La séance est ouverte à dix-sept heures.
Mes chers collègues, la commission d'enquête poursuit ses travaux. Cette audition est publique, toutefois, si la nature de nos échanges venait à l'imposer, nous poursuivrons à huis clos.
Messieurs, avant de vous donner la parole, je rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment.
Je vous invite à lever la main droite et à dire « Je le jure ».
Les personnes auditionnées prêtent serment.
Je me propose en introduction de vous présenter l'entreprise Horizon-achat, partenariat à l'achat sur le territoire français de quatre groupes : Auchan, Schiever, Casino et Métro.
Nous travaillons avec nos quatre maisons mères sous forme de « briefs » : chacune nous donne ses briefs commerciaux de façon indépendante. Ils contiennent les éléments sur lesquels nous pouvons nous engager avec les industriels, les leviers commerciaux, les services, et les contreparties qu'elles sont capables d'offrir aux industriels.
Au sein d'Horizon, nous appartenons à une équipe dédiée à la France regroupant quarante personnes. La centrale Horizon est organisée autour de deux activités : les marques de distributeurs fonctionnent par appels d'offres et concernent une famille réduite de produits « basiques », « non-différenciants », tels que les pâtes et le riz. C'est le travail d'une équipe réduite de trois acheteurs encadrés par un chef de marché.
La seconde activité est notre coeur de métier, c'est la négociation avec les grandes marques. Les industriels avec lesquels Horizon négocie sont de grands groupes, au nombre de cent treize, il n'y a pas de PME. Les critères d'éligibilité pour négocier avec nous sont les suivants : le chiffre d'affaires mondial doit s'élever au minimum à 300 millions d'euros ; et l'industriel doit avoir un courant d'affaires minimal de 10 millions d'euros avec Auchan et Casino.
Notre structure est organisée autour de quatre marchés, qui correspondent à quatre directions : le « frais industriel laitier et non-laitier » ; l'« épicerie sucrée et salée », « les produits liquides et les surgelés » ; et le marché « droguerie, parfumerie et hygiène » (DPH), ainsi que le « non-alimentaire ». Une vingtaine de négociateurs se partage ces quatre marchés, selon des portefeuilles d'achats et de négociations par grandes catégories de produits. Il existe aussi une fonction d'appui : je suis chargé du pôle « Négociations », et le secrétariat général est chargé des ressources humaines, du contrôle de gestion et des affaires juridiques.
Le mandat qui nous a été donné par chacune de nos maisons mères lors de notre création, en septembre 2018, est de changer le modèle de relations avec les industriels. C'est ainsi que nous fonctionnons.
Nous avons pris sept engagements concernant notre mode de fonctionnement avec les industriels lors de la création de la structure. Nous les avons partagés avec eux lors de notre convention de lancement, et nous avons fait un bilan de leur application il y a quinze jours, afin de déterminer dans quelle mesure ils avaient été atteints.
Le premier de ces engagements est d'offrir aux industriels de la visibilité, en amont de la négociation des prix, sur les leviers commerciaux qu'ils pourront activer dans les enseignes d'Horizon. C'est nouveau dans les pratiques entre l'industrie et le commerce.
Le deuxième engagement est d'anticiper la signature des accords pour les conclure avant la date fixée légalement au 1er mars pour les marques nationales. Cela permet de développer le courant d'affaires et de nous donner toutes les chances de maximiser notre croissance commune avec les industriels en amont de la date du 1er mars. Ainsi, 40 % de notre chiffre d'affaires était signé dès la fin du mois de janvier.
Notre troisième engagement porte sur les contrats pluriannuels. Historiquement, il était tabou de signer des contrats sur plusieurs années avec les marques nationales, ce n'est plus le cas : nous en avons signé sept cette année. Les industriels y gagnent de la visibilité sur leur plan d'affaires et peuvent mettre en place des projets à plus long terme.
Le quatrième engagement est d'intégrer à nos discussions les variations des matières premières, et de nous assurer du retour vers les agriculteurs français. Nous nous inscrivons totalement dans le cadre des États généraux de l'alimentation (EGA), c'est le mandat que nous ont donné les enseignes fondatrices, et notre structure a été créée au moment de ces états généraux. Nous avons décidé de hausses de tarifs sur de nombreuses catégories de produits cette année dans le cadre des négociations.
Le cinquième de nos engagements consiste à assurer le suivi de nos négociations. Si la négociation se termine au plus tard au 1er mars, nous avons tout le reste de l'année pour suivre la bonne mise en place des accords que nous avons signés. C'est une mission-clé pour Horizon, en bonne relation avec chacune des maisons mères. Nous avons ainsi organisé plus de trois cents rendez-vous de suivi chez Casino, Auchan et Métro, avec les industriels, pour vérifier la mise en place des engagements signés.
Le sixième engagement est aussi une innovation par rapport aux pratiques antérieures : nous avons décidé de mettre en place un comité d'observation des négociations. Je n'y participe pas car notre volonté n'est pas de créer un organe de médiation pour traiter des cas particuliers, mais un organe de contrôle plus général de nos engagements. L'Association nationale des industries alimentaires (ANIA) et l'Institut de liaison et d'études des industries de consommation (ILEC), deux associations regroupant les industriels, y ont participé. Cela nous a permis de bénéficier de remontées d'informations de la part des industriels quant à la tenue de nos engagements et de corriger un certain nombre de choses.
Le comité s'est réuni six fois pendant la période de négociation, entre décembre et février, soit presque tous les quinze jours. Un comité a dressé le bilan des négociations au mois d'avril, nous sommes plutôt satisfaits des résultats et nous avons décidé de prolonger cette initiative.
Notre septième engagement, c'est l'innovation. C'est un levier de différenciation et de croissance pour les industriels et les enseignes dans un marché atone, et nous souhaitions mettre toutes les chances de notre côté.
Lors du bilan réalisé avec les industriels à la fin du mois de juin, deux nouveaux engagements ont été pris, en plus des sept que nous allons reconduire l'année prochaine. Tout d'abord, nous souhaitons décorréler les négociations sur les innovations et les mener en amont de celle du prix. À la fin octobre, les industriels sauront quelles innovations sont sélectionnées par les enseignes que nous représentons, avant de négocier l'accord-cadre. Ensuite, nous allons mettre en place des ateliers dans nos locaux à Paris pour travailler avec les industriels sur nos modes de fonctionnement. C'est une approche nouvelle : nous allons travailler sur le brief de négociation et sur nos modes de fonctionnement tripartites entre la centrale, chacune des maisons mères et les industriels.
Nous avons travaillé dans un climat serein avec les industriels, même si nous n'avons pas toujours été d'accord. Il a pu y avoir des débats animés, mais il n'y a pas eu d'incidents.
La société Horizon-Achats est une centrale, comment la qualifieriez-vous ? Centrale d'achat, de négociation, de services, ou les trois à la fois ?
Cette centrale a un mandat de négociation pour le compte des quatre enseignes associées. Formellement, la société n'achète pas les produits, chaque enseigne les achète, mais elle négocie sur la base de leviers et de stratégies fournies par elles, et contractualise les accords-cadres avec les industriels pour leur compte. Elle intègre un certain nombre de services et de contreparties dans les accords signés, en bonne adéquation avec la stratégie des enseignes et les services qu'elles peuvent mettre en place, qui sont différents chez Auchan, Casino ou Metro.
Vous avez indiqué que l'objet de votre structure était de changer le modèle de relation avec les industriels. Quel est le point commun aux protagonistes qui ont créé cette centrale ? Auchan était regroupé avec d'autres acteurs de la distribution auparavant. Comment expliquer ce mouvement ? Pourquoi ces quatre enseignes souhaitent changer communément leur mode de relation avec les fournisseurs ?
Je suis arrivé au sein de cette structure après sa création, mais je pense que ces groupes se sont retrouvés autour du constat qu'il était temps d'évoluer vers un modèle plus collaboratif avec les industriels, seul moyen de faire de la croissance, plutôt que de rester dans le modèle très transactionnel. Auparavant, l'échange en amont sur les plans d'affaires n'était pas aussi poussé que ce que nous faisons au sein d'Horizon, par exemple.
Monsieur Mercier, étiez-vous directeur d'achats alimentaires et non-alimentaires au sein d'INCA-A dans des fonctions précédentes ?
Je ne travaillais pas pour la société INCA-A, je suis issu du groupe Casino. Je remplissais cette fonction pour AMC, la centrale d'achat du groupe Casino, mais pas pour INCA-A.
Non, bien évidemment, je n'avais aucune information sur les conditions d'achat d'Intermarché. C'est un élément très strict, et il en va de même au sein d'Horizon. Aujourd'hui, les collaborateurs de Casino ou d'Auchan n'ont aucune connaissance des conditions d'achat des associés au sein de la structure. C'est un principe de fonctionnement très important, les clauses de confidentialité sont extrêmement strictes.
Quelle est la durée du contrat passé entre les parties prenantes ? Vos statuts ouvrent-ils l'adhésion à d'autres acteurs qui souhaiteraient intégrer cette centrale, ou s'agit-il d'une entité juridique fermée, avec des objectifs et une charte de valeurs commune aux quatre membres ?
Notre structure a la forme juridique d'une SARL. Son protocole de constitution prévoit une durée ferme de trois ans, renouvelable par périodes d'un an par tacite reconduction.
Le mode de fonctionnement est fermé, pour qu'un opérateur puisse intégrer cette structure, il faudrait l'agrément de l'ensemble des mandants.
Je n'ai aucune relation avec Horizon international, les choses ont été ainsi conçues à l'origine. Il est d'ailleurs possible qu'il y ait des partenaires différents au sein de la structure internationale, ces structures sont totalement étanches. Nous ne traitons absolument pas de l'international.
Il n'y a aucune communication ? Vous ne vous appelez jamais, ils ne vous appellent jamais, il n'y a aucun échange d'e-mails ? Les deux structures sont complètement hermétiques ?
Exactement. Ce sont les maisons-mères qui échangent à la fois avec Horizon France et Horizon international, il n'y a pas d'échanges entre les deux structures.
Quelle sont les différences statutaires, juridiques, et les objectifs des centrales Horizon France et Horizon international ?
Je ne connais pas les statuts ou les objectifs d'Horizon international, ni ses équipes.
Il peut y avoir des associés différents au sein de la structure internationale, ce ne sont donc pas strictement les mêmes. En tout cas, les équipes d'Horizon France n'ont pas de rapport avec les équipes d'Horizon international, et elles n'ont pas participé à l'élaboration de cette structure.
Pourriez-vous décortiquer le séquençage de la phase d'achat et de la phase de négociations ? Sont-elles menées simultanément, ou l'une suit-elle l'autre ? Qui pilote les opérations ?
Au sein d'Horizon-Achats France, il n'y a que des négociateurs, chargés de négocier avec une liste réduite d'industriels, les cent treize groupes que j'ai mentionnés plus tôt.
Nous travaillons sur brief, donc la stratégie commerciale est donnée par les enseignes, et chacune d'entre elles a une stratégie différente. Tout démarre par une phase de briefing au cours de laquelle les équipes Horizon reçoivent des instructions des maisons mères qui détaillent, catégorie par catégorie et fournisseur par fournisseur, la façon dont vont évoluer les assortiments, les stratégies promotionnelles, le développement de courant d'affaires avec les fournisseurs. Cette phase se déroule au mois d'octobre.
Ensuite, la phase de négociation démarre dès le mois de novembre et s'achève au 1er mars. Horizon démarre tôt car nous souhaitons signer au plus vite pour enclencher les plans d'affaires. La phase de négociation dure donc quatre mois, et se termine par la signature d'un accord-cadre. Il comprend un tronc commun, et un tronc indépendant pour chaque enseigne.
Le négociateur signe le contrat, et la phase de mise en place des contreparties commence. C'est alors que la transmission avec chacune des maisons mères est très importante. Les achats physiques sont faits directement par chacune des enseignes, sur la base des conditions négociées par Horizon. Nous négocions les prix d'achat, mais nous n'achetons pas directement les produits.
Lorsque vous négociez les prix d'achat, vous prenez en compte les demandes tarifaires de vos fournisseurs ? De quel tarif partez-vous pour négocier les prix d'achat ?
Le socle de la négociation, ce sont les conditions générales de vente des industriels. Un tarif est publié par l'industriel, il fait l'objet de la négociation.
Ce tarif proposé par l'industriel est-il plutôt « flat », « inflat » ou « deflat » ? C'est-à-dire stable, en inflation ou en déflation ?
Les situations sont variées. Sur certaines matières très déflationnistes, les industriels n'ont pas demandé de tarif. Dans d'autres cas, des tarifs très élevés ont été demandés, et d'autres demandes étaient plus cohérentes avec les évolutions du prix des matières premières.
Globalement, les tarifs demandés par les industriels, qui sont la base de négociation, sont plutôt en inflation.
La négociation commence sur la base de prix en inflation ? Ce n'est pas ce qui nous est expliqué depuis des semaines.
Nous travaillons sur des produits comparables, reconduits d'une année sur l'autre. Pour évaluer l'évolution d'un prix, il faut avoir l'avoir commercialisé au cours de l'année précédente. Un certain nombre de produits ne sont pas comparables, et ne sont donc pas inclus dans les indicateurs d'inflation ou de déflation dont vous avez entendu parler.
Le tarif est donc le socle de la négociation, nous exposons ensuite les leviers commerciaux et le courant d'affaires que nous pouvons développer avec l'industriel. Au final, nous trouvons un accord sur le prix d'achat des produits de l'industriel en question.
Quels éléments peuvent conduire à une base de négociation en déflation, comme c'est le cas depuis un certain nombre d'années, connaissant les variations du prix de l'énergie, des salaires, des taxes, les obligations environnementales et sociales qui pèsent sur les industriels ?
Il est difficile d'avoir une opinion générale sur ce sujet, pour un certain nombre de marchés, la négociation a abouti à des tarifs en inflation cette année, parfois très forte. C'est le cas des produits laitiers, dont il a beaucoup été question, mais aussi de la viande surgelée, de certaines filières de blé français, de la filière papier, du porc.
D'autres matières sont en déflation, ainsi pour le café, certains industriels n'ont même pas publié de tarifs car il était notoire que le café était en forte déflation.
Nous pilotons la négociation catégorie par catégorie, en fonction de la réalité du marché et des contreparties et des plans de croissance que nous avons à offrir aux industriels.
Les négociations que vous conduisez permettent l'établissement de contrats valables pour une seule année, ou un peu plus ?
Par ailleurs, comment s'établit votre rémunération ? Comment est évalué le succès de la négociation, qui induit votre rémunération ?
Les contrats pour les marques nationales sont majoritairement annuels. Nous avons introduit cette année une innovation permettant de discuter des contrats pluriannuels. Nous en avons signé sept, parfois avec des industriels très importants. Ces contrats sur deux ans représentent presque 10 % de notre chiffre d'affaires.
La rémunération des négociateurs comprend une part fixe, et une part variable liée à différents indicateurs. Certains indicateurs sont quantitatifs et portent sur l'atteinte des objectifs fixés par catégorie. D'autres sont qualitatifs, ils portaient cette année sur le respect des engagements Horizon que j'ai évoqués tout à l'heure : la visibilité donnée aux fournisseurs sur les plans pluriannuels, la signature de contrats pluriannuels, la qualité du suivi de ses dossiers avec les enseignes par chaque négociateur et le respect des engagements contractés à la signature.
C'est un élément important de la part variable des acheteurs. De mémoire, 60 % de la part variable est déterminée par les indicateurs quantitatifs, dont l'évolution de prix fait partie, parmi d'autres tels que le nombre de contrats pluriannuels signés. Et 40 % de la part variable porte sur les indicateurs qualitatifs, donc sur le respect des engagements de la structure Horizon, des aspects comportementaux, l'esprit d'équipe ou l'engagement des collaborateurs.
Concernant le tarif que vous négociez chez Horizon, est-ce que vous vous engagez contractuellement sur un volume ou sur un courant d'affaires ? Est-ce que c'est chiffré ? Qu'est-ce qui se passe si on n'atteint pas, par exemple, le plan d'affaires ou le volume qui était négocié dans le contrat ?
Puisque vous évoquiez la répartition des rôles entre Horizon et les enseignes, je dois dire que ce sont les enseignes qui sont responsables de leur animation commerciale au quotidien, par exemple s'agissant des produits pris en prospectus.
Pour répondre à votre question : oui, dans certains accords, mais ce n'est pas systématique, il peut y avoir des engagements de volume ou de chiffre d'affaires. Ils sont signés avec les industriels. Ensuite, on atteint ces objectifs ou on ne les atteint pas. Mais, en général, on fait en sorte qu'ils soient cohérents avec les leviers commerciaux qu'on met en place, de sorte qu'on soit en situation de pouvoir les atteindre. Cependant, il est possible que ce ne soit pas le cas.
Dans d'autres accords, on se met d'accord sur un plan d'affaires avec des leviers concrets et des contreparties concrètes qui ne sont pas nécessairement un engagement de volume ou de chiffre d'affaires. Donc les deux configurations peuvent exister dans nos accords.
Est-ce que vous avez un retour sur les engagements pris en volume et en chiffre d'affaires ? Si les objectifs ne sont pas atteints, est-ce qu'il y a une révision du tarif ? Si on en fait que la moitié, que se passe-t-il ? Est-ce qu'on peut revoir le tarif ou au final, l'année d'après, on continue à faire de la déflation ?
Comme on est début juillet et qu'en général les engagements de volume, quand il y en a dans les accords, sont des engagements annuels, je ne peux pas vous répondre sur ce qui est réellement aujourd'hui atteint ou non.
Mais, pour répondre à votre question, quand des « progressifs de chiffre d'affaires » et des « conditionnels de chiffre d'affaires » sont définis, si le chiffre d'affaires n'est pas atteint, les conditions tarifaires associées ne sont pas déclenchées. Donc, indirectement, le prix d'achat sera plus élevé que si les volumes convenus avaient été atteints.
Combien de contrats sont-ils formalisés sous cette forme binaire, de résultats atteints ou non atteints ?
Je n'ai pas le chiffre exact sur le nombre de contrats. On pourra vous le communiquer. Ce n'est pas la majorité des accords, très clairement. On met en place des conditionnels de chiffre d'affaires et de volume sur un certain nombre de catégories, mais je n'ai pas le chiffre en tête, à l'instant T.
Pour compléter les propos d'Abel : on a quand même l'obligation légale de faire figurer un chiffre d'affaires prévisionnel dans chacun des plans d'affaires. Donc une visibilité est tout de même donnée à l'industriel sur le chiffre d'affaires prévisionnel. Elle est discutée avec lui. C'est un premier point.
Pour revenir sur votre point concernant la révision du tarif en cas de non-réalisation des paliers, l'engagement sur des volumes n'est qu'une composante légale du tarif négocié. En effet, la loi nous oblige ensuite, pour négocier des tarifs, à rendre des services, c'est-à-dire des contreparties qui sont une composante de l'avantage négocié. Donc, quand bien même les volumes ne seraient pas atteints, s'il n'y a pas d'engagement sur eux, les services qui accompagnent la négociation du tarif restent quant à eux effectivement rendus. Ils justifient toujours de l'application du prix convenu.
Vous dites que c'est plutôt une minorité qui signe des engagements chiffrés, tandis que monsieur le directeur juridique m'explique qu'en fait, 100 % des contrats contiennent un engagement de chiffre d'affaires. Cela veut dire que 100 % des opérations de contractualisation sont faites avec un engagement de chiffre d'affaires !
Les deux points ne sont pas incompatibles. Dans tous les accords, il y a un chiffre d'affaires prévisionnel, que l'on discute avec l'industriel. Les services spécifiques, dont la prestation repose sur un lien direct entre la réalisation d'un niveau chiffre d'affaires et des conditions d'achat associées, constituent une autre problématique.
Il y a deux sujets différents. Dans 100 % des contrats, on se met d'accord sur une cible, sur une ambition et sur un certain nombre de contreparties apportées au cours de l'année. Par ailleurs, il existe des contrats sur lesquels il y a une contrepartie spécifique, à savoir un engagement direct de chiffre d'affaires donnant lieu à une rémunération de façon automatique, si le chiffre d'affaires convenu est atteint.
Quand le chiffre d'affaires est inscrit sur le contrat, pour quel pourcentage d'entre eux l'objectif est-il atteint ?
On va essayer de vous donner le maximum d'éléments, mais, comme ce sont des engagements de chiffre d'affaires annuel et qu'on est seulement début juillet, je ne connais pour aucun contrat exactement la vision d'atterrissage au 31 décembre… De façon globale, de toute façon, on est plutôt sur des marchés « flat » avec des ambitions « flat ». Nous sommes donc plutôt « dans les clous », même si nous ne connaîtrons l'atterrissage réel qu'au début de l'année 2020, contrat par contrat, en comparant le chiffre d'affaires prévisionnel et le chiffre d'affaires réel.
Non moins de 113 entreprises sont concernées par Horizon Achat. Quelle différence cela fait-il pour les industriels qui avaient auparavant comme client Auchan ou Casino, désormais membres de la centrale d'achat ?
Qui les contacte pour leur dire qu'ils vont être désormais obligés de négocier avec vous, parce qu'Auchan, Casino, Métro et Schiever l'ont demandé ? Comment dois-je imaginer les choses : la centrale annonce à une PME ou entreprise de taille intermédiaire qui négocie aujourd'hui avec les distributeurs qu'elle va désormais négocier directement avec elle ?
Des critères stricts ont été définis par les associés, en amont de la création de structures. Ils sont au nombre de trois. L'industriel doit faire au moins 300 millions d'euros de chiffre d'affaires dans le monde ; avoir un courant d'affaires avec Casino et avec Auchan ; pour l'alimentaire, réaliser avec eux au moins 10 millions d'euros de courant d'affaires à l'achat l'année précédant la création de la structure.
Comme vous le comprenez, cela exclut de fait les PME. Aujourd'hui, un fournisseur qui fait moins de 300 millions d'euros de chiffre d'affaires dans le monde ne peut être en négociation avec Horizon. C'est le premier point.
S'agissant de l'information des industriels, des courriers leur ont été envoyés lorsque la structure a été créée, en septembre 2018. Les maisons mères les ont informés qu'elles avaient donné le mandat de négociation à Horizon et que, désormais, elles signeraient des accords avec Horizon et discuteraient avec Horizon.
C'est-à-dire que maintenant, pour ces 113 industriels, il y a deux niveaux de discussions. Il n'y a pas le choix. Depuis 2018, un industriel qui travaillait auparavant seulement avec Auchan et qui fait 300 millions d'euros de chiffre d'affaires dans le monde doit désormais discuter tant avec Auchan qu'avec la centrale de négociations et de services ? C'est bien cela ? Il y a deux niveaux de décision ?
Il n'y a pas deux niveaux de décision. Soit l'industriel est dans la liste des industriels pour lesquels les négociations sont faites par Horizon et il ne négocie qu'avec Horizon les prix d'achat de ses produits permanents. Soit il n'est pas dans cette liste et il négocie en direct avec les centrales d'achat des maisons mères. Il n'y a pas de double niveau.
Vous avez expliqué que vous négociez les volumes et que vous êtes rémunéré en fonction de la négociation, par rapport à un volume ou un chiffre d'affaires. Mais vous vous occupez aussi des marques distributeur pour des produits qui sont plutôt courants, des produits génériques comme les pâtes et le riz. Ce sont des produits qui n'ont pas de forte valeur ajoutée, de sorte que j'imagine que vous les négociez en volume dans vos indicateurs et dans votre contrat. Cela paraît logique, sinon ce ne serait pas très rentable pour vous.
Est-ce que vous en discutez en sus des négociations sur les grandes marques ? Est-ce que vous cherchez à équilibrer ces deux offres ?
Car, si vous vendez plus de marques distributeur que de grandes marques, je suppose que cela va dans le sens de votre intérêt financier comme dans le sens de l'intérêt financier de vos membres. Comment conduisez-vous la négociation par rapport à ces impératifs d'équilibre pour votre travail ?
Il s'agit de deux équipes très distinctes. Horizon achat traite des marques nationales, Horizon Appel d'offres traite de la marque distributeur. Ces dernières équipes mettent en effet en place des appels d'offres sur des produits de base. C'est un système d'appel d'offres qui n'est pas une négociation annuelle comme il peut y en avoir pour une marque nationale. Ainsi, il n'y a pas d'arbitrage entre MDD et marques nationales chez Horizon.
Vous est-il arrivé de recevoir des maisons mères – Auchan, Casino, Métro, Schiever…– des demandes d'arrêter les négociations avec certains industriels, même sans aucune explication ?
Comme je vous le disais, nous n'avons pas de contacts avec les maisons mères internationales. Nous n'entretenons de contacts qu'avec les maisons mères françaises et qu'avec des équipes françaises.
Dans les briefs (instructions) de négociations que nous recevons d'elles, il peut effectivement y avoir, parfois, des stratégies commerciales ou des stratégies de marketing qui consistent à plutôt développer une marque et plutôt réduire très une autre. Les rayons ne sont pas extensibles… On fait donc des choix commerciaux.
On peut donc effectivement recevoir un brief nous indiquant que, sur une catégorie de produit pour laquelle la maison mère travaillait jusqu'alors avec trois industriels, elle ne souhaite plus avoir à l'avenir qu'un fournisseur. Ce sont des éléments qui peuvent nous être effectivement transmis dans le cadre des briefs reçus en amont des négociations.
Je vais reformuler la question différemment : lors des dernières négociations, vous est-il arrivé de recevoir de l'une des maisons mères françaises une indication d'arrêt temporaire des négociations avec un industriel ?
Non, pas cette année, pas sur cette campagne de négociations. Nous n'avons pas reçu, une fois que la négociation était enclenchée, ce type de demandes des maisons mères. Comme je vous l'ai dit, il a pu y avoir des briefs qui étaient favorables à certains industriels et moins favorable à d'autres. Mais c'est quelque part la vie des affaires. Cela relève de choix marketing et de choix d'enseignes. Toutefois, une fois que les négociations étaient lancées, je n'ai absolument pas en tête de cas de demande d'arrêt de la négociation par les maisons mères.
Vous avez décrit la centrale comme une centrale de négociations et de services. Pour la négociation, j'imagine à peu près de quoi il peut s'agir. Mais quelle est la liste des services proposés par la centrale d'achat Horizon et comment s'effectue leur rémunération ? Est-ce qu'il y a une grille de rémunération ?
Je peux vous répondre de façon générique sur les grandes familles de service qu'on commercialise. Pour des questions de confidentialité, on pourrait le faire dans le cadre d'un huis clos, parce que vous allez voir que ces services sont intimement liés à la politique et à la stratégie commerciale des enseignes. Sur les grandes typologies de services qui constituent les pratiques de la profession, il y a l'assortiment, il peut y avoir des accords de gammes, il peut y avoir détention de référence contre rémunération, il peut y avoir la diffusion et l'exécution des innovations.
Il y a également des services de mise en avant des produits dans les prospectus. Comme je l'évoquais tout à l'heure, il y a des services liés aux conditionnels de chiffre d'affaires ou de volume. Voilà des exemples de services. Mais, encore une fois, on pourra développer ultérieurement, si vous le souhaitez.
Lors des négociations, quand un industriel arrive avec une demande d'inflation et que vous demande plutôt de la déflation, est-il possible que vos acheteurs aient eu écho, non de menaces, mais peut-être d'informations les induisant à penser qu'en l'absence de déflation, ils seraient tout simplement déréférencés et qu'arrêterait les commandes ?
Ce n'est pas ainsi qu'on travaille. Je n'ai pas connaissance de ce type de pratique. Comme on vous l'a dit, nous nous plaçons plutôt dans un schéma positif et collaboratif, et dans la perspective de proposer des contreparties au courant d'affaires et aux opportunités ouvertes par les enseignes. Cela permet aussi aux industriels d'améliorer leur copie économique et d'optimiser leur prix d'achat. La pratique que vous mentionnez n'est pas une pratique que l'on souhaite et je crois que ce n'est pas une pratique qui existe chez Horizon.
Vous nous avez indiqué que la centrale d'achat était une société à responsabilité limitée (SARL). Est-ce que vous pourriez nous parler de sa gouvernance, ainsi que du poids ou du rôle de chacun des distributeurs, donc des membres fondateurs, dans la politique stratégique de la centrale Horizon France ?
Cette structure est effectivement une SARL. Conformément aux règles en vigueur en matière de droit des sociétés, elle a deux gérants qui ont un rôle administratif, au sens général du terme, mais jouent également un rôle en tant que garants de la mise en place de la politique commerciale et de la stratégie de négociation qui est définie dans le cadre d'Horizon. Ces gérants sont accompagnés par un comité d'orientation composé de deux représentants de chacun des associés, c'est-à-dire de huit personnes. Ce comité a pour rôle de définir certains engagements, notamment l'approbation du budget annuel, qui comprend les frais de fonctionnement d'Horizon, la définition de la stratégie de négociation, c'est-à-dire des engagements et du mode de fonctionnement d'Horizon dans l'approche de la négociation, ainsi que la modification des critères de sélection des fournisseurs référencés, après information de l'autorité de la concurrence.
Est-ce que les premiers mois d'existence de la centrale Horizon France vous permettent de dire que la création de cette centrale et de ce nouveau mode de relations avec les industriels va améliorer le climat des affaires ? Est-ce que cela permis de générer plus d'affaires et plus de volume de diffusion auprès du consommateur, générer plus de business, comme disent les chiffres d'affaires ? Cela a-t-il fait naître une émulation et une compétition donc qui tendent à faire baisser les prix ?
Nous avons fait, avec les industriels, un bilan des premiers mois de fonctionnement d'Horizon. Mais je vous ai aussi déjà parlé tout à l'heure du comité d'observation des négociations. C'est également un bon organe pour obtenir un retour sur ce qu'on fait bien et ce qu'on fait peut-être moins bien et qu'il faut ajuster.
Je crois que le bilan est tout de même globalement positif. En tout cas, c'est ce que les industriels nous ont remonté. Il peut toujours y avoir des cas particuliers, mais, au global, je pense qu'on a tenu nos engagements. Certains devront être même renforcés l'an prochain pour continuer à aller plus loin.
Nous pensons que c'est le seul modèle viable dans la relation entre l'industrie et le commerce : le modèle collaboratif. Donc on souhaite le pousser en avant. Il est compliqué, quand on est seul, de le faire, quand on pèse 10 % du marché. Tel est aussi l'intérêt d'Horizon. Quand on pèse un peu plus de 20 % du marché et qu'on veut mettre en place ce type de nouvelles pratiques, on trouve plus d'écho, plus de répondant, plus d'impact. Donc pour nous, oui, le bilan est positif. Je pense qu'il l'est aussi pour les industriels, par la capacité qu'il leur donne d'échanger avec nous de façon transparente. On a travaillé dans un climat serein et on souhaite continuer sur cette voie-là, en continuant à creuser le sillon l'an prochain.
Si on passe de 10 % à 20 % de parts de marché, est-ce que, pour vous, il n'y a pas de risque de déséquilibre dans la discussion, ainsi que dans la relation et la négociation commerciale ? C'est souvent ce qui est pointé du doigt lorsqu'est évoquée à la création des centrales, qu'elles soient nationales ou internationales.
Encore une fois, on négocie avec de grands groupes. Je ne vais pas entonner la rengaine du petit distributeur se trouvant face à de très gros industriels, mais, dans certains cas et sur certains marchés, il y a très peu d'acteurs du côté industriel aussi. C'est donc aussi un moyen pour les enseignes que l'on représente d'atteindre un minimum de poids, de façon à pouvoir négocier avec ces très grandes multinationales et à défendre leurs positions d'enseignes. Pour rester dans le match et dans le marché, tout simplement.
Pouvez-vous m'expliquer ce qui amène à un industriel à signer avec vous, s'il arrive avec une demande inflationniste, de l'ordre de 1 % ou 2 %, alors que vous arrivez avec une demande de déflation de 3 %, par exemple. Qu'est-ce qui l'amène alors à signer, par exemple, à moins 2,5 % ?
Pour bien clarifier les choses, il n'y a pas de demande de déflation systématique. La négociation se déroule fournisseur par fournisseur, marché par marché. Il y a de nombreux fournisseurs pour lesquels on a signé en inflation, cette année, chez Horizon. C'est le premier point.
Qu'est-ce qui amène l'industriel à signer ? Il se trouve qu'effectivement, cette année, on a signé des accords avec les 113 groupes que j'évoquais tout à l'heure, avant le 1er mars, donc dans le respect du cadre légal. Ce qui amène l'industriel à signer, c'est que, à un moment donné, il y a des enjeux de commerce de part et d'autre. Certes, il y a des plans d'affaires effectivement plus ou moins attrayants pour les industriels ; ils dépendent aussi des stratégies commerciales des enseignes, selon les marques qui sont plus en vogue que d'autres. Ce qui amène l'industriel à signer, c'est donc en fait un équilibre, c'est le résultat de la négociation et des enjeux commerciaux associés.
Qu'est-ce qui se passe, s'il veut être « flat » et que, la nuit du 1er mars, il refuse cette déflation ?
Cette année, on a trouvé un accord avec tout le monde, en inflation et en déflation. On a donc réussi à trouver cet équilibre, auquel tend le jeu de la négociation. Chacun fait un pas vers l'autre. Il y a des leviers complémentaires sur lesquels on peut travailler. Mais on n'a pas été confronté à cette situation, cette année, puisqu'on a signé des accords avec tout le monde.
C'est le terme historique effectivement. Rue de Réaumur, nos salles de réunion sont en réalité presque plus lumineuses que celle-ci… Le cadre est confortable, serein, et nous n'avons reçu aucune plainte sur les locaux ou sur les salles de réunions dans lesquelles on a pu échanger avec les industriels.
Pardon d'insister mais, dans une classe, quand tout le monde a 20 sur 20, je me dis toujours qu'il y a un problème avec le professeur. Puisque les 113 industriels ont signé, il n'y aurait pas de problème… Mais, si la nuit du 1er mars, l'industriel refuse une déflation ?
Je vous ai déjà parlé de notre volonté d'anticipation. On ne découvre pas à 23 heures 59 qu'on a un problème commercial ou qu'on ne va pas se trouver, en cas pas chez Horizon. Il y a plutôt des écritures, pour les quelques cas qui ont été signés plus tardivement. Comme je vous l'ai dit, 40 % du chiffre d'affaires avait été signé à fin janvier, donc cette situation d'extrême urgence que vous décrivez n'est pas quelque chose qu'on a vécu. Ce n'est pas à ce moment-là qu'on découvre qu'on a un problème.
Cela étant dit, on peut potentiellement, quoique ce n'ait pas été notre cas cette année, ne pas trouver d'accord avec un industriel. La conséquence est alors qu'on n'a pas d'accord commercial et qu'on ne peut pas développer de business ensemble. Encore une fois, cela ne s'est pas produit cette année. Je pense qu'on a aussi essayé de trouver le moyen d'arriver à des accords, comme les industriels ont trouvé les moyens d'arriver à des accords avec nous. On n'a donc pas été exposés à ce type de situations.
Est-ce que des comptes rendus vous sont envoyés par les industriels, pour consigner ce qui s'est dit dans le box de négociations ou dans la salle de réunion ? Le cas échéant, que faites-vous de ces comptes rendus ? Est-ce qu'il n'y est pas parfois consigné le fait que, si on ne signe pas avec l'acheteur, il y a un risque de déréférencement ou d'arrêt des commandes au niveau des enseignes ? Est-ce que vous avez connaissance de ce genre de documents ou non ?
Oui, il peut y avoir des comptes rendus. Ce n'est pas systématique. Cela dépend des industriels. Nous faisons aussi des comptes rendus, suite à certains rendez-vous, de notre côté à nous. Il peut y avoir effectivement des griefs exprimés ou l'expression d'un désaccord d'un industriel. Cela peut arriver. Dans d'autres rendez-vous, on trouve des solutions et on se remet autour de la table. Pour moi, cela fait partie de la vie classique d'une négociation et des affaires que d'avoir des différends. On n'est pas d'accord sur tout, mais nous voulons pousser un modèle collaboratif où on travaille en confiance et en transparence. Le brief des équipes d'Horizon, c'est plutôt d'essayer de trouver des solutions que d'aborder le sujet avec les industriels par la contrainte. Je pense que c'est aussi la perception qu'on a eu des industriels pendant la négociation.
Cela étant dit, on n'est pas d'accord sur tout. Il y a des enjeux économiques différents de part et d'autre. Je considère que c'est le cours normal des discussions et des négociations entre un industriel et un distributeur.
Et vous, monsieur le directeur juridique, au sein des box de négociation, il n'y a jamais de mots prononcés qui amèneraient à penser que le groupe d'achat Horizon France ne va peut-être pas contractualiser et que, au fond, le fournisseur sera amené à faire une année blanche ou à être déréférencé ?
Tout ne se passe pas bien. On ne fait pas d'angélisme.
Pour rappeler le mode de fonctionnement d'Horizon : on est mandaté par des maisons mères, pour mener des négociations. À ce titre-là, un négociateur d'Horizon n'a pas la liberté de décider d'arrêter tel ou tel produits ou tel ou tel fournisseur, parce qu'il aurait assez rapidement un coup de fil de la maison-mère qui lui demanderait de rendre des comptes. Car on est garant de la politique commerciale et de l'assortiment qui est demandé par les maisons mères. À ce niveau-là, le négociateur fait évoluer sa négociation en fonction des demandes formulées par l'industriel. Il les relaie auprès de la maison mère.
À aucun moment, le négociateur ne peut interrompre de lui-même – et d'ailleurs il ne serait pas crédible, puisqu'il est le garant de la mise en oeuvre de la politique commerciale des entreprises, pour des raisons de concurrence et pour éviter toute mesure d'alignement. Ce n'est pas Horizon qui décide d'arrêter tel ou tel assortiment.
Monsieur Mercier, vous nous avez expliqué que les négociations devaient se faire – et se faisaient – en confiance et en transparence. Étant donné qu'elles s'étirent sur quatre mois, de novembre à mars, on peut supposer que les rendez-vous sont périodiques. Sont-ils préétablis ? Ne faudrait-il pas que chaque réunion fasse systématiquement l'objet d'un compte rendu, cosigné par les deux parties, afin d'acter les éléments de négociation et de constater les points d'accord et de désaccord ? Au fil des auditions, nous avons parfaitement compris que, dans le monde de la négociation, beaucoup de choses se disent et se pratiquent, mais peu sont formalisées à l'écrit…
Lorsqu'un industriel négocie avec Horizon France, doit-il adhérer ou signe-t-il un contrat ou une convention – vous bénéficiez d'un mandat de négociation de la part de la maison mère ?
Les industriels n'adhèrent pas à Horizon, au sens coopératif du terme. Le mandat de négociation est effectivement transmis par les maisons mères et Horizon signe un contrat avec l'industriel.
Vous avez raison, nous organisons des réunions périodiques avec les industriels – des dizaines parfois. La plupart concernent les « leviers business », la proportion de réunions concernant la négociation du prix de vente étant bien inférieure. Nous faisons déjà des comptes rendus, mais ce n'est pas systématique. Je n'ai pas d'avis arrêté sur le sujet mais un compte rendu systématique avec l'ensemble des industriels serait sans doute administrativement très lourd.
En cas de contentieux, cela permettrait de se référer à des éléments de négociation.
Horizon a souhaité s'engager dans une politique de filière, Horizon-Filières. Dans votre propos introductif, vous avez évoqué les États généraux de l'alimentation (EGA). Puisque vous vous êtes engagé à dire la vérité, rien que la vérité et toute la vérité – je ne doute pas que c'est ce que vous faites – pourriez-vous nous préciser où vous en êtes ? S'agissant du coût de production, comment intégrez-vous l'amont dans les négociations ?
Sur les marques de distributeurs (MDD), dans l'esprit des EGA, nous avons développé une filière pour les oeufs fin 2018 avec l'ensemble des enseignes d'Horizon : les prix sont garantis aux producteurs grâce à une mécanique spécifique ; les produits sont innovants. Ces contrats de trois ans, renouvelables, améliorent la visibilité. D'autres filières sont en préparation : je ne peux pas vous révéler les produits concernés, mais certaines vont être annoncées de manière imminente.
Pour les grandes marques, au-delà des produits laitiers, nous nous sommes mis d'accord avec certains fournisseurs, sur certains marchés, pour augmenter les prix par rapport à l'année précédente pour des raisons liées soit au marché, soit à la matière première.
Mais, pour être honnête, sur certains marchés, nous avons piloté à vue : les hausses de tarifs ont été passées en faisant confiance aux industriels pour qu'ils les répercutent aux agriculteurs. Malgré les bonnes intentions, nous avons très peu de preuves tangibles ou de garanties sur le fait que cela a bien été répercuté. Nous devons y réfléchir pour la suite, afin de nous assurer du retour vers l'amont agricole quand nous, distributeurs, passons des hausses de tarifs sur les produits qui connaissent une évolution de prix liée à la matière première.
La commission d'enquête a mené de nombreuses auditions. Beaucoup d'industriels – pas tous – nous ont expliqué que les négociations se font sous la menace du déréférencement et de l'arrêt des commandes s'ils ne signent pas. Ils n'ont pas le choix.
Comme vous, ils ont juré de dire la vérité et, parfois, ils sont venus nombreux. Soit ils nous mentent tous, soit vous n'êtes peut-être pas informé de ce qui se passe au sein de des box de négociations – ce n'est pas une critique –, soit c'est un problème de communication ou entre vous et les industriels. Je ne comprends pas : les cent treize industriels affiliés chez vous ont tous signé, il n'y a ni plaintes ni remontées – votre directeur juridique vient de le confirmer. Mais quand nous auditionnons certains groupes, ils évoquent une situation catastrophique et des relations qui s'apparentent à un abus de position dominante.
Pouvez-vous m'expliquer cette divergence et me confirmer qu'il n'y a aucun problème ?
J'ajoute que le constat est le même quelle que soit la taille de l'entreprise – il s'agit souvent de petites et moyennes entreprises (PME) mais aussi d'entreprises de taille intermédiaire, de groupes, voire de grands groupes internationaux : tous nous ont indiqué que les tensions dans les relations commerciales sont spécifiques à la France.
Pensez-vous que l'émergence des centrales dans les négociations commerciales contribue à ce climat ? Vouloir changer le modèle des relations avec les industriels ne concourt-il pas gravement à la destruction de valeur ? Pourtant, le Président de la République l'a bien expliqué aux producteurs et aux industriels français : nous devons créer un maximum de valeur, afin de la répartir équitablement entre tous les acteurs, de la terre à l'assiette.
Nous n'avons pas dit qu'il y a aucun problème : il existe parfois des divergences de point de vue. Nous n'avons pas dit que tout était facile et que nous étions toujours d'accord avec tous les industriels sur tous les sujets. Il peut y avoir des tensions, des discussions divergentes. Quand nous consultons les maisons mères au sujet d'un industriel qui ne souhaite pas avancer dans les discussions avec nous, ces dernières peuvent décider de moins le pousser, mais, cette année, il n'y a pas eu de cas de déréférencements ou de fournisseurs avec lesquels nous n'avons pas trouvé d'accord.
C'est le cours normal de la discussion entre un industriel et un distributeur : si cela correspond aux stratégies marketing des enseignes, elles préféreront pousser un industriel plus allant en négociation qu'un industriel qui ne veut pas avancer.
Nous avons la conviction que notre modèle est le bon. Nous ne sommes pas parfaits, mais allons dans la bonne direction et souhaitons continuer à creuser le sillon. Ce modèle va amener de la valeur pour les industriels et les enseignes que nous représentons. Il faut le renforcer.
Enfin, vous m'interrogez sur la destruction de valeur. Il y a plusieurs façons de créer de la valeur : on parle souvent d'inflation ou de déflation pour les produits reconduits d'année en année – déjà amortis – en oubliant les innovations et les nouveaux produits qui représentent une part très importante du chiffre d'affaires de certains industriels. C'est pourquoi Horizon souhaite pousser l'innovation car c'est un moyen de créer de la valeur.
Nous sommes donc favorables à la création de valeur sur l'ensemble de la chaîne, mais il est réducteur de considérer que seuls les produits reconduits d'année en année créent de la valeur.
L'arrivée des centrales ne contribue-t-elle pas déplacer la création de valeur de l'amont vers l'aval ? N'avez-vous pas souhaité un nouveau mode de négociation pour être plus fort et négocier au mieux, ce qui entraîne un déplacement de valeur des producteurs vers les transformateurs et des transformateurs vers les distributeurs et les centrales ?
D'un point de vue théorique, on peut l'imaginer, mais la mise en commun des forces vives nous permet également de pousser de nouveaux modes de fonctionnement et d'interactions avec les fournisseurs, ce qui est plus complexe si l'on reste seul dans son coin avec seulement 10 % du marché.
Certes, on peut toujours se regrouper pour en faire 20 %, mais on n'est pas petit avec 10 % d'un marché !
Cela reste faible par rapport aux leaders du marché en France – qui ont chacun plus de 20 %. L'impact sera deux fois inférieur. Le regroupement nous permet d'amener de nouveaux modes de fonctionnement – que nous ne pouvions pas toujours porter seuls – et de nous engager dans l'accompagnement de certaines filières, tout en étant cohérent quand nous constatons des évolutions sur les matières premières.
Quand un de vos fournisseurs sait qu'il va négocier avec une centrale qui représente 30 ou 40 % de son chiffre d'affaires – alors que lui ne représente peut-être que 1 % du vôtre –, la pression sur les épaules de ses négociateurs est forte… Je suppose qu'il vient donc négocier avec des arguments et des éléments factuels lorsqu'il demande des hausses de prix – coût de l'énergie ou de la main-d'oeuvre, investissements, amortissements, recherche, taxes, etc. De votre côté, quels arguments mettez-vous en avant dans la négociation lorsque vous n'acceptez pas ces hausses de prix ?
Aucun des fournisseurs d'Horizon ne réalise 40 % de son chiffre d'affaires avec nous. Lors de la création de la structure, nous avons veillé à ce qu'aucun d'entre eux ne soit en situation de dépendance économique avec Horizon – aucun ne réalise plus de 22 % de son chiffre d'affaires avec nous.
Nous analysons l'évolution des matières par catégorie. Certains indicateurs nous permettent désormais de disposer d'une boussole. Mais la négociation n'est pas réduite à la matière : nous évaluons également la qualité du plan d'affaires des enseignes avec l'industriel. Si ce dernier bénéficie d'un plan de croissance important, du développement de ses affaires ou de son assortiment, si les enseignes souhaitent le pousser, nous en tenons compte dans les négociations – cela a de la valeur pour les industriels, d'autant que certains grands industriels avec lesquels nous négocions – je ne citerai pas de marques – sont très peu exposés aux variations de prix des matières premières françaises. Les marques les plus puissantes ont des budgets de marketing souvent bien plus importants que ceux liés à l'achat de matières premières. Nous prenons en compte l'ensemble de ces éléments dans les négociations.
J'aimerais vraiment comprendre. Vous êtes devant la représentation nationale et devant une commission d'enquête – il ne s'agit pas d'une mission d'information.
Les acteurs auditionnés nous indiquent des pressions, vous me dites : « Il n'y a pas de pression ». Dans le tas – si vous me permettez l'expression –, il y en a un qui ment et risque cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende… !
Vous parlez beaucoup des maisons mères, des enseignes. Quand un industriel vous dit qu'il ne veut pas baisser son prix, est-ce que vos acheteurs – ou vous – faites pression et appelez la maison mère pour évoquer le problème ? La maison-mère appelle-t-elle aussi l'industriel pour demander un meilleur prix ? La responsabilité finale est-elle déportée vers la maison mère ? Si oui, comment cela se passe-t-il ?
Je ne peux pas entendre d'un côté qu'il n'y a aucun problème et, de l'autre, qu'il y en a un. Quelqu'un ment. Il faut que nous comprenions où est le problème et qui met la pression. Peut-être n'est-ce pas vous, mais la maison mère ?
Pouvez-vous objectiver les arguments qui vous conduisent à refuser ceux de votre partenaire de négociation ? Comment lui mettez-vous la pression ? Quels éléments utilisez-vous ?
Je n'ai pas dit qu'il n'y avait jamais de problème et que nous n'avions pas de différends avec certains industriels. Parfois, l'accord est plus long à trouver et les divergences très fortes. Lorsqu'un industriel ne se met pas en situation de négocier ou n'avance pas avec nous dans la négociation, nous pouvons être amenés à remonter l'information aux maisons mères. En effet, quand leurs rayons ont une taille limitée, elles auront plutôt envie de pousser l'industriel qui joue le jeu de la négociation – si c'est cohérent d'un point de vue marketing – que celui avec lequel elles sont en situation de blocage. Mais ce n'est pas ce que j'appelle des menaces : il s'agit simplement des conséquences d'une bonne négociation, mais d'une négociation plus compliquée.
Pouvez-vous confirmer que certains industriels ont été appelés par des maisons mères lors des négociations de cette année, afin qu'elles leur exposent le partenariat commercial et leur demandent de baisser leurs prix ? Cela concerne-t-il certains industriels, beaucoup d'industriels ? Avez-vous dû faire appel aux maisons-mères régulièrement, une seule fois, dix, vingt ou cent treize fois ?
La communication se fait plus souvent par le biais d'Horizon. Nous échangeons avec les maisons mères sur des situations de négociation, sur des plans d'affaires potentiels avec les industriels en fonction de leur souhait et de leur stratégie.
Au regard de la rentabilité ou des prix proposés par les fournisseurs, il nous arrive de leur expliquer que nous ne serons pas capables de signer des plans de développement aussi importants que ceux initialement imaginés ou, à l'inverse, lorsque nous arrivons à négocier rapidement, nous pouvons proposer des plans de développement plus importants à certains industriels. C'est d'ailleurs tout l'objet de la négociation : adapter les plans de développement à l'évolution des négociations.
Nous parlons prix et volumes mais, au cours de nos diverses auditions, nous avons également évoqué service, qualité, publicité, logistique et innovation. S'agissant de cette dernière, les industriels que nous avons rencontrés nous ont expliqué faire des réunions régulières au cours de l'année pour développer de nouveaux produits et travailler sur différentes pistes. À quel point êtes-vous impliqués ? Vous ne participez sans doute pas toute l'année à ces échanges, mais comment influencez-vous la négociation – en prenant par exemple la décision d'accepter tel ou tel produit ? Le référencement de nouveaux produits innovants s'accompagne souvent du déréférencement d'autres produits.
Les maisons mères – et non Horizon – sont en charge des assortiments et de l'offre en magasins. Horizon travaille sur la base du brief des enseignes et ne sélectionne donc pas les références commercialisées. Mais notre schéma étant collaboratif, les équipes d'Horizon participent à certaines revues d'innovations. Les négociateurs d'Horizon acquièrent la connaissance des produits toute l'année – c'est actuellement la période des revues d'innovation pour 2020.
Cela ne constitue-t-il pas un élément de détermination des prix sur une autre gamme ? Comment faites-vous si vous les dissociez ?
Pour être plus clair, en année 2, avant la négociation des prix d'achat, fin octobre, Horizon souhaite donner aux industriels de la visibilité sur les innovations retenues dans les enseignes – pour ne plus revenir dessus. Ce ne sera donc pas un levier de négociation. Nous communiquerons en amont les choix d'innovation des enseignes aux industriels, puis mettrons en place la négociation qui aboutira à la signature d'un accord-cadre.
Je vais revenir sur les maisons mères. Nous avons besoin de comprendre le contexte car nous sommes de simples parlementaires. Si un industriel ne veut pas baisser son prix, que se passe-t-il avec la maison mère ? Prenez-vous votre téléphone pour appeler le patron d'Auchan ou de Casino ? Si le responsable de l'enseigne a discuté avec l'industriel, vous rappelle-t-il pour vous dire qu'il n'y a plus de problème ?
Nous sommes très régulièrement en lien avec nos maisons mères puisque nous réalisons une prestation de négociation pour elles. Dans les négociations, les avancées sont parfois positives, parfois négatives. Dans ce dernier cas, les rayons étant contraints, les coûts des magasins également – même si je ne suis pas le mieux placé pour en parler –, si un industriel est trop loin de notre objectif de négociation, nous échangeons avec les maisons mères.
Les négociateurs ont la main, même s'il peut m'arriver ponctuellement d'appuyer sur certains dossiers. Horizon compte une vingtaine de négociateurs, payés pour réaliser ces négociations avec les industriels. Ils ont des contacts dans chacune des maisons mères. Si l'industriel est trop loin, chaque enseigne séparément – les discussions sont parfaitement étanches – peut décider de développer l'assortiment d'un concurrent. Derrière, nous pouvons alors passer le message à l'industriel.
S'il y a un problème, est-ce vous qui appelez la maison mère qui ensuite appelle l'industriel pour lui mettre la pression ? Ou appelez-vous la maison mère qui vous dit qu'elle n'est pas d'accord, puis est-ce vous qui rappelez l'industriel ?
Les deux configurations sont possibles : durant la période de négociation, Horizon appelle les maisons mères et fait un retour sur leur position aux industriels. La maison-mère peut également appeler l'industriel – ou l'industriel appeler la maison mère. Mais, dans la majorité des cas, Horizon revient vers l'industriel suite à un échange avec les maisons mères pour leur transmettre leur position.
Pour moi, un déréférencement, c'est un arrêt de l'activité avec un industriel.
Pour être clair, et cela me semble tout à fait logique, si nous n'arrivons pas à nous mettre d'accord sur la dimension économique, le plan d'affaires convenu avec l'industriel ne sera peut-être pas mis en place car il sera plus rentable pour l'enseigne de contracter avec un autre.
Lorsque vous négociez un plan d'affaires à venir, peut-il y avoir suspension des commandes ou déréférencement au cours de la période de négociation ? Dans une période de tension, sur quatre mois de négociation – les négociations peuvent même démarrer bien avant le mois de novembre et s'étirent sur cinq ou six mois –, on peut imaginer des périodes temporaires de suspension de commandes ou de déréférencement, pour mettre un peu de pression.
Comment s'appliquent les pénalités logistiques ?
Pour répondre à vos deux questions, la suspension de commandes pendant la période de négociation n'est pas pratiquée par Horizon. Nous pouvons, à la fin d'une négociation, constater un désaccord économique et signer un accord commercial a minima avec un industriel : cela peut exister, tout comme l'on peut signer de très bons accords avec des industriels avec un fort développement.
Concernant les pénalités logistiques, cela n'entre pas dans le champ d'action d'Horizon, qui ne négocie pas la logistique ni les délais de paiement.
La compensation pour perte de marge est un élément de négociation. Il arrive fréquemment que, dans les discussions, vous reveniez sur l'exercice antérieur : « Cela s'est mal passé, nous avons mal négocié la dernière fois, nous avons observé que vous aviez été plus généreux avec telle autre centrale : nous allons donc démarrer la négociation en évoquant une compensation pour perte de marge. » Qui évoque ces sujets ?
Nous ne négocions pas de compensation pour perte de marge. Chez Horizon, nous pouvons faire des demandes économiques à un industriel, parce que nous estimons que nous avons un « super plan d'affaires » : toutes les enseignes voulant développer sa gamme, nous trouvons donc tout à fait justifié de lui demander un effort sur ses prix d'achat. Cela se fait effectivement, mais nous ne faisons pas de compensation de perte de marge.
Ces sujets ne sont pas abordés dans les négociations ? Ce ne sont pas des éléments de négociation ?
Non, d'autant que nous sommes focalisés sur les prix d'achat : la fixation des prix de vente, et donc des niveaux de marge, est la prérogative de chacune des maisons mères. Je ne discute jamais des prix de vente consommateur d'Auchan ou de Casino : ce sont vraiment les enseignes qui ont la main sur cet aspect.
Vous avez dit que la centrale Horizon comptait une vingtaine de négociateurs pour 113 industriels : avez-vous une idée approximative du nombre de produits concernés ?
Je n'ai pas en tête le nombre de références. Certains secteurs comme la parfumerie comptent beaucoup de références, alors que d'autres secteurs en ont beaucoup moins. Nous pouvons donner la réponse sur les assortiments négociés mais je ne les ai pas en tête.
On imagine qu'un certain nombre de produits font l'objet d'une négociation mais que les négociateurs ne connaissent pas le produit faisant l'objet de la négociation. Il arrive fréquemment que les négociateurs de la centrale Horizon n'aient pas une connaissance véritable du produit et des enjeux stratégiques liés au produit. Ils ne peuvent pas tout connaître : c'est impossible.
Ils ne peuvent pas tout connaître mais nous faisons en sorte qu'ils participent aux revues d'innovation ; ils sont au contact des industriels et des maisons mères. Ce sont les maisons mères qui ont l'expertise produit, stricto sensu, et qui nous briefent. Pour négocier, nous n'avons pas besoin de connaître la recette de l'ensemble des produits ; en revanche, les négociateurs d'Horizon doivent posséder une connaissance sectorielle, une connaissance des industriels.
Mais les négociateurs, eux, ne parlent que d'argent, ils ne parlent pas de produits. Or un plan d'affaires porte bien sur un produit !
Les négociateurs peuvent parler des innovations, des produits, de leur mise en avant, de leur potentiel, du potentiel de chiffre d'affaires que l'on peut générer avec l'industriel : ils ne parlent pas que de prix. Certes, ils parlent de prix – je ne vais pas vous dire qu'un négociateur chez Horizon ne parle pas de prix, ce serait mentir –, mais ils évoquent aussi tout ce qui va autour des produits : comment les mettre en avant, comment doper le chiffre d'affaires, toujours en cohérence avec les stratégies des enseignes.
Pour en finir avec les maisons mères, d'après ce que je comprends, celles-ci ont tout pouvoir : vous n'êtes qu'un intermédiaire soumis à la décision positive ou négative de la maison mère. De nombreux industriels nous disent subir d'importantes menaces : selon vous, cela viendrait donc directement des maisons mères ? Êtes-vous au courant de certaines maisons mères qui auraient, non pas menacé, mais fait comprendre que si l'on n'atteignait pas le prix, Horizon arrêterait les négociations ? Sont-elles les seules à pouvoir tenir de tels propos ?
Nous ne maîtrisons pas tout ce que peuvent dire les maisons mères mais je n'ai pas en tête ce type de comportement. Nous pouvons parfois remonter, dans le cadre d'une négociation, des positions qui ne sont pas favorables à un industriel. Oui, cela existe : nous ne sommes pas toujours d'accord et nous ajustons les leviers, à la hausse pour certains, à la baisse pour d'autres, de concert avec chacune des maisons mères.
Tout dépend de ce que l'on appelle une menace. Est-ce que dire à un industriel qu'il développera moins son courant d'affaires parce que la copie économique n'est pas satisfaisante constitue une menace ? Je ne le pense pas : c'est la conséquence d'un désaccord. Tout dépend de l'interprétation des mots. Un comité d'observation des négociations a été constitué avec l'Institut de liaisons et d'études des industries de consommation (ILEC) et l'Association nationale des industries alimentaires (ANIA) ; Monsieur Derniame, qui fait partie de ce comité, pourra en parler. Je n'ai pas eu de retour, en tout cas à mon niveau, concernant un problème de menaces chez Horizon. Les positions sont parfois dures, des points de divergence peuvent exister dans le cadre d'une négociation mais ce sont des points normaux de divergence, qui se règlent. La preuve en est que nous signons avec tout le monde à la fin. Je suis assez surpris par l'ampleur du phénomène que vous semblez décrire.
J'ai pris l'audition en cours donc je n'ai pas entendu votre présentation introductive ; j'espère que vous ne m'en voudrez pas si je pose les mauvaises questions.
Ma première question est relativement simple : je cherche à comprendre la raison de l'existence d'une centrale d'achat. Il en existe quatre : à la demande de qui ont-elles été créées ? Vous êtes un intermédiaire, si j'ai bien compris : vous rentrez donc dans la boucle de l'équilibre économique de la filière entre le producteur et le consommateur. Quelle est votre plus-value dans les filières dans lesquelles vous êtes amenés à travailler ? Quelle est votre part de coût dans les filières ? Quel est le coût de cette activité intermédiaire ? Nous cherchons à comprendre non seulement comment la loi EGAlim peut équilibrer les choses mais également à préserver chaque maillon de la chaîne.
Ma deuxième question est la suivante : comment vous situez-vous parmi les autres centrales d'achat ? Avez-vous des relations entre vous ? Avez-vous les mêmes méthodes ? Comment participez-vous collectivement à servir, je l'espère, l'intérêt général et le bien commun ? Ce n'est pas qu'une question d'argent : il y a aussi de vraies réponses à apporter au consommateur. Nous sommes dans la recherche du bien commun et de l'intérêt général, notamment d'un point de vue social.
Les centrales d'achat existaient avant Horizon, avant les autres groupements d'achats puisqu'il y en avait dans chacune des enseignes. Le panorama a évolué ces derniers temps.
S'agissant de notre raison d'être, si nous voulons mettre en place une nouvelle façon d'interagir et de coopérer avec les industriels, il vaut mieux peser 20 % ou plus que 10 %. Par ailleurs, nous permettons aux enseignes que nous représentons de pratiquer des prix de vente cohérents avec les prix du marché et de ne pas être « dépositionnées » par rapport à leurs concurrents qui sont unitairement plus gros.
Sur l'équilibre des filières et des marchés, j'ai eu l'occasion de développer nos engagements : l'un d'eux porte spécifiquement sur ce point. Cela fait partie des convictions et des objectifs d'Horizon, qui consistent justement à accompagner le marché et à créer de la valeur dans les filières connaissant plus de difficultés et subissant des évolutions importantes du prix des matières premières – nous les avons cités tout à l'heure : les produits laitiers, la pomme de terre, la viande surgelée.
Comment nous situons-nous parmi les autres centrales ? Nous estimons que nous sommes atypiques, dans le sens positif du terme, grâce à tous les processus que nous avons mis en place, à tous les engagements pris avec les industriels. Je ne suis pas certain que ce soit le cas des centrales concurrentes et je pense modestement que, même si nous ne sommes pas parfaits, nous essayons de changer cette relation industrie-commerce : cela fait partie de nos objectifs. La route sera longue, il y a encore des aspects à renforcer mais nous avançons dans cette direction. J'espère en tout cas que les industriels le perçoivent ainsi ; d'après les retours que nous en avons au stade du comité d'observation des négociations, et en dépit de quelques cas spécifiques ou de cas particuliers, telle est bien la tendance de fond. Nous contribuons à créer un climat de transparence et de confiance.
Je ne demande pas un droit de réponse mais tout simplement des réponses à mes questions : si j'ai bien compris, les centrales d'achat ont été créées à la demande des enseignes, des distributeurs. C'est bien cela ?
À la demande des associés : ayant des valeurs communes et une vision commune de la relation industrie-commerce, ils ont décidé de monter Horizon, il y a un an.
Pour renchérir sur la question de Monsieur Yves Daniel, nous avons là quatre distributeurs qui se regroupent à l'achat, qui vous confient un mandat de négociation mais qui interviennent quand même dans la négociation. Nous sommes en droit de nous interroger sur la valeur ajoutée, la plus-value de ces centrales, en dehors du fait qu'elles se regroupent à l'achat pour peser davantage et presser les industriels, avec des conséquences en amont. Lorsque ces quatre distributeurs ont souhaité se regrouper à l'achat, j'imagine que l'Autorité de la concurrence a été sollicitée pour formuler un avis. Combien de temps l'instruction de cette demande a-t-elle duré ? Quel a été l'avis de l'Autorité de la concurrence ? Des réserves ou des observations ont-elles été formulées ? Si oui, de quelle nature sont-elles ?
Une notification a été adressée à l'Autorité de la concurrence lors de la constitution des deux sociétés, Horizon achats et Horizon appels d'offres. L'instruction est toujours en cours et la discussion se fait directement avec nos maisons mères ; des pièces complémentaires ont été demandées dans ce cadre.
Cela signifie-t-il que la centrale fonctionne en France sans avoir un avis définitif de l'Autorité de la concurrence ?
Cela signifie que la centrale se conforme aux règles prévues en la matière, à savoir l'obligation de notification en amont. Le sujet est en effet complexe et suscite de nombreuses questions de la part de l'Autorité de la concurrence, qui cherche à bien appréhender l'impact sur le secteur. Cette phase d'instruction se termine dans les jours qui viennent mais elle se déroule directement entre l'Autorité de la concurrence et nos maisons mères.
Monsieur le directeur juridique, votre CV est impressionnant : vous avez intégré la Fédération du commerce et de la distribution (FCD) en tant que directeur des affaires juridiques et fiscales, avant d'être nommé directeur juridique dans le comité de direction de la centrale d'achat Alliance. Avant cela, vous avez travaillé chez Auchan, Weldom, etc. Avez-vous, par le passé, été au courant de menaces de déréférencement ou d'arrêt de commandes, ou de pressions sur les industriels ?
Par ailleurs, en tant que directeur des affaires juridiques et fiscales, avez-vous pu former les négociateurs à des techniques de négociation tout en leur indiquant ce que, juridiquement, ils avaient le droit ou n'avaient pas le droit de dire ?
Avant d'être directeur juridique d'Horizon, je n'avais pas les mêmes fonctions ni le même rôle : j'étais donc un peu moins directement en soutien et focalisé sur la partie négociation.
S'agissant de l'accompagnement, mon rôle était lié à la mission de la FCD. Je n'assurais pas de formation auprès des négociateurs puisque chacun des adhérents à la FCD dispose d'un service juridique et de juristes compétents en la matière. Je n'étais pas du tout en contact avec les négociateurs ou les acheteurs des adhérents à la FCD ; j'étais en relation directe avec les directeurs juridiques des membres de la FCD.
Pour vous donner mon point de vue, je vois comme une anomalie juridique le fait qu'une centrale d'achat, une centrale de négociation ou une centrale de services fonctionne en France sans l'avis définitif de l'Autorité de la concurrence. Je n'imagine pas un industriel ou un commerçant ouvrir un magasin dans nos territoires sans avoir l'ensemble des autorisations. Même si ce n'est pas suspensif, compte tenu des enjeux financiers et du rôle que peut avoir dans les négociations commerciales une centrale comme la vôtre, n'y voyez-vous pas une anomalie juridique ?
Je partage complètement votre position : nous n'avons évidemment pas mis en place des structures qui mobilisent des compétences humaines et des moyens sans garantie. La mise en place d'Horizon s'est faite en toute conformité avec l'avis rendu par l'Autorité de la concurrence en 2015, qui avait étudié les différentes alliances et défini des lignes directrices pour l'organisation ou la gestion de la relation, préconisant certaines précautions et déterminant des seuils à partir desquels il était possible de travailler avec les industriels. Différents critères et recommandations ont été formulés et la société Horizon a été créée en parfaite adéquation avec ces lignes directrices. En l'état du droit, nous sommes tenus à une notification et non à une demande d'autorisation mais il est évident que la structure a été mise en place en conformité avec les lignes directrices de l'Autorité de la concurrence.
Je suis désolé d'insister mais vous n'avez pas répondu à mes deux questions : tout d'abord, quelle est votre plus-value en tant qu'intermédiaire dans les relations commerciales entre les industriels et les maisons mères de la grande distribution ? Ensuite, quelle est votre part du gâteau, pour être plus clair ? Combien prenez-vous pour votre activité : 5 % ? 10 % ? Voilà les chiffres que je veux connaître. Que nous coûtez-vous en tant qu'intermédiaire ? Je suis député paysan et, toute ma vie, je me suis dit que les intermédiaires gagnaient plus d'argent que nous ; voilà pourquoi je vous pose cette question.
Pour répondre tout de suite à la deuxième question, nous ne prenons rien : nous avons des coûts de fonctionnement de la structure – loyer, salaires – et c'est tout. Nous négocions des contrats pour les enseignes, et les actionnaires financent la structure : ce n'est absolument pas un centre de profit. Horizon ne prend pas de commission.
C'est négligeable : cela porte sur les frais de personnel et les loyers des bureaux. Nous pourrons vous indiquer le budget dans le cadre de la partie de l'audition à huis clos.
Pour nos enseignes, c'est la capacité à être présentes dans le marché et à pratiquer des prix cohérents avec ce qui se fait sur le marché alimentaire. L'autre plus-value tient à notre méthode de fonctionnement, voulue par les maisons mères et que nous mettons en oeuvre pour créer un climat de négociation beaucoup plus coopératif et serein avec les industriels. C'est quand même un point important pour les fournisseurs avec lesquels nous négocions.
Nous constatons que c'est vrai, nous avons des retours plutôt positifs de ce point de vue. Je ne dis pas qu'il n'y a pas des cas particuliers plus compliqués mais la tendance générale, la tendance de fond est positive ; en tout cas, c'est ce qui nous est remonté.
L'audition se poursuit à huis clos
Membres présents ou excusés
Réunion du mercredi 3 juillet 2019 à 17 heures
Présents. - M. Thierry Benoit, M. Grégory Besson-Moreau, M. Yves Daniel, Mme Séverine Gipson, M. Hervé Pellois, M. Arnaud Viala