Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mardi 19 mars 2019 à 16h15

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La réunion

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La Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a entendu M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

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Mes chers collègues, nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir accepté notre invitation. Notre commission a en effet jugé important de vous entendre, quelques mois après votre nomination à vos fonctions, afin de pouvoir vous interroger sur votre stratégie d'ensemble pour l'agriculture française et plus particulièrement sur la transition agro-écologique que nous appelons de nos voeux, car nous sommes tous attachés à une agriculture durable.

Deux étapes sont essentielles : d'une part, la mise en oeuvre de la loi « Égalim », d'autre part, la réforme à venir de la politique agricole commune. Pour ce qui est du premier point, notre commission s'est particulièrement investie dans les débats sur le projet de loi « Égalim » et a adopté de nombreux amendements – qui ont, pour une grande part, été repris par l'Assemblée. Près de six mois après l'adoption définitive de la loi, il nous semble important d'échanger avec vous sur l'application de ce texte.

Notre rapporteure pour avis sur le projet de loi, Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, y est particulièrement attachée, mais je pense que ce sentiment est partagé par chacun d'entre nous ; mes collègues auront sans aucun doute de nombreuses questions à vous poser, notamment sur les suites données à ce texte dans le cadre de la loi « PACTE ». Pour ma part, je me limiterai donc à vous interroger sur quelques sujets.

Notre commission a introduit dans le texte plusieurs dispositions relatives à une alimentation saine et durable. Pourriez-vous faire le point sur les textes d'application nécessaires et nous indiquer si les acteurs concernés sont mobilisés ? Nous avons aussi adopté des mesures en matière de bien-être animal : pourriez-vous faire un bilan de l'application de ces dispositions, six mois après l'adoption de la loi ?

J'en viens aux produits phytosanitaires, au sujet desquels nous avons adopté des mesures qui doivent permettre la transition vers une agriculture plus respectueuse de l'environnement et de la santé. L'Assemblée a entendu les arguments plaidant pour un accompagnement de nos agriculteurs dans cette nécessaire transition écologique, ce qui peut expliquer que certaines des mesures finalement adoptées aient pu être un peu en retrait par rapport à l'ambition initiale portée par notre commission. Monsieur le ministre, je dois vous dire que sur ce sujet, notre ambition reste intacte et que nous sommes très vigilants – nous avons d'ailleurs créé, conjointement avec la commission des affaires économiques, une mission d'information sur la stratégie de sortie du glyphosate. Pouvez-vous nous faire un point d'étape sur la situation actuelle et les initiatives prises pour atteindre l'objectif d'une sortie du glyphosate d'ici à 2021 ? Sur un plan plus général, pouvez-vous nous présenter votre stratégie pour une sortie ordonnée des produits phytosanitaires, dont on connaît les effets sur la santé et l'environnement ?

J'en viens à la seconde partie de mon propos, qui concerne votre stratégie pour la réforme de la politique agricole commune (PAC). La commission des affaires européennes de notre assemblée a récemment dressé le bilan de la PAC pour déplorer « un système à bout de souffle ». En 2020, nous aurons une nouvelle PAC ; les négociations qui s'engagent sont l'occasion de la réorienter vers la durabilité économique, sociale et environnementale, car beaucoup reste à faire en ce domaine. Monsieur le ministre, pouvez-nous présenter la position de la France et ses propositions pour assurer un verdissement effectif et surtout efficace de la future PAC ?

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Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie pour votre accueil. J'ai l'habitude de me rendre devant la commission des affaires économiques, mais c'est la première fois que je suis invité par votre commission et cela me paraît très important, car cela me permet non seulement de m'exprimer, mais aussi de sortir des clichés habituels. On entend souvent dire que les différents ministères ne seraient pas sur la même longueur d'ondes, qu'il y aurait des oppositions entre le ministère de l'agriculture et de l'alimentation et le ministère de la transition écologique et solidaire – parfois même avec celui de la santé. Une seule chose est importante : c'est la politique globale du Gouvernement, une politique parfaitement cohérente sur les quelques dossiers emblématiques que je vais évoquer.

Le premier est celui de la sortie du glyphosate, sur lequel il n'y a aucune opposition entre les différents acteurs de l'exécutif. Le Président de la République a annoncé que la France sortirait du glyphosate en 2021, mais que nous ne laisserions personne ni aucune filière au bord du chemin – c'est le concept « libérer et protéger ». Au-delà de la sortie du glyphosate, nous avons un autre objectif, aussi essentiel à mes yeux, consistant à sortir de la dépendance aux produits phytosanitaires. C'est peut-être même plus important que le symbole que constitue la sortie du glyphosate : car si celle-ci ne fait pas l'ombre d'un doute, se libérer de la dépendance aux produits phytosanitaires exigera un travail bien plus approfondi. Pour cela, je me réfère à une orientation politique qui est pour moi l'alpha et l'oméga de l'orientation politique de mon ministère : la transition agro-écologique. Je parle bien de transition agro-écologique, et non simplement de transition écologique, car cette seconde expression est très réductrice par rapport à la première qui associe la transition agronomique et la transition écologique – ce qui est indispensable si nous ne voulons pas rester en deçà de nos objectifs. J'ai d'ailleurs été auditionné par le groupe d'études sur la santé environnementale, dont l'un des membres de votre commission, M. Jean-Luc Fugit, est coprésident.

Deuxième dossier, celui de l'alimentation et la santé. Nous sommes pour une alimentation saine, sûre et durable, une orientation que nous devons revendiquer en même temps que le fait que la France est, en Europe, le pays où l'on trouve l'alimentation la plus sûre, la plus saine et la plus durable – et ce critère de la durabilité n'est pas le moins important. En dépit des critiques qu'on entend parfois à ce sujet, les agriculteurs français produisent une alimentation de grande qualité que le monde entier nous envie. Cette alimentation doit être sûre et tracée – et c'est le cas, comme nous en avons encore eu la preuve le mois dernier, lorsque 800 kg de viande polonaise entrés frauduleusement en France ont été intégralement retrouvés en moins de trois jours. Je n'y suis pour rien à titre personnel, mais c'est une grande fierté pour notre ministère et les services sanitaires de notre pays de montrer que nous sommes à même de garantir la traçabilité parfaite des produits alimentaires, donc la sécurité pour nos concitoyens. Et pour ce qui est de la durabilité de l'alimentation, la transition agro-écologique doit nous permettre une grande amélioration.

Vous m'avez demandé, madame la présidente, où nous en étions de la loi « Égalim ». Plusieurs ordonnances ont déjà été publiées, notamment dans le cadre du titre premier, sur le seuil de revente à perte et l'interdiction de céder à des prix abusivement bas. Nous avons l'intention d'aller beaucoup plus loin dans les jours qui viennent, qu'il s'agisse de la séparation de la vente et du conseil des produits phytopharmaceutiques – point sur lequel nous ne reculerons pas –, mais aussi des certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques ou encore de la gouvernance des coopératives : bref, nous avançons, sinon à marche forcée, du moins le plus vite possible.

Le troisième dossier, sur lequel, loin de nous opposer, nous agissons en parfait accord avec le ministère de la transition écologique et solidaire, c'est celui du développement des énergies renouvelables, de la méthanisation et des biocarburants. Dans ce domaine, j'estime que le projet de programmation pluriannuelle de l'énergie proposé fin 2018 n'est pas allé assez loin et je vais continuer à me bagarrer pour faire mieux : non seulement la méthanisation procure un revenu supplémentaire à nos agriculteurs, mais c'est aussi une nouvelle façon d'appréhender les ressources en énergie. Nous devons également aller plus loin en matière de biocarburants, et nous travaillons beaucoup avec le ministre d'État pour avancer sur ce point.

La nécessaire transition agro-écologique de notre agriculture fait partie de quatre transitions qui doivent s'effectuer simultanément. La première est la transition économique, abordée dans le cadre de la loi « Égalim ». La deuxième est la transition sociale, car les pratiques actuelles de nos agriculteurs, très différentes de celles d'hier, doivent encore évoluer – de même, il reste des progrès à accomplir en ce qui concerne le statut des exploitantes agricoles. Enfin, nous devons réaliser deux transitions essentielles, la transition agro-écologique dont j'ai déjà parlé et la transition sanitaire.

Mais surtout, mon ministère doit pousser à la réconciliation de deux mondes malheureusement beaucoup trop éloignés aujourd'hui, à savoir le monde rural et le monde urbain, autrement dit entre les paysans de nos campagnes et les habitants des métropoles. Cette réconciliation est indispensable si nous voulons faire changer les choses. Il est absolument inacceptable de voir, comme cela a parfois été le cas, des riverains entrer sur un champ pour faire descendre un agriculteur de son tracteur. Je le dis ici avec force : les agriculteurs ne sont pas des pollueurs ni des empoisonneurs, mais des professionnels à qui on a demandé au siècle dernier de nourrir l'Europe entière, en les poussant à s'équiper des plus gros tracteurs possibles et à s'endetter pour produire, produire, et produire encore. Aujourd'hui, on leur demande l'inverse, c'est-à-dire de passer de la quantité à la qualité ; et ils le font, et à marche forcée, car on leur laisse très peu de temps pour ça – aucune autre filière économique dans notre pays n'a autant muté dans ses pratiques en si peu de temps. La transition agro-écologique doit leur permettre de le faire dans de meilleures conditions, mais elle passe elle-même par la réconciliation entre l'urbain et le rural, faute de quoi jamais nous ne parviendrons à garantir une alimentation saine, sûre et durable. Non à la stigmatisation de la ruralité, non à l'opposition, oui à la compréhension : c'est pour cela que je me bats tous les jours, car les campagnes sont aussi la force, la chance et l'avenir de notre pays.

Pour ce qui est de la politique agricole commune enfin, je n'irai pas jusqu'à dire, comme vous, qu'elle est « à bout de souffle », car ce n'est pas le cas : les 9,7 milliards d'euros négociés par le Président de la République M. François Hollande et par le ministre de l'agriculture M. Stéphane Le Foll ont tout de même permis à de nombreux agriculteurs de garder la tête hors de l'eau.

Je tiens énormément au premier pilier de la PAC et aux aides directes, et je les défendrai farouchement. Si, comme vous sans doute, je fais partie de ceux qui disent que les agriculteurs ne doivent pas et ne veulent pas vivre de subventions, mais de leurs revenus, force est de reconnaître que ce n'est pas le cas aujourd'hui pour la plupart d'entre eux et que les subventions européennes leur sont donc encore indispensables. Sur ce point, la position de la France est très claire : nous souhaitons que le premier pilier comprenne obligatoirement un « eco-scheme » au niveau européen, et que celui-ci soit suffisamment fort pour permettre à la transition agro-écologique – ce que vous appelez le verdissement – de voir le jour, notamment au moyen d'aides allouées aux entreprises en fonction des efforts qu'elles fournissent dans le cadre de la transition agro-écologique.

Pour ce qui est du deuxième pilier, nous devons continuer à soutenir les petites exploitations, les exploitations familiales, les exploitations de montagne et les exploitations en difficulté, et maintenir les indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN), les mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC), le soutien au marché et les mesures de compensation face aux aléas climatiques et environnementaux – qui auront malheureusement des conséquences de plus en plus lourdes dans les années à venir.

Enfin, en matière de bien-être animal, pour la première fois, le cabinet du ministre de l'agriculture et de l'alimentation comporte une conseillère chargée du bien-être animal et de la lutte contre la maltraitance animale : il s'agit en l'occurrence de Mme Anne Bronner, docteur vétérinaire, présente aujourd'hui à mes côtés. Cette innovation – c'est la première fois qu'un tel poste est créé – montre la volonté du Gouvernement d'avancer sur ce point, même si nous avions déjà commencé à travailler avec certains parlementaires, notamment le député M. Loïc Dombreval, particulièrement engagé dans ce domaine. Nous devrions être en mesure de présenter de premières avancées en matière de bien-être animal dans le courant de l'année qui vient – il est un peu tôt pour en parler, mais nous le ferons au cours des semaines qui viennent.

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Merci, monsieur le ministre. Nous allons maintenant entendre les orateurs des groupes.

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Monsieur le ministre, c'est un grand plaisir pour notre commission que de vous accueillir, d'autant que nous avons de nombreuses questions à vous poser. Au nom du groupe La République en Marche, je souhaite vous interroger sur plusieurs points.

D'abord, en ce qui concerne l'application de la loi « Égalim », pouvez-vous nous tenir informés sur les négociations commerciales qui viennent de s'achever ? Comme vous le savez, les groupes parlementaires La République en Marche et UDI, Agir et Indépendants ont décidé de proposer la création d'une commission d'enquête sur les pratiques de la grande distribution et de leurs groupements : en la matière, faut-il donner le temps à la loi « Égalim » de montrer ses effets en matière de négociations commerciales ou faut-il plutôt agir davantage et plus fort pour mettre fin à la guerre des prix ?

Toujours au sujet de la loi « Égalim », quels moyens allez-vous mettre en oeuvre pour atteindre les 15 % de surface agricole utile en agriculture biologique d'ici à 2022 ? Il s'agit là d'une condition nécessaire pour atteindre l'objectif de l'article 45 de la loi, mais aussi pour atteindre les 20 % de bio dans la restauration collective. Comment répondez-vous aux inquiétudes sur les insuffisances d'approvisionnement de produits bio et locaux ?

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel avait censuré un grand nombre de dispositions relatives à l'étiquetage alimentaire, pour des raisons de forme et non de fond. Depuis plusieurs mois, nous avons mené un travail avec de nombreux collègues de la majorité afin que ces dispositions adoptées par le Parlement et attendues par les professionnels entrent en vigueur. Nous déposerons donc dans les prochains jours une proposition de loi à cette fin et nous espérons pouvoir compter sur votre soutien au moment de son examen.

Au sujet des produits phytosanitaires, la loi « PACTE », examinée la semaine dernière à l'Assemblée, est revenue sur une disposition précédemment votée dans le cadre de la loi « Égalim », décidant en l'occurrence de donner le temps aux entreprises de préparer leur conversion. Si je tiens à saluer l'implication de Mme la présidente Barbara Pompili et de mon collègue M. Jean-Marc Zulesi qui auront permis l'émergence d'un compromis avec le Gouvernement, je veux souligner que des questions se posent sur les dérogations accordées aux entreprises et l'absence de terme donné à ces dérogations. Surtout, cela met une fois de plus en évidence la nécessité de porter ces sujets à l'échelle européenne. Que ce soit dans le cadre des négociations de la PAC ou dans la perspective des élections européennes, comment pouvons-nous entraîner les autres pays dans la transition agro-écologique ?

Enfin, monsieur le ministre, nous sommes comme vous nombreux à souhaiter « verdir » la nouvelle PAC, à faire en sorte qu'elle accompagne la transition agricole et valorise une agriculture moins préjudiciable à l'environnement et à la santé humaine. Pourriez-vous nous rappeler la position et la stratégie que vous allez défendre en la matière pour la France auprès de vos partenaires européens ?

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Monsieur le ministre, comme vous l'avez dit, l'agriculture et la viticulture françaises contribuent dans une large mesure à l'économie française, à la vitalité de nos communes ainsi qu'à l'aménagement du territoire. L'agriculture est une indéniable source d'emplois, puisque 3,5 millions de personnes travaillent dans ce secteur d'activité. À l'heure où l'on évoque une fracture des territoires et un abandon des communes rurales, le groupe Les Républicains considère que l'agriculture est une chance pour notre pays et que nous devons mettre en oeuvre toutes les mesures nécessaires, non seulement pour sa pérennisation, mais aussi et surtout pour son développement et sa promotion. En effet, quel visage offriraient nos campagnes sans les agriculteurs, quelle sécurité alimentaire serait offerte aux consommateurs sans les productions françaises ?

Alors que notre pays a longtemps été le deuxième exportateur mondial de produits agricoles, nous sommes désormais tombés au cinquième rang. Dans ce contexte de compétition mondiale accrue, la France n'a pas suffisamment soutenu économiquement le secteur agricole. Encore récemment, ce sont des mesures non compétitives qui ont été adoptées dans le cadre de la loi « Égalim » – trop de fiscalité écologique, trop d'augmentation des charges. Parallèlement, des instances telles que l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) ont publié des rapports condamnant certaines pratiques en matière agricole, sans tenir compte des efforts consentis par les agriculteurs en faveur de la biodiversité – on a ainsi interdit les néonicotinoïdes pour la culture des betteraves alors même que cette plante ne produit pas de fleurs et n'est donc pas butinée par les abeilles. Pourtant, l'agriculture offre des perspectives d'avenir à notre territoire, elle est source d'innovation et de développement économique, et contribue à offrir des réponses en matière de transition énergétique. La France possède de nombreux atouts agricoles qui font notre image dans le monde et constituent aussi notre art de vivre.

Monsieur le ministre, l'agriculture et la viticulture sont une chance pour la France, et nous devons en être fiers et les soutenir. Quelle politique entendez-vous conduire en matière de maintien de sa compétitivité et de recherche de l'augmentation de valeur ajoutée, de renforcement et de développement des débouchés des marchés, d'installation des jeunes agriculteurs – point crucial – et d'innovation, notamment en matière de biocarburants ? Ces quatre enjeux sont essentiels pour les exploitants agricoles et viticoles d'aujourd'hui et de demain, pour le dynamisme et la revitalisation des territoires ruraux ; l'avenir du monde rural, mais aussi celui du monde urbain, passent par notre agriculture.

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Monsieur le ministre, au nom du groupe du Mouvement Démocrates et apparentés, je vous remercie pour votre présence et la défense ardente de la « ferme France » à laquelle vous venez de vous livrer devant notre commission. Il me semble utile, même dans un temps où nous n'avons pas à débattre d'un projet de loi, que les membres du Gouvernement puissent venir devant la représentation nationale pour dialoguer avec les parlementaires. Cela permet de prendre du recul et de faire le bilan des mesures déjà adoptées et, si besoin est, de nous interroger collectivement sur ce qui peut être amélioré ou adapté et sur ce qu'il reste à faire.

La loi « Égalim », qui a apporté les avancées que nous connaissons, fut le fruit d'une très large consultation dans le cadre des états généraux de l'alimentation qui ont été un franc succès. Cette mise en relation des acteurs de l'agro-alimentaire et de l'agro-industrie – entre eux d'une part, avec les pouvoirs publics d'autre part – était quelque chose d'inédit. Comme pour le grand débat national qui se tient actuellement, je crois opportun et même indispensable de poursuivre, après l'échéance, le dialogue et la coconstruction.

Il n'est de secret pour personne que la société française – nous en avons eu la confirmation à l'occasion du grand débat – aspire à une transition écologique englobant tous les pans de l'agriculture et de l'alimentation. Les Français sont en demande d'une agriculture raisonnée pour nos terres et l'environnement, plus durable, de qualité et saine. Face à cette dynamique qui est en marche et ne s'arrêtera heureusement pas, nous avons une double responsabilité : d'une part, répondre à cette demande, parfois en l'encourageant avec force par la loi, d'autre part, accompagner nos paysans et l'entièreté du monde agricole qui se prépare à la mutation à marche forcée du modèle agricole français et, je l'espère, européen.

Sur l'accompagnement à la conversion en bio, où en sommes-nous des retards de versement des aides qui ont été constatés ? Si l'accompagnement à l'installation durera bien cinq ans – et non trois ans, comme on a pu le prétendre sur les réseaux sociaux –, ce qui est rassurant, quelles mesures complémentaires pourraient être mises en oeuvre pour accompagner l'agriculture bio et les circuits courts, notamment en soutenant les agro-équipements ?

Vous avez évoqué le sujet important de la PAC et des négociations en cours en vue d'une refonte en 2020. À l'heure des incertitudes que l'on connaît avec le Brexit et après quelques provocations de la Commission européenne sur son budget en 2018, pouvez-vous nous rassurer et nous dresser un bref état des lieux ?

Enfin, la redevance pour pollution diffuse (RPD) a mis certaines exploitations dans une situation intenable. Je sais que vous êtes sensible à ce problème : peut-on imaginer quelques ajustements pour les plus fragiles ?

Sur la contractualisation, vous connaissez le combat du groupe Mouvement Démocrates et apparentés : pour nous, la grande distribution doit se plier à la loi « Égalim » et à son esprit. La politique agressive des prix à laquelle se livrent actuellement certains grands noms est mortifère pour notre agriculture et nos paysans. Où en sommes-nous des contrôles prévus et de la possibilité de sanctionner ceux qui ne jouent pas le jeu ?

Enfin, pour ce qui est du seuil de revente à perte, quel premier bilan tirez-vous des mesures adoptées et du rehaussement actif depuis le 1er février dernier, notamment quant à une éventuelle hausse des prix à la consommation ?

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Monsieur le ministre, au nom du groupe Socialistes et apparentés, je vous remercie d'être venu devant notre commission.

Dans un discours marquant fait à Rungis en octobre 2017, le Président de la République avait évoqué une nouvelle France agricole, ainsi que son adhésion à la transition agricole et alimentaire pour notre pays. Je souhaite donc vous poser plusieurs questions faisant référence aux perspectives ainsi tracées, en commençant par la traduction concrète que vous entendez donner à l'idée d'agro-écologie. Si vous dites y voir une ligne de conduite, nous avons besoin d'en savoir un peu plus : concrètement, qu'est-ce pour vous que l'agro-écologie ? Il est en effet permis d'avoir quelques doutes sur ce qui a été fait récemment. Alors que les députés avaient voté majoritairement l'interdiction de produire et de vendre à l'extérieur de nos frontières des produits phytosanitaires interdits d'usage en Europe, on a observé la semaine dernière un revirement de la part du Gouvernement qui a reporté l'échéance que nous avions initialement fixée. Nous avons donc besoin d'être rassurés, mais aussi et surtout de savoir où vous voulez aller exactement et sur quoi vous pouvez vous engager en matière d'agro-écologie. Selon moi, l'agro-écologie n'est pas une démarche à mettre en concurrence avec d'autres modes de production ; elle doit inspirer l'ensemble de la politique agricole conduite.

Par ailleurs, toujours en référence au discours de Rungis, je considère que le volet alimentation de la loi « Égalim » a été une occasion manquée d'améliorer encore la qualité de notre alimentation pour répondre aux attentes et aux besoins des consommateurs et des citoyens, en particulier pour ce qui est du lien entre alimentation et santé. Vous avez raison, monsieur le ministre, de rappeler que la France doit être fière de ce qu'elle produit : on envie effectivement notre modèle alimentaire dans le monde entier. Cependant, on a toujours des progrès à faire : dès lors, quels sont les objectifs fixés par votre ministère, par exemple en matière d'élimination de notre alimentation des additifs problématiques du point de vue de la santé ?

Parmi les ordonnances prises à la suite de la loi « Égalim » – certaines l'ont été au bout de six mois, d'autres au bout d'un an –, il en est une qui me tient particulièrement à coeur, relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire dans le cadre de la restauration collective. Pouvez-vous nous dire où vous en êtes sur ce point ?

Pour ce qui est de la politique agricole commune enfin, quels sont les objectifs que défendra la France, en particulier en ce qui concerne l'agro-écologie ?

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Monsieur le ministre, au nom du groupe UDI, Agir et Indépendants, je vous remercie pour ce temps d'échange que nous considérons comme très intéressant et important.

Nous avons le sentiment que la France perd de l'influence au sein du Parlement européen depuis au moins deux mandats et, compte tenu de la conjoncture politique, il est possible que les choses s'aggravent encore pour le mandat à venir. La politique agricole commune étant la première politique intégrée européenne, il est très important que la France puisse exercer la plus grande influence possible dans ce domaine essentiel.

Comme vous le savez certainement, M. Michel Dantin, qui était un homme d'influence au sein de la commission de l'agriculture et du développement rural du Parlement, et d'une grande légitimité tant auprès des institutions qu'auprès des autres délégations, ne siégera plus au Parlement européen après les prochaines élections. Nous allons donc perdre un de nos atouts maîtres pour défendre la politique agricole commune et notre modèle économique, social et environnemental. Pouvez-vous nous dire si vous avez commencé, sur les listes que les uns et les autres vont proposer, à identifier celui ou celle qui, demain, pourrait être susceptible de tenir le rôle qu'a joué M. Michel Dantin ? Ce point n'a rien d'accessoire, car la présence d'un homme ou d'une femme disposant d'une forte légitimité est déterminante lors des échanges qui peuvent avoir lieu au sein du Parlement européen, a fortiori dans le cadre de la reprise des négociations après les élections.

Un sujet important avait été évoqué à de nombreuses reprises dans le débat sur le projet de loi « Égalim », un sujet compliqué pour la France car européen : nous importons des produits qui ne sont pas soumis aux mêmes contraintes et réglementations que celles que nous imposons à nos propres producteurs. Autrement dit, nous nous tirons une balle dans le pied. La Commission européenne ne mesure pas à quel point nous sommes la risée de la communauté internationale du fait que notre marché soit une telle passoire. Avez-vous commencé à travailler sur ce sujet, qui est loin d'être anodin ? Je sais que des états généraux réunissant l'ensemble des parlementaires des délégations nationales se tiendront à Bucarest : en sera-t-il question ?

Enfin, les agriculteurs qui ont assuré une bonne mutation vers le bio et l'agro-écologie sont aujourd'hui doublement pénalisés : non seulement ils ont investi de façon importante pour y parvenir, mais ils pensaient recevoir des financements et ceux-ci n'arrivent pas. Peut-on faire quelque chose pour eux ?

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Le Président de la République déclarait en préambule du dernier Salon international de l'agriculture qu'il souhaitait que l'on invente un nouveau modèle agricole. Je souhaiterais que vous lui fassiez part que ce modèle existe déjà : c'est l'agriculture biologique. C'est un levier essentiel aujourd'hui de la transition écologique des territoires. Le nombre de fermes bio ne cesse d'augmenter, les agriculteurs sont convaincus et engagés dans une démarche de transition. C'est à ce jour le seul label de qualité qui garantit, par son cahier des charges, la non-utilisation de pesticides de synthèse, de glyphosate notamment, d'engrais chimiques et d'OGM ; du reste, les consommateurs ne s'y trompent pas puisque la consommation de produits sous label « agriculture biologique » augmente de manière significative.

Or ce modèle-là, vous ne le soutenez pas. Vous lui devez deux à trois années d'aides non versées et mettez en péril la survie des fermes bio. Sur 47 000 de ces fermes, 27 000 sont en retard de perception de leurs aides. À ce jour, 25 % des aides de 2016, 50 % des aides de 2017 et 100 % des aides de 2018 n'ont toujours pas été versées. Certains agriculteurs sont dans des situations économiques intenables. Vous avez promis un rattrapage à marche forcée : qu'en est-il, où en sommes-nous ? Chaque jour qui passe, des agriculteurs s'endettent pour faire tourner leurs fermes ou cessent leur activité quand ils ne peuvent plus s'endetter.

Au niveau régional, je souhaite également évoquer le programme LEADER – rappelons que cet acronyme signifie : « liaison entre actions de développement de l'économie rurale ». C'est un programme européen qui contribue au développement des zones rurales. Parmi les projets éligibles, beaucoup concernent le développement de l'agriculture de proximité et les expérimentations en termes de transition énergétique et écologique. Là encore, des retards considérables s'accumulent dans le traitement des dossiers. Il n'y a aucune responsabilité à pointer du côté des régions ni du côté de l'Europe ; c'est un problème purement franco-français d'instruction par les services de l'État, et notamment par l'Agence de services et de paiement (ASP), dont nous avons souvent parlé. Certains dossiers attendent d'être traités depuis 2016 à cause des carences de l'État ; des régions ont dû recruter des personnels sur leurs fonds propres pour les pallier.

Monsieur le ministre, un adage que j'apprécie particulièrement dit que nos actes en disent plus long que nos paroles. J'ai entendu vos paroles ; j'aimerais savoir quels sont vos actes sur ces deux sujets.

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Il y a beaucoup de réussites dans le domaine de l'agriculture, qui s'est bien modernisée, avec des productions de qualité ; mais on a également connu de grands échecs en matière environnementale, parmi lesquels l'utilisation des pesticides. Le plan Écophyto est un échec ; depuis 2008, nous avons certes diminué d'un tiers les substances actives mais nous avons augmenté les quantités utilisées. C'est d'autant plus incompréhensible que de vraies réussites ont été enregistrées dans d'autres domaines, notamment sur le plan sanitaire : c'est en particulier le cas dans l'élevage, où l'usage des antibiotiques s'est réduit d'environ 45 % au cours des six dernières années. Mais nous n'y sommes pas parvenus dans le domaine des pesticides. J'aimerais que vous nous fassiez part de votre point de vue sur ce sujet et sur la façon dont il conviendrait d'entraîner les acteurs pour réduire les usages.

Par ailleurs, nous ne comprenons pas pourquoi on continue à mettre autant de prairies en culture. Est-ce un problème européen ou national ? Cela crée un sujet au niveau de la biodiversité. Peut-on revenir sur cette situation ?

S'agissant de la méthanisation, heureusement que le Gouvernement s'est redonné des échéances dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE). La façon dont a été traitée la question du biogaz est incompréhensible. Le Salon de l'agriculture a été l'occasion d'une forte mobilisation à cet égard ; nous nous y sommes tous mis, y compris les organisations agricoles. Avons-nous un horizon pour nous redonner des objectifs en cohérence avec nos équilibres environnementaux ?

Telles sont les questions que je souhaitais vous poser au nom du groupe Libertés et Territoires.

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Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Je vais essayer de répondre le plus précisément possible. Si j'oubliais certaines questions, n'hésitez pas à m'interpeller. Quand j'étais parlementaire, j'avais horreur d'être maltraité par les ministres qui prenaient à peine le temps de répondre aux questions… Je vais m'employer à le faire du mieux possible. Mais je n'ai que deux heures à vous consacrer !

Il y a très peu de différences entre les députés de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire et ceux de la commission des affaires économiques. On sent une réelle conjonction de vues entre vos deux commissions.

L'agriculture n'est pas à la traîne de la demande sociétale, qui est forte et irréversible. Ne pas le comprendre, c'est ne pas comprendre ce que doit être l'agriculture de demain. Cette demande de nos concitoyens, c'est une agriculture qui utilise moins de pesticides, une alimentation saine, sûre et durable, un bien-être animal revendiqué et un modèle de développement acceptable par le plus grand nombre. C'est exactement la démarche de notre agriculture et de nos agriculteurs. Je ne connais pas un seul paysan dans notre pays qui mette des produits phytopharmaceutiques dans le sol pour se faire plaisir, qui cherche à empoisonner les Français avec ses produits, qui veuille polluer l'air et les sols ; tout simplement parce que nos paysans vivent dans l'air et sur les sols, beaucoup plus que nous autres, trop souvent enfermés dans les salles climatisées de l'Assemblée nationale, du Sénat ou des palais ministériels. Tant que l'on montrera du doigt ces agriculteurs, nous n'aurons pas compris à quel point ils sont engagés dans la transition.

Le second sujet général, avant de répondre à chacune des questions de manière précise, c'est celui de notre indépendance alimentaire. C'est une volonté politique que nous avons depuis des années. Soyons-en fiers : la France est indépendante en matière alimentaire, et cela compte beaucoup. Si nous sommes indépendants, c'est parce que nous avons beaucoup produit dans les années qui viennent de s'écouler. Nous préserverons cette indépendance en y ajoutant l'agro-écologie afin que notre indépendance soit totalement conforme à la demande sociétale.

Madame Laurence Maillart-Méhaignerie, vous avez été rapporteure pour avis de la loi « Égalim » et vous avez évoqué les négociations commerciales. Les états généraux de l'alimentation ont été quelque chose de pas du tout ordinaire. L'un de vous l'a dit, c'était le grand débat avant l'heure. C'est la première fois dans notre histoire agricole et économique – et je suis d'autant plus à l'aise pour en parler que je n'y étais pas à cette époque, ce n'est donc pas un plaidoyer pro domo – qu'est venue l'idée de mettre autour de la table tous les représentants de l'amont et de l'aval de l'alimentation française. Ce n'était jamais arrivé. Au bout d'un an et demi de discussions en est sortie la loi « Égalim », qui est loin d'être une occasion manquée, mais qui est sûrement une étape avant d'aller plus loin. C'est exactement ce qui s'est produit pour les négociations commerciales : elles ne se sont pas passées comme les autres années ; en même temps, nous ne sommes pas allés au bout de ce que nous voulions dans ces états généraux et cette loi, force est de le constater.

Il était impossible que les négociations se passent comme avant car les états généraux en avaient décidé autrement. Et à l'exception d'une seule grande enseigne, qui l'a encore revendiqué récemment dans la presse, tout le monde y avait toujours été favorable. Si les négociations ont progressé, c'est parce que vous avez fait un choix d'une intelligence absolue : vous avez décidé qu'il n'était plus possible que les agriculteurs soient étranglés et en arrivent à se suicider – un suicide tous les deux jours –, parce que c'est la seule profession en France à laquelle on impose de vendre des produits en dessous de leur coût de revient. En choisissant d'inverser la construction des prix, vous avez totalement changé les relations commerciales. Et rien ne sera plus jamais comme avant.

Or, cette année, les négociations commerciales ayant démarré avant la mise en application de la loi et les ordonnances, cela n'a malheureusement pas réussi à 100 %, mais c'est le début. Ma conviction est que dans les deux ans qui viennent, nous aurons pris une direction radicalement inverse à ce qui s'est fait depuis trente ans. Dans son discours de Rungis, le Président de la République a demandé des organisations par filière et l'inversion de la construction des prix. Devoir vendre un litre de lait à 32 centimes alors qu'il me revient à 39 centimes, ou un kilo de viande à 3,50 euros alors qu'il me revient à 5 euros, ce n'est plus acceptable. Surtout quand je retrouve ce kilo de viande à 15 euros en grande surface, ou le litre de lait à 1,15 euro !

Les marques de distributeurs ne sont pas dans la loi, mais elles représentent 40 % du volume. Or c'est sur le volume que l'on fait vivre les agriculteurs et pas seulement sur les niches, le bio, les circuits courts. Ceux qui sont sur des niches vivent plutôt très bien. Nous allons avancer et vous avez raison de souligner que c'est le début de quelque chose de nouveau.

Merci aux groupes LREM et UDI, Agir et Indépendants d'avoir lancé une commission d'enquête pour dire la réalité des choses. Elle permettra de voir que les torts ne sont pas toujours là où on le dit. Vous aurez besoin aussi de démontrer que l'organisation par filière ne s'est pas réalisée partout ; les mêmes qui réclamaient des prix différents ne se sont pas organisés en conséquence. Appelons aussi un chat un chat.

Sur le bio, l'objectif d'y consacrer 15 % de la surface agricole utile (SAU) sera difficile à atteindre, mais nous devons y parvenir. Pour ce faire, il faut pousser les filières à avancer dans la transition agro-écologique. J'étais il y a quelque temps à Beauvais, au congrès de l'Association des producteurs de blé et autres céréales (AGPB). Que l'AGPB annonce qu'ils passent en haute valeur environnementale est quelque chose que nous n'aurions pu imaginer il y a deux ou trois ans. C'est pourquoi je défends les filières agricoles et les agriculteurs, car ils avancent. Et on n'imagine pas à quelle vitesse ils le font.

S'agissant de l'étiquetage alimentaire, je ne pas suis sûr que nous soyons totalement d'accord, entre le Gouvernement et votre commission. Je ne rouvrirai pas le débat aujourd'hui, nous aurons l'occasion d'en reparler. Les contraintes sont nombreuses, même si nous avons obtenu une grande victoire au niveau européen avec la poursuite de l'expérimentation sur l'étiquetage, qui est une très bonne chose pour la France.

Vous avez été plusieurs à évoquer la loi « PACTE » et les produits phytopharmaceutiques. La volonté du Gouvernement est évidente : il faut sortir de la dépendance à ces produits. Nous sommes pour le moment sur un échec, monsieur Bertrand Pancher, mais nous allons en sortir. La question est économique. Nous voulons sortir du nucléaire : mettons-nous fin à l'industrie de l'uranium ? Nous voulons la paix dans le monde : arrêtons-nous de produire des armes ? Je pose ces questions sans langue de bois. Les députés qui pourraient avoir de telles idées, sitôt qu'une entreprise sera concernée dans leur circonscription, viendront immédiatement me voir pour m'expliquer que 200 emplois sont en jeu et qu'il n'est pas question de décider son arrêt immédiat… Or c'est souvent ainsi que les choses se passent. Le Parlement, dans sa grande sagesse, en a décidé ainsi ; nous sortirons de ces produits mais je comprends les raisons économiques qui ont conduit à la décision prise pour les trois ans à venir.

L'agro-écologie, c'est deux choses. C'est tout d'abord une approche systémique des exploitations, pour cultiver et produire différemment – et c'est bien la raison pour laquelle je parle d'agro-écologie et non pas d'écologie. M. Bertrand Pancher a évoqué les prairies, nous en avons parlé hier au Conseil des ministres à Bruxelles : si nous ne revenons pas aux rotations de cultures, aux assolements, si nous n'abordons pas la question des prairies permanentes, nous n'avons rien compris à l'agro-écologie. Il faut arrêter avec les grands champs labourés qui restent nus, alors que les champs sont des puits de carbone comme la forêt. Nous avons besoin de capturer du carbone. L'initiative « 4 pour 1 000 » lancée par M. Stéphane Le Foll et reprise par la COP21 reste un des objectifs de ce Gouvernement. Nous devons par ailleurs renforcer les phénomènes de régulation naturelle. C'est cela, l'agro-écologie.

Mais il ne s'agit pas de répéter « agro-écologie, agro-écologie », en laissant nos lycées agricoles se vider ; encore faut-il que des formateurs enseignent aux jeunes ce qu'est l'agro-écologie. C'est pourquoi nous venons de lancer au Salon de l'agriculture, avec M. Jean-Michel Blanquer et Mme Muriel Pénicaud, un immense plan de communication et d'information pour que les métiers de l'agriculture ne soient pas un choix par défaut.

Nous allons pour la première fois introduire l'agro-écologie dans la PAC, dans son deuxième pilier, afin d'assurer ce verdissement de la PAC que vous appelez de vos voeux. Mais n'oublions pas, madame Valérie Beauvais, que l'agriculture s'appuie sur le trépied « compétitivité, innovation, transition ». L'un ne va pas sans l'autre : pas de compétitivité sans innovation, pas d'innovation sans transition agro-écologique. Penser que l'agriculture de demain ne doit pas être une agriculture compétitive est une erreur fondamentale. La balance du commerce extérieur de la France est positive depuis des années, mais nous sommes passés de 10 à 6 milliards d'euros sans nous demander pourquoi nous perdons des parts de marché. L'an dernier, par une chance inouïe, nous avons regagné 1,3 milliard d'euros grâce à la vente de céréales en Algérie, au Qatar et en Arabie Saoudite. Mais, parallèlement, nos exportations ont baissé en Europe. Posons-nous la question de nos échanges intra-européens, qui sont à mon sens essentiels.

L'agriculture est une chance pour notre pays, et son visage de demain doit être celui d'un paysage sans friches, avec des terrains exploités. C'est pourquoi nous travaillons beaucoup sur l'installation des jeunes agriculteurs, dans le cadre français et dans le cadre européen.

Je ne crois pas, madame Valérie Beauvais, que la loi « Égalim » comporte des mesures non compétitives. Vouloir 50 % de produits sous signes d'identification de la qualité et de l'origine (SIQO) et bio dans la restauration collective, ce n'est pas moins de compétitivité, mais c'est une autre compétitivité agricole. Un agriculteur bio n'est pas un agriculteur qui ne serait pas dans la compétitivité, mais dans une autre façon de la pratiquer.

Monsieur Bruno Millienne, vous avez évoqué, et M. Loïc Prudhomme également, le versement des aides à l'agriculture bio. L'État a été défaillant, c'est clair, mais rappelons tout de même où nous en sommes. Je ne peux pas laisser dire que les aides n'ont pas été versées et que des fermes bio ont fermé à cause de cela. Quand j'ai pris mes responsabilités, sur les 4 milliards d'euros d'aides, il restait 200 millions d'euros qui n'avaient pas été versés. Ce sont sûrement 200 millions de trop, mais ce sont 200 millions sur 4 milliards. Et pour ce qui est des aides de 2018, monsieur Loïc Prud'homme, il est normal que le taux de réalisation soit de 0 % : le paiement a toujours lieu avec un an de décalage… On peut le regretter, mais on ne peut pas faire autrement. La défaillance de l'État et de l'ASP ne concerne que les exercices 2016 et 2017. On a procédé par le biais d'avances de trésorerie : sur les 4 milliards, il ne reste plus, je l'ai dit, que 200 millions. Aujourd'hui, 99,56 % des paiements au titre des aides de la PAC ont été réalisés. Il reste quelque 60 millions d'aides bio non encore versées ; elles le seront avant la fin de l'été, je ne me défausse pas. Nous avons passé des consignes auprès des directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DRAAF) et des directions départementales des territoires (DDT) : aucune exploitation ne devra fermer parce que l'État n'aura pas payé les aides.

Madame Sophie Auconie, vous parlez de la perte d'influence au Parlement européen et du départ de M. Michel Dantin – je l'ai rencontré hier soir : il a fait un choix personnel, c'est la vie. Il faut vous tourner vers les parlementaires français qui étaient majoritaires au Parlement européen : jusqu'à preuve du contraire, ceux qui soutiennent l'actuelle majorité n'y étaient pas… Si vous voulez dire que les membres de l'actuel PPE ont perdu de l'influence au Parlement européen, ce n'est pas impossible. Je ne peux prédire qui sera élu aux prochaines élections européennes ; j'ai une petite idée, dans la liste que je soutiendrai, de qui pourrait représenter l'agriculture, mais ce n'est pas moi qui suis chargé d'établir la liste. J'espère qu'il y aura des personnes compétentes dans toutes les listes, car l'enjeu sera de défendre la France.

Pour l'instant, nous n'avons pas beaucoup réussi, pour une raison simple : la politique politicienne prime trop souvent sur l'intérêt de la France. Je lance donc un appel à votre commission. Nous pouvons avoir des visions, des orientations différentes au sujet de l'Europe, mais deux enjeux sont essentiels : nous devons, d'une part, être capables de former un « pacte France » entre le Gouvernement, le Parlement et les organisations professionnelles agricoles pour nous battre afin que le budget de la PAC soit le plus élevé possible et, d'autre part, être capables de former un « pacte France » pour qu'à l'intérieur de ce budget, nous poussions tous ensemble les orientations voulues par la France. Si nous y parvenions, ce serait un changement de paradigme total : les députés français au Parlement européen ne parleraient plus au nom de leur groupe politique mais au nom de leur pays. Ce serait nouveau mais, si on aime l'agriculture française, je pense que c'est dans ce cadre-là qu'il faudra essayer d'avancer.

Monsieur Bruno Millienne, s'agissant des agroéquipements, je vous indique que, les 19 et 20 septembre prochains, se tiendra à Bourg-lès-Valence dans la Drôme le salon mondial Tech&Bio, le premier salon européen des techniques agraires et équipements professionnels alternatifs. Pour l'instant, on y voit plus d'agriculteurs conventionnels que d'agriculteurs bios, mais c'est dans ce cadre-là que nous gagnerons la partie. Il faut mettre en place une filière des agroéquipements, c'est absolument indispensable pour la transition agro-écologique.

Monsieur Loïc Prud'homme, je suis au regret de vous dire que le nouveau modèle agricole, ce n'est pas l'agriculture biologique. L'agriculture biologique, c'est le modèle que nous aurons peut-être dans quinze ou vingt ans. Le modèle que je veux maintenant, c'est un modèle qui en finisse avec la dépendance aux produits phytosanitaires et qui fasse, dans le cadre de la transition agro-écologique, de l'innovation et de la compétitivité des axes économiques majeurs. Nous ne pouvons avoir 100 % d'agriculture bio en France, ce ne serait pas possible.

Enfin, j'assume totalement la défaillance de l'État sur les aides PAC et les aides bio ; mais pour ce qui est du programme LEADER, la défaillance est de la responsabilité des régions. Les groupes d'acteurs locaux (GAL) sont des associations régionales ; pour l'instruction, il faut s'adresser à l'intercommunalité et au conseil régional. Ce n'est pas une attaque envers les régions : tels que sont conçus les programmes LEADER aujourd'hui, nous risquons de nous retrouver avec 500 ou 600 millions d'euros d'apurement, ce qui serait dramatique. Je milite pour que dans la future PAC, on reconcentre les aides et qu'on arrête ces programmes LEADER où l'on finance des concerts de rock et autres en zone rurale. J'en sais quelque chose pour l'avoir pratiqué moi-même, je n'ai pas d'état d'âme là-dessus, mais arrêtons une fois pour toutes une orientation pour les aides européennes de la PAC : veut-on faire de l'aménagement du territoire ou du développement agricole ?

Pour ce qui est de la redevance pour pollutions diffuses (RPD), je suis au regret de vous le rappeler, elle a été votée par le Parlement… Les surplus de taxe par rapport aux objectifs initiaux retourneront intégralement à l'agriculture, pas uniquement au bio mais à l'agriculture biologique et à celle qui s'inscrit dans la transition – haute valeur environnementale et autre. C'est une avancée indispensable.

Monsieur Bertrand Pancher, je vous le dis tranquillement : les plans Ecophyto étaient indispensables, et ils ont été un échec. On s'en est gargarisé, on y a investi beaucoup d'argent, mais malgré les avancées, comme la mise en place du réseau des fermes DEPHY, force est de constater que l'on a consommé davantage de produits phytosanitaires durant ces trois dernières années que lors des trois années précédentes. Je suis d'accord avec vous : on ne peut pas parler d'un succès… Nous devons aller plus loin, prendre le taureau par les cornes et nous poser les questions qui valent : devons-nous continuer de travailler sur la base du NODU – nombre de doses unité – ou procéder différemment ? Je suis, pour ma part, prêt à ouvrir ce chantier. Si nous voulons faire cesser la dépendance aux produits phytosanitaires, il faut aller beaucoup plus vite.

Nous nous sommes beaucoup battus sur la méthanisation et les choses avancent. Comme les biocarburants, elle doit faire partie intégrante de l'exploitation agricole de demain. C'est la raison pour laquelle nous allons travailler avec les territoires sur les biodéchets ; beaucoup d'annonces ont été faites dans ce domaine lors du Salon de l'agriculture.

Enfin, monsieur Guillaume Garot, le décret sur la restauration collective sera publié prochainement. La présentation, la semaine prochaine, des lauréats du programme national de l'alimentation sera l'occasion d'annonces sur les standards et la qualité des aliments.

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J'ai bien compris que vous ne souhaitiez pas rouvrir le débat sur l'étiquetage. Néanmoins, les consommateurs se montrent de plus en plus attentifs à une alimentation respectueuse de l'environnement. Je souhaiterais recueillir votre avis sur un éventuel étiquetage des huîtres, nées en mer ou en écloserie. Si je suis consciente que ce sujet ne fait pas consensus au sein de la profession, j'estime nécessaire d'assurer la transparence vis-à-vis du consommateur. Le Conseil national de la consommation réclame cet étiquetage depuis 2001, tandis que le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) alerte sur les risques que fait peser sur la biodiversité le phénomène croissant de reproduction naturelle des huîtres triploïdes dans le milieu marin.

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Les agriculteurs et les consommateurs de La Réunion s'inquiètent des traitements phytosanitaires que peuvent subir la cive, l'ail, les oignons ou les carottes importés de Chine ou d'Inde. Ces produits font-ils l'objet de contrôles ? Quelles garanties peut-on avoir sur leur traçabilité et leur sûreté ?

Par ailleurs, la mouche orientale des fruits, Bactrocera dorsalis, a été détectée en 2017 sur l'île. Nuisible aux cultures de fruits et de légumes, elle a causé de très importants dégâts dans la production de mangues – avec une perte de l'ordre de 30 à 40 % de la récolte –, mais a aussi touché les cultures d'ananas, de citrouilles et de courgettes, ce qui laisse craindre pour l'avenir. Comment pouvez-vous nous aider ?

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L'agriculture fait face à des enjeux climatiques et sanitaires. Le réchauffement climatique entraîne des périodes sèches de plus en plus longues et des épisodes pluvieux courts mais souvent violents, avec un impact important sur nos cultures. Des projets d'irrigation locaux ambitieux permettent de pallier le manque d'eau et de développer une agriculture plus sobre, mais ils ne suffisent pas à régler le problème. Plusieurs pays européens apportent une réponse plus globale en développant de grandes stratégies : ainsi, la part de la réutilisation des eaux usées traitées pour l'irrigation est de 17 % en Espagne, quand elle n'excède pas 1 % en France.

Par ailleurs, les produits phytopharmaceutiques, dont l'usage est réglementé en France, et dans certains cas interdit, sont utilisés de façon moins scrupuleuse par nos voisins européens, ce qui place les agriculteurs français face à une distorsion de concurrence. Quelle stratégie globale peut-on mettre en place pour que notre agriculture demeure compétitive, tout en respectant les impératifs climatiques et sanitaires ?

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Lors de son discours au Salon de l'agriculture, le Président de la République a déclaré qu'aucune négociation commerciale ne serait menée avec les États qui ne respecteraient pas l'Accord de Paris et la France a clairement exprimé son refus de conduire des négociations agricoles avec les États-Unis. Nous sommes stupéfaits d'apprendre que la Commission européenne a trouvé la semaine dernière un accord avec les États-Unis dans le cadre des négociations sur le quota « panel hormones ». S'estimant lésés par cet accord, les États-Unis ont menacé de revenir sur le compromis qui avait été trouvé à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et ont exigé qu'une part importante du contingent de 45 000 tonnes de viande bovine leur soit réservée. L'Union européenne s'est engagée à leur concéder un accès à des droits de douane nuls pour 35 000 tonnes d'une viande issue d'animaux engraissés au maïs OGM, traités aux antibiotiques utilisés comme activateurs de croissance et élevés dans des exploitations totalisant en moyenne 30 000 têtes. Cet accord doit être validé demain sur le plan technique : n'est-il pas en contradiction totale avec la demande sociétale et la politique que vous souhaitez mener ?

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Monsieur le ministre, vous avez déjà largement abordé la question de la méthanisation. Vous avez déclaré ne pas vouloir en rester à une réduction de 10 % à 7 % de la part de la méthanisation dans la consommation de gaz en 2030. Quel chiffre avez-vous à l'esprit ?

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Le groupe allemand Südzucker a annoncé brutalement la fermeture de deux usines Saint-Louis Sucre en France, ce qui aura de lourdes répercussions sur la filière betterave-sucre française. Nous avons formulé avec d'autres parlementaires trois propositions : exiger le gel du plan de restructuration, le temps d'une réflexion sérieuse ; étudier avec la plus grande attention les projets alternatifs des représentants de la profession ; obliger Südzucker à réinvestir les aides perçues – dont près de 9 millions d'euros perçus au titre du crédit d'impôt compétitivité-emploi (CICE) – dans des outils de production concernant l'avenir de la filière, comme une usine de bioéthanol. Nous avons à nouveau formulé ces propositions lorsque vous nous avez reçus avec les présidents de région et de département. Mais le temps passe vite, et la direction du groupe ne semble pas prête à des concessions. Avez-vous eu depuis un retour de Südzucker ?

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Certes, monsieur le ministre, il faut faire baisser l'usage des produits phytosanitaires par les agriculteurs, mais les traitements demeureront parfois nécessaires. Qu'en est-il des efforts fournis par les industries phytopharmaceutiques ? Recherchent-elles aujourd'hui le moyen d'utiliser d'autres bases que les bases pétrochimiques, non biodégradables et présentes partout dans l'environnement ? L'industrie phytopharmaceutique doit, elle aussi, accomplir sa transition.

J'estime que l'agriculture, c'est aussi l'aménagement du territoire. Nous avons parlé du second pilier de la PAC : il est important de le préserver, dans la mesure où il ancre l'Europe dans les territoires et renforce leur cohésion.

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Les agroéquipements jouent un rôle moteur pour accompagner les exploitations agricoles dans leur transformation et apporter des solutions concrètes à la transition agro-écologique. Certaines machines permettent ainsi de diminuer sensiblement l'usage de produits phytopharmaceutiques grâce à des outils de précision, électroniques ou mécaniques. Toutefois, l'achat de tels équipements représente un investissement : quelles mesures seriez-vous prêt à mettre en place pour aider les agriculteurs à les acquérir plus facilement ?

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Alors que le rejet de l'accord de sortie de l'Union européenne par les députés britanniques accroît le risque d'un « hard Brexit », les professionnels de la pêche française s'inquiètent : si ce scénario devait voir le jour, le Royaume-Uni ne participerait plus à la politique commune de la pêche et reprendrait le contrôle de l'intégralité de sa zone économique exclusive. Cela aurait pour conséquence d'interdire aux pêcheurs européens de prélever dans les eaux territoriales britanniques, dont il convient de rappeler qu'elles représentent 40 % des captures européennes et 30 % des captures françaises. Autre effet redouté : la modification des quotas de pêche et des disparités d'ordre réglementaire. Vous avez déclaré que la France commençait à envisager des solutions sociales d'arrêt de bateaux, au moins temporaires. Pouvez-vous faire un point d'étape de la situation et nous présenter les mesures que vous comptez prendre pour protéger la pêche française en cas d'un Brexit sans accord ?

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La grande distribution s'est employée à faire porter à la loi « Égalim » la responsabilité de la hausse du prix d'un certain nombre de produits d'appel. Au-delà de la contractualistation mise en oeuvre dans le secteur du lait, il semblerait que de mauvaises pratiques demeurent et que le ruissellement attendu n'est pas au rendez-vous dans plusieurs secteurs. Quel bilan tirez-vous des négociations et quelles mesures concrètes envisagez-vous pour rééquilibrer de façon effective les relations commerciales entre producteurs et distributeurs ? Je pense à des contrôles, voire à des rappels à l'ordre.

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Malgré les efforts que font les pêcheurs pour embarquer des observateurs et utiliser des pingers, des répulsifs acoustiques qui permettent d'éloigner les dauphins des filets, 900 dépouilles de cétacés ont été retrouvées sur les plages en 2018.

Par ailleurs, et comme le dénoncent les ligneurs de la Pointe de Bretagne dans un article paru ce matin dans Le Télégramme, les frayères de bars sont pillées : près de 100 tonnes ont été débarquées chaque semaine dans les criées bretonnes entre le 18 février et le 1er mars. Entre les ligneurs et le comité des pêches de Bretagne, qui dois-je croire ? En tout état de cause, nous devons trouver une solution, comme au nord du 48e parallèle où a été mise en place une période de repos biologique durant les mois de février et de mars, période de reproduction du bar. C'est à cette condition qu'il pourra être pêché le reste de l'année.

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Indéniablement, la loi « Égalim » contient des avancées en matière de bien-être animal, significatives par rapport au texte initial : augmentation des sanctions pénales en cas de maltraitance, interdiction de toute nouvelle installation de bâtiments d'élevage de poules pondeuses en cage, rapport sur une technologie alternative au broyage des poussins, nomination d'un responsable de protection animale dans les abattoirs, expérimentation du contrôle vidéo sur les postes de saignée et de mise à mort, expérimentation des abattoirs mobiles. Le sujet du bien-être animal n'est pas une mode et la prise de conscience des acteurs est réelle. Les rencontres que j'ai pu faire pendant le Salon de l'agriculture avec les filières, les distributeurs et les marques en attestent. Où en est la mise en oeuvre de l'expérimentation du contrôle vidéo ? Quelles autres mesures comptez-vous prendre, vous qui avez recruté dans votre cabinet une conseillère en charge de cette question ?

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Dans le cadre de la loi « Égalim », nous avons voté à l'unanimité des avancées en matière d'étiquetage du miel, avec la mention des pays d'origine – une disposition malheureusement censurée par le Conseil constitutionnel pour une raison de forme. Tandis que d'autres pays européens, comme l'Italie, la Grèce et Chypre, se sont engagés dans cette voie, les groupes politiques à l'Assemblée nationale se mobilisent. Deux propositions de loi ont été déposées, l'une par Mme Delphine Batho et l'autre par Mme Véronique Louwagie, au nom du groupe Les Républicains. Le groupe La République en Marche proposera d'intégrer ces dispositions dans un texte plus large sur l'étiquetage. Que pensez-vous de l'idée d'indiquer, en sus du pays d'origine, la part de chaque origine ? Cette disposition sera bientôt votée en Espagne, à la grande satisfaction des apiculteurs et des consommateurs.

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Le Grande America a sombré le 12 mars, à 333 kilomètres à l'ouest de La Rochelle. À son bord, des conteneurs de matières dangereuses et 2 200 tonnes de fioul lourd qui se répandent actuellement dans l'océan, menaçant les côtes aquitaines d'un nouveau désastre écologique. Si la préfecture de Gironde a annoncé hier que la pollution ne toucherait pas le littoral aquitain cette semaine, l'inquiétude des producteurs d'huîtres, de moules et de coquillages est vive, puisque 3 000 d'entre eux pourraient être touchés. La zone concernée regroupe notamment l'essentiel des naissains de moules et d'huîtres qui alimentent la filière ; leur contamination serait une catastrophe écologique et économique. Quelles mesures comptez-vous prendre pour protéger les stocks conchylicoles ? Comment informer les consommateurs sans faire naître une défiance à l'égard de l'ensemble de la production ? Confirmez-vous que les services du ministère de l'agriculture et ceux du ministère de la transition écologique et solidaire se coordonnent pour assurer le suivi de la qualité des eaux et l'impact sur la filière ?

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Je souhaite appeler votre attention sur un chaînon essentiel de notre biodiversité, un témoin exceptionnel du bon état de notre environnement, un insecte pollinisateur indispensable à la vie : l'abeille. Plus de 30 % des colonies d'abeilles disparaissent chaque année en France et 15 000 apiculteurs ont cessé leur activité ces dix dernières années. Le temps est à l'action, et à une politique plus ambitieuse. Des initiatives se multiplient ; après la parution du rapport de l'ANSES sur la protection des abeilles, vous avez mis en place en février un groupe de travail pour renforcer les mesures de protection. Pouvez-vous le présenter, évoquer les mesures envisagées et détailler les points d'étapes ?

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L'agriculture seine-et-marnaise occupant 60 % du département et 60 % de l'espace agricole francilien, la réglementation relative à la mise en oeuvre du verdissement dans le cadre de la PAC pose problème : la période, imposée unilatéralement à tous les départements, est intenable par le fait que la gestion des cultures – assolement, épandage ou météo – varie tout au long des 120 kilomètres séparant le nord du sud du département. L'Europe offre la possibilité de choisir sa période de culture. Ne peut-on pas envisager des déclarations individuelles ? Pourquoi ne pas imaginer une phase de test en Île-de-France ?

Au-delà de la fermeture annoncée de deux usines de production de sucre, la compétitivité de la betterave française décroît en raison des coûts et des réglementations franco-françaises – le traitement à base de néonicotinoïdes des semences n'étant plus autorisé, on annonce un rendement en baisse de 20 %. Quelles solutions le ministère compte-t-il apporter ?

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Le bioéthanol est une filière d'avenir qui présente de nombreux avantages, loin d'être anodins en cette période de crise et de précarité : les agriculteurs y trouvent une source de débouchés ; les habitants de nos territoires, qui souffrent de la baisse du pouvoir d'achat, peuvent rouler pour trois fois moins cher ; les émissions de CO2 sont 70 % inférieures à celles du gazole. Mais cette filière nécessite des investissements et je salue les efforts importants consentis par la région des Hauts-de-France, notamment via le dispositif d'aide à la conversion au bioéthanol des véhicules roulant à l'essence. Ce type de carburant ne constitue certes pas une manne pour l'État, mais l'encourager, c'est instaurer un cercle vertueux. Comment comptez-vous soutenir le développement du bioéthanol et permettre la multiplication des points de distribution ?

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La bioéconomie durable est un enjeu stratégique et d'avenir. Il s'agit de valoriser des bioressources pour proposer une solution de substitution aux ressources fossiles. C'est une économie du vivant, dont on trouve des applications absolument partout, dans l'énergie comme dans les matériaux : production de peinture à base d'algues, transformation de la paille de riz en panneaux isolants, valorisation de fibres de chanvre dans le bâtiment, production de biométhane et de biocarburants. Ces projets créent de la valeur de l'amont à l'aval, ils offrent une alternative aux ressources fossiles, dynamisent des territoires, souvent ruraux, et répondent aux attentes des consommateurs. Quels sont vos axes de travail pour soutenir le développement et renforcer ces filières naissantes ?

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Les agrocarburants auront un rôle important à jouer dans la transition vers des mobilités plus propres, mais la protection de l'environnement exige que leur production soit locale – dans les territoires situés à l'écart des métropoles, il est intéressant de réfléchir à des circuits courts de production d'énergie via l'agriculture – et qu'elle n'empiète pas outre mesure sur le foncier agricole consacré à l'alimentation. Avec 25 à 30 % d'agrocarburants exportés, nous disposons d'une marge de manoeuvre. Êtes-vous favorable à une politique fiscale incitative, qui vise à inclure les boîtiers convertisseurs à l'E85 dans la prime à la conversion, ou à introduire une TICPE réduite pour les agrocarburants produits localement avec la betterave, le colza, le blé ou la vigne ? Quelle doit être selon vous la part des mobilités converties au bioéthanol dans le mix, sans que cela se fasse au détriment des terres destinées à l'alimentation ?

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Non seulement on ne reviendra pas, comme vous l'avez dit, sur la demande sociétale, mais elle ne va faire qu'augmenter. Dans le cadre de la discussion du projet de loi « Égalim », j'ai organisé beaucoup d'ateliers avec des agriculteurs de tous âges et de toutes activités. Je continue de les rencontrer en sillonnant les 343 communes, toutes situées en zone défavorisée simple – ZDS – de ma circonscription de Côte-d'Or. Il est rarement question de clients, de marché, de tendances de consommation ou d'usages : on ne discute pratiquement que de production. En revanche, les citoyens me parlent de tout à fait autre chose et je constate la rupture qui existe entre ces deux mondes. Nous devons organiser une grande réconciliation. Les grands débats ont montré l'appétence du public pour la discussion. J'ai beaucoup d'idées sur le sujet et suis prête à y travailler avec vous, si vous le souhaitez.

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Les appellations d'origine contrôlée, AOC ou AOP, sont une spécificité française qui remonte à 1936. On dénombre aujourd'hui plus de 560 appellations – 50 produits laitiers, 50 fruits et légumes, 363 vins et eaux-de-vie – qui génèrent 23 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Ces produits répondent aux exigences de qualité, de traçabilité et de rémunération des producteurs, et obéissent à un cahier des charges très précis, avec des contrôles indépendants. Ils sont le summum de notre production. Pourtant, certains sont copiés par la concurrence internationale et malmenés. Quelles mesures envisagez-vous pour protéger les produits AOC ou AOP sur les marchés mondiaux ?

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Comme tous les secteurs d'activité, l'agriculture est à la fois responsable et victime d'une partie de la pollution de l'air, qu'elle soit globale ou de proximité. Elle rejette du NH3, émet des particules, utilise des produits phytosanitaires et participe aux émissions de gaz à effet de serre. Mais elle-même est aussi victime de cette pollution, avec la baisse des rendements due à l'ozone l'été et à la fréquence des sécheresses et des grêles liées au dérèglement climatique. L'agriculture ne doit pas être montrée du doigt, mais accompagnée pour réduire ses émissions et encouragée pour aider à fixer plus de CO2. À la veille du premier jour du printemps, et alors que le rythme de l'activité agricole extérieure va se faire plus soutenu, pouvez-vous préciser sur quels leviers vous souhaitez agir afin que l'agriculture réduise à la fois ses émissions de polluants et les effets de la pollution globale et de proximité ?

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Dans un documentaire diffusé dimanche sur l'exploitation forestière, on apprenait, effrayé, qu'un quart de notre production de chêne serait exporté vers la Chine. Certains acteurs y affirmaient qu'une sélection qualitative était opérée pour le marché français, mais ils semblaient contredits par les clients chinois. Les industriels, qu'il s'agisse des scieurs ou des transformateurs, n'ont pas manqué de nous alerter sur le sujet. Élu de la Nièvre, où la production de chêne est importante, je souhaiterais savoir quelles mesures peuvent être prises pour rassurer la filière.

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La Guyane est le seul territoire qui voit augmenter sa surface agricole utile. Sans dispositif de défiscalisation de l'investissement productif, le secteur agricole ne pourra pas relever le défi de l'autosuffisance alimentaire. Or l'application extrêmement restrictive de la loi fiscale par la direction des finances publiques (DFIP) met la corde au cou de certains agriculteurs. La direction régionale a opéré de très lourds redressements, remettant en cause des opérations financées au titre de la défiscalisation agricole de la loi dite Girardin et du crédit d'impôt outre-mer productif. Le problème d'interprétation de la loi fiscale s'était déjà posé en 2016 ; une réponse à une question écrite, valant rescrit fiscal, avait permis de régler le problème en faveur des agriculteurs. Mais cette fois-ci, Bercy se veut intraitable, au risque de mettre en péril des dizaines d'exploitations et, par extension, l'avenir de la filière agricole guyanaise. Je vous sollicite donc et vous remercie pour votre prochaine intervention auprès de vos collègues de Bercy, qui ne manquera pas d'atténuer les conséquences négatives de leur décision.

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À l'occasion de la deuxième phase des assises de l'eau et quelques jours avant la journée mondiale de l'eau, j'ai organisé ce matin un petit-déjeuner débat avec France Eau Publique, qui nous a présenté son manifeste pour une eau durable. Face aux changements climatiques, nous avons besoin d'une eau durable et solidaire. Une des solutions est de préserver les zones humides. Le rapport Terres d'eau, Terres d'avenir, que j'ai rendu en janvier avec le sénateur M. Jérôme Bignon, met l'accent sur les paiements pour services environnementaux, notamment dans la préservation des zones humides. Ainsi, une masse d'eau stockée sur une zone humide efface en quarante-huit heures 50 % des polluants qu'elle réceptionne. Les zones humides ont d'autres fonctions essentielles : séquestration du carbone, zones d'élevage, refuges de biodiversité, amélioration de la qualité de l'air, limitations des crues. Les agences de l'eau disposent de 150 millions d'euros pour financer les initiatives territoriales du programme solidarité eau, mais les besoins de financement devraient être bien plus importants à l'avenir. Quelle est votre vision pour le financement durable de ces services environnementaux ? Êtes-vous favorable à la création d'un fonds d'investissement sur les zones humides, via la finance carbone, que nous préconisons dans le rapport ?

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Quelles actions entendez-vous mener pour adapter l'agriculture à l'augmentation de la fréquence des sécheresses ? Je pense notamment à la mise en place d'une politique de stockage de l'eau. Une technique culturale permettant de réduire les émissions de CO2 par conservation se développe, avec des effets positifs sur la rétention de l'eau et la vie microbienne et bactérienne des sols. Mais elle nécessite, dans la plupart des cas, du glyphosate à doses très faibles – cinq litres par hectare. Dans l'attente de nouvelles solutions, qui tardent à venir, êtes-vous prêt à prendre en compte ces éléments ?

En Champagne, les viticulteurs rencontrent des difficultés lorsqu'ils veulent cultiver en traditionnel et en bio sur une même exploitation. Cela constitue un frein à la montée en puissance du bio, à cause d'un cahier des charges mal adapté. Êtes-vous prêt à considérer cette spécificité viticole, qui supporte de lourdes contraintes en matière d'organisation et de coûts ?

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Les vins d'Occitanie souffrent depuis de nombreuses années de la concurrence de vins étrangers, suite à un étiquetage pouvant prêter à confusion. Dans la loi « Égalim », nous avions obtenu, avec le soutien de cette commission, une avancée, mais le Conseil constitutionnel est revenu sur la disposition. La réponse globale que vous avez faite sur l'étiquetage serait de nature à susciter de nouvelles craintes parmi les producteurs. Pouvez-vous préciser votre position ?

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Vous êtes convaincu que l'agriculture peut être plus sociale, plus environnementale et plus compétitive. Nos agriculteurs souhaitent s'engager dans la voie du modernisme et utiliser les innovations technologiques pour mieux respecter l'environnement. Mais pour réaliser cette transition énergétique dont l'agriculture a besoin et financer des équipements sophistiqués, ils doivent être aidés. Quelles solutions proposez-vous ?

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Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Je vais m'efforcer de vous répondre du mieux possible ; et si je ne suis pas en mesure de le faire sur l'instant, nous veillerons à vous envoyer une réponse sous forme écrite.

Comme vous le savez, madame Sandrine Le Feur, le Gouvernement est défavorable à votre proposition concernant l'étiquetage des huîtres : son application est trop compliquée pour les producteurs et, vous l'avez dit, la profession est très divisée sur ce sujet. En outre, il n'est pas prouvé que la provenance des huîtres, qu'elles soient de pleine mer ou d'élevage, fasse une quelconque différence. En tout état de cause, cette proposition, qui reviendra sans doute dans le débat, n'est pas encore mûre.

La direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE) vous répondra précisément sur la question de la mouche du fruit, monsieur Jean-Luc Poudroux.

Le président de la République a affirmé en toute clarté, monsieur Jean-Yves Bony, qu'aucun accord commercial ne serait négocié avec des pays qui ne respectent pas nos standards. Cela étant, nous ne nous en sortirons pas tant que nous n'aurons pas fait évoluer la législation européenne relative aux standards, étant entendu qu'il ne saurait s'agir d'une évolution par le bas. Permettez-moi de reprendre l'exemple des cerises traitées au diméthoate : M. Stéphane Le Foll, alors ministre de l'agriculture, avait activé la clause de sauvegarde pour interdire – pour des raisons légitimes – la commercialisation de ces cerises suite au retrait de l'autorisation de mise sur le marché du diméthoate par l'ANSES – dont je rappelle, madame Sophie Auconie, qu'elle est une autorité indépendante. Résultat : des cerises au diméthoate provenant d'Espagne étaient vendues dans mon département, sur les marchés de Valence et de Romans-sur-Isère, alors que nous n'avons plus le droit de l'utiliser. Une telle situation n'est plus possible. Nous travaillons donc beaucoup sur ce sujet dans le cadre de la future PAC, madame la présidente, parce que nous entendons, comme l'a rappelé le Président de la République au Salon de l'agriculture, équilibrer les standards non pas à la baisse mais en suscitant au contraire une montée en gamme de l'agriculture européenne tout en assurant l'indépendance à l'égard des produits phytopharmaceutiques.

De ce point de vue, les Espagnols doivent avancer. J'ai rencontré mon homologue M. Luis Planas à Madrid la semaine dernière : nos partenaires espagnols comprennent la situation mais il faut leur parler franchement et ne pas craindre d'aller les voir pour leur expliquer que les choses ne sauraient durer ainsi. On ne peut plus importer des vins ou des fruits et légumes espagnols produits selon des standards inférieurs à ceux de l'Union européenne. Voilà tout l'enjeu de la prochaine PAC et du « pacte pour la PAC » que je défends : nous devons tous nous rassembler, par-delà nos appartenances et sensibilités politiques, autour de cinq à dix sujets, car c'est ainsi que nous aurons du poids : chacun de vos partis politiques a des ramifications en Europe. Nous pourrons alors faire pression. En revanche, nous n'aboutirons à rien si nous avançons en ordre dispersé.

L'Union européenne a perdu un contentieux à l'OMC contre les États-Unis suite à son refus – et c'est un choix fort – d'importer du boeuf aux hormones. Le Président de la République l'a réaffirmé : aucun produit ne respectant pas les standards de l'Union européenne n'entrera en France. Là-dessus, nous ne céderons pas. Les États-Unis ont ensuite sanctionné les importations provenant de l'Union européenne, par exemple le roquefort. Pour que ces sanctions soient levées, l'Union a autorisé les importations de boeuf américain sans hormones.

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Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Je ne le crois pas, mais nous vérifierons. Le seul accord que nous avons trouvé avec les Américains porte sur l'entrée du boeuf sans hormones. Comme l'a rappelé le Président de la République au Salon de l'agriculture, nous n'importons pas de boeuf aux antibiotiques, d'où qu'il vienne – à moins qu'il n'y ait tricherie. De ce point de vue, les accords conclus avec le Canada sont très clairs. De même, nous ne signerons pas d'accord avec le MERCOSUR pour cette raison et je l'ai rappelé récemment à mon homologue argentin : non, nous n'importerons pas de viande argentine ne respectant pas nos standards. Il faut tout à la fois contrôler les fraudes éventuelles et, dans le même temps, se garder de faire peur en répandant ce que l'on appelle en patois drômois des fake news (Sourires).

Comme je l'ai annoncé aux assises de l'eau, monsieur Adrien Morenas, la France va remettre à l'ordre du jour les retenues d'eau destinée à l'agriculture, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, avec le réchauffement climatique, l'agriculture de demain aura besoin d'eau – beaucoup moins qu'aujourd'hui, du reste. Il faut savoir que les agriculteurs français consomment 30 % de moins que ce qu'ils utilisaient il y a dix ans : c'est proprement extraordinaire. Cela étant, on ne peut pas regarder l'eau tomber du ciel pendant six mois pour en chercher pendant les six autres mois, et faire payer 200 ou 300 millions d'euros d'aides sécheresse. Il faut trouver une solution. Il est hors de question de construire de grands barrages ; en revanche, nous lançons une réflexion sur la création de retenues collinaires qui serviront à l'agriculture, à condition qu'elles soient intégrées dans des plans territoriaux en accord avec les associations et les collectivités locales. Et que l'on ne raconte pas que je veux empêcher les Français d'avoir de l'eau potable à volonté au robinet ! Nous devons néanmoins agir dans l'intérêt de l'agriculture car si nous voulons conserver notre indépendance agricole et alimentaire, il faut un peu d'eau pour l'agriculture – sans créer pour autant des conflits d'usage : on peut récupérer de l'eau sur les toits ou en recyclant les eaux usées. Tous les acteurs ou presque sont favorables aux retenues collinaires à part la fédération France Nature Environnement – ce qui n'est pas négligeable. Nous sommes en discussion avec elle et je crois que nous pourrons parvenir à un compromis, étant entendu, je le répète, que ces retenues ne pourront se faire que si elles s'inscrivent dans le cadre de plans territoriaux.

Pour ce qui est des produits phytopharmaceutiques, nous devons, je l'ai dit, trouver des mesures alternatives. Le biocontrôle n'est pas assez développé en France ; il faut avancer en ce sens. Le glyphosate est certes un sujet important et désormais symbolique, mais la question de la dépendance à l'égard des produits phytopharmaceutiques est tout aussi prioritaire et la France sera à la pointe de cette action en Europe, en réduisant sa consommation de 25 % en 2020 et de 50 % en 2025. Pour atteindre ces objectifs, il va falloir accélérer ! Nous avons tous pris du retard, monsieur Bertrand Pancher : ce n'est ni de la faute des gouvernements qui se sont succédé, ni de celle du monde agricole, mais de notre faute à tous.

S'agissant de la méthanisation, madame Florence Lasserre-David, vous m'interrogez sur la baisse à 7 %, dans le projet de programmation pluriannuelle de l'énergie, de l'objectif relatif à la part du biogaz dans la consommation totale de gaz en 2030, qui devait s'établir à 10 % conformément à la loi sur la transition énergétique. Entre 10 et 7, ma position est claire : le seuil de 10 % reste l'objectif à atteindre.

M. Stéphane Demilly me pose une question importante. Les responsables de Saint-Louis Sucre prétendent qu'il est contradictoire d'appliquer la loi « Égalim », d'introduire le Nutri-Score et de prôner la réduction de la consommation de sucre tout en déplorant la fermeture de leurs sites de production en raison de l'effondrement de la consommation. Voilà ce que c'est que le cynisme – car il n'y a pas que le savoir-faire allemand ; il y a aussi le cynisme allemand. Là-dessus, nous ne céderons pas. La direction allemande – on peut le comprendre – favorise les sites allemands au détriment de ceux de sa filiale française et de sa filiale polonaise, comme me l'a confirmé hier mon homologue polonais à Bruxelles. C'est une forme de patriotisme et nous agirions peut-être de la même manière. Ce qui ne va pas, c'est que Südzucker, l'entreprise mère, contourne le droit en ne fermant pas réellement ses sites français, comme on le croit souvent. Le maintien de cinq personnes dans la filiale lui permet d'éviter les plans de sauvegarde de l'emploi. Cela, nous ne l'acceptons pas. Nous examinerons toutes les mesures que nous pouvons prendre pour nous assurer que les montants très élevés que cette entreprise doit toucher au titre du CICE parce qu'elle a embauché et investi au cours des années précédentes ne lui soient pas versés. Elle nous opposera que ses engagements d'embauche et d'investissement ont été respectés : peut-être, mais un an plus tard, ils n'investissent plus et ils licencient ! Le ministère du travail nous fournira des informations précises sur cette situation et nous sommes en contact régulier avec les présidents de région et de département et les parlementaires. Sachez-le : nous ne laisserons pas faire, car ces pratiques sont scandaleuses. Nous avons laissé une semaine de réflexion aux intéressés pour qu'ils revoient leur plan ou, à défaut, permettre que nous rachetions les entreprises. Ce que Südzucker refuse, au motif que les entreprises en question deviendraient dès lors des concurrentes… Nous nous réunirons à nouveau la semaine prochaine avec les parlementaires concernés pour envisager comment procéder.

Il est indispensable, monsieur Paul Molac, que les acteurs industriels contribuent à l'émergence de solutions alternatives aux produits phytopharmaceutiques. Les instituts de recherche – notamment l'INRA et l'Institut du végétal Arvalis – multiplient les travaux sur ces sujets, mais l'industrie agro-alimentaire doit s'y consacrer elle aussi, car la fin de la dépendance à l'égard des produits phytopharmaceutiques est inéluctable.

S'agissant des agro-équipements, monsieur Jean-Claude Leclabart, j'ai proposé avec M. Bruno Le Maire de monter un contrat de filière stratégique dans ce domaine. Aujourd'hui, en l'absence d'une telle filière, il faut agir d'amont en aval. J'ai en effet vu au salon international des machines agricoles (SIMA) des machines permettant de réduire de 70 % à 80 % la consommation de produits phytopharmaceutiques grâce à de nouvelles techniques utilisant des radars et des caméras notamment, qui permettent d'analyser les plantes à l'échelle la plus précise. Le problème, c'est que ces machines ne sont pas dimensionnées pour la petite agriculture : pour être rentables, elles doivent être grandes. Il faut donc que les start-up – par exemple dans le cadre de la Ferme digitale – qui travaillent sur le sujet parviennent à dimensionner correctement ces agro-équipements, faute de quoi nous aurons beau nous réjouir d'être les premiers en Europe à les fabriquer, ils n'entreront pas dans nos champs. D'où l'idée d'un contrat de filière stratégique : la filière des agro-équipements recèle un potentiel de milliers d'emplois pour les années qui viennent.

Ce sujet en appelle un autre : les données. Les radars et autres GPS produisent des données en nombre croissant ; tout le problème est de savoir qui les détient et comment elles sont utilisées. J'ai créé un groupe de travail associant les professionnels, car prenons garde : c'est un enjeu qui représente plusieurs millions de dollars.

La position de la France sur la pêche est très claire, monsieur Stéphane Buchou : il n'est pas question que ce secteur soit la variable d'ajustement des négociations sur le Brexit – et c'est d'ailleurs le cas jusqu'ici. Ensuite, j'ai répété hier avec mes homologues européens qu'il n'est pas non plus question que certains pays jouent aux petits malins en négociant directement avec les Britanniques, comme le font déjà certains pavillons et certaines pêcheries privées. Si l'Europe parle d'une seule et même voix – celle de M. Michel Barnier – et si la pêche n'est pas une variable d'ajustement, alors de nouvelles négociations s'ouvriront assez rapidement. Les côtes britanniques ne sont qu'à vingt-deux kilomètres de Boulogne-sur-Mer : il va de soi que des accords économiques devront être conclus. En cas d'interdiction de pêche dans les eaux territoriales du Royaume-Uni, nous prendrons naturellement des mesures, arrêt temporaire et autres – j'ai récemment réuni l'ensemble des acteurs de la filière sur cette question –, mais nous n'en sommes pas là. À ce stade, les Britanniques n'envisagent pas cette option, comme l'a dit mon homologue britannique M. Michael Gove.

Nous sommes néanmoins face à une autre difficulté : la plupart des poissons venus du Royaume-Uni sont transformés dans des entreprises françaises, ce qui nous pose un autre problème. Nous sommes donc mobilisés. Notre responsabilité collective nous commande de tout faire pour éviter le pire, c'est-à-dire qu'il se fasse tout et n'importe quoi au point que des conflits éclatent entre pêcheurs français et pêcheurs britanniques.

Je rappelle que sur la question de la pêche électrique, nous avons gagné. En revanche, pour ce qui est de l'obligation de débarquement, à laquelle cette commission est favorable, les pêcheurs ne sont absolument pas d'accord. Nous avons cependant mené une réflexion l'hiver dernier sur les totaux admissibles de captures (TAC) et les quotas de pêche avec les pêcheurs français.

À l'évidence, monsieur Vincent Descoeur, le premier cycle de négociations annuelles sur les relations entre producteurs et distributeurs n'est pas entièrement satisfaisant. Nous abordons la question des marques de distributeurs : il va falloir se bagarrer et je m'en occuperai personnellement. Ensuite, il faudra que les négociations de l'année prochaine se passent le mieux possible. C'est pourquoi il est important que la mission d'information de votre Assemblée sur l'application de la loi « Égalim » – dans les travaux de laquelle je ne m'immisce aucunement – rende son rapport avant le démarrage du deuxième cycle de négociation, c'est-à-dire en octobre.

Le ruissellement n'a jamais été évoqué en tant que tel, monsieur Vincent Descoeur, bien au contraire. Les négociations ne visent pas au ruissellement : c'est précisément l'inverse. Car si nous attendons que, par ruissellement, la hausse du prix du Coca-Cola fasse arriver de l'argent dans les cours de ferme, nous allons attendre longtemps, c'est moi qui vous le dis !

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Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

En revanche, si nous prenons la question dans l'autre sens et que, par inversion de la construction des prix, le lait s'achète à 39 centimes parce que c'est son prix de revient, alors ce montant ira directement à la coopérative, à laquelle il appartiendra ensuite de le répercuter dans les cours de ferme. Nous aurons ainsi changé le référentiel en l'axant sur l'agriculteur et sa coopérative.

Toutes les études ont été faites par les services du ministère comme par des cabinets indépendants sur l'augmentation du prix des produits d'appel : elle s'élève à 0,7 % – à moins que l'on ne fasse ses courses dans une grande surface. M. Descoeur, si vous achetez trois bouteilles de Ricard, trois packs de Coca-Cola, cinq pots de Nutella et des Granola, cela vous coûtera plus cher !

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Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Quoi qu'il en soit, cette augmentation des prix concerne très peu de produits de consommation quotidienne. Or, les grandes surfaces réalisent 30 % à 40 % de leurs marges sur les produits frais et les produits issus de l'agriculture alors qu'elles vendaient à perte leurs produits d'appel pour se « tirer la bourre » avec leurs concurrents. Vous avez dit stop, et avez bien fait de fixer le seuil de revente à perte à 10 %, car cela change tout : les grandes et moyennes surfaces ont compris qu'elles ne pouvaient pas augmenter le prix de ces produits de 10 %, de sorte que leur augmentation n'est que de 0,7 % : c'est la preuve que ça marche ! Mais il ne faut pas parler de ruissellement : il faut que cela joue à l'envers. L'an prochain, il faudra que les grandes surfaces conviennent que même si elles décident de ne pas vendre de viande de boeuf à moins de 5 euros le kilo, il faudra tout de même qu'elles aient du boeuf dans leurs rayons ! De même, nous devrons faire en sorte que les restaurants servent de la viande française. Peut-être les restaurants d'Aurillac en servent-ils…

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Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Je veux bien vous croire ; mais dans les restaurants parisiens, 80 % de la viande servie n'est pas française – et cela vaut aussi pour le poisson.

Comme vous le savez, monsieur Jimmy Pahun, on distingue deux stocks de bars : en dessous de 48 et au-dessus de 48 – traduisez : du 48e parallèle. Cette décision n'est pas le fait de la France, mais du Conseil international pour l'exploration de la mer, l'organisme scientifique international de référence. La situation est surveillée de près par les ONG, l'Union européenne, la Commission européenne et les pêcheries elles-mêmes.

Sur la question des dauphins, le ministère de M. François de Rugy et le mien travaillent de concert : il faut arrêter la situation actuelle, même si les quantités ne sont pas énormes. Nous n'avons pas encore définitivement établi si ce phénomène est lié aux filets pélagiques ou autres, mais nous y travaillons, y compris en lien avec les ONG – car il va de soi que tout le monde est d'accord pour protéger les dauphins. C'est un sujet très important, vous-mêmes l'avez soulevé dans une question d'actualité. Des observateurs sont déjà embarqués sur la flottille. En clair, il faut que cela cesse ; nous ne pouvons accepter qu'autant de cétacés s'échouent sur les côtes françaises.

Comme prévu, monsieur Loïc Dombreval, le décret sur l'expérimentation de la vidéo dans les abattoirs sera signé en avril, conformément aux délais que vous avez fixés dans la loi « Égalim » concernant les textes d'application. Nous sommes conformes au calendrier prévu. Nous lancerons prochainement un plan d'action global pour l'ensemble des abattoirs, car la question se pose en effet. Les abattoirs sont indispensables sur tous les territoires, faute de quoi nous rencontrerions d'énormes problèmes. Plusieurs questions se posent. D'une part, nous devons faire en sorte qu'ils soient tous aux normes et qu'ils respectent le bien-être animal. Vous avez voté dans la loi des dispositions relatives aux lanceurs d'alerte et à la présence dans chaque abattoir d'un responsable du bien-être animal. Nous faisons autant que faire se peut en sorte que nos deux contrôleurs sanitaires soient présents, mais il faudra aller plus loin et tenir compte des résultats de l'expérimentation de la vidéo. Par ailleurs, il faudra prendre des mesures sur certains sujets qui heurtent les gens.

Vous avez raison, madame Yolaine de Courson : la demande sociétale, irréversible, nous pousse à agir mais nous ne pourrons pas perpétuellement être derrière elle. Il faudra finir par avancer, car la demande sociétale ne cessera pas d'aller plus loin. Il faut certes se méfier du populisme, mais il faut aussi se garder de considérer que tout ce qui est demandé par les citoyens est forcément mauvais. C'est pourquoi le travail de M. Loïc Dombreval est important et utile au Gouvernement.

Effectivement, monsieur Matthieu Orphelin, il faut faire davantage concernant l'étiquetage. Le Gouvernement approuve la proposition que vous évoquez. Vous avez plus de chance que votre collègue Mme Sandrine Le Feur…

Nous suivons de près la situation du Grande America, madame Sophie Panonacle. Des bateaux sont en route pour tenter de récupérer le fioul qui s'en est échappé. Nous sommes en lien régulier avec M. Philippe Le Gal, président du Comité national de la conchyliculture, les conchyliculteurs ayant réagi très rapidement en appliquant le principe de précaution et en mettant autant de lots que possible à l'abri. M. François de Rugy et son ministère se sont saisis de cette question en pleine coordination avec les autres ministères. On nous annonce l'arrivée de nappes sur les côtes d'ici à une semaine ou dix jours, sachant que tout ce qui pourra être récupéré le sera ; ensuite, nous prendrons les mesures nécessaires. Il va de soi, comme l'a rappelé M. François de Rugy cet après-midi, que tout cela sera à la charge de l'armateur, et que ni l'État ni les collectivités locales n'auront un centime ou presque à débourser.

La France connaît un problème de biodiversité, monsieur Jean-Marc Zulesi. Dans ma jeunesse, lorsque je me promenais à la campagne au volant de ma Citroën Ami 8, il ne fallait pas rouler plus de cinquante kilomètres avant que le pare-brise ne soit criblé d'insectes. Aujourd'hui, les pare-brise restent propres. D'ailleurs, les haies ont disparu, donc les oiseaux ne nichent plus. L'agriculture intensive a contribué à cette situation. La transition agro-écologique doit notamment permettre de replanter des haies, de faire revenir les oiseaux et les insectes et de restaurer la biodiversité.

De ce point de vue, monsieur le député, vous avez abordé une question centrale : les abeilles. Un groupe de travail commencera ses travaux demain. Nous allons reconduire l'enquête sur la mortalité hivernale des abeilles pour comprendre les raisons de l'évolution en cours. L'observatoire des mortalités et des affaiblissements de l'abeille mellifère a déjà été mis en place dans les régions Bretagne et Pays de la Loire et sera étendu à la région Auvergne-Rhône-Alpes ; les apiculteurs élaborent actuellement le plan de maîtrise du varroa. Depuis 2003, les conditions d'épandage des insecticides sont totalement encadrées pour tenir compte des risques qui pèsent sur les pollinisateurs, même s'il reste des lacunes par endroits. En février, l'ANSES a émis des recommandations pour renforcer le cadre réglementaire de la protection des abeilles. En somme, c'est un sujet sur lequel nous avançons.

Le verdissement est irréversible, madame Valérie Lacroute. Je préfère à cet égard parler de transition agro-écologique. S'agissant du choix individuel de la période de culture, les exploitants doivent avoir au moins 5 % de surfaces d'intérêt écologique et, en France, toutes les options sont permises. Je réponds donc positivement à votre question.

Nous sommes tous d'accord sur le bioéthanol, monsieur Guy Bricout, y compris la présidente Mme Barbara Pompili.

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Je peux même anticiper mon accord avec la suite de la réponse du ministre sur ce point !

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Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

La voici : le bioéthanol ne sera pas la seule réponse et ne remplacera pas tous les autres carburants. La seule question qu'il faut se poser est celle-ci : comment le produisons-nous ? Il faut mener un débat apaisé sur la marche à suivre, les types de cultures et ainsi de suite. L'objectif est que l'essence contienne 8,2 % de bioéthanol en 2020 et 15 % en 2030.

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Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Oui, nous pourrons nous réjouir d'arriver à un taux de 15 %. Ce ne serait déjà pas mal.

Hier, madame Véronique Riotton, le conseil européen a consacré trois heures de discussion à la bioéconomie, un sujet abordé à l'initiative de la Commission européenne. Le ministère de la transition écologique et solidaire, le ministère de l'agriculture et de l'alimentation et l'ADEME ont signé un accord-cadre pour la période 2019-2023 qui englobe la biomasse forestière, les énergies renouvelables et plus précisément la méthanisation, ainsi que les produits biosourcés. La bioéconomie va devenir une règle forte au niveau européen, et ce mouvement, là encore, est irréversible en France.

Je ne peux pas répondre à votre question, monsieur Jean-François Cesarini, car la politique fiscale ne relève pas de ma compétence.

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Nous devrons alors procéder par amendement, puisque vous atteignez les limites de votre compétence administrative…

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Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Effectivement, je suis incompétent…

J'ai déjà répondu sur la demande sociétale, madame Yolaine de Courson.

Les AOP et les AOC sont une richesse française, monsieur Jean-Marie Sermier. Nous devons protéger les marchés mondiaux et nous pencher sur le bio et l'agriculture de qualité. Voulons-nous du bio traditionnel français, en approvisionnement local autonome par des circuits courts dans le cadre de la transition agro-écologique, ou du bio industriel importé ? Je souhaite que nous nous saisissions de cette question – et cela vous appartient. J'ai ma réponse : j'ai fait de mon département, la Drôme, le premier département bio de France avec 25 % de la surface agricole utile en bio et 50 % de produits bio dans les cantines, soit plus que l'objectif de 50 % de produits en circuits courts et 25 % de produits bio. C'est un résultat facile à obtenir : il suffit de volonté politique.

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Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

C'est peut-être plus difficile dans certains départements que dans d'autres, mais c'est globalement facile, dans tous les secteurs. En revanche, la conception du bio et de l'agro-écologie peut varier d'un département à l'autre. À ce stade, la mienne est la suivante : l'agriculture biologique, ce n'est pas le bio industriel importé – même si je n'exclus pas a priori l'importation, si elle répond aux normes standards, et l'industrialisation. Reste que la propension des grandes et moyennes surfaces à commercialiser toujours plus de produits bios pourrait déstabiliser le marché. C'est pourquoi la transition agro-écologique est plus qu'indispensable, plus encore que le bio – et c'est un vieux militant du bio qui vous le dit. De même qu'il faut aborder de pair la question du glyphosate et celle de la dépendance à l'égard des produits phytopharmaceutiques, il faut également envisager ensemble les questions du bio et de la transition agro-écologique : si l'un va plus vite que l'autre, il va se créer des déséquilibres et cela ne fonctionnera pas.

Je sais l'action que vous menez à la présidence du Conseil national de l'air, monsieur Jean-Luc Fugit. L'agriculture est le gage de la baisse des émissions de gaz à effet de serre et des émissions de substances polluantes – à condition de cesser les grands labours, de créer des prairies permanentes, d'instaurer la rotation des cultures et l'assolement. Rien ne garantit mieux la captation du carbone que l'élevage en prairie. Voilà ce qu'est notre agriculture. Cessons de prétendre que l'élevage est une source d'émissions de gaz à effet de serre : non ! L'élevage en prairie et sur herbe n'émet pas de gaz à effet de serre, au contraire, puisque la rotation des cultures permet la captation du carbone.

Nous travaillons beaucoup sur les scolytes, monsieur Patrice Perrot, et nous devrions aboutir prochainement. Sur la question du chêne exporté en Chine, je ne suis guère en mesure de vous répondre ; chaque année, 2,3 millions de mètres cubes de chêne sont mis en vente, dont 1,3 million provenant des forêts publiques. Environ 400 000 mètres cubes partent vers la Chine – il s'agit donc d'un volume non négligeable. En 2015, nous avons créé un label européen afin de vendre du bois public – dont une majorité de chêne – par l'intermédiaire de l'ONF ; et l'acheteur doit s'engager à le transformer dans l'Union européenne, ce qui freine la vente de bois vers la Chine.

Puisque nous parlons de bois, permettez-moi de compter sur votre aide, madame la présidente, à l'approche des grandes manifestations sportives internationales qui seront organisées en France, car nous devrons veiller à deux choses. Premièrement, il est indispensable que les bâtiments du site olympique et autres soient construits en bois ; les appels d'offres ont lieu en ce moment. Je préfère toujours le bois de construction au bois de chauffage, car il ne produit aucune émission de gaz à effet de serre. Nous devons tous nous bagarrer pour faire en sorte que les bâtiments prévus pour les Jeux olympiques de 2024 et, dans une moindre mesure, pour la Coupe du monde de rugby en 2023 soient construits en bois.

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Il me semblait que ce critère figurait déjà dans le cahier des charges.

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Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Pas toujours, à cause d'un problème de hauteur des bâtiments : tout dépend s'il s'agit d'un immeuble R + 4 ou R + 8.

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Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Deuxième point : l'approvisionnement alimentaire lors de toutes les manifestations internationales – qu'elles soient diplomatiques ou sportives – que nous organisons. Les appels d'offres doivent imposer des critères relatifs au bio, aux circuits courts, aux signes de qualité et à l'équilibre alimentaire. À mon sens, les députés ont un rôle très important à jouer dans ce domaine.

Je ne suis pas compétent en matière de fiscalité en Guyane, monsieur Gabriel Serville, mais je vous remercie de me remercier de faire passer le message à Bercy.

Vous avez raison sur le principe de l'eau durable et de la préservation des zones humides, madame Frédérique Tuffnell. Je travaille actuellement au financement des agences de l'eau avec M. François de Rugy.

C'est en effet l'agriculture de conservation, monsieur Gérard Menuel, qui permettra de gagner la bataille et nous nous sommes engagés à ne laisser aucun agriculteur ni aucune filière sans solution avant de trouver une option alternative.

En ce qui concerne l'appellation Champagne – et cela vaut aussi pour les appellations Côtes-du-Rhône et Bordeaux –, on ne peut plus accepter que soient vendues des bouteilles de champagne ou de côtes-du-Rhône à 1 ou 2 euros dans les grandes surfaces : il s'agit bien d'appellations, et non de marques. Nous travaillons avec la filière pour y parvenir.

Par ailleurs, je suis très favorable à votre proposition sur la part d'agriculture bio car il doit être possible de différencier les cultures.

Enfin, je ne sais pas encore comment répondre précisément à votre question, monsieur Jacques Krabal, mais je suis sûr d'une chose : nous mettrons en place dans la prochaine PAC des aides réservées aux exploitations agricoles vertueuses. Nous ne pouvons plus nous contenter d'aides à l'hectare indifférenciées quelles que soient les exploitations. C'est le principe de l'eco-scheme que nous voulons rendre obligatoire au titre du premier pilier. Il faudra aussi mener cette réflexion – qu'il s'agisse du bio, de l'innovation ou des agro-équipements – dans le cadre du contrat de filière, car je suis très favorable à ce que l'on aide les filières dès lors que des investissements sont consentis pour les équiper en machines innovantes permettant d'utiliser moins de produits phytopharmaceutiques. Ce serait une aide vertueuse, en effet, qui permettrait d'accélérer la transition agro-écologique.

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Nous vous remercions, monsieur le ministre, pour ce premier échange qui en augure d'autres ! (Applaudissements.)

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Membres présents ou excusés

Réunion du mardi 19 mars 2019 à 16 h 15

Présents. - Mme Bérangère Abba, Mme Sophie Auconie, Mme Valérie Beauvais, M. Jean-Yves Bony, M. Christophe Bouillon, M. Guy Bricout, M. Stéphane Buchou, M. Lionel Causse, M. Jean-François Cesarini, M. Jean-Charles Colas-Roy, Mme Yolaine de Courson, M. Stéphane Demilly, M. Vincent Descoeur, Mme Jennifer De Temmerman, M. Loïc Dombreval, M. Jean-Luc Fugit, M. Guillaume Garot, Mme Stéphanie Kerbarh, M. Jacques Krabal, Mme Valérie Lacroute, M. François-Michel Lambert, Mme Florence Lasserre-David, M. Jean-Claude Leclabart, Mme Sandrine Le Feur, Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, M. Emmanuel Maquet, M. Gérard Menuel, M. Bruno Millienne, M. Adrien Morenas, M. Matthieu Orphelin, M. Jimmy Pahun, M. Bertrand Pancher, Mme Sophie Panonacle, M. Alain Perea, M. Patrice Perrot, Mme Barbara Pompili, M. Jean-Luc Poudroux, M. Loïc Prud'homme, Mme Véronique Riotton, M. Jean-Marie Sermier, M. Gabriel Serville, Mme Frédérique Tuffnell, M. Jean-Marc Zulesi

Excusés. - Mme Nathalie Bassire, Mme Pascale Boyer, Mme Danielle Brulebois, M. Yannick Haury, M. David Lorion, Mme Mathilde Panot, Mme Laurianne Rossi, Mme Hélène Vainqueur-Christophe

Assistaient également à la réunion. - M. Fabien Gouttefarde, M. Pascal Lavergne, M. Paul Molac