possibilité aux entreprises de ne pas amortir pour ne pas trop dégrader leur bilan. C'est un sujet sur lequel nous travaillons également.
Je peux vous assurer que les hôtels font bien partie du plan que nous mettons en place, même s'ils ne sont pas fermés : nous sommes bien conscients que c'est un secteur d'activité très important qui garantira demain l'avenir du tourisme en France.
Monsieur le ministre, j'associe à ma question mes collègues de Haute-Savoie et de Savoie Virginie Duby-Muller, Émilie Bonnivard et Vincent Rolland.
Il y a plusieurs semaines, face à l'évolution de la crise sanitaire, votre gouvernement a fait le choix de ne pas ouvrir les stations de ski et les remontées mécaniques. Cette décision a eu des conséquences terribles pour l'économie des territoires de montagne déjà marquée, on l'a tous oublié, par la fermeture anticipée de la saison de ski 2019-2020. Au-delà des stations de ski, c'est toute la vie de nos départements de montagne qui en a été affectée : on l'oublie trop souvent, mais il y a un lien étroit entre l'activité économique des fonds de vallées et celle des stations de ski.
S'il est vrai que votre gouvernement a, en parallèle, rapidement mis en place et renforcé le dispositif de soutien existant, les aides de 10 000 euros et 20 % du chiffre d'affaires ne sauraient compenser les pertes sur des activités qui font essentiellement leur chiffre d'affaires sur quatre mois, de décembre à avril. Il devient impératif et urgent d'élargir le dispositif.
À côté des commerces qui font l'objet d'une fermeture administrative, d'autres restent ouverts au public : ainsi les magasins de sport, de location et de vente de matériels, les écoles de ski, les guides, les accompagnateurs, les pharmacies, les cabinets médicaux, les salons de coiffure, les supérettes, les magasins alimentaires ou de produits régionaux. Certes, ils ont le droit d'ouvrir, sauf qu'il n'y a personne ! La réalité, c'est qu'ils se retrouvent avec une baisse de 90 % de leur chiffre d'affaires.
Compte tenu de ce constat, qui n'est contesté par personne, me semble-t-il, le Gouvernement peut-il rassurer la représentation nationale et surtout celles et ceux que je viens de citer, et mettre en place de nouveaux dispositifs qui soient véritablement à la hauteur de l'enjeu économique que représentent ces activités économiques saisonnières ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Je veux vous assurer que nous sommes bien conscients de la dureté de la décision pour les acteurs de la montagne, d'autant que la neige est au rendez-vous… Il doit être difficile pour eux de regarder cela sans qu'ils puissent exercer leurs beaux métiers. Et, vous avez raison, dans la mesure où nous parlons d'une activité très saisonnière, c'est naturellement sur une période très courte que le chiffre d'affaires est réalisé.
Au-delà des dispositifs un peu classiques, si je puis dire, des 10 000 euros et des 20 % du chiffre d'affaires, nous avons effectivement travaillé dans un premier temps spécifiquement pour ces acteurs afin d'aboutir à un dispositif plus important. Nous sommes en cours de discussion avec la Commission européenne, nous permettant d'aller jusqu'à prendre en charge 70 % des frais de ces entreprises et jusqu'à 3 millions d'euros. Si tout va bien, ce dispositif, en cours de finalisation, devrait être effectif à la fin du mois de janvier et naturellement prendre en charge, depuis le début de la fermeture de ces entreprises, la totalité de ce que je viens de vous indiquer.
Par ailleurs, nous sommes bien conscients que les remontées mécaniques irriguent, au-delà même de la simple activité de ski alpin, toutes les activités économiques de la station et de la vallée. Le Premier ministre a souhaité intégrer dans les décisions l'ensemble des acteurs de la vallée concernée, quelle que soit l'activité, qui bénéficieront des mêmes dispositifs que ceux des acteurs du tourisme. Nous allons donc les accompagner au maximum pour essayer de compenser, au minimum sur le plan financier, la dureté de la décision qui a dû être prise.
Monsieur le ministre, quatre chiffres une lettre : c'est le code APE qui permet d'identifier la branche d'activité principale d'une entreprise ou d'un travailleur indépendant. Comment quatre chiffres et une lettre peuvent-ils aujourd'hui bloquer à ce point l'économie de la France ? Comment quatre chiffres et une lettre peuvent-ils détruire des milliers d'emplois et effacer parfois trente années de travail dans des entreprises familiales ?
Depuis le début de la crise sanitaire, les services de l'État se basent sur le code APE pour octroyer des aides exceptionnelles. Les entreprises, tous secteurs confondus et dont l'activité a été lourdement touchée par les confinements, couvre-feux ou autres mesures, doivent faire leur demande en ligne. Toutefois, si le code APE n'est pas dans la liste S1 ou S bis, l'outil en ligne bloque automatiquement la demande… C'est ainsi que de nombreuses entreprises dilapident leur trésorerie. Or, vous le savez très bien, la trésorerie d'une entreprise n'est pas faite pour cela, mais pour l'investissement. C'est également de cette façon que nous laissons des milliers d'entrepreneurs au bord du chemin. La liste est longue : par exemple, dans ma circonscription, une entrepreneure, dont l'activité principale repose sur la réalisation de papeterie de mariage, a pour code APE 1418Z, ce qui correspond à l'appellation reliure et activités connexes, et ne figure donc pas dans la liste S1… De même, une entreprise d'événementiel, dont le code 5829C ne correspond plus à ses activités, ne peut aujourd'hui prétendre à aucune aide exceptionnelle alors que son secteur est totalement à l'arrêt. Je pense aussi aux distributeurs de boissons que vous avez reçus et pour lesquels vous connaissez très bien la problématique : la fermeture administrative de tous leurs clients les met fortement en danger sans qu'ils puissent prétendre aux aides exceptionnelles.
Je rajouterai à cette liste le multiservices, les traiteurs et beaucoup d'autres qui voient leur demande refusée. Cette situation est injuste, car de nombreux codes ne sont plus en phase avec l'activité réelle des entreprises.
Monsieur le ministre, les préfets devraient pouvoir avoir la main sur l'attribution de ces aides. Ils connaissent leur territoire. Faire confiance aux acteurs, aux élus locaux pour davantage de proximité avec les forces vives de nos territoires : voilà ce que devrait nous enseigner cette crise sanitaire, économique et sociale que nous traversons. Nous ne nous en sortirons que si nous sommes unis et solidaires. Je sais que vous saurez entendre le cri de détresse de ces nombreux professionnels dans l'ensemble de nos territoires et que vous prendrez des mesures adéquates.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Oui, quatre chiffres, une lettre, c'est bien ce qu'ont découvert beaucoup d'entrepreneurs pour lesquels cela n'avait quasiment pas d'importance lorsqu'ils étaient dans le monde habituel, c'est-à-dire sans la crise sanitaire. D'ailleurs, pour nous aussi, il s'agissait uniquement d'éléments statistiques. Quelques entreprises ont changé d'activité sans penser à modifier leur code APE, alors que la démarche est simple.
Au début de la crise, lorsque le Gouvernement a décidé d'instaurer des dispositifs dont chacun reconnaît qu'ils sont très puissants, il a bien fallu définir des critères, dans la mesure où c'est de l'argent public qu'il s'agit d'attribuer à ceux qui en ont besoin. Le seul critère, que l'on peut contester mais qui a été utilisé pour avoir des outils puissants et rapidement efficaces, a été le code APE. D'autres critères auraient pu être retenus, mais je ne sais pas lesquels. Du reste, personne n'a fait d'autre proposition.
Vous indiquez quelques secteurs qui ne feraient pas partie de la liste, comme les traiteurs. J'ai reçu les représentants de ce secteur à cinq ou six reprises et je peux dire que nous avons engagé une action spécifique pour les accompagner. Si un traiteur de votre circonscription n'était pas suivi, n'hésitez pas à nous le faire savoir.
Vous dites qu'il faut de la solidarité : je partage ; vous dites qu'il faut travailler avec les élus locaux : je partage. Néanmoins, permettez-moi de vous indiquer qu'à l'origine, le fonds de solidarité comportait deux niveaux : le niveau 1, traité par l'État, et le niveau 2, traité par les régions. Je ne mets pas en cause les régions, car elles ont fait leur travail. Néanmoins, le constat est clair : 1,7 million d'entreprises ont été traitées au niveau 1, contre 45 000 au niveau 2… Ce qui veut dire qu'il vaut mieux avoir des outils qui travaillent de façon massive et automatique que des situations, même locales, que l'on doit gérer individuellement puisqu'au bout du compte beaucoup moins d'acteurs bénéficient des dispositifs. En effet, sur les 1,7 million d'entreprises, beaucoup auraient pu bénéficier du niveau 2, mais n'y ont pas eu accès.
L'outil qui a été mis en place a donc montré son efficacité, sa rapidité d'exécution. Je suis prêt à regarder si tel ou tel code doit être intégré dans la liste S1 ou S1 bis. En tout cas, c'est ce qu'on a fait à plusieurs reprises depuis plusieurs semaines.
Monsieur le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises, je ne contesterai pas l'ampleur de la crise sanitaire et des dégâts qu'elle cause ; je ne remettrai pas en cause non plus les aides de l'État ni celles des régions, des départements, des communes, qui sont nombreuses. Je veux saluer les commerçants et les secteurs durablement touchés par la crise du covid : ils ont fait preuve d'un courage et d'une résilience exemplaires. Tant de secteurs ont été atteints et ont dû cesser leur activité : le secteur de la restauration et des débits de boissons, le secteur sportif, le secteur de l'événementiel, des festivités nocturnes, le secteur de la culture, nos stations de ski, tous ces professionnels, ces hommes et ces femmes qui travaillent et qui veulent continuer à travailler.
Face aux incertitudes, aux tâtonnements du Gouvernement, ces professionnels sont nombreux à s'inquiéter. Ils ne veulent qu'une chose : pouvoir rouvrir leurs portes, leurs commerces, pouvoir reprendre leur activité.
À Saint-Paul de Vence, villégiature touristique de ma circonscription, ce sont une vingtaine d'entreprises dépendantes du tourisme, employant directement une soixantaine de personnes, qui sont menacées faute de figurer sur la liste des entreprises pouvant bénéficier de l'ensemble des aides, même si leur activité est directement liée au tourisme. À Cagnes-sur-Mer, Saint-Laurent-du-Var, Villeneuve-Loubet, La Colle-sur-Loup, ce sont plus de vingt salles de sport et plusieurs centaines de restaurants qui sont également en danger.
Le 16 mars 2020, le Président de la République affirmait qu'aucune entreprise ne serait livrée au risque d'une faillite : il serait heureux que cette promesse fût tenue. Aussi ma question est-elle simple, monsieur le ministre : allez-vous, oui ou non, aider l'ensemble des commerçants et des professionnels durablement touchés par la crise du covid-19, non en leur faisant l'aumône d'aides financières mais en leur permettant simplement de rouvrir leurs portes ? Ces entreprises pourront-elles reprendre leur activité ou finiront-elles par disparaître ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Madame la députée Trastour-Isnart, dans le monde entier, dans tous les pays qui luttent contre ce virus, les restaurants et les cafés ont été fermés.
Ce n'est certes pas satisfaisant pour autant et je partage votre compassion envers ces professionnels et votre admiration pour le courage et la détermination dont ils font preuve.
Vous déplorez le fait que des activités liées au tourisme ne bénéficieraient pas des dispositifs de soutien qui ont été mis en place : je suis à votre disposition pour examiner ces cas, comme je l'ai fait pour celui de la parfumerie Galimard de Grasse, où je me suis rendu il y a quelques semaines et qui était exclue du dispositif de soutien. Nous l'avons finalement intégrée dans ces dispositifs au titre du tourisme économique. N'hésitez pas à me solliciter si à Vence, à Cannes ou ailleurs, des entreprises dont l'activité dépend directement du tourisme ne bénéficient pas de ces dispositifs : je suis à votre disposition pour les intégrer aux secteurs S1 ou S1 bis, comme nous le faisons depuis plusieurs semaines.
Vous pouvez certes être en désaccord avec la politique menée par le Gouvernement, mais nous maintenons que ces fermetures administratives étaient indispensables. On voit bien que des pays européens qui avaient dans un premier temps décidé de ne pas procéder à de telles fermetures, comme l'Allemagne, sont aujourd'hui contraints de prendre les mêmes mesures que la France, et parfois même plus dures. Nous aurons l'occasion, les uns et les autres, de faire le bilan, le moment venu, de la politique qui a été menée ; pour l'heure, je constate simplement que nous accompagnons massivement de très nombreuses entreprises et que pour l'instant, même si c'est difficile, ces entreprises tiennent. Nous continuerons à travailler pour qu'elles puissent continuer à tenir.
Nous passons aux questions du groupe mouvement démocrate et démocrates apparentés.
La parole est à M. Bruno Fuchs.
Je voudrais d'abord exprimer, en mon nom et au nom de tout le groupe MODEM, l'immense tristesse qui est la nôtre depuis l'annonce du décès hier de Marielle de Sarnez. J'adresse toutes nos condoléances à sa famille et à ses proches, qui sont extrêmement nombreux.
J'ai deux questions, monsieur le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises. La première porte sur l'ouverture des commerces le dimanche. Le Gouvernement a imposé un couvre-feu à partir de 18 heures dans vingt-cinq départements, qu'il va peut-être étendre à d'autres, voire à toute la France, ce qui va entraîner une concentration des achats dans une période plus courte. Ne serait-il pas bienvenu d'étendre les autorisations dérogatoires d'ouverture des commerces le dimanche, de façon à désengorger ces commerces, voire à permettre à certains étudiants de retrouver une activité, et donc de recréer un peu emploi ?
Ma deuxième question porte sur les fournisseurs des cafés, des hôtels et des restaurants. Le Gouvernement a déployé des aides extrêmement importantes au bénéfice des cafés, des hôtels et des restaurants et même si ceux-ci sont dans une grande souffrance, l'impact de la crise sur leur activité s'en trouve amorti, ce qui n'est pas le cas pour l'instant de leurs fournisseurs et de leurs grossistes, dont l'activité amont dépend pourtant directement de celle de leurs clients. Dans ma région du Grand Est, les quatorze entreprises qui se partagent ce secteur d'activité souffrent de ne pas avoir droit aux mêmes aides. Envisagez-vous de leur accorder le bénéfice, soit d'un système d'aide exceptionnelle, soit d'un des régimes d'aide existants pour leur permettre d'espérer la survie à terme de leur entreprise ?
Vous avez raison, monsieur le député : ces entreprises, les grossistes en boissons en particulier, font partie de celles qui n'étaient pas suffisamment soutenues au regard de la nature de leur activité. C'est pourquoi, depuis plusieurs semaines, nous avons d'abord rencontré l'ensemble des représentants des grossistes, en particulier de ceux dont l'activité dépend de celle des cafés, des hôtels et des restaurants, et je vous confirme que nous sommes sur le point de trouver avec ces professionnels un dispositif adapté à leur situation. C'est naturellement essentiel pour eux : il est clair que lorsque les cafés et les restaurants sont fermés, les grossistes ne vendent rien. Ils m'ont même proposé de rechercher avec eux de quelle manière on pouvait compenser les pertes dues au dépassement de la date de péremption de leurs marchandises. Nous regardons dans le détail comment les accompagner : ils ne sont pas très nombreux, vous l'avez souligné, et il s'agit souvent d'entreprises familiales.
Pour ce qui est de l'ouverture le dimanche, nous avons, Bruno Le Maire et moi-même, il y a déjà plusieurs semaines, réuni l'ensemble des représentants des branches concernées, que ce soit la grande distribution ou le commerce de proximité. Tous étaient favorables à l'ouverture tous les dimanches du mois de décembre et du mois de janvier. Nous l'avons rendue automatique pour le mois de décembre ; pour le mois de janvier, cela relève du dialogue social. Élisabeth Borne regarde de quelle manière ces dispositifs pourront être actionnés. Dans l'immédiat, ce sont les dispositifs habituels qui s'appliquent, par le biais des autorisations préfectorales ; mais la ministre est en train d'examiner comment tout cela peut évoluer ou pas en fonction des décisions des partenaires sociaux.
Quand on voit, monsieur le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises, que depuis le début de la séance, l'essentiel des questions portent sur l'économie touristique, on mesure l'importance qu'elle revêt pour notre pays. Je ne vais pas déroger à la règle puisque je vais vous poser à mon tour une question sur le tourisme, en particulier sur le manque de visibilité dont ce secteur souffre, même si vous n'en êtes évidemment pas responsable.
Depuis des mois, les annonces de dates potentielles de réouverture se succèdent sans concrétisation réelle pour les restaurateurs, les bars, les discothèques, les lieux culturels ou encore cet hiver pour les stations de ski. De même s'agissant du secteur de l'événementiel, et plus particulièrement des organisateurs de grands événements aux jauges conséquentes, la reprise n'est absolument pas envisageable. Or ce secteur est essentiel pour l'activité économique de nombreux acteurs, à l'image des hôteliers ou des traiteurs. Je salue évidemment les dispositifs déjà mis en place, notamment la liste S1 et l'adaptation du Fonds de solidarité ; je remercie et je félicite votre cabinet et vous-même pour l'écoute et la réactivité dont vous faites preuve face aux demandes des parlementaires. Néanmoins le sentiment d'angoisse progresse – je ne vous apprends rien.
La revendication de ces acteurs est simple : si l'État n'est pas en mesure de leur indiquer des dates concrètes et précises de réouverture, ils souhaitent au moins obtenir une garantie quant à la durée des systèmes d'aide dont ils peuvent bénéficier. À ce titre, est-il envisageable que le bénéfice de ces aides ne soit pas accordé au mois le mois mais pour toute la durée de la pandémie ? Un système transparent, simple et sans ambiguïté permettrait de lever les nombreux doutes de ces acteurs majeurs de la relance et leur permettrait d'envisager la reprise sans avoir à négocier chaque mois le maintien de ces aides, ce qui est lourd sur le plan psychologique.
En effet, madame la députée, beaucoup des questions que vous me posez aujourd'hui portent sur le tourisme. C'est légitime, mais cela prouve aussi que beaucoup de secteurs d'activité fonctionnent : aujourd'hui, près de 90 % de notre économie continue à fonctionner et c'est heureux. Mais pour ceux qui ne fonctionnent pas, c'est très dur, parce qu'ils sont fermés. C'est pourquoi mes collaborateurs et moi-même travaillons tous les jours, au cas par cas, branche par branche, à adapter les dispositifs. Je me réjouis que nous ayons eu à plusieurs reprises, madame la députée, l'occasion d'échanger sur la situation de certaines branches.
Permettez-moi une confidence toute personnelle : combien j'aimerais que tout soit ouvert ! Combien j'aimerais, tout autant que vous, j'en suis sûr, pouvoir reprendre une vie sociale normale, partager des moments de plaisir au resto, à déguster les plats concoctés par nos chefs ! Malheureusement la situation sanitaire est telle que nous ne pouvons pas pour l'instant indiquer des dates de réouverture : j'aimerais bien mais c'est impossible. J'ai reçu la semaine dernière les représentants du secteur de l'événementiel : nous avons recherché avec eux comment on pourra les accompagner le jour venu, et nous continuerons ce travail.
S'agissant du manque de visibilité, même s'il n'y a pas de date précise, je peux vous confirmer ce que le président de la République et le Premier ministre ont dit : l'État continuera d'accompagner les entreprises de la même façon tant qu'il y aura des fermetures administratives, et maintiendra exactement le même niveau d'aides. Nous n'allons pas laisser tomber ces entrepreneurs ; nous continuerons à les accompagner aussi longtemps qu'il faudra, tant que l'activité économique n'aura pas repris. Je vous le confirme solennellement, c'est l'engagement du président de la République et ce que le Gouvernement mettra en oeuvre.
Jeudi 7 janvier, le Premier ministre Jean Castex a confirmé la prolongation du couvre-feu à 20 heures jusqu'au 20 janvier, précisant qu'il pourrait être avancé à 18 heures dans dix départements, dont le mien, le Cher, outre les quinze où c'était déjà le cas. Jean-Christophe Bouvier, préfet du Cher, l'a confirmé samedi 8 janvier : le couvre-feu est bien avancé à 18 heures dans ce département depuis dimanche.
Même si je soutiens localement les décisions du Gouvernement, j'entends aussi que celle-ci est mal perçue par les élus locaux de mon département. Si elle se comprend au regard de la recrudescence du virus dans le Cher, avec un taux d'incidence de 213,90 selon l'Agence régionale de santé, il leur semble possible et souhaitable d'actionner d'autres leviers, notamment l'accélération de la vaccination.
Alors que le Gouvernement étudie la piste de la généralisation du couvre-feu à 18 heures à l'ensemble du territoire, je m'inquiète avec eux de l'incidence d'une telle mesure sur les finances de nos commerçants. Un tiers des achats alimentaires étant réalisés entre 17 heures 30 et 20 heures, c'est un créneau vital pour beaucoup de nos commerces. Un phénomène de report est donc à prévoir, avec le risque d'une concentration des achats le samedi. Ces craintes sont largement exprimées par le secteur du commerce de détail : celui de l'habillement estime que cette mesure se traduira par une perte de 25 à 30 % de son chiffre d'affaires, et ne parlons pas des buralistes. Qui plus est, l'extension de ce couvre-feu risque d'avoir un impact sur la vente à emporter, à laquelle nos commerçants ont de plus en plus recours pour maintenir leur activité malgré la situation sanitaire.
J'ai conscience, monsieur le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises, que mes questions ne sont pas forcément simples : a-t-on chiffré l'impact de cette mesure sur le chiffre d'affaires des commerçants ? Comment le Gouvernement compte-t-il pallier ces pertes ? La généralisation de l'autorisation d'ouvrir le dimanche, souhaitée par plusieurs élus et commerçants, est-elle envisagée par le Gouvernement ?
Vous avez raison, madame la députée, avancer le couvre-feu à 18 heures a un impact sur l'activité économique. Vous savez aussi qu'il s'agit pour le Gouvernement d'éviter au maximum un reconfinement qui serait totalement dramatique, d'abord pour l'ensemble d'abord des Français sur le plan psychologique, mais aussi pour les entreprises : nous avons vu quelle a été l'impact du confinement du mois de mars, et même si le reconfinement de novembre a été moins rigoureux, il a été lui aussi très difficile. Nous attendons donc de ce couvre-feu à 18 heures qu'il nous permette d'éviter un reconfinement.
J'en viens plus précisément à votre question. À ce stade, je ne dispose pas de chiffres permettant de mesurer les effets réels que produit le temps supplémentaire de fermeture – de l'ordre d'une heure dans le Cher – sur ces activités. Plusieurs pistes sont à examiner. Vous avez évoqué celle de l'ouverture le dimanche : nous avons envisagé l'extension de cette possibilité, à laquelle travaille Élisabeth Borne. Peut-être peut-on également penser, dans le Cher par exemple, à une ouverture des commerces pendant les deux heures de pause méridienne, pour compenser l'heure de fermeture en fin de journée. J'ai même constaté que certains commerces ouvrent plus tôt le matin.
Les commerçants trouveront eux-mêmes des solutions pour s'adapter. Vous avez raison d'évoquer la difficulté que présentent la vente par click and collect et la vente à emporter ; mais encore une fois, chacun s'adaptera. Nous analyserons très vite les répercussions financières sur chaque activité afin de déterminer s'il faut ajuster les aides en fonction des situations observées.
Nous en venons aux questions du groupe Socialistes et apparentés.
La parole est à Mme Michèle Victory.
La filière de l'événement professionnel – salons, congrès, foires – a été particulièrement touchée par la crise. Elle organise une multitude d'événements qui contribuent au rayonnement économique de la France ; or elle se trouve dans une situation dramatique. Les activités des entreprises organisant de grands événements sont – logiquement – interrompues depuis mars et des milliers d'emplois sont en danger.
Outre la mise en place d'un protocole sanitaire strict et adapté à chaque événement lorsque la reprise sera possible, les acteurs de cette filière, très mobilisés, demandent des mesures spécifiques pour aider le secteur et pour organiser la prise en charge du chômage partiel – notamment sa durée et ses conditions. Ils demandent également que soient prévues en amont des conditions de la reprise d'activité, quelles jauges sanitaires et quelles mesures d'adaptation spécifiques à ces événements peuvent être envisagées. Où en est par exemple la validation par le ministère de la santé du référentiel sanitaire ?
Il faut plusieurs mois pour organiser ces événements. Même si la date de reprise n'est pas connue, ce qui est compréhensible, il faut clarifier la situation des entreprises concernées. Les acteurs de la filière demandent également qu'il soit possible d'inclure les prestataires de services dans les fameuses listes d'entreprises relevant des secteurs S1 et S1 bis, car ils souffrent également de l'arrêt de ces activités. Certains d'entre eux, en effet, dépendent exclusivement du secteur de l'événementiel – dans les domaines du montage, de la restauration, du design ou encore de la mode.
Il convient aussi de préciser le calendrier de remboursement des prêts garantis par l'État. M. Le Maire, annonçant le report de ces délais du 1er mars 2021 au 1er mars 2022, a évoqué l'hôtellerie et la restauration mais non l'événementiel ; est-ce un oubli ?
Enfin, il faudrait sensibiliser davantage les URSSAF afin qu'elles traitent la question du code APE, déjà évoquée, en faisant preuve de plus de souplesse.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
En effet, l'événementiel est un des secteurs les plus cruellement touchés par la crise. J'en ai rencontré les acteurs à plusieurs occasions, y compris la semaine dernière, pour envisager la reprise, sachant que la concurrence est rude dans ce secteur : de nombreux grands salons organisés en France sont désormais concurrencés par des salons italiens ou espagnols qui cherchent à piquer leur place, si j'ose dire… Nous sommes donc très attentifs à ce sujet, car ces salons et congrès génèrent un volume important d'activité économique secondaire – par exemple dans l'hôtellerie, dans la restauration et, plus généralement, dans la vie française.
Si l'événementiel a connu des difficultés particulières, c'est parce qu'il n'est pas un secteur d'activité en tant que tel. Les représentants de la filière avec lesquels nous avons travaillé ont d'abord eu du mal à nous désigner les acteurs impliqués, hormis quelques grands groupes. La semaine dernière, ils m'ont par exemple indiqué que des charpentiers sont concernés ; or les charpentiers ne figurent évidemment pas sur la liste des secteurs S1 et S1 bis puisqu'ils continuent de travailler normalement. Certains d'entre eux, toutefois, sont affectés par la fermeture des salons ; nous allons donc envisager comment les accompagner. Vous le voyez : nous sommes résolus à identifier l'ensemble des très nombreux acteurs de la filière, souvent de toutes petites entreprises dans des secteurs qui ne sont pas directement liés à l'événementiel. Nous y parvenons, avec le concours des acteurs eux-mêmes.
Deuxième point : une fois la reprise autorisée, il s'écoulera encore quelques mois avant la tenue des événements proprement dits. Il faut donc se pencher sur l'accompagnement des acteurs pendant cette période. Quant à l'activité partielle, nous leur avons naturellement garanti la poursuite de sa prise en charge intégrale ; Élisabeth Borne et moi-même examinons quelle solution d'accompagnement adopter lors de la période initiale de reprise, lorsque les salariés reprendront leurs postes alors que l'activité n'aura pas encore redémarré.
En somme, madame la députée, le Gouvernement est très sensible à la situation de cette filière importante, qu'il est résolu à soutenir.
En tant que membre de la commission des affaires étrangères et au nom de tous les membres du groupe Socialistes et apparentés, je m'associe aux hommages rendus à Marielle de Sarnez depuis hier. Elle a présidé avec talent et passion notre belle commission des affaires étrangères.
Ma première question, monsieur le ministre délégué, porte sur la situation des fournisseurs, en particulier des distributeurs de boissons. La fermeture administrative des cafés et des restaurants leur a fait perdre 70 % à 95 % de leur chiffre d'affaires ; pour ces entreprises, les conséquences sont flagrantes. Il est donc incompréhensible qu'elles ne bénéficient pas du même soutien financier de l'État que les bars et les restaurants.
Des collectifs de défense des fournisseurs des cafés et restaurants ont été créés dans de nombreuses régions. Ils proposent des mesures concrètes pour pérenniser les emplois de la filière, notamment la prise en charge intégrale du chômage partiel, et pour soutenir les trésoreries, en adaptant notamment le fonds de solidarité aux charges fixes des entreprises. Les premières réponses que vous avez apportées cet après-midi, monsieur le ministre délégué, sont trop peu précises pour nous rassurer et les rassurer ; pouvez-vous clarifier ?
Deuxième point : les aides allouées au titre du fonds de solidarité aux entreprises pratiquant le click and collect, sujet évoqué hier lors des questions au Gouvernement. Depuis un décret de décembre, le chiffre d'affaires réalisé selon cette méthode de vente est pris en compte dans le chiffre d'affaires global qui détermine le montant de l'aide, d'où la possible réduction de l'aide en question. Hier, dans sa réponse, Olivier Dussopt a semblé faire marche arrière ; à quelle date ce funeste décret de décembre sera-t-il donc corrigé pour que les revenus liés au click and collect ne soient plus inclus dans le calcul des montants versés au titre du fonds de solidarité ?
Je vais d'emblée exaucer l'un de vos voeux, madame Dumont, en étant précis puisque vous l'avez souhaité : ce matin même, j'ai signé un décret rectificatif concernant la vente par click and collect, de sorte que les revenus ainsi perçus n'entrent pas dans le calcul des aides versées au titre du fonds de solidarité.
M. Jean-Louis Bricout applaudit.
Mes collègues concernés signeront certainement ce décret dans la journée ; la disposition va donc disparaître – et c'est bien normal.
J'en viens aux grossistes, avec les représentants desquels je travaille depuis plusieurs semaines. Nombreux sont ceux qui ont mis en place des dispositifs adaptés mais une difficulté persiste dans le secteur des boissons. Là encore, je serai précis : avant la fin du mois, j'espère même la semaine prochaine, nous prendrons une décision spécifique pour permettre aux grossistes en boissons d'être indemnisés à la juste hauteur de leurs difficultés. En attendant, ils ne sont pas laissés en rase campagne puisqu'ils bénéficient du mécanisme d'activité partielle et de prêts garantis par l'État. Le fonds de solidarité, cependant, n'était pas adapté à leur situation ; nous allons rectifier le tir.
Nous en venons aux questions du groupe Agir ensemble.
La parole est à M. M'jid El Guerrab.
Le moment est douloureux pour nous tous, membres de la commission des affaires étrangères, qui venons de perdre notre présidente ; toutes mes pensées vont à Marielle de Sarnez et à sa famille.
Les entreprises détenues par les Français établis à l'étranger sont régies par le droit local. Elles ne peuvent donc pas prétendre aux aides prévues par le Gouvernement – ni au chômage partiel, ni au fonds de solidarité, ni aux prêts garantis par l'État. En outre, la grande majorité d'entre elles ne perçoivent aucune aide publique du pays où elles sont implantées. Elles se retrouvent donc en grande difficulté, au point que 70 % d'entre elles s'attendent à une baisse de leur chiffre d'affaires en 2020, et 46 % prévoient une perte de 30 % au moins.
Pourtant, ces entreprises contribuent à valoriser le savoir-faire français à l'étranger et doivent faire l'objet d'un suivi attentif. Nous saluons le déploiement du plan de soutien à l'exportation, mais celui-ci privilégie des entreprises françaises et leurs filiales. Les autres leviers de soutien concernent principalement les entrepreneurs et l'aide sociale d'urgence qui, au reste, est très modeste face à l'ampleur de la crise.
Les entrepreneurs français établis à l'étranger ne demandent pas une aide sociale, mais une aide économique structurelle pour surmonter la crise. Le ministre des affaires étrangères a bien prévu une aide spéciale covid-19 sous la forme du secours occasionnel de solidarité – SOS – qui a été salvateur pour bon nombre de nos compatriotes, et qu'il convient donc de prolonger, mais nous devons penser à tous les entrepreneurs établis à l'étranger dans les secteurs de l'alimentation, du tourisme et de l'hôtellerie, et de la restauration – respectivement premier, quatrième et cinquième secteurs d'activité parmi les entreprises françaises à l'étranger. Ces secteurs ne pâtiront pas seulement des restrictions sanitaires ; ils dépendent de la confiance du consommateur. Or il est probable que la consommation restera en berne pendant des mois, voire des années.
Aussi est-il nécessaire de soutenir ces entrepreneurs dont l'activité est positive pour l'image de la France à l'étranger. Leurs entreprises sont certes de droit local, mais leurs dirigeants sont autant d'ambassadeurs du savoir-faire et du savoir-vivre à la française. « Si tu veux être international, chante ton pays », disait Beethoven…
Ma question est donc simple : prévoyez-vous des mesures supplémentaires pour venir en aide aux entrepreneurs français établis à l'étranger ?
Je rends hommage à votre action en faveur de ces entreprises effectivement très importantes. Nous avons demandé aux missions économiques et aux ambassadeurs de les suivre afin d'identifier leurs besoins spécifiques. Il est vrai, cependant, qu'en ce qui concerne le soutien qu'elles reçoivent, les différences sont profondes par rapport aux entreprises opérant en France. Comme vous, je crois donc que nous devons étudier comment mieux les accompagner, tant elles jouent un rôle important. Je me tiens à votre disposition pour explorer vos éventuelles propositions en la matière.
Comme M'jid El Guerrab, je m'associe à l'hommage rendu à Marielle de Sarnez.
Pour faire face à la pandémie, nous avons choisi de diviser les activités en deux catégories : les essentielles et les non essentielles. Les êtres humains étant des êtres sociaux, leur santé mentale dépend des contacts interpersonnels et d'un certain volume d'activités extérieures. La culture et le sport ayant été jugés non essentiels et, de facto, empêchés par le couvre-feu, il ne reste donc aux Français que la possibilité d'aller consommer.
Dans certains types de commerces pourtant, il est difficile d'affirmer que l'application des consignes sanitaires est à la hauteur des libertés qui leur sont offertes. Nombreux sont les parlementaires – pour ne pas dire tous – qui ont observé dans leurs circonscriptions des phénomènes d'entassement, de cohue, de surpopulation, en particulier dans les grandes surfaces et dans les centres commerciaux, surtout à certaines périodes de l'année. Le Gouvernement a fait le choix de la confiance envers ces acteurs, mais ne l'a pas accordée aux autres.
Étant donné la densité de leur fréquentation, surtout lorsque les jauges d'accueil ne sont pas respectées, les grandes surfaces sont indéniablement des lieux de contamination, davantage que les petits commerces, les lieux de culture et les restaurants, qui sont bien plus aptes à assurer les conditions préventives adéquates par une organisation adaptée.
En outre, ceux-ci permettent de nourrir la confiance entre les Français, comme en l'avenir de notre économie. Faire confiance aux restaurateurs et aux lieux de culture, c'est aussi cela.
Ma question est donc simple : pourquoi les grandes surfaces, au sens large du terme, ne font-elles pas l'objet de contrôles à la mesure des risques sanitaires qu'elles engendrent ? Et alors qu'une confiance aveugle leur est accordée, pourquoi la refuse-t-on aux restaurateurs et au monde de la culture ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens.
Je tiens tout d'abord à vous indiquer que lors de la fermeture des commerces qui n'étaient pas de première nécessité, le Premier ministre a voulu une égalité de traitement entre les commerces de centre-ville et la grande distribution, décidant de la fermeture, pour cette dernière, des rayons et activités qui étaient fermés en centre-ville.
S'agissant des critères sanitaires, nous avons pris une décision spécifique pour tous les magasins dont la surface excédait 400 mètres carrés : ils ont l'obligation d'instaurer un comptage à l'entrée pour assurer le respect de la jauge de fréquentation imposée à la grande distribution – qui fait l'objet de votre question. Soyons clairs ; comme vous, j'observe. Nous avons pu constater que, malgré ce comptage, des regroupements se créaient au sein des magasins – des images ont été diffusées, qui ne correspondaient pas à ce que nous souhaitions. J'ai donc personnellement demandé à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de donner consigne aux préfets de mener des contrôles – il y en a eu beaucoup, plus de 800 – et de prendre des sanctions – cela a été le cas.
Nous continuerons d'être vigilants, car il faut que l'ensemble des acteurs jouent le jeu. Naturellement, il faut que, dans les magasins, les règles de distanciation sociale, essentielles à l'arrêt de la propagation du virus, soient respectées. À cette fin, nous continuerons donc bien entendu de demander aux autorités de contrôle de faire preuve de la plus grande fermeté.
Nous en venons aux questions du groupe UDI et indépendants.
La parole est à M. Christophe Naegelen.
Alors que nous débattons de la situation des commerces durablement touchés par la crise, monsieur le ministre délégué, je ne peux manquer d'avoir d'abord une pensée émue pour Rudy, bistrotier boute-en-train de mon territoire, véritable acteur de notre économie locale, qui est décédé brutalement cette semaine. J'ai une pensée sincère et affectueuse pour sa famille et ses proches.
L'espoir d'une réouverture des bars et restaurants le 20 janvier a été balayée par les récentes annonces du Gouvernement qui continue ainsi d'affaiblir ces établissements. Pourtant, depuis le début de la deuxième vague, ils n'ont eu de cesse de chercher des solutions et d'adopter des protocoles sanitaires pour accueillir leurs clients en assurant leur sécurité. À nouveau fermés, deux tiers de ces professionnels se disent menacés de fermeture définitive.
Certes, des aides ont été instaurées : non, elles ne sont pas suffisantes ; oui, il y a des oubliés. Je pense à la crêperie de Mme Knanov, installée à Remiremont et qui, pour avoir ouvert le 3 octobre, ne répond pas aux critères d'éligibilité ; elle se trouve exclue des aides, notamment de l'accès au fonds de solidarité. Tout d'abord, pourriez-vous étudier ce cas spécifique – qui n'est d'ailleurs pas unique – , afin d'apporter une solution à Mme Knanov ?
Par ailleurs, en prenant cette décision, c'est tout un pan de notre économie que nous laissons de côté, car les restaurants sont nécessaires pour beaucoup d'activités connexes. Comme pour les restaurants routiers, envisagez-vous, monsieur le ministre délégué, d'élargir les autorisations afin que des restaurants puissent accueillir les travailleurs, notamment ceux du secteur du BTP – bâtiment et travaux publics – , qui mangent, chaque midi, dans le froid ?
Je m'associe avec émotion au soutien que vous avez exprimé à la famille et aux proches de ce restaurateur. C'est une situation dramatique, et on ne peut être qu'ému et solidaire, et regretter ce drame.
Vous estimez que le soutien financier à ce secteur n'est pas suffisant. Peut-être a-t-il existé des périodes plus compliquées, mais l'accord actuellement en vigueur a été trouvé avec les professionnels eux-mêmes. Je rappelle que les représentants de l'hôtellerie-restauration considéraient qu'une aide de 15 % de leur chiffre d'affaires était nécessaire pour couvrir leurs frais : nous sommes montés jusqu'à 20 %. En outre, pour ceux ayant de grosses affaires, un dispositif nous permettra d'aller plus loin encore.
Vous évoquez le cas particulier d'une personne ayant ouvert son restaurant le 3 octobre. Il est vrai qu'à mesure des semaines, nous avons modifié la date d'ouverture permettant de bénéficier des aides. Pour l'instant, celle-ci est toujours fixée au 30 septembre 2020. Mais, à mesure que la crise dure, il faudra que cette date soit repoussée, afin de permettre à tous ceux ayant pris l'initiative d'ouvrir postérieurement, pensant que les difficultés étaient derrière nous, d'accéder aussi aux aides. Si vous m'indiquez ses coordonnées, je suis prêt, monsieur le député, à chercher une solution pour la crêperie que vous avez mentionnée.
Vous m'avez également interrogé au sujet des entrepreneurs du bâtiment et de leurs salariés. J'avais déjà été alerté par les organisations professionnelles ; à la suite de cela, nous avons offert aux collectivités la possibilité de mettre à disposition des lieux chauffés, pour que ces salariés puissent y manger leur gamelle, si vous me permettez l'expression, sans être contraints de le faire à l'extérieur. De mon point de vue, le problème pour le secteur du bâtiment est donc aujourd'hui résolu.
Comme nous préparons nos questions à l'avance, je vais être amené à répéter celles déjà posées précédemment par une autre collègue. Mais nous savons que la répétition améliore la compréhension et l'information !
La crise sanitaire et économique s'enracine, et nos entreprises continuent de souffrir. En 2020, plus de 638 000 d'entre elles ont pu bénéficier de prêts garantis par l'État ; 89 % de ces bénéficiaires étaient de très petites entreprises. Ce sont ainsi 130 milliards d'euros qui ont été distribués par les banques.
Jugé très efficace dans 95 % des cas, selon une étude réalisée par le MEDEF, ce dispositif arrive à échéance fin mars pour bon nombre d'entreprises. Je ne compte plus les cafetiers, hôteliers, restaurateurs, gestionnaires d'espaces de loisirs ou d'organisations culturelles de ma circonscription qui s'inquiètent de cette situation. Pour eux, les difficultés s'accumulent ; leur trésorerie comme leurs fonds propres sont au plus bas.
En effet, depuis de longs mois, les entreprises ont dû repousser de nombreuses échéances : mensualités des crédits en cours, loyers, charges. Le jour où la reprise viendra, cela fera beaucoup de remboursements à honorer : il me semble donc important de préserver une capacité de rebond des entreprises après la crise. Je ne doute pas que mes collègues, partout en France, sont, eux aussi, interpellés.
Monsieur le ministre délégué, le Gouvernement réfléchit-il à une prorogation d'un an du délai initial de remboursement des PGE pour les entreprises qui en feraient la demande ? Au-delà, comme le propose la Confédération des petites et moyennes entreprises – CPME – et ainsi que cela se pratique chez nos voisins allemands, il est particulièrement attendu que les entreprises puissent regrouper toutes leurs dettes et créances accumulées pour les rembourser à l'aide d'un prêt de consolidation consenti par l'État, et amortissable sur une durée de dix ans.
La répétition des questions entraîne la répétition des réponses – du moins, dans mon cas, je l'espère !
Tout d'abord, je suis bien conscient de la difficulté que pourra éventuellement représenter ce que j'ai appelé en son temps le mur de la dette. Après consultation des banques, je vous confirme que pour les secteurs faisant l'objet d'une fermeture, le remboursement du PGE sera bien reporté pour une année supplémentaire.
Par ailleurs, pour les entreprises viables à plus long terme et qui ont des projets, nous allons instaurer des prêts participatifs. Ceux-ci auront l'avantage de ne pas figurer comme une dette dans le bilan de l'entreprise. Nous avons prévu une enveloppe de 20 milliards d'euros pour ce nouvel outil.
Enfin, les avances remboursables, gérées directement par l'État, permettront aux entreprises de disposer d'une avance au taux de 1 % et amortissable sur une dizaine d'années, les premiers remboursements pouvant être différés jusqu'à trois ans.
Tous ces outils permettent d'accompagner les entreprises.
Par ailleurs, j'ai bien en tête l'idée d'un prêt de consolidation, que vous avez proposée. Mais à partir du moment où l'État en serait le garant, nous devons d'abord, vous vous en doutez, en discuter avec l'Europe, car ces prêts pourraient être considérés comme une aide d'État. Il nous faudra donc travailler avec les banques sur ce point.
La question est posée, nous y travaillons – je pense que nous avons encore quelques semaines devant nous. Nous réfléchissons à la manière d'accompagner les entreprises mais, sincèrement, je pense qu'en termes de trésorerie et de liquidités, nous disposons actuellement d'outils adaptés aux besoins. Si cela est nécessaire, nous regarderons bien sûr comment améliorer encore la situation.
Nous en venons aux questions du groupe La France insoumise.
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon.
Nous savons tous que l'économie du pays va mal, et ce ne sont malheureusement pas des aides inadaptées qui changeront durablement cette situation. En effet, beaucoup d'acteurs restent, hélas, sur le carreau. Ne pensez-vous pas que le pays aurait plutôt besoin d'un cap clair ? Que l'énergie et l'envie d'entreprendre devraient être libérées ? Quel que soit leur secteur d'activité, les chefs d'entreprise ne demandent pas la charité : ils veulent vivre, et faire vivre, en embauchant.
Nous constatons que vous accordez beaucoup trop d'importance aux centres commerciaux, au détriment des commerces de centres-villes et des commerces de proximité, qui représentent pourtant un enjeu majeur. Ainsi, comment comptez-vous dynamiser les centres-villes ? Où en est-on du plan de revitalisation des centres-villes, lancé en 2018 et doté de 5 milliards d'euros sur cinq ans ? Plus spécifiquement, êtes-vous favorable à l'extension de ce programme à l'ensemble des communes d'outre-mer ?
Par ailleurs, quel avenir proposez-vous aux commerces de proximité qui se trouvent dans les écarts ? Quid, également, des forains, des propriétaires de manèges, camions-bars et camions-jeux ? Comment comptez-vous les soutenir ?
La situation du monde culturel, lui aussi durement touché par la crise, est encore plus compliquée dans les outre-mer, totalement abandonnés. Comment l'État va-t-il aider ce secteur à continuer à créer, et valoriser ces créations ? Enfin, quelle réponse rapide pouvez-vous apporter au monde de l'événementiel au sens large, lui qui est, aujourd'hui, totalement sinistré ?
Même combat pour le monde sportif : les sportifs ne peuvent pratiquer que de façon réduite ; les clubs perdent des adhérents et les grands événements sont annulés, entraînant autant de pertes financières. Qu'avez-vous prévu pour ce secteur ?
Vous ne nous avez apporté, monsieur le ministre délégué, que des réponses partielles et peu précises. Sachez que les différents acteurs ont avant tout besoin de réponses claires et d'être accompagnés par une politique volontariste et forte.
Je ne partage pas votre opinion sur l'inadéquation des aides. Le fonds de solidarité, les exonérations de cotisations sociales, les prêts garantis par l'État sont des outils qui répondaient globalement aux besoins des entreprises. On peut d'ailleurs constater que l'année 2020, si catastrophique au plan sanitaire, a vu le tissu économique se maintenir.
Nous avons porté une attention particulière aux petites entreprises – c'est d'ailleurs avant tout pour elles que le fonds de solidarité a été conçu. De fait, ce sont aujourd'hui plutôt les grands groupes qui viennent nous voir, car les dispositifs, qui couvraient les petites entreprises, ne leur étaient pas adaptés. J'ai personnellement analysé de nombreux dossiers de commerces fermés au mois de novembre, et j'ai constaté que le chiffre d'affaires d'une très grande partie d'entre eux avait été compensé en totalité grâce au dispositif instauré.
Par ailleurs, pas une journée ne passe sans qu'avec mon collègue ministre des outre-mers, nous ne regardions comment accompagner correctement et suffisamment les entreprises ultramarines. Je le répète : nous travaillons avec détermination et précision pour trouver les dispositifs adaptés.
S'agissant de l'événementiel, je ne vais pas nier la difficulté que vous avez mentionnée. Mais j'ai reçu des représentants du secteur il y a quelques jours, et nous avons regardé comment accompagner l'ensemble des entreprises concernées. Le moment venu, nous serons à leurs côtés pour leur permettre de reprendre leurs activités.
Dans la continuité de l'intervention de mon collègue Jean-Hugues Ratenon, monsieur le ministre délégué, je vous interrogerai, moi aussi, sur la culture. En Espagne, elle n'a pas été sacrifiée à la crise : les salles de spectacle sont ouvertes, malgré l'épidémie ; grâce à des protocoles sanitaires stricts, aucun foyer de contamination n'y a été détecté. Il n'en va pas de même en France, ce dont beaucoup de gens s'émeuvent. À Montreuil, dans ma circonscription, il y a quelques semaines, plus de 500 personnes étaient réunies pour protester contre la fermeture des lieux culturels.
Cette fermeture des cinémas, des musées, des théâtres, des salles de spectacle, sous l'égide du président Macron et du Gouvernement, constitue un choix politique et non sanitaire. Le Conseil d'État lui-même a reconnu que ces lieux n'étaient pas plus propices à la contamination que les autres. Le président du Conseil scientifique a répété à trois reprises que cette fermeture ne résultait pas d'une préconisation sanitaire, mais d'un choix gouvernemental.
Pouvez-vous donc nous expliquer, monsieur le ministre délégué, en quoi le BHV ou tout autre établissement du même ordre exposerait davantage au virus qu'un musée ? Dans les grands magasins, les clients se croisent, touchent les articles, les reposent. Les musées sont plus spacieux, mieux aérés, et vous n'ignorez pas qu'on ne touche pas La Joconde. Pourquoi donc cette différence de traitement entre le commerce et la culture ? Autre incohérence : depuis décembre, les salles de vente aux enchères ont pu rouvrir, alors que leur configuration est sensiblement celle d'une salle de théâtre ; on s'y assied dans un fauteuil pour écouter attentivement les personnes qui animent la séance. Or les théâtres, eux, restent fermés. Plutôt des enchères qu'une pièce de Molière, telle est la devise du Gouvernement !
Quel est donc le principe qui guide vos décisions ? Si vous tenez à maintenir les lieux culturels fermés, faites en sorte que la culture continue à vivre, comme le demandent les syndicats. L'État doit élaborer un plan d'urgence en faveur de l'emploi, financer des journées de travail pour tous les professionnels du secteur, qui pourraient ainsi, autant que possible, limiter la casse, et surtout préparer la suite. Si vous n'autorisez pas les artistes à jouer, permettez-leur du moins de travailler, d'écrire, de répéter. Sans cela, la culture se meurt, et notre société avec elle.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
Je suis tout à fait d'accord avec vous concernant le caractère indispensable d'un dispositif qui permette de relancer la culture, aussi nécessaire à beaucoup de Français que la nourriture. Elle constitue une composante essentielle de notre société, d'autant que la France a la chance de posséder des acteurs, des écrivains, des professionnels exceptionnels.
Le choix de mettre à l'arrêt un secteur d'activité, quel qu'il soit, peut toujours être contesté : pourquoi celui-là plutôt qu'un autre ? Nous n'avons pas fermé les commerces de première nécessité, parce qu'il fallait que les Français puissent se nourrir ; nous avons fermé les autres établissements, hélas nombreux, non pas parce qu'ils étaient des lieux de contamination, mais parce qu'il fallait réduire les interactions. Notre message était le suivant : « À partir du moment où sortir ne répond pas à une nécessité vitale, restez chez vous, pour ne pas vous contaminer au contact les uns des autres. » Les restaurateurs, eux aussi, ont objecté que l'on n'attrapait pas davantage le coronavirus dans leurs établissements qu'ailleurs – encore que les dernières études, en France, tendent à prouver le contraire.
Roselyne Bachelot revient sur le sujet à chaque réunion ; elle travaille beaucoup avec les acteurs de la culture. Nous avons instauré un soutien financier pour le secteur de la culture, bien que ces professionnels souhaitent avant tout pouvoir travailler, irriguer la France de leur art. Vous citez l'Espagne : à Madrid, les établissements ouverts l'ont été dans le cadre d'une expérimentation que nous suivons de près, et que Roselyne Bachelot a d'ailleurs proposé au Premier ministre d'imiter dans les prochaines semaines, afin de voir comment nous pourrions rouvrir ces lieux de culture indispensables.
Monsieur le ministre délégué, voilà un an que notre pays est confronté à l'épidémie de covid-19. Cette crise sanitaire aura révélé l'extrême fragilité de notre système de santé, mais aussi et surtout, lorsqu'il s'est agi de remédier à ses conséquences sociales et économiques, l'incapacité chronique, l'insuffisance dramatique du gouvernement dont vous faites partie.
Vous n'avez eu de cesse de vous tromper, d'échouer, d'imposer aux Français des mesures aussi absurdes qu'inefficaces. Ces derniers mois, vous avez sans la moindre hésitation fermé commerces, restaurants, bars, discothèques, salles de sport ou de cinéma, théâtres, musées, remontées mécaniques ; mais, par idéologie, jamais vous n'avez fermé nos frontières pour éviter la propagation du virus. Après « ceux qui ne sont rien », vous avez créé une nouvelle catégorie de Français : ceux qui ne sont pas essentiels, les sacrifiés, condamnés à l'inactivité, à l'angoisse, à la précarité, et aujourd'hui parvenus au point de rupture.
Depuis mars, pourtant, ils obéissent à toutes vos directives. Ils se sont mis à la livraison et à la vente à emporter, ils ont espacé leurs tables et en ont réduit le nombre, ils ont aménagé leurs terrasses, disposé des lotions hydroalcooliques, demandé à leurs clients de s'inscrire pour faciliter le traçage en cas de contamination. Ce soir, le Premier ministre devrait leur annoncer une énième épreuve : la généralisation du couvre-feu à dix-huit heures, dont aucune étude scientifique n'a démontré la pertinence. Monsieur le ministre délégué, quelle sera la traduction concrète du « quoi qu'il en coûte » macroniste si le Gouvernement laisse disparaître 30 % à 40 % des entreprises appartenant aux secteurs les plus touchés ? Les Français ne demandent pas l'aumône ; ils veulent simplement retrouver le droit de travailler !
Monsieur Bilde, vous avez exprimé votre position, je la respecte, mais permettez-moi de vous dire que je ne la partage pas. Toutes vos interventions n'ont d'autre but que de critiquer la politique du Gouvernement. C'est votre droit, mais je ne vous ai jamais jamais entendu proposer un quelconque exemple à suivre existant dans le monde et qui serait particulièrement vertueux, mis à part des modèles dans lesquels la liberté aurait totalement disparu, ce qui n'est pas notre objectif.
Au bout du compte, ce que vous appelez le système macroniste permet aujourd'hui de soutenir les entreprises en difficulté. J'espère que nous n'aboutirons pas à 30 % de fermetures, même dans les secteurs les plus atteints ; pour le moment, nous avons enregistré en 2020 une baisse de 30 % des radiations. L'État poursuivra cet appui financier, quoi qu'il en coûte : nous ferons le point le moment venu, et nous verrons bien comment, en définitive, notre pays aura affronté cette crise. Enfin, les décisions que nous avons prises ont permis à notre système de santé de tenir bon ; nous pouvons collectivement en être fiers et satisfaits, surtout en comparaison de la manière dont d'autres pays traitent leurs citoyens en ce domaine.
La séance des questions sur la situation du commerce et des autres secteurs touchés par la crise de la covid-19 est terminée.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures.
L'ordre du jour appelle le débat sur la politique du logement.
La conférence des présidents a décidé d'organiser ce débat en deux parties : dans un premier temps, nous entendrons les orateurs des groupes, puis le Gouvernement ; nous procéderons ensuite à une séance de questions-réponses.
La parole est à Mme Elsa Faucillon.
C'est mon collègue Stéphane Peu qui aurait dû intervenir cet après-midi mais, ayant été testé positif au covid-19, il s'est placé à l'isolement comme il convient de faire en pareille situation.
À l'occasion de cette semaine de contrôle du Gouvernement, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine a décidé, une fois de plus, de placer le logement au coeur des débats.
Élément constitutif de la dignité humaine, droit à valeur constitutionnelle, préoccupation prioritaire des Français, le logement est pourtant le grand sacrifié de votre politique : pas de ministère de plein exercice ; un budget amputé, année après année ; une loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique – ELAN – qui est néfaste sur bien des aspects, j'y reviendrai ; des attaques répétées à l'encontre des bénéficiaires des allocations logement ; des coups de rabot d'une ampleur inédite dans les ressources des organismes HLM.
Pour résumer, dérégulation et technocratisation sont les maîtres mots de votre politique du logement, qui donne de bien piètres résultats.
Sur ce sujet comme sur d'autres, nous ne cessons pourtant de vous alerter sur la dangerosité de ces recettes libérales. Sur ce sujet comme sur d'autres, vous n'écoutez aucune critique et refusez de remettre en question votre logiciel.
Pourtant le résultat est sans appel : la crise du logement n'a jamais atteint un tel niveau de gravité. Dans la sixième puissance économique mondiale, près de 15 millions de Français souffrent de mauvaises conditions de logement. Avant même la crise sanitaire, 300 000 personnes étaient sans domicile fixe dans notre pays. Signalons que ce chiffre, rendu public par la Cour des comptes en octobre dernier, est deux fois plus élevé qu'en 2012. Près de 3 millions de personnes vivent des logements surpeuplés, sans confort, précaires.
Malheureusement, la crise sanitaire aggrave encore la situation : depuis le premier confinement, 6 à 7 millions de nos concitoyens éprouvent de sérieuses difficultés à payer leur loyer ou les échéances de leur prêt bancaire ; les procédures d'expulsion explosent.
Malgré cela, vous refusez de prendre des mesures exceptionnelles pour amortir le choc. Votre obstination enfonce notre pays dans une crise du logement et dans la régression sociale, mais vous avez pourtant décidé de consacrer moins de 1 % des 100 milliards d'euros du plan de relance aux plus vulnérables de notre pays.
La part consacrée au logement dans le budget des ménages n'a jamais été aussi grande. La construction de logements s'effondre dans tous les secteurs : dans le logement social comme dans l'accession à la propriété, à la ville comme à la campagne, dans le logement pavillonnaire comme collectif. Les taux de rotation dans le secteur locatif, publics et privés, sont au plus bas, créant un immense embouteillage dont nous voyons les répercussions jusque dans l'hébergement d'urgence. Ce phénomène contribue à allonger la liste des demandeurs de logements HLM, dont le nombre n'a jamais été aussi élevé – 2 millions de ménages attendent.
Malgré tout cela, vous persistez à assécher le secteur. D'après le rapport du compte du logement 2019 qui viennent d'être publiés, jamais les aides publiques au logement n'ont été aussi faibles depuis la création de cet indicateur en 1984.
Comme si cela ne suffisait pas, le Gouvernement, addict au « en même temps », augmente les prélèvements sur le secteur, au point que nous en arrivons à une situation grotesque où l'État prélève plus de deux euros pour chaque euro d'aide qu'il verse.
Comment s'étonner que le pays soit plongé dans une crise du logement inédite, avec son lot de détresse et de drames humains ? Combien de familles mal logées, sans logis, ou incapables de faire face aux dépenses de logement frappent à la porte de nos permanences parlementaires pour appeler à l'aide ? Stéphane Peu et moi-même, élus de banlieues populaires, nous en recevons des dizaines par semaine. Sans relâche, nous écrivons aux maires, aux bailleurs publics et privés, au préfet ou sous-préfet, à Action logement, pour plaider ici et là, avec toujours la même détermination, en faveur de ces femmes – car il y a beaucoup de femmes – , de ces hommes et de ces enfants – qui n'arrivent pas, malgré leur ténacité, à obtenir ce toit décent et durable qui leur permettrait enfin de mener une vie normale.
Compte tenu de l'histoire si singulière de notre pays en la matière, comment pouvons-nous accepter une telle situation ? Jusqu'à présent, notre politique du logement constituait pourtant un amortisseur efficace des crises. La politique du logement était efficace car fondée sur une économie mixte : une jambe publique et l'autre privée, une économie de court terme et une économie de long terme, pour se soutenir alternativement l'une l'autre, afin de marcher.
Nous avons beau répéter que cet équilibre dynamique est le bon, vous n'en avez cure. La jambe publique étant votre ennemi, vous la cassez. Vous mettez à terre notre modèle HLM pourtant envié au-delà de nos frontières.
Vous vous désengagez toujours plus des aides à la pierre. Vous vous attaquez aux aides personnalisées au logement – APL – et, toute honte bue, vous confiez les clefs au marché privé, ce qui entraîne les effets désastreux que nous observons dans le monde entier.
Faut-il vous rappeler que sans cette jambe publique, à savoir le secteur du logement social, l'appel de l'abbé Pierre en 1954 n'aurait pas obtenu une réponse nationale d'une telle ampleur ?
Madame la ministre déléguée, mesdames et messieurs les parlementaires de la majorité, ce cap est mortifère. Tous les acteurs du logement vous le disent : nous sommes devant une bombe à retardement qu'il faut vite désamorcer si vous visez, comme nous, l'objectif de loger dignement nos concitoyens.
J'ajoute que cette crise du logement accentue la ségrégation sociale. Dans le 92, le département des Hauts-de-Seine, on sait ce que sont les ghettos de riches. Vous dénoncez le séparatisme ? Il est là, c'est un séparatisme social.
Je pourrais énumérer encore longtemps les mauvais chiffres de votre politique et les drames humains qui en découlent. Vous refusez d'écouter les acteurs du logement et d'entendre leurs nombreuses et intéressantes propositions qui permettraient d'enrayer la machine et de remettre l'intérêt général au coeur de votre politique du logement.
Avec son habituelle humilité, le Président de la République nous a invités à nous réinventer. Les députés du groupe GDR, toujours prêts à le faire, vous font donc des propositions.
Commencez par rétablir un ministère du logement de plein droit, disposant de son propre budget. Le logement devrait être une grande cause nationale.
Revenez sur vos mesures aux effets récessifs, notamment en suspendant la réduction de loyer de solidarité pour les bailleurs HLM : nous avons désormais le recul nécessaire pour évaluer à quel point cette mesure affecte durement les capacités d'investissement des organismes de logements sociaux.
Mettez fin aux mécanismes de défiscalisation qui n'ont d'autre effet que de favoriser la multipropriété, et rétablissez l'APL accession pour aider à la primo-accession.
Revenez aussi sur les mesures les plus destructrices de la loi ELAN : les accrocs à la loi pour la solidarité et le renouvellement urbain – SRU – , dont nous venons de célébrer les vingt ans ; la vente forcée de HLM ; la précarisation des baux.
Sortez du champ d'application de la réforme des APL, entrée en vigueur ce 1er janvier, les bénéficiaires qui en subissent des effets négatifs, à commencer par les jeunes actifs.
Amplifiez le plan « logement d'abord » et encouragez les maires bâtisseurs. À Gennevilliers, dans ma circonscription des Hauts-de-Seine, votre politique a eu pour effet de faire passer les délais d'attente pour un logement de quatre à six ans, en moyenne.
Inspirez-vous de notre proposition de loi visant à éradiquer l'habitat insalubre. Celle-ci prévoit un plan d'éradication en dix ans, financée grâce au rétablissement d'une taxe minime sur les loyers.
Il s'agit là d'un sujet majeur et d'une urgence absolue car, à bien des égards, des vies sont en jeu. Dans la circonscription de mon collègue Stéphane Peu, à Saint-Denis, pas moins de vingt-cinq personnes sont mortes en douze ans en raison d'incendies ou d'effondrements d'immeubles, sans compter les centaines d'enfants et d'adultes qui souffrent de problèmes de santé – saturnisme, maladies respiratoires ou de peau, troubles du comportement alimentaire – liés à leurs conditions de vie.
Le droit au logement n'est ni un slogan ni une marchandise, il s'agit d'un droit fondamental et d'un bien de première nécessité. Il y a quelques années, à une époque finalement pas si lointaine, le Président de la République, alors candidat, parlait de révolution. Franchement, nous ne vous en demandons pas tant ! Cependant, alors que notre pays compte 300 000 personnes sans domicile et qu'il traverse une crise dont nous mesurons encore mal l'onde de choc – certains parlent d'une bombe à retardement – , nous vous demandons d'au moins réinterroger votre politique du logement et même, à bien des égards, de la réinventer.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
Chers collègues, c'est un plaisir pour moi de vous retrouver pour cette semaine de contrôle de l'action du Gouvernement.
En ma qualité de rapporteure pour avis sur le budget du logement, et au nom du groupe La République en marche, je peux vous assurer que les crédits dédiés au logement ont augmenté chaque année depuis quatre ans.
Cette année, plus que jamais, le logement a été l'une des priorités du Gouvernement et de l'Assemblée nationale. Comment aurait-il pu en être autrement alors que nous étions confinés pendant une partie de l'année dans nos logements ? Comment ne pas en faire une priorité alors que des centaines de milliers de Français sans domicile étaient confrontés à la crise sanitaire ? Comment rester inactif alors que des dizaines de milliers de chantiers ont été laissés à l'arrêt lors du premier confinement ?
Face à cette crise historique, je me réjouis que nous ayons pu travailler ensemble sur de nombreuses mesures essentielles à la bonne santé du logement en France tout au long de l'année écoulée. Je vais m'attacher à revenir sur ce travail conjoint du Gouvernement et de la représentation nationale.
Cette année, le dispositif phare pour le logement a été le plan de relance, qui permet de soutenir et de redynamiser le secteur de la construction et du bâtiment, mis à l'arrêt pendant le premier confinement.
Cependant, nous pouvons faire davantage encore pour soutenir les entrepreneurs et la construction.
La crise a notamment montré que la délivrance des permis de construire était trop fastidieuse et trop longue ; la procédure fait perdre du temps aux entrepreneurs, et de ce fait des chantiers potentiels ne voient jamais le jour. C'est pourquoi je plaide pour que nous travaillions ensemble à une simplification et à une accélération de la dématérialisation de ce processus.
La dimension écologique inédite du plan de relance se retrouve dans le domaine du logement puisque 6,7 milliards d'euros de crédits budgétaires supplémentaires vont être affectés à la rénovation énergétique des bâtiments au cours des deux prochaines années. C'est une avancée importante pour le logement et l'écologie, mais j'insiste sur le fait qu'il s'agit aussi d'un progrès social puisque cette rénovation tend à améliorer les conditions de vie et à accroître le pouvoir d'achat des Français.
Revenons succinctement sur les grandes mesures qui ont rythmé la politique publique du logement au cours de l'année écoulée.
Je tiens à saluer l'action du Gouvernement concernant la mise à l'abri des personnes sans domicile fixe pendant la crise sanitaire. En 2020, plus de 200 000 personnes ont été hébergées quotidiennement pendant la crise et continuent de l'être.
Durant toute la crise, le Gouvernement, avec la Caisse nationale des allocations familiales – CNAF – , a mené une politique particulièrement volontariste de maintien des droits aux APL pour les allocataires.
Cette année a aussi vu l'achèvement de la réforme des APL en temps réel, que j'avais proposée dans mon premier rapport pour avis de 2017 et qui a été lancée en 2018. Les aides sont désormais plus adaptées aux réalités de la vie des allocataires.
La mesure principale du plan de relance à destination des ménages est l'extension et le renforcement au 1er janvier 2021 de MaPrimeRénov', le plus important dispositif d'aide aux travaux de rénovation énergétique pour les particuliers.
De plus, les « coups de pouce » à l'isolation et au chauffage ont été prolongés jusqu'à la fin de l'année prochaine. Le Gouvernement a aussi créé un nouveau coup de pouce pour soutenir le remplacement des chaudières au fioul et la rénovation globale dans les copropriétés.
Lors des débats sur le projet de loi de finances pour 2021, le Gouvernement comme les députés ont proposé des amendements afin de renforcer l'accession sociale à la propriété. La loi de finances pour 2021 prolonge le dispositif Pinel et les prêts à taux zéro – PTZ – , ce dont je me réjouis, car j'avais déposé des amendements allant en ce sens.
Elle prévoit aussi une augmentation des crédits qui va permettre de pérenniser plus de 14 000 places dans les hébergements d'urgence que vous avez mis en place à la fin de l'année 2019, et aussi de créer de nouvelles places de logement dans le cadre du plan « logement d'abord ». C'est en effet un corollaire essentiel pour aider les sans-abri et développer des solutions durables.
En cette nouvelle année, je me permets d'orienter le débat en appelant votre attention sur plusieurs thèmes. En premier lieu, le logement doit toujours être soutenu, car la crise n'est pas finie.
Je tiens à insister sur l'importance du secteur du logement social. Je salue l'action de Mme la ministre déléguée, notamment en matière d'impayés, et l'encourage à continuer son effort de soutien. En effet, il reste du travail et nous pouvons aller plus loin. Dans le cadre de la loi ELAN, adoptée en 2018, mes collègues et moi-même avions formulé des propositions visant à optimiser l'occupation des logements sociaux en fluidifiant les attributions. Il faut poursuivre cette dynamique et simplifier les procédures afin de maximiser l'occupation du parc.
Enfin, le Gouvernement a annoncé qu'il serait plus dur avec les maires qui ne respectent pas le quota des 25 % de logements sociaux. Je m'en félicite et je l'incite à travailler en collaboration avec les maires.
Les chiffres du logement ne sont pas bons, et les acteurs sont inquiets, alors que le logement devrait être un des axes du plan de relance. J'ai tiré la sonnette d'alarme déjà en automne dernier, en vain jusqu'à présent. Nous allons vers une crise majeure de la construction : on va construire, en 2021, moins et plus cher, à rebours des promesses gouvernementales.
Vous parlez quasi exclusivement de rénovation, comme si celle-ci était suffisante. Bien sûr, il faut rénover et nous avons énormément de retard par rapport à l'objectif annoncé par le Président de la République. Cela étant dit, le vieillissement de la population et les phénomènes de décohabitation augmentent le besoin de logements. Il nous faut ainsi produire de nouveaux logements à population constante. Vos mesures, notamment celle prévues dans la loi de finances pour 2021, sont-elles à la hauteur et vont-elles permettre une véritable relance des réservations de logements neufs dans notre pays ? J'en doute fortement car la prolongation des dispositifs PTZ et Pinel ne peut suffire pour réussir la relance si nécessaire. Êtes-vous prête, madame la ministre déléguée, à prendre des mesures fortes, dès ce printemps, comme la création d'un crédit d'impôt transitoire à la primo-accession dans le neuf, cumulable avec le PTZ ? Cela permettrait une trentaine de milliers d'opérations supplémentaires.
Le coût de construction reste élevé. Toute la filière de la construction vous demande de reporter la réglementation environnementale 2020 – RE 2020. Allez-vous entendre cet appel ? Faute de disposer d'une étude d'impact multicritères partagée, l'estimation du coût de la RE 2020 reste à établir. Vous pourriez aussi accompagner cette réglementation avec un crédit d'impôt complémentaire ou majorer le dispositif Pinel pour les logements labellisés RE 2020 en faisant par exemple passer le taux de réduction d'impôt de 18 % à 27 %.
Madame la ministre déléguée, vous avez engagé une concertation au sujet d'Action logement, afin d'établir sa contribution au plan France relance. Cela doit permettre de dégager de nouveaux financements en faveur du soutien à l'amélioration et au développement de l'offre de logements. Les interventions d'Action logement doivent être poursuivies et encouragées. Des projets du programme Action coeur de ville sont aussi bien financés pour les entreprises sociales pour l'habitat – ESH – que pour les offices publics de l'habitat – OPH. Les plans d'investissement volontaire, les PIV, pour les démolitions hors Agence nationale pour la rénovation urbaine – ANRU – bénéficient aussi bien aux OPH qu'aux ESH. En revanche, seuls certains ESH d'Action logement bénéficient, en plus de ces financements, de recapitalisations importantes de la part d'Action logement qui, rappelons-le, perçoit l'impôt. N'y a-t-il pas là un risque de distorsion de concurrence ? Pouvez-vous garantir à nos territoires que la réforme envisagée bénéficiera bien à l'ensemble des acteurs, avec des mécanismes qui garantiront l'égalité de traitement de toutes les familles HLM – ESH, mais aussi OPH – et un accès équitable aux ressources issues de l'impôt ?
L'enjeu territorial est très important. Quelle est votre ambition en matière d'aménagement du territoire ? Nos territoires dits détendus ont-ils droit, eux aussi, à un avenir, à des constructions neuves, à des aides de l'État pour l'accession et pour l'investissement locatif ? La crise du logement est beaucoup plus forte dans les territoires détendus car les aides de l'État y sont moindres : inéligibilité au Pinel, quotité du PTZ divisée par deux pour 95 % du territoire français. Pourtant, le coût du foncier y est peu important et la qualité de vie très appréciable et plus adaptée à la crise sanitaire. Les Français sont nombreux à rêver d'habiter en maison, mais vous semblez condamner ce modèle en faisant un lien quasi automatique, dans vos interventions, entre la construction de maisons individuelles en zone détendue et l'artificialisation. Permettez-moi de vous dire que vous vous trompez. Je peux vous citer de nombreux exemples, dans ma circonscription, de lieux où des maisons individuelles ont été réalisées avec une densité parfois supérieure à des îlots de logements collectifs, où la construction de maisons individuelles s'est opérée sur des friches artisanales ou industrielles. Un modèle vertueux y est envisageable.
Madame la ministre déléguée, le groupe Les Républicains a des propositions pour relancer la construction, pour donner un avenir à tous les territoires, pour répondre aux attentes des Français. Êtes-vous prête non seulement à les écouter aujourd'hui, mais surtout à les reprendre demain à votre compte pour assurer enfin une vraie relance de la production de logements en France ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Je voudrais, au nom du groupe Mouvement démocrate et démocrates apparentés, remercier nos collègues du groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'avoir soulevé aujourd'hui, dans l'hémicycle, ce sujet essentiel. Nous sommes dans un moment comparable, toutes proportions gardées, aux années 1930 en Amérique : les choix que nous faisons aujourd'hui dessineront l'avenir de notre pays. C'est d'ailleurs l'ambition du plan de relance qui, comme l'a indiqué le Président de la République, vise à construire la France de 2030. Dans ce cadre, la politique immobilière est essentielle. Les secteurs du logement et de la construction sont par nature structurants pour nos villes, notre patrimoine et notre économie. En outre, le logement demeure le premier poste de dépense des ménages français. La crise que nous traversons et le plan de relance qui lui répond sont l'occasion de massifier les politiques menées depuis le début du quinquennat. Ainsi, 7,5 milliards d'euros seront alloués au seul secteur du bâtiment. Cette politique structurante doit répondre en même temps aux problèmes économiques et écologiques qui se dressent devant nous. En effet, nous devons construire davantage et maîtriser les coûts tout en limitant l'étalement urbain et en améliorant la qualité des logements.
Le premier constat est simple : nous ne construisons pas suffisamment. Il faudrait construire 500 000 logements par an ; or aujourd'hui, nous n'en construisons que 400 000, et encore, les meilleures années. Cela induit une forte tension sur le marché immobilier, qui affecte en premier lieu les plus fragiles, les 4 millions de mal-logés. Le Gouvernement a répondu à la crise par des mesures d'urgence, notamment l'ouverture de 21 000 places de mise à l'abri et la prolongation de la trêve hivernale des expulsions locatives. Nous vous en remercions, madame la ministre déléguée. Le manque de logements touche aussi massivement les classes moyennes. Beaucoup de Français sont poussés à habiter de plus en plus loin de leur lieu de travail, avec des conséquences économiques, sociales et environnementales négatives. Ce modèle n'est plus soutenable en 2021.
Le problème persiste malgré des moyens importants : nos voisins européens dépensent moins et construisent plus. La politique menée depuis plus de trente ans, qui se base sur les aides à la pierre, doit être remise en question. Les dispositifs fiscaux se sont enchaînés, depuis Périssol jusqu'à Pinel ; nous y consacrons 1,7 milliard d'euros par an, dont 80 % bénéficient aux 10 % des ménages les plus riches, sans répondre aux problèmes posés. De plus, ces dispositifs représentent souvent un effet d'aubaine qui concernerait jusqu'à 85 % des bénéficiaires. Nous avons développé une véritable addiction à ces dispositifs fiscaux. Il faut noter que le coût annuel, pour les finances publiques, d'un logement de 190 000 euros bénéficiant d'un avantage Pinel est trois fois plus élevé que celui d'un logement financé par un prêt locatif social – PLS. En outre, les dispositifs fiscaux subventionnent massivement l'étalement urbain que nous devons combattre. Il est indispensable de recentrer le PTZ et le dispositif Pinel sur nos priorités en matière d'aménagement du territoire : ils doivent être plus ciblés dans l'espace et dans le temps. Enfin, ces dispositifs doivent être utilisés comme de vrais outils d'aménagement, avec un pilotage fin et territorialisé, s'appuyant sur les élus locaux. À ce propos, pouvez-vous nous parler de l'expérimentation du Pinel breton ?
L'autre problème qu'il est essentiel de traiter pour répondre aux besoins, c'est la maîtrise des coûts du foncier. Je tiens ici à saluer le travail de mon collègue Jean-Luc Lagleize ; certaines propositions de son rapport, comme le renforcement des organismes de foncier solidaire, devraient être intégrées au projet de loi dit 4D – décentralisation, déconcentration, différenciation et décomplexification. Notre groupe salue également les dispositions sur les observatoires du foncier et de l'habitat dans les zones tendues. Ces outils permettront de répondre intelligemment à ce qui doit être une priorité absolue : la lutte contre l'étalement urbain. En effet, nous devons dépasser un modèle de développement urbain obsolète. Nous nous félicitons donc de la création du fonds de 300 millions d'euros pour les opérations de recyclage des friches urbaines et industrielles, que nous avions proposé. Nous saluons également le dispositif de 350 millions d'euros incitant les maires à limiter l'artificialisation et l'étalement urbain. L'autre grand défi sera de construire des logements plus efficaces écologiquement. Notre groupe soutient l'action forte du Gouvernement en ce sens.
Néanmoins, je souhaiterais vous alerter sur l'inquiétude du secteur quant à l'entrée en vigueur des normes RE 2020, prévue à l'été prochain. Les professionnels ont besoin d'être rassurés sur le changement de la règle de calcul du cycle de vie par rapport au label « bâtiments à énergie positive et réduction carbone » – E+C- – et sur les surcoûts engendrés par ces nouvelles dispositions.
Enfin, nous saluons la mobilisation de 2 milliards d'euros pour renforcer la rénovation énergétique, le dispositif MaPrimeRénov' et la simplification des critères d'éligibilité, tout comme la création de la dotation spéciale de 500 millions d'euros pour la rénovation du parc de logements sociaux.
Le groupe Mouvement démocrate et démocrates apparentés renouvelle donc son soutien à la politique du Gouvernement en matière de logement et vous remercie, madame la ministre déléguée, pour les réponses que vous apporterez à nos questions.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
Depuis 2017, le groupe Socialistes et apparentés vous alerte sur les conséquences néfastes de votre politique pour le secteur du logement en général et du logement social en particulier. Le compte du logement 2019 publié par votre ministère est édifiant à cet égard : si les dépenses liées au logement progressent en 2019, il ne faut pas nécessairement y voir un signe positif. En effet, les dépenses courantes que sont les loyers et les factures d'eau et d'électricité contribuent plus à la hausse des dépenses totales – 1,7 % – que les dépenses d'investissement.
Le logement continue à représenter plus de 26 % des dépenses des ménages ; c'est un vrai problème. Pour y faire face, les propriétaires emprunteurs ont pu, ces dernières années, bénéficier des taux parmi les plus favorables depuis les Trente Glorieuses. En même temps, la durée moyenne des emprunts a augmenté d'un an et demi pour passer à presque vingt et une années de remboursement. À l'autre bout du spectre, en revanche, le montant des aides au logement est à son niveau le plus bas depuis 2008 – 38,5 milliards d'euros – et il s'est encore dégradé de 10,4 % depuis 2016. Permettez-moi de m'interroger sur vos réformes que vous dites « de progrès » ! Vos choix sont d'autant plus néfastes que nous nous apprêtons à faire face à une dégradation de la situation économique et sociale des ménages due aux conséquences de l'épidémie de covid-19.
Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2021, je vous alertais sur l'insuffisante budgétisation des APL, en raison de cette situation, et sur le décrochage de la production des logements sociaux, bien en deçà des besoins de nos concitoyens. Là aussi, les chiffres de votre ministère parlent d'eux-mêmes : en 2017, 124 000 nouveaux logements sociaux ; en 2018, 113 000 ; en 2019, 109 000. Quant à 2020, vu le contexte, on peut craindre la poursuite de la dégradation.
En Île-de-France, alors que la demande ne fait que s'amplifier, seuls 72 000 des 720 000 demandeurs de logements sociaux, soit 10 %, ont pu entrer dans le parc social en 2019, ce qui représente un délai d'attente théorique de dix ans. Où est votre prétendu choc de l'offre ? Il en va de même pour le nombre de permis de construire délivrés au cours des douze derniers mois : 499 000 à l'entrée en fonction du Président de la République ; 429 000 à la veille du premier confinement ; 389 000 en fin d'année 2020. Même chose pour le soutien direct de l'État aux particuliers investisseurs : 13,6 % en 2017, 10,4 % en 2019. Il faut remonter à 2004 pour retrouver un niveau aussi bas.
Là encore, ce décrochage de la production de logements ne pourra avoir pour effets qu'un renchérissement du marché et des difficultés accrues pour nos concitoyens.
Il vous restait, pour compenser l'échec de vos autres choix en matière de logement, le domaine de la rénovation énergique. Nous saluons la création du dispositif MaPrimeRénov' et son succès, mais regrettons à nouveau qu'il ait fallu attendre deux ans avant que vous répondiez à notre demande en faveur d'un mécanisme d'aide ouvert à tous – occupants comme bailleurs, ménages modestes comme plus aisés – et à la charge administrative allégée. Nous déplorons en outre l'adoption d'une stratégie de rénovation à la découpe, alors que seule une approche de rénovation globale et performante des logements peut – à condition bien sûr d'y mettre les moyens – nous permettre d'atteindre la neutralité carbone en 2050, comme le prévoit la loi relative à l'énergie et au climat.
Madame la ministre déléguée, nous arrivons à un moment clef du quinquennat : notre économie a besoin d'un rebond exceptionnel, et le logement en constitue un des principaux moteurs. Je vous invite à vous inspirer de notre proposition de loi portant création d'une prime pour le climat et de lutte contre la précarité énergétique, qui prévoit des mesures de nature à lever tous les freins au déclenchement des travaux : accompagnement des familles, démarche de rénovation globale et performante du logement, simplicité par un système de subventions forfaitaires et reste à charge remboursé à la mutation du bien – vente ou succession.
Quelles mesures supplémentaires comptez-vous prendre pour stimuler la production de logements, notamment de logements sociaux et abordables – j'insiste sur ce dernier point, car le PLS répond rarement aux besoins des métropoles ? Quelles mesures comptez-vous prendre pour renforcer l'ambition du dispositif MaPrimeRénov' afin d'atteindre les objectifs définis par votre majorité dans la loi relative à l'énergie et au climat ?
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR.
Nous débattons aujourd'hui de la politique du logement – une question source de nombreuses préoccupations pour nos concitoyens, en particulier dans le contexte sanitaire et économique que traverse notre pays. La crise sanitaire et les différents confinements ont exacerbé les difficultés de logement des Français. Nous mesurons toutes ces souffrances économiques, sanitaires et psychologiques. La mobilisation de tous les acteurs du secteur du logement a permis de tenir, mais la crise sera longue et ses effets restent à venir. Au-delà de l'urgence qui nous préoccupe, ce débat est aussi l'opportunité de dresser un premier bilan de la politique du logement depuis le début du quinquennat.
Notons le chemin parcouru et les actions prises pour lutter contre le mal-logement. Deux ans après l'adoption de la loi ELAN, nous avons amélioré la lutte contre les marchands de sommeil en renforçant les sanctions pénales à leur encontre. Les premières sanctions sont désormais appliquées. Grâce aux dispositifs nouvellement créés, il est désormais possible d'assurer la confiscation des biens de ceux qui se rendraient coupables de l'infraction de soumission à des conditions d'hébergement incompatibles avec la dignité humaine. C'est là le fruit d'un travail transpartisan, puisque mon collègue Stéphane Peu et moi-même avions défendu par voie d'amendement ce projet, qui a été voté par tous.
La crise économique et sanitaire nous confronte à de nouveaux problèmes de logement. Le confinement a exacerbé, je le disais, les difficultés liées au mal-logement – petites surfaces, surendettement, précarité énergétique, surpopulation. Je soulignerai en particulier les nombreuses difficultés rencontrées par les jeunes, étudiants, apprentis ou jeunes actifs, qui se trouvent plongés dans des situations très précaires et subissent la crise de plein fouet, puisqu'ils ne peuvent plus compter sur un travail saisonnier ou sur un job étudiant pour payer leur loyer. La décision du Gouvernement d'apporter une aide au logement exceptionnelle de 150 euros aux étudiants boursiers et aux jeunes bénéficiant des APL est une excellente nouvelle. Nous soutenons cette mesure. Il faut continuer en ce sens.
Ces difficultés concernent aussi les entreprises et les commerçants contraints de fermer leurs établissements depuis plusieurs mois. Le Gouvernement a déployé des aides sans précédent pour les soutenir : au fonds de solidarité et aux PGE s'est ajouté un crédit d'impôt à destination des bailleurs qui renoncent à un mois de loyer dû par des entreprises de moins de 5 000 salariés fermées administrativement ou appartenant au secteur de l'hôtellerie, des cafés ou de la restauration. Il y a là un effort collectif de solidarité, auquel chacun doit prendre sa part.
Face à une crise qui dure et à une urgence plus pressante, nous pouvons, me semble-t-il, réfléchir à de nouvelles solutions et à des partenariats entre l'État et les collectivités locales. Les villes, les départements et les régions peuvent aussi soutenir des initiatives. J'ai par exemple proposé que la ville de Paris crée un fonds de garantie des loyers, qui serait abondé par l'État. Dans une ville où le logement est particulièrement cher, la situation est devenue inextricable pour de nombreux habitants. Il s'agit donc de protéger les plus précaires tout en préservant les droits des propriétaires. Le département de la Seine-Saint-Denis a déjà créé un fonds d'urgence exceptionnel pour éviter le risque d'endettement locatif d'une partie de la population. Paris et d'autres collectivités françaises peuvent s'inspirer de cette solution.
Comment l'État pourrait-il davantage encourager et apporter son concours à des initiatives locales ? J'insiste sur le fait que le logement constitue un levier puissant de relance et de transformation de notre pays. Il s'agit d'un des secteurs les plus fortement soutenus par le Gouvernement. Ce sont ainsi près de 7 milliards d'euros qui sont consacrés à la rénovation énergétique dans le cadre du plan de relance, dont 2 milliards supplémentaires au cours des exercices 2021-2022 pour le dispositif MaPrimeRénov'.
La nouvelle mouture de ce dispositif, élargi et ouvert à tous les propriétaires, est disponible depuis cette semaine. Un palier important est ainsi franchi dans la massification de la rénovation énergétique des logements privés. Il s'agit là d'un effort considérable pour accompagner nos concitoyens dans une démarche écologique accessible à tous, qui doit nous permettre – c'est primordial – d'atteindre nos objectifs de diminution des émissions de gaz à effet de serre et de lutter contre la précarité énergétique, en aidant de nombreux Français à faire des économies d'énergie.
Le futur projet de loi destiné à consacrer les propositions de la convention citoyenne pour le climat nous permettra d'aller encore plus loin. Nous pourrons ainsi avancer davantage sur la question des passoires thermiques et de leur fin progressive. L'action du Gouvernement en la matière a été déterminante.
Dans un contexte sanitaire et économique bien difficile, nous ne pouvons que saluer l'accent mis sur la relance du secteur du logement – une relance qui favorisera l'écologie en la rendant accessible à tous, sans oublier évidemment l'accession sociale à la propriété, qui nous tient à coeur.
J'en termine : madame la ministre déléguée, vous pourrez compter sur le groupe Agir ensemble pour soutenir votre travail et vos efforts en la matière.
Alors que nous subissons de plein fouet une crise sanitaire, économique et humaine sans précédent, la question du logement, secteur clef de notre société, doit être examinée avec une acuité toute particulière.
Comment, dès lors, ne pas commencer mon propos par l'enjeu de plus en plus prégnant du non-logement ? À Paris, comme dans les grandes métropoles en général, de nouveaux visages, de tous âges, ne cessent d'apparaître et de s'installer durablement sur les trottoirs et dans les stations de métro. Les chiffres confirment, hélas, cette catastrophe humaine, puisque, selon la Fondation Abbé Pierre, le nombre de personnes sans domicile fixe en France a doublé depuis 2012. La crise ne fera que renforcer ce constat alarmant.
Or le nombre de logements sociaux n'est pas à la hauteur, tant s'en faut. Plusieurs raisons à cela : un taux de rotation qui s'est fortement affaibli ces dernières années et un système qui s'est engorgé ; une augmentation du coût des logements ; des communes qui ne respectent pas les quotas imposés depuis la loi SRU ; des élections municipales et une crise sanitaire qui ont freiné les nouveaux investissements.
Certes, nous sommes conscients que le Gouvernement ne reste pas inactif face à cette situation, comme en témoigne la dernière loi de finances, qui met notamment l'accent sur le soutien à l'hébergement d'urgence. Ce dont nous avons besoin, toutefois, c'est d'une politique de long terme, c'est-à-dire d'une politique solide reposant sur des visions partagées et des dispositifs pérennes.
Dès lors, j'avoue que les membres du groupe UDI et indépendants s'interrogent sur vos choix et sur vos méthodes, qui ne semblent pas de nature à éclaircir l'avenir du logement social. Je songe à la contemporanéité des APL, intervenue trop tardivement, d'autant que les économies réalisées risquent d'être restreintes du fait de la crise, mais aussi à la nouvelle ponction de 1 milliard d'euros imposée à Action Logement en 2021 pour financer les APL – ou comment saper l'acteur majeur du logement social en France ! – , et à votre manière de menacer de sanctions financières et administratives les élus locaux qui ne respectent pas les quotas de logements sociaux.
Ce raidissement est-il opportun ? Ne pensez-vous pas plutôt qu'il est urgent de renouer le dialogue avec les communes carencées et de remettre l'ensemble des acteurs autour de la table ? Le groupe UDI et indépendants saisit cette occasion pour vous rappeler combien la décentralisation de la politique du logement nous tient à coeur. Comment comptez-vous procéder pour oeuvrer en ce sens ?
J'en viens à présent à la question du mal-logement. Là aussi, la tâche est énorme : près d'une habitation sur cinq, et la moitié des logements locatifs, peuvent être considérés comme des passoires thermiques. Or, quels sont ceux qui vivent dans les logements les plus énergivores ? Ce sont les plus précaires de nos concitoyens, qui subissent encore une fois une double peine !
Là non plus, les mesures qui sont prises ne semblent pas suffisantes pour pallier le retard accumulé en matière de rénovation énergétique : il y a encore un gouffre entre les estimations des experts et les fonds déployés. Par exemple, selon l'initiative Rénovons ! , il faudrait consacrer 3,2 milliards d'euros par an à la seule rénovation des passoires thermiques pendant vingt ans pour atteindre nos objectifs. Or, vous prévoyez seulement, dans le cadre du plan de relance – soit pendant deux ans – , 2 milliards d'euros pour aider les particuliers à rénover leur logement et 500 millions pour la rénovation lourde des logements sociaux.
Par ailleurs, le décret publié ce mercredi et visant à ce que les logements de catégorie G ne puissent plus être proposés à la location dès 2023 n'est pas fait pour nous rassurer, puisqu'il ne concerne que 4 % des passoires thermiques. À ce rythme, il ne sera pas mis fin aux logements énergivores avant 2040, au plus tôt. Que devons-nous comprendre, alors que l'ambition du projet de loi issu des travaux de la convention citoyenne sur le climat semble être de mettre un terme à la location de ces logements d'ici à 2028 ?
J'aborderai pour finir la question du logement neuf, qui est actuellement bien à la peine. L'instabilité des mesures en la matière représente un frein dénoncé de longue date par les différents acteurs. Pourquoi, dès lors, prônez-vous la simplification tout en persistant à prendre tout le monde de court par de nouvelles mesures ? J'évoquerai deux exemples récents : la décision d'interdire, d'ici à l'été 2021, la construction de maisons neuves équipées de chaudières à gaz et l'arrêté du 11 septembre dernier imposant des douches à l'italienne dans les logements neufs.
Que pouvons-nous espérer du pacte national pour la relance de la construction durable que vous avez signé ? Quand mettrez-vous définitivement un terme à une politique de l'à-coup incompatible avec la relance du secteur ?
Un logement digne, c'est le rêve de tout être humain aspirant à s'épanouir. Malheureusement, ce rêve est inaccessible pour beaucoup. Madame la ministre déléguée, votre politique du logement est mauvaise. J'en veux pour preuve le fait que l'aide à l'accès au logement a diminué de 2 milliards d'euros entre 2018 et 2020. Dans le projet de loi de finances pour 2021, l'action « Lutte contre l'habitat indigne » accusait une baisse de 6,23 %. Le scandale des APL permettra cette année à l'État de réaliser une nouvelle économie de près de 2 milliards d'euros. La simplification des réglementations et la réduction à 20 % des quotas de logements accessibles aux personnes handicapées, dans le cadre de la loi ELAN, démontrent que vous facilitez l'investissement privé, précarisez les locataires et abandonnez le logement social. En quatre ans, ce sont plus de 170 000 logements qui ne sont pas sortis de terre : le choc de l'offre promis par le candidat Macron n'a malheureusement pas eu lieu. La Caisse des dépôts et consignations elle-même prévoit une baisse de la production de logements sociaux d'ici à 2035, alors que 2 millions de ménages attendent d'en obtenir un.
La situation est encore plus catastrophique outre-mer. À La Réunion, par exemple, la Fondation Abbé Pierre estime à plus de 100 000 le nombre de personnes touchées par le mal-logement. Elle comptabilise près de 30 000 demandes de logements sociaux par an, pour seulement 7 000 attributions, soit à peine un quart des besoins couverts. Près de 20 000 logements indignes ont été repérés. Pour finir, 700 personnes sans abri ont malheureusement été identifiées sur le territoire. Je passe sur les moyens largement insuffisants consacrés à la rénovation thermique et sur le caractère inégalitaire du périmètre du dispositif MaPrimeRénov' – une prime d'un montant de 20 000 euros, élargie à tous les propriétaires occupants, aux propriétaires bailleurs et aux copropriétaires, alors qu'elle aurait dû bénéficier surtout aux plus pauvres.
Le mal-logement a de graves conséquences sur la santé. Il entraîne des drames dans les familles en raison du surpeuplement ; il est à l'origine de difficultés scolaires pour les enfants et il met à mal la cohésion sociale dans les quartiers. Comprenez qu'il y a urgence, madame la ministre déléguée. À cause de la crise sanitaire, beaucoup de ménages ont vu leurs revenus baisser.
Après les trêves hivernales et cycloniques, on risque d'assister à une forte augmentation des expulsions, c'est pourquoi la demande, formulée par la Fondation Abbé-Pierre, de créer un fonds doté de 200 millions d'euros afin de résorber cette dette locative, dans l'intérêt des locataires mais aussi des propriétaires, me semble tout à fait légitime.
Le ministre des outre-mer a dit et répété que des fonds existaient mais n'étaient pas utilisés. Soit. Mais qu'a-t-il fait pour améliorer la situation ? Face à l'urgence de la situation, comment compte-t-il mobiliser tous les acteurs ? Comment identifier les zones tendues, en particulier dans les territoires ultramarins, de façon à appliquer la taxe sur les logements vacants et à permettre aux collectivités concernées, et qui le souhaitent, d'expérimenter l'encadrement des loyers ?
De même, concernant les dispositions prévues par la loi Letchimy, comment aller plus loin et permettre la régularisation foncière pour les ménages en indivision ? Cela permettrait à ces derniers de bénéficier de différents outils d'amélioration de l'habitat auxquels ils ne peuvent accéder aujourd'hui.
Rappelons-le, résoudre le problème du logement, c'est aussi participer à la relance économique de notre pays en donnant du travail aux entreprises et aux salariés.
En conclusion, madame la ministre déléguée, êtes-vous favorable à un grand plan logement, consistant à construire chaque année, pendant cinq ans, 200 000 logements publics respectant les normes écologiques et 15 000 logements sociaux étudiants ; à favoriser l'accès au logement en instaurant – conformément à ce que défend la Confédération nationale du logement – une garantie universelle des loyers, grâce à une caisse de solidarité alimentée par les bailleurs sociaux ; à lancer un plan d'éradication du logement insalubre, de renouvellement urbain et de construction de logements sociaux en renforçant les sanctions à l'encontre des communes trop faiblement dotées en parc social ; à promouvoir, enfin, le retour des gardiens d'immeuble dans le parc social, en valorisant leur rôle dans le maintien de la qualité de vie et du lien social ?
Certains territoires souffrent plus particulièrement de la crise du logement. C'est le cas par exemple de la Corse où les loyers dans le parc locatif privé sont parmi les plus élevés de France, où le nombre de logements sociaux est très insuffisant et où le gouffre entre le prix de l'immobilier et le revenu moyen ne cesse de se creuser. Les caractéristiques structurelles de notre île, la pression importante du tourisme et la spéculation immobilière expliquent en grande partie ces difficultés.
Force est de constater toutefois que la politique menée par ce Gouvernement depuis le début du quinquennat n'aide pas à y remédier. Le parc de logements est très insuffisant dans certaines zones tendues. Pourtant, loin d'inciter à la relance de la construction, les restrictions budgétaires, votées loi de finances après loi de finances, ont ébranlé la confiance des acteurs du secteur. Les chiffres sont éloquents : le nombre de permis de construire délivrés n'a cessé de fléchir pour tomber à moins de 400 000 par an contre près de 500 000 en 2017. La crise sanitaire et les élections municipales ne peuvent être tenues pour seules responsables.
Un ensemble de décisions portant atteinte aux outils d'accession à la propriété sont à l'origine de ces mauvais résultats. Je pense à la suppression de l'APL accession en 2017 mais aussi à la réduction de la quotité du prêt à taux zéro dans les zones B et C. De même, les nombreuses tergiversations autour du dispositif Pinel, finalement prorogé jusqu'au 31 décembre 2022 puis reconduit pour les années 2023 et 2024 avec des taux de réduction d'impôts dégressifs, ont contribué à alimenter la défiance du secteur.
Les chiffres de la construction dans le parc social ont suivi la même dynamique. Comment aurait-il pu en être autrement alors que vous vous êtes attaqués aux finances des organismes HLM ? La baisse du montant des APL et la réduction de loyer de solidarité – RLS – , bien que tempérées par le pacte d'investissement, pèsent ainsi, à hauteur de 1,3 milliard d'euros, sur les finances des bailleurs sociaux, sans compter la hausse de la TVA sur la construction de logements sociaux, dont le taux est passé de 5,5 à 10 %. Il en va de même pour Action logement, de nouveau mis à contribution avec 1 milliard d'euros ponctionnés dans ses réserves. Si la situation financière du groupe semble lui permettre à court terme de supporter ce prélèvement, il est à craindre que, sur le long terme, elle porte préjudice à sa capacité à construire et à financer des logements sociaux et intermédiaires.
Une illustration du manque de logements est le taux de rotation dans le parcours résidentiel qui n'a jamais été aussi faible. Il est passé de 10,3 % en 2011 à probablement moins de 8 % en 2020. Cet engorgement prive près de 300 000 personnes sans domicile d'un logement durable, la majorité étant condamnée à résider dans des hôtels ou foyers éternellement saturés. Le plan de relance était une occasion unique de se saisir de la question de la construction du neuf et de faire enfin suite à la promesse du candidat Emmanuel Macron de produire un choc de l'offre. À mon grand regret, vous avez préféré rester muets sur la question au risque de nous exposer durablement à une pénurie de logements.
Je serai moins sévère concernant la rénovation énergétique des bâtiments, susceptible de procurer des bénéfices environnementaux, économiques et sociaux en contribuant à la réduction de la précarité énergétique et à la création d'emplois non délocalisables. Des avancées notables ont été réalisées depuis l'année dernière avec l'extension du dispositif MaPrimeRénov' aux propriétaires bailleurs, aux ménages des neuvième et dixième déciles et aux copropriétés.
Je suis cependant plus sceptique s'agissant des moyens déployés. La hausse des crédits prévue dans le plan de relance permettra à peine de revenir au niveau d'investissement public atteint en 2018 par le crédit d'impôt transition énergétique. Nous redoutons également que les acteurs de la rénovation énergétique tardent à se mettre en mouvement par crainte de l'instabilité des aides, les 2 milliards d'euros additionnels n'étant prévus que pour deux ans.
D'autres mesures importantes restent en outre à arbitrer. Il est en particulier nécessaire d'inciter à rénover globalement les bâtiments et de ne plus se contenter d'actes isolés dont l'efficacité est limitée. À cette fin, il devient urgent de définir un seuil de rénovation globale. Espérons que ces questions seront tranchées rapidement dans le cadre du projet de loi issu des conclusions de la convention citoyenne sur le climat. Vous ne pourrez toutefois pas vous contenter de miser sur la rénovation énergétique pour garantir à tous l'accès à un logement digne. Il devient en effet urgent de sortir le logement de l'impasse et d'inciter, à travers une politique ambitieuse, à la construction de logements.
J'aimerais commencer par remercier les députés du groupe GDR d'avoir mis la politique du logement à l'ordre du jour de cette assemblée car je partage leur point de vue concernant l'importance et le caractère extrêmement central de cette politique. J'aimerais remercier tous les orateurs qui ont fait part de leur sentiment et parfois de leurs interpellations sur ce sujet et souhaiter un bon rétablissement à Stéphane Peu. J'aimerais aussi remercier les orateurs de la majorité pour le soutien qu'ils ont exprimé à la politique du logement du Gouvernement.
Si nous connaissons tous la formule de Pierre Mendès France selon laquelle « gouverner, c'est choisir », j'aimerais rappeler la paraphrase d'un autre de vos collègues, tout aussi illustre, Henri Grouès, que nous connaissons tous sous le nom d'Abbé Pierre, et qui disait plutôt : « Gouverner c'est d'abord loger son peuple. »
C'est vrai, le logement est au coeur des préoccupations de nos concitoyens. C'est, avec l'emploi et la santé, l'un des trois grands piliers qui permettent à chacun de construire sa vie et son avenir. C'est en effet un sujet éminemment politique. Il concerne tout le monde, répond à des besoins humains essentiels et cristallise différentes visions de la société et du vivre ensemble. Ma volonté profonde est de mettre le logement dans le débat politique parce qu'il est au carrefour de nos politiques sociales, économiques et écologiques.
Je souhaite donc vous exposer les trois priorités qui animent mon action à la tête de ce ministère, un ministère de plein exercice – même s'il est rattaché au ministère de la transition écologique car celle-ci représente un des enjeux du logement – , ces priorités ayant été élaborées après des discussions approfondies avec toutes les parties prenantes.
Ma priorité est de mettre en oeuvre une politique d'accès au logement plus juste et plus solidaire. Le fondement de cette politique est le développement d'une offre de logement abordable, en premier lieu s'agissant du logement social, auquel plus de 70 % de nos concitoyens sont éligibles.
La crise sanitaire et le renouvellement des exécutifs municipaux ont fait de 2020 une année décevante en matière de construction en général – j'y reviendrai – et en matière de logement social en particulier, avec moins de 90 000 logements sociaux agréés cette année. Il nous faut rattraper ce retard.
Je souhaite faire de 2021 et 2022 des années de mobilisation générale pour la construction et l'agrément de logement social en allant nettement au-delà de l'objectif annuel de 110 000 logements sociaux que nous nous étions fixé jusqu'à présent. J'échange sur ce sujet avec l'USH, l'Union sociale de l'habitat, et avec Action logement. Je prendrai rapidement avec ces structures une initiative commune pour rattraper le retard accumulé et nous redonner les logements sociaux dont nous avons besoin.
Pour atteindre cet objectif, la loi SRU est indispensable. Le bilan de la période triennale 2017-2019 que nous venons de réaliser montre trois choses : tout d'abord, cette loi est un levier puissant de construction et de rééquilibrage de l'offre de logement social. En vingt ans, nous devons à la loi SRU près de 900 000 logements sociaux. L'État sait être exigeant sur son application en faisant preuve de fermeté à l'encontre des collectivités qui ne satisfont pas les critères : plus de 50 % des communes concernées – un taux record – ont été déclarées en état de carence. Beaucoup de communes sont encore loin d'atteindre le taux cible. Si l'objectif global est atteint, c'est grâce au volontarisme d'autres communes.
Cette mobilisation générale pour le logement social doit donc s'appuyer sur la prolongation au-delà de 2025 des objectifs et de la mécanique de la loi SRU. Il nous faut en effet assurer la persistance de ce levier fondamental pour l'accès au logement abordable. J'ai sollicité la commission SRU présidée par un élu, dans laquelle siègent les organismes de logement social mais aussi des représentants de différents niveaux de collectivités territoriales, pour me faire des propositions. J'aimerais donc vous rassurer : le dialogue avec les élus sur ce sujet est ouvert. Cette prorogation permettra ainsi d'atteindre des objectifs ambitieux tout en respectant les contraintes des élus.
Je souhaite en parallèle mener une politique plus ambitieuse en matière de mixité sociale, notamment dans les attributions de logements sociaux, car c'est la clé de notre cohésion et du vivre ensemble. Nous devons rendre plus justes les modalités d'attribution des logements sociaux et apporter une réponse concrète au besoin d'accès au logement des travailleurs clés de la nation : les personnels hospitaliers et enseignants mais aussi les acteurs privés comme les caissières ou les éboueurs. J'ai demandé au Conseil national de l'habitat de faire des propositions à ce sujet dans la perspective d'une future loi.
Outre le parc de logements existants, l'accès au logement juste et solidaire passe aussi évidemment par les aides au logement, l'APL, dispositif essentiel pour aider les Français à payer leur loyer. L'État sera au rendez-vous du financement des aides au logement en 2021 avec un budget de 15,7 milliards d'euros, conforté de 500 millions d'euros supplémentaires en loi de finances initiale. La réforme de l'APL en temps réel est effective depuis le 1er janvier. C'est une réforme de justice sociale qui permet une vraie modernisation de notre système de protection sociale en prenant en compte dans le calcul des aides les derniers revenus connus à un moment où ces revenus baissent ou sont fragilisés par la crise sanitaire et économique.
Cet accès au logement plus juste et plus solidaire passe aussi par l'amélioration des rapports entre les propriétaires et les locataires et notamment par la prévention des expulsions. Alors que la crise sanitaire a accentué la fragilité économique de certains de nos concitoyens, j'ai mis en place à la fin de l'année dernière un observatoire des loyers impayés destiné à évaluer l'ampleur du problème. D'après les premières observations, qu'elles viennent des bailleurs privés ou sociaux, on ne constate pas d'explosion des impayés de loyer mais nous devons rester extrêmement vigilants et soutenir les solutions locales, comme celles qui ont été citées par certains d'entre vous. Le député Nicolas Démoulin a également été missionné par le Gouvernement pour faire des propositions sur ce sujet et plus globalement sur la prévention des expulsions locatives.
Enfin la lutte contre l'habitat indigne doit également être poursuivie et renforcée.
Cette politique du logement juste et solidaire passe depuis 2017 par un nouveau plan ambitieux pour nos compatriotes les plus précaires : le logement d'abord. Ce plan a permis de sortir plus de 150 000 personnes de la rue ou de l'hébergement d'urgence depuis le début du quinquennat pour leur donner accès à un logement décent. Faisant du logement le point de départ de l'accès aux droits, à la santé, à l'emploi et à la réinsertion, il vise à redonner de la dignité et à soutenir les plus fragiles pour faire société. En cette période de crise sanitaire, nous mettons par ailleurs à l'abri les personnes en danger. En 2020, nous avons mobilisé près de 200 000 places d'hébergement d'urgence. J'aimerais saluer la réactivité maximale dont ont fait preuve les services de l'État et les associations lors des deux confinements.
Ma deuxième priorité ministérielle concerne la rénovation des logements, qui connaît un effort sans précédent. Car le logement est aussi, je l'ai dit, un enjeu écologique. Notre pays compte 4,8 millions de passoires énergétiques qui coûtent très cher à nos compatriotes et sont sources d'émissions de carbone. Or la période hivernale nous rappelle bien sûr les enjeux liés à la précarité énergétique. Plus globalement, la rénovation thermique des bâtiments est au coeur de notre stratégie.
Dans le cadre du plan de relance, le Gouvernement a mobilisé plus de 7 milliards d'euros pour la rénovation énergétique, dont 2 milliards consacrés aux logements privés. Cela représente, pour la seule rénovation des logements privés, une enveloppe globale annuelle de 2,3 milliards d'euros de crédits budgétaires, complétés par environ 2 milliards de certificats d'économie d'énergie. Nous avons également mobilisé 500 millions d'euros pour le parc social et 4 milliards pour les bâtiments publics, qu'il s'agisse de bâtiments appartenant à l'État ou à des collectivités territoriales.
L'aide aux particuliers MaPrimeRénov' est désormais accessible à tous les propriétaires – qu'ils occupent leur logement ou qu'ils soient bailleurs, qu'ils résident en maison individuelle ou en copropriété – , avec des forfaits modulés en fonction des niveaux de revenus pour aider davantage ceux qui en ont le plus besoin. En 2020, en dépit du confinement, 190 000 primes ont été sollicitées, ce qui constitue une réussite indéniable. Nous nous fixons comme objectif pour 2021 de financer entre 400 000 et 500 000 nouvelles rénovations via ce dispositif.
Nous devons également réussir à massifier la rénovation énergétique des passoires thermiques en allant vers plus de rénovation globale et en apportant à tous les Français des solutions d'accompagnement et de financement du reste à charge. Avec Bruno Le Maire, nous venons de missionner Olivier Sichel, directeur général délégué de la Caisse des dépôts et consignations, pour travailler avec l'ensemble des parties prenantes des secteurs public et privé afin de concevoir et de déployer de nouvelles offres de rénovation globale des passoires thermiques.
La promotion de la construction durable et de nouveaux modèles d'aménagement constitue ma troisième et dernière priorité. Soyez donc rassurés : je ne parle pas uniquement de rénovation des bâtiments, mais aussi de constructions neuves. Je reconnais bien volontiers que nous avons besoin de construire plus en France. Je souhaite soutenir la relance de la construction neuve car nous avons besoin de davantage de logements. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : on observe pour l'année 2020, par rapport à 2019, 20 000 mises en chantier de moins et 50 000 permis de construire délivrés en moins.
Pour soutenir la construction, nous avons besoin d'investisseurs et de bailleurs. Nous avons choisi de leur donner de la visibilité et de la stabilité en prolongeant en loi de finances pour 2021 la durée des deux principales aides fiscales : le prêt à taux zéro d'un côté et le dispositif Pinel de l'autre. Cela n'empêche pas de travailler sur le sujet des zonages, à la fois en dressant le bilan de l'expérimentation en Bretagne et en proposant quelques ajustements à la marge. Nous avons ainsi besoin de bailleurs particuliers, dans leur mission de mise en location de logements, et de bailleurs institutionnels qui, fort heureusement, reviennent sur le marché du logement.
Pour construire bien et plus, nous devons utiliser le foncier efficacement en favorisant la densification. Le Gouvernement mobilise ainsi 650 millions d'euros, dans le cadre du plan de relance, pour agir en faveur de la viabilisation des friches et de la densification urbaine.
Le 13 novembre dernier, avec les associations de collectivités territoriales et les professionnels de la construction, nous avons signé un pacte pour la relance de la construction durable qui porte sur deux grands axes d'engagement : simplifier et accélérer les procédures d'urbanisme pour soutenir la construction en 2021 grâce à la dématérialisation, et accompagner l'émergence de projets durables de construction en promouvant la sobriété foncière et la qualité des logements et du cadre de vie. Il s'agit d'un acte politique fort et les maires doivent être au rendez-vous pour y répondre, signer les permis de construire et permettre la réalisation des opérations immobilières.
Je veux enfin que nous nous projetions dans la durée. La crise sanitaire a fait émerger une demande pressante en faveur de logements de qualité. C'est pour cela que nous engageons une forte décarbonation du secteur, en déployant des normes environnementales de construction ambitieuses à travers la future réglementation RE2020. Là aussi, j'aimerais vous rassurer : les discussions sont en cours avec les différentes filières industrielles pour trouver un point d'équilibre entre l'accompagnement de notre trajectoire carbone et le soutien à la construction.
Cette demande forte de nos concitoyens a également renforcé l'aspiration à la maison individuelle, difficilement compatible avec la lutte contre l'artificialisation des sols. Il est possible de dépasser cette contradiction, ce qui suppose de réinventer notre politique d'aménagement du territoire et la façon d'habiter en France sous différentes formes. J'ai engagé un travail en ce sens avec l'ensemble des acteurs – architectes, urbanistes, aménageurs, promoteurs, constructeurs – pour proposer plusieurs modèles.
À la fois sociale, économique et écologique, la politique du logement conduite par le Gouvernement nous enthousiasme et nous oblige. Elle nous enthousiasme parce qu'elle concerne la vie quotidienne des Français ; elle nous oblige parce que leurs attentes sont fortes et légitimes. Je mets chaque jour toute mon énergie et celle des équipes du ministère à les satisfaire, et je suis maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.
De plus en plus, les outre-mer se caractérisent par des configurations sociales, économiques et constitutionnelles multiples, et les politiques publiques sont de plus en plus marquées par le sceau de la différenciation. À vrai dire, ce que nous continuerons surtout à partager, c'est l'ampleur des attentes et des besoins. Aussi, on est pris d'une sorte de vertige en constatant que le ministère des outre-mer est appelé à restituer, chaque année, des crédits pourtant votés et inscrits dans la LBU, la ligne budgétaire unique, mais non consommés faute de mises en chantier.
La restitution, cette année encore, de 75 millions d'euros – alors que la demande de logements sociaux est si grande et que l'habitat insalubre est toujours une réalité pour tant de nos compatriotes – devient choquante et incite à mettre un terme à cette mauvaise série. Les principales raisons de cette sous-consommation sont identifiées : déficit d'ingénierie publique et de foncier aménagé, difficultés financières des collectivités, appels d'offres infructueux et, en 2018, suppression par le Gouvernement de l'allocation logement accession.
Le plan logement 2020-2022 a toujours pour objectif de construire ou de réhabiliter, chaque année, 10 000 logements dans les territoires ultramarins. Mais il risque de connaître le même résultat mitigé que son prédécesseur si les choses demeurent en l'état.
Je vous soumets donc trois questions. Tout d'abord, le redéploiement des autorisations d'engagement restées sans suite vers de nouvelles opérations est-il à l'étude en vue, par exemple, d'aménager le foncier ? Il semblerait que, si ce n'est la direction du budget, rien dans les textes ne s'y oppose. Ensuite, le coût plus élevé outre-mer des matériaux de construction étant rédhibitoire – et pouvant même bloquer des projets – , le deuxième PLOM – plan logement outre-mer – a prévu de faciliter des solutions de mutualisation en faveur des achats groupés. Cette résolution a-t-elle commencé à être mise en oeuvre et intègre-t-elle également des matériaux locaux ou provenant de l'environnement régional ? Enfin, la réhabilitation des logements est désormais un chantier en soi et doit intégrer les nouvelles exigences environnementales. Des moyens financiers ne devraient-ils pas être affectés pour la structuration d'une filière dédiée ? La sous-consommation des crédits de la LBU n'est pas une fatalité : je rappelle que la Réunion a connu, au mitan des années 1980, un âge d'or du logement social.
En outre-mer, le Gouvernement accompagne les projets de construction et de réhabilitation des logements via la LBU, qui intervient en complément des dispositifs fiscaux. Les crédits pour 2020 ont été intégralement consommés – 215 millions d'euros en autorisations d'engagement et 178 millions en crédits de paiement. Plusieurs raisons expliquent cette consommation intégrale : le plan logement outre-mer 2019-2022, salué par la Cour des comptes tant pour la méthode que pour son contenu, a créé une dynamique forte. Ce budget a fait l'objet d'un pilotage fin et les territoires ont été accompagnés au plus près de leurs besoins. À titre d'exemple, les crédits de la Réunion ont été réabondés en fin d'année et, malgré la crise sanitaire, les territoires sont restés dynamiques. Nous pouvons nous en féliciter.
Le niveau de consommation augmente dans presque tous les territoires et départements d'outre-mer. Les engagements progressent ainsi très fortement à la Réunion : les mandatements ont augmenté de 6,7 millions d'euros, pour atteindre un total de 56,7 millions d'euros. Ces augmentations constituent une très bonne nouvelle. En effet, la satisfaction des besoins de nos concitoyens ultramarins ne tient pas tant aux moyens financiers que l'État est prêt à mettre en place qu'à la capacité des territoires à les mobiliser.
Il faut effectivement des maîtres d'ouvrage pour les entreprises du BTP et des collectivités qui planifient le développement de l'action et instruisent les permis de construire. Pour mieux les accompagner, la LBU augmente de 18 millions en 2021 pour s'établir à 224 millions d'euros. Cette action sera complétée par des crédits du plan de relance sur les deux prochaines années, puisque 30 millions d'euros seront consacrés au secteur du logement dans les outre-mer.
Année après année, le besoin de logements abordables en zones tendues est toujours critique ; c'est le cas en Île-de-France. Votée en 2018, la loi ELAN a pour objectif d'améliorer la situation en assouplissant la législation, notamment par la simplification des procédures d'aménagement, la multiplication des opérations de revitalisation des territoires, mais aussi en facilitant la transformation des bureaux en logements. Toutefois, ces mesures ont été pensées avant la crise sanitaire qui, tout en constituant un accélérateur de changement, éveille aussi d'autres aspirations chez nos concitoyens comme le télétravail – qui s'installera dans nos habitudes – ou la demande d'espaces verts et de respiration qui émerge dans toutes les zones denses.
C'est le cas dans ma circonscription des Hauts-de-Seine, qui inclut le quartier de Paris la Défense, où je ne peux que constater ces deux phénomènes : d'une part, des milliers de mètres carrés de bureaux risquent de rester vides ; d'autre part, les habitants n'en peuvent plus de voir leur quartier se densifier comme au Faubourg de l'Arche, où des immeubles de onze étages sont encore en projet.
Madame la ministre, ma question sera double : sans remettre en cause le besoin de logements neufs, accessibles à tous, comment pouvons-nous accélérer et simplifier, notamment par des mesures fiscales, la transformation de bureaux en logements ? De plus, comment mieux prendre en compte les aspirations légitimes des habitants à un meilleur cadre de vie ?
Madame la députée, vous avez raison : la crise sanitaire que nous traversons nous amène à interroger nos modes de vie et de travail. La généralisation du télétravail et les conséquences économiques de la crise vont avoir un impact durable sur les besoins des entreprises en volume de bureaux nécessaires à l'activité. Dans le même temps, nos concitoyens ont toujours plus de difficultés à se loger dans les zones très tendues – c'est particulièrement le cas dans votre département des Hauts-de-Seine.
Cette situation constitue donc une opportunité pour changer d'échelle et accélérer la transformation de bureaux en logements, solution pertinente pour renforcer l'offre de logements sans artificialiser les sols. En 2018, le ministère du logement a signé une charte d'engagement avec dix grands opérateurs immobiliers que j'ai réunis début février, ainsi que l'ensemble des acteurs – élus, investisseurs, propriétaires de bureaux – pour dresser un bilan, affirmer nos ambitions et tracer des perspectives.
Pour accélérer, nous allons, sur la base des fichiers fiscaux, observer la vacance des bureaux pour mieux connaître le potentiel et permettre aux acteurs locaux de les mobiliser. Par exemple, on parle à ce jour de 400 000 mètres carrés transformables en Île-de-France, même si ce chiffre n'est pas encore fiabilisé et nécessite d'être vérifié.
Enfin, pour accompagner le changement d'échelle, nous allons simplifier et améliorer le modèle économique en facilitant par exemple la mise en oeuvre des bonus de constructibilité prévus par la loi ELAN. Ces derniers doivent être redessinés à chaque fois, dans chaque plan local d'urbanisme. Nous allons, dans le projet de loi issu de la convention citoyenne pour le climat, inverser la charge de la preuve. Vous le voyez, le Gouvernement est fortement mobilisé, avec les acteurs publics et privés compétents, pour changer d'échelle et faire de cette crise une opportunité pour le logement.
Il y a un mois, le 13 décembre 2020, nous fêtions les vingt ans de la loi SRU et de son article 55, qui fixe, pour les communes de 1 500 habitants et plus, un objectif de 20 à 25 % de logements sociaux à atteindre d'ici à 2025.
À l'occasion de cet anniversaire, la Fondation Abbé Pierre a réalisé une analyse du dernier bilan de la loi SRU pour la période 2017-2019. Les résultats sont là : c'est un dispositif efficace, connu et salué.
Entre 2000 et 2019, près de 870 000 logements sociaux ont été construits dans les communes dites déficitaires. Selon l'enquête de la Fondation, les objectifs de production cumulés ont augmenté, avec 200 000 logements sociaux à produire en trois ans. Ils ont donc globalement été atteints à hauteur de 116 %, contre 106 % sur la période 2015-2017, soit une augmentation de 21 % entre les deux périodes.
La loi SRU réussit donc à recentrer la production de HLM dans les zones tendues qui en comptaient peu, contribuant ainsi à augmenter l'offre de logements abordables avec une meilleure répartition sur le territoire. Dans la plupart des communes, cette loi présente de belles réussites, notamment en matière de mixité sociale.
À l'avenir, prendre en compte les spécificités locales et territoriales, dans un souci de différenciation, permettra de manière pragmatique de préserver la dynamique de la loi SRU – qui arrive à échéance – , tout en travaillant main dans la main avec les élus locaux. Madame la ministre, pouvez-vous nous faire part de votre analyse sur la loi SRU et son bilan ; quelles conclusions tirez-vous à quatre ans de l'échéance fixée aux collectivités territoriales pour atteindre les objectifs qu'elle définit ?
Vous avez raison de rappeler que la loi SRU a vingt ans, et j'aimerais saluer la longévité et la pertinence de cette politique publique.
Le bilan de l'application des dispositions de son emblématique article 55 est largement positif puisque sur les 1,8 million de logements sociaux produits de 2001 à 2019, environ 900 000, soit la moitié, l'ont été dans des communes déficitaires aux termes de la loi SRU et soumises à une obligation de rattrapage. Cette production n'aurait pas eu lieu sans ladite loi.
J'ajoute que la moitié des 1 064 communes aujourd'hui soumises à cette obligation suivent une trajectoire vertueuse et devraient atteindre l'objectif fixé par l'article 55 d'ici à 2025. Je tiens à saluer ces maires et ces autres élus qui, triennale après triennale, développent le logement social dans leur collectivité et rattrapent le retard.
Cependant, certaines communes manquent encore de volontarisme. Face à ce constat, le Gouvernement a agi fermement pour que la loi soit pleinement appliquée, notamment dans le cadre du triennal 2017-2019, afin d'assurer la mixité sociale dans les villes, condition sine qua non du vivre ensemble, et de permettre à nos concitoyens aux ressources modestes de se loger dans la commune de leur choix. Suite au bilan de ce dernier triennal, il a donné des consignes de fermeté qui ont été suivies d'effet : plus de la moitié des 550 communes qui n'ont pas atteint l'objectif ont été déclarées en état de carence, un taux record, avec même parfois la reprise des permis de construire par l'État. L'accès à un logement abordable demeure plus que jamais d'actualité puisque 70 % des Français sont éligibles au logement social et que, malheureusement, la crise que nous traversons va faire éprouver encore plus de difficultés économiques et sociales à nos concitoyens.
Dans ce contexte, je ne peux pas imaginer que l'obligation de construction de logements sociaux s'arrête en 2025, alors que notre pays n'en a jamais eu autant besoin. C'est la raison pour laquelle j'ai mandaté la Commission nationale SRU pour me faire des propositions sur la prorogation de cette loi. Je veux poursuivre le travail mené en faveur de la mixité sociale dans le logement. Je souhaite donc vivement que, sur la base de ses propositions et après discussion avec les élus locaux, y compris bien sûr les maires, le Gouvernement et la majorité puissent légiférer pour ouvrir une perspective et maintenir la dynamique SRU au-delà de 2025.
Je reviens sur un sujet qui m'est cher et sur lequel je ne peux toujours pas apporter de réponse aux personnes qui m'interroge. Sur l'île de La Réunion, on peut trouver un studio, un appartement dit T1, ou un T1 bis, d'une surface de 49 mètres carrés pour un loyer mensuel de 419 euros, ou même un T2 d'une surface de 64 mètres carrés pour un loyer mensuel de 476 euros. « Belle affaire, c'est beaucoup moins cher qu'à Paris », me dira-t-on. Sauf qu'il s'agit de logements sociaux qui, par principe et en vertu du droit en vigueur, ont vocation à répondre aux besoins des personnes défavorisées. Or nombre de Réunionnais ne bénéficient que du RSA ou du minimum vieillesse puisque, contrairement aux départements métropolitains, 30 % de la population est couverte par les minima sociaux de la Caisse d'allocations familiales et 40 % vit sous le seuil de pauvreté.
Si le code de la construction et de l'habitation fixe bien le minimum de surface habitable, il n'existe pas de normes plafonnant celle-ci pour déterminer le caractère social du logement. Les loyers étant notamment fixés proportionnellement à la surface habitable, certains logements, même très sociaux, sont donc inaccessibles aux personnes qui perçoivent uniquement les minima sociaux auxquelles ils devraient pourtant être destinés – pour rappel, le montant du RSA a été fixé à 564,78 euros par le décret du 29 avril 2020. En conséquence, de nombreuses personnes se trouvent sans solution pour se loger. Face à cette problématique récurrente, j'aimerais savoir quels moyens vous comptez mettre en oeuvre pour les aider à accéder au logement, notamment en prenant en considération leurs ressources et les prix pratiqués dans le parc locatif social, en particulier à La Réunion.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Cette question spécifique à l'outre-mer, en particulier à La Réunion, nécessitera un travail complémentaire, en dehors de l'hémicycle, entre nos équipes. Mais je peux d'ores et déjà vous apporter deux types d'éléments de réponse.
Tout d'abord, bien évidemment, les bénéficiaires de minima sociaux, sans prendre en compte le forfait logement, ont aussi droit aux aides au logement, lesquelles contribuent à leur capacité à payer leur loyer.
Par ailleurs, la question que vous posez renvoie à une définition de la cible visée mais aussi de la nature et des caractéristiques des logements sociaux construits sur les territoires ultramarins. Il existe, comme vous le savez, toute une gamme de logements sociaux désignés par le mode de financement qui a permis leur construction, des PLAI – prêts locatifs aidés d'intégration – aux PLUS – prêts locatifs d'utilité sociale – en passant par les PLS – prêts locatifs sociaux. Je suis sûre que le cadre réglementaire et législatif existant n'empêche pas de proposer en T1 ou en T2 des loyers plus bas que ceux que vous citiez, évitant ainsi des écarts trop importants entre leur montant et le niveau de ressources d'un ménage qui vit des minima sociaux. C'est probablement à la fois une question de catégorie de logement social et de définition du modèle économique lui-même. À cet égard, le nombre de mètres carrés est en effet un critère important. Pour moi, une discussion stratégique entre les collectivités locales et les bailleurs sociaux – à laquelle l'État peut bien évidemment participer – doit avoir lieu pour que la caractérisation des besoins en logements sociaux tienne compte de la réalité de la structure économique et des revenus de la population afin d'éviter un écart trop grand entre l'offre théoriquement accessible et la demande. Mais, encore une fois, je vous propose de travailler ensemble à cette question afin d'y répondre de façon plus précise.
L'année 2020 a été marquée par une crise sanitaire, devenue bientôt une crise économique malheureusement sans précédent. En ce qui concerne le logement, après le prélèvement très important opéré sur les ressources des bailleurs sociaux, nous avons connu une période de flottement s'agissant des dispositifs fiscaux, auxquelles se sont ajoutés la période de confinement et le déroulement interminable des élections communales et intercommunales, qui n'ont pas permis aux structures compétentes de fonctionner – tout cela de surcroît dans un contexte d'incertitude économique. Le résultat est là : ce sont 15 000 logements aidés prévus qui n'auront pas fait l'objet d'un agrément en 2020, et autant d'habitations qui ne seront pas construites dans les prochaines années pour les jeunes et pour les familles. Le secteur redoute une année 2021 en demi-teinte en raison de la poursuite de la pandémie et de la crise économique qui, pour le moins, ne constituent pas un climat très favorable aux investisseurs.
Le hasard de calendrier a voulu qu'entre également en application la nouvelle réglementation environnementale RE2020. Un tel événement est toujours un moment important, mais qui n'est pas de nature à faciliter les nouveaux investissements. Or la construction de logements est un processus très long : entre la décision de produire et la livraison, il se passe deux, trois, quatre voire cinq ans. Par conséquent, comme nombre de mes collègues du groupe Les Républicains, je redoute qu'il y ait dans deux ou trois ans une réduction importante du nombre de logements livrés – et ce sans même tenir compte de la législation très contraignante sur le foncier qui semble être envisagée. Partagez-vous le même constat ?
Notre inquiétude, c'est bien évidemment qu'une pénurie entraîne une forte augmentation des prix de vente au mètre carré et du montant des loyers. Il y aurait alors des gens, dont des jeunes, qui ne pourraient pas trouver de logement.
Au moment où notre pays va avoir besoin d'un plan de relance étalé sur plusieurs années, je me permets de rappeler que le secteur du BTP, c'est 1,1 million de salariés et 59 000 apprentis.
Madame la ministre déléguée, je vous demande d'indiquer à la représentation nationale quelles mesures le Gouvernement envisage pour pallier cette situation.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Tout d'abord, je tiens à dire que j'ai, comme vous, pleinement conscience de l'importance du secteur du BTP dans l'économie française, à la fois sur le plan de l'activité et en matière d'emplois. Le bilan que nous avons fait avec ses représentants il y a quelques jours à peine montre que si le chiffre d'affaires a baissé tout de même de 10 % à 15 % malgré nos efforts, l'emploi a été intégralement maintenu dans le BTP en 2020 et que le recours à l'apprentissage y a même augmenté. C'est lié à un engagement collectif de toutes les parties prenantes.
Pour la suite, je crois que chacun doit faire sa part du chemin. L'État a fait la sienne puisque, pour la construction neuve, il a redonné de la visibilité fiscale en prolongeant le prêt à taux zéro, ainsi que l'aide Pinel au-delà de 2022. De plus, comme je l'ai annoncé lors du débat budgétaire, nous travaillons sur des dispositions plus favorables aux investisseurs institutionnels dans le logement intermédiaire.
Il s'agit maintenant que les projets soient déposés par les constructeurs ou par les promoteurs, et qu'ils puissent être instruits rapidement par les collectivités locales.
L'année 2020 a en effet été très particulière : comme vous l'avez dit, monsieur le député, le délai de trois mois entre les deux tours des élections municipales, les élections intercommunales et le confinement ont empêché l'instruction des projets. Il appartient maintenant aux maires d'y procéder et d'octroyer les permis de construire afin de permettre la relance des chantiers. Les promoteurs y sont prêts, les acheteurs sont là, y compris les investisseurs institutionnels. Je note à ce propos que le Haut Conseil à la stabilité financière a apporté un peu d'oxygène à l'octroi de crédits immobiliers, notamment pour les primo-accédants. Il faut à présent que les projets soient lancés et qu'ils puissent être approuvés. C'était l'objet du pacte pour la relance de la construction durable que j'ai signé avec les associations de collectivités locales et les professionnels.
Le Premier ministre a annoncé la semaine dernière la création d'un service public « de la rue au logement », dans l'objectif de pérenniser et de renforcer le plan Logement d'abord, adopté en septembre 2017 et couvrant la période 2018-2022. Alors que la fondation Abbé Pierre estime à 300 000 le nombre de personnes sans domicile fixe, l'objectif de ce plan est de mettre fin à la création continue de places d'hébergement, actuellement au nombre de 260 000, et de produire du logement adapté ou très social pour favoriser un habitat un logement stable, préalablement ou concomitamment au règlement des difficultés sociales. Parmi diverses mesures ambitieuses, ce plan prévoyait la création annuelle de 40 000 places dans les logements très sociaux, 10 000 places supplémentaires de pension de famille en cinq ans et le soutien à l'intermédiation locative. Alors que la Cour des comptes, dans son référé du 20 octobre 2020 adressé au Premier ministre, a mentionné une réalisation en deçà des attentes, pouvez-vous nous communiquer le bilan des réalisations, sur la période 2018-2020, dans les trois axes préalablement mentionnés ?
Par ailleurs, quel est le résultat de l'appel à manifestation d'intérêts ouvert du 10 septembre 2020 au 11 décembre dernier ? Combien de collectivités se sont manifestées pour devenir des territoires de mise en oeuvre accélérée du plan Logement d'abord ? Quelles perspectives de production de logements ces candidatures permettent-elles d'envisager dans les deux ans à venir ?
Enfin, pouvez-vous faire le point sur l'appel à projets HLM accompagné et sur l'utilisation de l'enveloppe de 2,9 millions d'euros mise à disposition par la DRIHL – Direction régionale et interdépartementale de l'hébergement et du logement – et l'AORIF – l'Association des organismes de logement social de la région Île-de-France – pour le financement de projets dans cette région ?
Vous l'avez souligné, on compte aujourd'hui environ 300 000 personnes sans domicile fixe, dont la très grande majorité, probablement autour de 290 000, sont hébergées, c'est-à-dire prises en charge chaque nuit dans des structures d'hébergement généralistes, dans des centres d'hébergement d'urgence ou dans des centres dédiés aux demandeurs d'asile. L'hébergement généraliste s'est considérablement développé cette année : près de 50 000 places supplémentaires ont été ouvertes depuis le 1er janvier 2020, soit une augmentation des capacités de 25 % en un an, et le chiffre total de 200 000 a été dépassé cette semaine.
Ceci n'empêche pas de promouvoir la politique dite du logement d'abord, en faveur des personnes sans domicile. Cette politique signifie que nous ne nous satisfaisons pas d'une solution d'hébergement et que notre objectif est bien que chacun ait accès à un logement digne qui permette ensuite de construire sa vie. Cette politique a été lancée fin 2017 et, depuis le début du plan quinquennal de 2018, nous comptons 23 000 places d'intermédiation locative ouvertes, 4 500 places de pension de famille et 32 000 logements très sociaux qui ont été financés en 2019 comme en 2018. Nous estimons donc à environ 150 000 le nombre de personnes qui ont pu accéder à un logement grâce à cette politique.
Si ces résultats sont encourageants, ils ne sont pas suffisants pour réduire drastiquement le nombre de sans-abri, comme le rappelait récemment la Cour des comptes. C'est pour les améliorer que nous avons créé, le 1er janvier, le service public « de la rue au logement ». Il permettra une simplification de la gouvernance nationale, une réforme de la gouvernance territoriale et du pilotage des services intégrés d'accueil et d'orientation, les SIAO, et une réforme du parc d'hébergement, avec l'objectif de rendre plus qualitatives les places d'hébergement à mesure que l'on ouvre toujours plus de logements – moins d'hôtels, moins d'hébergements d'urgence, plus d'insertion, plus d'accompagnement. J'ai annoncé, en septembre dernier, le lancement d'un nouvel appel à manifestation d'intérêt. C'est un succès : trente candidatures seront examinées lors d'un comité de sélection prévu fin janvier.
La parole est à Mme Laurence Dumont, pour le groupe Socialistes et apparentés.
À la mi-décembre, la directrice générale de l'Agence nationale de l'habitat, l'ANAH, a assuré à des journalistes que les primes à la rénovation énergétique seraient versées avant la fin de l'année 2020. Cette déclaration faisait écho au mécontentement grandissant depuis des mois des bénéficiaires de MaPrimeRénov'. En effet, tout au long de l'année dernière, des milliers de propriétaires ayant engagé des travaux de rénovation énergétique ont eu les pires difficultés pour obtenir le paiement de cette aide, les délais allant jusqu'à dépasser six mois. Cette situation affecte financièrement les familles les plus modestes. Certes, la crise sanitaire liée à la covid-19 a pu rendre plus difficile le traitement des dossiers, mais je ne peux concevoir que des familles modestes soient poussées au bord d'un gouffre financier alors qu'elles font preuve de volontarisme en matière d'économies d'énergie.
Avec près de 170 000 demandes de subventions en 2020, force est de constater que l'ANAH n'a pas su ou n'a pas pu faire face à cet afflux et tenir des délais de paiement acceptables. Les difficultés pour contacter les agences locales reviennent dans des milliers de témoignages de bénéficiaires de MaPrimeRénov' et ceux mentionnant des bugs informatiques et des anomalies techniques sur la plateforme de demande sont également très nombreux. C'est pourquoi, madame la ministre déléguée, je souhaite savoir combien de paiements ont été effectués en 2020 et quels sont les moyens humains et matériels supplémentaires mis en place en 2021 pour éviter la situation de l'année dernière.
MaPrimeRénov' a été lancée, vous l'avez rappelé, le 1er janvier 2020 et, à la fin de l'année, 190 000 dossiers avaient été déposés – c'est un succès. MaPrimeRénov' a pris le relais d'un crédit d'impôt : les ménages avançaient l'argent et étaient remboursés sous forme de crédit d'impôt en moyenne dix-huit mois après les travaux. Néanmoins, il est vrai que l'ANAH a eu ponctuellement, à plusieurs moments dans l'année, des difficultés pour faire face à cette montée en charge. Ce fut le cas l'été dernier, d'abord, au moment où de nombreux dossiers déposés ne pouvaient être instruits, empêchant la validation du montant de la prime octroyée aux ménages avant travaux ; puis cet automne pour faire face au paiement. L'ANAH a mis en place un plan d'action des plus détaillés pour faire face à ces difficultés, renforçant ses effectifs et travaillant différemment avec l'agence comptable pour pouvoir liquider et payer les primes.
Pour répondre à votre question sur le nombre de primes payées : 53 000 dossiers ont fait l'objet de paiement en cette fin d'année. Évidemment, tous les dossiers déposés n'ont pas besoin d'être payés parce qu'entre le moment du dépôt d'un dossier et le paiement, encore faut-il, après leur validation, que les travaux soient engagés. Il est donc tout à fait normal que ce chiffre soit inférieur au nombre de dossiers déposés. Nous estimons à environ 15 000 le nombre de dossiers en instance de paiement. Parmi ces derniers, certains font l'objet d'un « échange-demandeur » – c'est-à-dire qu'il manque une pièce. Ainsi, j'ai aujourd'hui rendu visite à un ménage, dans la Marne, qui n'avait pas fourni le bon relevé d'identité bancaire, le renvoi du bon devant permettre le paiement. Pour le reste, nous avons un stock tampon – si je puis dire – de dossiers à payer de quinze jours. Notre objectif est donc de procéder au paiement en quinze jours dès lors que les dossiers sont complets. Cet effort a permis de résorber le nombre de dossiers en instance et je crois que nous serons capables d'atteindre notre objectif en 2021.
Cette semaine a été marquée par la mise en place de MaPrimeRénov', élargie aux propriétaires. Selon plusieurs rapports, parmi lesquels celui de la fondation Abbé-Pierre, 3,5 millions de personnes modestes ont eu froid pour des raisons liées à la précarité énergétique et des millions de personnes subissent le coût excessif de dépenses dans une énergie peu économique. En plus des difficultés financières, cette situation est également la cause, dans la plupart des cas, d'un état de santé dégradé. Un autre rapport, celui de l'Observatoire national de la précarité, montre que 12 millions de Français vivent dans des passoires thermiques. Sont concernés les ménages les plus précaires, pour lesquels la rénovation énergétique, et c'est là que le bât blesse, est une démarche souvent et malheureusement trop compliquée et qui prend des allures de casse-tête.
Même si le dispositif MaPrimeRénov' est accessible aux habitants en situation de précarité, ma crainte concerne la visibilité de ces mesures d'aide. Il existe encore des obstacles à la rénovation énergétique, tant financiers qu'en matière d'information, tout simplement. Les ménages peuvent en effet ignorer la rentabilité de la rénovation thermique de leur logement, comme le souligne la dernière note de France Stratégie. Il faut également avancer en la matière en accompagnant les Français dans le besoin et les rassurer quant aux démarches à effectuer et aux gains financiers et écologiques qu'ils peuvent réaliser en transformant leur logement.
Tant à l'échelle locale qu'à l'échelle nationale, les dispositifs d'aide se sont multipliés depuis une dizaine d'années et ont perdu en lisibilité pour les usagers. Aussi, madame la ministre déléguée, comment envisagez-vous de rendre plus clairs, plus lisibles et plus fonctionnels les dispositifs d'aide à la rénovation énergétique pour les personnes touchées par le « mal-logement ».
Vous l'avez rappelé, et je partage votre diagnostic, 12 millions de Français vivent dans des passoires thermiques – au nombre d'environ 4,8 millions. C'est d'autant moins admissible que ce sont souvent des ménages très modestes qui les occupent et qui n'arrivent pas à payer des factures beaucoup trop élevées. Nous venons d'ailleurs de signer, avec Barbara Pompili, le premier décret qui permettra de rendre les pires passoires thermiques indécentes et donc de les interdire à la location dès le 1er janvier 2023. Le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, issu des travaux de la convention citoyenne pour le climat, visera à ce qu'à l'horizon 2028 l'ensemble des passoires thermiques soient interdites à la location.
Pour cela, il faut accompagner, massifier et accélérer les rénovations globales de ces passoires. La rénovation énergétique a déjà beaucoup augmenté en volume et en qualité au cours de ces dernières années. En 2019 et 2020, on peut compter plus de 2 millions d'opérations de travaux – qu'il s'agisse d'isolation de combles, d'isolation de plancher, de changement de chaudière ou de rénovation globale – souvent au profit des ménages les plus modestes.
Mais, pour aller plus loin, nous devons améliorer à la fois les aides et l'accompagnement. En ce qui concerne l'accompagnement, l'objectif est de déployer partout en France, en partenariat avec les collectivités, un service public de l'aide à la rénovation énergétique. Nous avons décidé, il y a plus d'un an, de renforcer ces guichets avec le réseau FAIRE qui informe, conseille et accompagne les ménages. Nous devons également simplifier les aides et les unifier : c'est la mission que nous avons confiée, avec Bruno Le Maire, à Olivier Sichel, pour mener un groupe de travail, dans les deux prochains mois, grâce auquel nous pourrons imaginer les mesures de massification de la rénovation globale des passoires thermiques, pour atteindre le nombre de 400 000 à 500 000 rénovations par an au cours des prochaines années.
Je tiens à rappeler combien la baisse de l'aide personnalisée au logement a, dès 2018, contribué à la dégradation des caisses des HLM, vrai modèle de solidarité à la française. C'est une perte de près de 1,5 milliard d'euros par an que les bailleurs ont dû compenser par une baisse de leurs loyers. Cela n'a pas manqué, comme nous l'avions redouté, de se traduire par un infléchissement de la création de nouveaux logements et de la réhabilitation de l'ancien. Si notre modèle de logement social est bien sûr perfectible, rien ne justifie de remettre totalement en question un système qui a fait ses preuves. C'est d'autant plus vrai que la crise actuelle va faire exploser la précarité. Les associations nous alertent : 3,8 millions de personnes ne sont pas logées ou sont très mal logées ; 2 millions sont dans l'attente d'un logement social et l'habitat précaire progresse chez les jeunes.
Dans un tel contexte, nous avons bien du mal à saisir pourquoi vous vous évertuez à tout faire pour saper Action logement, l'ex 1 % logement. Ainsi, lors de l'examen du dernier projet de loi de finances, vous vous êtes obstinés à faire voter une ponction de 1,3 milliard d'euros sur cet organisme pilier du logement social en France et qui a un rôle fondamental à jouer dans la relance. C'est en outre un acteur majeur de la dynamique de nos territoires, à travers, par exemple, le programme action coeur de ville. Vous avez parallèlement confirmé votre souhait – tout en renonçant, fort heureusement, à le faire par ordonnances – de réformer le fonctionnement et la gouvernance d'Action logement.
J'aimerais dès lors connaître précisément où en sont les concertations engagées depuis deux mois en vue de cette réforme. Comment les conduisez-vous ? Élus locaux et parlementaires y seront-ils associés ? Par ailleurs, nous confirmez-vous qu'elles aboutiront au printemps prochain et feront bien l'objet d'un projet de loi ou tout au moins d'articles d'un projet de loi permettant au Parlement de les examiner, comme s'y est engagé le Gouvernement ?
Vous m'interrogez à la fois sur l'équilibre du financement des logements sociaux et sur Action logement. Sur le premier point, le pacte d'investissement conclu entre le Gouvernement et l'USH, ainsi que les différentes mesures de compensation de la RLS, totalement assumées par la Caisse des dépôts et consignations, ont permis à cette dernière, dans son dernier bilan, confirmé par l'Agence nationale de contrôle du logement social, l'ANCOLS, de montrer que les bailleurs sociaux n'ont rien perdu de leur capacité d'investissement. Et si nous avons agréé moins de logements sociaux en 2020 qu'en 2019, ça n'est pas à cause de mesures financières mais vraiment du fait de la situation particulière, due à la crise sanitaire, que nous avons vécue cette année. Je soutiens en tout cas très fortement le logement social en général, sa rénovation, et la construction neuve dans le logement social en particulier.
En ce qui concerne Action logement, le prélèvement voté lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2021 est soutenable compte tenu de la trésorerie accumulée et de la sous-exécution accumulée des différentes dépenses d'Action logement au cours de la période précédente. Reste que je ne souhaite pas que nous procédions par prélèvements ponctuels et c'est pourquoi je soutiens une négociation avec les partenaires sociaux, puisque c'est un organisme paritaire, sur deux points : comment Action logement peut-elle inscrire son activité dans le plan de relance pour faire face à la crise sanitaire, économique et sociale – c'est l'objet d'un avenant que nous signerons, j'espère, avec Action logement dans les prochaines semaines ; et comment Action logement peut-elle améliorer sa gouvernance et clarifier ses interventions par rapport aux politiques publiques pour être encore plus efficace au service du logement des salariés et des Français. Si cette négociation aboutit à des mesures de caractère législatif, bien évidemment ces dernières seront soumises au Parlement qui en débattra au fond, dans le cadre d'une loi de finances si nécessaire.
La parole est à M. Alexis Corbière, pour le groupe La France insoumise.
Rien qu'en Île-de-France, 750 000 personnes sont dans l'attente d'un logement social. Et comme sans doute bon nombre de nos collègues députés franciliens, je le vois très clairement dans ma circonscription comprenant Montreuil et Bagnolet : c'est sur le logement que les habitants m'interpellent le plus. Que leur répondent les élus locaux qui siègent dans les commissions d'attribution ? Ils disent tous la même chose : le parc social est surchargé et peu d'appartements se libèrent au regard de la demande qui explose. Une solution, donc, est de construire, construire et construire encore.
Pour notre part, avec Jean-Luc Mélenchon, nous proposions en 2017 la construction de 200 000 logements publics par an, conformément aux recommandations de nombreux acteurs du secteur. Le schéma régional de l'habitat estime quant à lui qu'il faudrait que l'État délivre au moins 37 000 agréments chaque année rien qu'en Île-de-France. En 2016, nous y étions presque avec 36 000 agréments distribués mais, depuis 2017, ce chiffre est en recul : de 36 000, nous sommes passés à 30 000 puis à 28 800, 28 600 et à 21 000 en 2020. Les classes populaires et moyennes pourront-elles encore se loger en Île-de-France dans les années qui viennent ? Franchement, la question est posée.
Cet effondrement de la production de logements sociaux est bien sûr multifactoriel mais on ne peut pas tout mettre sur le dos de la crise sanitaire et du premier confinement : la tendance s'est amorcée, je l'ai dit, dès le début du mandat d'Emmanuel Macron.
Alors que faire ? Que faites-vous ? On a l'impression d'une certaine impuissance, d'une action, du moins, qui n'est pas à la hauteur. Les mesures prises au début du quinquennat ont affaibli les finances des bailleurs sociaux, qui n'arrivent plus à construire. Le plan de relance ne prévoit pas grand-chose. Dans les villes carencées, qu'il s'agisse de Neuilly-sur-Seine – ville symbolique – ou d'autres communes des banlieues chics, les préfets n'utilisent pas les outils à leur disposition pour forcer les maires à construire des logements vraiment sociaux.
Madame la ministre déléguée, vous l'avez dit vous-même : la crise économique va accroître le nombre de personnes à la rue, mal-logées ou menacées d'expulsion. Plus que jamais, le logement public est une nécessité pour des millions de gens. Qu'allez-vous faire pour relancer la production de logements sociaux et la porter à la hauteur de la demande ?
Je le répète, je partage évidemment le constat d'une insuffisance de production de logement social. C'est vrai à l'échelle nationale, puisque nous allons agréer cette année un petit peu moins de 90 000 logements sociaux, quand nous en attendions 110 000, et c'est vrai plus particulièrement en Île-de-France, où notre objectif était de délivrer près de 40 000 agréments, mais où on n'en comptera finalement que 21 000 ou 22 000 – un résultat qui restera exceptionnel, je l'espère. La réponse, cependant, n'est pas à attendre d'un seul camp, qu'il s'agisse de l'État, des bailleurs ou des élus locaux : elle viendra d'une action coordonnée des trois.
En ce qui concerne la loi SRU, vous connaissez ma fermeté sur le sujet, exprimée à de nombreuses reprises. Lors du dernier bilan triennal, nous avons pour la première fois déclaré « carencées » plus de 50 % des communes répondant aux critères. En outre, les amendes ont augmenté et nous avons repris les permis de construire dans un certain nombre de communes. Le Gouvernement exprime ainsi fermement l'exigence de construire du logement social.
Pour construire, il faut des financements. De ce point de vue, la capacité de financement des bailleurs s'est reconstituée, et les discussions avec Action logement nous permettront éventuellement d'explorer des voies complémentaires. Mais il faut également des terrains, des permis de construire, une volonté collective de promouvoir la mixité sociale. Je suis prête à m'engager en ce sens et à jouer tout mon rôle, mais il faut aussi que les bailleurs fassent de même. Je compte sur eux, notamment sur les plus gros d'entre eux. Les discussions ont d'ailleurs démarré pour se donner un objectif volontariste de construction. Mais il faut aussi que les élus, les maires en particulier, soient au rendez-vous pour dégager du foncier et surtout pour valider des opérations de construction, donc de densification, parce que nous avons besoin de logement social en Île-de-France – sur ce point, je vous rejoins tout à fait.
Évoquons encore une fois la situation du logement social. Nous ne pouvons pas dire que le Gouvernement a été tendre avec les organismes HLM. Le Président de la République les considère clairement comme des « dodus dormants » vivant de leurs rentes sans investir. Selon le Président, la France mène la pire politique du logement au monde et, pour y remédier, il entend miser, selon les préceptes libéraux, sur la politique de l'offre, qui n'est pas arrivée, qui n'arrive pas et dont nous pensons qu'elle n'arrivera pas. Il ne suffit pas d'assouplir les règles pour construire mieux et plus vite.
Dès 2017, le Gouvernement n'y est pas allé de main morte : il a ponctionné les recettes des organismes HLM de 800 millions d'euros en 2018, de 900 millions en 2019 et de 1,3 milliard en 2020, et il en sera de même les années suivantes. Pourtant, lorsque nous nous rendons sur le terrain, pour visiter des résidences ou rencontrer des locataires, ce n'est pas l'opulence que nous constatons, bien au contraire !
Le résultat de cette ponction drastique, c'est moins d'entretien, moins de réparations, moins d'amélioration de l'habitat et surtout moins de logements neufs. Dès lors, nous avouons ne pas bien saisir le but de l'opération, alors que l'on estime à 2 millions le nombre de ménages qui attendent un logement. À cela s'ajoutent les surcoûts liés à l'augmentation du taux de TVA sur la construction de logements sociaux, passée de 5,5 à 10 % : pour un territoire comme le mien, la Corse, où la pression immobilière et foncière est forte, une telle décision est particulièrement mal venue car les constructeurs seront d'autant moins incités à faire du logement social.
Madame la ministre déléguée, face à la crise sanitaire, qui se mue en crise économique et sociale violente, réfléchissez-vous à revenir sur certaines orientations, en collaboration avec les collectivités territoriales, pour favoriser la construction de logements sociaux neufs ?
Je profite de votre question pour rappeler que le secteur du logement social, en tant que service d'intérêt économique général, bénéficie, et c'est bien naturel, d'une fiscalité avantageuse : taux réduits de TVA, exonérations de taxe foncière sur les propriétés bâties. J'ai par ailleurs déjà évoqué le pacte d'investissement pour le logement social conclu avec le secteur HLM, qui rétablit le taux de TVA à 5,5 % pour la construction de logements sociaux financés par un prêt locatif aidé d'intégration, l'acquisition-amélioration de logements PLUS et la réalisation de projets dans le cadre du nouveau programme national de renouvellement urbain.
Je vous confirme que le Gouvernement est particulièrement attentif à ce que les bailleurs sociaux disposent des moyens leur permettant de produire les logements sociaux dont le pays a besoin. Le pacte prévoit d'ailleurs une clause de revoyure : nous verrons à la fin de l'année s'il convient d'aller plus loin.
Grâce à la volonté de construire des bailleurs sociaux et aux 500 millions d'euros du plan de relance – qui, en finançant la rénovation lourde de logements sociaux, permettront de desserrer la contrainte financière pesant sur la production de logements neufs – , nous réussirons, je l'espère, à relever le défi du logement social en France.
Les confinements et couvre-feu successifs, si difficiles à vivre pour les Français, ont peut-être eu une vertu, celle de nous faire redécouvrir l'importance du logement et de comprendre un peu mieux la souffrance qu'endurent ceux, toujours plus nombreux, qui en sont privés.
Constructions neuves, logement social, nombre de personnes à la rue : tous les signaux étaient déjà au rouge avant même l'arrivée du covid. En effet, depuis le début du quinquennat, la politique du logement a été délaissée, déconsidérée, le Gouvernement ne la voyant qu'à travers un seul prisme : celui des économies à réaliser.
À de rares exceptions, le plan de relance est uniquement consacré à la rénovation énergétique du parc existant. L'objectif est louable, mais cela laissera entière la question de la crise du logement. La demande de HLM est en effet en constante augmentation, notamment en Île-de-France. Dans le Val-d'Oise, où je suis élu, le nombre de demandes est ainsi passé de 53 622 en 2015 à 62 333 en 2018, soit une augmentation de 16 %, alors que la population valdoisienne, dans le même temps, n'évoluait que de 0,7 % par an. Les besoins sont donc immenses ; il nous faut absolument reprendre vite et fort la construction de logements à loyer modéré.
Vous avez évoqué les chiffres de 2020 : 90 000 logements en construction, pour un objectif de 110 000. Mais pour répondre aux besoins, c'est 150 000 logements sociaux qu'il faudrait construire chaque année ! C'était d'ailleurs l'objectif fixé pendant le quinquennat précédent. À l'époque, nous produisions environ 135 000 logements par an ; depuis 2017, nous sommes passés à 120 000, puis à 110 000 et enfin à 90 000. Madame la ministre déléguée, que comptez-vous faire pour enrayer ce mouvement ?
La loi SRU portait une vraie ambition, obliger les communes à construire un quota minimum de logements sociaux. Or vingt ans après son adoption, plus de la moitié d'entre elles n'ont pas atteint cet objectif. Vous avez exprimé l'intention d'en prolonger les effets après 2025 ; d'accord, mais où est le texte ? Il a été envisagé d'aborder cette question dans le cadre du projet de loi confortant le respect des principes républicains, mais les articles concernés ont été supprimés. Or plus on tarde, plus on permet aux maires récalcitrants de jouer la montre, au détriment de la production de logements sociaux en France.
Le premier des séparatismes, je suis sûr que vous en serez d'accord, il est subi, il est social. Alors pourquoi le réduire n'est-il pas véritablement la priorité du Gouvernement ? L'État dispose pourtant des moyens nécessaires : depuis la loi de 24 mars 2014, les préfets peuvent se substituer aux maires dans les communes hors-la-loi pour délivrer les autorisations d'urbanisme, mais ce dispositif n'est quasiment jamais utilisé. Pourquoi donc ne pas l'appliquer automatiquement quand le niveau de carence atteint un seuil révélant une mauvaise volonté manifeste ? Quand, madame la ministre déléguée, allez-vous nous proposer un texte pour prolonger les effets de la loi SRU au-delà de 2025 et renforcer son application ? Que prévoyez-vous pour relancer la production de logements, alors qu'en plus des ghettos nous risquons maintenant d'assister à l'émergence de bidonvilles dans notre pays ?
Je vous rejoins sur l'importance du logement social dans le pays, à la fois sur le plan économique et social : c'est la condition d'un vivre-ensemble satisfaisant et d'une mixité sociale réelle. C'est la raison pour laquelle je propose une initiative politique, bientôt traduite dans un texte législatif – je pourrai vous en dire plus dans quelques semaines – , et destinée à prolonger la loi SRU, à augmenter la production de logements sociaux et à renforcer le respect de la mixité sociale lors de l'attribution des logements.
Pour construire cette initiative politique et législative, j'ai souhaité me concerter avec toutes les parties concernées : parlementaires, élus de terrain, associations, acteurs de la construction et, bien sûr, bailleurs sociaux. J'ai ainsi demandé au président de la commission nationale SRU, Thierry Repentin, de me faire des propositions sur l'application de la loi du 13 décembre 2000 et le renouvellement de ses objectifs. J'ai également demandé à votre collègue Mickaël Nogal, qui préside le Conseil national de l'habitat, de travailler sur la mixité sociale en général et sur la façon de l'améliorer grâce à l'attribution de logements sociaux. Je discute en parallèle avec l'USH afin de présenter prochainement des objectifs plus ambitieux en matière de production de logement social.
Vous le voyez, l'ambition du Gouvernement est forte, d'autant que, pour la première fois depuis plusieurs années, le budget du logement est en augmentation en 2021. Le logement est central, le logement est politique. J'en suis absolument convaincue et vous pouvez compter sur moi pour le défendre.
Le président a reçu, en application des articles L. O. 176 et L. O. 179 du code électoral, une communication du ministre de l'intérieur en date du 14 janvier 2021 l'informant du remplacement de notre très regrettée collègue Marielle de Sarnez par Mme Maud Gatel.
Je tiens par ailleurs à m'associer aux témoignages de sympathie que vous avez exprimés aujourd'hui.
Prochaine séance, mardi 19 janvier, à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Éloge funèbre de Claude Goasguen ;
Projet de loi organique relatif à l'élection du Président de la République.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-huit heures cinquante-cinq.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra