La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures.
Hier soir, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'amendement no 1047 à l'article 1er.
Cet amendement vise à conserver l'organisation actuelle des centres d'AMP. En effet, celle-ci peut varier en fonction des effectifs ou de la disponibilité des sites. L'obligation de la présence d'un médecin à chaque entretien risque de compliquer l'organisation des procédures d'AMP. Je propose donc de faire confiance aux équipes, étant entendu que la procédure d'AMP restera supervisée par un médecin du centre.
La parole est à Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, pour soutenir l'amendement no 2554 .
La rédaction du texte a déjà été enrichie pour tenir compte du contexte psychologique de ces entretiens, mais au risque d'une lecture un peu moins aisée, il reste me semble-t-il des éléments à préciser. Ces entretiens préparatoires sont aussi assurés par d'autres professionnels de santé, comme le souligne d'ailleurs la fédération des CECOS – centres d'étude et de conservation des oeufs et du sperme humains : pharmaciens, sages-femmes, psychologues, conseillers en génétique. Or cela n'apparaît pas dans le texte, alors que cette pluralité garantit la qualité de l'évaluation de l'ensemble des facteurs intervenant dans une demande d'AMP. Cet amendement vise donc à y remédier.
La parole est à M. Jean-Louis Touraine, rapporteur de la commission spéciale, pour donner l'avis de la commission.
L'amendement de Mme Tamarelle-Verhaeghe sera satisfait par l'amendement no 2327 de Mme Wonner que nous allons examiner dans quelques minutes et qui élargit l'équipe pluridisciplinaire. Quant à l'amendement de Mme Brunet, il présente l'inconvénient d'exclure les médecins, alors qu'il s'agit d'un acte médical et que les gynécologues sont au centre de ces actes même s'ils ne sont pas seuls, loin s'en faut – je suis le premier à reconnaître l'importance du caractère pluriel de l'équipe. L'avis de la commission est donc défavorable.
La parole est à M. le secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, pour donner l'avis du Gouvernement.
Même avis que le rapporteur sur votre amendement, madame Tamarelle-Verhaeghe. Nous nous rejoignons tous pour affirmer la nécessité que l'accueil, la prise en charge, l'accompagnement des couples et des femmes qui s'engagent dans un parcours d'AMP, parcours lourd, complexe, soient effectués par des professionnels appartenant à plusieurs disciplines, notamment médicales.
Nous nous rejoignons également pour affirmer la nécessité d'une transparence, et c'est pourquoi j'émettrai comme le rapporteur un avis favorable sur l'amendement no 2327 de Mme Wonner, qui prévoit que la composition de cette équipe soit définie par un décret en Conseil d'État. Cela permettra d'harmoniser l'organisation des centres d'AMP qui maillent notre territoire national et de garantir une prise en charge homogène de l'ensemble des femmes ayant recours à ces pratiques.
Mon amendement a peut-être été mal interprété. Son objectif était de supprimer l'obligation qu'un médecin soit présent lors de tous les entretiens, mais je ne conteste pas le fait que c'est à un médecin qu'il revient de superviser cette procédure.
Sans vouloir chipoter, la rédaction de mon amendement est un peu différente. Préciser la composition d'une équipe pluridisciplinaire, ce n'est pas la même chose que prévoir que les entretiens préalables sont assurés par l'ensemble de l'équipe – ce qui n'apparaît pas dans le texte.
Le texte parle simplement d'entretiens médicaux. La différence est peut-être subtile, mais elle me paraît importante.
L'amendement no 1047 n'est pas adopté.
L'amendement no 2554 est adopté.
La parole est à Mme Martine Wonner, pour soutenir l'amendement no 2327 .
Il est nécessaire de rappeler ici le choc émotionnel et psychologique que risque de provoquer un refus de l'équipe pluridisciplinaire de procéder à l'AMP. Pour cette raison, nous devons créer les conditions de la compréhension la plus juste possible par les demandeurs du processus de décision, en leur donnant l'assurance qu'ils seront partout reçus de la même manière. Cela suppose que la composition de l'équipe clinico-biologique soit connue d'eux. Il ne s'agit évidemment pas de faire connaître le nom de ses membres, mais simplement leur fonction.
Dans ce but, l'amendement confie au pouvoir réglementaire le soin de détailler – par un décret pris en Conseil d'État – la composition de l'équipe pluriprofessionnelle ; il semble évident qu'un dénominateur commun doit être garanti sur l'ensemble du territoire.
Même avis, monsieur le président.
L'amendement no 1518 n'est pas adopté.
L'amendement no 2327 est adopté.
L'amendement no 2222 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Cet amendement vise à s'assurer que l'on vérifie les conditions dans lesquelles l'enfant sera accueilli lorsque la demande émane d'une femme seule. On voit bien les vulnérabilités qui peuvent exister dans ce cas – elles ont été mentionnées depuis plusieurs jours déjà.
Je vous rappelle que l'entretien avec l'équipe pluridisciplinaire doit permettre l'appréhension de la situation sociale des demandeurs. Il est donc inutile d'intégrer dans la loi un élément dont le rapporteur vient de souligner le caractère stigmatisant pour ces mamans seules. Avis défavorable.
Il ne s'agit pas de stigmatiser, mais d'identifier d'éventuelles vulnérabilités !
L'amendement no 911 n'est pas adopté.
Par cet amendement, Mme Bérangère Couillard propose une information et une sensibilisation des professionnels des équipes pluridisciplinaires à l'accueil d'une nouvelle catégorie de demandeurs. Mme Couillard souhaite que les équipes soient sensibilisées au fait que l'accueil et l'accompagnement de ces femmes ne doit donner lieu à aucune différence de traitement en fonction de leur situation matrimoniale ou de leur orientation.
Bien que partageant l'objectif qui vient d'être rappelé, je vous demande de retirer cet amendement. Il est en effet déjà satisfait par le texte, qui évoque cette absence de discrimination à plusieurs reprises, notamment à l'article 1er bis. Un amendement sera du reste défendu pour rappeler les bonnes pratiques des centres d'AMP, excluant tout risque de discrimination.
Même avis.
L'amendement no 1608 est retiré.
La question est celle de l'intérêt supérieur de l'enfant. La réponse qui a été apportée à M. Bazin montre que cette question n'est pas toujours centrale, et c'est pourquoi nous proposons que le texte de loi indique clairement que l'intérêt de l'enfant sera systématiquement pris en compte.
Je partage là encore l'objectif de votre amendement. L'ensemble du texte, de la première à la dernière ligne, est bien sûr imprégné de cette volonté de toujours mettre au premier rang l'intérêt de l'enfant. J'ajouterai même que c'est notre rôle en tant que parlementaires que de protéger les plus faibles.
Les plus forts n'ont pas besoin de la loi, les faibles en ont besoin. De fait, c'est tout ce texte qui fait de l'intérêt supérieur de l'enfant une priorité.
Même avis que le rapporteur. Cette notion d'intérêt supérieur de l'enfant irrigue effectivement l'ensemble du projet de loi. Elle est explicitement évoquée à l'article 1er, aux articles L. 2141-2 et L. 2141-10 du code de la santé publique.
En outre, l'intérêt supérieur de l'enfant est un principe de droit international, explicitement mentionné dans la Convention internationale des droits de l'enfant – dont nous célébrerons le trentième anniversaire le 20 novembre prochain. Avis défavorable.
Nous devons éviter d'élaborer une loi bavarde, mais, la répétition ayant une vertu pédagogique, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être régulièrement invoqué dans le texte. L'occasion se présentait ici de le faire, et je note que le Gouvernement ne la saisit pas.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.
Ils visent à élargir l'évaluation des deux membres du couple ou de la femme non mariée à des dimensions non strictement médicales. Le Gouvernement avait prévu à juste titre « une évaluation médicale et psychologique », et nous avons fait l'erreur d'écarter le second terme en commission. Cette mention n'était en rien stigmatisante, mais s'inscrivait dans une éthique de la vulnérabilité au bénéfice des parents, des femmes seules et des enfants. Nous devons intégrer toutes les dimensions qui caractérisent une situation. Les amendements no 907 et 906 le permettent, en introduisant une évaluation psychologique et sociale pour le premier, et une évaluation sociale pour le second. Il s'agit en quelque sorte d'amendements rédactionnels.
Sourires
Depuis hier, monsieur Bazin s'amuse avec le mot « rédactionnel », mais il ne trompe personne !
Vous êtes taquin, monsieur Bazin, mais non, ces amendements ne sont pas rédactionnels. De façon intentionnelle et concertée, la commission a voulu définir la composition de l'équipe pluridisciplinaire, en y incluant tous les acteurs concernés : médecins, infirmières, biologistes, psychologues… Nous n'entendons stigmatiser personne. Dès lors qu'un amendement introduit une évaluation sociale ou psychologique pour les mères isolées ou les couples de femmes, il laisse entendre aux intéressées qu'elles présentent une faiblesse et doivent être protégées. Or toutes sont égales et aptes à procréer, si l'indication d'AMP est retenue. L'équipe pluridisciplinaire se mobilise alors pour les soutenir et faire éclore leur projet. Je comprends votre intention, monsieur Bazin, et je sais qu'elle est louable. Je ne vous fais aucun procès d'intention, mais je m'inquiète de la façon dont la loi peut être entendue – car, plus encore que ce que nous disons, ce qui importe est ce qui est entendu.
Même avis.
L'argumentation du rapporteur tiendrait si ce type de bilan psychologique n'existait pas déjà pour d'autres situations de paternité et de maternité, notamment pour l'adoption.
L'évaluation psychologique existe déjà pour les couples hétérosexuels en parcours de PMA, et personne ne la juge stigmatisante. En la supprimant, on prend le risque de restreindre les critères sur le fondement desquels les équipes pluridisciplinaires pourront motiver un refus.
Indépendamment de leur situation – femmes seules, couples de femmes ou couples hétérosexuels – , certaines personnes ne sont pas prêtes à accueillir un enfant. Peut-être le seront-elles plus tard, si elles mènent un travail sur elles-mêmes et sur leur projet parental. Cette appréciation relève de la psychologie. Si l'évaluation psychologique ne figure plus dans le texte, sur quel argument se fonderont les équipes pour refuser un projet – au moins dans un premier temps – et recommander éventuellement une approche complémentaire par d'autres équipes pluridisciplinaires ? Devons-nous comprendre que vous ouvrez systématiquement le droit à l'enfant ?
Vos intentions sont louables, et nous avons d'ailleurs évoqué cette question précise tous ensemble en commission. Toutefois, de quoi parlons-nous ici ? S'agit-il réellement d'une évaluation psychologique, censée être dispensée par des psychologues à l'aide d'une batterie de tests aboutissant à des scores ? Ne s'agit-il pas plutôt d'entretiens psychologiques, tels qu'ils sont pratiqués, depuis que l'AMP existe, auprès des couples hétérosexuels par les membres des équipes clinico-médico-psychologiques ?
Ensemble, en commission, nous avons soutenu un amendement visant à préciser quels professionnels devaient être membres de l'équipe pluridisciplinaire et compétents pour mener des entretiens psychologiques. Au moment même où nous élargissons l'accès à la PMA à toutes les femmes, il serait particulièrement stigmatisant d'inscrire dans la loi la notion d'évaluation psychologique.
En résumé, nous partageons pleinement votre préoccupation, mais nous y répondons déjà.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
N'étant qu'un simple député, je n'ai pas l'expertise de ma collègue dans ce domaine ! J'ai simplement écouté les experts auditionnés par la commission. Des psychiatres membres d'équipes pluridisciplinaires ont signalé que les avis négatifs qu'ils pouvaient émettre à l'issue d'entretiens psychologiques n'étaient pas toujours pris en compte. Pourtant, ces entretiens ont bien pour rôle de nourrir la décision.
Monsieur le rapporteur, vous semblez vous projeter dans un monde idéal où tout va bien et où il faudrait systématiquement accompagner les demandeurs jusqu'à l'AMP. Il arrive toutefois qu'une évaluation médicale, mais aussi psychologique ou sociale, conduise à un refus. Si vous estimez que seule l'évaluation médicale doit justifier un refus d'AMP, alors que les autres conditions ne sont pas réunies dans l'intérêt de l'enfant, dites-le clairement ! Pas plus que le Gouvernement, nous n'avons l'intention de stigmatiser qui que ce soit. Soyons toutefois conscients que certains demandeurs peuvent présenter des problèmes psychologiques, et que les professionnels ont parfois des difficultés à imposer un refus d'AMP en conséquence. Nous devons les aider. La loi est aussi là pour les protéger, tout comme elle doit protéger les personnes en situation de vulnérabilité. Je ne me place pas dans la perspective où tout ira bien : il s'agit plutôt d'éviter que cela aille mal…
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mme Agnès Thill applaudit également.
J'entends bien que la procédure prévoit nécessairement un entretien avec un psychologue, madame Wonner. Mais à ce stade de notre débat, nous devons éclaircir un élément que la commission a laissé dans l'ombre : la capacité pour une équipe pluridisciplinaire de prononcer en vertu de critères les plus objectifs possibles un refus que puisse entendre et comprendre une femme seule ou un couple souhaitant recourir à une AMP. En dehors des arguments médicaux, sur quels motifs une équipe pluridisciplinaire peut-elle s'appuyer ? La réponse reste assez floue. Lorsqu'une équipe pluridisciplinaire oppose une décision négative à une personne ou à un couple, quelles sont les « voies de recours » ? Qu'advient-il si une femme seule ou un couple se rend dans un autre centre d'AMP et y recueille un avis contradictoire avec le premier ? Lequel prévaut ? Quelle certitude peut avoir une équipe pluridisciplinaire qu'une femme ou un couple chez lesquels elle a décelé un vrai problème, même temporaire, ne s'adressera pas à un autre centre qui lui donnera raison ?
Cette question n'est absolument pas anodine, et renvoie au débat que nous avons eu hier soir au sujet des violences intrafamiliales. Le Gouvernement a rejeté des amendements visant à s'assurer que les personnes demandant une AMP n'avaient pas été impliquées dans des violences de cette nature. Dans tous les cas, nous devons protéger le plus faible. Gardons-nous d'une vision systématiquement libérale – voire libertaire, pour reprendre les mots de Charles de Courson. Il en va de l'intérêt des enfants, enjeu qui ne peut être traité par décret. En tant que législateurs, nous devons nous assurer, au nom de la société, que nos enfants seront bien protégés.
Le décret qui sera pris en Conseil d'État déterminera la composition des équipes pluridisciplinaires, à savoir les professionnels et les compétences qui devront y être représentés. Aujourd'hui, au contraire, les équipes ne réunissent pas toujours les mêmes compétences partout sur le territoire.
Une fois encore, depuis le début de l'examen de ce texte, nous parlons avant toute chose du projet parental.
Le projet parental mérite en effet d'être discuté, évalué et accompagné, mais nous ne sommes pas là pour stigmatiser de futurs parents qui auraient soudainement eu le désir de recourir à une PMA. Ils s'engagent au contraire dans un parcours de longue haleine, demandant un véritable investissement. Un psychologue ou un psychiatre doit-il avoir toute puissance pour juger de leur capacité à accueillir un enfant en une seule évaluation ?
Nous souhaitons plutôt qu'une équipe de professionnels particulièrement compétents instaure une discussion de confiance autour d'un projet véritable et accompagne les demandeurs.
Dans cet accompagnement, dans ces entretiens que vous avez envie de stigmatiser en parlant d'« évaluation psychologique », il ne s'agit pas d'évaluer le QI des parents, leur degré de dépression ou de stress ; il s'agit d'un environnement qui permettra, pendant un certain temps, d'accompagner le projet parental.
Pour répondre à votre question, qui sortait d'ailleurs du cadre de cet amendement,
Exclamations sur les bancs du groupe LR
que se passe-t-il et quels sont les recours ? Si quelque chose, à un moment du parcours, ne « fonctionne » pas dans la relation avec le médecin, le couple ou la femme seule pourra aller rencontrer une autre équipe sur un autre site, bien que nous n'ignorions pas ce que cela peut représenter en termes de charge émotionnelle et de lourdeur administrative.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je peine à comprendre pourquoi vous redoutez cette notion d'évaluation psychologique. De nombreux médecins nous l'ont dit lors des auditions, la charge psychique est plus forte pour un enfant né d'une AMP, pour les parents qui recourent à une AMP. C'est une réalité psychologique, humaine ; il n'est insultant pour personne de le dire. Les professionnels le disent – vous-même en êtes une, madame Wonner, c'est pourquoi je m'étonne des précautions que vous prenez.
On a également dit que l'AMP ouverte aux femmes seules pouvait être fragilisante, aussi bien pour les mères que pour les enfants à venir. Cela a été dit par les professionnels et par un certain nombre de députés, sur tous les bancs. Le principe de précaution doit conduire à reconnaître qu'il peut y avoir danger – non que cette situation entraîne nécessairement des fragilités, mais elle constitue un facteur de risque supplémentaire. Par conséquent, il serait bon que ces risques soient examinés lors de l'évaluation pluridisciplinaire. Face à une réalité normale, d'ordre humain, vous avez parfois peur des mots.
Par ailleurs, j'avais déposé un amendement qui a été retoqué. Je l'avais rédigé après avoir entendu Mme la ministre évoquer en commission spéciale des couples qui, s'étant vu refuser l'accès à la PMA, faisaient du « tourisme » – je me permets de reprendre le mot qu'elle a utilisé. Cet amendement visait donc à créer un registre national. En l'état actuel des choses, en effet, si une équipe pluridisciplinaire considère qu'il n'est pas souhaitable qu'un couple, ou une femme seule, recoure à l'AMP, celui-ci ou celle-ci pourra continuer son tour de France jusqu'à recueillir un avis favorable.
J'imagine que l'amendement a été retoqué parce qu'il créait une charge pour l'État, mais j'aimerais que nous réfléchissions en deuxième lecture à cette question, qui me paraît importante et rejoint celle de l'utilité de la commission pluridisciplinaire.
Je tiens à préciser que je ne suis pas professionnel de santé… Vous proposez, par ces amendements, une évaluation non seulement médicale, mais aussi psychologique et sociale. Au moment où nous ouvrons la PMA aux couples de femmes et aux femmes célibataires, vous voudriez donc modifier ce qui se fait aujourd'hui pour les couples hétérosexuels ?
Je ne suis pas persuadé, cher collègue Hetzel, qu'il serait bienvenu d'expliquer à ces derniers, qui recourent à cette pratique médicale depuis plus de trente-cinq ans, que parce que l'on donne le même droit à toutes les femmes, il faudrait restreindre leurs conditions d'accès.
En effet, la modification résultant de ces amendements s'appliquerait à tous les bénéficiaires de la PMA – couples lesbiens, couples hétérosexuels et femmes célibataires. Par le passé, tout le monde a eu à coeur de réformer, en la matière, à droit constant pour les couples hétérosexuels. Nous nous y attachons de même aujourd'hui.
Je voudrais rebondir sur les propos de notre collègue Annie Genevard au sujet de la fragilité supposément plus grande des enfants issus de l'AMP – donc d'enfants déjà venus au monde dans des couples hétérosexuels. Il me semble que cette fragilité n'est pas liée au mode de conception, mais plutôt au secret que l'on fait peser sur ces enfants.
J'espère que nous aurons cette discussion en tête au moment d'aborder les articles 3 et 4, qui traitent de l'accès aux origines et de l'établissement de la filiation. Continuer à nier la nécessité, pour tous les parents, de dire à leur enfant comment il a été conçu entretient cette pression psychologique liée au non-dit. La fragilité de ces enfants ne tient pas à l'intention du couple, au projet parental, mais à ce qui s'est passé après leur naissance. Il faudra le garder à l'esprit, car il ne me semble pas qu'en commission, vous étiez tous acquis à l'idée de lever le secret pour les enfants nés par AMP de couples hétérosexuels…
Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon applaudit.
Certains sous-entendus dans les propos de M. Chiche pourraient laisser croire à des intentions homophobes de notre part.
Que les choses soient claires : nous ne sommes évidemment pas sur ce terrain…
… et je ne voudrais pas que nous puissions y glisser. Le droit en vigueur impose un entretien médical et psychologique ; le projet de loi supprime la dimension psychologique. Pourquoi la faire disparaître alors qu'elle préexistait à l'extension de la PMA, qu'elle s'appliquait justement aux couples qui peuvent déjà y avoir recours ? Ne détournez pas le débat ! La question est très simple : pourquoi supprimer dans le texte, et par conséquent dans notre législation, le mot « psychologique » ? Ce n'est pas que nous tenions à ce terme pour lui-même, mais nous considérons qu'il y va de l'intérêt supérieur de l'enfant. Manifestement, certains ne veulent pas l'entendre, et c'est pour cela que nous continuerons à nous battre.
Monsieur Hetzel, il me semblait m'être suffisamment expliquée – mais je peux le refaire pour qu'il ne subsiste aucun doute, pour assurer un accompagnement sécurisant de notre débat. Il est en effet fondamental de ne pas dévier d'un pas, d'un orteil, de l'intérêt supérieur de l'enfant. Je crois que nous sommes tous d'accord sur ce point.
De quoi parlons-nous ? Qu'est-ce qui figure, ou pas, dans ce texte ? Nous avons sécurisé l'accompagnement des parents, ou de la mère seule, puisque – je tiens à insister sur cette mesure – nous ouvrons la PMA à toutes les femmes. Quelle que soit leur situation, elles auront accès à cette équipe clinico-biologique. Au moment de ces échanges, les parents ou la mère seule recevront un guide détaillant différents éléments, et qui précisera aussi, à condition que vous adoptiez mon amendement no 2507 …
… les lieux dans lesquels pourront se rendre les parents qui auraient besoin de poursuivre ce dialogue, cette réflexion autour de l'accompagnement psychologique. C'est déjà prévu aujourd'hui, non pour tous les couples – un couple hétérosexuel sans tiers donneur n'a pas forcément besoin d'une évaluation psychologique, encore moins d'un entretien psychologique – mais pour les PMA avec tiers donneur. Depuis le début de cette semaine, nous avons ouvert la PMA à toutes les femmes…
… et c'est seulement à ce moment-là que vous voulez voir figurer dans la loi cette dimension psychologique. Il convient de ne pas le faire. Je vous encourage aussi à lire le rapport que je viens de rendre…
… sur l'accompagnement en France des personnes en souffrance psychique. Il faut sortir de la toute-puissance médicale, du tout-évaluation psychologique, et faire confiance aux professionnels qui accompagneront l'enfant, à ceux qui accompagneront les parents dans leur projet. Je ne parle pas en boucle, madame Genevard ; je pense même que nous sommes entièrement d'accord.
Est-ce que l'équipe pluridisciplinaire pourra dire « non » pour des raisons psychologiques ?
Est-ce que l'équipe pluridisciplinaire pourra dire « non » pour des raisons psychologiques ?
Si vous saviez combien ce point nous importe à tous ! L'équipe clinico-médico-psychologique fera ce travail d'accompagnement. Je le répète, nous sommes d'accord !
Je voudrais seulement recontextualiser, car la clé des propos que nous échangeons là, c'est le sens que nous donnons au mot « médical ». La culture de santé française est encore marquée par une approche assez sectorielle. Nous voulons définir les étapes qui nous paraissent nécessaires, au sein de l'évaluation, pour avoir l'approche la plus exhaustive possible et garantir le bon accueil de l'enfant à venir.
Une telle démarche s'inscrit dans une conception globale de la santé, qui recouvre un ensemble de dimensions d'ailleurs difficiles à recenser. L'OMS – Organisation mondiale de la santé – voit en celle-ci « un état de complet bien-être physique, mental et social », et cette définition paraît encore trop étroite, car la santé est une dynamique, une faculté d'adaptation, une capacité de faire face dans les situations difficiles. S'agissant de la conception d'un enfant, il est essentiel d'en tenir compte. Ce sera l'objet de mon prochain amendement.
L'amendement no 907 n'est pas adopté.
L'amendement no 906 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, pour soutenir l'amendement no 2542 .
Cet amendement tend à s'assurer que l'évaluation médicale – dont le nom même assure l'existence d'une expertise – prenne en compte une approche globale de la santé, qui intègre l'ensemble de ses dimensions, notamment sociale et psychologique.
L'équipe pluridisciplinaire dans son ensemble permettra de garantir que tous les éléments qui ont pu être échangés et croisés sont favorables à la conception d'une vie future.
La seule mention de la dimension médicale, telle qu'elle figure à l'alinéa 30, est trop limitée pour permettre de garantir le nécessaire discernement qui doit accompagner la décision de concevoir un enfant. Il me paraît très important que cette notion de santé globale sur laquelle nous nous sommes mis d'accord au niveau international – je vous renvoie à la charte d'Ottawa – apparaisse dans le processus d'évaluation.
Je demande le retrait de cet amendement qui est déjà satisfait, comme le sait parfaitement Mme Tamarelle-Verhaeghe, puisque l'activité médicale elle-même s'oriente vers l'ensemble de la santé, et pas seulement vers la seule thérapeutique. Nous en avons déjà longuement débattu ces derniers jours. L'OMS définit la santé comme un état de complet bien-être physique, mental et social, qui ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité. Cette approche globale de la santé est garantie par le médecin et l'équipe pluridisciplinaire. Il n'est donc pas nécessaire de surcharger la loi en détaillant ce qui est déjà très clairement sous-entendu dès lors qu'il y a une activité médicale.
À mes collègues de la droite, je dirai qu'il est tout à fait légitime de souhaiter que soit pris en charge l'état psychologique de tous les demandeurs, qu'ils soient des couples hétérosexuels, des couples homosexuels ou des femmes seules. C'est une demande normale dans toute activité médicale. Pourquoi vouloir y insister tout particulièrement à présent ? Le texte est calqué sur ceux qui régissent l'adoption. Que je sache, les problèmes psychologiques dans les cas d'AMP ou d'adoption ne sont pas fondamentalement différents. Il sera possible de détailler ces mesures dans les guides de bonnes pratiques, mais il n'appartient pas à la loi de définir chaque action.
Si vous me le permettez, je vous citerai Jean-Paul II, ce qui ne m'arrive que très exceptionnellement – en l'espèce, sa formule répond bien à notre situation, même dans un monde qui n'est pas parfait, monsieur Bazin : « N'ayez pas peur ».
Sourires. – Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon applaudit.
Cette notion de santé globale irrigue désormais l'ensemble de nos professionnels et la conception que nous avons de la santé, madame Tamarelle-Verhaeghe. Pour les mêmes raisons, je vous invite à retirer cet amendement qui est satisfait, faute de quoi j'y donnerai un avis défavorable.
J'aurai une autre citation, qui peut nous rendre tous humbles devant notre tâche : « L'avenir de l'humanité dépasse ceux qui s'engagent en politique ». C'est aussi très intéressant.
Monsieur le rapporteur, quand un psychiatre est d'avis de ne pas donner droit à une demande d'AMP, en sera-t-il ou non tenu compte ? Cette question fondamentale a émergé de nos auditions. Vous nous parlez toujours d'un monde rêvé où tout irait bien. Lorsque des experts expriment leur désaccord, que se passe-t-il ? Il ne s'agit plus seulement ici d'accompagnement ou de prise en charge.
Mme Agnès Thill applaudit.
J'ajouterai une précision. La formation dispensée aux médecins leur apprend désormais à appréhender la santé d'une manière globale. Notre génération – en tout cas la mienne – n'a pas cette culture. Dans ce contexte où l'approche globale, si elle est de plus en plus prégnante, n'est pas généralisée, il me semble important de sécuriser le dispositif en rappelant la nécessité de prendre en compte l'ensemble des dimensions de la santé, pour les parents mais aussi pour leur futur enfant. Ce n'est pas si évident que l'on pourrait le croire.
L'amendement no 2542 n'est pas adopté.
Sourires
Je suis saisi de plusieurs amendements identiques, nos 1519 , 1832 , 1927 , 2210 et 2341 .
Les amendements identiques no 1519 de Mme Emmanuelle Ménard, no 1832 de M. Patrick Hetzel, no 1927 de Mme Agnès Thill et no 2210 de Mme Annie Genevard sont défendus.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement no 2341 .
Ne soyons pas bavards. Le code pénal prohibe déjà ce type de discrimination, aussi cet alinéa 30 est-il inutile. Nous vous proposons par conséquent de le supprimer, ce qui permettra dans le même temps d'économiser du papier et de faire un geste écologique.
Nous ne souhaitons pas supprimer le principe de non-discrimination. J'ai répondu tout à l'heure à ceux qui souhaitaient l'inscrire une fois de plus qu'on n'allait pas le rappeler à toutes les lignes de la loi, mais il apparaît opportun de le faire figurer, ne serait-ce qu'une fois, d'autant qu'il est ici à sa place.
Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon applaudit.
Avis résolument défavorable. Nous sommes attachés à l'affirmation de ce principe de non-discrimination que nous ne voulons pas voir supprimer comme vous le proposez.
Bien évidemment, nous sommes nous aussi attachés au principe de non-discrimination, mais le rapporteur et le secrétaire d'État font ici preuve d'une grande incohérence. Lorsque nous avons proposé d'inscrire la clause de conscience des médecins à l'article 1er, on nous a répondu que ce n'était pas nécessaire, car elle figurait déjà dans le code général de la santé et que la question ne se posait donc pas.
Or, le principe de non-discrimination figure dans le code pénal et s'applique par conséquent automatiquement lui aussi. Vous arrive-t-il de temps en temps d'être cohérents ? En l'occurrence, un vrai problème se pose. Soit on rappelle systématiquement les principes, qu'il s'agisse de la non-discrimination ou de la clause de conscience pour les professionnels de santé, soit on ne le fait pour aucun.
Cette logique à géométrie variable est incompréhensible. Vous utilisez un argument quand cela vous arrange et un autre quand vous changez d'avis ! Ce n'est pas ainsi qu'il faut écrire la loi !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR – Mmes Agnès Thill et Emmanuelle Ménard applaudissent également.
J'entends parfaitement les arguments du rapporteur, même si je serais partisan d'inscrire le principe de non-discrimination dans la loi chaque fois que possible, et cela en raison des expériences qui nous sont rapportées. J'ai rencontré tout comme vous, à l'occasion des auditions, des représentants des CECOS. Je me suis penché sur les études sociologiques de Laurence Hérault, qui a fait le tour des CECOS pour comprendre leurs pratiques. L'interdiction dans la loi des pratiques discriminatoires n'y a pas mis fin sur le terrain, aussi est-il nécessaire de rappeler cet interdit à cet endroit précis du texte, afin de mettre fin aux discriminations envers les personnes transgenres et de ne pas créer de nouvelle discrimination en raison de l'orientation sexuelle. Alors que des couples de lesbiennes pourront accéder à l'AMP, il me paraît très important de maintenir cette précision, car les pratiques quotidiennes attestent de la survivance de tels cas.
J'en reviens à la proposition de Mme Genevard de créer un registre national. Cette proposition pourrait présenter un intérêt, mais gardons à l'esprit que les pratiques diffèrent largement d'un centre à l'autre. J'ai échangé la semaine dernière avec une directrice de CECOS dont je tairai le nom, mais dont les propos m'ont tétanisé. Si nous retenions cette proposition, il ne serait plus possible à une personne ayant eu la malchance de dépendre d'un CECOS dont les pratiques sont clairement discriminatoires, homophobes ou transphobes, de s'adresser à un CECOS plus bienveillant envers les couples hétérosexuels dont un membre est transgenre.
Il me paraît donc important de maintenir la mention du principe de non-discrimination pour rappeler que les discriminations ne sont plus possibles dans notre pays.
L'amendement no 1566 est retiré.
Les amendements identiques no 2125 de M. Raphaël Gérard et no 2223 de M. Jean-Louis Touraine sont rédactionnels.
L'amendement no 2232 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Louis Touraine, pour soutenir l'amendement no 2224 .
Cet amendement tend à ce que soit délivrée aux demandeurs une information sur les bénéfices et les risques liés à l'assistance médicale à la procréation. Nous l'avons répété, ce parcours n'est ni simple si sans risques. Il est important que les personnes qui donnent un consentement soient parfaitement éclairées. La commission y a donné un avis favorable.
Nous sommes attachés à la qualité de l'accompagnement proposé aux personnes engagées dans une démarche d'assistance médicale à la procréation. L'information complète quant aux différentes techniques et au taux de réussite associé est évidemment un élément incontournable d'une prise en charge de qualité. Le code de la santé publique dispose que la mise en oeuvre de l'AMP doit être précédée des entretiens avec une équipe pluridisciplinaire dont nous avons débattu ce matin afin d'informer les couples des possibilités de réussite ou d'échec des techniques d'AMP, de leurs effets secondaires, de leurs risques à court et moyen terme, ainsi que de leur pénibilité et de leurs contraintes. Les modalités de ces entretiens sont par ailleurs précisées par des dispositions réglementaires mettant en oeuvre les règles de bonnes pratiques prises par arrêté sur proposition de l'Agence de la biomédecine. Des modèles de formulaires d'information et de consentement sont également mis à disposition dans les centres pour garantir la bonne information des couples. Un certain nombre de dispositions nous semblent prévues pour garantir la qualité de cet accompagnement. Pour autant, si le rapporteur estime que le dispositif peut encore être amélioré, nous nous en remettons à la sagesse de l'Assemblée.
L'amendement no 2224 est adopté.
Les amendements identiques nos 42 de M. Xavier Breton, 364 de M. Patrick Hetzel, 826 de M. Marc Le Fur et 1636 de Mme Agnès Thill sont défendus.
Il s'agit d'un amendement de rédaction. Je propose de substituer, à l'alinéa 32, le mot « ou » à l'expression « ainsi que des dispositions prévues en cas », qui est ambiguë et pourrait laisser penser que le décès de l'un des membres du couple n'entraîne pas les mêmes conséquences que sa rupture, à savoir l'impossibilité de réaliser un transfert d'embryon. C'est une question de légistique.
Il s'agit d'un amendement de rédaction, pas d'un amendement rédactionnel !
Je ne pense pas, en effet, que cet amendement soit rédactionnel : son adoption modifierait le sens du texte. Il est d'ailleurs contraire à un autre amendement que nous avons adopté en commission. Avis défavorable.
J'essayerai d'être plus clair que M. le rapporteur, dont je partage l'analyse. Cet amendement ne semble pas purement rédactionnel et je n'en comprends pas bien l'objet. S'agit-il de revenir à une rédaction antérieure ? Dans ce cas, je tiens à préciser que l'ajout effectué en commission visait à prévoir que les couples engagés dans un parcours d'AMP seront informés des dispositions légales en cas de décès de l'un de leurs deux membres. Cela vous semblait une précision utile. Il ne me semble pas pertinent de modifier le texte que vous avez adopté en commission. Avis défavorable.
Il s'agit de préciser qu'on ne peut pas réaliser un transfert d'embryon en cas de rupture ou de décès de l'un des deux membres du couple. Je ne vois pas en quoi cela serait contradictoire avec ce que nous avons voté jusqu'à présent. Il s'agit d'une question de clarté rédactionnelle.
Nous avons adopté hier un amendement de M. Cazenove, sous-amendé par le Gouvernement, qui précise déjà que le parcours d'AMP est interrompu non seulement par le décès d'un des deux conjoints, mais aussi par le divorce, la séparation de corps, etc.
Alors il faudrait mettre le texte en adéquation avec ce qui a été voté !
Je pense que votre amendement est satisfait : si cela est déjà écrit à l'article 1er, il est inutile de le redire.
L'amendement no 2237 n'est pas adopté.
L'amendement no 2225 de M. Jean-Louis Touraine, rapporteur, est rédactionnel.
L'amendement no 2225 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement no 1523 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'alinéa 35 prévoit que le dossier-guide comporte un simple descriptif des techniques d'assistance médicale à la procréation. Cet amendement propose de préciser les taux moyens de réussite et les risques associés à chacune de ces techniques.
Les amendements nos 366 de M. Patrick Hetzel et 811 de M. Marc Le Fur sont défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
Demande de retrait. Ces amendements sont déjà satisfaits par l'alinéa 31, qui prévoit que les deux membres du couple ou la femme non mariée doivent être informés de la pénibilité et des contraintes des techniques d'AMP ainsi que des « possibilités de réussite ou d'échec ». Il n'est donc pas nécessaire de le rajouter.
Même avis, pour les mêmes raisons.
Ces deux alinéas ont des objets différents : le premier porte sur un entretien, le second sur un dossier-guide. Votre argument ne tient pas et nous maintenons cet amendement.
L'amendement no 2319 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il existe aujourd'hui plusieurs techniques naturelles de procréation – les naprotechnologies, dans le jargon médical – qui peuvent constituer une alternative à l'AMP pour les couples confrontés à un problème d'infertilité. Il serait opportun d'insérer, après l'alinéa 35, un alinéa les mentionnant, ce qui permettra aux personnes concernées de choisir les techniques les plus adaptées et surtout les moins invasives et les moins problématiques.
Les amendements nos 818 de M. Marc Le Fur et 1539 de M. Xavier Breton sont défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
Comme M. Hetzel, M. Breton et vous-même, monsieur le président, j'adore la poésie. Mais il serait difficile de faire de cette loi un inventaire à la Prévert et ce n'est pas à la loi qu'il revient de récapituler l'ensemble des techniques disponibles. Une telle description sera plus à sa place dans le guide des bonnes pratiques prévu par le texte. Avis défavorable.
À cohérence, cohérence et demie, monsieur Hetzel. Comme l'a expliqué M. le rapporteur, ce genre de précision n'a pas vocation à figurer au niveau législatif mais plutôt au niveau réglementaire, dans le guide des bonnes pratiques. Avis défavorable.
Je vous prends au mot, monsieur le secrétaire d'État : si vous vous engagez, au nom du Gouvernement, à apporter cette précision au niveau réglementaire, je suis prêt à retirer mon amendement.
Le Gouvernement s'est déjà engagé hier à réviser le guide des bonnes pratiques proposé par l'Agence de la biomédecine afin d'y inclure toutes les informations nécessaires et utiles aux couples ou aux femmes qui s'engagent dans ce processus. Je ne peux préjuger de ce qui y figurera, car ce choix ne relève pas de la compétence du Gouvernement, mais de celle des institutions compétentes.
La parole est à Mme Martine Wonner, pour soutenir l'amendement no 2326 .
Il s'agit d'un amendement rédactionnel visant à préciser, dans le guide qui sera remis aux parents, que la procédure d'accès aux origines ne pourra être enclenchée que par la personne majeure issue du don. Dans sa rédaction actuelle, l'alinéa 37 pourrait laisser croire que les parents eux-mêmes auraient accès aux données identifiantes et non identifiantes du donneur.
L'amendement no 2326 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
Il semble logique d'informer le couple de l'existence et du devenir des embryons surnuméraires et de conserver dans le dossier une preuve écrite de cette information. En effet, le droit français, à l'inverse du droit allemand par exemple, ne fait pas obstacle à la fabrication d'embryons qui, n'étant pas transférés immédiatement dans l'utérus, restent cryoconservés. Leur devenir suscite beaucoup d'interrogations et d'inquiétude pour les couples concernés et pour l'ensemble de la société.
Les amendements nos 368 de M. Patrick Hetzel et 819 de M. Marc Le Fur sont défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
Le projet de loi prévoit déjà de recontacter les couples tous les ans pour s'assurer de leur intention relativement à la conservation et au devenir des embryons. Par conséquent, chaque année, toutes ces informations leur seront réitérées. Si l'on y ajoute ce qui est indiqué à l'alinéa 35 et le contenu du guide qui sera remis aux parents, la somme d'informations concernant le nombre, les conditions de conservation et le devenir des embryons surnuméraires suffit largement à satisfaire votre amendement.
Même analyse et même avis.
La parole est à Mme Martine Wonner, pour soutenir l'amendement no 2507 .
L'enfant issu d'un parcours d'AMP va grandir dans un milieu particulièrement aimant et ses parents savent qu'il pourra, à l'âge adulte, faire parvenir à la commission idoine une demande d'accès aux données identifiantes et non identifiantes du donneur. Certains parents pourraient néanmoins, au cours de la période qui précède sa majorité, éprouver des difficultés à informer l'enfant lui-même. Je propose donc que le guide remis aux parents précise tous les lieux où parents et enfant pourraient être accompagnés afin de faciliter cette annonce qui peut constituer une zone de fragilité.
Cette demande est très louable et largement satisfaite par les alinéas 34 à 37. Comme l'a dit Mme Wonner elle-même, cela relève davantage du guide des bonnes pratiques que de la loi. Demande de retrait.
Demande de retrait, pour les mêmes raisons.
L'amendement no 2507 est retiré.
Cet amendement propose lui aussi d'inclure des informations supplémentaires dans le guide qui sera remis aux parents, car trop peu de renseignements leur sont actuellement communiqués. Il vise à les accompagner davantage dans ce parcours, du début jusqu'à la fin.
Avis défavorable aux deux amendements : il n'est pas nécessaire d'inclure ces précisions dans la loi.
Avis défavorable à ces deux amendements. Le projet de loi prévoit déjà que ces guides contiendront des informations relatives à l'accès aux données non identifiantes et à l'identité du donneur et la liste des associations et organismes susceptibles de compléter leur information sur le sujet. Ils contiendront également un rappel des dispositions législatives et réglementaires relatives à l'AMP et à l'adoption ainsi qu'un descriptif des techniques d'AMP, comme il a été dit à plusieurs reprises. Si je comprends bien votre intention, monsieur Minot, ces éléments devraient suffire à satisfaire votre amendement. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement no 2540 .
L'amendement no 2540 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement prévoit que les membres du couple ou la femme seule souhaitant réaliser une procréation avec tiers donneur soient, dès avant la naissance, incités par cette fameuse équipe pluridisciplinaire à créer les conditions qui permettront d'informer l'enfant de ce qu'il est né du don. À cette occasion, ils seraient informés des possibilités d'accompagnement gratuites dont ils peuvent bénéficier.
Comme j'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises, ce texte est un très beau texte en ce qu'il crée de nouveaux droits, mais je crois qu'il laisse encore de côté de nombreux enfants nés d'une AMP, en l'occurrence au sein de couples hétérosexuels. En effet, dans bien des cas, l'enfant n'a pas connaissance de cette situation ; comme mon collègue l'a précédemment rappelé, il pourrait présenter une certaine forme de fragilité pour avoir grandi dans ce que l'on appelle le secret des familles.
De fait, l'amendement, qui ne prévoit évidemment aucune mesure coercitive à l'endroit des parents, a pour seule motivation l'intérêt supérieur de l'enfant. Il vise à ce que l'enfant puisse savoir, à un moment donné de son évolution, qu'il est né d'un don. Aucune coercition, pas d'obligation, uniquement de l'information dans l'intérêt supérieur de l'enfant – on sait à quel point il est important qu'il puisse grandir en parfait équilibre.
L'amendement no 2509 est une forme allégée de l'amendement no 2508 .
La commission a repoussé ces amendements. Cependant, à titre personnel, je suis tout à fait sensible à cette préoccupation. Il faut que les enfants nés d'un don puissent recueillir dès que possible des informations. J'émettrai donc un avis de sagesse.
Je propose le retrait de l'amendement no 2508 au profit de l'amendement no 2509 , auquel le Gouvernement est favorable.
Je suis convaincu que nous nous préparons à des débats passionnants, riches, pleins d'émotion encore – je pense notamment aux articles 3 et 4, qui traitent de l'accès aux origines des enfants nés de tiers donneur. Pouvoir accéder à son histoire est un élément fondamental dans la construction, le développement et l'épanouissement d'un enfant. Vous souhaitez que les parents soient incités en amont à créer les conditions qui permettront d'informer l'enfant, avant sa majorité, de ce qu'il est issu d'un don. L'article 4 prévoit expressément – nous y reviendrons – que le notaire informe les parents sur les dispositions relatives à l'accès aux origines. Cette information, délivrée par un professionnel, me semble un levier utile et précieux pour appeler l'attention des futurs parents. Cela n'exclut pas une information qui aille dans le même sens, mais qui serait donnée par l'équipe pluridisciplinaire d'assistance médicale à la procréation – c'est d'ailleurs le sens de l'amendement no 2509 .
Je soutiens pleinement l'amendement no 2508 , qui pourrait ne pas être adopté – auquel cas je me rallierais à l'amendement no 2509 – mais me semble répondre plus précisément à l'objectif recherché.
Lors des auditions, nous avons pu constater à quel point, lorsque nous avons légiféré par le passé sur la PMA avec tiers donneur, nous avons privilégié le choix de coller à la vraisemblance biologique plus que l'intérêt de l'enfant à connaître son parcours.
Comme chaque fois que l'on fait avancer des droits, on réalise à quel point on peut les faire progresser pour toutes et tous – y compris pour celles et ceux à qui les droits étaient déjà ouverts. Comme je l'ai dit lors de la discussion générale, je crois que nous aurons de nouveau à légiférer pour permettre que ce ne soit pas la liberté des parents à dire ou ne pas dire qui soit privilégiée, mais bien l'accompagnement vers la révélation pour toutes et tous. Ce don, si généreux de part et d'autre, ne doit plus être vécu comme une honte ni faire l'objet d'une possible dissimulation.
Je pense que c'est bien à cet endroit, dans l'article 1er, qu'il faut l'inscrire, si nous ne voulons pas être confrontés à un blocage à l'article 4, qui traite de la filiation : ceux qui connaîtraient leur parcours pourraient accéder à leurs origines, alors que ceux à qui le secret n'aurait pas été révélé ne pourraient y avoir accès. Cet amendement est bien placé, et il faut le voter dès maintenant.
Je suis quelque peu surpris par cet amendement. Hier, alors que nous débattions de la PMA post mortem, certains de mes collègues s'interrogeaient : qui sommes-nous ?
Tout d'abord, je ne crois pas que le rôle du législateur soit de graver dans le marbre des possibilités : soit on autorise, soit on interdit ; une loi qui ne produit aucune coercition, sur le plan juridique, cela m'interroge.
Ensuite, avons-nous à nous mêler du fonctionnement des familles ? Cela me semble relativement intrusif. Si, effectivement, il existe des conséquences psychologiques, alors il ne faut pas parler de potentialité et il faut inscrire la mesure dans la loi ; si on considère que ce n'est pas le cas, je ne vois pas ce que cette mention ajoutera.
Ces amendements posent la question de l'ingérence de l'État dans la vie des familles.
Inscrire dans la loi que « les parents sont incités à anticiper et créer »... Mais de quoi vous mêlez-vous ? Ce sont des conceptions de fond qui nous opposent.
Cela me fait penser au Président de la République, qui nous dit dans un tweet : « De la grossesse aux 2 ans de votre enfant, il y a 1 000 jours. 1 000 jours déterminants. Rassurez-vous, personne ne naît parent. Mais pour que votre enfant parte bien dans la vie, je lance une commission qui va se pencher sur la manière de vous accompagner durant ces 1 000 jours. » Mais de quoi se mêle le Président de la République ? Qu'il laisse les familles tranquilles !
Ben voyons ! Arrêtons tout, dans ce cas, y compris la protection maternelle infantile, la PMI !
Je suis très heureuse d'entendre qu'il serait inutile d'inscrire dans la loi le mot « psychologique » ! Vous venez vous-même de le confirmer, monsieur Breton : une fois de plus, nous sommes d'accord, je vous remercie de l'avoir souligné !
Peut-être sommes-nous à un moment extrêmement important. Ma collègue Elsa Faucillon l'a très bien redit : nous avons tous – à la fois lors des auditions et au cours d'autres rencontres très fortes – eu à entendre et à recueillir la parole d'adultes nés de dons et qui l'ont appris très tardivement, après avoir grandi dans ce que j'appelle le secret. Nous savons bien à quel point le non-dit, ce mot auquel nous sommes tous, ici, très attachés, l'absence de mots, peut être pesante.
Il me semble que la simple incitation par l'équipe clinico-psychologique à un accompagnement pourrait faire prendre conscience aux parents qu'il faut vraiment faire fructifier cet instant, pour qu'avant ses 18 ans, l'enfant sache.
Il n'y a aucune honte à avoir. Il s'agit de donner des modalités de dialogue – et je vois à votre posture que vous approuvez totalement mes propos…
Sourires
Je vous en remercie, car il s'agit vraiment d'un moment important.
Comme le Gouvernement me l'a demandé, je vais retirer l'amendement no 2508 au profit de l'amendement no 2509 – je remercie d'ailleurs le Gouvernement de valider l'idée que tous les enfants doivent savoir, avant leur majorité, qu'ils sont nés d'un don.
Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon applaudit.
En matière de bioéthique, on nous appelle à la délicatesse. Lors des auditions – tous les membres de la commission spéciale présents ce matin peuvent en témoigner – , la question du secret de famille a été soulevée à plusieurs reprises. L'argument de la vraisemblance biologique, que les couples homosexuels ne peuvent pas soutenir devant l'enfant – toutes les femmes homosexuelles en ont témoigné – , permet en revanche à 75 % des couples hétérosexuels qui ont recours à la PMA de ne pas dire la vérité à leur enfant. Or tous les psychiatres ont été très clairs : les secrets de famille sont délétères.
Il a été fait le choix de ne pas graver dans le marbre l'automaticité des déclarations anticipées de volonté – nous y reviendrons – , qui auraient été plus violentes pour les couples hétérosexuels ayant recours à la PMA qu'un simple conseil qui aide les familles à dire la vérité à leur enfant. Je pense que nous sommes dans de la dentelle législative. Nous aurions pu faire autrement, mais cela aurait été plus violent : là, il s'agit simplement d'accompagner la levée du secret. Je crois que c'est une solution équilibrée.
Même si nous semblons partagés sur cette question, comme viennent de le montrer la défense un peu virile et l'amalgame de mon collègue Xavier Breton, je pense que, sur l'essentiel, nous sommes d'accord. Il est évident que nous devons aller dans ce sens-là ! Mais nous écrivons ici un texte de loi : au-delà de l'intention, que je partage complètement, sommes-nous vraiment prêts à écrire dans la loi que les parents « sont incités à anticiper et créer les conditions qui leur permettront d'informer l'enfant » ? Ce n'est pas très précis.
Nous sommes dans l'intention : certes, nous la partageons, mais ce n'est pas en l'écrivant que les choses vont changer. Cela rendrait la loi bavarde, et il me semble évident que nous sommes à la limite de ce que l'on peut intégrer dans un texte de loi.
M. Patrick Hetzel applaudit.
Ou alors, il faut préciser les choses, et retenir plutôt l'amendement précédent, qui fixe des contraintes. Sinon, nous restons dans une intention louable, que nous partageons tous, mais qui n'a pas à figurer dans un texte de loi.
Je ne peux que rejoindre l'intervention précédente. L'amendement reste dans le domaine de l'intention, et une disposition d'incitation n'a rien à faire dans la loi : il me semble que nous ne sommes pas là dans le bon registre.
Je rejoins également les propos de M. Xavier Breton : une telle mesure constitue une totale immixtion dans la vie privée des Français ! Depuis le début des débats, je ne cesse d'entendre le rapporteur, mais également la majorité de manière générale, nous dire qu'il faut faire confiance aux femmes, aux couples qui vont avoir recours à la PMA. Là, vous n'êtes absolument plus dans la confiance ! Vous êtes dans l'ingérence dans les affaires des Français. Vous voulez leur expliquer comment faire avec leurs enfants et à quel moment il leur faut expliquer à leurs enfants qu'ils sont nés d'une PMA.
Faites confiance aux couples qui vont avoir recours à la PMA et laissez-les gérer leur vie familiale et leur foyer comme ils l'entendent !
M. Xavier Breton applaudit.
Avant de donner la parole à Mme Genevard, j'aimerais obtenir de Mme Wonner une petite précision sur son amendement no 2509 pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté.
Chère collègue, vous écrivez : « Ils sont incités… » – On parle des médecins – « … à anticiper et créer les conditions qui leur permettront d'informer l'enfant, avant sa majorité, de ce qu'il est issu d'un don. » Il faut donc supprimer « leur » dans le second membre de la phrase, puisque ce pronom se rapporterait aux médecins et n'a plus de raison d'être.
Le reste du texte ne renvoie pas aux parents. Il me semblerait plus judicieux d'écrire : « qui permettront d'informer l'enfant. » Je vous invite à regarder cela ; nous en reparlerons tout à l'heure. Cela me semble assez évident.
M. Xavier Breton, Mme Marie-Christine Dalloz et M. Patrick Hetzel applaudissent.
Vous pouvez demander une suspension pour retravailler votre amendement !
C'est une question importante. Pendant tous les débats préalables à l'examen en séance, vous avez été animés par le souhait, et même l'obsession, d'un strict parallélisme entre les couples de femmes et les couples hétérosexuels ayant recours au don.
Obsédés par l'idée qu'il pourrait y avoir différence donc discrimination, vous souhaitez un strict parallélisme des formes. Les couples de femmes, forcément, révèlent le don. Les couples hétérosexuels ne le font pas toujours. La révélation est laissée à l'appréciation personnelle des parents.
Le professeur Frydman, que nous avons auditionné et qui est pourtant très en phase avec votre texte de loi, nous a dit : je ne suis pas favorable à ce que l'on restreigne la liberté des parents de dire ou de ne pas dire.
Je pense que vous devriez considérer attentivement cette remarque, parce qu'elle est celle d'un homme de grande expérience et de grande autorité en la matière. Il conseille de laisser la liberté aux parents. Je pense que vous devriez faire vôtre ce conseil de prudence.
Quant au docteur Levy-Soussan…
Mais, madame Wonner, c'est l'un de vos éminents confrères ! Vous avez l'air d'être accablée par le fait que nous le citions. Son avis vaut bien le vôtre !
Selon le docteur Levy-Soussan, ce qui est ravageur pour l'enfant, ce n'est pas d'être informé qu'il est issu d'un don, c'est la révélation incidente de cela, c'est quand il n'y est pas préparé.
En croisant ces deux opinions, vous devriez être beaucoup plus prudents. Pour ma part, un texte de loi qui s'immisce dans la vie des familles et dans la délibération des parents, je trouve cela un peu totalitaire, pour tout vous dire.
M. Xavier Breton et M. Patrick Hetzel applaudissent.
J'invite à la prudence, et je m'inscris totalement en faux contre l'amendement de Mme Wonner. Laissez aux parents la liberté de faire ce qu'ils estiment bon pour leur enfant !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mme Agnès Thill applaudit également.
C'est vrai que cette question de l'accès aux origines est importante et qu'elle va revenir dans le cours de nos débats. Nous avons tous pu être touchés par les témoignages de personnes qui ont appris incidemment qu'elles étaient issues d'un don et qui, par la suite, ont recherché leurs origines.
Le projet de loi prévoit une faculté pour l'enfant issu d'un don d'avoir accès à des informations identifiantes ou non identifiantes. Inscrire une forme d'obligation pour les parents d'informer, par parallélisme, cela voudrait dire, en quelque sorte, que l'on impose à l'enfant issu d'un don de rechercher ses origines. Or certains enfants ne le souhaiteront pas, y compris pour leur construction personnelle.
Je comprends l'esprit de l'amendement, mais je pense qu'il porte en lui un germe de dangerosité qui risque de nous faire glisser, au fil des débats, vers des obligations non souhaitables.
Tout d'abord, si nous imposons clairement aux parents d'informer l'enfant, comment déterminer le moment le plus propice ? Je ne pense pas que cela soit du ressort de la loi : cela dépend du ressenti des parents en fonction de la construction de l'enfant.
Ensuite, nous serions amenés à imposer à l'enfant issu d'un don de rechercher des informations identifiantes sur le donneur. Cela ne me semble pas du tout être l'esprit de ce que souhaitaient les personnes qui ont témoigné en faveur de l'accès aux origines.
En réaction aux propos de notre collègue Brindeau, je signale qu'il n'est pas question d'obligation ; il s'agit d'une simple incitation.
Nous partons d'un problème médical, la stérilité, qui a longtemps été un tabou, même si c'est de moins en moins le cas. Ce tabou crée des conditions qui vont, très souvent, amener les parents à cacher la vérité à l'enfant.
On connaît très bien l'impact négatif des secrets de famille. Il suffit de lire les travaux de Serge Tisseron et de nombreux autres ouvrages pour se rendre compte de l'impact médical négatif du secret de famille. Il est impératif d'inciter les parents à aller, en quelque sorte, au-delà du tabou de la stérilité pour informer le plus tôt possible l'enfant de ses origines.
Je voudrais soutenir cet amendement, parce que je pense qu'il est de bon sens. Dans ma vie professionnelle, j'ai pu approcher le problème des secrets de famille et des non-dits. Pour ma part, je pense qu'il est important d'écrire. Il faut écrire car, quand la personne n'est plus là, il y a beaucoup de choses qui restent en soi.
Tel qu'il est rédigé, l'amendement incite mais n'oblige pas. C'est une espèce de feuille de route, une méthode. Cela ne me choque pas que, dans la loi, on donne un axe et une façon de pratiquer. C'est bien pour toutes les familles, parce que le secret fait des dégâts terribles, souvent collatéraux. C'est bien de donner des éléments aux parents sur les méthodes pour dire la vérité.
Mme Sereine Mauborgne applaudit.
La parole est à Mme Coralie Dubost, rapporteure de la commission spéciale.
Comme l'ont indiqué plusieurs collègues, la mesure est incitative. Ma formation juridique me pousserait à vous dire : si ce n'est pas normatif, impératif, ne rendons pas la loi bavarde et ne le mettons pas.
Mais pourquoi n'est-ce pas impératif ? Précisément, madame Genevard, parce que ce n'est pas totalitaire. Vous mentez quand vous dites que c'est totalitaire. Nous sommes dans une démarche d'accompagnement, et pas seulement des parents.
Je trouve très intéressant que l'on prévoie une incitation à cet endroit de l'article 1er, et pas seulement dans l'article 3 sur l'accès aux origines, parce que nous sommes aussi dans une relation entre les parents et le personnel soignant.
Or que nous a-t-il été rapporté lors des auditions ? Que pour toutes les PMA, pendant des décennies, le personnel médical disait aux familles hétérosexuelles : surtout, ne dites rien ! N'en reparlez jamais, ni entre vous ni à vos enfants !
À une époque, le tabou a été invité par le milieu médical dans une société où l'infertilité était mal vue. À présent, cela change et nous en sommes collectivement fiers.
L'État n'organise plus le secret des familles : en commission, nous avons supprimé le secret du notaire dans le cadre de la filiation ; nous allons consacrer le droit d'accès aux origines.
Dans notre société, il n'y a plus aucune gêne à avoir en la matière. Nous ne sommes plus dans les années 1970 ou 1980, où l'on pouvait parler d'adultère sans joie à propos de la PMA. Rendez-vous compte ! Il faut assumer le changement culturel. Oui à cette incitation pour les parents, au moment où ils vont entamer ce processus d'AMP en relation avec le personnel médical. Je suis très favorable à cet amendement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Si je comprends l'intention de l'amendement, le mot « incités » me gêne. Nous sommes dans le registre législatif quand il s'agit d'informer les parents sur l'intérêt de ne pas laisser ce secret perdurer. En revanche, l'emploi du verbe « inciter » indique que l'on entend agir sur la volonté des parents. Je nous invite à la réflexion et à la prudence, parce que je ne suis pas sûre qu'il faille aller jusque-là.
Je suis d'accord pour éclairer les parents, pour leur donner les informations qui leur permettent de mesurer l'intérêt de cette démarche pour l'enfant, en les laissant libres de la faire ou pas. Or les inciter revient à agir sur leur décision.
Applaudissements plusieurs bancs du groupe LR. – Mme Agnès Thill applaudit également.
Merci pour cette intervention qui, je pense, va dans le bon sens.
Bien évidemment, personne ne va à l'encontre de l'intention de cet amendement, mais je me demande s'il n'est pas discriminant. Que fait-on avec tous les enfants nés de façon naturelle, qui n'ont pas droit à l'accès à leurs origines alors qu'ils sont bien plus nombreux ?
Statistiquement, dans cet hémicycle, nous sommes certainement une dizaine, voire une quinzaine à avoir des origines différentes de celles que nous croyons être les nôtres, en raison d'un secret de famille. Statistiquement, nous sommes une quinzaine à ne pas être issus du père auquel nous faisons référence tous les jours.
Que fait-on avec tous ces enfants ? Les laisse-t-on dans l'ignorance de leurs origines ? Légifère-t-on pour demander aux parents d'être plus précis sur leurs origines ?
L'intention est louable, mais je pense que cet amendement est discriminant.
Le problème n'est pas de savoir s'il faut, oui ou non, révéler le don. Nous sommes tous d'accord pour dire que c'est mieux de le révéler. La société a évolué et, de nos jours, nous pensons que c'est préférable.
La question est la suivante : quel est le rôle de la loi ? Doit-on écrire dans la loi qu'on incite les gens à prendre une décision concernant leur vie de famille ?
Il s'agit de la conception de la loi. Le fait même que vous ne vous posiez pas la question montre bien que vous ne comprenez pas le ras-le-bol des Français concernant l'ingérence de l'État dans leur vie, qui prend la forme de dispositions fiscales, bien sûr, mais aussi de mesures comme celle-ci.
Les Français sont assez grands pour savoir ce qu'ils doivent faire. Cela concerne les moeurs. Elles existent à côté de la loi. Ce n'est pas la loi qui va rééduquer le peuple.
Cela ne me pose aucun problème que l'on ait un message pour dire que c'est mieux de révéler le don et que l'on fasse un guide des bonnes pratiques relevant du domaine réglementaire. En revanche, nous ne devons pas légiférer, prendre une disposition sous-entendant : brave peuple, vous n'avez rien compris et on va vous rééduquer. C'est cette conception-là que nous condamnons.
Au début de nos travaux, j'ai commencé mes interventions en vous demandant d'être ouverts au doute, de ne pas avoir de certitudes absolues. Notre collègue appelle à la prudence : c'est exactement ce que nous vous demandons. Soyez prudents !
Il existe un guide des bonnes pratiques qui explique, qui incite. Pourquoi voulez-vous à tout prix le figer dans la loi ?
Durant les travaux de la commission spéciale, vous avez passé votre temps à nous dire que nos amendements étaient inutiles et que nous devions faire confiance aux professionnels de santé et aux parents. En l'occurrence, nous vous retournons le conseil : faites confiance aux parents.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR. – Mme Agnès Thill applaudit également.
Madame Wonner, peut-être voulez-vous reprendre la parole pour répondre à ma suggestion ?
Oui, monsieur le président. Je vous remercie tout particulièrement pour votre sagesse et je suis totalement d'accord pour préciser que le pronom « ils » se réfère aux membres du couple.
Pour que ce soit bien clair, je vais lire l'amendement no 2509 ainsi rectifié : « Les membres du couple sont incités à anticiper et créer les conditions qui leur permettront d'informer l'enfant, avant sa majorité, de ce qu'il est issu d'un don. »
Sommes-nous d'accord ? Je parle uniquement de la rédaction.
Je fais cela pour éviter de laisser à nos collègues sénateurs le plaisir de nous corriger.
Rires et applaudissements sur divers bancs.
Mais ils ne corrigeront pas les erreurs de syntaxe, d'orthographe et de vocabulaire.
L'amendement no 2508 est retiré.
L'amendement no 2509 rectifié est adopté.
Cet amendement vise à préciser que le délai d'un mois est bien calculé à partir du dernier entretien, qui constitue un élément objectif dans le calendrier.
Il s'agit d'un amendement rédactionnel, faisant suite aux remarques du rapporteur, que j'ai bien écoutées et entendues. Il apporte une clarification en précisant qu'il s'agit du dernier entretien permettant la réalisation de l'ensemble.
Je m'étais effectivement interrogé sur la date à partir de laquelle doit courir le délai d'un mois avant la signature du consentement. Il est vrai que la date du dernier entretien paraissait logique. Mais la réponse fournie par le Gouvernement, que nous avons interrogé sur cette question, mérite d'être entendue. Le dernier entretien ne constitue pas un repère fiable. Il arrive en effet que certaines familles émettent une demande d'information complémentaire, ce qui peut avoir pour effet un report de l'entretien et une prolongation trop longue du délai de réflexion. Il est de ce fait plus objectif de prévoir le délai de réflexion d'un mois à partir de la fin des étapes d'évaluation, d'information et de remise du dossier-guide. Muni de ces explications fournies par le Gouvernement, je vous invite à retirer ces amendements.
Même avis.
L'amendement no 908 n'est pas adopté.
L'amendement no 2350 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Les amendements identiques no 47 de M. Xavier Breton, no 370 de M. Patrick Hetzel et no 838 de M. Marc Le Fur sont défendus.
Il s'agit d'un amendement de clarification. La rédaction actuelle de l'article laisse penser qu'en cas d'avis négatif d'un premier médecin, l'avis positif d'un second médecin consulté ultérieurement permettrait de recourir tout de même à l'AMP. Or il convient d'éviter tout acharnement procréatif. La rédaction proposée par l'amendement nous semble donc plus adaptée.
Comme vous le suggérez, monsieur Bazin, faisons confiance aux familles et aux équipes pluridisciplinaires et laissons-les évaluer les situations !
Exclamations et rires sur les bancs du groupe LR
L'amendement no 909 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, pour soutenir l'amendement no 2543 .
Cet amendement propose la formalisation d'un outil d'appui et de cadrage au service des équipes pluridisciplinaires. Il vise à compléter l'article L. 2141-10 du code de la santé publique, relatif aux entretiens avec les demandeurs et à l'évaluation médicale – ainsi que de santé globale, un terme auquel je tiens – en créant un référentiel national fixant des indicateurs d'appréciation des critères d'évaluation. Même s'il existe des comités d'éthique ou encore des assistants de services sociaux à qui elles peuvent faire appel, les équipes actuelles sont assez seules lorsqu'il s'agit d'accepter ou de refuser une demande d'AMP. Certains professionnels regrettent le manque de critères objectifs permettant de justifier le refus d'une demande. Un référentiel national permettrait d'éclairer davantage ces décisions des professionnels et de les fonder sur des éléments objectivés. Il permettrait en outre de renforcer l'harmonisation des pratiques et de lutter contre une forme de vagabondage des demandes qui a été évoquée tout à l'heure.
Dans le contexte actuel d'extension de la PMA à toutes les femmes, il est d'autant plus nécessaire de revoir les critères d'évaluation. Il ne s'agit pas de contraindre les équipes, mais de leur fournir un outil d'appui et de cadrage. Rien n'étant fixé de façon définitive, cet outil serait révisé régulièrement. En tout état de cause, il renforcerait l'harmonisation des pratiques et concourrait à leur mise en oeuvre.
Il est défavorable. L'intention est certes louable, mais il y est déjà répondu par l'Agence de la biomédecine et les recommandations de bonnes pratiques. Un encadrement plus strict pourrait avoir des conséquences néfastes que ne souhaite sûrement pas Mme Tamarelle-Verhaeghe, mais qui empêcheraient le fonctionnement des centres de PMA. L'expérience de l'Agence de la biomédecine la qualifie tout à fait pour ce rôle, sans qu'il soit nécessaire de cadenasser le dispositif.
Le texte de l'article L. 2141-10 du code de la santé publique existe depuis les premières lois de bioéthique de 1994 ; depuis, il est resté inchangé. En vingt-cinq ans, aucun besoin de clarification ou de définition de critères n'est apparu. Nous ne comprenons pas en quoi l'ouverture de l'AMP aux couples de femmes ou aux femmes seules nécessite cette clarification.
Les professionnels ont toujours mené les évaluations nécessaires à la détection des demandes déraisonnables. Ces décisions de prise en charge en AMP sont prises dans le cadre pluridisciplinaire que nous évoquons depuis de nombreuses heures et dans le respect des personnes, de leur autonomie et des différents intérêts en présence. Aussi ne serait-il pas compris que de nouveaux critères fassent leur apparition aujourd'hui. C'est la raison pour laquelle, à défaut de retrait de l'amendement, l'avis du Gouvernement sera défavorable.
Il me semble que le contenu de cet amendement relève du bon sens, alors qu'au contraire, l'argumentation du rapporteur et du secrétaire d'État est assez peu convaincante. Il existe en effet des différences entre les pratiques des centres d'AMP, voire des risques de discrimination. Or c'est bien un référentiel unique et commun qui permettra aux professionnels d'objectiver leurs évaluations – puisqu'il faut bien utiliser ce terme – , contribuant ainsi à lutter contre ces discriminations. Le caractère subjectif de l'appréciation des situations doit intervenir le moins possible dans l'évaluation. Je ne vois pas de raison de s'opposer à l'instauration d'un tel référentiel.
Je crains d'avoir été mal comprise. Il ne s'agit nullement de cadenasser ou de verrouiller le dispositif face à des situations très complexes et spécifiques. Permettez-moi de revenir sur les propos de M. le secrétaire d'État. La candidate à la présidence de l'Agence de la biomédecine m'a elle-même confirmé que l'ouverture de la PMA à de nouveaux cas nécessiterait une révision des critères d'évaluation et de cadrage. J'ai rédigé cet amendement suite à l'audition des équipes des CECOS, qui soulignent elles-mêmes que les décisions diffèrent d'un centre à l'autre – ce qui induit un risque de vagabondage. Il ne s'agit pas de mettre ces équipes sous contrainte, mais au contraire de mettre à leur disposition un outil de référence qui nous oblige à clarifier les critères.
Je voudrais souligner l'extraordinaire plasticité des positions du Gouvernement et de la commission.
C'est tout de même incroyable ! Lorsque j'ai évoqué l'idée d'un répertoire national, M. le rapporteur a répondu qu'il s'agissait d'une très mauvaise idée car dans la mesure où certains CECOS ont des pratiques plus restrictives que d'autres, les familles seraient condamnées à un refus sec et sans recours. Et voilà que sur cet amendement, vous nous dites exactement l'inverse, à savoir qu'un référentiel national n'est pas nécessaire et qu'il faut faire confiance aux CECOS !
Franchement, il n'est pas possible de défendre des positions aussi contradictoires ! Je le dis solennellement, cela revient à se moquer du travail parlementaire !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La candidate à la présidence de l'Agence de la biomédecine a effectivement indiqué lors de l'audition que vous évoquez, madame Tamarelle-Verhaeghe, que les règles de bonnes pratiques seraient revues. Elles feront l'objet d'un arrêté ministériel et seront donc opposables. Cela répondra à l'intention que vous poursuivez, et que nous partageons, sans qu'il soit besoin de le faire figurer dans la loi. Le guide de bonnes pratiques qui accompagne les professionnels depuis vingt-cinq ans sera réactualisé, comme l'ont rappelé Mme la ministre ici-même et la candidate à la présidence de l'Agence de la biomédecine. Soyez donc rassurée. Je réitère ma demande de retrait.
L'amendement no 2543 n'est pas adopté.
Sourires.
L'amendement no 702 est également défendu.
Quel est l'avis de la commission sur ces quatre amendements ?
Défavorable.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à onze heures, est reprise à onze heures quinze.
L'amendement no 910 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 2404 .
L'amendement no 2404 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l'amendement no 1242 .
Le présent amendement, déposé par Philippe Vigier, est soutenu par l'ensemble du groupe. Nous proposons d'ajouter l'alinéa suivant : « Les motifs de l'accord, du report ou de refus d'une assistance médicale à la procréation sont communiqués par écrit aux patients dès lors qu'ils en font la demande auprès du centre d'assistance médicale à la procréation. » Cette précision vise à rendre plus transparentes les décisions des centres d'AMP. En cas de refus de l'équipe pluridisciplinaire, ou de décision de report, la communication justifiée des motivations évitera tout risque de contentieux. Il s'agit également d'éviter le nomadisme des patients et d'harmoniser les pratiques. Dans ces circonstances toujours un peu délicates, la motivation médicale représente un élément fondamental et il est bon que les patients en soient informés.
Il s'agit d'une décision médicale et non administrative : nous ne pouvons pas imaginer que le refus ne fasse pas l'objet d'une explication précise, faite avec tout le tact nécessaire. Un excès de formalisme administratif risquerait de perturber la tonalité du colloque singulier qui s'établit entre le médecin et les personnes concernées. Je crains par ailleurs, à l'inverse de ce que vous espérez, que l'introduction de la dimension bureaucratique risque de multiplier les contentieux. Je vous propose donc de retirer votre amendement.
Même analyse que le rapporteur et même avis.
Nous ne partageons pas cette analyse. L'amendement ayant été déposé par un collègue et étant soutenu par le groupe, je le maintiens.
L'amendement no 1242 n'est pas adopté.
Je suis saisi d'une série d'amendements, nos 76 , 1940 , 2571 , 49 , 135 , 372 , 703 , 912 , 1067 et 2576 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 76 , 1940 et 2571 d'une part, et nos 49, 135, 372, 703, 912, 1067 et 2576 d'autre part sont identiques.
Sur les amendements identiques nos 76 , 1940 et 2571 , je suis saisi par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement no 76 .
Cet amendement a été déposé par Mme Bonnivard et je retirerai deux de mes propres amendements qui viendront plus tard en discussion, les nos 912 et 916, à son profit car il m'apparaît meilleur.
Le projet de procréation d'une femme seule ou d'un couple de femmes relève d'un désir personnel, même si vous le qualifiez de projet parental – souvenez-vous du fameux amendement voté par le président Ferrand tout seul. L'assistance médicale qui leur est nécessaire n'a aucun lien avec leur état de santé, alors qu'actuellement la PMA sert à résoudre un problème médical, celui de l'infertilité. Vous êtes donc en train de changer profondément le statut de la médecine et l'utilisation des fonds publics qui lui sont consacrés. Ce n'est pas à la collectivité, par le biais de l'assurance maladie, de prendre en charge la réalisation du désir d'enfant de femmes qui ne souffrent pas d'infertilité, tout particulièrement dans un contexte qui impose des restrictions et commande de réaliser d'importantes économies.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement identique no 1940 .
Comme l'a dit M. Bazin, et Mme Bonnivard par procuration, la volonté de recourir à une PMA pour une femme seule ou un couple de femmes relève d'un désir personnel sans lien avec la volonté de résoudre un problème d'infertilité médicalement identifié. Ce n'est donc pas à la collectivité, à travers l'assurance maladie, de supporter la charge financière qu'implique le remboursement de la PMA pour des femmes qui ne souffrent pas d'infertilité.
La parole est à M. Pascal Brindeau, pour soutenir l'amendement identique no 2571 .
À partir du moment où l'on déconnecte l'acte d'AMP de questions d'ordre médical, on change de registre. Cet acte devient l'instrument du projet d'une femme ou d'un couple, hétérosexuel ou composé de deux femmes. Si solidarité nationale il doit y avoir, elle ne peut en aucun cas s'exprimer par le biais de l'assurance maladie. Le rapporteur et le Gouvernement répondront sans doute que l'assurance maladie rembourse aujourd'hui certains actes et produits qui ont peu à voir avec l'acte médical en lui-même. Cependant la PMA étendue n'a plus aucun lien, même ténu, avec la médecine, ni de façon plus générale avec la santé. Si le projet parental doit faire l'objet de la solidarité nationale, celle-ci devrait passer par une autre caisse de l'État, éventuellement celle des allocations familiales, auquel cas il faudrait veiller à assurer l'égalité avec les autres projets parentaux. Mais l'assurance maladie n'a pas vocation à soutenir une politique familiale ou nataliste, qui relève d'un autre volet de la solidarité nationale.
Nous en arrivons à la deuxième série d'amendements identiques. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l'amendement no 49 .
Le présent amendement vise à nous interroger sur notre système de protection sociale et sur ses fondements, qui font aujourd'hui l'objet d'un consensus au sein de notre société et dont il faut faire attention à ne pas les fragiliser. L'AMP est pour l'instant un acte médical visant à pallier une infertilité constatée ; le projet de loi la transforme en un acte de convenance – et non de confort, terme péjoratif – au sens où il s'agit d'une demande sociétale, tout en exigeant de voir la réalisation de ces demandes prise en charge par notre système de sécurité sociale.
Cela pourrait à la limite être envisagé dans le cadre de la branche famille, si l'on souhaitait élargir la politique familiale pour permettre à certains couples d'accéder à la filiation. Mais on fait appel à la branche maladie, alors même que des déremboursements touchent actuellement des centaines de milliers de nos concitoyens ! Dérembourser à tour de bras tout en prenant en charge des demandes purement sociétales met en cause les fondements de notre système de sécurité sociale. C'est pourquoi nous proposons de supprimer les alinéas en question de l'article 1er.
La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l'amendement no 135 .
L'amendement no 135 est retiré.
Nous arrivons à un autre aspect de ce projet de loi : étendant la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules, il en étend aussi le remboursement par notre système d'assurance sociale. La question n'est pas neutre dans la mesure où jusqu'à présent, c'était le critère d'infertilité qui justifiait la prise en charge. Pour procéder à l'extension de la PMA, le Gouvernement est obligé de rayer la référence à ce critère tout en demandant à l'assurance maladie, Xavier Breton l'a souligné, de rembourser ces actes.
Tout cela pourrait avoir du sens si l'assurance maladie était excédentaire, mais elle ne l'est pas ! Aujourd'hui, nos concitoyens et notamment les personnes âgées doivent fortement contribuer à son budget et nombre de produits font l'objet de déremboursements, dont par exemple l'homéopathie. Il y a deux poids deux mesures : les pathologies de nos concitoyens qui sont en souffrance financière ne sont visiblement pas prioritaires ; ce qui est prioritaire, c'est le désir d'enfant – et non l'intérêt supérieur de l'enfant.
C'est un vrai problème et il faut le dire clairement. Nos concitoyens doivent savoir que le budget de la sécurité sociale ne sera encore une fois pas à l'équilibre…
… et surtout qu'on est en train de franchir une nouvelle ligne rouge en balayant d'un trait de plume la raison – l'infertilité – qui justifiait jusqu'à présent la prise en charge de la PMA par l'assurance maladie. Je retire mon amendement au profit de celui de Mme Bonnivard, mieux rédigé.
L'amendement no 372 est retiré.
Les amendements identiques nos 703 de M. Marc Le Fur et 912 de M. Thibault Bazin sont défendus.
Les amendements identiques nos 1067 , de Mme Christine Dalloz, et 2576, de M. Pascal Brindeau, sont défendus.
Quel est l'avis de la commission sur cette série d'amendements ?
Ces amendements risqueraient d'introduire une rupture d'égalité entre les personnes et ouvriraient la voie à certaines discriminations. Quand je parle de rupture d'égalité, et je réponds ici à Mme Ménard, actuellement, sont prises en charge non seulement les AMP pour des couples hétérosexuels dont la stérilité a été démontrée mais aussi les AMP pour des couples qui n'ont pas procréé et dont on apprend a posteriori qu'ils ne sont pas stériles, puisqu'ils ont d'autres enfants. La situation est donc exactement la même qu'il s'agisse de couples hétérosexuels ou homosexuels et la rupture d'égalité sur ce point serait inconstitutionnelle.
Au-delà, la question de fond que vous posez, c'est si la PMA pour les couples de femmes et les femmes seules relève de la solidarité nationale. La réponse est oui. En effet, la sécurité sociale, depuis 1945, a étendu son champ d'application : elle ne rembourse pas seulement la thérapeutique, mais elle prend aussi en charge la santé de nos concitoyens.
Quand la sécurité sociale s'implique dans des actions de prévention, quand elle prend en charge des actes de chirurgie réparatrice et même, parfois, de chirurgie esthétique, quand elle rembourse l'interruption volontaire de grossesse, évidemment il ne s'agit pas d'actes thérapeutiques. Or le service médical rendu est des plus importants quand il s'agit, par exemple, d'accompagner une grossesse, de faire en sorte qu'elle se déroule sans inconvénients pour la mère comme pour l'enfant. Un des objectifs majeurs de santé, et peut-être le plus grand progrès qui se soit produit au XXe siècle, a été la diminution considérable du taux de mortalité en couches et l'amélioration de l'état de santé des nouveau-nés. Nous n'allons pas mettre ces progrès en péril en faisant en sorte que celles qui ne disposent pas des moyens appropriés soient mal suivies pendant leur grossesse et mettent au monde des enfants atteints de handicaps ! Ce serait inacceptable et même inhumain.
La santé est un champ vaste et il est heureux que la sécurité sociale puisse l'embrasser dans son ensemble. Peut-être avez-vous raison, d'ailleurs, quand vous trouvez étrange que ce soit l'assurance maladie qui prenne en charge la PMA. Je conviens avec vous qu'il nous faudra un jour remplacer le nom d'assurance maladie par celui d'assurance santé, car l'assurance maladie consacre chaque année davantage de dépenses pour prévenir des maladies que pour les traiter, et c'est bien ainsi.
Par ailleurs, quand vous vous dites choqués qu'on procède à des déremboursements en même temps qu'on décide de rembourser la PMA, je suis choqué à mon tour par votre façon de penser. Les déremboursements ne concernent jamais des maladies à bon service médical rendu : une évaluation est faite par des experts et si certaines thérapeutiques sont déremboursées, c'est parce que leur niveau d'efficacité n'est pas suffisant pour mériter la solidarité nationale, parce que le bénéfice rendu est infime. Ici, au contraire, c'est un service majeur que de prendre en charge les grossesses.
Enfin, à ceux qui avancent que l'équilibre de la sécurité sociale serait menacé, je rappelle que l'extension de la PMA coûtera au maximum 300 millions d'euros sur un budget total de 200 milliards. Ce n'est donc pas cela qui va mettre en péril la sécurité sociale.
Ces 300 millions d'euros, c'est la moitié du chèque prévu pour les urgences !
Par ailleurs, vous le savez, une grande partie de ces frais sont déjà pris en charge. En effet, les gynécologues sont conscients des nécessités de leurs patientes, et la sécurité sociale doit accompagner tous les Français : ainsi, celles qui vont en Belgique, en Espagne ou ailleurs pour réaliser une PMA voient l'assurance maladie prendre en charge tous les examens préparatoires en France, seuls restant à leur charge les gestes d'AMP effectués à l'étranger.
Bref, cette prise en charge est déjà en partie réalisée. Ce que nous demandons, c'est une prise en charge honorable, digne et égale pour tous sur le sol national.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM. Mmes George Pau-Langevin et Elsa Faucillon applaudissent également.
Après ce qu'a très bien exposé le rapporteur, je me contenterai d'insister sur quelques points. Le Gouvernement souhaite en effet un traitement égalitaire de tous les bénéficiaires de la protection sociale qui ont recours à une AMP. Le principe d'égalité devant la protection sociale, qui nous est aussi cher que celui de solidarité, constitue, je l'ai dit hier, un des piliers du modèle bioéthique français avec les principes de dignité et de liberté.
Oui, supprimer la prise en charge de l'AMP revient à prendre le risque d'empêcher les personnes les plus modestes de poursuivre un projet parental et de créer une rupture d'égalité insupportable entre nos concitoyens. Et le rapporteur l'a fort bien souligné : cela pourrait aussi conduire à un mauvais accompagnement de la grossesse, au risque de porter atteinte à la santé de l'enfant. Le Conseil d'État est d'ailleurs revenu sur cette rupture d'égalité dans son étude de 2018 sur la révision de la loi de bioéthique : « Il paraît exclu, pour des raisons juridiques, d'établir un régime différent de prise en charge au regard de la seule orientation sexuelle. » Voilà qui est de nature à invalider vos amendements.
Ensuite, non, la PMA n'est pas un acte de convenance et son extension n'est pas exclusivement une réponse à une demande de la société : il s'agit bien d'une prise en charge médicale, qui relève de la sécurité sociale. Comme l'a souligné le rapporteur, en particulier en réponse à M. Brindeau, la sécurité sociale prend de plus en plus en charge les consultations de prévention, les vaccins… bref des actes qui ne sont pas thérapeutiques.
Il ne faut pas tout mélanger, monsieur Hetzel. Nous cherchons à faire en sorte que l'action de la sécurité sociale repose sur la science, pour qu'elle soit plus efficace. Alors oui, quand un avis de la Haute autorité de santé estime que l'homéopathie, au vu du rapport entre son coût et son bénéfice, ne devrait plus être remboursée, la ministre des solidarités et de la santé suit cette recommandation. Les Français attendent en effet de nous que nous soyons plus efficaces dans l'utilisation des deniers publics.
Et oui, de la même manière, nous voulons réorienter la solidarité nationale vers la prévention. Depuis trente ans, nous mettons l'accent sur le curatif – nous soignons très bien, en France – et nous savons qu'il nous faut nous améliorer en prévention. C'est l'une des orientations prises par le Gouvernement et par l'assurance maladie.
Enfin, si le rapporteur me le permet, je souhaiterais juste préciser que les 300 millions d'euros correspondent au coût actuel de l'AMP. Le coût de son extension, lui, est estimé dans l'étude d'impact à 10 ou 15 millions d'euros.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement donne un avis défavorable à l'ensemble de ces amendements.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
En matière d'assurance maladie, il n'y a pas de discrimination quand on prend en charge ceux qui souffrent de pathologies mais pas ceux qui n'en ont pas. Nos ressources étant limitées, vous le savez, soyons justes dans leur allocation !
Je tiens à tirer la sonnette d'alarme : l'adhésion de la société à votre projet est très variable selon les territoires et vous prenez ainsi le risque de fracturer encore davantage le pays. En 2018, un sondage de l'IFOP – Institut français d'opinion publique – révélait que 93 % des Français interrogés considéraient que les pères ont un rôle essentiel pour les enfants. Or vous institutionnalisez la possibilité de faire naître ab initio des enfants sans père. La société y serait prête, selon vous… En fait, elle n'adhère pas massivement à votre projet et beaucoup se sont résignés car ils en ont marre d'être accusés à tort alors qu'ils ont un profond respect pour toute personne quelle que soit son orientation sexuelle.
De là à financer par l'assurance maladie l'institutionnalisation de la possibilité de faire naître des enfants sans père… Cela choque dans nos campagnes ! Le sentiment d'injustice sociale augmente. Cela ne passe pas. Prenez-le en considération, ne refaites pas l'erreur de l'année dernière avec l'augmentation de la taxe sur l'essence, injuste vis-à-vis des territoires. Ne commettez pas de nouveau l'erreur de rester sourds au cri légitime provoqué par une injustice, le tout dans un contexte de crise budgétaire pour la sécurité sociale – certains déremboursements par l'assurance maladie ne passent pas, vous le savez bien. Que la société ne finance pas la conception d'enfants sans père ab initio, que la société ne finance pas la production de familles monoparentales dont on sait la vulnérabilité parfois !
Vous parlez beaucoup d'égalité : n'oubliez pas que dans notre devise, il y a aussi la fraternité.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
D'abord, le régime de sécurité sociale, et singulièrement la branche maladie, a du mal à être à l'équilibre. Nous pourrions donc déjà essayer d'équilibrer les comptes pour les gens malades…
… avant de prendre en charge des actes concernant les gens bien portants et qui ne relèvent pas de la maladie.
Tout à l'heure, le rapporteur a cité le chiffre de 300 millions d'euros – l'épaisseur du trait, selon lui. Je rappelle que l'année dernière, on poussait des cocoricos parce que la branche maladie devait être excédentaire de 700 millions et que les chiffres sortis au cours de l'été sont beaucoup moins triomphants. Et puisque vous aimez Jean Paul II, sachez que 300 millions d'euros, c'est le budget du Vatican. Ce n'est donc pas tout à fait une somme anodine.
Je savais que ce chiffre vous irait droit au coeur. Mais ne vous inquiétez pas, je ne citerai pas Benoît XVI !
Sourires.
Ensuite, j'ai entendu le rapporteur nous expliquer qu'il faudrait, plutôt que de branche maladie, parler de branche santé. Attention, monsieur le rapporteur : vous connaissez, et mieux que moi, la définition de la santé par l'OMC !
Vous voulez sans doute parler de l'OMS, l'Organisation mondiale de la santé.
Pour l'Organisation, la santé est un total état de bien-être physique et mental. Si vous bâtissez donc une branche santé, cette dernière devra bien prendre en charge par exemple ce qu'on appelle le « burn out », comme y appelait une proposition de loi que nous avons retoquée il y a deux ans, comme d'autres maladies psychologiques qui ne sont pas forcément considérées comme des maladies aujourd'hui. Bref, si vous changez le périmètre, le déficit qui existe déjà s'agissant de maladies qui répondent à des critères objectifs s'aggraverait sensiblement.
Troisièmement, je ne suis pas d'accord avec vos chiffres. Un cycle de fécondation in vitro selon le Comité consultatif national d'éthique – CCNE – revient à 20 000 euros par femme. Selon certaines évaluations, un acte d'AMP coûte jusqu'à 5 000 euros, même si les estimations de l'État tournent autour de 2 000 ou 3 000 euros. Dès lors, les citoyens qui nous écoutent ont-ils envie de payer pour un acte qu'ils n'approuvent pas forcément et qui ne relève pas du domaine médical ? Quand on ramène ces chiffres à nos cotisations annuelles, on voit bien qu'ils ne sont pas anodins, sachant qu'en outre on a fait d'autres choix s'agissant de l'homéopathie.
Enfin, j'en viens à la rupture d'égalité. Puisqu'il a été question du Conseil d'État, je rappelle que selon lui la lutte contre les discriminations ne rend pas obligatoire l'extension de l'AMP. Le Conseil d'État autorise les différences de traitement à condition qu'elles soient justifiées par une différence de situation. Or en l'espèce, il y a bien une différence de situation : d'un côté, il y a une infertilité sociale, de l'autre une infertilité médicale ; d'un côté des gens qui ont un problème médical, de l'autre des gens bien portants qui n'ont aucun problème de santé.
Il n'y a donc aucun problème du point de vue de la rupture d'égalité : c'est à un choix de société que nous sommes confrontés – car il ne s'agit pas nécessairement d'un choix budgétaire, je vous rejoins sur ce point. À tout le moins, on peut considérer que ce n'est pas à la société de payer pour ce type d'acte qui relève de la volonté libre des futurs parents.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Je suis un peu effarée par ce que je viens d'entendre. Raisonner de la sorte, c'est aller à l'encontre de l'objectif même de la sécurité sociale, qui défend le principe d'une solidarité entre les habitants. En somme, si votre maladie ou votre désir ne semblent pas assez respectables, ils ne devraient pas être pris en charge par la sécurité sociale ? Mais avec ce type de raisonnement, on finit par ne pas soigner quelqu'un qui a fumé toute sa vie s'il a un cancer du poumon !
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Je pense que ce débat n'est pas digne. Le texte veut donner un droit à toutes les femmes, et certains voudraient que ce droit ne soit attribué qu'aux femmes qui ont les moyens de se le payer. Un droit censitaire, en quelque sorte ! Ce n'est pas digne de l'état de notre société.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Mme Elsa Faucillon applaudit également.
La parole est à M. Philippe Berta, rapporteur de la commission spéciale.
J'ai l'impression que nous sommes déjà en train d'examiner le projet de loi de financement de la sécurité sociale – PLFSS – et que nous nous sommes trompés d'ordre du jour. J'insiste d'abord sur le fait qu'une très grande proportion des PMA chez les couples hétérosexuels est de type idiopathique : nous n'avons rien découvert qui explique ces infertilités, aucune cause d'origine moléculaire ou autre.
La majorité de ces couples auront d'ailleurs leur deuxième enfant par voie naturelle. J'espère qu'on ne leur demandera pas un remboursement pour le premier !
Sourires.
Car peut-être certains voudraient-ils aller jusque-là…
Pour ce qui concerne le remboursement, certains font preuve de fausse naïveté. Cela a été dit : l'essentiel des études médicales préalables à la fécondation in vitro, à la PMA pour les couples est déjà pris en charge par notre système de santé. Il ne faut pas nier la réalité.
Quant à l'homéopathie, cher collègue Hetzel, je suis prêt à en parler quand vous le voudrez, dans un autre contexte. Parlons des quarante ans d'essais cliniques qui ont coûté une petite fortune à ce pays sans jamais aboutir à rien !
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je reviens sur deux arguments utilisés depuis le début des débats en commission, qui viennent d'être repris par M. Jean-Louis Touraine et, dans une certaine mesure, par M. Philippe Berta.
Le premier consiste à laisser penser que le recours aujourd'hui à l'AMP par des couples hétérosexuels est finalement de même nature que le recours à l'AMP demain par une femme seule ou par un couple de femmes, parce que, dans un cas comme dans l'autre, l'AMP est complètement dénuée de tout lien avec un état de santé.
J'utilise cette terminologie générale parce que si je parle de « pathologie », on me rétorquera que les examens moléculaires ne permettent pas de démontrer la fertilité ou l'infertilité de l'homme ou de la femme dans le couple hétérosexuel ayant recours à l'AMP. Mais enfin, chers collègues, si un couple hétérosexuel, a priori en capacité de procréer, doit recourir à un moment donné à une AMP, c'est bien qu'il y a une suspicion de problème sur l'état de santé de l'un ou de l'autre des membres du couple ou des deux ! Sans cela, ce serait un acte de pure convention et il n'y aurait aucune raison que la sécurité sociale et sa branche maladie soutiennent ces personnes.
Aujourd'hui, la sécurité sociale intervient bel et bien en se fondant sur la suspicion d'un problème de santé, critère qui n'aurait évidemment absolument aucun sens s'agissant d'une femme seule ou d'un couple de femmes. Pourquoi recourront-elles, demain, à l'AMP pour avoir un enfant ? Tout simplement parce qu'elles n'ont pas à leur disposition le gamète mâle. Et cela n'a rien à voir avec un état de santé.
Un second argument utilisé par le rapporteur Touraine me paraît assez dangereux. Il explique que l'assurance maladie prend en charge tantôt des actes ou des médicaments qui ont un effet réel sur une maladie, une pathologie, tantôt des actes préventifs ou plus généralement qui ont un effet sur l'état de santé, et que le remboursement ou déremboursement se fonde sur l'efficacité du dispositif. Mais attention : je rappelle que le processus d'AMP se solde par 16, 18 ou au maximum 20 % de réussite ! Si l'on passe l'AMP au crible des critères d'efficacité, l'on pourrait aboutir au déremboursement de toutes les AMP. Je crois que cet argument ne doit vraiment pas être utilisé…
Enfin, si le remboursement est déconnecté de l'état de santé et qu'il est considéré comme un acte de solidarité pour permettre à une personne ou à un couple d'accueillir un enfant, alors je souhaite que l'assurance maladie, la sécurité sociale, la solidarité nationale prennent en charge les frais des couples qui poursuivent une procédure d'adoption.
La question de nos priorités en matière de santé se pose à nous tous les ans, lors de l'examen du PLFSS. En l'occurrence, nous parlons de la simple extension d'un dispositif : le débat sur sa prise en charge financière n'a pas sa place dans le présent texte, mais bien dans le PLFSS.
Par ailleurs, et même si cela a été dit, j'insiste : la PMA n'a jamais soigné l'infertilité. Jamais. D'ailleurs, dans 3 à 4 % des PMA actuelles au sein de couples hétérosexuels, il y a déjà un recours à un tiers donneur. Clairement, la réponse apportée alors n'est plus seulement médicale : elle a également un caractère social.
Pour toutes ces raisons, il n'est pas possible de revenir aujourd'hui sur les conditions de prise en charge de la PMA. Évidemment, rien ne nous interdit de débattre du niveau de prise en charge, d'une manière générale et pour tous les couples, lors de l'examen du PLFSS.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Mes collègues se sont déjà largement exprimés sur le principe de la prise en charge de l'AMP pour des enfants qui seront ab initio privés de père, je n'y reviendrai pas.
Je veux seulement dire un mot de l'homéopathie, évoquée par Philippe Berta. Le déremboursement programmé de l'homéopathie interpelle de très nombreux Français. Une pétition a d'ailleurs rassemblé plus de 1,5 million de personnes.
Monsieur Berta, vous dites que l'homéopathie n'est pas efficace et qu'elle nous a fait dépenser des fortunes. Tout d'abord, nous sommes un certain nombre à avoir constaté que l'homéopathie marche, …
… même si elle ne provoque qu'un effet placebo. Après tout, l'effet placebo marche aussi pour l'allopathie ! Il s'agit donc d'un mauvais argument.
Ensuite, je pense que vous sous-estimez gravement l'impact de cette mesure dans l'opinion publique. Les Français ne peuvent pas s'empêcher d'établir des comparaisons. Elles vous semblent hors de propos, mais ils ne peuvent pas s'empêcher de comparer ce qui sera désormais pris en charge et ce qui ne le sera plus.
Je souscris bien évidemment à ce qui a été dit par mes collègues du groupe Les Républicains. J'ajoute que la prévention a toujours appartenu au champ de l'assurance maladie, heureusement ! Les vaccins empêchent les gens d'être malades ; vacciner sauve des vies.
Aujourd'hui, si vous considérez que l'assistance médicale à la procréation est en dehors du champ médical, changez-en au moins le nom, sans cela vous créerez une confusion et une rupture de solidarité. Dans le cadre du présent débat, je ne comprends pas que l'on parle d'assistance « médicale » à la procréation : il faudrait utiliser les termes « assistance sociale à la procréation » puisqu'il s'agit de gens bien portants. Personne dans cet hémicycle n'imagine une seconde qu'être célibataire ou homosexuel est une maladie !
Dès lors que nous parlons de gens bien portants qui ne souffrent pas d'infertilité, il faut faire en sorte que l'assistance médicale à procréation change de nom.
J'insiste sur la douleur que peuvent ressentir les couples qui souffrent d'infertilité, même si l'on ne parvient pas à la déceler sur le plan biologique : elle peut aussi avoir des causes psychologiques. Dans ce cas, il s'agit d'une souffrance médicale qui mérite d'être prise en charge par la solidarité nationale.
Comment peut-on imaginer aujourd'hui qu'au nom du principe de solidarité, on prenne en charge à la même hauteur une personne qui souffre d'infertilité, fût-elle psychologique, et une personne qui n'est pas malade ? Ce serait particulièrement choquant. J'aimerais bien que vous discutiez par exemple avec les médecins qui se font contrôler et réprimander quand ils inscrivent un médicament du mauvais côté de l'ordonnancier bizone. Comment leur expliquerez-vous que vous voulez rembourser des actes qui ne sont liés à aucune maladie ?
Il faut un peu de cohérence. Si vous voulez que votre loi passe quoi qu'il arrive, si vous piétinez l'idée que la prise en charge de l'AMP est fondée sur le fait que l'infertilité est considérée comme une pathologie, une difficulté face à laquelle l'assurance maladie peut aider les familles, assumez-le ! Mais de grâce, changez de dénomination et faites en sorte que la prise en charge ne soit pas à la même hauteur, ne serait-ce que par équité.
Tout d'abord, il me semble que la PMA n'a jamais permis de soigner l'infertilité.
La PMA ouverte aujourd'hui aux couples hétérosexuels permet d'accompagner celles et ceux qui souffrent d'infertilité en leur donnant accès à une technique médicale, mais elle ne permet pas de soigner l'infertilité.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Ensuite, la PMA reste bien un acte médical, exercé dans un cadre médical, accompagné, à l'issue d'une évaluation médicale sur laquelle nous sommes beaucoup revenus. Il est légitime qu'un acte médical accompagné soit remboursé.
Par ailleurs, vous êtes revenu sur l'argument de la fraternité, sur le fondement même de ce qui fait notre fraternité et notre sécurité sociale. Si nous ne devions rembourser, grâce à la sécurité sociale, que les actes sur lesquels nous portons un jugement social favorable, cela m'inquiéterait sur ce qui pourrait être déremboursé demain !
Mme Anne-Christine Lang applaudit.
Heureusement, est remboursé tout ce sur quoi nous avons légiféré, considérant qu'un acte médical méritait d'être remboursé.
Je suis désolée, mais le remboursement ne se décide pas en fonction du jugement social que l'on porte sur un acte médical. Nous considérons qu'à partir du moment où nous ouvrons la PMA à toutes les femmes, ce droit doit être effectif.
La PMA n'est pas un droit censitaire en fonction du niveau de votre revenu. La PMA c'est pour toutes, et c'est remboursé pour toutes !
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM.
À douze heures, Mme Annie Genevard remplace M. Marc Le Fur au fauteuil de la présidence.
Chers collègues, un droit ne saurait exister sans que soit garanti l'accès de toutes et tous à ce droit. Autrement, il y a rupture d'égalité et l'avantage est donné au pire des privilèges : celui qui a de l'argent peut se payer ce droit, pas celui qui n'en a pas.
Ces amendements sont donc contraires à l'intérêt général et à la volonté exprimée par le législateur, et c'est un premier argument contre le déremboursement de l'AMP.
Deuxième argument : nous avons attendu longtemps avant que la loi Veil ne soit réellement opérante pour toutes et tous. Avec la loi Roudy, certaines femmes étaient remboursées à 100 % d'une interruption volontaire de grossesse. C'est une loi de 2013 qui a poussé la logique jusqu'au bout. Évitons d'emprunter la même voie aujourd'hui en devant attendre plusieurs années avant de rétablir l'égalité. Dès lors que nous nous entendons sur l'ouverture à toutes les femmes du droit à la PMA, faisons une loi complète et réellement opérante.
Troisième thème, un peu plus complexe : de toute évidence, l'infertilité peut constituer, à certains moments, une maladie, mais le fait de ne pas pouvoir avoir d'enfant n'est pas une maladie mortelle. La PMA en l'état actuel est un droit accordé à des personnes qui, médicalement, ne peuvent pas avoir d'enfant. La PMA pour toutes répond à une logique similaire : au nom du principe d'égalité, il faut faire en sorte que toute femme, y compris en couple avec une autre femme, puisse avoir un enfant.
Dès lors, ce sont les principes républicains qui nous conduisent à rembourser la PMA pour toutes et voter contre les amendements proposés.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Il faut en revenir tout simplement à ce qu'est la sécurité sociale : sa logique universaliste veut que l'on cotise en fonction de ses moyens et que l'on perçoive en fonction de ses besoins.
De grands principes ont été évoqués, parmi lesquels la solidarité et la fraternité. Ils doivent pleinement lors de cette pratique médicale que constitue l'AMP. Chacun d'entre nous, je le rappelle, cotise pour des dispositifs dont il ne bénéficie pas. Prenons l'exemple des femmes de couples lesbiens, dont il est beaucoup question : elles cotisent, comme nous tous, pour le remboursement de la pilule contraceptive, sans en avoir pourtant besoin. Personne ne proposerait de revenir sur cette prise en charge par la sécurité sociale…
Enfin, l'une des raisons qui nous poussent à élargir l'accès à l'aide médicale à la procréation est que certaines femmes se rendent à l'étranger pour y recourir. Ce faisant, elles prennent des risques pour leur santé et pour la santé de leur futur enfant. Multiplier les voyages au Portugal, en Espagne ou aux Pays-Bas, au gré des tentatives, est périlleux pour la mère et pour l'enfant. En ouvrant à ces femmes un droit non pas formel, mais bien réel, la sécurité sociale permettra de sécuriser leur situation.
Je vous appelle donc, mes chers collègues, à voter contre ces amendements.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
J'adhère aux principaux arguments contre ces amendements qui ont été développés.
Je me réjouis de l'extension de la PMA à toutes les femmes et je souhaite que les droits y afférent soient votés. Autant je peux concevoir que certains soient opposés à l'ouverture de la PMA à toutes les femmes, autant considérer qu'elle puisse exister sans être remboursée, ce qui cause une rupture d'égalité, me choque.
Parmi les raisons pour lesquelles je suis favorable à l'extension de la PMA, même si ce n'est pas la principale, il y a le fait que des femmes se mettent aujourd'hui en danger en faisant des inséminations artisanales. Si nous avancions vers la PMA pour toutes sans remboursement, ces situations pourraient perdurer.
Quant à l'opposition que Mme Boyer établit entre les couples hétérosexuels qui ont recours à la PMA et les couples lesbiens, je la crois tout à fait infondée. Je pense que les couples hétérosexuels qui ont bénéficié de la PMA se sentent profondément redevables d'avoir pu en bénéficier. Ce droit les a rendus heureux et, je le crois, plus généreux à l'égard des autres. Ils sont certainement solidaires avec les femmes en couple et heureux qu'elles puissent aujourd'hui à leur tour accéder à la PMA.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
D'abord un point de procédure et de calendrier. Nous abordons ce matin des questions relatives à l'argent public, qui nécessitent des arbitrages entre différentes dépenses. Or il existe un moment spécifique de notre calendrier parlementaire pour en traiter : l'examen du PLFSS. La décision qui nous occupe devrait donc, pour des raisons évidentes, figurer dans le PLFSS.
Par ailleurs, nous sommes dans un moment où l'on refuse bien des choses à nos compatriotes, où on leur demande bien des efforts. Je pense à des choses simples, comme par exemple le remboursement des transports.
Cet argent considérable – 20 000 euros pour une PMA qui va à son terme – , ne pourrait-on pas le mettre ailleurs ? Et à ce propos, j'ai interrogé Mme la ministre hier sur ce point mais sans succès, quel est le montant consacré à la lutte contre l'infertilité ? Peut-être pourriez-vous m'apporter une réponse, monsieur le secrétaire d'État. Quelles dispositions financières sont-elles prévues pour un grand plan de lutte contre les différentes formes d'infertilité qui touchent les femmes et les hommes ?
Nous sommes aussi, il faut le souligner, dans un moment où l'on refuse l'homéopathie à nos compatriotes. C'est vous le premier, monsieur le secrétaire d'État, qui avez utilisé cet argument, alors allons au bout.
Non !
Je suis surpris du nombre de personnes qui viennent me voir pour me dire qu'ils sont choqués par cette mesure. L'homéopathie coûtait pourtant bien peu ! On nous dit que son coût était disproportionné par rapport à ses avantages, et qu'elle n'avait guère qu'un effet placebo.
L'effet placebo résulte de la psychologie humaine. Mais interrogez les vétérinaires ou les agriculteurs bio qui utilisent la médecine vétérinaire homéopathique : ils affirmeront tous qu'elle a un effet objectif sur l'animal !
Pardonnez-moi, mon cher collègue, vous êtes certainement très savant, mais pas vétérinaire !
Sourires.
En tout état de cause, le sujet de fond est qu'il faut distinguer la maladie du désir. Qu'il soit légitime ou non, chacun en jugera selon sa conscience, le désir est le fait d'un individu ou d'un couple. Il n'y a donc pas de raison qu'une quelconque solidarité nationale ne se manifeste. La maladie, en revanche, exige la solidarité, plus aujourd'hui qu'hier, et plus demain qu'aujourd'hui. Dès qu'il y a maladie ou suspicion de maladie, il faut un accompagnement résultant de la solidarité.
Pour toutes ces raisons, je pense qu'il est préférable de reporter la décision au débat sur le PLFSS, qui est imminent.
MM. Hetzel et Bazin applaudissent.
Ceux qui se sont exprimés contre les amendements nous disent qu'ils causeraient une injustice. C'est exactement l'inverse en réalité : l'injustice, c'est l'extension.
On est en train de nier l'existence d'une finitude. Revenons-en à l'essentiel : deux femmes ne peuvent pas procréer. C'est une réalité biologique. Dès lors que l'on tente de gommer cette réalité, il est logique, pour ne pas créer d'injustice, de faire prendre en charge la PMA pour les couples de femmes par la solidarité nationale. Mais la question de fond, philosophique, est que nous n'acceptons plus la finitude.
L'injustice, en vérité, est de passer outre ce qui devrait s'imposer à nous. Le fait même que nous ne l'acceptions pas nous entraîne dans des débats étonnants. Certains jouent les démiurges, comme si la dimension biologique pouvait être gommée.
Voilà pourquoi vous ne pouvez pas dire que nos amendements sont injustes. C'est votre approche qui doit être questionnée. Les véritables questions éthiques, vous tentez de les esquiver.
J'ai été surprise par l'un de vos arguments, monsieur le rapporteur. Vous avez dit qu'il n'y avait rien de choquant à ce que les médicaments ou les soins qui ne fonctionnent pas bien ne soient pas remboursés. Or, précisément, on ne cesse de rappeler, à juste titre, que le recours à la PMA est un parcours du combattant. C'est compliqué, c'est difficile et le taux de réussite est très bas : le taux généralement admis est de 12 %, parfois un peu plus. Selon votre logique, qui n'est pas la mienne, la PMA devrait donc être totalement déremboursée.
En outre, et bien que la majorité n'ait que peu de considération pour son avis, je ne peux m'empêcher de citer l'Académie nationale de médecine, qui estime que « le financement de ce choix sociétal personnel par l'assurance maladie n'est pas cohérent avec les missions qui lui sont assignées. » Il est vrai que ce n'est que l'Académie nationale de médecine…
Les propos de M. Hetzel sont intéressants, mais très philosophiques. On peut effectivement s'interroger sur la finitude, mais je préfère m'attacher à la réalité du quotidien des femmes en couple homosexuel et des femmes seules qui, aujourd'hui, pour mener leur projet parental, sont contraintes soit d'aller à l'étranger, ce qui suppose des moyens – d'où une discrimination par l'argent – soit d'avoir des relations sexuelles avec un homme, puisqu'en effet des gamètes sont nécessaires – revoilà l'idée de finitude ! Je ne sais pas comment vous qualifiez une relation sexuelle non désirée. Pour moi, il s'agit d'un viol.
Comment pouvez-vous justifier, par ailleurs, que des femmes, lesbiennes ou seules, pour mener à bien leur projet d'enfant, aient aujourd'hui recours à des réseaux plus ou moins corrects pour se fournir en gamètes masculins, avec tous les risques sanitaires que cela suppose et qui ont été identifiés ?
Pour ces différentes raisons, je crois nécessaire d'accompagner ces femmes et de sécuriser leur parcours.
Je m'interroge, enfin, sur votre vision de la grossesse. Il ne me semble pas que ce soit une maladie, et pourtant elle est prise en charge par le système médical et la solidarité nationale.
Nous sommes donc tous d'accord : la grossesse n'est pas une maladie.
Il est sans doute intéressant de s'interroger sur la finitude, mais il me paraît plus important de reconnaître la réalité des situations vécues par les femmes au quotidien.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 56
Nombre de suffrages exprimés 54
Majorité absolue 28
Pour l'adoption 11
Contre 43
Je le retire, comme je retirerai le no 913, au profit de mon amendement no 1839 . Celui-ci m'a été inspiré, il me faut bien vous avouer qui fut ma muse, par Mme Buzyn.
On lui dira !
Sourires.
Il s'agit, à la lumière des propos tenus par la ministre en commission, d'apporter une clarification rédactionnelle quant à la prise en charge du traitement de l'infertilité. Comme elle l'a dit, le texte que nous examinons n'a pas pour objet de modifier les règles actuelles de prise en charge de ce traitement. Il convient donc que la rédaction soit ajustée pour ne laisser place à aucune équivoque sur ce point.
L'amendement no 916 est retiré.
Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 2157 , 2239 , 1839 , 50 , 373 et 913 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 50 , 373 et 913 sont identiques.
L'amendement no 2157 de Mme Blandine Brocard est défendu.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement no 2239 .
Vous gardez la parole, monsieur Bazin, pour soutenir l'amendement no 1839 .
L'amendement no 913 est retiré.
Défavorable à tous les amendements sauf le no 1839, pour lequel l'avis est favorable.
La commission est donc défavorable aux amendements qui tendent d'une part à revenir sur la prise en charge par la sécurité sociale de l'AMP pour toutes et, d'autre part, à jeter le doute sur l'opportunité de la prise en charge du diagnostic et du traitement de la stérilité.
J'aimerais rappeler la noble philosophie qui a présidé à l'instauration, en octobre 1945, de notre système de solidarité nationale, préparé par le Conseil national de la Résistance : chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins. C'est exactement de cela qu'il s'agit ici : si un couple, à un moment donné, a besoin de traiter une stérilité, le traitement sera pris en charge ; si le même couple a besoin d'une AMP pour compenser une impossibilité de procréer, elle sera également prise en charge. C'est la déclinaison de la même philosophie initiale, qui doit nous conduire ensemble, de façon solidaire, à accepter que soient pris en charge et le traitement et la compensation de l'infertilité, quelle qu'en soit la cause.
Je voudrais également répondre au sujet de l'avis de l'Académie nationale de médecine. C'est l'un des avis qui a été émis, et il est tout à fait respectable ; face à lui, on trouve celui du Conseil d'État, qui nous enjoint d'assurer la prise en charge du dispositif par la sécurité sociale, de même que le Comité consultatif national d'éthique et tous les autres organismes que nous avons consultés.
J'aimerais ensuite clarifier un point : actuellement, la prise en charge de l'AMP représente 300 millions d'euros. Celle de l'AMP pour toutes représente 15 millions supplémentaires.
Plutôt 15 millions, puisque les traitements préparatoires suivis par les femmes qui entreprennent une AMP sont déjà pris en charge. Ne reste que le coût de l'opération d'AMP proprement dite, celle que certaines allaient jusqu'à présent obtenir à l'étranger. Ce coût additionnel est bien de 15 millions d'euros.
Nous voulons tous être solidaires, et je ne mets pas en cause votre bonne volonté, mes chers collègues ; mais, je le répète, il faut prendre conscience du fait qu'il existe un continuum entre la prise en charge du traitement de la stérilité et celle de sa compensation par l'AMP – pour toutes.
Enfin, Mme Boyer, qui n'est plus là, a invoqué la nécessité d'interroger les médecins ; mais c'est ce que nous avons fait tout au long des auditions ! Je vous rappelle ce que nous ont dit aussi bien le professeur Frydman que le professeur Nisand, et beaucoup d'autres que nous avons entendus : non seulement ils nous encouragent à garantir cette prise en charge globale – de toutes ces AMP, pour toutes les femmes – , mais ils ont déjà commencé d'anticiper ! La solidarité dont je parlais implique ainsi les professionnels.
Je conclurai en disant, s'ils me permettent cette petite taquinerie, à Mme Genevard et à M. Le Fur, qui défendent l'homéopathie – et c'est leur droit le plus strict – , qu'un spermatozoïde vraiment très dilué ne sera pas très efficace…
Sourires.
Ma position au perchoir m'empêche de vous répondre, monsieur le rapporteur, mais j'en aurais bien envie…
Sourires.
Même avis, pour les mêmes raisons – sauf peut-être la dernière…
Sourires.
Défavorable à tous les amendements, donc, sauf au no 1839 de M. Bazin. Monsieur le député, je transmettrai votre bon souvenir à Mme la ministre et je vous rassure : vous devriez la retrouver au banc du Gouvernement dès cet après-midi !
Je souhaite, à sa demande, apporter quelques précisions sur ce que couvre aujourd'hui la prise en charge par l'assurance maladie et ce qu'elle couvrira demain ; vous aviez eu en commission, je crois, des échanges avec elle à ce sujet.
Il s'agit du diagnostic et du traitement de la fertilité – c'est-à-dire des traitements curatifs de pathologies pouvant être à l'origine d'une infertilité, comme par exemple la reperméabilisation d'une trompe – et, dans le cadre de l'AMP, des traitements de stimulation et des actes de prélèvements de gamètes, d'insémination et de fécondation in vitro. Je vous rappelle également que, pour chaque patient, les actes pris en charge sont déterminés sur décision de la caisse d'assurance maladie, à partir du protocole de soins établi par le médecin et après avis du service du contrôle médical.
Votre amendement apporte une clarification rédactionnelle souhaitable pour bien comprendre ce que le droit prévoit en matière de prise en charge de l'assurance maladie, d'où cet avis favorable.
En raison du temps législatif programmé, je dirai simplement qu'il est défendu.
La parole est à Mme Brigitte Kuster, pour soutenir l'amendement no 813 .
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 1454 .
En raison du temps législatif programmé, nous sommes obligés de ne dire que « défendu », mais ce n'est pas parce que nous n'avons pas le temps de défendre nos amendements qu'il faut se contenter de nous répondre « avis défavorable » ! Vous avez choisi la procédure de temps programmé.
Protestations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Cette procédure empêche d'aller au fond des choses. À propos d'un sujet aussi important que la bioéthique, nous sommes donc obligés de compter notre temps. Nos amendements n'en sont pas moins défendus, c'est-à-dire qu'ils conservent toute leur pertinence. Prenez donc le temps d'y répondre. Ce n'est pas parce que vous avez muselé les députés
Mêmes mouvements
en les empêchant de défendre leurs amendements, comme on le verra à partir de la semaine prochaine, qu'il faut vous dispenser de répondre !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
L'amendement no 1568 de Mme Agnès Thill est défendu.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?
Défavorable. Si je n'ai rien dit de plus pour les amendements précédents, c'est que, comme ceux-ci, ils redisent des arguments auxquels nous avons déjà répondu. Pour éviter d'être redondant, je me suis abstenu de répéter que nous avons choisi une prise en charge globale et totale du dispositif par la sécurité sociale.
Je peux comprendre que ceux qui sont défavorables à l'extension de l'AMP pour toutes souhaiteraient au moins qu'elle ne soit pas remboursée, mais je suppose que même eux ne veulent pas créer une disparité de traitement selon les ressources des femmes concernées. Il y a donc deux raisons pour ne pas accepter ces amendements identiques : la première, c'est parce que nous avons décidé l'AMP pour toutes ; la seconde, c'est qu'à partir du moment où celle-ci existe, on ne peut pas introduire une différenciation fondée sur l'argent.
Avis défavorable. Monsieur Breton, nous ne muselons aucunement le débat. Vous savez très bien que ce n'est pas le Gouvernement qui détermine les conditions du débat dans cet hémicycle. Le choix du temps programmé a été fait à l'unanimité en conférence des présidents.
Retournez-vous vers le président Jacob si ces modalités ne vous conviennent pas !
Dans la ligne de ce que vient de dire le rapporteur, je comprends que les opposants au texte essaient, par différents truchements, de remettre en cause un certain nombre de dispositions, y compris une disposition centrale, et c'est évidemment tout à fait leur droit. Les seuls amendements sur lesquels je me permets de ne pas répondre sur le fond sont généralement des amendements qui ont déjà donné lieu à de longues discussions depuis le début de l'examen de ce texte. Nous avons déjà passé des heures et des heures sur les grandes dispositions de ce texte, et c'est bien normal – discussions d'une grande qualité d'ailleurs. En toute sincérité soyez-en convaincu, je ne pense donc pas nécessaire d'y revenir à chaque fois.
Mme Martine Wonner applaudit.
Une simple précision, Monsieur le secrétaire d'État : à la conférence des présidents, aucun vote ne détermine une majorité ou une unanimité sur le mode d'examen des textes.
C'était juste une petite précision qui n'avait pas vocation à faire débat.
La parole est à M. Guillaume Chiche.
Chers collègues Les Républicains, n'y voyez pas malice, mais je tiens à vous rappeler que votre groupe est celui qui bénéficie du plus grand temps de parole,
Exclamations sur les bancs du groupe LR
soit onze heures et quarante-cinq minutes au total, davantage que celui de notre groupe, La République en marche.
Vous avez tout le temps de présenter vos amendements et nous prenons tout le temps nécessaire pour y répondre.
La parole est à M. Yannick Favennec Becot, pour soutenir l'amendement no 1245 .
L'ouverture de l'assistance médicale à la procréation aura des conséquences tant financières que sociologiques ou même médicales. Aussi, il paraît opportun d'essayer de mesurer l'impact de cette loi dans les centres d'assistance médicale à la procréation, au sein de chaque territoire. Cela permettra d'avoir une vision précise de la situation année après année, qu'il s'agisse de l'évolution des demandes ou du traitement qui leur est réservé. On pourra ainsi concrètement savoir quel est le nombre d'abandon des demandes, de refus, de report et d'accord des équipes clinicobiologiques pluridisciplinaires, et pas seulement le nombre d'actes pratiqués comme c'est le cas aujourd'hui.
Nous demandons donc des rapports annuels, dont l'intérêt serait de favoriser une plus grande équité territoriale car aujourd'hui, les pratiques des centres varient trop d'un territoire à un autre.
En outre, l'absence de suivi des demandes empêche une étude approfondie et ne contribue pas, de ce fait, à améliorer nos techniques ni à comprendre pourquoi notre pays ne progresse pas en matière d'aide médicale à la procréation. La création d'un fichier national issu des rapports des centres contribuerait à harmoniser leurs pratiques mais aussi à améliorer nos connaissances, notamment pour lutter contre l'infertilité.
Tout à fait d'accord avec cet objectif, mais l'amendement est satisfait puisque chaque année, l'Agence de la biomédecine compulse l'ensemble des données que vous évoquez, mon cher collègue, et qu'elles sont accessibles. Vous pouvez les recevoir si vous les demandez. Je vous invite à retirer l'amendement.
L'amendement est déjà satisfait par l'article L. 2142-2 du code de la santé publique. À défaut de retrait, l'avis serait défavorable.
L'amendement no 1245 est retiré.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 2410 .
Il est satisfait par l'alinéa 47 de l'article 1er, qui résulte d'ailleurs d'un amendement adopté en commission. L'Institut de recherche et documentation en économie de la santé remettra une étude sur l'extension de l'AMP. Je signale au passage que des crédits nécessaires seraient nécessaires à cet effet. Avis défavorable.
L'amendement no 2410 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Sur l'article 1er, je suis saisie par le groupe La République en marche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, pour soutenir l'amendement no 2544 .
Il s'agit d'un amendement de précision. La commission ayant décidé qu'un rapport d'évaluation portant sur l'ensemble des dispositions de l'article 1er serait remis au Parlement en 2025, il est proposé que ce soit « avant le 31 décembre ».
L'amendement adopté en commission prévoyait que le rapport devait être remis au plus tard en 2025. Le présent amendement précise que ce sera avant le 31 décembre 2025 : avis favorable.
L'amendement no 2544 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Du fait de l'impact des dispositions de ce projet de loi, en particulier de cet article, et de l'augmentation de la demande de gamètes de tiers donneurs qui va s'ensuivre, il conviendrait d'avancer la remise du rapport à 2023 plutôt que 2025, de manière à pouvoir éventuellement corriger le tir – si je puis me permettre cette expression.
Sourires.
Nous souhaitons rester dans le domaine du réalisable. La promulgation de la loi en 2020, suivie des délais nécessaires pour la rédaction des décrets d'application, des éventuels guides de bonnes pratiques et de diverses autres mesures, ne permet sûrement pas une évaluation dès 2021, comme le propose l'amendement de Mme Genevard. En 2023, il ne pourrait s'agir que d'un pré-rapport. Ne vaut-il pas mieux disposer d'une vraie évaluation, à partir de plusieurs années complètes ? Cela permettrait de procéder aux corrections éventuelles – et il y en aura sûrement – en toute connaissance de cause. Je propose donc d'en rester à l'échéance de 2025.
Même avis.
Le coût potentiel de l'AMP élargie est débattu. Je propose donc ici de compléter l'alinéa 47 en prévoyant que l'évaluation prévue pour 2025 comprend aussi l'impact budgétaire de cette extension, sachant qu'on est incapable aujourd'hui d'évaluer le nombre de femmes seules qui demanderont demain une AMP et qu'il y aura peut-être davantage de FIV par rapport aux inséminations puisque le texte supprime l'interdiction du double don de gamètes.
L'amendement no 1638 de Mme Agnès Thill est défendu.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?
Avis défavorable parce que la rédaction actuelle satisfait ces amendements, y compris les arguments développés par M. Bazin. En effet, l'évaluation comprend bien sûr les actes médicaux et leurs modalités, mais aussi une évaluation budgétaire. Il n'est pas la peine de le préciser.
Même avis.
Il est tout de même important de s'attarder sur la dimension budgétaire de ces dispositions : c'est un des points sur lesquels l'étude d'impact est manifestement un peu courte, s'agissant notamment de l'extension de l'assistance médicale à la procréation aux couples homme-femme en dehors du critère de l'infertilité.
On voit bien que cette extension a été rajoutée au dernier moment : autant il y a une demande sociétale concernant les couples de femmes et les femmes seules, autant l'extension à tous les couples homme-femme sans nécessité d'un motif médical nous interroge. Je me rappelle fort bien que dans le cadre de la mission d'information, quand était évoquée la levée du critère de l'infertilité, le président du Comité consultatif national d'éthique nous disait lui-même qu'il ne fallait pas lever ce critère pour les couples homme-femme. Il a tout de même été supprimé, mais on ne dispose d'aucune étude d'impact, notamment budgétaire, d'où l'intérêt de l'amendement de M. Bazin, qui permettrait d'y voir clair. Pour le bon travail législatif, et pour le suivi ultérieur du texte, il est important d'insister sur son aspect budgétaire. C'est pourquoi il faut absolument voter cet amendement.
J'ai du mal à comprendre pourquoi les intervenants Les Républicains remettent en question la prise en charge par la sécurité sociale. Vous avez toujours défendu, mes chers collègues, et à raison, une politique familiale volontariste, et donc une aide apportée aux familles à travers la prise en charge de divers coûts liés aux enfants. Sur ce point, nous sommes tout à fait d'accord. Or, le présent texte, c'est des enfants en plus, voire un taux de natalité en hausse ! C'est pourquoi nous devrions tous être fiers d'avoir dans notre pays un système de solidarité qui permet la prise en charge de la PMA.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 75
Nombre de suffrages exprimés 72
Majorité absolue 37
Pour l'adoption 55
Contre 17
L'article 1er, amendé, est adopté.
Les députés des groupes LaREM et FI, ainsi que Mme Elsa Faucillon, se lèvent et applaudissent longuement. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Nous en venons à plusieurs amendements portant article additionnel après l'article 1er.
Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 1191 , 805 et 1815 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 805 et 1815 sont identiques.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement no 1191 .
Un peu de retenue, mes chers collègues : nous n'en sommes qu'à l'article 1er, et le texte en compte trente-deux !
Sourires.
Mais je comprends votre joie, qui est à la hauteur de mes inquiétudes… L'amendement est défendu, madame la présidente.
Il vise à préciser dans la loi que les bénéficiaires de l'AME – aide médicale de l'État – ne pourront pas bénéficier d'une prise en charge de la PMA.
Je rassure M. Bazin, qui nourrit de fortes inquiétudes, ainsi que Mme Ménard. La ministre Agnès Buzyn avait déjà assuré, en commission spéciale, que le panier de soins proposé au titre de l'AME n'incluait pas les actes liés à la PMA. J'ai moi-même effectué des vérifications : l'article L. 251-2 du code de l'action sociale et des familles égrène une liste positive des frais faisant l'objet d'une prise en charge au titre de l'AME, qui ne contient pas la réalisation de l'aide médicale à la procréation. Votre demande est donc satisfaite, avis défavorable.
Même avis, pour les raisons exposées par le rapporteur.
Étant soumis au temps programmé, je n'ai pas souhaité étendre la discussion. Cet amendement est toutefois différent de celui qui a été présenté en commission, puisque j'ai pris en compte les remarques qui avaient été formulées par la ministre. Un décret a effectivement, en 2011, exclu l'AMP des soins proposés aux bénéficiaires de l'AME, car un rapport de l'inspection générale des finances avait pointé le fait que des bénéficiaires de l'AME avaient pu voir leur AMP prise en charge.
La prise en charge de l'AMP par l'AME est donc possible si un décret le prévoit. Il convient donc, monsieur le secrétaire d'État, d'interdire cette prise en charge dans l'article L. 251-2 du code de l'action sociale et des familles, sans quoi vos successeurs pourraient la réintégrer par décret. Il y va de notre rôle de législateurs : si nous sommes tous d'accord sur le fait que l'AMP ne doit pas faire partie du panier de soins pris en charge par l'AME, précisons-le. Ce qu'un décret a fait, un autre décret peut tout aussi bien le défaire, sauf si on l'inscrit dans la loi.
L'amendement no 1191 n'est pas adopté.
Aucune étude scientifique sérieuse n'a mis en évidence un risque accru, à court ou à long terme, de maladies liées à une AMP. Certaines compagnies d'assurance insèrent pourtant systématiquement dans leur contrat, et notamment dans leur contrat d'assurance emprunteur pour un achat immobilier, une exclusion de garantie dans la prise en charge de l'incapacité temporaire ou permanente de travail frappant les affections liées à une AMP, dès lors qu'une femme déclare y avoir recouru par le passé – même dix ans plus tôt.
Dans le cadre d'un élargissement de l'accès à l'AMP, cette discrimination est susceptible de faire courir un grand danger de précarisation aux femmes, particulièrement les femmes seules, désireuses d'acheter un logement, dans la mesure où l'assurance pourra imputer un cancer du sein ou toute autre affection susceptible d'avoir des causes hormonales au recours, même ancien, à l'AMP.
L'arrêt maladie n'étant pas pris en charge par l'assurance, les familles dont les membres du couple sont co-emprunteurs et les femmes seules risquent de ne plus pouvoir rembourser leur emprunt et ainsi, dans les cas les plus extrêmes, de se retrouver à la rue au moment où une maladie les frappe, alors même qu'aucun lien avec l'AMP n'est démontrable.
Les amendements no 1709 et 1720 visent donc à faire en sorte qu'aucun contrat d'assurance ne puisse exclure les affections résultant d'une AMP du champ de la garantie.
La question soulevée est très pertinente, même si elle se situe à la frontière de la bioéthique. Ce sujet est connu de tous les professionnels de santé confrontés à des patients qui se trouvent mis en difficulté par leur régime assurantiel. J'ai eu à connaître de cette situation pendant une longue période, au début de l'épidémie du SIDA et dans d'autres pathologies. Elle soulevait, à chaque fois, des préoccupations particulières et des drames personnels.
L'on rêverait d'un modèle assurantiel aussi généreux que la sécurité sociale, permettant à chacun d'être pris en charge sans contraintes insupportables pour certains ou prestations médiocres pour d'autres. L'intention qui sous-tend ces amendements est donc très louable.
La réponse, toutefois, peut-elle être apportée dans le cadre d'une loi de bioéthique ? Je n'en suis pas certain. La ministre Agnès Buzyn avait indiqué en commission qu'il convenait de trouver une résolution dans le cadre de la convention AERAS – s'Assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé. La meilleure des réponses pourra probablement être apportée dans ce cadre, si tant est que nous parvenions à l'obtenir. Le système actuel garantit en effet la liberté des différents modes d'assurance. On peut regretter de ne pas disposer de leviers permettant d'exiger davantage de justice sociale, mais je ne suis pas certain que la loi nous permette de peser efficacement en ce sens.
Je suis donc partagé et émettrai un avis de sagesse, tout en soulignant que la meilleure solution consiste probablement à adopter la voie conventionnelle.
Je vous prie de m'excuser par avance d'avancer des éléments techniques pour répondre à des situations individuelles et humaines souvent difficiles. Notre rôle, toutefois, consiste à apporter des réponses concrètes aux difficultés rencontrées par les personnes. Le rapporteur l'a très bien rappelé. Comme lui, je ne suis pas certain que la loi et les amendements que vous défendez constituent nécessairement les meilleurs vecteurs.
Deux obstacles majeurs s'opposent à un avis favorable du Gouvernement.
Sur le fond, ces deux amendements ne nous semblent pas opérationnels : ils ne permettront pas d'améliorer la vie des femmes ayant recours à une PMA. L'amendement no 1709 vise à interdire les exclusions de garantie pour les affections résultant d'une PMA ou d'une grossesse pathologique ou précieuse, mais n'interdit pas les surprimes. Il n'empêcherait donc pas un assureur de faire payer une surprime importante, susceptible d'exclure les femmes souscrivant un contrat de santé, de prévoyance, ou d'assurance emprunteur après avoir eu recours à une AMP.
Sur le principe, ensuite, cet amendement semble de nature à fragiliser l'ensemble du dispositif conventionnel AERAS. La commission de suivi et de propositions de l'AERAS a été consultée sur cette proposition, comme la ministre l'avait annoncé en commission spéciale. Il résulte de son analyse que l'état de la littérature académique ne permet pas d'affirmer ou d'infirmer que le recours à la PMA n'induit aucune aggravation postérieure de l'état de santé : si, comme vous le notiez dans votre propos liminaire, madame Vanceunebrock-Mialon, rien ne tend à prouver une potentielle aggravation de l'état de santé, l'inverse est également vrai. La commission de suivi et de propositions de l'AERAS juge donc nécessaire de conduire des études scientifiques plus poussées sur cette question, et s'estime compétente pour le faire.
C'est dans ce cadre conventionnel que nous proposons de poursuivre la réflexion, qui renvoie à des difficultés réelles rencontrées par certaines personnes. À ce stade, l'interdiction des exclusions de garantie par la loi pour certaines situations de santé créerait un précédent inopportun, qui pourrait fragiliser l'ensemble du dispositif AERAS, lequel, vous le savez, ne concerne pas uniquement les femmes ayant recours à l'AMP, mais également d'autres cas de figure.
Enfin, une dernière remarque d'ordre rédactionnel ou technique : votre amendement tend à modifier un article L. 117-7 du code des assurances qui n'existe pas : il s'agit de l'article L. 111-7. Je le dis au cas où vous voudriez redéposer ultérieurement cet amendement… Mais en tout état de cause, je vous demande de le retirer, sans quoi j'émettrais un avis défavorable, tout en m'engageant à poursuivre ces réflexions dans le cadre conventionnel.
Je suis d'accord pour que nous poursuivions la réflexion sur ce sujet. Toutefois, dans la mesure où je ne suis que cosignataire de ces amendements, et en l'absence de M. Causse, je les maintiens.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion du projet de loi relatif à la bioéthique.
La séance est levée.
La séance est levée à treize heures.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra