La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures trente.
Hier soir, l'Assemblée a commencé l'examen des crédits relatifs à la cohésion des territoires (no 273, annexes 8 et 9 ; no 264 rectifié, tomes IV et V ; no 266 rectifié, tome IX), s'arrêtant à l'amendement no 166 à l'article 52.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires, mes chers collègues, la politique du logement mérite d'être interrogée pour rendre la dépense publique plus efficiente. L'accompagnement des plus fragiles, à travers les aides personnalisées au logement – APL – , est nécessaire mais nous soutenons l'idée que l'État ne peut et ne doit pas couvrir l'intégralité des dépenses, même des foyers les plus modestes, dans un souci de responsabilisation des citoyens face à la charge publique. De plus, il nous semble nécessaire d'endiguer certains dysfonctionnements constatés, comme la fixation de loyers par certains bailleurs sociaux en fonction du montant des APL ou le versement d'APL d'un montant supérieur à celui du loyer. C'est pourquoi cet amendement propose de plafonner les APL à 95 % du montant de la quittance.
La parole est à M. François Jolivet, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l'avis de la commission sur cet amendement.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je trouve cette idée extrêmement intéressante, d'autant que la question se pose pour les loyers du secteur HLM comme pour ceux du secteur marchand. Cependant l'impact de votre proposition mériterait d'être mesurée au travers de simulations. Je demanderai au Gouvernement de l'étudier dans le cadre de son projet de loi relatif au logement afin de pouvoir inviter la représentation nationale à en délibérer. À ce stade, j'émets un avis défavorable, tout en vous remerciant, madame Magnier, pour votre amendement.
La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires, pour donner l'avis du Gouvernement.
L'idée sous-jacente à cet amendement est très pertinente et nous l'avons considérée avec attention.
Je commencerai par un point de situation. Une contribution minimale au titre du loyer – et non des charges – , de l'ordre de 37 euros, est déjà prise en compte dans le calcul des APL. Toutefois on ne sait pas établir précisément le montant des charges. Vous proposez donc que le montant cumulé du loyer et des charges ne dépasse pas le montant de la quittance globale. C'est d'ailleurs une idée défendue par le député Pupponi dans l'un de ses rapports.
Le problème est que, comme on ne sait pas établir précisément le montant des charges, on ne saurait pas non plus établir exactement la proportion de 95 % que vous appelez de vos voeux. Par conséquent, même si je partage la philosophie de cette proposition, nous ne sommes pas en mesure aujourd'hui de la mettre en oeuvre sans être sûrs qu'elle ne fera pas des perdants, c'est-à-dire que personne ne verra le montant de son APL diminuer.
La proposition de notre collègue Magnier est très intéressante en ce qu'elle vise un objectif commun qui nous est commun : responsabiliser les locataires. Ce point semble faire consensus au regard des objectifs que vous avez affiché, monsieur le secrétaire d'État, hier soir comme ces dernières semaines. Je trouve dommageable de reporter son adoption alors que nous en partageons le principe.
Pour 30 % des allocataires – tout le monde le sait, et ce taux est rappelé dans mon rapport – , le cumul du forfait pour charges et de l'APL est supérieur à leur loyer, ce qui signifie qu'ils ne paient pas de loyer. Avec des revenus identiques – 800 euros, par exemple – , on devra acquitter un loyer à un endroit et on n'en paiera pas à 600 kilomètres de là. Quelle est la logique ? J'aimerais que vous m'expliquiez. C'est écrit dans les rapports, et la DHUP – la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages du ministère de la transition écologique et solidaire – l'a confirmé.
Il est proposé ici de poser le principe que chacun paie un loyer minimal, par souci d'équité. Et il n'est pas nécessaire d'évaluer cette mesure pour savoir qu'en plus d'être juste, elle permettra des économies. En revanche, si je puis me permettre, le dispositif gouvernemental revient à prendre à tout le monde : à ceux qui paient comme à ceux qui ne paient pas. Il y a là une forme d'inégalité. Il conviendrait plutôt d'analyser finement les choses et d'engager de ce fait une réforme des APL, qui ferait des perdants, c'est vrai : 10, 20 voire 30 % des allocataires y perdraient un peu. Mais il vaut mieux pénaliser 30 % des allocataires et faire des économies que d'en pénaliser 100 %.
Encore une fois, je partage la philosophie de cet amendement. Mais notre ancre, notre boussole, dans la réforme des APL, est de faire en sorte que les allocataires actuels ne voient pas leur reste à charge augmenter, que la réforme ne coûte rien à personne. Or la proposition défendue par Mme Magnier et M. Pupponi aurait de facto un coût pour un certain nombre d'allocataires.
Même si nous n'évaluons pas l'ampleur du phénomène à 30 % des allocataires, nous savons tous que ce cas de figure existe.
De toute façon, nous aurons ce débat dans le cadre de l'examen du projet de loi logement, lorsque nous aborderons la question de la politique des loyers, pratiquée par les bailleurs sociaux notamment. Ce sera un moyen de traiter la question que vous évoquez.
On ne répond pas au Gouvernement. Vous aurez beaucoup d'autres occasions de vous exprimer.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à neuf heures trente-cinq, est reprise à neuf heures quarante.
L'amendement no 166 n'est pas adopté.
La parole est à M. Sébastien Chenu, pour soutenir l'amendement no 421 .
L'amendement no 421 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l'amendement no 674 .
Ce que je voulais dire en une seconde tout à l'heure, je vais le dire en dix secondes : je voulais simplement proposer au secrétaire d'État, comme je le fais dans mon rapport, qu'il soit demandé à l'inspection générale de l'administration d'engager une enquête pour savoir combien d'allocataires ne paient pas leur loyer – 10, 20, 30 ou 40 % ? Le secrétaire d'État nous dit ignorer ce taux. Cela me semblait une proposition intelligente et allant dans son sens, mais ce n'est manifestement pas le cas.
J'en viens à l'amendement no 674 . La baisse des APL et celle des loyers ne peuvent pas être concomitantes. On ne connaît toujours pas le contenu du décret qui fixera les modalités de la baisse des APL versées par la CNAF – Caisse nationale des allocations familiales – , et, parallèlement, la baisse des loyers sera le fait des bailleurs. Il y aura donc un décalage dans le temps : la CNAF pourra baisser le montant des APL dès le mois de janvier, tandis que, d'après les bailleurs, il leur faudra trois à six mois pour baisser les loyers. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le montant d'1,5 milliard que vous avez budgété n'est pas réaliste, les bailleurs ne pouvant pas baisser les loyers dans les six mois. À moins que l'on parte du principe que le montant des APL baissera avant celui des loyers, ce qui signifie que les locataires vont supporter pendant trois, quatre ou cinq mois une hausse non compensée de leur loyer. Je vous demande donc de vous engager à faire en sorte que la baisse des APL et celle des loyers soient concomitantes, pour que les locataires ne soient pas pénalisés.
La commission n'ayant pas été saisie de cet amendement, je ne me prononcerai pas en son nom. Je vous répondrai néanmoins sur quatre points, monsieur Pupponi.
D'abord, les bailleurs doivent mener une enquête préalable et cela prend un peu de temps. Ensuite, l'information est transmise aux CAF et ce sont vraisemblablement elles qui diminueront l'APL, sur la base de cette enquête. En outre, les bailleurs indiquent le montant de la RLS, la réduction de loyer de solidarité, sur les quittances de loyer, ce qui nécessite une modification de leur système d'information. Enfin, l'APL est versée en tiers payant aux bailleurs, ce qui est neutre pour le locataire.
Je m'interroge, dans mon rapport spécial, sur le délai de mise en oeuvre et sur les flux entre les systèmes d'information, puisqu'il va falloir que la Caisse nationale des allocations familiales modifie son système d'information, que les bailleurs fassent de même puis que l'ensemble soit « interfacé ». Mon sentiment est donc que cela prendra un peu de temps.
Sur le fond de votre amendement, je souhaite entendre le Gouvernement.
Premièrement, monsieur le rapporteur spécial, je trouve en effet intelligente votre proposition de demander aux services d'évaluer l'exactitude des chiffres évoqués afin d'éclairer nos débats. Nous diligenterons donc cette enquête et nous en communiquerons les résultats à vous-même et à la représentation nationale.
S'agissant de votre amendement, vous demandez dans quelle mesure on peut garantir la concomitance de la baisse des loyers et de celle des APL, afin de ne pas se retrouver dans la situation où les APL diminueraient et pas les loyers. L'article 52 est structuré de telle manière que la baisse des loyers soit l'élément déclencheur de celle des APL : sans baisse des loyers, les APL ne peuvent pas baisser. Votre amendement est donc satisfait par la rédaction de l'article 52.
Je n'ai pas la même lecture de l'article 52. Il explique comment les loyers vont baisser et renvoie à un décret la détermination des modalités de la baisse des APL ; il ne dit pas que les deux baisses sont concomitantes. C'est pourquoi je me suis permis de proposer cet amendement de précision, afin d'être sûr qu'aucun locataire ne sera pénalisé, ce qui n'est pas si évident à la lecture de l'article.
Le 5 de l'article dispose précisément que « le montant de l'aide personnalisée au logement est réduit, pour les bénéficiaires concernés [… ], à hauteur d'une fraction fixée par décret, comprise entre 90 % et 98 %, de la réduction de loyer ». Ce veut dire que la réduction du montant de l'APL sera fonction de la réduction des loyers. En conséquence, sans réduction du loyer, le montant de l'APL ne pourra pas être réduit.
Je rappelle qu'être certain de l'avis de la commission et du Gouvernement est une exigence constitutionnelle. J'invite donc la commission et le Gouvernement à exprimer clairement leur avis en un mot.
Défavorable.
L'amendement no 674 n'est pas adopté.
Étant donné l'importance de l'amendement n° 564 rectifié , dont l'adoption ferait tomber vingt-six amendements, je vous propose, reprenant à mon compte un souhait exprimé cette nuit par le président de séance Sacha Houlié, de limiter le nombre des interventions à deux par groupe.
La parole est à M. le secrétaire d'État, pour soutenir cet amendement.
Je ne reviendrai pas sur le contenu de cet amendement puisqu'il en a déjà été longuement question hier au cours de débats sur l'article 52. Je reprendrai simplement la parole pour répondre aux interrogations des différents groupes.
Je ne pourrai pas donner l'avis de la commission, puisque celle-ci n'a pas été saisie de cet amendement du Gouvernement, mais je voudrais éclairer la représentation nationale sur quelques points. Par rapport à la rédaction initiale, cet amendement introduit des modifications importantes.
La première, c'est la suppression de la mutualisation via l'USH, l'Union sociale pour l'habitat, afin de tenir compte des sociétés d'économie mixte gérant des logements, qui font partie du dispositif mais n'étaient pas traitées par l'article 52.
Deuxièmement, on ajoute aux recettes du FNAL, le Fonds national d'aide au logement, une fraction des recettes de la première cotisation et de la cotisation annuelle de la CGLLS, la Caisse de garantie du logement locatif social.
Ensuite, il est précisé que les bailleurs sociaux peuvent utiliser l'enquête relative aux ressources des locataires pour calculer la réduction de loyer de solidarité – comme le préconisait mon rapport spécial.
L'amendement propose également une déclinaison du montant de la réduction du loyer de solidarité par zone – cette proposition, qui a émergé au cours de nos débats, est également reprise dans le rapport spécial que j'ai eu l'honneur de vous présenter – ainsi que la déclinaison et l'augmentation à 80 % du taux maximal de la première cotisation à la CGLSS.
Par ailleurs, l'amendement du Gouvernement propose une montée en charge de la réforme sur trois années. Au dispositif de baisse des APL, prévu dans la version initiale de l'article 52, s'ajoute une modulation de la cotisation prélevée par la CGLLS – un financement complémentaire, mais qui touche toujours les comptes d'exploitation. J'ai bien entendu hier soir Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires, indiquer, en présentant cet amendement, qu'il n'était pas défavorable à ce que des amendements soient déposés au Sénat, afin de porter le taux de TVA de 5,5 à 10 %.
Il me semble que le Gouvernement a entendu la représentation nationale et qu'il a tenu compte de la nécessité de faire évoluer cet article, afin de remettre tout le monde autour de la table des négociations pour avancer. C'est la raison pour laquelle, à titre personnel, j'émettrai un avis favorable, qui n'engage pas la commission.
Certaines des propositions du Gouvernement contenues dans l'article 52, qui a fait l'effet d'un électrochoc, étaient connues des bailleurs sociaux et ne répondent pas à leurs attentes. Je pense notamment à la dette, qui devait être réaménagée, mais qui, pour la plupart d'entre eux, a déjà été restructurée. Je songe aussi au gel du taux du livret A, qui, selon les différentes simulations, ne jouerait que sur 1 % de ce que l'État souhaite leur prélever. Quant à la mise en place du SLS – le supplément de loyer de solidarité – dès le premier euro de dépassement, elle ne concerne, dans l'ancienne région Lorraine, que moins de 1 % des ménages.
Parmi les nouvelles mesures, le Gouvernement propose un étalement sur trois ans de la hausse du montant des réductions de RLS, avec un objectif de 800 millions d'euros dès la première année. Mais, puisqu'on ne touche pas à l'objectif de 1,5 milliard d'euros – nous en étions restés là hier dans la discussion – , cela pose la question des 700 millions d'euros restants. Dans la rédaction actuelle de l'article, puisqu'il n'est pas question de la TVA, mais seulement de la CGLLS, ce sont les bailleurs qui vont assumer seuls cette hausse, par l'augmentation des cotisations, dont le taux passe d'ailleurs du même coup de 3,5 à 8 %. L'étalement sur trois ans ne change pas le volume total de l'effort ni l'impact sur l'autofinancement.
Vous avez évoqué, monsieur le secrétaire d'État, à la fin du débat d'hier soir, les prêts de haut de bilan, qui pourraient être considérés comme des quasi-fonds propres. À court terme, je vois bien l'intérêt mais, d'un point de vue économique à moyen terme, si le cycle d'exploitation des organismes, avec le volume des recettes qu'ils perçoivent chaque année, diminue de manière structurelle, au bout de quelques exercices, ils vont se retrouver dans une situation d'autofinancement négatif et auront mangé les réserves apparues en haut de bilan. Ces dispositions ne semblent donc pas de nature à résoudre, à moyen terme, leurs problèmes structurels, qui touchent à leur cycle d'exploitation. C'est un vrai problème.
Vous allez certainement nous répondre que la réforme qui nous sera présentée dans trois mois proposera des solutions pour assurer le cycle d'exploitation structurelle de ces organismes. Pour l'heure, il paraît difficile de se prononcer sur l'article 52, qui, parce qu'il n'y est pas question de la TVA, va impacter directement les bailleurs. Vous avez évoqué les regroupements ; la plupart des bailleurs ont déjà procédé à de tels regroupements, mais il ne faut pas oublier qu'il s'agit d'un métier de terrain, qui assure des services de proximité. Ceux qui ont déjà travaillé dans ce secteur savent que, pour ne pas faire n'importe quoi, il convient absolument de voir le terrain avant de construire.
Le plus grave, c'est que l'adoption de cet amendement entraînerait la chute de nombreux amendements. Je pense notamment à notre amendement tendant à modifier l'alinéa 7, qui prévoit que la mutualisation financière entre les bailleurs sociaux s'établisse « sur la base d'une péréquation équilibrée entre les territoires ». Vous avez annoncé la mutualisation dès 2018. C'est très bien, mais quelle visibilité allez-vous apporter à chaque opérateur ? Serez-vous prêt ?
Cet amendement voué à tomber, le no 72, a pour but que les territoires les plus fragiles ne subissent pas plus fortement l'impact de la baisse des revenus des bailleurs sociaux, prévue à l'article 52. Tous les bailleurs n'ont pas des fonds propres importants, il existe de réelles disparités entre eux ; il ne faudrait pas que ce dispositif introduise des externalités négatives…
Merci, mon cher collègue ; nous avons compris.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.
Monsieur le secrétaire d'État, je suis très surprise de l'apparition de cet amendement du Gouvernement. S'il y a bien un sujet qui fait consensus aujourd'hui au sein de cet hémicycle, c'est que vos annonces relatives à la baisse des APL posaient des problèmes et qu'il fallait que vous réagissiez. Le Gouvernement l'a compris. Le problème, c'est que la concertation qu'il mène n'est que partielle – on ne sait même pas précisément qui siège autour de la table. Or cette précipitation nuit à la lisibilité des dispositions que vous proposez pour le logement social.
Vous écrivez, dans l'exposé sommaire de votre amendement, qu'une péréquation sera mise en place pour « accompagner rapidement l'ensemble des bailleurs sociaux dans la mise en oeuvre des réductions de loyers de solidarité ». Sauf que, à ce jour, on ne connaît pas les mécanismes de cette péréquation. C'est un vrai sujet, car il y aura inévitablement de la casse dans le logement social sur tous les territoires. Cette réalité-là, vous en avez nécessairement conscience.
Nous ne comprenons pas votre acharnement à mettre en oeuvre cette mesure, puis à essayer de la rectifier – vous proposez par exemple des renforcements de haut de bilan – , au point que l'ensemble n'est plus lisible. Et cela pose des difficultés sur l'ensemble de nos territoires. Les logements sociaux, aujourd'hui, sont un enjeu important pour toutes les populations qui ont de faibles revenus. Or vous êtes en train de mettre à plat tout le logement social en France. L'article 52, avec cet amendement, pourrait améliorer les choses, on pourrait s'en satisfaire, mais il y a trop de flou, parce que vous n'arrêtez pas de faire bouger les lignes. C'est le signe de votre impréparation.
Ce que je vous reproche, c'est d'agir dans l'urgence, sans rien avoir préparé, et de nous proposer, finalement, un texte peu lisible.
C'est un peu l'heure de vérité. Pourquoi nous présente-t-on cet amendement ? Parce que chacun constate que l'article 52 ne peut pas passer tel quel, puisqu'il entraînerait une perte de recettes pour les HLM – je pense que tout le monde en convient – , qu'il affaiblirait le logement social en France, à une époque où 2 millions de personnes sont dans l'attente d'un logement HLM. Il porterait donc un coup à la solidarité, qu'assure précisément la politique du logement social.
Vous mettez en avant un accord avec les organismes de HLM, que je me permettrai de qualifier de « pseudo-accord », d'après toutes les informations qui nous remontent. D'une certaine façon, vous vous livrez à une sorte de fuite en avant gênée : vous continuez dans votre voie, en essayant de cacher la poussière sous le meuble et de faire croire que ce sera indolore. Mais ce que vous faites ne sera pas indolore. Vous vous contentez d'échelonner sur deux ans ce que vous comptiez faire en une seule année et, en 2020, sauf miracle, la situation du logement social en France, que dénonce chaque année la Fondation Abbé-Pierre – avec 15 millions de personnes concernées par la crise du logement et 4 millions de mal-logés – , ne sera pas réglée. En réalité, dans deux ans, vous appliquerez avec la même dureté une politique qui va affaiblir le logement social dans ce pays. Vous le faites de surcroît en puisant dans ce qui est en réalité une caisse de solidarité du logement social : ce que vous semblez donner au logement social, vous le lui retirez, puisque la CGLLS est une sécurité assurantielle pour le secteur.
Alors qu'il faudrait des investissements, notamment pour construire 1 million de logements sociaux en cinq ans, comme nous le proposons, de façon à faire baisser la tension sur les prix de tous les loyers, vous nous répondez qu'il faut faire des économies. Cela ne tient pas la route. Cette somme de 1,5 milliard, monsieur le secrétaire d'État, on sait très bien où on peut la trouver. Vous allez bien nous proposer 10 milliards pour rembourser les entreprises qui ont saisi le Conseil constitutionnel ; vous savez aussi qu'il y a 1,5 milliard dans le flat tax. Prenez l'argent là où il est !
Je termine. Cela vous évitera en outre de présenter un budget insincère, puisqu'on sait que la flat tax coûtera beaucoup plus cher. Il y a énormément d'argent que vous mettez au service des plus riches alors qu'il pourrait être affecté au logement social. Ne pas le faire, ce serait incompréhensible, pas seulement en Seine-Saint-Denis, mais dans de nombreux quartiers de notre pays.
Cet amendement était inévitable. D'abord, techniquement, l'article 52 ne fonctionnait pas au 1er janvier et vous ne pouviez pas avoir la somme attendue de 1,5 milliard ; l'application de la mesure n'était pas réaliste. Par ailleurs, il est un peu étrange de voir le Gouvernement déposer ce qui est en réalité un amendement d'appel, pour dire qu'on continue le débat et pour inciter les bailleurs sociaux à discuter.
Monsieur le secrétaire d'État, pour moi, les comptes n'y sont pas. Vous allez gagner 800 millions avec les APL et 700 millions sur la CGLLS et, hier, le ministre a indiqué que vous alliez aussi déposer un amendement sur la TVA, à hauteur de 700 millions. Tout cela fait 2,2 milliards. Le ministre a annoncé hier, je le répète – on pourra se référer au Journal officiel –, qu'un amendement sur la TVA allait être déposé et produire entre 700 et 800 millions de recettes.
Nous sommes favorables à cette hausse de TVA, puisque nous l'avions proposée dans notre budget alternatif. Si elle rapporte 800 millions, nous aurons donc au total 2,3 milliards d'euros, alors que vous en cherchez 1,5 milliard. Allez-vous prendre 2,3 milliards au lieu du 1,5 milliard prévu et gagner 800 millions dans l'opération ? Ou bien allez-vous substituer la TVA à quelque chose ? Et, si tel est le cas, à quoi ? À la mesure sur la CGLLS ou à celle sur les APL ?
En réalité, si vous prenez 700 millions sur la CGLLS et 800 millions sur la TVA, vous avez votre total de 1,5 milliard et vous pouvez ne pas baisser les APL, ce qui serait un symbole. En tout cas, il y a au moins une mesure que vous pouvez prendre, à savoir revenir sur la ponction de 5 euros par locataire, qui est toujours inscrite dans le PLF. Monsieur le secrétaire d'État, même si j'entends votre argumentation, donner 5 milliards aux plus riches et, en même temps, enlever 5 euros aux plus pauvres, cela pose un problème psychologique, politique et d'affichage.
Si vous devez bénéficier de 800 millions de recettes supplémentaires, profitez-en pour donner 5 euros aux locataires les plus pauvres !
Tout d'abord, je ferai remarquer que l'Union sociale pour l'habitat, principal partenaire dans cette négociation, a dit que l'article 52, tel qu'il était rédigé initialement ou tel que le Gouvernement propose maintenant de l'amender, ne constitue absolument pas une base de négociation, et qu'elle continue de demander un moratoire. Je le dis pour ceux d'entre vous qui n'auraient pas eu cette information.
Cet amendement ne va donc aucunement faciliter ou accélérer les négociations.
Ma deuxième remarque, c'est que tout cela revient au même. On fera en trois ans ce qui devait être fait en un an mais, au final, les résultats seront identiques.
Par ailleurs, j'ai bien compris qu'on parle aujourd'hui de la CGLLS et qu'il sera question, après l'examen du texte au Sénat, de la TVA. Mais je fais tout de même remarquer – c'est l'une des rares divergences que j'aurai avec François Pupponi sur ce débat – que la TVA, dans notre pays, obéit à une qualification des produits : le taux de 5,5 % s'applique aux produits que l'on considère comme étant de première nécessité ; le taux de 10 % aux produits de consommation courante ; le taux à 20 % à ceux de consommation, disons, superficielle. Décider, dans ce pays, qui compte 15 millions de mal-logés, que le logement social sera désormais considéré comme un produit de consommation courante et non comme un produit de première nécessité, me semble tout à fait inacceptable, d'autant que le droit au logement est inscrit dans la Constitution.
Enfin, j'ai été élu local pendant plusieurs années, j'ai présidé plusieurs organismes HLM, et jamais je n'aurais osé présenter, devant le conseil municipal ou un conseil d'administration, un budget aussi bricolé, « en direct live », sans aucune mesure des conséquences ni étude d'impact.
Je vais conclure, monsieur le président. Je le répète : la seule solution, de mon point de vue comme de celui de l'USH, est d'appliquer un moratoire et de traiter l'ensemble des dispositifs relatifs au logement dans le projet de loi que vous nous présenterez au mois de février.
A contrario, je remercie le Gouvernement car, d'un côté, il maintient cette réforme essentielle et, de l'autre, il écoute les acteurs du secteur…
… et fait en sorte de les accompagner.
J'ai été pendant dix ans membre du conseil d'administration d'un OPAC – un office public d'aménagement et de construction – et j'ai rapproché sur mon territoire deux organismes de logement social. Lorsqu'a été instauré le prélèvement sur les réserves des bailleurs sociaux – c'était sous le gouvernement Fillon, vous vous en souvenez – ,
… les acteurs du secteur social ont affirmé qu'ils allaient se mettre en mouvement, que, quatre ans plus tard, le secteur aurait changé, avec un regroupement des organismes et une désectorisation entre ceux opérant dans les zones tendues et ceux opérant dans les zones détendues, et qu'ils feraient en sorte d'être à la hauteur des enjeux, notamment pour répondre à la crise du logement.
Or, près de dix ans se sont écoulés, et rien ne s'est passé.
Rien, cher collègue, ou très peu de choses : un nombre très faible d'organismes se sont regroupés ; la scission entre les zones tendues et détendues existe toujours. Au bout du compte, la réponse n'a pas été à la hauteur des enjeux. L'USH le reconnaît d'ailleurs lorsqu'elle déclare qu'il va falloir se mettre en mouvement. Il était donc temps que les choses avancent, et je remercie le Gouvernement de persévérer dans sa volonté de faire bouger le secteur et de la réorganiser.
Néanmoins il est très positif que les choses se fassent plus progressivement, sur une durée de trois ans, et que l'on prenne des mesures d'accompagnement – vous en avez cité un certain nombre, mes chers collègues. En tout cas, il importait que, dans ce secteur comme dans d'autres, les acteurs se mettent en mouvement…
Ce n'est pas en leur coupant les jambes que vous les mettrez en marche !
… et que nous puissions enfin essayer de résoudre, ensemble, une crise qui touche non seulement les zones tendues mais aussi les zones détendues.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes REM et MODEM.
Monsieur le secrétaire d'État, le zonage de la réduction de loyer de solidarité et du plafond de ressources ouvrant droit à cette réduction est une bonne chose, mais il manque un pan complet dans l'amendement du Gouvernement. En effet, même s'il est adopté, l'article 52 pourrait altérer les capacités d'investissement de certains offices HLM. Les offices qui ont joué le jeu en investissant régulièrement pour améliorer la qualité de l'habitat ne disposent pas d'une trésorerie illimitée et vont donc subir la réduction de loyer qui leur sera imposée.
L'adoption de l'amendement du Gouvernement en fera tomber un certain nombre d'autres, notamment ceux déposés par notre groupe. Il s'agissait plutôt d'amendements d'appel visant à faire comprendre, monsieur le secrétaire d'État, que la politique du logement ne doit plus être centralisée. La zone B2 de Châlons-en-Champagne, située dans ma circonscription, est différente d'une zone B2 du Sud de la France. Aussi, par nos amendements, nous proposions que l'État contractualise avec les bailleurs sociaux et fixe avec eux le cap qu'il souhaite leur donner, ainsi qu'il le fait, à votre initiative, avec les collectivités territoriales.
Considérant que la politique du logement n'a de sens que si elle est territorialisée, autrement dit que si elle est conduite en lien avec le territoire considéré, nous proposions, par l'amendement no 167 , que ces conventions soient conclues par le préfet de région, afin d'accompagner les réformes nécessaires dans les territoires.
Enfin, un deuxième point a été oublié dans l'amendement du Gouvernement, monsieur le secrétaire d'État : vous indiquez, dans l'exposé sommaire, les compensations que vous vous engagez à accorder, mais, nous le savons bien, les intentions n'ont pas valeur de loi. En définitive, l'article 52 impose des contraintes aux offices HLM mais n'offre aucun gage de la part du Gouvernement.
Sur l'amendement no 564 rectifié , je suis saisi par le groupe La République en marche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Patrick Mignola.
Je reviens sur la nature du débat qui s'est prolongé dans la nuit et que nous reprenons ce matin : derrière l'argumentation technique ou financière, voire fiscale, il y a tout simplement une discussion entre ceux qui sont favorables à une grande réforme de la politique du logement et ceux qui ne le sont pas. Or, je le rappelle, il est bel et bien urgent d'agir. Alors ne qualifiez pas ce budget de « bricolé », d'autant que le Gouvernement propose des avancées dans un esprit de dialogue et de pragmatisme.
Depuis des décennies, nous vivons dans un système où nous produisons du logement au moyen, d'un côté, d'un intéressement fiscal et, de l'autre, des APL. Or celles-ci ont eu un seul effet : la montée continue du prix du logement dans notre pays et, en conséquence, du nombre de mal-logés. Dans ces conditions, nous devons travailler à une vaste réforme comprenant à la fois une réorganisation et une nouvelle structuration des bailleurs sociaux, une baisse des APL, de telle sorte qu'elles cessent de nourrir l'inflation du prix du logement, et une réduction de la mise sous assistance respiratoire fiscale de la production de logements privés.
Le Gouvernement a concédé une ouverture la nuit dernière : en proposant un étalement de la baisse des APL, il laisse la possibilité aux bailleurs sociaux de revoir leur modèle économique et leur structuration, il leur permet d'opérer des rapprochements et de renforcer leurs capitaux propres. Ce délai supplémentaire d'un an permettra aussi de distinguer les situations en fonction des territoires – comme vient de l'évoquer Mme Magnier – , en fonction de la taille des bailleurs sociaux, en faisant la différence entre les gros et les petits, et en fonction de la politique des loyers pratiquée par ces bailleurs, en dissociant les cas où les loyers atteignent les plafonds conventionnels et ceux où ils restent inférieurs à ces plafonds. Le Gouvernement se donne ainsi la capacité de les accompagner, dans un esprit de dialogue.
Nous aurons d'autres débats au printemps prochain, mais le plus important était de donner un point de départ à cette réforme, quitte à nous donner un peu plus de temps pour en discuter.
Puisqu'on a évoqué une augmentation de la TVA, envisagée comme un deuxième temps de la manoeuvre, je souhaite simplement faire remarquer qu'un certain nombre de logements sociaux sont achetés par des promoteurs privés…
Dans ce cas, les rentrées fiscales bénéficieront à l'État sans s'effectuer au détriment du logement social.
Monsieur le secrétaire d'État, comme cela a été dit à plusieurs reprises dans cet hémicycle, avec l'article 52, vous organisez et orchestrez la mise en péril de tout le système du logement social.
La perte de recettes pour les organismes HLM empêchera une vision de long terme en matière d'entretien et de construction du logement social.
Après la liquidation du code du travail et la remise en cause des fondements de la Sécurité sociale, vous attaquez maintenant le droit de chacun au logement.
L'amendement du Gouvernement arrive comme un cheveu sur la soupe – c'est devenu une habitude. Il procède d'un pseudo-accord avec les organismes HLM. Il n'est ni une concession ni un coup de pouce social. Vous reculez à peine pour sauter en définitive, mais ce qui n'est pas soutenable en 2018 ne le sera pas davantage en 2020. Croire que les bailleurs pourront diminuer à ce point leurs frais de gestion en deux ou trois ans est une illusion. En contrepartie de la promesse d'un étalement sur trois ans, il est demandé aux organismes HLM de donner toujours plus. L'unique objectif est de permettre à l'État de réaliser une nouvelle économique en cessant de verser sa part au financement du logement social. Bref, cet amendement n'est pas un compromis ni un recul du Gouvernement, mais une nouvelle entourloupe, qui vise à dégager 1,5 milliard d'euros d'économies par tous les moyens.
Puisque vous êtes si occupés à trouver des ressources, je vous suggère plutôt, à l'instar de mon camarade Éric Coquerel, de regarder du côté de la flat tax. Et vous avez de multiples autres possibilités. Par exemple, dans ce projet de loi de finances, vous ne vous attaquez par clairement à l'évasion fiscale, alors qu'il y a des marges de manoeuvre considérables en la matière. Si vous les utilisiez, les efforts que vous demandez aux organismes HLM ne seraient pas nécessaires.
En réalité, voici ce qui pose vraiment problème : dans un premier temps, seules les APL étaient concernées par l'article 52, puis, de fil en aiguillage, de bricolage en bricolage, on en vient à toucher à la TVA, à la CGLLS et au Fonds national des aides à la pierre, c'est-à-dire à tout le dispositif du logement. Je le répète : jamais je n'aurais osé bricoler un budget de cette manière, en direct, devant un conseil municipal. Cela témoigne d'un manque absolu de respect pour les acteurs et, au passage, d'un certain manque de respect pour la représentation nationale.
Enfin, si j'ai bien compris, la conséquence de ce qui nous est proposé est qu'il n'y aura plus, à terme, de contribution de l'État au Fonds national des aides à la pierre. Comme l'a déclaré l'un d'entre nous hier soir, nous allons donc vers un « autoportage » du mouvement HLM pour sa propre production de logements. En d'autres termes, c'est la fin de la solidarité nationale dans le domaine du logement. La solidarité nationale consiste à utiliser l'impôt pour mener des politiques de redistribution et de justice sociale dans différents domaines, en particulier dans celui du logement. Dorénavant, les pauvres et les mal-logés de ce pays ne pourront plus compter que sur la solidarité des plus modestes. Avec la fin des aides à la pierre, il n'y aura plus de solidarité nationale.
Un certain nombre de députés de la majorité nous expliquent qu'il faut faire une réforme. Nous sommes tous d'accord.
Au demeurant, c'est nous qui avons engagé la réforme du monde du logement il y a quelques années, avec la réforme d'Action logement, le prélèvement ou encore le début de la réforme des APL.
Il reste à discuter avec les bailleurs sociaux, mais la méthode mise en oeuvre n'est pas forcément la bonne. D'ailleurs, le Gouvernement a été obligé de déposer un amendement en catastrophe, à une heure du matin, pour expliquer que l'on verrait plus tard au Sénat pour trouver une solution.
D'autre part, monsieur le secrétaire d'État, l'effet inflationniste des APL, dont tout le monde parle, concerne surtout les logements privés, en particulier ceux loués aux étudiants. Or vous ne touchez pas aux APL dans le parc privé, en particulier pour les logements étudiants. Pourtant, c'est dans ce parc que les propriétaires se comportent de manière inadmissible, par exemple en augmentant le loyer des logements loués aux étudiants parce qu'ils savent que les intéressés reçoivent 250 euros d'APL par mois. Donc, diminuons les APL perçues par les étudiants, soit, mais prenons en contrepartie des mesures pour empêcher leur effet inflationniste sur les loyers, afin que les étudiants ne soient pas pénalisés ! Nous réaliserons ainsi des économies sur le dos des propriétaires qui bénéficient de la manne publique.
Le groupe La République en marche, par définition, votera cet amendement, qui lui semble réaliste est ambitieux.
Gardons bien une chose en tête : depuis le début de la matinée, nous parlons tous du dispositif, du système et de la réforme à conduire, alors que nous devrions avant tout parler des 6 millions de Français qui habitent dans un logement social ou attendent l'attribution d'un logement social, nous devrions parler de leur loyer et de leurs charges, qui restent trop élevés, nous devrions parler des délais d'attente, qui restent trop longs.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes REM et MODEM.
Nous n'avons rien contre le système actuel ; nous sommes d'ailleurs en train de discuter avec ses acteurs. Mais ce système s'est stratifié depuis quarante ans. Il est essentiel de remettre les outils en face des objectifs, à savoir la baisse des loyers, la relance de l'investissement et de la construction, la relance de la rénovation.
Il est essentiel d'être réaliste, c'est le sens de l'amendement du Gouvernement ; mais il est aussi essentiel de rester ambitieux, c'est le sens de l'article 52.
Applaudissements sur les bancs du groupe REM.
Beaucoup de choses ont été dites ; je vais essayer d'apporter des éléments de réponse aussi clairs et concis que possible.
D'abord, je constate que l'ensemble des parlementaires – certes, le consensus n'est pas absolu – affichent leur volonté de faire évoluer la situation ou, à tout le moins, constatent que le système des APL, tel qu'il a été conçu il y a quarante ans et tel qu'il existe aujourd'hui, est à bout de souffle. Pourquoi ? Parce que nous dépensons aujourd'hui 18 milliards à ce titre et que nous dépenserions demain 22 milliards ; au bout du compte, le budget des APL équivaudrait à celui de l'éducation nationale. Nous savons donc que ce système ne sera pas pérenne.
Nous convenons donc tous qu'il faut faire quelque chose. Comme vous l'avez rappelé, monsieur Pupponi, vous aviez entamé une réforme, et il fallait en parler avec les bailleurs sociaux. Il est exact que les choses deviennent plus compliquées à partir du moment où l'on entre dans le dur.
Certains disent ne pas comprendre pourquoi des amendements sont déposés au dernier moment ; d'autres se demandent qui est autour de la table. Sur ce dernier point, madame Dalloz, je vais vous répondre clairement : nous discutons avec l'ensemble des fédérations, à savoir les représentants des cinq familles d'HLM. Nous avons rencontré l'USH une dizaine de fois, et pas depuis quinze jours mais depuis la fin du mois de juin. Je pense que nous avons rencontré ces acteurs dans les jours suivant ma nomination et celle de Jacques Mézard au Gouvernement, le 22 juin. Cela fait donc plus de quatre mois et demi que nous discutons avec eux.
Ceux qui ont déjà mené des négociations dans leur vie savent très bien comment cela se passe : le dialogue peut parfois être rugueux ou se tendre mais, en tout état de cause, il est nécessaire de faire des compromis, d'avancer et de continuer à négocier. L'article 52 a été introduit dans le projet de loi de finances pour appeler à la discussion et à la négociation. L'amendement du Gouvernement est le fruit des avancées de ces discussions, de notre écoute des bailleurs sociaux, de notre prise en compte de leurs desiderata.
C'est ainsi que nous réussirons à trouver une solution.
Nous nous accordons tous à dire que 18 milliards d'APL, ce n'est pas tenable.
Alors, que faire ? Nous avons des convictions.
Notre première ancre, c'est que les allocataires eux-mêmes ne doivent pas être les victimes de la réforme des APL.
Nous y reviendrons à l'occasion de l'examen des amendements, mais certains d'entre vous proposent d'instaurer un taux d'effort, d'autres un financement à hauteur de 95 %, qui ne laisserait que 5 % à payer. Cela vous étonne peut-être, mais la réforme proposée par le Gouvernement n'a pas d'impact sur les allocataires, car nous corrélons la diminution des loyers à la diminution des APL.
Si l'on touche aux allocations, ils seront forcément affectés dans leurs conditions de vie !
Les allocataires ne seront pas touchés, parce que l'État finance les bailleurs sociaux et peut leur faire gagner beaucoup plus d'argent. Monsieur Coquerel, je vois que vous souriez, …
Je souris car je vous ai entendu faire la même intervention cette nuit !
… mais avez-vous pris connaissance des chiffres sur le logement social en Seine-Saint-Denis ? On y compte 218 000 logements sociaux et 75 000 dossiers en attente. Chaque année, 8 000 nouvelles personnes bénéficient d'un logement social.
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes GDR et FI.
Avec votre réforme, on ne pourra plus du tout construire ! Ce sera terminé !
Faut-il ne rien faire et attendre dix ans, au minimum, pour traiter le stock des dossiers ? Telle est la réalité !
Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.
Soutenez-nous donc, quand nous accomplissons une réforme dont personne ne s'était chargé depuis quarante ans !
Exclamations sur les bancs des groupes Fi et GDR.
Il ne tient pas des propos sérieux et ne cesse de nous provoquer ! La nuit n'a pas porté conseil !
Monsieur Bazin, vous prétendez que nos propositions financières sont insuffisantes, mais vous n'en avez cité que quelques-unes. L'idée des prêts de haut de bilan ne vient pas de nous mais des bailleurs sociaux. Demandez à des experts comme M. Peu si ces prêts ne sont pas utiles ! Il en va de même de l'allongement des prêts, qui est une idée des bailleurs sociaux. Comme je le disais hier, M. Peu, qui est un spécialiste, propose un tel dispositif depuis dix ans, mais cela n'a jamais été fait avec l'ampleur de la présente réforme. Concernant le taux du livret A, ce n'est pas tant la formule qui le détermine que sa lisibilité qui est utile au secteur du logement social. Aujourd'hui, le taux varie chaque année et les bailleurs sociaux ne peuvent donc pas gérer convenablement leurs comptes de résultat ; stabiliser le taux du livret A leur donnera de la visibilité.
Madame Dalloz, j'ai déjà répondu à votre question sur les acteurs consultés par le Gouvernement.
Et je reviendrai, à la fin de mon intervention, sur votre question relative à la péréquation, car plusieurs orateurs ont évoqué ce sujet.
Monsieur Pupponi, vous posez deux questions et vous vous interrogez sur la CGLLS et la TVA. Je tiens à préciser les propos tenus hier : si la TVA s'applique, c'est en contrepartie d'une suppression de la CGLSS. Le montant total sera donc de 1,5 milliard, en aucun cas de 1,5 milliard plus 700 ou 800 millions d'euros, je veux être très clair sur ce point.
Monsieur Peu, vous avez évoqué l'idée de la TVA, qui nous est proposée par les bailleurs sociaux. Je comprends vraiment la logique : tous les nouveaux financements que nous apportons intéressent surtout ceux qui construisent, parce que plus ils construisent, plus ils bénéficient des financements. Plus ils construisent, plus ils paient de la TVA, mais comme ils ont bénéficié des financements, la corrélation entre nouveaux financements et TVA a du sens. C'est pour cela que les bailleurs sociaux nous demandent de réfléchir à ce sujet.
Monsieur Pupponi, vous demandez si la CGLLS ne pourrait pas subsister aux côtés de la TVA afin de parvenir au montant d'1,5 milliard d'euros. Je comprends votre point, mais une telle mesure reviendrait à mettre un pansement ou une rustine sur le problème, sans le régler.
Non ! On ne réglerait qu'un problème budgétaire en apportant une solution pour réduire le déficit. Or nous ne cherchons pas à réduire le déficit pour réduire le déficit mais à mettre un terme à la dérive des dépenses liées aux APL. En ne vous appuyant que sur la CGLLS et la TVA, vous instaureriez des prélèvements sans diminuer les normes ; vous mettriez une rustine sur le problème, sans y répondre sur le long terme.
Par ailleurs, monsieur Pupponi, les bailleurs sociaux eux-mêmes nous disent préférer des prélèvements à la réforme, mais cela ne peut être une solution pérenne. Cela reviendrait à privilégier le prélèvement de beaucoup d'argent à une réforme visant à diminuer les loyers et les charges. Or l'enjeu est de trouver de vraies solutions pour faire diminuer les loyers et les charges de manière innovante.
Applaudissements sur les bancs du groupe REM et sur plusieurs bancs du groupe MODEM.
Monsieur Peu, vous êtes circonspect sur la TVA. Vous le savez, la modification des taux de TVA ne peut se faire que dans un cadre européen normé. Après vérification, nous savons que l'évolution des taux de TVA proposée par les bailleurs sociaux est possible. Mais j'entends votre point et nous pourrons en reparler dans le détail.
En outre, monsieur Peu, nous avons une différence d'approche sur un point, sur lequel nous devons êtes très clairs. Je ne raisonne pas sous l'angle des APL mais sous celui des loyers. L'enjeu est de savoir comment, demain, les loyers peuvent diminuer dans le monde HLM. Est-ce possible ou non ? Pour notre part, nous avons la conviction que c'est possible, en apportant de nouveaux financements, en favorisant l'accession sociale – j'ai pris hier l'exemple d'un bailleur qui ne vendrait que 20 000 logements dans le PLS, le parc locatif social. Si les loyers diminuent, les APL diminuent de facto. Contrairement à ce que vous avez dit, nous abordons la réforme sous l'angle non des APL mais de la baisse des loyers. Notre seul objectif est d'améliorer la situation pour que les loyers diminuent.
Vous avez également évoqué le sujet du FNAP, qui me tient particulièrement à coeur. Vous dites qu'il n'y aura plus de solidarité nationale, parce que l'État se désengagerait de ce fonds. Premièrement, ce n'est pas vrai : l'État ne se désengage pas, mais nous mettons un terme à la parité un pour un entre bailleurs sociaux et État dans la contribution du FNAP, parce que nous avons réparti les financements, dans le cadre des négociations globales sur le budget – j'insiste sur ce point – entre l'État, Action logement et l'USH, que vous connaissez pas coeur. Nous sommes convenus, par exemple, qu'Action logement, en 2018, verserait 50 millions d'euros pour l'aide à la pierre, montant qui est donc soustrait du financement de l'État.
Deuxièmement, il a été beaucoup question d'accession sociale. Dans ce domaine, quel système vertueux voudrait-on instaurer ? Prenons l'exemple d'un appartement vendu, dans ce cadre, au prix de 100 000 euros. Vous conviendrez qu'il est légitime que la subvention initiale de l'État, financée par l'intermédiaire du FNAP ou de la Caisse des dépôts, soit utilisée pour d'autres constructions : il est normal d'utiliser l'aide financière qui a favorisé la vente pour investir dans une autre opération, notamment pour développer la construction. Nous souhaitons, par voie d'amendement, faire en sorte qu'un produit de la vente puisse alimenter directement le FNAP. C'est un système vertueux : le produit de la vente doit être utilisé pour favoriser d'autres constructions, et surtout pas pour autre chose. Cela ne remet aucunement en cause la contribution de l'État au FNAP ou les financements du logement social par la Caisse des dépôts.
Madame Magnier, vous avez évoqué le sujet, ô combien important, de la territorialisation de la politique du logement. Aujourd'hui, certains territoires sont classés par zones – A, A bis, B1, B2, C – mais ces outils ne permettent pas de mener une politique d'aménagement du territoire, vous avez raison. Dans le village où je possède des attaches familiales, situé en zone B2, le centre-bourg a été détruit, alors qu'il existe des centaines de nouvelles constructions aux alentours, et c'est l'inverse dans d'autres villages, pourtant classés également en zone B2. Les outils existants ne permettent pas de discerner. Objectivement, c'est un travail de longue haleine. Vous avez raison, le sens de l'histoire, c'est de territorialiser la politique du logement.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes REM et MODEM.
Soyons réalistes, nous ne pourrons pas le faire du jour au lendemain. Aujourd'hui, nous vivons avec ce zonage, mais il doit être revu dans les prochains mois. Pour être totalement transparent, il aurait dû être revu en 2017, mais nous n'avons pas pu le faire en raison des échéances électorales. Il doit donc être revu au cours du premier semestre de 2018. Je suis totalement d'accord avec vous : il faudra aller plus loin, à terme.
Enfin, la mutualisation se fait aujourd'hui à deux titres. Premièrement, aux termes de l'article 52, la RLS, la réduction de loyer de solidarité, est appliquée aux locataires dont les ressources sont inférieures à un plafond, qui diffère selon la zone géographique concernée : le découpage en trois zones permet de prendre en compte, d'emblée, une différence territoriale. Deuxièmement, l'article 52 introduit une mutualisation entre les bailleurs ; celle-ci est beaucoup plus facile quand elle s'appuie sur la CGLLS mais, comme nous en avons discuté avec M. Pupponi et M. Peu, entre autres, elle sera fondée, à terme, sur la TVA. Néanmoins cette mutualisation est aujourd'hui tout simplement impossible à déterminer, puisque le schéma d'atterrissage global n'est pas défini. Ce qui est sûr, c'est que le métier d'un office ou d'une société HLM relève d'un service public territorial.
Aujourd'hui, les offices et les sociétés se trouvent dans des situations très différentes. La chasse aux dodus, évoquée par M. Pupponi, concerne peut-être quelques offices, mais beaucoup d'autres ne sont pas dans une situation financière très florissante. La mutualisation est nécessaire ; elle est même inhérente au système – sans elle, vous pouvez courir à la catastrophe. La seule difficulté, c'est que cette mutualisation ne peut être effective qu'après avoir défini le schéma global, ce qui n'est encore pas le cas. Cette mutualisation fera donc l'objet d'une prochaine discussion au cours de la navette.
Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 87 |
Nombre de suffrages exprimés | 87 |
Majorité absolue | 44 |
Pour l'adoption | 70 |
contre | 17 |
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes REM et MODEM.
Aux termes de l'article 52, dans sa rédaction initiale, le supplément de loyer de solidarité s'applique dès le premier euro de dépassement du plafond de ressources. Ce surloyer sera donc très vite appliqué dans un certain nombre de territoires. Or tout le monde sait que c'est une machine à casser la mixité sociale. La présence de locataires disposant d'un certain revenu favorise la mixité dans les quartiers. C'est la raison pour laquelle le seuil de déclenchement du surloyer s'établissait à 120 % du plafond de ressources. Votre mesure – le déclenchement au premier euro de dépassement – incitera les classes moyennes de ces quartiers à en partir. Je me permets d'ajouter que, si elles sont remplacées par des personnes qui perçoivent les APL, vous allez encore aggraver la situation et augmenter les dépenses liées aux APL.
Nous proposons donc de maintenir le seuil actuel du déclenchement du surloyer, dans l'attente du futur projet de loi. N'aggravez pas une situation qui est déjà compliquée dans des quartiers extrêmement ghettoïsés !
Je tiens à compléter les arguments de François Pupponi à propos du SLS, le supplément de loyer de solidarité.
Si le logement doit répondre à une politique territorialisée, il serait bien de ne pas appliquer uniformément une telle mesure sur le territoire national, car les conséquences ne sont pas identiques pour une ville qui comprend entre 40 et 50 % de logements sociaux, et pour une ville qui en comprend 20 %. Appliquer le SLS dans le second cas revient parfois à toucher à la mixité sociale d'un immeuble ; le faire dans le premier cas n'a pas les mêmes conséquences, puisque cela revient à toucher à la mixité sociale d'un quartier entier, voire d'une ville entière.
J'ajoute que le mode de calcul des plafonds de ressources est fondé sur celui des allocations familiales, lequel est très discriminant en fonction du nombre d'enfants. Un grand nombre de couples dont les enfants sont sortis du domicile fiscal se trouvent ainsi dépasser les plafonds sans toutefois que leurs revenus aient augmenté. Il faut donc faire preuve d'un plus grand discernement et surtout ne pas appliquer le SLS au premier euro de dépassement.
La parole est à M. François Jolivet, pour soutenir l'amendement no 673 .
Je tiens à faire part de tout mon soutien aux deux orateurs précédents : il ne faut pas déclencher le SLS au premier euro, en tout cas pas sans études complémentaires. C'est la raison pour laquelle j'ai déposé un amendement de suppression de l'alinéa 9 de l'article 52.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
Le SLS est un sujet complexe à deux titres.
D'un côté, il est source de revenus pour les bailleurs sociaux, qui souhaitent avoir plus de marges pour l'augmenter comme ils le souhaitent – ils le soulignent lorsque vous les rencontrez. Vous avez raison, monsieur Peu, la question doit être territorialisée car elle dépend des différents cas de figure.
De l'autre côté, un grand nombre de nos concitoyens trouvent tout de même bizarre qu'on définisse un plafond au-dessus duquel un surloyer doit être appliqué tout en ne l'appliquant que si le dépassement atteint 120 % et non 100 %.
Le SLS est un outil de gestion qui a pour fonction, entre autres, d'assurer une certaine mobilité au sein du parc, et il peut avoir bien des utilités. L'appliquer au premier euro peut être une bonne solution dans certains cas.
Je comprends toutefois les arguments des uns et des autres. Une réflexion générale est en cours sur la nouvelle politique des loyers, que nous avons évoquée hier soir jusque tard dans la nuit ; elle aura une incidence également sur le dispositif du surloyer. Des discussions sont également en cours avec les bailleurs sociaux, et la question du SLS se pose.
La nouvelle politique du loyer sera débattue dans le cadre du projet de loi relatif au logement qui vous sera présenté dans les prochaines semaines. Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée pour inclure cette discussion et cette réforme dans le cadre de la nouvelle politique des loyers.
Monsieur Jolivet, vous avez déposé votre amendement à titre personnel. Mais la commission a-t-elle examiné ces amendements identiques et a-t-elle donné un avis ?
La commission n'a pas examiné ces amendements. J'invite toutefois la représentation nationale à les adopter.
Nous avons déjà eu ce débat en commission, et le rapporteur spécial nous a expliqué que cet amendement était satisfait. Nous souhaitons toutefois, monsieur le secrétaire d'État, en avoir la confirmation en séance publique. Cet amendement vise les résidences étudiantes construites par des bailleurs sociaux et gérées par des associations qui les louent à des étudiants. Si l'article 52 s'applique à ces structures, les étudiants verront leur loyer et leur APL baisser, si bien que les associations gestionnaires perdront du chiffre d'affaires, tout en continuant de devoir payer le même loyer au bailleur social, ce qui aura pour conséquence de mettre en péril leur équilibre financier. Le rapporteur spécial, en commission, nous a répondu que ces résidences ne sont pas concernées par l'article 52. Si vous nous le confirmez, monsieur le secrétaire d'État, je retirerai évidemment mon amendement.
Je n'ai rien à ajouter aux propos de M. Pupponi : j'attends également la réponse du secrétaire d'État pour savoir si je retire mon amendement.
Nous allons entendre la réponse du secrétaire d'État à la question qui lui a été posée. Si elle confirme l'attente de M. Pupponi et M. Peu, je demanderai le retrait de leurs deux amendements.
Je vous confirme que les organismes gestionnaires étudiants, CROUS – centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires – et autres, ne sont pas concernés par la réforme et sont donc exclus du dispositif. C'est pourquoi je vous demande de retirer les deux amendements, faute de quoi j'émettrai un avis défavorable.
Monsieur le secrétaire d'État, les étudiants concernés ne verront donc pas leur loyer et leur APL baisser ? Nous sommes bien d'accord ?
Absolument.
L'article 52 prévoit que le plafond d'application de la réduction de loyer est fonction de la composition du foyer et de la zone géographique. Le présent amendement visait à ce que la prise en compte de la zone géographique soit plus explicite en étant directement mentionnée dans l'alinéa 17, qui renvoie à l'arrêté ministériel. Toutefois, puisque l'amendement du Gouvernement prévoit plusieurs plafonds en fonction des zones I, II et III, et même s'il convient de revoir le zonage, l'amendement est satisfait et je le retire.
L'amendement no 171 est retiré.
Comme je l'ai indiqué dans la discussion liminaire, le taux de locataires bénéficiant de l'APL est très variable selon les offices et les régions. Les offices avec les plus forts taux de locataires bénéficiant de l'APL seront les plus touchés par le présent article. Il faut donc que ce soient eux qui bénéficient en priorité des mécanismes de péréquation pour les aider à mettre en oeuvre les réductions de loyer qui leur seront imposées. Cet amendement prévoit donc que le dispositif de péréquation prévu par l'article et modifié par l'amendement du Gouvernement, placé sous l'égide de la Caisse de garantie du logement locatif social, prenne en compte cette différence de situation, sans quoi l'avenir de ces offices serait menacé.
L'objet de cet amendement est de revoir le mécanisme de péréquation via la CGLLS en prenant en compte le taux de locataires bénéficiant de l'APL. L'amendement de Stéphanie Do, qui a été retiré, avait également pour objet de préciser le dispositif existant. Je vous invite à retirer aussi le vôtre, monsieur Bricout, faute de quoi j'émettrai un avis défavorable.
Comme je l'ai déjà souligné, la péréquation est nécessaire. Aujourd'hui, des bailleurs, des sociétés et des offices sont dans des situations différentes, d'un territoire à l'autre, en fonction du degré d'activité – certains en ont beaucoup, d'autres moins – ou encore selon les populations – certains bailleurs ont beaucoup de locataires bénéficiant de l'APL, vous l'avez fort justement rappelé, et d'autres moins. Tous ces éléments doivent être pris en compte pour déterminer la péréquation, vous avez mille fois raison.
Toutefois, comme je l'ai également déjà souligné, la péréquation n'est possible qu'une fois que l'on s'est mis d'accord sur les bases finales de la discussion, ce qui n'est pas encore le cas. Nous ne sommes donc pas capables aujourd'hui de finaliser les modalités de cette péréquation. Nous le ferons dans le cadre de la navette. Je m'engage à ce que tous ces éléments soient pris en compte, puisque tel est le sens de la péréquation que nous souhaitons.
L'amendement no 172 est retiré.
Monsieur le secrétaire d'État, le Gouvernement a prévu de supprimer, dans le présent texte, l'APL accession ; nous avons déjà longuement évoqué cette question hier, et nous avons failli rétablir le dispositif – cela a failli retenir l'adhésion de tous, avant que le groupe majoritaire ne fasse malheureusement marche arrière, si j'ose dire. Tous les groupes de la majorité ont proposé le même amendement. Il est dommage que M. Ferrand soit parti. Ce matin, nous avons de nouveau l'occasion de répondre à la question suivante : la représentation nationale souhaite-t-elle favoriser l'accession sociale à la propriété ? Les Républicains sont en tout cas très attachés à la soutenir.
La parole est à Mme Christelle Dubos, pour soutenir l'amendement no 397 .
Cet amendement de cohérence vise au maintien des allocations de logement familial parallèlement au maintien des APL accession. Il est retiré et le groupe votera contre les autres amendements identiques.
L'amendement no 397 est retiré.
La parole est à M. Patrick Mignola, pour soutenir l'amendement no 414 .
En matière de politique de logement, nous nous rejoignons tous pour penser qu'il faut recréer un parcours résidentiel dans notre pays. De même que l'on manque de logements sociaux, comme l'a rappelé Mme de Montchalin, de même il existe un gap immense entre ceux qui ont la capacité d'acheter dans l'accession libre et ceux qui sont condamnés à être toute leur vie locataires, qu'il s'agisse de locations sociales ou de locations privées dans le cadre des jeux d'investissements locatifs défiscalisés.
Il va donc de soi que, pour donner aux Français la perspective d'accéder à la propriété, nous avons vocation à inventer de nouveaux dispositifs en matière d'accession sociale à la propriété, puisque les dispositifs PLS – prêt locatif social – , PLI – prêt locatif intermédiaire – et PSLA – prêt social location accession – sont notoirement insuffisants.
C'est dans cet esprit que nous proposions cet amendement. Nous aurons à travailler au cours des semaines à venir sur l'accession sociale à la propriété et comptons sur le Gouvernement pour nous accompagner. C'est pourquoi nous retirons notre amendement, dans un esprit de solidarité au sein de la majorité.
L'amendement no 414 est retiré.
Nous avons eu un long débat hier sur le sujet. Vous ne souhaitez pas maintenir l'APL accession en première lecture, monsieur le secrétaire d'État. C'est d'autant plus dommage que nous n'avons aucune garantie que vous le maintiendrez lors de la lecture suivante. Nous vous invitons à une plus grande prudence et à envoyer un signal favorable aux accédants à la propriété.
Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements identiques restant en discussion ?
Je ne souhaite pas rouvrir le débat d'hier soir, afin d'accélérer l'examen des amendements. Je tiens toutefois à souligner l'attachement de la majorité au maintien de l'APL accession. Nous avions déposé des amendements en ce sens. Le Gouvernement nous a demandé de les retirer ; nous le faisons bien évidemment par solidarité. Nous considérons en effet que ce dispositif est un outil essentiel des politiques de réanimation et de restructuration des petites villes. Nous pourrions y ajouter les PTZ – prêts à taux zéro – et les dispositifs Pinel, susceptibles d'être mis à la main des préfets dans des cas bien précis. Tel est le sens du travail qui commence pour le Gouvernement. Nous attendons avec impatience le retour en du projet de loi de finances après son examen par le Sénat. L'avis de la commission est défavorable.
Nous avons déjà débattu très longuement de cette question hier soir ; je ne répéterai donc pas l'ensemble de nos arguments. Avis défavorable.
Par cohérence, je retire cet amendement. Mais je retiens ce qu'ont dit nos collègues et le Gouvernement : nous pourrons revenir sur cette question lors de la nouvelle lecture du projet de loi de finances car, entre-temps, certaines choses se seront passées. Comme l'a dit Mme Magnier, nous sommes largement convaincus, sur ces bancs, de l'utilité de l'APL accession. Il sera donc important de reposer cette question en nouvelle lecture, dans le cadre d'un plan d'ensemble.
L'amendement no 413 est retiré.
L'article 52, amendé, est adopté.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes REM et MODEM.
Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l'article 52.
La parole est à M. le secrétaire d'État, pour soutenir l'amendement no 646 .
Comme vous le savez, le Gouvernement a mis en place une politique ambitieuse en faveur de l'hébergement d'urgence et du dispositif « logement d'abord ». Aujourd'hui, l'objectif du Gouvernement, qui se traduit d'ailleurs dans le budget dont nous avons discuté hier soir et dans l'augmentation des crédits du programme 177, est de mieux accompagner nos 140 000 concitoyens qui n'ont pas de toit, de sortir un certain nombre d'entre eux de l'hébergement d'urgence pour les accompagner vers un « logement d'abord ». Au-delà d'une nécessaire solidarité républicaine, nous visons une amélioration significative des disponibilités d'accueil au bénéfice de ces populations fragiles.
Pour ce faire, il est important de disposer d'une visibilité claire et d'un pilotage précis des coûts des structures existantes, en particulier des centres d'hébergement et de réinsertion sociale. Or, si des enquêtes existent, elles ne sont renseignées que par une partie des structures. L'amendement no 646 vise à obliger les gestionnaires à renseigner ces enquêtes, afin que nous puissions mener la politique la plus précise possible au bénéfice des populations les plus fragiles.
La commission n'a pas rendu d'avis puisque le Gouvernement a déposé cet amendement en séance. Pour autant, je suis ravi qu'il se saisisse de ces dossiers afin de collecter des informations permettant d'améliorer notre politique du logement. À titre personnel, j'émets donc un avis très favorable et j'invite la représentation nationale à adopter cet amendement.
Si c'était possible, j'aimerais sous-amender l'amendement du Gouvernement. En effet, nous devons connaître non seulement les coûts liés aux centres d'hébergement et de réinsertion sociale, mais également les lieux ou les secteurs géographiques où les populations les plus fragiles sont logées. Si nous menions une telle enquête, j'ai bien peur que nous découvrions que ces populations sont toujours logées sur les mêmes territoires, dans les mêmes quartiers. Actuellement, d'ailleurs, un certain nombre d'acteurs de l'hébergement d'urgence achètent un peu partout des hôtels de bas niveau pour en faire des résidences de ce genre, ce qui concentre de nouveau la pauvreté dans les quartiers où elle est déjà fortement présente.
C'est tout le problème de la mixité sociale : il faut permettre aux populations les plus fragiles d'être logées dans des villes ayant les moyens d'assumer leur présence. Le fait de continuer à concentrer la pauvreté dans des quartiers qui sont déjà des ghettos ne règle pas le problème. Certes, nous donnons un toit à ces populations, ce qui est déjà très important, mais nous créons d'autres problèmes que nous devrons résoudre demain.
Je comprends tout à fait votre point de vue, monsieur Pupponi, mais je ne vois pas comment l'amendement no 646 , même sous-amendé, permettrait d'aller dans votre sens. L'amendement du Gouvernement se borne à imposer aux gestionnaires de centre d'hébergement de renseigner les enquêtes sur leurs coûts de gestion.
Vous renvoyez un autre sujet, beaucoup plus large : celui de la localisation de ces différents centres. Je m'engage à travailler avec vous pour étudier ce qu'il est possible de faire en la matière, mais je ne vois pas comment nous pourrions sous-amender l'amendement no 646 pour répondre à votre demande. Parlons-en et travaillons ensemble sur ce sujet !
L'amendement no 646 est adopté.
La parole est à Mme Christelle Dubos, pour soutenir l'amendement no 399 .
L'article 143 de la loi de finances pour 2016 dispose que les particuliers rattachés au foyer fiscal de leurs parents, lorsque ces derniers sont redevables de l'ISF – impôt de solidarité sur la fortune – , ne sont pas éligibles aux aides personnelles au logement. Cet article n'a été inséré ni dans le code de la construction et de l'habitation ni dans le code de la sécurité sociale, alors qu'il constitue une nouvelle condition d'éligibilité aux aides personnelles au logement.
Dans un souci de clarification, l'amendement no 399 vise à codifier cette condition d'éligibilité aux trois types d'aides personnelles au logement, en précisant qu'elle est appréciée « pour chacun des membres du ménage ». En cohérence avec le projet de loi de finances pour 2018, nous proposons de remplacer les mots « impôt annuel de solidarité sur la fortune » par les mots « impôt sur la fortune immobilière ».
L'amendement no 399 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
Monsieur Pupponi, vous connaissez la position que j'ai exprimée en commission élargie, …
… mais il est vrai que vous ouvrez un débat qui mérite d'être refermé car vos interrogations me semblent essentielles. J'espère que nous aurons l'occasion d'y travailler dans le cadre de l'examen du futur projet de loi sur le logement. Avis défavorable.
Dans ce débat qui nous anime depuis hier soir, les uns et les autres se demandent s'ils peuvent trouver une meilleure idée que le Gouvernement pour réformer les APL. Cette question est tout à fait légitime.
Je vous ai expliqué hier, avec Jacques Mézard, quelle était l'approche du Gouvernement. L'État, les collectivités et la Caisse des dépôts et consignations ont la possibilité de mieux financer le logement social, ce qui fera gagner de l'argent aux bailleurs sociaux. L'objet social de ces derniers n'étant pas la performance économique, nous leur demanderons de répercuter ces gains en abaissant le niveau des loyers, ce qui permettra enfin de trouver une solution pérenne au problème des APL.
Certes, il existe d'autres pistes de réforme. M. Pupponi et d'autres députés proposent par exemple d'introduire un taux d'effort. D'un point de vue intellectuel, cette notion se défend tout à fait ; il faut donc que nous puissions en parler, et nous l'avons d'ailleurs évoquée tout à l'heure, à l'occasion de l'examen d'un amendement.
Les amendements nos 362 , 361 et 359 visent à demander à chaque locataire bénéficiant des APL de payer de sa poche 20 %, 15 % ou 10 % du loyer, ce taux d'effort permettant de s'assurer que les locataires participent au paiement de leur loyer. Nous avons étudié cette question et réalisé des simulations, que je pourrai vous transmettre, et nous avons constaté que la perte médiane, pour une famille avec trois enfants, s'élevait à 100 euros par mois. Je vous donnerai un exemple très concret : pour une famille de trois personnes qui touche 1 800 euros par mois et paie un loyer de 519 euros, l'instauration d'un taux d'effort de 15 % – j'ai choisi le taux médian parmi les trois proposés dans les amendements de M. Pupponi – entraîne une perte de 129 euros par mois. Une telle mesure se traduit donc par une perte sèche pour l'ensemble des allocataires.
Dans la réforme qu'il essaie de porter, le Gouvernement fait le pari qu'il peut réussir à diminuer la dépendance aux APL sans baisser le montant versé aux allocataires, c'est-à-dire sans augmenter le reste à charge. En revanche, une réforme fondée sur l'instauration d'un taux d'effort aurait un impact direct sur le pouvoir d'achat des allocataires, et c'est justement ce que nous voulons éviter. Certes, la mise en oeuvre de notre réforme est beaucoup plus compliquée car, au lieu de traiter avec les allocataires, nous négocierons avec les bailleurs sociaux. Encore une fois, nous leur dirons que les gains que nous leur permettons devront être répercutés à la baisse sur les loyers, donc sur les bases d'APL. J'admets que nous faisons un pari et que la mise en oeuvre de notre solution est plus compliquée.
Nous avons étudié objectivement la notion de taux d'effort, et je suis prêt à passer du temps avec celles et ceux qui le souhaitent pour montrer les simulations que nous avons effectuées. L'impact sur les allocataires, en termes de baisse de pouvoir d'achat, était significatif, et c'est pourquoi nous n'avons pas suivi cette voie.
Je vous le répète, je suis prêt à discuter de cette solution et à vous montrer toutes ces simulations. Je pourrai ainsi mettre en avant la philosophie de notre réforme, qui n'affecte pas le pouvoir d'achat des allocataires, même si elle est beaucoup plus compliquée à mettre en oeuvre puisque nos interlocuteurs ne sont pas les allocataires mais les bailleurs sociaux, dont nous modifions les conditions de financement et donc le modèle.
L'avis du Gouvernement est défavorable.
Nous sommes en désaccord, monsieur le secrétaire d'État. Vous ne pouvez pas dire que vous voulez engager une réforme qui n'affecte pas les allocataires tout en réduisant de 5 euros toutes les allocations.
Ce sont deux choses différentes !
Monsieur le secrétaire d'État, tout le monde est concerné par cette baisse de 5 euros. Ce fut le cas en 2017 et ce sera encore le cas en 2018. Vous ne répondez pas à la question que je pose depuis tout à l'heure : acceptez-vous de revenir sur cette baisse de 5 euros, somme peut-être symbolique pour certains mais très importante pour d'autres, je le répète ?
Et je vous pose une deuxième question, monsieur le secrétaire d'État. Quelque chose me choque dans le fonctionnement des APL ; c'est la raison pour laquelle j'ai déposé ces amendements. Pourquoi un locataire résidant en zone tendue paierait-il un loyer alors qu'une personne aux revenus équivalents n'habitant pas en zone tendue ne paie pas de loyer ? Intellectuellement, est-il normal que des personnes ne paient pas du tout de loyer ou aient un reste à charge pratiquement nul alors que d'autres personnes d'une situation sociale équivalente en paient vraiment un ? C'est une question de logique : de telles différences sont anormales, tout le monde doit payer un peu. Voilà ce qui nous différencie.
Vous dites que vous ne voulez pas affecter le pouvoir d'achat des locataires. Or l'amendement no 399 , que nous venons d'adopter, a un impact sur les locataires puisque ceux dont les parents sont redevables de l'ISF, ou plutôt dorénavant de l'IFI – l'impôt sur la fortune immobilière – , ne toucheront plus les APL. Ils perdront donc du pouvoir d'achat, et c'est normal, il s'agit d'une mesure de justice que nous avons soutenue : il n'y a pas de raison d'accorder des APL à des enfants rattachés au foyer fiscal de leurs parents qui payaient l'ISF hier ; il est normal de leur supprimer une allocation qui leur était injustement accordée.
Certains allocataires sont donc parfois pénalisés. C'est le principe de toute réforme : quand une mesure n'est pas juste, elle ne doit pas être maintenue. Encore une fois, voilà ce qui nous différencie : dans la proposition que je formule, certains allocataires seront pénalisés, mais ils bénéficient aujourd'hui d'une manne, d'un avantage qui nous paraît injuste.
Monsieur Pupponi, vous savez très bien que la question des 5 euros renvoie à un autre débat, qui concerne le budget 2017 et non la réforme de 2018.
Justement, la réforme de 2018 vise à ce que les allocataires ne paient pas un seul euro supplémentaire. S'agissant de la baisse de 5 euros, nous appliquons une décision qui avait déjà été prise en 2017 – la fameuse politique de rabot – mais n'avait pas encore été mise en oeuvre. Or la réforme de 2018 n'a rien d'une politique de rabot : il s'agit d'une réforme structurelle. Vos amendements visant à mettre en place un taux d'effort constituent également une réforme structurelle.
Nos approches sont différentes. Intellectuellement, je comprends la réforme que vous proposez. Nous avons vraiment passé beaucoup de temps à réfléchir et à nous demander si elle pouvait marcher. Cependant, elle ferait énormément de perdants en termes de pouvoir d'achat, ce que nous ne pouvons pas accepter. Pour ma part, je défends une réforme de l'aide au logement qui n'affecte pas le pouvoir d'achat des allocataires.
Je suis convaincu qu'il est possible de trouver une meilleure solution, ou en tout cas une solution qui suscite davantage d'effets bénéfiques sans coûter un seul euro aux bénéficiaires des APL.
Votre remarque sur l'ISF ou l'IFI renvoie à un sujet que nous connaissons bien : l'amendement no 399 , qui vient d'être adopté, vise juste à maintenir dans le cadre de l'IFI une disposition qui existait déjà dans le cadre de l'ISF.
Ce débat est vraiment intéressant car il montre que, contrairement à ce qu'on a pu dire ou écrire, l'objectif du Gouvernement est de réforme les APL sans toucher au pouvoir d'achat des allocataires, mais c'est très compliqué à réaliser.
La réforme que vous proposez – nous l'avons examinée – , elle aussi très compliquée, ferait de trop nombreux perdants en termes de pouvoir d'achat.
La parole est à M. le secrétaire d'État, pour soutenir l'amendement no 671 .
En réponse notamment à la question de M. Peu, je reviendrai sur le financement de l'aide à la pierre, que nous avons déjà évoqué hier soir. Comme vous le savez et comme certains orateurs l'ont rappelé, on a fait, voilà quarante ans, le choix de l'aide au logement à la place de l'aide à la construction ou de l'aide à la pierre. La question qui nous occupe est de savoir comment inverser cette tendance. En effet, si cette décision était peut-être bonne il y a quarante ans, on voit bien aujourd'hui qu'un tel système est une véritable erreur. L'autre difficulté est que, si l'aide à la pierre ne dépend que de débats et d'abondements budgétaires, il faut revenir chaque année discuter le bout de gras au Parlement pour fixer le niveau de contribution de l'État à ce système.
L'amendement proposé par le Gouvernement tend donc à ce que, dans le cadre de l'accession sociale, que nous privilégions, avec un accroissement du nombre de logements mis en vente à ce titre, la part apportée par l'État pour financer le logement – que ce soit sous la forme de l'aide à la pierre initiale ou des bonifications apportées par les financements – revienne à l'État pour abonder directement le FNAP, le Fonds national des aides à la pierre. Ce dispositif créera un système vertueux, dans lequel le gain issu d'opérations comme la vente ou l'accession sociale réalimentera directement le logement social pour construire davantage. Ce cercle vertueux – j'y insiste pour répondre à M. Peu – n'enlève absolument rien aux autres contributions de l'État au FNAP ni aux autres efforts consentis par l'État au titre du financement de la Caisse des dépôts et consignations.
La commission n'a pas eu l'occasion de se prononcer sur cet amendement du Gouvernement. J'y souscris toutefois pleinement, pour trois raisons.
Premièrement, pour faire écho aux paroles de M. Louis Besson, ancien ministre du logement, qui déclarait que les logements sociaux appartenaient à la nation et non aux organismes HLM, il me semble vertueux que ces logements puissent être cédés et que l'État puisse retrouver une partie de la ressource qu'il y avait affectée. Ce sont en effet des biens qui lui appartiennent et que les organismes HLM détiennent par agrément.
La deuxième raison pour laquelle je suis favorable à cet amendement est qu'il me semble possible que le monde HLM puisse s'« autoporter » et redécouvrir les vertus des aides à la pierre, seule manière de faire fortement baisser les loyers lors de la création de programmes neufs.
La troisième raison est que cette proposition figure dans mon rapport spécial. Je me réjouis donc que le Gouvernement s'en saisisse.
Sans refaire l'histoire, je rappellerai que ce qui a fait exploser les APL est le choix funeste, opéré dans notre pays à la fin des années 1970, consistant à diminuer considérablement les aides à la pierre pour les transférer vers les aides à la personne. Les loyers, même HLM, ont ainsi augmenté, devenant de ce fait plus consommateurs d'APL. Par ailleurs, la population s'étant plutôt paupérisée et le nombre de personnes éligibles aux APL ayant augmenté, ce double mécanisme se traduit forcément par des effets inflationnistes.
Étant pragmatique, je constate qu'en 2012, 500 millions d'euros figuraient dans le budget de l'État au titre de l'aide à la pierre. Le programme du Président de la République qui venait d'être élu, François Hollande – programme à l'élaboration duquel avaient quelque peu contribué les états généraux du logement, auxquels j'avais moi-même participé – , prévoyait le doublement de ce montant, qui devait atteindre 1 milliard d'euros, tandis que le plafond du livret A devait augmenter. Vous connaissez tous cette histoire. Résultat des courses, au lieu de doubler, ce montant a diminué de moitié, tombant de 500 à 250 millions d'euros au lieu de monter 1 milliard, et, aujourd'hui, si j'ai bien compris, il va passer à 50 millions d'euros – je parle bien de la contribution de l'État, pas des crédits du Fonds national des aides à la pierre.
On en revient donc à un système dans lequel on coupe la solidarité nationale en matière de logement et où, par le mécanisme du Fonds national des aides à la pierre, ce seront les HLM, donc leurs locataires, qui constitueront l'essentiel des contributeurs à une grande politique nationale. Je considère que ce n'est pas juste ; ce qui devrait financer le logement, c'est la solidarité de la nation tout entière, et non pas celle des seuls locataires HLM, qui sont parmi les plus modestes de nos concitoyens.
Nous abordons, d'une certaine manière, le débat que nous aurons plus tard sur le mode de financement du logement en France. Nous rêvons tous en effet d'abandonner l'aide à la personne pour revenir vers l'aide à la pierre.
Depuis cinq ans, je demande à la DHUP à quel niveau il faut fixer l'aide à la pierre pour réduire l'aide à la personne. Mais la DHUP n'a jamais voulu répondre : faire ce calcul intellectuel – combien faudrait-il donner d'argent aux bailleurs pour réduire le prix des loyers, au lieu d'en donner aux locataires ? – ne l'intéresse pas. Personne, dans ce pays, ne veut le faire, sans doute parce que des intérêts sont en jeu : ils sont très contents d'avoir un gros budget de 40 milliards d'euros – c'est du moins comme cela que je l'analyse. Mais c'est la vraie question : à quel niveau faut-il fixer les aides à la pierre pour pouvoir réduire les aides à la personne ? Je suis certain, en effet, qu'un certain niveau d'aides à la pierre permettrait de faire des économies sur les aides la personne, peut-être pas dès la première année, mais sur la durée.
Reste que les services du ministère concerné refusent de faire ce travail intellectuel, ce qui nous met en difficulté, car nous ne disposons pas des analyses objectives qu'il permettrait. Le calcul d'un loyer est pourtant simple : c'est l'addition du prix du foncier et du prix de la construction, à quoi s'ajoutent les frais financiers et les frais de gestion du bailleur. On sait donc comment calculer et sur quels critères jouer ; il suffit que quelqu'un en ait la volonté. J'espère que ce gouvernement l'aura. Toujours est-il qu'il faut faire ce calcul. Si on ne l'a pas fait, l'idée qu'on peut faire des économies tout en étant efficace reste intuitive.
Je souhaite apporter quelques éléments de réponse et me permettre de corriger légèrement l'amendement.
Monsieur Peu, j'entends votre argument. L'engagement du Gouvernement est de maintenir le montant du FNAP – dont vous avez rappelé qu'il avait été divisé par deux – à la même hauteur. Il est vrai que le paritarisme – le « un pour un » – qui prévalait précédemment n'existe plus dans le budget que nous présentons, notamment parce que, dans le cadre des discussions sur le financement du logement entre l'USH, Action logement et l'État, nous avons proposé qu'Action logement finance 50 millions d'euros de l'aide à la pierre. Au bout du compte, cependant, le montant du FNAP restera au même niveau. Tel était mon objectif et c'est ce qui est présenté dans le budget.
En aucun cas ce que nous proposons ne remet en cause la solidarité nationale. Vous avez rappelé que le budget de l'aide à la pierre a été divisé par deux entre 2012 et 2017, alors qu'il s'agissait d'un engagement de campagne du Président de la République et que vous-même aviez participé à l'élaboration de ce programme et le défendiez tous les jours. Quand on se trouve dans une telle situation, parvenir finalement à créer un système vertueux dans lequel l'argent du logement social reste au logement social pour financer du logement social, ce serait une belle avancée. C'est cela, ni plus ni moins, que nous proposons, et cela ne remet aucunement en cause la solidarité nationale, dont nous conservons tous les autres dispositifs.
En revanche, que les gains générés par l'accession sociale ne fassent pas l'objet, par exemple, d'une taxation quelconque qui alimenterait le budget de l'État, mais permettent de réalimenter le Fonds national des aides à la pierre, cela me semble être un système très vertueux, propre à empêcher les dérives que vous avez évoquées.
Enfin, monsieur Pupponi, que vos propos soient un encouragement ou un compliment, il est de fait que nous nous affairons à travailler sur ce sujet qui, trop longtemps, n'a pas été traité.
Deux questions se posent ensuite : celle du niveau, que je transmettrai à nos services, et celle du mécanisme. Quand bien même le niveau ne serait pas atteignable, ou ne le serait que très difficilement, le mécanisme que nous proposons aujourd'hui, consistant à ce que l'argent du logement social reste au logement social pour financer du logement social, n'en va pas moins dans le bon sens. Je soutiens donc mon amendement avec d'autant plus de vigueur.
Je propose cependant de lui apporter un correctif. Il se trouve en effet que la rédaction initiale comportait une erreur, car elle limitait le dispositif proposé aux logements appartenant aux collectivités de la métropole, omettant les collectivités d'outre-mer. Il conviendrait donc de remplacer, au septième alinéa de l'amendement, les mots : « du premier alinéa » par les mots : « du premier et du deuxième alinéas ».
Rappel au règlement
Cette modification ne contribue pas à la clarté de nos débats. Quel en est l'intérêt et que proposez-vous pour les outre-mer ?
Dans la rédaction initiale, la mesure visant à employer une partie du produit des ventes pour alimenter le Fonds national des aides à la pierre ne concerne pas les ventes réalisées par les collectivités de métropole. Par erreur, il a été omis de faire référence à l'alinéa permettant d'exempter également les collectivités d'outre-mer. L'ajout proposé tend donc à réparer cette omission.
Après l'article 52
Je vais donc mettre aux voix l'amendement no 671 , ainsi sous-amendé par le Gouvernement : « Remplacer, au septième alinéa de l'amendement, les mots : "du premier alinéa", par les mots : "du premier et du deuxième alinéas". »
L'amendement no 671 , tel qu'il vient d'être rectifié, est adopté.
Cet amendement, adopté en commission élargie, a été proposé par M. Guy Bricout, à qui je laisse le soin de le défendre.
La parole est à M. Guy Bricout, pour soutenir cet amendement, ainsi que l'amendement no 60 , identique.
Ces amendements visent à autoriser les collectivités territoriales à apporter leur garantie d'emprunt aux organismes de foncier solidaire – OFS – qui acquièrent des terrains en vue d'y faire réaliser des opérations en bail réel solidaire, afin de permettre à ces organismes d'avoir accès à des prêts à long terme de la Caisse des dépôts. Je rappelle que le dispositif d'ensemble est une déclinaison française du « community land trust » anglo-saxon, qui repose sur une dissociation du foncier et du bâti. L'OFS est ainsi un nouvel acteur du foncier, dont l'objet est de constituer un parc pérenne d'accession à la propriété ou à la location à destination des ménages modestes, sans plafond de ressources, de loyer ou de prix, le cas échéant.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, cet amendement, que je présente au nom de la commission des finances, est consensuel, puisqu'il a été adopté par la commission et, en vue de cette séance, déposé par la plupart des groupes politiques de notre assemblée.
Il vise à formaliser l'engagement, confirmé à plusieurs reprises par le Gouvernement, de porter l'enveloppe dédiée au nouveau programme national de renouvellement urbain – PNRU – à 10 milliards d'euros, dont 1 milliard provenant de l'État.
Il est proposé de doubler ce programme, initialement financé à hauteur de 5 milliards d'euros par les acteurs du logement social, notamment par Action logement. Je rappelle pour M. Pupponi, spécialiste de l'ANRU – l'Agence nationale pour la rénovation urbaine – , dont il a été le patron, que celle-ci a engagé 12 milliards d'euros entre 2004 et 2015 pour financer le PNRU. À la fin de l'année 2016, 9,7 milliards d'euros avaient été payés, et le montant envisagé en 2017 s'élève à 837 millions d'euros. L'effet de levier a été considérable puisque près de 47 milliards d'euros au total ont été investis, au bénéfice de 4 millions d'habitants dans 490 quartiers. Je pense que cet amendement va dans le bon sens.
Le présent amendement vise à inscrire dans le marbre du droit l'engagement pris par l'État de porter, d'ici à 2024, les crédits de l'ANRU à 10 milliards d'euros. En effet, la baisse des crédits de la politique de la ville risque fort d'affecter le niveau du nouveau programme de renouvellement urbain.
Si l'on ajoute à cela la baisse des APL prévue dans ce budget, dans mon département, la Seine-Saint-Denis, qui est fortement concerné, ce ne sont pas moins de 1 518 constructions, 1 731 réhabilitations et 1 261 démolitions qui, selon Seine-Saint-Denis Habitat, n'auront jamais lieu.
Le coeur de la stratégie logement du Gouvernement, présentée en septembre dernier, qui allie constructions, réhabilitations et mixité sociale, trouve ici l'occasion de se manifester concrètement.
La parole est à Mme Annaïg Le Meur, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, pour soutenir l'amendement no 291 .
Comme annoncé dans mon rapport, je défends un amendement identique adopté par la commission des affaires économiques. Il vise à inscrire l'engagement de l'État à hauteur de 1 milliard d'euros au financement de l'ANRU.
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l'amendement no 363 .
Il est fondamental de rajouter ces 4 milliards d'euros. Chacun s'accorde à dire que le premier programme était une réussite ; le second doit l'être également. Mais il existe tout de même une inquiétude : le premier programme était fortement soutenu par les collectivités locales et les bailleurs, très allants sur la réalisation du programme, et qui ont d'ailleurs fait des choses exceptionnelles : quand on visite ces quartiers, on voit bien la métamorphose complète et positive ainsi mise en oeuvre.
Aujourd'hui, il y a une inquiétude. Les collectivités locales comme les bailleurs disent ne pas être sûrs de pouvoir accompagner le programme compte tenu de leurs finances : il y a donc un vrai risque de ralentissement, voire d'arrêt du nouveau programme. Il ne faut pas oublier que les 10 milliards d'euros sont attribués soit aux bailleurs soit aux collectivités locales, lesquels portent ensuite ces financements. Avec ces 10 milliards, on peut imaginer de financer à nouveau 40 milliards d'euros de travaux, faisant ainsi passer à 80 milliards d'euros l'investissement indispensable dans ces territoires.
Mais si les porteurs de projet sont eux-mêmes en difficulté, ils risquent, et les informations que j'en ai le confirment, de ne pas venir devant les comités d'engagement et de ne pas solliciter ces financements – ce serait la pire des choses – ; d'où l'idée d'accompagner les collectivités locales et les bailleurs.
Le présent amendement a également pour objet d'inscrire cette annonce positive de 4 milliards d'euros supplémentaires, dont 1 milliard d'euros provient de l'État.
Ayant un peu de retour sur expérience concernant l'ANRU, je compléterai les propos de M. Pupponi en indiquant que cette alchimie est toujours très compliquée : il faut mettre simultanément en mouvement une multiplicité d'acteurs, sachant que les financements de l'ANRU servent d'amorce, l'essentiel provenant des collectivités et des bailleurs.
Il faut donc continuer de donner à l'ANRU cette mission de mise en cohérence et d'amorce des projets, mais il faut faire attention à ce que les partenaires chargés de réaliser les programmes n'aient pas les jambes coupées et ne soient empêchés de suivre l'initiative de l'ANRU, nous laissant au final des crédits non consommés.
La commission des finances ayant déposé l'un des amendements identiques, elle est naturellement favorable à cette série.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Vous avez raison : il importe, d'une part, de donner de la visibilité à ce que nous allons faire et, d'autre part, de conforter l'ensemble des acteurs, bailleurs ou collectivités. À ce titre, l'engagement que nous avons pris de porter de 6 à 10 milliards d'euros le nouveau programme national de renouvellement urbain doit être totalement confirmé, affiché et clairement codifié. Le Gouvernement est donc favorable aux différents amendements présentés en ce sens.
J'insisterai sur un point. Nous avons connu des opérations de requalification : les premiers acteurs qui viennent sont les bailleurs. Aujourd'hui, sur les 4 milliards supplémentaires, l'État n'en amène qu'un de manière directe.
La question se pose donc pour la période 2018-2019 : on sait bien qu'il y a un effet d'entraînement dans ces opérations. Avec l'article 52, nous risquons de connaître un vrai coup de frein pendant deux ou trois ans : c'est tout le projet du mandat en matière de politique de la ville qui serait affecté.
Placer les engagements de l'État à ce niveau est une très bonne chose, et nous soutenons ces amendements, mais il faudra vraiment s'attacher, dans le projet de loi relatif au logement, à donner les moyens de réussir.
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l'amendement no 360 .
Certains bailleurs font très bien leur travail, d'autres un peu moins bien et d'autres encore, en nombre très limité, n'entretiennent pas suffisamment leur patrimoine, ce dont les locataires se plaignent.
Le présent amendement vise à pénaliser financièrement les bailleurs qui n'investissent pas suffisamment pour entretenir leur patrimoine. Ceux-ci seraient taxés, le produit de la taxe alimentant le FNAP. Il n'y a pas de raison que les bailleurs qui ne font pas leur travail s'en sortent à bon compte. L'idée est donc d'obliger les bailleurs à investir entre 12 % et 15 % de leurs fonds pour entretenir leur patrimoine ; s'ils ne le font pas, ils versent une cotisation au FNAP.
Je comprends l'idée de notre collègue François Pupponi ; elle est intéressante. Cela dit, il n'existe pas de simulation des effets de cette mesure, qui pourrait se cumuler à d'autres pour prélever de l'argent sur les « dodus dormants » ou sur ceux qui ne font pas leur travail. En l'absence de chiffrage, j'émets un avis défavorable, même si cela a le mérite d'être exploré.
L'avis est également défavorable, même si je comprends l'idée. La difficulté est d'introduire un tel amendement à ce moment de la discussion avec l'ensemble des bailleurs sociaux : vous ne pouvez pas, d'un côté, augmenter la cotisation à la CGLLS ou la TVA et, d'un autre, faire une sorte de prélèvement sur le BFR – besoin en fonds de roulement. Il n'est pas possible de tout cumuler au même moment, comme le disait M. le rapporteur spécial. Avis défavorable, mais je suis tout à fait prêt à en rediscuter par la suite.
Je trouve la proposition de François Pupponi intéressante. Je ferai remarquer, à cette occasion, que la territorialisation des bailleurs sociaux assure une relation de proximité très étroite avec un territoire, les élus locaux et les locataires.
Certains bailleurs sociaux sont des groupes, souvent extraterritoriaux, qui voient les choses de loin et font des arbitrages financiers entre l'entretien et les fonds propres consacrés à la production neuve. Ces bailleurs n'obéissent pas à des perceptions de terrain – j'ai des exemples très précis en tête.
Il me semble utile qu'une mesure un peu contraignante – peut-être faut-il l'évaluer – oblige un bailleur social consacre un minimum minimorum de ses investissements d'abord et en premier lieu à l'entretien et à la maintenance du patrimoine.
Normalement, quand un bailleur vertueux, proche de ses locataires, doit arbitrer le placement de fonds propres, il les consacre toujours à l'entretien et à l'amélioration du patrimoine, pour satisfaire les locataires en place, plutôt qu'à la production neuve pour des locataires à venir – ceux-ci n'étant pas encore présents, ils ne frappent pas à la porte avec des listes de récriminations souvent très justifiées.
Nous n'avons pas besoin d'évaluer. Vous parlez, monsieur le secrétaire d'État, de la réforme du monde du logement social, lequel doit être incité à faire mieux : est-il admissible que des bailleurs n'investissent pas, n'entretiennent pas leur patrimoine ? C'est pourtant une réalité : il suffit d'aller dans ces quartiers pour le constater.
Le présent amendement vise à obliger ces bailleurs à investir, afin d'assurer le minimum d'entretien normal. Il n'y a même pas besoin d'évaluation : la recette ainsi produite alimentera le FNAP, favorisant le financement de l'aide à la pierre. Cela est bénéfique pour tout le monde : pour les locataires, qui bénéficieront d'un entretien décent du patrimoine dans lequel ils vivent, pour les bailleurs, qui auront obligation de le faire sinon ils seront taxés, et pour le FNAP, qui se verra alimenter.
Je veux faire une proposition : cet élément peut être discuté dans le cadre de la péréquation et de la mutualisation. La péréquation ne peut pas être définie dans ses caractéristiques propres, pour les raisons que j'ai expliquées tout à l'heure, puisqu'on ne connaît pas à ce jour l'assiette ni le cadre dans lequel elle se fera, les négociations n'étant pas finalisées. Le débat que vous initiez, monsieur le député, a toute sa place dans la question de la péréquation et de la mutualisation. Nous en reparlerons dans les prochains jours.
L'amendement no 360 n'est pas adopté.
Je défends un amendement adopté en commission des affaires économiques sur la base d'un constat : à niveau de diplôme égal, les habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville, dits QPV, connaissent un taux de chômage 2,5 fois supérieur à la moyenne nationale. Plus de deux adultes sur cinq résidant en QPV et en âge de travailler sont à l'écart du marché de l'emploi, le taux de jeunes ni en emploi ni en formation étant de 35,8 %, contre 17,9 % dans les unités urbaines environnantes.
Afin de lutter efficacement contre la pauvreté et les discriminations territoriales dont est victime une partie de nos concitoyens, il est donc urgent d'agir. Lors de sa campagne, le Président de la République s'était engagé à mettre en place un dispositif d'« emplois francs », destiné à inciter les entreprises à embaucher des habitants des QPV grâce à une prime de 15 000 euros pour les CDI et de 5 000 euros pour les CDD. À l'inverse de l'expérimentation tentée en 2013, tous les habitants des QPV, quels que soient leur âge et leur situation, pourraient bénéficier de ce dispositif.
Le présent amendement vise donc à concrétiser cet engagement en l'expérimentant dès 2018 dans certains départements, selon des modalités définies par décret. À l'issue de cette expérimentation de deux ans, un bilan serait réalisé avant son éventuel élargissement à tout le territoire national.
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l'amendement no 364 .
C'est un excellent amendement ; j'avais déposé une proposition de loi en ce sens il y a six ans et l'expérimentation a été faite. Je me permets juste de vous donner un conseil : si l'expérimentation n'a pas fonctionné, c'est parce que les services de Pôle emploi ne veulent pas de cette discrimination positive. Je me suis confronté longuement à eux : ils considèrent qu'un demandeur d'emploi est un demandeur d'emploi, qu'il vienne ou non de ces territoires, car cela ne fait pas de différence pour eux. Cela n'a pas fonctionné parce qu'ils n'ont pas mis en oeuvre la mesure ; il faudra donc y être très attentif.
Vous avez raison, madame la rapporteure pour avis : il faut vraiment, si cet amendement est adopté, faire en sorte que le Parlement joue son rôle de contrôle et aille vérifier systématiquement auprès des services territorialisés de Pôle emploi que la mesure est vraiment mise en oeuvre dans toute sa dimension.
Je partage complètement les propos de Mme Le Meur. Il y a un vrai scandale dans notre pays : à diplôme équivalent, le taux de chômage des jeunes des quartiers populaires est supérieur de 30 %. Notre pays décourage le mérite, notamment chez les jeunes de ces quartiers qui ont fait l'effort d'obtenir des diplômes.
Il faut vraiment s'y attaquer, même si cette mesure n'y suffira sans doute pas.
Je voudrais souligner que l'on gagne en efficacité.
D'abord, le périmètre des quartiers prioritaires de la politique de ville a été un grand progrès : on parle non plus des réalités urbaines, comme c'était le cas dans les ZUS – zones urbaines sensibles – , mais on parle de réalité sociale, c'est-à-dire du niveau de vie des habitants : c'est beaucoup plus objectif et beaucoup plus cohérent.
Ensuite, on parle d'« emplois francs ». Je connais les zones franches pour en avoir une à La Courneuve. Nombre d'entreprises y ont posé leur boîte aux lettres, mais avec peu de conséquences pour l'emploi des jeunes du quartier. En revanche, un peu dans la même logique que celle des périmètres des quartiers prioritaires de la politique de la ville, les emplois francs se concentrent sur les habitants des quartiers.
Cela dit – je suis d'accord sur ce point avec François Pupponi – , il faut évidemment que toute la machine d'aide à l'accès à l'emploi joue le jeu, à la différence de ce qui se passe actuellement où son action favorise plutôt les politiques discriminatoires.
Je pense que tout le monde peut souscrire à l'idée d'une expérimentation d'emplois francs. Il est indispensable de créer des emplois si l'on veut réduire la fracture territoriale, notamment entre les quartiers prioritaires de la politique de la ville et les autres. À titre personnel, je suis plus que favorable à l'adoption de cet amendement, qui n'a pas été examiné en commission.
Madame Le Meur, je tiens tout d'abord à saluer le travail que vous avez accompli depuis de longues semaines, certes avec d'autres de vos collègues, mais on connaît votre attachement à cette question des emplois francs et le dynamisme dont vous faites preuve.
M. Peu l'a dit : il est scandaleux – il n'y a pas d'autre mot – qu'à diplôme équivalent un jeune issu des quartiers prioritaires de la politique de la ville ait une probabilité de décrocher un entretien d'embauche infiniment plus faible qu'un jeune ayant les mêmes diplômes issu d'un autre territoire. C'est d'autant plus scandaleux que plus la personne est diplômée, plus cette discrimination augmente. La promesse républicaine faite par l'État à ces personnes pour qu'elles accèdent au système éducatif secondaire – ainsi qu'à leurs familles, qui les accompagnent dans leurs efforts – n'est donc pas tenue. Au final, c'est l'ensemble de ces quartiers qui sont découragés lorsqu'un diplômé ne peut même pas décrocher un entretien d'embauche – car c'est cela, la réalité, aujourd'hui.
En la matière, beaucoup de choses ont été faites et expérimentées – beaucoup de choses n'ont pas marché. Nous connaissons tous cette question des boîtes aux lettres placées dans un certain nombre de quartiers. L'expérimentation d'emplois francs vise à inverser cette logique : l'avantage fiscal ou budgétaire dépendra non pas de l'installation d'une entreprise dans un quartier prioritaire de la politique de la ville mais de l'embauche d'un salarié qui en vient. Cela mettra fin aux mécanismes du type boîtes aux lettres – ou autres – qui ont rendu inefficaces les autres dispositifs. Tel est l'objectif du Gouvernement.
Vous avez beaucoup concouru à l'élaboration de cette proposition, madame la rapporteure pour avis, mais nous discuterons de la question dans le cadre de l'examen de la mission « Travail et emploi », le 8 novembre : le Gouvernement défendra un amendement allant dans le même sens. Je ne peux qu'appeler au retrait de celui de la commission, tout en réaffirmant notre ferme volonté d'avancer sur ce sujet majeur afin de mettre fin à ce qui, à bien des égards, est un scandale.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe REM.
Nous avons mené ce travail, avec notamment MM. Taché, Orphelin et Laabid, …
… dans une belle unanimité parce que ce sujet, comme vous le dites, est essentiel. C'est effectivement de discrimination qu'il s'agit, mais aussi d'inégalités. La question n'a pas été mise en évidence lors du précédent quinquennat en raison du suivi de cette politique par Pôle emploi, mais aussi du fait d'un saupoudrage des mesures destinées aux quartiers et, enfin, faute de clarté.
Une fois ce dispositif mis en oeuvre, nous serons vigilants pour que les quartiers en bénéficiant à titre expérimental soient clairement identifiés et nettement promus afin qu'il soit pleinement efficace.
Je remercie tout d'abord les personnes qui m'ont accompagnée pendant la rédaction de rapport. Il y a eu de belles rencontres.
Je suis en effet consciente que l'objectif que nous défendons sera atteint et que les emplois francs seront mis en place dès 2018. Au nom de la commission des affaires économiques, je retire l'amendement au profit d'un amendement de groupe qui sera présenté en séance la semaine prochaine lors de l'examen de la mission « Travail et emploi ».
Pardonnez-moi mais je n'ai pas bien compris la manoeuvre.
Je ne retirerai pas mon amendement mais je ne vois pas pourquoi l'amendement de la commission présenté par Mme Le Meur le serait au profit d'un amendement « de groupe » qui sera discuté la semaine prochaine.
Je considère que je n'ai pas eu assez d'explications, même si je crois en comprendre certaines.
Cela dit, je ne veux pas me livrer à un exercice de lecture entre les lignes et je préférerais que l'on me dise simplement ce qu'il en est.
Moi aussi, je m'y perds un peu. De surcroît, je ne suis pas sûr qu'un rapporteur puisse retirer un amendement d'une commission, …
… précisément parce qu'il s'agit d'un amendement adopté par la commission, et non d'un amendement déposé par le rapporteur à titre personnel. Je veux bien que l'on vérifie mais il me semble que le rapporteur d'une commission fait état du vote de cette dernière sur un amendement et qu'il ne peut pas prendre la liberté de retirer. Les membres de la commission ont voté et n'ont pas, en l'occurrence, délégué leur droit de vote à la rapporteure. C'est une vraie question juridique et réglementaire.
Sur le fond, nous sommes tous d'accord pour adopter une telle mesure. Mettons-la donc en oeuvre ! Je vois bien la stratégie qui consiste à dire que la semaine prochaine, ce sera mieux, mais il s'agit d'un amendement de la commission des affaires économiques et nous discutons de la cohésion des territoires et de la politique de la ville : il n'y a aucune raison de retirer cet amendement sur lequel tout le monde est d'accord et, surtout, de ne pas le voter.
Il convient de clarifier la position de la commission et du Gouvernement sur les deux amendements identiques qui sont maintenus.
Cela a été toléré dans le passé. Quoi qu'il en soit, nous procéderons au vote puisque deux de ces amendements sont maintenus.
Il est déjà arrivé qu'un rapporteur retire un amendement adopté par une commission.
Il est aussi possible de le maintenir afin d'éviter toute difficulté juridique et de le mettre aux voix mais, je le répète, deux amendements identiques sont maintenus.
Sourires
Nous avons deux options : soit l'amendement de la commission des affaires économiques est retiré par sa rapporteure pour avis – ce qui s'est fait, me dit-on, à une époque où je n'étais pas élu et que je n'ai donc pas vécue – ,…
… soit les trois amendements sont maintenus – deux d'entre eux sont de toute façon déjà maintenus – afin d'éviter la difficulté juridique et nous passons au vote.
Mes chers collègues, je vous propose de suspendre la séance quelques minutes.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à onze heures trente-cinq, est reprise à onze heures quarante.
La séance est reprise.
Voici une clarification sur ce qu'un rapporteur peut faire ou non.
Aucun article du règlement n'interdit à un rapporteur de retirer en cours de débat un amendement présenté par la commission. Certes, le devoir du rapporteur est d'être fidèle à l'esprit de la commission, mais il lui appartient également d'apprécier le mandat qui lui a été confié. Il peut donc tout à fait décider de retirer un amendement.
Sourires.
Pour la clarté des débats et avant de passer au vote, je demande à Mme Le Meur, rapporteure pour avis, si elle confirme ou non le retrait de l'amendement.
Oui, je le retire, tout en restant fidèle à la position de la commission des affaires économiques.
Je tiens également à préciser que l'amendement qui sera discuté lors de l'examen de la mission « Travail et emploi » a déjà été gagé. Je préfère donc retirer l'amendement no 292 à son profit.
L'amendement no 292 est retiré.
Afin que tout soit clair, qu'en est-il de votre amendement, monsieur Peu ?
Monsieur le président, je vous le dis franchement : je trouve qu'un véritable problème de méthode se pose. Il est toujours compliqué de retirer un amendement sans connaître la teneur de celui qui sera présenté. Plutôt que de signer en quelque sorte un chèque en blanc, je préférerais que l'amendement de la commission des affaires économiques soit maintenu, quitte à ce que nous en discutions à nouveau lors de la lecture suivante.
J'ai cru comprendre – sans en connaître le contenu, forcément – que l'amendement qui sera présenté est quant à lui beaucoup plus facile à gager car d'une portée très restreinte : l'expérience ne se fera pas grandeur nature, le territoire concerné sera microscopique.
Pour être clair : l'amendement de la commission des affaires économiques a été retiré et M. Peu maintient le sien.
Je le maintiens d'autant plus que, durant le processus législatif, la commission peut éventuellement le modifier, tout comme nous le pouvons, lors de la lecture suivante. Les membres de la commission des affaires économiques pourront tout à fait modifier ce dispositif s'il est adopté aujourd'hui. Nous ne sommes qu'au début du processus. Chacun pourra y trouver son compte, y compris en termes d'affichage. Cela dit, proposer une telle mesure et, aussitôt après, la restreindre, ce n'est pas forcément envoyer un bon message aux habitants de ces quartiers.
Comme je le disais tout à l'heure, la commission des finances n'a pas examiné ces amendements. Pour ce qui me concerne, je leur suis favorable.
Pour les raisons que j'ai évoquées précédemment, le Gouvernement appelle au retrait de ces amendements. À défaut, il demandera à l'Assemblée de les rejeter.
L'expérimentation des emplois francs, engagement de campagne du Président de la République, est une priorité d'action pour le Gouvernement. Nous examinerons mercredi 8 novembre un amendement sur ce sujet, dans le cadre de la mission « Travail et emploi ». Nous avançons donc, et nous irons jusqu'au bout.
L'amendement que nous défendrons lors de l'examen de la mission « Travail et emploi » prévoit un dispositif de 20 000 emplois francs, gagé à hauteur de 64 millions d'euros. L'expérimentation porterait effectivement sur des zones géographiques limitées, dont ni le nombre ni le périmètre ne sont précisés.
Les dispositions de cet amendement, plus précises, sont préférables à celles des deux amendements identiques. C'est pourquoi, chers collègues, je vous invite à les rejeter.
Rassurez-vous, chers collègues, nous ne sommes pas en train de revenir sur notre engagement. Il s'agit de travailler sérieusement, afin que ce projet trouve sa place au sein de la mission « Travail et emploi », avec le gage nécessaire.
Notre travail consiste à toujours chercher les moyens les plus adaptés : c'est dans cette mission que nous les avons trouvés. Nous voterons donc contre ces amendements, afin de débattre sur ce sujet de manière apaisée et sérieuse, le 8 novembre.
D'après ce que je comprends, l'amendement présenté dans le cadre de la mission « Travail et emploi » restreint considérablement l'expérimentation. Le message adressé aux jeunes des quartiers populaires qui subissent la discrimination est clair : avec ce projet de budget, le Gouvernement ne compte vous donner que des miettes.
Exclamations sur les bancs du groupe REM.
Un problème d'affichage politique se pose. Placer ce dispositif dans la mission « Cohésion des territoires » a du sens puisqu'il adresse un message aux habitants de ces territoires, sur leurs thématiques.
En revanche, l'intégrer à la mission « Travail et emploi » dilue le dispositif, en considérant qu'il concerne tout le monde. Symboliquement, nous avions intérêt à choisir la première option. C'est d'ailleurs pour cela que la commission des affaires économiques s'était saisie du sujet. Ce n'est pas un hasard si elle a voulu respecter l'engagement du Président de la République dans le cadre de cette mission.
J'ai donc du mal à comprendre cette obstination à ne pas voter le dispositif aujourd'hui, alors qu'il pourrait encore évoluer la semaine prochaine ou en nouvelle lecture. Que M. le secrétaire d'État puisse annoncer qu'un effort particulier est fait pour les quartiers prioritaires et que le Président de la République respecte son engagement dans le cadre de la mission « Cohésion des territoires », cela a du sens.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 65 |
Nombre de suffrages exprimés | 63 |
Majorité absolue | 32 |
Pour l'adoption | 16 |
contre | 47 |
Cet amendement, inspiré par l'appel de Grigny, a pour objet la création de « territoires d'expérimentations de projets et de reconquête républicaine », souhaités par les maires et les autres acteurs de la politique de la ville. Dans une logique similaire, M. Laqhila, rapporteur spécial de la commission des finances, a parlé d'attribuer des moyens particuliers à 50 quartiers.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l'amendement no 380 .
Cet amendement reprend ce qui a fait la force de l'appel de Grigny, la multitude et la transversalité. Les nombreux élus présents à l'appel de mon ami Philippe Rio ont exprimé la nécessité de territoires de projets et de reconquête républicaine, pour réaliser des expérimentations pendant deux ans dans des domaines tels que l'éducation, la sécurité, l'emploi, la formation professionnelle, la culture et le sport.
Il s'agit de cibler ces quartiers : « Il n'y a pas de territoire perdu de la République, mais des territoires que la République abandonne », selon les mots d'un enseignant. Il faut prouver le contraire à ces quartiers, en proposant des mesures qui donnent de la dignité.
Tel est le sens des propositions faites à Grigny. Il importe non seulement que nous les mettions en lumière, mais aussi que nous les concrétisions.
À titre personnel, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée pour ces amendements. Ils n'ont pas été examinés en commission mais vont dans le sens du rapport spécial que j'ai rédigé.
Avis défavorable. Sur le fond, je m'étonne que les amendements visent une expérimentation pendant deux ans car le droit à l'expérimentation existe déjà. Il est d'ailleurs évoqué dans la Conférence nationale des territoires, afin que tous les territoires puissent être différenciés et bénéficier d'expérimentations.
Il faut mener des expérimentations dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, en milieu rural et, plus généralement, dans tous les territoires, en fonction de leurs spécificités. La difficulté vient de ce que la Constitution impose aujourd'hui de généraliser toute expérimentation.
Sur le fond, madame, monsieur les députés, je partage donc votre préoccupation, mais territorialiser et expérimenter ne doit pas être réservé à tel ou tel quartier, pour une durée donnée : au contraire, l'expérimentation doit être un droit commun.
Nous en venons à la seconde difficulté : déterminer si de telles dispositions doivent entrer dans le droit commun ou être propres à la politique de la ville.
Nous rejoignons là les remarques de M. Pupponi sur le choix de placer les dispositions relatives aux emplois francs dans la mission « Cohésion des territoires » ou dans la mission « Travail et emploi », et le débat entamé hier soir pour déterminer si c'est le droit commun ou les dispositions de la politique de la ville qui doivent s'appliquer aux quartiers prioritaires. Si l'axe du droit commun est privilégié, une discussion sur l'expérimentation des emplois francs dans le cadre de la mission « Travail et emploi » est pleinement justifiée. Le droit commun est tel qu'il faut que l'ensemble des quartiers prioritaires de la politique de la ville puissent bénéficier de ce qu'il a de mieux, de manière prioritaire.
L'éducation et la sécurité en sont deux exemples. En matière de politique éducative, nous n'avons pas décidé de créer une zone expérimentale dans laquelle nous dédoublerions les classes de cours primaire : nous avons pris cette mesure pour toutes les écoles du réseau d'éducation prioritaire renforcé, REP +. C'est une politique de droit commun, qui s'applique, de manière prioritaire, à certains quartiers prioritaires de la politique de la ville. Il ne s'agit pas de dire que les classes de CP seront dédoublées dans certains territoires, dits expérimentaux : nous devons réaliser ce dédoublement partout où il est nécessaire.
Certes, je comprends la finalité de ces amendements, mais l'approche du Gouvernement n'est pas de traiter les 1 500 quartiers prioritaires de la politique de la ville de la même manière. Nous prêterons une attention particulière à quelques dizaines ou centaines de quartiers, mais la loi ne peut le codifier. Les territoires d'expérimentations doivent être une politique de droit commun, qui fait de ces quartiers un axe majeur et prioritaire.
L'approche du Gouvernement vise donc à ce que l'ensemble des politiques de droit commun fassent des quartiers prioritaires une priorité de son action.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes REM et MODEM.
Il s'est passé à Grigny une chose importante : les acteurs de la politique de la ville, toutes tendances confondues – même des représentants de La République en marche étaient présents – ont mis en avant un problème qu'ils souhaitaient aborder avec le Gouvernement. Or ils n'ont toujours pas obtenu le rendez-vous qu'ils demandent depuis le mois d'août au Président de la République. Les acteurs de la politique de la ville attendent donc un message.
Ces amendements d'appel ont ainsi pour objectif d'instaurer le dialogue. Les acteurs de la politique de la ville ont besoin d'être rassurés sur ce que fera le Gouvernement, sur ce qu'il propose pour les territoires.
Entendez ce qui s'est passé à Grigny, monsieur le secrétaire d'État ! Si nous avons repris les propositions de ces acteurs dans nos amendements, c'est qu'ils nous l'ont demandé. Certes, ils ont besoin d'avoir le sentiment d'être soutenus et que l'on défende leurs positions, mais ils ont aussi besoin d'en discuter.
Je ne sais pas comment vous pourriez intervenir pour que le Président de la République les reçoive, mais il n'est pas normal qu'au bout de trois mois, seul un rendez-vous avec une conseillère leur soit proposé. Ce que demandent ces acteurs, c'est de pouvoir discuter de leurs propositions avec le Président de la République, propositions qui avanceront ou pas, en fonction du dialogue qui s'instaurera.
Je ne voudrais pas que l'on puisse laisser croire que le Gouvernement n'entend pas l'appel de Grigny. Cet appel a été lancé dès cet été, dans une tribune du Journal du dimanche.
Après avoir lu ce texte, j'ai immédiatement appelé ses signataires, en leur proposant un rendez-vous. L'initiative venait donc de notre part : nous avons voulu signifier à ces acteurs que nous devions nous rencontrer car leur appel était légitime. Nous devions en parler.
Aujourd'hui, Jacques Mézard est absent de cet hémicycle parce qu'il est à Grigny.
On ne peut donc en aucune façon dire que Gouvernement est sourd à l'appel de Grigny.
Cependant, vous avez mille fois raison sur ce point, monsieur Pupponi, il faut aller encore plus loin : le débat sur les emplois francs va entièrement dans ce sens, de même que ce que nous essayons de faire en matière de rénovation urbaine ou le fait d'avoir stabilisé et pérennisé pendant toute la durée du quinquennat les crédits du programme « Politique de la ville », que l'Assemblée a votés hier soir.
J'entends donc l'appel de Grigny.
Certains élus locaux et associations de ces quartiers sont aujourd'hui épuisés. Le rôle de l'État est de les accompagner le plus possible. Sachez, mesdames, messieurs les députés, que nous entendons cet appel et que nous sommes, au jour le jour, dans l'action pour y répondre.
La parole est à M. Adrien Quatennens, pour soutenir l'amendement no 329 .
En octobre 2017, la rapporteure spéciale des Nations unies sur les droits des personnes en situation de handicap a fait un constat accablant concernant la prise en charge de ces personnes sur le territoire national. Soulignant le nombre très élevé d'enfants et d'adultes en situation de handicap résidant dans des institutions où il se retrouvent isolés du reste de la société, elle a également dénoncé le manque d'accessibilité des transports en commun et des lieux ouverts au public. Elle a enfin recommandé à la France de faire davantage d'efforts sur ce plan.
Cet amendement vise donc à demander au Gouvernement une étude sur les politiques mises en oeuvre pour pallier ces manquements, notamment une analyse de l'adéquation entre les moyens budgétaires alloués et les besoins réels. En effet, nous nous inquiétons de constater que la France fasse encore l'objet de telles observations et critiques, en dépit du fait que le Gouvernement déclare que l'accessibilité est un enjeu essentiel, et malgré l'arsenal juridique dont elle s'est dotée – loi de 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ; ordonnance du 26 septembre 2014, qui introduit l'agenda d'accessibilité programmée ; tenue d'un deuxième comité interministériel du handicap en décembre 2016 ; arrêté d'avril 2017.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Avis défavorable. Si je partage les inquiétudes de M. Quatennens sur l'application de ces dispositions relatives au handicap, j'estime que le délai de six mois qui est prévu dans cet amendement pour produire un rapport d'information concernant tout le pays est trop court.
En revanche, il ne me semble pas avoir vu dans l'exposé sommaire de l'amendement des éléments concernant les rapports obligatoires des commissions pour l'accessibilité. Pourtant, les communautés d'agglomération et les métropoles sont désormais tenues de bâtir des schémas départementaux d'accessibilité des services publics et des services ouverts au public, de produire le chiffrage ainsi que le calendrier d'exécution des travaux subséquents, et ces structures intercommunales doivent remettre tous les ans aux élus un rapport qui est consultable, si ma mémoire est bonne, par la commission d'usagers de services publics et par toutes les associations oeuvrant dans le domaine du handicap.
En bref, je comprends la préoccupation des auteurs de l'amendement, mais je ne vois pas comment, à supposer que nous l'adoptions, le Gouvernement pourrait mener à bien le travail qui y est demandé. Cela ne veut pas dire qu'il faille relâcher l'effort ; simplement, celui-ci, aujourd'hui, relève bien plus des territoires. Peut-être pourrions-nous demander au Gouvernement de consolider tous les documents qui sont déjà produits par d'autres acteurs publics au niveau territorial.
Pour ces raisons, mon avis est défavorable.
Vous l'avez rappelé, monsieur le député : en matière de handicap, l'arsenal juridique existe, depuis la loi de 2005 voulue par Mme Montchamp sous l'impulsion du président Chirac et complétée par la suite. Aujourd'hui, dans ce domaine, nous avons tout ce qu'il faut pour agir.
L'accessibilité des bâtiments et des lieux publics n'est pas une question de chiffres : les chiffres, nous les connaissons tous. Ce n'est pas un énième rapport qui va nous indiquer ce qu'il faut faire. Simplement, depuis quinze ou vingt ans, en dépit du fait que les dispositions juridiques ont été renforcées, nous n'avons pas fait ce que prescrivait la loi. La réalité, la voilà.
Je donne toujours le même exemple : mon ministère n'est pas accessible aux personnes en situation de handicap. Vous me direz peut-être que, depuis cinq mois, j'aurais pu m'en préoccuper… On discute toujours de nouvelles normes, des normes applicables aux constructions nouvelles, de celles qui s'imposent aux propriétaires ; et pendant ce temps, mon ministère, qui s'occupe notamment de ces questions, n'est toujours pas accessible aux personnes en situation de handicap.
Un comité interministériel du handicap s'est tenu il y a quelques semaines. Y ont été abordés la politique du Gouvernement dans le domaine du handicap, les objectifs fixés au niveau territorial, le partage des schémas d'aménagement de l'accessibilité avec les associations au niveau local. Ce qu'il faut faire aujourd'hui, je le répète, ce n'est pas produire des chiffres ni rédiger un énième rapport, c'est appliquer les mesures que nous avons mises en avant dans le cadre du comité interministériel.
Avis défavorable, même si, sur le fond, la politique en faveur de l'accessibilité pour les personnes en situation de handicap doit être une priorité, comme le Premier ministre le rappelait encore il y a deux mois.
Il est vrai que ce n'est pas un rapport qui va changer concrètement les choses. En même temps, il est important que nous puissions discuter des difficultés rencontrées localement et mettre en valeur les efforts qui sont consentis. Pendant la précédente législature, nous avions débattu, au cours d'une semaine de contrôle, sur la mise en oeuvre de la grande loi de 2005, et cela avait permis de faire le point. La mobilisation de tous et l'organisation d'un débat dans l'hémicycle ont leur importance. Voilà pourquoi, à titre personnel, je voterai cet amendement.
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez bien compris que, si nous demandons un rapport, c'est parce que, dans le cadre budgétaire actuel, nous ne pouvons pas proposer de dépenses nouvelles. Nous voulons mettre ce problème sur la table : quel argent va être consacré à l'accessibilité des bâtiments existants – par exemple de votre ministère ?
Plus largement, quand on entend le président Macron dire qu'en abaissant les normes environnementales et d'accessibilité aux personnes handicapées il ne va pas se faire des amis, mais qu'« il faut du pragmatisme », quand on voit que, dans les constructions nouvelles, on renonce à l'accessibilité et aux normes environnementales pour aller plus vite, …
… il est normal que l'on se pose des questions.
Voilà pourquoi nous demandons ce rapport.
Il faut arrêter la caricature deux minutes ! Que faisons-nous en matière de normes d'accessibilité ? Madame la députée, avez-vous rencontré les représentants de l'Association des paralysés de France ?
Nous, nous les avons beaucoup vus, et nous avons travaillé avec eux.
Je ne sais pas si vous avez lu ce que nous allons faire s'agissant de la construction neuve. Aujourd'hui, quand on construit un immeuble collectif, 100 % des appartements doivent être accessibles, c'est-à-dire entièrement adaptés aux personnes en situation de handicap. Mais, selon l'APF elle-même, il est possible de construire des appartements dits « évolutifs » – ce terme est celui qu'emploie l'association – , de sorte qu'un immeuble pourrait compter 10 % d'appartements entièrement accessibles et 90 % d'appartements susceptibles d'être aménagés au moyen de menus travaux, comme le déplacement d'une cloison, lorsqu'un propriétaire en situation de handicap vient y habiter. La conséquence, très pragmatiquement, comme vous dites, c'est que, sur un appartement de 65 mètres carrés, on fait gagner pas moins de 5 mètres carrés au locataire.
Voilà le résultat du travail que nous avons mené avec les associations. Alors, s'il vous plaît, pas de caricature à ce sujet.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes REM et MODEM.
L'amendement no 329 n'est pas adopté.
La cohésion des territoires est liée à la question du consentement national, aujourd'hui fragilisé dans beaucoup de pays européens sous le coup des politiques d'austérité et de dérégulation. En effet, l'existence d'une République une et indivisible, l'appartenance à une communauté de destin se prouvent ; elles n'ont rien de naturel ni d'inné.
De ce point de vue, le nombre croissant de zones de non-droit du point de vue de l'accès aux services publics est évidemment un problème, car la République une et indivisible implique l'égalité des droits. On le sait, dans de nombreux quartiers, les services publics – poste, perception, Pôle emploi, hôpitaux – ferment les uns après les autres. La caserne de pompiers constitue parfois le dernier vestige d'un service public, quand ce ne sont pas les forces de police venues de l'extérieur, …
… parce que l'on a fait disparaître les commissariats de proximité, lesquels, si j'ai bien compris, ne vont pas rouvrir de sitôt.
À cela, vous ajoutez la suppression de contrats aidés dans les associations et dans les établissements publics, où ils étaient d'un précieux secours, et vous réduisez le budget de la politique de la ville. Les élus locaux réagissent – l'appel de Grigny a été cité par nombre de mes collègues.
À vous entendre nous répondre depuis hier, monsieur le secrétaire d'État, je constate que, très souvent, avec compassion, presque avec souffrance, vous nous comprenez, mais que vous ne proposez aucune solution dès lors que nous demandons des financements budgétaires supplémentaires, vous obstinant à expliquer que l'on va faire mieux avec moins.
Dans le présent amendement, nous demandons non pas des crédits supplémentaires, mais un rapport d'information sur l'opportunité d'un indicateur mesurant la présence des services publics ou parapublics dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Voilà un premier fondement sur lequel on pourrait construire une politique un peu plus égalitaire.
Si je partage le constat qui vient d'être fait, je ne pense pas qu'un indicateur supplémentaire soit nécessaire pour mesurer le déploiement des services publics dans les territoires.
Le problème existe. Mais il existe aussi un observatoire national de la politique de la ville, l'ONPV, qui peut appréhender la situation. Personnellement, je n'ai besoin d'aucun outil nouveau pour cela : il suffit de circuler dans une ville, de se rendre dans certains quartiers, y compris dans les territoires les plus reculés.
À titre personnel, je suis donc défavorable à cet amendement que la commission n'a pas examiné.
Monsieur Coquerel, le budget de la politique de la ville que nous avons présenté n'est pas en diminution. Vous aviez déjà fait cette erreur en commission, et nous en avons reparlé pendant des heures hier. Je ne sais pas comment vous le dire autrement.
En revanche, je suis d'accord avec vous pour pointer un véritable problème de lisibilité et de transparence concernant la présence des services publics dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Cet indicateur de politique publique n'est pas sur la table et vous avez raison de le dire. J'en parlais avec plusieurs d'entre vous hier encore : on le sait, certains services publics ou parapublics, certaines entreprises de l'État ont quitté les quartiers prioritaires alors qu'ils sont présents, de manière dense, dans d'autres quartiers.
Il faut, en la matière, des indicateurs transparents pour guider la politique publique mais, comme l'a dit M. le rapporteur spécial, plutôt que par un rapport, c'est en se tournant vers l'ONPV que l'on pourra y oeuvrer. Sollicité pour produire des rapports sur diverses politiques publiques, dont la rénovation urbaine, l'observatoire a émis ses derniers avis début avril 2017.
Je vous propose que nous demandions à l'ONPV de rendre transparents certains indicateurs, qui devront être précisés, car il est inutile de les multiplier : quelques-uns suffiront.
Avis défavorable, même si, quant au fond, je partage votre point de vue.
La réponse de M. le secrétaire d'État montre combien la proposition d'Éric Coquerel est légitime. Il y a la politique de la ville, et il y a les politiques de droit commun. Cela a été rappelé lors des états généraux de la politique de la ville à Grigny : souvent, dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, les services de police et d'éducation ne sont pas à la hauteur de l'exigence d'égalité républicaine.
J'en citerai un seul exemple, parmi bien d'autres. Versailles et Saint-Denis ont pour seul point commun, ou presque, leur relation avec les rois de France.
Sourires.
Il y a ainsi onze bureaux de poste pour 80 000 habitants à Versailles quand il y en a six pour 110 000 habitants à Saint-Denis.
Je conclurai par cette citation, que j'aime beaucoup, d'un professeur de lycée à Saint-Denis : « Il n'y a pas de territoire perdu de la République, mais des territoires que la République abandonne. » Si l'on pouvait évaluer l'ampleur de cet abandon pour y remédier, ce serait une bonne chose.
L'amendement no 331 n'est pas adopté.
La parole est à M. Alexis Corbière, pour soutenir l'amendement no 335 .
Dans le même esprit que précédemment, nous demandons un rapport d'information sur l'opportunité d'un indicateur de la présence des services publics ou parapublics dans les zones rurales.
Fermeture de services publics, ou encore suppression de lignes de train : on ne compte plus les articles de presse quotidienne régionale et nationale qui se font l'écho du désarroi des habitants abandonnés par les pouvoirs publics. Cette tendance est encore plus préjudiciable dans les zones rurales, comme dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, car les populations les plus fragiles s'y concentrent.
L'indicateur que le rapport demandé vise à permettre d'élaborer pourra intégrer des critères tels que la présence de bureaux de poste, d'hôpitaux, ou d'agences Pôle emploi.
L'enjeu est un peu le même que celui de l'amendement précédent.
Le ministre a installé un groupe de travail sur le sujet. Il ne nous paraît pas légitime d'ajouter des indicateurs aux outils existants.
Avis défavorable à titre personnel, cet amendement n'ayant pas été présenté en commission.
Même avis.
Monsieur le député, la loi NOTRe a déjà donné une définition de l'accessibilité de différents services en zone rurale. La difficulté est que cette définition était certainement trop restreinte.
Or la cohésion des territoires implique avant tout la fourniture d'un accès aux services, qu'il s'agisse du numérique, dont nous avons souvent parlé, des services d'accompagnement du public, avec les maisons de services au public, que vous connaissez dans vos territoires, ou de la santé.
Nous avons donc engagé une réflexion sur ce point. Le Commissariat général à l'égalité des territoires a entrepris de définir sept critères de l'accessibilité – quels types de services, quels lieux, etc. Le CGET est en train de dresser des cartes de l'accessibilité. Il devra rendre publics ses travaux et leurs résultats.
Monsieur le secrétaire d'État, le problème, c'est que, comme les autres gouvernements avant vous, vous mettez en place des structures destinées à favoriser l'implantation de services dans les territoires les plus défavorisés, qu'ils soient ruraux ou urbains, mais qu'au même moment, comme par le passé, les administrations prennent des dispositions contraires.
On se bat pour réimplanter des services dans des territoires et, parallèlement, les administrations les y suppriment. Par exemple, quand l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris – l'AP-HP – a décidé de rationaliser en Île-de-France le nombre des établissements hospitaliers, c'est dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville qu'elle a décidé de fermer des hôpitaux. Le Gouvernement insiste sur le fait que c'est dans ces quartiers qu'il faut retourner et redonner son rôle à la République, soit exactement là où l'AP-HP va supprimer des hôpitaux.
Il y a une espèce de schizophrénie de l'État : d'un côté, on dit qu'il faut tout faire pour rester dans ces territoires ; de l'autre, les mêmes administrations y suppriment les services. C'est cela qui est insupportable. On peut avoir toute la volonté du monde de réimplanter des services, cela ne peut marcher si, parallèlement, les administrations en ferment. Ce n'est pas admissible. Il ne faut pas seulement faire revenir des services : encore faut-il les empêcher de partir de ces territoires – c'est le sens de nos demandes de rapport. Obligeons les administrations, lorsqu'elles font face à un choix budgétaire, à le faire en priorité non pas dans ces quartiers, mais là où les besoins sont moins importants.
Cet amendement a le mérite de montrer les difficultés que l'on rencontre non seulement dans les zones urbaines défavorisées, mais également dans les zones rurales. On se rend en effet bien compte, en écoutant les témoignages des travailleurs sociaux, du niveau d'isolement complet de leurs habitants, mais aussi de leur faible niveau d'éducation, car les difficultés scolaires existent également en zone rurale.
Comme l'a dit François Pupponi, il y a une véritable schizophrénie entre les discours, les intentions, l'affichage et la réalité sur le terrain, où des fermetures sont régulièrement annoncées.
Monsieur le secrétaire d'État, vous vous référez à la loi NOTRe, mais je ne crois pas que ce soit une bonne référence, puisque c'est cette loi qui a lancé le mouvement de métropolisation qui est aujourd'hui en train d'asphyxier complètement le monde rural. Ce n'est pas notre logique : nous préférons prendre en compte les réalités du terrain, notamment en zone rurale.
L'amendement no 335 n'est pas adopté.
Les budgets de la politique de la ville s'élèvent à 400 millions d'euros environ, soit 200 millions affectés dans les territoires. Mais ces 200 millions sont répartis d'une manière qui n'est pas très équitable entre les collectivités locales et les associations. Depuis longtemps, je dis qu'il faut donner des dotations dignes de ce nom aux collectivités locales et attribuer les budgets de la politique de la ville aux associations.
Les auteurs de l'appel de Grigny proposent une plus grande transparence dans la répartition de ce budget, en se demandant s'il ne faudrait pas favoriser les associations dans le budget de la politique de la ville, tandis que les collectivités gèrent pour leur part des dotations dignes de ce nom et sont capables de mettre en oeuvre des politiques publiques. Tous les ans, il y a une bataille dans la répartition de l'enveloppe de 200 millions d'euros dans les territoires, avec les préfets délégués à l'égalité des chances, entre les collectivités et les associations. Soyons plus transparents. Les associations insistent sur le fait qu'elles ont besoin de clarté, de transparence et de visibilité sur l'utilisation de ces fonds.
Cet amendement est aussi le résultat des réflexions menées aux états généraux de Grigny, auxquels un certain nombre d'entre nous ont participé. Jean-Louis Borloo, qui était également présent, a manifesté, à l'instar de toutes les parties prenantes, son inquiétude sur l'avenir de la politique de la ville et des efforts consacrés aux quartiers.
Nous gagnerions en transparence si les budgets alloués à la politique de la ville, notamment les 65 millions d'euros du programme 147, étaient versés en dotations pour la politique de la ville aux collectivités, ce qui permettrait de distinguer clairement les budgets des associations de ceux des collectivités et de gagner en transparence et en fluidité. La politique de la ville est un parcours du combattant et les associations, en particulier, passent beaucoup de temps à monter des dossiers de financement, au détriment de l'action sur le terrain.
Je partage votre idée selon laquelle il est nécessaire de simplifier les procédures de financement de la politique de la ville, lesquelles font perdre beaucoup de temps et d'argent. Toutefois, pour aller le sens de mon rapport, je considère que c'est avant tout à l'État de se réapproprier ses missions au moyen de crédits identifiés au sein de chaque ministère. La commission n'a pas examiné ces amendements mais, à titre personnel, j'y suis défavorable.
Même avis. Je crains que cet amendement n'envoie un signal négatif aux associations, alors que ce sont des acteurs que nous essayons de soutenir. Ainsi, certains d'entre vous ont récemment voté l'abondement du Fonds pour le développement de la vie associative – le FDVA – à hauteur de 25 millions supplémentaires pour soutenir les petites associations. D'autres ont déjà voté le crédit d'impôt sur la taxe sur les salaires – le CITS– , ce fameux crédit d'impôt pour les associations, qui permettra de leur donner en 2018 plus de 500 millions d'euros et qui sera transformé en allégements de charges à partir de 2019, afin qu'elles bénéficient de conditions financières plus attrayantes. Ce qui me gêne dans la philosophie de votre amendement, c'est le signal négatif qu'il pourrait envoyer aux associations, alors même qu'il s'agit pour nous d'acteurs majeurs du territoire.
Je ne vois pas, monsieur le secrétaire d'État, en quoi ce serait envoyer un signal négatif que de clarifier le sujet. Peut-être nous l'expliquerez-vous plus en détail ? Il faudrait notamment clarifier l'exercice 2017, où 46 millions d'euros de crédits de paiement ont été annulés, de même que 130 millions d'autorisations d'engagement, lesquelles sont souvent des promesses de subventions faites aux associations ou aux collectivités. Voilà, pour le coup, un bien mauvais signal.
Vous dites que le budget est en hausse. C'est vrai en quelque sorte, puisqu'il y a 1 million d'euros de crédits de paiement en plus sur un peu plus de 340 millions, soit une portion congrue, quand on dit vouloir en faire une véritable priorité dans le pays.
En termes de signaux, monsieur le secrétaire d'État, vous en envoyez effectivement de bien mauvais à tout le monde, que ce soit aux collectivités territoriales ou au monde associatif. Cela pose un problème, d'autant que l'on vous a demandé des rapports sur la création de nouveaux indicateurs et la définition de nouveaux objectifs pour renforcer le droit commun. Comme nous l'avons dit, la politique de la ville n'est que l'un des éléments du droit commun. Pourrait-on quantifier le nombre de bureaux de poste, de commissariats, d'écoles et de services publics en général ? Il faut aller plus loin dans la question de la politique de la ville, avec plus d'interministérialité certes, mais surtout plus de moyens.
Nous avons présenté hier soir l'amendement no 425 , qui visait à créer une plateforme pour stimuler les énergies des quartiers et favoriser leurs initiatives innovantes. Il a été refusé. Le présent amendement est un amendement de repli, dans lequel nous vous proposons que le Gouvernement remette un rapport pour évaluer ce que pourrait être une plateforme nationale de soutien à la créativité et aux initiatives venues des quartiers. C'est également une demande des acteurs de l'appel de Grigny. À défaut de créer la plateforme, il serait intéressant d'en étudier la faisabilité. Je continue de plaider pour que nous prenions mieux en compte non pas seulement les difficultés sociales de ces quartiers mais aussi leur extraordinaire potentiel créatif, et qu'on les encourage.
Le constat a été fait : il est nécessaire de réformer le financement de la politique de la ville, qu'il faut soutenir davantage grâce à des actions innovantes. Je souhaite, à titre personnel, que cette réforme aille plutôt dans le sens d'une réappropriation par l'État de ses missions. Créer une nouvelle agence ajouterait de la complexité à la complexité. C'est pour cette raison qu'à titre personnel je ne suis pas favorable à cet amendement.
Avis défavorable. Si l'on a parlé de l'appel de Grigny, on a beaucoup moins parlé de ce que le Gouvernement et certains acteurs, notamment des conseils citoyens, des associations et beaucoup d'autres élus, ont lancé à Aubervilliers, quelques jours avant l'appel de Grigny, pour le quarantième anniversaire de la politique de la ville. Ce sont toute une série d'initiatives qui ont été prises par le Gouvernement et des acteurs locaux pour célébrer cet anniversaire. Même si cela fait quarante ans qu'il existe une politique de la ville, les frontières, qu'elles soient physiques ou sociales, perdurent. L'initiative d'Aubervilliers se décline en beaucoup d'actions partout dans le territoire, avec entre autres un volet consacré à l'innovation issue des quartiers prioritaires de la politique de la ville et à sa mise en valeur, que cela passe par la labellisation, le regroupement ou le travail en équipe. Je vous invite à conjuguer nos forces dans le cadre existant, n'étant pas sûr que la création d'une nouvelle agence offre une quelconque solution.
Nous avons terminé l'examen de la mission « Cohésion des territoires ».
Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à douze heures vingt-cinq, est reprise à douze heures trente.
Nous abordons l'examen des crédits relatifs aux sécurités (no 273, annexes 39 et 40 ; no 277, tome VIII, no 278, tomes VIII et IX) et au compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » (no 273, annexe 39).
La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, les crédits de la mission « Sécurités » représentent 13,3 milliards d'euros, soit près de 80 % des crédits dont j'ai la charge. Nous avons obtenu, pour 2018, un budget qui correspond aux ambitions que nous avons en ce domaine.
Ce budget reflète la conscience qu'ont le Président de la République et l'ensemble du Gouvernement de l'importance des missions exercées par le personnel du ministère de l'intérieur, en particulier en matière de sécurité, et notre volonté, dans les années qui viennent, d'aller vers une France apaisée – ce sera là tout l'objet de la police de sécurité du quotidien. Les crédits de la mission « Sécurités » augmentent donc de 1,5 % en 2018 par rapport à 2017, ce qui représente un effort conséquent lorsque l'on connaît les difficultés de cet exercice budgétaire, mais qui prend encore plus de relief si l'on prend un peu de champ.
En effet, par rapport à 2015, on constate que les crédits de personnel, qui atteignent 710 millions d'euros, sont en hausse de 7,3 %. Plus encore, le budget de fonctionnement et d'investissement des services, de 440 millions d'euros, est en hausse de près de 18 % par rapport à 2015. On voit donc la tendance, rompant avec des pratiques anciennes de baisse continue des budgets de sécurité : non seulement nous consolidons les efforts faits ces dernières années, mais nous les accentuons.
Cette évolution à la hausse est très importante. Elle signifie que les moyens supplémentaires exceptionnels obtenus depuis 2015 pour les forces de sécurité, dans le cadre de différents plans de court terme, sont désormais devenus la norme. L'effort du Gouvernement dans le domaine de la sécurité marque donc une orientation puissante pour ce quinquennat : ce qui était hier exceptionnel, nous le pérennisons aujourd'hui et l'inscrivons dans la durée.
Conformément aux engagements du Président de la République, nous procéderons donc, sur l'ensemble du quinquennat, à 10 000 créations d'emplois, de manière à restaurer les capacités des forces de sécurité. Dès 2018, nous recruterons environ 1 000 policiers, 500 gendarmes et 400 membres du personnel de la DGSI et du renseignement territorial.
Cette montée en puissance en matière de personnel sera accompagnée d'un effort important pour l'équipement. Ce sont en effet 230 millions d'euros de crédits que nous consacrerons aux deux forces, c'est-à-dire un niveau équivalent à celui qui a été atteint les deux dernières années, et qui était le fruit de plans exceptionnels. Ce qui, hier, était exceptionnel deviendra donc la norme dans les prochaines années. Ce budget nous permettra dès lors d'investir dans de nouveaux équipements technologiques – tablettes, smartphones, mais aussi caméras piétons – , qui apparaissent essentiels pour réussir la réforme de la police de sécurité du quotidien. Ils permettront à la fois d'atteindre une efficacité technique supérieure et de procéder à des contrôles dans des conditions plus sereines.
Enfin, nous avons également décidé de faire un effort exceptionnel en matière d'immobilier. Pour que nos forces de sécurité soient pleinement opérationnelles, il faut en effet que leur quotidien s'améliore ; nous allons donc rénover nos commissariats et nos casernes, aujourd'hui parfois très dégradés, faute d'entretien régulier et suffisant par le passé. C'est une préoccupation très forte des policiers et des gendarmes, et ils ont raison. Pour les deux forces de sécurité, les budgets immobiliers sont donc en forte augmentation : 196 millions d'euros pour la police nationale, soit une hausse de 5,4 %, et 100 millions d'euros pour la gendarmerie nationale, soit une hausse de 9 %. En outre, j'ai souhaité déconcentrer les décisions relatives aux petits travaux, pour rendre les services davantage réactifs et plus à l'écoute des besoins. Cet effort, si l'on veut qu'il opère rapidement, nous ne pourrons le réaliser seuls ; c'est pourquoi le Gouvernement a déposé un amendement visant à prolonger le régime juridique qui permet aux collectivités locales d'être maîtres d'ouvrage et cofinanceurs de travaux relatifs à la sécurité intérieure.
Le budget de la protection civile est encore meilleur ; je vous en dirai quelques mots tout à l'heure.
Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.
La parole est à Mme Nadia Hai, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, monsieur le président de la commission de la défense, chers collègues, la sécurité intérieure est une grande priorité du quinquennat. À ce titre, ce budget traduit un engagement fort pour la sécurité des Français, engagement que Romain Grau et moi-même portons avec conviction et détermination. C'est pourquoi, mes chers collègues, nous vous appelons à voter ce budget.
En effet, les crédits de la mission « Sécurités » pour 2018 apportent aux policiers et aux gendarmes des moyens matériels et humains à la hauteur de leurs missions et de leur niveau de sollicitation. Ce budget est en résonance avec l'arsenal législatif mis en place à travers la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme ; car face au terrorisme en particulier, nous ne baisserons pas la garde, ni dans la volonté ni dans les moyens alloués.
Ce budget met également en oeuvre les ambitions nouvelles de notre majorité : la lutte contre les inégalités face à la délinquance et aux incivilités, qui nourrissent les sentiments d'injustice et d'abandon par la République. Avec la police de sécurité du quotidien, nous doterons les services de la sécurité publique des outils qui leur permettront de mieux identifier les besoins de sécurité, pour à la fois prévenir et réprimer les délits, en s'adaptant aux réalités des territoires.
En 2018, les budgets du programme « Police nationale » et du programme « Gendarmerie nationale » atteindront 19,76 milliards d'euros en autorisations d'engagement, soit une hausse de 2,3 % par rapport à 2017. Les crédits de paiement seront, pour les deux forces, supérieurs de 956 millions d'euros aux montants consommés en 2016 et supérieurs de 1,4 milliard d'euros à ceux de 2015. Les efforts engagés dans l'urgence à partir de 2015, face à la menace terroriste, sont donc consolidés et pérennisés par une programmation pluriannuelle.
La sincérité, chers collègues, est aussi la marque de ce budget, contrairement à celui de 2017, qui affichait des hausses non soutenables et qui avait, entre autres, contraint à des annulations de crédits en cours d'exercice et à des reports de loyers de la gendarmerie nationale. Le budget 2018 permettra d'initier l'apurement de cette dette liée aux loyers, comme M. le ministre d'État nous l'a confirmé.
Dès 2018 et tout au long de la législature, en matière d'effectifs, les deux forces de sécurité seront dotées de 10 000 emplois supplémentaires, conformément aux engagements du Président de la République. Il faut rappeler à certains de nos collègues que les suppressions d'effectifs entre 2007 et 2012 avaient désorganisé les services, particulièrement les forces mobiles et le renseignement intérieur. En 2012, un rattrapage timide a été initié puis accéléré à la suite des attentats de 2015. Grâce à ce budget, les effectifs de la police nationale dépasseront enfin le niveau de 2007, avec plus de 150 000 policiers, et ceux de la gendarmerie nationale retrouveront le niveau de 2009, avec plus de 100 000 gendarmes et 30 000 réservistes.
Ces recrutements sans précédent appellent un effort en matière de formation initiale et continue et nous vous remercions, monsieur le ministre d'État, d'avoir confirmé votre détermination sur ce sujet essentiel lors de nos échanges en commission élargie.
Le personnel supplémentaire devra en outre être pleinement employé sur des missions opérationnelles. Dans ce but, le budget opère un véritable changement d'échelle en matière de substitution du personnel actif par le personnel administratif et technique sur les missions qui le justifient. La disponibilité du personnel sera accrue par la suppression des tâches indues qui détournent le personnel de ses missions principales ; avec mon collègue Romain Grau, nous serons particulièrement vigilants sur ce point. Il en sera de même pour la mutualisation entre les services.
Ce budget porte un coup d'arrêt à la tendance de paupérisation opérationnelle des forces de sécurité. L'effet sur le quotidien des agents et des services sera rapidement visible, notamment grâce à l'acquisition de véhicules légers en nombre suffisant ou encore grâce aux crédits pour les petits travaux d'aménagement et d'entretien des commissariats, qui augmenteront de 10 millions d'euros et pourront être utilisés directement, au plus près des besoins.
Le rattrapage doit aussi s'accélérer pour l'immobilier. En la matière, l'apport des collectivités territoriales est essentiel – le Gouvernement propose d'ailleurs un amendement dans ce sens.
Par ailleurs, l'effort d'investissement va enfin permettre de tirer pleinement parti des nouvelles technologies, notamment à travers les projets NEOGEND et NEOPOL.
Ce budget et la volonté politique qu'il traduit cherchent à créer une relation de qualité entre la population et les forces de sécurité. Il permettra de mieux identifier les besoins de sécurité de nos concitoyens, au plus près des territoires, et de garantir leur sécurité de façon déterminée et efficace.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe REM.
La parole est à M. Patrick Mignola, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, le budget de la sécurité civile doit être examiné à la lumière des événements de la période récente, qui nous ont confrontés à de redoutables défis : les attentats terroristes, bien sûr, mais aussi les très importants feux de forêt qu'ont subis de nombreuses parties de notre territoire en 2016 et en 2017, sans oublier – nous l'avons tous à l'esprit – la grande catastrophe cyclonique qui a touché les Antilles au mois de septembre dernier.
Ce budget s'inscrit donc dans un contexte compliqué d'accroissement des risques et des menaces pour notre territoire métropolitain et ultramarin. Il y répond puisque – vous y avez fait allusion, monsieur le ministre d'État – , dans le cadre du programme 161, les autorisations d'engagement passent de 470 à 855 millions d'euros et les crédits de paiement, de 507 à 533 millions d'euros.
Comme chacun s'y attendait à la suite des annonces confirmées cet été par M. le ministre d'État, 400 millions d'euros sont consacrés à l'achat de six avions multirôles, qui permet de mettre fin à l'incertitude liée à l'obsolescence de nos avions Tracker. En dehors de cet investissement exceptionnel, qui s'étalera sur trois exercices budgétaires, les crédits alloués à la sécurité civile de notre pays augmentent bien de 5 %.
Des efforts importants avaient d'ores et déjà été réalisés avec le transfert de la base aérienne de sécurité civile à l'aéroport de Nîmes et le développement du programme ANTARES – Adaptation nationale des transmissions aux risques et aux secours – , en cours de finalisation ces derniers mois. Sur quels domaines en particulier portera l'effort budgétaire supplémentaire ?
La première priorité est le terrorisme : pour s'adapter à la nouvelle menace et à son caractère diffus, on nous propose d'embaucher trente et un démineurs et de mieux déployer les services de déminage.
Deuxième priorité : l'anticipation des crises en matière de séismes, de tsunamis, mais aussi de cyclones et d'inondations.
Troisième priorité : la montée en puissance de notre centre de formation civile et militaire aux risques NRBCE – nucléaire, radiologique, biologique, chimique et explosif.
La quatrième priorité est la mutualisation européenne. Il existe aujourd'hui un mécanisme nous permettant de mutualiser les moyens de la sécurité civile lorsque différents pays européens sont touchés par des catastrophes telles que les feux de forêt ; nos voisins italiens et, plus récemment encore, portugais ont ainsi eu grandement besoin de notre soutien ces derniers temps. Demain, c'est un système de mutualisation pour l'achat de matériel, en particulier de Canadair, qui pourrait voir le jour.
Cinquième priorité – c'est le dernier point que j'aborderai – et non la moins importante : la grande campagne de sensibilisation visant à impliquer, à mettre en action chacun de nos concitoyens. Il s'agit d'aller au-delà des personnels de l'État et des départements – je pense aux services départementaux d'incendie et de secours, les SDIS – affectés à la sécurité civile : tous les Français, toutes les Françaises doivent s'y intégrer à l'avenir. Nous vivons dans un contexte marqué par des menaces diverses et durables : il faut donc construire une société de vigilance, le devoir de vigilance faisant pleinement partie de la citoyenneté.
Nous devons par ailleurs continuer à faire un effort particulier pour soutenir et développer le volontariat chez les sapeurs-pompiers. Je salue à cet égard les sommes consacrées à cet objectif, hors dépenses d'investissement, même si ce ne sont pas les plus importantes. Les sapeurs-pompiers volontaires font pleinement partie de notre arsenal de sécurité civile. Dans le cadre du plan d'action « Ambition volontariat », nous devons relever d'importants défis, notamment la féminisation et la diversification du recrutement – je pense en particulier aux personnes issues des quartiers. Des initiatives très importantes ont été prises en ce sens : formation aux gestes qui sauvent, constitution des sections de JSP – jeunes sapeurs-pompiers – , ou encore la communication destinée aux élèves des écoles. Tout cela, afin qu'à l'avenir tous les Français, jeunes et moins jeunes, participent à la sécurité civile. En adoptant les crédits de cette mission, nous consacrons toute notre énergie à cette cause, et nous saluons leur action.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes MODEM et REM.
La parole est à Mme Aude Bono-Vandorme, rapporteure pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées.
Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, monsieur le président de la commission de la défense, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à exprimer à nouveau tout mon soutien aux gendarmes de Meylan et à leurs familles. C'est un acte particulièrement odieux qui les a frappés. Des femmes et des hommes qui oeuvrent au quotidien pour notre sécurité et celle de notre pays ont été délibérément visés, et leurs familles mises en danger.
J'en viens au budget de la mission « Sécurités » pour 2018. Avec près de 8,7 milliards d'euros de crédits de paiement, le niveau de ressources prévu traduit l'une des priorités du Gouvernement et de la majorité : assurer la protection de la France et de tous les Français.
Ce budget est conforme au niveau d'engagement de la gendarmerie, et lui donne des marges de manoeuvre pour investir dans les domaines nécessaires : je pense en particulier au renouvellement des moyens mobiles, à la poursuite des opérations de réhabilitation du parc immobilier, ou encore à l'équipement dit du « gendarme 2. 0 » avec les terminaux mobiles NEOGEND. Nous devons toutefois rester vigilants sur plusieurs points : certains d'entre eux résultent de difficultés anciennes, dues à des choix – ou des absences de choix – faits par le passé ; d'autres sont davantage des préoccupations pour l'avenir.
Concernant les outre-mer, tout d'abord, je salue l'action de l'ensemble des services de l'État dans la gestion de la crise aux Antilles. La gendarmerie en particulier a démontré sa capacité à monter en puissance très rapidement. Cette capacité a clairement été favorisée par son statut militaire, y compris pour les personnels des corps de soutien. J'en profite pour appeler au pragmatisme dans la mise en oeuvre des transformations de postes, afin de préserver le caractère militaire – ce que l'on appelle la « militarité » – des personnels qui exercent ces fonctions. À l'occasion de cette crise, le « modèle gendarmerie » a fait preuve de sa solidité, de sa résilience et de son efficacité.
Par nature, les opérations conduites n'étaient pas prévues dans le budget 2017. Il conviendra donc de couvrir les surcoûts engendrés par cette mission, une fois qu'ils seront définitivement connus.
Je voudrais dire quelques mots de deux territoires. La Guyane, tout d'abord : c'est le département le plus criminogène d'outre-mer – même en faisant abstraction de l'orpaillage illégal qui engendre sa propre criminalité : meurtres et prostitution. Mayotte, de son côté, est confrontée à une forte pression migratoire, qui cause des tensions intercommunautaires débouchant sur des troubles. Dans ces deux départements, de nombreux plans ont été mis en oeuvre ces dernières années, mais il faut aller plus loin, en ce qui concerne tant les moyens humains que les moyens matériels. À cet égard, le déploiement de 90 gendarmes supplémentaires en Guyane en 2018, annoncé par le Président de la République, est particulièrement bienvenu.
S'agissant du plan de renforcement des forces de sécurité, je me réjouis de la création de 10 000 postes sur la durée du quinquennat. La police et la gendarmerie font un travail remarquable et sont toutes deux fortement engagées. Or seuls 25 % des nouveaux postes sont prévus pour la gendarmerie, alors que ses effectifs représentent 40 % du total des forces de sécurité intérieure.
Par ailleurs, la croissance démographique en zones rurales et périurbaines plaide pour un renforcement de la présence des gendarmes. Je rappelle que plus d'1 million de personnes se sont installées en zone gendarmerie entre 2012 et 2017, et la même tendance est anticipée pour les cinq années à venir : je pense donc qu'il faut envisager une nouvelle clé de répartition des postes à partir de 2019 afin de tenir compte de ces réalités.
Quelques mots sur la garde nationale : les 30 000 réservistes opérationnels et citoyens constituent une composante indispensable pour la conduite de l'ensemble des missions, hors maintien de l'ordre. C'est un formidable instrument d'engagement et de valorisation, notamment de nos jeunes. J'en veux pour preuve l'élan qui a accompagné la mise en place des opérations aux Antilles : plus de 850 volontaires se sont proposés pour faire partie des 73 membres de la première compagnie déployée. Je suis convaincue que cet élan, conjugué au maintien des crédits, permettra à la garde nationale de s'affirmer rapidement comme un acteur de premier plan de la sécurité de notre pays.
Enfin, je souhaite évoquer le sujet de la dette de loyers de la gendarmerie nationale. Elle est apparue en 2016, et découle d'un arbitrage interministériel. Cette dette n'est pas le fait d'une mauvaise gestion interne : elle résulte de contraintes externes. Elle doit être honorée, et le plus rapidement possible : c'est une nécessité non seulement pour la gendarmerie mais également pour ses créanciers.
Je me suis penchée tout particulièrement sur cette question au cours de mes travaux, et je vous remercie pour la réponse que vous nous avez donnée, monsieur le ministre d'État, en confirmant la mise en oeuvre d'un plan d'apurement pluriannuel. Je ne formulerai qu'un voeu : afin de ne pas réduire les marges de manoeuvre de la gendarmerie, je pense qu'un tel plan ne peut pas être financé à enveloppe budgétaire constante, mais que des ressources supplémentaires devront être dégagées.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe REM.
La parole est à M. Éric Ciotti, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, alors que les catastrophes naturelles et les risques se sont multipliés au cours de cette année, le budget que vous nous présentez en matière de sécurité civile comporte des éléments positifs, qu'il me plaît de souligner. Il s'agit surtout de la hausse de 5,2 % des crédits du programme 161 « Sécurité civile », qui sera principalement consacrée au renouvellement de la flotte d'avions bombardiers d'eau.
Cette hausse dissimule néanmoins, monsieur le ministre d'État, une baisse globale de 5,3 % des crédits, hors titre 2 et crédits consacrés au renouvellement de la flotte aérienne. Cette baisse se traduit par un recul du soutien aux acteurs de la sécurité civile, notamment une diminution de 60 % de la dotation de soutien aux investissements structurants des SDIS, contrairement aux engagements pris lors de la réforme de la prestation de fidélisation et de reconnaissance. Nous y reviendrons tout à l'heure, à l'occasion de l'examen d'un amendement que j'aurai l'honneur de défendre.
Monsieur le ministre d'État, nous devons soutenir les personnels des SDIS et nos sapeurs-pompiers. C'est pourquoi nous observons avec inquiétude la diminution, depuis plusieurs années, des investissements financés par les SDIS. Il est important de corriger cette situation, en signe de reconnaissance et d'hommage à nos sapeurs-pompiers, qui se sont toujours montrés à la hauteur d'une mission extrêmement difficile.
Après une saison chaude particulièrement préoccupante en ce qui concerne les feux de forêt dans notre pays, notamment dans le sud-est de la France et en Corse, mais également dans le reste de l'Europe, la question des moyens affectés aux acteurs de la sécurité civile se pose. Vous y avez répondu en confirmant l'acquisition de six avions multirôles de type Dash 8, dans le cadre d'un appel d'offres pour lequel 400 millions d'euros d'autorisations d'engagements et 60 millions d'euros de crédits de paiement ont été inscrits dans ce projet de loi de finances. Je me réjouis de cette décision que le vieillissement de la flotte actuelle – composée de neuf avions Tracker âgés parfois de plus de soixante ans – rendait indispensable.
Toutefois, monsieur le ministre d'État, ces nouvelles acquisitions ne régleront pas définitivement le problème du vieillissement de la flotte, qui est un outil indispensable à la lutte contre les feux de forêt. En effet, les avions de notre flotte de douze Canadair – qui sont de très loin les avions les plus efficaces pour attaquer directement les feux et demeurent aujourd'hui sans équivalents en termes opérationnels – atteindront en 2020 une durée de vie moyenne de vingt-cinq ans. Dès aujourd'hui se pose donc la question de leur renouvellement et de leur modernisation. Je vous invite, monsieur le ministre d'État, à ne pas tarder à prendre les décisions qui s'imposent pour les remplacer.
Je profite de ce débat budgétaire pour poser plusieurs autres questions. Premièrement, le groupe de travail composé des six pays européens utilisant aujourd'hui des Canadair a-t-il obtenu des résultats dans ses négociations avec le seul constructeur de ces avions, à savoir l'entreprise Viking Air ? Deuxièmement, quelles mesures sont envisagées pour renforcer le mécanisme européen de protection civile ? Il est indispensable, de mon point de vue, que la France continue de disposer d'une importante flotte, car c'est une question de souveraineté ; toutefois la coopération entre les pays de l'Union européenne doit s'accroître.
Pour conclure, monsieur le ministre d'État, j'aborderai une dernière question. C'est un problème important : en le résolvant, votre gouvernement ainsi que la représentation nationale marqueraient leur considération envers nos pompiers et plus généralement envers tous nos services de secours. J'aurai tout à l'heure l'occasion de défendre un amendement visant à assurer aux services de secours, quand ils sont en mission, un accès gratuit au réseau autoroutier concédé. Il me semble en effet inadmissible que la gratuité ne soit pas garantie à tous les déplacements des véhicules de secours – police, gendarmerie, pompiers, SAMU – sur l'ensemble des autoroutes du territoire français.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Monsieur le ministre d'État, ministre de l'intérieur, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, l'attaque de New York nous rappelle, s'il en était besoin, à notre devoir de vigilance. C'est tout le sens de notre travail sur la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, très récemment promulguée par le Président de la République.
D'une manière plus générale, l'amélioration de leur sécurité est une préoccupation légitime de nos concitoyens. Elle suppose une présence toujours plus importante de nos forces sur le terrain, notamment avec la police de sécurité du quotidien. À cet effet, le Président de la République a décidé de créer 10 000 postes au cours du quinquennat ; dès 2018, 1 376 postes sont créés dans la police et 459 dans la gendarmerie.
Le projet de loi de finances pour 2018 traduit une mobilisation politique sans précédent, avec une hausse significative des crédits, dans un contexte budgétaire pourtant contraint : les crédits du programme 176 « Police nationale » et du programme 152 « Gendarmerie nationale » augmentent ainsi de 460 millions d'euros en autorisations d'engagement. Cette programmation prévoit notamment l'augmentation des crédits consacrés à la maintenance du parc immobilier et du parc automobile. Désormais, ils ne devront plus être une variable d'ajustement budgétaire.
Cet effort est indispensable tant les conditions de travail de nos policiers et gendarmes – auxquels je tiens ici à rendre hommage – se sont dégradées ces dernières années. Au-delà du volet financier, il nous appartient de redonner toute sa place et tout son sens à l'activité opérationnelle des forces de l'ordre.
Comment cela ? La simplification de notre procédure pénale est la clef de voûte de toute cette évolution. La question a été abordée de façon récurrente dans le cadre de nos auditions car, au fil des ans, la procédure pénale s'est énormément complexifiée. Nous devons donc la simplifier, en concertation avec les magistrats et les officiers de police judiciaire, dans le cadre du droit positif mais aussi, sans doute, de son évolution. En effet, quelques-unes des conséquences de la surcharge procédurale dans l'application de la loi pénale sont le désintérêt des gendarmes et des policiers pour les missions d'investigation, leur frustration et leur découragement.
Ensuite, pour redonner tout son sens à l'activité opérationnelle et dégager des marges de manoeuvre, il nous faut également regrouper des unités assignées aux mêmes missions. Même s'il y a eu à cet égard des progrès, j'appelle à une mutualisation plus poussée au sein même de la police nationale : je pense à la direction générale de la police nationale ainsi qu'à la préfecture de police de Paris.
De fait, à l'évidence, certains efforts de rationalisation ont eu pour effet paradoxal de graver dans le marbre la dualité des polices, pourtant par deux fois unifiées dans notre histoire. Aujourd'hui, la police aux frontières, la direction générale de la sécurité intérieure, le renseignement territorial et la direction centrale de la police judiciaire n'ont pas droit de cité à Paris. Si les services en charge de la sécurité et de l'ordre publics peuvent être maintenus tels quels au sein de la direction générale de la police nationale, l'intégration des directions et services spécialisés de la préfecture de police dans ses structures centrales ne peut être que source d'importantes économies financières et humaines, et donc d'efficacité opérationnelle.
J'en viens aux coopérations et aux mutualisations entre la police et la gendarmerie nationales. Elles se poursuivent, dans un souci de maîtrise des dépenses et d'efficacité. Pour la police technique et scientifique, la Cour des comptes a préconisé la mise en place d'une direction commune à nos deux forces de sécurité ; j'y suis favorable. Quant à la coordination des forces d'intervention que sont le RAID – l'unité recherche, assistance, intervention, dissuasion – , et le GIGN – groupe d'intervention de la gendarmerie nationale – , certains de nos interlocuteurs ont préconisé un commandement unique, auquel je suis favorable, à l'image de ce qu'est le commandement des opérations spéciales au ministère de la défense. Une telle organisation solderait les conflits de compétence qui surgissent aux moments les moins opportuns et contribuerait aussi à une mise en cohérence des matériels et de la recherche, avec, à la clef, une baisse des dépenses publiques.
Je ne peux terminer cette intervention sans évoquer la nécessité du développement de la coproduction de sécurité. Les polices municipales constituent la troisième force de sécurité publique et leur action complète celle de l'État. Les policiers municipaux étaient près de 22 000 en 2016. Leurs missions et leurs pouvoirs ont été récemment renforcés. En outre, certaines activités de sécurité peuvent désormais être confiées à des sociétés de sécurité privées dans des zones étroitement circonscrites. Le chemin est long, mais je ne doute pas qu'ensemble, en commençant par soutenir ce projet de loi de finances, nous opérerons cette modernisation que le Président de la République appelle de ses voeux et que nos concitoyens attendent plus que jamais.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe REM.
La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2018 : suite de l'examen des crédits de la mission « Sécurités » et du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » ; examen des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».
La séance est levée.
La séance est levée à treize heures cinq.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Catherine Joly