Lundi 10 février 2020
La séance est ouverte à quinze heures.
La commission poursuit l'examen du projet de loi instituant un système universel de retraite (n° 2623 rectifié) (M. Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général, MM. Nicolas Turquois, Jacques Maire, Mmes Corinne Vignon, Carole Grandjean et M. Paul Christophe, rapporteurs).
Mes chers collègues, nous poursuivons l'examen du projet de loi instituant un service universel de retraite. Je précise que nous avons examiné 4 573 amendements et qu'il en reste 15 011.
Je souhaiterais connaître le calendrier et la stratégie arrêtés par le Gouvernement et la majorité. Peut-on savoir jusqu'à quand la commission spéciale va siéger et s'il est possible qu'un projet de loi soit discuté en séance publique sans avoir été intégralement examiné auparavant par la commission saisie au fond ?
Bienvenue, monsieur Chenu. La commission examine le texte depuis une semaine maintenant. Son bureau a décidé – et chacun en a bien entendu été prévenu – que nous poursuivrions l'examen du projet de loi jusqu'à demain soir – nous constaterons alors où nous en sommes arrivés, sachant que le texte peut, en tout état de cause, être discuté en séance publique – et que nous consacrerions la journée de mercredi à l'examen du projet de loi organique.
Article 20 (suite) : Dispositions relatives aux cotisations des travailleurs non-salariés
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements n° 7102 et n° 7157, tous deux de Mme Bénédicte Taurine.
Puis elle examine l'amendement n° 7216 de Mme Bénédicte Taurine.
Je suis tout particulièrement défavorable à cet amendement, car je tiens à ce que les agriculteurs soient pleinement intégrés au système de retraite universel.
La commission rejette l'amendement.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, elle rejette successivement les amendements identiques n° 7226 de Mme Mathilde Panot et n° 7233 de Mme Bénédicte Taurine et les amendements identiques n° 7351 de Mme Mathilde Panot et n° 7358 de Mme Bénédicte Taurine.
Elle est ensuite saisie des amendements identiques n° 7368 de Mme Mathilde Panot et n° 7375 de Mme Bénédicte Taurine.
L'alinéa 18 de l'article 20, que nous vous proposons de supprimer, a trait aux agriculteurs, dont nous connaissons tous la situation dramatique : chaque jour, l'un d'entre eux se suicide, un tiers d'entre eux vivent avec moins de 350 euros par mois et ils perçoivent en moyenne une pension de retraite de 855 euros. Vous proposez, dans le cadre de votre réforme, que cette pension ne soit pas inférieure à 1 000 euros. Or, le seuil de pauvreté est fixé à 1 040 euros. Cette mesure, si elle marque une amélioration, n'est donc pas à la hauteur des besoins. Nous avons déjà fait moult propositions pour améliorer la situation des agriculteurs ; toutes ont été refusées. En outre, la réforme ne résout pas le problème des faibles retraites perçues par ceux qui n'ont pas cotisé pendant une carrière complète ou qui ont le statut de conjoint collaborateur.
Il est certain que la somme de 1 000 euros n'est pas extraordinaire, mais elle représente une progression significative par rapport à la situation actuelle. Pour ma part, je préfère la stratégie consistant à accomplir des pas significatifs à des promesses que l'on ne tiendra pas.
Défavorable.
Tout d'abord, le Gouvernement, qui a refusé la proposition de loi d'André Chassaigne visant à revaloriser les pensions de retraite agricoles, laquelle avait pourtant été votée à l'unanimité et par l'Assemblée nationale et par le Sénat, aurait pu, depuis deux ans, prendre en compte la misère des retraites agricoles.
Ensuite, votre mauvais projet est ainsi conçu que 2,5 millions d'agriculteurs actuellement à la retraite, auxquels s'ajoutent 500 000 autres exploitants qui prendront la leur durant la phase de transition, se retrouvent le bec dans l'eau. À ceux-là, vous proposez l'allocation de solidarité aux personnes âgées, dont on sait qu'elle ne permet pas de bénéficier du minimum vieillesse et qu'elle est récupérable sur succession. Ainsi, la parole donnée aux agriculteurs, qui ont servi de leurre pour justifier votre mauvaise réforme, ne sera pas tenue. Du reste, lors de son audition, le responsable de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles était très embarrassé. Les agriculteurs ne font pas l'aumône ; ils demandent que leur labeur soit pris en compte dans le système de retraite. Pour 3 millions d'entre eux, ce ne sera pas le cas, et c'est très problématique.
Le propos de Sébastien Jumel nous rappelle la question que Valérie Rabault a posée il y a quelques jours sur le nombre des agriculteurs qui seront concernés par le minimum contributif. À ce jour, nous n'avons pas obtenu de réponse.
Je vous informe que le groupe Socialistes utilise son droit de tirage pour demander la création d'une commission d'enquête sur l'étude d'impact du projet de loi instituant un système universel de retraite. Depuis le début de l'examen de celui-ci, la sincérité de cette étude d'impact suscite des interrogations, des doutes – je ne reviendrai pas sur les termes utilisés par le Conseil d'État à ce propos. Nous espérions que l'examen du texte en commission spéciale permettrait de dissiper ces doutes et d'apporter les précisions manquantes. Force est de constater qu'il n'en est rien, alors que nous interrogeons le Gouvernement et le rapporteur, sur les conséquences économiques, budgétaires, financières et sociales de la réforme pour chaque catégorie d'assurés. Bien que cette exigence de clarté soit d'ordre constitutionnel et qu'elle ait été renforcée par la loi organique de 2009, nous observons que les informations nécessaires ne nous ont pas été communiquées s'agissant d'une réforme que vous qualifiez vous-même de majeure et qui engage l'avenir de nos concitoyens sur plusieurs décennies.
La réforme ne concernera pas les 1,3 million de retraités actuels ni ceux qui prendront prochainement leur retraite. Mais n'oublions pas les conjoints collaborateurs, qui sont souvent des femmes – dont vous avez évoqué la situation à plusieurs reprises, monsieur le rapporteur, ce dont je vous en remercie –, les veuves et les aidants familiaux. Je souhaiterais que le secrétaire d'État s'exprime également sur leur situation, que ne doit pas occulter la question des agriculteurs qui vivent dans une misère qui n'est pas acceptable dans un pays comme la France.
Monsieur le secrétaire d'État, le monde agricole est particulier en ce que les exploitants travaillent seuls, en couple ou dans le cadre d'un groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC). S'ils ont travaillé en couple, par exemple, le ménage touchera-t-il la retraite à 80 % du SMIC ?
La commission rejette les amendements.
Puis elle examine l'amendement n° 22651 du Gouvernement.
Il s'agit de tirer les enseignements de l'avis du Conseil d'État, qui oblige l'État à compenser les exonérations accordées pour la génération de droits. L'amendement vise ainsi à préciser que, pour les exploitants agricoles, à l'instar des travailleurs indépendants, la part de la cotisation prise en compte pour la comptabilisation des droits est celle calculée dans la limite de trois plafonds annuels de la sécurité sociale (PASS), y compris lorsque ladite cotisation fait l'objet d'une exonération prise en charge ou compensée.
Avis évidemment favorable.
Permettez-moi de revenir un instant sur les éléments évoqués par nos collègues. Tout d'abord, je m'étonne des propos des députés socialistes, dans la mesure où la majorité précédente a elle-même adopté une réforme des retraites. Mme Touraine, je le rappelle, avait fixé la pension minimale à 75 % du SMIC, en déclarant que, si elle le pouvait, elle irait plus loin. Nous nous efforçons de le faire dans le cadre de ce projet de loi, mais c'est difficile au regard du nombre des personnes concernées. En tout état de cause, nous prenons un engagement fort en faveur des agriculteurs qui prendront leur retraite à compter de 2022.
Je ne sous-estime pas les difficultés auxquelles sont confrontés les actuels pensionnés du régime agricole. Mais, on l'observe dans un certain nombre de professions indépendantes, dont les agriculteurs, lorsque l'on cotise peu, on se constitue peu de droits et on perçoit peu. Certes, lorsque les revenus sont faibles, les cotisations le sont également. Mais il aurait été pertinent d'inciter ces professionnels à cotiser davantage pour se constituer davantage de droits pendant les périodes de leur activité les plus favorables.
Quant à la situation des conjoints, elle sera évoquée après l'article 20.
En mai 2018, le Gouvernement a refusé la proposition de loi de notre collègue André Chassaigne visant à porter la retraite minimale agricole à 85 % du SMIC, au motif que cette question devait être traitée dans le cadre de la réforme globale des retraites. Nous y sommes. Or, sauf erreur de ma part, elle ne l'est pas.
Eh oui, la promesse était celle-là ! Pour justifier son refus de la proposition de loi Chassaigne, le Gouvernement avait indiqué à l'Assemblée nationale et au Sénat que le sort des retraités agricoles serait réglé dans la réforme des retraites. Or, celle-ci ne prend pas en compte la situation de ceux qui ont trimé toute leur vie et qui ont aujourd'hui une retraite de misère. Pour mettre en oeuvre de mauvaises mesures, vous allez vite. En revanche, lorsqu'il s'agit de permettre aux agriculteurs, non pas de baigner dans le luxe, le calme et la volupté, mais de percevoir une retraite à hauteur de 85 % du SMIC – ce qui n'est tout de même pas la mer à boire –, vous réservez cette mesure aux générations futures. Vous n'êtes pas en mesure de remédier à la situation inexcusable et injustifiable de nos agriculteurs. On a donc menti au Parlement, notamment à notre groupe et à son président, en disant que la question serait réglée à la faveur de la réforme.
Monsieur Jumel, vous nous demandez de remédier aujourd'hui à la situation, que vous qualifiez d'inexcusable et d'injustifiable, des agriculteurs qui perçoivent de toutes petites pensions de retraite, problème qui persiste depuis quarante, cinquante, voire soixante-quinze ans. Nous entendons votre message, mais nous n'imaginons pas une seconde que vous nous teniez pour responsables de cette situation, qui a perduré sous moult gouvernements, de droite comme de gauche.
Cela dit, oui, la question du « stock » des personnes actuellement à la retraite et qui, hélas, n'ont pas la chance de relever du dispositif que nous proposons, se pose. Elle doit faire l'objet d'un travail de fond de la représentation nationale, qui peut nous conduire à y réfléchir dans le cadre de l'examen du budget de la sécurité sociale. Je vous propose donc que nous discutions à l'automne prochain de ce sujet auquel tous les groupes sont sensibles, me semble-t-il, y compris ceux de la majorité.
La commission adopte l'amendement.
Elle est ensuite saisie des amendements identiques n° 22131 de M. Sébastien Jumel et n° 22414 de M. Pierre Dharréville.
Reconnaissez-nous au moins, en ce qui concerne les agriculteurs, le mérite de la constance. Je peux, si vous le souhaitez, vous fournir l'ensemble des propositions de loi et des amendements aux projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) déposés par mon groupe sur ce sujet, y compris depuis 2017. Comptez donc sur nous : votre engagement n'est pas tombé dans l'oreille de sourds ; nous déposerons donc de nouveau des amendements sur le prochain PLFSS.
Néanmoins, je ne peux vous laisser dire que ce dossier mérite de faire l'objet d'un travail approfondi. Celui-ci a déjà été mené par André Chassaigne, dont on sait l'expertise dans le domaine des questions agricoles, expertise reconnue par tous, au point que l'ensemble des groupes de l'Assemblée nationale et du Sénat avaient validé ses propositions, lesquelles visaient, du reste, à appliquer ni plus ni moins la mesure que vous proposez pour les générations futures à ce que vous appelez – malhabilement, puisqu'il s'agit d'humains – le « stock ». Nous continuerons donc, en cohérence, à demander le règlement de la situation inexcusable, inexplicable et injustifiable de nos agriculteurs.
Je vais enfoncer le clou. Comme vient de l'indiquer Sébastien Jumel, nous avons défendu cette proposition à chaque fois que l'occasion nous en a été donnée, notamment lors de l'examen des derniers PLFSS. Or, soit on nous a opposé un refus, soit on nous a promis que la question serait prise en compte dans la réforme des retraites. Force est de constater que tel n'est pas le cas. Pourtant, la situation est urgente, et elle réclame justice et humanité. Je souhaiterais donc un engagement ferme du Gouvernement et de la majorité. Même si, je le sais, une telle mesure va à l'encontre du contenu de ce projet de loi, ce serait une bonne chose que vous preniez sans attendre un engagement clair sur cette question.
Par ailleurs, je veux saluer l'initiative du groupe Socialistes, que je remercie d'utiliser son droit de tirage pour créer cette commission d'enquête. Il me semble en effet très utile que nous en sachions plus sur les conditions dans lesquelles l'étude d'impact a été réalisée et que nous examinions si elle est conforme à ce que nous sommes en droit d'attendre. Ses travaux pourront utilement nourrir les réflexions du Conseil constitutionnel. On peut regretter qu'elle n'ait pas un caractère suspensif, mais c'est déjà bien.
Le sujet qui a été évoqué n'a rien à voir avec les amendements, mais je vais tout de même y revenir. J'ai animé une réunion avec les anciens exploitants de mon département. Certes, ils souhaiteraient, c'est indéniable, que l'on revalorise leurs pensions. Mais ils sont conscients que la mesure que nous prenons ne s'appliquera pas, comme le reste de la réforme, en 2037, mais dès 2022 et qu'elle pourra ainsi bénéficier à leurs enfants, voire à leurs frères cadets.
On peut toujours discuter de ce qui n'est pas fait. Je me souviens très bien de la proposition de loi de M. Chassaigne, à qui je sais gré d'être sensible à cette question qui préoccupe également de nombreux membres de mon groupe. Mais nous avons un certain nombre de priorités. La justice pâtit depuis des années d'un sous-investissement : nous avons consenti des efforts dans ce domaine, qui peuvent apparaître à certains comme une goutte d'eau dans l'océan des besoins mais qui ont le mérite d'exister. Dans l'éducation nationale, nous nous engageons en faveur d'une revalorisation. Pour l'hôpital, nous mettons en oeuvre un plan, mais nous ne pouvons pas rattraper en deux ans ce qui n'a pas été fait pendant au moins quinze ou vingt ans.
S'agissant des retraites agricoles, nous montons d'un cran, même si nous reconnaissons que ce cran est modeste : ce n'est pas avec 1 000 euros qu'on mettra Paris en bouteille. Néanmoins, la mesure s'appliquera dès 2022 et non en 2037 ; elle n'est pas renvoyée aux calendes grecques. Il ne s'agit pas, comme en 2017, de voter un texte que la majorité n'aura pas à assumer. C'est un acte concret.
Avis défavorable.
Personne ne disconvient que cette mesure marque un progrès pour les agriculteurs qui arriveront à la retraite en 2022. Ce qui nous préoccupe, ce sont les motifs qui avaient conduit le Gouvernement à user de moyens de procédure au Sénat pour différer l'effort que l'ensemble des groupes parlementaires étaient prêts à consentir en faveur des agriculteurs qui sont déjà à la retraite et qui, pour un certain nombre d'entre eux, vivent dans des conditions très misérables. L'engagement avait alors été pris de traiter la question de ces agriculteurs – c'était une forme de promesse. Et il a suscité une attente forte dans nos campagnes.
Lorsqu'Olivier Véran nous dit que nous examinerons le sujet dans le cadre du PLFSS, prend-il l'engagement d'en débattre ou d'aboutir ? Ce n'est pas la même chose. En tout état de cause, pour certains agriculteurs âgés, les quelques mois durant lesquels la décision est différée comptent double ou triple.
Monsieur le rapporteur, nous sommes d'accord, la situation des futurs retraités pourrait être améliorée. Mais nous parlons ici de l'engagement qui a déjà été pris en mai 2018 d'examiner la question dans le cadre de la réforme des retraites. Maintenant, on nous dit qu'elle le sera dans le prochain PLFSS, c'est-à-dire à la fin de l'année. Or, c'est maintenant que les personnes concernées ont besoin d'être rassurées. Pouvez-vous donc prendre des engagements en ce sens, monsieur le secrétaire d'État ?
Monsieur le rapporteur, ces amendements portent bien sur l'article 20. Nous contestons la logique de « pointage » qui est au coeur de votre réforme. En l'espèce, il s'agit de la situation des agriculteurs. Vous nous dites, si je vous comprends bien, que vous faites beaucoup par ailleurs et que vous n'avez pas les moyens de faire face à tous les problèmes. Tout d'abord, il me semble que la situation de ces agriculteurs devrait faire partie des priorités. Ensuite, vous vous passez de ressources considérables qui pourraient être utiles au bien public et au bien social. C'est un choix politique – nous en avons débattu lors de la discussion de chaque budget depuis 2017 –, mais je ne suis pas certain que l'argument soit recevable pour les agriculteurs concernés. Nous reconnaissons que votre proposition améliorera la situation en 2022. Mais la question de savoir ce qu'il advient de ceux qui sont d'ores et déjà à la retraite reste pendante.
Je remercie M. Dharréville pour ses propos. Enfin, l'opposition a une parole positive, ce qui n'a pas été le cas jusqu'à présent, même lorsque les avancées étaient claires, manifestes et indiscutables. Elle gagnerait à abandonner cette posture de dénigrement systématique.
Monsieur Fuchs, il n'est pas impossible, en effet, que, dans ces soixante-cinq articles, une virgule nous paraisse bien placée. Mais notre logique demeure celle que nous avons toujours défendue, avec cohérence : celle du retrait du texte. Je l'ai dit au début de nos débats, n'attendez pas que nous vous applaudissions parce qu'après envoyé la majorité des Français dans le désert, vous leur donnez une petite gourde avec un fond d'eau.
Les agriculteurs font partie de ceux qui, de manière très anecdotique et temporaire, pourraient être les gagnants de votre réforme, mais c'est une infime portion des Français. Surtout, dès 2004, une loi a prévu que la France se donne pour objectif qu'aucune pension de retraite ne soit inférieure à 1 000 euros. J'ajoute que, compte tenu de son montant actuel, le minimum vieillesse atteindra dans quelques années les 1 000 euros. Qui plus est, pour obtenir cette pension minimale, il faut avoir effectué une carrière complète. Franchement, dans le contexte actuel de précarisation accrue de l'emploi, bon courage !
L'objectif de fixer le plancher des retraites agricoles à 1 000 euros est, certes, louable, mais il semble très mesuré : qui peut vivre avec une telle somme dans notre pays ? Il aurait été possible de traiter la question différemment. Mais vous essayez de faire passer un éléphant derrière une fourmi. En réalité, cette seule avancée, qui concerne un petit nombre d'agriculteurs, ne suffit pas à emporter l'adhésion. C'est pourquoi ces amendements sont les bienvenus.
Monsieur Door, le GAEC est un type de société, à l'intérieur de laquelle chacun est libre de choisir son statut, salarié ou non. Tout dépend du choix de chacun. En définitive, la question qui se pose est celle de savoir si la ferme fera des bénéfices.
Monsieur Vallaud, je suppose que la commission d'enquête dont le groupe Socialistes a demandé la création ne portera pas sur l'exposé des motifs du projet de loi, dont vous admettrez qu'il n'est pas susceptible d'être mis en doute. Je vous renvoie donc à la partie portant sur l'article 22 : l'application du dispositif aux exploitants agricoles y est très clairement expliquée. À cet égard, le point de savoir quelle est la part d'entre eux qui se verseront plus de 30 % du SMIC n'a que peu d'intérêt, puisque tous les chefs d'exploitation seront soumis au taux de cotisation correspondant à 600 heures au SMIC, de sorte qu'ils vont y gagner à la fois sur le plan des cotisations et sur le plan des pensions. Cela devrait mettre un terme au débat sur ce point, qui n'a guère de sens.
La commission rejette les amendements.
Puis elle est saisie des amendements identiques n° 7378 de M. Éric Coquerel, n° 7380 de Mme Caroline Fiat, n° 7385 de Mme Mathilde Panot, n° 7387 de M. Adrien Quatennens et n° 7392 de Mme Bénédicte Taurine.
Puisque nous examinons la section consacrée aux travailleurs non salariés, je souhaiterais savoir, monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d'État, ce qu'il advient des travailleurs faussement indépendants employés par les plateformes. En effet, vous n'êtes pas sans savoir que Deliveroo vient d'être condamnée pour travail dissimulé et doit verser 30 000 euros à l'un de ses livreurs, dont la justice estime que le contrat de prestation de services devait être requalifié en contrat de travail. Or, nombreuses sont les plateformes de ce type qui, souvent, ne paient pas ou paient très peu de cotisations sociales dans les pays où elles sont implantées et font travailler de plus en plus de personnes.
L'alinéa 19, que ces amendements tendent à supprimer, a trait aux taux de cotisation, qui ont été très peu évoqués depuis le début de l'examen du texte. Or, parmi les paramètres des retraites figurent, bien entendu, l'âge de départ – votre projet est essentiellement fondé sur celui-ci ainsi que sur le niveau des pensions –, la durée de cotisation et les taux de cotisation. Lorsque nous affirmons qu'il est parfaitement possible de financer la retraite à 60 ans sans qu'aucune pension ne soit inférieure au seuil de pauvreté et au SMIC pour une carrière complète, il nous faut expliquer comment nous y parviendrions. J'ai évoqué 2 points de produit intérieur brut (PIB) supplémentaires d'ici à 2040 pour financer ces propositions. S'agissant du taux de cotisation, il s'agirait de le porter du niveau moyen actuel, soit 17,75 %, à 19 %, ce qui n'est pas considérable. Surtout, les salaires nets peuvent augmenter plus rapidement. On peut donc augmenter, et le salaire net et le taux de cotisation, pour permettre à chacun de bénéficier d'une pension digne en partant à la retraite à un âge décent.
Puisque nous arrivons au terme de l'examen de l'article 20, j'insiste sur le fait qu'il ne faudra pas oublier la revalorisation prochaine des pensions des retraités agricoles.
Monsieur Dharréville, je n'ai pas dit, comme vous l'avez indiqué, que nous avions fait beaucoup par ailleurs. J'ai dit qu'il y avait beaucoup à faire, dans de nombreux domaines : justice, éducation, agriculture... Il nous faut donc avancer progressivement. En ce qui concerne l'agriculture, cette avancée, qui doit être consolidée, consiste à fixer dès 2022 la pension minimale à 1 000 euros, soit 85 % du SMIC.
Monsieur Chenu, nous avons débattu toute la semaine dernière des questions que vous avez évoquées – je remercie d'ailleurs ceux de nos collègues, même s'ils appartiennent à l'opposition, avec qui nous avons eu des échanges sur ces sujets. Je m'étonne que vous les abordiez alors que, jusqu'à présent, vous n'avez pas participé à nos travaux. Lorsqu'on est membre d'une commission, il faut, me semble-t-il, assumer son rôle et ne pas intervenir sur l'écume des choses.
Madame Panot, faites-vous référence à la situation des micro-entrepreneurs ou auto-entrepreneurs ? Si tel est bien le cas, j'estime que ce statut permet de mettre le pied à l'étrier à ceux qui exercent certaines activités, mais qu'il ne peut être que temporaire. Sinon, ils seront les futurs pensionnés pauvres car, si l'on ne cotise pas, on n'acquiert pas de droits. Je souhaiterais que nous avancions également dans ce domaine.
Avis défavorable.
Monsieur le rapporteur, vous l'avez compris, je n'avais pas pour intention de déformer vos propos. Cela étant, je maintiens mes remarques sur l'ordre des priorités et sur votre choix de vous passer de certaines ressources qui pourraient être utiles pour relever plusieurs des défis que vous avez évoqués. Je remercie Bruno Fuchs de nous reconnaître un certain sens de la dialectique – lequel, pour ce qui me concerne, m'a été enseigné par des maîtres à penser. La mesure en question mérite d'être examinée de plus près. Comme cela a été dit à l'instant, la pension minimale que vous proposez aux agriculteurs sera nettement insuffisante – on peut sans doute s'accorder sur ce point –, même si cela constitue un progrès. Son montant, qui sera inférieur au seuil de pauvreté, aurait déjà dû être atteint si on avait appliqué la loi de 2003. Cette petite amélioration ne résultera pas du régime par points mais, au contraire, du correctif que vous apportez à la réforme, laquelle aurait aggravé la situation des agriculteurs. Vous êtes en train d'installer des tuyaux en tous sens pour limiter les fuites de votre usine à gaz.
Pour revenir sur notre échange, monsieur le rapporteur, je parlais de ceux qui ne sont pas reconnus comme salariés des plateformes. Il ne vous a pas échappé qu'outre la décision de justice rendue en ce début d'année, à laquelle je faisais référence, la Cour de cassation a considéré, dans l'arrêt Take Eat Easy, que « l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs. [...] Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. » Le juge avait reconnu, en l'espèce, l'existence d'une relation salariale. La Cour d'appel de Paris a tranché dans le même sens concernant un chauffeur de la société Uber. Elle a considéré qu'en l'espèce, « il ne saurait être utilement contesté que [ce chauffeur] a été contraint, pour pouvoir devenir partenaire [...], de s'inscrire au registre des métiers et que, loin de décider librement de l'organisation de son activité, de rechercher une clientèle ou de choisir ses fournisseurs, il a ainsi intégré un service de prestation de transport créé et entièrement organisé par la société Uber [...] ».
La question est donc de savoir, monsieur le secrétaire d'État, quelle retraite auront ces personnes non reconnues comme salariées, alors que la justice a, à de nombreuses reprises, requalifié leur contrat en contrat de travail – et reconnu, parfois, la violation du droit du travail.
Il faut avoir conscience de l'importance de cette mesure d'amélioration des retraites agricoles à partir de 2022, ce qui n'enlève rien au fait que les retraites actuelles sont largement insuffisantes. Un agriculteur sait se débrouiller ; il travaille souvent dans le cadre d'une exploitation familiale qui comprend des parcelles de subsistance – une surface de 3 hectares, par exemple, lui permet d'équilibrer son revenu. La reconnaissance d'une retraite – même très moyenne – va donc le conduire à changer son comportement et, en particulier, à libérer des parcelles de terres agricoles, ce qui facilitera l'installation des jeunes. Il va y avoir un effet d'entraînement. Je peux vous assurer, moi qui connais bien le monde agricole et rural, que cette disposition va apporter une bouffée d'oxygène, une forme de reconnaissance du droit à une retraite. Il ne faut pas balayer cela d'un revers de main car c'est loin d'être accessoire. Prenons la mesure de l'importance de cette disposition. Le problème des pensions actuelles demeure, il est vrai, mais c'est un autre débat, que le rapporteur a largement commenté.
Je me demande l'effet qu'aura sur l'opinion votre communication, qui consiste à dire que tous les agriculteurs percevront désormais 1 000 euros de retraite. Je veux bien reconnaître que vous réalisez une avancée, mais j'ai le sentiment que vous présentez comme un triomphe un progrès en réalité minime. Vous affirmez que tous les agriculteurs percevront au moins 1 000 euros : c'est faux. Pour toucher cette somme, ils devront avoir cotisé quarante-trois ans au moins, au niveau du SMIC. Autrement dit, la moitié des agriculteurs, au bas mot – ceux qui ne remplissent pas ces conditions –, ne verront pas la couleur des 1 000 euros. Il faut être extrêmement clair : attention au désespoir que vous allez faire naître lorsque certains découvriront la réalité. Enfin, se pose la question des retraités actuels, qui sont exclus du dispositif. Bien sûr, vous allez me répéter qu'on ne peut régler la situation en claquant des doigts, que d'autres étaient aux responsabilités avant. Il reste que l'ensemble des organisations syndicales agricoles vous disent qu'on ne peut pas laisser au bord du chemin les retraités actuels, qui vivent en moyenne avec 730 euros par mois. Nous vous demandons d'être le plus clair possible sur ce que vous entendez faire, de ne pas mentir aux Français et, en l'occurrence, aux agriculteurs.
De deux choses l'une : soit vous êtes réellement de mauvaise foi, monsieur le député, ce qui devient problématique – je viens en effet de répondre à M. Boris Vallaud que les éléments d'information étaient disponibles dans l'exposé des motifs de l'article 22 –, soit vous n'avez pas le texte de loi sous les yeux. Je crois qu'il faut faire preuve d'humilité. Vous ne pouvez pas dénoncer quelque chose qui est inexact. Il faut simplement lire les documents mis à votre disposition. J'ai expliqué – clairement, me semble-t-il – que l'ensemble des agriculteurs bénéficieraient du minimum de pension de 85 % du SMIC dans le système universel de retraite. Nous les amènerons en effet à un niveau de cotisation correspondant à 600 heures au SMIC. Ils n'auront pas, comme vous l'avez prétendu, à cotiser quarante-trois ans à hauteur de quasiment 19 000 euros par an. L'exposé des motifs de l'article 22 indique clairement que la cotisation sera ramenée à 600 SMIC horaires, soit un tiers du SMIC annuel. Autrement dit, nous allons réduire la cotisation de tous les agriculteurs, qui va passer de 800 heures SMIC à 600 heures SMIC. Je vous confirme que le projet du Gouvernement permettra à tous les agriculteurs de percevoir a minima une pension de 85 % du SMIC. C'est incontestable, c'est dans le projet de loi. J'espère que vous le voterez.
La commission rejette les amendements.
Puis elle adopte l'article 20 modifié.
Après l'article 20
La commission est saisie de l'amendement n° 12807 de M. Jean-Paul Mattei.
Cet amendement demande un rapport sur l'impact du nouveau régime de cotisation des travailleurs indépendants. Il s'agit évidemment d'un amendement d'appel : compte tenu des manoeuvres d'obstruction, il ne peut en aller autrement. Je crois que nous devons réfléchir au statut des travailleurs libéraux. Je vais retirer l'amendement pour le retravailler en vue de la discussion en séance publique. J'espère que nous pourrons nous y atteler avec les autres groupes, comme l'évoquait Thierry Benoit ce matin, pour parvenir à un amendement acceptable.
L'amendement est retiré.
La commission en vient à l'amendement n° 22668 du rapporteur général.
C'est un amendement d'appel à destination du Gouvernement qui vise à lancer une réflexion sur le statut de conjoint collaborateur. Je m'en suis déjà expliqué, notamment à l'occasion d'un échange avec Mme Panot. Ce statut, dont je perçois davantage les effets sur les agriculteurs que sur les commerçants et les artisans, compte tenu de mon histoire personnelle, a permis une véritable avancée, en offrant une protection sociale aux conjoints – très majoritairement, aux conjointes – d'exploitants et de commerçants. Cependant, les conjoints exploitants ou collaborateurs ont acquitté des cotisations très faibles au titre des droits à la retraite et perçoivent donc des montants de pension à l'avenant. De surcroît, les agriculteurs, les commerçants, les artisans connaissent les mêmes évolutions sociétales que le reste de la population : ils se séparent plus fréquemment. Lorsqu'ils le font à 40, 45 ou 50 ans, les conjoints obtiennent in fine des droits acquis extrêmement faibles. Enfin, alors que le débat sur l'égalité entre hommes et femmes est, dans notre société, chaque année plus prégnant, le statut renvoie, me semble-t-il, à une certaine asymétrie entre celui qui assure l'activité – très majoritairement, l'homme – et son conjoint – très majoritairement, la femme.
Ce régime présente sans doute une utilité pour favoriser l'installation progressive, en agriculture comme en artisanat, et a vocation, à cet égard, à être temporaire. En revanche, compte tenu de l'évolution de la société, l'objectif ne saurait être de protéger des statuts. Peut-être conviendrait-il, en ce sens, d'y mettre fin. Je ne maîtrise probablement pas tous les tenants et aboutissants de cette décision, mais j'appelle le Gouvernement à engager une réflexion approfondie sur le sujet. Ce statut a eu son utilité mais me semble présenter aujourd'hui au moins autant d'inconvénients que d'avantages.
J'ai eu aussi à connaître familialement de ce statut, dans un domaine autre que le milieu agricole. Même s'il présente indéniablement de l'intérêt en matière de protection sociale, il soulève en effet un certain nombre de questions. Il est probablement le reflet d'une époque, et il faut sans doute le faire évoluer. Vous avez une bien meilleure connaissance que moi des limites du système dans le cadre agricole. Pour ma part, j'ai constaté qu'il permettait de déclarer et d'identifier systématiquement les conjoints et de les faire bénéficier d'un filet de protection sociale. Je constate que 40 000 conjoints collaborateurs, en dehors du secteur agricole, et un peu plus de 25 000 collaborateurs d'exploitations sont concernés. Eu égard aux enjeux en matière de protection et de couverture sociale de plus de 65 000 Français et Françaises, il me semble nécessaire de prendre un peu de temps pour étudier le sujet et définir ensemble l'évolution à suivre. Dans cette attente, je vous saurais gré de retirer votre amendement.
Nous partageons votre préoccupation, monsieur le rapporteur. Toutefois, il me semble probable que vous retiriez votre amendement, puisque vous suggérez de supprimer le statut de conjoint collaborateur sans rien proposer d'autre.
La question posée par le rapporteur est pertinente mais nécessiterait peut-être que votre groupe se réunisse pour approfondir la réflexion. Vous pourrez ainsi nous informer de vos arbitrages.
Je voudrais revenir sur la déclaration d'Olivier Véran, qui, sans être Croizat, n'est pas n'importe qui, puisque c'est tout de même le rapporteur général de la commission des affaires sociales. Les propos qu'il a tenus concernant la résorption de l'extrême précarité des agriculteurs retraités constituent-ils un engagement ferme du Gouvernement et de la majorité, ou s'agit-il d'une opinion qui n'engage que lui ? Dans le premier cas, nous saluerions une évolution très positive, dans le second cas, nous dénoncerions une parole en l'air.
La question qui est posée par le rapporteur est essentielle. Le statut des conjoints collaborateurs a modifié considérablement les responsabilités qui leur étaient conférées en matière de gestion de l'entreprise, tout en leur accordant des droits sociaux. Votre amendement ne traite que d'une petite partie des questions qui se posent à eux. Mieux vaudrait traiter le sujet globalement, en prenant en considération les responsabilités de gestion, le statut social et l'assurance vieillesse, plutôt que de n'en considérer qu'une fraction et de fragiliser le statut.
Je remercie le rapporteur d'avoir présenté cet amendement d'appel, car je l'interpelle pour la troisième fois, depuis ce matin, sur le sujet. Vous l'avez dit, cette question concerne principalement les femmes. Je suis assez surprise de la réponse de M. le secrétaire d'État. Nous sommes certes en commission, mais l'amendement a nécessairement été vu en amont par plusieurs services. Aussi, je m'étonne qu'on nous réponde simplement qu'il faudra réfléchir à la question. J'espère qu'en séance, nous aurons une réponse à ce sujet. On ne peut pas nous soumettre un texte comportant vingt-neuf trous, qui constituent autant de délégations accordées au Gouvernement, sans nous apporter de réponses sur des questions essentielles pour beaucoup de femmes. Le rapporteur a souligné les enjeux liés aux divorces, qui placent ces dernières dans des situations encore plus précaires. J'aimerais que vous vous engagiez à nous apporter des réponses, au lieu de nous dire que vous ne connaissez pas très bien le sujet. On peut – et on doit – trouver des solutions dignes pour ces personnes.
Le statut des conjoints collaborateurs – pour ne pas dire des conjointes collaboratrices – a en effet constitué une véritable avancée sociale à partir des années 1970, en ce qu'il leur a offert une reconnaissance et, d'une certaine manière, une libération. Mais il est aujourd'hui devenu très problématique, dans la mesure où il aurait plutôt tendance à les enfermer et à les précariser. Il me paraît donc urgent d'étudier un nouveau statut – même s'il s'agit d'un sujet connexe à notre débat. La protection sociale, dans notre pays, ne peut pas dépendre en effet de la situation maritale. Par ailleurs, dans le prolongement de l'intervention de M. Jumel – M. Véran n'étant pas Croizat, pas plus que M. Jumel n'est Marchais (Sourires.) –, il me paraît important de préciser que les deux piliers de la majorité soutiennent la position d'Olivier Véran. Même si le projet de loi – qui ne porte que sur les pensions à venir – ne peut traiter des retraites agricoles actuelles, on ne peut faire l'économie d'une réflexion sur la situation des agriculteurs ni sur le calendrier et le financement de la résorption de cette injustice. Le débat sur les retraites peut nous permettre de régler ce problème. Tel est, en tout cas, l'engagement du groupe que j'ai l'honneur de présider.
Madame Panot, je vous rappelle que le rapporteur a la possibilité de déposer un amendement à tout moment. J'ai déposé celui-ci tardivement, car la maîtrise de l'ensemble du titre m'a beaucoup mobilisé.
Plus largement, je voudrais revenir sur deux de nos échanges précédents. Premièrement, il faut insister sur le fait que de faibles cotisations aboutissent à des droits réduits – cela fait écho à la situation des auto-entrepreneurs. Deuxièmement, du point de vue sociétal, la notion de « conjoint collaborateur » ne me semble plus en phase avec l'évolution des mentalités, en particulier sur le plan de l'égalité entre hommes et femmes. Il ne s'agit pas de méconnaître l'intérêt du travail en couple, qui est très fréquent chez les artisans, les commerçants et les agriculteurs, mais il faudrait faire évoluer les choses, ne serait-ce que sur la dénomination. Je retire l'amendement afin d'y retravailler et de vous proposer une nouvelle disposition ultérieurement.
L'amendement est retiré.
Article 21 : Habilitation à prendre des dispositions transitoires pour les cotisations et contributions des travailleurs non-salariés
La commission examine les amendements de suppression n° 8 de M. Stéphane Viry, n° 710 de M. Pierre Dharréville, n° 7567 de M. Éric Coquerel, n° 7569 de Mme Caroline Fiat, n° 7574 de Mme Mathilde Panot, n° 7576 de M. Adrien Quatennens, n° 7581 de Mme Bénédicte Taurine, n° 21104 de M. Boris Vallaud, n° 22232 de Mme Marine Le Pen et n° 22471 de Mme Constance Le Grip.
Nous demandons la suppression de l'article 21 visant à simplifier les modalités de calcul de l'assiette des cotisations et des contributions sociales des travailleurs indépendants car il prévoit d'habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance, une de plus. Nous contestons depuis le début de nos travaux cette avalanche d'ordonnances, auxquelles s'ajoutent de nombreux décrets. Cette réforme qui concerne tous les Français doit être parfaitement lisible, ce qui n'est pas le cas comme l'a pointé le Conseil d'État. Il importe donc d'exposer clairement à nos compatriotes les mesures qui les attendent.
Nous nous opposons à ce que la transformation que vous êtes en train de provoquer soit engagée par ordonnance, s'agissant, en l'occurrence, du nouveau système de retraite que vous comptez appliquer aux indépendants. Nous demandons donc la suppression de l'article 21.
Nous proposons de supprimer cet article à trous qui permet au Gouvernement de passer outre les pouvoirs du Parlement, par ordonnance, pour l'ensemble des mesures de transition. Vous prétendez garantir un juste équilibre et un travail avec les partenaires sociaux. Je rappellerai que, la dernière fois que vous avez travaillé avec les partenaires sociaux sur ce sujet, tout le monde est parti en claquant la porte. Je vous ai déjà posé la question la semaine dernière : qu'est-ce qui peut nous assurer que vous allez désormais travailler avec eux, les écouter et engager un réel dialogue social ? Rien. Nous n'avons aucun engagement à cet égard. Vous nous demandez un chèque en blanc.
Nous nous opposons à cet article parce que, vous l'avez compris, nous ne voulons pas d'ordonnance.
Monsieur le secrétaire d'État, j'ai bien écouté votre propos – qui n'était d'ailleurs pas extrêmement clair – sur les conjoints collaborateurs, lesquels sont majoritairement des femmes. Je souhaiterais à présent avoir une réponse concernant les nombreux auto-entrepreneurs travaillant sur les plateformes. Selon un sondage OpinionWay, la première revendication des indépendants auto-entrepreneurs concerne la retraite : plus de 40 % d'entre eux et 31 % des travailleurs de plateformes demandent que leurs droits en la matière soient améliorés. Les auto-entrepreneurs ont des parcours de vie parfois instables et ne bénéficient d'aucune protection en cas de maladie ou d'accident du travail. Je continuerai à vous interroger sur ce point tant que vous ne me répondrez pas.
Une fois de plus, vous appelez à légiférer par ordonnance : il s'agit d'un des vingt-neuf trous béants que comporte le texte. Quand on voit l'usage qu'a fait le Gouvernement des ordonnances par le passé, nous n'avons pas plus de raison de vous faire confiance à propos des travailleurs indépendants.
Dans un autre ordre d'idées, il aura fallu que nous dénoncions le silence assourdissant et l'absence des parlementaires de l'extrême droite de la commission spéciale pour les faire venir, preuve, s'il en était besoin, de l'opportunisme de Mme Le Pen et des députés de sa formation. Ils prétendent en effet s'opposer au projet de loi sans avoir participé à nos réunions au cours des huit derniers jours. Maintenant que M. Chenu est arrivé, il va pouvoir nous abreuver des « y a qu'à, faut qu'on » dont Mme Le Pen nous régale régulièrement sur les retraites. Puisque nos travaux font l'objet d'une retransmission audiovisuelle, je ne résiste pas à l'idée de prendre à témoin les électeurs de Mme Le Pen et de leur dire que son programme est un pétard mouillé. Ses alliés, partout en Europe – comme en Autriche – sont allés jusqu'à voter la semaine de travail de 60 heures. Mme Le Pen s'oppose à la hausse du SMIC alors qu'en l'augmentant ne serait-ce que de 1 %, on obtiendrait 2,5 milliards de cotisations supplémentaires. Nous nous réjouissons de l'arrivée de M. Chenu en commission et attendons ses arguments sur le sujet des retraites.
Comme l'ont dit mes collègues, nous demandons la suppression de l'article 21, qui vise à habiliter le Gouvernement à prendre, par voie d'ordonnance, des mesures concernant les travailleurs indépendants.
Cet amendement de suppression de l'article se justifie évidemment par notre refus des ordonnances. Cela étant, l'article 21 appelle deux questions. Premièrement, il prévoit des mécanismes de solidarité interne entre les hauts et les bas revenus de certaines professions, tels que les avocats et les agents d'assurances. Mais comment ces mécanismes pourront-ils s'appliquer si les hauts revenus, du fait de la réforme, perdent une part substantielle de leurs droits à pension ? Deuxièmement, l'article réduit l'assiette la contribution sociale généralisée (CSG) payée par les travailleurs indépendants. Quelles en seront les conséquences, notamment, sur les ressources des caisses d'assurance maladie et d'allocations familiales ?
Je remercie M. Quatennens d'assurer la publicité de ma présence. Évidemment, La France insoumise – qui rêverait de retrouver un peu d'oxygène grâce à cela – n'a pas le monopole de l'opposition à la réforme des retraites. Tout en comprenant la gêne qu'il peut éprouver, je lui demande de relire les comptes rendus des réunions auxquelles j'ai participé la semaine dernière.
La réforme des retraites remet en effet en cause le modèle social français. La principale ambition de votre réforme étant de faire baisser la part des dépenses de retraite dans le PIB, comme le précise l'étude d'impact, cela impliquera mécaniquement, alors que le nombre de retraités ne va évidemment pas diminuer, une baisse substantielle des pensions. Nous dénonçons à nouveau le recours aux ordonnances – qui concerne, en l'occurrence, les travailleurs indépendants – et demandons, en conséquence, la suppression de l'article.
Je ne reviens pas sur les raisons qui motivent cet amendement de suppression de l'article 21 et, plus généralement, sur notre opposition à cette avalanche d'ordonnances, qui traduit la stratégie choisie par l'exécutif et approuvée par la majorité.
Je voudrais dire un mot de la situation des avocats. Malgré des rendez-vous et des échanges de courriers, le Conseil national des barreaux continue à exprimer son hostilité à l'encontre de ce projet de réforme et appelle à la poursuite du mouvement de grève. Nous ne comprenons pas plus que lui les raisons pour lesquelles le régime autonome des avocats devrait être fondu dans le système universel. Nous nous inquiétons de l'absence de précisions apportées par le Gouvernement sur la garantie des droits à pension acquis par les avocats dans le système actuel et sur les conséquences pour les autres branches de la sécurité sociale d'une baisse des cotisations, laquelle a prétendument pour objet de compenser la hausse des cotisations de retraite.
C'est toujours la même logique : après avoir intégré les différentes catégories, les unes après les autres, dans le régime universel, on définit les modalités de la transition. En l'occurrence, il s'agit de demander au Parlement d'habiliter le Gouvernement à faire converger, par voie d'ordonnance, les taux et les assiettes de cotisations à l'assurance vieillesse des travailleurs indépendants. Tirant toutes les conséquences de la grande hétérogénéité des régimes de non-salariés et de l'éloignement important de certains d'entre eux de l'objectif en termes d'assiette et de taux déterminé à l'article 20, l'article 21 habilite le Gouvernement à prévoir une transition sur une période ne pouvant dépasser quinze ans, qui permettra de faire converger progressivement les taux de cotisation vers l'objectif précité et de rendre les assiettes de cotisation plus cohérentes entre travailleurs non salariés et salariés, ce qui implique un rééquilibrage entre contributions et cotisations sociales. Autrement dit, cela implique une révision de l'assiette de calcul de la CSG. Par ailleurs, rien n'empêche une profession donnée de prévoir une solidarité interne : cette possibilité n'est aucunement remise en cause.
Madame Le Grip, vous avez évoqué le cas des avocats. Je rappelle que leur situation s'explique par une démographie spécifique. Je vous renvoie à l'exemple que j'avais cité : imaginons que les informaticiens réclament la création d'une caisse de retraite ad hoc. Ils sont nombreux à être en activité, et peu d'entre eux sont retraités. Par ailleurs, ils perçoivent des rémunérations assez nettement supérieures à la moyenne des salaires en France. Ils accumuleraient donc très vite des réserves. Nous entendons précisément atténuer ces évolutions de situations professionnelles en les intégrant dans le régime universel. Il faut prendre des mesures pour favoriser une transition progressive, mais celle-ci doit être réalisée.
Défavorable.
Nous sommes à nouveau confrontés à la logique des ordonnances et de la transition, qui interroge le législateur que nous nous efforçons d'être – puisque nous sommes en partie empêchés d'effectuer le travail pour lequel nous avons été élus. Il s'agit en l'occurrence de faire passer progressivement une mauvaise mesure. C'est la logique de la transition. Sur ce sujet comme sur les autres, il nous semblerait utile que vous renonciez à vos ordonnances et que vous mettiez sur la table vos intentions, pour que nous puissions en décider.
L'article 21 est à mes yeux bien rédigé. Je suis tout à fait favorable, dans ce contexte, au recours aux ordonnances. Nous avons cité hier l'exemple du texte de M. Woerth, qui comportait trente-trois articles et vingt-deux décrets d'application. Je préfère l'ordonnance au décret, car ce dernier – même s'il s'agit d'un décret en Conseil d'État – relève exclusivement des prérogatives de l'exécutif : il ne revient pas devant le Parlement, contrairement à l'ordonnance. C'est une différence essentielle. Mieux vaut des ordonnances sur ces aspects extrêmement techniques. Il est heureux qu'on se donne douze mois pour travailler véritablement sur le sujet. Imaginez que nous ayons à examiner cette disposition en commission, puis dans l'hémicycle : au rythme actuel, cela nous prendrait plusieurs années ! Je suis pour ma part rassuré qu'une ordonnance soit prévue. Elle sera ensuite ratifiée – ou non – par le Parlement, qui en aura pris connaissance de manière approfondie.
Dans l'exposé des motifs de l'article, il est clairement indiqué, s'agissant de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL), d'une part, et de la Caisse nationale des barreaux français, d'autre part, que des plans de convergence seront définis, lesquels « détermineront les évolutions nécessaires sur les taux, seuils et plafonds applicables [...] pour atteindre le barème cible de cotisations [...]. Ils détermineront aussi les leviers qui seront à disposition des caisses pour accompagner cette transition, notamment l'utilisation des réserves qui ont été constituées par ces caisses. » Nous confirmez-vous, monsieur le secrétaire d'État, que les réserves qui ont été constituées par les caisses des professions libérales et des barreaux seront utilisées pour atteindre l'objectif de convergence ?
Je poursuis mon exposé sur les auto-entrepreneurs et les travailleurs des plateformes, car je n'ai toujours pas de réponse du Gouvernement sur le sujet. 76 % des travailleurs des plateformes demandent aujourd'hui une protection sociale spécifique, et non des conditions adossées à chaque plateforme. La plupart d'entre eux ont des revenus faibles. Uber, par exemple, ponctionne 25 % du prix de la course à ses chauffeurs, lesquels doivent encore s'acquitter de frais annexes tels que le téléphone, la 4G ou la prise en charge de la voiture. En outre, ils sont mal représentés pour la défense de leurs droits et de leur statut. Monsieur le secrétaire d'État, qu'avez-vous prévu pour cette catégorie de travailleurs ? La question me paraît importante, et votre réponse indispensable pour que nous puissions légiférer.
Cher collègue Mattei, vous devez être satisfait de ce texte, car là, c'est fromage et dessert : il prévoit vingt-neuf ordonnances et plus de cent dix décrets ! Entre ceux-ci et celles-là, la distinction est toutefois essentielle, puisque les premières sont du domaine de la loi, donc de l'article 34 de la Constitution, les seconds du domaine du règlement – article 37.
Ce qui pose problème à nos yeux, c'est que cette ordonnance a un champ large et assez flou. Nous avions souligné le risque d'inconstitutionnalité lié au changement d'assiette et à la différence de traitement entre salariés et indépendants en nous fondant sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel de 1991. Vous semblez être assuré qu'il ne se dédira pas ; permettez-nous d'en douter.
Une autre difficulté, d'ordre financier, tient au fait que manqueront à l'assurance maladie presque 2,6 milliards d'euros. Le Haut Conseil du financement de la protection sociale a-t-il été consulté ? Nous souhaiterions dans ce cas pouvoir disposer d'un rapport documenté sur cette question afin de mesurer les conséquences de votre décision, qui est loin d'être neutre.
Je ne m'exprimerai pas sur chaque amendement, car vous êtes déjà nombreux à prendre la parole et j'entends fluidifier le débat, mais je ne voudrais pas laisser penser à Mme Panot que je veux éviter sa question.
Madame la députée, je ne vous suis d'aucune utilité en matière de reconnaissance des droits, car c'est la justice qui joue ce rôle : lorsque la relation d'un indépendant avec une plateforme est requalifiée en contrat de travail, l'indépendant reconnu salarié bénéficie alors des droits afférents. Il n'y a donc pas de débat sur ce sujet. Il s'agit évidemment de situations dont la justice a été saisie, et sur lesquelles elle se prononce à bon escient, pour pointer un abus ou un usage répréhensible des dispositions en vigueur.
Je remercie M. Cherpion d'avoir prêté attention à l'exposé des motifs de l'article ; ces paragraphes sont relativement simples à lire et souvent plein d'enseignements. Il n'y a d'ailleurs aucune ambiguïté, monsieur le député : « Ces plans de convergence détermineront les évolutions nécessaires sur les taux, seuils et plafonds applicables au barème actuel et cotisations des professions libérales pour atteindre le barème cible. Ils détermineront aussi les leviers qui seront à disposition des caisses pour accompagner cette transition [...]. » Ce sont donc bien les caisses qui décideront ce qu'elles veulent faire des fonds, et en aucun cas elles ne seront tenues d'en faire usage dans le cadre de la convergence. Votre question n'en est pas moins légitime, car il est important que ces éléments soient éclaircis, pour lever les inquiétudes et l'incompréhension.
La commission rejette les amendements.
Puis elle est saisie des amendements identiques n° 7450 de Mme Caroline Fiat, n° 7455 de Mme Mathilde Panot, n° 7457 de M. Adrien Quatennens et n° 7462 de Mme Bénédicte Taurine.
Monsieur le secrétaire d'État, si vous aviez voulu montrer que vous ne vouliez pas répondre à ma question, vous n'auriez pas pu mieux faire, car celle-ci portait précisément sur les travailleurs des plateformes pour lesquels il n'y a pas requalification. Il a en effet été reconnu dans certains cas que la relation entre les plateformes et leurs travailleurs indépendants s'apparente à du travail dissimulé, ce qui est illégal, d'où les requalifications en contrat de travail. J'aurais souhaité pour ma part que le Gouvernement se batte pour cette reconnaissance. Votre réponse montre au contraire qu'il accepte les pratiques condamnables des plateformes, et qu'il ne voit rien à redire aux conditions de travail très dures des indépendants, à leurs salaires très faibles et à l'absence de protection, notamment en cas d'accident. Et ils seront également perdants pour leur retraite !
L'alinéa que nous souhaitons supprimer a pour objet une nouvelle habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance. Votre objectif est ici d'établir une règle commune et de supprimer la multitude de règles existantes, insupportables de votre point de vue. Or, la première fois que vous aviez demandé au Parlement une telle habilitation, c'était avec le dessein inverse de détricoter le code du travail pour qu'il y ait autant de règles différentes que d'entreprises. Cette contradiction montre clairement que l'habilitation à légiférer par ordonnance est devenue une habitude sous ce gouvernement, qui opère un dessaisissement total des pouvoirs du Parlement.
Nous réaffirmons par cet amendement notre opposition au recours aux ordonnances, qui nous paraît d'autant moins légitime que ce projet de loi porte sur un sujet aussi important que celui des retraites.
Monsieur Quatennens, vous suggérez que les ordonnances sont devenues une habitude, mais la seule pratique dans laquelle nous persévérons, c'est celle de la politique, qui consiste à définir le système cible. Tel était notre objectif. L'enjeu était celui de l'universalité : il fallait savoir qui serait inclus dans le système, avec quels taux, et comment réaliser la transition. Quant aux spécificités relatives à chaque régime et à tous les taux de cotisation appliqués aujourd'hui, elles ne me semblent pas relever de la compétence du Parlement, qui s'enferrait avec tous ces éléments techniques et les millions d'amendements qu'ils pourraient générer.
L'avis est donc défavorable.
Même s'il est tabou d'aborder les questions financières, j'aimerais tout de même comprendre comment votre dispositif s'équilibre, car il ne faudrait pas qu'il implique des charges supplémentaires pour les autres travailleurs. Le plan de financement semble s'appuyer à la fois sur un abattement forfaitaire de l'assiette et sur une augmentation des taux de cotisation, mais il reste un écart de 400 millions d'euros. Et comment arbitrez-vous les flux entre le budget de la sécurité sociale et le budget de l'État ?
Au sujet du régime des avocats, monsieur le rapporteur, vous affirmez qu'il est excédentaire du fait de la démographie. Mais qu'avez-vous à dire sur le déficit de 30 ou 40 milliards d'euros du régime des fonctionnaires, qui sera intégré au régime universel ? À terme, 10, 15 ou 20 ans après, cette charge deviendra considérable et chronique. J'aimerais également avoir votre éclairage sur ce point.
Vous affirmez, monsieur le rapporteur, que votre cible était l'universalité, les mêmes droits pour un euro cotisé. Le moins qu'on puisse dire, c'est que vous l'avez manquée – sans doute parce que tel n'était pas votre objectif véritable. L'universalité n'est que l'habillage d'une réforme qui vise à faire travailler les Français plus longtemps par la baisse du niveau des pensions et à encourager un recours massif à la capitalisation et ce, pour éviter d'organiser le partage de la richesse produite. Les Français l'ont bien compris, et les soixante jours de mouvement social y auront largement contribué.
Deux questions restent sans réponse. La première est celle du statut des travailleurs des plateformes : qu'adviendra-t-il de leurs droits à la retraite avec les nouvelles conditions ? La seconde est celle du financement de la transition. Vous dites que les caisses des professions libérales ne contribueront que si elles le souhaitent, mais vous nous devez plus d'explications sur l'impact financier de votre réforme. Qu'avez-vous l'intention de proposer aux caisses ?
J'avais compris que Mme Panot m'interrogeait sur les requalifications en contrat de travail pour les auto-entrepreneurs, mais je déduis de sa nouvelle intervention et de la question de M. Dharréville que l'interrogation porte plutôt sur la constitution de droits à retraite pour les travailleurs relevant de ce statut. Tout d'abord, ceux-ci ont bien des droits, puisqu'ils cotisent sur la base du revenu d'activité ou du chiffre d'affaires. Ils auront en outre la possibilité de choisir entre cotiser sur la base de 450 heures au SMIC ou 600 heures, l'assiette retenue pour les agriculteurs, ce qui leur permettra de bénéficier, dans le cadre du régime universel, du minimum de pension à 85 % du SMIC. La première option, avec des cotisations moindres, ouvrira bien sûr moins de droits.
Quant à la question de M. Woerth sur l'application d'un abattement pour le calcul de la CSG, j'y ai répondu à l'un des rares moments où il était absent, lorsque le sujet a été évoqué par M. Viry. Ce mode de calcul aura évidemment pour effet une baisse des ressources, mais je répète que le Gouvernement prend l'engagement de compenser cette perte et qu'il n'a pas l'intention de ponctionner le budget de la sécurité sociale.
La commission rejette les amendements.
Puis elle examine les amendements identiques n° 7467 de Mme Caroline Fiat, n° 7472 de Mme Mathilde Panot, n° 7474 de M. Adrien Quatennens et n° 7479 de Mme Bénédicte Taurine.
Par souci de cohérence, j'ai déposé un amendement de suppression de l'alinéa 2. En effet, chaque année – et mes collègues de la commission des affaires sociales, en particulier le rapporteur général, pourront en attester –, lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), il m'est reproché de ne pas détailler suffisamment l'argumentaire de mes amendements ou de ne pas les chiffrer avec assez de précision. L'exigence est légitime pour un texte de cette importance, et je travaille donc beaucoup pour améliorer la présentation de mes propositions, dans l'espoir qu'elles soient à la hauteur avant la fin de la législature. Je constate toutefois que pour votre part, sur un projet pourtant aussi important que le PLFSS, puisqu'il s'agit des retraites, vous n'apportez aucun détail, ni aucun chiffrage. Et il faudrait que je vous fasse confiance ? Je ne suis pas d'accord.
Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d'État, même si elle reste assez nébuleuse. Vous nous dites que les auto-entrepreneurs ont bien des droits, et qu'ils auront deux options, mais concrètement, vous acceptez donc que perdure une situation où des contrats de prestation de service viennent masquer un travail déguisé, que des cotisations échappent ainsi à ses caisses et que des grandes entreprises comme Uber, Deliveroo, Take Eat Easy bafouent le droit du travail français.
Je prendrai l'exemple d'un chauffeur de voiture de transport avec chauffeur (VTC) pour vous faire comprendre dans quelle situation ces travailleurs se trouvent et vous donner une idée de la retraite qu'il pourrait percevoir. Michaël, donc, chauffeur de VTC, se met à son compte comme auto-entrepreneur et utilise les petites applications pour trouver des clients. N'ayant qu'une minute pour m'exprimer, ce qui est un peu court, je développerai mon exemple dans ma prochaine intervention.
Vous revenez dans cet alinéa sur les réserves constituées par certains régimes, des fonds qu'il s'agirait de mobiliser pour financer la transition vers votre système de retraite par points. Or, ces excédents, qui s'élèvent à près de 127 milliards d'euros, devaient avoir pour fonction de pallier non pas les mauvais coups d'Emmanuel Macron, mais la modification de la trajectoire démographique. C'est bien plutôt à l'État qu'il revient d'amortir les conséquences de ce projet de réforme et de mobiliser les ressources financières pour la transition vers le nouveau régime universel, et c'est la raison pour laquelle nous ne cessons de vous interpeller sur cette question. En revanche, le Gouvernement devrait réfléchir davantage à sa politique d'exonérations sociales et fiscales qui creusent des trous dans la caisse alors que le déficit potentiel est de l'ordre de 8 à 17 milliards à horizon 2025.
Je vais répondre pour commencer à la question de M. Woerth sur le prétendu déficit de 40 milliards d'euros que l'État apporterait au régime universel, dont nous avons largement débattu le week-end dernier. Nous avons évoqué, notamment avec M. Coquerel, les cotisations fictives, terme consacré de la comptabilité publique. L'État ne s'acquitte pas de cotisations employeurs à proprement parler mais abonde un compte d'affectation spéciale Pensions pour financer les retraites. Cet abondement se transformera, pour une partie, en cotisations, et pour l'autre, en contributions d'équilibre. Le secrétaire d'État s'est bien engagé à maintenir ce versement le temps nécessaire à la transition. L'État, la collectivité ne doivent cependant pas intervenir uniquement pour absorber le déficit des régimes en difficulté, comme ce fut le cas dans les années 1990 pour les régimes spéciaux des banques. Parce que nous ne prétendons pas connaître l'évolution démographique des professions au cours du XXIe siècle, il nous semble pertinent de mutualiser les régimes spéciaux autonomes, pour que tous les actifs d'aujourd'hui et de demain paient pour toutes les pensions d'aujourd'hui et de demain.
Monsieur Quatennens, je suis un peu surpris de votre intervention au sujet des réserves, car vous proposez vous-même de capter ces 127 milliards d'euros pour financer le projet de votre parti. J'avoue que j'ai du mal à suivre votre raisonnement.
L'avis est donc défavorable.
Monsieur le rapporteur, les 127 milliards de réserves des différentes caisses sont en effet évoqués dans le contre-projet de La France insoumise, mais il n'est pas question pour nous de les mobiliser. Le chiffre est simplement utilisé comme ordre de grandeur. Nous rapportons ainsi les 8 à 17 milliards d'euros de déficit que voulez faire peser sur le dos des Français pour qu'ils acceptent de travailler plus longtemps à ces 127 milliards, aux 42 milliards d'encours bancaires des retraites chapeaux, ou encore aux 60 milliards de dividendes versés aux actionnaires. Ces dizaines de milliards permettent aux Français de relativiser et de relever la tête. Pour financer notre projet, nous nous appuyons sur la hausse des salaires et des cotisations, notre besoin correspondant à 2 points de PIB supplémentaires d'ici à 2040, ce qui est bien peu de choses en comparaison de nombre de points de PIB passés des poches du travail à celles du capital ces dernières années.
Je voudrais revenir à l'exposé sommaire des amendements qui nous sont proposés, et dont il n'a pas été question, ce qui montre bien qu'ils ont pour visée regrettable de nous empêcher de discuter du fond du texte. Il serait ainsi mensonger d'affirmer qu'un euro cotisé donne les mêmes droits à chacun. Je rappelle que le régime universel n'est pas uniforme : il comporte évidemment des dispositifs de solidarité, comme le système actuel. Sur les 320 milliards d'euros de pensions payées par an, 20 % relèvent en effet de la solidarité nationale, ce qui est une bonne chose.
Dans le nouveau régime, la solidarité joue notamment vis-à-vis des personnes handicapées. Le texte de loi simplifie par exemple l'accès à la retraite anticipée, une mesure très positive. Avec mes collègues mobilisés sur le sujet, nous avons, dans le cadre d'un dialogue étroit avec les associations, le Conseil national consultatif des personnes handicapées et le Gouvernement, fait des propositions pour que la solidarité soit renforcée : possibilité d'accéder plus tôt à la retraite anticipée et à la retraite progressive pour favoriser l'insertion dans l'emploi et la reconnaissance d'une pénibilité spécifique, achat de points de retraite à taux bonifié et de points de retraite pour les aidants.
Nous avons bon espoir que certaines de ces propositions aboutissent ; nous en saurons peut-être plus demain, lors de la clôture de la conférence nationale du handicap par le Président de la République. Nous y reviendrons également lors de l'examen des articles 29 et 30, qui traitent précisément de la retraite des personnes handicapées.
M. Quatennens défend avec force les réserves des caisses autonomes, notamment celles des avocats et des médecins, et je ne trouve rien à y redire. Le Gouvernement a néanmoins décidé de créer un Fonds de réserve universel (FRU) qui sera abondé, a priori, de 127 milliards d'euros – vous me corrigerez si je me trompe. À qui sera confiée la gestion de ce fonds ? Aux conseils d'administration des caisses ? Au Gouvernement ? Dans ce dernier cas, l'État ne sera-t-il pas tenté, si survient un cyclone économique ou financier, de siphonner le fonds, dont les actifs appartiennent pourtant aux caisses autonomes ?
Le député Michels ne manque pas d'air.
D'abord, il nous explique, alors que ça fait huit jours qu'on est dans le chaudron, qu'il va falloir attendre la parole providentielle, la parole présidentielle, demain, pour savoir si nous avancerons sur plusieurs sujets. Voilà qui démontre une fois de plus en quelle estime vous tenez le Parlement, considérant que l'essentiel se joue ailleurs, et non pas ici. Telle n'est pas notre conception du rôle du Parlement.
Ensuite, il nous explique que cette loi est extraordinaire, qu'un euro cotisé donnera les mêmes droits. Le débat que nous avons eu sur la baisse des cotisations pour les hauts revenus fait s'effondrer cette affirmation de justice. Et si cet exemple ne suffisait pas, nous en aurions bien d'autres.
Enfin, il nous dit qu'avec cette formidable réforme, il sera possible d'accéder plus rapidement à une retraite progressive. Or, à l'article 25, il est prévu de reculer l'âge d'entrée dans ce dispositif à 62 ans.
Ces trois arguments permettent de dire que votre réforme, ça ne fait décidément pas la rue Michel.
Monsieur Door, je vous renvoie à l'article 60 concernant la constitution du FRU : lui seront transférés les seuls actifs de l'actuel Fonds de réserve pour les retraites (FRR). Il n'y a donc pas d'ambiguïté sur ce point, et je vous invite à vous rapprocher de M. Cherpion, qui avait tout à l'heure le texte sous la main, pour vous reporter à l'exposé des motifs de l'article.
Au sujet du handicap, je me réjouis que le député Thierry Michels soit intervenu, car il est très engagé, à l'instar de nombreux autres parlementaires. J'ai eu la chance de m'entretenir avec eux de ces questions, et j'ai pu constater que ces préoccupations étaient partagées, y compris au sein d'autres groupes que ceux de La République en Marche et du Mouvement Démocrte. Monsieur Michels, vous avez appelé notre attention sur plusieurs amendements dont nous discuterons plus tard sur la nécessité de faciliter le maintien dans l'emploi des personnes en situation de handicap. Vous vous êtes notamment interrogé sur la possibilité d'une cessation progressive d'activité. Plusieurs groupes ont également relevé la situation des parents d'enfants handicapés, et des réflexions sont menées sur ce sujet avec plusieurs parlementaires. Alors que doit se clore cette semaine la Conférence nationale du handicap, il est important de consacrer du temps à ces questions, de poser les bases d'une solidarité qui nous importe à tous.
Chers collègues, en tant que présidente de la commission des affaires sociales, je peux témoigner de l'engagement, de l'implication de M. Michels depuis le début de son mandat pour défendre la cause des personnes handicapées. Si les désaccords sont possibles entre députés de sensibilités différentes – et il me semble qu'ils trouvent ici largement l'espace pour s'exprimer –, laisser entendre que ce dernier attendrait les ordres pour agir est à la limite de la décence.
La commission rejette les amendements.
Puis elle en vient aux amendements identiques n° 7484 de Mme Caroline Fiat, n° 7489 de Mme Mathilde Panot, n° 7491 de M. Adrien Quatennens et n° 7496 de Mme Bénédicte Taurine.
On ne cesse de répéter depuis plusieurs jours qu'un euro cotisé ouvre les mêmes droits, mais certains – ceux qui en auront les moyens – auront la possibilité de compléter leurs points par la capitalisation, autrement dit par des points capitalisés. Or, à mes yeux, un euro cotisé parce qu'on a travaillé n'a pas la même valeur « sociale » qu'un point capitalisé : travailler toute une carrière pour atteindre un nombre de points donné, ce n'est pas la même chose que d'acheter ces points. En outre, tout le monde n'a pas les moyens financiers de le faire, nombre de travailleurs n'ayant pas même les moyens de finir le mois dignement.
Je reprends l'exemple de Michaël, chauffeur de VTC. Celui-ci a investi dans un van haut de gamme de 27 000 euros. Il crée sa société en 2015, mais sa situation se dégrade progressivement. Au cours de l'année 2016, il se retrouve endetté jusqu'à ne plus pouvoir payer son loyer. Il est contraint de retourner vivre chez ses parents. Selon ses termes, Uber est une société de « foutage de gueule » qui promet des chiffres d'affaires faramineux à ses partenaires mais qui, en réalité, maltraite ceux et celles qui, de fait, occupent une position de salarié. Les travailleurs tels que Michaël qui se retrouvent avec un endettement très élevé ou qui, même s'ils parviennent à éviter cette spirale, touchent des revenus très bas, subissent des conditions de travail inadmissibles en France. Or vous acceptez non seulement que les plateformes continuent de procéder de la sorte avec des travailleurs auxquels on ne reconnaît pas les droits des salariés, mais vous ne faites rien pour leur retraite. En d'autres termes, tant que les plateformes séviront et se gaveront sur leur dos, ils pourront toujours crever la gueule ouverte !
Tout ce qu'il y a d'universel dans ce projet de loi, c'est la baisse des pensions et un allongement des carrières, alors qu'on pourrait créer un vrai régime universel avec des objectifs clairs tels qu'un départ à la retraite à 60 ans.
Vous n'avez d'ailleurs toujours pas répondu à cette question : vous paraît-il souhaitable de fixer un âge de départ qui permettrait d'arrêter de travailler avant la période où l'on connaît statistiquement les premiers pépins de santé ? Nous avons démontré qu'il est possible de le faire sans mobiliser beaucoup de ressources financières, à condition de considérer notamment que la hausse de la productivité que nous avons connue ces dernières décennies justifierait qu'on consacre quelques points supplémentaires de la richesse nationale aux retraites. Tout cela pourrait parfaitement être intégré dans l'universalité, à condition d'harmoniser par le haut. Le Premier ministre, dans son intervention à la télévision, comparait la situation des chauffeurs de bus de Bordeaux avec celle des chauffeurs de Paris. Il est évident que les premiers se satisferaient de pouvoir bénéficier des conditions plus favorables de leurs collègues parisiens.
L'amendement vise à supprimer l'alinéa 3, qui prévoit l'adaptation des dispositions relatives aux assiettes de cotisations et contributions sociales mentionnées à divers articles du code de la sécurité sociale, ce à quoi nous sommes opposés.
Comme je l'ai indiqué précédemment, la transition prévue à l'article 21 étant très technique, la méthode la plus efficace est de procéder progressivement par voie d'ordonnance.
L'avis est donc défavorable.
J'ai bien perçu le reproche que vous m'avez adressé, madame la présidente ; permettez-moi donc de préciser mon propos. Le député Michels est reconnu depuis longtemps pour le sérieux et la conviction avec lesquels il travaille sur la question du handicap. Le député Dharréville a quant à lui commis un rapport sur les aidants familiaux qui a fait date et qui a suscité le consensus. Je suis moi-même l'auteur d'un rapport de commission d'enquête sur l'inclusion scolaire des élèves handicapés qui comprend cinquante-sept propositions et qui a été adopté à l'unanimité. J'ai également le souvenir qu'Aurélien Pradié ou Christophe Bouillon, pour mentionner d'autres groupes politiques, ont aussi beaucoup oeuvré dans ce domaine.
La seule question de fond est de savoir qui, du Parlement ou du Président de la République, doit trancher sur tous ces sujets. Nous sommes ici pour réfléchir à la protection sociale de demain, une réflexion qui doit inclure la situation des personnes handicapées. Or, et c'est ce que j'ai voulu dire tout à l'heure, il n'est pas question que la seule parole présidentielle, qui parfois rappelle à l'ordre et à d'autres moments distribue les bons points, règle ces affaires en dehors du Parlement. Et quand vous multipliez les actes qui dessaisissent les parlementaires de l'exercice du pouvoir pour lequel ils ont été élus, vous affaiblissez le Parlement.
La commission rejette les amendements.
Puis elle examine les amendements identiques n° 7501 de Mme Caroline Fiat, n° 7506 de Mme Mathilde Panot, n° 7508 de M. Adrien Quatennens et n° 7513 de Mme Bénédicte Taurine.
Par cet amendement qui tend à supprimer l'alinéa 4, nous rendons hommage à la très forte mobilisation des avocats, qui dure depuis plusieurs semaines, et qui est remarquable d'inventivité. Ils pointent notamment le doublement de leurs cotisations, et ont tenté par tous les moyens – chanson, chorégraphie, jeté de robes, haka – de vous faire savoir qu'ils voulaient le retrait de la réforme. Les avocats cotisent en moyenne à hauteur de 14 % aujourd'hui. Faire passer ce taux à 28 % reviendra à faire peser l'effort sur ceux qui ont les plus petits revenus, c'est-à-dire ceux qui font de l'aide juridictionnelle. Au-delà du fait que cette réforme rassemble les avocats contre elle, elle aura un impact sur l'accès au droit des citoyens : la hausse du taux de cotisation va éloigner les justiciables des avocats de proximité et entraîner une augmentation des honoraires. Cette mise en danger des services à la population risque de se produire également dans le secteur de la santé. Écoutez donc le peuple qui, dans sa majorité, veut le retrait de cette réforme.
Nombre de professions ne savent plus quoi faire pour appeler l'attention du Gouvernement. Il est très inhabituel de voir les avocats de ce pays mobilisés avec une telle force. Qu'ils en viennent à jeter leur robe aux pieds de leur ministre de tutelle, que d'autres professionnels reproduisent le même geste avec leur uniforme de travail montre bien qu'un seuil critique a été franchi. Or face à ces gestes, le Gouvernement demeure inflexible. La lutte s'étirant sur la durée, il faut bien essayer d'y insuffler un peu de légèreté, mais il ne s'agit pas pour ces professionnels de s'amuser : leur seul objectif est d'appeler votre attention sur le désastre social que vous provoquerez dans bien des secteurs d'activité si vous imposez de force cette réforme, qui est une véritable usine à gaz. Ce n'est pas tous les jours qu'on voit les avocats se mobiliser au côté des énergéticiens, des cheminots et de tous les autres travailleurs, et cette mobilisation exemplaire doit être saluée.
Nous souhaitons supprimer l'alinéa 4, car nous considérons qu'avec la modification du taux de cotisation prévue par le Gouvernement, bon nombre d'avocats risquent de se trouver dans l'impossibilité d'exercer.
Je ne sous-estime pas les enjeux de la réforme pour les avocats, mais il me semble que celle-ci cristallise les mécontentements de la profession face aux difficultés qu'elle rencontre aujourd'hui. Si certains avocats, parfois stars du barreau, gagnent bien leur vie, la situation économique de nombre d'entre eux s'est dégradée, peut-être en raison d'une moindre reconnaissance, ou d'une modification de leur statut dans l'esprit des gens. La question du statut et de la rémunération des avocats est donc un réel enjeu de politique publique, et mérite une attention particulière. Toutefois, cette situation interfère avec la question des retraites, et les reproches faits à cette réforme dépassent en réalité largement ce sujet, ce qui fait aussi partie du jeu politique.
Quant à l'alinéa visé par ces amendements de suppression, il précise le champ de l'ordonnance ; l'avis est donc défavorable.
Nous souhaitons pour notre part faire perdurer un certain nombre de régimes autonomes. Le système universel ne doit s'appliquer que dans la limite de 1 PASS. Cela couvrirait déjà beaucoup de monde. Il ne sert à rien de supprimer les régimes autonomes pour les rassembler au sein d'une maison commune au motif qu'ils peuvent, un jour, rencontrer des difficultés. C'est une drôle de manière de voir les choses. Si toutes les retraites finissent par être financées par l'impôt et non plus par les cotisations, ce sera un tout autre système.
Cette réforme est par ailleurs envisagée dans un contexte de malaise, alors que certaines professions se sentent menacées par l'intelligence artificielle et que nombre de tâches pourront être accomplies par des robots plutôt que par des humains – je vous renvoie au très bon article paru ce matin dans Le Figaro. Cette évolution est terrorisante. Notre tour viendra : un jour en effet, les décisions du Gouvernement seront remplacées par des algorithmes, en fonction d'une multitude de sondages, sans que l'on sache où le facteur humain perdurera.
Il était donc inutile de déstabiliser plus encore ces professions, et pour rien, puisque le système universel tel que vous le concevez est largement inutile. Vous pouviez mettre un terme à des injustices sans vous saisir d'un énorme marteau pour écraser quelques mouches.
Je rejoins le rapporteur sur un point : la profession d'avocat recouvre en effet des situations extrêmement différentes, des stars du barreau à leurs confrères qui s'en sortent difficilement. Je suis en revanche en désaccord avec lui lorsqu'il dit que la réforme interfère avec d'autres éléments qui expliquent leur mobilisation. Ils veulent très clairement le retrait de la réforme comme ils le font savoir à chaque fois qu'ils sont reçus par le Gouvernement ou à l'occasion des actions chocs qui se multiplient dans tout le pays. On ne peut pas écarter cette revendication d'un revers de la main. En outre, dans la mesure où cette réforme va d'abord toucher les avocats qui exercent une mission au titre de l'aide juridictionnelle, c'est-à-dire les plus pauvres d'entre eux, c'est finalement tout le système judiciaire qu'elle va remettre en cause. Ce sera un obstacle de plus pour les personnes les plus précaires qui ont déjà du mal à recourir aux services d'un avocat. C'est aussi cela que refusent les avocats et c'est tout à leur honneur.
Au lendemain de l'élection présidentielle, les avocats n'étaient pas les plus inquiets. Ils étaient plutôt ouverts. Mais, depuis, des mesures les fragilisant chaque jour un peu plus, leur sont tombées sur la carafe. Ainsi, la réforme de la justice, qui a vidé les tribunaux de plein exercice de leurs compétences, fait très mal dans les barreaux des villes moyennes. Et votre texte qui va casser leur caisse autonome de retraite va frapper notamment les avocats exerçant dans ces villes, et dont le chiffre d'affaires ne permettra pas d'amortir le choc de la réforme. Leur colère et leur désespérance ne sont pas feintes. Ils sortent de chaque réunion de concertation avec le sentiment d'avoir été un peu plus humiliés, ce qui renforce leur opposition au projet.
Le problème vient de ce que bien souvent, votre majorité n'anticipe pas les conséquences de ses décisions, comme on a pu le voir récemment encore à propos d'un amendement portant sur le congé de parents d'enfants décédés. En l'occurrence, vous allez porter atteinte à l'attractivité de la profession d'avocat, aujourd'hui confrontée à un certain nombre de problématiques. Les avocats l'ont bien compris. Je salue ceux du barreau de Valenciennes qui vous le disent au travers d'un clip sympathique intitulé « Balance ta robe ». Si demain, il y a moins d'avocats, cela signifiera moins d'accès à la justice pour des populations qui peuvent en avoir besoin.
La commission rejette les amendements.
Elle est ensuite saisie de l'amendement n° 22657 du Gouvernement.
Cet amendement, qui porte sur le taux d'abattement, va permettre de répondre à une partie des inquiétudes exprimées par certaines professions libérales au sujet de l'augmentation de leur taux de cotisation d'assurance vieillesse. Elles attendent une révision de l'assiette de CSG qui leur est applicable. L'amendement précise le taux d'abattement qui sera applicable aux revenus dits « super-bruts » des travailleurs indépendants, en vue de mener à bien la réforme de simplification de leur assiette de cotisations contributives. Dès le début des concertations avec Jean-Paul Delevoye, il avait été envisagé de rééquilibrer les choses entre la cotisation vieillesse, dont le taux va être aligné sur celui du système universel, et l'assiette de la CSG. Le rapporteur a bien montré combien il était compliqué pour un travailleur indépendant de calculer le montant de ses charges sociales. Nous proposons que le taux d'abattement applicable à ces revenus « super-bruts » soit fixé à 30 %.
Cela ne correspond pas à la demande des indépendants. Vous allez déshabiller Jacques pour habiller Paul : vous utilisez en effet les abattements pour compenser la mise à sac de leur système de retraite. Outre que ces abattements vont occasionner un manque à gagner pour les caisses de l'État, vous ne répondez pas à l'inquiétude relative à la sécurisation des retraites des indépendants. Résultat : si un tel abattement va amortir un peu le choc, leur système de retraite va évoluer vers la capitalisation. Telle est la logique que vous mettez en oeuvre ! Elle est en l'espèce tout à fait éclairante.
En tant qu'ancienne indépendante, je salue cette décision car des inquiétudes s'étaient exprimées sur ce point. Cette circularité de la CSG était incompréhensible. Harmoniser son assiette va également faciliter les choses au quotidien, ne serait-ce que d'un point de vue comptable et pour connaître le niveau des rémunérations. Cet abattement était également très attendu par des professions avec lesquelles nous vous savons en discussion. Les avocats seront ainsi rassurés de pouvoir compter sur les 6 points de baisse de charges que cela représente.
Il va y avoir, nous dit-on, un jeu de vases communicants entre la CSG et les comptes de la branche vieillesse de la sécurité sociale. Commissaire aux finances, j'ai cependant l'habitude de réfléchir, toutes administrations publiques confondues, c'est-à-dire en considérant le budget de l'État dans sa globalité. La mesure ne me semble donc poser aucun problème. Ce n'est que de la tuyauterai budgétaire : le milliard en question ne disparaîtra pas. Merci encore d'avoir prévu dans le texte cette importante disposition.
Monsieur le secrétaire d'État, si votre amendement semble de nature à rassurer le monde des avocats, force est de constater qu'ils ont confirmé dans un communiqué récent leur opposition totale à cet abattement de 30 % sur l'assiette. Ils réclament à nouveau une baisse des cotisations pesant sur leurs revenus jusqu'à 1 PASS. Ils veulent en rester à 14 %, car l'augmentation prévue va condamner beaucoup de jeunes avocats et de petits cabinets.
Vous avez raison de souligner, monsieur le rapporteur, que la problématique à laquelle la profession d'avocat est confrontée est beaucoup plus large que celle des retraites. Techniquement, en effet, l'abattement de 30 % compensera l'augmentation des cotisations jusqu'en 2029. Celle de 5,6 % prévue entre 2029 et 2040 sera compensée par plusieurs mécanismes. Enfin, à l'occasion de cette réforme, des discussions sont engagées visant à accompagner les plus petits cabinets, ceux qui se trouvent dans les situations les plus précaires, en vue de renforcer leur position et de leur permettre d'exercer mieux leur activité. Tout cela devrait rassurer les avocats. La question est davantage celle des relations de cette profession avec les autorités et avec le Gouvernement.
Je le répète, nous avons reçu tous les représentants des professions libérales et indépendantes. Comme l'avait fait mon prédécesseur Jean-Paul Delevoye, mon équipe et moi-même nous sommes très fortement impliqués dans ces rencontres. Personne n'a trouvé porte close. Personne ne peut dire qu'il n'a pas pu échanger avec nous, notamment à partir des cas-types qu'ils avaient eux-mêmes commandés.
La mesure que je vous propose d'adopter n'aura pas d'impact sur les charges de 75 % d'indépendants. Dans 5 % des cas, elle fera baisser les charges ainsi que, mais moins fortement, les prestations – je vous renvoie à l'exemple donné ce matin à M. Door s'agissant des médecins. Dans 20 % des cas – qui correspondent à certains parcours-types d'avocats –, elle aura pour conséquence une légère augmentation des charges qui doit être considérée au regard de la baisse de CSG et de l'augmentation, de l'ordre de 3 % à 5 %, de la cotisation au titre de l'assurance vieillesse, qui sera étalée sur quinze ans. Cette évolution s'accompagnera d'une augmentation plus importante en proportion des prestations en matière de retraite, comme l'ont constaté l'ensemble des indépendants que nous avons rencontrés.
Il nous faut continuer à rassurer, notamment les avocats, et à travailler avec eux sur les équilibres. L'inquiétude exprimée par certains indépendants est en partie liée en effet à leur capacité à faire face demain à l'évolution de leur environnement, aux éventuelles charges et au développement de leur chiffre d'affaires et donc de leur rémunération. Tel est le débat qui est parfois remis sur la table au travers du dispositif que nous proposons en matière de retraite.
Tout a été dit. En tant qu'agriculteur, il me fallait, de façon circulaire, connaître mes cotisations pour les calculer. Un abattement de 30 % sur l'assiette de calcul des cotisations et de la CSG sera favorable dans bon nombre de cas, et compensera en tout cas l'augmentation des cotisations retraite.
Mon avis est donc évidemment favorable.
La commission adopte l'amendement.
La réunion, suspendue à dix-sept heures vingt, est reprise à dix-sept heures quarante.
La commission examine les amendements identiques n° 7514 de Mme Clémentine Autain, n° 7518 de Mme Caroline Fiat, n° 7521 de M. Jean-Luc Mélenchon, n° 7523 de Mme Mathilde Panot et n° 7530 de Mme Bénédicte Taurine.
Je reviens sur l'amendement du Gouvernement qui, à la relecture, me pose un problème. Il vise en effet, à l'alinéa 4, après le mot : « sociales, », à insérer les mots : « sur lequel est appliqué un abattement de 30 % dans la limite d'un montant tenant compte des cotisations sociales dues ». Or il me semble qu'il faudrait plutôt écrire « sur laquelle », eu égard à la rédaction de l'alinéa. À moins que je n'aie pas compris le sens précis de votre amendement.
Par ailleurs, cet abattement de 30 % portera-t-il sur les revenus au-delà de 3 PASS ? Si tout le monde est concerné, certains y gagneraient, ce qui serait étrange et incohérent par rapport à votre propre logique.
Monsieur le rapporteur, vous nous avez dit que les avocats n'étaient pas seulement en grève à cause du projet de loi sur les retraites. Mais d'autres travailleurs indépendants se mobilisent aussi, je pense notamment à ceux relevant du secteur de la santé. Certes, des négociations sont ouvertes, mais ils quittent chaque fois la table sans avoir obtenu aucun résultat parce que vous ne les entendez pas ou que vous ne leur apportez pas les bonnes réponses.
Nous souhaitons donc, par cet amendement, supprimer l'alinéa 5.
L'alinéa 5 s'entend comme une application résultant « [...] du a du présent 2°, [...] », c'est-à-dire de l'alinéa 4, qui comporte désormais, en raison de l'adoption de l'amendement du Gouvernement, un abattement de 30 % sur les bases concernées. Je trouve tout d'abord particulièrement injuste que l'on mette sur le dos de tous les autres assurés sociaux les problèmes que soulève le régime d'une catégorie professionnelle particulière. Rappelons que, dans la longue histoire des cotisations sociales, certaines catégories, à l'origine, n'ont pas souhaité, comme c'était leur droit, participer au régime général de la sécurité sociale ; elles ont par la suite changé d'avis. Le bénéfice des 30 % d'abattement est-il étendu aux chefs d'entreprises agricoles ou maritimes ?
S'agissant des ordonnances, le Conseil d'État souligne : « [...] que le fait, pour le législateur, de s'en remettre à des ordonnances pour la définition d'éléments structurants du nouveau système de retraite fait perdre la visibilité d'ensemble qui est nécessaire à l'appréciation des conséquences de la réforme et, partant, de sa constitutionnalité et de sa conventionalité [...]. »
En outre, compte tenu de la façon dont s'est déroulée la réforme de l'assurance chômage, qui avait vu l'ensemble des syndicats quitter la table de négociation, et du décret passé cet été en catimini qui exclut de l'indemnisation des centaines de personnes, nous n'avons pas vraiment confiance dans le dialogue social que mène le Gouvernement avec les partenaires sociaux.
Les avocats nous ont indiqué que leur retraite moyenne s'élève à 2 130 euros nets par mois et qu'un avocat percevant 3 700 euros bruts par mois cotise à l'assurance vieillesse au taux de 14 %. Avec la réforme, qui s'étalerait sur quinze ans, ce taux passerait à 28 %. Surtout, selon des députés proches du Gouvernement, une partie des réserves constituées par ces professionnels, d'environ 2 milliards d'euros, pourrait être utilisée pour atténuer la hausse des cotisations. Est-ce exact ?
Madame Autain, il s'agit bien du mot « lequel », qui se rapporte au bénéfice mentionné au début de la quatrième ligne de l'alinéa 4. Mais peut-être faudra-t-il en effet revoir la rédaction pour la rendre plus claire.
Monsieur Mélenchon, je vous confirme que les revenus maritimes et agricoles bénéficieront bien de l'abattement de l'assiette de la CSG. À l'alinéa 5, le b renvoie au fait que ces contributions seront calculées sur une assiette proche ou identique à celle des cotisations sociales résultant du a.
30 % d'abattement de l'assiette en question. L'économie en découlant permet donc de porter le taux de cotisation vieillesse à 28 %. Compte tenu de la baisse induite par la baisse de la CSG, l'opération sera neutre pour 75 % des indépendants, comme l'a expliqué le secrétaire d'État.
Les réserves des caisses autonomes peuvent évidemment être utilisées, mais cela ne constitue pas une obligation, par les professions concernées pour adoucir la transition prévue.
Je suis défavorable à ces amendements de suppression de l'alinéa 5.
Nous avons l'impression que les choses essentielles se discutent ailleurs, au sein de la conférence de financement ou au travers du dialogue à géométrie variable établi avec les uns et les autres, ce qui complique notre tâche.
La spécificité du métier de marin vous a conduit à l'écarter de l'universalité, ce qui constitue d'ailleurs un aveu du caractère négatif de la réforme. L'abattement d'assiette de CSG est-il néanmoins prévu ?
Les membres du conseil d'administration de l'Établissement national des invalides de la marine, M. Jacques Schirmann, président de la Fédération nationale des pensionnés de la marine marchande, les syndicats représentant les marins du commerce et du trafic transmanche, les marins-pêcheurs sont-ils étroitement associés à ces réflexions ? Pas un des professionnels du secteur que j'ai contactés ne m'en a parlé. Il faut que le Parlement soit éclairé sur ce point.
Monsieur le rapporteur, vous confirmez donc que l'amendement n° 22657 du Gouvernement s'appliquera aux professions visées aux articles L. 136-3 et L. 136-4 du code la sécurité sociale, c'est-à-dire aux chefs d'entreprises agricoles et maritimes.
Leur taux de cotisation vieillesse va donc être porté à 28 % et leur assiette de CSG soumise à un abattement de 30 %. Avaient-ils bien compris ce dispositif, qui les place dans la même position que les avocats ? Combien cela coûtera-t-il à la sécurité sociale, car cela va concerner quelques centaines de milliers de personnes ? Les cotisations qu'ils ne verseront plus devront en effet être compensées soit par les autres assurés sociaux, soit par les caisses de l'État. Combien de milliards cela représente-t-il ? Ne doit-on pas être surpris que vous ne l'ayez pas indiqué lorsque vous avez défendu l'amendement ?
Je vais essayer d'éclairer nos collègues : à la page 423, l'étude d'impact, que vous avez sûrement lue, précise que « [...] les cotisations des indépendants calculées sur leur revenu, net de ces cotisations, représentent, même à taux égal, un poids moindre que celui des cotisations acquittées par les salariés et leurs employeurs sur la base d'un revenu brut. Il en résulte une moindre contribution aux différents risques sociaux, susceptible de soulever des questions d'équité et ayant pour effet de limiter la constitution de leurs droits dans le cadre du système universel de retraite. [...] Aussi, pour un même revenu net donné, un travailleur indépendant acquitte moins de cotisations sociales mais davantage de CSG et de CRDS qu'un salarié. »
Il est donc possible de relever de 14 % à 28 % le taux de cotisation retraite en réduisant la partie CSG et contribution pour le remboursement de la dette sociale tout en faisant en sorte que le travailleur indépendant ne voit pas augmenter l'ensemble de ses cotisations.
Il faut répondre à la question de M. Mélenchon, que nous avons d'ailleurs également posée à plusieurs reprises : combien ça coûte ? Vous allez en effet priver une autre branche de la sécurité sociale d'une partie de ses recettes. Certes, il s'agit de caisses autonomes. En tout état de cause, je n'avais pas compris que certaines branches disposaient de recettes excédentaires qu'il fallait abandonner.
Je comprends les avocats, qui invoquent le caractère réversible du dispositif : ce que vous vous proposez de faire, un projet de loi de financement de la sécurité sociale pourra, un an après, le défaire. Ils n'ont aucune garantie pour l'avenir. Et, encore une fois, tout cela ne sert à rien. Je pourrais comprendre si le système était véritablement universel, dans l'intérêt général : or ce n'est pas le cas. C'est que pour la beauté du geste. Il faut s'attaquer aux poches d'injustice les plus criantes, que l'on a déjà identifiées. Votre régime pose plus de problèmes qu'il n'en résout. Quant à se projeter dans trente ou quarante ans, les choses auront alors beaucoup évolué et nombre de gouvernements auront apporté des modifications. Il sera évidemment possible de faire machine arrière.
La commission rejette les amendements.
Puis elle examine les amendements identiques n° 7531 de Mme Clémentine Autain, n° 7535 de Mme Caroline Fiat, n° 7538 de M. Jean-Luc Mélenchon, n° 7540 de Mme Mathilde Panot et n° 7547 de Mme Bénédicte Taurine.
Je vous remercie d'avoir apporté la précision que je vous demandais. J'imagine que vous allez proposer une nouvelle rédaction de l'amendement en question. Il s'agit donc bien d'un abattement de 30 % sur les bénéfices. Je m'étonne d'être la seule à avoir remarqué ce point. Je me demande si tout le monde suit bien l'ensemble de nos travaux ou si, chers collègues de la majorité, vous votez de façon aveugle.
En revanche, je réitère ma question éminemment politique : l'abattement concernera-t-il l'ensemble des indépendants ou uniquement celles et ceux dont les revenus sont inférieurs au plafond des 3 PASS, c'est-à-dire ceux qui gagnent moins de 10 000 euros par mois ? Cette césure est importante puisque c'est celle prévue par votre régime de retraite au sein duquel ceux dont les revenus excèdent ce plafond ne seront pas assujettis au même niveau de cotisation que les autres et échapperont au régime général.
Nous demandons la suppression de l'alinéa 6, qui suscite de nombreuses questions. Ainsi que nous le répétons depuis le début, il faut revoir votre copie et revenir avec un texte apportant des réponses.
La question posée par Mme Autain est très importante : ceux dont les revenus excédent les 3 PASS auront-ils également droit à un abattement de 30 % ? J'ai bien noté que l'ensemble était calculé sur les bénéfices et non sur la base sur laquelle sont établis les droits à la retraite des indépendants. Si ce n'est pas le cas, je suis preneur de vos explications.
Si vous appliquez le même dispositif aux entreprises agricoles et aux entreprises maritimes, je vous pose la même question : quid des revenus excédant ce même plafond de 3 PASS ? Combien ça coûte ? Quel est le surcoût induit pour les autres branches de la sécurité sociale ? Le président de la commission des finances, si j'ai bien compris, n'est pas au courant. Est-ce que quelqu'un l'est ? Le Gouvernement, qui a déposé l'amendement n° 22657, doit bien avoir une idée de ce que coûte le dispositif.
Les questions de mes collègues Clémentine Autain et Jean-Luc Mélenchon soulèvent celles de la crédibilité et de la sincérité des débats parlementaires. Sans réponse, vous allez, chers collègues, voter un article qui habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance sans que nous ayons pu comprendre les limites du dispositif proposé.
Nous demandons la suppression de l'alinéa 6 de l'article 21, qui indique que le Gouvernement est habilité à prendre par voie d'ordonnance toute mesure visant à prévoir « les conditions et modalités selon lesquelles une partie de la cotisation d'assurance vieillesse des travailleurs indépendants peut être prise en charge par un tiers ». À l'image de mes collègues, cette disposition me laisse perplexe.
Je reconnais le caractère très technique de cette mesure. Je vais m'attacher à expliquer un élément de comptabilité – il faut avoir fait des fiches de paie pour le comprendre.
Si vous êtes salarié, vous calculez vos cotisations sur votre salaire brut – à partir duquel, si vous retranchez les cotisations maladie et vieillesse ainsi que la CSG, vous obtenez votre salaire net. Viennent s'y ajouter les charges patronales : l'entreprise qui vous emploie supporte bien le coût complet du salaire net, des cotisations salariales et des cotisations patronales ; mais pour le salarié, la CSG est calculée sur le salaire brut.
Si vous êtes indépendant – je parle en connaissance de cause, puisqu'en tant qu'agriculteur j'ai régulièrement essayé de comprendre le résultat que me présentait mon comptable –, vos cotisations sont calculées sur le super-brut, c'est-à-dire sur le salaire brut auquel s'ajoutent les cotisations patronales. La base de calcul est donc différente pour les salariés et pour les indépendants, et ces derniers revendiquent depuis longtemps qu'elle soit harmonisée. Cependant, c'est plus simple à dire qu'à faire d'un point de vue technique. Par exemple, s'agissant des agriculteurs – c'est la situation que je connais le mieux –, les taux d'appel des cotisations retraite sont de l'ordre de 16 %. Pour passer de 16 à 28 % – le taux global du système universel –, l'écart est en effet important. Pour réaliser le changement de taux de l'ensemble des indépendants, il a donc été proposé que soit mis en place un abattement de l'assiette de 30 %, qui s'appliquera à l'ensemble des cotisations. Cet abattement correspond à l'augmentation de cotisation liée à l'uniformisation du taux. Pour les indépendants autour de 1 PASS, c'est un jeu à somme nulle. Vous avez soulevé le cas des agriculteurs à 3 PASS ; je pense qu'en France, on doit pouvoir les compter sur les doigts de quelques mains...
Je veux bien vous croire. Toujours est-il qu'il peut y en avoir, parmi les agriculteurs mais surtout parmi l'ensemble des indépendants. Voici ce que dit l'amendement n° 22657 présenté par le Gouvernement : « à l'alinéa 4, après le mot : "sociales", insérer les mots : "sur lequel est appliqué un abattement de 30 % dans la limite d'un montant tenant compte des cotisations sociales dues" », ce qui correspond à l'équivalent de 1 PASS. Le plafond va donc être fixé au niveau de 1 PASS, pour éviter que ceux qui sont à 3 PASS bénéficient d'un « super-gain » de 30 % d'abattement de cotisations – comme vous le pointez à juste titre. Cette mesure concernera les indépendants.
Monsieur Jumel, vous nous avez interpellés sur les pêcheurs. Vous dites que nous les avons épargnés. Mais nous n'« épargnons » personne, car ce terme pourrait donner l'impression qu'il s'agit d'un sacrifice ; or ce n'est pas le cas. Il faut reconnaître que du fait de l'ancienneté de leur statut – remontant pour une partie d'entre eux à l'ordonnance de Colbert prise en 1681 –, et parce que les dernières réformes n'ont pas voulu traiter leur cas, ils se trouvent parmi ceux qui sont les plus éloignés du système cible. Ils sont donc visés par des mesures spécifiques de rapprochement – plus le marin est loin de sa destination, plus nombreuses seront les fois où il devra vérifier son cap...
Oui, quand on approche de la côte. Pour le moment, on en est loin. (Sourires.)
Monsieur Woerth, je vais reprendre l'exemple de M. Mélenchon sur les agriculteurs. Vous dites que le système que nous voulons mettre en place est inutilement universel. Aujourd'hui, il y a beaucoup d'agriculteurs qui gagnent peu, et il y en a qui gagnent honnêtement leur vie – j'ai eu la chance d'en faire partie. Tel qu'était fait le système, le régime spécial agricole devait assurer à lui seul la solidarité avec les agriculteurs – certes, le régime général abondait la trésorerie de la mutualité sociale agricole, mais sur des bases minimales. Pour les agriculteurs, le système était donc spécialement redistributif, et non pas proportionnel : les cotisations des agriculteurs au revenu moyen mais correct finançaient de manière ultra-redistributive la retraite des agriculteurs les plus modestes. Il me semble important que l'ensemble des actifs participent à la solidarité vis-à-vis des agriculteurs –comme des autres catégories de travailleurs – et au financement de leurs retraites. Il ne faut pas seulement considérer les situations favorables.
Avis défavorable aux amendements.
L'amendement n° 22657 du Gouvernement, qui fait à nouveau l'objet d'une discussion, pose deux problèmes principaux.
Sur la forme, il confirme ce que nous disons depuis quelques jours : le texte n'était absolument pas prêt. Si le Gouvernement se trouve obligé de modifier par amendement certaines de ses dispositions pendant l'examen en commission, c'est qu'il n'est pas abouti.
Sur le fond, vous nous dites que vous allez procéder à un abattement sur l'assiette des cotisations et contributions sociales des travailleurs indépendants, et que cela sera fait de manière irréversible. Monsieur le secrétaire d'État, je ne crois guère en ce terme. Au-delà de ça, qu'en est-il de la « loi Veil » de 1994 ? Normalement, toute perte de contribution doit être automatiquement compensée par l'État.
Merci, monsieur le rapporteur, d'avoir, en expert du domaine, éclairé un aspect du problème avec beaucoup de précision. Cependant, et je récapitule pour que tout le monde suive, les taux de cotisation des entrepreneurs agricoles ou maritimes vont passer de 16 à 28 %. Je crois comprendre qu'ils n'avaient pas tout à fait saisi les choses de cette manière. Vous nous dites que cette augmentation sera compensée par le fait qu'une part de leurs bénéfices ne sera pas soumise à cotisation ; d'ailleurs, vous avez changé la grille de calcul de leurs cotisations en cessant de comptabiliser leurs conjoints collaborateurs dans le calcul de leur revenu total. Une autre information manquait, celle que vient d'évoquer notre collègue Mme Dalloz : dans la « loi Veil », il est dit que toute exonération de cotisation sociale doit être compensée à l'euro près par le budget de l'État. À supposer que l'on soit d'accord pour que le paiement de ces opérations – qui viennent d'être improvisées cette semaine dans le projet de loi – soit transféré sur le régime général de tous les salariés, il ne me semble pas abusif de demander quel en sera le coût, puisque tous les autres secteurs – à commencer par la santé – auront à le supporter. D'ailleurs, monsieur le rapporteur, pouvez-vous nous expliquer quelle est cette philosophie qui consiste à proposer que les gens paient davantage pour leur retraite mais moins pour leur santé ? Comment pouvez-vous établir un rapport – autre que comptable – entre les deux ?
Le dispositif que vous proposez paraît en effet particulièrement alambiqué. Vous introduisez des correctifs de correctifs et une réduction de l'assiette pour augmenter le taux, selon un jeu de vases communicants entre des cotisations qui n'ont pas toutes le même objet ; on ne voit pas comment tout cela pourrait tenir la route. Au bout du compte, on a un peu de mal à y retrouver ses petits. Ce que l'on comprend, c'est que vous jetez le filet assez loin, pour reprendre votre métaphore maritime, et que vous le ramenez progressivement ; on voit bien que les choses sont amenées à évoluer mais il est très difficile de savoir comment.
S'agissant de l'impact financier de ces mesures, je pense qu'il serait utile que vous nous fournissiez des informations un peu plus précises que celles dont vous disposez actuellement, de sorte que nous puissions en mesurer l'impact sur l'ensemble des comptes publics.
La commission rejette les amendements.
Puis elle adopte l'article 21 modifié.
Article 22 : Dispositions relatives à l'assiette minimale des travailleurs non-salariés
La commission examine les amendements identiques n° 7787 de Mme Clémentine Autain, n° 7791 de Mme Caroline Fiat, n° 7794 de M. Jean-Luc Mélenchon, n° 7796 de Mme Mathilde Panot, n° 7803 de Mme Bénédicte Taurine, n° 21105 de M. Boris Vallaud et n° 22234 de Mme Marine Le Pen.
Monsieur Turquois, et monsieur le secrétaire d'État, j'ai posé deux fois une question politique majeure, à l'impact financier important, et je n'ai toujours pas obtenu de réponse. Je la réitère donc : est-ce que l'abattement de 30 % que vous venez de faire valider par votre amendement n° 22657 va concerner tous les indépendants, y compris ceux situés au-dessus de 3 PASS, ou seulement ceux qui se trouvent en-dessous de 3 PASS ? Pardonnez-moi, mais ce n'est pas une question anecdotique.
Nous disposons d'un beau triptyque : « liberté, égalité, fraternité » ; par souci d'égalité, nous proposons de supprimer l'article 22, qui prévoit de permettre aux travailleurs indépendants de cotiser plus que prévu pour acquérir davantage de points retraite, mais aussi la fixation d'un seuil plancher de cotisation – fixé par décret – dû par les chefs d'exploitation ou d'entreprise. Ainsi, les travailleurs indépendants, qui se caractérisent par leur précarité mais aussi par l'irrégularité de leurs revenus, pourraient acheter volontairement des droits supplémentaires à ceux ouverts naturellement par leur rémunération. Nous nous opposons à ce système dérogatoire qui revient à permettre à certains d'acheter des droits alors que d'autres devront se contenter de ce que la loi prévoit. Il n'y a rien d'égalitaire dans cette mesure, d'où cet amendement de suppression.
Cette histoire devient un peu délicate. Voilà maintenant une catégorie qui peut acheter des points ? Nous allons dans une direction délétère. Demain, tous les salariés pourront demander à racheter des points ?
Comment cette affaire-là pourra-t-elle s'intégrer dans l'équilibre général ? Si vous augmentez les droits de gens sans connaître le résultat à la sortie, qui prendra en charge la différence éventuelle ?
Ce ne sera pas tout à fait comme aujourd'hui, car seules certaines catégories de travailleurs pourront racheter des points de retraite, ce qui pose un souci. Ensuite, l'étude d'impact souligne que l'application des taux de cotisation du système universel entraînera une hausse des prélèvements chez les artisans et commerçants ayant les plus faibles revenus. Elle dit que la hausse du montant de la cotisation minimale concernera 21 % des artisans et commerçants qui déclarent aujourd'hui un revenu inférieur à l'assiette minimale, soit 230 000 personnes, et 10 % des professions libérales, soit 83 000 personnes. Mais nulle part le Gouvernement ne s'inquiète de savoir si cette augmentation importante pourra être supportée par les professions sans mettre en danger l'activité. Il me semble que l'article 22 comporte donc un problème évident, ce qui justifie sa suppression.
Avec cet article 22, j'ai le sentiment que l'on perpétue les inégalités alors même que vous affirmez tout au long de ce texte l'universalité de votre système. L'universalité n'existe ici que pour la cotisation minimale, susceptible de produire une retraite minimale. Pour les artisans et commerçants, le niveau de l'assiette minimale est fixé à 450 SMIC horaires, ce qui leur permet de valider trois trimestres par an. Votre universalité correspond donc à une carrière incomplète, avec des cotisations minimales. Chez moi, une année fait quatre trimestres – sauf à ce qu'une ordonnance décide qu'une année dure désormais neuf mois ! On distinguera donc ceux qui pourront se payer leur quatrième trimestre, dans le but de valider une carrière complète, et ceux qui n'auront pas les moyens de le faire. Je trouve que c'est une drôle de conception de l'universalité, qui va créer au sein même des indépendants deux catégories. Vous allez me dire qu'actuellement, ils acquièrent déjà des trimestres de cette manière, mais lorsqu'on prétend vouloir instaurer un régime universel, il me semble que l'on se doit de trouver une solution qui introduise réellement de l'universalité pour les indépendants. Ils le méritent.
Il s'agit d'un amendement de suppression de l'article 22, et nous reviendrons ensuite plus largement sur l'application de cette réforme des retraites. Pour l'heure, un élément m'interpelle : choisir la démarche des ordonnances, c'est une chose ; répondre aux questions posées, c'en est une autre. Vous avez été interrogé sur l'abattement de 30 % et le fait qu'il puisse concerner tous les indépendants ou seulement ceux à moins de 3 PASS. Nous attendons une réponse à ce sujet, et je serais curieux de la connaître si le Gouvernement ou M. le rapporteur veulent bien nous la donner.
Avec toutes ces questions techniques, vous allez me mettre en ébullition. Il est normal que vous les posiez, mais il faut être très concentré pour réussir à rendre tout cela intelligible.
Madame Autain, je vous ai répondu, mais peut-être de manière pas suffisamment claire : ce sont bien tous les indépendants qui sont concernés par l'abattement en question, mais la déduction de 30 % sur l'assiette de CSG sera plafonnée à hauteur de 1 PASS. Pour les revenus au-delà de 1 PASS, l'abattement cesse de s'appliquer. Par exemple, pour ceux dont le niveau de revenu se situerait à 2 PASS, l'abattement ne concernerait leur revenu que jusqu'à hauteur de 1 PASS. Il s'agit bien d'éviter qu'une évasion fiscale se développe par ce biais, si j'ai bien compris ce qui vous inquiétait.
Madame Dalloz, selon vous, si nous proposons un amendement à ce projet de loi, c'est qu'il n'est pas prêt. En réalité, il est écrit partout dans l'étude d'impact qu'un abattement de 30 % sera mis en oeuvre pour les professions libérales ; ce n'est pas quelque chose que nous sortons du chapeau au dernier moment. Nous avons déposé un amendement pour l'inclure explicitement dans le texte, mais c'était déjà prévu.
Je ne sais pas pourquoi M. Mélenchon a dit que les conjoints collaborateurs n'étaient pas concernés. Je confirme qu'ils sont toujours inclus dans le revenu de l'exploitation s'ils versent des cotisations à ce titre.
Monsieur Saulignac, vous avez raison et je partage votre analyse. J'aurais personnellement souhaité que la cotisation minimale des indépendants – concrètement, les artisans-commerçants – aille jusqu'à 600 SMIC horaires, et je l'ai dit à plusieurs reprises. Au moment où vous touchez votre salaire, ce qui vous intéresse – notamment quand vous êtes jeune et que, sans faire de philosophie, vous êtes plus cigale que fourmi, pas au sens où vous ne feriez rien mais au sens où, pour l'heure, vous avez besoin de dépenser –, c'est évidemment le revenu disponible, le net ; si vous n'êtes pas incité à cotiser davantage, vous ne le faites pas. Ce sujet a constitué un point de blocage important dans les négociations avec les artisans et commerçants, et ils n'ont pas voulu monter jusqu'à ce seuil. Il a simplement été acté qu'ils aient la possibilité de cotiser jusqu'à 600 SMIC horaires. À mon sens, il faudra faire évoluer les choses à ce propos ; on a toujours mille et une raisons d'utiliser son argent ailleurs, mais même en cotisant sur la base de 600 SMIC, on ne se crée pas une retraite des plus faramineuses. Il faudra aller dans cette direction mais, à l'heure actuelle, nous avons passé cet accord a minima sur la base de 450 SMIC.
Enfin, pour continuer à filer la métaphore maritime, intégrer les pêcheurs nous permet de prendre tout le monde dans les mailles et – n'en déplaise à M. Woerth – d'emmener tout le monde à bon port. (Sourires.)
Et pour les agriculteurs, c'est un faux-filet... Heureusement, nous arrivons au terme de l'examen du titre Ier, car, vous pouvez le constater, il est temps que je m'arrête.
L'article 22 prévoit donc une cotisation minimale garantie pour les travailleurs indépendants. Les professionnels saisonniers sont-ils compris dans cette catégorie ? Si tel est le cas, les moniteurs de ski – je me fais ici le défenseur des élus de montagne – sont-ils concernés, alors qu'ils avaient été exonérés de cotisations par le PLFSS 2020 ? Cette question mérite une réponse.
Monsieur Jean-Pierre Door, le système universel comporte beaucoup d'intérêts ; l'un d'entre eux est la prise en compte de la polyactivité, notamment pour les saisonniers que vous évoquez. À leur sujet, on appréciera sur l'ensemble de l'année s'ils ont eu une autre activité salariée ; le cas échéant, ils ne seront pas obligés de payer la cotisation. Le calcul pourra se faire sur un an, mais aussi sur plusieurs années, pour des travailleurs dont les activités s'additionnent sur une période plus longue. Pour eux, c'est très intéressant ; ils n'auront pas à s'acquitter deux fois – ou davantage – de la cotisation.
Madame Panot, je vous remercie d'avoir cité à plusieurs reprises l'étude d'impact comme étant l'un de vos points de référence ; je suis très heureux – je le dis avec bienveillance – que vous en reconnaissiez l'intérêt. Cela me rassure ; après huit jours, nous pouvons enfin entrer ensemble dans le vif du sujet. Votre question, qui porte sur l'amendement n° 22657 du Gouvernement – au sujet de l'adaptation de l'assiette de la CSG et des cotisations vieillesse pour les indépendants –, était pertinente. Je vous renvoie à la page 147 du document : le tableau 24 montre bien que s'agissant des non-salariés, les cotisations vieillesse vont augmenter tandis que les autres prélèvements sociaux vont baisser, ce qui aurait pour eux un impact global positif de 400 millions d'euros. Il m'a été demandé si l'État prévoyait de compenser cette exonération ; en réalité, cet abattement vise à revenir à une situation plus juste et plus équilibrée. J'ai déjà répondu à ce sujet au moment où j'ai présenté l'amendement : je confirme qu'il sera compensé en totalité par l'État.
Vous me demandiez ensuite qui serait concerné par cette mesure. M. le rapporteur a essayé brillamment de vous l'expliquer ; il se trouve pilonné de questions diverses et variées, auxquels il tente à chaque fois de répondre avec courage et pédagogie, ce qui n'est pas facile. Je le répète donc de la manière la plus concise possible, cela concernera l'ensemble des indépendants pour la part de revenu sur laquelle ils cotisent, c'est-à-dire jusqu'à 3 PASS.
Enfin, madame Panot, vous m'interrogiez à votre tour sur le fait que l'évolution des cotisations vieillesse allait engendrer un certain nombre de difficultés pour les indépendants, qui verraient leurs prélèvements augmenter. J'ai répondu assez rapidement à M. Saulignac à ce sujet – peut-être un peu fermement, car la question m'avait été posée deux fois de suite, et je me demandais s'il n'y avait pas là une volonté de me taquiner plus que de m'interroger. Je réitère donc bien volontiers ma réponse : les exploitants agricoles acquittent aujourd'hui une cotisation minimale correspondant à 800 SMIC horaires – soit autour de 1 800 euros ; en s'intégrant dans le système universel de retraite, ils vont passer à 600 SMIC horaires. Le poids de leurs cotisations va donc baisser et, compte tenu du fait que le nouveau système donnera un minimum de pension fixé à 85 % du SMIC à tous ceux qui auront constitué des droits à partir de 600 SMIC horaires par an, ils pourront accéder à la totalité – et non à une proratisation – du minimum de pension. Pour les exploitants agricoles, c'est très intéressant. Je crois que c'était à cela que voulait faire allusion M. Saulignac : il s'inquiétait de savoir si dans le futur, les 40 % des exploitants agricoles ayant des revenus inférieurs à 30 ou 40 % du SMIC bénéficieraient tout de même de la pension minimale. Dans la mesure où ils seront amenés à cotiser sur une base à 600 SMIC horaires, la réponse est positive.
Pour les artisans-commerçants et les professions libérales, madame Panot, le niveau de l'assiette minimale restera fixé à 450 SMIC horaires, mais ils auront désormais la possibilité d'augmenter cette cotisation minimale à 600 SMIC horaires, donc de faire un choix leur permettant de valider une carrière complète et de bénéficier in fine de la pension minimale à 85 % du SMIC établie par le système universel de retraite.
La commission rejette les amendements.
Elle est ensuite saisie des amendements identiques n° 7617 de Mme Clémentine Autain, n° 7621 de Mme Caroline Fiat, n° 7626 de Mme Mathilde Panot et n° 7633 de Mme Bénédicte Taurine.
Monsieur le rapporteur, je vous remercie des précisions que vous avez apportées ; l'abattement de l'assiette ne concernera donc que les revenus jusqu'à hauteur de 1 PASS. Si vous êtes en mesure de donner cette information, pourquoi n'est-elle pas dans le projet de loi ? Elle se trouve peut-être déjà inscrite quelque part ailleurs dans la loi, mais je me pose la question.
S'agissant de la réponse que vous avez fournie à Mme Panot, je vous ai bien écouté, monsieur le secrétaire d'État, mais je ne suis pas certaine d'avoir très bien compris le mécanisme – et je ne crois pas être la seule dans ce cas. L'ensemble n'est pas très fluide, et le système ressemble chaque jour davantage à une vaste usine à gaz d'une immense complexité. Alors qu'il devait rendre l'affaire plus lisible, ce projet de loi devient terriblement illisible, d'autant que vous essayez de compenser ses méfaits et de boucher les trous en creusant les déficits de la sécurité sociale. C'est tout à fait effrayant.
J'ai expliqué en quoi l'article 22 était totalement inégalitaire. Nous proposons ici de supprimer l'alinéa 1, qui aura pour effet d'augmenter de plus de 7 points les cotisations des artisans et commerçants ayant les plus faibles revenus. Selon l'étude d'impact – monsieur le secrétaire d'État, je sais que vous êtes heureux que nous y fassions référence –, ce sont plus de 315 000 personnes qui seront touchées par cette augmentation importante des cotisations sociales. Or, vous ne vous inquiétez nulle part de savoir si celle-ci pourra être supportée par les professions sans mettre en danger l'activité, d'où cet amendement de suppression.
Monsieur le secrétaire d'État, vous nous répondez peut-être avec bienveillance, mais je me permets de vous l'affirmer : oui, nous avons lu et étudié l'étude d'impact, et c'est pour cela que nous sommes en mesure de la critiquer et d'argumenter à propos de votre projet. Nous avons prouvé depuis plusieurs jours que nous avancions des arguments de fond, à l'inverse de la caricature qui est parfois faite de notre stratégie d'amendements.
J'avoue que votre réponse m'embrouille aussi. Si l'instauration d'un seuil plancher de cotisation apparaît comme une bonne idée, il me semble qu'elle constitue un palliatif à un problème bien plus grave, que nous avons soulevé plusieurs fois dans cette commission mais sur lequel nous devons insister car il se trouve à la racine des difficultés que connaissent aujourd'hui les agriculteurs : les exploitations agricoles sont aujourd'hui exsangues par la faute d'une concurrence prédatrice qui empêche les exploitants de gagner correctement leur vie. S'ils n'ont le choix qu'entre avoir des revenus insuffisants ou ne pas cotiser assez, la question reste entière.
Madame Autain, je suis à la fois en accord et en désaccord avec vous. Le système objectif n'est pas complexe mais très simple ; il revient à donner les mêmes droits à tous, et à édicter un ensemble de règles communes. En revanche, nous faisons bien face à une très grande diversité de statuts professionnels, diversité que l'on retrouve aussi à l'intérieur de chaque profession. L'exemple des pêcheurs est de ce point de vue très significatif. Faire converger tout ce petit monde de statuts divers et variés – qui résultent soit d'avantages négociés, soit de situations qui se sont sédimentées au cours de l'histoire – prend du temps, d'où l'intérêt des ordonnances pour gagner en efficacité.
S'agissant de l'article 22 – je m'attache depuis trois jours à ce que la discussion porte bien sur l'article examiné, afin que tout le monde en comprenne bien les enjeux –, il reconduit le principe de la cotisation minimale pour les travailleurs non salariés, afin de garantir l'acquisition d'un minimum de droits à la retraite par ceux qui ont peu de revenus. Il apporte toutefois deux modifications significatives par rapport au droit existant : d'abord, la possibilité pour l'ensemble des travailleurs non salariés de cotiser davantage que sur la seule assiette minimale jusqu'à obtention des droits correspondant à une activité annuelle au niveau du SMIC ; ensuite – je réponds ici à M. Door en complétant ce qu'a dit M. le secrétaire d'État, à propos des moniteurs de ski –, la déductibilité des cotisations minimales des cotisations versées à d'autres titres par les polyactifs, qui peuvent être le reste de l'année agriculteur ou plâtrier – j'en connais un. Cela permet de réduire les cotisations pour ces travailleurs. Il n'y aura plus de cotisation minimale par activité. Le Gouvernement a par ailleurs présenté dans son étude d'impact les assiettes minimales qui devraient être retenues dans le nouveau système universel : 450 SMIC horaires par an pour les travailleurs indépendants non agricoles, et 600 SMIC horaires pour les exploitants agricoles, ce qui constitue pour eux une baisse de cotisations puisque le minimum actuel est à 800.
Avis défavorable sur ces amendements de suppression.
La commission rejette les amendements.
Elle en vient ensuite à l'examen des amendements identiques n° 7634 de Mme Clémentine Autain, n° 7638 de Mme Caroline Fiat, n° 7643 de Mme Mathilde Panot et n° 7650 de Mme Bénédicte Taurine
Pardonnez-moi mais c'est peu éclairant. Peut-être n'avons-nous pas le niveau requis de technicité, mais ce que l'on comprend, c'est que tout n'est pas complètement bordé et que les ordonnances vont devoir combler tous les trous, ou plutôt chasser tous les lièvres que l'on est en train de soulever. C'est assez inquiétant. Nous avons l'impression que tout le travail de concertation qui devait être fait depuis deux ans avec chaque catégorie professionnelle ne l'a pas été, et que nous nous trouvons quasiment au point de départ. Pour chaque profession, vous nous dites que vous allez négocier et que vous n'aviez pas prévu tel ou tel cas ; l'exemple type est celui des avocats, pour qui des questions qui n'avaient pas été anticipées émergent brusquement parce qu'ils se mobilisent – ils se réunissent en assemblée générale à Paris aujourd'hui –, de telle manière que vous ne pouvez échapper à leurs interrogations. Aucune garantie n'a été donnée pour que votre texte réponde aux problématiques réelles et concrètes qui se posent, dans le cadre des bouleversements et de la grande régression que vous organisez.
Il y aura donc trois cas distincts : ceux qui vont pouvoir acheter des droits supplémentaires ; ceux qui aimeraient bien mais devront se contenter de ce que la loi prévoit ; et ceux qui en auront le droit mais pas les moyens financiers de le faire.
Monsieur le secrétaire d'État, j'aimerais obtenir une réponse à ma question concernant les 315 000 personnes qui, d'après l'étude d'impact, seront touchées par l'augmentation des cotisations sociales. Par ailleurs, je souhaiterais être éclairée sur la manière dont ces points de retraite peuvent s'acheter – la méthodologie du simulateur ne comporte pas d'informations à ce sujet, et vous savez que j'aime bien le consulter.
Madame Autain, je vous ai répondu à ce sujet, et je ne nie pas la complexité des différentes situations de départ. Nous avons les uns et les autres chacun des expressions que nous utilisons souvent ; vous évoquez régulièrement les lièvres, alors que M. Vallaud aime parler des loups – il y a des loups quand il est présent, et je ne sais pas si les loups mangent les lièvres ou si les lièvres courent plus vite que les loups, mais c'est assez amusant.
Apparemment, Mme Taurine a un problème avec les loups. Mais il faut de la biodiversité ! En tout cas, personne ne se comporte en ours ici. (Sourires.)
Il ne faut pas nier la biodiversité des différentes professions : nous avons affaire à des statuts très divers, qui nécessitent chacun une attention particulière. Il y a en effet des éléments que nous n'avons pas toujours perçus s'agissant des différents statuts professionnels et de leurs spécificités – je le dis d'autant plus que je suis moi-même, en tant que rapporteur, dans ce cas ; il serait immodeste de ne pas le concéder. Il faut leur porter toute l'attention nécessaire, car derrière ces statuts se trouvent des hommes et des femmes. C'est bien le but que nous poursuivons avec cette transition qui se veut la plus douce possible, afin de parvenir à un système plus lisible à l'avenir. Je maintiens qu'il faut de la progressivité.
Avis défavorable.
Après tant de jours de discussion, il est bon d'entendre le rapporteur reconnaître que les situations sont diverses, qu'il existe des spécificités et qu'il est difficile d'araser tout cela. C'était la raison d'être même du régime général par répartition, de l'existence des régimes spéciaux et des caisses autonomes ! Ceux qui font un peu de droit connaissent tous ce principe fondamental : traiter également des gens dont la situation est inégale, c'est accroître les inégalités. Je me réjouis donc que, malgré la fatigue, vous le reconnaissiez : les choses sont au bout du compte très compliquées, la « biodiversité », parmi les salariés et les professions, existe bel et bien. Faire entrer tout le monde dans le moule libéral que vous avez conçu, cela ne se fait pas sans mal. Il valait la peine d'attendre tant de temps pour entendre un tel aveu.
C'est aussi pour cela, monsieur le rapporteur, que nous rejetons ce texte, que nous nous mobilisons pour tenir compte de la pénibilité, de l'espérance de vie en bonne santé, des excédents d'un certain nombre de caisses qui n'ont rien demandé à personne, etc. Le problème, avec cette réforme, c'est votre volonté de faire entrer dans le moule macroniste ceux qui ne le veulent pas.
L'intervention de notre collègue Jumel est très intéressante parce qu'elle se situe au coeur de nos divergences, ce qui est sain. Le rapporteur l'a très bien dit : désormais, les règles seront les mêmes pour tous afin de respecter les différences de chacun. Où ces dernières étaient fondées sur des régimes, voire sur des entreprises – souvent publiques -, elles le seront désormais sur les personnes. C'est ce à quoi vise le système de répartition par points.
Nicolas Turquois l'a dit, ce que j'ai apprécié : derrière tous ces systèmes, il y a des femmes et des hommes – nous devons donc gérer les transitions – ce qui implique aussi d'avoir les mêmes règles pour tous.
La commission rejette les amendements.
Elle examine les amendements identiques n° 7651 de Mme Clémentine Autain, n° 7655 de Mme Caroline Fiat, n° 7658 de M. Jean-Luc Mélenchon, n° 7660 de Mme Mathilde Panot et n° 7667 de Mme Bénédicte Taurine.
Je me permets de faire un petit résumé des conséquences de l'article 22.
D'abord, une assiette minimale de cotisation maintenue au niveau actuel pour les travailleurs indépendants non agricoles, les autres pouvant demander à s'acquitter d'un montant de cotisation supérieur afin d'acquérir plus de points.
Ensuite, une cotisation minimale plus faible pour les exploitants agricoles que la cotisation minimale actuelle, les chefs d'exploitation ou d'entreprise devant s'acquitter d'un montant minimum de cotisation déterminé par décret – nous ne savons toujours pas qui paiera la différence.
Enfin, les micro-entrepreneurs pourront s'acquitter, sur option, d'un montant de cotisation d'assurance vieillesse égal soit à la cotisation minimale, soit à la cotisation minimale renforcée.
L'article 22, c'est donc l'universalité du régime de retraite... à la carte. Nous sommes bien d'accord ?
Cet amendement vise à supprimer l'alinéa 3.
Monsieur le président Mignola, vous venez de dire que, derrière ces chiffres, il y a des hommes et des femmes, ce qui tombe bien car les uns et les autres sont également au coeur de ma question, à laquelle je souhaiterais qu'il soit répondu. Qu'en sera-t-il des 315 000 personnes qui seront touchées par l'importante augmentation des cotisations sociales ? Je vous parle d'artisans, de commerçants qui subiront, si j'en crois votre étude d'impact, les conséquences des 7 points de cotisation sociales supplémentaires.
Votre absence de réponse sur le coût de cette mesure m'a inquiété, monsieur le rapporteur. Je suis sorti pour téléphoner et essayer d'en avoir une idée mais, hélas, vainement. Cela dit, je ne suis pas le Gouvernement ni le président de la commission des finances et on ne va pas vous embêter avec ça toute la soirée. Il n'en reste pas moins que le secrétaire d'État, lui, fait partie d'un Gouvernement qui a pris une décision et qu'il pourrait nous dire sur quel fondement elle l'a été ! Pas une personne ici ne croit qu'un ministre ou un Gouvernement décident de dépenser plusieurs dizaines de millions sans savoir quel sera le résultat final ! Il serait courtois, de la part du secrétaire d'État, de me répondre.
J'insiste sur les questions, nombreuses et complexes, qui demeurent.
La première, ma collègue Clémentine Autain vient de la poser. Si les exploitants agricoles pourront s'acquitter d'une cotisation minimale plus faible qu'elle ne l'est actuellement, le montant de celle dont les chefs d'exploitation ou d'entreprise devront s'acquitter sera fixé par décret : qui paiera donc la différence ?
La seconde est celle de ma collègue Caroline Fiat : quid des 230 000 personnes, des 10 % de professionnels libéraux dont les revenus sont les plus faibles et qui subiront une hausse des prélèvements ? Qu'avez-vous prévu pour qu'elles ne se retrouvent pas dans une situation impossible ?
L'amendement n° 7667 vise donc également à supprimer l'alinéa 3 disposant que « La cotisation d'assurance vieillesse prévue à l'article L. 611-2 due par les travailleurs indépendants, autres que ceux mentionnés à l'article L. 613-7, ne peut pas être inférieure à un montant fixé par décret. » Pourriez-vous nous éclairer à ce propos ?
J'essaie de me concentrer pour répondre à vos questions mais je crains de m'égarer tant elles sont diverses.
Monsieur Mélenchon, je vous invite à ne pas faire preuve du même humour que moi : Turquois, courtois... Si le secrétaire d'État est courtois et que je suis Turquois, gare aux confusions ! (Sourires.)
Selon les éléments dont je dispose, le changement d'assiette de cotisations jusqu'à hauteur du plafond évoqué représente un surcroît de cotisations retraite de 2,2 milliards d'euros contre 2,6 milliards de contributions en moins, le solde étant donc de 400 millions. M. Mélenchon s'est demandé à quoi rimait d'avoir moins de droits pour la maladie et d'en avoir plus pour la retraite. Les droits relatifs à la retraite sont partiellement individuels à travers l'acquisition d'un certain nombre de points alors que, fort heureusement, si vous êtes hospitalisé, vous ne serez pas soigné en fonction de vos cotisations ! Les droits, en l'occurrence, s'appliquent à tous, quels que soient les revenus.
Je suis un peu surpris par votre question, madame Panot : les taux de cotisation augmentent pour les indépendants mais la compensation sera totale jusqu'à 1 PASS grâce à la diminution de l'assiette CSG. Le secrétaire d'État a expliqué que pour 70 % ou 75 % des intéressés, le jeu était à somme nulle et que certains y gagnent. Pour le reste, cela se joue à 5 % près.
Avis défavorable.
Nous allons essayer de comprendre ces chiffres dans le détail, notamment s'agissant des 400 millions – ce n'est tout de même pas rien.
L'intervention de notre collègue Patrick Mignola nourrit cet intéressant débat, y compris parce qu'elle permet de pointer un certain nombre de désaccords sur votre projet. Je ne me souviens plus exactement des mots qui ont été utilisés mais, si j'ai bien compris, avec ce système, tout le monde est logé à la même enseigne, laquelle varie tout de même un peu. C'est là un énoncé contradictoire qui ne correspond pas aux promesses que vous avez faites.
Nous le voyons bien : il est impératif de prendre en compte des situations particulières, ce que vous avez un peu nié initialement. Maintenant, vous allez plus loin en assumant ce que nous avons dit et dont nous avons débattu dans notre commission à travers la promotion d'une forme d'individualisation des droits. Vous expliquez en effet que les droits doivent dépendre des personnes, ce que nous récusons : nous avons d'ailleurs connu la même logique d'individualisation des droits en matière de formation professionnelle et dans le cadre des ordonnances de la « loi travail ».
Or, il nous semble nécessaire qu'un certain nombre de garanties collectives existent car c'est collectivement que l'on s'assure le mieux face au risque, à la nécessité de faire face à ses vieux jours, à la retraite. Ce débat mérite que nous l'approfondissions. D'aucuns ont poussé des hauts cris lorsque nous avons parlé d'individualisation mais c'est précisément ce qui est en train d'arriver.
Madame la députée Panot, vous n'avez pas été très sympa en ne citant pas la page de l'étude d'impact à laquelle vous vous êtes référée. Heureusement, j'ai bien repéré que tout ce qui concerne les travailleurs indépendants commence autour de la page 146 mais il a fallu que je retrouve le paragraphe auquel vous avez fait allusion, et que vous avez bien lu. Je vous invite à faire le lien avec l'amendement que j'ai défendu tout à l'heure. La cotisation vieillesse augmente dans certains cas, en effet, comme le rapporteur l'a expliqué sur un plan macroéconomique en utilisant des données globales, et l'assiette de la CSG diminue, ce qui présente un intérêt réel pour les exploitants agricoles, les commerçants et les artisans.
Vous avez insisté sur l'augmentation de la cotisation vieillesse et non sur le changement d'assiette de la CSG – je ne vous le reproche pas car ce n'était pas l'objet de la page 515 que vous avez citée – qui la compensera et grâce à laquelle, dans certains cas, la situation des personnes concernées sera encore meilleure.
S'agissant des conditions de rachat de points, madame Fiat, nous n'avons pas fait de fiches mais j'ai noté cette très bonne idée et nous allons en inclure une sur le serveur.
La commission rejette les amendements.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements n° 107 de M. Marc Le Fur et n° 21130 de M. Boris Vallaud.
Je serai rapide car ce type d'amendement a déjà été présenté pour d'autres articles. L'article 22 renvoie abondamment à des décrets, beaucoup trop à notre goût. Il nous semble donc sage que le Gouvernement soit accompagné et assisté par cette haute juridiction que vous aimez particulièrement, qui s'appelle le Conseil d'État.
Je me suis déjà exprimé à de nombreuses reprises sur l'intérêt ou non de solliciter le Conseil d'État.
Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Elle examine ensuite les amendements identiques n° 7668 de Mme Clémentine Autain, n° 7672 de Mme Caroline Fiat, n° 7675 de M. Jean-Luc Mélenchon, n° 7677 de Mme Mathilde Panot et n° 7684 de Mme Bénédicte Taurine.
Nous poursuivons les demandes de suppression d'alinéas, en l'occurrence, de l'alinéa 4.
Plus nous entendons les réponses à nos questions, moins nous avons l'impression que le chemin s'éclaire. Confirmez-vous, monsieur le rapporteur, que les 400 millions d'euros dont vous avez parlé constituent bien un manque à gagner pour la sécurité sociale ? Cumulée avec celle d'autres secteurs, la facture risque d'être salée ! Le Gouvernement est-il à même de chiffrer le manque à gagner suite à ces nouvelles assiettes, à ces nouveaux taux ?
Vous êtes en train de démanteler le régime de retraite, d'appauvrir les futurs retraités, de faire travailler les gens plus longtemps et, en plus, pour compenser l'affaire, vous supprimez des recettes pour la sécurité sociale ! Cette logique est particulièrement antisociale.
Vous créez une situation totalement inégalitaire car certains pourront s'acheter des points et d'autres pas. Comment pouvez-vous dès lors parler de système universel ? Je ne comprends pas une telle différence.
J'ajoute, pour appuyer les propos de ma collègue Clémentine Autain, que l'on nous dit chaque année, à chaque discussion du PLFSS, que la France n'a pas les moyens, qu'elle ne dispose pas des budgets nécessaires, et voilà que votre projet vide les caisses de la sécurité sociale ! J'ai moi aussi de l'humour, mais il a ses limites.
Je suppose que nombre de collègues, comme moi, ne sont pas des spécialistes de tous ces codes mais nous allons essayer de nous améliorer pour la séance publique. J'en étais quant à moi à l'article L.613-7 et nous voilà rendu à un article où il était question de l'utilisation des chiens ; le temps que je réalise que ce n'est pas le sujet, nous en sommes à cet amendement...
N'ayant pas tiré au clair mes pérégrinations dans les codes, je reviens à la question que j'ai posée tout à l'heure : qui paiera les 400 millions ? Ce n'est pas une petite somme ! Est-ce que ce sera le régime général, les salariés ? Pourquoi les paierait-il ? Pourquoi ne serait-ce pas l'impôt ? Question subsidiaire : en revient-on à la « loi Veil » ou en reste-t-on à l'idée que la sécu paie les décisions prises par le Gouvernement ?
Je remercie M. le rapporteur et M. le secrétaire d'État pour leurs réponses. On nous assure donc que la compensation sera effective à la hauteur de 1 PASS grâce à la diminution de l'assiette de la CSG. OK ! Il n'en reste pas moins que l'on pique dans une branche pour remplumer l'autre, logique qui nous paraît très discutable et qui s'impose en raison de votre obsession austéritaire, qui est la finalité de cette réforme : quoi que vous en disiez, elle vise bien à réaliser des économies, lesquelles seront faites sur le dos des gens.
Il s'agit donc de supprimer l'alinéa 4 disposant que « Les travailleurs indépendants mentionnés à l'article L.617-1 peuvent demander à s'acquitter d'un montant de cotisations supérieur au montant prévu au premier alinéa afin d'acquérir annuellement un nombre de points au titre du 1° de l'article L. 191-3 au moins égal au nombre de points obtenus par application du taux de la cotisation due en application du 1° de l'article L. 241-3 à la base fixée par le décret prévu au 1° du V de l'article L. 195-1. Cette option est exercée annuellement. »
Je répète que le Gouvernement s'est engagé à compenser les 400 millions d'euros. De plus, une partie de la CSG participant au financement des retraites, c'est en fin de compte la même caisse qui est concernée.
Le rachat des droits, quant à lui, sera possible pour ceux-là seuls qui gagnent moins de 600 ou 450 SMIC. Je reprends l'exemple de mon agriculteur : le SMIC horaire étant d'un peu plus de 10 euros, cela représente 6 000 euros de revenu brut par an. Le taux qui s'y applique étant de 28 %, la contribution à la Caisse nationale de retraite universelle s'élèvera à 1 700 euros. Il s'agit donc de l'agriculteur qui a connu quelques années correctes, qui a mis un peu d'argent de côté, qui, une année, a réalisé un mauvais résultat en raison de la sécheresse, d'inondations ou d'autres calamités et qui achète donc l'équivalent de 1 700 euros de points. Ce n'est pas fait pour un cadre qui veut s'acheter des revenus complémentaires ! Pour les commerçants, l'équivalent est encore moindre puisqu'il s'élève à 1 200 euros. Telle est la possibilité que nous ouvrons pour atteindre une pension minimale.
La commission rejette les amendements.
Puis elle examine l'amendement n° 22132 de M. Sébastien Jumel.
Je sens que vous allez bientôt me manquer... C'est avec plaisir que je vous dis : avis défavorable.
En usine, cela s'appelle la reconstitution de la force de travail. Je vous assure que dans l'hémicycle, la semaine prochaine, nous ne vous manquerons pas du tout et que nous serons très présents.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement n° 21131 de M. Boris Vallaud.
Avis défavorable.
Je poursuis la conversation avec M. Jumel : je suppose que, la semaine prochaine, tous les éléments que j'ai donnés pour clarifier le texte vous donneront des billes pour la rédaction de vos amendements et que je pourrai donc émarger au titre des collaborateurs des groupes de la Gauche démocrate et républicaine et La France insoumise ! (Sourires).
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine les amendements identiques n° 7685 de Mme Clémentine Autain, n° 7689 de Mme Caroline Fiat, n° 7692 de M. Jean-Luc Mélenchon, n° 7694 de Mme Mathilde Panot et n° 7701 de Mme Bénédicte Taurine.
J'ajoute un argument à tout ce qui a été dit à propos de cet article 22 dont personne, je crois, ne comprends bien à quoi il rime. Nous sommes au coeur de votre logique. Vous commencez par dire qu'un problème de déficit se pose, qu'il n'est pas tenable et qu'il faut donc changer de fond en comble le système de retraite. En fait, le système est à l'équilibre – nous ne sommes pas les seuls à le dire puisque le Conseil d'orientation des retraites le dit également –, il est stable sur la longue durée et le ridicule déficit à l'horizon de 2027 pourrait être facilement comblé en partie, par exemple en rétablissant pendant trois ans l'impôt de solidarité sur la fortune. Non seulement vous répondez à un problème qui n'existe pas mais vous créez le problème : plus l'examen du texte avance, plus on s'aperçoit des manques à gagner pour l'État et des déficits auxquels il devra faire face.
Mon amendement vise à supprimer l'alinéa 5.
Je vous remercie de votre réponse, monsieur le rapporteur. Vous avez pris l'exemple de l'agriculteur qui a connu une mauvaise année, or, nous savons qu'ils sont très peu nombreux à gagner plus de 1 000 euros par mois, la plupart se situant sous ce seuil. Avec votre système, ils seront donc d'emblée obligés d'acheter des points. Est-ce bien cela ?
Je serai bref en émettant une protestation d'ancien professeur de français. Je n'ai pas trop aimé l'alinéa 4 de l'article 21, qui comprenait pas moins de six lignes et douze références à des articles de codes. Me voilà rendu à un autre qui en compte respectivement neuf et neuf ! Je sais bien que l'on doit tout savoir – preuve que nous sommes intelligents : nous sommes tous là – mais de telles conditions ne permettent pas d'avoir une bonne intelligence des textes. Même en se donnant du mal, il est très difficile de tout retenir et de savoir précisément de quoi nous discutons, ce qui est tout à fait déplorable puisque nous ne pouvons pas travailler comme nous voudrions le faire. Que voulez-vous, j'ai du mal avec un article qui excède trois lignes...
Non, monsieur le rapporteur, vous ne serez pas un collaborateur de notre groupe : vous êtes un rapporteur qui répondez à nos questions, et c'est très bien ainsi.
Je reviens sur ce que disait ma collègue Clémentine Autain. Vous connaissez le célèbre dicton : qui veut noyer son chien l'accuse d'avoir la rage. Plus nous avançons dans l'étude du texte, plus des déficits sont créés. Le pseudo-déficit des caisses justifiant des réformes socialement régressives s'explique quant à lui par les politiques menées et poursuivies. J'insiste en particulier sur un point précis qui, à l'avenir, grèvera le budget des caisses de retraite : la baisse de l'emploi public.
L'amendement n° 7701 vise donc à supprimer l'alinéa 5 concernant les chefs d'exploitation.
Nous avons évoqué hier les primes des enseignants mais comment les primes de la politique agricole commune (PAC) seront-elles en l'occurrence prises en compte ? Je connais certains éleveurs qui reçoivent 80 000, voire 300 000 euros de primes : seront-elles visées par les cotisations ?
Madame Fiat, vous avez pris l'exemple d'un agriculteur gagnant 1 000 euros par mois. J'en déduis qu'il en gagne 12 000 par an. Comme il a cotisé en étant au-dessus du plafond, il n'a pas besoin de racheter des points ; 600 heures SMIC représentent 6 000 euros de salaire ou de rémunération. Le problème se poserait pour l'agriculteur qui percevrait 400 euros par mois : lui se situerait en dessous du plafond. Un agriculteur qui gagnerait 1 000 euros par mois, c'est certes très peu, mais il ne serait pas concerné puisqu'il gagnerait le double du plafond visé.
S'agissant des primes PAC, il convient de calculer le bénéfice, lequel repose sur les produits vendus, auxquels s'ajoutent les primes, et dont il faut défalquer les charges. Si ce résultat se situe sous 600 SMIC, sous 6 000 euros annuels, il sera possible de racheter des points. Les primes ne sont pas considérées en tant que telles : c'est le résultat global d'exploitation qui compte. Si les charges excèdent la somme des produits vendus et des subventions perçues, que le résultat est négatif, la situation est différente. Les subventions ne sont qu'un élément comptable de l'ensemble.
La longueur des articles, c'est un vrai débat philosophique. Je considère que la loi, en général, n'est pas suffisamment explicite, ce qui contribue à renforcer l'idée, chez nos concitoyens, que partout se cachent des loups... ou que des lièvres doivent être levés. En revanche, couper cet article en deux aurait statistiquement suscité dix-sept amendements de plus. J'ai donc compris la nécessité d'un texte ramassé !
Avis défavorable.
L'agriculteur en question doit donc avoir gagné moins de 6 000 euros annuels pour pouvoir racheter des points. Soit, mais avec quel argent ? Ayant vécu avec moins de 500 euros mensuels, comment a-t-il pu se nourrir et, a fortiori, comment pourrait-il racheter des points ? Si vous lui offrez la possibilité de les racheter, inscrivez-le dans le texte : en cas de mauvaise année, le Gouvernement lui offre une telle possibilité. Dites-moi donc comment, avec moins de 500 euros par mois, l'agriculteur financera le rachat des points ?
La commission rejette les amendements.
Elle examine ensuite l'amendement n° 21132 de M. Boris Vallaud.
Avis défavorable.
Madame Fiat, les cotisations ont déjà été déduites dans les 500 euros mensuels de résultat. Actuellement, elles sont appelées à hauteur de 800 heures SMIC et nous passons à 600 : les cotisations seront donc moindres qu'auparavant. J'entends que tout cela ne tombe pas sous le sens mais les résultats annoncés par tous les instituts agricoles sont nets de toutes charges.
La commission rejette l'amendement, puis, suivant l'avis défavorable du rapporteur, successivement les amendements n° 22133 de M. Pierre Dharréville et n° 21133 de M. Boris Vallaud.
Elle examine ensuite les amendements identiques n° 7702 de Mme Clémentine Autain, n° 7706 de Mme Caroline Fiat, n° 7709 de M. Jean-Luc Mélenchon, n° 7711 de Mme Mathilde Panot et n° 7718 de Mme Bénédicte Taurine.
Je vous fais remarquer que notre collègue Chenu, qui est arrivé exceptionnellement vers 16 heures escorté de quelques caméras, est reparti. Personne ne s'en est rendu compte mais il est tout de même intéressant de le signaler. Cette commission s'est tenue quasiment en l'absence totale des représentants de l'extrême droite.
Monsieur le rapporteur, les explications restant peu claires, les réponses à nos questions introuvables, à quoi s'ajoute votre état de forme, il nous paraît opportun d'arriver assez vite au titre II, « Équité et liberté dans le choix de départ à la retraite ».
L'amendement n° 7702 vise à supprimer l'alinéa 6.
Essayons de respecter le fait que le rapporteur s'efforce depuis sept jours de répondre point par point, à chaque alinéa de chaque amendement. (Applaudissements des députés du groupe La République en Marche.) Nous faisons ce que nous pouvons. Nous pouvons nous-mêmes avoir des absences, nous pouvons connaître des moments où cela ne va pas fort, mais nous nous devons de remercier M. le rapporteur.
M. le rapporteur le sait maintenant depuis sept jours : je suis un peu têtue, j'aime bien comprendre et avoir des réponses claires. Les cotisations sont donc déjà déduites, me dit-on, sauf que les travailleurs indépendants pourront acheter volontairement des droits supplémentaires. Comment pouvez-vous imaginer qu'un agriculteur ayant connu une mauvaise année, qui aura gagné moins de 6 000 euros, donc, moins de 500 euros mensuels, pourra s'acheter de nouveaux droits ?
Pour donner un peu de hauteur à nos débats sur ce projet que nous contestons, je citerai Thomas Sankara : « Il faut choisir entre le champagne pour quelques-uns et l'eau potable pour tous. » Nous savons ce que vous avez choisi.
Je voudrais préciser mes propos. Les agriculteurs étaient obligés de cotiser sur 800 SMIC quel que soit leur résultat, ils seront désormais tenus de cotiser sur 600 SMIC ; les commerçants et artisans seront toujours obligés de cotiser sur 450 SMIC, mais ceux qui le souhaiteront pourront aller jusqu'à 600 SMIC ; enfin, les auto-entrepreneurs, sans obligation, pourront choisir de cotiser sur 450 SMIC ou sur 600 SMIC.
La commission rejette les amendements, puis, suivant l'avis défavorable du rapporteur, l'amendement n° 22134 de M. Pierre Dharréville.
Elle examine ensuite les amendements identiques n° 7719 de Mme Clémentine Autain, n° 7723 de Mme Caroline Fiat, n° 7726 de M. Jean-Luc Mélenchon, n° 7728 de Mme Mathilde Panot et n° 7735 de Mme Bénédicte Taurine.
Monsieur le rapporteur, je ne sous-estime pas vos efforts pour tenter de nous répondre, mais il y a beaucoup de trous, et nombre de nos questions ne peuvent que rester sans réponse. Nous avons hâte d'examiner le titre II. Et si c'est champagne pour tout le monde, cela nous va aussi !
Je m'associe aux compliments adressés au rapporteur, mais je tiens à dire que pour qu'il y ait champagne pour tout le monde, il faudrait déréguler et libéraliser les droits de plantation, ce à quoi je suis très opposé. Mieux vaut l'eau pour tous !
Madame Autain, vous parlez des nombreux trous, j'estime pour ma part qu'il existe beaucoup de statuts. Je ne sous-estime pas la complexité. Nous aurions pu trouver des points d'accord sur les objectifs, mais les chemins pour y parvenir, compte tenu des diverses situations au départ, sont très nombreux. Vous avez toute légitimité, en tant que parti politique d'opposition, à soulever les difficultés.
Avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Puis elle examine les amendements identiques n° 7736 de Mme Clémentine Autain, n° 7740 de Mme Caroline Fiat, n° 7743 de M. Jean-Luc Mélenchon, n° 7745 de Mme Mathilde Panot et n° 7752 de Mme Bénédicte Taurine.
Nous venons d'ouvrir un débat interne sur la soutenabilité du champagne pour tous, une préoccupation que je partage évidemment. Mais au-delà, le champagne symbolise le plaisir et la qualité de vie, dont nous voulons qu'ils soient, plutôt que la misère, en partage.
Cet amendement vise à supprimer l'alinéa 8.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission rejette les amendements.
Elle examine esnuite les amendements identiques n° 7753 de Mme Clémentine Autain, n° 7760 de M. Jean-Luc Mélenchon et n° 7769 de Mme Bénédicte Taurine.
Cet amendement vise à supprimer l'alinéa 9.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission rejette les amendements.
Puis elle est saisie de l'amendement n° 22135 de M. Sébastien Jumel.
Je veux à mon tour remercier le rapporteur : il avait à défendre un projet de loi pourri, il l'a fait avec courtoisie et respect, ce qui est d'autant plus méritoire. C'était un rapporteur de qualité, ce qui n'en ajoute pas au projet.
La commission rejette l'amendement, puis, suivant l'avis défavorable du rapporteur, les amendements identiques n° 7770 de Mme Clémentine Autain, n° 7777 de M. Jean-Luc Mélenchon et n° 7786 de Mme Bénédicte Taurine.
Je tiens à remercier l'ensemble des représentants de groupe pour les félicitations adressées à Nicolas Turquois, et dire au rapporteur, au nom de son propre groupe, notre amitié et notre admiration pour le travail accompli. Même si les désaccords avec l'opposition sont profonds, il n'a jamais été pris en défaut de respect à l'égard des groupes. Tous étaient présents, à l'exception notable de certains députés, dont l'absence a été fort légitimement soulignée.
La commission adopte l'article 22 sans modification.
Après l'article 22
La commission examine l'amendement n° 22547 de Mme Olivia Gregoire.
Pour certaines professions libérales, la retraite minimum s'élève à 1 400 euros par mois, soit bien plus que les 1 000 euros du minimum de pension prévus à l'article 40. Nous proposons de donner à chaque profession représentée au sein de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) la faculté de prévoir un mécanisme par lequel elle pourra majorer, jusqu'en en doublant le taux, la cotisation de solidarité des professionnels percevant plus de 3 PASS. Les sommes ainsi perçues devront être allouées à l'augmentation du minimum de pension. Cette mesure de justice sociale n'entraîne aucun coût supplémentaire pour le système universel.
Votre amendement est doublement satisfait : les caisses seront maintenues sous la forme d'une délégation, sans préjudice du droit de toute profession à s'organiser collectivement ; par ailleurs, rien n'interdira à une profession de compléter le système universel par un système de redistribution qui lui paraîtrait adéquat. Je vous suggère de retirer l'amendement, à défaut de quoi l'avis sera défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle est saisie de l'amendement n° 21539 de M. Boris Vallaud.
Cet amendement vise à assurer la neutralité financière de la réforme pour les assurés nés avant 1975. Pendant quatorze ans, ceux-ci verront leurs taux de cotisation augmenter sans que cela ne crée de droits supplémentaires à la retraite. Cette surcotisation est injuste et contraire à l'idée qu'un euro cotisé produirait les mêmes droits. Nous proposons de la compenser par une réduction, à due concurrence, de l'impôt sur le revenu. C'est donc l'État qui prendrait en charge le surcoût pour cette classe d'âge jusqu'en 2040.
Monsieur le rapporteur, vous avez eu fort à faire pour défendre ce projet de loi mais vous vous êtes toujours efforcé de nous apporter des réponses, même partielles. Au nom de mon groupe, je tenais à vous en remercier.
Sur le fond de l'amendement, je m'inscris en faux contre votre diagnostic : les taux de cotisation n'entraîneront aucun changement pour l'écrasante majorité des salariés, aucun changement pour la totalité des fonctionnaires et les agents des régimes spéciaux nés avant 1975 et auront des effets globalement avantageux pour les travailleurs indépendants nés avant 1975. Pour les autres, les changements seront très lissés, sur une période de quinze à vingt ans. Votre proposition nous semble inopportune et superflue.
Avis défavorable.
Considérez cet amendement comme un amendement d'appel pour obtenir le coût total des mécanismes de transition pour les assurés et des compensations pour l'État. La génération 1963-1975 rassemble 10,7 millions d'assurés sociaux : plutôt que des assertions invérifiables, cela mérite des éléments plus tangibles et mieux chiffrés.
La commission rejette l'amendement.
J'appréhendais cette première expérience de rapporteur mais je suis heureux des échanges que nous avons eus. Je remercie les députés présents, qui ont fait l'effort de suivre les débats, les députés de la majorité, qui souvent se sont abstenus de s'exprimer pour ne pas les rallonger, et les députés de l'opposition, qui ont permis par leurs questions de les éclairer.
Je remercie la présidente, que je n'avais pas eu l'honneur de connaître jusqu'ici, le secrétaire d'État et ses collaborateurs. Je remercie tout particulièrement les administrateurs qui ont travaillé à mes côtés avec beaucoup de professionnalisme, de réactivité et de convivialité. Je vais maintenant prendre un peu de repos car je ne doute pas que je vous retrouverai fort dynamiques dans l'hémicycle.
La séance est levée à dix-neuf heures trente-cinq.
Membres présents ou excusés
Réunion du lundi 10 février 2020 à 15 heures
Présents. - Mme Clémentine Autain, M. Thierry Benoit, Mme Aude Bono-Vandorme, M. Jean-Jacques Bridey, Mme Céline Calvez, M. Lionel Causse, M. Sébastien Chenu, M. Gérard Cherpion, M. Paul Christophe, Mme Christine Cloarec-Le Nabour, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Olivier Damaisin, M. Dominique Da Silva, M. Pierre Dharréville, M. Jean-Pierre Door, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Catherine Fabre, Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. Bruno Fuchs, Mme Albane Gaillot, M. Éric Girardin, M. Guillaume Gouffier-Cha, M. Fabien Gouttefarde, Mme Carole Grandjean, Mme Florence Granjus, M. Brahim Hammouche, Mme Danièle Hérin, M. Sébastien Jumel, Mme Marie Lebec, Mme Constance Le Grip, Mme Monique Limon, M. Jacques Maire, M. Jacques Marilossian, M. Jean-Paul Mattei, M. Jean François Mbaye, M. Thierry Michels, M. Patrick Mignola, Mme Cendra Motin, Mme Zivka Park, M. Adrien Quatennens, Mme Valérie Rabault, M. Xavier Roseren, M. Hervé Saulignac, M. Nicolas Turquois, M. Boris Vallaud, M. Olivier Véran, Mme Corinne Vignon, M. Éric Woerth
Excusé. - M. Didier Le Gac
Assistaient également à la réunion. - M. Éric Coquerel, Mme Caroline Fiat, M. Jérôme Lambert, M. Jean-Luc Mélenchon, Mme Mathilde Panot, Mme Bénédicte Taurine, M. Jean-Louis Touraine