La réunion débute à 9 heures.
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente.
La Commission examine le projet de loi relatif à la prorogation des chapitres VI à X du titre II du livre II et de l'article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure (n° 3117) (M. Didier Paris, rapporteur).
Nous examinons ce matin le projet de loi relatif à la prorogation des chapitres VI à X du titre II du livre II et de l'article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure.
Je salue Loïc Kervran. Il siège en tant que rapporteur de la commission de la Défense nationale et des forces armées, qui s'est saisie pour avis de l'article 2 du projet de loi.
Si la situation paraît aujourd'hui un peu moins tendue qu'elle a pu l'être, nul d'entre nous ne peut affirmer que la menace terroriste a disparu.
La loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (SILT) du 30 octobre 2017 comporte quatre mesures phares qui permettent l'instauration de périmètres de protection, la fermeture de lieux de culte, la mise en place de mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (MICAS) et les visites domiciliaires. Ces mesures sont applicables jusqu'au 31 décembre 2020.
De la même manière, les dispositions de l'article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure, issues de la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement, ont été instaurées pour une durée limitée, initialement jusqu'au 31 décembre 2018, et prorogées jusqu'au 31 décembre 2020 par l'article 17 de la loi SILT.
Trois solutions s'offraient à nous. La première consistait à adapter les mesures dont il est question pour les inscrire définitivement dans notre arsenal législatif. Mais les délais impartis, la priorité donnée à la relance économique et l'expérimentation tardive – elle ne remonte qu'à 2017 – de la technique de recueil de renseignement « algorithme » la rendaient peu viable. Il faut du temps pour mener une discussion de fond sur chacune de ces dispositions et en ce sens, les amendements de notre collègue M'Jid El Guerrab viennent trop tôt. Il nous faut aussi attendre que la Cour de justice de l'Union européenne rende son arrêt sur la conservation généralisée de certaines données, qui pourrait avoir des conséquences sur certaines techniques de renseignement.
Opter pour la deuxième solution, qui consistait à laisser les dispositions venir à expiration le 31 décembre 2020, eût été manquer à notre devoir de protection vis-à-vis des Français.
La troisième solution consistait à proroger, sans les modifier, ces mesures. C'est celle qui a été retenue. Il s'agit d'enjamber cette période pour envisager dans de meilleures conditions le débat sur le fond.
Les mesures prises en application de la loi SILT paraissent toujours aussi indispensables et ont largement démontré leur utilité : l'instauration de périmètres de protection est la plus souple d'entre elles, donc la plus utilisée ; il a été procédé à sept fermetures administratives de lieux de culte ; les MICAS ont fait l'objet d'un encadrement progressif, 294 ont été prononcées ; 167 visites domiciliaires ont été effectuées, sous le contrôle du juge des libertés et de la détention (JLD), 97 ont conduit à des saisies, 18 ont débouché sur l'ouverture d'une information judiciaire, elles ont permis de déjouer au moins un attentat, en mai 2018. Ces mesures ont fait l'objet d'un contrôle parlementaire renforcé.
Le bilan sur la technique algorithmique de renseignement est plus complexe à établir, d'autant que certains aspects sont couverts par le secret-défense. Son expérimentation n'a débuté qu'en 2017, après le travail de paramétrage permettant de viser des données pertinentes. Progressivement mis en œuvre après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), les trois algorithmes sont exclusivement liés aux données de facturation et portent sur les appels téléphoniques, les textos et les consultations de répondeur.
Il est question d'inclure d'autres données, notamment les données dites Internet Protocol (IP) qui utilisent le réseau internet et d'étendre la disposition aux applications telles que WhatsApp ou Telegram. Une autre évolution consisterait à inclure les Uniform Resource Locator (URL), ou adresses web, ce qui permettrait de détecter non plus seulement les connexions mais les consultations ou les téléchargements pouvant caractériser une menace, comme les vidéos d'appel au djihad ou les tutoriels permettant d'élaborer un explosif.
Cette extension est sans doute nécessaire pour répondre aux besoins de sécurité des Français. Nous en débattrons ultérieurement, le Gouvernement ayant déjà soumis certains éléments au Conseil d'État.
Le présent projet de loi prévoit une prorogation d'un an à compter de la date limite d'expérimentation, soit jusqu'au 31 décembre 2021.
Faut-il suivre cette logique ? Compte tenu des enjeux liés aux libertés individuelles, nous ne devons pas tarder à réexaminer les dispositions de la loi SILT. Nous disposons déjà du rapport de novembre 2019 du Gouvernement sur l'application de la loi SILT et des comptes rendus réguliers de Yaël Braun-Pivet, Raphaël Gauvain et Éric Ciotti, chargés du contrôle de la loi. Nos collègues notent que les quatre mesures, utilisées de façon parcimonieuse et raisonnée, se sont révélées efficaces.
S'agissant de l'application de l'article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure, le Gouvernement a remis son rapport le 30 juin dernier. En outre, dans le cadre de la mission d'information présidée par notre collègue Guillaume Larrivé sur l'évaluation de la loi relative au renseignement, les rapporteurs Loïc Kervran et Jean-Michel Mis ont apporté un éclairage précis sur ce point.
Proroger la durée de validité de ces mesures jusqu'au 31 décembre 2022, comme le demande le groupe Les Républicains, reviendrait à repousser encore le débat parlementaire que nous appelons tous de nos vœux.
En outre, les dispositions dont nous débattrons ont été largement amendées, pour mieux préserver les libertés individuelles. L'instauration de périmètres de protection, la fermeture des lieux de culte et les MICAS ont fait l'objet de deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC). Le Conseil constitutionnel a notamment censuré certaines dispositions relatives aux délais de recours et à l'intervention du juge dans le cadre des MICAS.
Les articles 65 et 66 de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, dont j'ai été le rapporteur, ont modifié ces dispositions, conformément aux réserves formulées par le Conseil constitutionnel.
Si les libertés individuelles ne commandent pas de modifier en urgence ces dispositions, il nous faut en débattre rapidement. Je propose donc de proroger la validité des dispositions concernées jusqu'au 31 juillet 2021.
Saisie pour avis de l'article 2 du projet de loi, la commission de la Défense a examiné la technique de renseignement communément appelée « algorithme ».
Les services éprouvent un réel intérêt opérationnel pour celle-ci. Membre, comme Yaël Braun-Pivet, de la Délégation parlementaire au renseignement, j'ai eu accès au rapport classifié concernant les résultats opérationnels des différents algorithmes mis en œuvre : je peux vous assurer de leur efficacité car ils ont permis de détecter des porteurs de menaces ainsi que des contacts entre ces derniers.
L'équilibre entre sécurité et liberté est en outre assuré ; nous sommes aux antipodes des « boîtes noires » que certains se plaisent à décrire.
La commission de la Défense a adopté hier à l'unanimité un amendement visant à ramener la validité de la prorogation au 31 juillet 2021. Elle a estimé, en effet, que les rapports à notre disposition fournissaient les éléments de fond du débat, que les besoins opérationnels appelaient des évolutions législatives et que le Parlement, enfin, ne saurait se satisfaire de prorogations successives.
La loi SILT a permis, grâce à différents outils qui ont depuis fait leurs preuves, une sortie maîtrisée et progressive du régime de l'état d'urgence mis en place après les attentats de Paris du 13 novembre 2015.
Parmi ces outils, les périmètres de protection, très utilisés et bien acceptés par la population, ont été mis en place depuis le 1er novembre 2017. Des fermetures très encadrées de certains lieux de culte incitant à la violence, à la haine et à la discrimination, provoquant à la commission d'actes de terrorisme ou en faisant l'apologie, ont été prononcées ; la majeure partie de ces lieux n'a pas rouvert.
Des MICAS ont été prises à l'encontre de plus d'une centaine de personnes l'an dernier. Les visites domiciliaires et les saisies en découlant ont déjà permis de déjouer un attentat et d'engager des poursuites judiciaires pour des faits de terrorisme contre sept personnes entre novembre 2018 et octobre 2019. Elles permettent la connaissance et la surveillance d'individus radicalisés, une meilleure prévention des risques terroristes et donc une meilleure protection des Français.
La loi SILT a également permis de proroger la technique de renseignement par traitement automatisé issue de la loi relative au renseignement de 2015. Le Premier ministre peut ainsi, après avis de la CNCTR, autoriser qu'il soit imposé aux opérateurs de communication électronique et aux fournisseurs de services sur internet la mise en œuvre sur les réseaux de traitements automatisés d'informations destinés à détecter des connexions susceptibles de révéler une menace terroriste.
Compte tenu de leur caractère novateur, de l'accroissement des pouvoirs de police et des contraintes aux libertés que ces mesures peuvent représenter, nous avons souhaité limiter dans le temps, c'est-à-dire jusqu'au 31 décembre 2020, l'utilisation de ces techniques et les évaluer avant cette échéance.
Si le nombre d'attaques terroristes semble aujourd'hui en baisse, la menace reste toujours présente en France et en Europe, puisque plus de 1 000 personnes y ont été arrêtées pour des faits de terrorisme ; le djihadisme constitue toujours la menace principale.
Les différents rapports sur l'application de la loi SILT témoignent du grand intérêt opérationnel de ces outils, dont l'usage reste raisonné, et de la qualité juridique des décisions.
S'agissant des techniques de renseignement par traitement automatisé, Loïc Kervran et Jean-Michel Mis, dans leur rapport d'information, jugent les résultats intéressants et prometteurs et préconisent la poursuite de leur utilisation.
La crise ne doit pas nous conduire à négliger le risque terroriste, qui reste majeur. Ainsi, l'Assemblée nationale a adopté la proposition de loi de Yaël Braun-Pivet et de Raphaël Gauvain instaurant des mesures de sûreté à l'encontre des auteurs d'infractions terroristes à l'issue de leur peine.
Le Président de la République a par ailleurs signé, le 12 février 2020, une ordonnance renforçant le dispositif national de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, qui impose notamment à certaines professions de déclarer à Tracfin les opérations qui leur semblent litigieuses.
Face au risque persistant du terrorisme et compte tenu de l'utilité démontrée de ces outils, il est souhaitable de les pérenniser dans un texte législatif spécifique, qui tiendra compte des rapports et des suggestions d'amélioration émises depuis trois ans. Toutefois, la crise sanitaire nous contraint à examiner ce texte plus tard que prévu. Il convient de proroger ces dispositifs qui protègent les Français et de se donner le temps d'établir une loi qui viendra parfaire l'arsenal juridique, punitif, de surveillance et de renseignement.
Nous examinons, pour la deuxième fois en trois semaines, un texte relatif à la lutte contre le terrorisme, preuve, s'il en faut, que nous avons manqué l'occasion de bâtir une véritable politique en la matière.
Loïc Kervran a rappelé l'importance des algorithmes, outil majeur de protection. Mais les mesures issues de la loi SILT, dont l'arrivée prochaine à expiration nous fait nous précipiter, ne sont pas à la hauteur de la menace qui continue de peser sur notre pays.
La sortie de détention des détenus condamnés pour terrorisme islamiste, celle des détenus de droit commun suspectés de radicalisation, la multiplication, au quotidien, d'attentats de faible intensité mais à la portée symbolique très forte, sont des indicateurs. Pourtant, il semble que nous ayons baissé la garde et qu'en parallèle, nous nous satisfassions d'un texte peu ambitieux.
Nous aurions pu traiter, dans un même projet de loi, de la question des sorties de prison, de la rétention de sûreté, de la rétention administrative et du renseignement. Je n'ignore pas la dimension constitutionnelle de certaines des dispositions : nous aurions pu définir un nouveau cadre qui implique de réformer la Constitution. Notre exigence doit être à la hauteur de la menace persistante.
Le rapport sur la mise en application de la loi SILT, que j'ai déposé avec nos collègues Yaël Braun-Pivet et Raphaël Gauvain, souligne des résultats somme toute modestes : 167 visites domiciliaires ont été effectuées en un peu moins de deux ans, 294 MICAS ont été prononcées quand le fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste comptait jusqu'à 20 000 noms. Lorsque l'état d'urgence était en vigueur, les mêmes chiffres s'établissaient à un niveau incomparablement supérieur : notre degré de protection a donc baissé.
Ce projet de loi a le mérite d'exister car l'expiration de la validité de ces dispositions ferait courir un risque très important à notre société. Nous avons déposé un amendement à l'article 1er visant à la repousser de deux ans. Ayant entendu les arguments du rapporteur, du rapporteur pour avis et de Guillaume Larrivé, je retirerai l'amendement CL3 à l'article 2, car il importe de légiférer rapidement dans ce domaine.
Il faudra aller plus loin et adapter les mesures de lutte contre le terrorisme. Je pense en particulier aux visites domiciliaires dont l'organisation est rendue très compliquée par le contrôle du JILD et aux conditions très restrictives imposées à l'autorité administrative pour les perquisitions. Je pense aussi aux périmètres de contrôle qui ont remplacé les assignations à résidence, bien plus pertinentes et utiles en dépit de leur limitation à douze heures par jour. Les limites du périmètre ne peuvent être inférieures au territoire de la commune, ce qui paraît inopportun pour une ville comme Paris.
Partout dans le monde, la menace terroriste est mouvante et s'adapte aux lois et aux mesures prises pour la combattre. Notre pays, endeuillé à plusieurs reprises, doit lutter sans relâche contre le risque de nouvelles attaques. La loi SILT a ainsi permis une sortie de l'état d'urgence tout en sécurisant nos moyens de protection.
Le projet de loi que nous examinons vise à proroger d'un an la durée de validité de quatre dispositifs prévus par la loi SILT et l'application de l'article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure, qui arrivaient à échéance le 31 décembre 2020.
L'ambition initiale était d'examiner avant cette date un projet de loi visant à pérenniser ces mesures mais la crise sanitaire a bouleversé le calendrier parlementaire. L'exigence d'un travail de qualité commande de ne pas légiférer dans l'urgence. Le présent projet de loi nous offre une marge de manœuvre pour examiner sereinement le futur projet de loi de pérennisation ou de suppression des mesures expérimentales préparé par le Gouvernement. Le Parlement, notamment le Sénat, a déjà mené une réflexion importante à ce sujet.
Compte tenu de la sensibilité des enjeux, nous jugeons qu'il serait délicat de modifier ces dispositions par voie d'amendement au présent texte. Il convient en effet de disposer d'une étude d'impact et de l'avis du Conseil d'État.
Le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés souhaite que l'examen du futur projet de loi puisse débuter dès que possible : il ne faut en effet pas repousser plus que de raison un débat essentiel.
Le projet de loi prolonge jusqu'au 31 décembre 2021 l'application des dispositions législatives en matière de surveillance et de prévention du terrorisme issues de la loi relative au renseignement et de la loi SILT.
Le Conseil constitutionnel a fait évoluer des dispositions prévues par la loi SILT, que le groupe Socialistes et apparentés avait votées. Il a en effet jugé conforme à la Constitution le périmètre de protection, dispositif le plus utilisé et encadré dans le temps, à la condition qu'il participe à la lutte contre le terrorisme. Il a en outre rappelé que les officiers de police judiciaire doivent contrôler l'activité des agents privés postés à l'entrée d'un périmètre de protection. Il a estimé que la fermeture des lieux de culte est conforme à la Constitution, dès lors que l'objectif est de prévenir le terrorisme.
Le Conseil constitutionnel a censuré certaines dispositions concernant les MICAS. Depuis, la loi de programmation de la justice, dont Didier Paris était rapporteur, a prévu qu'une assignation à résidence ne pouvait être renouvelée à la demande du justiciable concerné sans le contrôle du juge administratif. Le contrôle exigeant du juge doit être rappelé dans le cadre du futur projet de loi.
La prorogation de la durée de validité de ces mesures est justifiée par la crise sanitaire et par la nécessité de mener une réflexion apaisée sur les outils de lutte contre le terrorisme. Je remercie le rapporteur d'avoir déposé un amendement visant à la ramener à six mois. Nous disposerons ainsi d'un délai raisonnable d'un an pour débattre de leur pérennisation éventuelle.
Le 3 juillet 2017, Emmanuel Macron déclarait devant le Parlement réuni en Congrès : « Le code pénal tel qu'il est, les pouvoirs des magistrats tels qu'ils sont peuvent, si le système est bien ordonné, nous permettre d'anéantir nos adversaires. Donner en revanche à l'administration des pouvoirs illimités sur la vie des personnes, sans aucune discrimination, n'a aucun sens, ni en termes de principe ni en termes d'efficacité. »
Je partage cette analyse. La loi SILT, qui a limité dans le temps certaines dispositions exorbitantes du droit commun, place la lutte contre le terrorisme en dehors du contrôle de l'autorité judiciaire. Le Conseil constitutionnel a rétabli en partie ce contrôle ; il a en outre fait une place au juge administratif, lequel a d'ailleurs démontré sa capacité à défendre les libertés individuelles.
L'examen de ces mesures de police administrative et de renseignement exigera de notre part une évaluation très précise de leur application par l'administration : le contrôle exercé par les parlementaires sera à cet égard très précieux, tout comme l'audition des ministres de l'intérieur et de la justice. Nous nous attacherons particulièrement à la réintroduction des droits de la défense dans le processus de décision.
Deux choix s'offrent à nous : discuter de ces mesures, de leur utilité, de la véracité des mesures de police et de la proportionnalité de l'atteinte aux libertés avec le respect du droit de chacun, ou estimer que le contexte actuel ne permet pas dans l'immédiat un débat de fond. La seconde option ne signifie nullement que nous occultions ces questions : la crise sanitaire ne doit pas servir d'excuse pour repousser des débats importants.
Lors de l'examen du projet de loi SILT, le groupe UDI et indépendants avait estimé que les mesures devaient faire l'objet d'un contrôle parlementaire. Celui-ci doit perdurer.
Le Gouvernement compte-t-il poursuivre, au cours des douze mois qui nous séparent de l'échéance, leur application sans changement ou considère-t-il que le débat doit avoir lieu au plus vite ? Nous estimons qu'au regard des enjeux touchant tant aux droits fondamentaux qu'à la sécurité de nos concitoyens, le plus tôt sera le mieux. En ce sens, nous soutiendrons les amendements déposés par le rapporteur.
Lors de l'examen en première lecture du projet de loi SILT, nous avons, à l'initiative du Sénat, et compte tenu de leur caractère très dérogatoire du droit commun, donné un caractère expérimental aux MICAS ainsi qu'aux visites domiciliaires. Ce fut une sage décision, qu'il ne s'agit pas ici de contourner.
Il n'est en effet pas seulement question, comme l'exposé des motifs voudrait nous le faire croire, d'un simple changement de date motivé par les circonstances exceptionnelles de l'épidémie : il nous faut nous interroger une fois de plus sur les prérogatives que nous concédons à l'exécutif. Il est hors de question d'accorder un blanc-seing au Gouvernement.
Le projet de loi vise à proroger au-delà de la fin de l'année 2020 la durée de validité de dispositions votées en 2015 et en 2017, lesquelles nous semblent, en définitive, proportionnées.
Je reste cependant « sur ma faim » car certains éléments concernant le niveau de la menace manquent pour donner un avis éclairé. Je tire des chiffres avancés par Éric Ciotti une conclusion diamétralement opposée à la sienne : c'est la baisse de l'intensité de la menace, corroborée par la fin de l'organisation État islamique (EI), qui semble les expliquer.
Il aurait été intéressant de connaître le nombre d'attentats déjoués depuis celui du 11 mai 2018. S'il est nul, cela signifie que la menace a considérablement baissé.
La CNCTR demande un bilan de l'application du cadre légal mis en place en 2015. Il nous faudra en disposer avant d'examiner le futur projet de loi. Par ailleurs, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a formulé plusieurs préconisations s'agissant de la conservation des données et de leur partage entre services. Nous devrons nous interroger sur la proportionnalité entre les mesures proposées et les risques induits.
Le groupe Libertés et Territoires ne s'opposera pas à la prorogation des mesures concernées.
Je me permettrai deux observations liminaires. Les horaires de nos réunions fluctuent au gré d'un nouveau gouvernement qui ne fera même pas de déclaration de politique générale ; tout continue comme si de rien n'était – the show must go on. J'observe aussi que le nouveau garde des Sceaux, sur lequel je fonde un espoir mesuré, a eu des mots durs sur plusieurs lois votées en matière terroriste ; je ne suis pas certain qu'il donnera son blanc-seing.
Nous n'avons pas besoin du blanc-seing du Gouvernement pour examiner ce type de texte, et la loi SILT n'entre pas dans le champ de compétences du garde des Sceaux.
Vous me coupez la parole, ce que vous ne faites pas lorsque d'autres collègues s'expriment.
Je joue mon rôle de présidente, en vous rappelant que vous devez vous exprimer sur le projet de loi examiné ce matin par notre Commission !
Chacun tirera les conséquences de ce qu'il a vu et entendu.
Le groupe La France insoumise a déposé un amendement de suppression sur les deux premiers articles du projet de loi, car notre opposition aux dispositions issues de la loi SILT et de la loi relative au renseignement n'a pas varié.
L'examen du projet de loi SILT a donné plus de vigueur encore aux concepts de dangerosité, d'infra-judiciaire et de police administrative, ce qui n'a pas empêché, en vertu d'une logique implacable, la discussion de mesures de sûreté, et, demain, le débat sur la rétention de sûreté. Je fonde néanmoins quelque espoir sur la position qu'adoptera, ne vous en déplaise, le nouveau garde des Sceaux sur cette question.
S'agissant des techniques de renseignement fondées sur l'analyse algorithmique, le journal Le Monde, dans son édition du 8 juillet, fait état d'un rapport confidentiel qui permettra d'éclairer nos discussions lors de l'examen du futur projet de loi. Il révèle en effet que ces techniques n'ont jamais permis d'empêcher un seul acte terroriste. Un autre article indique que l'analyse en continu des données par les « boîtes noires » n'aurait permis de détecter qu'une petite dizaine de profils faiblement à risque. Il existe donc une disproportion complète entre ces résultats et les moyens mis en œuvre pour écouter et observer la société tout entière.
On pourrait en conclure que le dispositif est inopérant et que nous avons quand même mis fin à la menace terroriste, puisque des attentats ont été déjoués. Eh bien non, on nous propose d'aller encore plus loin ! Dans ce rapport, les services de renseignement expliquent que si personne n'a été attrapé grâce à ces moyens technologiques, c'est qu'il nous faut encore les accroître.
Éric Ciotti s'inscrit dans la même logique : selon lui, si le nombre d'attentats a baissé, ce n'est pas parce que moins de gens veulent en commettre, c'est parce que nous n'avons pas bien cherché ! À force de chercher des terroristes, on finira bien par en trouver… ou en fabriquer. La tendance des services de renseignement, c'est bien de trouver ce qu'ils cherchent ou, de façon indirecte, à le fabriquer.
L'analyse des URL pourrait donc nous indiquer qui consulte, et quel site ? Ce serait le Graal aux yeux de certains. Mais est-ce souhaitable dans une société démocratique et dans un état de droit ? Si, pour combattre la menace totalitaire, nous finissons par employer des moyens totalitaires, nous nous dévoierons et nous nous écarterons de l'idéal républicain.
Nous restons opposés à ces mesures. Non pas qu'il ne faille selon nous rien faire contre la menace terroriste : les pouvoirs de police ont été largement renforcés ; les moyens de la justice doivent être augmentés. Dans bien des cas, c'est notre capacité à judiciariser qui pose problème ; beaucoup de choses peuvent être faites dans le cadre d'une enquête préliminaire, n'allez donc pas raconter que la justice est désarmée !
Ce texte, une nouvelle fois, met en tension deux impératifs dont l'interdépendance repose sur un équilibre fragile. Notre rôle de législateur est de veiller au respect de cet équilibre. La peur n'est pas une boussole, mais la prudence doit toujours régler la valeur.
Il s'agit de proroger les quatre mesures de la loi SILT, qui avaient revêtu un caractère temporaire en raison de leur sensibilité au regard du respect des droits et libertés constitutionnellement garantis, ainsi que l'article 25 de la loi renseignement, qui autorisait la mise en œuvre pour une durée limitée d'une technique de recueil de renseignement, l'« algorithme ».
Trois algorithmes ont été mis en place depuis le 12 octobre 2017 : le secret-défense ne permet pas d'en révéler l'architecture mais les résultats seraient probants. Pour être efficaces un jour, ces algorithmes doivent continuer à auto-apprendre et à affiner leurs capacités analytiques.
Les différents rapports de suivi montrent une utilisation parcimonieuse par les autorités administratives des pouvoirs qui leur sont conférés à titre exceptionnel pour la lutte anti-terroriste. De plus, le contrôle du JLD sur les visites domiciliaires et saisies et celui de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) sur l'identification des individus potentiellement dangereux repérés par un algorithme garantissent une application strictement proportionnelle aux risques.
Ces mesures de prévention ne pourront plus être utilisées à partir du 31 décembre 2020. Si l'agenda législatif ne nous permet pas de prendre le temps de débattre sereinement et sérieusement de ces dispositions, il serait risqué de ne pas les prolonger de quelques mois.
Dans son rapport intitulé « Situations et tendances du terrorisme », rendu public le 23 juin et présenté en commission des libertés publiques du Parlement européen, Europol affirme que le terrorisme djihadiste continue de décroître – 21 attaques contre 24 en 2018 et 33 en 2017 –, mais que l'État islamique recherche toujours des opportunités d'attaques à grande échelle visant des citoyens de l'Union européenne. En 2019, 119 attentats terroristes se sont produits, ont été déjoués ou ont échoué dans l'Union européenne. La grande majorité des arrestations a eu lieu dans cinq pays : 281 au Royaume-Uni, 224 en France, 132 en Italie, 99 en Belgique et 91 en Espagne. La France est, derrière le Royaume-Uni, le pays le plus menacé.
Le groupe Agir ensemble est favorable à la prorogation de ces mesures, à condition qu'un projet de loi permette de les réévaluer en profondeur. Nous serons attentifs à ce que les débats soient à la mesure des libertés fondamentales en jeu.
Après l'avoir approuvé, le groupe GDR avait plaidé pour une sortie maîtrisée de l'état d'urgence. Or nous avons considéré que la loi SILT, loin de constituer une sortie maîtrisée, permettait l'introduction définitive dans la loi de dispositifs exceptionnels. Pleinement conscients de ce que combattent les terroristes dans notre système de valeurs, nous pensions que banaliser des mesures d'exception qui fragilisent l'état de droit et l'exercice des libertés fondamentales était un cadeau fait à nos ennemis. Si la vigilance de la société et la lutte contre le terrorisme sont indispensables, il convient de les concilier avec le respect de nos principes, notamment de notre état de droit.
Prolonger des mesures qui étaient provisoires, rendre permanentes des mesures qui avaient vocation à être exceptionnelles concourt à cette tendance. Dans la perspective du débat que nous aurons, je serais preneur d'un bilan détaillé sur l'efficacité de ces mesures. On sait ce que l'on perd, pas ce que l'on gagne. En Seine-Saint-Denis – et ce n'est pas le département le moins concerné par ce combat –, ce sont de moyens supplémentaires dont nous avons besoin. La mauvaise coordination des services de renseignement, la faiblesse de leurs moyens, l'état des services de police et des services déconcentrés, notamment préfectoraux, expliquent les nombreux « trous dans la raquette ». Plutôt que de toujours surenchérir dans la législation, il faut se donner les moyens de faire respecter les règles existantes – elles sont suffisantes pour lutter efficacement contre le terrorisme. Interrogez n'importe quel fonctionnaire de terrain, ce ne sont pas les lois qui manquent, mais les moyens.
Lors de l'examen du projet de loi SILT, le groupe Les Républicains s'était prononcé en faveur d'un dispositif pérenne, bien que le texte semblât insuffisant face à l'importance des enjeux. Vous avez indiqué, madame la présidente, que la proposition de loi instaurant des mesures de sûreté à l'encontre des auteurs d'infractions terroristes à l'issue de leur peine, dont vous êtes la rapporteure, n'était pas le cadre adéquat pour modifier ce régime. Ce texte est donc l'occasion de toiletter la loi SILT afin de la rendre plus efficace, en se basant sur l'expérience acquise pendant plus de deux ans.
Il convient d'assouplir les conditions qui permettent de mettre en œuvre une MICAS et de supprimer la disposition qui prévoit qu'une MICAS ne peut être renouvelée au-delà de six mois que si des éléments nouveaux ou complémentaires sont apparus. Ce délai est trop court pour assurer un suivi efficace de certaines personnes dangereuses et l'obligation de trouver des éléments nouveaux ou complémentaire constitue une surcharge de travail pour des services de renseignements déjà débordés.
Ugo Bernalicis et Stéphane Peu suivent une logique diamétralement opposée à la nôtre. Je remercie le rapporteur pour avis Loïc Kervran, Ludovic Mendès, Élodie Jacquier-Laforge, Cécile Untermaier, Michel Zumkeller, Paul Molac et Dimitri Houbron d'accepter la logique du Gouvernement : il s'agit de voter une loi permettant d'enjamber la période qui nous sépare de l'examen d'un projet de loi, d'ici le 31 juillet 2021.
Article 1er (art. 5 de la loi n° 2017–1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme) : Prolongation d'un an des dispositions des articles 1er à 4 de la loi SILT
La Commission examine l'amendement de suppression CL8 de Mme Danièle Obono.
Monsieur le rapporteur, vous prenez avec beaucoup de légèreté le mépris dont le Gouvernement fait preuve à l'encontre des parlementaires. Il est une nouvelle fois démontré que nous ne sommes qu'une formalité administrative, tout au plus un encombrement temporaire.
Pour revenir sur notre opposition à la loi de 2017, je voudrais citer Raphaël Kempf. Pour cet avocat pénaliste, ardent défenseur des libertés individuelles et fondamentales, les lois scélérates obéissent à un schéma classique, applicable à la loi SILT : « Le discours produit par les défenseurs d'une loi scélérate – Gouvernement, parlementaires de la majorité, presse réactionnaire – est fait d'oxymores : on argumente au nom de la défense de l'État de droit et des libertés fondamentales, alors que la nouvelle loi leur porte directement atteinte. […] Il y a souvent au cours des débats sur une future loi scélérate une pseudo-réaction libérale de parlementaires autoproclamés défenseurs des libertés proposant un compromis pour ménager les intérêts de l'ordre public et ceux de la liberté. […] Une loi scélérate n'est pas faite uniquement pour les procureurs puis les juges, mais aussi et surtout pour la police : il y en effet un usage policier et administratif des lois scélérates que l'on peut qualifier d'infrajudiciaire. Ces lois permettent de multiplier des mesures de contraintes, attentatoires aux libertés individuelles, qui échappent au contrôle des juges. […] En outre, et c'est probablement l'indice le plus flagrant de la scélératesse d'une loi : elle est faite contre certains puis appliquée à tous […] Enfin, on peut constater qu'une loi scélérate vise l'intention plus que l'acte, la dangerosité potentielle plus que la culpabilité constatée ».
Cela a fait dire à Éric Dupont-Moretti en 2018 : « Reculer sur nos libertés, c'est donner raison aux terroristes ».
Il n'y a ni légèreté ni mépris dans mes propos. Mais ne reprenons pas un débat qui nous a beaucoup occupés. Nous avons tous conscience que nous ne devons pas amoindrir nos capacités de réponse à la menace terroriste qui, tout en étant plus faible en apparence, reste présente. Nous avons besoin de ces dispositions légales. Nous sommes aux antipodes de votre analyse : les libertés individuelles nous paraissent parfaitement respectées, elles ont été confirmées, modifiées et adaptées, notamment par le Conseil constitutionnel, qui est quand même notre juge suprême. Avis défavorable.
Selon vous, du moment que le juge suprême a validé le schéma, c'est qu'il est équilibré et non attentatoire aux libertés publiques. Permettez-moi de douter de l'opérationnalité du Conseil constitutionnel en la matière : je ne partage pas son analyse sur le délit de non-respect du confinement, pas davantage celle sur les ordonnances, qui auront désormais valeur de loi, passée l'expiration du délai d'habilitation. L'architecture constitutionnelle dans ce pays en a pris un coup et le crédit que l'on peut porter au Conseil constitutionnel est douteux.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine, en discussion commune, les amendements CL20 du rapporteur et CL2 de M. Éric Ciotti.
Il n'est pas nécessaire de proroger aussi longtemps la durée de validité des dispositions de la loi SILT. Je propose d'en fixer le terme au 31 juillet 2021.
Nous proposons pour notre part une prorogation jusqu'en 2022. Les événements nous ont montré que nous ne maîtrisons pas aussi certainement que nous le souhaiterions l'agenda parlementaire.
J'ajoute que nous avons été surpris, monsieur le rapporteur, que vous ne citiez pas l'orateur du groupe, Éric Ciotti, parmi les députés qui vous ont apporté leur soutien.
C'était un oubli, sans mauvaise intention de ma part. Vous avez omis de dire qu'Éric Ciotti souhaitait retirer cet amendement.
Non, monsieur le rapporteur, c'est l'amendement CL3 à l'article 2 que nous retirerons.
Si le projet de loi devait venir plus vite en discussion, il suffirait d'écrire que la prorogation de ces mesures est raccourcie. L'agenda politique est tel que nous ne sommes pas certains de pouvoir discuter d'un texte de fond dans les mois qui viennent.
Fixer la date au 31 juillet 2021 laisse au Gouvernement le temps de présenter le nouveau texte. C'est un excellent choix !
J'ai expliqué que, selon le schéma des lois scélérates, celui qui propose un compromis se prévaut d'être un défenseur des libertés. Nous y sommes !
Ce n'est pas seulement la loi que vous taxez de scélérate, mais ceux qui la commentent ou essaient de l'améliorer ! Mais appelons un chat un chat : nous parlons de personnes poursuivies pour actes de terrorisme.
La discussion de fond, que le groupe Les Républicains appelle aussi de ses vœux, est très importante. Nous ne pouvons en aucune façon baisser la garde et ces dispositifs s'avèrent fort utiles pour la sécurité des Français. Nous proposons d'accélérer le processus afin que le projet de loi soit examiné dans des délais raisonnables. La différence de timing n'est pas anodine, et les Français sont attentifs aux dispositions que nous inclurons, ou pas, dans le droit.
La Commission adopte l'amendement CL20.
En conséquence, l'amendement CL2 tombe.
La Commission adopte l'article 1er modifié.
Après l'article 1er
La Commission est saisie successivement de trois amendements CL12, CL13 et CL15 de M. M'Jid El Guerrab, portant articles additionnels après l'article 1er.
L'article L. 226-1 du code de la sécurité intérieure permet l'instauration de périmètres de sécurité dans lesquels des palpations de sécurité, des inspections de véhicules et des fouilles de bagages peuvent être effectuées.
L'amendement CL12 prévoit que, conformément à la décision du Conseil constitutionnel du 29 mars 2018, ces opérations doivent se fonder sur des critères excluant toute discrimination.
L'amendement CL13 tient compte de la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel, qui a imposé un contrôle continu et effectif par les officiers de police judiciaire sur les agents de sécurité postés à l'entrée d'un périmètre de protection.
L'amendement CL15 vise à abroger l'article L. 227-1, qui permet la fermeture de lieux de culte. En effet, seuls cinq lieux ont été fermés au cours de la première année d'application de la loi, deux au cours de la seconde. De plus, cette mesure ne permet pas de lutter contre la diffusion de messages et complique parfois l'action des services de renseignements car il est plus difficile de savoir ce qui se dit dans les lieux parallèles. Il est temps de faire le bilan des mesures et de supprimer cette disposition contre-productive.
Les motivations qui ont présidé à la rédaction des amendements CL12 et CL13 sont légitimes, mais satisfaites, aussi bien par la pratique que par les réserves d'interprétation du Conseil constitutionnel. Le Conseil constitutionnel a en effet estimé qu'il appartient aux autorités publiques de s'assurer de l'effectivité continue du contrôle exercé par les officiers de police judiciaire sur les agents privés de sécurité susceptibles d'être associés aux périmètres de protection et que la mise en œuvre des mesures de vérification doit exclure toute discrimination de quelque nature que ce soit entre les personnes.
À l'appui de l'amendement CL15, vous dites que la mesure de fermeture des lieux de culte est peu utilisée ; cela ne signifie pas pour autant qu'elle n'est pas utile.
Il n'y a aucune urgence à modifier ces dispositions, qui font l'objet d'une application conforme aux réserves du Conseil constitutionnel. Je vous renvoie au projet de loi qui nous sera prochainement soumis et vous demande de bien vouloir retirer ces amendements.
Une mesure de fermeture prise à l'encontre d'un lieu de culte peut tenir davantage de la communication et être inefficace, voire contre-productive. Il faudra débattre de cette question.
Les amendements sont successivement retirés.
La Commission est saisie de l'amendement CL4 de M. Éric Ciotti.
Le ministère de l'Intérieur peut prononcer une MICAS dès lors qu'il existe des raisons sérieuses de penser que le comportement de la personne constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics et que cette personne entre en relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme. Nous proposons que ces deux critères ne soient plus cumulatifs, mais alternatifs. Il est important de resserrer les mailles du filet et d'éviter, en amont, le plus d'attentats possibles.
Avis défavorable. Ce sont des mesures trop délicates pour que nous puissions y toucher dans n'importe quelles conditions. Nous avons atteint un équilibre.
Oui, l'équilibre entre cette mesure et la protection des libertés individuelles, à laquelle je vous sais très sensible ! Je vous renvoie à la décision du Conseil constitutionnel qui a validé les critères cumulatifs. Les chiffres permettent de dire que cette mesure est utilisée avec parcimonie et raison. Ne modifions pas aujourd'hui cet équilibre, nous en débattrons lors de l'examen du futur projet de loi.
Je ne comprends pas cette frilosité à l'égard du Conseil constitutionnel. Je rappelle que vous n'avez pas eu peur de piétiner les libertés publiques lors de l'examen de la proposition de loi dite « Avia » !
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CL7 de M. Éric Ciotti.
Aux termes de l'article L. 228-2 du code de la sécurité intérieure, le périmètre à l'extérieur duquel la personne ne peut se déplacer ne peut être inférieur au territoire de la commune. Or ce territoire peut être particulièrement étendu – c'est le cas de Paris –, ce qui ne semble pas permettre une lutte efficace contre le terrorisme. Il doit être possible, alors, de prononcer une assignation à résidence.
L'avis du Conseil d'État, rendu le 17 décembre 2015, est très clair : « Hors période d'état d'urgence […], seule une assignation à résidence qui se bornerait, pour les personnes radicalisées et présentant des indices de dangerosité, à restreindre leur liberté de circulation avec des modalités d'exécution laissant à l'intéressé une liberté de mouvement conciliable avec une vie familiale et professionnelle normale, pourrait, le cas échéant, être envisagée dans un cadre administratif. Elle devrait être prévue par la loi et comporter un degré de contraintes inférieur aux mesures prévues par l'article 6 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence. » Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CL5 de M. Éric Ciotti.
Une très grande majorité des MICAS ne peut être renouvelée au-delà de six mois car les services sont dans l'incapacité de fournir des éléments nouveaux ou complémentaires. Sur les 287 MICAS prononcées depuis novembre 2017, 42 seulement ont fait l'objet d'un renouvellement au-delà de six mois, et 16 au-delà de neuf mois. Or le profil de certains détenus terroristes nécessite un suivi sur une plus longue période. Nous proposons de supprimer l'exigence d'éléments nouveaux ou complémentaires ; des éléments persistants devraient suffire.
Cela représente sans aucun doute une contrainte pour les services de police, et suppose une détermination dans l'action. C'est pourtant l'équilibre qui a été trouvé et qui a été validé par le Conseil constitutionnel dans ses deux décisions de 2018. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CL6 de M. Éric Ciotti.
Cet amendement est inconstitutionnel, je vous renvoie à la décision du Conseil constitutionnel du 29 mars 2018.
La Commission rejette l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement CL18 de M. M'Jid El Guerrab.
Le législateur avait prévu en 2017 une durée maximale de douze mois pour les MICAS, exigence rappelée dans la décision du Conseil constitutionnel de mars 2018. Pour parer à cette situation, le Gouvernement a jugé que chaque obligation s'apprécie de manière indépendante et qu'ainsi, la surveillance d'un individu peut durer plus d'un an si les obligations résultant des MICAS sont différentes. Le Conseil constitutionnel ne s'est pas prononcé sur ce cumul mais une censure est fort probable. Il convient d'anticiper cette possibilité.
C'est un débat que nous aurons dans le cadre de l'examen du futur projet de loi. Sur le fond, j'en reste au cadre de douze mois maximum posé par le Conseil constitutionnel. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement CL19 de M. M'Jid El Guerrab.
La visite domiciliaire de nuit est très peu utilisée – une seule a eu lieu. Que les visites puissent être effectuées à partir de 6 heures du matin suffit à assurer l'efficacité du dispositif.
Ce n'est pas parce qu'une mesure est peu utilisée qu'elle n'est pas utile. Dans le cas que vous avez mentionné, l'intéressé était parfaitement rompu aux techniques de dissimulation et particulièrement méfiant, tant dans ses déplacements que dans ses communications. Rien ne permet de dire que nous ne nous trouverons pas à nouveau dans ce cas de figure. Avis défavorable.
L'amendement est retiré.
La Commission en vient à l'amendement CL9 de M. Ugo Bernalicis.
Nous proposons de créer un comité d'évaluation de la loi SILT, dont les conclusions puissent se distinguer de celles du Gouvernement ou de la Délégation parlementaire au renseignement, qui est dans un entre-soi qui favorise une adhésion systémique aux propositions des services. En la matière, il faut pouvoir exercer son sens critique, examiner les cas d'utilisation de dispositifs aussi attentatoires aux libertés individuelles. Ce comité comprendrait des magistrats, des avocats, le Défenseur des droits, la Commission nationale consultative des droits de l'homme, des universitaires. Nous avons l'impression que le débat est confisqué par une poignée d'experts, que nous serions obligés de croire sur parole. Nous avons besoin d'un regard critique.
Cette demande est sensée. Je suis très attentif à l'avis des universitaires… plus encore à celui des parlementaires. Vous qui regrettez régulièrement la faiblesse du rôle du Parlement, je préconise que le contrôle parlementaire puisse se poursuivre : il est exercé par la Délégation au renseignement, par les trois députés chargés du contrôle de la loi SILT, par la mission commune sur l'évaluation de la loi relative au renseignement. Par ailleurs, le Gouvernement remet chaque année au Parlement un rapport annuel d'application de la loi SILT. Je ne vois pas la nécessité de faire évoluer ce contrôle. Pour rester dans la logique parlementaire qui nous unit, je vous demande de retirer votre amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Nous présenterons un amendement en séance dont l'objet est de prévoir une représentation de chacun des groupes parlementaires dans les dispositifs de contrôle parlementaire. Face à la menace terroriste, la nation doit être unie ; nous devons être associés à cette réflexion et entendre les retours d'expérience. Le débat ne doit pas être confisqué par quelques personnes, qui finissent par être à l'unisson. Où est l'esprit critique lorsque le député du groupe majoritaire dit : « il faut aller plus loin » et que le député Les Républicains renchérit : « il faut aller encore plus loin » ?
La Commission rejette l'amendement.
Article 2 (art. 25 de la loi n° 2015–912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement) : Prolongation d'un an de la technique de renseignement dite de l'« algorithme »
La Commission est saisie de l'amendement de suppression CL10 de M. Ugo Bernalicis.
Je vous renvoie à l'article du Monde qui fait état du peu d'efficacité de cette technique de recueil de renseignement. Il est temps que cela se termine !
Ces techniques sont-elles utiles ? Oui, sans aucun doute. Doivent-elles évoluer ? Oui, sans aucun doute. Nous attendons que la Cour de justice de l'Union européenne rende son arrêt à l'automne sur la conservation des données : il pourrait fragiliser d'autres techniques de renseignement. Plusieurs pays européens, avec la France, ont introduit ce recours pour vérifier justement la conformité au droit européen des techniques employées. C'est le moment d'entreprendre une réflexion de fond sur le passage de la connexion au contenu et sur l'extension à d'autres modalités de communication. Avis défavorable.
Monsieur le rapporteur, vous employez l'expression « sans aucun doute » : comment faites-vous pour avoir des certitudes en la matière ? J'aimerais, plutôt que des formules, que vous avanciez des arguments. Il faut questionner ce genre de dispositif. Pourquoi suivre la logique selon laquelle, s'il n'y a pas de résultats, c'est que l'on n'écoute pas assez, et qu'il faut en conséquence tout écouter en espérant que l'on finira par trouver l'individu dangereux ?
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine, en discussion commune, les amendements identiques CL21 du rapporteur et CL22 du rapporteur pour avis ainsi que l'amendement CL3 de M. Éric Ciotti.
En cohérence avec l'amendement CL20, je propose de proroger les dispositions de la technique de renseignement « algorithme » jusqu'au 31 juillet 2021 seulement et de fixer au 31 décembre 2020 la date de remise du rapport.
La commission de la Défense propose elle aussi d'avancer les deux dates fixées par le Gouvernement.
L'amendement CL3 est retiré.
La Commission adopte les amendements.
Elle adopte l'article 2 modifié.
Article 3 : Application outre-mer
La Commission adopte l'article 3 sans modification.
La Commission adopte l'ensemble du projet de loi modifié.
La réunion se termine à 10 heures 35.
Informations relatives à la Commission
La Commission a désigné :
– Mme Nicole Dubré-Chirat rapporteure sur le projet de loi organique prorogeant le mandat des membres du Conseil économique, social et environnemental ( n° 3184 ) ;
– M. Bruno Questel rapporteur sur la recevabilité de la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête relative à l'état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l'ordre afin de maintenir et renouveler la confiance entre les citoyens et la force publique (n° 3138) ;
– M. Antoine Savignat rapporteur sur la proposition du Président de la République de nommer Mme Claire Hédon en qualité de Défenseure des droits.
La Commission a également désigné les rapporteurs pour avis sur le projet de loi de finances pour 2021 :
Administration générale et territoriale de l'État ............................. M. Antoine Savignat
Fonction publique .................................................... Mme Émilie Chalas
Relations avec les collectivités territoriales ................................ Mme Émilie Guerel
Outre-mer .......................................................... Mme Cécile Untermaier
Immigration, asile et intégration ......................................... Mme Elodie Jacquier Laforge
Sécurités ........................................................... M. Stéphane Mazars
Sécurité civile :....................................................... M. Arnaud Viala
Justice et accès au droit :............................................... Mme Laetitia Avia
Administration pénitentiaire et protection judiciaire de la jeunesse ..................................... M. Bruno Questel
Enfin, la Commission a créé une mission flash sur l'évolution et la refondation des conseils locaux ou intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance et désigné MM. Rémy Rebeyrotte et Stéphane Peu comme co-rapporteurs.
Membres présents ou excusés
Présents. - M. Erwan Balanant, M. Ugo Bernalicis, M. Florent Boudié, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Xavier Breton, Mme Émilie Chalas, M. Éric Ciotti, M. Éric Diard, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Raphaël Gauvain, M. Philippe Gosselin, M. Guillaume Gouffier-Cha, Mme Émilie Guerel, Mme Marie Guévenoux, M. Dimitri Houbron, Mme Élodie Jacquier-Laforge, Mme Catherine Kamowski, M. Guillaume Larrivé, M. Philippe Latombe, Mme Marie-France Lorho, Mme Emmanuelle Ménard, M. Ludovic Mendes, M. Paul Molac, M. Didier Paris, Mme George Pau-Langevin, M. Stéphane Peu, M. Jean-Pierre Pont, M. Éric Poulliat, M. Bruno Questel, M. Rémy Rebeyrotte, M. Antoine Savignat, M. Raphaël Schellenberger, Mme Cécile Untermaier, M. Arnaud Viala
Excusés. - M. Pieyre-Alexandre Anglade, Mme Huguette Bello, M. Philippe Dunoyer, M. Mansour Kamardine, Mme Marietta Karamanli, M. Fabien Matras, Mme Maina Sage
Assistaient également à la réunion. - M. Pierre Cordier, M. M'jid El Guerrab, M. Jean-Michel Jacques, M. Jean-Pierre Vigier, M. Michel Zumkeller