La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures.
Cet après-midi, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles de la proposition de loi, s'arrêtant à l'article 11.
Cet article est important. Le DMP, ou dossier médical partagé, est un outil très utile pour la coordination entre soignants de ville et hospitaliers, et il importe que, comme nous l'avons fait pour la médecine scolaire, la médecine de prévention y ait accès. La nouvelle rédaction, issue de l'adoption d'un amendement des rapporteures, nous convient parfaitement ; je proposerai simplement, après l'article 11, d'apporter une précision recommandée par le Conseil d'État.
Le dossier médical partagé est un outil encore trop peu utilisé. À cet égard, permettre au médecin du travail de le compléter va dans le bon sens, d'autant plus que nous souhaitons décloisonner la santé publique et la santé au travail – toujours dans le respect du secret médical.
La version adoptée en commission me semble répondre aux réticences qui s'y étaient exprimées au sujet du consentement du salarié : ce dernier sera en effet informé qu'il lui est possible de restreindre l'accès du médecin du travail à son dossier, et qu'un éventuel refus de le communiquer ne sera pas porté à la connaissance de l'employeur. Enfin, la proposition de loi prévoit que ce refus ne constitue pas une faute et ne peut servir de fondement à un avis d'inaptitude.
Ces garde-fous me semblent de nature à garantir un consentement libre et éclairé du salarié. C'est la raison pour laquelle le groupe UDI-I est favorable à cet article.
Cet article permet en effet, certes après accord du salarié concerné, l'accès des médecins et infirmiers du travail au dossier médical partagé. Outre qu'elle entretient une confusion entre la santé publique et la santé au travail, une telle mesure permettrait à la médecine du travail d'avoir accès à des données de santé sensibles contenues dans le dossier médical partagé des salariés, ce qui pose la question de la confidentialité de ces données. Si la santé publique doit s'intéresser à la santé au travail, la réciproque ne me semble pas pertinente. Il est en effet nécessaire que le médecin traitant ait accès aux données du médecin du travail, notamment pour évaluer les causes professionnelles de certaines pathologies et investiguer les causes professionnelles : dans ce sens, les choses sont clairement établies. À l'inverse, nous ne partageons pas l'idée que le médecin du travail doive avoir accès aux données de santé contenues dans le DMP.
En outre, comme le révélait voilà quelques jours un article du Monde, les syndicats de médecins généralistes y sont également opposés. L'accès au dossier médical partagé aurait un intérêt très limité pour les médecins du travail, car il ne reflète pas l'état global de santé des patients. À l'inverse, il pourrait amener le médecin du travail à se prononcer de manière biaisée sur l'état de santé du salarié. Le risque est donc d'aboutir en quelque sorte à une médecine de sélection, que refusent les médecins du travail.
Le salarié est tout à fait capable de transmettre certaines informations sur sa santé physique et mentale au moment de la visite de médecine du travail.
Cette disposition est selon nous, source de dangereuse confusion. C'est la raison pour laquelle nous proposons de la supprimer.
L'interdiction absolue pour la médecine du travail d'avoir accès au dossier partagé figure à l'article 3 de la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie. Elle résulte d'un amendement du Gouvernement adopté lors de la première lecture du projet de loi en séance publique de l'Assemblée nationale. Or les craintes soulevées en 2004 ne paraissent pas dissipées aujourd'hui et justifient de supprimer l'article 11, ce que propose cet amendement.
Le médecin du travail ne peut pas consulter le DMP, mais il peut y déposer des documents et inscrire des éléments au dossier médical en santé au travail, le DMST. Les autres professionnels de santé peuvent consulter et modifier le DMP, y compris les documents déposés par le médecin du travail et, sauf opposition du patient, consulter le DMST. L'idéal serait de compléter le dispositif en permettant aux autres professionnels de santé de communiquer des éléments au médecin du travail en déposant des éléments dans le DMST. Cela fera l'objet d'un second amendement.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 350 .
Comme les précédents, il s'agit d'un amendement de suppression. Même si le présent article prévoit, en son alinéa 8, que « le travailleur peut s'opposer à l'accès des professionnels chargés du suivi de son état de santé », il n'est pas souhaitable que la médecine du travail ait accès au dossier médical partagé et aux données sensibles qu'il est susceptible de contenir. Je rejoins sur ce point mon collègue Dharréville : il est important que le médecin de ville, comme on l'appelle, puisse avoir accès au dossier de la médecine du travail, mais pas forcément l'inverse. L'accès au DMP du médecin du travail pourrait avoir notamment des conséquences au moment de l'embauche du salarié, ce dont ce dernier pourrait à juste titre s'inquiéter. Or il est essentiel que le lien de confiance entre le salarié et le médecin du travail ne soit pas rompu.
L'amendement no 381 de Mme Josiane Corneloup est défendu.
La parole est à Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure de la commission des affaires sociales, pour donner l'avis de la commission.
Cet article très important vise précisément à décloisonner santé publique et santé au travail.
Je rappelle que le médecin du travail est avant tout un médecin, dont la formation médicale a été complétée par quatre ans de spécialisation en santé au travail. Il est donc soumis au secret médical. En outre, ce médecin a besoin d'informations médicales pour exercer pleinement sa mission dans l'intérêt du salarié – car l'objectif est bien de protéger la santé de ce dernier et d'éviter qu'elle soit altérée par le travail.
Il est cependant nécessaire que le salarié donne son consentement à la consultation de son dossier par le médecin du travail. Je remercie Mme Six d'avoir rappelé à quel point la commission s'était attachée à vérifier que cette exigence serait totalement satisfaite, allant même sur ce point au-delà des recommandations du Conseil d'État. Le salarié devra être pleinement informé ; son consentement devra être exprès ; il ne pourra pas être sanctionné en cas de refus et ce refus ne pourra pas servir de fondement à son inaptitude. Nous avons également prévu une voie spécifique d'accès au dossier médical partagé, ce qui permettra au salarié de connaître les conséquences de son consentement, sur lequel il pourra revenir à tout moment. Il pourra également décider quels documents il accepte de porter à la connaissance du médecin du travail. L'employeur ne saura pas si le salarié a accepté ou non de donner accès à son dossier médical partagé. Tout est donc sous contrôle.
Les médecins du travail recueillent déjà des données de santé, car ils ont parfois besoin de plus amples informations que celles que fournit la visite médicale. Ces données, ils les demandent parfois aux généralistes, avec toutes les complications et les difficultés auxquelles leur transmission peut donner lieu, ou au salarié lui-même, qui n'en a pas forcément une bonne maîtrise. La mesure que nous prenons est donc en réalité de nature à sécuriser l'accès aux données de santé fournies au médecin du travail.
La rédaction adoptée presque unanimement en commission suit toutes les recommandations du Conseil d'État, mais nous avons voulu aller encore au-delà en faisant de la protection des données de santé un des critères de certification des services de santé au travail. La CNIL, la Commission nationale de l'informatique et des libertés, mène d'ailleurs actuellement une mission destinée à aider ces services à protéger les données dont ils disposent. D'une manière assez heureuse, cette initiative se concrétisera au moment où la loi dont nous discutons viendra en application.
Pour toutes ces raisons, avis défavorable sur ces amendements de suppression.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des retraites et de la santé au travail, pour donner l'avis du Gouvernement.
J'ai entendu avec intérêt les arguments de ceux qui défendent ces amendements de suppression. Or, il me semble nécessaire de construire la confiance à propos du DMP et cette question doit faire l'objet de la plus large adhésion. Le texte a été complété et amélioré après son passage en Conseil d'État, ainsi que dans le cadre du travail réalisé en commission, et plusieurs d'entre vous, notamment dans leurs propos liminaires, ont relevé les éléments de garantie et de sécurisation qu'il comporte.
Il faut nous laisser le temps de construire cette confiance avec ceux qui ont pu exprimer des inquiétudes, comme certaines associations de patients et certains professionnels de santé que j'ai entendus. Nous avons du temps pour ce faire, puisque s'ouvre devant nous, avec la navette, le temps parlementaire.
Je vous invite donc à retirer ces amendements. À défaut de retrait, j'émettrai un avis défavorable.
Monsieur le secrétaire d'État, vous venez de dire que ces dispositions devaient faire l'objet de la plus large adhésion, mais nous n'y sommes pas, y compris parmi les premiers concernés : les médecins du travail !
Peut-être certains y sont-ils favorables, mais je n'ai pas entendu s'exprimer une revendication massive en ce sens parmi les médecins du travail et les organisations les concernant que j'ai pu rencontrer. J'ai, au contraire, entendu la volonté que l'accès au dossier soit possible dans un sens, mais pas dans l'autre, car les deux médecins concernés ne jouent pas le même rôle à l'égard du patient ou du salarié – ni, en un mot, dans la société.
Vous opérez un mélange, une confusion, qui peut provoquer des problèmes. Vous nous dites qu'il faut décloisonner, mais si ce décloisonnement conduit à la confusion, il ne permettra pas de mieux relever les défis de la santé au travail, alors que c'est précisément ce que nous devons rechercher avec ce texte.
Que le médecin généraliste puisse avoir accès à ces données nous semble tout à fait utile, mais l'inverse, comme vous le dites vous-même en évoquant certaines préventions qui se sont exprimées, soulève des objections lourdes dont vous devez tenir compte. Je vous invite donc en retour à retirer cet article.
Il n'y a ni mélange ni confusion : des inquiétudes se sont exprimées et des réponses leur ont été apportées. Il n'y a pas, d'un côté, une santé publique et, de l'autre, une santé au travail, …
… mais la santé – la santé des travailleurs, qui sont soit au travail, soit en dehors du travail.
Il est donc prévu de supprimer la disposition qui interdit au médecin du travail d'avoir accès au DMP. Des garanties ont été apportées et nous sommes plusieurs dans cette assemblée à avoir été vigilants à ce propos, car le dossier appartient à l'individu, c'est sa propriété.
Il s'agit de sa santé, de son intimité : le DMP lui appartient pleinement et aucun médecin n'est autorisé à l'ouvrir sans son accord.
Par conséquent, le consentement à l'ouverture du DMP doit être recueilli d'une façon expresse – éventuellement sous forme écrite ou dématérialisée sur un outil informatique – , dans l'intérêt de l'individu qui l'accepte. Ce consentement doit être libre et éclairé, …
… c'est-à-dire qu'on doit expliquer à l'intéressé pour quelles raisons on demande l'accès à son DMP.
Je pense sincèrement que toutes les garanties ont été apportées, grâce notamment à la rédaction proposée par le Conseil d'État, pour assurer la confidentialité des données contenues dans le DMP, ce qui est essentiel pour établir un lien de confiance.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Depuis tout à l'heure, on entend dire qu'il ne faut pas différencier la santé publique de la santé au travail, car la santé est globale, que la mesure proposée fait consensus, qu'il faut travailler en confiance.
Très bien, parfait ! Mais alors, pourquoi 600 médecins ont-ils écrit aux rapporteures pour les alerter sur les dangers d'une telle mesure ?
En réalité, il n'y a donc pas de consensus ! Pour vous, tout le monde est beau, tout le monde est gentil, tout le monde est d'accord et tout le monde est content : sauf que 600 médecins ont alerté les rapporteures et – craignant peut-être que ces dernières restent silencieuses – ont jugé utile d'envoyer une copie de leur courrier à tous les commissaires des affaires sociales. Si vraiment vous insistez à appeler cela un consensus, alors c'est un consensus moins 600 personnes… C'est bizarre, mais ma foi, peut-être est-ce là l'idée que la République en marche se fait du consensus !
Si on donne au médecin du travail la possibilité d'avoir accès au dossier médical partagé, on fait peser sur ses épaules une responsabilité supplémentaire. En effet, s'il néglige de le consulter et passe à côté d'une information importante – qui devrait par exemple l'amener à conclure que le salarié souffre d'une pathologie incompatible avec sa fonction – , on pourrait le lui reprocher.
Hier, pourtant, quand nous avons été plusieurs à vous demander de donner aux médecins du travail la possibilité de détecter et accompagner les personnes victimes de violences conjugales ou familiales, vous nous avez répondu que cela ne relevait pas des fonctions du médecin du travail et que l'on ne pouvait pas faire peser cette charge supplémentaire sur ses épaules. Selon les sujets, cette responsabilité et possible ou ne l'est pas : c'est à géométrie variable.
Comme vous l'avez dit, madame la rapporteure, l'article 11 est l'un des articles les plus importants de votre proposition de loi. Il prévoit une évolution qui me semble tout à fait positive – je le dis d'autant plus librement que le reste du texte, je le répète, m'a paru plutôt maigre.
J'entends les objections exprimées par certains de nos collègues. Il est vrai que certains organismes, certains médecins du travail nous ont dit tout le mal qu'ils pensaient de cet article. Mais écrire la loi, c'est prendre des responsabilités, et je considère pour ma part que l'accès des médecins du travail au DMP constitue une avancée. Et puisque presque tous les groupes se sont exprimés sur le sujet, je précise que le nôtre votera contre les amendements de suppression de l'article. Cela ne m'empêchera pas, cependant, d'en défendre d'autres destinés à faire bouger certaines lignes, ce que je ne suis pas parvenu à faire en commission.
Les réactions des auteurs des amendements sont naturelles : en 2003, déjà, lors de la création du DMP, les médecins faisaient part de leurs appréhensions à ce sujet : ils craignaient qu'il ne serve à les contrôler ou à réaliser des économies. Mais le temps a passé depuis, le DMP a montré son utilité ; il convient d'en renforcer l'usage.
Rappelons que c'est le patient qui est propriétaire du DMP : il en fait ce qu'il veut et, en fin de compte, lui seul décide l'usage qui peut en être fait.
Vu les précautions qui figurent dans le texte, nous ne voterons pas les amendements de suppression.
L'amendement no 267 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
… avec leur savoir et leur déontologie, et qui doivent, comme tous les médecins, se soumettre à certaines obligations.
Nous sommes d'accord sur le fait que le DMP est un très bel outil au service de la santé et du patient. Malheureusement, comme l'a montré il y a quelque temps la MECCS, la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale, cet outil est sous-utilisé. Je considère donc que tous les professionnels de santé appelés à suivre un salarié devraient pouvoir consulter le DMP : en interdire l'accès à certains médecins, c'est aller dans le sens du cloisonnement.
Partant, je considère que le médecin-conseil de la CPAM – caisse primaire d'assurance maladie – , qui est notamment chargé de contrôler les arrêts de travail, devrait également avoir accès à l'ensemble des informations contenues dans le DMP.
En commission, madame la rapporteure, vous aviez émis un avis défavorable à cet amendement. Depuis, vous avez eu le temps d'y réfléchir et je présume que sa pertinence, au regard de l'idée défendue dans l'article, vous est apparue pleinement.
Sourires. – M. Alain Ramadier applaudit.
La parole est à Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure, pour donner l'avis de la commission.
Vous souhaitez étendre à une autre catégorie de médecins, celle des médecins-conseils, la possibilité de consulter le dossier médical partagé. Une telle proposition n'a pas la même portée que les dispositions de l'article 11. En effet, si nous savons que le médecin du travail intervient dans l'intention de protéger la santé du salarié, nous n'avons pas pu étudier dans le détail et de manière concertée le rôle du médecin-conseil. Soyons prudents et avançons sûrement : comme en commission, l'avis est défavorable.
L'amendement no 156 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Chose promise, chose due : je vous propose à nouveau cet amendement que j'ai déjà défendu en commission.
J'ai bien compris que les salariés auraient la possibilité de refuser que leur dossier médical partagé soit consulté par le médecin du travail. Mais si nul n'est censé ignorer la loi, personne n'en connaît toutes les subtilités – même nous, les députés qui l'élaborons.
Par cet amendement, je propose donc que le médecin du travail demande au salarié qui le consulte l'autorisation d'avoir accès à son dossier médical partagé. Cette simple question permettra peut-être de lui mettre la puce à l'oreille ! Il est important de ne pas partir du principe que l'autorisation est tacite, au motif que les salariés sont censés connaître la loi et donc savoir qu'ils peuvent refuser la consultation de leur dossier : le médecin du travail doit demander l'autorisation aux salariés, ce qui permet de bien verrouiller l'accès à leurs données de santé.
Je ne vois aucune raison de s'opposer à un tel amendement.
… puisque la proposition de loi prévoit justement un accès spécifique au DMP pour le médecin du travail, qui requiert le consentement exprès du salarié. Celui-ci est informé de toutes les conditions d'accès à ses données et des conséquences de son consentement, sur lequel il peut évidemment revenir.
Vous proposez de créer une nouvelle voie d'accès au DMP, similaire à celle que nous avons déjà prévue : c'est donc une usine à gaz. Je ne peux donc vous répondre autre chose que ce que je vous ai déjà dit : puisque c'est écrit dans la loi, ce n'est pas la peine de l'écrire une deuxième fois. Avis défavorable.
Même avis.
Ce que je propose, c'est que le consentement soit donné à chaque visite chez le médecin du travail. De toute façon, on nous fait remplir les mêmes documents à chaque fois, y compris lorsque les informations ne changent pas, comme le numéro de sécurité sociale, qui est le même depuis la naissance.
À chaque fois, le salarié doit réaffirmer son consentement. Après tout, ce qui était valable la fois précédente ne l'est peut-être plus deux ans plus tard. Il n'est question que d'une simple case à cocher, sur un formulaire que l'on remplit de toute façon systématiquement avant chaque visite à la médecine du travail.
Cet article peut faire craindre un glissement de la médecine du travail vers une sorte de médecine de contrôle – peut-être est-ce d'ailleurs ce que vous souhaitez. Ce n'est évidemment pas de nature à instaurer la confiance que vous évoquez, laquelle ne peut naître que dans le dialogue singulier qui existe entre un médecin et son patient.
Si le salarié souhaite mettre sur la table certaines difficultés au moment où il rencontre le médecin du travail, il n'y a aucune raison qu'il ne le fasse pas. De ce point de vue, le canal auquel vous voulez recourir pour exprimer le consentement du salarié me semble problématique.
J'ai justement demandé aux médecins du travail que nous avons rencontrés et entendus, ainsi qu'au Conseil national de l'ordre des médecins, si avoir la possibilité de consulter le DMP, et donc d'apprendre des éléments qu'ils ignoraient peut-être et qui, de fait, engagent leur responsabilité, ne leur posait pas de problème. Ils m'ont répondu : nous sommes médecins, nous assumons cette responsabilité…
… et les implications de l'accès à ces informations, pourvu, bien sûr, que le patient ait donné son consentement.
Par ailleurs, madame Fiat, je me permets de corriger une petite erreur que vous avez faite : pas de chance, le courrier signé par 600 médecins que vous avez évoqué concerne l'article 24, pas l'article 11 ! Puisque vous nous donnez souvent des leçons de précision, je me permets de vous apporter celle-ci.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
L'amendement no 268 n'est pas adopté.
L'amendement no 479 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement no 357 vise à permettre l'accès en toutes circonstances au DMP, dans la mesure où le médecin reste tenu au secret médical et ne peut utiliser les données qu'il contient qu'à des fins de prévention. En effet, il faut rappeler que l'accès au DMP doit permettre au médecin du travail de protéger le patient, favoriser sa santé et son bien-être dans l'entreprise, mais également assurer la protection des autres employés, notamment pour les professions pouvant entraîner des risques physiques ou psychiques importants.
Vous pouvez considérer que l'amendement no 358 est défendu, madame la présidente.
Sur l'article 11, je suis saisie par le groupe La République en marche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements ?
Madame Kuric, vous soulignez l'importance pour le médecin du travail d'avoir accès au dossier médical partagé. Nous sommes tout à fait d'accord avec vous sur ce point : c'est effectivement très important.
Cependant, à en juger par vos amendements, le consentement du salarié ne serait finalement pas nécessaire, compte tenu de la déontologie du médecin du travail. Sur ce point, vous avez entendu, comme nous, les réserves de nos collègues ; nous avons pris garde que le consentement du salarié soit exprès et assorti d'un certain nombre de sécurités concernant ses droits et libertés, suivant les recommandations du Conseil d'État. Plus largement, je le répète, nous avons veillé à sécuriser les données de santé dont disposent les services de santé au travail, qu'ils aient ou non accès au DMP. Par conséquent, avis défavorable.
Il faut construire la confiance et pour cela, si besoin, préciser les modalités. Comme tout à l'heure, je demande donc le retrait de ces amendements ; à défaut, avis défavorable.
L'amendement no 481 rectifié de Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure, est rédactionnel.
L'amendement no 481 rectifié , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement no 480 de Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure, est un amendement de coordination.
L'amendement no 480 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Avec votre accord, puisque nous n'aurons pas attendu les cinq minutes réglementaires, je mets aux voix l'article 11, tel qu'il a été amendé.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 114
Nombre de suffrages exprimés 112
Majorité absolue 57
Pour l'adoption 104
Contre 8
L'article 11, amendé, est adopté.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille, pour soutenir l'amendement no 227 .
Actuellement, le DMP n'est absolument pas structuré : je pourrais le comparer à une armoire dans laquelle on jette tout pêle-mêle. Cet amendement, appuyé sur le point 46 de l'avis du Conseil d'État, prévoit donc de compléter l'article L. 1111-15 du code de la santé publique, article dont la rédaction actuelle, modifiée par l'article 51 de la loi du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé, énumère les sources du DMP. Son nouvel alinéa serait ainsi rédigé : « Le dossier médical partagé comporte également un volet relatif à la santé au travail au sein duquel sont versés les éléments du dossier médical en santé au travail nécessaires au développement de la prévention ainsi qu'à la coordination, la qualité et la continuité des soins. »
Notre réponse sera la même qu'en commission : cet amendement vise à faire du DMST, le dossier médical en santé au travail, un élément spécifique au sein du DMP, ce qui est déjà le cas. Il est donc satisfait. Je demande son retrait ; à défaut, avis défavorable.
Tous ces amendements appellent des précisions au sujet du DMP, du DMST, etc. Encore une fois, c'est la preuve qu'il faut continuer à instruire tout cela en mettant à profit le temps parlementaire. Monsieur le député, je vous invite à retirer votre amendement ; à défaut, avis défavorable.
Je ne retire pas l'amendement, car il est important de structurer le DMP. Si c'était déjà le cas, comme le dit Mme la rapporteure, le Conseil d'État ne recommanderait pas de le faire !
L'amendement no 227 n'est pas adopté.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement no 333 .
Depuis la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, il est devenu de plus en plus difficile pour les salariés de contester l'avis d'inaptitude prononcé par le médecin du travail. En effet, cette contestation ne relève plus de l'inspection du travail, mais du conseil de prud'hommes. Mon amendement visant à revenir sur cette mesure a été jugé irrecevable ; celui-ci est un amendement de repli, qui prévoit de modifier les modalités de contestation de l'avis d'inaptitude en portant à deux mois le délai de saisine du conseil de prud'hommes. Le délai actuel de quinze jours est insuffisant, notamment parce qu'il faut un certain temps avant de pouvoir réagir à une telle annonce.
Vous souhaitez étendre le délai de recours auprès du conseil de prud'hommes. Ce délai est important : il est inscrit dans le code du travail. Or vous voulez le modifier sans la moindre concertation ! Avis défavorable.
Vous aussi, vous avez déposé des amendements qui n'avaient donné lieu à aucune concertation ! Ce n'est pas un argument !
Même avis. Monsieur Dharréville, peut-être essayez-vous un peu de rejouer le match de 2017 ; en réalité, vous savez fort bien que la procédure de licenciement pour inaptitude est entourée de dispositifs extrêmement protecteurs pour le salarié. Le médecin ne se prononce que sur des données médicales, et l'extension du délai de recours ne changerait pas grand-chose.
Monsieur le secrétaire d'État, je ne cherche absolument pas à rejouer un match, mais à signaler des dispositions qui mériteraient d'être revues, car nous pouvons aujourd'hui mesurer leurs effets, leurs conséquences.
Madame la rapporteure, vous avez raison : mon amendement n'a pas fait l'objet d'une discussion dans le cadre de l'ANI, l'accord national interprofessionnel, …
… mais vous-même avez intégré au texte des mesures qui n'en avaient pas fait l'objet non plus. Nous sommes ici pour écrire la loi : je fais mon travail de parlementaire en formulant des propositions. Au passage, puisque M. le secrétaire d'État est venu me chercher à ce sujet, il conviendra que certaines dispositions des ordonnances dites « travail » de 2017 n'avaient pas davantage été soumises à une grande concertation, ni à un grand accord des organisations syndicales.
Mmes Caroline Fiat et Marie-Noëlle Battistel applaudissent.
L'amendement no 333 n'est pas adopté.
Quelques mots au sujet de cet article 12, tout aussi important que le précédent, car il porte sur le DMST. Créé en 2010 à l'occasion de la réforme des retraites, celui-ci constitue l'équivalent du DMP pour tout ce qui concerne la carrière et les conditions de travail des salariés ; il suit donc le travailleur durant toute sa vie professionnelle.
Nous sommes là au coeur de la prévention, et je voudrais saluer une avancée : de meilleures garanties de prise en charge d'un certain nombre de facteurs d'usure professionnelle, comme la pénibilité. Je dis cela en toute lucidité, en toute sagesse. Il m'arrive de trouver votre texte trop maigre, insuffisant ; lorsque je l'approuve, je sais aussi l'exprimer, dans le cadre des débats éclairés qui doivent être les nôtres. En l'occurrence, nous avons réussi, lors de l'examen de cet article en commission, à bonifier sa rédaction par des amendements auxquels vous avez été favorables.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
M. Viry est quelqu'un d'objectif : il faudra aussi l'écouter lorsqu'il vous dira que vous êtes à côté de la plaque !
Malgré tout, il reste un bout de chemin à faire si nous voulons que la proposition de loi soit aussi pertinente que possible. Madame la rapporteure, les partenaires sociaux, dans le cadre de l'ANI, avaient suggéré que le suivi de certains salariés puisse être assuré par un médecin praticien correspondant, ce qui suppose qu'il existe deux catégories de médecins du travail : le médecin du travail stricto sensu et ce médecin praticien correspondant. Afin de garantir l'égalité de traitement de tous les salariés, quel que soit le professionnel de santé intervenant auprès d'eux, il faudrait donc que le médecin praticien correspondant soit également habilité à constituer et à consulter le DMST. Je vous propose de boucler la boucle et de faire droit à l'amendement que j'ai déposé en ce sens.
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille, pour soutenir l'amendement no 226 .
Cet amendement vise à apporter une précision importante, qui, je l'espère, rassurera quelque peu M. Dharréville et Mme Fiat : ne seront versées au DMP que les données nécessaires « au développement de la prévention ainsi qu'à la coordination, la qualité et la continuité » des soins.
Si j'ai bien compris, je réponds à M. Isaac-Sibille, puisque l'amendement no 159 , que M. Viry a soutenu dans le cadre de son intervention sur l'article, vient immédiatement après le no 226.
Encore une fois, monsieur Isaac-Sibille, vous demandez l'insertion du DMST dans le DMP, ce qui est le cas depuis la loi du 24 juillet 2019. Vous souhaitez que les professionnels de la santé au travail soient les seuls à pouvoir implémenter ce DMST : là encore, votre amendement est satisfait, depuis l'adoption en commission d'un amendement du rapporteur général. J'espère que vous en serez convaincu. Je demande le retrait de l'amendement ; à défaut, avis défavorable.
S'agissant du DMP et du DMST, je vous invite depuis tout à l'heure à laisser progresser les consultations, y compris durant la période d'échanges qui accompagne la navette parlementaire, et par conséquent à retirer votre amendement ; à défaut, avis défavorable.
Je veux bien le retirer, mais il repose sur les recommandations du Conseil d'État : encore une fois, pourquoi celui-ci les aurait-il formulées si les dispositions correspondantes existaient déjà ?
L'amendement no 226 est retiré.
L'amendement no 159 de M. Stéphane Viry a été défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Monsieur Viry, vous proposez que le médecin praticien correspondant, créé par cette proposition de loi, puisse alimenter le DMST, ce que vous aviez déjà suggéré en commission. Nous avions alors besoin de laisser mûrir les choses ; à présent, je suis très heureuse de vous annoncer que l'avis de la commission sera favorable à cet amendement et que vous aurez donc pu, vous aussi, enrichir ce texte.
L'amendement no 159 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille, pour soutenir l'amendement no 229 .
M. Viry m'a induit en erreur ; c'est cet amendement que j'ai défendu précédemment.
Monsieur Isaac-Sibille, la commission a émis – je suis vraiment heureuse de pouvoir vous le dire – un avis favorable à cet amendement qui complète utilement les catégories d'information qui seront accessibles aux professionnels du soin dans le DMST.
L'amendement no 229 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Catherine Pujol, pour soutenir l'amendement no 234 .
Si vous le permettez, madame la présidente, je défendrai également l'amendement no 233 .
Ces deux amendements rédactionnels de M. Bruno Bilde tendent à renforcer et à améliorer la protection des données contenues dans le dossier médical numérisé des travailleurs. L'accès à ces données, indispensables mais particulièrement sensibles, doit se faire dans des conditions de sécurité absolue et requiert un consentement explicite et éclairé du patient. L'amendement no 234 tend à préciser à l'alinéa 6 que ce consentement est « exprès ». De même, l'amendement no 233 vise à soumettre à son « acceptation expresse » le transfert de son dossier d'un service médical à un autre.
S'il y avait véritablement besoin d'affirmer la nécessité d'un consentement exprès pour l'accès du médecin du travail au dossier médical partagé, la sécurité des données et le consentement sont en revanche totalement garantis dans le cas inverse, grâce aux dispositions d'accès au DMP. Avis défavorable.
L'amendement no 234 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Gisèle Biémouret, pour soutenir l'amendement no 145 .
Les interactions entre DMP et DMST font l'objet de dispositions équilibrées contenues dans la loi de 2004 et auxquelles l'article 51 de la loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé a apporté de légères modifications, applicables à partir du 1er juillet 2021. Le médecin du travail ne peut pas consulter le DMP mais peut y déposer des documents, de même qu'il peut inscrire des éléments dans le DMST. Les autres professionnels de santé peuvent consulter et modifier le DMP – y compris les documents déposés par le médecin du travail – et, sauf opposition du patient, consulter le DMST.
Pour compléter le dispositif, il convient d'ajouter la possibilité pour les autres professionnels de santé de communiquer au médecin du travail les éléments qu'ils estiment pertinents en leur donnant la faculté de déposer des éléments dans le DMST. C'est ce que propose le présent amendement. Pour garantir la préservation du secret médical, l'accord du patient sera nécessaire pour l'ajout de chacun de ces éléments.
Je ne comprends pas votre amendement, madame Biémouret. Il permettrait en effet à des professionnels de santé d'inscrire dans le DMST des informations qui ne relèvent pas nécessairement du domaine de la santé au travail, puisqu'eux-mêmes ne sont pas médecins du travail. Cela reviendrait à briser toute la chaîne de consentement expresse que nous avons mis tant d'empressement à construire. Vous qui vouliez supprimer l'article 11 dont vous estimiez les dispositions trop peu sécurisées, vous allez maintenant à l'encontre de vos propres recommandations. Avis défavorable.
L'amendement no 145 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
S'agissant de l'accès du médecin-conseil au DMP, madame la rapporteure, vous avez émis un avis défavorable à l'amendement que j'ai déposé à l'article 11. Je vous ai alors trouvé hésitante dans votre argumentation – je vous le dis en toute sincérité – , puisque vous avez surtout réclamé du temps pour sécuriser le dispositif. Je fais donc de nouveau la même proposition, cette fois au sujet du dossier médical en santé au travail. Vous l'avez dit vous-même : dès lors que le médecin-conseil est médecin, soumis à une déontologie qui l'astreint notamment au secret médical, il n'y a aucune raison de l'empêcher d'accéder à toutes les informations qui peuvent être utiles à la santé du salarié afin de prendre les mesures de prévention qui s'imposent.
En cohérence avec mon avis précédent, j'émets un avis défavorable à cet amendement – très défavorable, même, et je le dis sans la moindre hésitation !
L'amendement no 160 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Le présent article modifie notablement le régime de transmission du dossier médical en santé au travail : alors que le dossier pouvait être communiqué d'un médecin du travail à un autre si le premier l'estimait nécessaire – sauf refus du travailleur – , le DMST est désormais susceptible d'être rendu automatiquement et simultanément accessible à plusieurs services de prévention et de santé au travail – SPST. Compte tenu de ce changement, plutôt que de donner au travailleur la simple possibilité de refuser cette transmission – en supposant qu'il ait connaissance de ce droit – , il est préférable que son accord explicite soit recueilli par n'importe lequel des acteurs de la chaîne. C'est ce que propose le présent amendement, en reprenant la même formulation qu'à l'alinéa précédent.
Conformément à l'accord national interprofessionnel, qui place la prévention au c? ur de la santé au travail, il convient de préciser que le dossier médical en santé au travail accompagne automatiquement le salarié, même en cas de changement de service compétent, afin qu'un véritable suivi de la santé de ce dernier puisse être réalisé.
L'avis est défavorable à l'ensemble de ces amendements. Qu'il s'agisse du consentement ou des conditions d'accès au DMST, je crois que nous avons trouvé un bon équilibre en commission des affaires sociales.
L'article 12, amendé, est adopté.
La parole est à Mme Valérie Beauvais, pour soutenir l'amendement no 94 portant article additionnel après l'article 12.
Monsieur le secrétaire d'État, les services de santé au travail et les médecins du travail ne sont pas en mesure actuellement de contrôler l'identité des personnes qui se présentent devant eux. Afin de lutter contre les fraudes et d'éviter toute usurpation d'identité à l'occasion des entretiens ou tests médicaux, il convient d'y remédier en leur permettant une lecture de la carte vitale. Je me permets d'ajouter que de tels contrôles seraient d'autant plus efficaces si le projet de création d'une carte biométrique avait été adopté.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Comme vous, madame Beauvais, nous souhaitons que les services de santé au travail puissent bien identifier les personnes qu'ils reçoivent : c'est en effet indispensable. La disposition que vous proposez, déjà adoptée dans le cadre de la loi d'accélération et de simplification de l'action publique, dite loi ASAP, est ainsi renforcée dans la présente proposition de loi. L'amendement est donc satisfait et je vous en demande le retrait.
Le code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi du 7 décembre 2020, prévoit en effet déjà la possibilité, pour les services de santé au travail, d'accéder à l'identifiant national de santé – INS – des personnes qu'ils reçoivent. Les dispositions réglementaires du même code renvoient à un référentiel le soin de préciser les procédures de surveillance et de gestion des risques d'erreur d'identification. Ce référentiel a été adopté par un arrêté du 24 décembre 2019. Je confirme donc l'avis de Mme la rapporteure en soulignant que votre demande est satisfaite, madame Beauvais. Je vous invite à retirer l'amendement.
L'amendement no 94 est retiré.
L'article 13 rend possible l'exploitation scientifique des données médicales anonymisées contenues dans le DMST. Or l'article L. 1461-1 du code de la santé publique indique déjà le système national des données de santé – SNDS – rassemble et met à disposition, parmi d'autres données, « les données de santé recueillies lors des visites d'information et de prévention, telles que définies à l'article L. 4624-1 du code du travail. » C'est d'ailleurs ce que relève le Conseil d'État dans son avis. La législation en vigueur permet donc déjà de prendre une photographie de l'état de santé de la population au travail et de constater d'éventuelles évolutions des pathologies liées au travail, tout en garantissant l'anonymat des données recueillies.
C'est pourquoi nous demandons la suppression de cet article inutile.
L'article 13, que vous voulez supprimer, prévoit l'exploitation des données de santé au travail afin d'alimenter les bases de données dont se servent des centres de recherche comme l'INRS – Institut national de recherche et de sécurité – ou l'ANSES – Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail – pour réaliser leurs études. Ces dernières sont pourtant très utiles pour améliorer la prévention en santé au travail. J'ajoute que les données collectées dans le SNDS sont pseudonymisées afin d'éviter toute réidentification par le biais des études qu'elles ont permis de produire. La CNIL, que nous avons auditionnée dans le cadre de la préparation de cette proposition de loi, a d'ailleurs confirmé que ces données de santé étaient pleinement sécurisées. Avis défavorable.
Même avis.
Il y a des choses qui m'échappent. Comme dirait l'ancien président du groupe LaREM, tout cela est peut-être trop intelligent, trop subtil…
Sourires.
Il est vrai que la subtilité ne fait pas partie de ses qualités premières…
Dès que nous vous faisons une proposition, vous la jugez satisfaite par telle ou telle disposition en vigueur. Mais lorsque nous montrons que le contenu d'un article figure déjà dans le code de la santé publique, si bien que l'on se demande à quoi il peut bien servir, vous nous répondez qu'il faut absolument l'adopter. Il y a donc réellement des choses qui m'échappent !
Soucieuse de préserver ma voix, madame la présidente, je n'ai pas demandé de rappel au règlement lorsque j'ai été interpellée tout à l'heure au sujet de la lettre des 600 médecins, dont M. Martin et moi n'avons visiblement pas la même lecture. Or l'un de ses signataires vient de m'envoyer un message afin de me rappeler qu'elle concernait en réalité deux sujets. Le premier est, en effet, l'article 24, mais la deuxième est la protection du secret médical et des données médicales de santé des salariés des entreprises – soit précisément le sujet de l'article 11, n'est-ce pas chers collègues ?
M. Martin ne m'écoute pas, c'est dommage : lorsque l'on m'attaque, je réponds ! Si je m'étais trompée, je me serais excusée, mais de fait, je ne me suis pas trompée !
Je voudrais profiter du débat qui s'engage sur la question des données pour appeler l'attention de notre assemblée sur les maladies et pathologies professionnelles qui, reconnues ou non, méritent toutes que l'on s'y intéresse. Toute nouvelle reconnaissance d'une maladie professionnelle devrait déclencher une action immédiate et systématique de la part de l'employeur pour tenter d'en éradiquer la cause. Or nous souffrons aujourd'hui d'une lacune dans la connaissance des postes de travail qui génèrent ces maladies. C'est la raison pour laquelle j'avais déposé une proposition de loi visant à créer un cadastre intégrant les maladies reconnues, dont nous connaissons les causes, mais aussi celles qui ne l'ont pas été. Le but était de recouper ces informations pour déterminer les postes concernés. Lorsque le salarié d'une entreprise sous-traitante ou d'intérim contracte une maladie, les données à ce sujet ne sont pas versées au même registre que celles de l'entreprise qui l'emploie. Il y a là quelque chose à faire, notamment pour les instances représentatives du personnel. Il ne s'agit pas simplement de constituer des bases de données ; encore faut-il savoir les utiliser pour agir concrètement.
L'amendement no 269 n'est pas adopté.
Cet amendement vise à compléter l'article 13 afin d'indiquer que l'archivage des données de santé mentionnées à cet article s'effectue sur un serveur français. Cette précision nous semble nécessaire car le traitement de nos données personnelles est un élément qui, malheureusement, échappe souvent à la vigilance du Gouvernement. Pour nous, les données de santé particulièrement sensibles doivent impérativement rester sur le territoire national et, pour cela, être stockés sur un support matériel français.
Cette proposition n'est pas sans rappeler les débats que nous avons eus récemment sur la question de la protection des données de santé et le choix malencontreux fait par ce gouvernement, notamment lors de la création du Health Data Hub, de confier des données de santé à Microsoft, avec tous les dangers que cela comporte. Puisque vous ne voulez pas retirer l'article 13, il est nécessaire de prendre un minimum de précautions afin de préserver notre souveraineté – du moins le peu qu'il en reste – sur les données de santé.
Avec cet amendement, vous risquez de rendre très compliqué, voire presque impossible, l'hébergement de certaines données de santé. Je rappelle que la loi destinée à transposer dans notre droit le RGPD, le règlement général de protection des données, a permis de sécuriser celles-ci, notamment les données de santé. De même, le système national des données de santé offre toutes les garanties en matière de protection des données.
Même avis.
Nous avons malheureusement eu la preuve, à de nombreuses reprises, que nos données de santé n'étaient pas protégées…
… et c'est vraiment la moindre des choses que de demander qu'elles soient hébergées sur des serveurs français afin de nous permettre de conserver notre souveraineté. Je suis désolé si cela vous agace, mais on a quand même le droit de souhaiter cela, plutôt que de voir nos données hébergées à l'étranger, ce qui permet à n'importe qui de faire n'importe quoi ! Peut-être que pour vous ce n'est pas important, mais pour nous, il est essentiel d'avoir la garantie que personne ne peut utiliser nos données. Nous avons des exemples d'utilisation abusive des données et nous avions évoqué cette question avec Mme Buzyn dans le cadre du PLFSS pour 2020.
L'amendement no 270 n'est pas adopté.
Toujours pour assurer un minimum de protection aux données, cet amendement vise à préciser que nul ne peut communiquer ou vendre des données de santé dont il est fait mention au présent article. Je rappelle qu'en 2017, le laboratoire Servier a conclu un partenariat avec l'entreprise franco-américaine Embleema nouvellement créée, ayant pour objet de proposer aux particuliers d'héberger en ligne leurs données de santé, mais aussi éventuellement de les mettre en vente. Il s'agit ni plus ni moins d'une sorte d'uberisation de la collecte des données, où chacun peut être le vendeur de ses propres données.
Les dispositions du code de la santé publique rendant possible l'extraction du contenu de son espace numérique de santé, nous pouvons craindre le développement d'un nouveau marché. Il nous paraît donc indispensable d'inscrire dans la loi le principe selon lequel personne ne peut communiquer ni vendre ses données de santé à des organismes privés à but lucratif. Les données de santé doivent rester des ressources médicales ou scientifiques et, bien sûr, être hébergées sur des serveurs français afin de garantir notre souveraineté.
Si nous avons bien compris que cette dernière exigence vous semblait sans intérêt, faites au moins en sorte que les données de santé ne soient pas le carburant d'une nouvelle activité mettant en danger la vie privée des personnes et, plus largement, nos politiques de santé publique, par la marchandisation et la fragilisation d'éléments fondamentaux pour la vie de chacun…
C'est n'importe quoi ! Qu'est-ce qu'elle raconte ? C'est incompréhensible !
… ainsi que pour la vie du pays, comme on le voit dans le cadre de la crise sanitaire actuelle.
Je vous invite à relire l'article L. 1111-8 du code de santé publique, qui précise que « tout acte de cession à titre onéreux de données de santé identifiantes, directement ou indirectement, y compris avec l'accord de la personne concernée, est interdit sous peine des sanctions prévues à l'article 226-21 du code pénal » – à savoir cinq ans d'emprisonnement et 300 000 euros d'amende. C'est écrit dans le code !
Si nous pouvons parfois avoir des lectures différentes sur tel ou tel point et en débattre, en l'occurrence, madame Obono, vos craintes sont tout à fait injustifiées, et la lecture que vient de vous faire Mme la rapporteure de l'article L. 1111-8 devrait suffire à vous rassurer. Je pense qu'on gagne toujours à éviter de polémiquer…
… et à ne débattre que des sujets sur lesquels il existe un vrai désaccord sur le fond – je pense aux amendements défendus il y a quelques instants par Mme Fiat – et que votre argumentation est bien plus convaincante quand vous vous en tenez à cette ligne de conduite. Franchement, vous faites fausse route. Avis défavorable.
Tous ceux qui ont suivi les débats sur le PLFSS pour 2020 peuvent témoigner du fait que, si j'ai très rarement été d'accord avec Mme Buzyn, je l'étais pleinement sur ce sujet-là. Peut-être sera-t-elle étonnée que j'invoque son nom si elle nous écoute depuis son bureau de l'OMS –
Sourires
… mais c'est ainsi ! En l'état actuel des choses, les données sont tellement bien protégées que, depuis 2017, le laboratoire Servier, grâce au partenariat conclu avec l'entreprise franco-américaine Embleema et au fait que les données sont stockées à l'étranger, peut se livrer à la commercialisation des données. Mais à part ça, vous avez raison, tout est parfaitement protégé !
L'amendement no 271 n'est pas adopté.
L'article 13 est adopté.
Cet amendement vise à faire du médecin du travail le coordonnateur de l'action de la cellule pluridisciplinaire dont l'article 14 prévoit la création. Seul professionnel de santé ayant l'expérience de l'entreprise, il est garant du secret médical, il protège le dossier médical du salarié et c'est lui qui connaît le mieux les problématiques de santé des salariés dans l'entreprise concernée.
La parole est à Mme Carole Grandjean, rapporteure de la commission des affaires sociales, pour donner l'avis de la commission.
La cellule de prévention de la lutte contre la désinsertion professionnelle est placée sous l'égide des services de santé au travail, en partenariat avec les employeurs, les salariés, qui sont les principaux concernés, et d'autres acteurs – des amendements viendront préciser la composition de ce réseau de partenaires. Les cellules de lutte contre la désinsertion professionnelle gagneront à pouvoir faire preuve de souplesse et, pour cela, à être composées d'acteurs capables de se coordonner parce qu'ils ont l'habitude de travailler ensemble, mais aussi parce que certaines compétences se justifient plus ou moins selon la situation individuelle de chaque salarié – c'est d'ailleurs bien ce qui est recherché ici : accompagner la situation individuelle pour lutter contre la désinsertion professionnelle.
Monsieur Lassalle, vous souhaitez introduire des précisions afin de consolider la structuration de la cellule de prévention. J'estime que nous devons laisser de la souplesse à ces acteurs qui connaissent leur métier, qui savent sur quelles ressources ils peuvent compter dans leur territoire, au sein de leur réseau de partenaires. Nous devons leur faire confiance en leur permettant d'ajuster leurs partenariats en fonction des situations individuelles, c'est pourquoi j'émets un avis défavorable à votre amendement.
Je suis du même avis que Mme la rapporteure, qui a été particulièrement explicite.
Mme la rapporteure a bien expliqué tout l'intérêt de ces cellules dédiées à la prévention de la désinsertion professionnelle. Dans le cadre des travaux en commission, la majorité s'est employée à améliorer ce dispositif déjà excellent en bénéficiant pour cela d'un soutien provenant de tous les bancs, ce dont je me réjouis. Nous avons notamment souhaité mettre l'accent sur une meilleure prise en compte du handicap, en commençant par compléter l'intitulé du titre III de la présente proposition de loi pour mentionner explicitement les personnes en situation de handicap. Le rôle du référent handicap, créé dans les entreprises par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, a été clarifié dans le dispositif de manière à ce qu'il puisse y trouver toute sa place.
De même, notre travail en commission a permis d'ajouter des liens entre ces nouvelles cellules et les structures de l'assurance maladie compétentes en matière de handicap, notamment celles agissant dans le domaine de l'emploi accompagné. Enfin, nous avons articulé ces cellules de prévention de la désinsertion avec le plus d'acteurs pertinents possible, afin qu'elles puissent se déployer en s'appuyant sur l'ensemble des expertises existantes.
Nous avons en fait repris et amplifié l'approche pragmatique et consensuelle qui animait les partenaires sociaux signataires de l'ANI de décembre 2020. Mes chers collègues, avec ces cellules interdisciplinaires, nous plaçons auprès des salariés des interlocuteurs de qualité au service de la prévention de la désinsertion professionnelle, donc à leur propre service.
L'amendement no 547 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Gisèle Biémouret, pour soutenir l'amendement no 143 .
La cellule de prévention de la désinsertion professionnelle qu'il est prévu de créer dans les services de prévention et de santé au travail est constituée d'un panel représentatif des différents intervenants de ces services. Or, ses participants ne suivant pas l'ensemble des salariés couverts par le service de santé, ils ne sont pas en mesure d'identifier l'ensemble des situations individuelles problématiques.
Les cas doivent pouvoir être identifiés et remontés par l'ensemble du personnel de santé des services de santé, ainsi que par des acteurs externes au service, notamment les entreprises, la sécurité sociale et les maisons départementales des personnes handicapées – MDPH. Tel est l'objet de cet amendement des députés du groupe Socialistes et apparentés, proposé par la CFE-CGC.
Nous avons déjà débattu de cette proposition en commission et nous y sommes défavorables, car la rédaction que vous proposez ne permet pas de bien identifier l'origine des situations identifiées, ce qui rend malaisée la décision de la cellule de prévention de prendre ou non en charge cette situation individuelle.
Même avis.
L'amendement no 143 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l'amendement no 101 .
Si je partage la philosophie de l'article 14 et de ses préconisations relatives au plan de retour à l'emploi, je trouve que votre description de l'ensemble des opérateurs est à la fois trop dense et trop imprécise.
J'aurais souhaité – et c'est l'objet de mon amendement – que soient associés les opérateurs qui travaillent auprès des personnes en situation de handicap comme l'Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées, l'AGEFIPH, le Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique – FIPHFP – ou Cap Emploi. Ce sont eux qui sont les premiers interlocuteurs des personnes en situation de handicap ou dans l'incapacité de revenir à l'emploi que nous rencontrons dans nos permanences ; ce sont eux à qui l'on écrit. Ils devraient travailler eux aussi au sein de la cellule pluridisciplinaire.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Madame Dalloz, je suis un peu surprise que vous reveniez sur les dispositions adoptées en commission. Elles me semblent avoir bien précisé les acteurs susceptibles d'intervenir dans cet accompagnement : l'ensemble des services de l'assurance maladie impliqués dans l'accompagnement des personnes au titre de la prévention de la désinsertion professionnelle, plutôt que les seuls services médicaux comme vous le proposez, les acteurs de la compensation du handicap, de la pré-orientation et de la réadaptation professionnelle ou encore ceux chargés de la mise en oeuvre du dispositif d'emploi accompagné.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Avis défavorable également.
J'entends vos arguments et j'ai lu l'énumération à laquelle procède l'article 14. Nous aimerions savoir quelles réponses apporter dans nos permanences aux personnes concernées. Pouvez-vous me dire concrètement vers quels opérateurs elles pourront se tourner dans chaque département ? Donnez-nous des exemples précis.
Votre liste à la Prévert avec ses larges dénominations, c'est bien, mais n'oublions pas que derrière tout cela, il y a des vies : ce sont des possibilités de retour à l'emploi qui sont menacées si vous restez dans le vague. Il n'y a pas que Paris et les grandes villes. Qui interviendra dans les territoires ruraux ? Indiquez-le nous.
L'amendement no 101 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Cécile Delpirou, pour soutenir l'amendement no 87 .
Je retire cet amendement au profit de celui que j'ai déposé à l'article 14 ter.
L'amendement no 87 est retiré.
L'amendement no 149 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement vise à préciser que la cellule de prévention de la désinsertion professionnelle collabore avec les acteurs de la prise en charge du handicap conformément à ce que prévoit l'ANI.
Ces amendements sont satisfaits. Les travaux en commission ont permis d'apporter des précisions. Retrait ou avis défavorable.
Ces amendements sont en effet satisfaits et je vous propose, mesdames les députées, de les retirer.
L'article 14, amendé, est adopté.
Cet amendement précise les exigences relatives aux services de prévention et de santé au travail autonomes posées dans l'ANI du 9 décembre 2020. Celui-ci prévoit que « les services de santé au travail de branche et les services de santé au travail autonomes doivent s'inscrire dans la même dynamique de qualité, d'opérationnalité et d'effectivité que les SPSTI », les services de prévention et de santé au travail interentreprises, et qu'ils doivent, pour ce faire, se doter « de compétences identiques, y compris en matière de prévention de la désinsertion professionnelle, afin de répondre à l'ensemble des attentes et des besoins des employeurs et des salariés ».
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement no 202 .
Comme l'a très bien dit ma collègue, nous reprenons une préoccupation exprimée par les partenaires sociaux pendant la négociation de l'ANI. Nous devons assurer des conditions d'exercice identiques pour les différents services de santé au travail.
Lors de l'examen en commission, nous avions mis l'accent sur le fait que les services autonomes étaient écartés de la mise en place du dispositif prévu à l'article 14. Nous proposons une nouvelle fois que ceux-ci soient dotés de compétences pluridisciplinaires, y compris en matière de prévention de la désinsertion professionnelle.
Ces amendements ont tout leur sens dans un texte de loi consacré à la santé au travail puisqu'ils portent sur les services de santé au travail autonomes, les SSTA, qui accompagnent les salariés au même titre que les SSTI. Nous rejoignons l'idée qu'il faut les faire converger et faire progresser l'offre de services en leur sein. Toutefois, les dispositions que vous proposez nous semblent prématurées et leurs effets insuffisamment mesurés.
Prenons un exemple. Dans les SSTI, les équipes pluridisciplinaires comprennent un médecin du travail, un infirmier et un préventeur ; dans les SSTA, le préventeur peut être directement salarié par l'entreprise, ce qui fait qu'il n'est pas rattaché au médecin du travail en tant que tel.
Les dispositions que vous proposez ne sont pas suffisamment en adéquation avec la réalité des entreprises et de leur organisation. Avis défavorable sur tous ces amendements.
Le Gouvernement partage l'objectif des auteurs de la proposition de loi et des signataires de l'ANI de ne pas imposer ces dispositions aux services de santé autonomes pour des raisons que vient fort bien d'exposer Mme la rapporteure. Les modalités d'organisation diffèrent d'une entreprise à l'autre, j'ai encore eu récemment l'occasion de le vérifier sur le site de Merck à Molsheim. Les mêmes dispositifs n'ont pas le même sens dans un service interne et dans un service autonome. Mon avis sera donc aussi défavorable.
Madame la rapporteure, monsieur le secrétaire d'État, le Conseil d'État a appelé l'attention sur l'enjeu que représentent les services de santé autonomes en soulignant que ceux-ci devaient s'inscrire dans la même dynamique que les SSTI et être dotés des mêmes compétences qu'eux. Ces amendements ne sont pas anodins.
L'amendement no 306 n'est pas adopté.
Afin que l'accompagnement du salarié prévu dans la proposition de loi ne soit pas utilisé comme un levier pour licencier pour faute des personnes dont l'aménagement du poste de travail n'a pas été possible, nous demandons que figure dans la loi la phrase suivante : « Nul ne peut être licencié pour faute car son poste ne peut être aménagé, adapté ou transformé de manière à favoriser son retour au travail ».
Citons le sociologue Pascal Marichalar : « Le salarié est-il (encore) apte à exercer à un poste donné ? C'est la question que se posent les médecins du travail des millions de fois chaque année. La délivrance de l'avis d'aptitude ou d'inaptitude au poste de travail, lors de l'embauche ou à la suite d'un changement d'état de santé, est même communément perçue par les salariés, les employeurs et les directeurs de services de santé au travail comme l'activité principale des médecins du travail. » Il poursuit : « La nécessité de ce verdict n'était pourtant pas inscrite dans les lois fondatrices de 1942 et 1946. Elle s'est néanmoins imposée dès les premiers décrets d'application comme une tâche incontournable. L'avis d'aptitude-inaptitude est craint par les salariés, car il constitue un jugement social sur la vieillesse, l'usure de leur corps, ainsi qu'une cause possible de licenciement, pouvant déboucher sur un chômage de durée indéterminée. Il est au contraire plébiscité par les employeurs, qui y voient une assurance en cas de problème ultérieur [… ] et l'utilisent parfois comme un véritable '' permis de tuer '' – selon l'expression du médecin du travail universitaire Philippe Davezies – se sentant dédouanés par son existence de toute obligation d'améliorer les conditions de travail. » La question de l'aptitude, souligne-t-il, « mélange la question de la préservation de la santé des salariés et celle de leur compétence à exercer un métier, et participe à l'élimination du marché du travail de travailleurs jugés '' cassés'' ou susceptibles de tomber malades ».
Madame Obono, nous avons déjà eu cette discussion en commission et je ne vous ferai pas une réponse différente. La déclaration d'inaptitude en droit français fait déjà l'objet, et c'est heureux, d'un strict encadrement. Elle est établie après que le médecin du travail, à la suite d'un examen médical du salarié et d'un entretien approfondi avec lui, constate qu'aucune mesure d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail occupé n'est possible. Elle oblige l'employeur à rechercher pour le salarié un reclassement dans un emploi aussi compatible que possible avec l'emploi précédemment occupé et répondant à plusieurs critères. Elle prévoit aussi que l'employeur justifie les démarches qu'il a engagées auprès du salarié.
Les dispositions légales actuelles sont très précises et cherchent à éviter tout abus. Avis défavorable.
Un licenciement pour faute qui serait motivé par l'inaptitude serait discriminatoire et donc nul de fait et en droit.
L'amendement no 272 n'est pas adopté.
L'amendement no 432 de Mme Carole Grandjean, rapporteure, est rédactionnel.
L'amendement no 432 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Cet amendement propose de simplifier la procédure de communication entre les SPSTI et les organismes de sécurité sociale : les cellules pluridisciplinaires ne seraient plus soumises à l'obligation d'informer ces derniers mais auraient simplement la possibilité de le faire.
Les amendements identiques nos 408 de Mme Véronique Louwagie et 452 de M. Richard Ramos sont défendus.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements identiques ?
L'article 14 bis, introduit en commission, a pour vocation d'améliorer le partage des informations entre les organismes de sécurité sociale et les services de prévention et de santé au travail pour garantir aux travailleurs le meilleur accompagnement global possible, objectif que nous partageons tous.
La coordination en matière de prévention de la désinsertion professionnelle n'est pas évidente et nous sommes tous d'accord pour dire qu'elle doit progresser rapidement. Mon avis sur ces amendements sera défavorable car je considère que la rédaction actuelle de l'article répond à ces enjeux.
Je demande le retrait. J'entends vos inquiétudes, mais l'article 14 bis me semble bien libellé. Il ne s'agit pas de systématiser cette information, mais de la rendre possible lorsqu'elle est utile au maintien dans l'emploi notamment. Même si vos amendements sont intéressants, la rédaction de l'article est bonne et garantit que la diffusion de l'information ne sera pas systématique, mais qu'elle s'effectuera simplement lorsque ce sera utile pour le salarié.
L'amendement no 452 est retiré.
L'amendement no 433 de Mme Carole Grandjean, rapporteure, est rédactionnel.
L'amendement no 433 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 14 bis, amendé, est adopté.
L'amendement no 434 de Mme Carole Grandjean, rapporteure, est un amendement de cohérence rédactionnelle.
L'amendement no 434 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Cécile Delpirou, pour soutenir l'amendement no 292 .
De nombreux salariés en situation de handicap ne se déclarent pas en qualité de travailleurs handicapés, le plus souvent par méconnaissance de leurs droits. Le référent handicap devrait avoir pour rôle d'informer tous les salariés des possibilités de se déclarer. L'information prévue par la loi n'est pas suffisante ; trop de porteurs de handicaps invisibles ou de maladies évolutives ignorent leurs droits et ne se déclarent pas. On peut alors se retrouver à gérer, en fin de carrière, des cas critiques aussi bien en matière de maintien dans l'emploi que pour faire valoir des droits à la retraite.
Nous partageons tous le souci de mieux accompagner les personnes en situation de handicap. Nous le savons, beaucoup de salariés et, plus largement, de travailleurs n'entrent pas dans la démarche de reconnaissance du statut de travailleur handicapé, alors que, le faisant, ils pourraient bénéficier d'un appui, de dispositifs d'accompagnement, pour améliorer leurs conditions d'exercice professionnel.
Néanmoins, la disposition que vous proposez me semble satisfaite. La mission de la cellule pluridisciplinaire de prévention de la désinsertion professionnelle couvre la prévention mais également la coordination des acteurs, la mise en lien, si nécessaire, avec le compte personnel de formation de transition professionnelle ; elle vise aussi à organiser le soutien avec des solutions de reclassement interne ou externe. Elle doit travailler en concertation avec un ensemble de partenaires, notamment les référents handicaps, les MDPH, les SAMETH – services d'appui au maintien dans l'emploi des travailleurs handicapés – , ou encore les CARSAT – caisses d'assurance retraite et de la santé au travail – , pour ne citer que ces acteurs.
Identifier l'origine du risque de désinsertion professionnelle et trouver des solutions pour le prévenir sont au coeur de sa mission. Si la cellule identifie un handicap qui doit être reconnu et considère que le salarié doit être accompagné dans une démarche de reconnaissance, elle inscrit son action dans une relation partenariale avec l'ensemble des acteurs, en particulier les MDPH.
La disposition que vous proposez rend plus incertaine la rédaction de l'article 14 ter déjà largement remanié en commission. Nous ne souhaitons ni faire une loi « bavarde », si je puis dire, ni exclure, a contrario, d'autres missions. C'est pourquoi je vous demande de retirer votre amendement ; à défaut, ce sera un avis défavorable.
Vous proposez que le référent handicap informe les salariés de la possibilité d'être reconnu travailleur handicapé. Nous partageons votre souci de renforcer l'information en matière de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé. Toutefois, la formulation de votre amendement est trop large et laisse à penser que tout salarié peut bénéficier de cette reconnaissance, alors qu'elle est soumise à un dispositif précis. Je vous propose, sous réserve que vous acceptiez de le sous-amender, d'ajouter le mot « concernés » après le mot « salariés ». Dans cette hypothèse, j'émettrai un avis favorable. À défaut, je vous demande de le retirer.
L'amendement no 292 n'est pas adopté.
L'article 14 ter, amendé, est adopté.
Si la pandémie a montré que le recours à la téléconsultation pouvait se révéler utile, la présence du salarié et du médecin en rendez-vous médical doit rester le principe lorsque cela est possible, c'est-à-dire dans la majorité des situations en temps ordinaire.
En effet, le rendez-vous avec le médecin du travail s'effectue sur le temps de travail donc, en cas de téléconsultation, sur le lieu de travail. Il paraît alors compliqué d'assurer la discrétion et la confidentialité de la visite, d'autant plus lorsque de nombreux salariés travaillent en open space. Nous sommes plusieurs, sur les bancs de notre groupe, à avoir travaillé dans le privé ; nous connaissons bien cette réalité – je ne sais pas ce qu'il en est pour vous. On imagine mal une téléconsultation sur des problèmes de santé, à côté de ses collègues. Nous souhaitons donc poser le principe d'une consultation en présentiel et faire de la téléconsultation une exception, aux contours encadrés.
D'ailleurs, madame la rapporteure, je constate que l'ANI est un peu l'alpha et l'oméga de la proposition de loi : quand vous ne voulez pas quelque chose, vous dites que cela ne figure pas dans l'ANI, et quand nous voulons insérer une disposition dans le texte, vous répondez que cela figure déjà dans l'ANI ! Or il se trouve que la volonté des partenaires sociaux était bien d'encadrer la téléconsultation : c'est inscrit dans l'accord.
Si nous ne sommes pas défavorables à l'utilisation d'outils numériques, il est primordial que ce canal ne devienne pas la norme car rien ne vaut les relations humaines en présentiel, surtout en matière de santé. Si la pandémie a montré que le recours à la téléconsultation pouvait être utile, la présence du salarié et du médecin en rendez-vous médical doit rester le principe lorsque cela est possible, donc dans la majorité des situations en temps ordinaire.
En effet, le rendez-vous avec le médecin du travail s'effectuant sur le temps de travail, il a lieu, en cas de téléconsultation, sur le lieu de travail. Dans ces conditions, il paraît compliqué d'assurer la discrétion et la confidentialité de la visite, d'autant que de nombreux salariés travaillent en open space.
À cet effet, la volonté des partenaires sociaux d'encadrer la téléconsultation a été inscrite dans l'ANI sur la santé au travail. Notre amendement, qui reprend une proposition qui nous a été soumise par le syndicat CFE-CGC, pose donc le principe de la consultation en présentiel, et fait de la téléconsultation une exception, aux contours encadrés.
Je souhaite revenir quelques instants sur l'article 15, qui a été en grande partie réécrit en commission.
Nous avons adopté un certain nombre d'amendements qui ont apporté des précisions pour conforter la rédaction juridique, mais aussi le caractère pratique de l'exercice de la télémédecine.
Vos amendements utilisent le mot « télémédecine », mais nous avons réécrit l'article en parlant de « pratiques médicales [… ] à distance utilisant les technologies de l'information et de la communication », parce que la notion de télémédecine ne s'appliquait pas concrètement à l'environnement de travail et à la médecine du travail.
Nous avons également souhaité que la faculté de recourir à cet outil soit expressément ouverte aux infirmiers. Enfin, nous avons apporté deux précisions importantes : l'une relative au consentement du travailleur, qui devra être recueilli préalablement, l'autre concernant la confidentialité des échanges. Il me semble, monsieur Bazin, que cela répond à une préoccupation que vous avez évoquée.
Nous sommes tous d'accord ici ce soir pour dire qu'il n'est pas question que la consultation à distance devienne la norme ; cependant, elle constitue un recours utile, permettant d'éviter certains déplacements. Vous êtes vous-même élu de territoires qui se trouvent parfois éloignés des services de médecine du travail ; la consultation à distance peut constituer pour nos concitoyens une réponse qu'il ne faut pas écarter.
Aussi, il me semble que la rédaction à laquelle nous avons collectivement travaillé en commission est satisfaisante. C'est pourquoi je donne un avis défavorable aux amendements.
Ce sera également un avis défavorable. D'abord, parce que la commission des affaires sociales a bien travaillé en tenant compte du point 54 de l'avis du Conseil d'État sur la proposition de loi. Vous devez, en cela, être rassuré, monsieur Bazin. Ensuite, il faut faire confiance aux professionnels de santé au travail pour apprécier les situations. Elles sont aujourd'hui déjà bien gérées ; on peut dire, eu égard au nombre de consultations effectuées, notamment en période de crise sanitaire, que cela fonctionne assez bien voire très bien. Il y a donc tout lieu de faire confiance au dispositif existant, qui sera encore amélioré par les dispositions de la présente proposition de loi.
J'ai déposé un amendement no 11 , que nous examinerons ultérieurement, défendant la même idée de ces amendements, car le texte tel qu'il est rédigé constitue une ouverture, et peut être un appel à déployer plus largement le recours à la télémédecine. Cela pose question. Je pense qu'il faudrait inscrire dans la loi l'idée que la norme reste le présentiel et que la téléconsultation est l'exception. Je crois à la nécessité de la rencontre physique entre le salarié et le professionnel de santé au travail, pour avoir un échange, en confiance, et permettre que se noue la relation nécessaire à ce que le travail puisse s'accomplir dans les meilleures conditions. Ne pas l'écrire dans la loi reviendrait, en quelque sorte, à ouvrir une porte…
Vous dites, monsieur le secrétaire d'État, qu'il faut faire confiance aux professionnels de santé au travail et que tout se passe bien. Mais de nombreux salariés ont du mal à obtenir des rendez-vous et certains services de santé au travail peinent à faire face à la demande sur leur territoire. C'est une réalité ! On pourrait donc tout à fait imaginer que, devant la pression qui s'exerce pour effectuer ce travail et organiser ces rencontres, certains soient tentés de dire que la téléconsultation va les aider. Mais tous les salariés, y compris ceux qui sont éloignés d'un centre de santé au travail, comme ceux qui habitent dans le territoire de M. Bazin par exemple, ont droit à une rencontre physique.
Vous connaissez ce territoire, madame la rapporteure, mais je ne pense pas qu'il faille proposer systématiquement ce type de réponse, en cas d'éloignement géographique. En réalité, une consultation qui se déroule en vis-à-vis a une tout autre teneur et permet de prendre en considération beaucoup plus de choses que par écrans interposés.
D'ailleurs, ceux qui ont connu, dans leur vie professionnelle passée, les consultations en présentiel, savent que cela amenait parfois la médecine du travail à se rendre sur le lieu de travail parce qu'il était indispensable qu'elle soit sur place, par exemple pour envisager des améliorations en matière d'ergonomie.
La téléconsultation ne peut pas être l'alpha et l'oméga d'une politique de médecine de santé au travail. Il faut poser très clairement le principe qu'elle doit être l'exception. Il faut l'écrire dans la loi parce qu'on sent bien les réflexes qui peuvent jouer et les solutions de facilité qui pourraient être adoptées, d'autant que cela concerne l'organisation du temps de travail, surtout en cette période de crise sanitaire. On en viendrait à une forme de visioconférence permanente.
Mais ce n'est pas cela l'humain ! Beaucoup plus d'informations passent lorsque l'on est en présence l'un de l'autre.
Cela permet d'observer des choses qu'on ne verrait pas à travers un écran qui ne permet pas de visualiser tout le corps. Il arrive parfois, simplement quand une personne entre dans le bureau du médecin que ce dernier décèle un problème que le patient ne formulerait pas forcément. Cela vaut le coup que nos territoires aient droit aussi à de l'humain !
Notre amendement revient sur le long processus de fragilisation de la médecine du travail. En premier lieu, il rétablit la visite médicale d'embauche, transformée par la loi El Khomri en une simple visite d'information et de prévention, qui ne permet pas la prise en compte réelle de l'état de santé du salarié ou de la salariée.
Ensuite, nous souhaitons rétablir la capacité de cette visite à s'assurer de l'aptitude médicale du salarié à occuper son poste, ce qui avait été également supprimé par la loi El Khomri, au mépris du bon sens le plus élémentaire.
Notre amendement vise à rendre au seul ou à la seule médecin du travail le pouvoir de mener une visite médicale, celle-ci ne pouvant être confiée à un autre professionnel de santé. Si nous voulons une prévention efficace, il faut qu'un véritable examen médical soit confié à un médecin. J'ajoute que le médecin du travail est désormais désigné par les délégués du personnel, pour éviter qu'un praticien ou une praticienne ayant des affinités ou des liens d'intérêt avec l'employeur soit choisi.
Enfin, notre amendement vise à ce que les visites soient annuelles pour tous les salariés, et semestrielles pour les travailleurs et les travailleuses de nuit, dont nous savons que leur activité les soumet particulièrement à des risques de maladie, diverses pathologies étant liées au travail nocturne.
Parmi les dispositions que vous proposez, madame Obono, vous souhaitez que seul le médecin du travail puisse réaliser la visite d'embauche. Cette proposition ne fait pas consensus parmi le corps médical : les médecins et les infirmiers que nous avons auditionnés se sont dits satisfaits de l'organisation actuelle de ce type de visite.
Quant à votre proposition d'une périodicité annuelle des visites, elle semble pour le moins difficile à appliquer, eu égard au nombre de salariés – et, plus encore, sachant que le texte poursuit l'objectif d'intégrer les indépendants et les chefs d'entreprise, et de mieux accompagner les intérimaires et les personnes en portage salarial. Votre proposition n'est donc pas réaliste. Je ne suis d'ailleurs même pas sûre qu'elle soit utile : elle pourrait tourner au détriment d'autres mesures que nous souhaitons approfondir, comme les visites renforcées, ou introduire, comme les visites de mi-carrière, qui sont autant d'occasions de renforcer le suivi à des moments clés, au bénéfice de publics vulnérables.
Enfin, le droit prévoit déjà que le suivi de santé doit être adapté à la situation des personnes. L'article R. 4624-17 du code du travail indique ainsi que « tout travailleur dont l'état de santé, l'âge, les conditions de travail ou les risques professionnels auxquels il est exposé le nécessitent, notamment les travailleurs handicapés, les travailleurs qui déclarent être titulaires d'une pension d'invalidité et les travailleurs de nuit mentionnés à l'article L. 3122-5, bénéficie, à l'issue de la visite d'information et de prévention, de modalités de suivi adaptées [… ] ». Les dispositions en vigueur visant à renforcer le suivi à certaines étapes de la carrière, pour des publics vulnérables et exposés à certains risques, me paraissent satisfaisantes. Aussi, mon avis est défavorable.
Votre proposition de confier les visites d'embauche au seul médecin du travail est contraire à la réforme de la médecine du travail de 2016…
… mais aussi à l'esprit de l'accord national interprofessionnel : si les partenaires sociaux avaient souhaité remettre en cause la réforme de 2016, ils l'auraient fait savoir. Quoi qu'il en soit, et comme Mme la rapporteure l'a expliqué, votre proposition serait impossible à appliquer, et causerait même probablement des préjudices aux salariés. En effet, c'est bien grâce à la nouvelle organisation de la médecine du travail, qui s'appuie sur la réforme de 2016, qu'il existe des équipes pluridisciplinaires capables de dispenser un autre type de soin et de consacrer une attention plus soutenue aux salariés. Mon avis est donc défavorable.
Vous avez bien compris, monsieur le secrétaire d'État : mon amendement s'oppose précisément à la réforme de 2016, cette contre-réforme antisociale qui fut largement contestée par les salariés et les organisations syndicales – donnant lieu à des mobilisations dans la rue – , au motif qu'elle fragilisait certains dispositifs de prévention et de santé au travail. Nous dénonçons votre logique de réduction des moyens – alors que, de l'avis de nombreux spécialistes, ils étaient déjà insuffisants. Les travailleurs et les travailleuses en ont été affectés, et les services de médecine du travail l'ont aussi été, puisque leurs moyens ont été affaiblis.
Plus globalement, madame la rapporteure, il est dommage de ne pas envisager la santé dans une véritable approche de prévention. Cela permettrait de transformer la conception de la santé au travail, et même de la santé publique : instaurer le cadre le plus large possible permettrait d'anticiper, non seulement pour celles et ceux qui travaillent dans des secteurs à risque – qui doivent, bien sûr, bénéficier d'une prévention renforcée – , mais aussi pour l'ensemble des salariés, qui sont tous soumis à des risques. J'en appelle donc à une autre logique, plus préventive, qui apporterait davantage aux salariés et à la société dans son ensemble.
L'amendement no 273 n'est pas adopté.
Il vise à pérenniser le recours à la téléconsultation pour les personnes en portage salarial, afin d'améliorer le suivi des risques psychosociaux liés à la conduite de leur activité.
L'article 15 est l'occasion de s'intéresser à la solution pour l'emploi que représente le portage salarial. Vous en connaissez le principe : il concerne essentiellement des activités tertiaires, de nature intellectuelle, qui ne justifient pas nécessairement une rencontre physique avec le médecin du travail. Notez que ces activités s'exercent parfois dans de multiples sites, partout sur le territoire. Du point de vue des travailleurs concernés comme des praticiens, la télémédecine paraît la meilleure solution pour renforcer le suivi des risques psychosociaux des salariés portés. Même s'il n'est pas envisagé de généraliser la télémédecine, comme le disait M. Bazin, celle-ci représente un progrès substantiel dans le cas précis des salariés portés. Je vous demande donc d'approuver mon amendement.
L'article 15 englobe les dispositions que vous prônez pour les travailleurs en portage salarial. Vos amendements me paraissent donc satisfaits. J'en demande le retrait ; à défaut, mon avis sera défavorable.
La parole est à Mme Gisèle Biémouret, pour soutenir l'amendement no 213 .
Il vise à encadrer le recours à la téléconsultation, conformément au souhait des partenaires sociaux. J'ai d'ailleurs des interrogations quant à la téléconsultation : y recourt-on, comme je le suppose, pour pallier le manque de médecins du travail ? Qui effectuera les consultations à distance ? Seront-elles exclusivement conduites par des médecins du travail ?
Nous avons déjà répondu à la plupart de ces questions. Je le répète, la téléconsultation n'est qu'un outil – comme ceux que nous utilisons pour nos réunions à distance, en visioconférence – , et ne modifie en rien le droit qui régit la médecine du travail : les interlocuteurs du salarié restent les mêmes, et les conditions de suivi sont inchangées. La commission a précisé les modalités de recours à la téléconsultation, afin d'apporter des garanties. Comme le prévoit le texte, il est possible de faire de la télémédecine, mais il ne s'agit évidemment pas d'une règle généralisée.
L'amendement no 213 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement no 11 .
Il s'agit de l'amendement dont je parlais tout à l'heure, qui propose d'inscrire clairement dans la loi que la téléconsultation relève de l'exception. Puisque vous semblez être d'accord, madame la rapporteure, pourquoi ne pas l'écrire ? Si cette pratique se développait massivement, la visite risquerait de devenir une simple formalité ; ce serait dommage, car elle a une vraie utilité. Il faut préserver l'espace que je décrivais précédemment. Le sujet aurait d'ailleurs mérité un débat lorsque nous avons examiné les articles précédents : le recours à la téléconsultation est-il un critère de certification des services de santé au travail ?
Même avis.
Le débat sur la téléconsultation tourne en rond, et nous peinons à être convaincus. Les amendements reviennent sur le sujet, mais nous n'avons pas davantage d'explications. Des questions fondamentales restent pourtant posées concernant la vie concrète des salariés. Avant de voter une loi comme celle-ci, il faut aller au fond des choses.
Comment pouvez-vous assurer aux salariés des conditions de discrétion leur permettant de suivre une téléconsultation dans des conditions satisfaisantes, quels que soient l'entreprise et le contexte ? Ces conditions ne sont pas garanties.
D'un point de vue médical, garantissez-vous que toute téléconsultation peut se dérouler dans de bonnes conditions, et peut permettre de déceler tout type de pathologie ? Nous parlons tout de même d'aptitude au travail ! Au nom de la santé des travailleurs, vous avez souhaité sécuriser l'accès du médecin du travail au dossier médical partagé, afin qu'il dispose de toutes les informations et qu'il puisse détecter toute pathologie. Vous conviendrez aussi, au nom de la santé des travailleurs, qu'on ne peut pas tout déceler à travers un écran : tout ne se voit pas, et tout ne peut pas être examiné. Vous devez apporter des réponses précises à ces deux questions, sans quoi nous continuerons à tourner en rond ; le sujet sera balayé, mais d'énormes problèmes se poseront ensuite sur le terrain.
L'amendement no 11 n'est pas adopté.
Il vise à préserver la liberté de choix du salarié quant à la possibilité de recourir ou non à la télémédecine pour son suivi individuel par les services de prévention et de santé au travail.
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille, pour soutenir l'amendement no 224 .
Dans le même esprit que l'amendement précédent, il vise à indiquer, à l'alinéa 4, que les médecins du travail réalisent leurs missions en présentiel, avant de préciser, comme dans la version actuelle du texte qu'ils peuvent toutefois recourir à la télémédecine. La téléconsultation est un merveilleux outil – j'en conviens, madame la rapporteure – , mais elle ne doit pas devenir la règle. Nous en faisons tous le constat quand nous travaillons en visioconférence : c'est intéressant, mais, parfois, la rencontre est essentielle. Comme l'explique M. Bazin, un médecin voit, dès l'arrivée d'un patient, comment il se déplace, s'il est voûté, etc. Je ne jouerai pas au docteur Knock, mais la rencontre face à face permet d'obtenir une foule d'informations. Mon amendement propose donc une synthèse : la règle est la consultation en présentiel, mais il est bien évidemment possible de recourir à la télémédecine, sans la systématiser.
L'amendement no 400 de M. Jean-Carles Grelier est défendu.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?
Je crois avoir déjà répondu à de nombreux éléments. La rédaction proposée, selon laquelle il est possible de recourir à la téléconsultation, est explicite : elle indique bien qu'il ne s'agit pas d'une règle généralisée. Il est de surcroît prévu de recueillir le consentement exprès du salarié. Des garanties sont donc apportées. Notez qu'en médecine de ville, les médecins pratiquent des consultations à distance – les épisodes récents de crise sanitaire ont d'ailleurs démontré l'utilité de ce dispositif. Enfin, nous devons faire confiance aux équipes de médecine du travail, qui savent évaluer les méthodes qu'elles emploient. Elles ne feront pas de la téléconsultation une règle d'or, et sauront juger de la pertinence d'y recourir.
Avis défavorable. J'ai déjà dit un mot à ce sujet tout à l'heure. Il ne faut pas instruire de mauvais procès au dispositif de téléconsultation. Tout le monde se félicite qu'en cette période de crise sanitaire, des consultations à la fois à distance et en présentiel soient menées. J'entendais tout à l'heure l'argument selon lequel un médecin du travail devait se rendre sur les lieux de travail pour mener des actions. C'est une évidence ! il ne saurait mener de telles actions par écran interposé. Ce n'est donc absolument pas le sujet.
Cessons de tourner autour du pot puisque, en l'occurrence, il n'y a pas de pot.
Les choses sont claires : une possibilité est donnée. D'ailleurs, si l'on regarde la situation actuelle, les patients ont recours à la téléconsultation et tout se passe très bien. Il en sera de même demain.
Nous sommes d'accord : les patients ont recours à la téléconsultation et tout se passe parfaitement bien parce que nous nous trouvons dans des circonstances exceptionnelles.
Lorsque nous avons voté pour des mesures favorisant la télémédecine dans le cadre du PLFSS, le projet de loi de financement de la sécurité sociale, le rôle du médecin traitant permettait en quelque sorte d'imposer des limites. Aujourd'hui ce dispositif est généralisé en raison des circonstances exceptionnelles. Il me semble toutefois souhaitable de rappeler que le présentiel constitue la norme mais que l'on peut avoir recours à cet outil merveilleux qu'est la télémédecine.
L'amendement no 319 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Catherine Pujol, pour soutenir l'amendement no 236 .
J'irai dans le sens de mes collègues. Pratique en forte progression, la télémédecine doit demeurer une solution de dépannage. En effet, elle n'offre pas les mêmes garanties de sécurité et de confidentialité des données qu'une consultation traditionnelle. Or les données de santé, particulièrement sensibles, doivent faire l'objet d'une protection toute particulière.
Une consultation de médecine du travail se réalisant sur le temps et sur le lieu de travail, la confidentialité qu'elle suppose peut être problématique pour de nombreux salariés travaillant dans des locaux partagés.
Par cet amendement je propose de préciser que le recours à la télémédecine est limité aux seules situations qui ne permettent pas un examen physique du travailleur.
Même avis.
J'aimerais profiter de cet amendement pour soulever un problème posé par l'article 15. Mesdames les rapporteures, à mon avis, entre le texte initial et celui qui est issu de la commission, quelque chose s'est perdu avec le remplacement de « compte tenu de l'état physique et psychique » par « compte tenu de l'état physique et mental ». Il serait utile de revenir sur cette modification.
L'amendement no 236 n'est pas adopté.
L'amendement no 435 de Mme Carole Grandjean, rapporteure, est rédactionnel.
L'amendement no 435 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
En commission, nous avons mieux encadré le recours à la téléconsultation grâce à l'adoption d'un amendement de Mme la rapporteure Carole Grandjean, qui s'inspirait d'amendements que nous avions déposés et qui prévoit de recueillir le consentement préalable du travailleur.
Une précision manque cependant toujours dans cet article. Il me semblerait utile d'ajouter qu'un refus n'entraînerait aucune conséquence pour le salarié. Tel est l'objet de cet amendement.
Je sais que vous êtes extrêmement soucieuse d'apporter les précisions nécessaires et nous vous en remercions parce que vous avez soumis de nombreuses dispositions venues parfaire ce texte.
Cependant la proposition que vous venez de formuler ne s'impose pas à mes yeux. La nature des éventuelles conséquences que vous mentionnez ne me semble pas évidente. Je donnerai donc un avis défavorable.
Je répète que la téléconsultation est conditionnée au recueil du consentement du salarié. Encore une fois, il ne faut pas chercher de problème là où il n'y en a pas. Tout est clair, tout est écrit. Soyons rassurés sur ce point. Madame Dubié, je pense que vous pourriez retirer votre amendement parce qu'il est satisfait.
L'amendement no 96 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Gisèle Biémouret, pour soutenir l'amendement no 214 .
Par cet amendement nous demandons le maintien des données par sexe figurant dans le rapport annuel d'activité que doit établir le médecin du travail.
Nous sommes nombreuses à être extrêmement attentives à la question de l'égalité entre les sexes. Je ne peux que partager votre préoccupation. Vous l'avez rappelé, le sixième alinéa de l'article 15 supprime le dernier alinéa de l'article L. 4624-1 du code du travail qui prévoit que « le rapport annuel d'activité, établi par le médecin du travail, pour les entreprises dont il a la charge, comporte des données présentées par sexe ».
Je précise que nous n'avons, en aucun cas, l'intention de mettre un terme à l'élaboration de ce rapport. Nous avons longuement abordé cette question en commission. Si nous supprimons cet alinéa, c'est parce que ledit rapport est désormais prévu par un nouvel article du code du travail, créé par l'article 10 de la proposition de loi. Il n'est donc plus nécessaire de mentionner ce rapport à l'article L. 4624-1.
Je rappelle qu'à l'initiative du groupe majoritaire, la commission a adopté un amendement qui vise à préciser que le rapport doit comprendre des données relatives à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, de sorte qu'aucun recul ne soit possible en la matière. Je peux vous répéter que nous serons nombreuses, ici, à rester attentives sur ce sujet. Avis défavorable.
L'amendement no 214 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 15, amendé, est adopté.
Il vise à permettre aux salariés atteints d'une maladie grave de bénéficier d'une téléconsultation ou de télésoins, dont la confidentialité est garantie, à tout moment de la journée, ce qui contribue à améliorer la santé au travail et le suivi global de la personne.
Cette mesure pourrait également réduire la stigmatisation du salarié : la téléconsultation ou le télésoin offrant beaucoup plus de discrétion aux yeux des collègues que le fait de s'absenter pendant une demi-journée. Le dispositif est ainsi complémentaire de celui prévu à l'article L. 1226-5 du code du travail.
La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo, pour soutenir l'amendement no 36 .
Il vise à garantir la confidentialité de la téléconsultation autorisée pour tout salarié atteint d'une maladie grave, au sens des 3o et 4o de l'article L. 160-14 du code de la sécurité sociale, et ce même pendant ses horaires de travail, y compris lorsqu'elle n'avait pas été fixée à l'avance.
Nous devons tous, collectivement, être vigilants au problème que vous évoquez. Le fait de pouvoir accompagner les personnes atteintes de maladie grave, notamment de maladie chronique, constitue un réel enjeu dans la lutte contre la désinsertion professionnelle. On le sait, ces maladies ont souvent un impact sur l'emploi et les aménagements auxquels il faut procéder, sur le poste lui-même ou en matière d'horaires, suscitent souvent une incompréhension au sein de l'environnement professionnel.
Nous avons tous à coeur d'accompagner cette conciliation entre le temps professionnel et les soins médicaux. Cependant, la possibilité de systématiser les télésoins pendant les horaires de travail, comme vous le proposez, me semble une disposition très large et très contraignante qui peut poser de vraies difficultés dans certains environnements de travail. Il faut être bien conscients que nous ne travaillons pas tous, par exemple, avec un ordinateur. Certains salariés ont aussi besoin d'être remplacés pour participer à ce type de rendez-vous.
Nous sommes là au coeur des missions de la cellule de lutte contre la désinsertion professionnelle qui doit mener des actions de prévention et permettre aux salariés atteints de maladie grave ou chronique d'organiser leur activité de manière à pouvoir recevoir les soins nécessaires.
L'avis est défavorable, non pas bien sûr parce que nous ne partagerions pas votre préoccupation concernant la nécessité d'accompagner ces soins, mais parce que le dispositif prévu par vos amendements ne peut être que difficilement mis en place dans l'ensemble des entreprises en France.
Cet article vise à instituer une visite médicale de mi-carrière. Comme je l'ai dit en commission, cette mesure me laisse extrêmement dubitatif, ce qui peut surprendre puisque, apparemment, elle consiste à créer un nouveau rendez-vous et de nouveaux droits.
Aujourd'hui les visites médicales ont lieu tous les cinq ans. Nous ne comprenons donc pas bien pourquoi il faudrait accorder une importance particulière à une visite qui interviendrait à la mi-carrière. Elles doivent toutes avoir pour objet de vérifier qu'il existe une adéquation entre la personne et son poste de travail, ou plutôt que le poste de travail est en adéquation avec la personne – puisque c'est dans ce sens que cette question doit être envisagée.
Nous ne comprenons pas bien l'intérêt de cette visite qui risque de déclasser les autres dès lors que celle de mi-carrière apparaîtrait comme plus importante. Or la vérification doit se faire au long cours, tout au long de la carrière.
De plus, cette mesure semble avoir pour effet de diviser les salariés en deux : d'un côté, les salariés considérés comme juniors, qui n'ont pas encore atteint l'âge de 45 ans – barre fatidique que vous avez fixée – , de l'autre ceux qui auraient basculé dans le groupe des seniors et du côté de la fin de carrière. Cette visite de mi-carrière risque ainsi de se transformer en visite de fin de carrière ou en visite destinée à envisager cette fin de carrière. Certains ont d'ailleurs invoqué cet argument pour défendre la mesure en commission.
C'est d'autant plus préoccupant que pourrait se profiler l'idée de maintenir seulement trois visites : la première en début de carrière, la deuxième, de mi-carrière, que vous souhaitez instaurer par cet article, et la troisième en fin de carrière – au passage, pour celle-ci, nous attendons toujours que les décrets soient publiés.
La parole est à Mme Emmanuelle Anthoine, pour soutenir l'amendement no 83 .
J'irai dans le sens de mon collègue. Il est clair que la visite à mi-carrière pourrait représenter une menace pour l'avenir professionnel des salariés puisqu'elle pourrait permettre de décider de la capacité ou non de la personne à poursuivre son activité professionnelle. Les salariés qui se sentent en difficulté sur leur poste de travail peuvent déjà, d'eux-mêmes, solliciter une visite auprès du médecin du travail ou avoir recours au conseil en évolution professionnelle. La pertinence de la disposition proposée semble ainsi relative. Pour l'ensemble de ces raisons, nous proposons la suppression de l'article 16.
Par cet amendement, que je défends au nom de mon collègue Jean-Félix Acquaviva, nous demandons la suppression de l'article 16, lequel prévoit une visite médicale à mi-carrière professionnelle qui peut être à double tranchant.
Si elle peut être utile afin de vérifier l'adéquation du poste de travail du salarié avec son état de santé, il n'en reste pas moins qu'elle peut être très mal vécue par ce dernier, et considérée comme un moyen de juger s'il est capable ou non de poursuivre sa carrière professionnelle.
Il ne nous apparaît donc pas pertinent de maintenir un article qui n'apporte aucun avantage dans la mesure où le salarié a toujours la possibilité de solliciter une visite auprès de la médecine du travail ou d'obtenir le bénéfice d'un conseil en évolution professionnelle. Il faut laisser au salarié la liberté de prendre l'initiative de ce type de visite, quel que soit son âge.
Je suis très contente de voir que mes collègues ont été sensibles à l'amendement de suppression que j'avais présenté en commission. Pour moi il n'est pas utile, et il est même nuisible, d'instaurer une visite de mi-carrière. En effet, il existe déjà des visites médicales obligatoires tous les deux ans – au minimum tous les cinq ans selon le suivi du salarié. Et puis faisons confiance au médecin : il ne va pas attendre que le salarié ait 45 ans pour se poser la question de l'adaptation de son poste de travail.
En plus, la référence à prendre en compte n'est pas l'âge en soi car cela reviendrait à stigmatiser le salarié en le classant dans la catégorie des seniors dont il faudrait adapter le poste. Cette disposition adresse un message déplorable au salarié : viendrait l'heure du bilan comme s'il avait atteint un certain âge, celui du crépuscule de la carrière. Cela me dérange énormément. Je comprends l'objectif de cet article, à savoir lutter vraiment contre la désinsertion professionnelle, mais créer une visite supplémentaire serait loin d'être le moyen le plus efficace pour l'atteindre. Il s'agit plutôt de rendre effectif le suivi médical des salariés tout au long de leur vie professionnelle.
Par cet amendement, nous nous faisons les porte-parole de la FNATH, la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés. En effet, elle considère que la visite médicale obligatoire à mi-carrière n'est pas pertinente parce qu'elle s'apparenterait à un tribunal qui déciderait de la capacité ou non de la personne à poursuivre son activité professionnelle. C'est nier la substance même de la médecine du travail que d'en faire un outil de sélection de la main-d'oeuvre devenue âgée et usée par le travail. En EHPAD par exemple, le travail des soignants est très physique, il faut soulever des personnes aux corps meurtris ; les soignants, en sous-effectif, souffrent de troubles musculo-squelettiques, le nombre d'accidents du travail y est trois fois plus élevé que dans tous les autres secteurs d'activité, plus même que dans le BTP. Il faudrait établir des ratios de soignants par résidents pour régler ce problème. Or depuis le début de la législature, la majorité refuse nos amendements en ce sens. À 45 ans, que dira-t-on à ces soignants ? Qu'ils sont bons à être remplacés ?
De plus, les salariés qui se sentent en difficulté sur leur poste de travail peuvent d'eux-mêmes solliciter une visite auprès du médecin du travail ou avoir recours au conseil en évolution professionnelle.
Enfin, l'effet pervers serait d'exonérer l'employeur de toute responsabilité en faisant peser la charge des choix sur le médecin du travail. Si d'aventure celui-ci n'a pas exprimé un avis défavorable, l'employeur pourra s'en prévaloir en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle.
C'est pourquoi cet amendement propose la suppression de l'article 16.
Cette visite de mi-carrière fait partie d'un ensemble de dispositions qui visent à lutter contre la désinsertion professionnelle. Je regrette, chers collègues, votre approche de cet échange entre le médecin du travail et le salarié, qui correspond à une étape de vie, échange qui d'ailleurs existe au même âge dans d'autres dispositifs : je pense, par exemple, à l'entretien professionnel autour des 45 ans. Retenir cet âge ne me semble pas discriminatoire puisque cela nous arrivera à tous – certains l'ont même dépassé…
Et puis je veux revenir, parmi les termes qui ont été utilisés par les défenseurs de ces amendements de suppression, sur celui de « tribunal », comme s'il s'agissait de juger les salariés lors de leur visite de mi-carrière. Considérons les services de santé au travail comme des partenaires et, évidemment, comme des acteurs de la santé qui ont à coeur de préserver la santé des salariés et, demain, celle de l'ensemble des travailleurs. Ces partenaires sont dépositaires de compétences en matière de soins, et c'est à partir ce point de vue que vous devriez vous repositionner.
Ce dispositif est une innovation intéressante qui n'impliquera pas forcément de visites supplémentaires puisque la visite de mi-carrière pourra être regroupée avec celle prévue dans les deux années précédentes. Il s'agira d'une étape enrichie pour dialoguer sur les éventuelles conséquences d'exposition à certains risques et sur les adaptations ou les transformations de poste possibles. Ce sera un outil supplémentaire pour remplir l'objectif même de cette proposition de loi : renforcer la prévention de la santé au travail.
De l'avis de tous les acteurs que nous avons auditionnés, et avant tout des partenaires sociaux qui, nous pouvons au moins être d'accord là-dessus, ne souhaitent pas aller à l'encontre de l'intérêt des travailleurs, ce sera aussi un outil supplémentaire de lutte contre la désinsertion professionnelle. Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à ces amendements de suppression.
Même avis. En écoutant les différents intervenants défendre leur amendement, je me disais : ils ne cessent de réclamer plus d'accompagnement, plus de présence des services de santé au travail et, en même temps, quand les auteures de la proposition de loi instituent un rendez-vous qui donnera du temps au face-à-face avec le médecin du travail – et Dieu sait qu'on vient d'en parler longuement – , ils proposent de le supprimer. Je ne trouve pas cela très cohérent. Mme la rapporteure a bien expliqué pourquoi cette visite ne sera pas superfétatoire, et qu'elle pourra bien sûr être regroupée avec d'autres inscrites dans une certaine proximité temporelle. Surtout, cette visite n'empêchera pas celles déjà prévues par les textes. Il ne s'agit donc pas de supprimer un droit mais d'en ajouter un nouveau, ce qui devrait faire l'unanimité dans cet hémicycle.
Tout d'abord, je ne crois pas que l'article 16 crée un nouveau droit. Vous-même avez dit à l'instant, monsieur le secrétaire d'État, que cette nouvelle visite allait fusionner avec celles prévues normalement au cours de la période.
Ensuite, la pénibilité n'est pas nécessairement liée à l'âge, pas plus que la nécessité d'adaptation du poste de travail. Cela montre bien qu'il faut vraiment avoir une action au long cours sur ces enjeux, et je ne vois pas de ce point de vue où est la plus-value de cette visite dite de mi-carrière.
Enfin, fixer la mi-carrière à 45 ans ne nous convient pas. Je préfère vous le dire clairement puisque je sais que vous avez un autre dossier sous le coude, celui des retraites, et qu'il me semble qu'il y a un lien entre les deux – il suffit de faire un petit calcul. Le choix de cet âge nous semble pour le moins discutable. Au bout du compte, cette formule est une fausse bonne idée.
Cet amendement a pour objectif de contourner la stigmatisation des travailleurs de plus de 45 ans si cet âge est désormais défini comme celui de la mi-carrière. Il est proposé que cette visite médicale puisse être organisée à tout moment à compter de l'âge de 45 ans – seule l'information sur la possibilité de réaliser cette visite étant transmise à cet âge. L'initiative de la visite serait ainsi laissée au travailleur ; elle ne serait plus vécue comme une obligation.
La disposition que vous proposez, madame Dubié, vise à affaiblir les dispositions prévues dans l'accord national interprofessionnel pour rendre systématique cette visite de mi-carrière, donc je donnerai un avis défavorable.
L'amendement no 103 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Catherine Pujol, pour soutenir l'amendement no 235 .
Je propose de préciser les termes de cet article pour que cette visite de mi-carrière ne puisse se dérouler qu'en présence physique du travailleur. Il n'est en effet pas souhaitable, pour des raisons évidentes de sécurité et de confidentialité, que ce rendez-vous si important ait lieu en téléconsultation. La télémédecine ne doit pas devenir la norme, mais demeurer l'exception.
L'amendement no 235 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Sur l'article 16, je suis saisie par le groupe La République en marche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Alain David, pour soutenir l'amendement no 286 .
Comme la réforme des retraites n'est heureusement pas encore adoptée, l'âge légal de départ est encore de 62 ans, soit dix-sept ans après le quarante-cinquième anniversaire d'un travailleur. Si cet âge constitue la mi-carrière, cela suppose alors que sa carrière a commencé à dix-sept ans plus tôt, soit à l'âge de 28 ans. On peut espérer qu'un jour l'intégralité de nos concitoyens aura la liberté de pouvoir commencer à travailler aussi tard pour profiter auparavant de leur jeunesse, voyager, se cultiver, faire des expériences, étudier… En attendant, dans la vraie vie, il se trouve que tout le monde n'a pas la chance de pouvoir commencer sa vie active aussi tard – à 27 ans, comme le Président de la République. L'écrasante majorité d'entre nous commencent leur carrière plus tôt.
Pour ceux de nos concitoyens qui travaillent depuis leurs 18 ans, une mi-carrière à 45 ans sous-entendrait une fin de carrière vingt-sept ans plus tard, soit à l'âge de 72 ans. En réalité, pour les Françaises et les Français qui démarrent leur carrière à 18 ans et la terminent à 62 ans, la mi-carrière est alors à 40 ans, c'est pourquoi nous proposons de vivre dans la réalité et de déplacer l'âge de l'entretien de mi-carrière à 40 ans au lieu de 45 ans.
L'âge de 45 ans, encore une fois, n'a pas été choisi de manière arbitraire. Nous nous sommes concertés avec les partenaires sociaux en amont de la rédaction de la proposition de loi pour voir ce qu'ils entendaient par la notion de mi-carrière. De plus, vous n'ignorez pas qu'un certain nombre d'accords, je pense à l'ANI de 2003 mais aussi à l'ANI de 2005 sur l'emploi des salariés de plus de 45 ans, font référence à cet âge. Bien sûr, je vous rejoins sur le fait qu'il y a une part d'arbitraire dans ce choix, car il faut aussi prendre en compte les environnements et les métiers. C'est bien pourquoi nous avons prévu à l'alinéa 2 la possibilité pour les branches de se saisir du sujet et d'ajuster cet âge en fonction des conditions de travail et évidemment des spécificités mêmes du métier qui peuvent exposer à certains risques particuliers.
On peut ainsi tout à fait concevoir qu'une branche dans laquelle les personnes commencent à travailler plus tôt souhaite avancer l'âge de la visite de mi-carrière ou qu'une autre, au contraire, le recule pour diverses raisons. Je propose donc d'en rester à la rédaction que nous avons consolidée au terme de nombreux échanges avec l'ensemble des acteurs et aussi avec le Conseil d'État, sachant qu'au fond, l'âge de 45 ans, même s'il reste un choix arbitraire, est déjà retenu dans certains textes comme celui qui correspond au démarrage vers d'autres étapes professionnelles, notamment pour l'accompagnement des futurs seniors en entreprise, désolé de le dire. Mais cette notion est évidemment appelée à être ajustée en fonction des métiers par la voie des accords de branche, que nous encourageons pleinement. L'avis est défavorable.
L'amendement no 286 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Thierry Michels, pour soutenir l'amendement no 545 .
Cet amendement de cohérence rédactionnelle propose de tirer les conséquences de l'introduction en commission d'un article 14 ter, en supprimant l'alinéa 4 du présent article.
Monsieur Michels, rien ne vous échappe. L'accompagnement des personnes en situation de handicap est un objectif que vous avez poursuivi tout au long de la préparation de cette proposition de loi. Votre proposition est pertinente et améliore la lisibilité de la loi. L'avis est donc favorable.
L'amendement no 438 de Mme Carole Grandjean, rapporteure, est rédactionnel.
L'amendement no 438 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Cet amendement de ma collègue Valérie Bazin-Malgras vise à mettre en relation le médecin du travail et la nouvelle cellule pluridisciplinaire de prévention de la désinsertion professionnelle pour les aménagements de poste ou du temps de travail, qui peuvent éventuellement être proposés au salarié.
La parole est à Mme Emmanuelle Anthoine, pour soutenir l'amendement no 65 .
Mon collègue Minot ayant excellemment défendu un amendement identique, il est défendu.
La rédaction est un peu différente mais mon amendement va dans le même sens que celui que M. Minot a très bien défendu. Il s'agit de mettre en lien la cellule pluridisciplinaire de prévention de la désinsertion professionnelle, la médecine du travail, le salarié et l'employeur en cas d'aménagement de poste ou du temps de travail.
Je comprends l'objectif de vos amendements. Vous prévoyez que le médecin du travail pourra, d'une manière générale et lors de la visite de mi-carrière en particulier, proposer des mesures d'adaptation du poste ou des horaires en lien avec la cellule de prévention de la désinsertion professionnelle. Or ce dispositif ne s'appliquerait pas en toutes circonstances, puisque les services autonomes ne comprendront pas forcément de cellule de ce type. L'avis est défavorable afin de ne pas créer de déséquilibre.
L'amendement no 351 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 16 constitue l'une des avancées de la proposition de loi. La visite à mi-carrière, voulue par les partenaires sociaux, me paraît être une bonne chose. La question est de savoir si ce dispositif est objectif et réalisable et s'il sera effectif. Je m'interroge compte tenu de la démographie médicale, notamment celle des médecins du travail. On sait qu'ils sont surchargés et qu'il en manque. À supposer que la visite à 45 ans soit efficiente, il faut faire en sorte que des professionnels de santé puissent la réaliser.
J'avais proposé en commission de permettre aux infirmières de pratique avancée de prendre en charge cette visite. Vous m'aviez répondu, madame la rapporteure, qu'il s'agissait d'une bonne idée mais qu'elle devait être davantage bordée. Comme souvent, je vous ai écoutée et j'ai complété la version initiale pour vous présenter un nouvel amendement.
Il vise à autoriser les infirmières en pratique avancée à prendre en charge la visite intermédiaire de 45 ans, en excluant un certain nombre d'actes médicaux dont on peut penser qu'ils doivent être réalisés par des médecins et non par des infirmières, y compris de pratique avancée. La nouvelle rédaction que je vous propose renforce le caractère opérationnel du dispositif et consolide ainsi le bien-fondé de l'article 16.
Prévoir que l'infirmier en pratique avancée puisse réaliser les visites de mi-carrière me paraît une mesure intéressante. Vous avez, en peu de temps, consolidé la rédaction d'un dispositif qui apportera de la fluidité pour la réalisation des entretiens de mi-carrière. J'émets un avis favorable.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
L'amendement no 427 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Avant que nous votions, j'informe l'Assemblée que sur l'amendement no 90 , je suis saisie par le groupe Agir ensemble d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je mets aux voix l'article 16, tel qu'il a été amendé.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 97
Nombre de suffrages exprimés 96
Majorité absolue 49
Pour l'adoption 83
Contre 13
L'article 16, amendé, est adopté.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo, pour soutenir l'amendement no 90 portant article additionnel après l'article 16.
En 2017, lors de l'examen du projet de loi de ratification des ordonnances travail, avec mes collègues Francis Vercamer et Charles de Courson, nous avions fait voter un amendement sur la fameuse visite médicale de fin de carrière dont Pierre Dharréville a déjà parlé à plusieurs reprises. Cette visite vise à prendre en compte la situation spécifique des travailleurs bénéficiant du dispositif de suivi individuel renforcé, ou ayant bénéficié d'un tel dispositif au cours de leur carrière professionnelle. Elle s'adresse particulièrement aux salariés exposés à certains risques pour leur santé ou leur sécurité : amiante, rayonnements ionisants, plomb, agents cancérogènes…
Ces salariés doivent désormais être examinés par le médecin du travail au cours d'une visite médicale avant leur départ en retraite, ce qui permet d'établir une traçabilité et un état des lieux des expositions à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels et de mettre éventuellement en place, en lien avec le médecin traitant, une surveillance dépassant la période d'activité professionnelle.
En s'appuyant sur l'expertise du médecin du travail, cette mesure permet d'éviter la perte d'information liée à la fin de carrière et d'améliorer le suivi de la situation du salarié. Il s'agit d'un progrès réel et tangible en matière de prévention des maladies liées aux expositions professionnelles. Cette mesure est désormais inscrite à l'article L. 4624-2-1 du code du travail. Mais – car il y a un « mais » – selon l'échéancier de la loi du 29 mars 2018 ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social, la publication du décret est toujours envisagée pour la fin septembre 2018. Malgré plusieurs questions au Gouvernement et des questions écrites, la situation n'a pas évolué. Cet amendement, soutenu par un grand nombre de députés, vise donc à enfin obtenir l'entrée en vigueur d'une mesure importante pour la santé des travailleurs.
Ce sujet, qui me ramène quelques années en arrière, me rappelle le temps, qui n'est pas très ancien, où je siégeais parmi vous. En tant que rapporteur, j'avais donné un avis favorable à votre amendement, et je crois avoir rallié la ministre du travail de l'époque à ma position. Madame Firmin Le Bodo, vous avez bien décrit la situation. Je vais être très clair : le décret n'a pas été pris pour l'instant en raison, m'a-t-on expliqué, de difficultés techniques et juridiques. J'ai demandé à l'administration que j'ai l'honneur de piloter de prendre toutes les dispositions nécessaires pour que ce décret soit disponible dans les trois mois qui viennent. Mon engagement va donc plus loin que votre amendement, lequel prévoit une entrée en vigueur au plus tard le 31 mars 2022, puisque je m'engage sur un délai de trois mois. C'est donc une demande de retrait.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 95
Nombre de suffrages exprimés 94
Majorité absolue 48
Pour l'adoption 26
Contre 68
L'amendement no 90 n'est pas adopté.
L'article 17 permet d'élargir le suivi de la santé au travail à l'ensemble des travailleurs, qu'ils soient salariés, intérimaires, sous-traitants, indépendants ou chefs d'entreprise. L'objectif est clair : nous voulons améliorer l'accès de tous les travailleurs au service de santé au travail. Il est vrai que le système a été conçu avant tout pour les 20 millions de salariés que compte notre pays et on s'aperçoit qu'il existe des trous dans la raquette. Près de 3 millions de personnes, qui ont un travail temporaire, sont suivies difficilement parce que leur présence intermittente au sein de l'entreprise rend les choses compliquées alors qu'elles sont exposées à des risques importants. Les problèmes sont similaires pour les salariés d'entreprises sous-traitantes, et on sait également que bien souvent les chefs d'entreprise ont, comme les indépendants, un accès difficile aux services de santé au travail. Cet article permet de combler ces lacunes : c'est un grand progrès qui mérite d'être applaudi par tous car il va améliorer la santé de ces travailleurs.
Sur l'article 17, je suis saisie par le groupe La République en marche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo, pour soutenir l'amendement no 140 .
Il s'agit d'améliorer la prise en charge des risques auxquels peuvent être exposés les salariés en portage salarial dans le cadre de certaines de leurs missions.
Votre amendement est satisfait car l'article 17 introduit dans le code du travail un nouvel article L. 4622-5-1 qui indique que « lorsqu'une entreprise dispose de son propre service de prévention et de santé au travail, ce service peut assurer, dans des dispositions fixées par convention, le suivi individuel de l'état de santé des travailleurs, salariés ou non-salariés, qui exercent leur activité sur le site de l'entreprise ». C'est donc une demande de retrait ou, à défaut, un avis défavorable.
Même avis.
L'amendement no 140 est retiré.
Cet article permet aux intérimaires et aux salariés d'entreprises sous-traitantes ou prestataires d'être suivis par le service de prévention et de santé au travail de l'entreprise utilisatrice ou donneuse d'ordres. Il en est de même pour les travailleurs indépendants et les chefs d'entreprise non salariés qui pourront être suivis par les services de prévention et de santé au travail dans le cadre d'une offre spécifique. Nous trouvons cela fort bien, mais pourquoi cette possibilité n'est-elle pas une obligation lorsque le salarié ou la salariée n'est pas déjà suivi par un service de santé au travail ? De notre point de vue, qui est celui de beaucoup des personnes concernées, il est évident que si la loi ne crée qu'une possibilité, de nombreuses entreprises n'y auront pas recours. Cela sera source de discriminations selon les secteurs, les emplois et les régions.
Par cet amendement, inspiré par la FNATH, nous demandons à que le rattachement soit obligatoire. Il y va de la protection de la santé des travailleurs. Prenant en compte la remarque faite par la rapporteure en commission, l'amendement a été rectifié afin que cette obligation ne s'applique pas lorsque le travailleur ou la travailleuse bénéficie déjà d'un suivi auprès d'un autre service de prévention et de santé au travail.
Les salariés sont nécessairement suivis par un service de santé au travail. La rédaction de l'amendement est assez confuse et on ne comprend pas bien la solution que vous proposez. Il y a une forme d'entre deux difficilement lisible. L'avis est donc défavorable.
L'amendement no 278 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il s'agit de compléter l'article 17 pour assurer aux salariés portés une meilleure protection dans le cadre de leur mission. Madame la rapporteure, la question est simple : quel est le service de prévention et de santé au travail compétent pour un salarié porté ? Celui de l'entreprise utilisatrice, c'est-à-dire l'entreprise de portage salarial, ou alors celui de l'entreprise cliente ? Il faut apprécier les situations au cas par cas en permettant un élargissement pour que le service le mieux adapté protège le salarié porté.
L'amendement no 158 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement vise à donner explicitement aux travailleurs indépendants la liberté d'être, ou non, suivis par un service de prévention et de santé au travail interentreprises. Il prévoit également la faculté, pour ces travailleurs, d'interrompre ce suivi.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l'amendement no 410 .
Il est identique à celui que vient de présenter Bernard Bouley. Pour les travailleurs indépendants, la liberté de choix est fondamentale : certes, ils doivent aussi avoir accès à un service de santé, mais uniquement sur la base du volontariat. Nous avons vu que la communication du dossier médical partagé au médecin du travail ne serait possible qu'en respectant la volonté expresse du salarié. Appliquons le parallélisme des formes : les travailleurs indépendants pourront avoir accès à un service de santé, à condition qu'il s'agisse d'une démarche volontaire de leur part.
La parole est à M. Dominique Da Silva, pour soutenir l'amendement no 527 .
Il faut accorder la liberté dont vient de parler Mme Dalloz aux indépendants – je pense en particulier aux micro-entrepreneurs, qui créent souvent une activité limitée en vue de percevoir un complément de salaire. S'ils bénéficiaient d'un suivi par la médecine du travail, il leur faudrait pouvoir s'en défaire aisément.
Même avis.
La question des travailleurs indépendants, on l'a suffisamment dit, est l'angle mort de votre proposition de loi. Ces amendements nous semblent très judicieux. Par ce texte, en effet, vous auriez dû nous orienter vers un système universel visant à protéger tous les hommes et les femmes qui produisent : fonctionnaires, salariés et travailleurs indépendants. Ces amendements proposent une disposition – sur la base du volontariat, qui plus est – qui ne vise qu'à protéger les travailleurs indépendants dans le cadre de leur activité. Vous ne pouvez pas vous contenter de vous y dire « défavorable », madame la rapporteure !
L'amendement no 440 de Mme Carole Grandjean, rapporteure, est rédactionnel.
L'amendement no 440 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 89
Nombre de suffrages exprimés 86
Majorité absolue 44
Pour l'adoption 86
Contre 0
L'article 17, amendé, est adopté.
Je suis saisie de deux amendements, nos 441 , 533 et de plusieurs amendements identiques, nos 7 , 38 , 39 , 76 , 110 , 111 , 134 , 215 , 353 , 368 , 382 , 412 , 462 et 524 , portant article additionnel après l'article 17, qui peuvent être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement no 441 .
Cet amendement important a recueilli un large consensus dont témoignent les nombreux amendements présentés en discussion commune. Issue de l'accord national interprofessionnel signé par les partenaires sociaux, cette disposition fixe le principe de la mutualisation du suivi de l'état de santé des travailleurs en cas de pluralité des employeurs. Le but est de rationaliser le système existant, dans lequel des salariés travaillant pour plusieurs employeurs doivent parfois effectuer plusieurs visites médicales dans plusieurs services de santé au travail différents. Il faut prévoir des dispositions organisant les visites médicales de ces salariés et articulant les mesures liées à l'adéquation entre les postes qu'ils occupent et leur état de santé. Au demeurant, l'adoption de cet amendement aura pour effet de mieux répartir les dépenses entre les employeurs. Les modalités de cette mutualisation seront définies par décret.
Il s'agit de respecter l'équilibre trouvé par les partenaires sociaux dans l'accord national interprofessionnel en étendant à toutes les entreprises la mutualisation du suivi médical des salariés multi-employeurs, comme c'est déjà le cas des particuliers employeurs qui bénéficient d'un régime dérogatoire. Cet amendement en fixe le principe ; les modalités d'application en seront précisées ultérieurement par voie réglementaire.
Ces amendements portant article additionnel après l'article 17 ont du sens. Dans certains secteurs d'activité comme le tourisme et d'autres métiers saisonniers, les salariés ont souvent des employeurs multiples et exercent en temps partiel dans plusieurs entreprises. La multiplication des visites chez le médecin du travail est à la fois une source de complexité et une perte de temps pour l'entreprise comme pour le salarié, lorsque les visites en question se répètent au fil de l'année. Surtout, elle induit un coût pour les entreprises.
La rapporteure propose de définir les modalités de la mutualisation par un décret en Conseil d'État, mais ne serait-il pas plus simple que la loi précise que cette mutualisation est le fruit d'un accord entre les employeurs, qui s'en répartissent la charge financière proportionnellement au temps travaillé par le salarié pour chacun d'entre eux ? Ce dispositif pourrait être très simple. Avant de le définir par décret, fixons un cadre ; tel est l'objet de cet amendement.
Cet amendement de bon sens vise à mutualiser, à simplifier et à améliorer le suivi médical dans les entreprises employant des salariés multi-employeurs. En effet, les salariés occupant des postes identiques dans plusieurs entreprises doivent être suivis par chacune de ces entreprises, d'où les nombreuses contraintes d'organisation qui pèsent sur elles car, dans la pratique, il est difficile de trouver des disponibilités pour faire passer une visite médicale à un salarié cumulant plusieurs emplois.
Cet amendement pertinent vise à éviter que les salariés multi-employeurs aient à recourir plusieurs fois aux services de santé au travail.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement no 533 et sur la série d'amendements identiques ?
Mme la rapporteure a raison : les salariés multi-employeurs rencontrent les plus grandes difficultés pour accéder à la médecine du travail. Au reste, c'est souvent parmi eux qu'on constate des situations précaires et des carrières hachées. Le Gouvernement partage totalement l'intention exprimée par la rapporteure et de nombreux députés sur plusieurs bancs de trouver une solution.
La mutualisation proposée au cas où un salarié occupe plusieurs emplois identiques constitue probablement une piste prometteuse, c'est pourquoi le Gouvernement soutient la démarche proposée. Toutefois, ces dispositions législatives ne me semblent pas complètement opérationnelles. Certes, l'amendement de la rapporteure renvoie les modalités d'application à un décret, mais permettra-t-il de répondre à toutes les questions opérationnelles qui se poseront ? Ayant moi aussi pris connaissance de ce dossier, j'en doute. À terme, nous serons obligés de repasser par la loi. Compte tenu des grandes difficultés de mise en ? uvre que susciteront ces dispositions, je m'en remets, sur l'ensemble des amendements en discussion commune, en particulier sur celui de Mme la rapporteure, à la sagesse de l'Assemblée.
Je suis saisie de trois amendements, nos 534 , 536 et 442 rectifié , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Annie Vidal, pour soutenir les amendements nos 534 et 536 .
Il concerne les 3,5 millions de particuliers employeurs qui emploient plus de 1,4 million de salariés, aides à domicile et assistants maternels. La relation singulière entre un particulier employeur et son salarié est définie à l'article L. 7221-1 du code du travail. En vue de la mise en ? uvre des droits et garanties sociales des salariés concernés, les partenaires sociaux du secteur ont créé, par un accord collectif de branche étendu, un organisme paritaire national, qui gère principalement la formation. L'amendement no 534 vise à en étendre les missions afin qu'il puisse, au nom et pour le compte des salariés, adhérer à un service de santé au travail dédié au secteur et assurer la gestion de la contribution forfaitaire destinée à financer le dispositif de santé au travail. En clair, l'amendement vise à assurer l'effectivité des droits des salariés à bénéficier d'un suivi individuel de leur état de santé.
Quant à l'amendement de repli no 536, il vise à ce que les modalités adaptées de mise en ? uvre du dispositif de suivi de l'état de santé des salariés et assistants maternels du particulier employeur soient définies par décret.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement no 442 rectifié qui fait l'objet d'un sous-amendement.
Mme Vidal, avec d'autres, nous a en effet alertés sur la situation des particuliers employeurs et surtout de leurs salariés en matière de santé au travail. Le suivi de la santé repose en principe sur l'accord-cadre interbranches du 24 novembre 2016, étendu par arrêté. Cet accord crée un organisme de gouvernance paritaire interbranches chargé d'assurer la gestion administrative et financière du dispositif de santé au travail des salariés en question. Or cette disposition n'est pas applicable, comme nous l'ont signalé les acteurs du secteur, du fait de l'impossibilité pour l'ACOSS, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, en l'absence de fondement juridique, de transmettre à l'organisme de gouvernance certaines informations élémentaires sur les particuliers employeurs et leurs salariés.
Il faut donc prévoir les modalités de ces communications pour rendre effectif l'accès des salariés de particuliers employeurs à la santé au travail – d'autant plus que ces salariés exercent dans des conditions de travail qui les exposent à des risques face auxquels ils sont insuffisamment accompagnés. Je vous propose donc de retenir l'amendement no 442 rectifié , que Mme Vidal propose de sous-amender.
La parole est à Mme Annie Vidal, pour soutenir le sous-amendement no 561 .
En effet, ce sous-amendement vise à préciser que l'amendement concerne bien les salariés de l'emploi à domicile et les assistants maternels.
Le sous-amendement no 561 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement no 442 rectifié , sous-amendé, accepté par le Gouvernement, est adopté.
Il s'agit à nouveau d'un amendement concernant les particuliers employeurs. Lorsque le médecin du travail formule des propositions de mesures individuelles d'aménagement, d'adaptation, de transformation du poste de travail, ou de mesures d'aménagement du temps de travail, l'employeur est tenu de s'y conformer. Cet amendement vise à exclure les particuliers employeurs et les assistantes maternelles de ce dispositif, pour deux raisons : d'une part, l'aménagement du poste de travail consiste à aménager le domicile et cela peut considérablement modifier l'environnement du particulier employeur et, d'autre part, les aménagements d'horaires peuvent aller à l'encontre d'un besoin spécifique de la personne quand il s'agit d'une personne âgée ou d'une personne en situation de handicap qui a besoin d'interventions à une heure bien particulière.
L'amendement no 535 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Prochaine séance, demain, à quinze heures :
Discussion de la proposition de résolution visant à reconnaître et prendre en charge les complications à long terme de la covid-19 ;
Discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi relative à la déshérence des contrats de retraite supplémentaire ;
Suite de la proposition de loi pour renforcer la prévention en santé de travail ;
Discussion du projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales.
La séance est levée.
La séance est levée à minuit.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra