La réunion débute à 21 heures 35.
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, Présidente
La Commission poursuit l'examen des articles du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (n° 104) (M. Raphaël Gauvain, rapporteur).
Après l'article 7 bis
La Commission est saisie de l'amendement CL200 de M. Ugo Bernalicis.
Avec votre permission, madame la présidente, je présenterai conjointement les amendements CL200, CL201 et CL203, qui portent tous trois sur la question des contrôles d'identité et, au-delà, sur celle du lien entre la population et la police, dont nous ne saurions faire abstraction dans le cadre de l'examen de ce texte.
Il a en effet été établi que les renseignements portant sur les parcours de radicalisation sont particulièrement difficiles à obtenir lorsqu'ils doivent être recueillis – ce qui est le plus souvent le cas – dans les quartiers où les services de police ne sont pas spécialement les bienvenus. Un tel état de fait est d'autant plus regrettable que les personnes habitant ces quartiers savent souvent qu'il se passe des choses à tel ou tel endroit, et disposent donc de renseignements susceptibles d'intéresser les enquêteurs.
Tout ce qui est de nature à permettre un maillage optimal du territoire, au profit de la gendarmerie en milieu rural et de la police en milieu urbain, permet un meilleur renseignement de terrain et doit donc être favorisé. C'est ce qui nous conduit, nous qui ne sommes en rien opposés à la lutte contre le terrorisme, à en avoir une vision qui mise davantage sur les rapports entre la population et la police, sur l'efficacité du renseignement humain et de terrain. Nous plaidons par conséquent pour un renforcement du renseignement territorial, en lien avec la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), et du renseignement local, en lien avec la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE). Dans cette optique, les amendements qui vous sont présentés visent à restaurer la confiance dans les relations entre la population et la police, afin d'améliorer le renseignement humain.
Je suis défavorable à ces amendements, pour les mêmes raisons que celles exposées avant la suspension de nos travaux.
La Commission rejette successivement l'amendement CL200 et les amendements CL201 et CL203 de Mme Danièle Obono.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, elle rejette successivement les amendements CL126 de M. Éric Ciotti, CL8 de M. Guillaume Larrivé, CL117 et CL143 de M. Eric Ciotti et CL216 de M. Éric Diard.
Elle est saisie de l'amendement CL141 de M. Éric Ciotti.
Nous défendrons cet amendement en séance, et je préviens d'ores et déjà M. le ministre d'État que nous solliciterons un bilan très précis de la prise en charge dans les établissements pénitentiaires des détenus radicalisés ou détenus pour des actes de terrorisme. Nous souhaitons en effet connaître la position du Gouvernement sur cette question qui a donné lieu à de multiples réflexions et expérimentations au cours des années précédentes.
Je suis défavorable à cet amendement en raison des expérimentations en cours sur cette question.
Pour ma part, je rappelle que ce n'est pas le ministre de l'intérieur, mais celui de la justice, qui est compétent sur ce sujet.
La Commission rejette l'amendement.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, elle rejette successivement les amendements CL140, CL115, CL128 et CL129 de M. Éric Ciotti.
Elle examine ensuite l'amendement CL199 de Mme Danièle Obono.
Ce texte n'est pas le premier à afficher l'objectif d'offrir plus de moyens à l'autorité administrative : il s'inscrit dans un mouvement général en ce sens, après la loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé. Cette loi ouvre, par exemple, la possibilité pour le juge des libertés et de la détention (JLD) d'autoriser les perquisitions de nuit dans les locaux d'habitation durant l'enquête préliminaire, permet la pose de microphones et de caméras, le passage à trente ans de la période de sûreté en cas d'infraction à caractère terroriste, la mise en place d'un service dit de renseignement pénitentiaire – qui pose problème aux personnels des services d'insertion et de probation, non formés à cette tâche. Il s'agit de mesures qui dépassent largement la simple recherche de la sécurité et qui compromettent l'exigence de sûreté consacrée par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, que j'ai déjà évoquée à plusieurs reprises.
Ces mesures ont d'ailleurs reçu un avis très défavorable de la Commission nationale des droits de l'homme (CNDH), qui a fustigé l'absence de débat public sur le sujet, notamment du fait du recours à la procédure accélérée, ainsi que le caractère disproportionné et non nécessaire des dispositions évoquées.
En l'absence d'éléments suffisamment probants produits par le Gouvernement quant à l'utilité et l'efficacité réelle des dispositions contenues dans la loi du 3 juin 2016, nous proposons donc leur abrogation.
Les dispositions qu'il est proposé d'abroger étant d'une utilité certaine pour les magistrats et les services de sécurité, je suis défavorable à cet amendement.
La Commission rejette l'amendement.
Chapitre II
Techniques de renseignement
Article 8 (art. L. 822-2, L. 852-2 [nouveau], L. 853-2, L. 854-9-1 à L. 854-9-3 [nouveaux] et L. 871-1 du code de la sécurité intérieure) : Encadrement de la faculté de procéder à des écoutes hertziennes
La Commission est saisie de l'amendement CL162 de Mme Danièle Obono.
Cet amendement vise à supprimer l'article 8, relatif aux interceptions hertziennes. Si nous savons que la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) sera amenée à exercer un contrôle en la matière, et que les dispositions prévues à cet article relèvent également de la compétence de la commission de la Défense, nous proposons cependant que la lutte contre le terrorisme emprunte d'autres voies que celles proposées, voies que nous exposerons au moyen de plusieurs amendements.
Il ressort des auditions auxquelles nous avons procédé qu'il y a un réel intérêt à adopter des dispositions relatives aux écoutes hertziennes, et c'est sur la base d'une décision du Conseil constitutionnel qu'il a été entrepris de le faire. Je suis donc défavorable à cet amendement.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'amendement de coordination CL44 du rapporteur.
Elle examine l'amendement CL266 du Gouvernement.
Dans sa décision du 4 août 2017 relative à l'accès en temps réel aux données de connexion, le Conseil constitutionnel a considéré que, d'une part, la disposition concernant l'entourage permet de surveiller des personnes n'ayant pas nécessairement un lien étroit avec la menace, et que, d'autre part, elle ne limite pas le nombre d'autorisations en vigueur simultanément. Il l'a donc déclarée contraire à la Constitution, tout en reportant les effets de cette censure au 1er novembre 2017.
Le présent amendement a pour objet de rétablir cette possibilité en prévoyant, à l'instar du dispositif applicable aux interceptions de sécurité, que le nombre maximal de ces autorisations est contingenté par le Premier ministre, après avis de la CNCTR. De même que pour les interceptions de sécurité, la décision fixant ce contingent et sa répartition entre les ministres mentionnés au premier alinéa de l'article L. 821-2 du code de la sécurité intérieure – défense, intérieur, justice, mais aussi économie, budget ou douanes –, ainsi que le nombre d'autorisations d'interception délivrées, sont portés à la connaissance de la CNCTR.
Suivant l'avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l'amendement.
Elle adopte successivement l'amendement rédactionnel CL46 et l'amendement de précision CL45 du rapporteur.
Puis elle étudie les amendements identiques CL47 du rapporteur et CL289 de la commission de la Défense.
Le présent amendement vise à préciser le point de départ des délais de conservation, en prévoyant qu'ils courent à compter de leur recueil pour les renseignements non chiffrés, et à compter de leur déchiffrement pour les renseignements chiffrés. Une telle disposition existe déjà pour les renseignements collectés sur le fondement des mesures de surveillance des communications électroniques internationales, mises en oeuvre en application des articles L. 845 et L. 854-5 du code de la sécurité intérieure.
Suivant l'avis du rapporteur, la Commission adopte ces amendements.
Elle adopte également l'amendement rédactionnel CL48 du rapporteur.
Elle examine ensuite l'amendement CL290 de la commission de la Défense.
Cet amendement vise à préciser le champ des renseignements auxquels la CNCTR aura accès. On peut distinguer trois types de renseignements collectés : premièrement, l'ensemble des renseignements collectés – ce que j'appelle le « super-brut » ; deuxièmement, les renseignements effectivement conservés parce qu'ils présentent un intérêt opérationnel – ce que j'appelle le « brut » ; troisièmement, enfin, les renseignements transcrits et extraits – le « net ».
Pour l'exercice de son contrôle, la CNCTR n'a pas besoin d'avoir accès à l'ensemble du « super-brut », dont une partie est détruite, car elle ne présente pas d'intérêt opérationnel – la conservation de l'ensemble du « super-brut » supposerait par ailleurs d'importants coûts d'investissement.
Elle doit, en revanche, avoir accès au « brut », c'est-à-dire aux renseignements conservés par les services à la date de la demande de la Commission – le reste ayant été détruit, car jugé inutile – ainsi qu'au « net », c'est-à-dire aux transcriptions et extractions. Elle aurait accès aux dispositifs de conservation des services. Aucun dispositif de stockage supplémentaire spécifique ne serait mis en oeuvre pour venir s'ajouter à ceux utilisés par les services pour conserver les renseignements collectés – je précise qu'il s'agit des renseignements recueillis dans le cadre de la nouvelle exception hertzienne, c'est-à-dire de ceux provenant de l'hertzien public, et non de l'hertzien privatif.
Suivant l'avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l'amendement.
Elle adopte ensuite l'amendement de coordination CL40 du rapporteur.
Elle adopte l'article 8 modifié.
Après l'article 8
La Commission examine l'amendement CL198 de Mme Danièle Obono.
Lors du débat que nous avons eu concernant la sixième prorogation de l'état d'urgence, j'avais fait remarquer que la CNCTR, chargée du contrôle des activités des services de renseignement, ne comportait parmi ses membres que quatre parlementaires et que, de facto, l'ensemble des groupes ne pouvaient prendre part à ses travaux. Or, si nous savons nous adapter à la menace, nous pouvons aussi nous adapter à l'augmentation exponentielle du nombre de groupes parlementaires, notamment d'opposition : nous avons intérêt à ce que tous les groupes soient partie prenante à la lutte contre le terrorisme, afin que la cohésion nationale que nous souhaitons prenne corps aussi dans cette dimension de notre travail.
Nous proposons donc que siègent à ladite commission huit parlementaires par chambre, soit seize en tout, ce qui permettrait d'associer l'ensemble des groupes d'opposition et des groupes minoritaires à ce travail déterminant.
L'évolution proposée modifierait l'équilibre de la composition de la Commission et lui donnerait une véritable coloration politique. De plus, aucun organisme de cette nature et doté de missions comparables ne comporte autant de parlementaires. Sous la précédente législature, enfin, y était représenté le principal groupe d'opposition à l'Assemblée nationale et au Sénat. Avis défavorable.
De façon générale, nous sommes satisfaits du rôle que ces articles attribuent tant à la CNCTR qu'à la délégation parlementaire au renseignement (DPR). À ce stade du débat, je ne peux m'associer à l'amendement proposé par le groupe France insoumise, non parce que la gouvernance et la composition de ces deux organes ne seraient pas sujettes à débat, mais parce qu'il faut en débattre indépendamment de la composition actuelle de l'Assemblée. Le modèle précédent, qui correspondait à une forme de bipartisme, a vécu, mais la composition de l'Assemblée issue des dernières élections législatives ne préfigure pas nécessairement celle des législatures à venir. En clair, la composition de la CNCTR devra sans doute – nous y sommes attachés – faire l'objet d'un débat, mais ultérieurement.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CL131 de M. Éric Ciotti et CL238 de Mme Marine Brenier.
L'amendement CL131 vise à autoriser les procédures de reconnaissance faciale, que facilitent des avancées technologiques importantes, et qui pourraient constituer des outils utiles et pertinents, notamment pour l'accès aux périmètres de protection ou pour la sécurisation d'équipements publics et d'enceintes culturelles ou sportives. Ces procédures existent aux points de contrôle frontaliers de certaines plateformes aéroportuaires ; sur le plan technique, elles sont donc opérationnelles. Il convient désormais de leur donner une existence juridique.
L'amendement CL238 vise également à autoriser le recours à la reconnaissance faciale pour la prévention du terrorisme. Il s'agit simplement de croiser les images filmées par les caméras de vidéosurveillance avec les fichiers de personnes figurant dans les bases de données du ministère de l'intérieur. Vous avez d'ailleurs assisté à Nice, monsieur le ministre d'Etat, à une démonstration de ce dispositif ; nous attendons désormais sa mise en place sur le domaine public.
Cette question revêt un réel intérêt opérationnel, mais elle mérite d'être étudiée plus attentivement, car les procédures doivent être encadrées de manière beaucoup plus stricte. Il est vrai que des expériences sont en cours, mais j'émets, en l'état, un avis défavorable.
La Commission rejette successivement les amendements CL131 et CL238.
Article 8 bis (art. 6 nonies de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires) : Communication à la DPR des observations de la CNCTR sur les écoutes hertziennes
La Commission adopte successivement l'amendement rédactionnel CL41 et l'amendement de coordination CL42 du rapporteur.
Puis elle adopte l'article 8 bis modifié.
Après l'article 8 bis
La Commission examine l'amendement CL69 de M. Jean-Louis Masson.
Compte tenu du fait que la loi introduit dans le droit commun des mesures similaires à celles qui n'étaient précédemment en vigueur qu'en cas d'urgence, la veille parlementaire exercée par la DPR doit être intensifiée. C'est pourquoi je propose d'insérer un article additionnel remplaçant par le mot « biannuel » les deux occurrences du mot « annuel » à l'article 6 nonies de l'ordonnance du 17 novembre 1958.
Le caractère annuel de la communication à la DPR des informations relatives à l'activité des services de renseignement est satisfaisant. Avis défavorable.
En tant que vice-présidente et future présidente de cette délégation, je m'associe pleinement aux observations de notre rapporteur.
La Commission rejette l'amendement CL69.
Puis elle examine l'amendement CL197 de Mme Danièle Obono.
Cet amendement vise à renforcer les pouvoirs de la DPR. Notre analyse est la suivante : la politique de lutte contre le terrorisme nous intéresse tous et, s'ils ont à se prononcer sur des projets de loi et à conduire une activité régulière, les parlementaires ne sont pas en mesure de donner des instructions générales en matière de renseignement. Certes, le renseignement est secret par nature, mais les parlementaires, qui représentent la nation, ont sans doute leur mot à dire quant à la conduite de ces affaires, y compris dans ce domaine. Je pense par exemple à nos stratégies d'alliances, qui peuvent parfois susciter des interrogations – mais nous en ignorons presque tout. De nombreuses fuites sur internet, via Wikileaks par exemple, ont montré que nous entretenions des liens de coopération, souvent asymétriques, avec certains pays. Ainsi, le journal Mediapart a récemment révélé que l'on avait proposé à nos services de renseignement des ordinateurs équipés de systèmes d'analyse biométrique qui dupliquaient nos données pour les envoyer automatiquement à la Central Intelligence Agency (CIA) sans notre consentement préalable, ce qui pose tout de même un problème démocratique.
D'autre part, nous sommes sans doute nombreux à méconnaître l'activité réelle et opérationnelle des services de renseignement. Il pourrait être utile que la délégation auditionne à huis clos et en toute confidentialité des agents du renseignement qui ont été impliqués dans certaines affaires afin qu'ils expliquent ce qui a fonctionné ou non et nous fournissent un retour d'expérience. Aujourd'hui, nous pouvons certes auditionner la partie visible des services de renseignement, en l'occurrence le directeur général de la sécurité intérieure, mais non les agents opérationnels qui exercent sur le terrain, qui nous donneraient pourtant une vision plus concrète et directe nous permettant d'éclairer nos débats.
Cette proposition est contraire au principe de la séparation des pouvoirs, puisque cela reviendrait à permettre aux parlementaires de donner des instructions aux services de renseignement. Avis défavorable.
J'ajoute que l'effectif que vous proposez pour cette délégation – quarante-deux membres au lieu de huit – aurait pour effet de la paralyser au point qu'elle ne pourrait plus fonctionner.
La séparation des pouvoirs est une bonne chose dans un État démocratique. Autrefois, quelques-uns de mes amis ont essayé de constituer le gouvernement des soviets, mais cela n'a pas vraiment marché… Je préfère que nous nous en tenions à l'État démocratique français.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CL270 du Gouvernement.
Il existe une technique, dite de l'algorithme, qui permet, à partir de l'identification de plusieurs mots, d'imposer aux opérateurs de communications électroniques la mise en oeuvre de traitements automatisés sur leurs réseaux afin de détecter une menace terroriste. Les résultats d'une expérimentation de cette technique, précédemment décidée par le Gouvernement, devaient paraître à la mi-2018, mais ils ne seront pas prêts à cette date. Nous proposons donc de reporter à 2020 la finalisation du rapport sur cette expérimentation.
Suivant l'avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CL204 de M. Ugo Bernalicis.
Cet amendement vise à abroger des articles de la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement. Le débat avait déjà eu lieu à l'époque, et le bilan des précédentes lois n'a pas encore été dressé. Or, lors des auditions que le groupe France insoumise a conduites, il nous a été rappelé plusieurs observations sur ces textes.
Dans la lignée du présent projet de loi, les garanties de l'état de droit subissent parfois quelques entorses, notamment à cause des dispositions d'exception contenues dans la loi du 24 juillet 2015, dont l'utilité et l'efficacité ne sont pas prouvées. Dans ces conditions, nous souhaitons rétablir l'état antérieur du droit.
Comme l'avait à l'époque dénoncé l'Observatoire des libertés et du numérique, dont est membre le Syndicat de la magistrature, cette loi « légalise des procédés d'investigation jusqu'à présent occultes. Mais les assurances données quant au respect des libertés relèvent d'une rhétorique incantatoire et fallacieuse ». Elle « installe un dispositif pérenne de contrôle occulte des citoyens dont elle confie au pouvoir exécutif un usage quasi illimité » ; elle est « à ce titre inacceptable ». Les avis de la CNCDH, ainsi que du Défenseur des droits, étaient eux aussi particulièrement critiques.
Nous proposons donc l'abrogation de ces dispositions au lendemain de la publication de la présente loi au Journal Officiel – suivant le principe consacré par l'article 1er du code civil – en raison de leur caractère particulièrement attentatoire aux droits et aux libertés.
Cet amendement tend à supprimer des techniques de renseignement qui ont démontré leur utilité opérationnelle, et donc à désarmer les services de renseignement. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Article 9 (art. L. 2371-1 et L. 2371-2 [nouveaux] du code de la défense) : Possibilité pour les forces armées de procéder à des écoutes hertziennes pour le seul exercice de leur mission de défense
La Commission examine l'amendement CL163 de Mme Danièle Obono.
Nous sommes et nous demeurons d'avis que nos concitoyens et concitoyennes doivent pouvoir s'exprimer librement et sans crainte d'être écoutés. C'est même une liberté fondamentale et un principe fondateur. Or, en courant un risque légalisé, les interlocuteurs pourraient se retenir de dire certaines choses d'ordre privé. Nous nous trouvons donc dans une situation où l'on prive des personnes de leur liberté d'expression par le mécanisme de l'autocensure, sans que cela soit d'une réelle efficacité pour autant. Sans augmentation des moyens humains et financiers, encore une fois, vous aurez beau porter atteinte à l'intimité des conversations de chacun et de chacune, le résultat sera nul, ou à peine significatif.
La mesure que vous proposez concerne la radio. Certes, l'étude d'impact montre que les forces armées étrangères, les groupes armés non étatiques, les services spéciaux étrangers ou encore les organisations terroristes utilisent ce moyen de communication, mais son usage est si faible en France que le rapport n'en fait même pas état. Rappelons que l'étude d'impact signale la proportion infime que représentent les flux hertziens parmi les flux de communication. Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article afin que la possibilité pour l'État d'écouter qui il souhaite ne soit pas consacrée dans le droit positif.
Il semble y avoir une confusion : il n'est en aucun cas question des conversations privées, mais du seul domaine hertzien, qui est public et où il suffit de se brancher sur le bon canal pour entendre une conversation – comme si quelqu'un parlait dans un micro, en quelque sorte. Il n'y a donc aucune raison de retenir cet amendement.
Les interceptions en question sont principalement effectuées dans le cadre d'opérations de défense, par exemple lors d'opérations extérieures, mais elles ne concernent aucunement des conversations entre deux émetteurs qui utiliseraient un réseau filaire – des téléphones ou du réseau wi-fi, notamment. Les techniques visées – la radio Citizen's Band, ou CB, ou encore la radio libre – sont anciennes et existaient déjà auparavant.
L'article 8 précise qu'il en existe deux types. Les talkies-walkies numériques permettent d'établir une connexion privée sur un réseau fermé entre plusieurs personnes ; l'article 8 répond à la demande du Conseil constitutionnel de faire entrer les interceptions sur ce type d'échanges dans le droit commun, c'est-à-dire avec une autorisation préalable du Premier ministre et un avis obligatoire de la CNCTR. Les talkies-walkies analogiques, en revanche, ne permettent pas de créer un réseau chiffré entre deux personnes. Pour intercepter une conversation sur ce type de réseau, il suffit donc d'en trouver la fréquence. Autrement dit, les personnes qui utilisent ces appareils n'ont aucune volonté de privatiser la conversation et, de ce fait, il n'y a pas lieu de faire entrer ce contrôle dans le droit commun avec autorisation du Premier ministre et avis de la CNCTR.
À mon sens, deux personnes qui conversent grâce à des talkies-walkies analogiques pensent ne pas pouvoir être écoutées, même si leur conversation n'a, sur le plan juridique, aucun caractère privé. Votre raisonnement est donc tout à fait valable, mais le mien l'est tout autant.
Certes mais, encore une fois, une conversation via un talkie-walkie analogique est tout à fait semblable à ce que nous faisons à l'instant, c'est-à-dire parler dans un micro.
Ou dans un mégaphone entre la place de la République et celle de la Bastille…
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte successivement l'amendement de précision CL43 et l'amendement de coordination CL100 du rapporteur, ainsi que l'amendement rédactionnel CL267 du Gouvernement.
Elle adopte l'article 9 modifié.
Chapitre III
Contrôles dans les zones frontalières
Avant l'article 10
La Commission examine l'amendement CL32 de M. Guillaume Larrivé.
Dans sa rédaction issue d'un règlement du Parlement et du Conseil du 9 mars 2016, le code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes, dit « code frontières Schengen », prévoit que le rétablissement des contrôles aux frontières intérieures de l'espace Schengen ne peut être décidé par un État que pour une durée maximale de deux ans. Je le dis sans détour : ce délai de deux ans nous semble absurde. Nous proposons donc, par cet amendement d'appel, de marquer notre volonté de maintenir ces contrôles aux frontières intérieures, à charge pour le Gouvernement de prendre l'initiative de renégocier les termes du code frontières Schengen afin de ne plus être enfermé dans ce délai de deux ans qu'aucun motif d'intérêt général ne justifie.
La France a pris un engagement vis-à-vis de ses partenaires européens, aux termes duquel Schengen ne peut être suspendu pendant plus de deux ans. L'article 10 a précisément pour objet d'adapter notre législation à la fin de cette suspension. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement CL32.
Article 10 (art. 78-2 du code de procédure pénale et 67 quater du code des douanes ) : Élargissement des possibilités de contrôle à proximité des frontières
La Commission est saisie de l'amendement CL193 de Mme Danièle Obono.
Notre amendement vise à supprimer l'article 10, dont la seule présence dans ce projet de loi nous inquiète quelque peu. En utilisant des tournures de phrases et des mots flous, comme « vulnérabilité », vous donnez aux personnes chargées des contrôles des marges de manoeuvre propices à certaines dérives. Par l'extension des contrôles aux abords des infrastructures de transport, vous mettez en place un outil supplémentaire de lutte contre l'immigration, lutte souvent orchestrée dans des conditions qui ne sont pas acceptables, comme le montre l'actualité récente.
L'absence de précisions dans le texte ne permet pas de savoir si les contrôles seront autorisés à cent mètres, cinq cents mètres, ou dix kilomètres des gares. On pourrait même en venir à considérer que toute la ville de Paris et, pourquoi pas, l'Île-de-France, pourraient être inclus dans les périmètres mis en place. Ce texte ouvre la voie à l'enlisement dans des contrôles à répétition, souvent discriminatoires, et qui peuvent se faire au faciès. Il n'est pas de nature à améliorer les rapports de la population avec la police. Nous sommes en conséquence fermement opposés à cet article.
On met beaucoup d'application dans le contrôle des personnes, alors que l'on se consacre si peu à celui des marchandises. Peut-être pourrions-nous réintroduire certains contrôles aux frontières en la matière ? Je rappelle que la préparation d'actes terroristes a pu se faire avec du matériel qui a traversé les frontières. Nous en savons quelque chose dans le Nord, puisque les attentats contre Charlie Hebdo ont été organisés avec des armes remilitarisées passées par la frontière belge et par le Nord, avec, notamment, la complicité d'acteurs de l'extrême droite locale radicalisée.
Avis défavorable. Cet article assouplit les possibilités de contrôle d'identité dans les zones frontalières, aux frontières intérieures et extérieures. Toutefois, contrairement à ce l'on a pu lire dans la presse, ces contrôles ne sont pas généraux mais limités. Ils le sont à la fois par leur motif – la lutte contre la criminalité transfrontalière –, dans leur durée – ils ne pourront pas dépasser douze heures consécutives – et dans leurs conditions de déroulement.
À la lumière des amendements CL32 et CL193, on constate que, d'une part, les députés Les Républicains veulent transposer dans la loi les dispositions de l'état d'urgence dérogatoires à l'article 25 du code frontières Schengen, et, d'autre part, que nos collègues de La France insoumise veulent se priver de tout contrôle aux frontières. Aucune de ces positions n'est acceptable, et ce ne sont en aucun cas des articles de presse qui nous feront revenir sur notre position.
L'article 10 élargit la possibilité donnée par le droit commun, dans le cadre de l'article 78-2 du code de procédure pénale, d'effectuer des contrôles aux frontières et dans les zones transfrontalières comme les gares ou les aéroports. Il prévoit cependant au moins trois garde-fous : l'élargissement des zones de contrôle pour les gares internationales est limité à leurs « abords », abords dont nous connaissons la définition précise ; la durée pendant laquelle ces contrôles sont pratiqués passe de six à douze heures ; enfin, il n'y a pas de généralisation des contrôles aux frontières, qui s'effectueront dans des lieux ciblés présentant des risques liés au terrorisme.
Cet article constitue un bel exemple d'équilibre entre efficacité dans la lutte contre le terrorisme et protection des libertés. Le supprimer reviendrait à mettre en danger la population en ne donnant pas aux forces de police la possibilité de prévenir des actes terroristes par des contrôles adaptés et temporaires. Les limitations prévues garantissent le respect les libertés. Il faut trouver un système qui permette de passer de l'état d'urgence au droit commun.
L'article 10 vise précisément à répondre aux préoccupations de M. Bernalicis, qui a lui-même évoqué le Nord de la France, où nous constatons que les terroristes coopèrent de part et d'autre de la frontière franco-belge. Si nous ne faisons plus aucun contrôle, ce qui s'est déjà produit peut se reproduire.
Monsieur le député, un certain nombre d'élus de votre région me pressent d'agir parce que certaines grandes métropoles locales sont confrontées à la fois aux agissements des trafiquants d'armes, vous en parliez, des trafiquants de drogue, et de ceux qui veulent commettre des attentats terroristes. C'est donc pour vous que nous prenons cette disposition.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement CL135 de M. Éric Ciotti.
Madame la présidente, vous me permettrez de défendre l'amendement CL136 en même temps que l'amendement CL135.
Nous sommes au coeur d'une problématique majeure pour la sécurité et la protection de nos concitoyens, face à une menace terroriste maximale et à une crise migratoire inédite dans l'histoire contemporaine.
Le 11 novembre 2015, le Président de la République en exercice avait activé la clause de sauvegarde prévue par le code frontières Schengen en vue de la tenue de la Conférence de Paris sur le climat (COP 21). Il a ensuite confirmé ce choix après les attentats au Stade de France, au Bataclan et dans les rues de Paris. Le délai maximal de deux ans pendant lequel cette clause peut jouer arrive donc à expiration le 11 novembre prochain, et vous nous proposez un dispositif de substitution qui comporte un certain nombre de faiblesses.
Nos amendements visent, pour l'un, à porter de douze à vingt-quatre heures consécutives la durée maximale au cours de laquelle des contrôles peuvent être effectués dans une zone frontalière ou au sein des infrastructures de transport, et, pour l'autre, à améliorer les dispositions prévues en matière de contrôle systématique. Il s'agit, en quelque sorte, d'amendements de repli, car, comme M. Larrivé l'a rappelé, nous regrettons qu'une initiative européenne ait interdit de prolonger la période dérogatoire de deux ans. Il est tout de même aberrant qu'on en revienne, à partir du 11 novembre prochain, à l'ouverture des frontières et à la libre circulation, sans tenir compte ni de la menace terroriste ni de la situation migratoire. Certaines affaires particulièrement graves, comme les attentats de Bruxelles, ont montré l'existence de liens entre les deux, avec la pénétration sur le territoire européen de réseaux terroristes par le biais de filières migratoires. Nous courrons donc le risque de voir disparaître un outil de protection majeur.
L'article 10 a le mérite d'exister, mais nous regrettons que la France et le Président de la République, qui s'était targué d'être le moteur d'une nouvelle Europe, se soient montrés incapables de faire évoluer un dispositif essentiel et stratégique pour la sécurité de nos concitoyens.
Demain, dès sept heures, je quitterai Paris pour me rendre à la réunion du Conseil « Justice et affaires intérieures », qui se tient à Bruxelles. Nous essaierons de travailler avec nos collègues, en particulier les Allemands et les Italiens, sur des questions que nous souhaitons faire avancer ensemble. Même si le Président de la République soutient avec vigueur la mesure dont vous parlez, vous savez qu'au sein de l'Union européenne les choses avancent lentement, en tout cas plus lentement que nous ne le voudrions.
Finalement, il faut résoudre un problème : voulons-nous rester dans l'Union ? D'autres ont choisi d'en sortir. Il faut que vous fassiez un choix, monsieur Ciotti. Je sais que cette question peut faire débat au sein de votre formation politique, mais, de notre côté, notre choix est fait : en matière d'économie, de sécurité, de lutte contre le terrorisme, nous pensons qu'il faut que la France travaille avec les autres pays européens.
Certes, le Président ne peut pas tout, mais il change un peu la donne, comme vous avez pu le constater vous-même.
Monsieur le ministre d'État, dois-je comprendre, en vous écoutant, que vous nous annoncez ce soir que la République française prend l'initiative de demander la révision du code frontières Schengen, en particulier de la disposition qui prévoit que la clause de sauvegarde ne peut être mise en oeuvre que pour un délai maximal de deux ans ?
L'enjeu n'a rien à voir avec une question théorique visant à savoir si nous préparons un « Frexit » auquel les Républicains ne sont absolument pas favorables. En mars 2016, le Gouvernement français a donné son accord au délai maximal de deux ans. Pour notre part, nous nous y opposons, et nous trouvons que ce délai est absurde. Il ne s'agit pas de se demander si la clause de sauvegarde doit jouer pour douze, seize, vingt-quatre ou trente mois, mais de pouvoir apprécier de façon concrète la menace à un instant donné. La France s'engage-t-elle à prendre une initiative en la matière ?
La France et l'Allemagne portent ensemble un certain nombre d'idées communes, mais elles ne sont pas seules. Pour prendre une décision, il faut entraîner nos autres partenaires. Il nous appartient en conséquence de préparer le terrain au cas où la position que nous défendons ne serait pas retenue. Nous n'avons de cesse de dire à nos partenaires l'importance de la lutte contre le terrorisme en Europe.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement.
Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL49 et CL50 du rapporteur.
Puis elle rejette, suivant l'avis défavorable du rapporteur, l'amendement CL136 de M. Éric Ciotti.
Elle adopte ensuite l'amendement rédactionnel CL51 du rapporteur.
Puis elle adopte l'article 10 modifié.
Chapitre IV
Dispositions relatives aux outre-mer
Article 11 (art. L. 285-1, L. 286-1, L. 287-1, L. 288-1, L. 545-1, L. 546-1, L. 645-1, L. 646-1, L. 647-1, L. 648-1, L. 895-1, L. 896-1, L. 897-1 et L. 898-1 du code de la sécurité intérieure, L. 2441-1, L. 2451-1, L. 2461-1 et L. 2471-1 du code de la défense, 804 du code de procédure pénale) : Application outre-mer
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement CL195 de M. Ugo Bernalicis.
Elle adopte successivement les amendements de coordination CL52 et CL53 du rapporteur.
Puis elle adopte l'article 11 modifié.
Article 12 (art. L. 2251–4–1 du code des transports) : Possibilité pour les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP de transmettre en temps réel des images captées par leurs caméras individuelles si leur sécurité est menacée
La Commission adopte l'article 12 sans modification.
Après l'article 12
La Commission est saisie de l'amendement CL240 de Mme Marine Brenier.
Cet amendement vise à autoriser le personnel de la gendarmerie nationale à « transmettre les images captées et enregistrées au moyen des caméras individuelles en temps réel au poste de commandement ou au centre de supervision urbain auquel ils sont rattachés ».
Avis défavorable. Le dispositif pourrait effectivement être très utile, mais l'expérimentation en cours doit se poursuivre avant que nous n'envisagions de l'étendre. En l'état des techniques utilisées, les caméras enregistrent des images sans les retransmettre. Je crois que ce sujet pourrait être abordé dans le cadre du futur projet de loi sur la sécurité du quotidien.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CL239 de Mme Marine Brenier.
Nous proposons de donner aux policiers municipaux les mêmes autorisations que celles que nous voulions accorder aux gendarmes dans l'amendement CL240 qui précède.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement.
Puis elle étudie l'amendement CL176 de M. Ugo Bernalicis.
Nous présentons plusieurs amendements visant à lutter plus efficacement contre l'évasion fiscale et la criminalité économique, car nous constatons qu'elles peuvent être liées au crime organisé, à des associations de malfaiteurs, mais aussi aux agissements terroristes. Les organisations terroristes qui disposent de moyens financiers savent tirer le meilleur profit des paradis fiscaux.
Avis défavorable, sur cet amendement comme sur les suivants qui portent sur l'activité bancaire et la lutte contre les paradis fiscaux. Ces questions me paraissent quelque peu éloignées de l'objet du projet de loi.
La Commission rejette l'amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement CL177 de Mme Danièle Obono.
Dans le même esprit que l'amendement précédent, il s'agit de supprimer le fameux « verrou de Bercy », dont nous avons déjà beaucoup débattu. Il faut ouvrir en grand les vannes du contrôle des flux financiers, d'autant que la cellule TRACFIN du ministère des finances participe à la lutte contre le terrorisme. Aucune limite ne doit freiner le combat mené contre toutes les criminalités, quelles que soient leurs formes.
Notre Commission et la commission des Finances ont décidé ce matin de créer une mission d'information commune afin de vérifier la pertinence du « verrou de Bercy ». Nous serons donc amenés à revenir sur ce sujet prochainement.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement CL179 de M. Ugo Bernalicis.
On ne pourra pas dire, après cette série d'amendements, que nous ne proposons pas un arsenal complet pour lutter contre l'évasion et la fraude fiscale !
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CL178 du même auteur.
Cet amendement vise également à supprimer le « verrou de Bercy », mais uniquement en cas de « connexité avec d'autres infractions faisant l'objet d'une procédure judiciaire, de découverte incidente dans le cadre d'une procédure pénale, de blanchiment de fraude fiscale, liées au financement direct ou indirect d'actes de terrorisme ».
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement.
Elle aborde l'amendement CL186 de Mme Danièle Obono.
Notre rapporteur acceptera peut-être de considérer que cet amendement est bien en rapport avec l'objet du projet de loi.
J'ai lu récemment un ouvrage écrit par M. Jean-François Gayraud, commissaire de police à l'unité de coordination de la lutte antiterroriste (UCLAT), intitulé L'art de la guerre financière, et qui montre bien l'existence de liens entre la criminalité financière, l'évasion fiscale et le terrorisme à l'échelle mondiale.
Nous souhaitons modifier le code monétaire et financier afin d'y insérer une « liste » des pays qui financent directement ou indirectement des actes de terrorisme, au niveau international.
Les mesures que nous proposons méritent d'être complétées par un dispositif qui prenne en compte une approche géopolitique du terrorisme, car nous n'avons pas affaire à un phénomène endogène et national. Nos auditions ont montré que les évolutions sur les théâtres d'opérations militaires extérieures contribuaient à la diminution, en France, du nombre des candidats au départ.
Avis défavorable. Il ressort de l'exposé sommaire lui-même qu'il existe déjà des listes, établies au niveau international, d'États et d'organisations finançant le terrorisme. Il ne semble pas utile d'en dresser une de plus au niveau national.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CL187 de M. Ugo Bernalicis.
Cet amendement vise à mettre en place un premier outil d'un arsenal de mesures offensives et défensives permettant de tarir les sources de financement des activités terroristes.
S'il est adopté, le ministre de l'intérieur pourra ordonner la réquisition des biens des pays inscrits sur la « liste noire » prévue au précédent amendement, dès lors qu'ils ne sont pas concernés par l'immunité diplomatique ou consulaire garantie par les conventions de Vienne de 1961 et de 1963. Cette procédure s'inspire d'une disposition déjà présente à l'article 422-6 du code pénal, relative aux personnes physiques ayant financé directement ou indirectement le terrorisme.
Le régime juridique à instaurer pour la confiscation des biens d'un État soutenant les actes terroristes est nécessairement exorbitant du droit commun. L'opportunité d'une telle décision sera évaluée par le ministre de l'intérieur, après avis des ministres chargés de l'économie, des finances, de la défense et des affaires étrangères.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement.
La Commission examine l'amendement CL205 de Mme Danièle Obono.
Dans le même état d'esprit, si un État est inscrit sur cette liste noire, tous ses investissements étatiques ou paraétatiques, via des fonds souverains, voire des personnes physiques ou morales, seront interdits dans tous les secteurs de l'économie, sauf autorisation expresse du ministre concerné. Nous ne faisons là que compléter le régime spécial prévu par le code monétaire et financier. Si un État finançant directement ou indirectement le terrorisme devenait propriétaire, actionnaire principal ou actionnaire minoritaire d'une entreprise importante en France, d'une usine vitale pour un bassin d'emploi, voire d'un grand club sportif, il pourrait disposer d'un pouvoir d'influence et d'ingérence dans notre pays potentiellement très nuisible à l'intérêt général.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CL175 de Mme Danièle Obono.
L'objectif poursuivi par cet amendement est de s'attaquer fermement au financement des actes de terrorisme qui pourraient être facilités par la fraude, l'évasion fiscale et le blanchiment d'argent que permettent les paradis fiscaux contre lesquels lutte le Groupe d'action financière (GAFI). Des masses considérables d'argent transitent par les paradis fiscaux. Compte tenu du lien existant entre ces derniers, le blanchiment et le financement des actes terroristes, nous proposons d'interdire aux banques exerçant en France d'avoir une activité, a fortiori des filiales, dans un paradis fiscal.
Avis défavorable. L'activité bancaire et la lutte contre les paradis fiscaux me paraissent éloignées de l'objet du texte.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle aborde l'amendement CL180 de Mme Danièle Obono.
Nous souhaitons donner une portée réellement contraignante aux mesures contre le blanchiment et le financement des actes terroristes contenues dans l'ordonnance du 1er décembre 2016 transposant une directive européenne et modifiant notamment l'article L. 561-36 du code monétaire et financier.
Le Gouvernement, à cette occasion, a élargi le champ des acteurs concernés par la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et pouvant faire l'objet de sanctions – intermédiaires d'assurance, en opérations de banque ou en financement participatif, par exemple.
La rédaction retenue laisse cependant une marge d'appréciation à l'autorité disposant du pouvoir de sanction pour lancer des poursuites, ce qui nous paraît particulièrement laxiste, alors que les scandales relatifs au rôle joué par les banques et les gestionnaires d'actifs dans l'évasion fiscale et l'utilisation des paradis fiscaux n'ont jamais été aussi nombreux. Nous proposons de corriger cela.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CL188 de M. Ugo Bernalicis.
En juillet dernier, le Qatar ainsi que d'autres pays, telle l'Arabie saoudite, ont été accusés par d'autres États d'avoir financé directement ou indirectement la commission d'actes terroristes. En demandant un rapport d'information sur ce sujet, nous souhaitons que le Parlement dispose de données clarifiées quant à la réalité de ces graves accusations concernant des États avec qui la France a, sous les précédents gouvernements, noué des liens diplomatiques, militaires, économiques et commerciaux particulièrement étroits que l'actuel Gouvernement semble vouloir pérenniser.
Par ailleurs, il est nécessaire que le Parlement puisse évaluer précisément quels risques posent les investissements réalisés sur notre territoire par des États finançant directement ou indirectement la commission d'actes terroristes. Ce rapport permettra en outre d'asseoir la légitimité de la potentielle inscription d'un ou de plusieurs États sur la liste prévue par le nouvel article L. 151-1 bis du code monétaire et financier.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement CL165 de M. Ugo Bernalicis.
Cet amendement a pour but de renforcer le contrôle du Parlement sur la délivrance d'autorisations préalables d'exportation, ainsi que sur les décisions de suspension, de modification, d'abrogation ou de retrait des autorisations prévues par les articles L. 2335-3 et L. 2335-4 du code de la défense.
Ce rôle accru du Parlement dans un domaine aussi fondamental pour la République que l'exportation d'armes à des États tiers découle logiquement de l'article 34 de la Constitution, qui dispose que la loi fixe les règles concernant « l'organisation générale de la défense nationale », ainsi que de la place qui lui est accordée en matière d'opérations extérieures par l'article 35 de la Constitution.
Le Parlement peut en effet être le lieu d'un débat ouvert sur les risques encourus en cas d'autorisation d'exportation à un État tiers posant de réelles difficultés. La légitimité du Parlement est bien plus forte que celle d'une décision prise par l'exécutif, et non personnalisée. Les choix en matière de politique étrangère relèvent d'un débat élargi devant la représentation nationale.
Avis défavorable. Il s'agit à mon sens d'un cavalier législatif, tout comme les amendements suivants de M. Bernalicis et de ses collègues du groupe La France insoumise.
La Commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement CL164 de Mme Danièle Obono.
Lutter efficacement contre les actes terroristes en France et à l'échelle internationale implique de s'attaquer aux racines profondes qui sont la cause directe ou indirecte de ces actes, notamment l'utilisation détournée d'armes exportées par la France en vue de la déstabilisation d'un ordre régional, zonal ou international par un usage criminel contraire à l'autorisation initialement accordée par notre pays.
Par cet amendement, et en cohérence avec la proposition 56 de notre programme, nous proposons que la France refuse de reconnaître la légitimité de toute intervention militaire conduite sans mandat de l'ONU. Encadrer l'octroi ou la modification d'autorisations préalables d'exportation d'armes serait une garantie contre l'utilisation de ces armes pour la commission de crimes contre l'humanité, crimes de guerre ou attaques contre des populations civiles.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CL167 de M. Ugo Bernalicis.
En complément de l'amendement précédent, le présent amendement traite spécifiquement des accusations relatives à l'utilisation d'armes françaises par l'Arabie saoudite dans le cadre de la guerre menée par le Conseil de coopération du Golfe – sans mandat du Conseil de sécurité de l'ONU – au Yémen. Il est nécessaire que le Parlement dispose d'une information pleine et entière sur l'utilisation potentiellement détournée de nombreuses armes exportées par la France et sur la méconnaissance de nos engagements internationaux.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement.
Elle rejette également, suivant l'avis défavorable du rapporteur, l'amendement CL166 du même auteur.
Puis elle étudie l'amendement CL196 de Mme Danièle Obono.
En cohérence avec les propositions que nous avons défendues pendant la campagne présidentielle, nous souhaitons créer une commission parlementaire, composée à parts égales de députés et de sénateurs, chargée de vérifier l'efficacité et la nécessité des mesures prises pour la protection de nos concitoyens, et de s'assurer que les libertés fondamentales sont respectées et que les fonctionnaires chargés de notre sécurité travaillent dans des conditions décentes.
Chacune des atteintes successives qui ont été portées à notre sécurité collective a donné lieu à une certaine précipitation, sans que l'on prenne le temps d'évaluer l'efficacité des mesures prises. Nous devons agir avec discernement, et la question de la sécurité des Français ne devrait pas être confisquée par un pouvoir technocratique rendant peu de comptes au peuple. C'est en multipliant les interactions entre celui-ci, ses représentants et les forces de police que nous parviendrons à une amélioration qualitative de l'action policière.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement.
Elle examine enfin l'amendement CL194 de Mme Danièle Obono.
La question du terrorisme est liée à la question géopolitique. Ce que dit la presse au sujet de certains États finançant directement ou indirectement le terrorisme ne peut être entièrement faux, même si ce n'est pas entièrement vrai non plus, et le fait que nous restions, nous parlementaires, dans le brouillard pose problème.
Cet ultime amendement porte sur les douanes, sujet à côté duquel nous ne pouvons passer, et je regrette au passage que nous n'ayons pas entendu les représentants de la direction des douanes et de son personnel sur la question du contrôle des marchandises. Il faut savoir, en effet, que des personnes recherchées ont pu être arrêtées grâce à des contrôles douaniers : après l'attaque commise au Musée juif de Bruxelles, par exemple, ce sont les douanes françaises qui ont intercepté l'auteur des faits.
Sous la précédente législature, 1000 recrutements avaient été promis. En réalité, 500 seulement ont été opérés, complétés par l'annulation de 500 suppressions de postes. Nous restons bien en-deçà des objectifs comme des besoins, et nous suivrons avec vigilance les décisions de M. Darmanin en la matière.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement.
Chers collègues, nous arrivons au terme de quelque treize heures de réunion, en comptant l'audition du ministre et la discussion générale qui ont eu lieu hier. Nous avons examiné près de 300 amendements. Je remercie en votre nom M. le ministre d'État (Applaudissements.), ainsi que notre rapporteur pour les nombreuses auditions qu'il a conduites et le travail qu'il a accompli. (Applaudissements.)
Et nous remercions la présidente ! (Applaudissements.)
La Commission adopte l'ensemble du projet de loi modifié.
Le projet de loi sera examiné en séance publique à partir du lundi 25 septembre, à seize heures.
La réunion s'achève à 22 heures 50
Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Caroline Abadie, Mme Laetitia Avia, M. Erwan Balanant, M. Ugo Bernalicis, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Vincent Bru, M. Éric Ciotti, Mme Coralie Dubost, M. Olivier Dussopt, Mme Élise Fajgeles, M. Jean-Michel Fauvergue, M. Raphaël Gauvain, Mme Marie Guévenoux, M. Sacha Houlié, Mme Catherine Kamowski, M. Guillaume Larrivé, M. Philippe Latombe, Mme Alexandra Louis, M. Jean-Louis Masson, M. Jean-Michel Mis, Mme Naïma Moutchou, M. Didier Paris, M. Éric Poulliat, M. Bruno Questel, M. Rémy Rebeyrotte, M. Robin Reda, M. Thomas Rudigoz, M. Pacôme Rupin, M. Jean Terlier, Mme Alice Thourot, Mme Laurence Vichnievsky, Mme Hélène Zannier
Excusés. - Mme Huguette Bello, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Philippe Dunoyer, Mme Paula Forteza, M. Philippe Gosselin, M. Mansour Kamardine, M. Jean-Pierre Pont, M. François de Rugy, Mme Maina Sage, M. Guillaume Vuilletet
Assistaient également à la réunion. - Mme Marine Brenier, M. Guillaume Gouffier-Cha