Samedi 8 février 2020
La séance est ouverte à neuf heures trente.
La commission poursuit l'examen du projet de loi instituant un système universel de retraite (n° 2623 rectifié) (M. Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général, MM. Nicolas Turquois, Jacques Maire, Mmes Corinne Vignon, Carole Grandjean et M. Paul Christophe, rapporteurs).
Mes chers collègues, nous poursuivons l'examen du projet de loi instituant un système universel de retraite. Nous avons examiné jusqu'à présent 2 939 amendements, et 17 170 restent en discussion...
Article 12 (suite)
La commission est saisie des amendements identiques n° 1015 de Mme Clémentine Autain, n° 1018 de M. Alexis Corbière et n° 1020 de M. Bastien Lachaud.
L'amendement vise à supprimer l'alinéa 5 dont nous ne comprenons pas ce qu'il vient faire dans l'article 12 non plus que dans la section II « Relations avec les assurés ». En effet, indiquer que « [...] La retraite liquidée est définitivement acquise et ne peut être révisée, à l'initiative de la Caisse nationale de retraite universelle ou sur demande de l'assuré, que dans un délai de deux ans à compter de son attribution. » revient à empêcher de réviser une retraite à l'initiative d'un assuré. Or, les cotisants ouvrent des droits et devraient être en mesure de réviser leur situation sans que la loi ne leur impose de délai. La présence de cette information dans le chapitre VII titre du IX du livre Ier du code de la sécurité sociale précisément intitulé « Droit à l'information des assurés et dispositions communes » appelle à s'interroger en raison d'un manque de lien évident entre l'objet de celui-ci et le contenu de la disposition.
Je marche une fois de plus dans les pas de ma collègue Clémentine Autain. Nous nous interrogeons en effet sur ce délai de deux ans au cours duquel la personne partant à la retraite devrait semble-t-il compter sur on ne sait trop quelle aide.
Ce projet de loi est très flou et assez incompréhensible pour le commun des mortels, y compris, on l'a vu hier, pour le rapporteur et pour le secrétaire d'État. Pourquoi cette disposition a-t-elle été intégrée dans le titre Ier « Les principes du système universel de retraite » ?
J'ai en toute honnêteté également cherché à comprendre le sens de ce délai de deux ans dans le cadre du droit existant. Le délai de révision est de deux mois dans le régime général, et de deux ans dans certains régimes : c'est la raison pour laquelle il a été porté à deux ans dans le système universel.
Avis défavorable.
Quel plaisir incommensurable de passer le week-end avec vous ! Ces amendements de mes collègues du groupe La France insoumise, que nous soutenons, ont du sens : nous sommes en effet profondément inquiets des conséquences de la suppression des différentes caisses et, dans nos territoires, de celle de la disparition de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT). J'ai bien peur qu'avec votre réforme, ce soit le bordel, y compris pour le calcul des droits à la retraite. Fixer à deux ans le délai pendant lequel un retraité peut faire réviser le montant de pension correspondant à sa retraite liquidée, alors que le flou artistique va régner, que certains régimes spécifiques auront disparu et que la reconstitution des droits sera, demain, un parcours du combattant, causera un préjudice supplémentaire aux retraités de demain.
La commission rejette les amendements.
Puis elle est saisie de l'amendement n° 21721 de M. Thibault Bazin.
Il vise à allonger à trois ans le délai de révision d'une retraite liquidée. Si une erreur survient, si des éléments nouveaux sont découverts, si le montant de la pension se révèle bien inférieur – en raison de l'oubli d'une partie de sa carrière ou de calculs erronés – au montant espéré, un retraité doit pouvoir demander une telle révision afin qu'il reçoive in fine la retraite à laquelle il a droit. Le délai prévu de deux ans peut être court pour accomplir des démarches administratives : pour des personnes ayant eu des carrières complexes, retrouver une caisse peut prendre six mois.
En raison de l'existence de nombreuses caisses, le système actuel est effectivement extrêmement compliqué. Avec la reconnaissance d'un droit à l'information, au conseil et à l'intervention, nos concitoyens vont pouvoir, au cours des années précédant leur départ en retraite, se renseigner et vérifier l'intégralité de leurs droits. Aujourd'hui, le délai de révision diverge d'une caisse à l'autre. La jurisprudence limite souvent à deux mois le délai de recours contre une liquidation de pension. Fixer le délai de droit commun à deux ans nous semble un bon équilibre.
Avis défavorable.
Personne ne disconvient du fait que les mobilités entre régimes peuvent être complexes. Si l'on trouve tous les vices au système actuel de retraite, il permet toutefois le versement des pensions. En outre, le droit à l'information existe déjà et a même été considérablement renforcé. Depuis juillet 2017, un certain nombre de régimes de base ont été alignés. Cette évolution, qui aurait pu être poursuivie, a touché énormément de monde, notamment les polypensionnés, puisqu'elle a confié à la dernière caisse auprès de laquelle on a cotisé le soin d'établir la consolidation de la vie professionnelle au sein des deux autres régimes et de liquider la retraite concernée.
Monsieur le rapporteur, je me situe après la liquidation de la retraite. Certains assurés confient alors la reconstitution de leur carrière à des services de ressources humaines, notamment au sein d'hôpitaux, et ceux-ci se rapprochent des établissements médico-sociaux au sein desquels les intéressés ont effectué une partie de leur carrière. D'autres effectuent cette recherche eux-mêmes, même s'ils ont été touchés par la maladie ou par d'autres difficultés, ce qui explique que la pension attendue n'est pas forcément au rendez-vous au moment de la liquidation. Ils vont alors, s'ils contestent son montant, de Charybde en Scylla pour trouver les bons interlocuteurs : trois ans ne seraient donc pas de trop.
Il faut être dans les meilleures conditions afin d'être rétabli dans ses droits si une erreur a été commise : tel est le sens de l'amendement de Thibaut Bazin.
J'ai peut-être manqué un épisode mais je constate que les amendements suivants, qui portent notamment sur le droit à l'information des assurés, tombent. Or les alinéas 6 à 10 prévoient une ordonnance à ce sujet. Est-il possible d'obtenir une explication supplémentaire quant à ce droit à l'importance assez décisive ?
Ce délai de deux ans existe dans d'autres cas, par exemple celui du départ à la retraite d'un chef d'entreprise cédant son entreprise individuelle. Il ne sort donc pas du chapeau et est usuel dans notre droit. Il me semble raisonnable en ce qu'il ne constitue pas un couperet dans le cadre d'un éventuel contentieux et qu'il permet à l'assuré de demander des précisions en cas de doute.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement n° 21716 de M. Thibault Bazin.
Je m'interroge sur la compatibilité de l'article 12 avec l'article 24 – j'ignore si nous aurons le temps de l'examiner d'ici mardi soir – qui porte sur le cumul emploi retraite, dispositif intéressant qu'il faut favoriser. L'acquisition définitive de la retraite liquidée ne doit pas faire obstacle à la possibilité d'en bénéficier. Ne faudrait-il donc pas préciser qu'à la demande de l'assuré le délai de deux ans ne s'applique pas s'il bénéficie du cumul emploi-retraite ?
Monsieur Vallaud, vous avez raison : le droit à l'information a nettement progressé, notamment, s'agissant de l'alignement des régimes, grâce à la liquidation unique des régimes alignés (LURA), qui regroupe le régime général, la mutualité sociale agricole (MSA) et la sécurité sociale pour les indépendants, qui a remplacé le Régime social des indépendants et qui concerne l'immense majorité de nos concitoyens. De nombreuses professions libérales ne se situent cependant pas dans ce périmètre. Il ne s'agit pas d'affirmer que rien n'aurait été fait auparavant ou que ce qui a été fait est nul, car ce n'est pas du tout le cas. J'ai rendu visite à ma propre MSA, qui est impliquée dans la LURA, qui doit être effective dès 2022. Il me semble en outre, M. le secrétaire d'État pourra le confirmer, que les fichiers existants seront utilisés pour ce faire.
Comme l'a dit M. Mattei, le délai de deux ans est celui au cours duquel un assuré peut contester sa pension liquidée et demander sa révision. Il s'appuie sur d'autres délais similaires en vigueur dans notre droit positif. Actuellement, ce même délai est de deux mois dans le cadre du régime général, de l'AGIRC-ARRCO et de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, et d'un an dans celui de l'Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'État et des collectivités publiques.
Monsieur Dharréville, vous avez effectivement manqué un épisode : hier soir, deux amendements portant sur l'ordonnance concernant le droit à l'information ont été adoptés.
Les dispositions relatives au cumul entre activité et retraite ne sont pas du tout incompatibles avec le fait que la première retraite liquidée le soit définitivement, le cumul emploi-retraite permettant ensuite une seconde liquidation, celle-ci définitive.
Avis défavorable.
Je remercie le rapporteur d'avoir reconnu, même si le système est encore imparfait, que des choses avaient été faites en vue d'améliorer le droit à l'information des futurs retraités sur le montant de leur future pension.
Comme notre collègue Thibault Bazin l'a indiqué, la prévisibilité est extrêmement importante. Nous allons vers des bouleversements considérables induits par une réforme extrêmement complexe, pour nous et a fortiori pour les futurs pensionnés, et nécessitant une période de rodage. Le délai de contestation doit donc être allongé à trois ans, compte tenu de l'usine à gaz qui va être bâtie.
L'abus d'ordonnances nuit à la santé : en y recourant, vous avez privé notre commission du droit d'amender le texte, avec un double effet « Kiss cool » qui les fait parfois alterner avec des dispositions que vous décidez de temps en temps de graver « en dur » dans la loi, tout en faisant tomber certains amendements de l'opposition. Après le dérèglement climatique, voici le dérèglement juridique et législatif.
Que vont par ailleurs devenir les CARSAT, dont vous supprimez la personnalité morale et qui vont quitter nos territoires ? Je suis très inquiet à leur sujet, notamment parce que je pouvais obtenir de leur part une réponse en 48 heures concernant les droits de certains de mes électeurs.
Je suis très dubitatif à l'égard de l'articulation entre les dispositions de l'article 12 et celles de l'article 26. Si un assuré liquidant sa retraite deux ans avant d'avoir atteint son âge d'équilibre se rend compte au bout de six qu'il n'arrive pas à joindre les deux bouts et qu'il reprend une activité professionnelle, il ne pourra acquérir de points qu'après avoir atteint l'âge d'équilibre. Serait-il possible de modifier cette disposition, d'autant plus qu'au terme d'une période transitoire, la seconde liquidation de sa pension sera, elle définitive ? Serait-il également possible dans ce cas de modifier le délai de deux ans ?
Nous abordons avec l'amendement n° 21716 un enjeu majeur pourtant absent de la réforme, ce que nous regrettons : la transition entre la vie active et la retraite, qui peut être brutale et préjudiciable à la transmission de savoir-faire professionnels. Elle nécessite entre autres de se réinventer de nouvelles activités.
J'ai déjà apporté la semaine dernière, à une question de Vincent Thiébaut, une réponse s'agissant du maillage territorial tant de la CARSAT que de la MSA, sur lequel nous nous appuierons : il ne faut pas nourrir d'inquiétude à son propos. Monsieur Jumel, j'ai moi-même eu des contacts réguliers avec les collaborateurs de la CARSAT à Lille.
Je n'ai rien à ajouter aux explications parfaites fournies par le rapporteur à Thibault Bazin sur le cumul emploi-retraite. J'en viens au cas d'école qu'il évoquait d'un assuré parti à la retraite avant d'avoir atteint l'âge d'équilibre et reprenant un emploi : en réalité, il ne liquidera pas sa retraite de façon anticipée, précisément en raison de son employabilité et des informations dont il disposera sur son niveau de pension, sans parler d'un éventuel malus. Il restera donc dans la vie active.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 12 modifié.
Chapitre III UN SYSTÈME FONDÉ SUR UNE ÉQUITÉ CONTRIBUTIVE
La commission est saisie, en discussion commune, des amendements identiques n° 6735 de Mme Clémentine Autain et n° 6740 de M. Bastien Lachaud ainsi que des amendements identiques n° 22429 de Mme Clémentine Autain et n° 22430 de M. Ugo Bernalicis.
L'intitulé du chapitre III nous paraissant particulièrement inadapté à son contenu, nous proposons de le remplacer par : « Les hauts revenus capitaliseront chez BlackRock ». Nous souhaitons en effet mettre en lumière la véritable raison qui a poussé le Gouvernement à formuler ces propositions, puisque le plafond limitant les cotisations des hauts salaires va les pousser directement vers de l'épargne privée et vers des fonds de pension comme BlackRock. Les représentants de celui-ci se sont d'ailleurs félicités, en décembre 2019, de la réforme des retraites en ces termes : « Je crois que c'est l'intérêt de ce nouveau texte du Gouvernement, de la loi, que de permettre aux Français, enfin, de s'approprier l'épargne retraite. Et nous, BlackRock, qui avons cette expérience, nous voulons la mettre au service de cette nouvelle épargne retraite. » Tels des vautours, ils se réjouissent par avance de la manne que vous êtes en train de leur offrir.
Il convient en effet de s'interroger sur les relations qu'entretiennent d'une part le Président et son Gouvernement, d'autre part le fonds spéculatif BlackRock, auxquelles la presse s'est intéressée. De nombreux articles de presse ont en effet mis au jour les liens assez proches et profonds qui unissent ce fonds de pension et le Gouvernement. En témoigne le rôle joué par le président de BlackRock France, Jean-François Cirelli, qui vient de recevoir, le 1er janvier dernier, des mains du Premier ministre, la Légion d'honneur, décoration sur laquelle on peut d'ailleurs s'interroger.
L'amendement n° 22429 vise à rédiger ainsi l'intitulé du chapitre III : « Un système fondé sur l'inégalité et le chacun pour soi, cassant le système de solidarité qui a permis de sortir les retraités de la pauvreté ». Appelons un chat un chat : l'intitulé du chapitre III – « Un système fondé sur une équité contributive » – est en effet tout à fait mensonger. Pourquoi parlez-vous désormais d'équité et non d'égalité ? Cette dernière fait en effet partie, et ce n'est pas un hasard, de la devise de notre République, alors que la première n'en est qu'un sous-produit. Abaisser de huit à trois plafonds annuels de la sécurité sociale (PASS) le périmètre de la contribution au régime général ne va pas dans le sens d'une équité contributive. C'est même le contraire, puisque toutes les personnes gagnant plus de 10 000 euros par mois ne seront pas assujetties à cette contribution. Il s'agit en fait d'un manque à gagner pour les caisses de retraite.
Je poursuis mon propos sur M. Cirelli : il a été nommé le 17 octobre 2017 au comité « Action publique 2022 » afin de travailler à la réforme de l'État et est intervenu plusieurs fois dans les médias pour défendre l'épargne retraite, que ce soit sur le plateau de télévision des Échos, le 22 juin 2018, ou de France Info, le 25 juin 2019. Le 25 octobre 2017, le président-directeur général américain de BlackRock, Larry Fink, et plusieurs dirigeants de son groupe, ont été reçus à Matignon ainsi qu'à l'Élysée, notamment dans le salon Murat, où se réunit le Conseil des ministres, pour y assister à des exposés de plusieurs ministres dont Muriel Pénicaud, Élisabeth Borne, Bruno Le Maire, Benjamin Griveaux, avec lesquels ils ont ensuite dîné à l'invitation d'Emmanuel Macron.
La réforme prévoit que la cotisation d'assurance vieillesse soit assise sur les revenus de tous les salariés dans la limite de 3 PASS : au-delà, le dispositif ne concernant que 1 % de nos concitoyens, une cotisation de solidarité de 2,81 % – alors qu'elle ne s'élève actuellement qu'à 2,30 % – sera perçue sur 100 % des revenus. Il s'agit donc d'une progression significative. Je rappelle que certaines professions n'allaient pas jusqu'à 3 PASS. L'équité contributive diffère, effectivement, de l'égalité. Le taux applicable aux professions libérales par exemple ne s'applique, compte tenu de leur spécificité, que dans la limite de 1 PASS, les revenus l'excédant étant assujettis à un taux réduit.
Sans entrer par ailleurs dans la polémique liée à M. Cirelli, la France a également intérêt, grâce à un écosystème favorable, à attirer des investisseurs pour développer des entreprises notamment dans le secteur pharmaceutique. L'emploi industriel est d'ailleurs reparti à la hausse, ce qui n'était pas arrivé depuis vingt ans.
Avis défavorable.
Il s'agit d'une entaille sérieuse à la prétendue universalité de votre projet de loi, car bien évidemment ceux dont les revenus excèdent les 3 PASS ne seront pas logés à la même enseigne, ce système créant une sorte de dérivation vers un système parallèle. Vous venez d'expliquer, Monsieur le rapporteur, que cette évolution est forcément bénéfique pour l'économie qui a besoin d'investisseurs, notamment dans l'industrie. Dans mon territoire industriel, on connaît très bien les fonds de pension et, franchement, ils ne nous inspirent pas confiance car nous avons pu mesurer combien ils étaient nocifs à l'économie et destructeurs d'emplois. Il s'agit donc d'une très mauvaise mesure.
Monsieur le secrétaire d'État, disposez-vous d'un bilan financier précis de l'impact de la disposition relative aux plafonds prévus à 1 puis 3 PASS dans les années à venir, en particulier au cours de la phase de transition ? Qu'est-ce que cela donne précisément ? On ne le voit pas.
Par ailleurs, envisagez-vous – hormis la cotisation de solidarité, qui existe d'ailleurs déjà et dont vous augmentez légèrement le taux – une réforme de la fiscalité de l'épargne retraite pour tous les assurés qui ne feront plus partie du régime par répartition c'est-à-dire ceux dont les revenus excéderont la limite des 3 PASS ? Si oui, comment, et si non, pourquoi ?
Je ne comprends pourquoi vous êtes contre ce plafonnement à 3 PASS car il permet de faire jouer un principe de solidarité pure. Il prend en effet en compte 99,99 % de l'ensemble des revenus. Si l'on calcule le montant de cotisations dû par les assurés gagnant plus de 120 000 euros par an, et le montant de pension qu'ils percevront ensuite, le différentiel s'élève à 40 milliards d'euros. Ils apportent en effet 60 milliards d'euros à la Caisse nationale de retraite universelle (CNRU) au cours de leur vie professionnelle et font ensuite débourser au système 100 milliards d'euros, ce qui signifie qu'ils lui coûtent 40 milliards d'euros. Comment en étant favorables à la solidarité peut-on être opposé à ce plafonnement à 120 000 euros ? Je ne le comprends pas.
Nos amis Insoumis proposent de modifier le titre du chapitre III, estimant que les hauts revenus iront cotiser chez BlackRock. On pourrait de même intituler l'article 13 « iniquité redistributive et contributive » car tel est le résultat du plafonnement. Cet article prend tout son sens à la lecture de l'article 65 du projet de loi destiné à ratifier différentes ordonnances issues de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (« PACTE »), dont une ordonnance relative aux plans d'épargne retraite par capitalisation. L'exposé des motifs de l'article 65 souligne d'ailleurs que la réforme de l'épargne retraite adoptée à l'occasion de la loi « PACTE » visait à stimuler la concurrence sur ce marché par une ouverture de tous les produits d'épargne retraite aux assureurs, aux gestionnaires d'actifs et aux fonds de retraite professionnelle supplémentaire. L'objectif du plafonnement que vous instaurez est donc très clair !
Votre réforme ne fait que reproduire les inégalités existantes... Demain, les retraités recevront ce qu'ils ont cotisé. Votre logique met à totalement à mal le mécanisme de solidarité : l'équité, ce sera la proportionnalité entre le travail fourni et la pension obtenue. Pourquoi « contributive » ? Car chacun contribuera à payer sa propre retraite ! La suppression d'une partie des cotisations des hauts cadres est une entaille dans le système par répartition et dans la solidarité, par l'introduction d'une logique de capitalisation. La suppression de ces cotisations entraînera pour le système par répartition un manque à gagner estimé à 4,8 milliards d'euros entre 2025 à 2040. Où va aller cet argent ? Bien évidemment, il va être investi dans les dispositifs de défiscalisation développés après l'adoption de la loi « PACTE » ! Votre logique est parfaitement cohérente, mais nous la contestons pied à pied car nous ne voulons pas d'une retraite par capitalisation.
En plafonnant à 3 PASS, notre objectif est pourtant de mettre fin à un système anti-redistributif particulièrement injuste !
M. Gouffier-Cha est rapporteur général, Mme Fabre est députée. À ce titre, elle a parfaitement le droit d'intervenir puisqu'un orateur par groupe peut prendre la parole. Vous n'allez pas commencer ! Depuis ce matin, toute l'opposition parle et la majorité ne parle jamais !
C'est une question de principe ! Il y a beaucoup de rapporteurs sur ce texte – c'est votre choix. Mais seul un rapporteur doit prendre la parole. Je n'ai rien contre le rapporteur général, mais tous les rapporteurs ne vont pas prendre la parole les uns après les autres ! Ce n'est pas possible. Sinon, donnez également la parole à deux membres de l'opposition.
Monsieur Woerth, si vous m'aviez laissé finir, vous auriez su que j'allais laisser ma parole au ministre, puis redonner la parole à tout le monde sur ce sujet important. Franchement, n'y voyez aucune mauvaise intention de ma part !
Il est effectivement important que nous puissions parfaitement débattre de ce sujet important, et mal compris. Pourquoi parlons-nous d'injustice dans le système actuel ? Les actifs qui gagnent plus de 120 000 euros par an ont une espérance de vie beaucoup plus élevée. En conséquence, leur ratio cotisationspensions sera moins élevé que celui des autres actifs, Catherine Fabre l'a expliqué.
Demain, l'indexation des points sur l'évolution des salaires renforcera cette « anti-redistributivité » si nous n'instaurons pas de plafond. Pour votre parfaite information, ce dernier restera le plus élevé des pays développés, puisqu'il est de 100 000 euros en Italie, 80 000 euros en Allemagne, 45 000 à 60 000 euros en Espagne, en Belgique, en Suède et au Japon – je sais que vous êtes particulièrement attaché à l'Espagne, monsieur Lachaud – ou 35 000 euros au Canada.
La seule question, M. Woerth l'a rappelé, est liée à la gestion de la période de transition : comment gérer au mieux le lissage afin que la disparition progressive de ces cotisations ne pénalise pas notre système ? Je rappelle qu'elles représentent 1 % de toutes les cotisations.
Restons sereins et objectifs. Arrêtons d'agiter des chimères ! Qu'en est-il aujourd'hui ? Tout le monde peut le vérifier, 13 millions de Français sont déjà adhérents à un dispositif d'épargne retraite, ce qui représente 230 milliards d'euros sur les 5 000 milliards d'encours d'épargne des Français. Les salariés des entreprises peuvent en bénéficier au travers de plans d'épargne pour la retraite collectifs, alimentés par l'intéressement et la participation. Les professions libérales bénéficient du dispositif Madelin et les fonctionnaires de ceux de la Caisse nationale de prévoyance de la fonction publique (PREFON). Nous n'avons donc rien inventé, contrairement à ce que vous laissez entendre pour vous faire peur – et peut-être faire peur ? En complément de notre très bon niveau de retraite par répartition, l'épargne retraite complémentaire n'est pas un tabou dans notre pays et c'est une bonne chose.
De même, le passage du plafond de l'assiette de cotisation de 8 à 3 PASS n'est pas une révélation, Jean-Paul Delevoye l'ayant préconisé bien avant la publication de son rapport. Aucun d'entre vous n'a découvert le sujet la semaine dernière et les partenaires sociaux en avaient débattu à plusieurs reprises avec le haut-commissaire.
Mme Fabre a clairement expliqué l'intérêt redistributif du nouveau système, à destination des futurs retraités les plus modestes – ceux qui touchent moins de 1 400 euros de pension. Nous n'avons aucun intérêt à inverser le dispositif pour redistribuer vers les très hauts revenus, qui cotiseront comme les Français jusqu'à 3 PASS, puis verseront une cotisation de solidarité de 2,81 % au-delà.
Vous plafonnez les cotisations à 3 PASS, mais ces salariés à hauts revenus ont constitué des droits pour la retraite : vous ne pouvez donc pas affirmer que c'est de la solidarité pure ! C'est tout l'inverse car cela va constituer un manque à gagner financier pour le système de retraite par répartition et remettre en cause la solidarité nationale. La période transitoire est particulièrement sensible pour l'équilibre de notre système. La perte de recettes est estimée à 3,8 milliards d'euros – et non 40 milliards –, mais nous allons aussi continuer de payer les retraites. C'est pourquoi notre groupe porte des propositions équilibrées : nous ne souhaitons pas perdre les 3,8 milliards de cotisations des 300 000 personnes concernées, surtout si l'on veut financer des mesures de justice sociale, en particulier pour les petites retraites.
Monsieur le secrétaire d'État, votre langue a fourché sur le « redi-distributif », cela m'a fait penser au sketch du schmilblick : votre redistribution est tellement indéfinissable qu'elle est im-im-impossible à prononcer. (Sourires.)
Si, dans le langage populaire, on dit souvent que, quand on veut noyer son chien, on l'accuse de la rage, je dirai plutôt qu'ici, vous voulez la lui inoculer : cet article inocule la rage de la capitalisation au sein du système par répartition ! Votre réforme a un coût – 3,8 milliards d'euros – et les mesures d'austérité que vous avez appliquées à la fonction publique ont également aggravé le déficit des caisses.
Vous vous voulez rassurant : 230 milliards d'euros d'épargne retraite pour 5 000 milliards d'euros d'encours pour l'épargne, ce ne serait rien. Mais, au contraire, que de Smarties à avaler ! Cela explique la réaction de BlackRock quand vous avez présenté votre réforme : « Quelle bonne réforme ! Il y a du pognon à se faire ». C'est ce que nous dénonçons : la fin des principes de la protection sociale à la française, auxquels 61 % de nos concitoyens sont attachés.
Je reviens sur quelques chiffres : la suppression de la cotisation entre 3 et 8 PASS entraînera un manque à gagner annuel d'environ 4 milliards d'euros en 2025 et 5 milliards en 2040. Pendant cette période de transition de quinze ans, il manquera également 3,7 milliards par an pour servir les pensions déjà cotisées jusqu'à 8 PASS. En outre, la cotisation de solidarité est due dès le premier euro, quel que soit le revenu, modeste ou élevé. Peut-être aurait-on pu introduire une forme de progressivité, en continuant à faire contribuer jusqu'à 8 PASS, mais en déplaçant le curseur et en introduisant de la progressivité. Enfin, je suis attaché à ce que tout le monde soit dans un même système – solidaire – quel que soit son revenu, car les politiques spécifiques à destination des pauvres finissent par créer des pauvres politiques...
Vous estimez que ce dispositif est une mesure majeure de solidarité. C'est faux ! Elle s'inscrit dans votre volonté de favoriser la retraite par capitalisation. Je rappelle les trois étapes qui vont nous y conduire. Le règlement du 20 juin 2019 relatif à un produit paneuropéen d'épargne-retraite individuelle incite les ménages de l'Union européenne à investir davantage dans les marchés de capitaux pour contribuer à relever les défis posés par le vieillissement de la population.
La loi « PACTE » prévoit déjà des exonérations fiscales pour l'épargne retraite suite au lobbying actif de BlackRock. Le site de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique s'est d'ailleurs fait l'écho des multiples rencontres entre BlackRock, les ministres et leurs cabinets lors de la préparation du projet de loi.
Enfin – dernière lame de la tondeuse –, votre réforme des retraites exonère tous les très hauts revenus de cotisations, pour les contraindre à rejoindre le système par capitalisation. La volonté du Gouvernement est donc manifeste : développer ces dernières au détriment du système par répartition et de la solidarité nationale.
Dans une étude publiée en 2008 et intitulée « Pour un nouveau système de retraite : des comptes individuels de cotisations financés par répartition », Antoine Bozio et Thomas Piketty – deux chercheurs reconnus par le plus grand nombre – faisaient les constats suivants : « traiter les super-cadres à 250 000 euros annuels de la même façon que les salariés au salaire minimum n'a aucun intérêt du point de vue de la redistribution. [...] Si l'on ajoute à cela que ces cadres ont tendance à bénéficier d'une espérance de vie supérieure à la moyenne, le résultat est que les cotisations ainsi prélevées tendent à être inférieures aux pensions correspondantes, si bien que le bilan net pour le système de retraite dans son ensemble est négatif. Cette redistribution à l'envers est d'autant plus regrettable que ces cadres ne sont généralement pas demandeurs d'un plafond aussi élevé. [...] Quel est le « bon » niveau de plafond pour un système de retraite ? [...] Il nous semble toutefois qu'un plafond de l'ordre de deux fois le PASS ou au maximum de l'ordre de trois fois le PASS serait raisonnable – voire excessif. »
Voilà une réponse à froid, bien loin de votre mauvaise foi.
Vous parlez beaucoup de transition ; j'ai l'impression que vous êtes impatients d'atteindre les articles 62 et suivants... À force de vous entendre invoquer la capitalisation, je me demande si vous n'en faites pas la publicité – cela m'inquiète. Vous brandissez les 5 000 milliards d'euros d'épargne des Français comme s'il s'agissait de l'encours futur des retraites par capitalisation et comme si nous allions les forcer dans cette voie.
Rassurez-vous, les Français font ce qu'ils veulent de leur épargne ! En outre, nous n'avons pas inventé la capitalisation. Ainsi, dans une brochure de la CGT Banque de France, le syndicat rappelle que la caisse de réserve – qui verse les pensions aux employés retraités – est fondée sur ce principe : les cotisations des actifs alimentent un capital et le revenu du placement de ce capital sert à payer les retraites !
La commission rejette successivement les deux séries d'amendements.
Puis elle passe à l'amendement n° 11352 de M. Pierre Dharréville.
Monsieur Christophe, effectivement, la capitalisation est une très vieille idée, que vous remettez au goût du jour. Mais le système par répartition a marqué un progrès de civilisation.
Monsieur le rapporteur, je suis gêné de vous présenter cet amendement, témoignage de votre impréparation : il s'agit de la modeste correction d'une erreur rédactionnelle puisque vous avez écrit « un système fonde sur une équité contributive ». Nous vous proposons d'accentuer « fondé » afin de faire meilleure figure devant le Conseil constitutionnel.
Monsieur Dharréville, vous auriez pu vous contenter de nous faire remarquer cette coquille. Vous ne gagnez rien à en faire un argument politique. Je me mets à la place de tous les administrateurs assis derrière moi, qui abattent un travail phénoménal et m'ont expliqué de nombreux éléments techniques que je ne maîtrisais pas... Vos convictions sont sincères, mais ne développez pas vos arguments politiques sur des corrections rédactionnelles !
Je suis bien sûr favorable à la correction.
Monsieur le rapporteur, vous contestez le fait que nous puissions vous faire remarquer votre impréparation mais, depuis le début de l'examen en commission, c'est un festival ! Nous soulevons un nouveau lièvre tous les jours ! (Exclamations sur les bancs de la majorité.)
Nous pouvons débattre du vocabulaire si vous le souhaitez, mais les enjeux de fond me semblent plus importants. Nous pouvons refaire un débat sur le revenu d'activité moyen, si vous le souhaitez. Ou préférez-vous une discussion sur les pensions de réversion, dont nous ne savons toujours rien ?
Monsieur le rapporteur, pouvez-vous nous indiquer si l'impact budgétaire des exonérations fiscales prévues pour l'épargne salariale dans la loi « PACTE » a été évalué ? Mme Fabre estime que le bilan sera positif puisque nous paierons moins de retraites, mais ces retraités n'auront pas cotisé ! Le manque à gagner viendra s'ajouter aux exonérations fiscales et tout cela a un coût que vous n'intégrez pas, Madame Fabre.
J'aimerais que le secrétaire d'État réponde précisément à nos questions financières : l'exonération de cotisations salariales sera-t-elle compensée par le budget de l'État dans tous les cas ? J'ai cru comprendre que ce serait le cas durant une période de transition pour les primes, non totalement cotisées alors qu'elles ouvriront les mêmes droits que les revenus cotisés. Combien cela coûtera-t-il à l'État ? Thibault Bazin a relayé notre interrogation sur la suppression de la cotisation entre 3 et 8 PASS. Nous souhaiterions disposer d'un bilan financier précis. Enfin, envisagez-vous de modifier la fiscalité de l'épargne retraite pour que ceux dont les revenus sont supérieurs à 3 PASS soient traités à égalité ? Le système par répartition ne va pas être abîmé ! Il reste fondamental et le système par capitalisation n'est pas, non plus, le diable absolu. Il fonctionne bien dans certains cas – et les partenaires sociaux ne se gênent alors pas pour l'utiliser. Cessons ces attaques, systématiques à chaque réforme des retraites !
Je suis pour l'union de la gauche et des écologistes, Madame la présidente !
M. Lachaud avait raison de souligner le climat favorable au développement d'un régime par capitalisation : position de la Commission européenne, loi « PACTE ». Mais la baisse du taux de livret A est aussi venue fragiliser l'épargne populaire.
Vous nous reprochez de faire la publicité de la capitalisation, mais je vous renvoie aux déclarations de Bruno Le Maire, Olivia Gregoire ou Marc Fesneau durant les débats sur le projet de loi « PACTE » : tous ont dit qu'il fallait développer les plans d'épargne retraite. Le secrétaire d'État se veut rassurant : les 230 milliards d'euros d'épargne retraite ne représenteraient qu'une goutte d'eau. Mais Bruno Le Maire a bien expliqué qu'il souhaite atteindre 300 milliards en 2022 : une hausse de 40 % en deux ans, ce n'est pas une paille ! Votre logique expansionniste vise à favoriser le recours à la capitalisation.
Je suis désolé que vous soyez aussi chatouilleux, monsieur le rapporteur. Je vous ai connu avec un plus grand sens de l'humour. Notre amendement visait simplement à mettre l'accent sur le faible nombre d'amendements rédactionnels des rapporteurs, d'habitude assez classiques au stade de l'examen en commission. Il s'agissait d'un geste de bonne volonté. En outre, probablement peu de nos amendements seront adoptés et celui-ci – même s'il a peu d'importance sur le fond – comptera dans le décompte final.
Je suis très favorable à l'adoption de cet amendement. J'ai écouté avec beaucoup de respect la motion du président Chassaigne en Conférence des présidents, expliquant son opposition à la procédure accélérée, qui ne permettrait pas d'examiner le projet dans le détail. J'observe pourtant qu'un des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine a pu le travailler jusqu'aux accents...
La commission adopte l'amendement.
Puis elle en vient à la discussion commune des amendements identiques n° 6752 de Mme Clémentine Autain, n° 6755 de M. Alexis Corbière, n° 6768 de Mme Bénédicte Taurine et des amendements identiques n° 20984 de Mme Bénédicte Taurine, n° 21073 de Mme Clémentine Autain, n° 21076 de M. Alexis Corbière et n° 21078 de M. Bastien Lachaud.
L'amendement n° 6752 vise à rebaptiser le chapitre III « En marche vers la capitalisation », conformément aux objectifs de l'article 13. Certains nous reprochent de faire la publicité de l'épargne retraite mais je vous rappelle que, depuis le 1er octobre 2019, de nombreux acteurs des marchés financiers ont annoncé le lancement de leur offre sur ce créneau : Groupama, Swiss Life, AXA, etc. Tous ont parfaitement compris l'aubaine que constituent la loi « PACTE » et votre projet de réforme des retraites. On commence par les hauts revenus – cela permettra d'engranger des capitaux et de faire marcher le système – mais n'est-ce pas un moyen de mettre le doigt dans l'engrenage avant d'élargir le dispositif à tous les salariés ?
La question de M. Bazin est très pertinente : les salariés disposant des plus hauts revenus vont moins cotiser, mais il va falloir payer leur retraite. Quel est le coût de cette affaire, qui va grever notre système de retraite ? Il s'agit d'un débat de fond. Nous ne contestons pas les 230 milliards d'épargne retraite évoqués par le rapporteur et le secrétaire d'État. Vous avez raison, qu'on soit fonctionnaire ou salarié, des solutions individuelles existent et sont encouragées. Mais nous souhaitons qu'elles soient réintégrées dans notre système de retraite mutualisé car c'est précisément ce qui lui fait mal !
L'amendement n° 21073 vise à intituler la section 1 « Modification des dispositions applicables aux salariés et assimilés, de façon à leur verser des pensions indigentes et les faire passer sous le seuil de pauvreté » : il est difficile d'être plus clair dans notre analyse de ces dispositions ! En changeant l'intitulé, nous rappelons au Gouvernement que le régime de retraite est le fruit du labeur des travailleurs et des travailleuses et que ce projet de loi est une aberration démocratique. Vous souhaitez passer en force et le faire adopter le plus rapidement possible, dans le mépris le plus total de la forte mobilisation interprofessionnelle, qui persiste et qui est impressionnante par sa durée. Étant donné que vous n'entendez pas les salariés, nous proposons d'expliciter vos intentions et le mépris qui vous anime.
Notre collègue nous dit qu'actuellement, les plus hauts revenus cotisent plus que ce qui leur est ensuite versé en pension. Mais c'est précisément le but de notre système de retraite, contrairement à votre logique d'« un euro cotisé, un euro versé à la retraite ». Les systèmes par répartition – de mutualisation solidaire – pour lesquels nous plaidons, sont vertueux, ce qui n'est pas le cas des solutions individuelles que vous nous proposez et que nous rejetons.
J'aimerais que le secrétaire d'État et le rapporteur répondent à ma question concernant l'objectif de l'exonération. On nous dit qu'il s'agit de favoriser la répartition vers les petites retraites, mais Clémentine Autain a démontré que cela ne colle pas ! Je vous ai interrogé sur le règlement de l'Union européenne : votre réforme s'inscrit-elle dans la volonté affichée de l'Union de pousser les ménages à investir davantage sur les marchés de capitaux du fait du vieillissement de la population ? La loi « PACTE » est-elle bien ce qui fait le lien entre ce règlement et la réforme des retraites ?
Je m'en doutais, mais nous ne partageons pas la même philosophie... Je le répète, même si c'est contre-intuitif : les plus hautes pensions contribuent à alimenter un système redistributif inversé. Madame Autain, vous ne m'écoutez pas...
Statistiquement, ceux qui bénéficient des pensions les plus élevées – au-delà de 12 000 euros –, sont ceux dont l'espérance de vie est la plus longue. Leur « taux de retour » sur cotisations est donc meilleur et, comme ce sont aussi ceux qui ont des retraites extrêmement élevées, les salariés dont les pensions sont les plus modestes contribuent proportionnellement plus au financement des pensions très élevées dans le système actuel. Est-ce l'objectif ?
Dans ce contexte, MM. Woerth et Bazin ont raison, le seul enjeu est lié à la transition : à partir de 2027, les cotisations vont progressivement être supprimées, en passant de 8 à 3 PASS. Les recettes du système vont donc diminuer, alors qu'il faudra continuer à servir les pensions. D'où l'importance de la progressivité de la baisse, sur vingt ans.
Il s'agit du total. Nous n'allons pas basculer du jour au lendemain.
Dans le discours de La France insoumise, il y a – au moins implicitement – une forme de remise en cause de tels niveaux de salaire. Nous pouvons discuter du niveau de rémunération de ces 300 000 personnes, dont certaines touchent sûrement un salaire indu. Mais, par leur travail, par leurs compétences, certains super-cadres ou super-fonctionnaires apportent une véritable plus-value à notre pays. C'est pourquoi, même si c'est compliqué, nous devons trouver un équilibre entre un système de répartition universel, mais « équitable », et la nécessité d'attirer et de valoriser ces super-compétences en France, car elles sont nécessaires au bon fonctionnement de notre pays. J'entends que cet équilibre est politiquement délicat à trouver.
Monsieur Dharréville, vous chassez les fautes d'orthographe, mais au vu de tous les lièvres que soulève votre collègue Mme Autain, chassez plutôt ces derniers ! Vous ferez assurément une bonne chasse.
J'en reviens à mes lièvres. Le premier, c'est la conférence de financement qui a un cahier des charges particulièrement contraint : des milliards partent en fumée, au moment où on demande aux partenaires sociaux de trouver des solutions pour réduire les déficits !
Deuxième lièvre : vous allez alimenter la machine financière en proposant aux cadres de jouer leur retraite au loto sur les marchés. Madame Fabre, vous êtes subitement sensible aux écarts de salaires... mais vous ne m'écoutez pas !
Cessez de vous interpeller entre collègues, contentez-vous de dire ce que vous avez à dire !
Si vous êtes sensible aux écarts de revenus et aux injustices, soyez vigilants aux salaires et à la fiscalité, et pas au moment de la retraite. Ce n'est pas en mettant les mécanismes de redistribution et de solidarité du système de retraite à terre que vous allez combler les écarts. Vous avez supprimé l'impôt de solidarité sur la fortune, créé une flat tax, etc. Toutes ces mesures bénéficient aux plus riches. Attaquez-vous aux écarts de revenus, taxez les revenus du capital et les dividendes : vous verrez, c'est favorable à la justice sociale !
Vous faites comme si les économistes ne vous étrillaient pas sur l'absence d'effets redistributifs de votre réforme – je pense notamment à Antoine Bozio, qui en a inspiré l'idée au Président de la République, mais qui estime aujourd'hui qu'il est impossible d'établir l'existence d'effets redistributifs sur la base du document de 1 024 pages présenté comme une étude d'impact, mais dont 93 pages seulement méritent ce nom.
On sait certaines choses, par exemple que les cadres seront les grands gagnants de la réforme dans la mesure où, qu'ils partent à 62 ans ou à 65 ans, ils vont toucher entre 2 % et 15 % de plus selon les estimations, tandis que les femmes seront, elles, les grandes oubliées. En dehors de ça, c'est l'incertitude, donc l'inquiétude, qui prédomine, et vous ne pouvez faire comme si ce n'était pas le cas.
Tout porte à croire que cette réforme n'a été faite que pour favoriser les hauts revenus, comme l'ensemble de vos politiques publiques, qui visent, pour dire les choses clairement, à donner du pognon à ceux qui en ont déjà et, comme disait Coluche, à piquer le pognon des plus pauvres, parce qu'ils sont les plus nombreux ! C'est ce qui fait votre armature politique, et c'est pourquoi nous la combattons.
Bien sûr, Monsieur le secrétaire d'État, je suis disposé à retirer ce que je viens de dire si vous nous fournissez des études de cas prouvant que c'est faux...
Le dispositif proposé présente effectivement un problème d'efficacité redistributive, se traduisant par une redistribution négative pour certains revenus. Pour y remédier, il faudrait, à périmètre constant, organiser différemment la redistribution. Cela pourrait se faire à la fois par la prise en compte de l'espérance de vie dans l'âge de départ à la retraite, mais aussi de la pénibilité, car il y a treize ans de différence d'espérance de vie entre les 5 % de Français les plus riches et les 5 % les plus pauvres. Le problème, c'est que vous faites partir tout le monde au même âge – et pas tout à fait dans les mêmes conditions, puisque ceux qui ont commencé à travailler tôt auront une décote, tandis que ceux qui ont commencé tard auront une surcote.
Vous auriez également pu favoriser la redistribution en organisant sa progressivité entre 3 et 8 PASS, mais vous avez choisi de sortir du dispositif les 1 % de Français les plus riches, à qui vous allez rendre 4 milliards d'euros de cotisations en 2025. Vous n'en finissez pas de rembourser vos bookmakers mais faites attention, car ça commence à se voir sérieusement !
Enfin, pour ce qui est de la période de transition, j'aimerais disposer de chiffres plus précis, car ceux fournis par l'AGIRC-ARRCO ne sont pas les mêmes que ceux que vient d'avancer M. le rapporteur.
Je souhaite évoquer certains points précis, à commencer par le fait que les contribuables vont payer, sans doute pendant un certain temps, des cotisations sur les primes des fonctionnaires. Pouvez-vous nous dire combien cela va coûter à l'État ?
Par ailleurs, quel est le bilan financier du passage à 3 PASS ? Cette histoire-là n'est pas une bonne idée : il aurait fallu un plafond et des complémentaires allant jusqu'à 8 PASS, au lieu de quoi vous avez trois plafonds dont vous ne savez que faire... Il vous est donc venu cette idée saugrenue consistant à ne plus faire payer de cotisations aux personnes extrêmement riches, en leur laissant le soin de trouver elles-mêmes leur propre financement. On se demande quand même combien cela va coûter, monsieur le secrétaire d'État, d'autant que, si vous prévoyez une phase de transition sur vingt ans, durant laquelle le plafond à 8 PASS va progressivement diminuer, vous recréez ainsi des droits, puisque les personnes qui cotisent se constituent des droits : quel est le bilan financier de ce véritable feu roulant de droits que vous allez créer ?
M. Juanico s'est inquiété tout à l'heure du regain de créativité des institutions financières en matière d'épargne de retraite. Pour ma part, j'y vois plutôt une bonne chose, puisque cela va rendre notre pays attractif et servir l'économie. Quant aux excellents outils prévus par la loi « PACTE » dans ce domaine, ils vont permettre de renforcer les fonds propres des entreprises, donc de favoriser l'investissement et de créer de l'emploi, ce qui est exactement l'effet recherché – car en développant l'emploi, on augmente la masse de cotisations, ce qui est une très bonne chose pour notre système de retraite, qui se veut participatif, redistributif et par répartition.
M. Corbière a dit tout à l'heure qu'il fallait mutualiser l'ensemble des systèmes de retraite par capitalisation et plus spécifiquement les plans d'épargne retraite supplémentaire. Je ne sais pas si beaucoup de gens suivent nos débats, mais il me semble utile de préciser que cette mutualisation est hors de question. Moi qui ai été maire durant vingt ans, je peux vous dire qu'il est très courant, pour les fonctionnaires publics territoriaux, de cotiser à la PREFON pour améliorer leur future retraite : grâce à quelques dizaines d'euros par mois, ces fonctionnaires se constituent, en plus de la pension qui leur est octroyée par répartition, une retraite complémentaire par capitalisation. Si le projet de La France insoumise est de récupérer les fonds économisés par ces personnes, ce n'est pas celui de la majorité : le système que nous proposons consiste à solidifier la répartition et à améliorer la redistribution, mais il est hors de question que les bas de laine constitués par les personnes les plus modestes au sein de notre société soient récupérés au profit du nouveau système.
Je vais m'efforcer de fournir des éléments de réponse à toutes les questions, même quand elles ne portent pas vraiment sur l'article que nous examinons actuellement...
Je dirai d'abord au président Woerth que le bilan financier global des cotisations sociales du champ privé sur une transition à vingt ans englobant les salariés du secteur privé, les contractuels du public – donc les salariés du public – et les salariés agricoles, dans un système à 3 PASS et 8 PASS, s'établit de la manière suivante : c'est flat en 2025 ; en 2027, on a un gain de 100 millions d'euros ; en 2030, un gain de 300 millions ; et en 2040, un gain d'un milliard. Vous le voyez, il n'y a pas de coût pour les cotisations dans leur globalité.
Vous m'avez également interrogé sur un sujet qui vous intéresse beaucoup, comme nous tous, celui de la montée en charge progressive des cotisations salariales d'assurance vieillesse sur les primes des fonctionnaires. Il s'agit typiquement d'un sujet de transition, sur lequel j'aurai du mal à vous répondre avec précision, puisqu'il faudrait pour cela avoir calé l'ensemble des éléments relatifs à la montée en charge du dispositif et de la part qui sera prise en charge par l'État. Cependant, vous disposerez d'un regard sur cette question dans le cadre de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale et, en vous disant cela, j'espère rassurer le parlementaire et, surtout, le président de la commission des finances...
La commission rejette successivement les deux séries d'amendements identiques.
Section 1 : Dispositions applicables à l'ensemble des assurés
Article 13 – Cotisations applicables aux salariés et assimilés
La commission examine les amendements de suppression n° 21096 de M. Boris Vallaud et n° 21573 de M. Pierre Dharréville.
Nous abordons l'article 13, qui pose la question de l'équité contributive effective des assurés en fonction de leur niveau de revenu. En l'occurrence, cet article vient concentrer l'effort contributif sur les niveaux de revenu compris entre 1 et 3 PASS, soit moins de 10 300 euros par mois, là où le système actuel portait sur les tranches comprises entre 1 et 8 PASS. Ce point est très important, car nous sommes là au coeur des mécanismes de solidarité et, si nous souhaitons qu'ils aient un effet redistributif, y compris pour le système de retraite, nous considérons que votre projet de loi marque une régression en termes de redistribution. Pouvez-vous nous indiquer comment vous allez financer le surcoût financier dû à la perte de recettes, évaluée il y a quelques instants à 4 milliards d'euros par Boris Vallaud, mais aussi comment vous allez financer la période transitoire ? En effet, il va falloir régler la dette constituée envers ceux qui payaient jusqu'à présent entre 1 et 8 PASS et qui ont des droits acquis, ce qui représente également près de 4 milliards pendant quinze ans.
Nous sommes opposés à la solution consistant à sortir du système tous ceux qui perçoivent un salaire supérieur à 3 PASS, car nous estimons que cela revient à les encourager à avoir recours à la capitalisation, dont nous connaissons les effets délétères à la fois sur les retraites, avec l'incertitude que cela entraîne pour les personnes concernées, mais aussi sur l'économie elle-même, en raison du comportement de certains acteurs financiers que nous avons malheureusement déjà pu observer à de nombreuses reprises. Outre que nous estimons qu'il n'y a pas lieu d'alimenter les logiques de capitalisation, nous dénonçons un effet en trompe-l'oeil, qui vous permet d'afficher un effet redistributif que votre réforme n'a pas. Si vous voulez vraiment accroître la redistributivité, notamment pour cette tranche, il y a d'autres mécanismes que de faire sortir des cotisants du mécanisme mutualisé.
Ces amendements visent à la suppression de l'article 13, qui est le coeur du nouveau système d'équité contributive que nous vous proposons. Cet article prévoit un taux harmonisé de 28,12 %, qui correspond à ce que payent les salariés aujourd'hui, entre la cotisation de base et la complémentaire. Je rappelle que 90 % de ces cotisations permettront d'acquérir des points, et que 10 % financeront le système dans son ensemble. Enfin, la contribution des plus hauts revenus se trouve renforcée, puisqu'elle passe de 2,30 % à 2,81 % : vous trouvez peut-être que c'est insuffisant, mais cela représente tout de même une progression.
Par ailleurs, Monsieur Dharréville, vous évoquez les risques liés à la capitalisation. Connaissant le « coeur de cible » de votre formation, j'ai tendance à penser que, si des gens aux revenus élevés perdent de l'argent après avoir pris des risques, vous n'aurez sans doute pas trop de peine pour eux... En outre, je dois dire que le fait d'opposer systématiquement le capital aux salariés me laisse toujours dubitatif. En l'occurrence, on sait que 40 % du capital des entreprises du CAC40 sont aujourd'hui la propriété d'investisseurs étrangers, ce qui signifie que les fleurons de nos entreprises sont à la main d'investisseurs aux intentions pas toujours très claires : si une part supplémentaire de ces entreprises peut être détenue par certains de nos compatriotes, cela me semble constituer une garantie supplémentaire de stabilité du système. Je n'oppose pas les uns aux autres, car il faut une part de capital pour développer certaines entreprises. Le dispositif que nous avons mis au point, consistant à faire passer la cotisation de solidarité de 2,30 % à 2,81 %, nous semble aboutir à un équilibre satisfaisant par rapport aux objectifs que nous recherchons.
Je suis donc défavorable à ces amendements.
Mes chers collègues, je voudrais faire remarquer qu'il y avait un troisième amendement de suppression, qui avait été déposé par Mme Le Pen...
Cet amendement n'a pas été soutenu, puisque Mme Le Pen est absente, comme l'ensemble des députés signataires de cet amendement depuis le début de nos débats.
C'est précisément ce que je voulais faire remarquer, madame la présidente : les députés du groupe d'extrême droite sont absents depuis le début, ce qui n'est pas totalement anodin. En effet, si Marine Le Pen s'est rendue sur les plateaux télévisés pour expliquer qu'elle souhaitait la suppression du projet de loi, personne ne sait vraiment quels sont les choix de société de sa formation en matière de régimes de retraite. En réalité, la retraite par capitalisation ne les dérange pas, et ils ne sont évidemment pas garants, c'est le moins qu'on puisse dire, des mécanismes de solidarité. Pour ce qui est de s'opposer, on les voit dans les médias, mais quand il s'agit de venir à l'Assemblée pour discuter pied à pied du contenu d'un projet de loi, il n'y a plus personne !
Le plafonnement à 3 PASS est une mauvaise modalité, conçue comme un trompe-l'oeil. Les Français ont besoin de savoir, en tant que cotisants et en tant que contribuables, s'ils seront gagnants ou perdants pendant leur vie active et à la retraite. Ceux percevant plus de 3 PASS, c'est-à-dire plus de 123 000 euros, et jusqu'à 8 PASS, c'est-à-dire 329 000 euros, pourront bénéficier d'une baisse de cotisations jusqu'à 9 963 euros par an, mais ils perdront des droits à la retraite. Ces personnes seront donc gagnantes demain pendant la vie active, mais perdantes après-demain, durant leur retraite.
Les Français percevant entre 1 et 3 PASS – ce qui peut correspondre, par exemple, à un salaire annuel de 60 000 euros – se trouvent pour ainsi dire dans l'angle mort de la réforme. Ils cotiseront un peu plus qu'actuellement, mais sans percevoir davantage de retraite en contrepartie. En tant que contribuables, ils vont aussi payer des compensations, notamment celle des primes des fonctionnaires, ce qui fait qu'ils risquent d'être perdants à la fois demain et après-demain. Ainsi, avec ce dispositif de 3 PASS, vous affaiblissez le système par répartition et vous allez même faire des perdants dans les classes moyennes supérieures.
Monsieur le secrétaire d'État, pourriez-vous nous faire le compte rendu quotidien de l'avancée de la conférence de financement ? Je ne sais pas si la conférence se réunit aussi le samedi, comme nous : on a parlé de lièvres tout à l'heure, j'espère au moins que les membres de la conférence de financement ne sont pas des marmottes...
Je veux d'abord rappeler qu'à l'origine, ce sont les cadres eux-mêmes qui ont souhaité cotiser sur 8 PASS. Selon une étude réalisée par l'AGIRC-ARRCO, la perte de recettes en résultant sur quinze ans serait de 67 milliards. Quant au rapport Delevoye – qui reste un document de référence, me semble-t-il, même si son auteur n'est plus là pour en parler –, il prévoit que les recettes du système restent fixes pour ne pas entraîner une hausse du coût du travail, ce qui implique obligatoirement une baisse des pensions et un report de l'âge de départ en retraite. En effet, si on se base sur le coût du travail, il y a évidemment une répercussion sur le montant des pensions. Monsieur le secrétaire d'État, pourriez-nous nous faire part de votre analyse de l'étude de l'AGIRC-ARRCO ?
J'ai entendu dire tout à l'heure que nous étions en marche vers la capitalisation : c'est vrai, nous sommes en marche vers la capitalisation des bonnes réformes ! Je vais commencer par rappeler brièvement aux personnes qui suivent nos débats ce qu'est un PASS, car tout le monde ne le sait pas forcément : c'est le plafond annuel de la sécurité sociale, qui s'élève à 41 136 euros.
Le plafond des 3 PASS est l'un des premiers paramètres ayant été retenus pendant les concertations. Ce dispositif fait consensus auprès des partenaires sociaux, mais aussi auprès de personnes faisant référence, comme les économistes Thomas Piketty ou Antoine Bozio, qui estiment qu'un système de retraite supérieur à 3 PASS présente un caractère anti-redistributif. Le 1 % des salariés les plus aisés, ce qui représente 240 000 personnes, ne vont pas s'ouvrir de droits à la retraite et vont voir leurs cotisations de solidarité augmenter de 20 %. Faire référence à 3 PASS assure la redistribution et renforce la solidarité financière du système. Enfin, la transition ne coûte pas 3,5 milliards par an, Monsieur Bazin, car cette somme est lissée sur quinze ans.
On parle beaucoup des 3 PASS et de la règle antérieure des 8 PASS, mais il ne faut pas oublier que ces retraites sont déductibles de l'impôt sur les sociétés et représentent donc une charge. Le passage à 3 PASS va entraîner un impôt sur les sociétés complémentaire, donc une taxation supplémentaire des entreprises. On ne parle que de la perte de gain que la réforme pourrait avoir pour les salariés mais, s'agissant d'une charge déductible, les cadres avaient évidemment intérêt à aller jusqu'à 8 PASS, la charge correspondante étant en quelque sorte payée par l'impôt sur les sociétés. Aujourd'hui, il faut bien comparer ce que représentent respectivement le gain que constitue l'impôt sur les sociétés complémentaire, résultant de la non-déductibilité des charges, et la perte de ressources liées aux cotisations de solidarité.
Je le répète, il y avait bien des façons de régler la question de l'effet anti-redistributif pour les hauts revenus, notamment la possibilité de rester jusqu'à 8 PASS et d'organiser la progressivité entre 3 et 8 PASS : c'est ce que nous proposerons dans un amendement à venir, qui pourrait séduire M. Mattei ou M. Hammouche.
Toujours au sujet des charges déductibles, je vous rappelle que dans la loi « PACTE », le groupe Socialistes et apparentés avait proposé qu'au-delà d'un écart de un à douze, précisément, on ne compte pas comme une charge les surrémunérations de certains cadres et hauts dirigeants, ce qui permettait de régler la difficulté qui vient d'être évoquée.
Par ailleurs, plutôt que d'organiser la redistributivité à périmètre constant, ce qui était gage de justice, vous avez choisi de faire sortir du système le 1 % de Français les plus riches. Dans ces conditions, il est facile de dire que l'écart interdécile entre les plus hautes et les plus basses pensions s'est trouvé réduit, puisque vous avez fait sortir ceux qui tiraient cet écart vers le haut. Le choix que vous avez fait n'est pas le meilleur qu'on puisse imaginer en termes de justice.
La commission rejette les amendements.
La réunion, suspendue à onze heures dix, reprend à onze heures trente.
La commission est saisie des amendements identiques n° 5094 de Mme Clémentine Autain, n° 5097 de M. Alexis Corbière, n° 5099 de M. Bastien Lachaud et n° 5110 de Mme Bénédicte Taurine.
Monsieur le rapporteur, vous nous disiez tout à l'heure que vous vous réjouissiez que les plus riches prennent des risques : vous défendiez en fait l'exclusion du régime général des personnes touchant plus de 3 PASS, c'est-à-dire plus de 10 000 euros par mois, et qui vont prendre un risque en investissant dans l'épargne privée, c'est-à-dire dans la capitalisation, l'argent qu'ils ne mettront plus dans les cotisations sociales. Je voudrais vous rappeler qu'à l'origine, le projet universel du Conseil national de la Résistance, dont vous osez assez régulièrement vous réclamer, consistait précisément à intégrer tout le monde, dans une vraie logique d'universalité. J'insiste sur le manque à gagner : selon Bruno Le Maire, ce sont 80 milliards d'euros qui vont, à court terme, disparaître des caisses, ce n'est pas rien !
Par ailleurs, j'aimerais savoir quelles garanties vous pouvez nous donner que, demain, on ne va pas s'attaquer à ceux qui sont à moins de 3 PASS. Qu'est-ce qui nous dit que vous n'avez pas mis le doigt dans un engrenage qui vous conduirait prochainement à exclure les personnes percevant 2 PASS, puis un seul ? C'est une vraie question, car le risque que j'évoque est bien réel.
Effectivement, votre système fait sortir le 1 % des Français les plus riches, et je constate que notre collègue Bazin n'a pas obtenu de réponse à la question tout à fait pertinente qu'il avait posée sur ce point, à savoir combien va coûter la baisse drastique des cotisations des plus riches, alors que nous allons devoir payer leurs retraites pendant plusieurs années. À n'en pas douter, cela représente un coût très significatif, ce qui me fait penser que votre dispositif ne permet pas d'assurer l'équilibre financier du système – l'étude d'impact ne contient rien de concluant à ce sujet. J'y vois une forme de gaspillage qu'on ne s'explique pas, mais qui conduit à ce que les catégories modestes et les classes moyennes paient pour les plus riches, qui cotiseront moins et pourront aller capitaliser par ailleurs : j'espère au moins qu'ils sont reconnaissants !
Les plus riches vont en effet être, si ce n'est contraints, du moins fortement incités à capitaliser, s'ils veulent préserver leur niveau de vie. Les assurances ne s'y trompent pas et on a ainsi pu lire sur le site d'AXA, avant que cela ne soit retiré, un texte invitant les Français à capitaliser en vue de « la baisse programmée des futures pensions » car « en outre, les premières pistes de réflexion de la réforme globale des retraites ne sont pas encourageantes. Mise en place d'un système unique à points, plafonnement possible des cotisations, incitations à reculer l'âge de liquidation de la retraite : l'ensemble de ces indicateurs augure d'une potentielle dégradation des retraites à l'avenir. Il est donc essentiel de prendre les devants et de la préparer le plus tôt possible par le biais de l'épargne individuelle. ». Vous le voyez, la réforme proposée ouvre la voie à la capitalisation.
L'amendement n° 5110 vise à la suppression de l'alinéa 1 de l'article 13. Si je n'ai pas pu prendre part aux débats avant ce matin, c'est parce qu'en fin de semaine, j'étais auprès des salariés en grève, toujours mobilisés...
.. et qui ont bien compris que cette réforme de la retraite n'allait pas dans leur sens. Leur seule demande consiste dans le retrait de ce projet et c'est pourquoi nous allons lutter pied à pied pour obtenir gain de cause pour ces salariés que nous défendons.
Madame Autain, je pense que vous avez mal compris mes propos. Je ne me suis pas réjoui que des gens prennent des risques financiers, j'ai simplement répondu à M. Dharréville, qui évoquait le risque pris par ceux qui placent de l'argent dans des régimes par capitalisation, qu'ils assumaient le risque de subir une perte.
Pour ce qui est des flux financiers, le montant de 70 milliards d'euros dont font état certaines études correspond à l'hypothèse où, du jour au lendemain, on supprimerait le taux de cotisation à 25 % entre 3 et 8 PASS, ce qui représente 3,5 milliards pendant vingt ans. Or, il n'est aucunement question de supprimer d'un seul coup la tranche de 3 à 8 PASS : en réalité, d'un côté le plafond de 8 PASS va diminuer pendant vingt ans – en passant à 7,9, puis à 7,8, et ainsi de suite jusqu'à ce qu'il arrive à 3 – de l'autre, tout aussi progressivement, il va y avoir moins de droits acquis. Le flux de trésorerie va donc constituer un jeu à somme nulle : dans un premier temps, il y aura moins de rentrées de trésorerie alors que les pensions servies resteront au même niveau, puis le montant des pensions va lui aussi commencer à diminuer. Cela va représenter un flux de trésorerie de l'ordre de quelques centaines de millions chaque année pendant vingt ans.
Les cotisations qui étaient plafonnées à 1 PASS pour certaines professions vont monter à 3 PASS. Dans le nouveau système, on va donc couvrir par répartition 100 % des Français jusqu'à 3 PASS, et il y aura 1 % des Français, ceux qui sont au-delà de 3 PASS, dont une partie de la rémunération ne sera pas couverte par ce système. Enfin, je rappelle que les assurances telles que Groupama ou AXA proposent depuis longtemps des produits d'épargne individuelle, et je dirai à titre personnel qu'il ne me paraît pas aberrant que les gens mettent de côté 50 ou 100 euros par mois pour se prémunir contre les accidents de la vie – j'imagine que nous sommes nombreux dans cette salle à l'avoir fait –, ni qu'ils soient incités à le faire.
J'émets donc un avis défavorable à ces amendements.
Mes chers collègues, il serait bon que vous évitiez de citer les noms des assurances, car certains pourraient finir par penser que nos débats sont sponsorisés...
Je commencerai par dire que, pour ma part, je ne me réjouis pas que des gens puissent perdre leurs économies, d'autant que, lorsqu'un tel événement survient, il contribue à la destruction de valeur : je n'en vois donc pas l'intérêt. Cela dit, l'accumulation de richesses par quelques-uns constitue bien un problème. À ce sujet, vous avez dit tout à l'heure, monsieur le rapporteur, que le fait d'opposer systématiquement le capital aux salaires vous laissait dubitatif. En réalité, il existe bel et bien aujourd'hui une opposition d'intérêts entre ceux qui possèdent le capital et ceux qui travaillent : c'est une contradiction objective au sein de la société, qu'il faut bien affronter – et je crois qu'en la matière, vous prenez position en faveur du capital avec votre projet de loi.
J'estime par ailleurs que tout cela contribue à l'assèchement des ressources de la sécurité sociale, alors qu'on pourrait opter pour une répartition différente. Je crains que les choix faits dans ce domaine ne finissent par faire système, et que vous nous expliquiez prochainement que chacun doit avoir dans sa retraite une part de répartition et une part de capitalisation.
Le passage progressif de 8 à 3 PASS que vous décrivez n'est pas dans le texte, monsieur le rapporteur, ce qui gêne la réflexion pouvant être menée sur ce point – on observe même une confusion entre les retraités actuels et les futurs retraités. J'estime que nous devons avoir une approche analytique globale, en considérant à la fois les cotisations des actifs, mais aussi les sorties de pension pour ceux qui sont déjà à la retraite.
Vous évaluez le besoin de trésorerie à quelques centaines de millions par an, mais les réserves ne sont pas un puits sans fond : à force de les pomper, elles vont se vider et nous n'aurons plus rien pour la dépendance. Le seul moyen d'équilibrer les finances consistera alors à baisser le montant des pensions, ce qui ne serait pas acceptable. La grande question de la transition, c'est de savoir qui va la payer : le contribuable, ou bien les cotisants ? En l'absence de réponse à cette question, nos inquiétudes ne font que grandir au fil des débats alors que la seule certitude qu'on ait désormais, c'est que la transition sera longue, incertaine et coûteuse.
Pour élargir un peu le débat sur l'article 13, je veux souligner que la cotisation non créatrice de droits qui va être instaurée sera destinée, si je ne me trompe, à financer des dépenses de solidarité. Or, il est indiqué dans le projet de loi que sont distinguées, d'une part, les dépenses de solidarité prise en charge par le Fonds de solidarité vieillesse universel (FSVU), d'autre part, les dépenses contributives, prises en charge par la CNRU. Dans ces conditions, je ne comprends pas bien ce que va financer cette cotisation à 2,81 % Sauf erreur, il y a eu sur ce point un changement par rapport au projet initial, car il était prévu dans le rapport Delevoye que le FSVU ait plutôt vocation à financer les départs précoces : pouvez-vous nous éclairer sur ce point ?
Monsieur le rapporteur, vous avez dit que le fait que les assurances proposent des produits d'épargne retraite n'était pas une nouveauté, et que de nombreuses personnes plaçaient ainsi 50 ou 100 euros par mois. Le problème, c'est que les sommes qui sont ici en jeu sont bien différentes : étant donné que 3 PASS représentent un salaire de 10 000 euros et 8 PASS un salaire de 27 000 euros, la différence de cotisation entre le haut et le bas de la tranche s'élève à 28 % de l'écart de 17 000 euros entre les deux, soit 4 420 euros – l'équivalent de 3,5 SMIC. Ainsi, les gens qui perçoivent un salaire représentant 8 PASS vont pouvoir investir chaque mois 3,5 fois le SMIC dans leur épargne retraite personnelle – et là-dessus, ils vont encore bénéficier d'une exonération d'impôt grâce à la loi « PACTE » ! Nous souhaitons savoir à combien va s'élever le manque à gagner pour l'État résultant à la fois de la diminution du montant des cotisations et de l'exonération fiscale prévue.
Comme l'a fait remarquer notre collègue Mattei, les personnes dont le revenu est situé entre 3 et 8 PASS vont en réalité subir une augmentation de l'impôt, résultant de l'augmentation de leurs revenus.
Par ailleurs, j'ai trois remarques à faire. Premièrement, il est faux de dire, comme l'ont fait certains de nos collègues, notamment de La France insoumise, que la masse financière présente dans le système de répartition va augmenter, puisque le nombre de ceux qui vont entrer dans la tranche de 1 à 3 PASS est nettement supérieur au nombre de ceux qui sortent de la tranche entre 8 et 3 PASS. Il ne faut pas penser, comme vous le faites, qu'il n'y a qu'un seul système de retraite, car c'est beaucoup plus complexe que cela.
Deuxièmement, vous dites représenter les travailleurs, mais je vous rappelle que la CFDT, qui est à ma connaissance le syndicat majoritaire, est favorable à la restriction de la retraite à 3 PASS.
Troisièmement, il ne faut pas perdre de vue qu'il est prévu une augmentation du prélèvement obligatoire de 0,5 % pour les Français les plus aisés. Puisque vous êtes obsédés par l'imposition des revenus, reconnaissez que cela, au moins, est une avancée à vos yeux !
La commission rejette les amendements.
Puis elle examine les amendements identiques n° 5111 de Mme Clémentine Autain, n° 5114 de M. Alexis Corbière, n° 5116 de M. Bastien Lachaud et n° 5133 de Mme Bénédicte Taurine.
Nous obtenons peu de réponses, mais nous sommes tenaces, et je vais enfoncer le clou en vous demandant une fois de plus à combien vous évaluez le manque à gagner résultant de la baisse des cotisations entre 3 et 8 PASS, ainsi que de l'exonération fiscale permise par la loi « PACTE ». Vous devriez être en mesure de nous le dire, puisque Bruno Le Maire est capable d'évaluer à 80 milliards d'euros le montant de ce qui va partir en capitalisation.
La question que nous vous avons posée à plusieurs reprises, et que Mme Autain vient de rappeler, est importante, car la gabegie financière que nous dénonçons va avoir, en raison de son ampleur, des conséquences significatives pour notre pays.
Le président Mignola a jugé nécessaire d'insister sur le fait que je ne suis pas favorable aux dispositifs de type PREFON, auxquels ont recours les fonctionnaires pour compléter leurs petites retraites, comme s'il voulait prévenir les gens que je m'apprête à leur faire les poches... En réalité, il n'y a pas besoin d'épouvantail à moineaux : je voulais au contraire défendre les fonctionnaires en soulignant que c'est le mauvais sort réservé aux fonctionnaires – gel du point d'indice, faible montant des pensions, etc. – qui les incite à adopter des stratégies individuelles pour compléter des pensions d'un montant insuffisant. Ce que nous proposons, c'est avant tout d'augmenter les rémunérations du public et du privé, car le débat sur les retraites n'est en fait que le reflet des carrières, et...
Ce débat est assez surréaliste car, au cours de chaque réunion, il y a toujours un point sur lequel le Gouvernement et le rapporteur sont incapables de nous répondre. Hier après-midi, c'était sur le revenu d'activité, que vous avez adopté sans débat, et aujourd'hui, c'est la question du montant qui ne va pas entrer dans les caisses de l'État à cause de l'exonération fiscale dont vont bénéficier les opérations de capitalisation que vous prônez...
L'amendement n° 5133 a pour objet d'empêcher la suppression des dispositions de l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale. En effet, la modification induite par l'alinéa 2 de l'article 13 fait reposer le financement de la couverture des charges de l'assurance vieillesse et de l'assurance veuvage sur les seuls revenus d'activité qu'ils perçoivent, en prétextant le renforcement de la logique contributive et la volonté d'un pilotage automatique.
Je voudrais revenir sur une erreur que j'ai commise lorsque j'ai présenté le dispositif. Il s'agira non pas de diminuer progressivement le plafond, pour passer de 8 à 3 PASS, mais d'abaisser le taux, de l'ordre d'un vingtième chaque année, ce qui revient finalement au même.
Par ailleurs, pour répondre à M. Vallaud, le taux de 2,81 % – 10 % de 28,1 % – figure bien dans le rapport Delevoye.
S'agissant du calcul de M. Lachaud, tous les salariés ne gagnent pas 8 PASS : certaines rémunérations peuvent être équivalentes à 3,1 ou 3,2 PASS. Puisqu'il n'y a pas 17 000 euros d'écart entre ces deux catégories, on ne peut pas prendre les 25 % de 17 000. La part plafonnée de la cotisation d'une personne rémunérée 10 500 euros sera calculée sur 10 000 euros, par exemple. Je ne souhaite pas poursuivre le débat sur les rémunérations allant de 3 à 8 fois le PASS, car chacun a pu faire part de sa différence d'approche.
Avis défavorable.
L'article comprend aussi la possibilité de modifier les taux de cotisation, ainsi que la répartition entre employeurs et salariés, par une délibération du conseil d'administration de la CNRU, et par décret. Est-il possible que le Gouvernement l'utilise ?
Je suppose qu'il s'agira d'augmenter plutôt que de baisser les taux, pour respecter l'équilibre financier pluriannuel, principe qui n'est jamais défini très clairement dans le texte, puisque les mesures de financement n'y figurent pas. Lorsque, y compris sur les plateaux de télévision, on énumère les éléments-clefs d'un système de retraite – cotisations, âge, niveau des pensions –, le Gouvernement exclut systématiquement de modifier les taux de cotisation et le niveau des pensions. Or l'article semble permettre une telle évolution. Le Gouvernement a-t-il l'intention d'utiliser cette ouverture que laisse la loi ?
À chacune de vos interventions, vous semblez nous dire : « Ce sont vos questions, mais ce sont nos réponses ». J'ai bien compris de quoi relevait le taux de 2,8 %, mais ma question portait sur ce qu'il financerait, dans la mesure où la loi distingue les dépenses de solidarité prises en charge au sein du FSVU et les dépenses contributives gérées par la CNRU. Si la frontière avec ce que financeront les 2,8 % n'est pas claire pour moi, il se peut qu'elle ne le soit pas pour vous non plus.
La baisse des cotisations sur les rémunérations situées entre 3 et 8 PASS a deux effets. Elle entraîne d'abord une diminution des droits futurs, qui, selon les statistiques, que nous avons rappelées hier, sont plus élevés et perçus plus longtemps que la moyenne pour les hauts revenus. Second effet : en l'absence de cotisation vieillesse, Jean-Paul Mattei l'a évoqué, l'assiette augmente, ce qui crée d'autres recettes fiscales et sociales. Nous en reparlerons lorsque nous discuterons de la progressivité de la baisse de ces cotisations, à l'alinéa 2 de l'article 15.
J'en viens à la question du président Woerth sur notre éventuelle intention d'augmenter les taux de cotisation. Le Gouvernement, vous l'avez compris dans ce texte, a fait le choix de laisser tous les leviers à la gouvernance, dans laquelle les partenaires sociaux seront très largement représentés. C'est bien la marque de confiance qu'il lui fait. Je ne peux donc vous répondre que pour le Gouvernement, non pour la gouvernance, qui aura tous les leviers. Comme nous l'avons dit, nous ne voulons pas voir augmenter le coût du travail. Nous sommes également très attentifs au niveau des pensions, que nous ne souhaitons pas voir baisser. Telle est notre position politique. Nous entendons que la démocratie sociale veut s'exprimer, et avons pris certains engagements envers elle, que nous voulons respecter.
Pour une fois, nous sommes d'accord avec vous : ne prenons pas 4 420 euros pour les 240 000 personnes qui nous occupent, faisons une moyenne à 2 210. Mais 2 210 fois 240 000, ce sont 530 millions par mois qui partiront dans la capitalisation. Multipliés par douze mois, cela fait 6 milliards par an. Comment ferez-vous pour financer un tel manque à gagner ?
Madame la présidente, pourriez-vous donner la parole à M. Marilossian, qui s'exprime toujours hors micro ?
Monsieur Corbière, permettez-moi une petite mise au point, car de telles remarques reviennent de manière récurrente. Nous avons commencé la réunion à 9 heures 30 ; il est à présent midi. Hormis le rapporteur, dont vous sollicitez voire exigez les réponses, les membres de la majorité ont parlé 6 minutes. Cela signifie que toutes les oppositions s'expriment depuis 2 heures, sans être interrompues, si j'y parviens.
Nous ne sommes pas des robots, ni des Playmobil. Il nous arrive de respirer, de soupirer, de hausser les sourcils, et même de dire quelques mots. Souffrez d'entendre des remarques. J'essaie sans arrêt de rétablir le silence, sur tous les bancs, pour éviter de tels commentaires.
Il ne m'a pas échappé que la majorité avait en effet fait voeu de silence et d'abstinence, ce qui provoque parfois des soubresauts.
Monsieur le secrétaire d'État, je vous ai interpellé sur l'étude de l'AGIRC-ARRCO, qui évalue la perte de recettes due à cette mesure à 67 milliards sur quinze ans. Disposez-vous d'éléments, tels qu'une étude d'impact corrigée, qui contredisent cette évaluation ?
À Dieppe, on résume la réforme en disant que c'est « chacun son pain, chacun son hareng » – je l'ai dit plusieurs fois. Le projet de loi conduit à individualiser les droits, à ce que chacun épargne ses cacahuètes, comme il le peut. Et mieux vaut avoir les moyens car, avec un petit salaire, on n'épargne rien. À chaque fin de mois, les frigos sont vides et on n'a mis aucun rond de côté. À chaque accident de vie, on se demande comment l'assumer. C'est donc une réforme qui favorise les hauts revenus : chacun a son pain, mais, sur le pain, il n'y a pas la même chose.
Monsieur le secrétaire d'État, votre intention est de ne pas augmenter le coût du travail pour les entreprises, c'est-à-dire de ne pas toucher aux charges patronales, et que les retraites ne baissent pas. Il vous reste comme possibilité de modifier l'âge ou les cotisations sociales, ce qui conduirait à une baisse du pouvoir d'achat des personnes qui travaillent actuellement. Il serait intéressant de connaître votre intention sur ce point.
Un problème de méthode se pose : si la conférence de financement n'aboutit pas à une solution de financement consensuelle, quelle décision prendra le Gouvernement et sur quelles mesures voterons-nous ? Dans le cas contraire, le Gouvernement et le Parlement n'auront-ils qu'à enregistrer les dispositions de la conférence ou pourront-ils se prononcer ?
Puisqu'il est question de prélèvements obligatoires, allons-nous conserver un paritarisme de gestion ou passer à un paritarisme de caution ? Il est important de savoir si les décisions en matière de cotisations salariales relèvent entièrement du paritarisme ou si le Gouvernement pourra les prendre à tout moment.
Dans cette discussion assez irréelle, vous donnez l'impression que les salariés ne font que penser à leur retraite. Or une personne qui construit sa vie professionnelle a plutôt envie d'un bon salaire, pour s'assurer un certain confort. Nos débats semblent indiquer que tous les revenus excédant 3 PASS seront affectés à de l'épargne en lien avec ces affreux fonds de placement. Mais les salariés vont aussi consommer donc acquitter la TVA. J'ai l'impression que nous n'avons pas la même vie...
En tant qu'entrepreneur, lorsque je discute avec mes collaborateurs, je vois bien qu'ils ont leur pouvoir d'achat plus en tête que leur retraite.
Bien que vous la critiquiez, la loi « PACTE » est un très bon texte, qui permet notamment l'intéressement des salariés et des changements dans la gouvernance. Nous avons aussi redéfini l'objet social de l'entreprise, pour en faire un lieu plus solidaire, où les « patrons » et les salariés travaillent ensemble. Ce ne sont pas de petites mesures !
Pardon d'insister, mais lorsque nous posons une question précise, qui porte sur l'article, nous aimerions recevoir des réponses précises. Le rapport Delevoye prévoyait qu'au titre de la solidarité, le Fonds de solidarité financerait les départs précoces liés à la pénibilité. Si j'ai bien compris, ce n'est plus le cas dans le projet de loi. Quel est donc le partage entre le FSVU et la CNRU, qui prend en charge les dépenses contributives ? La question est simple, cadrée.
La commission rejette les amendements.
Puis elle examine les amendements identiques n° 5145 de Mme Clémentine Autain, n° 5148 de M. Alexis Corbière, n° 5150 de M. Bastien Lachaud et n° 5161 de Mme Bénédicte Taurine.
L'amendement vise à supprimer l'alinéa 3. J'en profite pour demander à nouveau s'il est possible d'évaluer les recettes que perdront les caisses publiques – M. le secrétaire d'État n'écoute pas, il connaît ma question mais n'a pas la réponse. Mon camarade communiste, M. Jumel, a parlé de 67 milliards d'euros en moins, selon l'AGIRC-ARRCO. Quelle est votre estimation ?
Nous aimerions en effet avoir des précisions, pour mieux nous enrichir mutuellement, ce qui est très stimulant.
Monsieur Mattei, vous nous dites que nous n'avons pas la même vie. Cela vaut certainement mieux pour vous ! Pour ma part, je ne passe pas mon temps à parler avec des gens qui se demandent où ils pourraient bien capitaliser, car le Gouvernement vient de défiscaliser tel ou tel dispositif.
Certes, mais quand vous parlez de vos « collaborateurs », qui se félicitent de la loi « PACTE », avouez que, sociologiquement, c'est très ciblé. Tout le monde n'a pas un surplus de revenu à placer ou l'occasion de défiscaliser. Nous n'avons pas tout à fait la même vie, en effet : je ne baigne pas dans cette ambiance.
Le vrai paradoxe de ce travail en commission est d'avoir une étude d'impact pléthorique, de plus de mille pages, que le Conseil d'État a jugée au mieux erratique, au pire frauduleuse. (Exclamations.) Ce qui est sûr, c'est qu'elle est lacunaire car nos questions ne trouvent pas de réponse. Dans les mille pages de l'étude, monsieur le rapporteur, trouvez-vous la réponse à notre question sur le manque à gagner pour les finances de l'État du fait de l'exonération de la capitalisation et de l'épargne retraite instituée par la loi « PACTE » ? Soit le chiffre figure dans l'étude d'impact, soit le Conseil d'État avait raison de la qualifier ainsi.
Nous demandons la suppression de l'alinéa 3 afin d'insister sur l'importance des cotisations sociales. Votre réforme conduit à faire dépendre la valeur de rendement du point, déterminant le montant des pensions, de la conjoncture. De nombreux Français vivent actuellement dans l'angoisse car ils sont dans une situation économique très précaire jusqu'à leur retraite. Celle-ci durera-t-elle après leur retraite, et jusqu'à leur mort ?
Chaque série d'amendements donnant lieu à sept ou huit interventions, je ne peux pas répondre à toutes les questions posées, non seulement en raison des effets de redite mais aussi parce qu'il m'arrive d'oublier certains sujets abordés.
M. Woerth a souligné le fait qu'en matière de cotisations, la répartition entre les employeurs et les salariés pouvait être modifiée par décret. Je n'imagine pas un seul instant que le ministre qu'il fut ignore que les taux de cotisation se définissent par décret. Cette possibilité d'évolution, qui est réelle, existait déjà auparavant. Le Gouvernement n'a toutefois pas la volonté d'utiliser cette possibilité, même s'il la conserve au cas où les conditions économiques et sociales viendraient à changer.
Monsieur Lachaud, votre calcul du manque à gagner se fonde sur une répartition homogène des personnes dont les rémunérations sont situées entre 3 et 8 PASS. Or il y a évidemment davantage de Français qui gagnent aux alentours de 3 PASS que de 8 PASS. La suppression instantanée de la cotisation sur la population gagnant entre 3 et 8 PASS représenterait 3,5 milliards d'euros, soit 170 millions par an par lissage linéaire sur vingt ans. Ce n'est pas 6 milliards par an, comme vous l'avez calculé.
Même chose pour M. Jumel : l'étude de l'AGIRC-ARRCO ne tient pas compte de la période de transition, comme si nous supprimions en 2027 le taux de 26 % appliqué aux rémunérations comprises entre 3 et 8 PASS.
Je donne donc un avis défavorable à ces amendements.
M. Mattei nous dit que, pendant leur vie active, les gens ne sont pas dans l'obsession de leur retraite, ce qui est vrai pour partie. C'est d'ailleurs pour cela que nous pensons qu'il faut prélever une part de cotisations sur le salaire, afin de garantir une retraite à chacun. C'est une protection collective.
Vous nous dites que ces Français dont les rémunérations sont situées entre 3 et 8 PASS consommeront. Ils auront donc une plus-value de pouvoir d'achat, qui alimentera les critiques que l'Observatoire français des conjonctures économiques vous a adressées récemment sur le fait que vous favorisez les plus hauts revenus. Je rappelle que ces derniers jouent un rôle non négligeable dans la progression du salaire moyen. Il y a donc un problème d'inégalité, que le projet de loi accroît encore.
Enfin, si vous avez mesuré les effets de seuil provoqués, pourquoi le régime est-il identique pour les rémunérations égales à 3 et à 8 PASS ? Où en êtes-vous des discussions avec les cadres, qui sont les premiers concernés ? La CFE-CGC a déjà affirmé son désaccord avec la mesure.
Je ne désespère pas d'obtenir une réponse à la question que j'ai posée à plusieurs reprises.
J'en avais posé hier une autre, également demeurée sans réponse, pour savoir ce que vous entendiez par le fait que le Gouvernement prend en compte les délibérations du conseil d'administration de la CNRU dans l'élaboration de la loi de financement de la sécurité sociale. Le fait de traduire les délibérations du conseil d'administration dans un décret n'étant pas seulement une mesure technique, comment s'établit ce partage des tâches ?
Les articles étant liés les uns aux autres, je rappelle que, dans l'article 57, qui pourra être activé selon le résultat de la conférence de financement, le Gouvernement aura la possibilité, dans la limite du besoin de financement, de recourir à d'autres paramètres, comme l'âge d'ouverture des droits à la retraite et les conditions d'âge et de durée d'assurance requises. L'habilitation est très large, y compris pour les éléments que vous envisagez de ne pas modifier.
J'entends souvent que l'étude d'impact contient plus de mille pages mais, en réalité, elle n'en comporte que 120 ou 130.
S'agissant de la répartition entre pouvoir réglementaire et pouvoir législatif, monsieur le rapporteur, je suis d'accord avec vous. Mais l'article traite des pouvoirs de la CNRU, qui peut changer les taux. Son intention sera d'ailleurs plutôt de modifier les taux de cotisation que les mesures d'âge. Le système comprend donc un risque inhérent, celui de l'augmentation des cotisations car c'est toujours ainsi que cela finit, en France. C'est pourquoi, bien que je sache que vous ne pouvez pas répondre à cette question, je demandais quelles étaient les intentions du Gouvernement à ce sujet,
Par ailleurs, Thibault Bazin et moi-même sommes taraudés par la question de savoir si la conférence de financement se réunit au même rythme que le Parlement. Nous souhaiterions avoir connaissance de ses travaux afin de prévoir comment nous en intégrerons les conclusions – si elles sont définies clairement, ce qui me surprendrait.
Je reprends à mon compte la question de M. Woerth, avant de reformuler celle à laquelle nous n'avons toujours pas eu de réponse.
La loi « PACTE » prévoit des exonérations fiscales sur les cotisations d'épargne retraite. Or le projet de loi retire du régime général les personnes dont les rémunérations sont situées entre 3 et 8 PASS, c'est-à-dire celles et ceux qui gagnent plus de 10 000 euros par mois. Ces personnes seront incitées à placer leur argent dans des produits d'épargne privée. Quel sera le manque à gagner de cette mesure pour l'État ? Je pense que vous avez des outils pour estimer le manque à gagner de cette espèce de niche fiscale pour les caisses publiques et j'espère que vous avez réalisé des projections pour l'évaluer.
Je reformule là une question que nous avons déjà énoncée une dizaine de fois sans obtenir de réponse. Travailler ainsi est très fatigant, et j'avoue que je ne comprends pas du tout à quoi sert cette commission.
Je prends la parole pour la première fois aujourd'hui, tant mon intervention se justifie. (Exclamations.) Nous venons d'assister à un bel exemple de ce que les députés du groupe La France insoumise sont capables de dire et de faire. M. Lachaud vient d'affirmer que le Conseil d'État a qualifié l'étude d'impact du projet de loi de « frauduleuse ». C'est ce que j'appelle un exemple de propagande manipulatoire dont La France insoumise est coutumière. En effet, ce terme ne figure pas dans le rapport du Conseil d'État. Je demande donc à M. Lachaud de bien vouloir s'excuser et retirer ce qualificatif. (Exclamations.)
La commission rejette les amendements.
Puis elle examine l'amendement n° 22542 de M. Boris Vallaud.
Il vise à rendre la contribution des assurés progressive en fonction de leurs revenus, pour les catégories de rémunérations allant jusqu'à 8 PASS. Il est essentiel que les mécanismes de solidarité, en particulier ceux du système de retraite, aient un effet redistributif. L'amendement établit que la part de la cotisation de solidarité augmente en fonction des revenus de l'assuré, avec un seuil de bascule pour les rémunérations égales à 8 PASS. Au-delà, elle devient supérieure à la part génératrice de droits pour l'assuré. Un tel mécanisme permet d'assurer un effet redistributif réel et proportionné.
Je profite de cet amendement du groupe Socialistes et apparentés, pour répondre à la question de M. Vallaud.
Le taux de 2,81 % contribue au financement des éléments de solidarité du système. Si le futur FSVU pourra prendre en charge certains éléments de solidarité relatifs à la maternité ou au chômage, en étant abondé par des droits au chômage, il ne gérera pas d'autres éléments, comme la réversion, qui passera à 70 % des points de retraite du couple dans le système futur, sans que des cotisations n'aient été perçues pour cela.
Vous avez aussi évoqué le fait que le Gouvernement tiendrait compte des décisions du conseil d'administration de la CNRU. En effet, si ses conclusions n'étaient pas compatibles avec la trajectoire fixée et ne permettaient pas le retour à l'équilibre, elles viendraient contredire le projet de loi de financement de la sécurité sociale. C'est en ce sens que le Gouvernement doit intégrer les décisions de la CNRU.
S'agissant de l'amendement, je comprends tout à fait l'idée d'établir une progressivité dans les cotisations. Mais la proposition relève plutôt d'une dynamique d'imposition, et aurait de grandes chances d'être déclarée inconstitutionnelle. En 2014, en effet, le Conseil constitutionnel a déjà rejeté une cotisation de solidarité progressive à un régime contributif, moins élevée que celle que vous proposez et qui n'ouvrait pas de droits. C'est donc plutôt par l'impôt que nous devons chercher à diminuer les inégalités, et non par les cotisations sociales, censées ouvrir des droits. Nous ne souhaitons donc pas nous engager dans cette voie.
Avec cette baisse de cotisations pour les Français qui gagnent plus de 120 000 euros, le Gouvernement montre qu'il est prêt à décider d'augmentations de cotisations pour ceux qui gagnent moins. C'est un changement majeur, notamment pour les régimes autonomes, qui fixent eux-mêmes leur taux, comme les infirmières, qui cotisent à 14 %, les orthophonistes, les kinésithérapeutes. Aujourd'hui, ces professions libérales assument leurs cotisations à 100 %, contrairement à d'autres, où l'employeur en acquitte une partie. Nous y voyons une tentation, qui glisse vers l'aveu auquel vous allez nous amener, celui d'une possible augmentation des cotisations, qui entraînera une baisse du pouvoir d'achat des cotisants. Finalement, malgré les simulations qui circulent au taux de 28 %, rien ne nous garantit que ce taux n'atteigne pas bientôt 29 ou 30 %. Cela nous inquiète fortement.
Je vous remercie, Monsieur le rapporteur, pour vos efforts de réponse, mais ma question portait plutôt sur la ventilation des efforts de solidarité entre ce qui relèverait du FSVU et ce qui concernerait la CNRU. De même, vous ne m'avez pas répondu sur le fait que le Gouvernement prend en compte les délibérations de la CNRU. Enfin, il me semble que l'ordonnance lui donne aussi la possibilité de modifier l'âge légal de départ.
Je veux souligner à nouveau la privation de ressources pour la protection sociale qui résulte des mesures que nous discutons. Cette exclusion d'une partie des revenus ne risque-t-elle pas, elle aussi, la censure du Conseil constitutionnel, au motif d'une rupture d'égalité puisque la totalité du salaire ne peut pas être soumise à cotisations et entrer dans la mutualisation du régime de retraite ?
Monsieur Marilossian, c'était en effet la première fois que vous preniez la parole... dans le micro.
Je tiens à vous rappeler que le terme « frauduleux » signifie simplement « qui induit en erreur ». Or le Conseil d'État constate que « les projections financières ainsi transmises restent lacunaires et que, dans certains cas, cette étude reste en deçà de ce qu'elle devrait être ». Plus loin, il affirme que le recours aux ordonnances « fait perdre la visibilité d'ensemble qui est nécessaire à l'appréciation des conséquences de la réforme ». On peut donc dire que l'étude d'impact induit en erreur.
Et encore le Conseil d'État ne s'est-il pas attardé sur des éléments qui constituent clairement des données faussées. En prenant pour cas-type un début de carrière à 22 ans et un âge d'équilibre à 65 ans, l'étude neutralise les effets défavorables de l'âge d'équilibre pour les carrières commencées avant 22 ans. Par ailleurs, pour toutes les générations – 1975, 1980, 1990 ou 2003 –, le calcul est réalisé avec l'âge d'équilibre de la génération 1975, fixé à 65 ans. De ce fait, l'étude ne rend pas compte de l'évolution de l'âge d'équilibre. Dans les faits, monsieur Marilossian, cette étude est frauduleuse, car elle nous induit en erreur.
Mme Autain s'inquiétait du fait que le système universel puisse ne pas concerner certains citoyens dont la rémunération est supérieure à 3 PASS. En réalité, ils sont concernés, comme tous les Français, et nous pouvons débattre, comme nous le faisons actuellement des mesures les concernant.
La disposition, je l'ai dit, conduira en premier lieu à une baisse des droits futurs, si nous diminuons progressivement les cotisations, par exemple, d'un vingtième par an comme le proposait le rapporteur, car l'article 15 prévoit un étalement sur vingt ans. Cela ne préjuge pas de ce que pourrait décider le Gouvernement après ses échanges avec les partenaires sociaux. Cette hypothèse d'un lissage d'un vingtième par an est toutefois cohérente avec le projet de loi. La progressivité est la garantie du fait qu'il n'y aura pas d'arrêt subit des cotisations. La constitution de droits se poursuivra, au prorata des cotisations jusqu'au niveau de 3 PASS. La transition a précisément pour objet de gérer ces aspects.
En second lieu, je l'ai rappelé à la suite de M. Mattei, l'augmentation de l'assiette que provoquera l'absence des cotisations vieillesse entraînera elle-même des rentrées fiscales et sociales. Il est dommage que vous ayez omis cet aspect, alors que vous semblez très attentifs à l'absence de rentrée des montants issus des cotisations vieillesse. Il relève d'un examen objectif de ce qui se passe dans l'économie.
Je voudrais aussi indiquer à M. Bazin et au président Woerth, s'agissant des leviers pour maintenir l'équilibre, qu'il n'y a pas d'ambiguïté. Les propos du Gouvernement, comme ceux du Président de la République, sont clairs. Nous voulons inciter les Français à travailler un peu plus longtemps, sans les y contraindre, en leur assurant un niveau de pension élevé. Cela est clairement écrit dans l'étude d'impact. Il sera toujours possible, au terme de cette loi, de partir à 62 ans : il s'agira alors d'un choix éclairé. Nous faisons en effet confiance aux Français pour choisir, en toute liberté, le moment où ils souhaitent partir en retraite. Rappelons que l'âge d'équilibre n'est pas un mot grossier, mais le repère de l'équilibre de notre dispositif collectif de solidarité entre les générations.
Si nous voulons introduire de la solidarité entre les générations, et redistribuer des revenus vers les futurs retraités les plus modestes, il faut que le système que nous construisons ensemble soit durablement à l'équilibre. C'est pourquoi nous évoquons depuis plusieurs jours les réformes qui ont été conduites précédemment. M. Woerth a mentionné les travaux réalisés depuis plus de vingt ans, y compris sous sa conduite. Mais la réalité montre que notre système actuel est régulièrement en difficulté financière. C'est pourquoi des réformes ont dû être menées.
Notre proposition ne se focalise toutefois pas uniquement sur l'équilibre financier. Notre objectif premier est de faire en sorte que notre système de retraite soit adapté à la réalité du marché de l'emploi, aux vies de nos concitoyens et qu'ils soient prêts à affronter les évolutions du monde de la seconde moitié du XXIe siècle.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite les amendements identiques n° 5162 de Mme Clémentine Autain, n° 5165 de M. Alexis Corbière, n° 5167 de M. Bastien Lachaud et n° 5178 de Mme Bénédicte Taurine.
Entre 200 000 et 300 000 personnes vont être concernées par le passage de 8 à 3 PASS ; elles ne sortiront pas du régime mais se verront appliquer des conditions spécifiques, ce qui constitue une entorse de taille à votre régime dit « universel ». Vous risquez de mettre le doigt dans un engrenage qui conduira à exclure d'autres catégories de la population, qu'on invitera, tout simplement, à capitaliser et à recourir à de l'épargne privée. Vous affirmez aussi qu'on peut travailler plus longtemps, mais il ne vous aura pas échappé qu'on connaît un chômage de masse et que les jeunes ont énormément de mal à trouver leur premier emploi. Aussi, je tombe de ma chaise lorsque j'entends que les choses iraient mieux si l'on faisait travailler les gens jusqu'à 62 ou 65 ans.
Ce que vous encouragez, c'est la création d'un régime spécial pour les plus riches – tel est le paradoxe de votre projet. Vous avez commencé le débat en déclarant que les régimes spéciaux ne sont plus tolérables et en prenant le pays à témoin. Or vous encouragez les 1 % les plus riches à se constituer leur régime spécial, qui les ferait quitter le régime mutualisé. Monsieur le secrétaire d'État, l'âge d'équilibre doit correspondre à l'âge de départ, que le projet de loi fixe à 62 ans. Il n'y a pas de choix éclairé, il n'y a que des contraintes et des arbitrages ; les gens devront continuer à travailler pour percevoir la retraite la plus élevée possible. Nous savons très bien que ce qui permet un choix éclairé, ce sont des considérations sonnantes et trébuchantes, c'est-à-dire le montant de la pension. Tout le reste n'est que bavardage.
Que dire ? Ce qui est terrifiant, c'est qu'on ne reçoit pas de réponse. Dans ce pays, 100 milliards partent, chaque année, dans les niches fiscales, et 80 à 100 milliards dans la fraude fiscale. Autrement dit, 180 milliards, au bas mot, échappent à la solidarité nationale. Or, l'introduction de la capitalisation, tout comme l'exonération fiscale sur les plans d'épargne retraite, prévue dans la loi « PACTE », va accroître la part des niches fiscales. Nous souhaitons savoir, monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d'État, de quel montant vous allez augmenter les niches fiscales.
Pour paraphraser un député de La France insoumise : que dire de plus ? Nous avons déjà abondamment discuté du sujet.
Je voudrais répondre à M. Vallaud sur la prise en compte par le Gouvernement des délibérations du conseil d'administration de la CNRU. Si les partenaires sociaux font un choix concernant le montant des cotisations ou un arbitrage quelconque, et que celui-ci est transposé, la loi de financement de la sécurité sociale doit les prendre en compte, autrement dit les intégrer dans ses projections financières. C'est un élément de sincérité budgétaire.
M. Bazin rappelait, à juste titre, que, pour le calcul de leur taux de cotisation, les membres des professions libérales étaient considérés à la fois comme employeurs et employés. Ils présentent, à cet égard, une forte spécificité. Beaucoup d'entre eux ont une rémunération proche du plafond de la sécurité sociale. Le taux de 28 % leur sera appliqué jusqu'à ce plafond ; au-delà, seule la part salariée, à laquelle s'ajoutera la part de solidarité, sera appelée pour tenir compte de la spécificité de ces professions.
Madame Autain, vous avez affirmé qu'on risquait de mettre le doigt dans un engrenage. Je rappelle que nous intégrons dans le système universel un des régimes par capitalisation actuels, lié au régime additionnel de la fonction publique. Il faut arrêter d'agiter des peurs infondées. Le système universel prendra en charge 100 % des personnes ; le plafond de 3 PASS permettra de couvrir 99 % des salariés et 96 % des rémunérations. Par ailleurs, j'observe que le MEDEF, partenaire de gauche s'il en est, a demandé qu'on maintienne le plafond à 8 PASS. Défavorable.
Monsieur le secrétaire d'État, vous semblez dire que votre réforme aboutit à une sorte d'équilibre structurel du système, ce qui est inexact. Elle est inspirée par la volonté d'équilibrer les comptes sur une période de cinq ans, sans que vous ne nous expliquiez, d'ailleurs, comment vous entendez y parvenir. Les décisions qui seront prises n'auront rien de structurel. Vous modifierez, comme l'ont fait beaucoup de gouvernements lorsqu'ils l'estimaient nécessaire, l'âge de départ – l'âge légal, peut-être, l'âge pivot sans doute –, les taux de cotisation et d'autres paramètres.
Vous courez le risque de privilégier l'augmentation des cotisations. L'article 13, d'une certaine façon, laisse la main, en la matière, au conseil d'administration de la CNRU, dont on ne connaît pas la composition. Cette disposition laisse beaucoup de liberté aux partenaires sociaux – qui privilégieront toujours la hausse des cotisations – dans la fixation des taux jusqu'à 3 PASS.
Enfin, notre système de retraite, qui est issu de la sécurité sociale, repose peu ou prou sur la contrainte. Certains régimes auraient pu être facultatifs, mais on les a rendus obligatoires car on a toujours pensé, en France, que les gens ne seraient pas nécessairement prévoyants pendant vingt, trente ou quarante ans. C'est pourquoi notre régime est protecteur. Quand vous dites que l'âge pivot laissera le choix entre partir à la retraite et continuer à travailler, c'est oublier que les intéressés subiront, le cas échéant, une baisse de leur pension. Cela introduira de la fragilité dans le système.
Monsieur le secrétaire d'État, tout à l'heure, vous avez dit que vous souhaitiez inciter les Françaises et les Français à travailler un peu plus longtemps sans les y contraindre. Il s'agit, de manière assez claire, de la stratégie de la carotte et du bâton – même si vous agitez plus celui-ci que celle-là. Celles et ceux qui, usés par leur travail, voudront partir à la retraite à un âge raisonnable devront subir une baisse notable de leur pension. C'est pour partie ce que vous recherchez. Faire travailler les gens plus longtemps relève d'une philosophie très discutable. Nous pensons, au contraire, qu'il faut arrêter cette course en avant infernale. Ma question porte sur le lissage du taux de cotisation au fil des ans. Loin de moi l'idée de tenter le Conseil constitutionnel, mais n'y a-t-il pas là une rupture d'égalité entre les générations qui fait courir un risque d'inconstitutionnalité ?
Je reviens à notre amendement de suppression de l'alinéa 4. Monsieur le rapporteur, à l'alinéa 2, le texte dispose que « La cotisation d'assurance vieillesse des travailleurs salariés et assimilés est assise sur les revenus d'activité qu'ils perçoivent tels qu'ils sont pris en compte pour la détermination de l'assiette des cotisations [...] ». Les alinéas 3 et 4 prévoient que « Cette cotisation est assise [...] pour partie dans la limite de trois fois le montant d'un plafond arrêté par le ministre chargé de la sécurité sociale. Le plafond est fixé annuellement en fonction de l'évolution générale des salaires [...]. ». Je ne veux pas relancer le débat d'hier mais vous avez visiblement l'esprit très embrouillé. Faut-il tenir compte des revenus d'activité ou des salaires ? On ne sait toujours pas quelle est la base de référence. Nous ne savons pas davantage définir le « revenu d'activité », qui ne se rattache à aucune catégorie de l'Institut national de la statistique et des études économiques. Pourrait-on avoir un éclairage, si vous êtes en mesure de nous l'apporter ?
Je voudrais dire un mot de ce qui me paraît être une incongruité, même si vous allez sans doute nous répondre que ce n'est pas le cas. Vous nous avez expliqué que vous alliez inventer un indicateur qui jouerait un rôle central dans la revalorisation de la valeur du point. Cet indicateur devrait agglomérer l'évolution des revenus d'activité de toutes les professions – autrement dit, des salariés, des non-salariés et des fonctionnaires – et serait, selon vous, très cohérent avec l'universalité du système. Vous semblez, en l'occurrence, faire une exception à ce principe. Pourquoi des cotisations d'assurance vieillesse, assises sur des revenus d'activité, sont-elles revalorisées à partir de l'évolution générale des salaires et non de ces mêmes revenus ? Cela renvoie à l'amendement du rapporteur général dont nous avons discuté hier.
La commission rejette ces amendements.
Elle en vient à l'amendement n° 13383 de M. Éric Woerth.
Cet amendement a pour objet de revenir à un plafonnement de 1 PASS, conformément au projet que nous défendons. Nous disons depuis 2010 – nous n'avons donc pas de raison d'affirmer le contraire aujourd'hui – qu'il faut instaurer un système universel et harmoniser un certain nombre de taux de cotisation et de règles. La limite de 3 PASS ne nous paraît pas pertinente. Le plafonnement à 1 PASS permettrait à des régimes complémentaires – je pense par exemple aux professions libérales – d'intégrer les particularités professionnelles et les différences de calcul de la retraite. On peut par exemple faire le choix de payer moins de cotisations et de partir plus tard : cela constitue une forme de liberté. La France, c'est aussi cela, et pas uniquement un jardin à la française où chacun se trouverait placé sous la toise. Dans le cas contraire, comme vous êtes en train de le faire, on crée une multitude de dérogations. À titre d'exemple, vous êtes en train de recréer des niches sociales, alors que, parallèlement, vous essayez, comme nous, de combattre tout ce qui s'apparente à une niche fiscale. Au-delà, il nous semble nécessaire de réfléchir à la création d'un régime complémentaire rassemblant agents publics et salariés du privé, qui serait beaucoup plus clair et cohérent. De manière générale, dans le domaine de la retraite complémentaire, il faut développer la liberté de gestion, sous réserve du respect de quelques règles sociales fondamentales : je pense en particulier aux droits familiaux et aux droits des aidants. L'amendement n° 13383 vise à ramener le plafonnement de 3 à 1 PASS et à laisser la possibilité aux régimes complémentaires de faire leur métier.
Cela constituerait à nos yeux, si vous me permettez le mot, une « impasse » pour le système de répartition.
Défavorable.
Ce débat de fond, qui a trait à notre pacte social, nous conduit à réfléchir aux règles communes à instituer et à la part de liberté à accorder à chacun. Vous incitez les Français à travailler plus longtemps sans les y contraindre. Cela s'apparente à une fausse liberté, car s'ils partent plus tôt, ils y perdront financièrement. Comme l'a dit Éric Woerth, le système est fait pour les protéger. On a besoin de règles de base, de l'affirmation de droits et de devoirs. Monsieur le secrétaire d'État, vous indiquez que les deux leviers du financement sont l'âge et les cotisations. Si la variable d'ajustement est l'âge, comment la conjuguez-vous avec la hausse possible des cotisations salariales pour tous ? Actuellement, certains régimes, tels les régimes autonomes, peuvent décider de leurs taux de cotisation. Vous allez priver de liberté ces instances, qui assuraient une bonne gestion et étaient gagnantes, et imposer des règles à tous les Français, qui seront perdants.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle est saisie de l'amendement n° 12717 de M. Jean-Paul Mattei.
Cet amendement, cosigné par Brahim Hammouche et Philippe Vigier, concerne les plus hautes rémunérations. Il vise à relever le taux de cotisation au-delà de 3 PASS – en le faisant passer de 10 à 20 % du taux qui sera fixé par décret. Cela permettrait de réduire la contribution globale restant due : en dessous de 3 PASS, les cotisations seraient ramenées à 80 % – au lieu de 90 % – du taux précité. Cette mesure de solidarité aurait un effet modeste en termes de coûts puisque, je vous le rappelle, les cotisations sont déductibles. En tout état de cause, la limitation à 3 PASS est un sujet qui doit être débattu.
Je connais votre engagement social, monsieur Mattei mais, si on ne cotisait qu'à hauteur de 80 %, on limiterait dans la même proportion les droits acquis. Dès lors, 99 % des contribuables percevraient moins de droits. On pourrait peut-être s'inspirer de votre proposition pour travailler à une nouvelle disposition mais, pour l'heure, je vous suggère de retirer l'amendement.
Je reviens à la question qui avait été posée par Boris Vallaud et Clémentine Autain. L'article prévoit, à l'linéa 2, que « La cotisation d'assurance vieillesse des travailleurs salariés et assimilés est assise sur les revenus d'activité [...] » et, à l'alinéa 4, que « Le plafond est fixé annuellement en fonction de l'évolution générale des salaires [...] ». Pouvez-nous expliquer cette différence ?
L'amendement soulève aussi la question de la contribution du capital, au côté des revenus du travail. Dans une logique de solidarité – tant intergénérationnelle qu'économique et sociale –, il est essentiel que le capital soit un peu plus mis à contribution qu'il ne l'est actuellement.
Il faudrait un peu de temps pour étudier les effets concrets de l'amendement, qui vise à accroître le taux de cotisation au-delà de 3 PASS et à le réduire en dessous de ce seuil. Si le premier aspect me semble intéressant, le second me pose un problème. Quoi qu'il en soit, cela montre qu'il y a matière à réfléchir et que votre dispositif n'est pas satisfaisant.
La commission rejette l'amendement.
Elle en vient à la discussion commune des amendements n° 580 de M. Thibault Bazin et n° 21574 de M. Sébastien Jumel.
C'est un amendement essentiel, à nos yeux, qui vise à substituer, à l'alinéa 4, les mots « huit fois » le plafond de la sécurité sociale aux mots « trois fois » le plafond. La limite de 3 PASS serait en effet préjudiciable à la solidarité nationale, du fait d'une perte de cotisations dont on a d'ailleurs du mal à avoir une estimation précise – j'espère qu'on en saura plus d'ici à la séance. De surcroît, elle pénaliserait, à terme, les personnes concernées, qui ne pourraient cotiser et acquérir des points au-delà de ce seuil.
Monsieur le rapporteur, il n'y a pas que le MEDEF qui demande le rétablissement des 8 PASS – s'il le fait, d'ailleurs, c'est parce qu'il craint une perte de compétitivité et des coûts cachés, et qu'il y voit un risque d'évaporation des cadres supérieurs, qui pourraient se faire recruter ailleurs. L'ensemble des organisations syndicales ont compris qu'avec ce système, on allait aggraver le déficit dès la période de transition. C'est pourquoi nous défendons, sans crainte de nous déporter sur notre droite, un amendement qui vise à rétablir les 8 PASS.
Mme Autain et M. Vallaud m'ont interrogé sur la double référence aux revenus d'activité et à l'évolution générale des salaires. L'alinéa 2 définit l'assiette des cotisations, qui seront calculées à partir d'un revenu d'activité – un salaire, si on est salarié, ou un autre revenu. L'alinéa 4, quant à lui, fait référence à une disposition relative au mode d'évolution du calcul du plafond de la sécurité sociale, qui est conventionnel. Ce sont deux choses différentes.
Pour revenir à l'amendement n° 12717, je précise qu'une part substantielle du futur FSVU sera alimentée par une fraction de la contribution sociale généralisée sur le capital et de la contribution sociale de solidarité des sociétés, qui concerne les grandes entreprises. Peut-être le législateur jugera-t-il nécessaire de renforcer cet abondement.
S'agissant de l'amendement n° 580, j'avoue avoir du mal à suivre le raisonnement de M. Bazin. Dans un amendement, vous demandez la limitation à 1 PASS et, dans l'amendement suivant, souhaitez la porter à 8 PASS.
Défavorable.
Il ne nous avait pas échappé que, d'un côté, il s'agissait de l'assiette des cotisations et, de l'autre, du mode de calcul du plafond de la sécurité sociale. La question est de savoir pourquoi vous avez changé le mode de calcul des cotisations. Celui-ci repose, dans le texte, sur le revenu d'activité par tête ; on ne sait toujours pas ce que c'est, mais c'est votre choix – qui diffère, d'ailleurs, des préconisations du rapport Delevoye. Le plafond de sécurité sociale, quant à lui, est fixé en fonction de l'évolution des salaires. On cherche la cohérence d'ensemble. Le fait que vous ayez retenu, au dernier moment, le revenu d'activité par tête – qui ne tient pas debout – donne le sentiment d'une très grande impréparation. Je ne sais pas si la suite du texte – dont on ne pourra pas étudier la fin en commission – est à l'avenant, mais c'est pour le moins étrange.
L'argument selon lequel le mode de calcul du plafond de la sécurité sociale relève d'une convention est fragile : vous n'avez pas hésité à changer de convention lorsque vous avez décidé de fonder l'évolution de la valeur de service du point sur un indicateur qui n'existait pas. Peut-être auriez-vous pu vous demander s'il n'aurait pas été plus cohérent d'harmoniser l'ensemble autour de l'indicateur que vous avez créé ? Il aurait été intéressant, à tout le moins, de disposer d'hypothèses et d'en étudier les effets sur la dynamique d'ensemble.
M. le rapporteur met en doute la cohérence de notre projet. Pour notre part, nous estimons que le plafonnement à 3 PASS n'est pas pertinent. La limitation actuelle à 8 PASS a beaucoup plus de sens au regard du principe de répartition. Vous allez mettre en danger, pour ne pas dire davantage, les systèmes de retraite complémentaires obligatoires, alors que ceux-ci ont permis à une partie des Français de s'assurer une meilleure retraite. L'avenir de ces régimes est en question. Plutôt que d'instituer un plafonnement à 3 PASS, il aurait mieux valu définir un socle de base – puisque vous tenez à l'universalité – et fixer une limite beaucoup plus élevée. Il faut garantir financièrement la répartition en restant à 8 PASS, ce qui n'empêchera pas d'introduire des modes complémentaires de cotisation pour les très hauts revenus, entre 3 et 8 PASS.
La commission rejette successivement les amendements.
La réunion s'achève à douze heures cinquante-cinq.
Membres présents ou excusés
Réunion du samedi 8 février 2020 à 9 heures 30
Présents. – Mme Clémentine Autain, M. Thibault Bazin, Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, Mme Aude Bono-Vandorme, Mme Brigitte Bourguignon, M. Jean-Jacques Bridey, Mme Céline Calvez, M. Lionel Causse, M. Jean-René Cazeneuve, M. Paul Christophe, Mme Christine Cloarec-Le Nabour, M. Olivier Damaisin, M. Yves Daniel, M. Dominique Da Silva, M. Pierre Dharréville, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Catherine Fabre, M. Éric Girardin, M. Guillaume Gouffier-Cha, Mme Florence Granjus, M. Brahim Hammouche, M. Régis Juanico, M. Sébastien Jumel, Mme Célia de Lavergne, Mme Marie Lebec, M. Didier Le Gac, Mme Constance Le Grip, Mme Monique Limon, M. Jacques Marilossian, M. Jean-Paul Mattei, M. Thierry Michels, M. Patrick Mignola, Mme Cendra Motin, Mme Zivka Park, M. Vincent Thiébaut, M. Nicolas Turquois, M. Boris Vallaud, M. Olivier Véran, Mme Corinne Vignon, M. Éric Woerth
Excusés. - M. Jean François Mbaye, Mme Valérie Rabault
Assistaient également à la réunion. - M. Alexis Corbière, M. Bastien Lachaud, M. Sylvain Maillard, Mme Bénédicte Taurine