La réunion débute à 16 heures 35.
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, Présidente.
La Commission auditionne M. Patrick Strzoda, directeur de cabinet du Président de la République, dans le cadre des travaux menés pour « faire la lumière sur les événements survenus à l'occasion de la manifestation parisienne du 1er mai 2018 » (article 5 ter de l'ordonnance 58-1100 du 17 novembre 1958).
Mes chers collègues, nous sommes réunis dans le cadre des travaux que nous menons pour faire la lumière sur les événements survenus à l'occasion de la manifestation parisienne du 1er mai dernier. Je vous rappelle que, pour ce faire, la commission des Lois est dotée des prérogatives d'une commission d'enquête, conformément à l'article 5 ter de l'ordonnance du 17 novembre 1958.
Avant de commencer nos travaux, je vous informe que, par courrier en date du 24 juillet, adressé à moi-même, que j'ai immédiatement communiqué à mon co-rapporteur Guillaume Larrivé, M. Gibelin a souhaité apporter des éclaircissements ou des précisions à la commission. Je vous en donne lecture de son courrier pour que nous ayons tous le même niveau d'information.
« Madame la présidente,
« Dans la soirée du 23 juillet, j'ai été amené à témoigner sous serment devant la commission des Lois placée sous votre présidence pour répondre aux questions des parlementaires relatives à l'affaire dite “Benalla”.
« Cette nuit, en revisionnant le film de mon audition, j'ai constaté avec stupeur que j'avais mal entendu une question qui m'avait été posée par une parlementaire » – Mme Marine Le Pen – « sur ce que je savais des fonctions de M. Benalla entre le 1er mai, date des faits qui lui sont reprochés, et ce que j'ai cru entendre être la date du 18 juillet, date à laquelle les faits ont été révélés par la presse. J'ai donc répondu en toute bonne foi que M. Alexandre Benalla avait entre ces deux dates, 1er mai et 18 juillet, participé à des réunions relatives aux modalités des déplacements présidentiels associant des fonctionnaires relevant de mon autorité. J'ai répondu par l'affirmative, concernant cet intervalle de temps. La lecture de l'enregistrement des débats et de la presse m'ont fait prendre conscience que la députée faisait référence à la date du 18 mai et non du 18 juillet.
« Soucieux de porter à la connaissance de la représentation nationale l'exacte vérité sur les faits sur lesquels elle enquête, je me dois de vous apporter les précisions suivantes : je n'ai pris part à aucune réunion en présence de M. Benalla, entre le 1er et le 18 mai, et mes collaborateurs non plus, selon les informations portées à ma connaissance. En revanche, si l'on considère la période postérieure, allant jusqu'au 18 juillet, tel a bien été le cas pour des réunions relatives à l'organisation des déplacements présidentiels ou aux événements intéressant le palais de l'Élysée. Je me tiens à l'entière disposition de la commission d'enquête parlementaire afin, en cas de besoin de confirmer mes propos. Je vous prie d'agréer, madame la présidente, l'expression demain haute considération.
« Le directeur de l'ordre public et de la circulation,
« Alain Gibelin »
La lecture que vient de donner Mme la co-rapporteure de la lettre de M. Gibelin appelle de ma part, en tant que co-rapporteur, deux observations. Je relève d'abord que M. Gibelin déclare dans cette lettre que si, entre le 1er mai et le 18 juillet, M. Alexandre Benalla a bien participé à des réunions relatives à l'organisation des déplacements présidentiels, cela ne fut pas le cas au cours de la période allant du 1er au 18 mai. Cette déclaration indique donc que, selon M. Gibelin, M. Benalla a bien participé à la préfecture de police à des réunions relatives à l'organisation des déplacements présidentiels entre le 19 mai et le 18 juillet. Je relève par ailleurs que M. Bruno Roger-Petit, porte-parole de M. Emmanuel Macron, Président de la République, a déclaré, lors de sa conférence de presse officielle, que M. Benalla avait été « démis de ses fonctions en matière d'organisation de la sécurité des déplacements du président ». Je considère donc qu'il y a là une contradiction manifeste entre les déclarations écrites de M. Gibelin et les déclarations de M. Roger-Petit. Il m'apparaît donc, comme je l'ai déjà indiqué hier soir, plus que jamais nécessaire que toute la chaîne hiérarchique de l'Élysée – qui comprend M. le directeur de cabinet du Président de la République, mais qui comprend bien d'autres membres du cabinet du Président de la République – soit convoquée sans délai par la commission d'enquête de l'Assemblée nationale.
Comme je l'ai toujours indiqué, mon cher co-rapporteur, les auditions que nous allons réaliser sont arrêtées au fur et à mesure de nos travaux…
Nous examinerons donc ce point ensemble.
Je vous rappelle le fonctionnement de la commission des Lois, dotée de pouvoirs d'enquête. En tant que présidente, j'ai le pouvoir de convocation en accord avec le co-rapporteur. En cas de désaccord entre les deux co-rapporteurs, nous devrons saisir la commission des Lois dans son ensemble, et pourront voter, bien évidemment, les membres de cette Commission.
Nous avions arrêté le fait que le bureau devait être étroitement informé, mais il n'a jamais été question, monsieur Gosselin, que le bureau décide de la liste des auditions.
Sur ce point, il y a des enregistrements. Il faut être précis dans les termes, madame la présidente. Je vous ai fait répéter à au moins deux ou trois reprises ce point ; les comptes rendus peuvent en attester. Que vous n'ayez pas envie de suivre les comptes rendus et ce qui avait été décidé, c'est votre choix, mais je puis vous assurer – et si je suis aussi affirmatif, c'est que je peux me permettre de l'être – que, réellement, il a été décidé jeudi soir dernier, ici, avant que vous ne leviez la séance, que le bureau de la commission des Lois arrêterait, en concertation bien sûr avec les co-rapporteurs, les programmes des auditions. Il va sans dire que si, effectivement, il n'y avait pas d'accord, c'est la commission qui déciderait, mais encore faudrait-il que le bureau soit réuni, ce qui n'est pas le cas – le bureau n'a pas été réuni ces dernières heures ni ces derniers jours. C'est un premier point.
Je constate que nous avançons à la petite semaine. Nous ne savons pas encore quelles auditions auront lieu demain. Cela veut dire que nous ne savons pas quand nous devrons nous rendre disponibles demain. Cela veut dire aussi, puisque vous vous étiez engagée, de façon très claire, à ce qu'il n'y ait pas dans l'hémicycle de débats concomitants, que, si l'examen du projet de loi dit « Asile et immigration » se tient normalement, nous ne pourrons pas auditionner. Je ne cherche pas la polémique, mais il faut être clair.
Vous ne cherchez aucune polémique, je vous l'accorde…
Il faut que vous ayez bien à l'esprit que j'ai toujours indiqué plusieurs points et je n'ai jamais varié sur cela. D'une part, soyons très clairs sur notre organisation : le pouvoir de convocation, formellement, m'appartient, en tant que présidente de la commission. Nous avons toujours indiqué que la liste des auditions serait fixée en accord entre les deux co-rapporteurs, qu'en cas de désaccord la commission des Lois, dans son ensemble, serait saisie pour pouvoir voter et que le bureau serait étroitement associé à nos décisions, mais qu'en aucun cas le bureau n'était décisionnaire. Ce sont là les règles de fonctionnement que nous avons établies dès le départ.
En ce qui concerne l'organisation de nos travaux, vous êtes destinataire d'une convocation pour pouvoir réserver des créneaux destinés aux auditions. Je parle sous le contrôle de mon secrétariat qui a dû vous adresser cette convocation. Les convocations sont adressées au fur et à mesure des travaux que nous menons.
Je vous remercie de cesser de perdre du temps au détriment de cette audition que vous attendez tous. M. Strzoda est à notre disposition pour nous répondre. Je pense que nous souhaitons tous, dans cette salle, lui poser des questions. Il serait dommage de perdre plus de temps à discuter entre nous de choses qui, a priori, ne le concernent pas.
Madame la co-rapporteure, précisément, il me semble qu'en termes de méthode nous avons en effet le devoir aujourd'hui d'entendre M. le directeur de cabinet du président de la République. Il me paraîtrait nécessaire en termes de méthode que, par ailleurs, une réunion de la commission des Lois, en forme de commission d'enquête, consacrée à l'ordre du jour des prochaines auditions, puisse se tenir, de sorte que ces questions de convocation soient traitées non pas devant les personnes que nous entendons, mais de manière formelle, lors d'une réunion ad hoc que nous pourrions tenir rapidement, afin, en effet, de faire état très publiquement des désaccords qui sont ceux des deux co-rapporteurs sur la liste des auditions et que, de manière publique, ces désaccords soient communiqués et que la commission des Lois puisse s'exprimer.
Je prends note de votre demande et je vais regarder quand je peux effectivement réunir la commission des Lois.
Je vous propose donc de continuer nos travaux. Je ne reviens pas sur les faits, monsieur Strzoda, vous les connaissez. Vous savez que nous souhaitons faire la lumière sur trois questions. Place de la Contrescarpe, le 1er mai dernier, comment des personnes extérieures aux forces de l'ordre ont-elles pu effectivement se joindre à elles et, semble-t-il, se livrer à des actes violents en dehors de tout cadre légal ? Comment cela a-t-il pu être possible ? Et comment les choses ont-elles ensuite été gérées ?
Avant de commencer, je tiens à vous rappeler le cadre général de notre travail. Après avoir prêté serment, vous allez tenir un propos liminaire, puis le co-rapporteur et moi-même vous poserons quelques questions. Vous pourrez y répondre. Ensuite, un représentant de chaque groupe, dans l'ordre d'importance, pourra poser une première série de questions.
Vous savez, chers collègues, qu'une information judiciaire est ouverte depuis le 23 juillet dernier. Je vous ai donné lecture hier de la lettre de la garde des sceaux qui en précise les contours. Je vous rappelle également que l'audition est ouverte à la presse, qu'elle est diffusée en direct sur La Chaîne parlementaire (LCP) et qu'elle fait l'objet d'une retransmission, également en direct, sur le site de l'Assemblée nationale. À ma connaissance, monsieur le directeur de cabinet, vous n'avez pas demandé le huis clos.
Avant de vous laisser la parole, et conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative aux commissions d'enquête, je vous demande de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.
M. Patrick Strzoda prête serment.
Madame la présidente, monsieur le co-rapporteur, mesdames et messieurs les députés, votre commission d'enquête a pour objet de faire la lumière sur les manifestations qui se sont déroulées à Paris le 1er mai. Cette journée du 1er mai, je l'ai passée au bureau, à travailler, mais surtout à me tenir informé de l'évolution de la situation des manifestations, à Paris notamment.
J'ai appris, le lendemain matin 2 mai, qu'au cours de ces manifestations un chargé de mission de l'Élysée aurait eu un comportement inapproprié et choquant. Je l'ai appris en prenant connaissance d'une vidéo qui m'a été montrée par le conseiller en charge, notamment, des réseaux sociaux. Cette vidéo montrait à la fois une scène d'affrontements violents, avec une poursuite de personnes, forces de l'ordre et manifestants, scène assez confuse, et une autre scène, qui était celle de l'intervention de ce chargé de mission qui semblait être M. Benalla. Au vu de cette vidéo, j'ai immédiatement convoqué l'intéressé et je lui ai demandé de me donner des explications. Il a reconnu sa présence sur les lieux, et il a justifié son comportement : c'était, m'a-t-il dit, « pour aider les policiers pris à partie par des manifestants violents et qui ont jeté des projectiles sur les forces de l'ordre ». Je l'ai informé que sa participation à une opération de maintien de l'ordre ne faisait pas partie de sa mission d'observation, et que son comportement fautif était inacceptable. Il ferait donc l'objet d'une sanction. J'ai immédiatement porté ces informations à la connaissance du secrétaire général de l'Élysée, qui est chargé d'informer quotidiennement le Président de la République de ce qui se passe sur le territoire national lorsqu'il est en déplacement à l'étranger. Le Président de la République, je le rappelle, était alors en Australie, et sur le point de se rendre en Nouvelle-Calédonie, pour un déplacement extrêmement sensible – la Nouvelle-Calédonie, vous le savez, aura à se prononcer sur son avenir dans quelques mois, et le Président avait notamment inscrit à son programme un déplacement hautement symbolique à Ouvéa.
Le secrétaire général informe le Président de la République du comportement de M. Benalla et lui dit qu'il est proposé de prendre une sanction à son égard. La sanction a été prise par mes soins. Il s'agit, d'une part, d'une suspension de quinze jours sans traitement et, d'autre part, d'une modification des missions de M. Benalla, modification équivalant à une rétrogradation, puisqu'il a été déchargé de la participation à l'organisation des déplacements officiels du Président de la République. Cette sanction, a fait l'objet d'un courrier, que je lui ai notifié le 3 mai dernier, qui figure dans son dossier et qui précise qu'en cas de nouveau comportement fautif il serait licencié. Cette sanction est entrée en vigueur le 4 mai. M. Benalla a donc été démis de ses fonctions du 4 au 22 mai. Certains considèrent que ces sanctions n'étaient pas adaptées aux faits. Mesdames et messieurs les députés, votre commission me permettra de vous apporter des réponses précises sur ce point.
Je mesure aussi le trouble et l'émotion que le comportement de ce chargé de mission a pu susciter, notamment chez nos forces de sécurité. C'est pourquoi je voudrais dire, ici, devant vous, à nos policiers et à nos gendarmes, que le chef de l'État mesure chaque jour leur engagement sans faille pour assurer la sécurité de nos concitoyens, pour lutter contre la menace terroriste, pour maintenir l'ordre public et pour garantir l'État de droit. Je veux ici, au nom du Président de la République, saluer le professionnalisme des policiers et des gendarmes et leur dire que la sécurité du chef de l'État ne peut être assurée que sous l'autorité et le contrôle des policiers et des gendarmes.
Ce qui s'est passé, mesdames et messieurs, c'est le comportement individuel fautif d'un chargé de mission de l'Élysée, à propos duquel une information judiciaire est ouverte aujourd'hui et pour lequel une sanction administrative a immédiatement été prise. Il appartient désormais à la justice d'établir les responsabilités des individus poursuivis. J'ai la volonté de répondre de manière précise et complète à vos questions. Le Président de la République, en m'autorisant à venir devant vous, a souhaité contribuer à la manifestation de la vérité. Elle vous est due. Il m'a néanmoins demandé de rappeler le cadre juridique dans lequel s'inscrit mon audition. Je dois veiller à respecter le principe de séparation des pouvoirs, qui ne permettra pas de répondre aux questions portant sur des faits donnant lieu à une information judiciaire ni à celles portant sur l'organisation interne de la Présidence de la République. (Exclamations.)
Je voudrais, en préalable, que vous nous expliquiez le statut juridique des personnes qui travaillent au sein de votre cabinet.
Les personnes qui travaillent au cabinet du Président de la République, et c'est la même chose dans les cabinets ministériels, sont soit des fonctionnaires titulaires mis à disposition du cabinet, avec remboursement du salaire au ministère qui les met à disposition, soit des agents contractuels recrutés pour la durée du mandat de la personnalité auprès de laquelle ils sont placés.
Il apparaît que M. Alexandre Benalla excipait, sur une carte de visite, de la qualité de chef de cabinet adjoint. Un chef de cabinet adjoint dont la nomination a été publiée au Journal officiel figure bien dans l'organigramme, que j'ai pu consulter, mais il n'y a pas de trace d'Alexandre Benalla à ces fonctions. Les exerçait-il réellement ? Quelles étaient ses fonctions officielles ?
Vous avez raison, madame la présidente, il faut être très précis et je vais essayer de l'être.
Le chef de cabinet a, auprès de lui, des personnes qui l'assistent dans ses missions, parmi lesquelles un chef adjoint de cabinet, dont la nomination est publiée au Journal officiel. En l'occurrence, il s'agit de M. Rodrigue Furcy, qui est sous-préfet. Les autres personnes sont des adjoints au chef de cabinet, qui sont sous l'autorité à la fois du chef de cabinet et du chef adjoint de cabinet, et dont la nomination ne fait pas l'objet d'une publication au Journal officiel.
M. Benalla avait-il déjà observé, comme le 1er mai dernier, les opérations de maintien de l'ordre ou bien était-ce, à votre connaissance, la première fois qu'il se rendait sur une manifestation avec le statut d'observateur et non pas dans le cadre de ses fonctions à la présidence ?
M. Benalla m'avait informé du fait qu'il était invité par la préfecture de police en qualité d'observateur, pour la mission du 1er mai. Il m'en a informé quelques jours auparavant. Je lui ai demandé qui l'invitait. Il m'a indiqué que l'invitation lui avait été faite par M. Simonin, chef d'état-major de la direction de l'ordre public et de la circulation (DOPC) à la préfecture de police. J'ai considéré que l'invitation qui lui était faite émanait d'un haut gradé de la DOPC. Il se trouve que je connais ce haut gradé, qui a une réputation de professionnel. Lorsque M. Benalla m'a indiqué qu'il était invité par M. Simonin, j'en ai déduit que la hiérarchie de la préfecture de police était au courant.
Ensuite, j'ai accepté cette mission parce que, dans mon esprit et de par mon expérience, les missions d'observateurs sont pour moi des missions très précises et s'inscrivent dans un cadre qui est bien défini : la personne qui a ce statut d'observateur, et c'est une pratique courante, est bien un observateur, mais ne peut en aucun cas intervenir dans des opérations, de maintien de l'ordre ou autres. Malgré cela, ces personnes sont dotées d'équipements pour assurer leur protection mais aussi pour permettre à d'autres personnes de les reconnaître. J'ai également considéré que, par ses fonctions qui le mettaient souvent en relation avec la préfecture de police, notamment pour l'organisation des déplacements du Président de la République, il n'était pas anormal que M. Benalla observe la gestion d'une journée qu'on annonçait particulière. Je ne me suis donc pas opposé à ce qu'il participe en qualité d'observateur à cette journée du 1er mai, et je lui ai bien rappelé qu'il était hors de question de participer activement à des opérations sur le terrain.
Excusez-moi, vous ne m'avez répondu qu'imparfaitement ou incomplètement. Était-ce la première fois, ou bien était-ce fréquent ?
C'est la première fois qu'il m'en a demandé l'accord.
À ma connaissance, non.
Monsieur le préfet, je voudrais d'abord dire que nous avons lu au Journal officiel le décret du Président de la République, en date du 5 juillet dernier, par lequel il est indiqué qu'en raison de la limite d'âge – c'est normal –, vous êtes admis à faire valoir vos droits à la retraite à compter du 6 octobre prochain. Au moment où un long parcours au plus haut niveau au service de l'État est conduit à se clore par l'effet de l'état civil, je tiens à dire, comme député, le respect qu'inspire à chacun le parcours administratif qui est le vôtre, au service de l'État, au service de la République française, au service de nos compatriotes, et je tenais à faire cette remarque liminaire dans le cadre, formel, de cette audition devant la commission des Lois en forme de commission d'enquête.
La deuxième remarque liminaire que je veux faire, avant d'en venir aux questions, c'est que, dans l'esprit du co-rapporteur que je suis, cette audition d'un collaborateur éminent du Président de la République est la première d'une série d'auditions de collaborateurs du Président de la République qu'il me paraît indispensable de conduire. Je veux dire que l'audition du secrétaire général de la présidence de la République, M. Alexis Kohler, est nécessaire, je veux dire que l'audition de M. Bruno Roger-Petit, porte-parole du président de la République, qui a tenu une conférence de presse officielle portant sur les faits dont nous sommes saisis, est nécessaire. Je veux dire que l'audition du général Bio-Farina, commandant militaire de la Présidence de la République, est nécessaire dès lors que nous sommes saisis de faits impliquant M. Vincent Crase, dont M. Bruno Roger-Petit a dit qu'il était mobilisé par le commandement militaire de la Présidence de la République. L'audition de M. le colonel Lavergne, commandant du groupe de sécurité de la présidence de la République (GSPR), est également nécessaire. L'audition de M. Vincent Caure est également nécessaire dès lors que son nom a été évoqué hier par le ministre de l'intérieur – je ne pense pas, madame la présidente, que nous perdions du temps en évoquant ces questions. L'audition de M. le préfet Laurent Hottiaux, dont le nom a été évoqué hier par le préfet de police lors de son audition, me paraît nécessaire. J'ajoute notamment le nom de M. Ludovic Chaker.
J'en viens à mes questions. J'aimerais, monsieur le préfet, que vous nous indiquiez, si vous le pouvez, qui a recruté M. Benalla à l'Élysée.
Monsieur le co-rapporteur, avant de répondre à votre question, permettez-moi de vous remercier pour les mots que vous avez eus à mon propos et de dire que ce qui me motive, ce qui m'a toujours motivé dans le choix que j'ai fait, c'est de servir l'État, et je le ferai jusqu'à la dernière minute : l'État en tant qu'institution et l'État à travers toutes ses valeurs.
M. Benalla a été recruté dès le début du mandat du Président de la République – c'est moi qui ai signé son contrat de recrutement –, recruté parce qu'il faisait partie de l'équipe de campagne du candidat qui a été élu Président de la République. Au sein de cette équipe, il avait des fonctions d'organisateur que tout le monde reconnaissait, que tout le monde saluait, ce qui m'a amené à l'affecter à la chefferie, donc auprès du chef de cabinet.
Il s'agit donc d'un contractuel, qui ne figure pas au Journal officiel, ni sur la page du site internet de l'Élysée décrivant la composition des équipes entourant directement le Président de la République.
D'autres collaborateurs du Président de la République, monsieur le préfet, ont-ils, de la même manière, un statut officieux ? J'entends par « officiel » ce qui est inscrit au Journal officiel et par « officieux » ce qui n'est pas inscrit au Journal officiel.
Monsieur le co-rapporteur, je n'ai pas été suffisamment précis dans ma réponse. Le cabinet du Président de la République est composé de conseillers et de chargés de mission. La nomination des conseillers est publiée au Journal officiel, tandis que l'arrêté de nomination des chargés de mission n'est pas publié. Il y en a une dizaine au cabinet du président de la République, mais ce ne sont pas des « officieux » : ce sont des personnels qui font partie des équipes qui travaillent au cabinet, dont les missions sont clairement connues et, surtout, qui sont connus de tous les organismes de contrôle qui procèdent au contrôle du fonctionnement de l'Élysée, que ce soit la Cour des comptes ou la mission parlementaire de la commission des finances publiques.
Il s'agit de collaborateurs de cabinet, qui sont sous l'autorité hiérarchique et fonctionnelle du directeur de cabinet, du secrétaire général et des conseillers auprès desquels ils sont placés. Dans une chaîne hiérarchique, ils ont des missions bien identifiées et participent du travail normal et quotidien des services.
Je vous remercie. Je précisais ces questions dès lors que l'Assemblée nationale a adopté la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique et son article 11, modifié en dernier lieu par l'actuelle majorité par la loi du 26 mars 2018. Ledit article modifié en 2018 dispose à son 4° que les collaborateurs du Président de la République sont tenus d'adresser au président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) une déclaration.
Cette précision étant faite, ou plutôt cette question restant posée, s'agissant des fonctions de M. Benalla, vous nous avez indiqué tout à l'heure qu'il était chargé de mission, adjoint au chef de cabinet du Président de la République et qu'il était, si j'ai bien compris, plus spécialement chargé de l'organisation des déplacements du Président de la République, ou qu'il participait à cette organisation.
Oui, c'est bien cela, monsieur le co-rapporteur, et c'est ce qui m'a amené à l'autoriser à participer à cette mission d'observation.
La mission qui est confiée à M. Benalla, sous l'autorité directe du chef de cabinet, consiste, lors des déplacements du Président de la République, à veiller à la coordination de tous les services qui concourent au déplacement du chef de l'État. Vous le savez, mesdames et messieurs les députés, parce que vous accueillez dans vos circonscriptions des ministres et, je l'espère, le Président de la République, il faut que de nombreux services se mobilisent pour qu'un déplacement ministériel ou présidentiel se déroule de manière fluide. J'entends par là qu'il faut que le Président de la République puisse respecter le programme qui a été arrêté lors de visites de précurseur, programme à propos duquel vous êtes d'ailleurs souvent consultés ou auquel vous êtes souvent associés. Il faut que le Président de la République puisse arriver au bon endroit, là où il est attendu, qu'il puisse rencontrer les personnalités qu'il doit saluer, qu'il puisse rencontrer les chefs d'entreprise et associations qui figurent au programme, qu'il puisse avoir des contacts avec la presse. Tout cela nécessite l'intervention de très nombreux services, évidemment les services de sécurité mais pas uniquement. Il faut former des cortèges, il faut s'assurer que la salle ou le bâtiment public où vous allez accueillir le président est équipé, que les personnes qu'il doit saluer sont bien au rendez-vous, qu'elles n'ont pas été prises dans un embouteillage. Tout cela, mesdames et messieurs, nécessite une ingénierie, une fonction d'ensemblier, exercée par le chef de cabinet et ses adjoints, c'est une mission extrêmement importante pour le bon déroulement du déplacement du Président de la République mais aussi pour toutes les personnalités qui l'accueillent. La fonction de M. Benalla était effectivement d'assurer cette fonction de coordination des services qui concourent aux déplacements officiels du Président de la République.
Je tiens à préciser un point, parce ce que j'entends et lis beaucoup de choses depuis quelques jours. Dans cette fonction, M. Benalla n'est pas le responsable des services, dont il est chargé d'assurer la coordination. Ce n'est pas lui qui dirige les services de sécurité. – ni le Groupe de sécurité e la Présidence de la République (GSPR), qui assure la sécurité rapprochée du Président de la République, ni le commandement militaire, ni les forces de sécurité du département qui accueille le Président de la République, qui sont placés sous l'autorité du préfet territorialement compétent. Il n'est pas le directeur des services de sécurité. En revanche, dans sa fonction de coordination, sa fonction d'ensemblier, il peut être amené à donner des orientations qui ont des incidences sur l'organisation des services telle qu'elle était prévue, parce que, vous le savez aussi bien que moi, même si on prévoit tout, il y a toujours un imprévu, et il faut parfois changer le programme, changer les horaires. On a alors besoin de cette fonction de coordination qui redéploie le dispositif non seulement pour que le niveau de sécurité soit toujours maximal, mais aussi pour que toutes les personnes qui accueillent le Président de la République ne soient pas frustrées parce que le changement de programme les a privés d'une séquence.
Voilà très exactement quelle était la fonction de M. Benalla.
Il avait une autre fonction. Il était en charge de l'organisation du programme d'accueil des personnes et personnalités que le Président de la République invite pour le défilé du 14 juillet. J'ai d'ailleurs reçu plusieurs courriers de certains d'entre vous qui me demandaient de faire inviter au nom de la Présidence de la République telle ou telle personne. Le Président de la République invite environ 15 000 personnes à assister au défilé du 14 juillet. Ces 15 000 personnes figurent sur un fichier, qu'il faut donc gérer. Il faut s'assurer que les invitations sont parties à temps, indiquer aux personnalités l'endroit où elles doivent se présenter, veiller à ce que leur accueil soit organisé, notamment pour des raisons de sécurité, veiller à leur emplacement dans la bonne tribune, et puis s'assurer qu'elles puissent profiter de ce grand moment qui nous rassemble, qui est le défilé du 14 juillet. C'est une mission extrêmement importante, qui nécessite aussi des réunions préparatoires, soit au palais de l'Élysée, soit à la préfecture de police, et une présence sur le terrain, le 14 juillet même, pour veiller à ce que tout se passe bien.
M. Benalla avait une troisième mission : il avait en charge, avec les services compétents, l'organisation des déplacements non officiels du président de la République.
J'en reviens aux conditions du recrutement de M. Benalla à la présidence de la République pour les fonctions que vous venez d'évoquer. Quelle est la rémunération de M. Benalla, monsieur le préfet ?
Sur ce point aussi, je vais être le plus précis possible. Je vais commencer par démentir de très nombreuses rumeurs que j'entends, et sur lesquelles je crois qu'il faut être très attentif. Les informations que je vais vous donner vous sont dues parce que, lorsqu'il y a ce type de rumeurs, il peut y avoir, en aval, des actions.
J'ai entendu dire que M. Benalla avait une rémunération mensuelle de 10 000 euros. C'est faux ! Il a un traitement de chargé de mission à la présidence de la République.
J'ai entendu dire qu'il devait s'installer dans un duplex de 300 mètres carrés, ou de 200, à la résidence de l'Alma. C'est faux ! Cela n'a jamais été envisagé.
J'ai entendu dire qu'il serait nommé sous-préfet. Je démens formellement qu'il y ait eu une demande de sa part ou une intervention pour le faire nommer sous-préfet.
J'ai entendu dire qu'il serait amené à prendre la direction, dans quelque temps, d'un service qui devrait regrouper les services de sécurité de l'Élysée pour les faire mieux fonctionner. Encore une fois, je démens formellement.
Quels sont les avantages dont il bénéficie ? Je ne pourrai pas répondre à cette question car on touche au coeur de l'organisation interne (Vifs mouvements)…
Je vous remercie, chers collègues, de respecter l'audition et de respecter les réponses qui vous sont faites.
Si les réponses ne vous conviennent pas, ce sont cependant les réponses données par M. Strzoda.
Ce n'est pas une absence de réponse. Je vous rappelle que M. Strzoda a très fermement rappelé le principe de la séparation des pouvoirs, auquel nous devons être fermement attachés.
Je vous rappelle qu'il est ici pour répondre aux questions de la commission des Lois, qu'il a accepté de venir devant nous. Je vous remercie de respecter ses réponses.
Mesdames et messieurs les députés, ces informations sont connues de la Cour des comptes, qui nous contrôle chaque année, et de la mission parlementaire de la commission des finances. Elles sont à votre disposition. Mais je ne souhaite pas, dans le mandat que m'a confié le Président de la République, répondre ici. (Exclamations.)
Monsieur le préfet, revenons maintenant sur les conditions de la présence de M. Benalla le 1er mai. Nous en sommes à la deuxième journée de nos auditions, et celles-ci font l'objet de déclarations manifestement contradictoires de la part de plusieurs autorités.
Je rappelle que le porte-parole du Président de la République avait indiqué que cette autorisation lui avait été donnée ; que Mme la garde des Sceaux, devant le Sénat, avait dit que M. Benalla était présent le 1er mai sur les lieux faisant l'objet de troubles à l'ordre public sans autorisation ; que M. Gibelin, directeur de la DOPC, nous a déclaré hier que « cette autorisation n'existait pas ».
Vous vous êtes vous-même exprimé à titre liminaire en précisant que cette autorisation lui avait été donnée par vous-même. Pourriez-vous revenir sur les conditions de cette autorisation, car manifestement, ces déclarations contradictoires suscitent encore beaucoup de questions ?
Deux ou trois jours avant le 1er mai, au cours d'une réunion, M. Benalla m'informe qu'il a été invité par la Préfecture de police pour assister, en qualité qu'observateur, à la manifestation du 1er mai. Je lui demande très clairement qui l'a invité : il me cite M. Simonin.
Je connais M. Simonin : il s'agit d'un des hauts gradés de la DOPC, l'une des directions les plus importantes de la préfecture de police ; c'est le chef d'état-major. J'ai eu à travailler avec lui dans des fonctions précédentes. Pour moi, c'est un bon professionnel, et le nom de M. Simonin évoque pour moi un accord de la préfecture de police d'accueillir M. Benalla pour cette mission. Ensuite, comme je l'ai dit, cette mission se situe dans le prolongement des fonctions qui sont celles de M. Benalla auprès du chef de cabinet.
Je n'avais donc aucune raison de m'opposer à cette mission, qui est utile. J'ai expliqué tout à l'heure comment se déroulent les déplacements d'une personnalité. Ainsi, une personnalité peut également être confrontée à des opérations de maintien de l'ordre public. Tous ceux qui sont chargé d'organiser des déplacements de personnalités ont intérêt à savoir comment cela se passe concrètement quand on est confronté à ce type de situation.
Donc, avec tous ces éléments, j'ai effectivement donné mon feu vert. En tout cas, il avait mon autorisation pour cette mission d'observation.
Excusez-moi, mon cher co-rapporteur, je sais que vous avez beaucoup de questions à poser, mais je voudrais que cela puisse se faire avec l'accord des autres groupes : cela va nécessairement « entraver » les questions que les groupes vont vouloir poser. (Exclamations.)
Dans cette salle de la commission, sept groupes politiques sont représentés. Je sais que chacun d'entre eux souhaite interroger M. Strzoda. Si M. le co-rapporteur souhaite poser l'intégralité de ses questions, ce ne sera pas possible. Je tenais simplement à en informer la salle, pour que les choses soient claires.
Je suis totalement insensible à toute forme de pression. Je vais donc continuer si vous le voulez bien, madame la présidente, à dérouler mes questions, comme m'y autorise la fonction qui m'a été confiée.
Monsieur le préfet, le porte-parole du Président de la République a indiqué d'une part que M. Benalla avait été mis à pied pendant quinze jours avec suspension de salaire, et d'autre part qu'il avait été démis de ses fonctions en matière d'organisation de la sécurité des déplacements du Président de la République. Et il a précisé au demeurant, je cite le porte-parole d'Emmanuel Macron, que cette sanction était « la plus grave jamais prononcée contre un chargé de mission travaillant à l'Élysée ».
Je souhaiterais revenir sur les deux termes de ce qui est présenté par le porte-parole de M. Macron comme une sanction.
Premier terme de cette sanction : cette suspension. En droit, une suspension est-elle une sanction ?
La mesure de suspension que j'ai prise était une sanction – et en tout cas a été ressentie comme telle par l'intéressé. Il lui a été interdit d'être présent dans son service, quinze jours de traitement lui ont été retirés, et, surtout, cette sanction était le dernier avertissement en cas de nouveaux comportements fautifs, ce qui s'est d'ailleurs produit. Tout cela était clairement notifié dans le courrier que je lui ai adressé.
Cette sanction qui l'a donc écarté du service – ce qui se sait dans une maison où l'on travaille tous ensemble – était doublée d'une autre sanction, qui était une rétrogradation : sa feuille de poste a été modifiée et on lui a retiré un champ d'activité extrêmement important dans lequel il excellait – je tiens à le dire.
Au-delà de ces quinze jours de suspension, cette décision le mettait à l'écart d'une activité extrêmement valorisante vis-à-vis de l'ensemble des équipes de l'Élysée. Participer de l'organisation des déplacements du Président de la République, ce sont des missions très recherchées.
Je porte à la connaissance de notre commission, pour le compte rendu, qu'une suspension n'est pas une sanction mais une mesure conservatoire et provisoire. Je vous renvoie notamment à la lecture de l'article 43 du décret du 17 janvier 1986 : en droit, une suspension n'est pas une sanction.
En revanche, monsieur le préfet, une rétrogradation – le second terme – est bien en droit une sanction. J'observe néanmoins que, selon les déclarations écrites qui nous ont été communiquées ce matin par M. Gibelin, entre la mi-mai et la mi-juillet, M. Benalla aurait participé à des réunions à la préfecture de police relatives à l'organisation des déplacements du Président de la République. Si tel est le cas, j'y vois bien sûr une contradiction car cela voudrait dire que M. Benalla n'a pas respecté les termes de la sanction de rétrogradation qui lui aurait été, par hypothèse, notifiée.
J'en viens, madame la présidente, car je sens votre impatience à écourter mes questions…
Il est parfois utile qu'entre deux questions, on intercale quelque chose qui ressemble à un raisonnement.
Je voudrais revenir, monsieur le préfet, sur une question qui n'a pas encore été évoquée jusqu'ici pendant votre audition : l'application des dispositions de l'article 40 du code de procédure pénale. L'Élysée a-t-il souhaité, et dans cette hypothèse à quel niveau, et à quel moment, saisir l'autorité judiciaire au titre de l'article 40 du code de procédure pénale ?
Si vous le permettez, madame la présidente, monsieur le co-rapporteur, je donnerai une réponse très détaillée parce qu'évidemment, la question que vous posez concerne l'adaptation de la sanction à la faute.
Lorsque j'ai pris connaissance du comportement fautif de M. Benalla, ma première réaction a été d'infliger une sanction immédiate, pour bien « marquer le coup », parce qu'il était clairement sorti de sa mission d'observateur, et que son comportement n'était pas acceptable. Donc, donc en tant que chef de service, directeur des services, il m'appartenait de déterminer la nature de la sanction.
Pour le faire, j'ai tout d'abord replacé ce qui s'était passé le 1er mai au soir place de la Contrescarpe dans l'ensemble des événements qui avaient caractérisé cette journée. Le 1er mai, je crois qu'il faut le rappeler, a été une journée de tension extrême à Paris. Elle a donné lieu à des affrontements extrêmement violents en plusieurs quartiers parisiens. Ces affrontements avaient été annoncés sur les réseaux sociaux, sur lesquels on promettait une journée d'enfer aux forces de l'ordre…
Permettez-moi de vous interrompre à cet instant : cette question porte, non pas sur le 1er mai en l'espèce, mais sur l'application de l'article 40 du code de procédure pénale.
Si vous me le permettez, pour bien expliquer pourquoi il n'a pas été fait appel à l'article 40, je me dois de vous dire quels éléments j'ai pris en considération pour ne pas le faire. Et parmi ces éléments, il y avait ce contexte de violence à Paris, violence provoquée par 1 200 black blocs qui ont saccagé des commerces, dégradé des équipements publics, enflammé des voitures et blessé des policiers. Je rappelle qu'il y a eu 276 interpellations ce jour-là. Ce contexte de violence s'est prolongé le soir place de la Contrescarpe puisque, lors des affrontements qui se sont déroulés au moment de l'intervention des policiers, dans lesquels était M. Benalla, 31 interpellations ont eu lieu. Voilà le contexte général avec, place de la Contrescarpe, des affrontements violents entre manifestants et forces de l'ordre.
Ensuite, j'ai regardé la vidéo que l'on m'avait présentée le 2 mai au matin. Celle-ci montrait des scènes d'affrontements entre les forces de l'ordre et des manifestants, et une interpellation effectuée par M. Benalla, qui était l'interpellation d'un non professionnel qui n'avait rien à faire là. Cette interpellation, qui a permis de mettre à la disposition des forces de police le manifestant, n'a pas donné lieu à un dépôt de plainte ou à une incapacité temporaire de travail (ITT).
J'ai considéré qu'à mon niveau je n'avais pas assez d'éléments pour justifier d'un recours à l'article 40, d'autant plus que ce jour-là, les autorités d'emploi de M. Benalla ne l'ont jamais évoqué ou suggéré, et que, comme l'a indiqué devant vous M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, cette scène a été signalée sur la plateforme de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), et donc analysée par des spécialistes, sans qu'aucune information allant dans le sens d'un recours à l'article 40 m'ait été adressée.
Donc, le 2 mai, avec le souci de prendre une sanction immédiate et sur la base des informations dont je disposais, j'ai pris cette sanction de suspension et de rétrogradation avec une lettre d'avertissement valant notification de licenciement en cas de nouveau comportement fautif.
Compte tenu de l'horaire, madame la co-rapporteure, je m'abstiens de poser à ce stade d'autres questions pour que les groupes puissent en poser.
Je vous remercie de laisser l'ensemble des groupes s'exprimer. C'est le souhait que j'avais exprimé tout à l'heure, mais manifestement…
Monsieur le directeur, je voudrais revenir sur la sanction infligée à M. Benalla.
Je n'ai pas tout à fait la même analyse que M. le co-rapporteur : ce ne sont pas des mesures provisoires qui ont été infligées, si j'ai bien compris, puisqu'il y a eu quinze jours de suspension sans traitement, c'est-à-dire sans salaire, et une rétrogradation dans les missions de M. Benalla. Donc, je parlerai de sanction.
Pouvez-vous nous expliquer en quoi la sanction que vous avez décidé de prendre vous paraît adaptée, selon le mot que vous avez-vous-même utilisé ? C'était ma première question.
Madame la députée, je ne peux que reprendre l'analyse que je viens de faire devant vous : les éléments dont je disposais le 2 mai, c'est-à-dire le lendemain, m'ont conduit à prendre cette sanction que j'ai considérée comme adaptée, proportionnée à un comportement individuel fautif. Je comprends parfaitement que l'on puisse considérer qu'elle n'était pas adaptée. En tout cas, en ce qui me concerne, j'assume ma décision.
Auriez-vous à nous communiquer des exemples d'autres sanctions, de même niveau, qui ont été prises à l'encontre d'autres personnes, pas seulement des observateurs, mais des chargés de mission contractuellement liés ? Cela nous donnerait une idée de l'échelle des peines.
Madame la députée, j'ai fait cette recherche auprès du service du personnel de l'Élysée. Je n'ai pas trouvé de sanction pour un membre du cabinet. En revanche, j'ai trouvé plusieurs sanctions concernant des personnes travaillant dans les différents services de la Présidence – je rappelle qu'il y en a 820. Juste avant de vous rejoindre, j'ai identifié trois procédures disciplinaires, allant jusqu'au licenciement.
Heureusement que la jurisprudence n'est pas abondante, et que ce cas sort de l'ordinaire.
J'en viens à ma seconde question. M. Gibelin, que nous avions auditionné hier, a adressé une lettre à la présidente de la commission des Lois, qui nous en a donné lecture. Il est revenu sur certains des propos qu'il avait tenus la veille et qui concernent M. Benalla. Il a indiqué qu'il n'avait pris part à aucune réunion pendant la période de suspension en présence de M. Benalla.
Monsieur le directeur, est-ce que, à votre connaissance, M. Benalla a participé avec ou sans votre autorisation à des réunions à l'Élysée entre le 1er et le 18 mai 2018 ?
Je suis très formel, madame la députée : M. Benalla n'était pas à l'Élysée du 3 mai au 22 mai.
Préalablement, madame la présidence, et je le dis à M. le directeur de cabinet du Président de la République avec tout le respect que j'ai pour lui et pour son parcours au service de l'État tout en mesurant la difficulté de l'exercice auquel il est contraint, je veux très sincèrement regretter le mandat de non transparence que lui a confié le Président de la République pour cette audition devant la représentation nationale.
Monsieur le directeur, je pense que ce mandat de non transparence est totalement inadapté, inopportun, et nous prive de vous interroger sur les questions que les Français sont en droit d'attendre de notre part.
Cela étant dit, monsieur le directeur, je voudrais vous interroger d'abord sur la sanction, ou plutôt sur la mesure conservatoire que vous venez d'évoquer, qui a été infligée à M. Benalla. Cette mesure conservatoire a-t-elle été discutée, débattue, évoquée avec M. le secrétaire général de l'Élysée ou avec M. le Président de la République ?
En d'autres termes, est-ce que vous avez pris cette décision en totale indépendance, en totale autonomie ? Est-ce que vous souhaitiez qu'elle soit plus élevée ? Le Premier ministre, tout à l'heure, vient de parler des questions de légitimité, de proportionnalité que posait cette sanction. Avez-vous pris cette sanction, cette mesure conservatoire en totale autonomie, ou en avez-vous référé à d'autres ?
Monsieur le député, c'est moi qui ai proposé quinze jours au secrétaire général, et qui ai pris la décision de notifier cette sanction à M. Benalla. Le Président de la République était à 10 000 kilomètres, en train d'effectuer, comme je l'ai dit, un déplacement extrêmement compliqué.
C'est une mesure de gestion interne. Je considère que les fonctions que j'occupais me désignaient pour en assumer la responsabilité- ce que j'ai d'ailleurs toujours fait dans ma carrière.
Monsieur le directeur, je voudrais revenir sur les fonctions et les moyens dont disposait, dans le cadre de ses fonctions, M. Benalla. J'espère que vous pourrez répondre à ces questions.
Je voudrais savoir si les conseillers du Président de la République qui figurent au Journal officiel, ou les dix chargés de mission qui n'y figurent pas, comme vous nous l'avez indiqué il y a quelques instants, bénéficiaient d'avantages de traitement, de véhicules, de logements de fonction au quai Branly, identiques à ceux dont disposait M. Benalla. Si tel n'est pas le cas, qu'est-ce qui justifiait, dans les fonctions de M. Benalla, qu'il disposât d'avantages supérieurs aux autres chargés de mission ?
Monsieur le député, les moyens qui ont été mis à la disposition de M. Benalla pour exercer ces missions ne sont pas des avantages.
S'agissant de son traitement : son contrat de travail précise qu'il a droit à un traitement mensuel brut, sans autre prime complémentaire.
S'agissant de la voiture : ce n'était pas une voiture de fonction, mais une voiture de service pour exercer sa mission qui, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, l'amenait très souvent sur le terrain pour préparer les déplacements du Président de la République. C'était un véhicule qui était également intégré dans le cortège présidentiel. Cela explique qu'il était muni d'un certain nombre d'équipements spéciaux, qui ont été installés par le garage de l'Élysée. Ces équipements sont installés sur plusieurs véhicules du parc de l'Élysée, qui comprend plusieurs dizaines de véhicules de toutes gammes. Et pour les conseillers et chargés de mission qui sont associés à un déplacement présidentiel, ces véhicules sont spécialement équipés pour ce type de mission.
S'agissant du logement : bénéficient du logement par nécessité de service les personnes qui ont des contraintes de disponibilité et un rythme de travail qui le justifient. Tous ces éléments sont contrôlés chaque année par les organismes de contrôle qui nous accompagnent.
Donc, ce sont bien les missions qui étaient confiées à M. Benalla qui justifiaient ces moyens de fonctionnement. Ce n'étaient là ni privilèges ni avantages.
Madame la présidente, je voudrais juste obtenir une petite précision supplémentaire. Monsieur le directeur, je vous ai demandé si les neuf autres chargés de mission bénéficiaient d'un logement par nécessité absolue de service, ou d'un logement de fonction à la résidence du quai Branly.
Les autres chargés de mission sont affectés dans des services qui suivent les politiques publiques – dans le secteur agricole, celui du développement économique. Ils ont certes beaucoup de travail, mais on n'exige pas d'eux la disponibilité qu'on exige de celui qui est associé de manière très régulière à l'activité du Président de la République. Ce ne sont pas les mêmes contraintes de service, ce n'est pas la même disponibilité, et cela ne justifie pas l'attribution d'un logement de service.
Le chef de cabinet et le chef de cabinet adjoint sont logés quai Branly.
La dernière sera brève. Je voulais interroger M. le directeur sur l'appréciation qu'il porte sur l'analyse de son collègue préfet de police. Ce dernier nous a indiqué très clairement dans son audition hier que pour lui, l'activation de l'article 40 du code de procédure pénale relevait de l'autorité hiérarchique et fonctionnelle dont dépendait M. Benalla, en l'occurrence l'Élysée. Quelle est votre analyse juridique du point de vue qu'a exprimé hier M. le préfet de police sur ce point ?
Je ne vais pas commenter les déclarations qui ont été faites devant vous par mon collègue. On ne va pas entrer dans une guerre des préfets, ce serait complètement ridicule, et en tout cas ce ne serait pas l'objet de l'exercice auquel vous nous conviez.
Je pense que l'article 40 peut être déclenché par tout fonctionnaire qui est témoin d'un acte répréhensible, d'un délit, et que c'est donc à lui de décider s'il faut ou non signaler ces faits au procureur. J'ai essayé d'être le plus précis possible sur les raisons qui m'ont conduit à ne pas le faire en ce qui me concerne. Je ne peux pas en dire plus.
Monsieur le préfet, je n'ai qu'une question à vous poser, dans laquelle j'écarterai volontairement l'adéquation de la sanction à la faute – de nombreuses questions ont déjà porté sur ce point. Je me situerai strictement par rapport à l'intérêt du service et je voudrais vous demander si, du fait de ses agissements le 1er mai, M. Benalla avait encore sa place dans le cabinet du Président de la République, à quelque affectation que ce soit, même après sa suspension ? Il s'agit là de l'intérêt de la France !
La sanction comportait une modification substantielle des missions qui étaient confiées à M. Benalla. Mais initialement, quand il avait été recruté, il avait le profil pour travailler à la chefferie. J'ai expliqué quelles étaient ses missions : participer à l'organisation des déplacements du Président de la République ; gérer des grandes manifestations pour accueillir des invités le 14 juillet ; et participer de l'organisation des déplacements privés du Président de la République.
M. Benalla, et je crois qu'il faut le dire parce que toute personne a droit au respect, était très apprécié dans la maison. C'était quelqu'un d'extrêmement disponible, réactif, efficace. (Exclamations.) Je suis obligé de le dire. Et dans un cabinet ministériel ou présidentiel, dont les effectifs sont extrêmement contraints – je rappelle la volonté du Président de la République de diminuer les effectifs des cabinets ministériels –, quand on a des ressources qui répondent à des missions, il faut les conserver. J'ai effectivement maintenu M. Benalla dans un certain nombre de fonctions qui le rattachaient au cabinet.
M. Benalla a vu une de ses missions supprimée. Comment sont donc organisés les déplacements officiels ? A-t-on procédé à une réorganisation ? Pouvez-vous nous préciser la situation ?
Vous avez raison, madame la députée, j'ai oublié de le préciser tout à l'heure : on a effectivement déchargé M. Benalla d'un pan important de son activité, ce pourquoi il avait été recruté, mais on a « internalisé » ses dons d'organisateur pour les manifestations qui se déroulent au palais de l'Élysée.
Le Président de la République reçoit de très nombreuses personnalités à l'Élysée. De grandes réunions, de grands rassemblements s'y déroulent. Nous avons reçu le 16 juillet l'équipe de France victorieuse, accompagnée de 3 000 invités. On ne pouvait pas programmer cette réception. Certes, on espérait tous que l'équipe de France allait gagner, mais il fallait attendre que la Coupe ait été en sa possession. Il a donc fallu lancer en vingt-quatre heures 3 000 invitations, aménager les locaux et le parc de l'Élysée pour accueillir des jeunes footballeurs venus de toute la France, des journalistes, des élus, diverses personnalités. Et M. Benalla a une véritable compétence dans cette fonction d'organisation.
Donc, pour répondre à votre question, madame la députée, on l'a recentré vers des activités internes au palais.
Il n'a pas été remplacé dans sa fonction… (Exclamations)
Sans vouloir rentrer dans la cuisine administrative, permettez-moi d'être le plus précis possible. Je l'ai dit, la volonté du Président de la République est de réduire les effectifs. Donc, il a été décidé, pour l'organisation des déplacements du Président de la République, de faire appel à d'autres compétences en interne à l'Élysée : des attachés de presse, des logisticiens, étant entendu que la fonction de coordination des services est assumée par le chef de cabinet et par le chef adjoint et une adjointe. En clair, on a réalisé des gains de productivité.
Il a été décidé de conserver ce système jusqu'au mois de septembre, pour voir s'il est viable et soutenable. Si l'on voit que l'on ne peut pas gérer la situation et faire en sorte de garantir le bon déroulement des déplacements présidentiels, on procèdera au remplacement de M. Benalla en recrutant quelqu'un. Mais pour l'instant, c'est à effectifs constants.
Effectivement, monsieur le préfet, des interrogations subsistent : depuis quelques semaines, des images ont continué à circuler, qui font état de la présence continue de M. Benalla. Notre groupe se demande quelle mission il effectue auprès du Président de la République, au cours de déplacements officiels ou non officiels.
Je vais répondre à votre question. Je pense que vous faites référence à la présence de M. Benalla à la cérémonie de « panthéonisation » de Mme Veil, à sa présence le 14 juillet, puis lors de l'accueil de l'équipe de France à l'Élysée, ainsi qu' à Giverny. Permettez-moi de signaler qu'on s'éloigne un peu du 1er mai. (Murmures.) Mais bon, je vais répondre à vos questions…
Je vous rappelle que le cadre de mission et de saisine de la commission des Lois est relatif aux événements du 1er mai.
S'agissant du déplacement à Giverny : ce n'était pas un déplacement officiel du Président de la République, mais un déplacement d'ordre privé. Donc, M. Benalla était dans son rôle.
S'agissant de la cérémonie d'accueil de Mme Veil et de son époux au Panthéon, qui s'est déroulée début juillet au Panthéon : c'était une manifestation sous maîtrise d'ouvrage totale de l'Élysée. Tout a été conçu et piloté à l'Élysée. Donc, le rôle de M. Benalla était de s'assurer de la bonne coordination entre l'arrivée du cortège du Président de la République et l'arrivée du cortège qui accompagnait les deux cercueils, et du placement des personnalités.
S'agissant du 14 juillet, où effectivement M. Benalla est visible : sa présence est liée à une mission qu'il a conservée, qui est la gestion du programme d'accueil des invités du Président de la République le 14 juillet. Il était donc sur les Champs-Élysées, au pied des tribunes, pour s'assurer que tous les invités étaient bien accueillis, qu'ils n'avaient pas eu de problème au contrôle d'accès, qu'ils avaient leur place dans les tribunes et qu'ils pouvaient profiter du défilé dans de bonnes conditions.
S'agissant de l'organisation de l'accueil de l'équipe de France : on a vu M. Benalla sur tout le trajet qui a conduit l'équipe de l'aéroport de Roissy jusqu'à l'Élysée. La réception de l'équipe de France à l'Élysée a été décidée en toute urgence, et la Fédération française de football nous avait fixé un cadre extrêmement précis, à savoir que les joueurs devaient impérativement quitter l'Élysée à vingt heures. Or nous savons par expérience qu'entre l'aéroport et l'Élysée, la séquence la plus délicate est la descente des Champs-Élysées en bus. En 1998, cela a duré quatre heures !
Nous avons pris l'engagement, vis-à-vis de la Fédération, de respecter la contrainte horaire. J'avais donc besoin, pour un événement dont le point final était le palais de l'Élysée où l'on accueillait les joueurs et leur équipe d'accompagnateurs, d'être sûr que le bus serait à l'heure et arriverait au plus tard à dix-neuf heures quinze. Il fallait en même temps organiser l'accueil des personnalités, des 3 000 personnes à l'Élysée. Il me fallait un contact permanent pendant toute la progression du cortège, pour savoir effectivement si cette contrainte horaire serait tenue. C'est la raison pour laquelle M. Benalla était sur les lieux.
Monsieur le préfet, votre affirmation sur l'autorisation du Président de la République qui vous a permis de venir devant notre commission d'enquête est un peu gênante pour nous. Vous êtes un serviteur de l'État. Vous savez que vous êtes dans un État de droit et vous avez certainement eu l'occasion de contrôler beaucoup d'actes administratifs. M. Benalla était un contractuel de droit public au sein d'un cabinet. Il dispose donc d'un dossier administratif. Allez-vous opposer un refus de communication de ce dossier administratif à la commission d'enquête ?
Vous avez recruté M. Benalla suite à sa participation à la campagne présidentielle. Voulez-vous nous dire que cela, à vos yeux, justifiait ce recrutement dans ce poste, à ce niveau de statut et de rémunération ?
Enfin, pouvez-vous nous donner quelques précisions sur le rôle de M. Yann Drouet, ancien chef de cabinet du préfet de police, qui a été nommé secrétaire général pour la coordination nationale du renseignement à l'Élysée, le 18 avril 2018, par le Président de la République ? Ce fonctionnaire aurait participé à l'autorisation de port d'arme de M. Benalla et il serait intervenu auprès de Laurent Simonin pour que M. Benalla soit observateur. Avez-vous des éléments précis en la matière ?
Sur la communication du dossier administratif, je ne pourrai pas vous répondre. Je suppose que cette communication est encadrée juridiquement et, en cet instant, je ne suis pas en mesure de vous dire dans quelles conditions ce type de document peut être communiqué.
S'agissant du recrutement de M. Benalla, j'ai expliqué qu'il faisait partie de l'équipe de campagne du candidat élu. Au sein de cette équipe, il avait des compétences d'organisateur avérées qui ont justifié son recrutement. Jusqu'à une date récente, il a parfaitement rempli ses missions en étant, comme je l'ai dit, efficace, disponible et extrêmement réactif. En ce qui me concerne, je n'ai rien à dire. Jusqu'au 1er mai, on ne m'avait jamais signalé d'écarts de comportement de sa part.
Quant à M. Drouet, c'est un sous-préfet qui a été affecté auprès du coordonnateur national du renseignement, dans le cadre d'un mouvement préfectoral organisé par le ministère de l'intérieur. M. Drouet a quitté ses fonctions de chef de cabinet du préfet de police dans le courant du mois d'avril 2018, donc bien avant la journée du 1er mai. Il a naturellement vocation à occuper son poste actuel.
La réponse est limitée. Je vous interroge sur les relations qu'il pouvait entretenir avec M. Benalla dans la mesure où ce dernier aurait bénéficié d'une autorisation de port d'arme grâce à son intervention. Chef d'une cellule au niveau de l'Élysée, il a une autorité fonctionnelle sur lui et il est intervenu pour autoriser M. Benalla à participer à la manifestation.
Je n'ai pas connaissance des relations entre M. Drouet et M. Benalla. Je gère des personnes qui s'inscrivent dans des chaînes hiérarchiques et des services organisés. Je m'assure qu'ils sont à la bonne place et qu'ils font le travail qui leur est demandé.
D'abord, je voudrais m'adresser aux deux co-rapporteurs. Étant donné qu'une polémique a enflé sur le fait de savoir si la sanction était effective ou pas, je souhaiterais que vous puissiez obtenir du directeur de cabinet du Président de la République, la production des bulletins de salaire de M. Benalla. Cela permettra de vérifier que la retenue était effective.
Monsieur Strzoda, je m'associe à la réflexion de notre co-rapporteur sur votre grande carrière préfectorale, et j'avoue que je n'ai aucun plaisir à vous poser ces questions ou à vous voir dans cette situation. Mais nous avons entendu le ministre de l'intérieur nous dire qu'il appartenait à l'autorité hiérarchique qui employait M. Benalla, c'est-à-dire vous-même, de saisir le procureur de la République en vertu de l'article 40 du code de procédure pénale. Le préfet de police de Paris semblait dire la même chose. Vous semblez dire qu'il ne vous a paru nécessaire de le faire ou que ce n'était pas à vous de le faire. Nous constatons que le procureur de la République a décidé d'ouvrir une information judiciaire dès qu'il a vu la vidéo. Selon vous, compte tenu de votre expérience de préfet, qui aurait dû faire usage de l'article 40 ?
Étant donné vos fonctions et les réponses que vous venez de faire, quelque chose m'interroge. Vous dites qu'il y a eu faute et que vous avez appliqué une sanction qu'il a ressentie comme telle, même s'il y a un vrai débat sur cette suspension. Ensuite, il change de fonctions. Moi, je croyais qu'en droit administratif, on n'avait pas le droit de sanctionner et de faire changer de fonctions. Admettons-le. Il change de fonctions et il n'a plus les mêmes servitudes. Or c'est à ce moment-là que lui est attribué un appartement de fonction, au regard de ses servitudes. Vu les nouvelles servitudes qui sont les siennes, pourquoi lui attribue-t-on un appartement de fonction à ce moment-là ?
M. Benalla a été a été licencié parce que, depuis 1er mai, il y a d'autres éléments qui ont été portés à notre connaissance et qui nous ont amenés à mettre en oeuvre ce qui lui avait été notifié le 3 mai, à savoir qu'en cas de nouveau comportement fautif il serait licencié. Des éléments nouveaux nous ont conduits à appliquer ce que nous avions affiché dès le 3 mai.
J'ai dû mal m'exprimer. Vous décidez de lui appliquer une sanction et de le changer de fonctions. Vous décidez de ne pas appliquer l'article 40 alors que le préfet de police et le ministre de l'intérieur nous disent que c'est à vous de le faire. Quelques semaines plus tard, alors qu'il a changé de fonctions, on lui attribue un appartement. Vous nous avez pourtant expliqué que les appartements sont donnés en fonction des servitudes. On peut comprendre que quelqu'un qui est chargé de la protection du Président de la République – je crois que c'est le service du protocole qui envoie les invitations – a d'importantes servitudes. Pourquoi lui attribue-t-on subitement un appartement alors qu'il vient de changer de fonctions et qu'il a moins de servitudes ? Pendant un an, alors qu'il accompagnait le Président de la République partout, ses servitudes ne nécessitaient pas de lui attribuer un appartement. Lorsqu'il n'accompagne plus le Président de la République partout, il a besoin d'un appartement. J'ai du mal à comprendre l'échelle du degré de besoin.
Tout d'abord, je précise qu'il n'a jamais occupé l'appartement en question. (Exclamations.) L'évolution de sa fiche de poste n'a pas diminué ses contraintes. On lui demandait la même disponibilité pour l'organisation des manifestations au palais et des déplacements non publics du Président de la République. Il était toujours extrêmement sollicité.
Je souhaite tout d'abord vous interroger sur ce que M. le co-rapporteur a appelé la mesure conservatoire. Vous nous avez indiqué que le Président de la République n'avait pas influé, d'une manière ou d'une autre, sur cette mesure conservatoire. En avez-vous parlé avec lui ? Le Président de la République ou d'autres vous ont-ils fait part de leur surprise quant à la faiblesse de la sanction, au regard des faits graves qui peuvent être reprochés à M. Benalla ?
J'ai indiqué dans quelles circonstances j'ai pris cette décision. Je l'ai prise seul, en mon âme et conscience. Je n'ai jamais parlé de ce sujet avec le chef de l'État, qui était à 10 000 kilomètres et qui est rentré le 6 mai. J'ai été recruté pour m'occuper de la gestion interne de la présidence. C'est vraiment ma responsabilité et je l'assume.
À aucun moment je n'ai mis en cause votre compétence et votre sens de l'État. J'aimerais savoir si, après le retour du Président de la République de Nouvelle-Calédonie, vous avez parlé avec lui des sanctions que vous aviez prononcées en toute liberté, autonomie, indépendance, souveraineté – choisissez le qualificatif que vous voulez. Avez-vous évoqué ces sanctions avec lui ? Vous a-t-on, à un quelconque moment, reproché de ne pas avoir pris des mesures plus significatives à l'égard de M. Benalla ?
Non, monsieur le député, je n'en ai pas parlé avec le chef de l'État. Et on ne m'a pas fait d'observation sur la décision que j'ai prise.
Je vous crois totalement, je voulais simplement avoir cette précision.
J'en viens au permis de port d'arme. Nous avons appris hier que ce permis lui avait été refusé à deux reprises par deux ministres de l'intérieur différents. Êtes-vous, d'une quelconque manière, à l'origine de la troisième demande qui lui a permis de l'obtenir ? L'avez-vous validée ? Si c'est le cas, j'imagine que vous aviez eu connaissance des refus. Pourquoi avoir alors insisté pour que M. Benalla puisse disposer de cette arme, notamment au regard d'une nécessité de service qui n'est pas avérée ? Dans la présentation de ses responsabilités, je n'ai rien trouvé qui justifie la nécessité d'une arme.
M. le préfet de police a abordé cette question hier, disant qu'il avait accordé cette autorisation. Il est vrai qu'il a pris sa décision sur une demande de M. Benalla que j'ai transmise. Je vais vous lire l'avis mentionné sur ma transmission : « Si cette autorisation peut être accordée dans le strict respect des textes, j'y suis favorable. » Je demandais une instruction normale et une décision normale. Si le préfet de police m'avait dit qu'il était désolé mais qu'il ne pouvait pas accorder ce permis, il n'y aurait eu aucune intervention et aucune pression.
Pourquoi l'ai-je transmise alors qu'une demande précédente avait été refusée par le ministère de l'intérieur ? La demande adressée à M. le préfet de police ne l'avait pas été sur le même fondement que les demandes précédentes qui avaient été adressées au ministre de l'intérieur. Ce dernier est compétent pour les demandes concernant les personnes qui font l'objet de menaces, qui risquent d'être agressées et qui ont besoin de se protéger. C'est parce qu'elles ne répondaient pas à cette condition que les demandes précédentes avaient été refusées. La demande adressée au préfet de police était fondée sur la nature des fonctions de M. Benalla. Elle a été a été faite en octobre 2017 ; l'autorisation de port d'arme a été signée le 13 octobre 2017 et elle a été abrogée il y a quelques jours. C'est bien la nature des fonctions qui justifiait qu'il soit titulaire d'un port d'arme. Mais j'y insiste, monsieur le député, et je tiens les pièces à votre disposition, j'ai bien indiqué dans la transmission que ce dossier devait être instruit dans le strict respect de la réglementation.
Nous avons appris que, outre le brassard, M. Benalla disposait d'une radio dite ACROPOL. Le directeur de l'ordre public et de la circulation, qui avait accès à ce réseau pendant la manifestation du 1er mai, nous a indiqué qu'il n'avait entendu aucun message de nature à le surprendre. Il considère que si M. Benalla a pu s'exprimer, cela pouvait être sur d'autres fréquences. Pendant la journée du 1er mai, M. Benalla était observateur mais il avait un brassard, une radio ACROPOL et une capacité à commander, comme nous l'avons vu sur les images. À votre connaissance, a-t-il été en lien avec un quelconque interlocuteur à l'Élysée ?
Le 2 mai au matin, lorsque je prends connaissance de la vidéo, je vois que M. Benalla est uniquement équipé d'un casque. Je ne vois ni brassard ni radio. J'ai appris récemment cette possession d'une radio. Je n'ai donc pas d'éléments pour vous répondre sur ce point précis, monsieur le député. De toute façon, ces faits font désormais l'objet d'une information judiciaire et on saura exactement ce qu'il en est. En ce qui me concerne, je n'ai pas d'éléments d'information à vous donner sur ce point précis.
Monsieur le directeur, tout en vous remerciant de votre présence, je voudrais faire une remarque au nom de mon groupe. Vous avez prêté le serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, ce qui est contradictoire avec les propos que vous avez tenus ensuite : vous avez déclaré que vous ne répondriez pas à certaines questions en raison du mandat que le Président de la République vous avait confié. Vous n'avez pas fait le serment de ne dire que la seule vérité que le Président de la République vous a autorisé à dire. Nous en sommes fort agacés et fort déçus.
Cela étant dit, vous nous avez annoncé que, le mercredi 2 mai, c'est M. Alexis Kohler – et non vous – qui avait informé le Président de la République de la situation qui nous rassemble ici. Savez-vous les consignes précises qu'a données le Président de la République en apprenant cette situation ? A-t-il demandé que M. Benalla soit sanctionné ? A-t-il demandé que le dossier – l'affaire, si j'ose dire – soit transmis à la justice ? Savez-vous si, une fois rentré de voyage, le Président de la République a demandé si des sanctions avaient été prises et de quelle nature elles étaient ?
Dans mon propos liminaire, j'ai effectivement porté à votre connaissance que j'étais ici par l'autorisation du Président de la République. Dans la Constitution, rien ne prévoit que les collaborateurs du Président de la République puissent être entendus par une commission d'enquête. Comme je me suis permis de le dire, je dois veiller au principe de séparation des pouvoirs, dans la mesure où une information judiciaire est ouverte sur les faits qui justifient votre commission d'enquête et où, en vertu de la Constitution, l'action et l'activité du Président de la République ne relèvent pas du contrôle du Parlement. C'est en vertu de ce principe de séparation constitutionnelle que je ne peux pas évoquer un certain nombre de questions qui touchent à l'organisation de l'Élysée. Ce n'est pas du tout un refus de répondre. C'est le respect de notre Constitution et des principes qui garantissent notre État de droit.
S'agissant de l'information qui a été portée à la connaissance du Président de la République sur les faits qui se sont déroulés le 1er mai, j'ai indiqué que j'ai recueilli les informations dans des délais extrêmement rapides. Je l'ai fait à partir de ce que j'ai vu, de ce que m'a dit M. Benalla, de vérifications auprès de la préfecture de police pour m'assurer qu'il y avait bien eu des affrontements place de la Contrescarpe la veille au soir. Je vous rappelle qu'il a eu trente et une interpellations. Ces éléments, je les ai portés à la connaissance du secrétaire général de l'Élysée qui, lorsque le Président de la République est en déplacement à l'étranger, effectue un point quotidien sur l'ensemble des affaires qui concernent le pays. C'est au cours de cet entretien, auquel je n'ai pas assisté, que le secrétaire général de l'Élysée a porté les éléments que je lui avais donnés à la connaissance du Président. Parmi les éléments que j'avais fournis au secrétaire général, figurait ma proposition d'une sanction de quinze jours. Dès que le Président en a été informé, j'ai mis en oeuvre cette mesure.
Je n'ai pas eu d'instructions contraires.
C'est précisément l'objet de ma question : je souhaiterais avoir une réponse précise. Le Président de la République a-t-il demandé que la justice soit saisie, notamment en vertu de l'article 40, ou s'est-il satisfait, si je puis dire, de la sanction que vous aviez proposée ? Manifestement, après vous avoir entendu, nous comprenons que le Président de la République, en pleine connaissance, au vu des éléments d'information donnés par vous-même et le secrétaire général de l'Élysée, a considéré que cette sanction était adaptée.
Vous avez contesté, de manière assez virulente, qu'il y aurait des projets de réorganisation des services de sécurité du Président. Vous l'avez dit avec une certaine clarté. Pourtant, au moment où nous parlons, des organisations de syndicats de policiers, je pense notamment au syndicat Alliance, affirment devant la commission d'enquête du Sénat qu'une réorganisation, notamment du GSPR, était en cours. Je renouvelle ma question : y avait-il une réorganisation des services de sécurité du Président ? Pouvez-vous nous dire si M. Benalla et d'autres acteurs – sur lesquels je vais revenir – n'avaient pas un rôle à jouer dans cette réorganisation ?
Nous touchons là à un secteur d'activité qui concerne la sécurité du chef de l'État. Vous comprendrez que je ne peux pas entrer dans le détail sinon je commettrais moi-même une infraction. En revanche, je vous confirme qu'il y a une réflexion en cours à l'Élysée pour rapprocher les deux services qui assurent la sécurité du Président de la République et des enceintes présidentielles. Cette réflexion est menée et pilotée par le général commandant le commandement militaire de l'Élysée et non pas par M. Benalla. Elle s'inscrit dans un projet de transformation de tous les services de l'Élysée pour qu'ils soient plus efficaces et également, en opérant des mutualisations, plus attentifs aux budgets qui leur sont confiés.
Ce projet, j'ai eu l'occasion de l'aborder très récemment devant la quatrième chambre de la Cour des comptes, dans le cadre du contrôle annuel qu'effectue cette haute juridiction sur les comptes de l'Élysée. J'ai présenté ce projet. Après cette présentation, je ne pense pas que l'on puisse un seul instant imaginer que l'on est en train de créer une milice privée ou une garde prétorienne à l'Élysée. C'est un projet d'évolution des services. Il s'inscrit dans un projet de transformation. Il est contrôlé par les organismes de contrôle mais je ne peux pas vous en donner les volets opérationnels qui touchent à la sécurité du chef de l'État.
Il n'a jamais été envisagé que M. Benalla ait une fonction de direction ou de responsabilité dans cette direction. Ce projet, qui consiste à rapprocher des services qui ont des cultures très différentes, nécessite une concertation avec toutes les personnes. Plusieurs groupes de travail sont actuellement créés. Ils associent un certain nombre de personnalités qui, dans leurs fonctions au palais de l'Élysée, sont directement ou indirectement concernées par la sécurité. M. Benalla faisait partie de ces personnalités et, à ce titre, il était parfois présent dans des groupes de travail. Cette logique de concertation est absolument indispensable pour réussir un projet aussi important.
Vous venez donc de nous dire qu'un chargé de mission qui a été rétrogradé, suite à des faits qui sont graves, participait à des réflexions de réorganisation des services de sécurité du Président de la République. Nous avons aussi le sentiment qu'une forme de hiérarchie parallèle associait toute une série de gens, dont les noms ont été cités lors des auditions précédentes, et à laquelle j'ajoute M. Drouet, dont le nom a été évoqué lors de la présente audition. Est-ce que tous ces gens participaient aussi, et sous quelle autorité, à ces réflexions, à ces groupes de travail qui visaient à réorganiser les services de sécurité du Parlement ? Je pense à M. Benalla, mais aussi à d'autres acteurs qui étaient peut-être présents sur la place de la Contrescarpe : M. Drouet et des gens qui semblaient avoir des relations assez privilégiées avec M. Benalla, en dehors des hiérarchies normales de fonctionnement.
Le pilotage de ce projet, je l'assure personnellement. J'ai réuni plusieurs fois les personnels pour bien expliquer la démarche, les objectifs, les échéances et les moyens. Au quotidien, ce chantier est piloté par le général commandant militaire de l'Élysée.
Je vais revenir sur la question du port d'arme. Vous avez confirmé ce que nous a dit le préfet de police hier, à savoir que la demande de port d'armes avait été transmise directement par l'Élysée. Au ministère de l'intérieur, il y a un service habilité à délivrer des ports d'armes. À trois reprises, ce service a refusé un port d'arme à M. Benalla. Vous avez expliqué que cette quatrième demande se justifiait par les missions actuelles de M. Benalla. Soit, mais pourquoi ne pas avoir suivi la procédure classique et fait valoir le changement de fonctions auprès du ministère de l'intérieur plutôt que de passer directement par le préfet de police qui n'a pas à sa disposition le service compétent ?
Monsieur le député, je pense que je n'ai pas été assez clair. Il y a deux régimes pour les ports d'armes. Il y a un régime qui est placé sous la compétence directe du ministre de l'intérieur et qui concerne les demandes d'autorisation de port d'arme présentées par des personnes – publiques ou privées – qui sont menacées. Un autre régime relève des préfets territorialement compétents. Après instruction d'un dossier, un préfet peut délivrer une autorisation de port d'arme à des fonctionnaires ou des agents qui, par la nature de leurs fonctions, peuvent être exposés à une menace. C'est dans ce cadre qu'a été instruit le dossier de M. Benalla. C'est ce dernier qui a fait la demande. Son dossier n'a pas été envoyé par l'Élysée ; il a été transmis par son supérieur hiérarchique. Dans cette transmission, j'ai insisté sur le fait que cette demande devait être instruite normalement et donner lieu à une décision normale.
Parmi ses nombreux attributs – autorisations, badges et autres –, M. Benalla avait une habilitation pour le transport de fonds. Pouvez-vous me dire, vous qui étiez son supérieur à hiérarchique, quel était le lien entre sa fonction à l'Élysée et cette attribution assez particulière ?
Je peux vous affirmer très fermement que, dans ses fonctions à l'Élysée, M. Benalla n'est pas chargé de transporter ou de transférer des fonds. C'est inimaginable.
M. Benalla a un master de sécurité publique, mais il a également suivi des formations pour être agent de sécurité privé dans un certain nombre de spécialités. Parmi ces spécialités, il peut y avoir la sécurisation des transferts de fonds. Je sais que, parmi les mentions qui figurent sur ses diplômes, il y a celle d'assurer la sécurité rapprochée de personnalités. En tout cas, cette compétence, qu'il possédait avant de rejoindre le palais, on n'en a pas besoin pour les services de la présidence.
Le 2 mai, vous avez pris la décision de suspendre Alexandre Benalla de ses fonctions à compter du 4 mai 2018 pour une durée de quinze jours, avec reprise de fonctions le 22 mai 2018. Sur quelle base vous êtes-vous fondé pour déterminer cette sanction ?
Si j'ai bien compris, la présence d'Alexandre Benalla, le 1er mai, vous a semblé envisageable du fait de ses missions. Le climat de violence, dont personne ne doutait, était-il le plus propice à ce qui peut être assimilé à un stage sur le terrain ? Autrement dit, est-ce qu'il n'y a pas eu sous-évaluation dans toute la chaîne de décision ?
Madame la députée, je vous remercie pour votre question parce qu'elle ne permet de préciser un point. Bien évidemment, si j'avais su que, dans la mission d'observation qui serait confiée à M. Benalla, il y aurait une sortie sur le terrain avec un contact, je ne l'aurais jamais autorisée. Dans mon esprit, une mission d'observation est parfaitement cadrée. Je suis persuadé que certains d'entre vous ont déjà effectué ce type de mission d'observation. On n'est jamais mis en situation d'intervention quand on est observateur auprès d'un service de police ou de gendarmerie qui doit gérer des opérations de maintien de l'ordre. Je l'ai effectivement autorisé à assister à cette mission parce que, dans mon esprit, il était évident qu'il ne se retrouverait jamais sur le terrain. C'est là où l'on peut parler d'un comportement individuel fautif. Il n'avait pas à être là. Quant à la sanction, je crois que j'ai déjà longuement répondu sur les motifs qui m'ont amené à la prendre. Je n'ai pas l'intention de redévelopper cet argumentaire.
Chacun des groupes a pu poser trois questions. Le rapporteur et moi-même allons poser une question chacun. Je vous indique que la directrice de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) est présente depuis quinze minutes pour une audition à dix-huit heures trente. Après nos deux questions, nous lèverons la séance et nous pourrons passer à l'audition suivante. (Protestations.)
Pour le 2 mai, vous nous avez indiqué la chaîne hiérarchique suivante : vous êtes informé de la vidéo montrant les actes de M. Benalla ; vous en rendez compte à votre supérieur hiérarchique, le secrétaire général de l'Élysée, Alexis Kohler ; celui-ci en rend compte à l'autorité hiérarchique suprême de l'Élysée et, du reste, de l'État, Emmanuel Macron, le Président de la République. C'est une chaîne en trois temps. Vous nous avez indiqué qu'une fois informé, M. Kohler a porté les faits et votre proposition de la mesure de suspension à la connaissance du chef de l'État. Vous nous avez aussi déclaré : « Je n'ai pas eu d'instructions contraires. » Je comprends donc qu'à aucun moment, entre le 2 mai et le 18 juillet, date de la révélation de ces faits à l'opinion publique par Le Monde, votre chaîne hiérarchique – c'est-à-dire le secrétaire général de l'Élysée et, in fine, le Président de la République, Emmanuel Macron – ne vous a demandé de procéder à la saisie de l'autorité judiciaire.
Monsieur le co-rapporteur, j'ai été recruté auprès du Président de la République pour m'occuper de la gestion interne des services du palais de l'Élysée. Cette fonction comporte tous les actes qui ont trait à la carrière des agents qui travaillent à l'Élysée : recrutement, avancement, mobilité, formation et sanction quand il le faut. J'ai été recruté pour ça. C'est mon boulot. Je l'ai fait. Et si j'avais commis une mauvaise appréciation ou une erreur, on me l'aurait dit.
Pour ma part, je souhaiterais avoir des éléments sur cette journée du 2 mai. Quelles ont été les prises de contact entre vous-même et le directeur de cabinet du ministère de l'intérieur, au sujet de cette affaire ? Y a-t-il eu des contacts entre vous ? Quelle a été la teneur de ces contacts ?
J'ai été informé de l'existence de cette vidéo aux environs de neuf heures et quart. Aux environs de dix heures trente, j'ai reçu un appel du directeur de cabinet du ministre d'État, ministre de l'intérieur, m'informant de l'existence de cette vidéo que je connaissais déjà. Il voulait s'assurer que j'étais bien au courant. Je lui ai répondu que nous étions en train de faire le point sur ce dossier.
Monsieur Strzoda, nous vous remercions d'être venu devant la commission des Lois et d'avoir répondu à l'ensemble de nos questions. La séance est levée.
La réunion s'achève à 18 heures 45.
Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Caroline Abadie, Mme Laetitia Avia, M. Erwan Balanant, Mme Huguette Bello, M. Ugo Bernalicis, M. Florent Boudié, Mme Yaël Braun-Pivet, Mme Émilie Chalas, M. Éric Ciotti, Mme Typhanie Degois, M. Éric Diard, Mme Coralie Dubost, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Jean-François Eliaou, M. Christophe Euzet, Mme Élise Fajgeles, M. Jean-Michel Fauvergue, Mme Isabelle Florennes, Mme Paula Forteza, M. Raphaël Gauvain, M. Philippe Gosselin, Mme Marie Guévenoux, M. David Habib, M. Sacha Houlié, M. Sébastien Huyghe, Mme Élodie Jacquier-Laforge, M. Mansour Kamardine, Mme Catherine Kamowski, Mme Marietta Karamanli, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Guillaume Larrivé, M. Philippe Latombe, Mme Alexandra Louis, M. Olivier Marleix, M. Jean-Louis Masson, M. Fabien Matras, M. Stéphane Mazars, M. Paul Molac, M. Pierre Morel-À-L'Huissier, Mme Naïma Moutchou, Mme Danièle Obono, M. Didier Paris, M. Stéphane Peu, M. Jean-Pierre Pont, M. Éric Poulliat, M. Aurélien Pradié, M. Rémy Rebeyrotte, Mme Maina Sage, M. Hervé Saulignac, M. Raphaël Schellenberger, M. Jean Terlier, Mme Alice Thourot, M. Alain Tourret, Mme Cécile Untermaier, M. Arnaud Viala, Mme Laurence Vichnievsky, M. Guillaume Vuilletet, Mme Hélène Zannier, M. Michel Zumkeller
Excusés. - M. Richard Ferrand, M. Marc Fesneau
Assistaient également à la réunion. - M. Éric Alauzet, M. Louis Aliot, Mme Aude Amadou, M. Gabriel Attal, Mme Delphine Batho, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Thibault Bazin, Mme Valérie Bazin-Malgras, Mme Valérie Beauvais, Mme Aurore Bergé, Mme Émilie Bonnivard, Mme Valérie Boyer, M. Jean-Jacques Bridey, M. Vincent Bru, M. Michel Castellani, M. Sébastien Chenu, M. Guillaume Chiche, M. Dino Cinieri, M. Paul-André Colombani, M. Éric Coquerel, M. Alexis Corbière, M. Pierre Cordier, M. Jean-Pierre Cubertafon, M. Fabien Di Filippo, M. Julien Dive, M. Pierre-Henri Dumont, M. Nicolas Dupont-Aignan, Mme Sarah El Haïry, M. Olivier Falorni, Mme Elsa Faucillon, M. Olivier Faure, M. Yannick Favennec Becot, M. Guillaume Garot, M. Jean-Jacques Gaultier, Mme Émilie Guerel, M. Meyer Habib, M. Michel Herbillon, Mme Caroline Janvier, Mme Sonia Krimi, M. Jean-Charles Larsonneur, Mme Constance Le Grip, Mme Marine Le Pen, M. Jean François Mbaye, Mme Emmanuelle Ménard, M. Gérard Menuel, M. Ludovic Pajot, Mme Natalia Pouzyreff, M. Joaquim Pueyo, M. Pierre-Alain Raphan, M. Hugues Renson, Mme Laetitia Saint-Paul, M. Joachim Son-Forget, M. Éric Straumann, M. Guy Teissier, M. Boris Vallaud, M. Pierre Vatin, M. Olivier Véran, M. Patrice Verchère, M. Charles de la Verpillière, M. Jean-Pierre Vigier, M. Philippe Vigier