–– Audition, conjointe avec la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire et la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, de M. Didier MIGAUD, Premier président, sur le rapport de la Cour des comptes relatif aux finances publiques locales…. 2
La réunion débute à 9 heures 35.
Présidence conjointe de M. Jean-René Cazeneuve, président, de M. Éric Woerth, président de la commission des Finances, et de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente de la commission des Lois.
La délégation aux Collectivités territoriales et à la décentralisation auditionne, conjointement avec la commission des Finances et la commission des Lois, M. Didier Migaud, Premier président, sur le rapport de la Cour des comptes relatif aux finances publiques locales.
La commission des finances a entendu Didier Migaud la semaine dernière en sa qualité de président du Haut Conseil des finances publiques. Nous le recevons ce matin en tant que Premier président de la Cour des comptes, mais il s'agit aussi de préparer l'examen du projet de loi de finances (PLF).
Conformément à sa mission, le Haut Conseil nous a présenté son avis relatif à l'ambiance macro-économique ainsi qu'aux prévisions économiques sous-jacentes à ce PLF, en cohérence avec les orientations pluriannuelles de solde structurel. Aujourd'hui, le rapport sur les finances publiques locales, prévu par le code des juridictions financières depuis 2013, nous permet de travailler sur l'un des enjeux qui se trouvent au coeur de tout PLF.
Je remercie la Cour d'avoir quelque peu avancé son calendrier de travail, puisque je crois que de façon traditionnelle – autant que l'on puisse parler de tradition pour un rapport relativement récent, que nous n'avions d'ailleurs pas examiné l'année dernière – vos travaux intervenaient plutôt à la mi-octobre, au moment précis où nous étions totalement pris par la première partie du PLF. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle cette séance ne s'est pas tenue l'année dernière. Il est plus utile et pertinent, comme le permet le calendrier cette année, que le rapport soit adopté par la Cour à la fin du mois de septembre, ce qui permet qu'il nous soit présenté au tout début du mois d'octobre. La commission peut ainsi trouver le temps de s'y consacrer. Les matières abordées sont complexes, même si chacun les connaît bien. Grâce à vos observations, nous pouvons mieux éclairer un certain nombre d'enjeux de la première partie du PLF, mais aussi de la seconde – tant au titre de la mission Relations avec les collectivités territoriales qu'à celui des articles non rattachés. Merci encore, donc, pour votre présence.
Je suis heureux de vous présenter aujourd'hui le sixième rapport annuel sur les finances publiques locales, qui est le fruit d'un travail entre la Cour et les chambres régionales et territoriales des comptes. Je me réjouis d'être accueilli ce matin par deux commissions – la commission des finances et la commission des lois – ainsi que par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l'Assemblée nationale. Ce format large et inédit témoigne de l'intérêt que vous pouvez prêter à ce rapport et de l'importance du sujet qui nous rassemble aujourd'hui.
Pour vous présenter ce travail, je suis accompagné de Roch-Olivier Maistre, président de chambre et rapporteur général de la Cour, de Christian Martin, président de la formation inter-juridictions chargée de l'élaboration de ce rapport, ainsi que de Bertrand Beauviche et de Perrine Tournade, rapporteurs généraux auprès de cette formation. De nombreux magistrats de la Cour et des chambres régionales ont également contribué à ce rapport.
Avec le rapport annuel sur le budget de l'État, remis en mai, et le rapport annuel sur la sécurité sociale, qui sera publié demain, le document présenté aujourd'hui constitue la troisième séquence et le troisième pilier des travaux de la Cour en matière de finances publiques. De même que les deux premiers, il nourrit le rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques globales qui est publié tous les ans en juin. Au même titre que l'État et les organismes de sécurité sociale, les collectivités territoriales sont en effet concernées par le respect des engagements européens de la France en matière de finances publiques et de redressement des comptes publics. Nous menons actuellement une réflexion sur la façon dont ce rapport pourrait vous être le plus utile. Nous envisageons éventuellement de le présenter en deux parties : une première partie sur la situation financière des collectivités territoriales, qui pourrait vous être présentée en juin, avant votre débat d'orientation budgétaire, puis une seconde partie à l'automne, qui concernerait plus particulièrement la gestion publique des collectivités territoriales. Si nous pouvons le faire l'année prochaine, je pense que ce pourrait être l'occasion, pour l'ensemble des juridictions financières, de vous être encore plus utiles dans le débat qui est le vôtre sur l'ensemble des finances publiques.
Vous le savez, les enjeux que recouvrent les finances locales sont très importants. Je rappelle qu'en comptabilité nationale, les administrations publiques locales représentaient 18 % de l'ensemble de la dépense publique et 9 % de la dette publique totale en 2017. Par ailleurs, elles bénéficient d'importants transferts financiers de l'État, à hauteur de 101 milliards d'euros en 2017.
Avant de vous présenter nos principaux constats, je voudrais vous faire part d'un élément de contexte et d'un élément de méthode spécifiques à l'édition de cette année. D'abord, nos travaux se sont inscrits dans le contexte particulier d'un changement de paradigme dans la gouvernance des finances publiques locales. Au mécanisme de baisse des dotations de l'État, en vigueur entre 2014 et 2017, a succédé en 2018 un dispositif de contractualisation et de fixation d'un plafond de dépenses. Le rapport présenté aujourd'hui est donc, pour les juridictions financières, l'occasion de présenter un bilan inédit des effets de l'ancien mécanisme et de mettre en lumière les perspectives qu'offre le nouveau. Ensuite, dans la continuité des efforts effectués depuis sept ans pour améliorer sans cesse la fiabilité de nos constats, nos analyses ont porté sur des données considérablement enrichies. À titre d'exemple, la Cour est la première à analyser les comptes de gestion des collectivités locales en consolidant à la fois les budgets principaux et les budgets annexes.
En définitive, ce rapport expose trois constats principaux et présente deux études approfondies. Premièrement, la baisse des dotations de l'État entre 2014 et 2017 a bien eu l'effet escompté en portant un coup d'arrêt à la progression de la dépense locale sur cette période. Deuxièmement, les résultats de l'année 2017, marqués par une moindre maîtrise des dépenses, montrent toutefois que le redressement des comptes locaux demeure fragile. Troisièmement, si l'objectif de plafonnement de la dépense locale en 2018 apparaît ambitieux mais atteignable, le respect de la trajectoire prévue pour les années suivantes est très incertain. Enfin, le rapport présente une étude approfondie de deux points ayant trait à la gestion des collectivités : l'un porte sur la fiabilité des comptes publics locaux, l'autre sur la mise en oeuvre par les communes de leurs compétences scolaire et périscolaire.
Je vais revenir brièvement sur chacun de ces points.
En dépit d'une certaine reprise à la hausse des dépenses en fin de période, sur laquelle je reviendrai dans un instant, l'analyse rétrospective présentée dans ce rapport observe que la baisse des dotations de l'État entre 2014 et 2017 a bien eu les conséquences attendues. Elle a conduit les collectivités territoriales à engager des efforts de maîtrise de leurs dépenses – efforts qui se sont traduits par un redressement d'ensemble de la situation financière locale sur la période. Ce sera mon premier message.
Je commencerai par quelques chiffres-clés du bilan effectué.
Entre 2013 et 2017, le montant total des concours financiers de l'État aux collectivités locales (intégrés dans les transferts financiers hors fiscalité transférée) est passé de 58,2 à 47,1 milliards d'euros, soit une baisse de 19 %, sous l'effet d'une réduction de 11,2 milliards d'euros de la part forfaitaire de la dotation globale de fonctionnement (DGF). Cette baisse a été atténuée par le dynamisme de la fiscalité, dont les produits ont crû de 3,7 % par an en moyenne entre 2013 et 2017, contre 2,5 % par an entre 2010 et 2013. En définitive, les produits de fonctionnement des collectivités locales ont augmenté de 12,2 milliards d'euros entre 2013 et 2017, à un rythme annuel moyen de 1,4 %, contre 2,4 % entre 2010 et 2013. Sans constituer un recul, ce ralentissement global a réduit les marges de manoeuvre dont disposaient les collectivités pour faire face à la hausse de leurs dépenses et a favorisé de notables efforts de gestion. En témoigne le véritable coup d'arrêt porté à la progression des dépenses locales - investissement comme fonctionnement – en 2014, première année de baisse de la DGF. Ce net ralentissement explique que le taux moyen annuel de croissance de ces dépenses soit passé de 3,1 % entre 2010 et 2013 à 0,3 % entre 2013 et 2017. L'impact de cette pression sur les ressources s'est manifesté de manière particulièrement tranchée et rapide pour les dépenses d'investissement, qui ont reculé de 11 % sur la même période.
Les dépenses de fonctionnement, quant à elles, ont progressé à un rythme moyen annuel divisé par deux par rapport à la période 2010-2013 – 1,4 % entre 2013 et 2017 contre 3 % auparavant –, notamment grâce à d'importants efforts de maîtrise des effectifs, qui ont permis un ralentissement de la croissance des dépenses de personnel et même leur stabilisation en 2016.
Au total, ces évolutions ont permis aux collectivités de renouer en 2015 avec des niveaux d'excédents qu'elles n'avaient plus connus depuis 2003. Elles leur ont permis de ralentir le rythme de croissance de leur endettement à 2,2 % par an en moyenne contre 3,5 % entre 2010 et 2013. Le poids de la dette locale rapporté au produit intérieur brut (PIB) s'est ainsi trouvé réduit sur la période. Toutefois, il ne faut pas confondre cette amélioration d'une situation globale auparavant très dégradée avec un redressement complet et définitif. Une fois de plus, nous parlons globalement – c'est toute la difficulté lorsqu'il s'agit des collectivités territoriales, tant les situations sont diverses. Telle ou telle collectivité peut ne pas se retrouver dans le bilan que nous présentons. Nous raisonnons, bien sûr, en moyenne. Le redressement n'est pas complet et définitif, il est au contraire partiel et fragile, ce que tendent d'ailleurs à montrer les résultats obtenus en 2017. C'est le deuxième message de la Cour.
Le redressement est partiel. Plusieurs indicateurs demeurent préoccupants. La capacité d'autofinancement est encore loin de son niveau de 2011. Le besoin de financement a bien reculé de 19 % dans les régions, mais il est reparti à la hausse – de 5 % – dans les départements et surtout au sein du bloc communal, où il a augmenté de 23 % en 2017.
Le redressement est également fragile. C'est ce que souligne l'évolution observée en 2017. Certes, pour la troisième année consécutive, quoique dans une moindre mesure qu'en 2015 et en 2016, les collectivités locales ont dégagé en 2017 un excédent – et donc une capacité de financement – qui s'est élevé à 1,7 milliard d'euros. Ce résultat va dans le sens d'une amélioration globale de leur situation financière. Mais, au-delà de ce résultat global, l'analyse de l'évolution des recettes et des dépenses met en lumière à la fois un desserrement de la contrainte pesant sur les ressources et une reprise à la hausse des dépenses. L'atténuation de la pression qu'exerçait l'État sur les ressources des collectivités n'est donc pas sans lien avec une moindre maîtrise des charges de ces dernières en 2017.
Trois facteurs expliquent le desserrement de la contrainte financière en 2017. D'abord une atténuation de la baisse de la DGF – cette baisse ayant été divisée par deux pour le bloc communal en application d'un souhait du Président de la République de juin 2016. Ensuite, une augmentation de la fiscalité transférée par l'État aux collectivités locales et particulièrement des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), dont les départements sont les principaux bénéficiaires. Enfin, une hausse accrue du produit des impôts directs locaux, à hauteur de 2,3 milliards d'euros, soit + 2,8 % après + 2,5 % en 2016.
En définitive, les collectivités locales ont bénéficié en 2017 d'un surcroît de recettes fiscales nettement supérieur à la baisse des dotations de l'État.
S'agissant des dépenses, la Cour a observé une accélération de la croissance des charges de fonctionnement et un redémarrage de l'investissement en 2017. La progression globale des dépenses de fonctionnement des collectivités est ainsi passée de + 0,1 % en 2016 à + 2,1 % en 2017, s'établissant respectivement à 1,9 % et 2,8 % pour les collectivités du bloc communal et les départements. Cette accélération doit être mise en perspective avec deux éléments spécifiques à 2017 : d'une part, la hausse de l'inflation, d'autre part, l'impact particulièrement important de décisions nationales sur les charges de fonctionnement des collectivités locales, à hauteur de 1,8 milliard d'euros, soit un niveau largement plus important que les deux années précédentes. À titre d'exemple, les deux revalorisations successives du point d'indice de la fonction publique et de l'application des mesures du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » ont pesé pour 1,3 milliard d'euros sur les charges de personnel des collectivités.
L'année 2017 s'est aussi caractérisée par une nette reprise des dépenses d'investissement.
À l'exception des départements, dans lesquels ces dépenses ont continué de reculer mais à un rythme moindre qu'auparavant, l'investissement des communes a enregistré un bond de 10 % et celui des régions de 9,5 %. Par ailleurs, au sein de chaque catégorie de collectivités, l'amélioration partielle de la situation d'ensemble n'a pas sensiblement réduit la grande disparité des situations locales. À titre d'exemple, au sein du bloc communal, la maîtrise des charges paraît avoir été plus marquée dans les ensembles intercommunaux de grande taille, notamment les métropoles et leurs communes membres, dont le degré d'intégration et les capacités de mutualisation sont les plus élevés.
Une grande hétérogénéité subsiste également au sein des départements. Leur situation financière dépend en effet étroitement de facteurs conjoncturels très variables localement.
Les dépenses liées au revenu de solidarité active (RSA) se sont quasiment stabilisées en 2017 – elles n'ont augmenté que de 0,6 % – mais pas dans tous les départements. Par ailleurs, l'ensemble des autres dépenses sociales, ayant trait aux personnes âgées et handicapées et à l'aide sociale à l'enfance, y compris la prise en charge des mineurs non accompagnés, a encore connu une progression soutenue : + 2,1 %. Pour y faire face, les départements disposent de ressources de niveaux très variables. Notre rapport de l'année dernière l'avait déjà souligné certains départements se voient affligés d'une « double peine » : d'une part, un faible niveau de recettes fiscales et, d'autre part, un montant élevé de dépenses sociales non couvertes.
J'en viens au troisième message du rapport, qui porte sur les perspectives des finances locales.
La loi de programmation des finances publiques pour 2018-2022, que vous avez adoptée, a substitué au système de contrainte indirecte par les ressources un dispositif de contractualisation avec les collectivités prévoyant une action directe sur les dépenses. Si l'objectif de plafonnement de ces dépenses retenu pour 2018 apparaît ambitieux mais atteignable, le respect de la trajectoire prévue pour les années suivantes est, selon nous, très incertain.
Quelques remarques préalables, tout d'abord s'agissant des contrats de partenariat financier qui avaient vocation à être conclus avec les 322 collectivités les plus importantes. 230 collectivités et groupements ont effectivement signé un contrat, tandis que les 92 autres se sont vu notifier par arrêté préfectoral leur objectif de dépense. Je rappelle que ce dispositif plafonne à 1,2 % par an en valeur la progression annuelle des dépenses de fonctionnement de chaque collectivité pour la période 2018-2020 et prévoit des pénalités financières en cas de dépassement. Bien entendu, l'appréciation de l'efficacité de ce nouveau mode de régulation nécessitera du recul. Toutefois, quelques faiblesses de départ apparaissent d'ores et déjà, selon nous. J'en citerai deux. D'abord, une part significative de la dépense locale reste en dehors du champ encadré : les dépenses de fonctionnement des collectivités soumises à plafonnement ne représentent en effet que 45 % des dépenses totales des administrations publiques locales, 62 % si l'on parle de l'ensemble des dépenses de fonctionnement des budgets des collectivités locales et des budgets annexes. Ensuite, il existe un écart significatif entre l'ambition initiale de contrats d'engagement individualisés et les conditions effectives de leur mise en oeuvre.
Dans la mesure où il repose sur un principe d'adaptation des efforts de gestion demandés en fonction des collectivités, ce mécanisme semble répondre à une recommandation réitérée de la Cour de mieux prendre en compte la diversité des situations locales. Pourtant, il apparaît que les plafonds de dépenses assignés à chaque collectivité n'ont été que faiblement ajustés en fonction des critères définis par la loi de programmation : croissance démographique, revenu moyen par habitant, efforts d'économies antérieurs. La modulation du taux d'évolution des dépenses autour de l'objectif national de 1,2 % s'est avérée, dans les faits, de faible ampleur.
Dans la réponse qu'il a transmise à la Cour, vous le verrez, le Premier ministre laisse toutefois entendre que cette situation pourrait évoluer dans le sens d'une plus grande modularité, dans le cadre des échanges qui devraient avoir lieu entre les préfets et les collectivités au terme de la première année d'application du nouveau dispositif.
En ce qui concerne les perspectives financières elles-mêmes, l'objectif global d'évolution des dépenses que je viens de citer apparaît ambitieux, je l'ai dit. Si la reprise de l'inflation constatée en 2017 se confirme, il ne pourra être respecté qu'au prix d'une réduction des dépenses en volume, inédite jusqu'ici.
En début de période, il apparaît pourtant atteignable, dans la mesure où l'impact des décisions nationales sur les budgets locaux s'annonce plus faible en 2018 qu'au cours des années précédentes. Cet objectif semble par ailleurs avoir été pris en compte dans les budgets primitifs pour 2018 analysés par la Cour. L'observation de la comptabilité des huit premiers mois de l'année fait effectivement apparaître une progression plutôt maîtrisée des dépenses de fonctionnement, à hauteur de 0,9 %. Bien sûr, il faudra attendre les résultats définitifs pour avoir le chiffre qui correspond à la réalité.
En revanche, au-delà de 2018, une grande incertitude entoure la réalisation de la trajectoire prévue par la loi de programmation. Si l'objectif de dépenses est atteint en début de période, les collectivités devraient en effet connaître une forte amélioration de leur épargne, supérieure au besoin de financement de leurs investissements tels que prévus dans la loi de programmation en fonction du cycle électoral. Dans le scénario de la loi de programmation, il est précisé que le surplus serait affecté à la diminution de l'endettement des collectivités territoriales. On peut avoir des doutes ou des interrogations sur l'affectation de ce surplus et la diminution de leur endettement, car la grande majorité des collectivités est peu endettée. De même, une baisse des impôts locaux est peu plausible, compte tenu de l'exonération progressive de la taxe d'habitation engagée par ailleurs. L'importante amélioration de leur équilibre financier pourrait donc conduire les collectivités soit à renforcer leur effort d'équipement soit à relancer les dépenses de fonctionnement ce qui pourrait les faire sortir de la trajectoire prévue par la loi de programmation. D'où nos interrogations sur la trajectoire au-delà de 2019.
Après ces analyses de nature financière, le rapport présente une étude approfondie de deux points ayant trait à la gestion des collectivités : l'un porte sur la fiabilité des comptes publics locaux, l'autre sur la mise en oeuvre par les communes de leurs compétences scolaires et périscolaires.
Vous ne serez pas étonnés d'entendre dans ma bouche que les citoyens doivent disposer d'une information complète, lisible et fiable sur les actions et les décisions engageant les finances locales. Vous partagez bien sûr avec moi cette préoccupation. Or, la qualité de cette information dépend de celle des comptes publics produits par les collectivités locales. Il s'agit évidemment d'un sujet de préoccupation de longue date pour les juridictions financières. Les chambres régionales des comptes y prêtent systématiquement attention à travers leurs contrôles. La Cour a déjà formulé dans ses rapports publics annuels des recommandations en vue de renforcer la fiabilité et la lisibilité des états financiers locaux, le rôle du comptable public et sa coopération avec l'ordonnateur ou encore la place du contrôle interne comptable et financier.
Le rapport présenté aujourd'hui relève qu'un processus de modernisation des cadres juridique et comptable nécessaires à l'amélioration globale de la fiabilité des comptes est désormais à l'oeuvre, en partie grâce aux travaux du Conseil de normalisation des comptes publics, qui a entrepris de constituer un recueil des normes comptables applicables au secteur public local, notamment aux collectivités territoriales et leurs établissements publics.
Nos travaux mettent également en lumière les leviers mobilisables pour que ces progrès se confirment. Le premier levier est l'adoption d'un compte financier unique, en remplacement du compte administratif et du compte de gestion. Il constituerait non seulement une source de clarification de l'information financière mais aussi, pensons-nous, d'amélioration de la fiabilité des comptes, et pourrait à ce titre être expérimenté sans tarder. Le second levier est l'utilisation des enseignements tirés de l'expérimentation en cours dans les juridictions financières d'une certification des comptes publics locaux. Ses premiers résultats fournissent en effet des enseignements utiles au secteur public local, en illustrant les efforts encore nécessaires pour atteindre une fiabilité suffisante du contrôle interne, des procédures comptables et des systèmes d'information financière.
Enfin, le rapport présenté aujourd'hui fait le point sur l'exercice par les communes de leurs compétences scolaires et périscolaires. Je voudrais souligner l'ampleur des données recueillies à cet égard par les juridictions financières, à travers la conduite par les chambres régionales des comptes de 92 analyses de situations locales et une collaboration avec deux enseignants-chercheurs de l'Université Lille 1. Si nous avons choisi de nous pencher cette année sur ce thème, c'est parce que le rôle des communes est devenu majeur dans le domaine scolaire, et surtout périscolaire, et que cela emporte d'importants enjeux de gestion. En principe facultatif, l'exercice de la compétence périscolaire par les communes s'est en effet largement développé, sous le double effet de la demande sociale et de la réforme des rythmes scolaires de 2013. Il prend diverses formes, allant du transport scolaire à la gestion de la restauration collective en passant par l'accueil des enfants avant et après la classe et donc par le déploiement d'une offre d'activités périscolaires à visée éducative. Cela s'est traduit, dans le budget des communes, par une croissance soutenue des dépenses relatives aux domaines scolaire et périscolaire, à hauteur de 4,3 % par an entre 2009 et 2017. Le montant global atteint désormais 16 milliards d'euros, dont la moitié permet de financer le personnel. Les communes prennent donc aujourd'hui 37 % de la dépense d'éducation dans le primaire.
Ces constats globaux appellent deux grands types d'observation de la part de la Cour : l'un porte sur les choix de gestion des communes et l'autre sur l'articulation de leurs compétences avec celles de l'État. Tout d'abord, les grandes masses que je citais à l'instant recouvrent des niveaux de dépenses et des coûts très variés selon les choix effectués par les communes.
La mise en oeuvre de la réforme des rythmes scolaires est parlante à cet égard. La liberté laissée aux communes dans la fixation des horaires scolaires et, en conséquence, dans l'offre d'activités périscolaires, les ont conduites à procéder à des choix de gestion et d'organisation fortement différenciés en fonction de leur taille, de leur implantation territoriale, de leurs marges budgétaires et de leurs exigences quant à la qualité des services proposés – garderie, aide aux devoirs, ateliers éducatifs, etc.
La Cour observe que les coûts induits ont très fortement varié en fonction de ces choix, mais aussi en fonction du mode d'organisation du service. Si l'impact financier total de la réforme sur les communes a été estimé entre 210 et 310 millions d'euros, une fois pris en compte l'accompagnement financier des caisses d'allocations familiales et de l'État, l'impact réel a été très différent selon les situations locales, certaines collectivités ne subissant pas de surcoût sensible. S'agissant toutefois de la mise en oeuvre de ces décisions, le constat d'une si grande hétérogénéité des coûts plaide pour qu'une attention vigilante soit accordée aux conséquences budgétaires des choix de gestion.
La Cour recommande notamment qu'un référentiel des coûts scolaires et périscolaires soit élaboré, de façon partagée avec les communes et leurs groupements, afin de leur fournir un outil utile pour optimiser leur gestion. Ce référentiel devrait bien entendu prendre en compte à la fois la taille des communes et le niveau de qualité des services offerts.
Par ailleurs, même si les marges de manoeuvre des communes pour maîtriser plus efficacement leurs dépenses en matière scolaire et périscolaire sont réduites, le rapport met en lumière plusieurs pistes, s'agissant notamment de la gestion des bâtiments scolaires ou de celle du personnel.
Le rapport souligne aussi la nécessité d'améliorer la coordination entre les communes et l'État, dans la mesure où les collectivités interviennent de façon croissante dans la prise en charge des enfants pendant le temps scolaire et assurent au nom de l'État un certain nombre de responsabilités, comme l'inscription des élèves et le contrôle du respect de l'obligation scolaire.
Plusieurs sujets spécifiques mériteraient une coordination bien plus étroite. J'en citerai trois.
D'abord, des progrès paraissent nécessaires dans l'élaboration de la carte scolaire. Si une concertation est assurée par les services déconcentrés de l'éducation nationale avec les élus préalablement aux ouvertures et fermetures de classe, les prévisions d'effectifs, qui en constituent le socle, restent insuffisamment partagées entre l'État et les collectivités.
Ensuite, la répartition territoriale des écoles primaires publiques évolue trop lentement. Certes, le nombre d'écoles publiques et privées a baissé de près d'un quart depuis 1980. Mais de grandes inégalités demeurent en termes de nombre de classes par école et de nombre d'élèves par classe – ces inégalités étant aggravées par l'évolution en cours de la démographie scolaire fortement différenciée selon les territoires. Cette grande disparité territoriale rend nécessaire d'accélérer le rééquilibrage du maillage scolaire en développant davantage les outils de concertation et d'accompagnement. Cela passe par une meilleure prise en compte, selon nous, de la dimension intercommunale dans l'élaboration des cartes scolaires, par la constitution de regroupements pédagogiques intercommunaux autour de pôles intégrant un collège et les écoles rattachées et par la conclusion de conventions de ruralité. Toutefois, cette évolution ne passe pas nécessairement, selon nous, par des transferts de compétences des communes à leurs établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Il paraît par ailleurs souhaitable de favoriser la définition par les communes d'une stratégie coordonnée en matière scolaire et périscolaire et de veiller à sa cohérence avec les priorités nationales définies par l'État, comme, par exemple, la scolarisation des enfants de moins de trois ans.
Enfin, dans le domaine de l'enseignement primaire comme dans bien d'autres, le partage des politiques publiques entre l'État et les collectivités territoriales devrait conduire celui-ci à être plus attentif à l'analyse préalable des conditions locales de mise en oeuvre de ses réformes. Cette analyse a manqué lors de la généralisation des nouveaux rythmes scolaire en 2014, du retour à la semaine de quatre jours en 2017 ou de l'extension du dédoublement des classes la même année.
La Cour met en évidence pour la troisième année consécutive une amélioration de la situation financière locale. La réussite du nouveau mécanisme de contractualisation et de plafonnement des dépenses impliquera un retour à des efforts de gestion forts et continus de la part des collectivités. La bonne gouvernance des finances locales ne peut toutefois reposer uniquement – cela peut paraître surprenant que nous le disions – sur un mécanisme de régulation des dépenses.
Des travaux importants doivent être ouverts ou poursuivis parallèlement, en concertation avec les collectivités locales. Ils portent sur la fiabilité des comptes, le poids des décisions nationales sur la gestion locale – il faut pouvoir mieux les apprécier –, le rééquilibrage du poids respectif des dotations « forfaitaires » et des dotations de péréquation – on voit des marges de progrès –, ou encore sur la fiscalité locale. À cet égard, la révision des valeurs locatives cadastrales devrait notamment, selon nous, être menée à son terme.
À travers les très nombreux travaux qu'elles publient chaque année, les juridictions financières s'attachent à accompagner l'État et les collectivités territoriales dans leurs efforts de plus grande maîtrise et de plus grande efficacité de la dépense publique. Nous souhaiterons, bien sûr, continuer à le faire et à répondre à vos questions sur ce point.
Comme vous le savez, ce n'est pas la première fois que nous organisons des auditions conjointes avec la commission des finances. En revanche, c'est la première fois que nous le faisons avec la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, récemment créée par notre assemblée et qui montre, si besoin en était, l'importance que nous accordons à ces sujets. Au sein de la commission des lois, nous sommes toujours très intéressés par les travaux que vous menez à la Cour – nous avons eu l'occasion d'échanger ensemble, monsieur le Premier président, à cet égard. Nous sommes également toujours heureux de vous entendre. Hier, la commission des lois a créé une mission sur la place de la commune dans l'organisation territoriale et il nous semble vraiment intéressant d'approfondir ces sujets. La liste des députés qui souhaitent poser des questions est vraiment très importante. Je m'en voudrais de l'allonger à mon tour et cède donc la parole à nos autres orateurs, non sans vous avoir remercié de votre présence.
Je suis ravi que nous ayons pu organiser cette audition, qui n'avait pas eu lieu l'année dernière et qui traduit l'intérêt partagé par tous ici au sujet des collectivités territoriales. Monsieur le Premier président, je voudrais tout d'abord vous remercier pour la qualité de votre rapport, et partager avec vous trois constats.
Le premier est celui sur le retour d'une meilleure fortune des finances des collectivités territoriales. Certes, il est assez relatif et fragile, vous l'avez dit, mais nous sommes quand même loin des messages alarmants d'il y a deux ou trois ans – autant dire hier. Dans leur globalité, les collectivités ont vu leur situation s'améliorer en 2017. Un rétablissement, vous le montrez, qui devrait se confirmer en 2018 et au-delà grâce à un mécanisme de maintien des dotations de l'État d'une part et à la dynamique des recettes de la fiscalité locale d'autre part. Vous l'avez dit, il existe des disparités fortes, mais c'est quand même un point très important. Parmi les différents échelons de collectivités, les départements présentent une situation de plus grande fragilité, en tous les cas pour un certain nombre d'entre eux. Nous en connaissons les raisons, et l'analyse que vous en faites est tout à fait pertinente. Mais on s'aperçoit, a contrario, que celle des régions est plutôt meilleure. Celles-ci ont bénéficié du transfert de 25 points de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises d'une part, et du remplacement de leur DGF par une fraction de 2,45 % du produit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à partir de 2018. On observe les premiers résultats et l'intérêt de cette réforme.
Le deuxième constat concerne le pacte de confiance, dont vous avez parlé. La contractualisation fait l'objet d'une étude détaillée dans votre rapport. Vous soulignez que ce dispositif est un progrès par rapport au processus antérieur, même si vous en présentez rapidement les limites. Le Premier ministre, vous l'avez dit, a précisé que ce dispositif avait vocation à évoluer et être amélioré dans le temps. Vous avez donné quelques pistes d'amélioration. Ne faudrait-il pas aussi, c'est ma première question, différencier les critères de modulation selon les catégories de collectivités territoriales ?
J'en viens au troisième et dernier constat, en revenant là encore sur un point que vous avez évoqué : le développement et l'emploi des capacités de financement, le surcroît d'épargne brute dont bénéficieront les collectivités territoriales à partir de 2020. C'est là que cela devient assez marquant. C'est plutôt un bon problème, si vous me permettez de l'exprimer ainsi. Vous dites que l'évolution du solde est assez spectaculaire et vous évoquez quatre scénarios. Le premier est que les collectivités dépassent quand même leur objectif de dépenses. Le deuxième est qu'elles investissent de façon importante – mais serait-ce véritablement un problème ? Le troisième est qu'elles réduisent leur endettement – en le qualifiant de peu probable, vu leur niveau d'endettement. Le quatrième, sur lequel j'aimerais vous entendre, est qu'elles auraient aussi la possibilité de réduire les taux et la fiscalité locale – mais vous l'excluez, et je voudrais savoir pourquoi. Pourquoi n'envisagez-vous pas que les élus, en tout cas ceux qui garderont le pouvoir de taux sur un certain nombre d'impôts, soient aussi capables, de leur côté, de vouloir baisser les prélèvements obligatoires ?
Permettez-moi juste un mot avant de céder la parole au rapporteur général de la commission des finances. Cette commission se réunit à un moment où le dialogue avec les associations d'élus est compliqué – pour un certain nombre de raisons, différentes selon la nature des collectivités, vous l'avez bien souligné. Vous êtes parfois entré dans le détail selon la nature des collectivités, mais la situation est très différente d'une collectivité à l'autre, même quand la nature de collectivité est la même, d'une taille à l'autre voire d'une situation géographique à l'autre. Cette complexité ambiante dirige les relations entre l'État et les collectivités, mais plus globalement aussi les règles qui s'appliquent à ces dernières. Donc en dehors du processus de métropolisation qui est aujourd'hui en cours, en dehors même de la contractualisation qui, parfois, a tendance à gommer les efforts du passé et qui pose un certain nombre de problèmes, en dehors de l'embauche et de la gestion du personnel qui échappent assez largement aux collectivités, et en dehors de la nature des normes qui s'imposent aux collectivités, je souhaite vous poser une question sur la taxe d'habitation. Vous avez beaucoup parlé de transferts. C'est l'une des décisions extrêmement fortes du Gouvernement, avec une vingtaine de milliards d'euros qui devront être compensés par l'État. Quel regard portez-vous sur ce transfert extrêmement puissant, notamment sur l'incidence qu'il peut avoir sur les collectivités – je pense tout particulièrement, bien sûr, aux communes ? C'est un impôt qui connaît une certaine dynamique, vous l'avez dit tout à l'heure. Cette dynamique peut-elle se satisfaire d'un transfert entre l'État et les collectivités locales ?
Je tenais à faire écho aux propos tenus par le président Éric Woerth en ouverture de réunion : merci, franchement, d'avoir su adapter le calendrier de la Cour à nos problématiques. Il est extrêmement intéressant d'avoir un état des lieux tel que vous le dressez en avance par rapport à l'an dernier. Cela nous permet, au moment de la discussion du PLF, de disposer d'éléments d'évaluation. C'est important pour nous avant d'entrer dans le dur de la première et la seconde parties – la seconde relevant plus d'une « foire d'empoigne » sur un certain nombre de sujets, notamment liés aux dotations, qui permettent de modifier un système déjà tellement complexe que même les ordinateurs de la direction générale des collectivités territoriales ne parviennent parfois plus à faire des simulations suffisamment fines pour voir ce qui se passe dans les dispositifs qui ont été mis en place !
Je voudrais simplement revenir sur la question de la contractualisation. Vous le soulignez, l'analyse des budgets primitifs 2018 montre que l'objectif serait tenu. Mais vous estimez que l'efficacité à plus ou moins long terme est incertaine. Jean-René Cazeneuve a posé une question qui me semble extrêmement importante, puisque vous soulignez que le taux national de 1,2 % est identique pour toutes les catégories de collectivités et connaît de faibles modulations locales. Au terme de votre analyse, considérez-vous qu'il convient de modifier ces critères de modulation dans la loi ou qu'ils sont suffisants ? Y a-t-il eu, objectivement, une application un peu différenciée selon les préfectures ? Il me remonte des souplesses dans certains départements, sur des sujets extrêmement importants, que je n'observe pas en Île-de-France par exemple. Pour vous, faut-il passer par la loi ou faut-il faire en sorte que nos préfets se sentent un peu plus libres, dans le cas du dialogue compétitif qui leur est proposé ?
Vous proposez d'étendre le champ de la contractualisation aux budgets annexes. Vous le savez, les associations d'élus préconisent au contraire la sortie du périmètre des subventions versées aux budgets annexes lorsqu'elles sont destinées à des projets d'investissement. Je suis un peu perdu : quelle approche privilégier dans ce cadre, compte tenu de la position des associations d'élus ? Par ailleurs, que pensez-vous de la proposition de ces dernières de recourir aux chambres régionales des comptes comme tiers de confiance, en cas de contentieux entre la préfecture et une collectivité signataire d'un contrat ?
Concernant les scénarios que nous avons cités, il est vrai que la réduction possible des taux et de la fiscalité locale nous laisse perplexes compte tenu de la baisse voire de la suppression de la taxe d'habitation engagée par ailleurs. Cela dit, si les collectivités territoriales dans leur ensemble nous démontrent le contraire, nous le constaterons bien évidemment dans nos rapports futurs.
Nous avons essayé de dire que l'objectif de maîtrise de la dépense est ambitieux, à 1,2 %. Avec la reprise de l'inflation, c'est pratiquement inédit. Pour 2018 et 2019, un certain nombre d'indices concordants peuvent nous laisser penser que tout cela est possible, mais nous avons des interrogations sur la suite en raison de l'amélioration de la situation financière globale des collectivités territoriales. Elles peuvent, effectivement, augmenter leurs investissements. Est-ce dramatique ou condamnable ? Non, sûrement pas. Encore faut-il considérer que tout investissement n'est pas vertueux en lui-même. Cela renvoie à la question de la pertinence des investissements. Un certain nombre de rapports des chambres régionales ou de la Cour des comptes pointent parfois l'existence d'un certain nombre d'investissements qui n'apparaissent pas nécessairement pertinents une fois qu'ils ont été mis en oeuvre, et qui peuvent entraîner des coûts de fonctionnement relativement importants qui n'ont pas toujours été anticipés par les collectivités territoriales. L'investissement peut être utile, encore faut-il qu'il corresponde à des besoins avérés. Les élus ont effectivement le dernier mot en la matière. Cela peut conduire aussi les collectivités territoriales à desserrer leur effort de maîtrise des dépenses de fonctionnement. En tout cas, compte tenu du passé, nous pouvons considérer qu'il existe un risque possible. Nous essayons donc d'attirer votre attention sur les risques possibles, qui peuvent remettre en cause la trajectoire telle qu'elle est prévue dans la loi de programmation.
Le président de la délégation et le rapporteur général ont posé une question sur les critères de modulation. Nous avons pu constater que le dispositif de modulation existant est perfectible, malgré la mise en place de trois critères qui peuvent apparaître intéressants : l'évolution démographique, le revenu moyen par habitant et l'évolution des dépenses de fonctionnement. Mais on voit que l'amplitude des taux ne correspond pas aujourd'hui à l'hétérogénéité des situations des collectivités. On voit qu'ab initio, le dispositif de modulation a été conçu pour ne permettre qu'une faible prise en compte des situations locales. D'ailleurs, 103 collectivités n'étaient éligibles à aucun de ces critères. D'où la question que nous posons. Dans le passé, nous avions recommandé la modulation de la baisse des dotations selon des critères de ressources et de charges. Le dispositif de modulation qui lui succède ne nous conduit pas à modifier notre appréciation. Davantage qu'une différenciation selon les catégories de collectivités, le critère de modulation le plus pertinent demeure, selon nous, celui des ressources et des charges. Il conduirait d'ailleurs de facto à un certain niveau de différenciation, notamment dans le cas des départements, même s'il existait, dans le dispositif ancien, un certain nombre de critères qui pouvaient prendre en compte des situations différenciées au niveau des départements – certes de façon insuffisante, et il faudrait en tout cas élargir cette modulation possible. Le Premier ministre, dans sa réponse, vous le constaterez, accepte tout à fait que cette question puisse être portée à l'ordre du jour et faire partie des réflexions. Il faudrait bien sûr disposer de suffisamment de recul pour pouvoir apprécier la pertinence de nouvelles propositions. Un an, est-ce c'est suffisant ? Peut-être pas, même si déjà, dès la première année, on peut percevoir quelques faiblesses dans le dispositif.
Nous avons constaté que la modulation est faible dans les contrats. Il est vrai que, compte tenu de la publication de notre rapport, compte tenu des délais de contradiction, nous n'avons pas examiné ou instruit les travaux des préfets. Peut-être le ferons-nous à l'avenir si nous voulons dresser un bilan de la première année de ce dispositif de contractualisation. En tout cas, il nous semble qu'il existe quelques marges de progrès pour améliorer la modulation nécessaire compte tenu – tout le monde le constate – de la grande diversité de la situation des collectivités territoriales.
Sur la taxe d'habitation, il n'appartient pas à la Cour de porter d'appréciation. C'est une décision politique qui a été prise ; nous n'avons donc pas de commentaire à faire. Nous aurons vraisemblablement, dans l'avenir, à en apprécier les conséquences sur les moyens et les budgets des collectivités territoriales. Nous savons que des réflexions sont en cours, notamment sur la fiscalité locale. Nous avons également pris connaissance du rapport de MM. Bur et Richard, qui esquisse des pistes – que nous citons dans le rapport. Mais à ce jour, aucune décision n'a encore été prise. En tout cas, aucune proposition ne nous est faite, sachant d'ailleurs que le dispositif de suppression de la taxe d'habitation n'est pas encore totalement décidé. Des points pourront vraisemblablement encore être revus. Pour le moment, c'est un dégrèvement. Et sur l'année concernée, il n'y aura a priori pas d'incidence sur le budget des collectivités territoriales.
J'en viens à notre proposition d'étendre le champ de la contractualisation aux budgets annexes. En fait, nous ne parlons pas tout à fait de la même chose. La recommandation de la Cour porte sur une extension du champ de la contractualisation, aujourd'hui limité aux dépenses de fonctionnement des budgets principaux, à celle des budgets annexes – après, bien sûr, neutralisation d'éventuels flux croisés. Il s'agit bien des dépenses de fonctionnement des budgets annexes. Les subventions d'équipement éventuellement versées des budgets principaux vers les budgets annexes n'ont pas vocation à entrer dans le calcul de la trajectoire des dépenses de fonctionnement.
Votre dernière question portait sur la possibilité pour les chambres régionales d'être considérées comme des tiers de confiance et d'intervenir en cas de contentieux entre la préfecture et une collectivité signataire. Nous apprécions, bien sûr, d'être reconnus comme des tiers de confiance, mais il ne nous appartient pas de solliciter de nous-mêmes cette évolution non prévue par la loi de programmation des finances publiques. Si le Parlement devait reprendre à son compte les propositions des associations nationales d'élus, deux points au moins seraient à préciser : qui pourrait saisir la chambre régionale – seul le préfet ou aussi les collectivités locales concernées, ce qui n'est pas tout à fait la logique actuelle – et comment mesurer l'incidence de cette saisine sur les autres missions des chambres régionales ? Ces conséquences sur les autres missions des chambres régionales méritent d'être étudiées de près.
Je vous remercie pour ces constats, au nom du groupe La République en Marche. J'ai relevé dans votre rapport quelques éléments dont je souhaite vous faire part. Vous indiquez que la réalisation de la trajectoire fixée pour la loi de programmation semble réalisable à court terme, pour 2018-2022, mais ouvre des incertitudes et des interrogations au-delà. Est-il déjà envisageable de prévoir ou de définir une trajectoire qui pourrait être conséquente suite aux décisions qui ont été prises ?
Ensuite, considérez-vous que les départements – qui, nous le savons, dans le cadre de la péréquation, sont souvent en difficulté – se sont affaiblis en ne signant pas, pour la majorité, la contractualisation ? Cela pourrait peut-être les border beaucoup plus qu'ils ne l'imaginaient, mais aussi leur enlever des pouvoirs de négociation dans quelque temps puisque la contractualisation est figée sur quelques années. Quelle incidence la non-signature de la contractualisation pourrait-elle avoir notamment pour les départements, sur la partie financière ? Votre rapport montre également que les mouvements de transfert de charges entre communes et EPCI sont insuffisamment pris en compte. Considérez-vous qu'il faut contractualiser EPCI et collectivités territoriales simultanément, dans un même document ?
Mon autre question concerne la dotation de péréquation. Vous considérez qu'il existe une différenciation des situations locales et que la contractualisation n'est peut-être pas péréquatrice. Ne faudrait-il pas lier les dotations de péréquation avec la contractualisation, qui est un modèle qui n'existe pas encore mais qui le pourrait peut-être ?
Enfin, j'étais assez favorable à ce qu'on intègre les budgets annexes dans la contractualisation. Est-il envisageable de différencier le budget de fonctionnement et le budget d'investissement des budgets annexes, de refondre la M14 et de réintégrer dans ce chapitre spécifique tout ce qui concerne le fonctionnement des budgets annexes ?
Monsieur le Premier président, je vous remercie au nom du groupe Les Républicains pour cette présentation, réalisée dans ces délais.
Ma première réaction visera à saluer le travail des élus. Je pense que l'amélioration de la situation financière des collectivités que vous nous avez présentée a d'abord été permise par eux, en dépit d'un contexte compliqué au regard des réformes territoriales et des normes qui ne cessent de croître.
Je voudrais ensuite réagir sur les dépenses de personnel globales, même s'il existe des disparités entre les différentes collectivités. Concernant le bloc communal, par exemple, vous estimez à 6 000 emplois l'accroissement des effectifs entre 2016 et 2017, avec des augmentations très variables : +3,7 % pour les blocs de moins de 30 000 habitants et +2,7 % pour les blocs de plus de 100 000 habitants. Pouvez-vous mesurer les écarts qui résultent d'applications différentes de règles sur la durée du travail ou le temps de travail des régimes indemnitaires ? Finalement, pouvez-vous mesurer le coût des disparités des dispositifs dérogatoires au régime général pour l'ensemble des collectivités ?
Vous soulignez la fragilité financière des départements au regard du poids du social. Pouvez-vous mesurer le taux de renouvellement des investissements – nous avons vu que les ressources d'investissement baissaient – et le taux de non-rénovation des infrastructures ? Par ailleurs, les départements ont été « sauvés » par les DMTO. Ceux-ci ont eu un effet dynamique, mais un risque réel pèse sur eux au regard de l'évolution des prix des marchés et de celle du taux d'intérêt. Mesurez-vous les risques de continuité ? Les départements pourront-ils continuer à fournir l'ensemble des services dont ils ont la charge ?
Monsieur le Premier président, je vous remercie au nom du groupe du Mouvement Démocrate et apparentés pour ce rapport qui nous éclaire, une fois de plus, sur une situation parfois complexe, pas toujours facile à appréhender.
Ce que nous retiendrons tout d'abord, c'est la nette amélioration de la situation financière des collectivités territoriales au cours des dernières années. Malgré une reprise des dépenses en 2017, l'objectif de plafonnement des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales pour 2018 apparaît, je vous cite, « ambitieux mais atteignable ». Nous pouvons d'autant plus nous en réjouir que le Gouvernement et notre majorité avons privilégié la contractualisation, l'incitation et la confiance plutôt que la contrainte par une nouvelle baisse significative de la DGF. Le rapport met le doigt sur quelques points qui, selon nous, méritent d'être approfondis. Notamment l'extension du champ de la contractualisation aux budgets annexes, la fiabilité des comptes publics locaux – à propos desquels vous livrez une première analyse sur l'expérimentation déjà mise en place –, ainsi que la recommandation de fusion du compte administratif et du compte de gestion en un compte financier unique.
Enfin, je veux attirer votre attention sur la faiblesse de la fiabilité des comptes des collectivités contrôlées, que vous relevez régulièrement. Je cite la page 143 de votre rapport : « un chemin encore long vers la présentation d'une image fidèle et sincère de la situation financière des collectivités locales ». Ne faut-il pas accélérer et plutôt généraliser la certification des comptes ?
Je poserai quatre questions, monsieur le Premier président, au nom du groupe UDI, Agir et Indépendants.
D'après la Cour des comptes, quel est l'outil de régulation de la dépense publique locale le plus efficace : la contractualisation dans laquelle on s'engage ou bien la modulation des dotations de l'État, essentiellement de la DGF, telle qu'elle était pratiquée ?
Vous estimez peu crédible – à mon avis, à juste raison – les prévisions de la loi de programmation des finances publiques selon lesquelles entre 2017 et 2020, le surcroît d'épargne de 11,2 milliards d'euros sera consacré à hauteur de 5,3 milliards à de nouveaux investissements et de 5,9 milliards au désendettement. Pourriez-vous développer ce point ?
Ma troisième question porte sur la fiabilité des comptes. J'ai été très étonné que vous ne souleviez pas le problème du secteur public local et de la nécessité, dans nombre de grandes collectivités, de disposer de comptes consolidés qui n'existent pas actuellement. Certaines communes célèbres, situées pas très loin de Paris, ont des dettes considérables dans des sociétés d'économie mixte. L'absence de comptes consolidés permet de dissimuler des politiques publiques complètement folles, qui sont de véritables bombes à retardement.
Concernant vos observations sur la réforme des rythmes scolaires, j'ai été étonné que vous n'indiquiez pas que certaines collectivités ont fait du bénéfice dans cette affaire – parce que la dotation de l'État, mes chers collègues, n'était pas calculée sur le nombre d'élèves participant aux activités mais sur le nombre d'élèves inscrits. Si peu d'élèves y participaient, vous vous retrouviez donc en excédent budgétaire. C'est quand même un modèle étrange – certes, qui concerne le passé puisque je crois que 95 % des collectivités sont revenues sur la réforme des rythmes scolaires.
Au nom du groupe Socialistes et apparentés, je vous remercie, monsieur le Premier président, pour cette présentation.
Vous saluez l'effort consenti ces dernières années en termes de gestion et de rationalisation des dépenses par les collectivités. Il est vrai que leur baisse drastique a eu le mérite, côté Cour – et j'insiste, côté Cour – de faire diminuer la dépense publique et d'améliorer objectivement la situation financière de toutes les collectivités, même si les disparités entre les collectivités locales sont grandes, y compris à l'intérieur de chaque catégorie. J'aimerais savoir si vous avez pu mesurer l'évolution de ces disparités. À votre avis, se sont-elles aggravées ces dernières années ou, au contraire, se sont-elles réduites ?
La méthode du rabot uniforme est une mauvaise manière de procéder, je l'ai toujours dit. Le nouveau gouvernement change de méthode mais pas d'objectif, puisqu'il était de 10 milliards d'euros d'économies précédemment et qu'il est de 13 milliards d'euros d'économies pour ce quinquennat. En outre, qui dit contractualisation dit évidemment contreparties. Vous ne cachez pas votre scepticisme, dans votre rapport, quant à la nouvelle méthode de contractualisation sur le moyen et le long termes. Vous relevez dès le départ les faiblesses d'une modulation qui serait peu utilisée. Finalement, sont-ce ces faibles contreparties dans le contrat, qui ont justifié l'élaboration de nombreuses annexes ? Avez-vous étudié ces annexes, par exemple celle de la métropole de Toulouse ?
Avez-vous, par ailleurs, constaté une augmentation du nombre de budgets annexes au cours des derniers mois ?
Pour rejoindre la question de mon collègue Charles de Courson, la baisse drastique et uniforme des dotations n'est pas la bonne solution. La contractualisation sans contrepartie ne semble pas être la bonne solution non plus. N'y aurait-il pas une troisième voie, qui serait peut-être celle que vous avez esquissée tout à l'heure : et si l'État aidait ceux qui en ont vraiment besoin ? Pour prendre ces exemples, la DGF 2018 de Neuilly est de 32 euros par habitant et celle d'Aubière – une ville de la métropole de Clermont-Ferrand – est de 39 euros par habitant. Dans un cas, le revenu par habitant représente 14 000 euros et, dans l'autre, il est supérieur à 50 000 euros. Et ces deux communes, bien que la taille de leur population soit dans un rapport de 1 à 6, comptent exactement le même nombre de logements sociaux.
Enfin, le rapport « CAP 2022 » propose de transférer la gestion des écoles aux communautés de communes. J'ai cru entendre tout à l'heure que vous proposiez l'inverse. Pouvez-vous me le confirmer ?
J'observe, au nom du groupe La France insoumise, qu'on demande depuis des années aux collectivités territoriales de faire plus avec pas plus et, maintenant, de faire plus avec moins – puisque limiter l'augmentation des dépenses à 1,2 % quand l'inflation est à 1,7 %, cela revient à une baisse en termes réels. J'observe également que tout cela est dû à une baisse du concours financier de l'État, continue depuis des années. Sans même parler, et c'est une étude qu'il faudrait affiner, des transferts de compétences qui n'ont pas été entièrement compensés. Je pense notamment à l'explosion du RSA pendant qu'il y avait en même temps une baisse des recettes. Le problème, c'est que les chiffres permettent rarement de voir les effets produits sur le terrain. Vous l'avez dit, monsieur Migaud, ce genre de baisse a des incidences, notamment sur les collectivités territoriales qui sont les plus en situation d'inégalités. Avec quelques collègues, nous avons récemment rencontré le Premier ministre en Seine-Saint-Denis. Certes, nous sommes face à des situations disparates mais globalement, réduire les possibilités de dépenses revient à aggraver la situation des collectivités en situation délicate. Vous l'avez dit aussi, et je trouve que votre tableau est parlant, à partir du moment où un coût compris entre 210 et 310 millions d'euros reste à la charge des communes et des familles, la réforme des rythmes scolaires entraîne de facto un déséquilibre ou une inégalité terrible, alors même que l'éducation devrait être du ressort national. Nous voyons bien que cette réforme a développé des inégalités.
J'exprimerai trois réactions par rapport à vos recommandations. Pour moi, l'extension de la contractualisation aux budgets annexes est contraire au principe de libre administration des collectivités territoriales. Concernant la suppression de la taxe d'habitation avec un système de compensation, mon inquiétude est claire : je pense qu'elle entraînera une dégradation du service public dans ses principes fondateurs. Et surtout, je pense que s'il existe un problème de perte d'indépendance financière territoriale, on aurait mieux fait d'engager une réforme fiscale d'ampleur des collectivités territoriales plutôt que de commencer par ce genre de coup de rabot qui peut peut-être apparaître satisfaisant à nos concitoyens, mais qu'ils paieront en réalité par moins de services publics dans l'avenir.
J'exprimerai plusieurs remarques au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
La première est que les concours financiers de l'État sont passés de 58,2 milliards d'euros en 2013 à 47 milliards d'euros en 2017. C'est une baisse forte – 11 milliards d'euros – dont l'incidence a été rapide et marquée – je reprends vos termes – sur les dépenses d'investissement, lesquelles ont reculé de 11 % entre 2013 et 2017.
En 2017, dites-vous, l'épargne nette des collectivités était loin d'avoir retrouvé en 2017 son niveau de 2011. Il manquait environ 5 milliards d'euros. Je veux mettre en avant l'incidence sur les départements puisque, en huit ans, leur investissement a baissé de 25 %. Pour des départements comme l'Allier où j'habite, c'est relativement conséquent parce qu'aujourd'hui, ces collectivités sont véritablement à l'os. Ce manque d'investissement pèse notamment, par exemple, sur l'entretien des réseaux routiers.
Par ailleurs, vous mettez en avant des disparités fortes entre les collectivités et la difficulté accrue pour les petites de faire face à ces charges – et c'est bien normal, puisqu'elles aussi consentent des efforts depuis très longtemps. Je m'interroge sur la nécessité de réparer ce qu'il est convenu d'appeler une injustice, que vous avez mise en exergue en faisant référence à la baisse uniforme de la DGF. Pour moi, il y a deux France : celle qui va bien, celle des métropoles dynamiques, et puis l'autre, celle qui peine et qui a été soumise à la double peine, à savoir des moyens réduits et, proportionnellement, des baisses de dotations plus fortes.
Je terminerai en disant un mot sur l'école, pour dénoncer ce regard et cette manie de toujours vouloir diminuer le nombre d'établissements. Celui-ci ne dépend pas simplement de moyens. Il dépend aussi d'un aménagement du territoire. Il y a de la vie, dans les territoires, il ne faudrait pas l'oublier. Parmi vos recommandations, je suis choqué de lire : « conformément à l'objectif d'évolution de la dépense locale défini par le Parlement, poursuivre les efforts d'économie en veillant notamment à contenir des charges de personnel en agissant sur les effectifs, le temps de travail et le régime indemnitaire ». Vous demandez encore aux collectivités de baisser leurs effectifs, et donc de diminuer l'offre de services publics.
Je vais commencer, puis le président Martin pourra compléter mes réponses. Ce n'est pas la Cour des comptes qui définit les objectifs. C'est le Parlement. Voilà ! Nous nous inscrivons dans ce cadre, et nous essayons d'apporter un certain nombre de constats et de recommandations pour vous être utiles dans l'évaluation de la capacité à respecter des objectifs. En tout état de cause, l'objectif de maîtrise de la dépense publique est la conséquence directe des mesures que vous prenez en matière de redressement des comptes publics et des engagements que la France prend vis-à-vis de ses partenaires européens. Les rapports de la Cour des comptes et des chambres régionales montrent qu'il existe des marges d'économies possibles. Lorsqu'on regarde le niveau des dépenses publiques puis les résultats de l'action publique, on constate quelques pertes en ligne. Aussi insistons-nous sur les marges d'efficacité et d'efficience qu'il peut y avoir dans de nombreux domaines. Ce n'est pas parce qu'on dépense beaucoup que l'action publique est nécessairement efficace et efficiente, ou répond à l'ensemble des besoins des citoyens. Il n'existe pas de parallélisme entre augmentation de la dépense et meilleure satisfaction du besoin des citoyens. Il y a aussi une question d'organisation et de répartition – vous évoquez d'ailleurs les questions de disparités territoriales. La Cour des comptes et les chambres régionales des comptes ont formulé un certain nombre de propositions sur les réductions possibles de dotations forfaitaires et une augmentation de la péréquation, précisément pour davantage tenir compte de ces disparités. Une question a d'ailleurs été posée sur l'évolution de ces dernières compte tenu des réductions de dotations. On constate qu'elles n'ont pas évolué, mais sont restées telles qu'elles étaient avant la mise en place de ces dispositifs.
Vous demandez aussi quel est le meilleur dispositif – le dispositif antérieur ou le nouveau. Je ne peux pas répondre complètement à cette question. Ce n'est d'ailleurs pas de ma responsabilité. Simplement, nous constatons que l'ancien dispositif a répondu aux attentes du gouvernement de l'époque et aux objectifs qu'il s'était fixés. S'il a réduit les dotations aux collectivités territoriales, c'était pour obtenir une plus grande maîtrise de l'évolution de la dépense publique locale. Cet objectif a été atteint, les chiffres le démontrent. Le nouveau dispositif se montrera-t-il aussi efficace, de ce point de vue ? Pour le moment, nous n'avons pas de recul. Il faut un peu de temps, bien sûr, pour en apprécier les conséquences. Nous ne pouvons donc pas porter d'appréciation sur l'efficacité du dispositif de contractualisation. Ce que nous avions dit, c'est qu'il fallait vraisemblablement un dialogue plus approfondi entre l'État et les collectivités territoriales s'agissant de ces questions de ressources de celles-ci et des aides de l'État. La réduction d'autorité peut se concevoir une année, deux années, trois années, mais un moment donné, il vaut mieux entrer dans un dialogue plus approfondi. De ce point de vue, la contractualisation peut répondre à cette « recommandation » qu'avait pu faire la Cour des comptes en son temps. Mais nous pointons, là, quelques faiblesses du dispositif. on voit bien que dans les contrats tels qu'ils sont proposés, toutes les dépenses ne sont pas prises en considération, loin de là. Se posent donc un problème de champ et un problème de modularité, dont on a parlé, et de modulation nécessaire. Nous pointons quelques fragilités dans le dispositif, qui mériteraient d'être regardées de près par le Gouvernement et le Parlement. Mais, une fois de plus, pour pouvoir apprécier l'efficacité du dispositif, il faut bien sûr un peu de recul.
Libre administration des collectivités territoriales – oui, la citation est exacte, monsieur Coquerel. La Constitution précise toutefois que c'est dans le cadre des lois qui la réglementent. La libre administration n'est donc pas pleine et entière, elle n'est pas totale. Toute une jurisprudence du Conseil constitutionnel précise jusqu'où l'on peut aller, dans le cadre des lois qui la réglementent. C'est le Parlement, en fait, qui réglemente possiblement la libre administration des collectivités territoriales.
Les contrats signés par les préfets et les collectivités locales l'ayant été fin juin, nous n'avons pas pu prendre en compte leur contenu eu égard, je l'ai dit tout à l'heure, aux délais de contradiction pour la présentation de ce rapport à ce moment-là de l'année. Mais ce sont des sujets que nous regarderons, bien évidemment, dans l'avenir. Là, il n'était pas possible de faire ce travail d'instruction sur la réalité des contrats passés.
Les départements qui n'ont pas signé sont-ils affaiblis ou non ? La réponse ne relève pas de mes compétences. C'est un libre choix de la part des collectivités territoriales que de signer ou de ne pas signer. La seule chose que je constate, c'est que si une collectivité qui n'a pas signé ne respecte pas l'objectif qui s'impose quand même à elle, les sanctions financières seront plus importantes que si elle avait signé. C'est la seule réponse que je suis en mesure de vous apporter sur ce sujet. Après, c'est dans le cadre de la libre administration des collectivités territoriales que celles-ci acceptent de signer ou pas. Et c'est dans le cadre de la seconde partie de la phrase, « dans le cadre des lois qui la réglementent », que l'État peut effectivement imposer des sanctions financières.
Sur la question de l'endettement et des possibilités de « dissimulation » d'endettement de collectivités locales à travers la mise en place de sociétés d'économie mixte, nous avons des travaux en cours sur la question de l'endettement des entités publiques. C'est une demande au titre du « 58-2° », d'ailleurs, émanant de la commission des finances du Sénat. Et puis votre commission des finances nous a commandé un travail sur les sociétés d'économie mixte. Nous commençons et nous serons capables, je l'espère, de vous apporter un certain nombre d'éléments sur ce sujet d'endettement global des collectivités locales, y compris avec les différents satellites qui peuvent exister, notamment à travers les travaux qui seront conduits dans le cadre de ces deux rapports.
Si vous le permettez, peut-être le président Martin pourra-t-il compléter mes propos en répondant à d'autres questions.
J'apporterai de petits compléments techniques sur les questions relatives à la trajectoire que nous avons esquissée jusqu'en 2022. Notre raisonnement est assez macro-budgétaire à ce stade. On ne peut pas procéder à des prévisions par catégorie de collectivités à un niveau un peu fin, mais, globalement, notre raisonnement est assez simple. Si l'on reprend les hypothèses d'évolution de l'investissement jusqu'en 2020, donc avant la fin de la période de la loi de programmation mais prévu dans cette loi, celui-ci devrait suivre le cycle électoral. Le besoin d'investissement pour 2018-2020 serait en progression de 5 milliards d'euros d'euros par rapport à 2017. Après, le cycle électoral veut que, pour le bloc communal en tout cas, l'investissement retombe. Or pendant ce temps-là, l'épargne nette des collectivités augmentera très fortement, puisqu'il y aura simultanément une accélération des recettes – et pour cause, il n'y aura plus de baisse des concours financiers de l'État. Jusqu'en 2020 et la fameuse refonte, la fiscalité locale devrait continuer à être assez dynamique. Puis il faudra un effort d'économies, si le taux de 1,2 % est atteint – ce qui semble plausible en début de période. L'autofinancement gonflerait donc plus vite encore que depuis le redressement amorcé en 2014. Il y aurait donc environ 5 milliards d'euros d'investissements supplémentaires, financés par 11 milliards d'euros de ressources – ce qui pose la question du surplus. Comme cela a été dit, je n'y reviens pas, l'hypothèse qui nous paraît la plus plausible n'est pas celle de la baisse des impôts, parce qu'il y a quand même une réforme massive de la taxe d'habitation, avec sa suppression progressive. L'endettement, hormis pour une minorité de collectivités, est peu élevé. Le risque par rapport à l'ensemble de la trajectoire est donc quand même majoritairement celui d'une reprise de l'investissement ou des dépenses de fonctionnement, donc de l'offre de services publics.
Mme Louwagie a posé la question de l'évolution des effectifs. Là aussi, nous regardons quelle a été l'évolution de la masse salariale. Les statistiques de la direction générale de l'administration et de la fonction publique et de l'Institut national de la statistique et des études économiques ne sont disponibles que pour 2016. Il y a donc un décalage, et notre approche est assez globale. Mais dans le rapport sur les finances locales de 2016, précisément, nous avions analysé à partir de contrôles effectués auprès des collectivités les facteurs qui expliquaient l'évolution des effectifs. Parmi nos recommandations sur les leviers permettant de se rapprocher des 1 607 heures figurait la suppression de la dérogation qui existe encore dans les accords datant d'avant 2001 et qui permet de travailler une durée inférieure.
Vous avez également soulevé le point des DMTO. Ceux-ci évoluent de manière très dynamique ou plus lente selon les moments, ce qui pose des problèmes pour les départements. L'année dernière, dans le rapport sur les dépenses sociales des départements, nous avions formulé la recommandation d'accroître la péréquation, qui existe déjà entre départements, d'une partie du produit des DMTO. Il serait assez logique que ce produit soit mutualisé entre les départements pour venir en soutien de ceux qui connaissent un problème de décalage entre l'évolution rapide de leurs dépenses sociales et celle, plus lente, de leurs produits fiscaux.
Enfin, concernant l'expérimentation de la certification des comptes publics locaux, quand la Cour des comptes écrit que le chemin est long, elle signifie qu'il l'est du point de vue des efforts que doivent consentir les collectivités qui veulent remplir les conditions préalables à une certification. Mais il est long, aussi, parce que le Parlement en a décidé ainsi. Et pour cause, l'expérimentation est prévue pour durer jusqu'en 2022. Elle a débuté par un diagnostic global d'entrée. Des audits ciblés sont en cours, puis s'engagera une certification expérimentale. Il est normal que cette démarche prenne du temps. L'enjeu est très important.
Sans préjuger du résultat de nos travaux, la certification peut ne pas concerner toutes les collectivités, puisqu'il s'agit d'une procédure lourde. En revanche, il faut que d'autres dispositifs permettent de s'assurer de la sincérité et de la fiabilité des comptes.
Monsieur le Premier président, je vous adresse avant toute chose le salut fraternel d'une élue de l'Isère, députée de la troisième circonscription.
Comme cela avait été énoncé au cours de la campagne présidentielle et rappelé à la fin de l'été dernier, le Président de la République et le Premier ministre souhaitent réduire de 120 000 le nombre d'agents publics d'ici 2022, dont 50 000 dans la fonction publique d'État et 70 000 dans la fonction publique territoriale, marquée par un pic de départs à la retraite à l'horizon 2022. Dans le même temps, ils insistent sur la nécessité de créer des postes dans les services qui répondent à l'évolution des besoins du citoyen, notamment dans les domaines de l'éducation et de la sécurité, et de procéder au non-remplacement des agents, notamment là où les réorganisations et le numérique permettent de rendre un service de qualité avec un nombre moins important de personnels. C'est à cette fin qu'a été lancé il y a un an, quasiment jour pour jour, le processus « Action publique 2022 » visant à redéfinir les périmètres de nos services publics. Ce processus poursuit trois objectifs, que sont l'amélioration de la qualité du service en développant la relation de confiance entre les usagers et l'administration, l'offre d'environnement de travail modernisé aux agents publics, le tout en accompagnant la baisse des dépenses publiques. Le groupe de travail relatif à la fonction publique, que je coordonne au sein de cette Assemblée, a souhaité s'investir sur ces mêmes objectifs – en abordant toutefois une approche moins budgétaire et en établissant un préalable contre le « fonctionnaire-bashing ».
Après quatre années de baisse de la DGF, les concours financiers de l'État aux collectivités ont augmenté de 300 millions d'euros pour l'année 2018. Par ailleurs et comme le souligne votre rapport, les dépenses de personnel, qui sont les premières dépenses de fonctionnement, ont connu une croissance ralentie voire interrompue en 2016 grâce aux efforts de maîtrise des effectifs consentis par les collectivités. Dans le cadre de la démarche de transformation et de modernisation de l'action publique, figure l'inscription probable dans le texte à venir d'une obligation de travail de 1 607 heures pour les fonctionnaires territoriaux. Monsieur le président, pensez-vous qu'une telle mesure aura l'incidence attendue sur la maîtrise des dépenses de fonctionnement, en particulier les dépenses de personnel ? La Cour a-t-elle réfléchi à d'autres dispositifs qui peuvent permettre aux collectivités locales de maîtriser leur masse salariale ?
Je poserai trois questions.
La première porte sur la contractualisation. Dans un contrat, normalement, les deux parties sont assez libres. Là, l'une l'est quand même un peu moins que l'autre. C'est finalement plus une convention d'objectifs et de moyens qui est imposée qu'un véritable contrat. Si la terminologie est la bonne, ne faudrait-il pas aller au bout de la logique et développer le volet « prime à la performance » pour les collectivités territoriales, quitte à ce que celles qui sont bien administrées perçoivent des moyens ? Cela permettrait une forme d'évolution. C'est d'ailleurs ce qui se pratiquait avec les caisses de sécurité sociale : celles qui étaient les mieux administrées disposaient de moyens supplémentaires et grâce à un phénomène d'échelle de perroquet, la performance globalement s'améliorait.
Ma deuxième question porte sur la notion de commune. Un Français sur deux vit dans une commune de moins de 10 000 habitants. Aujourd'hui, politiquement en tout cas, l'on s'interroge sur le devenir des petites communes, sur leurs moyens et sur leur autonomie. Vous parlez de « bloc communal » et vous évoquez des relations entre EPCI et communes qui permettent parfois de faire fluctuer les chiffres. En outre, l'on parle généralement de strates en dessous de 30 000 habitants. Ne serait-il pas intéressant de disposer de données sur les communes de moins de 10 000 habitants, pour comprendre ce qui leur est arrivé ces dernières années et comment elles se débattent dans les difficultés financières ?
Enfin, ma troisième question concerne la fiabilité des comptes. Vous avez parlé de certification. Pour ma part, je vais vous parler de moyens. La chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d'Azur compte 37 magistrats et vérificateurs pour 900 communes, une région avec des moyens importants et des départements, voire des métropoles. Si l'on veut bien faire le travail de fiabilisation et de contrôle, ne faudrait-il pas augmenter drastiquement les effectifs des chambres régionales ?
Je rejoins parfaitement votre constat sur les DMTO. Une réflexion est actuellement menée par le Gouvernement pour fusionner cinq départements et cinq métropoles. Si ce schéma se produisait, comment affecterait-il selon vous le fonds de péréquation des DMTO, dont on sait très bien qu'il alimente aussi les autres départements ? Pourriez-vous nous confirmer ici, devant notre commission, que si ce schéma se produisait, le montant tombant dans le pot commun des DMTO qui font partie de la péréquation serait réduit à hauteur d'un certain montant – en nous précisant quel serait ce montant – et que cela affecterait par conséquent tous les départements y compris ceux qui ne sont pas concernés par cette potentielle fusion ?
Par ailleurs, vous avez fait un focus extrêmement intéressant sur la mise en oeuvre des rythmes scolaires dans les différentes communes. Je fais partie d'un département dans lequel 92 % des enfants continuent à bénéficier de la semaine de quatre jours et demi, ce qui est très rare – et j'en suis très heureuse, d'ailleurs. Les communes qui n'ont pas d'école versent un certain montant aux autres. Avez-vous étudié ce point ? Recommandez-vous de fixer un montant qui permette d'assurer une forme de péréquation ?
Enfin, vous avez évoqué la question de la carte scolaire et montré une carte très parlante sur l'évolution des effectifs et les départements qui sont plus concernés par l'augmentation du nombre d'enfants à scolariser. Pourriez-vous nous transmettre les données, département par département – qui, sauf erreur de ma part, ne figurent pas dans le rapport ? Ce serait particulièrement intéressant.
Il a déjà été partiellement répondu à ma question, qui concernait la contractualisation et les critères de modularité. Où en êtes-vous sur ce sujet, que vous avez pointé dans votre rapport ?
J'interviens en tant que membre de la délégation aux collectivités territoriales, encore méconnue à l'Assemblée nationale, qui s'est notamment donné pour mission de se saisir et d'étudier les textes de loi, de manière à la fois transversale et transpartisane – il est important de le rappeler – sous le prisme des enjeux et des incidences sur les collectivités territoriales. Nous nous saisissons également d'un certain nombre de sujets préoccupants liés à ces dernières.
Ma question s'intéresse à votre rôle et votre compétence d'évaluation des politiques publiques. Ces dernières années, le paysage des collectivités territoriales a été fortement bousculé par la loi du 27 janvier 2014 modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (MAPTAM) dans un premier temps, puis par la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe). D'une part, ces textes ont eu pour effet de modifier l'organisation des territoires dans leur périmètre, mais aussi leurs compétences. C'est particulièrement vrai, bien entendu, pour les intercommunalités, les agglomérations et les communautés urbaines, les métropoles, mais aussi pour les régions. D'autre part, cela a été évoqué à plusieurs reprises, la contractualisation entre l'État et les collectivités vise, rappelons-le, à contenir l'évolution des dépenses de fonctionnement à un niveau de 1,2 % par an. Or aujourd'hui, nous savons que les fusionsextensions génèrent de nouvelles charges en lien avec la remise à niveau par le haut des rémunérations des agents, avec la réorganisation et la montée en compétences des services, avec la prise en charge des frais de déplacement liés aux nouvelles distances à parcourir, et avec le nivellement – souvent aussi par le haut, et l'on ne peut que s'en réjouir – des avantages sociaux des fonctionnaires.
Pour étayer ce point d'augmentation de coût en fonction de la taille des collectivités, je prendrai l'un des exemples que vous avez présenté dans votre rapport concernant le coût de gestion des enfants. Vous rapportez que dans une commune de plus de 20 000 habitants, un enfant génère un coût de 2 000 à 2 500 euros par an, tandis que dans une commune de moins de 20 000 habitants, ce coût se situe entre 1 100 et 1 500 euros. Je tiens particulièrement à rappeler que souvent, ce n'est pas la qualité du service mais plutôt la taille de la collectivité et le niveau d'engagement de ses agents qui différencient ces coûts.
Monsieur le Premier président, j'aimerais savoir si vous avez réalisé une évaluation de l'incidence des lois MAPTAM et NOTRe sur les charges des collectivités.
J'aimerais aborder un point qui a été rapidement évoqué mais auquel aucune réponse n'a été apportée pour le moment. Il s'agit de l'évaluation des risques comptables et financiers. Celle-ci est très abstraite et ne prend pas en compte, à mon sens, le risque patrimonial et le besoin d'investissement que nécessite l'entretien d'un patrimoine. Véronique Louwagie l'a évoqué tout à l'heure : quand les dotations baissent, avec la mise en place de la contractualisation, la première dépense facile à tenir pour les grandes collectivités est l'investissement – dans des projets neufs, c'est compréhensible, mais aussi en entretien, notamment en entretien des voiries départementales et communales, mais aussi en entretien du patrimoine municipal ou départemental – collèges, lycées, etc.. Avez-vous évalué le besoin d'investissement et le besoin de rattrapage d'investissement lié, c'est une conviction, à cinq ans de ralentissement dans l'entretien de ce patrimoine – qui, à mon sens, fait porter un vrai risque financier sur les collectivités territoriales ?
Le rapport de la Cour des comptes m'a inspiré deux interrogations.
La première concerne l'absence de dispositif visant à freiner durablement la hausse de la dépense locale. Le rapport souligne à plusieurs reprises le caractère court-termiste des effets de la réduction des concours financiers de l'État quant à l'atténuation de la hausse de la dépense locale. Il pointe, je cite, « l'efficacité partielle de cette action de régulation, l'issue incertaine de la trajectoire des finances locales 2018-2022 au-delà du court terme, l'absence de prévisibilité des dispositions mises en oeuvre dans le cadre de la réforme annoncée de la fiscalité locale ». Or les recommandations adressées par la Cour des comptes à l'État semblent ne répondre qu'à des problématiques d'ordre éphémère, notamment en ce qui concerne l'extension du champ de contractualisation aux budgets annexes pour les 322 collectivités concernées. Quelles recommandations la Cour des comptes entend-elle formuler à l'État pour que les efforts des collectivités, notamment ceux des communes, se voient récompensés sur le long terme ?
Ma seconde question, plus brève, concerne le degré d'intervention de l'échelon intercommunal dans l'élaboration de la carte scolaire. En plus de constituer une atteinte aux particularismes locaux, cette intervention de l'échelon intercommunal, lorsqu'elle est appliquée, générera-t-elle de nouveaux coûts ?
Je voudrais revenir sur une question posée par mon collègue Éric Coquerel tout à l'heure, concernant le taux de 1,2 % prévu dans la contractualisation et le rapport avec l'inflation. Lors de son audience solennelle de la semaine dernière, le président de la chambre régionale des comptes des Hauts-de-France a indiqué que, pour lui en tout cas, le double objectif – car ce n'est pas seulement un objectif de 1,2 % puisqu'il s'agit de limiter l'augmentation de la dépense, mais bien dans une perspective d'augmentation de la dépense de redonner de la respiration aux collectivités territoriales par rapport à la phase précédente de réduction de la DGF – ne serait pas atteint et que si les collectivités qui ont contractualisé voulaient respecter le 1,2 %, ce serait par le biais d'une diminution de la dépense. Ce n'est quand même pas pareil, à la fois en termes de communication en termes réels, d'aller vers une diminution de la dépense ou une réduction de son augmentation. Ce n'est sensiblement pas la même chose. Partagez-vous cette analyse du président de la chambre régionale des comptes des Hauts-de-France ?
J'ai une seconde question. L'on voit que la variable d'ajustement que vous préconisez est clairement la masse salariale. Ne pensez-vous pas qu'il existe des contradictions vis-à-vis de ce que l'on demande aux collectivités locales, notamment sur les thématiques de sécurité par exemple ? On voit bien que l'on se repose de plus en plus sur les polices municipales et sur les collectivités locales, alors que cette dépense n'était pas initialement prévue pour les collectivités locales. Comment pensez-vous que cette équation puisse être résolue ? Ne risque-t-elle pas, à la fin, de se traduire par une baisse des services publics rendus, notamment celui-là ?
Votre exposé a bien montré, monsieur le Premier président, que les collectivités locales sont finalement relativement vertueuses. Alors que l'on veut limiter par la contractualisation l'augmentation des dépenses des collectivités locales à 1,2 %, les élus locaux considèrent souvent que l'État continuera à augmenter ses dépenses de plus de 2 %. Il y aurait donc une certaine iniquité et finalement, les élus locaux ont le sentiment de contribuer davantage au redressement des finances publiques. Or ils sont élus et bénéficient de la même légitimité du suffrage universel que tous les élus. Le système selon lequel le Parlement décide en dernier lieu pour les collectivités locales est-il vertueux ? Ne serait-il pas bon de passer à un autre système, dans lequel les élus locaux seraient directement responsables devant leurs électeurs, avec un impôt dont ils pourraient baisser ou augmenter les taux et les bases afin qu'il corresponde à leur programme politique ?
Par ailleurs, les lois NOTRe et MAPTAM nous ont été présentées comme visant à faire baisser les dépenses de fonctionnement des collectivités locales, en particulier les régions et les EPCI qui ont fusionné. Dans ce que vous avez étudié, ces fusions ont-elles effectivement produit une baisse des dépenses de fonctionnement de ces collectivités ?
Enfin, vous avez soumis l'idée que les EPCI prennent en charge les écoles. Je souhaite bien du courage et de la psychologie au gouvernement qui s'engagerait dans cette voie ! C'est vraiment un marqueur au niveau des communes, et ce sera relativement délicat.
J'ai simplement une demande d'éclaircissement, car beaucoup de choses ont été dites. La prise en compte de l'hétérogénéité des situations sur nos territoires est essentielle. Mais ce qui ce qui me questionne le plus, c'est de savoir comment être beaucoup plus efficace et comment intégrer ces fameux budgets annexes pour avoir – je pèse mes mots – des mécanismes de contractualisation plus justes et qui permettent de vraiment atteindre l'objectif essentiel de modération de la dépense et le fonctionnement réel de nos collectivités territoriales sans inciter à des montages autres ?
Ma première question, très simple, est relative à la taxe d'habitation. Le Président de la République a annoncé la suppression de cette taxe pour tous. Êtes-vous favorable, pas d'un point de vue politique évidemment, mais de celui des comptes publics et de la cohérence fiscale, à la suppression de la taxe d'habitation pour les résidences secondaires ?
Mes autres questions ont trait à la prise en charge des mineurs non accompagnés. L'on connaît tous la saturation dans laquelle se situent les départements. On connaît aussi la volonté de l'État de coordonner des actions qui, à mon sens, doivent être interministérielles et inclure aussi la Chancellerie. On constate une très grande disparité de traitement et de mise en oeuvre de la politique décentralisée de l'aide à l'enfance, qui est une compétence obligatoire du département. Les fonds de péréquation sont-ils suffisants au regard de ce problème qui nous concerne tous ? Quelle est, par département, la part du budget réservée aux seules compétences obligatoires revenant au département, en particulier l'aide sociale à l'enfance et les mineurs non accompagnés ?
Je voudrais d'abord faire un constat concernant les collectivités locales, et singulièrement celles de petite taille qui se trouvent aujourd'hui avec trois étaux qui se resserrent autour d'elles : l'augmentation de leurs compétences, la diminution des ressources qui leur viennent par voie de dotation et, désormais, la suppression d'une grande partie de leur levier fiscal. J'ai entendu votre exposé, et lu partiellement les intitulés des chapitres de votre rapport. Quelle vision avez-vous des conséquences qu'auront ces trois facteurs, d'une part sur les fusions obligées de communes ou de communautés de communes face à l'impossibilité de faire face aux missions qui leur sont confiées et, d'autre part, sur l'abandon d'un certain nombre de services – en l'occurrence la baisse du niveau de service territorial que pourront apporter ces collectivités, faute de moyens ?
Nous partageons tous, je pense, élus locaux comme nationaux, le souhait de rechercher l'efficience la plus optimale des finances publiques, en l'occurrence locales. Ce n'est pas toujours facile, surtout quand l'État vient contraindre les collectivités territoriales par la baisse des dotations, en particulier la DGF. Vous avez noté que l'objectif poursuivi sous le quinquennat précédent a été globalement atteint – parfois avec douleur, souvent avec difficulté, mais il l'a été, dont acte. La difficulté existe aussi quand, parallèlement, l'État impose de nouvelles dépenses de fonctionnement. L'exemple que vous avez retenu des modalités d'exercice des missions scolaires et des activités périscolaires en est une bonne illustration. Pour l'avoir vécu comme maire, je peux témoigner que la décision imposée par l'État dans des délais extrêmement brefs fut difficile à mettre en oeuvre tant vis-à-vis des personnels et des finances municipales que vis-à-vis des parents d'élèves.
Vous recommandez, pour guider le pilotage de la dépense publique, l'élaboration d'un référentiel de coûts. Si l'idée peut paraître a priori séduisante, je m'interroge quant à l'usage qui pourrait en être fait lors des contrôles exercés par les juridictions financières. Je mets volontairement de côté la question de l'évaluation des politiques publiques, pour me concentrer sur le contrôle des comptes et de la gestion. La frontière peut être parfois ténue entre le jugement en opportunité politique de choix démocratiques et le contrôle technique d'une gestion budgétaire et financière. De fait, ce référentiel pourrait devenir de facto une norme lors d'un contrôle par les chambres régionales des comptes. Cela peut dès lors contrevenir au principe constitutionnel de libre administration des collectivités, lesquelles font et assument des choix politiques en fonction des besoins ou des aspirations connues ou estimées de leur population. Comment, selon vous, concilier cet outil et ce principe ?
Dans son rapport, la Cour des comptes rappelle les effets désastreux engendrés par une baisse unilatérale des dotations de 2013 à 2017. En effet, l'on constate une baisse de 11 % de l'investissement entre 2013 et 2017. La Cour des comptes l'a relevé à de nombreuses reprises dans ses rapports, une réduction uniforme de la part forfaitaire de la DGF avait atteint ses limites. Forte de ce constat, la majorité a employé un chemin inédit, celui de la confiance, avec la contractualisation avec plus de 70 % des 322 collectivités les plus importantes. Comme tout nouveau mécanisme, celui de la contractualisation peut sûrement être amélioré et vous relevez que si la trajectoire est respectée, les collectivités territoriales atteindraient en 2020 un montant significatif d'autofinancement. En revanche, vous émettez un doute sur l'utilisation de cet autofinancement – réduction de la dette, baisse des impôts... Ces bons résultats risquent de relancer des dépenses de fonctionnement, qui pourraient ainsi compromettre la trajectoire fixée. D'où ma question : quel outil ou quel mécanisme imaginez-vous pour éviter de tels effets et la relance de dépenses de fonctionnement ?
Par ailleurs, la Cour des comptes opère chaque année un focus sur un sujet précis. Envisagez-vous, dans ce cadre, d'étudier la prise en compte des territoires touristiques et du calcul des dotations des collectivités sur ceux-ci ?
J'ai deux questions sur la compétence scolaire et périscolaire.
Tout d'abord, le Gouvernement, notamment le ministre de l'éducation nationale, M. Jean-Michel Blanquer, a décidé de laisser le choix aux communes de revenir aux quatre jours. Bien sûr, cela portera surtout sur l'année 2018. Mais, tout de même, a-t-on déjà des idées sur la proportion de communes qui ont fait ce choix, et surtout sur son incidence financière ? L'objectif est de leur redonner une marge en termes de fonctionnement, qu'elles avaient sans doute en partie perdue, même si l'État avait créé un fonds dédié à la mise en place de cette politique.
Ensuite, vous citez le fait qu'un certain nombre de communes ont choisi de faire porter aux intercommunalités la compétence scolaire – davantage la compétence périscolaire, mais pour certaines, la compétence scolaire. Avez-vous creusé la question ? Vous indiquiez que vous n'étiez pas nécessairement favorable à cette démarche. Je viens d'une intercommunalité qui a pris cette compétence scolaire. Paradoxalement, cela lui a d'ailleurs permis de conserver des écoles en secteur rural. Avez-vous eu connaissance d'évaluations sur la prise de compétence du scolaire par les intercommunalités ?
Je voudrais prolonger la question posée par Isabelle Florennes, qui reprenait d'ailleurs l'interrogation du rapporteur général, à laquelle M. le Premier président a répondu partiellement, sur la modulation et l'individualisation des contrats. Il existe manifestement deux lignes différentes d'individualisation possibles. La première est la transformation et l'enrichissement des critères. Vous en décrivez trois, mais vous avez répondu que l'on pouvait en imaginer d'autres. Mais il faut aussi voir, et vous y faites allusion, l'ampleur de la modulation. Vous montrez bien qu'elle est très encadrée dans ses effets et que l'on ne s'écarte pas trop du 1,2 %. Ne croyez-vous pas que, de ce point de vue, la part quantitative, modulée, devrait être beaucoup plus forte que la part fixe ?
Monsieur le Premier président, vous citez dans votre rapport le principe de parité établi par la loi de 1959 et qui rappelle que les dépenses de fonctionnement doivent être prises en charge dans les mêmes conditions pour l'enseignement privé sous contrat d'association et enseignement public. Mais vous expliquez aussi que les juridictions financières ont observé peu de cas dans lesquels ce principe de parité est respecté. Quelles mesures préconisez-vous pour qu'il le soit, ou au moins qu'il le soit mieux ?
Par ailleurs, vous attirez l'attention des communes sur les risques juridiques et financiers du non-respect de ce principe, qui peut donner lieu à un rattrapage sur plusieurs années. Avez-vous une idée du montant que ce rattrapage pourrait atteindre ?
Je voudrais, pour ma part, vous parler de démographie scolaire.
Vous soulignez, dans votre rapport, le fait que les données sur lesquelles les dispositifs d'aide spécialisée aux élèves en difficulté (DASED) peuvent se fonder, notamment, sont insuffisamment partagées avec les collectivités. Pour avoir dirigé une collectivité côté administration, je sais aussi que les collectivités, notamment les communes, disposent d'informations qui pourraient être utiles aux DASED en matière de démographie scolaire. Vous faites quelques préconisations. Avez-vous une idée de la manière dont l'État notamment pourrait faire en sorte de mettre en place des outils qui permettraient que ce maillage entre les collectivités et les services de l'État soit plus efficace ?
Ma seconde question porte sur la manière dont les collectivités, notamment les communes, construisent ou ne construisent pas des écoles pour faire face à la démographie scolaire. Vous parlez de limites ou de tensions à la baisse lorsque la population scolaire se réduit, mais aussi du fait que des communes – notamment Marseille, puisque vous la citez – n'investissent pas suffisamment pour faire face à la croissance des effectifs, ce qui entraîne évidemment une augmentation du nombre d'élèves par classe. Sur ce point-là, le maire de Marseille a réfuté votre assertion. Avez-vous un commentaire sur ce point ? De manière plus générale, disposez-vous d'éléments comparatifs de villes de taille similaire à Marseille, notamment Paris et Lyon, sur les investissements effectués en matière de construction d'écoles ou de classes ?
Ma question porte sur le nouveau pilotage des finances locales par l'encadrement de la dépense, mis en oeuvre par la loi de programmation des finances publiques. Ce nouveau pilotage devrait sensiblement améliorer le solde local et l'objectif de réduction de la dépense paraît atteignable en début de période. Les premiers mois d'application semblent le confirmer. Cependant, vous soulignez que ce nouveau dispositif de régulation présente des faiblesses, notamment en raison d'une part très significative de la dépense locale qui reste hors encadrement. Pouvez-vous être plus précis et nous dire quelles sont les dépenses locales qui ne sont pas prises en compte par ce dispositif et qui auraient dû l'être, ainsi que les raisons de cette exclusion si vous les connaissez ?
Ma question, à la fois technique et politique, a trait à l'autonomie fiscale des collectivités. Nous sommes dans un contexte de réduction des concours de l'État et d'une fixation d'un plafond de dépenses qui sera opposé aux collectivités. Nous sommes aussi dans un contexte de concurrence entre les territoires, aussi bien sur le plan national que dans le cadre européen. Il importe donc sans doute, en tout cas c'est notre sensibilité, de doter les territoires de compétences opérationnelles et de leur assurer des marges de manoeuvre en vue d'une fiscalité plus dynamique. En tout cas, c'est cette autonomie fiscale que la majorité territoriale de Corse demande. Monsieur le Premier président, j'aimerais donc vous entendre à la fois sur l'augmentation des compétences fiscales dévolues aux collectivités, et en particulier sur la dévolution fiscale à destination de la collectivité de Corse.
J'ai noté dans votre rapport que la Cour met l'accent sur l'hétérogénéité des trajectoires financières au sein de chaque catégorie de collectivités, tant en charges de fonctionnement que de fonds d'investissement – c'est bien naturel, mais il y a un point sur lequel je voudrais vous interroger. Vous écrivez que « bien évidemment, la maîtrise des charges est plus délicate à obtenir dans les petites collectivités que dans les ensembles intercommunaux de grande taille, notamment les métropoles et leurs communes membres, qui présentent plus de capacité de mutualisation et à un degré d'intégration plus élevé ». Je suis élu depuis vingt ans et défenseur de longue date du fait intercommunal. Mais comment expliquez-vous que ce constat soit de moins en moins partagé par de nombreux élus ? Beaucoup de voix font entendre un ressenti différent de la réalité des chiffres, selon lesquelles des charges de structure commencent à voir le jour. Pouvez-vous nous dire jusqu'à quel effet de taille ou quel seuil cette affirmation selon laquelle « plus c'est grand, moins cela coûte » est vérifiée ?
Merci pour votre intervention, monsieur le Premier président.
Au-delà des dégrèvements existants au programme, la suppression de la taxe d'habitation présente pour l'État un coût estimé, selon les versions, à au moins 10 milliards d'euros. Je cite le rapport de la Cour : il reste à trouver le financement. La mission co-présidée par le sénateur Alain Richard et le préfet Dominique Bur a élaboré deux scénarios pour compenser sa suppression totale. Le premier est un transfert au bloc communal de la part départementale de la taxe foncière, accompagné d'une attribution d'une part d'un impôt national. La seconde hypothèse est le remplacement direct de la taxe d'habitation par la fraction d'un impôt national – TVA, par exemple. Ma question est de nature technique et non pas politique. Lequel de ces deux scénarios vous paraît le plus adapté, le plus efficient ou le plus facile à mettre en oeuvre ? Ou alors, avez-vous d'autres suggestions compte tenu de votre expérience ?
Je formulerai une remarque et trois questions.
La remarque concerne le chiffre que vous avez cité tout au début : 101 millions d'euros de transferts de l'État aux collectivités locales. Je crois que cela impose que les collectivités locales – mais c'est le cas – s'intéressent au problème de la dette de l'État et se sentent largement concernées.
Ma première question est la suivante. Vous avez globalement analysé l'efficacité du dispositif de baisse de DGF sur quelques années. Pour autant, considérez-vous qu'il aurait été acceptable pour les collectivités de continuer le même processus ? Outre sa nécessité, avez-vous évalué l'acceptabilité d'une mesure quelle qu'elle soit ?
J'en viens à ma deuxième question. Votre appréciation sur la contractualisation a-t-elle évolué dans la nuance de gris que vous nous donnez habituellement et sur laquelle nous dissertons souvent – « probable », « possible », etc. ? Votre appréciation de l'efficacité de la contractualisation a-t-elle évolué en une année ?
Enfin, le fonctionnement est intimement lié à l'investissement. En diminuant le fonctionnement, on donne des capacités d'investissement, on l'a vu. Pour autant, l'investissement génère du fonctionnement. Considérez-vous donc que la contrainte sur le fonctionnement peut éventuellement atteindre l'investissement lui-même, par les dépenses de fonctionnement qu'il génère ? Cela pourrait-il même orienter vers une sélection des investissements vers ceux qui génèrent le moins de dépenses de fonctionnement, notamment dans les collectivités locales, en évitant d'élargir le périmètre mais plutôt en travaillant sur la rénovation, la reconstruction, etc. ?
De nombreuses questions ont été posées – des questions pas faciles. Il est difficile de répondre précisément sur un sujet donné, tellement parfois il en concerne d'autres, ou en tout cas une réflexion plus large.
La question des relations entre l'État et les collectivités territoriales est déjà un premier sujet qui n'est pas facile. Nous suggérons qu'il y ait une plus grande transparence et une appréciation de l'incidence des mesures prises par l'État sur le budget des collectivités territoriales plus importante qu'elle ne peut l'être aujourd'hui. Voilà déjà un premier volet. Je pense que des marges de progrès sont sûrement encore possibles pour améliorer le dialogue nécessaire entre l'État et les collectivités territoriales.
Un autre sujet est celui des niveaux de déconcentration et de décentralisation susceptibles d'être acceptés. Ce sont des réponses que doit apporter le politique. L'on peut considérer que plus on est près du terrain, mieux l'on a la capacité à répondre à un certain nombre de besoins qui s'expriment. De quelle façon ? Est-ce au niveau de la base, est-ce au niveau intercommunal ? Une réflexion doit aussi être conduite sur les compétences exercées par les uns et par les autres. L'on voit que les lois récentes n'ont pas encore totalement réglé le problème de la clarification des compétences entre l'État et les collectivités territoriales, et entre les collectivités territoriales elles-mêmes. Voilà, c'est un sujet qui est sur la table. Nous sommes vraisemblablement l'un des rares pays à ne pas avoir prolongé sa réflexion jusqu'au bout. Nombre de pays, que ce soit l'Allemagne, l'Italie ou d'autres, ont réformé les relations entre l'État et les collectivités territoriales, mais aussi réformé leur organisation territoriale. Nous, nous sommes n'en sommes pas encore là. Ce sont des sujets sensibles dont le politique doit effectivement se saisir.
Concernant la modulation, la modularité ou la meilleure prise en compte des spécificités de certaines situations, je suis d'accord avec ce qui a pu être dit : il faut à la fois un enrichissement des critères – c'est ce que nous suggérons – et plus de souplesse. Il faut que les préfets puissent disposer de davantage de souplesse à partir de l'orientation globale qui peut être donnée par le Gouvernement, précisément pour pouvoir prendre en compte quelques spécificités. Nous avons constaté que non seulement des critères doivent être précisés et élargis, mais qu'en plus, un peu de souplesse doit permettre de mieux répondre aux spécificités de certaines situations.
Après, se pose le problème non seulement de ces critères, mais aussi de ce qui est pris en compte dans l'encadrement. Nous constatons qu'aujourd'hui, la totalité de la dépense n'est pas concernée par l'encadrement. D'où la nécessité, vraisemblablement, de prolonger le dialogue entre l'État et les collectivités territoriales, pour voir ce que l'on doit prendre en compte dans l'encadrement. Je suppose que les associations d'élus doivent également formuler un certain nombre de propositions. Aujourd'hui, trop d'éléments échappent encore à l'encadrement des dépenses de fonctionnement. Je pense donc qu'il faut améliorer le dispositif de contractualisation. Or il est vrai que dans ce contrat, les partenaires ne sont pas tout à fait sur le même pied d'égalité – un certain nombre d'entre vous l'a constaté – puisque l'État a le dernier mot, en l'occurrence. Mais il est quand même toujours préférable d'avoir un échange plutôt qu'une décision autoritaire – même si, une fois de plus, une décision autoritaire peut se justifier pour répondre à une situation d'urgence, mais jamais sur le long terme. Je pense qu'il était vraisemblablement utile de changer de dispositif. Ensuite, pour apprécier l'efficacité du nouveau, il faut bien évidemment davantage de recul.
Sur les questions de fiabilité des comptes, je pense en effet qu'il existe encore des marges de progrès. Un travail est en cours – l'expérimentation de la certification, un dispositif lourd qui peut ne pas être adapté à l'ensemble des collectivités territoriales. Alors il est vrai que si l'on doit avoir une certification mise en place et élargie, la question des moyens des chambres régionales des comptes se posera. On ne peut pas sans cesse élargir les missions d'une juridiction, de l'ensemble des juridictions financières, sans en tirer les conséquences. Nous avons réorganisé notre réseau. Nous avons essayé de réformer l'organisation du travail. Mais, que ce soit pour la Cour ou pour les chambres régionales, c'est une question de priorité. La maîtrise d'un budget et la maîtrise de la dépense n'interdisent pas que l'on ait des priorités, c'est-à-dire des budgets qui augmentent et des budgets qui n'augmentent pas autant. Après, cela dépendra de ce que souhaitera le politique, en fonction des missions qui sont les nôtres.
Quand on regarde les moyens des juridictions financières en France, en Allemagne ou au Royaume-Uni – pays comparables –, l'on s'aperçoit que, à la fois sur le plan des effectifs et du budget, les juridictions financières françaises sont plutôt moins bien dotées, alors même qu'elles ont des missions plus larges qu'en Allemagne et au Royaume-Uni. À vous d'en tirer les conséquences, c'est vous qui votez le budget ! C'est un peu la traduction de ce que la culture de transparence ou de contrôle sur toutes ces questions budgétaires et financières a mis du temps à se mettre en place dans notre pays. Nous n'avons pas la même culture de transparence et de contrôle que peuvent avoir d'autres pays. Je pense qu'il est très important de la développer. Le Parlement, l'Assemblée nationale, y sont extrêmement sensibles. Les citoyens aussi. Les travaux des juridictions financières contribuent, je crois, à cette transparence et à éclairer le décideur que vous êtes, sachant que – j'ai entendu ce qu'a dit Mme Kamowski sur les travaux des chambres régionales – la décision politique revient bien sûr aux représentants du suffrage universel. Il n'y a pas de jugement en opportunité de la part des chambres. À partir d'un référentiel, en tout cas, on ne pourra pas dire que telle collectivité ne respecte pas la loi. C'est un cadre de référence qui peut être utile pour que la collectivité se situe par rapport à d'autres, pour que l'on puisse conduire un certain nombre d'analyses. Mais en aucun cas un référentiel ne pourra être pris comme étant une disposition législative ou réglementaire qui s'impose aux collectivités territoriales. Et, vous le savez, il faut toujours distinguer les observations que nous pouvons faire lorsqu'une collectivité ne respecte pas la loi ou les règlements, de lorsque nous apprécions l'efficacité ou l'efficience – là, nous souhaitons être le plus utile possible aux décideurs dans le cadre d'une transparence nécessaire. Bien sûr, les élus peuvent ne pas suivre une recommandation. Mais à partir du moment où elle existe, il faut dire pourquoi on ne la suit pas. Je pense que cela contribue au débat démocratique. Il est vrai que, parfois, les rapports ou les travaux, aussi bien des chambres régionales que de la Cour, peuvent être instrumentalisés : je vois parfois des titres de journaux totalement excessifs eu égard au contenu de certains rapports. C'est un risque, évidemment, mais il n'existe pas de monde idéal, et nous ne maîtrisons pas les réactions des uns et des autres à nos rapports. Parfois, nous constatons qu'il existe des lectures différentes ou différenciées selon les sensibilités ou les responsabilités des uns et des autres. Cela peut arriver. Il faut se reporter aux textes mêmes de la Cour pour se faire sa propre appréciation !
Je reviens à l'autonomie fiscale. Elle n'est pas reconnue en tant que telle par la Constitution. Le Conseil constitutionnel reconnaît l'autonomie financière. Il applique d'ailleurs une définition relativement large des ressources propres. Il existe toute une jurisprudence. Mais l'autonomie fiscale en tant que telle n'est pas reconnue dans nos textes constitutionnels. Je tenais à le préciser. Bien évidemment, il peut y avoir des propositions de révision de la Constitution ! Mais c'est autre chose.
Je souhaite clarifier l'expression de la Cour sur la question du scolaire et du périscolaire. En ce qui concerne les transferts de compétences à des établissements intercommunaux, l'on en voit certains, environ un tiers des EPCI porte la compétence scolaire ou périscolaire. Mais le plus souvent, en fait, l'intercommunalité est compétente sur le périscolaire. Nous avons vu, lors d'investigations sur le terrain et au travers de rapports envoyés par les chambres régionales, qu'il existe des cas dans lesquels des communes parviennent à s'entendre sur la meilleure réponse à apporter aux besoins de scolarisation de leurs enfants, sans nécessairement se départir de la compétence scolaire. L'on cite, dans le rapport, l'exemple de la ville de Toulouse, qui compte des écoles saturées dans le quartier de Malepère, si ma mémoire est bonne, et qui s'est entendue avec la commune de Saint-Orens, laquelle a des écoles partiellement vacantes. Il est donc possible de réaliser une meilleure coordination sur un espace qui peut être une partie de l'ensemble intercommunal – aujourd'hui, certains de ces ensembles sont très vastes – et de progresser. Mais l'on ne déconseille pas pour autant de développer des intercommunalités.
Je reviens sur le point abordé par Mme Rabault et d'autres, à savoir la contribution des communes qui n'ont pas d'école au fonctionnement des écoles qui scolarisent leurs enfants. En l'occurrence, les chambres régionales constatent que, bien souvent, les textes ne sont pas appliqués. Aussi signalons-nous ce point, que ce soit entre écoles publiques ou par rapport aux écoles privées. Il est important que le forfait soit correctement calculé et payé par les communes qui le doivent.
Enfin, a été soulevée la question de la meilleure coordination. C'est ce que nous préconisons, entre les services de l'État au niveau déconcentré – les DASED – et les élus locaux, les communes. En ce qui concerne les échanges de données sur les évolutions démographiques et les prévisions des effectifs, qui sont utiles aux élus pour prévoir les besoins en locaux puis, en cours d'année, pour suivre les effectifs scolarisés qui sont la responsabilité des maires, l'on constate un mauvais partage de l'information. C'est ce que nous proposons d'améliorer. Souvent – l'informatique a bon dos ! – c'est lié à des problèmes d'interface entre systèmes d'information : le système Ondes, côté DASED, et les systèmes des communes.
Plusieurs questions ont porté sur les 1 607 heures annuelles. À partir de travaux des chambres régionales, on peut constater que cette durée n'est pas toujours respectée. Si un dispositif impose que ce soit non pas seulement un référentiel mais une limite, cela ne pourra qu'aider, je pense, les collectivités et les élus à la faire appliquer. On voit bien qu'un certain nombre de jours de congé ont été accordés à un moment donné, quand la croissance dans notre pays était très forte et l'économie se portait bien. Ce n'est plus tout à fait le cas aujourd'hui, c'est le moins que l'on puisse dire.
Je n'ai pas répondu non plus sur la trajectoire. Une trajectoire peut être revisitée, revue, notamment à mi-parcours parce que plusieurs paramètres peuvent évoluer, comme l'inflation ou le niveau de croissance. L'évolution d'un certain nombre de paramètres peut bien évidemment remettre en cause une trajectoire définie dans le cadre d'une loi de programmation. Il faut alors pouvoir s'adapter. D'ailleurs, le projet de loi de finances pour 2019 prévoit une adaptation au regard de prévisions de croissance qui ont pu être faites à un moment donné.
L'investissement est une vraie question. Faire des économies en termes d'entretien peut se révéler extrêmement négatif dans le futur. Les travaux de la Cour et des chambres régionales le montrent. Certaines dépenses ne doivent pas être reportées au risque qu'elles soient beaucoup plus coûteuses quelques années après. C'est une question de décisions à prendre par les responsables concernés – cela concerne, d'ailleurs, les collectivités comme l'État. Il existe parfois un retard dans l'entretien de bâtiments qui finissent par coûter beaucoup plus cher. C'est aux élus, aux décideurs, de faire les arbitrages en l'espèce.
En réponse à Mme Rabault, s'agissant d'une éventuelle réforme territoriale, nous n'avons pas envisagé l'incidence à venir de ce projet qui n'est pas encore formalisé. Mais nous serons attentifs, évidemment, à son importance et à ses conséquences. Ce que nous pouvons dire, c'est que l'on avait constaté, l'année dernière en analysant les dépenses sociales des départements, que 10 % seulement du produit des DMTO alimente la péréquation entre les départements. C'est relativement peu, compte tenu de leur volume total comme de son évolution, assez régulière. Comme le prévoit la loi dans son principe, la prudence serait d'avoir un fonds de roulement plus important, de manière à lisser l'évolution de cette ressource dans les départements et à faire jouer une péréquation plus importante pour ceux qui ont le plus de mal à équilibrer l'évolution de leurs dépenses sociales et celle de leurs ressources.
Les DMTO s'élèvent à peu près à 16 ou 17 milliards d'euros pour les départements, dont 10 % sont consacrés à alimenter le fonds de péréquation dont je vous parlais.
Nous n'avons pas instruit le rapport Richard-Bur. Dès lors, je ne me permets pas d'en parler ou d'avoir une opinion. Lorsque nous nous exprimons, c'est à partir de travaux que nous avons instruits et que nous avons contredits. Sinon, je suis dans le commentaire politique – et ce n'est pas notre rôle.
La délégation aux collectivités territoriales a publié un rapport sur le rapport Richard-Bur, monsieur le Premier président. Nous vous l'avons adressé. Il a passionné nos membres.
La réunion s'achève à 12 heures.
Membres présents ou excusés
Présents. – M. Thibault Bazin, Mme Anne Blanc, M. Jean-René Cazeneuve, Mme Émilie Chalas, M. Charles de Courson, Mme Stella Dupont, M. Olivier Gaillard, Mme Nadia Hai, M. Christophe Jerretie, Mmes Catherine Kamowski et Valérie Lacroute, MM. Didier Le Gac et Jean-Claude Leclabart, Mme Véronique Louwagie, M. Jean-Paul Mattei, Mmes Monica Michel et Christine Pires Beaune, MM. Éric Poulliat, Rémy Rebeyrotte, Hervé Saulignac, Arnaud Viala et Guillaume Vuilletet.
Excusés. – Mme Anne Brugnera et M. Bruno Millienne.
Assistaient également à la réunion. – Mme Caroline Abadie, M. Jean-Félix Acquaviva, M. Saïd Ahamada, M. Éric Alauzet, M. Julien Aubert, Mme Laetitia Avia, M. Erwan Balanant, Mme Huguette Bello, M. Ugo Bernalicis, M. Jean-Noël Barrot, Mme Émilie Bonnivard, M. Florent Boudié, M. Jean-Louis Bourlanges, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Vincent Bru, Mme Émilie Cariou, M. Michel Castellani, Mme Anne-Laure Cattelot, M. Philippe Chassaing, M. Éric Ciotti, M. Éric Coquerel, M. François Cornut-Gentille, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Olivier Damaisin, Mme Dominique David, Mme Amélie de Montchalin, Mme Coralie Dubost, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Jean-Paul Dufrègne, M. Philippe Dunoyer, M. M'jid El Guerrab, Mme Sarah El Haïry, Mme Sophie Errante, M. Christophe Euzet, Mme Élise Fajgeles, M. Jean-Michel Fauvergue, Mme Isabelle Florennes, M. Nicolas Forissier, Mme Paula Forteza, M. Alexandre Freschi, M. Raphaël Gauvain, M. Joël Giraud, M. Philippe Gosselin, M. Guillaume Gouffier-Cha, Mme Perrine Goulet, M. Fabien Gouttefarde. M. Romain Grau, Mme Marie Guévenoux, M. David Habib, M. Patrick Hetzel, M. Alexandre Holroyd, M. Dimitri Houbron, M. Sacha Houlié, M. Sébastien Huyghe, Mme Élodie Jacquier-Laforge, M. Mansour Kamardine, Mme Marietta Karamanli, M. Daniel Labaronne, M. Mohamed Laqhila, M. Guillaume Larrivé, M. Philippe Latombe, M. Michel Lauzzana, M. Marc Le Fur, M. Fabrice Le Vigoureux, M. Vincent Ledoux, Mme Marie-France Lorho, Mme Alexandra Louis, Mme Lise Magnier, M. Jacques Marilossian, M. Olivier Marleix, M. Jean-Louis Masson, M. Fabien Matras, M. Stéphane Mazars, Mme Emmanuelle Ménard, M. Paul Molac, M. Pierre Morel-À-L'Huissier, Mme Cendra Motin, Mme Naïma Moutchou, Mme Catherine Osson, M. Xavier Paluszkiewicz, M. Jean-François Parigi, M. Didier Paris, M. Hervé Pellois, Mme Valérie Petit, M. Guillaume Peltier, M. Pierre Person, M. Stéphane Peu, Mme Sylvia Pinel, M. Jean-Pierre Pont, M. François Pupponi, M. Bruno Questel, Mme Valérie Rabault, M. Robin Reda, M. Xavier Roseren, M. Fabien Roussel, M. Thomas Rudigoz, M. Pacôme Rupin, Mme Maina Sage, M. Laurent Saint-Martin, M. Jacques Savatier, M. Raphaël Schellenberger, M. Olivier Serva, M. Benoît Simian, M. Jean Terlier, Mme Alice Thourot, M. Alain Tourret, Mme Cécile Untermaier, Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, Mme Laurence Vichnievsky, M. Jean-Pierre Vigier, M. Philippe Vigier, M. Cédric Villani, M. Éric Woerth, Mme Hélène Zannier.