COMMISSION SPÉCIALE CHARGÉE D'EXAMINER LE PROJET DE LOI RELATIF À LA BIOÉTHIQUE
Mardi 1er juin 2021
La réunion est ouverte à vingt-et-une heures.
(Présidence de Mme Agnès Firmin Le Bodo, présidente)
La commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique procède à l'examen, en nouvelle lecture, du projet de loi, modifié par le Sénat, en deuxième lecture, relatif à la bioéthique (n° 3833) (M. Philippe Berta, Mme Coralie Dubost, M. Jean‑François Eliaou, Mme Laetitia Romeiro Dias et M. Jean-Louis Touraine, rapporteurs).
Mes chers collègues, nous entamons l'examen, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif à la bioéthique.
Le premier point de notre ordre du jour appelle la nomination d'un rapporteur sur le titre II « Promouvoir la solidarité dans le respect de l'autonomie de chacun ». M. Hervé Saulignac ayant démissionné de la commission spéciale, le groupe Socialistes et apparentés a désigné M. Gérard Leseul pour siéger parmi nous ; il m'a également saisie de la candidature de M. Leseul à la fonction de rapporteur sur le titre II. Je vous propose d'accepter cette candidature et de nommer notre collègue à cette fonction.
Aucune opposition n'étant manifestée, il en est ainsi décidé.
Avant que nous n'entamions notre travail, permettez-moi de faire, au nom du groupe Les Républicains, deux ou trois commentaires sur les conditions d'organisation de cette nouvelle lecture, qui ne sont ni très sérieuses ni acceptables.
Dans mon groupe, nous sommes onze à être membres de la commission spéciale, et, en raison des conditions sanitaires, nous ne pourrons être que six à y siéger en permanence. Cela pose problème et il vous revient, madame la présidente, de faire le nécessaire pour que nous disposions d'une salle suffisante pour réunir toutes celles et tous ceux qui ont travaillé sur cette question.
Par ailleurs, nous serons dans l'hémicycle la semaine prochaine en temps législatif programmé, alors que, loin de l'« entonnoir » habituel, nous sommes face à des réécritures pleines et entières de la part des différents rapporteurs. Notre temps de parole sera réduit à deux heures et cinquante minutes : ce n'est pas très sérieux ! Nous vous demandons de pouvoir a minima pleinement nous exprimer ici, en commission. Chacun doit pouvoir défendre ses amendements.
Enfin, je tiens à préciser que les rapporteurs, qui ont pourtant connaissance du texte issu du Sénat depuis plusieurs mois, la commission mixte paritaire ayant échoué, ont déposé des amendements de réécriture d'articles dans les dernières vingt-quatre heures. Tout à l'heure encore, dans la base Eloi, l'un des amendements rédigeant un article de M. Touraine était indiqué comme étant en cours de traitement, ce qui empêchait de le sous-amender.
Non seulement la majorité veut passer en force, mais elle fait tout pour empêcher l'opposition de présenter, de manière sérieuse, des sous-amendements. Les conditions d'un débat serein ne sont absolument pas réunies. J'élève donc une protestation au nom de mon groupe.
Nous entamons ce soir la troisième lecture de ce texte extrêmement important qui vient sceller l'une des propositions que nous avions défendues pendant la campagne présidentielle. Personne ne peut donc dire que la vie parlementaire puisse s'en trouver dégradée. Au contraire, nous avons procédé à un examen très approfondi au cours d'une première puis d'une deuxième lecture, et il n'y a eu ni déclaration d'urgence ni procédure accélérée.
Il n'est pas nécessaire de commencer ce nouvel examen en essayant d'attiser ce qui n'a pas lieu de l'être. Nous avons toujours su, sous la direction de Mme la présidente et des différents rapporteurs, avoir des débats extrêmement sereins sur des sujets essentiels pour nos compatriotes. J'espère que nous pouvons garantir qu'il en sera de même de l'examen que nous entamons ce soir.
J'élève, à mon tour, une vive protestation relative au calendrier parlementaire. Deux textes d'importance sont en cours d'examen par deux commissions spéciales : celui relatif à la bioéthique et celui confortant le respect des principes de la République. La semaine prochaine, pendant que nous examinerons le premier en séance, les travaux sur le second se dérouleront en commission spéciale. Pour ceux d'entre nous qui sont membres des deux, il faudra se résoudre à un choix difficile, sans parler de la complication de passer de l'une à l'autre, entre le Palais-Bourbon et la salle Lamartine. Cette organisation obéit sans doute à une logique politique, pour ne pas dire politicienne, compte tenu du contexte électoral : je trouve cela vraiment fâcheux.
Effectivement, nous en sommes à la troisième lecture et il y a eu débat, mais en temps législatif programmé, le temps est très réduit. En outre, les consignes sanitaires liées au Covid font qu'un seul membre de notre groupe peut être présent.
Je regrette que le texte sur l'autonomie et le grand âge, particulièrement important, risque de passer aux oubliettes, uniquement en raison de ce projet de loi, qui n'est là – personne n'est dupe – que pour des raisons électorales et pour obtenir des voix trois semaines avant les élections : c'est fort dommage. La politique n'est donc jamais gratuite mais intéressée.
J'appelle votre attention, madame la présidente, sur le fait que, dans la configuration de cette salle, les restrictions sanitaires et la jauge ne permettent pas à l'ensemble des membres de la commission spéciale de siéger en continu. Si nous sommes actuellement deux députés non inscrits, Mme Ménard et moi-même, c'est parce que nous bénéficions de l'absence d'autres membres. Si ceux-ci venaient à arriver, nous devrions quitter la salle et nous priver de l'examen de ce projet de loi auquel nous travaillons de longue date. Serait-il possible de trouver un lieu plus adapté à la représentation de l'Assemblée nationale et de permettre ainsi à l'ensemble des membres de la commission spéciale de travailler sur ce texte ?
Je voudrais également vous alerter, madame la présidente, sur les conditions dans lesquelles vont se dérouler les débats. La semaine prochaine, en séance, en vertu du temps législatif programmé, les vingt-trois députés non-inscrits ne disposeront que vingt minutes de temps de parole. Si quatre de ces députés s'expriment au cours de la discussion générale, aucun d'eux ne pourra ensuite défendre ses amendements. Nous serons donc condamnés, comme c'est régulièrement le cas, à rester toute la semaine dans l'hémicycle uniquement pour que nos amendements ne soient pas considérés comme non soutenus.
Une fois n'est pas coutume, je suis d'accord avec M. Chiche : nos positions étant totalement opposées, si un seul non-inscrit peut siéger ce soir et par la suite, un seul point de vue pourra s'exprimer. C'est un vrai problème, un scandale pour un texte majeur comme celui-là, qui bouleverse les fondements de notre civilisation.
Malheureusement, la crise sanitaire est encore là, et deux de nos plus grandes salles de commission sont en travaux actuellement ; la seule salle disponible était celle-ci. Concernant le temps législatif programmé et le calendrier parlementaire, je vous remercie d'en référer à la conférence des présidents.
Madame Thill, nous avons commencé les travaux sur ce projet de loi Bioéthique il y a deux ans, et je ne vois donc pas très bien ce que vient faire le projet de loi Grand âge et autonomie dans cette affaire. Nous en entamons aujourd'hui la troisième lecture. Quant à la sérénité, monsieur Hetzel, elle sera celle que nous voudrons bien lui donner tous, collectivement.
Chers collègues, plus de 1 500 amendements ont été déposés. Monsieur Hetzel, c'est le nombre important de sous-amendements déposés en même temps qui a fait bugger, pendant dix minutes, l'application Eloi. Je vous propose une brève suspension de séance afin de réunir le bureau de la commission et de fixer les modalités d'examen de ce texte.
La réunion, suspendue à vingt et une heures quinze, est reprise à vingt et une heures vingt-cinq.
Le bureau a décidé des règles suivantes : sur les amendements en discussion commune portant sur les articles 1er, 2, 3 et 4, tous les amendements de rédaction globale seront successivement présentés, puis un débat sur les sous-amendements à l'amendement du rapporteur aura lieu. Il sera suivi le cas échéant d'un autre sur les sous-amendements aux autres amendements de rédaction globale, où tous les sous-amendements seront appelés et considérés comme défendus sauf si l'auteur, ou le représentant du groupe, demande la parole. Le vote aura lieu selon les modalités normales.
S'agissant des temps de parole, trois minutes seront allouées à la défense de tout amendement de rédaction globale, deux minutes à celle d'un amendement classique, un orateur pour et un orateur contre au maximum pouvant ensuite s'exprimer, et une minute à celle d'un sous-amendement. Comme lors des discussions précédentes, l'auteur de l'amendement ne reprendra pas la parole et seul le rapporteur, dont le temps de parole n'est bien sûr pas limité, donnera son avis sur les sous-amendements.
TITRE Ier ÉLARGIR L'ACCÈS AUX TECHNOLOGIES DISPONIBLES SANS S'AFFRANCHIR DE NOS PRINCIPES ÉTHIQUES
Chapitre Ier Permettre aux personnes d'exercer un choix éclairé en matière de procréation dans un cadre maîtrisé
Avant l'article 1er A
Amendement CS875 de Mme Annie Genevard.
Il s'agit de supprimer l'intitulé du titre Ier, dont la formulation paraît trop large. Nous sommes défavorables à l'élargissement de l'accès aux technologies disponibles en matière de procréation médicalement assistée (PMA), d'autant que, contrairement à ce qu'il indique, un tel élargissement s'affranchit de nos principes éthiques. L'accès à la PMA doit être réservé aux couples formés d'un homme et d'une femme, car il est primordial de contenir le recours aux techniques médicales dans le cadre structurant d'une filiation crédible. C'était, du reste, la position du précédent Comité consultatif national d'éthique (CCNE), selon lequel les conditions de l'accès à l'assistance médicale à la procréation (AMP) étaient fondées sur un choix de société, à savoir l'intérêt de l'enfant à naître et à se développer dans une famille constituée d'un couple hétérosexuel.
Vous parlez d'avis antérieurs du CCNE, pas d'avis récents. Le titre prévu par le projet de loi convient très bien et est tout à fait conforme à ce que la loi va développer, dans le respect de nos principes éthiques, dont j'entends qu'ils peuvent être variables pour les uns et pour les autres. Avis défavorable.
M. le rapporteur vient d'indiquer qu'il peut y avoir une sorte de variabilité dans l'acception des principes éthiques : l'intitulé du titre Ier ne saurait donc être maintenu. L'amendement de notre collègue Annie Genevard est plus que jamais pertinent.
La commission rejette l'amendement.
Suivant l'avis du rapporteur, elle rejette l'amendement CS1 de Mme Marie-France Lorho.
Amendement CS87 de M. Thibault Bazin.
Il faut profiter de cette troisième lecture pour assurer une meilleure cohérence entre les mots utilisés et la réalité des dispositifs législatifs proposés au travers notamment des amendements des différents rapporteurs. Il faut un titre beaucoup plus sobre parce qu'on ne peut pas conclure aujourd'hui que les évolutions induites par le texte aboutiront à un « choix éclairé » et à un « cadre maîtrisé ». L'avenir pourrait montrer le contraire.
Je répète que nous sommes fiers d'avoir certains principes bioéthiques et surtout certaines valeurs, qui sont variables dans le temps et dans l'espace. Nous ne prétendons pas à l'universalité : on ne parle pas ici des droits de l'homme. Oui, parmi les principes éthiques partagés par la majorité des Français et par la société contemporaine figure le souhait que les couples de femmes et les femmes seules puissent accéder à la procréation, dans l'intérêt supérieur de l'enfant. Je souhaite le maintien de l'intitulé du chapitre et demande le rejet de cet amendement.
Les lois de bioéthique étaient fondées sur des principes largement et communément admis, qui réunissaient la société hormis quelques radicaux très marginaux : il n'y avait pas deux camps l'un face à l'autre. Aujourd'hui, le rapporteur parle de ses principes, ceux d'un groupe, qui ne rassemblent ni l'ensemble de la société ni l'hémicycle. Nous pensons qu'il peut exister des principes éthiques communs, plus que conjoncturels, vraiment structurels, qui font la société. C'est une divergence de fond qui explique cette troisième lecture d'affrontement entre deux conceptions : vous voulez affirmer vos principes ; nous nous y opposons.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CS578 de Mme Annie Genevard.
Je considère qu'il y a dans ce texte deux absents de première importance : le père, qui est évincé et dont j'avais dit, lors de la précédente lecture, qu'il ne faisait pas bon l'être dans la République en marche, et l'enfant au regard de son intérêt supérieur. C'est pourquoi cet amendement de repli tend à y faire référence dans l'intitulé du titre Ier.
Ce n'est pas sans surprise que nous avons entendu, et à plusieurs reprises, les députés de La République en Marche évoquer, au cours de l'examen d'un autre texte de loi, l'intérêt supérieur de l'enfant, devenu tout à coup légitime alors même que vous aviez indiqué, monsieur le rapporteur, que vous rejetteriez tous les amendements l'invoquant. Celui-ci est pourtant établi sur la base de la Convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989, selon laquelle « l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale », et la Cour européenne des droits de l'homme l'a intégré aux critères d'appréciation du droit au respect de la vie familiale.
Pouvoir accéder à une filiation crédible est une marque indiscutable de ce même intérêt supérieur. Or elle est déniée par l'élargissement de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules. La loi relative au mariage pour tous comprenait un volet consacré à l'adoption. Il ne s'agit pas de dénier aux couples homosexuels la présence d'un enfant mais simplement de ne pas élargir la PMA parce qu'elle prive l'enfant d'une filiation crédible.
Pour nous, l'intérêt supérieur de l'enfant est parfaitement respecté, et même encouragé par cette loi – ne lui donnons-nous pas l'accès à ses origines, qui jusqu'à présent était nié ?
De nombreux travaux très complets, dans divers domaines scientifiques, ont montré que lorsqu'un enfant se développe auprès d'un couple de femmes ou d'une femme seule, son intérêt supérieur est toujours préservé. Ce même intérêt est notre credo et notre première obsession, de la première à la dernière ligne de ce projet de loi : nous en reparlerons demain à propos de l'enfant né à l'étranger, qui a droit lui aussi à une filiation.
Quant aux principes prétendument partagés par toute la société sur le plan de la bioéthique, l'expérience a été tentée en France dans les premières années du CCNE, sous la présidence du professeur Jean Bernard. Elle a rapidement atteint ses limites. On ne pouvait plus avancer : il n'existe aucun principe sur lequel la société unanime arriverait à se mettre d'accord. On en est donc venu, au sein du comité, à des votes et à des choix majoritaires, comme pour la loi. Et les principes éthiques sont ceux établis par la majorité de la société. Avis défavorable.
D'un côté, naître d'une femme seule, sans père, ne poserait aucun problème, et, de l'autre, il serait indispensable pour la construction d'un enfant de connaître ses origines. Convenez que cette loi porte en elle un paradoxe !
La commission rejette l'amendement.
Amendement CS876 de Mme Annie Genevard.
Pour un enfant né d'une AMP, il est capital de pouvoir se représenter comme étant issu de ceux que la loi désigne comme ses parents. Or en première et en deuxième lecture, vous êtes allés sur des chemins, comme la réception des ovocytes de la partenaire (ROPA), qui montrent bien que cette loi cherche à s'affranchir totalement de la vraisemblance biologique.
Lors des auditions, des philosophes, des sociologues ainsi que l'ancienne garde des sceaux, Mme Belloubet, ont affirmé, pour justifier du recours à la PMA pour les couples de femmes ou pour les femmes seules, qu'il s'agissait d'une loi capitale qui visait à changer de civilisation. C'est précisément cette orientation tout à fait périlleuse que nous contestons, puisque vous niez la dimension biologique de la filiation et de la procréation. Il y a là quelque chose de profondément hasardeux.
Monsieur le rapporteur, sur des questions aussi fondamentales, il ne faut pas légiférer sous la pression sociale ou sous celle de groupes sociaux. La loi pour le mariage pour tous, en ouvrant l'adoption aux couples homosexuels, permettait à ceux-ci d'élever un enfant. Nous franchissons là un pas supplémentaire – vous aviez d'ailleurs dit qu'il ne serait jamais franchi. Lorsque vous prenez l'engagement aujourd'hui de ne jamais aller jusqu'à la gestation pour autrui (GPA), comprenez que nous soyons pour le moins dubitatifs : nous pensons que la PMA n'est qu'un préambule.
Certes, une loi de bioéthique n'est qu'une étape ; elle sera suivie par d'autres dans le détail desquelles il ne nous appartient pas d'entrer. Dix ans nous séparent de la loi précédente. Je lis dans le journal La Croix que certains voudraient procrastiner davantage – alors que nous avons déjà trois ans de retard sur le calendrier – et en discuter lors d'un débat électoral. Mais tout cela est déjà fait : cela figurait dans les engagements présidentiels.
Ce n'était pas dans le programme présidentiel, ni dans la profession de foi adressée aux Français ; c'était dans une interview.
Quoi qu'il en soit, n'ajoutons pas du retard au retard. Dans sept ans, dans dix ans, il y aura d'autres étapes.
On rediscutera vraisemblablement d'évidences comme la PMA post mortem, la ROPA et beaucoup d'autres.
Madame Genevard, s'il y a eu un changement de civilisation, il a eu lieu le jour où la conception a été maîtrisée, où la contraception est devenue rigoureuse et où les femmes ont pu choisir leur procréation. Pour tout le reste, il n'y a pas de tel changement : la PMA, la GPA, tout cela était dans la Bible.
On ne doit pas changer l'intitulé du chapitre Ier : il s'agit bien de l'exercice d'un choix éclairé par les informations qui vont être mises à la disposition des demandeurs en matière de procréation. Il est donc parfaitement adapté. Avis défavorable.
Une fois de plus, le rapporteur se fait maître ès provocations. Le texte prévoit un certain nombre de dispositions dont on voit bien qu'elles constituent un cheval de Troie et que l'on prépare la suite – on va « rattraper le retard » et même essayer d'anticiper. C'est très inquiétant, mais cela a au moins le mérite de la clarté.
Tout aussi inquiétante est la relativité des principes auxquels la majorité se réfère. Selon le rapporteur, les principes éthiques se votent à la majorité du CCNE ou d'autres. Il me semblait pourtant que, précisément, certains grands principes transcendaient les clivages, les religions et les philosophies. C'est même la raison d'être de l'article 16 du code civil, qui grave dans le marbre des principes liés à l'indisponibilité du corps humain, tels que la gratuité des dons et le principe de dignité. Et il suffirait demain d'une majorité pour que l'on balaye d'un revers de main et cet article et le reste, et que l'on ne se réfère même plus à ce principe ?
On voit bien où tout cela peut nous mener : à une forme de marchandisation des corps, à la GPA que vous appelez de vos vœux et qui figurerait dans la Bible – nous n'en avons manifestement pas la même lecture. Je vous invite à un peu plus de précision et à un peu moins de provocation.
Au moment présent, nous nous apprêtons à mettre un terme à une inégalité dans l'accès à une pratique médicale et à une hiérarchisation des familles et des volontés de mener à bien des projets parentaux. N'oublions pas qu'en raison de la crise sanitaire, de multiples parcours d'AMP ont été stoppés violemment, avec pour conséquence des pertes de chance considérables pour certaines femmes d'avoir un enfant et de fonder une famille. Ces souffrances devraient nous inciter à tenir des propos plus raisonnables.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CS88 de M. Thibault Bazin et sous-amendement CS1089 de Mme Annie Genevard.
Le contexte de notre pays n'est plus celui de 2018, et la crise sanitaire majeure que nous vivons doit nous inciter à prendre le recul nécessaire. Un avis récent du CCNE nous a alerté sur la question de l'allocation des ressources. La suppression de tout critère, notamment du critère médical, pose la question des priorités : un État, s'il est éthique, a besoin d'en établir, surtout après une série de pénuries.
Je forme le vœu que le texte tel qu'il sortir des travaux de notre commission n'engendre pas de tensions supplémentaires. De possibles dérives marchandes pourraient résulter de la suppression du critère médical, car, assurément, la demande de gamètes va augmenter et, au moins à moyen terme, l'offre se réduire. Le risque est donc réel. C'est pourquoi je propose un titre beaucoup plus sobre.
Le sous-amendement vise à rappeler la vocation première de la PMA : répondre à l'infertilité physiologique – et non sociale – d'un couple formé d'un homme et d'une femme. Il est primordial de contenir le recours aux techniques médicales dans le cadre structurant d'une filiation crédible, ce qui est précisément l'objet de la bioéthique. Tout ce qui est techniquement possible n'est pas éthiquement souhaitable.
Avis défavorable sur le sous-amendement. Son objectif est à l'opposé de celui du projet de loi, puisqu'il veut réserver la procréation médicalement assistée aux couples formés d'un homme et d'une femme.
Avis défavorable aussi sur l'amendement de M. Bazin. L'accès à une procréation artificielle est déjà autorisé depuis de nombreuses années ; j'en veux pour preuve que des couples hétérosexuels y ont recours même lorsqu'il n'y a pas infertilité.
Monsieur le rapporteur, vos arguments sont assez étranges. Vous avez évoqué précédemment une tribune que nous sommes plus de quatre-vingts parlementaires à avoir signée. Vous dites que nous avons trois ans de retard – mais de retard sur quoi ? Vous balayez d'un revers de la main les conclusions des États généraux de la bioéthique ! Seriez-vous opposé à des débats parlementaires véritablement démocratiques ? Il serait bon que vous gardiez en mémoire quelques principes fondamentaux de notre Constitution !
Ce que vous avez dit tout à l'heure n'est pas très républicain. On a l'impression que vous voulez passer en force pour faire adopter un texte sur lequel, contrairement aux précédentes lois de bioéthique, vous n'arrivez pas à dégager un consensus. C'est une très grande rupture, et cela soulève la question de l'acceptabilité de la loi. Méfiez-vous : vous jouez aux apprentis sorciers !
La commission rejette successivement le sous-amendement et l'amendement.
Amendement CS89 de M. Thibault Bazin.
Même si cela vous fait rire, chers collègues, nous nous voulons force de proposition pour améliorer le texte. La question fondamentale est celle qui a été posée par les États généraux de la bioéthique : quel monde voulons-nous pour demain ? J'y ajoute celle-ci : en matière de procréation, peut-on appliquer le « quoi qu'il en coûte », fût-ce au risque de dérives ?
Monsieur le rapporteur, vous avez l'honnêteté de dire que ce que vous allez proposer, en modifiant totalement ce que le Sénat a fait, n'est qu'une étape sur le chemin de la GPA, qui arrivera dans peut-être cinq ou dix ans, et vous estimez que nous avons pris du retard dans ce processus. Mais que faites-vous de tous ceux qui ne souhaitent pas autoriser la gestation pour autrui ? Vous prétendez défendre l'intérêt supérieur de l'enfant. Je ne vois pas quel est l'intérêt d'un enfant de pouvoir être issu d'une gestation pour autrui !
Si le texte que vous nous proposez est une étape vers quelque chose qui suscite aujourd'hui majoritairement une opposition, peut-être pourrait-on se demander comment éviter d'en arriver là. Plusieurs collègues de la majorité ont déclaré, la main sur le cœur, « Nous, la GPA ? Jamais ! » Eh bien, soyez cohérents par rapport à cet engagement, et commencez par modifier le titre du chapitre. Tel est le sens de cet amendement.
Nous sommes cohérents, puisque nous ne cessons de répéter, à chaque lecture, qu'il n'est pas question de débattre de la GPA durant cette législature. Donc n'en débattons pas !
Vous dites que vous voulez améliorer le texte, mais votre amendement vise à intituler le chapitre Ier : « Élargir l'accès à la procréation médicalement assistée ». C'est beaucoup trop réducteur ! Vous passez par pertes et profits la conservation des gamètes et des embryons et toutes les autres dispositions contenues dans ce chapitre.
Je vous suggère par conséquent de retirer votre amendement ; à défaut, mon avis serait défavorable.
Il faudrait nous éclairer, monsieur le rapporteur, parce que ce que vous venez de dire semble en contradiction avec les propos que vous avez tenus tout à l'heure sur la GPA. Nous pensons, pour notre part, que si vous ouvrez la procréation médicalement assistée aux couples de femmes, il y aura inévitablement des couples d'hommes qui feront la même demande au nom de l'égalité devant le droit à l'enfant – ce qui suppose de recourir à la GPA. Par un effet domino, vous serez donc contraints d'autoriser celle-ci, ce qui va à l'encontre de l'intérêt supérieur de l'enfant, parce que l'intérêt supérieur de l'enfant est d'avoir un référent paternel et un référent maternel. Cela ne veut pas dire qu'il n'existe pas d'autres situations possibles, par exemple dans le cas d'une adoption ou à l'état de nature, sans avoir eu recours à des technologies scientifiques ou médicales. Pouvez-vous donc nous dire, monsieur le rapporteur, si vous êtes, oui ou non, favorable à la GPA et si l'autorisation de celle-ci est bien l'objectif que vous souhaitez atteindre, en plusieurs étapes, en recourant à la technique bien connue de l'effet de cliquet ?
La commission rejette l'amendement.
Amendement CS579 de Mme Annie Genevard.
Je propose qu'à l'intitulé du chapitre Ier soit substitué au mot « personnes » les mots « couples formés d'un homme et d'une femme ». Je ne me résous pas à ce que l'homme disparaisse de la filiation. Si l'on congédie le réel, si la filiation charnelle n'est plus fondée sur la biologie, sur quoi la fondera-t-on ? Je pense que ce serait un préjudice pour l'enfant que d'être définitivement privé de père.
Vous avez déclaré à plusieurs reprises, monsieur le rapporteur, ainsi que d'autres collègues, que de nombreux enfants vivent déjà privés de père – mais ce père, ils l'ont eu, même s'il a disparu ou qu'il est parti. L'éviction totale du père que vous proposez me paraît tout à fait dommageable à la structuration psychologique, mentale et sociale de l'enfant, qui ne pourra même pas se représenter ce qu'est un père, puisque, vous l'avez dit et répété, un donneur de gamètes n'en est pas un.
Je reconnais que vous faites preuve de constance et de cohérence, madame Genevard – mais j'en ai tout autant. L'objet même de ce texte est de ne pas réserver, de façon discriminatoire, l'accès à la PMA aux seuls couples homme-femme et de l'ouvrir aux couples de femmes et aux femmes seules.
Quant à l'argument selon lequel ce serait préjudiciable à l'enfant, c'est une opinion que je respecte, mais qui est contredite par toutes les études rigoureuses, basées sur un suivi jusqu'à 25 ans, lesquelles montrent que ces enfants se développent extrêmement bien et qu'ils ne souffrent d'aucune lacune. Prétendre qu'ils souffriraient de séquelles ne se fonde sur aucune donnée objective. Bien au contraire, cela vient en contradiction avec les connaissances dont nous disposons concernant le développement du nouveau-né et de l'enfant. À sa naissance, l'enfant trouve normale la famille dans laquelle il apparaît. Si cette famille est composée de deux femmes ou d'une femme seule, c'est ce modèle qu'il considérera comme normal, et c'est celui du couple homme-femme qui lui apparaîtra anormal. Vous-même, quand vous êtes née, votre famille vous a semblé normale ; il se trouve que vos parents étaient un homme et une femme, mais si vous étiez née dans une autre famille, vous l'auriez trouvée normale. Il faut se garder de ces a priori qui sont sans fondement, comme le montrent les nombreuses études rigoureuses existantes, comme celles menées par l'école de Susan Golombock, aux États-Unis ou en Europe du Nord.
Avis défavorable.
Vous prétendez, monsieur le rapporteur, agir contre la discrimination et en faveur de l'égalité, mais vous vous situez toujours au niveau des adultes, alors que nous souhaiterions que l'on tienne compte de l'enfant. Que faites-vous de la discrimination entre un enfant qui pourra dire « papa » parce qu'il aura un père et celui qui ne le pourra pas parce qu'il n'en aura pas ? Pour nous, c'est là une source d'inégalité et d'injustice. Vous parlez de l'intérêt supérieur de l'enfant, mais c'est un paravent ; en réalité, votre objectif est de satisfaire les revendications d'adultes qui, quoique très minoritaires dans notre société, sont à la manœuvre sur ce texte – nous le savons tous.
Vous dites que l'enfant s'adaptera. C'est possible, mais il faut aussi que la société dise quelque chose sur la famille. Sinon, c'est open bar, toutes les combinaisons sont possibles, on fait famille comme on veut et, de toute façon, les enfants s'adapteront et ils seront heureux. Vous ne considérez pas la famille comme quelque chose d'à la fois institué et naturel. Pour vous, c'est un bricolage d'individus ; pour nous, il s'agit de la cellule de base de la société, fondée sur des critères naturels, corporels et sociaux.
Nous avons des conceptions différentes. Ce que vous défendez, c'est une vision individualiste, macronienne, de la famille ; nous la combattons.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CS2 de Mme Marie-France Lorho.
Qualifier d'« éclairé » le choix proposé en matière de procréation par le présent chapitre du projet de loi me semble trompeur ; cela induit, en outre, qu'il ne peut faire l'objet de contestation.
Nous vous saurions gré, monsieur le rapporteur, de permettre au législateur que nous sommes « d'exercer un choix éclairé » sur ce projet de loi qui n'est, comme vous nous l'avez indiqué, qu'une première étape vers la ROPA, la PMA post mortem, plus tard la GPA ou que sais‑je encore. Il me semble qu'on peut difficilement parler encore d'intérêt supérieur de l'enfant !
D'ailleurs, Mme Genevard l'a signalé, votre conception en la matière est à géométrie variable. Quand il s'agit d'adoption, c'est important, mais quand on parle de la justice des mineurs, ça l'est moins ! L'intérêt supérieur de l'enfant change en fonction du texte que nous étudions. En l'occurrence, vous dites qu'il est respecté, mais vous refusez qu'il en soit fait explicitement mention.
Comment peut-on parler d'intérêt supérieur de l'enfant quand on s'apprête, comme vous le faites, à supprimer purement et simplement de la loi l'existence du père ? Je suis totalement d'accord avec ce que vient de dire M. Breton : vous vous placez du point de vue de l'adulte et de son désir d'enfant, quand nous privilégions le point de vue de l'enfant. La vraie discrimination, c'est celle que vous allez introduire avec ce chapitre Ier : certains enfants naîtront sans père quand d'autres en auront un.
Avis défavorable. Toute personne qui sollicite une aide médicale à procréation a droit à un éclairage dispensé par l'équipe clinico-biologique, qui délivre, conformément à la loi, toutes les informations pertinentes. De sorte que, oui, on peut bien parler de choix « éclairé » et je crois que nous pouvons en être tous fiers.
Quant à l'épanouissement de l'enfant, sachez que la seule et unique différence qui ait été observée par les études rigoureuses qui ont été menées se situe au niveau des adultes, certains ayant des propensions à la discrimination et faisant des remarques aux enfants qui sont élevés par des couples de femmes. Les enfants, en revanche, sont très intéressés par ces familles-là ; ils sont curieux d'aller voir ce qui s'y passe. C'est dire si vous vous trompez.
Il a été question tout à l'heure d'« adaptation ». C'est une erreur : le nouveau-né ne s'adapte pas, il est comme il est. La normalité, pour lui, c'est ce qu'il voit à sa naissance, l'environnement dans lequel il apparaît. Il ne s'y adapte pas ; c'est son état, à partir duquel il développe, dans un second temps, sa vision du monde. Si vous aviez une formation de néonatologue, vous le comprendriez.
Vous savez pertinemment que les études auxquelles vous vous référez ne font pas l'unanimité au sein de la communauté scientifique, notamment auprès des chercheurs en sciences humaines et en sciences cognitives. D'autres études, fondées sur les témoignages de jeunes issus de donneurs, ne vont pas du tout dans le même sens.
Vous dites qu'il n'y a pas de souci à se faire, que les enfants vont bien, mais en réalité, les problèmes apparaissent à l'adolescence ou à l'âge adulte, à partir du moment où ces personnes commencent à se rendre compte qu'elles ont subi un préjudice, une injustice. Vous faites comme si cela n'existait pas, ce qui est très étonnant, car vous êtes habituellement l'un des premiers, dans l'hémicycle, à mettre en avant le principe de précaution. Or ce n'est pas le cas en l'espèce, alors même que nous sommes en train de parler de jeunes enfants.
Ce que vous préconisez n'est pas conforme à l'intérêt supérieur de l'enfant, c'est une vision adulto-centrée.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CS587 de Mme Annie Genevard.
Il s'agit à nouveau du respect de l'intérêt supérieur de l'enfant. Cette notion, qui vous agaçait tant, monsieur le rapporteur, lors des précédentes lectures, vous la faites vôtre aujourd'hui. C'est déjà un premier pas ; cela montre que vous en reconnaissez l'importance.
Vous considérez que l'intérêt supérieur de l'enfant ne serait en rien altéré par l'adoption de ce texte. Nous en doutons. Vous vous référez à l'environnement du jeune enfant, qui, dès lors qu'il arrive dans une famille aimante, trouve son environnement parfaitement normal. Je vous invite à considérer l'argument de notre collègue Hetzel : on ne peut pas ignorer qu'un jour, cet enfant deviendra adulte et voudra probablement interroger ses origines.
Lors des lectures précédentes, vous nous aviez expliqué que le fait de naître par PMA et d'être élevé par un couple de femmes assurait à l'enfant plus de bonheur, de respect et d'amour que s'il était issu d'un couple hétérosexuel. Vous avez dit que les enfants étaient plus ouverts, plus épanouis. J'observe que vous avez infléchi ce discours, et vous avez eu raison car rien ne peut démontrer une telle affirmation.
Enfin, vous faites référence à des études que vous qualifiez de rigoureuses, mais c'est un argument d'autorité, parce que tout démontre en réalité que ces études sont biaisées – des études sur les études le prouvent. Il faudrait, en toute rigueur, évoquer l'intégralité des études qui ont été conduites sur la question.
L'intérêt supérieur de l'enfant est une de mes obsessions. Cela ne date pas de l'examen de ce projet de loi : j'y ai consacré toute ma vie professionnelle. Je crois, après plusieurs décennies, être arrivé à comprendre le développement de l'enfant sur le plan affectif, psychologique, rationnel. Je peux comprendre vos craintes que l'élargissement de l'AMP n'induise des lacunes dans ce développement, mais ces craintes ne sont alimentées ni par ce que l'on sait du développement de l'enfant ni par les études disponibles.
Je ne ferai pas l'injure à M. Hetzel de lui suggérer d'appliquer la rigueur scientifique qu'il pratique habituellement, et qui fait partie de son ADN, à l'analyse desdites études. Les enfants dont il est question ont été étudiés jusqu'à l'âge de 25 ans, voire plus. Ils ont eu le temps de passer le cap de l'adolescence et de devenir de jeunes adultes. Il n'y a vraiment aucune raison de s'inquiéter.
Je n'ai jamais dit, madame Genevard, que ces enfants-là allaient mieux que les autres. Je dis que les enfants issus d'une AMP, que ce soit auprès d'un père et d'une mère, auprès de deux femmes ou auprès d'une femme seule, naissent, en moyenne, avec un peu plus d'atouts que les autres, tout simplement parce qu'ils sont très attendus, très aimés et qu'ils font l'objet de beaucoup d'attention. Si on l'espère et qu'on lui consacre beaucoup de temps et d'amour, l'enfant se développe mieux que s'il arrive « par hasard ».
Avis défavorable.
Depuis le début de cette réunion, on entend parler du droit de l'enfant – mais cet enfant que vous défendez, chers collègues, n'existe pas, c'est une construction politique. Vous construisez un enfant que vous présupposez hétérosexuel et au genre normé. Vous lui déniez la liberté de faire un usage libre de son corps.
Songeons à tous ces enfants qui ont été amenés par leurs parents à la Manif pour tous ; c'était une sorte de consigne qui avait été adressée aux manifestants pour montrer que c'étaient les enfants et les familles qui manifestaient. Certains de ces enfants se sont découvert ultérieurement queer ou homosexuels ; ils se sont rendu compte que leurs parents les avaient emmenés manifester contre leurs droits futurs. Eh bien, ces enfants sont marqués au fer rouge par ces manifestations. Un hashtag #victimedelamanifpourtous est apparu en janvier et les témoignages se multiplient. Quels étaient leurs droits, à ces enfants, selon les participants de la Manif pour tous – que, d'une certaine manière, vous représentez dans cette assemblée ?
Nous ne représentons ici que nous-mêmes et la population de ce pays, monsieur Lachaud. C'est votre lecture qui est partiale.
Je vous ferai simplement remarquer que les manifestations dont vous parlez se sont toujours passées de manière très pacifique. C'est ce qui a permis d'y emmener des enfants sans aucun problème, contrairement à des manifestations récentes, violemment prises à partie par certains de vos amis.
Nous défendons des conceptions différentes, et ce qui importe, c'est de les exprimer clairement. Vous ne voulez pas du corps ou, tout au moins, vous voulez en faire ce que vous voulez, car c'est quelque chose qui vous embête. Nous considérons que nous recevons notre corps ; nous le recevons de nos parents et de nos grands-parents, par transmission. Nous pensons qu'il faut s'accepter dans son corps, alors que la logique que vous défendez consiste à vouloir le reconstruire.
Vous êtes un tenant de la théorie du genre ; nous sommes contre. Nous pensons que le corps et l'altérité sexuelle sont des réalités, qui n'empêchent rien en matière de sexualité, mais que nous recevons. Vous êtes dans l'abstraction ; vous estimez qu'il s'agit de constructions sur lesquelles on peut jouer ; vous croyez en la toute-puissance des adultes. Cela rend possible tous les délires… On avait auparavant les transgenres, on a maintenant les détrans : ceux qui ne veulent plus être trans. Tout le monde est perdu ! C'est aussi le cas en matière de filiation : on ne sait plus de quoi l'on parle.
Ce qu'il faut, c'est revenir aux réalités objectives. La réalité corporelle en est une, sur laquelle nous pourrions nous accorder – c'est ce à quoi nous vous invitons.
La commission rejette l'amendement.
Article 1er A (rétabli) : Absence de droit à l'enfant
Amendements de suppression CS941 de la rapporteure, CS45 de M. Jacques Marilossian, CS526 de M. Guillaume Chiche, CS548 de Mme Sylvia Pinel, CS683 de M. Bastien Lachaud, CS864 de M. Didier Martin et CS942 de M. Gérard Leseul.
Ces amendements tendent à supprimer l'article 1er A, qui a été introduit par le Sénat et qui indique qu'« il n'existe pas de droit à l'enfant ». Comme nous l'avions souligné en deuxième lecture, cela nous semble une aberration : pour interdire quelque chose, encore faut-il que cette chose existe. Or, après les discussions que nous venons d'avoir, je pense que nous pourrons nous entendre sur le fait que l'enfant est un sujet et non un objet de droit. Il ne me semble donc pas pertinent de le rendre tel, quand bien même ce serait par la négative.
Dans ce texte, il est question non pas de droit à l'enfant mais de projets parentaux – dont nous pourrons éventuellement débattre ultérieurement. Conserver cet article 1er A serait un contresens total.
L'enfant n'est pas objet mais sujet de droit. Cet article donne l'impression que l'aide médicale à la procréation consiste à acheter un ticket pour un résultat automatique. Or, je suis bien placé pour le savoir, l'AMP est une pratique dont le succès n'est jamais garanti. On compte bien plus d'échecs que de réussites. Qui plus est, le droit à l'enfant n'existe pas ; il n'existe pas pour les parents hétérosexuels, et l'on ne voit pas pourquoi il existerait pour les autres.
Il n'existe nullement de droit à l'enfant. Le projet de loi vise simplement à ouvrir l'accès à une pratique médicale, qui est loin de déboucher automatiquement sur un succès. Rappelons-le : au bout de six inséminations avec tiers donneur ou de quatre fécondations in vitro, soit le nombre de tentatives actuellement prises en charge par la sécurité sociale pour les couples hétérosexuels, il y a 40 % d'échecs. C'est bien la démonstration qu'on parle d'accès à une technique médicale, et non de droit à l'enfant.
Il n'est pas nécessaire d'inscrire la disposition selon laquelle il n'existe pas de droit à l'enfant au sein du code civil, car elle est sans portée juridique.
Cet article doit être supprimé – il n'y a pas grand-chose à dire de plus.
Monsieur Breton, en parlant de « délire » trans, vous reprenez la une du numéro de cette semaine de Valeurs actuelles, qui véhicule la prose d'extrême droite dans ce pays. Heureusement pour vous que la Constitution protège les parlementaires de toute poursuite pour les propos prononcés dans le cadre de leurs fonctions, car les discriminations fondées sur l'identité de genre sont interdites ! Vous n'aimez pas la science, mais toutes les études scientifiques le disent : la dysphorie de genre n'est pas une invention, c'est une réalité. Aujourd'hui, les personnes trans sont prises en charge – même si elles pourraient l'être davantage – et il n'y a aucune raison de leur dénier le droit d'avoir la vie qu'elles souhaitent. Il ne s'agit pas de théorie du genre : ce sont des données scientifiques et des faits. Franchement, vous pourriez vous abstenir de telles remarques et maintenir le haut niveau d'exigence intellectuelle dont vous savez faire preuve dans les débats parlementaires.
Le Conseil d'État l'énonçait en 2018 : « L'invocation d'un “droit à l'enfant” est sans portée, une telle notion n'ayant pas de consistance juridique dès lors qu'un enfant est une personne, un sujet de droit et qu'il ne saurait être envisagé comme l'objet du droit d'un tiers. » L'article 1er A, introduit par le Sénat, relève d'une certaine forme de manipulation puisqu'on invente un droit qui n'existe pas pour dire qu'on le supprime. La ficelle est un peu grosse !
En outre, une telle disposition pourrait remettre en cause l'AMP elle-même, en l'identifiant à l'exercice d'un droit, ce qui n'est évidemment pas le cas, puisqu'il s'agit d'une assistance médicale qui vient en complément de la nature elle-même pour les couples hétéros comme pour les couples homos et les femmes seules.
La disposition rétablie par le Sénat avait déjà été discutée et supprimée par notre assemblée. Cela a été dit, une telle rédaction est juridiquement extrêmement incertaine, puisque non seulement elle édicte un interdit de portée très générale mais elle fait mention d'un concept totalement inexistant et contraire à la jurisprudence. De surcroît, l'affirmation de ce principe va clairement à l'encontre de la PMA, donc des objectifs du chapitre Ier.
Je ne doute pas que, personne ici ne voulant faire de l'enfant un objet, nous serons proches de l'unanimité !
Bien tenté, madame la rapporteure, mais cela ne marchera pas !
Je trouve que vous pratiquez avec une certaine habileté l'art du sophisme. Vos arguties juridiques ne tiennent pas la route ! D'abord, vous le savez bien, les premiers articles d'un texte de loi n'ont pas forcément de portée juridique à strictement parler ; souvent, ils affirment des principes fondamentaux. Que le Sénat affirme dans le premier article du premier chapitre du premier titre de ce texte le principe selon lequel il n'existe pas de droit à l'enfant est extrêmement important : le débat est ainsi placé sous l'éclairage de l'intérêt supérieur de l'enfant. Écrire cela sous cette forme permet de consacrer le statut de sujet de l'enfant, lequel ne peut faire l'objet d'un désir, fût-il légitime.
Tout dans votre texte consacre le droit à l'enfant, que nous contestons. Rappelez-vous les vifs débats que nous avions eus autour de la notion de projet parental : celle-ci légitime l'élargissement de la PMA aux couples de femmes, parce que le plus important, c'est le désir de la femme.
Je débattais hier soir sur une chaîne parlementaire avec une députée de la majorité, qui a dit quelque chose de très éclairant : une femme qui a un désir d'enfant, c'est un « rouleau compresseur ». Cela illustre que le projet parental fait de l'enfant un objet de désir, et non un sujet.
Nous en sommes d'accord, il n'y a pas de droit à l'enfant, l'enfant n'est pas un objet de droit, il n'est pas payant. Vous dites que ce texte vise simplement à faciliter l'accès à une technique. Il reste qu'il n'y a pas besoin de stérilité médicalement reconnue pour accéder à celle-ci, qu'elle est payante et qu'elle sera remboursée par la sécurité sociale. En d'autres termes, ce texte, qui prétend favoriser l'amour, consacre, en pratique et philosophiquement, le règne de l'argent. L'amour est du domaine de la gratuité, y compris pour les penseurs matérialistes. Ici, on a affaire à une prestation remboursable. On entretient volontairement la confusion entre la santé publique et les options de vie personnelle par l'effacement de la vocation thérapeutique de la médecine au profit d'une ingénierie du vivant onéreuse pour tous et rentable pour quelques-uns.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l'article 1er A est supprimé et les amendements s'y rapportant tombent.
Voyez, madame la présidente : l'adoption de l'amendement de la rapporteure a fait tomber les suivants, et la méthode qui a été arrêtée pour l'examen du texte nous empêche de nous exprimer comme nous souhaiterions le faire. Pourtant, je vous avais alertée tout à l'heure sur les risques encourus. Et voilà que cet article essentiel, qui avait été introduit par le Sénat dès la première lecture, puis à nouveau en deuxième lecture, est supprimé en moins de dix minutes, sans que nous puissions réellement en débattre. Vous ne pouvez pas balayer d'un revers de la main une question aussi fondamentale ! C'est une tache sur nos débats et, en la matière, votre responsabilité est engagée. Cela montre aussi que nos travaux sur la bioéthique ne sont pas organisés de manière sérieuse. On ne peut faire fi de cette réalité.
Je vous remercie pour ces propos très constructifs… Cinq amendements étaient en discussion et vous n'avez pas levé la main pour demander la parole, à la différence de Mmes Genevard et Thill sur l'un d'entre eux.
Article 1er (supprimé) : Élargissement de l'AMP aux couples de femmes et aux femmes non mariées
Nous allons organiser une discussion commune de plusieurs amendements de rédaction globale faisant l'objet d'un nombre très important de sous-amendements ; nous examinerons ceux-ci après que les amendements auxquels ils se rapportent auront été présentés – je rappelle que chaque auteur de ces amendements de rédaction globale disposera de trois minutes.
Amendements identiques CS1030 du rapporteur, CS56 de M. Jacques Marilossian et CS1008 de Mme Aurore Bergé et sous-amendements s'y rapportant, amendements CS867 de Mme Annie Genevard, CS393 et CS394 de Mme Emmanuelle Ménard, CS549 de Mme Sylvia Pinel et sous-amendements s'y rapportant, CS952 de M. Gérard Leseul, CS943 de Mme Marie-Noëlle Battistel et sous-amendements s'y rapportant, CS696 et CS693 de Mme Danièle Obono et sous-amendements s'y rapportant, CS550 de Mme Sylvia Pinel et sous-amendements s'y rapportant, CS690 de M. Bastien Lachaud et sous-amendements s'y rapportant, et CS688 de Mme Danièle Obono et sous-amendements s'y rapportant (discussion commune).
L'amendement 1030 vise à rétablir l'article 1er dans la rédaction que nous avions adoptée après l'avoir enrichie lors de nos nombreux débats.
Cependant, il ne reprend pas l'obligation malencontreuse, adoptée en séance publique à l'Assemblée nationale contre l'avis du rapporteur et du Gouvernement, de donner aux femmes concernées le « recueil des conclusions des dernières études diligentées sur les désordres médicaux engendrés par les techniques de procréation médicalement assistée », sans d'ailleurs leur communiquer les études autrement plus nombreuses témoignant de l'épanouissement des enfants nés de la PMA.
Notre groupe souhaite évidemment revenir à la rédaction adoptée en première et en deuxième lectures – l'ouverture de la PMA à toutes les femmes, sans considération de leur orientation sexuelle – et donc revenir sur les dispositions du Sénat établissant un certain nombre de critères défavorables à certaines d'entre elles.
Nous serons défavorables à l'ensemble des sous-amendements présentés afin de conserver les équilibres obtenus en deuxième lecture.
À nos yeux, le recours à l'AMP ne doit être possible qu'en cas d'échec avéré de tous les autres traitements de l'infertilité et de toute autre technique de restauration de la fertilité.
La stérilité touche un couple sur six, soit deux fois plus que dans les années 1980. La PMA est un parcours long, compliqué, source de grandes souffrances pour les couples. Or ce n'est pas un traitement de l'infertilité mais un palliatif. Pour éviter à ces couples de subir ces épreuves et parce qu'il est préférable de traiter l'infertilité, il faut faire de la lutte contre l'infertilité une véritable politique nationale de santé publique.
Il convient donc de créer un article avant le chapitre Ier du titre IV du livre premier de la deuxième partie du code de la santé publique et non pas dans le premier chapitre.
Par ailleurs, il convient de revenir à la rédaction adoptée par le Sénat, celui-ci ayant justement rappelé que la PMA doit avoir pour seul but de remédier à l'infertilité d'un couple formé d'un homme et d'une femme ou d'éviter la transmission à l'enfant ou à un membre du couple d'une maladie d'une particulière gravité. Dans la nouvelle rédaction de la commission spéciale de l'Assemblée, ces deux conditions sont largement dépassées puisque la PMA est « destinée à répondre à un projet parental ». Autrement dit, la PMA serait ouverte à tout le monde, couples homme-femme, couples femme-femme et femmes seules. Une telle logique crée une discrimination entre les enfants à naître selon qu'ils auront un père ou non.
Il convient de rétablir l'article 1er, supprimé par le Sénat, dans la version adoptée par l'Assemblée nationale en deuxième lecture. Nous ne pouvons retarder plus longtemps l'accès à une demande ancienne et légitime : l'ouverture des techniques d'AMP aux couples de femmes et aux femmes seules. Celle-ci doit se faire dans les conditions en vigueur pour les couples hétérosexuels, notamment s'agissant du remboursement par la sécurité sociale.
Il convient en effet de rétablir l'article 1er dans sa version issue de la deuxième lecture par l'Assemblée nationale. Il s'agit en l'occurrence d'un amendement de repli par rapport à l'autre amendement, qui propose, à travers le rétablissement de l'article 1er, de permettre également la ROPA, la PMA post mortem et la PMA pour les trans.
La réécriture que nous proposons permettrait de rétablir l'article 1er mais à un détail près : elle explicite que le changement de la mention du sexe à l'état civil ne peut représenter un obstacle à la procédure d'AMP, ce qui est une simple question d'égalité.
Tel que nous le concevons, cet article permet d'ouvrir à toutes les personnes qui le peuvent et le veulent la possibilité de recourir aux techniques de PMA, qu'elles soient ou non inscrites comme femme à l'état civil. La Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) va d'ailleurs dans ce sens. Il ne serait pas logique d'empêcher ou de complexifier des projets parentaux en raison d'un manquement de la loi ou d'une conception rigide de l'identité de genre. Depuis 2016, le changement de genre à l'état civil n'est plus soumis à une preuve de stérilisation. Aujourd'hui, des hommes transgenres portent un enfant sans avoir recouru à la PMA. Celle-ci est par ailleurs déjà pratiquée avec des couples hétérosexuels comprenant un homme trans, avec don de gamètes, comme pour n'importe quel autre couple hétérosexuel. Il ne serait que justice de l'autoriser pour toutes les personnes qui en ont la capacité.
L'étude d'impact du Conseil d'État souligne d'ailleurs que la plupart des pays d'Europe n'a pas défini l'identité des personnes pouvant ou non concevoir un tel projet parental, ce qui permet de ne pas créer de discrimination supplémentaire. Or, tel qu'il est rédigé, le projet de loi conduirait à introduire une discrimination fondée sur le sexe inscrit à l'état civil : un homme transgenre qui n'aurait pas fait le changement à l'état civil aurait accès aux techniques d'AMP mais pas un homme transgenre qui aurait fait ce changement.
Par ailleurs, nous proposons d'autoriser la pratique de la méthode dite ROPA.
Enfin, les personnes en couple qui ont commencé un projet d'assistance médicale à la procréation doivent pouvoir le poursuivre, même en cas de décès de l'un de ses membres. Il est paradoxal que l'insémination artificielle post mortem ne soit pas autorisée dans ce texte ! Pour la personne survivante qui souhaite mener le projet à son terme, nous proposons donc qu'un délai – entre six mois et trois ans – après le décès de l'autre membre du couple soit ouvert pour réaliser l'insémination artificielle.
Par ailleurs, la réponse du Gouvernement en première lecture consistant à affirmer qu'on ne pourrait pas s'assurer de la véracité du consentement d'une personne pouvant recevoir un embryon ou des gamètes issus de son conjoint décédé nous semble très paternaliste. La décision de donner vie à un enfant repose sur bien des raisons et la pression de la société, de la famille, du conjoint, peut s'exercer dans certaines situations.
Je reviens sur le déroulement de nos travaux : comme M. Hetzel, je considère que nous aurions dû pouvoir nous exprimer lors de la discussion de l'article 1er A dès lors que l'adoption des amendements identiques faisait tomber les autres. De plus, nous devrions discuter des sous-amendements dès après la présentation des amendements auxquels ils se rapportent. Je ne comprends pas la nécessité d'une telle marche forcée et d'un tel décalage.
Nous en venons aux sous-amendements à l'amendement CS1030 et identiques.
Sous-amendement CS1141 de Mme Emmanuelle Ménard.
Cet amendement vise à tenir compte de la suppression de la PMA pour les femmes seules et les couples de femmes.
L'ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules divise le pays et soulève d'importantes questions éthiques auxquelles nul ne peut répondre à ce jour. De plus, elle prend en compte le seul intérêt des adultes, sans examiner l'intérêt supérieur de l'enfant.
Dans l'organisation légale de la PMA pour les couples de femmes ou les femmes seules, l'enfant sera légalement privé de son père biologique et de lignée paternelle. Or c'est un préjudice reconnu et indemnisé par la Cour de cassation, même lorsque le père est décédé avant la naissance.
Il est assez contradictoire que la définition de l'intérêt de l'enfant fluctue en fonction des divers textes de loi. Le Gouvernement a mis l'accent sur le rôle essentiel du père dans la petite enfance dans le cadre du plan « 1 000 premiers jours » et, ici, le préjudice que constitue la privation de père est nié !
Avis défavorable. Il n'est pas question de priver les femmes seules de l'accès à l'AMP. Pourquoi une telle discrimination ? Le Conseil d'État et le projet de loi s'y opposent. Ne soyons pas trop paternalistes et laissons le libre choix aux femmes, comme pour leur grossesse ou leur interruption de grossesse !
J'ajoute que les familles monoparentales qui choisissent une AMP ne ressemblent en rien à celles où la monoparentalité est subie.
La commission rejette le sous-amendement.
Suivant l'avis du rapporteur, elle rejette le sous-amendement CS1280 de Mme Annie Genevard.
Sous-amendement CS1657 de M. Guillaume Chiche.
Il convient de permettre aux hommes transgenres de recourir à l'AMP, le texte l'autorisant pour les femmes cisgenres, qu'elles soient en couple hétérosexuel, lesbien ou non mariées.
Cette disposition ne figurait pas dans la version précédente du texte mais, à titre personnel, j'y ai toujours été favorable : refuser l'accès à la PMA aux personnes trans revient à les discriminer. Elles sont les parias de notre société, comme l'étaient les homosexuels il y a un demi-siècle. Le ministre de la santé a d'ailleurs indiqué dans un récent tweet que nous nous devons de lutter contre les transphobies.
La commission rejette le sous-amendement.
Sous-amendement CS1332 de Mme Marie-Noëlle Battistel.
Il convient en effet d'ouvrir la PMA aux personnes trans. Depuis la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, les personnes trans peuvent procéder à la modification de la mention de leur sexe à l'état civil sans être opérées ou stérilisées. Il importe donc de préciser que cette modification de la mention du sexe enregistrée à l'état civil n'est pas une entrave à la réalisation d'une PMA.
La commission rejette le sous-amendement.
Sous-amendement CS1345 de Mme Emmanuelle Ménard.
Le confinement a montré que des couples sont parfois dirigés hâtivement vers la procréation artificielle alors qu'une fois les parcours de PMA suspendus, certains ont finalement conçu un enfant naturellement. Afin de préserver les membres du couple et l'enfant des risques liés au recours à cette technologie, il convient de réserver celle-ci à l'échec des autres solutions.
Mettriez-vous votre tête à couper que ces procréations naturelles secondaires auraient eu lieu si la PMA n'avait pas existé ? Aucun médecin, en tout cas, ne saurait l'affirmer. L'inhibition de procréation levée par la PMA et permettant secondairement des procréations naturelles est un phénomène peu connu sur les plans organique ou psychologique. Quoi qu'il en soit, il n'est pas possible de réserver l'AMP aux seules personnes infertiles. Avis défavorable.
La commission rejette le sous-amendement.
Sous-amendement CS1344 de Mme Emmanuelle Ménard.
La procréation technologique n'est pas sans risque. Il ne devrait être possible d'y recourir que par défaut, lorsque la conception naturelle n'a pu être favorisée par une thérapie d'accompagnement.
Avis défavorable. La grossesse même n'est pas totalement dénuée de risques, si inférieurs soient-ils aujourd'hui à ce qu'ils étaient dans le passé.
La commission rejette le sous-amendement.
Sous-amendement CS1343 de Mme Emmanuelle Ménard.
La formule d'« assistance médicale à la procréation » étant une particularité française, il convient d'adopter celle de « technologie de la fertilité », couramment utilisée dans le monde.
Avis d'autant plus défavorable que vous souhaitez réserver la PMA aux couples de sexe différent.
La commission rejette le sous-amendement.
Sous-amendement CS1214 de Mme Emmanuelle Ménard.
Le but thérapeutique est indispensable à l'AMP et justifie seul l'intervention médicale, qui ne vise par conséquent que des couples de personnes de sexe différent, seuls concernés par l'infertilité pathologique – contrairement à ce que vous dites, je n'ai pas fait état de l'infertilité comportementale. Cependant, les causes de l'infertilité n'étant pas toujours décelées, celle-ci doit pouvoir parfois être simplement constatée médicalement.
Avis défavorable. L'AMP n'est pas une thérapeutique, l'infertilité ne disparaissant pas ; elle est un substitut, non un traitement.
La commission rejette le sous-amendement.
Sous-amendement CS1114 de Mme Emmanuelle Ménard.
La PMA n'est pas une thérapeutique mais vous avez pourtant indiqué que la stérilité pouvait disparaître après y avoir recouru. On ne peut pas dire tout et son contraire !
Il convient de supprimer le quatrième alinéa de l'amendement CS1030. Le projet de loi méconnait l'article 7 de la Convention internationale des droits de l'enfant ratifiée par la France. Celui-ci prévoit l'obligation d'enregistrer l'enfant dès sa naissance, c'est-à-dire d'établir un acte de naissance conforme à la réalité, qui relate l'événement de la naissance en indiquant quand, où et de qui l'enfant est né. Or l'indication de parents d'intention dans le cadre de la PMA méconnait le droit de l'enfant, car elle le prive d'un acte conforme à la réalité pour établir un acte conforme au désir des adultes.
Le projet de loi méconnaît également cet article en ce qu'il prive l'enfant du droit d'être élevé, dans la mesure du possible, par ses parents. Lorsqu'on parle des parents, la Convention vise les parents de naissance, c'est-à-dire ceux dont la réunion des gamètes a permis à l'enfant d'être conçu. C'est le sens des actions en recherche de maternité ou de paternité dans le droit français.
Avis défavorable. Une fois encore, vous voulez exclure l'accès à la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules. Nous faisons preuve de la même constance mais en sens inverse.
Je n'ai pas dit que la PMA était un remède à la stérilité. Pouvez-vous, en revanche, me dire dans quels cas une procréation secondaire naturelle a été ou non possible suite à une PMA ? Dans quelques cas, qui ne sont pas majoritaires, une levée d'inhibition survient, en effet, sans que l'on sache si elle est d'origine psychologique ou organique. Quoi qu'il en soit, la PMA ne vise pas un effet thérapeutique mais compense l'incapacité de procréation due à la stérilité, à la nature des couples ou à d'autres difficultés, etc.
La commission rejette le sous-amendement.
Sous-amendement CS1706 de Mme Agnès Thill.
En droit français, la PMA poursuit un objectif médical, le but thérapeutique justifiant l'intervention. En le supprimant, c'est le droit à la filiation qui est bouleversé en profondeur, ce qui mériterait sans doute un projet de loi à part entière. Aucune avancée scientifique ne justifie l'autorisation de la PMA pour toutes dans un projet de révision de lois de bioéthique tel que nous en discutons régulièrement.
De plus, a-t-on raisonnablement mesuré les conséquences de telles inégalités entre enfants ?
L'abandon du critère médical d'infertilité pour accéder à la PMA, à mon sens, ouvre la porte à un « droit à l'enfant » payant et remboursable, ce qui revient à conforter le règne de l'argent.
Du point de vue des enfants, l'autorisation de la PMA pour les femmes seules ou les couples de femmes signifie que nous institutionnalisons l'absence de père, ce qui revient en fait à satisfaire une demande de validation institutionnelle de comportements privés et remet en cause le sens même que nous donnons à la médecine : nous abandonnons la tradition hippocratique alors que la médecine ne doit pas répondre aux seuls désirs sociétaux.
Enfin, ce texte est paradoxal puisque le plan « 1 000 premiers jours » insiste sur l'importance du père.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette le sous-amendement.
Sous-amendements identiques CS1540 de M. Patrick Hetzel et CS1594 de M. Xavier Breton.
L'AMP serait destinée à répondre à un « projet parental » afin de l'ouvrir aux couples de femmes et aux femmes seules, ce qui soulève une nouvelle fois la question de l'absence de référent paternel, comme le Conseil d'État l'a d'ailleurs noté.
Le rapporteur fait comme si rien ne s'était passé au Sénat et s'est dispensé de nous dire pourquoi il souhaite revenir au texte précédent.
Cette notion de « projet parental » renvoie au fameux amendement « Ferrand » validé par le président de l'Assemblée nationale contre la majorité de l'hémicycle. Réduire un enfant à un « projet parental » revient à le réduire à la volonté des adultes. Or, si la naissance d'un enfant relève bien sûr d'un projet parental, il échappe également à leur toute-puissance.
Nous ne réduisons pas l'enfant au seul projet parental, pas plus qu'à la rencontre fortuite d'un spermatozoïde et d'un ovocyte. Tant mieux si, grâce à un projet parental, l'enfant aura ensuite de meilleures chances dans la vie !
La notion de projet parental existe dans le droit de la bioéthique depuis une vingtaine d'années ; il ne soulève aucun problème, au contraire, pour la préservation de l'intérêt supérieur de l'enfant. Avis défavorable.
La commission rejette les sous-amendements.
Sous-amendements identiques CS1529 de M. Patrick Hetzel et CS1584 de M. Xavier Breton.
L'élargissement de l'AMP proposé par M. le rapporteur emporte plusieurs conséquences : le critère médical d'infertilité qui conditionne son accès est supprimé ; la prise en charge par l'assurance maladie est étendue aux nouveaux publics éligibles ; la notion d'âge de procréer est supprimée, son amendement précisant que « Les conditions d'âge requises pour bénéficier d'une assistance médicale à la procréation sont fixées par décret en Conseil d'État » ; le recours à un double don de gamètes est autorisé au cours d'une même tentative d'AMP alors même que cette question a été très discutée. Cet amendement témoigne manifestement d'un certain « entêtement ».
Avis défavorable.
Un tel sous-amendement supposerait soit de revenir à la situation d'avant 1994, soit d'inclure la GPA et d'autres techniques de fécondation in vitro. L'expression « assistance médicale à la procréation » est appropriée.
La commission rejette les sous-amendements.
Sous-amendement CS1125 de Mme Emmanuelle Ménard.
Il s'agit d'insérer dans l'amendement que l'AMP « tient compte de la vraisemblance biologique de l'homme et de la femme ».
La vraisemblance biologique obéit à l'idée que, dans l'intérêt de l'enfant, il convient de ne pas le priver délibérément de parents capables de s'occuper de lui et de subvenir à ses besoins. Ne vous en déplaise, monsieur le rapporteur, nombre de pédopsychiatres ont insisté sur les conséquences importantes de la privation de père dans le processus de construction de l'enfant et de son psychisme. Les parlementaires ne peuvent assumer la responsabilité d'un tel bouleversement anthropologique, dont on est aujourd'hui incapable de mesurer les conséquences. On se souvient notamment des contributions du docteur Pierre Lévy-Soussan à ce sujet.
Outre ce bouleversement qui conduit à priver légalement un enfant de père et, de ce fait, de l'expérience de l'altérité et de la parité tout au long de son développement psychologique, il y aura un second bouleversement anthropologique : dorénavant, c'est l'intention qui fera le parent.
Vous voulez en revenir aux premiers temps de l'insémination artificielle : on cherchait alors à faire « comme si » le donneur de spermatozoïdes était le père, et l'on cachait la vérité à l'enfant. La vraisemblance biologique n'a pas sa place lorsque l'on recourt à une technique d'AMP ; ce n'est pas la vraisemblance biologique qui est en question. Soyons francs et honnêtes avec l'enfant : disons-lui qu'il a été conçu par un moyen d'assistance médicale, avec l'intervention d'un donneur de spermatozoïdes, qu'il aura la possibilité de connaître grâce à notre loi. Il a le droit de savoir qu'il a bénéficié de cette technique médicale ; cela ne le perturbera pas si on le lui explique comme il convient, a fortiori si on le fait relativement tôt au cours de sa vie. Avis défavorable.
La commission rejette le sous-amendement.
Sous-amendement CS1130 de Mme Emmanuelle Ménard.
L'expression « projet parental » déshumanise totalement ce que la PMA permet : donner naissance à un enfant. Parler de projet parental, c'est un peu comme parler du projet d'achat d'un bien, par exemple d'une maison de vacances. Cela peut vous embêter, mes chers collègues, mais c'est bien le cas.
La naissance d'un être humain est avant tout un don, non le produit d'une prestation scientifique. À l'heure où notre société est de plus en plus déconnectée du réel, il convient d'employer des mots clairs qui permettent de comprendre qu'il s'agit bien de donner naissance à un enfant, donc à une personne qui ne se réduit pas simplement à un projet parental, ni au fruit d'un désir d'adultes.
Je répète ce que j'ai indiqué précédemment à M. Breton et M. Hetzel, nous ne réduisons pas l'enfant à un projet parental, mais nous ne le réduisons pas non plus à la rencontre fortuite entre un spermatozoïde et un ovocyte. Avis défavorable.
La commission rejette le sous-amendement.
Sous-amendements identiques CS1530 de M. Patrick Hetzel et CS1585 de M. Xavier Breton.
Le sous-amendement CS1530 vise à rappeler que l'AMP a avant tout un but médical – et non « thérapeutique », comme indiqué à tort dans l'exposé sommaire. C'est ce but, indispensable, qui justifie l'intervention. La disparition du but et du motif médical, que vous prévoyez dans votre amendement, monsieur le rapporteur, ouvrira inévitablement la voie au marché de la procréation humaine et, partant, à la réification de l'être humain.
En notre qualité de législateurs, nous devons ériger des barrières solides pour brider les appétits financiers que pourrait susciter l'extension de l'accès à l'AMP. À défaut, nous allons tout droit vers une marchandisation du corps humain.
C'est une question très importante, sur laquelle ont porté les débats au Sénat. Or vous rétablissez chaque fois la rédaction précédente du texte en faisant comme s'il n'y avait pas de problème. Pour notre part, nous affirmons qu'il y en a bien un.
La question posée est de savoir si le recours aux techniques existantes doit dépendre du bon vouloir des adultes – auquel cas ceux-ci auraient une forme d'assurance à la procréation – ou être encadré par la société et reposer, dès lors, sur des critères objectifs. La naissance d'un enfant engage non seulement l'homme et la femme – en tant que donneurs de gamètes qui s'unissent et, au-delà, dans leur personne –, mais aussi la société dans son ensemble. D'où la nécessité de maintenir, dans notre législation, la visée médicale. Pour que celle-ci ait un sens, nous proposons de renvoyer à un critère objectif : l'infertilité, qui devrait être diagnostiquée, sachant que ses causes peuvent être multiples. Il y aurait d'ailleurs beaucoup à faire pour promouvoir la recherche sur l'infertilité ; nous devrions nous mobiliser bien davantage à ce sujet.
Vous proposez que l'accès à l'AMP demeure réduit aux seuls couples hétérosexuels. Mon avis est donc, bien évidemment, défavorable aux sous-amendements.
Dans le projet de loi, monsieur Hetzel, je ne vois absolument rien qui favoriserait la marchandisation du corps humain. Il y est indiqué au contraire, de la première à la dernière ligne, que le don de gamètes est gratuit et que l'on refuse toute forme de marchandisation. Je vais même plus loin : nous souhaitons que l'AMP soit entièrement prise en charge par l'assurance maladie, et vous devriez nous soutenir en ce sens, car, de la sorte, tout sera gratuit ; il n'y aura aucune intervention d'argent, à aucune étape du processus.
La commission rejette les sous-amendements.
Sous-amendement CS1108 de Mme Annie Genevard.
Il importe de bien voir d'où l'on part. En matière d'AMP, la loi française a jusqu'à présent fait le choix d'admettre les techniques les moins problématiques et d'interdire rigoureusement celles qui portent atteinte aux valeurs sociales fondamentales. La gestation pour autrui a ainsi été refusée en 1994, et le clonage reproductif l'a été en 2004. Quant aux techniques autorisées – l'insémination artificielle, la fécondation in vitro –, elles ont été cantonnées dans un cadre conceptuel destiné à garantir à l'enfant à naître une filiation vraisemblable.
À cet égard, monsieur le rapporteur, je ne confonds pas la notion de vraisemblance avec celle de vérité biologique. Contrairement à ce que vous affirmez, la vraisemblance a toute sa place ici, compte tenu de son importance dans la structuration psychologique de l'enfant. La vérité sur ses propres origines, c'est une autre question.
À l'époque où le cadre que j'ai décrit a été défini, l'enjeu était crucial sur le plan éthique, mais aussi sur le plan technique : il s'agissait de faire entrer la filiation consécutive à l'utilisation d'une technique d'AMP, fût-elle exogène, dans les dispositions du code civil consacrées à la filiation charnelle.
Voilà d'où l'on part, et voilà ce à quoi vous voulez mettre fin. Nous considérons que c'est une mauvaise décision, car les principes éthiques qui ont prévalu jusqu'à ce jour ont encore toute leur place et toute leur vigueur.
Soyez rassurée, madame Genevard : votre préoccupation est tout à fait satisfaite, à deux égards. En premier lieu, la Convention relative aux droits de l'enfant s'applique, ce qui constitue une garantie. Je rappelle que cette convention a été signée et ratifiée par la France en 1990. En second lieu, l'équipe clinicobiologique pluridisciplinaire que le projet de loi tend à instituer prendra en considération, avant d'autoriser le recours à l'AMP, l'intérêt de l'enfant à naître. Je l'ai indiqué explicitement dans l'amendement de rétablissement CS1030 que je vous soumets.
Je vous invite à retirer votre sous-amendement. Sinon, mon avis sera défavorable.
La commission rejette le sous-amendement.
Sous-amendements CS1349, CS1348 et CS1347 de Mme Emmanuelle Ménard.
Ces trois sous-amendements visent à préciser les conditions que devraient réunir les parents pour pouvoir accéder à l'AMP : être l'un et l'autre vivants ; avoir atteint un âge déterminé ; mener une vie commune. En effet, la séparation du couple est susceptible de causer des souffrances aiguës si des embryons sont présents. Il convient donc d'anticiper explicitement cette situation, en vue d'une meilleure information du couple.
Il convient de définir des conditions, mais pas dans la loi, car elles ne doivent pas être gravées dans le marbre. En effet, elles ont un caractère évolutif : les conditions qui ont vocation à s'appliquer aujourd'hui ne sont pas celles que l'on aurait proposées il y a vingt ans, et je présume que, dans dix ou vingt ans, elles auront encore changé. Dès lors, la détermination des bornes d'âge, en particulier, doit relever d'un décret en Conseil d'État, après avis de l'Agence de la biomédecine. Votre demande sera satisfaite, mais il faut que vous fassiez confiance aux experts de l'Agence, qui conseilleront les rédacteurs du décret. Avis défavorable sur les trois sous-amendements.
La commission rejette successivement les sous-amendements.
Sous-amendement CS1119 de Mme Emmanuelle Ménard.
D'après un sondage réalisé en juin 2019, 82 % des Français estiment que « le père et la mère ont des rôles différents et complémentaires pour l'éducation des enfants ». Une proportion similaire – 83 % – se déclare favorable à ce que « les enfants nés par PMA aient le droit d'avoir un père et une mère ». Par ailleurs, il est intéressant de remarquer que seuls 12 % d'entre eux estiment que les débats autour de la PMA permettent de rassembler les Français ; ils ne sont même que 7 % chez les électeurs de la majorité présidentielle. Enfin, selon un sondage IFOP de février dernier, 70 % des Français sont opposés au maintien du texte du Gouvernement qui comprend la PMA sans père.
On ne peut que s'interroger sur la pertinence de la question de la PMA dans le débat politique, alors que, ces derniers mois, les Français ont largement manifesté leurs inquiétudes quant à leur pouvoir d'achat, à la qualité des services publics ou à leurs retraites, entre autres, et qu'ils s'inquiètent désormais des conséquences économiques de la crise sanitaire provoquée par le covid-19.
Notre société a plus que jamais besoin de repères, et le premier d'entre eux est bien évidemment la famille où un enfant est élevé par un père et une mère. C'est l'un des fondements de notre société. C'est pourquoi je propose de supprimer la seconde phrase de l'alinéa 4 de l'article 1er.
Nous faisons une loi pour une période beaucoup plus étendue que celle de la crise sanitaire. Par ailleurs, si une majorité de Français estime que le père et la mère ont des rôles différents, je présume qu'une majorité de Français estimerait de même que deux mères ont des rôles différents, en fonction de leur personnalité et de bien d'autres facteurs.
Puisque vous êtes adepte des sondages, je rappelle qu'une grande majorité de Français est favorable à l'extension de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules. C'est d'ailleurs aussi le cas des catholiques pratiquants, comme l'a rapporté le journal La Croix. Nous pouvons donc être tout à fait rassurés : nous ne faisons qu'accompagner une demande sociétale très généralisée dans le pays. Avis défavorable.
La commission rejette le sous-amendement.
Sous-amendement CS1153 de Mme Emmanuelle Ménard.
Il s'agit ici d'écrire très clairement que la PMA est exclusivement réservée aux couples formés d'un homme et d'une femme infertiles.
Vous dites, monsieur le rapporteur, que les Français sont très favorables à l'extension de la PMA aux couples de femmes, mais tout dépend de la façon dont on leur pose la question. Si vous leur demandez si des femmes en couple ont le droit d'avoir un enfant et d'être heureuses, ils répondront tous oui la main sur le cœur, car cela relève de l'évidence. Si vous leur posez la question en leur indiquant la conséquence immédiate de cette extension, à savoir la privation de père, les réponses seront radicalement différentes.
Je ne pense pas que vous ayez défendu votre sous-amendement, qui visait à interdire l'accès à la PMA aux personnes ayant changé de sexe à l'état civil. Mon avis est très défavorable, car je suis contre la transphobie. Je suis sûr que vous n'êtes pas favorable, vous non plus, à une telle discrimination.
La commission rejette le sous-amendement.
Sous-amendements identiques CS1136 de Mme Emmanuelle Ménard et CS1492 de M. Thibault Bazin.
Vous allez encore me reprocher de ne pas défendre mon sous-amendement, monsieur le rapporteur, mais je tiens à vous répondre : l'opposition à la PMA pour les transgenres n'a rien à voir avec la transphobie ! C'est comme si vous disiez que je suis homophobe parce que je suis opposée à la PMA pour les couples de femme. C'est ridicule ! Je trouve même cela insultant et injurieux. Pouvons-nous débattre sereinement de ces questions ?
Mon sous-amendement CS1136 vise à supprimer la possibilité pour les couples de femmes ou les femmes seules d'accéder à la PMA, idée que je défends depuis le début. L'alinéa 4 de l'article 1er organise l'heure où les pères seront facultatifs, et c'est, je le répète, dramatique. Il tend à rompre avec une vérité immuable, qui veut qu'un père et une mère engendrent pour donner naissance à des enfants qui, à leur tour, engendreront et deviendront parents.
On commet une grossière erreur si l'on croit qu'il suffira, pour effacer toute difficulté de développement, d'expliquer à l'enfant les conditions de sa conception et de lui communiquer le nom du tiers donneur. Le problème intrinsèque, je le redis, réside dans la violation de ses droits fondamentaux. Lui expliquer qu'on l'a volontairement privé de sa filiation paternelle, même par amour, cela lui causera tout autant de troubles. Il me semble que ce n'est pas souhaitable.
En première et en deuxième lectures, nous avons un peu fait l'impasse sur la question de l'extension de la PMA aux femmes seules. Si nous rétablissons le texte tel que le rapporteur le propose, la société créera ab initio des enfants privés d'un de leurs deux parents, ce qui n'est pas anodin.
Nous devons avoir un débat à ce sujet. Une telle évolution est-elle conforme à l'intérêt supérieur de l'enfant ? Peut-on apporter des garanties, et pas seulement sur le plan matériel ? Ne risque-t-on pas de multiplier les situations de vulnérabilité ?
Cet enfant n'aura qu'un seul parent. Que deviendra-t-il si ce parent subit un accident de la vie ? Ne le place-t-on pas dans une situation de précarité qui peut occasionner une angoisse permanente ? L'enfant ne va-t-il pas reprocher demain à la société de l'avoir privé d'un deuxième parent ? En effet, ce ne sera pas la conséquence d'un accident de la vie ; c'est la société qui l'aura permis, en y consacrant des moyens, notamment en finançant l'accès à l'AMP.
Les questions qui se posent dans le cas d'un enfant issu d'un seul parent – en théorie, car on sait bien que ce n'est pas possible en pratique – sont très importantes, notamment du point de vue de l'enfant lui-même. Nous devons prendre le temps de bien y réfléchir.
Madame Ménard, votre propos ne relève pas forcément de l'homophobie ou de la transphobie, je vous l'accorde, mais vous plaidez tout de même pour une limitation des droits des couples homosexuels et des personnes transgenres, qui n'auraient pas les mêmes possibilités de fonder une famille et d'avoir auprès d'eux des enfants heureux.
La question que vous évoquez, monsieur Bazin, mérite effectivement réflexion. Or elle a fait l'objet d'une ample réflexion depuis plus de trois ans, dans différents cercles, notamment le CCNE et les États généraux de la bioéthique.
Nous en sommes nous-mêmes à notre cinquième analyse, et nous avons abordé ad nauseam la question de la femme seule. Si certains estiment qu'elle n'a pas été discutée ici, c'est qu'ils ont besoin de se faire soigner les oreilles ! Nous en avons parlé chacune de ces cinq fois, de façon très prolongée, et nous avons toujours dit qu'il ne fallait pas confondre les femmes seules qui demandent une PMA avec les familles monoparentales subies ; ce n'est pas la même chose.
Lorsqu'une femme seule demande à accéder à la PMA, on s'assurera des conditions dans lesquelles les choses se passent. Je rappelle qu'en Belgique, qui a précédé la France de vingt ans en la matière, 30 % à 35 % des femmes seules formulant une telle demande sont déboutées par l'équipe clinicobiologique et les obstétriciens compétents, parce que leurs motivations ne sont pas perçues comme tout à fait sécurisantes pour l'enfant à naître. Toute femme seule qui se réveille un matin avec l'envie de faire une PMA n'obtiendra pas cette possibilité ; sûrement pas ! On exercera certainement davantage de vigilance pour une femme seule que pour un couple. Mais si l'on prend de telles précautions, cela ne veut pas dire pour autant qu'il n'est pas possible pour un enfant de s'épanouir parfaitement auprès d'une femme seule.
Tout cela a été pensé ; nous ne nous engageons pas du tout en terrain incertain ; nous ne sommes pas des apprentis sorciers. Pour s'assurer que nous ne prenons aucun risque, il suffit de considérer l'expérience des pays qui nous ont précédés au cours des trente dernières années.
Lorsqu'il dit que nous n'avons jamais abordé le sujet, M. Bazin est un peu taquin. Peut-être pourriez-vous éviter de réagir en employant des propos qui pourraient blesser, monsieur le rapporteur.
La commission rejette les sous-amendements.
Sous-amendements identiques CS1541 de M. Patrick Hetzel et CS1595 de M. Xavier Breton.
L'extension de la PMA risque de déboucher sur une pénurie de gamètes. Vous l'aviez vous-même relevé lorsque vous étiez rapporteur de la mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique : « Le don de gamètes est aujourd'hui tout juste suffisant pour répondre aux besoins de l'AMP dans le cadre actuel ; le risque de pénurie pourrait représenter un obstacle pratique à l'élargissement effectif des indications d'AMP. Si ce risque se concrétisait, la reconnaissance symbolique de l'égalité des droits ne déboucherait pas sur une égalité réelle. » Ce constat vous avait d'ailleurs amené à formuler, entre autres, deux propositions : autoriser l'autoconservation ovocytaire et étendre à des centres privés l'habilitation à l'autoconservation que délivre l'Agence de la biomédecine afin de favoriser l'augmentation de l'offre d'ovocytes.
Vous avez affirmé tout à l'heure qu'il n'y avait aucun risque de marchandisation. Or, lors des deux précédentes lectures, vous avez déclaré : « il faut reconnaître l'altruisme en le rémunérant ». Ce sont des propos assez subtils, dont on voit bien le caractère sophiste. Peut-on encore parler d'altruisme dès lors qu'il y a rémunération ?
Pardonnez-moi pour l'emploi de ce terme, mais vous êtes borderline, monsieur le rapporteur : vous poussez à cette évolution au motif que nous n'aurions pas vraiment le choix ; le don de gamètes restera gratuit, mais il s'agira d'une gratuité rémunérée ! Vous écartez le sujet, mais nous y insistons : il y a bien un risque de marchandisation.
La question de la femme seule a été, selon vous, abordée « ad nauseam », dans la mesure où elle a fait l'objet de nombreuses études, d'un avis du CCNE, d'échanges lors des États généraux de la bioéthique. Or c'est ainsi que se construit l'éthique : il convient de se nourrir de tous ces rapports, même s'ils ne vont pas dans votre sens – ce texte dit d'ailleurs tout le contraire de ce qui est ressorti des États généraux de la bioéthique. En ce qui nous concerne, les avis qui nourrissent notre réflexion ne nous donnent pas la nausée !
Vous avez également évoqué les phobies, notamment la « transphobie », pour tenter de clore le débat. Or ce ne sont pas des arguments ; cela relève plutôt d'une dictature de la pensée unique. Notre collègue Bastien Lachaud a lancé que, si nous n'étions pas parlementaires, nous serions devant un tribunal. On voit bien où sont les inquisiteurs, qui veulent nous imposer des notions et des concepts qui font pourtant l'objet de discussions. Nous avons des conceptions différentes, mais, pour ma part, je ne menace personne du tribunal. Débattons ! Cette forme de pensée unique que l'on est en train de nous imposer suscite dans la société de très fortes résistances, que nous exprimons ici. Respectez-les !
Avis défavorable à ces deux sous-amendements, qui tendent à réserver l'AMP uniquement aux couples de sexe différent.
Par ailleurs, je conteste qu'il y ait un risque de marchandisation. Ce dont il est question, comme pour un don du sang, c'est par exemple de dédommager le déplacement vers le centre de don ou d'offrir à cette occasion une prestation alimentaire au donneur. Le risque de marchandisation n'existe pas en France, vous pouvez être rassurés.
En revanche, il y a effectivement un risque de pénurie de gamètes, et nous allons sans doute voir pendant des années encore des femmes se rendre en Belgique, en Espagne ou ailleurs, pour ne pas rester trop longtemps sur une liste d'attente. C'est pourquoi j'ai insisté, lors des lectures précédentes – vous auriez pu le rappeler, puisque vous aimez à me citer –, sur la nécessité de lancer dès à présent, sans attendre la promulgation de la loi, des campagnes incitant au don de gamètes. La quantité insuffisante de gamètes en France tient non pas au manque de donneurs, mais au fait que très peu d'hommes savent qu'ils peuvent donner leur sperme. Si l'on organisait pour le don de gamètes les mêmes campagnes que pour le don du sang, il y aurait bien plus de donneurs que nécessaire.
J'ai évoqué le sujet avec l'Agence de la biomédecine et le ministère chargé de la santé. J'attends que les uns et les autres se mobilisent pour une grande campagne nationale en faveur du don de gamètes. On dirait aux gens qu'ils peuvent être généreux, altruistes, en offrant la possibilité à d'autres de concrétiser leur projet parental. Il nous faut prévenir la pénurie de gamètes, faute de quoi il y aura des listes d'attente.
La commission rejette les sous-amendements.
Sous-amendement CS1688 de Mme Agnès Thill.
Il vise à réserver la PMA à un couple formé d'un homme et d'une femme et répondant aux conditions prévues au II de l'article L. 2141‑2 du code de la santé publique.
Il convient de rappeler ici que, dans son arrêt du 28 septembre 2018, le Conseil d'État, qui est la plus haute juridiction de l'ordre administratif, a jugé que des situations différentes au regard de la procréation justifiaient des décisions différentes. Je le souligne, car on nous répète qu'il s'agit de mettre fin à une inégalité. Or c'est mentir aux gens ou les manipuler, puisqu'il n'y a pas de rupture d'égalité.
En revanche, si nous adoptons le présent projet de loi, nous aurons la GPA, sans même qu'il y ait besoin d'une nouvelle loi, puisque la jurisprudence suffira. Or la ROPA et la GPA ne figuraient pas dans le programme d'Emmanuel Macron, ni dans celui de La République en Marche ; reconnaissez-le, monsieur le rapporteur. On a menti aux électeurs. Soyons honnêtes et disons-le clairement.
La volonté d'instaurer une égalité des droits entre adultes conduira à une vraie inégalité des droits entre enfants. Dès lors, l'assistance à la procréation ne peut être étendue ; elle doit rester focalisée sur le couple composé d'un homme et d'une femme et répondre à l'objectif premier de la médecine, laquelle n'a pas vocation à satisfaire un désir sociétal.
Monsieur le rapporteur, vous avez indiqué qu'en Belgique, environ 30 % des femmes seules ne pouvaient pas accéder à la PMA. Mais vous avez aussi déclaré en séance publique que l'accès à la PMA était un droit non-opposable. Autrement dit, en France, toutes les femmes seules pourront obtenir la PMA.
Avis défavorable à ce sous-amendement, qui tend aussi à réserver l'AMP aux seuls couples hétérosexuels.
La commission rejette le sous-amendement.
Sous-amendement CS1109 de Mme Annie Genevard.
Je reviens sur la question de la femme seule, car elle mérite d'être de nouveau posée. Lorsque le texte initial nous a été transmis, mon premier mouvement a été de penser qu'il ne fallait pas imposer aux femmes seules une épreuve supplémentaire en les empêchant d'avoir un enfant. Mais j'ai chassé cette idée, car l'enfant ne peut pas être une forme de réparation de la solitude de la femme.
Ensuite, les auditions nous ont révélé clairement que, bien souvent, les femmes seules vivent plus douloureusement la charge mentale que représente l'éducation des enfants, surinvestissent dans l'éducation au mépris de leur propre équilibre, connaissent une plus grande précarité sociale – vous le reconnaissez d'ailleurs, pour le déplorer, puisque votre politique familiale est pour l'essentiel tournée vers les familles monoparentales. Voilà ce qui ressort de l'observation du terrain, clinique si je puis dire.
Monsieur le rapporteur, vous opposez les familles monoparentales choisies et celles qui subiraient cette situation. Or, je vous le répète, il y a des femmes qui choisissent de divorcer, de vivre seules, indépendamment de la question de la PMA. La distinction que vous opérez n'est donc pas pertinente de ce point de vue.
J'ai une immense confiance dans le libre arbitre des femmes. Vous relevez à raison qu'il y a des femmes qui choisissent délibérément d'être seules, en divorçant ou tout simplement parce qu'elles ne veulent pas de compagnon auprès d'elles. C'est leur choix et nous devons le respecter. Parmi ces femmes, certaines désirent procréer et ont toutes les capacités pour donner de très bonnes chances à un enfant. Il n'y a pas à s'en inquiéter. Ne nous substituons pas aux femmes, à leur liberté de réflexion, de préparation et d'organisation de la famille.
Par ailleurs, vous rappelez à juste titre que la volonté de chasser la solitude est une mauvaise ou médiocre motivation pour avoir un enfant. L'une des raisons pour lesquelles les analystes belges refusent l'accès à l'AMP à certaines femmes seules est précisément ce type de solitude borderline, si je puis dire, c'est-à-dire un cas dans lequel la femme est psychiquement perturbée par sa solitude et cherche à la compenser. On m'a même rapporté l'anecdote d'une femme seule qui voulait un enfant parce qu'elle n'avait plus d'animal domestique… Dans un tel cas, bien évidemment, l'accès à l'AMP est refusé.
Quoi qu'il en soit, il ne nous appartient pas d'en décider ici. Faisons confiance au libre arbitre des femmes. Elles seront prises en charge par une équipe clinicobiologique, qui mènera avec elles une réflexion commune – il ne s'agira nullement d'une sanction prononcée par un tribunal – pour déterminer si elles sont aptes à accueillir un enfant et à le suivre durablement, jusqu'à l'âge adulte.
Avis défavorable à votre sous-amendement, qui interdirait aux femmes seules l'accès à l'AMP.
La commission rejette le sous-amendement.
Sous-amendements identiques CS1532 de M. Patrick Hetzel et CS1586 de M. Xavier Breton.
Il s'agit de nuancer la formulation que vous proposez dans votre amendement, monsieur le rapporteur, de manière à signifier que l'accès à l'AMP n'est pas automatique et que le médecin conserve une marge d'appréciation. À défaut, il n'y aura plus aucun garde-fou. En matière de recours à l'AMP, l'automaticité est source de difficultés, comme le montrent les études réalisées dans les pays étrangers où elle existe.
Le sous-amendement vise à remplacer l'expression « ont accès à l'assistance médicale à la procréation », qui induit une forme d'automaticité, par les termes « peuvent solliciter le bénéfice de l'assistance médicale à la procréation ». On sortirait ainsi de la logique du droit à l'enfant, que nous refusons.
En outre, les médecins ne doivent pas être considérés par les adultes qui s'adressent à eux comme de simples prestataires chargés de mettre en œuvre un droit octroyé par la loi. Il faut qu'il y ait un véritable dialogue.
C'est une nuance, mais la nuance est importante. La rédaction que vous proposez, « peuvent solliciter », tend à réduire l'accès à l'AMP. Pour notre part, nous considérons que l'expression « ont accès » correspond à un juste équilibre entre deux extrêmes : le droit à l'enfant, que nous récusons tous, et une limitation trop restrictive de l'accès à l'AMP.
Cependant, les mots « ont accès » ne signifient pas que les intéressés pourront s'opposer à l'équipe clinicobiologique si celle-ci leur conseille une autre piste que l'AMP. Il est clair – nous n'avons pas besoin de l'écrire dans la loi – que toute équipe médicale engage sa responsabilité lorsqu'elle réalise un geste, quel qu'il soit, vis-à-vis d'un malade ou d'une personne en bonne santé. Il n'est pas de médecin digne de ce nom qui accepterait de pratiquer une AMP sans que les conditions favorables soient réunies.
Nous n'avons pas besoin de prévoir de garde-fous à l'égard des médecins. Toutes les femmes auront accès à l'AMP, mais elles n'auront pas la garantie de l'obtenir. Il s'agira d'une démarche donnant lieu à des échanges, au colloque singulier entre le médecin et le patient.
Avis défavorable.
La commission rejette les sous-amendements.
Sous-amendement CS1708 de Mme Agnès Thill.
Il est essentiel de rétablir, comme je le propose par ce sous-amendement, le recours à une évaluation médicale et psychologique, étant donné la nature même de l'AMP, qui vise à faire naître des enfants dans des cadres de plus en plus extensifs. La suppression de la condition d'infertilité ne modifiera pas la pénibilité de cette technique, ni les conséquences multiples qu'elle induit dans certains cas : les embryons surnuméraires, les possibilités d'échec – un couple sur deux n'aura pas d'enfant à l'issue de la démarche –, le recours à un tiers donneur, l'absence de référence au père biologique ou de toute référence à un père, etc.
Vous dites, monsieur le rapporteur, que la pénurie de gamètes incitera les femmes à continuer à se rendre en Belgique ou ailleurs. Puisque vous voulez absolument adopter ce projet de loi, chers collègues masculins du groupe LaREM et autres, donnez donc vos gamètes ! Montrez l'exemple pour éviter cette pénurie ! Pourquoi ne le faites-vous pas ? Posez-vous la question.
Avis défavorable. Il n'est pas souhaitable de soumettre la femme à une « évaluation médicale et psychologique », qu'elle pourrait ressentir comme un passage devant un tribunal. Nous avons amplement discuté ce point lors des précédentes lectures du texte. L'équilibre a été trouvé : les entretiens entre les demandeurs et les membres de l'équipe clinicobiologique apparaissent tout à fait opportuns, sachant que des psychologues peuvent éventuellement intégrer l'équipe pluridisciplinaire.
La commission rejette le sous-amendement.
Suivant l'avis du rapporteur, elle rejette les sous-amendements identiques CS1542 de M. Patrick Hetzel et CS1596 de M. Xavier Breton.
Sous-amendements identiques CS1535 de M. Patrick Hetzel et CS1589 de M. Xavier Breton.
Il n'entre pas dans les compétences de l'équipe clinicobiologique d'autoriser l'exercice d'un droit. Lors de l'entretien, il y a un débat, des conseils, une orientation, mais pas d'autorisation. Avis défavorable.
La commission rejette les sous-amendements.
Sous-amendements identiques CS1534 de M. Patrick Hetzel et CS1588 de M. Xavier Breton.
Il est légitime que l'équipe sollicitée pour concevoir l'enfant puisse refuser la demande du couple sans avoir à motiver sa décision. Dans le cas contraire, on risque d'aller vers un droit opposable, ce qui est inquiétant.
Il s'agit non d'une autorisation qui doit être donnée ou d'une sanction, mais d'une concertation, qui aboutit à une décision acceptée, partagée. Avis défavorable.
La commission rejette les sous-amendements.
Sous-amendements identiques CS1533 de M. Patrick Hetzel et CS1587 de M. Xavier Breton.
Ce sont des amendements quasi rédactionnels. Lorsque l'assistance médicale à la procréation nécessite un tiers donneur, le CECOS se prononce sur la demande du couple ; sinon nul ne le fait. Il paraît légitime qu'après les entretiens, l'équipe médicale clinicobiologique pluridisciplinaire donne ou non son accord à la demande d'AMP. Il s'agit donc de préciser que l'accès à l'assistance médicale à la procréation est donné après l'accord des membres de l'équipe.
Avis défavorable. Les sous-amendements sont satisfaits dans la mesure où l'équipe médicale est libre de sa décision. Nous n'avons pas à introduire une telle précision dans ce texte particulier.
La commission rejette les sous-amendements.
Mes chers collègues, je concède que notre façon d'examiner les amendements n'éclaircit pas le débat. Néanmoins, la présentation groupée de vos amendements de rédaction globale était le moyen de vous permettre de les défendre dans une sorte de discussion générale. Si nous n'avions pas fait cette présentation groupée mais mis successivement aux voix l'ensemble des sous-amendements puis l'amendement du rapporteur, ils seraient tombés.
La séance est levée à minuit cinq.
Membres présents ou excusés
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique
Réunion du mardi 1er juin 2021 à 21 h 00
Présents. - Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Thibault Bazin, Mme Aurore Bergé, M. Philippe Berta, M. Xavier Breton, Mme Anne-France Brunet, M. Guillaume Chiche, M. Marc Delatte, Mme Coralie Dubost, Mme Elsa Faucillon, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Camille Galliard-Minier, Mme Annie Genevard, M. Raphaël Gérard, M. Philippe Gosselin, M. Bastien Lachaud, Mme Anne-Christine Lang, M. Gérard Leseul, Mme Monique Limon, M. Jacques Marilossian, M. Didier Martin, M. Jean François Mbaye, Mme Emmanuelle Ménard, Mme Sylvia Pinel, M. Jean-Pierre Pont, M. Julien Ravier, Mme Laëtitia Romeiro Dias, Mme Laurianne Rossi, M. Jean-Louis Touraine, Mme Laurence Vanceunebrock, Mme Michèle de Vaucouleurs
Assistaient également à la réunion. - Mme Anne-Laure Blin, M. Pierre Dharréville, Mme Agnès Thill