Commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences

Réunion du jeudi 3 juin 2021 à 16h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • OFB
  • eaux
  • nappe
  • nestlé
  • potable
  • redevance
  • sécheresse
  • vittel
Répartition par groupes du travail de cette réunion de commission

  France Insoumise    En Marche    Agir & ex-LREM  

La réunion

Source

COMMISSION D'ENQUÊTE relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intÉRÊts privés et ses conséquences

Jeudi 3 juin 2021

La séance est ouverte à seize heures.

(Présidence de Mme Mathilde Panot, présidente de la commission)

La commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences, procède à l'audition de Mme Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Mes chers collègues, nous achevons notre session d'audition de la commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences en entendant Mme Barbara Pompili. En tant que ministre de la Transition écologique, vous avez en charge l'élaboration, l'animation et la coordination de la politique de l'eau. Madame la ministre, je vous souhaite la bienvenue et je vous remercie de prendre le temps de répondre à notre invitation.

Je vais vous passer la parole pour une intervention liminaire d'environ dix minutes, qui précédera notre échange sous forme de questions et réponses. Vous pourrez évidemment compléter vos déclarations par écrit.

Je vous remercie de nous déclarer tout autre intérêt public ou privé de nature à influencer vos déclarations. Je vous rappelle également que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

Je vous invite donc, madame la ministre, à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

Mme Barbara Pompili prête serment.

Je vous remercie, vous avez la parole.

Permalien
Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique

Je suis ravie d'être avec vous pour parler de la gestion de cette ressource fondamentale qu'est l'eau. L'eau est l'un des biens les plus précieux de notre planète, elle est une condition de notre survie, elle fait partie de notre culture. Pendant trop longtemps, son abondance nous a donné l'illusion de son infinité. Comment imaginer que la planète bleue puisse un jour manquer d'eau ? C'était aberrant, impensable. Et pourtant, c'est désormais le cas, et les choses ne vont pas aller en s'améliorant.

Vous serez heureuse de savoir, madame la présidente, que je partage l'avis du président Mélenchon, lorsqu'il dit que parler de l'eau rend le problème écologique concret. Parler de l'eau, au fond, c'est parler de tous les combats que je mène, c'est parler du changement climatique et de ses conséquences concrètes et quotidiennes, de nos écosystèmes et de nos espèces des milieux aquatiques, littoraux et marins, de l'irrigation de nos champs, du refroidissement de nos centrales nucléaires, de l'eau potable, de la sécurité contre les incendies. C'est parler de notre adaptation, de notre résilience dans ce siècle chamboulé à la fois par les sécheresses et par les inondations. C'est parler de nos outre-mer, monsieur le rapporteur, de nos espaces maritimes, de notre responsabilité historique devant le monde. C'est parler de service public, de droits fondamentaux et d'égalité.

Oui, parler de l'eau, c'est parler d'écologie et de République, c'est parler de dignité, une dignité que le législateur a consacrée petit à petit dans le code de l'environnement. Petit à petit, ai-je dit, parce que toute avancée de cette ampleur est le fruit de combats et de conquêtes sociales. Aujourd'hui, l'eau fait partie du patrimoine commun de notre nation. C'est notre responsabilité que de veiller à sa protection, à sa mise en valeur et à l'optimisation de sa gestion dans le respect des équilibres naturels. Aujourd'hui, chacune et chacun a le droit d'accéder à l'eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous. Aujourd'hui, les coupures d'eau en cas de non-paiement des factures sont interdites. Aujourd'hui, il existe un système de solidarité qui aide les plus précaires de nos concitoyens à régler leurs factures. Aujourd'hui, la porte est ouverte à une tarification sociale de l'eau, en fonction des revenus. Aujourd'hui, la priorité est donnée, dans la loi, à l'usage de l'eau pour la santé publique, la sécurité civile et l'alimentation en eau potable.

Tout cela, mesdames et messieurs les députés, c'est bien plus que du droit public ou des articles de loi : c'est la marque d'une société mature, soucieuse de la vie de ses membres, soucieuse que la vie de nos concitoyens, notamment des plus modestes, s'améliore significativement, en métropole comme en outre-mer. Bref, ce sont des victoires pour la dignité humaine.

Mais il reste beaucoup à faire, et je suis sûre que nous sommes nombreux à partager ce constat. Aujourd'hui encore, 235 000 personnes sont privées d'un accès permanent à l'eau dans notre pays – c'est l'équivalent de la ville de Bordeaux ; 235 000 personnes sont privées de l'un des droits les plus fondamentaux. À Mayotte, 82 % des habitants ne sont pas raccordés à un système d'évacuation des eaux usées : cela donne une idée de l'ampleur des inégalités entre nos territoires. Et je ne peux me résoudre à considérer qu'avoir couvert 99,99 % de la population, c'est déjà bien. Quid des 0,01 % restants ? Ce n'est pas que de la statistique ! La promesse républicaine consiste à ne jamais se reposer tant qu'il reste un endroit où les droits fondamentaux ne sont pas une réalité.

Alors oui, nous avons du pain sur la planche pour assurer la pleine effectivité de ce droit à l'eau. Il faut, pour commencer, remettre ce dossier tout en haut de la pile. Votre commission d'enquête y contribue et je vous en remercie sincèrement. Rendre ce droit pleinement effectif suppose aussi de nous en donner les moyens. Nous en avons déjà beaucoup, avec l'Office français de la biodiversité (OFB), mon ministère, les aides aux collectivités, les agences de l'eau et le plan de relance. Je prendrai un seul exemple : d'ici 2024, 4,5 milliards d'euros seront engagés par les six agences de l'eau pour améliorer les installations de traitement, renouveler les réseaux et favoriser l'interconnexion. À cette somme vient s'ajouter une enveloppe dédiée de 850 millions pour améliorer la gestion des eaux pluviales, ainsi que 250 millions du plan de relance pour accompagner les collectivités rurales dans la modernisation de leur réseau et la remise aux normes de leurs installations. Nous disposons donc de moyens importants, qui nous sont alloués par le législateur, mais je tiens à le dire clairement et en responsabilité devant votre commission d'enquête : si nous devions avoir plus de moyens, nous saurions quoi en faire !

Mesdames et messieurs les députés, la bataille que nous menons pour la dignité humaine, pour un droit à l'eau effectif, en tout temps et en tout lieu, est d'abord une bataille de terrain. Notre approche est profondément territoriale et laisse à chacun des acteurs la possibilité d'exprimer ses besoins. Le rôle de l'État est de coordonner l'action, de fixer et de faire respecter le cadre et de laisser, dans les territoires, les collectivités et les usagers concrétiser les choses, au plus près des besoins et des ressources. C'est à eux qu'il revient de choisir, sur le plan technique comme sur le plan politique, le mode de gestion du service d'eau qu'ils désirent ; c'est à eux de se concerter pour élaborer les fameux projets territoriaux de gestion de l'eau (PTGE), qui visent à identifier les besoins et la répartition de la ressource disponible. Je sais parfaitement que, dans cette bataille, nous pouvons compter sur les élus : ils connaissent le terrain et savent quoi faire, comment, où et pour qui. C'est pour cette raison que le législateur leur a ouvert la possibilité d'introduire la tarification sociale de l'eau et la gratuité d'un premier volume. C'est aussi la raison pour laquelle les agences de l'eau sont des partenaires financiers privilégiés des collectivités. Je crois aux territoires, à leur intelligence et à leur sens des réalités pratiques.

J'ai beaucoup parlé, depuis le début de mon intervention, de la dignité de nos concitoyens, du droit à l'eau, de la nécessité de faire toujours plus et mieux et de n'abandonner personne sur le bord du chemin. Je voudrais aussi, comme ministre et comme écologiste, vous dire quelques mots sur l'état de la ressource en eau dans notre pays. Nous avons une pluviométrie raisonnable mais devons faire face, comme tous nos voisins, aux conséquences du changement climatique : des pluies et des inondations plus intenses et plus fréquentes et des sécheresses qui durent bien plus longtemps qu'avant. Ma responsabilité, en tant que ministre, c'est aussi de veiller à ce que notre pays dispose, au long cours, de la quantité et de la qualité d'eau dont il a besoin. Or l'activité humaine a un impact considérable sur nos ressources en eau : l'urbanisme, l'industrie, l'agriculture, les transports modifient la qualité de l'eau, le débit de nos cours d'eau, la richesse et la fonctionnalité de nos écosystèmes. Plus de 51 % des eaux de surface continentales de notre pays ont vu la morphologie de leur milieu se modifier ; plus de 43 % sont affectées par des pollutions diffuses ; plus d'un quart sont victimes de pollutions ponctuelles. Ce constat glaçant vaut aussi pour les eaux souterraines : un tiers d'entre elles sont affectées par des pollutions diffuses, aux nitrates et aux pesticides, notamment.

Nous avons la responsabilité morale et politique de garantir à chacune et chacun, pour aujourd'hui et pour demain, l'accès à l'eau, qui fait partie du patrimoine commun de notre nation. C'est la responsabilité que j'assume au quotidien. Je sais qu'au-delà des appartenances politiques, nous partageons tous le sens de ce combat pour la dignité et pour l'écologie, et je sais que les travaux de votre commission vont faire avancer cette cause. Par avance, je vous en remercie et je suis à votre disposition pour répondre à toutes vos questions.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous remercie, madame la ministre. J'aimerais, pour commencer, vous interroger sur le principe pollueur-payeur. Plusieurs des personnes que nous avons auditionnées ont noté un déséquilibre entre les coûts causés par la pollution, que ce soit pour l'entretien de l'état écologique des milieux naturels ou l'approvisionnement en eau potable, et le montant de la redevance pollueur-payeur. Celle-ci ne représente qu'une faible part du financement des agences de l'eau. D'après nos sources, celui-ci repose à 85 % sur les redevances des particuliers. Pouvez-vous nous confirmer ce chiffre ? Pourquoi le principe pollueur-payeur n'est-il pas appliqué à la hauteur de la pollution des milieux ? Pour vous donner un seul exemple, les représentants de Nestlé Waters nous ont dit qu'ils payaient 80 000 euros de redevance par an, une somme qui paraît extrêmement faible, au vu de l'impact qu'a cette entreprise sur le milieu.

Permalien
Barbara Pompili, ministre

Vous avez raison, madame la présidente : le principe pollueur-payeur est un principe très important, que nous devons continuer de promouvoir. Du reste, le système de financement des agences de l'eau est l'un des rares à reposer sur ce principe.

Pour répondre précisément à la question sur le financement des agences de l'eau :

– la redevance pour pollution de l'eau – domestique, industrielle, et liée à l'élevage – représente 50 % des recettes, soit 1,1 milliard d'euros ;

– la redevance pour modernisation des réseaux de collecte – domestique et industrielle – représente 25 % des ressources, soit 539 millions ;

– la redevance pour le prélèvement sur la ressource en eau représente 18 %, soit 402 millions ;

– la redevance pour pollutions diffuses, hors part de l'OFB, représente 4 %, soit 97 millions d'euros.

Il existe encore plusieurs redevances dont les recettes sont plus limitées :

– la redevance pour obstacle sur les cours d'eau – 0,23 million –,

– la redevance pour stockage d'eau en période d'étiage – 0,19 million –,

– et la redevance cynégétique, qui s'élève à 46,5 millions, soit 2 % du total.

Vous avez raison, 85 % des redevances sont liées à un usage domestique de l'eau. Elles servent principalement à l'amélioration des réseaux de traitement et de distribution et à l'amélioration de la qualité dans l'ensemble des compartiments du grand cycle de l'eau. C'est donc bien le citoyen et le consommateur d'eau potable qui bénéficient le plus des aides issues de ces redevances – il faut voir les deux plateaux de la balance. Les redevances dites de pollution domestique et de modernisation des réseaux de collecte, bien que principalement fondées sur la consommation en eau, donc sur un prélèvement à la ressource, pourraient reposer davantage sur le principe pollueur-payeur. Le ministère de la Transition écologique réfléchit d'ailleurs à une réforme de ces redevances en ce sens.

Permalien
Barbara Pompili, ministre

Notre objectif serait de faire des propositions dès le prochain projet de loi de finances (PLF).

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous remercie de ces précisions. La loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques fait primer les usages domestiques et à destination des écosystèmes sur les usages industriels et économiques de l'eau. Pourquoi cette priorisation n'est-elle pas respectée ? Prenons l'exemple de Volvic ou de Vittel : Danone et Nestlé y puisent plus d'eau en été que durant le reste de l'année, au moment où nos concitoyens subissent des restrictions, voire des coupures d'eau. Pourquoi la loi n'est-elle pas appliquée pour faire primer les usages domestiques et ceux à destination des écosystèmes ?

Permalien
Barbara Pompili, ministre

La loi prévoit effectivement une hiérarchie très claire des utilisations de la ressource en eau, qui s'applique à tout le monde. À Vittel, on constate actuellement un déficit quantitatif de la nappe dans laquelle s'approvisionne l'entreprise. Un travail de longue haleine a été réalisé pour parvenir à un partage équilibré de la ressource et créer les conditions d'un retour à l'équilibre.

La connaissance du fonctionnement de cette nappe, le classement de sa partie vosgienne en zone de répartition des eaux ainsi que l'obligation de réaliser un schéma d'aménagement et de gestion de l'eau (SAGE) – imposée par le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) de 2009 – ont acté le besoin d'un retour à l'équilibre.

Les nombreuses discussions qui ont eu lieu depuis 2010 montrent combien il est difficile de traiter la question du partage de l'eau – d'où l'importance des PTGE. L'implication du préfet et de l'agence de l'eau Rhin-Meuse a permis d'aboutir à un protocole d'engagement volontaire, qui a été signé par les six principaux acteurs du territoire : les communes de Vittel et de Contrexéville, le syndicat des eaux de Bulgnéville et la vallée du Vair, le conseil départemental des Vosges, la fromagerie Ermitage et Nestlé Waters. Par ailleurs, un observatoire des masses d'eaux souterraines du périmètre du SAGE va être créé. La rédaction du SAGE a pu se poursuivre ; la rationalisation des prélèvements industriels et des prélèvements d'eau potable et l'engagement de l'option de rétrocession de forages par Nestlé Waters à la ville de Vittel ont été acceptés. Le projet de SAGE a été adopté le 16 avril 2021 : c'est une étape importante, avant la phase de consultation, puis l'enquête publique, pour une adoption définitive au premier trimestre 2022.

S'agissant des économies d'eau, des actions ont été engagées vis-à-vis des collectivités pour réviser les autorisations de prélèvement dans la nappe et réduire les fuites dans les réseaux d'eau potable. Les prélèvements réalisés par Nestlé Waters dans les différentes nappes sont suivis par les services de l'État, dans le cadre des arrêtés existants, au titre des installations classées protection de l'environnement (ICPE) et de la nomenclature des installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA). Un contrôle des ouvrages de prélèvement a été réalisé par la direction départementale des territoires (DDT) en octobre 2020 et aucune non-conformité n'a été relevée. L'ensemble des ouvrages bénéficie d'une autorisation. Toutefois, Nestlé Waters souhaitant modifier l'organisation de ses prélèvements sans augmentation des volumes prélevés, la société va déposer une demande d'autorisation environnementale et, par décision du 2 avril 2021, le préfet des Vosges a décidé que cette demande serait soumise à évaluation environnementale.

La répartition des prélèvements est fondée sur des règles qui s'appliquent à tout le monde. Lorsque le niveau de la nappe baisse, comme c'est le cas actuellement, la priorité, c'est de comprendre pourquoi. Les prélèvements opérés par Vittel ne se font pas à la source : ils ne semblent donc pas être à l'origine de cette baisse.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la ministre, le prélèvement se fait directement dans la nappe, justement.

Permalien
Barbara Pompili, ministre

J'aimerais qu'on se comprenne bien. La nappe est alimentée en eau et des prélèvements y sont faits, à la fois par Vittel et par les collectivités. Or la baisse du niveau de la nappe est constatée en amont des prélèvements de Vittel : il y a donc un problème général de baisse du niveau de la nappe et Vittel n'est pas responsable de ce phénomène. Ce qui est certain, en tout cas, c'est que la baisse du niveau de la nappe entraîne une diminution des ressources pour tout le monde. Vittel, comme les collectivités, doit tenir compte de cette diminution et nous essayons d'adapter le prélèvement à cette nouvelle situation. Aucun élément ne nous permet de dire, à l'heure actuelle, que Vittel est responsable de la baisse du niveau de la nappe.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la ministre, quand vous parlez de Vittel, vous voulez dire Nestlé ?

Permalien
Barbara Pompili, ministre

C'est pareil !

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Non… Quand on parle de Vittel, on fait référence au syndicat qui assure l'accès des gens à l'eau potable. Nestlé, c'est une entreprise qui embouteille de l'eau pour l'envoyer en Allemagne.

Permalien
Barbara Pompili, ministre

Je ne parlais pas de la commune de Vittel, mais bien de l'eau embouteillée par Nestlé. La loi établit clairement que l'eau doit garantir prioritairement la santé publique, la sécurité, l'eau potable puis, seulement après, les autres usages. Pardonnez-moi si je me suis mal exprimée : je veux que les choses soient bien claires. Lorsque des mesures de restriction d'eau sont prises, par exemple en cas de sécheresse, les entreprises qui mettent de l'eau en bouteille y sont soumises, au même titre que tous les usagers : c'est la loi.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Malheureusement, ce n'est pas le cas, madame la ministre.

Permalien
Barbara Pompili, ministre

Elles y sont soumises, comme tous les autres usagers. À Vittel s'ajoute le problème de la baisse du niveau de la nappe, dont on ignore si elle sera durable, ou non. Ce qui est certain, c'est que la baisse de la ressource implique une adaptation des prélèvements en conséquence. On ne peut pas laisser une entreprise s'approprier l'eau au détriment des usagers d'eau potable et des autres usages prioritaires.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous confirmez qu'il y a bien un problème, qui s'explique soit par une présence défaillante de l'État, soit par le non-respect de la loi. Vous semble-t-il normal qu'une entreprise comme Danone soit exemptée des arrêtés « sécheresse » pris par la préfecture ?

Permalien
Barbara Pompili, ministre

Elle n'en est pas exemptée.

Permalien
Barbara Pompili, ministre

Je parle sous serment et je peux vous dire qu'aucune information de ce genre ne m'a été remontée. Je ne vois pas au nom de quoi ces entreprises seraient exemptées de l'arrêté « sécheresse ».

Permalien
Barbara Pompili, ministre

Comme je vous l'ai dit, Nestlé Waters a déposé une demande d'autorisation pour réorganiser ses prélèvements, qui doit faire l'objet d'une évaluation environnementale. C'est peut-être à cela que vous pensez ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Non, je parle des arrêtés « sécheresse » qui émanent de la préfecture et dont sont exemptées les multinationales. En cas de sécheresse, on interdit au petit maraîcher d'arroser ses salades et ses tomates, on va jusqu'à alimenter certains villages par camion-citerne et on laisse Nestlé et Danone prélever davantage d'eau dans la nappe phréatique. Ces entreprises sont donc bien exemptées de ces arrêtés ; cela nous a d'ailleurs été confirmé par la préfecture. Puisque la loi du 30 décembre 2006 n'assure par la hiérarchie des usages, ne faudrait-il pas la clarifier, comme cela a été fait en Espagne ?

Permalien
Barbara Pompili, ministre

Je ne vois pas comment on pourrait clarifier davantage la hiérarchie des usages dans la loi. L'article L 211-1 du code de l'environnement définit clairement qu'il convient de satisfaire en priorité « les exigences de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile et de l'alimentation en eau potable de la population ». Ce sont des priorités absolues. La loi prévoit ensuite une conciliation entre les autres usages que sont, premièrement, « la vie biologique du milieu récepteur, et spécialement de la faune piscicole et conchylicole », deuxièmement, « la conservation et [le] libre écoulement des eaux et de la protection contre les inondations », troisièmement, les exigences « de l'agriculture, des pêches et des cultures marines, de la pêche en eau douce, de l'industrie, de la production d'énergie, en particulier pour assurer la sécurité du système électrique, des transports, du tourisme, de la protection des sites, des loisirs et des sports nautiques ainsi que de toutes autres activités humaines légalement exercées ».

Les autorisations de prélèvement doivent respecter les principes que je viens de rappeler. Lors de l'examen du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, nous avons eu un débat à ce sujet, lorsque nous avons ajouté des précisions sur ce qu'est la protection de l'eau. Certains députés ont craint que ces précisions ne remettent en cause la hiérarchie que je viens de rappeler, mais ce n'est absolument pas le cas. La hiérarchie des usages de l'eau est bien inscrite dans la loi. Mais si vous connaissez des lieux où la loi n'est pas respectée, dites-le moi et je regarderai tout cela de très près.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'article 2 de l'arrêté préfectoral planifiant les mesures de préservation des ressources en eau en période d'étiage sévère, qui a été pris par le préfet du Puy-de-Dôme le 22 juillet 2013, précise bien que les prélèvements de Danone ne sont pas concernés. J'aimerais vous soumettre un cas très précis. Sur les hauteurs de Volvic, tous les permis de construire sont suspendus jusqu'à nouvel ordre, car on craint qu'il n'y ait pas assez d'eau pour approvisionner les habitants dans les années à venir, alors que la Société des eaux de Volvic, qui appartient au groupe Danone, continue de puiser directement dans la nappe l'eau qu'elle embouteille et qu'elle expédie à 70 % à l'étranger. Cela vous paraît-il normal ?

Permalien
Barbara Pompili, ministre

Concernant Volvic et Danone, un plan est prévu en cas de sécheresse, qui a fait l'objet d'une validation préfectorale et qui est retravaillé régulièrement. J'imagine que c'est ce dont vous parlez.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Permettez-moi de vous lire un extrait de l'article 2 de l'arrêté préfectoral : « Ne sont pas concernés par les mesures de restriction, les prélèvements à partir de forages en eaux souterraines profondes […] attestés par une étude hydrogéologique. Il appartiendra aux usagers de ces prélèvements d'apporter la preuve, en particulier en cas de contrôle, que la ressource qu'ils exploitent entre bien dans cette catégorie. » Ces prélèvements sont donc bien exemptés. La loi de 2006 vous semble-t-elle respectée ?

Permalien
Barbara Pompili, ministre

J'insiste : ces entreprises ne sont pas exemptées. Elles ont travaillé, avec les services de la préfecture, à la définition d'un plan spécifique en cas de sécheresse. Si la sécheresse est plus grave ou plus longue que prévu, on sort de ce cadre et le préfet peut très bien revenir sur le plan. Il ne s'agit pas d'une exemption, mais d'un plan spécifique travaillé en amont, qui prévoit ce qu'il faut faire en cas de sécheresse.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Pardonnez-moi d'insister, mais ne vous semble-t-il pas problématique que ces multinationales puisent plus d'eau en été, pendant les périodes de sécheresse – parce que c'est la période de l'année où elles vendent le plus – et que tous les autres acteurs, les petits agriculteurs et les habitants, aient peu, voire pas d'accès à l'eau ? N'y a-t-il pas une contradiction avec la loi, qui dit que l'eau doit aller prioritairement aux usages domestiques et aux écosystèmes ?

Permalien
Barbara Pompili, ministre

Une répartition des prélèvements est prévue, à laquelle chaque acteur doit se conformer. Il existe par ailleurs un plan en cas de sécheresse, qui prévoit une baisse des prélèvements pour tout le monde. Les prélèvements des entreprises baissent donc aussi. Et si la sécheresse est plus importante ou plus longue que ce que prévoit le plan de prélèvements, d'autres mesures sont prises. Il n'est pas question que les entreprises dont vous parlez prennent toute l'eau, au détriment des collectivités.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous invite à vous pencher sur cette question car, non seulement elles ne réduisent pas leurs prélèvements, mais elles les augmentent en période de sécheresse.

Permalien
Barbara Pompili, ministre

Madame la présidente, adressez-moi tous les éléments dont vous disposez et je les étudierai avec la plus grande attention, même s'il paraît inconcevable que les entreprises, en période de sécheresse, augmentent leurs prélèvements, au détriment de tous les autres acteurs.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous transmettrai tous les éléments que nous avons réunis dans le cadre de notre commission d'enquête.

Madame la ministre, nos auditions nous ont donné le sentiment que l'État restait un peu en retrait face à ces multinationales. Vous avez mentionné l'accord conclu à Vittel, mais il est intervenu longtemps après les premières alertes concernant la nappe des grès du Trias inférieur (GTI), une nappe captive qui met beaucoup de temps à se recharger. Pourquoi l'État n'est-il pas intervenu plus tôt, alors que les conséquences de cette pratique sont tout à fait visibles à certains endroits, par exemple à Volvic, où une pisciculture datant du XVIIe siècle est désormais asséchée cinq mois par an, ce qui n'arrivait jamais autrefois. Quand on les interroge, par exemple sur le déficit cumulé de ces nappes, les représentants de l'État et les industriels ne savent pas nous répondre. N'y a-t-il pas une forme d'effacement de l'État sur ces questions ? Pourquoi ne dispose-t-il pas d'un état des lieux clair sur la ressource en eau ?

Permalien
Barbara Pompili, ministre

Je suis tout à fait d'accord avec vous : plus on fait avancer la connaissance, mieux c'est. S'agissant des nappes des GTI, la situation est particulièrement complexe car il y a plusieurs nappes. Nous menons actuellement des études, afin de mieux comprendre leur fonctionnement. Lorsque le niveau d'une nappe baisse, il faut comprendre pourquoi, et ce n'est pas si simple…

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ne pensez-vous pas que ces travaux arrivent un peu tard, alors que des alertes ont été lancées il y a longtemps déjà ? Les études interviennent à un moment où la situation est déjà critique et, dans le cas de Vittel, après qu'on a accordé à Nestlé des forages qui sont contestés par les associations. Ces dernières considèrent qu'ils sont illégaux, dans la mesure où ils n'ont pas bénéficié d'autorisations au titre du code de l'environnement. Ne pensez-vous pas que l'État a été trop en retrait face à ces industriels ?

Permalien
Barbara Pompili, ministre

Je vous ai exposé la manière dont le SDAGE et le SAGE ont été élaborés. Les choses ont pris du temps, parce que la situation était compliquée, mais un observatoire des masses d'eaux souterraines du périmètre du SAGE est en train de voir le jour, qui va nous offrir une meilleure visibilité sur le fonctionnement de la nappe. Je rappelle que la rationalisation des prélèvements industriels et des prélèvements d'eau potable et l'engagement de l'option de rétrocession de forages par Nestlé Waters à la ville de Vittel ont été acceptés. On peut regretter que les choses n'aillent pas assez vite, mais on peut aussi se féliciter qu'un accord ait été trouvé, à l'heure où la pression sur la ressource en eau ne cesse de s'accroire, du fait des sécheresses et du réchauffement climatique. L'adoption du SAGE, qui est toute récente, a constitué une étape très importante. On peut continuer à parler du passé, mais je peux vous dire que les choses avancent, et qu'elles avancent bien. L'intérêt de ces schémas, c'est qu'ils nous permettent de travailler avec tous les acteurs. Ces derniers peuvent, non seulement se faire entendre, mais aussi accéder à toutes les informations, ce qui limite le risque que vous pointez de voir une entreprise s'approprier toute l'eau – ce que personne ne veut.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la ministre, je signale tout de même que l'accord dont vous parlez ne repose malheureusement que sur un engagement volontaire et que le retour à l'équilibre de la nappe, qui devait intervenir en 2015, a été reporté à 2027.

J'aimerais, avant de donner la parole au rapporteur, vous poser une dernière question au sujet des moyens. Plusieurs des personnes que nous avons auditionnées ont souligné le manque de moyens des agences de l'eau et de l'OFB – vous-même avez noté, dans votre propos liminaire, que si vous aviez plus de moyens, vous sauriez quoi en faire. Nous avons auditionné M. Sylvain Barone, chercheur à l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE) : il a démontré devant notre commission d'enquête que la législation, le manque de moyens humains et financiers et la procédure pour les poursuites judiciaires organisaient l'impunité des grands pollueurs. Il a rappelé que « l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques, ancêtre de l'Agence française pour la biodiversité (AFB) et de l'OFB a été doté de peu de moyens à sa création : 110 millions d'euros, 900 agents. » Il a également précisé qu' « un seul agent en équivalent temps plein (ETP) est aujourd'hui chargé de contrôler 1 000 kilomètres de cours d'eau. Chaque département compte 2,5 ETP. En termes de contrôle, la pression est donc extrêmement faible. » Les moyens de la police de l'eau vous semblent-ils suffisants ? La situation vous alarme-t-elle ?

Permalien
Barbara Pompili, ministre

Je rappelle que l'OFB n'est pas le seul organisme chargé d'exercer des contrôles. Les DTT et les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) s'en chargent aussi. Les effectifs de l'ONB ont été maintenus en loi de finances pour 2020 et ils ont connu une baisse de 0,7 % dans le projet de loi de finances pour 2021, avec la suppression de 20 ETP. La création de l'OFB implique des rapprochements et des synergies avec d'autres établissements, qui se construiront progressivement. La relative stabilité de ses effectifs et le maintien de ses missions ne permettent pas de conclure que l'OFB n'a pas les moyens nécessaires à la mise en œuvre de ses missions. Les travaux d'élaboration du contrat d'objectifs et de performance de l'établissement, qui sont en cours, visent à garantir l'adéquation entre ses moyens et ses missions.

Le maintien des compétences et des moyens de l'OFB, comme ceux des agences de l'eau, est un enjeu très important pour moi. Je me mobilise autant que possible en ce sens. Nous sommes en train de travailler à la prochaine loi de finances et je ferai mon maximum pour que les agents aient les moyens de faire les contrôles nécessaires.

L'opération qui consiste à calculer le nombre d'ETP par kilomètre de cours d'eau ne me paraît pas très pertinente. Les milieux aquatiques sont très divers : ils englobent les eaux souterraines, les littoraux, les plans d'eau, les zones humides. Différents acteurs interviennent sur le terrain en plus de l'OFB : les DDT, les DREAL, les agents du Conservatoire du littoral et de ceux des affaires maritimes. J'ajoute que contrôler, ce n'est pas surveiller tous ces milieux en permanence. Il faut agir en tenant compte de leur sensibilité et des pressions diverses qui s'exercent sur eux. Il faut définir une stratégie à l'échelle de chaque département pour concentrer les moyens de contrôle sur les enjeux prioritaires.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur la mise en œuvre des annonces issues des Assises de l'eau d'août 2018. Des aides financières ont été promises, notamment une augmentation de 50 % des sommes versées par les agences de l'eau aux territoires ruraux qui font face à un mur d'investissement pour renouveler leurs installations, soit 2 milliards d'euros. Ont-elles été débloquées ?

Permalien
Barbara Pompili, ministre

Dans les domaines de l'eau potable et de l'assainissement, les interventions des agences de l'eau ont été recentrées, dans une logique de solidarité territoriale, sur les collectivités qui rencontrent de façon structurelle des difficultés pour faire face aux investissements relatifs aux équipements en infrastructures : installations et réseaux. Il s'agit principalement de collectivités situées en zone de revitalisation rurale.

Pour la période 2019-2024, 4,5 milliards d'euros d'aides seront engagés par les six agences de l'eau au titre de leur onzième programme d'intervention, en faveur de projets d'installation, de traitement, de renouvellement des réseaux et d'interconnexion. La gestion des eaux pluviales n'entre pas dans ce total, car elle bénéficie d'une enveloppe dédiée de 850 millions d'euros.

En complément de ces crédits, dès 2021, les agences de l'eau pourront engager 250 millions d'euros d'aides pour les projets portant sur la modernisation du réseau d'eau potable, la mise aux normes des stations de traitement des eaux usées, la rénovation des réseaux – y compris les mauvais branchements –, le déraccordement des rejets d'eaux pluviales des réseaux d'assainissement et l'infiltration à la source et l'hygiénisation des eaux d'épuration. Ces 250 millions d'euros, issus du plan de relance, seront mobilisés dans une large part en faveur des collectivités rurales. L'augmentation de 50 % des aides versées sera donc aisément atteinte.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La mesure d'aide à la connaissance des réseaux est-elle effective ?

Permalien
Barbara Pompili, ministre

Oui, les 50 millions prévus ont été intégralement consommés.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le remplissage de la base du système d'information des services publics d'eau (SISPEA) est-il obligatoire ? Des pénalités sont-elles prévues en cas de non-respect de cette obligation ?

Permalien
Barbara Pompili, ministre

Le SISPEA, créé en 2009, est la base de données de référence qui recense les informations sur l'organisation, la gestion, la tarification et la performance des services publics d'eau en France. C'est la pierre angulaire de l'Observatoire national des services publics d'eau et d'assainissement créé par la loi sur l'eau de 2006. Il permet aux collectivités de reproduire le rapport sur le prix et la qualité du service à partir de la saisie de leurs données.

L'article 129 de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, a décalé de trois mois le délai de présentation à l'assemblée délibérante du rapport annuel relatif au prix et à la qualité du service public d'eau potable. Il impose par ailleurs aux collectivités de plus de 3 500 habitants de transmettre au SISPEA par voie électronique les indicateurs techniques et financiers qui doivent figurer dans ces rapports, lorsqu'ils concernent l'eau et l'assainissement.

La réglementation ne prévoit pas de pénalités pour les collectivités qui ne respectent pas cette disposition. Certaines agences de l'eau ont néanmoins conditionné l'attribution d'aides financières au fait que la collectivité ait renseigné la base SISPEA. C'est un levier financier permettant d'inciter les collectivités à répondre à leurs obligations en la matière.

En mai 2021, 50 % des services publics d'eau et d'assainissement, représentant 80 % de la population couverte, ont rempli leurs jeux de données sur SISPEA. Le taux de remplissage ne cesse de s'améliorer depuis 2017 et l'objectif fixé par l'État devrait être atteint à l'horizon 2021.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le centre national de ressources, qui devait être piloté par l'Agence française pour la biodiversité afin de capitaliser sur les bonnes pratiques de gestion patrimoniale des réseaux et de valoriser les techniques innovantes et les solutions d'économies d'eau, aurait dû être créé en 2019. Est-il en place ?

Permalien
Barbara Pompili, ministre

Ce centre de ressources est en cours d'élaboration, sa réalisation a été confiée au Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA). Dans une première phase, son périmètre concernera plus spécifiquement la gestion des eaux pluviales, puis sa compétence sera élargie à l'ensemble du petit cycle de l'eau, comme annoncé en conclusion des Assises de l'eau, en 2018.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

J'en viens à la politique publique dans le domaine du grand cycle de l'eau.

Selon un avis du Conseil économique, social et environnemental (CESE) de septembre 2020, « les moyens et les effectifs alloués à l'OFB ne lui permettront pas de mener à bien l'ensemble de ses missions ». Quel regard portez-vous sur cette affirmation ?

Permalien
Barbara Pompili, ministre

J'ai déjà fourni quelques éléments en réponse à la présidente. Nous avons maintenu les effectifs alloués à l'OFB et nous travaillons à des rapprochements entre les services pour créer des synergies entre ses agents.

Le législateur a confié de nombreuses missions à l'OFB, dans des domaines très larges : information, assistance aux différents acteurs, connaissance scientifique et contrôle. Pour assurer toutes ces missions, il faut non seulement renforcer les synergies, mais aussi donner plus de latitude aux agents pour travailler. Je prépare la discussion du projet de loi de finances pour que les agents de l'OFB, ainsi que tous ceux de mon ministère, puissent travailler dans de meilleures conditions.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La police de l'eau est-elle convenablement assurée en France ? Les moyens de l'OFB et des missions interservices sont-ils suffisants ?

Selon le chercheur Sylvain Barone, un agent est chargé de contrôler en moyenne 1 000 kilomètres de cours d'eau. Êtes-vous déterminée à augmenter les moyens de l'OFB consacrés à la police de l'eau ?

Permalien
Barbara Pompili, ministre

La police de l'environnement s'appuie sur les dispositifs de police administrative et de police judiciaire, sous les autorités respectives du préfet et du parquet. Ces deux leviers sont utilisés séparément ou de manière coordonnée, selon que le non-respect contrevient à une règle générale ou à des titres individuels, et au regard de la gravité de la non-conformité constatée. La police de l'environnement peut donc mobiliser des inspecteurs de l'environnement, présents dans les services déconcentrés de l'État, à l'OFB et dans les parcs nationaux. Elle peut aussi mobiliser les officiers de police judiciaire que l'on trouve principalement dans les structures de la gendarmerie et de l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (OCLAESP).

L'efficience de la police de l'eau et de la nature se mesure par notre capacité à apporter une réponse proportionnée, rapide et effective à toute atteinte portée à l'environnement. Le renforcement des dispositifs pour exercer cette police, des sanctions et de la coordination des polices est au cœur des chantiers menés depuis plusieurs années pour améliorer cette efficience. Ces chantiers reposent sur plusieurs piliers.

Premier d'entre eux, le renforcement des compétences des agents chargés des contrôles de la constatation des infractions est l'aboutissement de plusieurs réformes. L'harmonisation des polices de l'environnement en 2012 a créé les inspecteurs de l'environnement ; l'OFB a été inauguré le 1er janvier 2020 et la loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée a créé les officiers judiciaires de l'environnement, qui ont les mêmes prérogatives que des officiers de police judiciaire.

Le second pilier consiste en une réforme organisationnelle afin de planifier et de coordonner les contrôles des différents services pour éviter les pertes en ligne et améliorer l'efficacité. Elle nous permet d'ajuster la pression de contrôle sur les principaux enjeux. S'agissant de l'eau, il s'agit des contrôles des autorisations, des déclarations au titre de la loi sur l'eau et de la protection des milieux aquatiques. Cette organisation permet de partager un diagnostic territorial entre les différents acteurs – l'État, l'OFB, les parcs nationaux, la gendarmerie – et assure une bonne coordination entre les autorités administratives et judiciaires.

Nous devons aussi déterminer comment va fonctionner la police, nous n'allons pas surveiller systématiquement et continuellement tous les milieux, mais prendre en considération les sensibilités et les pressions exercées sur eux, en détaillant une stratégie par département.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'avis du CESE de septembre 2020 avance que « Depuis 2018, ce n'est plus principalement le budget de l'État mais celui des agences de l'eau qui vient financer l'AFB, les parcs nationaux et l'ONCFS. » Comment justifiez-vous qu'une part des redevances des agences de l'eau soit employée pour des missions qui ne sont pas de leur ressort ?

Permalien
Barbara Pompili, ministre

La loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages – que je connais bien – a élargi les missions des agences de l'eau. Elle précise que chaque agence de l'eau peut contribuer à la connaissance, à la protection et à la préservation de la biodiversité terrestre et marine ainsi que du milieu marin.

Les évolutions apportées ont fait l'objet de longs débats. La loi substitue au principe « l'eau paie l'eau » celui selon lequel « l'eau, la biodiversité et les milieux marins paient l'eau, la biodiversité et les milieux marins ». En application de cette évolution, à compter de 2018, les agences de l'eau apportent une contribution annuelle à l'OFB, et l'OFB apporte une contribution annuelle aux parcs nationaux.

Pour compléter ce dispositif, la diversification des redevances des agences de l'eau est nécessaire pour s'appuyer également sur les atteintes à la biodiversité. Outre la redevance pour pollutions diffuses, qui porte sur des produits ayant un impact sur la biodiversité, le recouvrement de la redevance cynégétique par les agences de l'eau à compter de 2020 vient renforcer cette diversification, qui doit se poursuivre.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ne pensez-vous pas que le plafond mordant sur les redevances des agences de l'eau est une entorse au principe « l'eau paie l'eau » et vient réduire leurs possibilités financières et leur capacité à adresser des signaux-prix pour inciter les acteurs à s'engager dans des démarches d'économie de la ressource ?

Permalien
Barbara Pompili, ministre

Le plafond mordant a été institué par la loi de finances pour 2019, parallèlement à la suppression d'un prélèvement sur fonds de roulement de l'ordre de 175 millions d'euros par an sur la période 2015-2017.

En pratique, ce plafond ne s'applique pas puisque les redevances ont été réévaluées par chacune des agences. Les signaux-prix et le principe pollueur-payeur sont donc préservés et s'appliquent toujours.

Je rappelle que l'article 29 de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages précise que chaque agence de l'eau peut contribuer à la connaissance, à la protection et à la préservation de la biodiversité terrestre et marine ainsi que du milieu marin. Le principe est bien que l'eau, la biodiversité et les milieux marins paient l'eau, la biodiversité et les milieux marins. Cette démarche incite à économiser la ressource.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le financement des agences de l'eau repose-t-il effectivement à 85 % sur les redevances des particuliers ? Ce système de financement vous semble-t-il respecter le principe pollueur-payeur, étant donné les nouvelles missions des agences de l'eau et la part des pollutions résultant des usages domestiques ?

Permalien
Barbara Pompili, ministre

J'ai évoqué la question en détaillant les différentes ressources des agences de l'eau. Il est vrai que 85 % des redevances sont issues des usages domestiques de l'eau, mais dans la mesure où ces redevances servent principalement à l'amélioration des réseaux de traitement et de distribution de l'eau et à l'amélioration de la qualité du grand cycle de l'eau, c'est bien le consommateur qui bénéficie le plus des aides issues de ces redevances.

Une réforme de ces redevances est envisagée afin de renforcer l'application du principe pollueur-payeur, nous espérons qu'elle aboutira lors du prochain PLF.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

J'en viens aux questions sur la gestion de l'eau publique et privée dans le petit cycle de l'eau. Comment la délégation de service public (DSP) peut-elle être plus favorable du point de vue des coûts de gestion, étant donné que le délégataire est assujetti à l'impôt sur les sociétés, qu'il amortit sur la durée du contrat, qu'il a un objectif de maximisation de son profit et qu'il supporte des rémunérations de siège ?

Permalien
Barbara Pompili, ministre

Plusieurs raisons peuvent expliquer que la DSP demeure souvent plus compétitive que la régie.

Lorsqu'un délégataire conclut plusieurs marchés de DSP avec des collectivités différentes du même territoire, il peut mutualiser les moyens humains et techniques. Les passations de marchés groupés avec des sous-traitants permettent de générer des économies d'échelle. De plus, le délégataire n'est pas soumis au code des marchés publics et peut ainsi confier certaines tâches prévues dans son contrat de DSP à des sous-traitants du même groupe à des prix compétitifs.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'Observatoire des services publics d'eau et d'assainissement fait état d'un taux de reconduction de 84 % des délégations d'eau : considérez-vous qu'il existe une réelle concurrence sur ces procédures de marché ? Existe-t-il des accords de partage du territoire entre les grands acteurs privés ?

Permalien
Barbara Pompili, ministre

Lors du renouvellement d'une DSP, le délégataire sortant bénéficie évidemment de certains avantages sur ses concurrents, dans la mesure où il a déjà une bonne connaissance du territoire. Son offre peut donc être plus compétitive, ce qui peut expliquer l'importance du taux de reconduction.

Je n'ai pas connaissance d'accords de partage du territoire entre les grands acteurs privés, et il appartient évidemment à l'Autorité de la concurrence et à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) de vérifier le respect des règles de concurrence. Mais cela sort de mes compétences spécifiques.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Qui doit financer les investissements sur les réseaux pour limiter les fuites ? Faut-il augmenter le prix de l'eau pour améliorer les performances, et dans quelles conditions ? Comment déterminer le coût réel du renouvellement du réseau dans la facture de l'abonné ?

Permalien
Barbara Pompili, ministre

Le financement de l'entretien des réseaux pour limiter les fuites est à la charge de la collectivité organisatrice du service public, qui peut confier cette mission à son délégataire dans le cadre du marché de DSP. Dans tous les cas, ces travaux sont financés par la facture d'eau, donc par l'usager du service.

Pour améliorer les performances du réseau, l'augmentation du prix de l'eau n'est pas l'unique solution. Une gestion patrimoniale rigoureuse des réseaux sur les plans technique et financier, avec des schémas directeurs d'eau potable, la mise en place de compteurs de sectorisation et des amortissements permet d'anticiper et de planifier les travaux à mener sur les réseaux en gardant la maîtrise du prix de l'eau. Le coût réel du renouvellement du réseau est une information disponible dans le budget annexe « eau » de la collectivité qui peut, par souci de transparence à l'égard de l'usager, faire figurer cette information sur la facture d'eau.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Venons-en aux pistes de réforme du modèle français de l'eau.

Alors que la plupart des villes remunicipalisent leurs services d'eau et d'assainissement, quel est l'avenir en France des groupes industriels tels que Veolia ou Suez ?

Permalien
Barbara Pompili, ministre

Il est difficile, à partir des données dont nous disposons, d'affirmer que la remunicipalisation des services d'eau et d'assainissement concerne la plupart des villes. Le retour à une gestion en régie ne signifie pas nécessairement que les collectivités vont internaliser toutes les tâches liées à l'exercice de leurs compétences. Elles seront sans doute amenées à faire appel à des savoir-faire extérieurs disponibles dans des groupes industriels.

Par ailleurs, à l'inverse des collectivités, ces groupes disposent de moyens importants pour l'innovation. À ces différents titres, ces groupes industriels continueront sans doute à trouver leur place dans le paysage de l'eau, même en cas de remunicipalisation importante des services publics d'eau.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Les collectivités locales vous semblent-elles bénéficier de suffisamment de moyens pour contrôler les DSP ?

Permalien
Barbara Pompili, ministre

La réorganisation en cours des services publics d'eau prévue par la loi NOTRE va permettre aux groupements de communes disposant de cette compétence de développer les moyens humains et techniques alloués à cette thématique.

La passation ou la négociation de marchés de concession, au-delà de la dimension technique, nécessite aussi des compétences juridiques importantes qui seront également appelées à se développer. Dans tous les cas, si la collectivité ne considère pas disposer des compétences requises, elle peut faire appel à des assistants à maîtrise d'ouvrage, des conseils juridiques, techniques, financiers et fiscaux qui pourront l'accompagner dans le choix du mode de gestion.

Au-delà de la passation et de la négociation des contrats, il est important que les collectivités disposent des moyens nécessaires pour suivre et contrôler la mise en œuvre du contrat.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Faut-il que l'État assiste les collectivités pour conclure des marchés de DSP et les contrôler ?

Permalien
Barbara Pompili, ministre

L'État assure un soutien financier, juridique et technique aux collectivités, quel que soit le choix quant à la gestion de l'eau, qui découle évidemment de la libre administration des collectivités territoriales. L'État se doit d'être à leurs côtés dans tous les cas pour permettre un accès à une ressource en eau de qualité, qui est une priorité absolue.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Quels sont les principales opportunités et les principaux risques associés à la perspective d'une mise en concurrence du renouvellement des concessions hydroélectriques et d'une éventuelle gestion privée des concessions ?

Permalien
Barbara Pompili, ministre

L'hydroélectricité est une énergie renouvelable cruciale pour notre transition énergétique et pour la gestion de la ressource en eau. Les installations hydroélectriques en France, placées sous le régime de la concession, sont la propriété de l'État. Il s'agit d'une particularité par rapport aux autres pays européens, dont les barrages sont le plus souvent la propriété des exploitants et ne sont donc pas soumis à des remises en concurrence.

L'exploitation de ces installations doit répondre à des exigences législatives et réglementaires qui permettent d'écarter les risques relatifs à la sécurité de l'exploitation de ces installations, et qui visent à limiter leur impact sur l'environnement. Dans tous les cas, les cahiers des charges prendraient en compte tous les aspects, dont le soutien à l'étiage ou les enjeux touristiques. La remise en concurrence est un enjeu indéniable pour les territoires rattachés à ces installations et un enjeu social pour le personnel, même s'il sera probablement réembauché en cas de changement de concessionnaire.

S'agissant de la mise en concurrence, nous sommes engagés dans des négociations avec la Commission européenne pour la réorganisation d'EDF. L'hydroélectricité en fait partie, et nous cherchons une solution permettant d'éviter la reprise du contentieux européen qui a été suspendu dans l'attente des résultats de ces négociations. Ce contentieux pourrait nous obliger à rouvrir la mise en concurrence des concessions, ce que nous souhaitons éviter.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Les fuites sont un sujet extrêmement important concernant le gaspillage de l'eau, qui se retrouve sur la facture des usagers. Selon un rapport de l'OFB, sur un peu plus de 5,1 milliards de mètres cubes mis en distribution en 2017, 1 milliard s'est perdu en route, représentant la consommation de 18,5 millions de personnes. Ne pensez-vous pas que l'État doive faire plus sur cette question et ne pas se contenter de dire qu'il revient aux collectivités de s'en charger ? Si ces dernières ne font rien, l'équivalent de la consommation annuelle de 18,5 millions d'habitants est perdu. En outre-mer, ces fuites peuvent attendre 60 % du volume d'eau en circulation, et même 80 % à Mayotte, ce qui représente un gaspillage terrifiant.

Permalien
Barbara Pompili, ministre

Il est vrai que nous avons un problème de fuites dans le petit cycle de l'eau, c'est pourquoi nous avons mené un travail important pour améliorer la connaissance des réseaux – les agences de l'eau y travaillent beaucoup – mais aussi favoriser l'interconnexion et éviter les problèmes d'assainissement. Dans certains endroits, des systèmes d'assainissement ne fonctionnent pas bien et entraînent des débordements et des pollutions.

Il s'agit d'un axe important du plan de relance. D'ici 2024, 4,5 millions d'euros seront engagés par les six agences de l'eau pour améliorer les installations de traitement, renouveler les réseaux et favoriser l'interconnexion. Une enveloppe de 850 millions d'euros est prévue pour améliorer la gestion des eaux pluviales, et 250 millions d'euros serviront à accompagner spécifiquement la modernisation du réseau des collectivités rurales et la remise aux normes de leurs installations.

Il existe effectivement un problème sur les réseaux d'eau, c'est pourquoi nous prévoyons tous ces moyens dans le plan de relance.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ce montant vous semble-t-il suffisant ? Pour la seule Guadeloupe, les investissements nécessaires pour l'eau et l'assainissement ont été évalués à un milliard d'euros.

Permalien
Barbara Pompili, ministre

Nous mettons l'argent à disposition, il faut ensuite que les collectivités s'en emparent pour faire des travaux. Nous avons institué ce mécanisme à la fin de l'année dernière, nous ferons un point d'étape, j'aimerais d'abord que ces sommes soient effectivement dépensées.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous avez déclaré que le plafond mordant ne s'appliquait pas, quelle en est la raison ? Nous avons reçu les agences de l'eau, qui étaient très claires sur le sujet.

Permalien
Barbara Pompili, ministre

Les agences de l'eau ayant diminué leur redevance, mécaniquement, le plafond n'est pas atteint.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Comment pensez-vous qu'elles puissent mener à bien les nouvelles missions confiées par la loi sur la biodiversité avec moins d'argent ?

Permalien
Barbara Pompili, ministre

Il y a deux manières de faire : en modifiant la redevance, et nous analysons ce qui peut être fait à ce sujet, ou en réévaluant les aides qu'elles accordent.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous confirmez qu'en plus du plafond mordant, un prélèvement est effectué sur le fonds de roulement des agences de l'eau.

Permalien
Barbara Pompili, ministre

Le plafond mordant est un mécanisme par lequel des ressources issues des agences de l'eau vont abonder le budget de l'État. Cette situation ne se produit pas actuellement, car les agences de l'eau ont baissé leurs redevances pour ne pas atteindre ce plafond.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Justement, le problème est qu'elles aient dû baisser leurs redevances pour éviter qu'une partie de leur budget soit prélevée par l'État, alors que leurs missions ont été élargies.

Permalien
Barbara Pompili, ministre

En résultat, la pression fiscale sur les ménages est moindre. Les agences ont considéré qu'avec les moyens dont elles disposaient, elles pouvaient baisser la pression fiscale sur les ménages tout en continuant à mener leurs missions, sans que leurs ressources ne soient reversées au budget de l'État.

La suppression ou le relèvement du plafond mordant est un débat politique récurrent lors des lois de finances, et j'imagine que nous ne manquerons pas de l'aborder lors de l'examen du prochain projet de loi de finances.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le ministère de l'agriculture vient de lancer un « Varenne de l'eau », qui va aborder beaucoup de sujets traités lors des assises de l'eau. Les constats risquent d'être redondants.

L'un de ces constats est la quasi-absence de réutilisation de l'eau dans le cadre de la diversification des ressources en eau, en particulier dans l'agriculture. L'article 69 de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (AGEC) prévoit un décret définissant les usages et les conditions dans lesquelles les eaux usées traitées peuvent être utilisées. Ce décret n'a toujours pas été publié. Quels éléments freinent sa publication, et où en sont les perspectives de réutilisation de l'eau, en particulier dans l'agriculture ?

Vous avez évoqué la tarification sociale de l'eau. Est-il également envisagé d'instaurer une tarification selon les usages, afin de sanctuariser un volume d'usage domestique que l'on pourrait considérer comme vital et dont l'accès serait libre et gratuit pour les usagers ? Cela permettrait aux 235 000 personnes privées d'accès à l'eau, parfois pour des raisons économiques, d'y accéder au moins pour leurs besoins vitaux.

Vous avez qualifié l'eau de patrimoine commun. Lors de notre déplacement à Vittel, nous avons été frappés de constater que la communication de Nestlé à l'égard du grand public était souvent erronée, qualifiant d'autres personnes de préleveurs au même titre qu'eux, alors qu'ils sont préleveurs uniques avec le syndicat public. La plus grande confusion règne autour des différentes nappes phréatiques, puisque celle dont il est question n'est destinée qu'à la mise en bouteilles pour l'étranger, où Nestlé réalise la plus grande part de son chiffre d'affaires. Ne faudrait-il pas commencer à considérer l'eau comme un bien commun, et donc nous orienter vers une nationalisation de l'eau, en particulier des nappes captives qui mettent plusieurs siècles à se régénérer ? Lorsque les ponctions ont eu lieu, nous savons qu'il ne sera pas possible d'y remédier dans un futur proche.

Permalien
Barbara Pompili, ministre

Le Varenne de l'eau intervient à la suite des assises de l'eau, et il est hors de question de refaire la même chose. Les Assises de l'eau ont été intéressantes, longues, et ont permis de gérer le grand cycle et le petit cycle pour aboutir sur des préconisations. Dans la continuité de ces assises, nous nous concentrons sur la gestion agricole de l'eau, puisque le monde agricole est l'un des principaux utilisateurs de l'eau. Nous allons étudier des aspects spécifiques à ses besoins, aux impacts de ses usages et à la manière dont il doit s'organiser pour gérer la ressource.

Nous avons beaucoup insisté pour que le Varenne agricole de l'eau permette des discussions entre tous les acteurs, afin de se pencher sur les enjeux spécifiques à l'agriculture en intégrant le besoin général de partager la ressource. Nous allons voir avec les agriculteurs comment ils peuvent optimiser leurs besoins, en utilisant d'autres méthodes ou d'autres cultures, pour mettre en place les PTGE avec eux. La question des bassines ou des retenues d'eau revient régulièrement, elle doit être analysée de la manière la plus pragmatique possible : nous avons parfois besoin de retenues d'eau, mais il faut d'abord chercher comment limiter les besoins. J'espère que le Varenne de l'eau permettra de dégager des pistes intéressantes pour avancer, afin de désamorcer les tensions que ce sujet peut faire naître.

Vous avez raison, la question de la réutilisation des eaux usées prend du temps, car les enjeux sanitaires sont très forts. Il n'est pas possible de tout faire avec des eaux qui ont été utilisées de diverses façons. Nous attendions un avis de l'Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) qui nous est parvenu il y a très peu de temps. Nous sommes en train de l'analyser pour rédiger le décret. Je partage totalement votre intérêt pour la réutilisation des eaux usées, mais l'aspect sanitaire ne peut être balayé d'un revers de main.

La tarification de l'eau est la mesure n° 17 des Assises de l'eau. C'est une expérimentation en cours dans les collectivités volontaires. Une boîte à outils de la tarification sociale de l'eau est en préparation pour les collectivités qui souhaitent mettre en place de nouvelles mesures en faveur de l'accès à l'eau. C'est une mesure que j'encourage, je pense qu'elle a un grand avenir. Par ailleurs, je rappelle que la loi interdit de couper la fourniture d'eau lorsque les factures ne sont pas payées, ce qui me paraît relever du bon sens.

Notre législation consacre l'eau comme un bien commun à l'article L. 210-1 du code de l'environnement, pour toutes les eaux, sans aucune distinction selon leur propriétaire. Son usage est bien encadré par le principe de gestion équilibrée et durable, consacré dans le code de l'environnement. Chaque personne physique a le droit d'accéder à l'eau potable pour son alimentation et son hygiène dans des conditions économiques acceptables. Le respect de ce principe repose sur l'organisation de services publics d'eau potable et d'assainissement.

S'agissant de la baisse de la nappe phréatique à Vittel, nous n'avons pas les éléments permettant de l'expliquer. Nous cherchons à les identifier, car nous pouvons préjuger de bien des choses mais il n'est pas possible d'apporter une bonne réponse si nous ne connaissons pas le problème. Une fois que nous connaîtrons le problème, nous pourrons y apporter une réponse. Mais je répète qu'il y a une hiérarchie des usages de l'eau, et l'accès à l'eau potable pour les habitants sera toujours prioritaire sur les utilisations industrielles.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il ne fait pas de doute que si la nappe baisse à Vittel, c'est que les prélèvements excèdent sa capacité de recharge. Nestlé, qui est le seul acteur à ne pas payer l'eau, doit réduire ses prélèvements. C'est en tout cas ce que prévoit le schéma directeur. La question qu'a soulevée Mme Le Chapelier est celle de la propriété des eaux souterraines, qui semblerait faire l'objet d'un vide juridique. Le ministère y travaille-t-il ?

Permalien
Barbara Pompili, ministre

La question n'est pas de savoir qui est le propriétaire de telle ou telle parcelle, mais comment l'eau est partagée. Personne, tout propriétaire qu'il soit, n'a le droit de s'approprier une ressource en eau : cela contrevient à tous les fondamentaux du droit. En disant cela, je ne cherche pas à esquiver votre question, mais à rappeler que la répartition de l'eau doit respecter la loi.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Précisément, la loi n'est pas respectée en plusieurs endroits du territoire.

Permalien
Barbara Pompili, ministre

Je serai très attentive aux conclusions de la commission d'enquête, madame la présidente.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la ministre, vous ne m'avez pas répondu sur l'intérêt d'une tarification différenciée selon les usages, qui prévoirait une sanctuarisation pour les besoins vitaux.

Permalien
Barbara Pompili, ministre

Comme je vous l'ai dit, nous menons une réflexion sur la tarification. Il existe déjà plusieurs tarifs puisque les usagers ne paient pas tous la même redevance.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il existe en fait deux courants de pensée : certains universitaires estiment que le droit à l'eau est fondamental, inaliénable et qu'il n'y a aucune raison de devoir justifier de ses ressources pour y accéder ; d'autres estiment que, pour garantir le droit à l'eau, il faut rendre les premiers mètres cubes gratuits et supprimer la part fixe qu'est l'abonnement tout en distinguant satisfaction du besoin vital, usage économique et usage de confort – ces deux derniers permettant de financer la gratuité. Le ministère entend-il privilégier une piste plutôt que l'autre ?

Permalien
Barbara Pompili, ministre

C'est le principe des expérimentations qui ont été lancées à la suite des assises de l'eau. Il existe différentes options et cette manière de faire, pragmatique, consiste à observer ce qui fonctionne le mieux. Ce que je souhaite, c'est que nous parvenions à une solution en accord avec les principes que j'ai présentés et qui soit juste d'un point de vue social.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Depuis 2016, de nouvelles cartographies des cours d'eau sont élaborées et il semble que les « circuits chevelus » soient requalifiés en « fossés ». Certaines associations, qui y voient l'influence de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), critiquent cette définition, qui revient à changer la réglementation sur l'épandage de pesticides à proximité de ces cours d'eau. Que pensez-vous de cette nouvelle cartographie ? Est-elle de nature à protéger les écosystèmes aquatiques ?

Permalien
Barbara Pompili, ministre

Les critères sont établis de façon claire et la méthodologie utilisée pour l'élaboration de ces cartographies doit être la même pour l'ensemble du territoire. Je refuse des cartographies « à la carte », en fonction des envies de chacun. Le référentiel doit être le même pour tous, sinon, on ne s'en sort pas.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Pourtant, des circuits chevelus disparaissent. Est-ce à dire que la méthodologie n'est pas respectée ?

Permalien
Barbara Pompili, ministre

Je vous invite à m'envoyer les éléments dont vous disposez.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Une dernière question, madame la ministre, à laquelle vous choisirez peut-être de me répondre par écrit : elle porte sur le projet de carrière à Mazaugues. Le carrier compte exploiter un plafond rocheux abritant une immense réserve d'eau souterraine classée « stratégique pour l'alimentation en eau potable ». D'après l'étude du groupement d'intérêt public GEODERIS de 2015, le plafond rocheux présenterait un risque majeur d'effondrement, tandis que le chantier serait source de pollution pour cet aquifère naturel. Le préjudice écologique et social serait majeur pour les 500 000 habitants du sud du Var qui dépendent de cette masse d'eau souterraine. Comment un tel projet peut-il se poursuivre ?

Permalien
Barbara Pompili, ministre

Je ne connais pas ce dossier dans le détail et je préfère en prendre connaissance afin de vous apporter une réponse précise.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je me permets de rebondir sur la question précédente de Mathilde Panot. Les cartographies diffèrent grandement d'un département à l'autre. Celle des cours d'eau du Gard, établie par France Nature Environnement et par l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN), fait apparaître 17 000 kilomètres d'eau, alors que le réseau n'en comptait que 7 000 auparavant ! Des fossés, des roubines en permanence à sec ont été qualifiés comme des cours d'eau, tandis que des milieux aquatiques et semi-aquatiques, telles les rizières, ont été exclus alors qu'on pourrait penser que les pesticides et autres produits phytosanitaires sont plus à même de s'y propager. L'impact sur les méthodes agricoles de cette nouvelle cartographie est certain et lorsqu'on passe d'un excès à l'autre, on peut s'interroger sur l'acceptation par la population des mesures environnementales – encore une fois, des endroits dont l'eau est absente depuis un demi-siècle sont désormais considérés comme des zones de non-traitement ! J'aimerais connaître les raisons pour lesquelles les départements sont traités différemment et quels sont les critères mis en avant au niveau national.

Permalien
Barbara Pompili, ministre

Je le répète, nous avons établi un cadre national pour ces cartographies élaborées à l'échelle départementale. Ce cadre permet que les mêmes règles s'appliquent partout et que la protection des cours d'eau soit normalisée sur le territoire. Si vous considérez que la méthodologie n'a pas été suivie, je vous invite à transmettre les éléments à mon cabinet ou à celui du préfet, chargé, en tant que représentant de l'État, de vérifier la conformité de ces cartographies au cadre national. Le tribunal administratif peut aussi être saisi.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous remercie d'avoir pris le temps de répondre à nos questions, madame la ministre, et vous demande de bien vouloir nous transmettre vos réponses au questionnaire – elles seront précieuses pour la commission d'enquête. De mon côté, je vous transmettrai les éléments qui ont été évoqués au cours de cette audition.

J'ajouterai une note personnelle : je suis très inquiète des conséquences que pourraient avoir les projets Stocamine et Cigeo sur la qualité de l'eau. Je suis bien consciente que ce sujet n'est pas couvert par le champ de notre commission d'enquête, qui porte sur la mainmise des intérêts privés sur la ressource en eau, mais je tenais à exprimer ici mes craintes.

Permalien
Barbara Pompili, ministre

Nous apporterons au plus vite les réponses au questionnaire que vous nous avez fait parvenir, afin que vous puissiez intégrer ces éléments dans vos réflexions et votre rapport.

La décision qui a été prise pour Stocamine permet justement de protéger la nappe d'Alsace, et je m'en félicite. Mais nous pouvons avoir des divergences !

L'audition s'achève à dix-sept heures quarante.