La séance est ouverte à 9 heures 35.
Présidence de M. Jean-Louis Bourlanges, président.
Suite de l'examen, ouvert à la presse, et vote sur le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales (n° 3699) (M. Hervé Berville, rapporteur)
. Chers collègues, avant de reprendre l'examen du projet de loi, je vous informe d'une modification de la composition de la commission. À compter de ce matin, M. Christian Hutin cesse d'en être membre, et M. Dominique Potier nous rejoint. En votre nom, je l'accueille avec sympathie et lui adresse mes encouragements.
S'agissant du projet de loi, 412 amendements restent en discussion, dont 331 sur le cadre de partenariat global (CPG). Chacun doit faire un effort. Pour ma part, je ferai mon possible pour m'arracher à ma nonchalance naturelle. J'aurais aimé limiter à une minute la présentation de chaque amendement, mais plusieurs d'entre vous ont considéré que ce n'est pas possible. Il est souhaitable que chaque orateur s'en tienne à une minute de temps de parole, mais ce n'est pas une règle impérieuse. Par ailleurs, les « Défendu ! » seront accueillis avec des vivats d'enthousiasme par le président. Si un débat s'engage après que M. le rapporteur et M. le secrétaire d'État ont donné leur avis, je serai obligé de le limiter à deux interventions, une pour et une contre, conformément au Règlement. Je n'aime pas ces contraintes, mais 412 amendements à examiner, c'est énorme.
Oui à une accélération, sauf si elle devait être acquise au prix de la poésie que vous mettez dans vos interventions et de votre art de la présidence, que vous exercez avec beaucoup de bienveillance, monsieur le président !
J'aimerais formuler une proposition relative à l'organisation de nos débats. Depuis le début de l'examen du texte, très peu d'amendements de l'opposition ont recueilli un avis favorable. Soit, après tout, c'est la règle démocratique. Les renvois à la séance publique sont très nombreux. Or ils sont peu crédibles : le délai de dépôt des amendements est court, et amputé du temps que nous prenons ici pour délibérer. Il faut donc distinguer clairement les amendements rejetés sans appel et ceux qui le sont en vue d'une réécriture ou d'un vote unanime en séance publique. Une telle clarification donnera de la fluidité à nos débats. Chacun, me semble-t-il, est prêt à y contribuer.
Par ailleurs, j'aimerais savoir si la prolongation de nos débats ce soir aura une incidence sur le délai de dépôt des amendements. Concrètement, je me demande si nous aurons le temps d'y travailler. Ces questions ne sont pas sans importance à l'orée de notre deuxième journée de travaux.
Monsieur Potier, je vous remercie de ces précisions. Vous avez raison d'insister sur la nécessaire clarté de nos débats. De nombreux amendements doivent être retravaillés, ce dont M. le rapporteur est conscient, me semble-t-il. Je lui laisserai le soin d'indiquer, sur chaque amendement, s'il est prêt ou non à le retravailler. Si l'auteur de l'amendement le retire, on peut considérer qu'il lui fait confiance pour travailler avec lui ultérieurement. S'il le maintient, nul n'y peut rien.
S'agissant du délai de dépôt des amendements, il expire samedi à 17 heures. Je me suis également interrogé à ce sujet, mais ma conscience – mon Jiminy Cricket – m'a interdit de le proroger jusqu'à lundi matin, ce qui nous aurait permis de travailler dimanche. Nous devons donc travailler vite, et je présiderai les débats en m'efforçant de les diligenter. Nous devrions achever nos travaux vers minuit. À défaut, nous devrons nous réunir demain, ce qui n'est pas souhaitable car il faut laisser à chacun le temps de travailler avec le rapporteur. C'est ce qui s'appelle travailler sous contrainte !
Monsieur le président, j'aimerais savoir combien de temps avant l'expiration du délai de dépôt des amendements nous recevrons le texte amendé.
Vous le recevrez sans doute par parties, au fur et à mesure de son établissement par les services de l'Assemblée. Bien entendu, cette version provisoire n'engagera personne. Seul le texte final fera foi. Si nous achevons nos travaux ce soir, le secrétariat de la commission fera son possible pour vous le transmettre demain, à la mi-journée.
Plusieurs dispositions examinées hier ont fait l'objet d'une proposition de réécriture par M. le rapporteur et/ou par le Gouvernement, afin de tenir compte de nos observations. Compte tenu des délais qui nous sont impartis, il serait souhaitable que nous ayons connaissance de ces modifications au plus tôt, afin que nous puissions arrêter une position à leur sujet.
Si je comprends bien, monsieur Herbillon, vous vous demandiez hier comment M. le rapporteur parviendrait à réécrire les amendements concernés, et, aujourd'hui, vous lui demandez de faire un miracle ! Heureusement, il semble décidé à y parvenir !
Article 7 (articles L-515-13 du code monétaire et financier) : Renforcement de la tutelle sur l'Agence française de développement
La commission examine les amendements identiques AE37 de M. Bertrand Pancher et AE310 de M. Jean-Paul Lecoq.
Il s'agit de supprimer l'alinéa 5, qui nous semble ambigu. Il est essentiel de ne pas confondre l'Agence française de développement (AFD) et les établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC), qui contribuent à l'action extérieure de la France et participent à la promotion de sa présence et de son influence à l'étranger. Leurs missions, sans être contraires, sont distinctes.
Avis défavorable. L'alinéa 5 est cohérent avec le renforcement du pilotage politique de l'AFD.
La commission rejette les amendements.
Elle examine l'amendement AE82 de M. Bertrand Pancher.
Il vise à rééquilibrer la gouvernance de l'AFD, dont le conseil d'administration, composé de dix-sept membres, donne trop peu de place aux représentants du Parlement – il ne compte que quatre parlementaires – et aux organisations chargées de l'aide au développement – à l'heure actuelle, les ONG n'y ont qu'un représentant.
Nos politiques d'aide au développement doivent être co-construites. C'est la clé de la réussite. Le Parlement doit y jouer un rôle nettement accru. C'est pourquoi je propose le rééquilibrage suivant : six représentants de l'État, six membres du Parlement et six représentants des ONG, en sus des deux représentants du personnel.
Avis défavorable. Je pense qu'il faut augmenter le nombre de parlementaires – ce sera l'objet de mon amendement suivant –, mais pas le nombre de représentants des ONG.
La commission rejette l'amendement.
Elle est saisie, en discussion commune, des amendements AE211 de Mme Bérengère Poletti et AE358 du rapporteur.
Nous souhaitons compléter l'alinéa 5 par la phrase « Le Conseil d'administration de l'AFD comprend parmi ses membres deux députés et deux sénateurs, qui doivent respecter la représentativité des composantes politiques de chaque assemblée, soit la majorité et l'opposition ». Il ne s'agit pas de rouvrir le débat sur la représentation de la majorité et de l'opposition, que nous avons eu hier, mais d'améliorer la représentation des groupes d'opposition. J'espère sincèrement que M. le rapporteur et M. le secrétaire d'État feront preuve d'ouverture. Cette demande n'émane pas des seuls commissaires membres du groupe Les Républicains, mais de la commission dans son ensemble – vous-même, monsieur le président, n'y êtes pas étranger. On ne peut pas appeler de ses vœux un consensus et rejeter systématiquement les amendements de l'opposition, notamment ceux du groupe Les Républicains !
Mon amendement est mieux disant, puisqu'il vise à augmenter de deux unités – un membre de chaque assemblée – le nombre de parlementaires siégeant au conseil d'administration de l'AFD, ce qui permet aussi d'atteindre l'objectif de pluralité. Je suggère le retrait de l'amendement AE211 au profit du mien.
. L'amendement du rapporteur, qui prévoit de nommer un député supplémentaire au conseil d'administration de l'AFD, n'assure pas la représentation de la gauche. Vous ne pouvez pas régler le problème entre vous, chers collègues. Il faut aussi penser à nous !
. Monsieur David, l'amendement vise à faire passer le nombre de parlementaires au sein du conseil d'administration de l'AFD de quatre à six, soit deux parlementaires supplémentaires, et non un.
L'amendement AE211 est retiré.
La commission adopte l'amendement AE358.
Elle examine l'amendement AE360 du rapporteur.
Le sujet des biens mal acquis (BMA) est un sujet éminemment politique. Il s'agit de réfléchir à l'utilisation des recettes issues de leur vente, après qu'ils ont été confisqués aux dictateurs de certains pays en développement. Nous avons travaillé avec Transparency International, dont nous avons auditionné les représentants, ainsi qu'avec plusieurs sénateurs. Je laisse à M. le secrétaire d'État le soin de présenter les dispositions ainsi obtenues.
Il s'agit d'un sujet majeur. Au cours des dix dernières années, plusieurs procédures de recouvrement de BMA ont été ouvertes en France. Le Gouvernement remercie les parlementaires, qui se sont fortement mobilisés sur le sujet et ont permis d'éclairer utilement le débat. Citons notamment le rapport de MM. Laurent Saint-Martin et Jean-Luc Warsmann, ainsi que la proposition de loi déposée par le sénateur Jean-Pierre Sueur. La société civile est également très mobilisée. Dans ce contexte, nous sommes pleinement favorables à l'adoption de dispositions visant à la restitution du produit de la cession des BMA. Il s'agit d'une affaire de justice pour les populations des États concernés. Au demeurant, plusieurs pays, au premier rang desquels les États-Unis et la Suisse, ont adopté semblables dispositions.
À l'heure actuelle, le droit français ne permet pas de procéder à cette restitution. Il convient donc de le modifier. À législation constante, en cas de condamnation définitive, si l'État concerné ne s'est pas constitué partie civile pour obtenir réparation et s'il n'a formulé aucune demande d'entraide judiciaire, les recettes issues de la vente des biens confisqués deviennent purement et simplement la propriété de l'État français, et abondent le budget général de l'État. Il est nécessaire de prévoir une disposition législative permettant expressément leur restitution.
En voici les grands principes. Premièrement, nous établissons le principe de restitution aux États étrangers et à leur population des recettes issues de la vente des BMA à la suite d'une condamnation définitive prononcée par le juge. Deuxièmement, nous procédons à la définition, dans le code pénal, du champ des infractions dans lequel s'inscrivent les BMA. Il s'agit notamment du blanchiment, du recel de détournement de fonds publics, de la corruption et du trafic d'influence. Troisièmement, nous créons un programme spécifique au sein du budget de l'État, rattaché au ministère de l'Europe et des affaires étrangères et abondé par les recettes issues de la vente des BMA. Les modalités de sa création seront précisées dans le projet de loi de finances pour 2022. Ces sommes financeront des projets de coopération, afin que nous soyons assurés que les populations en bénéficient pleinement. Par ailleurs, nous devrons être au rendez-vous des exigences de transparence et de redevabilité. Le Parlement sera pleinement informé, chaque année, de l'application des dispositions de restitution des BMA, afin qu'il puisse contrôler le bon usage des crédits.
Telle est l'économie générale des dispositions dont nous achevons la rédaction, en coordination avec le rapporteur. Elles pourraient faire l'objet d'un amendement débattu en séance publique. Compte tenu de l'importance du sujet, je tenais à en présenter les grandes lignes dès à présent. Je suggère à M. le rapporteur de retirer son amendement.
Dieu sait si nous sommes investis sur ce sujet ! Nous avons déposé quatre amendements, qui ont été déclarés irrecevables. L'un d'entre eux portait sur les fonds vautours, contre lesquels la France s'est dotée d'une législation tout à fait exemplaire, dont notre pays peut être fier, grâce à l'adoption de la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi Sapin 2. Nous travaillons à une nouvelle rédaction des amendements afin que nous puissions en débattre.
S'agissant des BMA, il importe que le produit issu de leur vente soit attribué au pays d'origine, en évitant qu'il ne tombe entre les mains des corrupteurs, soit dit sans procès d'intention. Le problème n'est pas simple à résoudre. L'intention de M. le rapporteur est louable, et nous le soutenons.
Nos amendements prévoyaient notamment de cibler l'attribution des sommes collectées sur les pays d'origine, en utilisant le Fonds d'innovation pour le développement présidé par Esther Duflo, et de créer une agence de lutte contre la corruption comportant des déclinaisons territoriales. Tous visaient à briser la boucle infernale par laquelle l'argent des corrupteurs revient aux corrupteurs au lieu de financer, comme il le devrait, le bien commun et la dignité des personnes.
Nous devons travailler sur ce point, faute de quoi le débat que nous aurons en séance publique s'éternisera. Notre cahier des charges est le suivant : il faut parvenir à débloquer tout verrouillage dans les États nations récepteurs des crédits, tout en respectant leur souveraineté. Il faut donc faire preuve d'inventivité. Monsieur le secrétaire d'État, les dispositions que vous avez présentées ne permettent pas, me semble-t-il, d'atteindre l'objectif que nous visons ensemble.
Je remercie M. le rapporteur de son très bon amendement et apporte tout mon soutien à l'énorme pas en avant proposé par le Gouvernement dans ce combat très ancien. Même si la France, où les cas sont peu nombreux, le mène surtout pour le principe, elle n'est pas perçue comme un pays exemplaire en la matière.
Nous sommes informés de la teneur de l'initiative en préparation une semaine avant la mise aux voix du projet de loi en séance publique. Or ce sujet fait partie de ceux qui exigent une phase d'appropriation par les parlementaires et par les acteurs concernés, afin de parvenir à une avancée politique collective, symbolique et reconnue par tous. À cette fin, je demande à M. le secrétaire d'État de prendre l'initiative d'un dialogue spécifique avec les associations les plus concernées – celles qui sont basées en France ont un rôle important en la matière – et les parlementaires. Compte tenu du délai dont nous disposons, se contenter d'un amendement ne permettra pas d'obtenir les résultats escomptés. Il faut agir pour le bien collectif.
Je souscris aux propos de Jacques Maire. Nous avons nous aussi rédigé plusieurs amendements, que nous n'avons pas déposés dans l'attente de la présentation d'un amendement élaboré en commun avec les groupes La République en marche et Agir ensemble, ainsi qu'avec le rapporteur. Il faut inclure largement les acteurs concernés dans ce travail, afin de parvenir à un consensus. L'essentiel est que les sommes récupérées soient dédiées aux pays concernés de façon définitive, dans l'intérêt des populations spoliées.
L'intention est louable, mais la précipitation dommageable. Il faut veiller à l'appropriation du sujet par le Parlement. Monsieur le secrétaire d'État, vous avez présenté des dispositions qui seront débattues la semaine prochaine. Quelles garanties offrez-vous s'agissant de leur appropriation par le Parlement et par les acteurs concernés ? Nous ne sommes pas à quelques semaines près, s'agissant d'un engagement important et attendu depuis longtemps.
Je remercie du fond du cœur le rapporteur et le Gouvernement, ainsi que la représentation nationale dans son ensemble. Les moments où je suis fier d'être député sont rares, mais aujourd'hui, je suis fier de faire partie de la majorité qui adoptera ces dispositions, prenant enfin la mesure du problème pour restituer les sommes à l'Afrique via l'AFD.
J'aimerais formuler trois observations. Je remercie les auteurs des amendements : nous avons travaillé de façon plus ou moins coordonnée, mais nous sommes parvenus ensemble à faire en sorte que le sujet figure dans le projet de loi.
D'abord, le problème des BMA ne concerne pas uniquement les pays en développement. Il pourrait se poser, demain, avec l'Ukraine, l'Italie ou les États-Unis. Pour ces pays, l'AFD n'est pas l'outil le plus indiqué.
Ensuite, si les sommes en jeu sont significatives – un hôtel particulier avenue Foch coûte plusieurs dizaines de millions d'euros –, elles pourraient être plus modestes à l'avenir, et insuffisantes pour une mise en œuvre par l'AFD.
S'agissant de la méthode, nous ne cédons à aucune précipitation, monsieur Pancher. Le sénateur Jean-Pierre Sueur a publié un rapport il y a un an et demi, nos collègues Waserman et Saint-Martin lui ont emboîté le pas peu de temps après. Ils se sont rendus en Suisse et aux États-Unis pour étudier la façon dont ces deux pays restituent le produit de la confiscation des biens mal acquis. Ce travail est à l'honneur de cette assemblée. Dans le cadre des auditions préparatoires, plusieurs ONG, notamment Transparency International, ont évoqué un véritable alignement des planètes et se sont félicitées que nous disposions enfin d'un véhicule législatif. Nous avons travaillé avec le ministère et nous avons avancé. Le moment est propice. L'attente des sociétés civiles, dans les pays concernés, est très forte.
Enfin, la traçabilité des crédits sera assurée par la création d'un programme budgétaire, ce qui constitue une avancée par rapport à nos amendements, chers collègues. Les fonds alloués seront fléchés et identifiés comme issus de la revente des biens mal acquis. Les parlementaires pourront en assurer le suivi et évaluer leur utilisation, dans le cadre des relations intergouvernementales, sur le modèle de la Suisse et des États-Unis. Dans le cas de la Suisse, tout décaissement suppose un accord intergouvernemental. Il s'agit, me semble-t-il, d'une bonne solution, ainsi que d'une véritable avancée politique – je rejoins M. El Guerrab sur ce point. Au lieu d'abonder le budget général de l'État, ces fonds serviront aux pays spoliés et contribueront à y améliorer les conditions de vie.
Ce sujet ne vient pas de nulle part, nous ne l'avons pas découvert aujourd'hui, au petit matin. Depuis plusieurs mois, des concertations ont lieu, sur la base des travaux parlementaires, dans un cadre interministériel, avec les ONG. Il y a quelques jours encore, nous avons travaillé avec Transparency International. Tout cela est l'aboutissement d'une mobilisation du Parlement et du Gouvernement.
Les préoccupations exprimées par le député Potier sont aussi les nôtres. Nous envisageons de confier à l'AFD ou à des ONG le financement direct de projets concrets de développement par ces crédits, assurant ainsi le bon usage des fonds. Toutes les garanties seront prises. De surcroît, la création d'un programme budgétaire offre aux parlementaires une capacité de contrôle. Nous faisons preuve d'une transparence totale. C'est dans cet esprit que nous travaillons à la rédaction de l'amendement.
L'amendement est retiré.
La commission examine l'amendement AE553 de Mme Aina Kuric.
Il s'agit de codifier les dispositions de l'article 7 au sein du code monétaire et financier.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'amendement rédactionnel AE359 du rapporteur.
La commission est saisie des amendements identiques AE292 de M. M'jid El Guerrab, AE665 de M. Jean François Mbaye et AE667 de M. Bruno Fuchs.
Comme vous l'avez rappelé hier, monsieur le président, il est peu ordinaire que les trois groupes de la majorité s'entendent sur la rédaction commune d'un amendement. En l'espèce, il s'agit d'approfondir l'alliance entre l'AFD et la Caisse des dépôts et consignations (CDC), afin d'améliorer l'implantation de l'AFD dans les territoires et sa coopération avec les collectivités territoriales en matière de développement.
Je connais l'engagement de M'jid El Guerrab sur ce sujet : il en a discuté avec le secrétaire d'État, avec les responsables de la CDC, nous avons mené des auditions. Je suis défavorable à cet amendement car les dispositions proposées ne relèvent pas du domaine de la loi. Mais nous examinerons ultérieurement un amendement similaire sur lequel j'émettrai un avis favorable, qui permettra d'approfondir le sujet et d'encourager des actions concrètes.
Avis défavorable. Ces amendements reposent sur un schéma qui avait cours en 2016, lorsque la question de la recapitalisation de l'AFD se posait, mais qui est désormais dépassé. D'une part, le Gouvernement a mis les moyens nécessaires sur la table ; d'autre part, le présent projet de loi vise à renforcer le pilotage de l'AFD par l'État. Je sais l'attachement de M'jid El Guerrab à cette grande institution qu'est la CDC, et nous nous félicitons qu'il existe des collaborations opérationnelles concrètes entre les deux institutions, telles que le fonds STOA. Je suis sensible à l'implication de M'jid El Guerrab, Jean-François Mbaye et Bruno Fuchs, mais le schéma qu'ils proposent est un peu daté et contredit les orientations du texte.
La commission rejette les amendements.
Elle examine l'amendement AE81 de M. Bertrand Pancher.
Le directeur général de l'AFD doit être nommé par le Président de la République après avis des commissions parlementaires compétentes, sur proposition du conseil d'administration. En effet, celui-ci joue un rôle important : il délibère sur les orientations stratégiques et sur le contrat d'objectifs et de moyens conclu avec l'État, ainsi que sur les opérations et les concours financiers menés pour son compte propre, pour celui de l'État ou sur mandats donnés par des tiers ; il peut aussi déléguer une partie de ses pouvoirs au directeur général, qui lui rend compte. Pour qu'il mène efficacement ses missions, il doit contribuer à la désignation du directeur général et, le cas échéant, pouvoir mettre fin à son mandat s'il entrait en conflit avec lui.
Même avis. La nomination du directeur général de l'AFD relève de l'article 13 de la Constitution. Ses modalités sont précisées par une loi organique. Elles ne peuvent être modifiées par une loi simple.
La commission rejette l'amendement.
La commission est saisie, en discussion commune, des amendements AE311 de M. Jean-Paul Lecoq, AE155 de Mme Bérengère Poletti et AE446 de M. Dominique Potier.
Ce projet de loi confirme le rôle du groupe AFD, acteur central et centralisateur. Il concentre en son sein une gamme très large d'activités et se dote d'un second opérateur, Expertise France, qui viendra s'ajouter à Proparco.
Cet élargissement du groupe, la multiplication des instruments d'appui au secteur privé et la promotion des partenariats public privé doivent s'inscrire dans un cadre de redevabilité, de contrôle et de transparence clairement établi.
Nous souhaitons que, chaque année, l'AFD publie une liste exhaustive de ses engagements financiers, indiquant les intermédiaires et les bénéficiaires finaux. De plus, elle devra s'engager à transférer directement les fonds de la France aux pays bénéficiaires car l'intermédiation financière n'entre pas dans ses attributions.
L'AFD devra publier en langue locale toutes les informations nécessaires sur ses projets. Enfin, elle devra exiger la plus grande transparence des entreprises qui bénéficient de ses financements et examiner toute plainte portant sur leurs actions.
L'AFD est dans une phase de croissance si importante qu'elle n'a pas encore pris la mesure de ces exigences ; il lui faut dorénavant évoluer vers plus de redevabilité et de transparence.
Par ailleurs, je ne perçois pas de progrès dans la composition du conseil d'administration de l'AFD. Le passage de quatre députés – comme c'était le cas au début de ce mandat – à trois constitue à mes yeux une régression de la représentation du Parlement !
Nous estimons tous, quelle que soit notre sensibilité politique, que l'élargissement des fonctions de l'AFD doit s'accompagner d'une meilleure transparence. Elle permettra au Parlement d'exercer pleinement son rôle d'évaluation et de contrôle.
L'essentiel a été dit. Pour traduire ces propositions dans le langage commun : après le « 1 % déchets », le « 1 % eau », bientôt le « 1 % mobilité » et le « 1 % bailleurs sociaux », nous demandons le « 0 % paradis fiscaux » !
Je suis défavorable à ces amendements.
S'agissant du nombre de parlementaires au sein du conseil d'administration de l'AFD, on comptait quatre titulaires au début de ce mandat – deux députés et deux sénateurs – et nous allons passer à trois députés et trois sénateurs. Ce n'est pas une régression.
Avis défavorable, ces dispositions opérationnelles ne sont pas de nature législative. D'ailleurs, la quasi-totalité des mesures proposées est déjà appliquée par l'AFD dans ses politiques internes.
Il sera loisible aux parlementaires, qui seront en plus grand nombre au conseil d'administration, d'infléchir…
Pas du tout ! Au début du mandat, il y avait deux titulaires et deux suppléants.
On passe à trois, c'est un de plus. Accessoirement, c'est votre assemblée qui a supprimé les suppléants. Il faut être cohérent.
Ne jouons pas sur les mots : il y avait deux titulaires, il y en aura trois, c'est un progrès. Les parlementaires constitueront le collège le plus nombreux au sein du conseil d'administration de l'AFD, avec les représentants de l'État. Serait-il normal de compter plus de parlementaires que de représentants de l'État ? Avec trois titulaires, il est possible de prévoir une représentation pluraliste.
Nous ne pouvons pas discuter de tous les sujets en même temps, je reviendrai sur le nombre de parlementaires au sein du conseil d'administration, qui fait l'objet d'un prochain amendement.
Sur les questions de transparence, avec Jacques Maire et d'autres, nous avons expliqué que nous étions dans une boîte noire à propos de la compréhension des dispositifs.
Alors que le volume des transactions financières va s'amplifier, nous sommes en droit d'exiger l'engagement très clair d'exclure les paradis fiscaux de toutes les pratiques financières de l'AFD. On ne peut pas détruire d'un côté ce que l'on cherche à créer de l'autre ! Si cet amendement n'est pas voté, cet engagement doit figurer ailleurs.
Pour que nos débats en séance se déroulent dans une ambiance sereine, il faut lever toute ambiguïté à ce sujet. Le refus de cet amendement appelle une clarification en séance, sinon nous allons vers une fracture politique forte, ce n'est pas le dessein de ce texte.
Nous suivrons les préconisations du rapporteur et du Gouvernement. Si le souci de transparence et de redevabilité est partagé par tous, nous pourrons le faire figurer à l'article 9, consacré à la commission d'évaluation indépendante. Insérer cette disposition à l'article 7 n'a pas beaucoup de sens.
Monsieur Potier, vous avez siégé au conseil d'administration de l'AFD : vous ne pouvez pas dire que c'est une boîte noire, ne serait-ce que par respect pour les centaines de salariés qui font au quotidien leur travail de reporting.
Il est évident qu'il faut améliorer la transparence et renforcer l'impact des programmes sur la vie quotidienne, mais vous ne pouvez pas dire que l'AFD est une boîte noire ! Lors de chaque conseil d'administration, le comité des risques nous transmet tous les éléments financiers et les décaissements. Ces données sont d'ailleurs publiées dans le rapport d'évaluation transmis aux parlementaires chaque année par la direction de l'AFD.
On peut améliorer ce texte, notamment s'agissant de la durée moyenne des décaissements ou de l'établissement de données désagrégées pays par pays. Mais ne dites pas que l'AFD n'est pas contrôlée alors qu'elle fait l'objet d'audits et qu'elle est placée sous le contrôle de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) en qualité d'établissement bancaire ! C'est tellement vrai que les ONG se plaignent de l'excès de procédures et de contrôles : l'AFD est à ce point surveillée qu'elle doit leur imposer des procédures pour que ses dons soient traçables à l'euro près. L'impact des financements de l'AFD et les résultats de son action soulèvent des questions, mais il ne faut pas dire que c'est une boîte noire.
S'agissant enfin de la composition du conseil d'administration de l'AFD, nous passons de deux à trois députés, et mon amendement prévoit une représentation pluraliste : le président de l'Assemblée nationale pourra choisir trois personnes de trois groupes différents.
La commission rejette successivement les amendements.
Elle est saisie de l'amendement AE156 de Mme Bérengère Poletti.
Il s'agit d'assurer le contrôle de l'AFD dans les mêmes conditions que celui de la société Expertise France, en la plaçant sous la responsabilité de la commission créée à l'article 9 de ce projet de loi, toujours afin de favoriser une politique de développement plus transparente.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l'amendement.
Elle examine les amendements AE448, AE449 et AE447 de M. Dominique Potier.
Mes propos ont pu dépasser ma pensée, et je vous prie de m'en excuser. Le terme de « boîte noire » ne s'appliquait pas à l'AFD, mais à l'aide publique au développement de manière générale. Je le maintiens : les députés de tous bords, majorité et opposition confondues, se plaignent de ne pas comprendre. Ce n'est pas seulement une question de transparence, mais aussi de pédagogie des enjeux autour des prêts, des dons, et des sommes décaissées. Alors que les montants augmentent, nous sommes en droit d'exiger, non seulement la transparence, mais aussi une pédagogie et des instruments de contrôle qui permettent d'orienter ces crédits et d'exercer le contrôle parlementaire.
Le contrôle parlementaire est aussi à l'œuvre dans cette grande et belle maison qu'est l'Agence française de développement. Traditionnellement, son conseil d'administration accueillait deux députés titulaires et deux suppléants. Le président de l'Assemblée nationale avait décidé de nommer deux titulaires de LaREM, dont vous, monsieur le rapporteur – je ne vois pas parmi nous l'autre titulaire, elle ne participe pas à nos travaux, et je l'ai rarement croisée à l'AFD – et deux suppléants : Bérengère Poletti et moi-même. En tant que suppléant, nous avions les mêmes égards, le même niveau d'information et le même droit à siéger. Nous étions rarement trois présents, il arrivait même qu'il n'y ait qu'un seul représentant des députés. Personne n'avait l'impression d'une surreprésentation de l'Assemblée nationale : notre complicité, notre vigilance commune, notre amitié nouée lors de combats communs créait un climat favorable.
C'est avec la brutalité que vous savez que nous avons appris avoir été virés par l'effet d'une disposition votée par la majorité, qui voulait simplifier la représentation des parlementaires. Ni l'Assemblée nationale ni l'AFD n'ont eu beaucoup d'égards pour nous prévenir alors… mais peu importe.
Si trois députés siègent à l'avenir dans le conseil d'administration, il y aura un représentant du groupe LR et deux représentants du groupe LaREM – vous ne pouvez faire autrement. Concrètement, la gauche ne sera pas représentée, et ce sera un appauvrissement pour la démocratie. Quatre députés, c'est le bon nombre. Un de mes amendements propose de nommer quatre députés titulaires, un autre deux titulaires et deux suppléants, puisque dans la pratique, les suppléants ont les mêmes pouvoirs et la même reconnaissance.
Le secrétaire d'État semble craindre que l'Assemblée nationale soit trop présente au conseil d'administration. Ma proposition de nommer deux titulaires et deux suppléants permet une meilleure diversité : la majorité reste majoritaire, mais l'opposition de droite et l'opposition de gauche sont représentées. Avec trois représentants, vous prenez des risques. Nous demandons le retour à la situation normale, qui nous convenait parfaitement et permet de lever tout soupçon d'arrangement entre amis.
Je répète que la rédaction adoptée à l'amendement AE358 prévoit une représentation pluraliste. L'irruption du groupe de La République en Marche a perturbé le ping-pong habituel gauche-droite…
… mais rien n'interdit au président de l'Assemblée nationale de nommer trois représentants issus de formations politiques différentes.
Avis défavorable. Une disposition votée par le Parlement, à l'initiative du président de l'Assemblée nationale, appuyé par de nombreux présidents de groupes, de la majorité et de l'opposition, a entraîné la disparition des suppléants. Nous en prenons acte et nous augmentons de 50 % le nombre de titulaires, qui passe de deux à trois. Les parlementaires constitueront le collège le plus nombreux avec les représentants de l'État.
La majorité sénatoriale étant distincte de celle de l'Assemblée, prévoir trois députés et trois sénateurs offre tous les gages pour représenter l'ensemble du spectre politique.
Pour organiser la représentativité, il faut prévoir un certain nombre de postes, mais ces amendements sont une régression par rapport à la proposition du rapporteur.
Il est assez simple de comprendre que toutes les sensibilités étaient auparavant représentées. Quoi que vous puissiez dire, concrètement, la diversité de la gauche ne sera plus présente au conseil d'administration de l'AFD. C'est la conséquence pratique et inéluctable de ce que nous sommes en train de voter.
Madame la vice-présidente, vous nous dites que 2022, c'est bientôt. Personne ne peut prédire s'il sera dans la majorité ou l'opposition demain, et peu importe. Je défendrais le même principe si la droite, ou le centre, était dans l'opposition. Ce n'est pas une question de rapport de force, c'est une question de principe : nous sommes en train d'établir la capacité à vivre le pluralisme au sein de l'AFD.
La commission rejette successivement les amendements.
Elle est saisie de l'amendement AE294 de M. M'jid El Guerrab.
L'article 153 de la loi Sapin 2 prévoyait que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur le rapprochement entre l'AFD et la Caisse des dépôts et consignations avant le 1er octobre 2019. Nous demandons un nouveau rapport.
Très ouverte sur l'international, l'AFD pourrait compter sur la CDC pour renforcer son empreinte en France. À l'inverse, elle pourra servir d'appui à la Caisse hors de France, puisque celle-ci détient de nombreuses filiales à l'étranger.
Je propose à M. M'jid El Guerrab de modifier son amendement pour remplacer « le rapprochement » par « les coopérations opérationnelles ».
Nous ne sommes plus dans la logique d'adosser une structure à l'autre, mais d'approfondir des coopérations opérationnelles. Compte tenu de l'architecture que nous dessinons avec ce projet de loi, remettre un rapport sur les coopérations opérationnelles entre l'AFD et la Caisse des dépôts a du sens.
Je note toute la subtilité de notre chère administration, qui a peur de ce terme de « rapprochement », mais je comprends que le secrétaire d'État soit vigilant. Il n'est pas question de gêner ou d'indisposer, mais j'espère que nous aurons plus de temps pour en parler en séance, car ce rapprochement s'opère déjà. J'accepte de modifier mon amendement comme proposé.
La commission adopte l'amendement AE294 rectifié.
Elle adopte l'article 7 modifié.
Article 8 (loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010) : Rapprochement d'Expertise France avec le groupe Agence française de développement
La commission adopte l'amendement rédactionnel AE361 du rapporteur.
Elle examine l'amendement AE182 de Mme Amélia Lakrafi.
Expertise France, malgré son statut de société par actions simplifiée, exerce une mission de service public. Il est proposé de conforter son image comme un opérateur de l'État français pleinement inséré dans le dispositif public français d'aide au développement et de coopération internationale.
Cela lui permettra de bénéficier à l'étranger de facilités et de dispositifs traditionnellement réservés aux organisations publiques, et de se présenter comme telle à ses partenaires et aux autorités des pays dans lesquels elle est présente.
Avis défavorable, cet amendement aurait pour effet de restreindre les capacités d'intervention d'Expertise France, notamment dans des secteurs cruciaux des objectifs de développement durable et de lutte contre les inégalités.
La commission rejette l'amendement.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l'amendement AE658 de Mme Sira Sylla.
Elle examine l'amendement AE104 de Mme Olga Givernet.
Cet article définit le statut et les missions d'Expertise France. Nous proposons d'engager Expertise France à soutenir l'action extérieure des collectivités territoriales et de leurs groupements. En s'appuyant sur ses compétences, son expérience et sa méthodologie, les acteurs locaux pourront mieux organiser leurs initiatives en faveur de l'aide publique au développement.
Le groupe LaREM présentera un amendement au cadre de partenariat global qui porte sur le même sujet. Le ministre a évoqué mercredi matin la nécessité de renforcer la coordination territoriale en matière d'action extérieure, l'opérateur Expertise France pourra exercer ce rôle de point focal.
Cette mesure trouvera sa place dans le cadre de partenariat global, nous en discuterons alors.
L'amendement est retiré.
La commission est saisie de l'amendement AE578 de M. Jacques Maire.
Il s'agit d'une question importante, qui n'apparaît nulle part dans le texte du projet de loi ; je souhaite l'y inscrire.
Expertise France a permis la mutualisation des différents opérateurs ministériels de coopération technique, au travers d'une mission de portage. Or la présence au conseil d'administration d'Expertise France des ministères qui ont transféré leur savoir-faire à l'opérateur disparaît complètement des dispositions statutaires.
Je comprends que l'on souhaite simplifier la gouvernance et faciliter le pilotage en ne le confiant qu'à deux ministères, Bercy et les affaires étrangères. On peut même s'interroger sur le rôle de Bercy ; sur ce sujet, ce n'est qu'un ministère technique parmi d'autres, il n'y a pas d'enjeux prudentiels ou financiers particuliers.
Il n'en est pas moins nécessaire d'indiquer dans la loi le caractère interministériel et la capacité d'Expertise France à porter les priorités politiques et techniques de coopération internationale des différents ministères. Je propose donc de mentionner qu'Expertise France est aussi le bras armé des ministères, que son mandat ne se limite pas aux missions d'intérêt public au service de la politique extérieure, mais aussi aux politiques régaliennes des ministères.
Avis défavorable. Ces dispositions relèvent des statuts d'Expertise France : votre préoccupation est satisfaite par la gouvernance et le mode de fonctionnement du conseil d'administration. Je partage toutefois votre volonté qu'Expertise France puisse être saisie par tous les ministères.
Même avis. Suite à un rapport de 2017, le dialogue entre Expertise France et les différents ministères est articulé autour de comités sectoriels à vocation opérationnelle. Ils ont été mis en place dans le contrat d'objectifs et de moyens 2020-2022 d'Expertise France. Les ministères et Expertise France ont donc la capacité de se nourrir mutuellement.
L'article 8 porte sur l'objet social d'Expertise France. Vos préoccupations sont prises en compte dans le nouveau contrat d'objectifs et de moyens.
Créer un « commando d'élite » pour la France à l'international est une excellente idée, si tant est qu'il soit démocratiquement piloté. France expertise ne doit pas affaiblir la capacité stratégique et l'intelligence de chacun des ministères, sinon nous serons dans les mains de McKinsey et autres.
La collégialité de l'expertise est une question importante, qui tient à l'organisation de l'État. La renvoyer aux statuts d'Expertise France est délicat, alors que nous sommes en train de créer cet opérateur. C'est justement le moment pour en débattre.
Si le Gouvernement et le rapporteur proposent une solution alternative moins lourde pour insérer dans la loi – peut-être dans le cadre de partenariat global – une disposition qui établisse que cet outil de coopération presque unique au sein de l'État est le reflet des politiques interministérielles à l'international, je suis disposé à retirer mon amendement.
Je suis très favorable à cette proposition. Trois sujets principaux sont ressortis des auditions : la capacité d'autonomie stratégique d'Expertise France doit être maintenue ; les ministères doivent pouvoir la saisir ; et il faut éviter les doublons, car l'extension géographique et sectorielle de l'AFD n'est pas celle d'Expertise France. Je suis favorable à l'inscription de ces dispositions dans le cadre de partenariat global.
Nous pourrons trouver une rédaction satisfaisante dans le cadre de partenariat global, bien sûr !
L'amendement est retiré.
La commission examine l'amendement AE445 de M. Dominique Potier.
Il vise à préciser que le capital d'Expertise France est intégralement détenu par l'État. Nous avons obtenu des garanties en la matière, mais la rédaction de l'alinéa 4, qui évoque la situation de cette structure « à la date de sa transformation », est malheureuse. Nous aimerions donc avoir l'assurance que le capital d'Expertise France restera public à 100 % et que l'action de cette société à l'international ne souffrira d'aucun mélange des genres.
Votre préoccupation est légitime mais, à la lecture de l'article, je pense que votre demande est satisfaite. Avis défavorable.
L'alinéa 4 est clair : « Son capital est public. » Il n'y a aucune ambiguïté. Avis défavorable.
L'amendement est retiré.
La commission est saisie de l'amendement AE181 de Mme Amélia Lakrafi.
Il vise à garantir que le capital de la société Expertise France ne pourra être ouvert qu'à des entités françaises publiques ou à participation publique. L'alinéa 4 dispose que le capital de la société est public, mais il ne ferme pas la porte à une ouverture future de ce capital à d'autres acteurs que l'État et l'AFD. Nous proposons de restreindre cet accès aux acteurs français de la coopération ou de l'aide publique au développement, et de prévoir une consultation du Parlement avant toute modification du capital. Au vu des débats qui nous animent depuis hier, je suppose que cet amendement fera consensus.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement AE640 de M. Jacques Maire.
Il vise à permettre la représentation de la diversité politique de nos assemblées au sein du conseil d'administration d'Expertise France. Nous proposons que siègent dans cette instance deux députés et deux sénateurs – et non un seul membre de chaque chambre –, ce qui permettra la nomination, par chaque assemblée, d'un parlementaire de la majorité et d'un autre de l'opposition.
Suivant l'avis favorable du rapporteur, la commission adopte l'amendement. En conséquence, l'amendement AE185 de M. Jean-Paul Lecoq tombe.
La commission examine l'amendement AE579 de M. Jacques Maire.
Sur la base des engagements pris par le secrétaire d'État et le rapporteur, je retire l'amendement.
L'amendement est retiré.
La commission examine, en discussion commune, les amendements AE157 de Mme Bérengère Poletti et AE186 de M. Jean-Paul Lecoq.
L'amendement AE157 vise à garantir une meilleure représentation des groupes d'opposition au sein du conseil d'administration de la société Expertise France. Nous proposons que l'alinéa 10 prévoie la présence de « deux députés et deux sénateurs pour lesquels chaque chambre doit respecter la représentation majoritaire et d'opposition ».
Permettez-moi de poser une question technique. Il arrive qu'un collègue retire son amendement au motif que le rapporteur et le Gouvernement s'engagent à déposer eux-mêmes, pour la séance publique, un amendement dans le cadre du CPG. Disposerons-nous de cet amendement avant la séance publique ? Il ne faudrait pas qu'il arrive au dernier moment, car le délai de dépôt des amendements expire samedi soir pour les députés…
Nous prenons l'engagement de déposer ces amendements le plus rapidement possible. Nous ferons le maximum, mais cela dépendra aussi du moment auquel notre commission achèvera ses travaux.
Les amendements AE157 et AE186 sont en partie satisfaits par l'adoption de l'amendement AE640 de M. Maire. Je demande leur retrait au profit d'une autre rédaction garantissant une représentation « pluraliste » des parlementaires, à l'instar de ce qui est prévu pour les conseils d'administration d'autres structures. À défaut, avis défavorable.
Le Gouvernement laisse le Parlement organiser lui-même sa représentation.
Nous avons déjà fait remarquer hier soir que cette notion de représentation pluraliste n'était pas d'une extraordinaire clarté. La majorité et l'opposition elles-mêmes peuvent être pluralistes : cette rédaction n'empêcherait donc pas que l'opposition, ou la majorité, ne soit pas représentée au conseil d'administration, ce qui poserait problème.
N'essayons pas d'inventer de nouveaux concepts : les notions de majorité et d'opposition sont aussi vieilles que la République ! Nous tenons à ce que la représentation conjointe de la majorité et de l'opposition soit véritablement respectée. Il ne faut pas que la créativité sémantique s'oppose à cet objectif. Sous réserve de cette remarque, dont j'espère qu'elle sera prise en compte par le rapporteur, je retire l'amendement AE157.
Je maintiens mon amendement, mais je préférais celui du groupe Les Républicains. Le rapporteur et nos collègues de la « Macronie » eux-mêmes affirment que La République en marche est un parti pluraliste, puisqu'il est de gauche et de droite : dans le cadre d'une représentation pluraliste, ce parti pourrait donc obtenir les deux sièges ! Nous préférons, pour notre part, les notions de majorité et d'opposition, l'appartenance d'un groupe à l'une ou à l'autre étant clairement déclarée.
L'amendement AE157 est retiré.
La commission rejette l'amendement AE186.
Elle en vient à l'amendement AE580 de M. Jacques Maire.
Il vise à augmenter la présence des autres ministères au sein du conseil d'administration d'Expertise France. Je le retire, dans la mesure où nous avons décidé de maintenir une gouvernance simple, tout en insistant sur le caractère interministériel de l'opérateur.
L'amendement AE580 est retiré.
La commission examine l'amendement AE158 de Mme Bérengère Poletti.
Nous proposons que siègent dans cette instance deux membres d'ONG afin de garantir une meilleure représentation de ces acteurs du développement.
Avis défavorable.
Ici, monsieur Lecoq, nous ne sommes pas la « Macronie ». C'est un concept journalistique fumeux : cela n'existe pas.
Même avis. Les ONG peuvent être représentées au conseil d'administration dans la catégorie des personnalités qualifiées. À côté du conseil d'administration, il existe des comités de L'Initiative, notamment un comité de pilotage, qui permettent d'associer les ONG. Nous souhaitons en rester là.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'amendement rédactionnel AE366 du rapporteur.
Elle est saisie de l'amendement AE444 de M. Dominique Potier.
La société civile doit avoir un représentant au sein du conseil d'administration d'Expertise France.
Avis défavorable. Il n'appartient pas au Conseil national pour le développement et la solidarité internationale (CNDSI) de nommer un membre du conseil d'administration.
Même raisonnement que pour l'amendement AE158. La société civile, comme les ONG, peut être représentée au sein du conseil d'administration dans la catégorie des « personnalités désignées en raison de leurs compétences dans le domaine d'activité de la société », et au sein du comité de pilotage de L'Initiative. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
L'amendement AE673 de M. Jacques Maire est retiré.
La commission examine, en discussion commune, l'amendement AE362 du rapporteur et l'amendement AE177 de Mme Amélia Lakrafi.
Il s'agit de simplifier la répartition des compétences entre le président du conseil d'administration et le directeur général d'Expertise France. En effet, cet opérateur de l'État a connu des crises de gouvernance du fait du manque de clarté dans la répartition des rôles entre ces deux fonctions. Les nouveaux statuts de la société prévoieront la désignation d'un directeur général, doté de pouvoirs exécutifs, tandis que le président du conseil d'administration sera chargé de l'organisation des travaux de ce conseil, selon le modèle applicable aux sociétés anonymes. Il s'agit d'assurer l'efficacité de la gouvernance d'Expertise France et d'éviter de retomber dans les crises que nous avons connues ces cinq dernières années.
L'amendement vise à créer la fonction de directeur général de la société Expertise France, doté de pouvoirs exécutifs, sur le modèle de ce qui existe déjà à l'AFD. Ce directeur général sera nommé par le conseil d'administration, sur proposition du directeur général de l'AFD, sa future maison mère. Quant au président, il sera nommé par décret et présidera le conseil d'administration. Cette répartition des rôles semble adéquate pour permettre une gouvernance harmonieuse de cette agence qui, comme l'a rappelé le rapporteur, a connu des crises de gouvernance importantes.
Je ne suis pas favorable à ce que le directeur général d'Expertise France soit nommé sur proposition du directeur général de l'AFD. Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, avis défavorable.
Le Gouvernement est favorable à l'amendement AE362 et demande le retrait de l'amendement AE177.
On nous oppose parfois le fait qu'une disposition relève du statut et n'a donc pas à figurer dans la loi ; or ce même statut est fixé par la loi. C'est surprenant !
Par ailleurs, nous parlons depuis tout à l'heure du président et des membres du conseil d'administration, considérant que c'est cette instance qui fixe les orientations politiques, contrôle le directeur général et lui confie ses missions. Or le rapporteur nous invite à voter un amendement accordant les pleins pouvoirs à ce directeur général. Nous aurons donc un conseil d'administration et une présidence fantoches. Cette organisation est absolument choquante : je suis tout à fait opposé à cet amendement, qui sent le verrouillage politique d'Expertise France.
Ces dispositions du statut sont inscrites dans la loi parce qu'elles dérogent au code du commerce. Nous souhaitons permettre au directeur général d'assurer la gestion opérationnelle de la structure, ce qui n'est pas possible dans les sociétés par actions simplifiées régies par le code du commerce. Ces dispositions sont très concrètes et très simples. Elles ne font pas du conseil d'administration un fantoche ; au contraire, le directeur général devra lui rendre compte de toutes ses actions.
La commission adopte l'amendement AE362 ; en conséquence, l'amendement AE177 tombe.
La commission examine l'amendement AE180 de Mme Amélia Lakrafi.
Il vise à supprimer l'alinéa 16. Quatre représentants de l'État – deux représentants du ministère de l'Europe et des affaires étrangères et deux représentants du ministère de l'économie, des finances et de la relance – sont déjà prévus au conseil d'administration de la future société Expertise France. Il n'est pas nécessaire de nommer deux commissaires du Gouvernement, émanant des mêmes ministères, en plus de ces représentants. En revanche, le commissaire du Gouvernement siégeant au conseil d'administration de l'AFD pourrait également siéger à celui d'Expertise France, comme il siège déjà à celui de Proparco.
Le délai de quinze jours pour rendre exécutoires les décisions du conseil d'administration est par ailleurs trop long pour permettre à un organisme tel que la société Expertise France de mener ses activités avec la réactivité requise.
Avis défavorable, dans la droite ligne des propos de Jacques Maire et d'autres collègues s'agissant de la présence de l'État au sein du conseil d'administration et du contrôle politique des délibérations de ce dernier. Par ailleurs, il faut préserver l'autonomie d'Expertise France et donc prévoir des commissaires du Gouvernement différents de ceux qui siègent déjà au conseil d'administration d'autres structures.
La question que j'ai posée tout à l'heure prend tout son sens dans le cadre de notre débat. L'une des raisons du conflit de gouvernance que nous avons connu il y a quelques années était la double casquette du président du conseil d'administration d'Expertise France, par ailleurs délégué interministériel à la coopération technique internationale : elle permettait au président du conseil d'administration d'avoir la main sur les ministères et de mettre en cause le directeur général. Cette fonction de délégué interministériel existe-t-elle toujours ? Si oui, sera-t-elle confiée au futur président du conseil administration ?
La commission rejette l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement AE159 de Mme Bérengère Poletti.
Il vise à accélérer l'exécution des délibérations et décisions du conseil d'administration de la société Expertise France. Nous proposons de ramener leur délai exécutoire de quinze à huit jours après leur réception par les commissaires du Gouvernement. Il s'agit là d'une incitation à la rapidité et à l'efficience dans l'action.
Avis favorable, pour des raisons tenant à l'efficacité. J'aimerais cependant que M. le secrétaire d'État nous apporte son éclairage.
Je comprends votre souci d'accélérer l'exécution des délibérations. Toutefois, ce délai de quinze jours est la norme pour la plupart des établissements. Par ailleurs, ces délibérations peuvent nécessiter un arbitrage interministériel. Le Gouvernement est donc, à ce stade, défavorable à l'amendement.
Votre réaction me surprend, monsieur le secrétaire d'État. Vous essayez d'habitude de vous affranchir des normes et de vous attacher aux résultats et à l'efficience de l'action.
La commission adopte l'amendement.
Elle adopte l'amendement rédactionnel AE363 du rapporteur.
Elle examine l'amendement AE160 de Mme Bérengère Poletti.
Il vise à favoriser une politique de développement plus transparente en soumettant la société Expertise France au contrôle de la commission instituée à l'article 9.
Avis défavorable. Le rôle de cette commission est d'évaluer, non de contrôler. Le contrôle relève de la Cour des comptes.
La commission rejette l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement AE183 de Mme Amélia Lakrafi.
Il vise à supprimer l'alinéa 18. Nous proposons que les statuts d'Expertise France soient approuvés par son assemblée générale, comme cela est habituellement le cas dans les sociétés par actions simplifiées, et non par décret. Nous souhaitons conserver la souplesse que le statut de société donne à Expertise France qui, comme Proparco, doit pouvoir amender ses statuts sans repasser par un décret. Le projet de loi comporte déjà de nombreuses garanties quant au rôle de l'État dans le pilotage de l'opérateur.
Je comprends votre souci de préserver de la souplesse. Eu égard au rôle que jouera Expertise France dans la conduite de nos politiques publiques et à la nécessité pour l'État d'être présent dans la gouvernance de cette structure, je préfère cependant que les statuts soient approuvés par décret. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'amendement rédactionnel AE364 du rapporteur.
Elle adopte l'article 8 modifié.
Article 9 : Création d'une commission d'évaluation
La commission est saisie de l'amendement AE367 de rédaction globale du rapporteur.
Lors de l'examen des premiers articles de ce projet de loi, nous avons beaucoup débattu de nos objectifs : combien voulons-nous dépenser en matière d'aide publique au développement ? quels doivent être les secteurs prioritaires ? Aussi la question de l'évaluation est-elle essentielle : nous devons la placer au cœur de notre politique de développement. C'est également un devoir que nous avons envers nos concitoyens. Lorsque nous augmentons les crédits consacrés à cette politique, comme nous le faisons depuis le début du quinquennat, nous devons rendre des comptes quant à l'impact de nos actions : ont-elles permis de transformer les pays que nous avons aidés, d'améliorer les conditions de vie des populations, de relever le taux de vaccination, d'accroître la surface des aires marines protégées, de faire reculer la mortalité infantile, d'augmenter l'espérance de vie ? Ces questions sont très complexes : elles vont au-delà de l'efficience, du contrôle de qualité, de l'audit et du contrôle financier de la Cour des comptes. Depuis trois ans, cette problématique est au cœur de nos travaux parlementaires ; elle a été abordée, notamment, par nos collègues Rodrigue Kokouendo et Bérengère Poletti dans leur rapport d'information sur l'aide publique au développement.
Nous souhaitons instituer une commission indépendante chargée d'évaluer des projets ou des politiques publiques de développement. Les évaluations qu'elle conduira, ex ante ou ex post, pourront porter sur plusieurs pays. Elle viendra expliquer au Parlement quels sont les impacts de nos actions et formulera des recommandations en termes de politiques publiques. Ce sera ensuite au Parlement d'inciter le Gouvernement, l'AFD, Expertise France et Proparco à mettre en œuvre ces recommandations.
Cette commission aura aussi vocation à capitaliser des expériences. Lors d'un conseil d'administration de l'AFD, en avril dernier, au cœur de la crise sanitaire, j'ai pu constater à quel point l'action de la France était importante dans de nombreux domaines, notamment en matière de santé. Cependant, les hommes et les femmes qui mettent en œuvre cette politique de développement changent, et nous sommes incapables de capitaliser leurs expériences et d'assurer la transmission de leur savoir. Par ailleurs, des actions conduites par d'autres pays pourraient être transposées en France. L'évaluation doit nous permettre de comprendre pourquoi un projet a réussi ou échoué, quelles sont les leçons à retenir et comment nous pouvons en tirer profit pour nos actions futures.
Cette commission indépendante d'évaluation sera similaire à celles qui existent dans d'autres pays comme l'Angleterre. Elle sera placée aux côtés de la Cour des comptes, qui assurera son secrétariat, pour des raisons logistiques et immobilières. Elle arrêtera son programme de travail de manière indépendante. Les administrations et autres personnes publiques seront tenues de lui apporter leur concours. Elle devra rendre des comptes devant le Parlement, qui pourra se saisir des évaluations qu'elle aura menées.
Cet amendement représente une belle avancée pour notre Parlement et notre pays – je sais que certains collègues en ont déposé d'autres, parfois un peu différents mais allant dans la même direction. La création de cette commission est le fruit de nombreux travaux parlementaires. Elle nous permettra d'être plus transparents vis-à-vis de nos concitoyens. En montrant l'impact de notre action sur le quotidien des populations aidées, nous deviendrons plus crédibles, nous pourrons demander davantage de crédits aux organisations internationales et nous gagnerons en influence, sur la scène mondiale, dans le domaine de l'aide au développement.
La nouvelle rédaction proposée a l'intérêt de conforter l'indépendance de la commission, de préciser les grands principes de son mandat et de la placer auprès de la Cour des comptes. Avis favorable.
Il est en effet rassurant que la future institution soit adossée à la Cour des comptes : c'est un gage d'expertise et de neutralité qui suscite la confiance.
Je salue la capacité d'écoute et l'ouverture dont a fait preuve le rapporteur à la suite de nos travaux – auxquels Bérengère Poletti, qui, vous le savez, regrette de ne pas être parmi nous, a pris une grande part.
Il est nécessaire d'évaluer et de contrôler directement les projets, moyennant une expertise sur place s'il le faut. C'est un élément important dont le rapporteur n'a pas parlé.
Ensuite, que signifie, dans l'exposé sommaire de l'amendement, l'expression « “droit de tirageˮ du Parlement » ?
Enfin, pourquoi la commission ne pourrait-elle pas s'appeler « commission d'évaluation et de contrôle » ? Certes, le contrôle est assuré par la Cour des comptes, mais le rôle du Parlement est bien de contrôler l'action du Gouvernement ; je ne vois donc pas en quoi ce nom poserait un problème. Au contraire, il renforcerait la transparence que nous souhaitons tous, sans empêcher la Cour des comptes de jouer son rôle.
Ces points sont capitaux pour nous ; ils détermineront le vote de mon groupe sur l'ensemble du texte. Jusqu'à présent, nous avons voté chaque article dans un esprit de consensus.
Je vous remercie, monsieur le rapporteur, des avancées que vous avez permises après notre réunion avec Jean-Yves Le Drian, lors de laquelle j'avais observé que l'article 9 était insuffisant et même évanescent, renvoyant à des décrets la composition, le rôle et les missions de la commission : on nous demandait de voter les yeux fermés. Ce n'est plus le cas.
Il convient en outre de souligner que l'adossement de la commission à la Cour des comptes, pour assurer son secrétariat et permettre des mutualisations, ne doit pas signifier que c'est le Premier président de la Cour qui présidera la commission. Je ne vise évidemment pas la personne de Pierre Moscovici et n'entends nullement être désobligeant vis-à-vis de cette grande institution pour laquelle j'ai beaucoup de respect, mais nous, parlementaires, tenons à l'indépendance de la commission, qui ne doit pas être sous la mainmise de la Cour.
J'attends des réponses claires du rapporteur et du Gouvernement sur ce point également, qui sera lui aussi décisif pour notre vote.
Je salue à mon tour l'ouverture du rapporteur. Lors de l'audition du Premier président de la Cour des comptes, nous avons pu l'interroger sur la faisabilité du rattachement de la commission à la Cour et l'expertise de celle-ci. Je suis évidemment favorable à l'amendement du rapporteur ; j'en avais moi-même déposé un allant dans le même sens – mais l'adoption du sien fera tomber tous ceux qui portaient sur le même sujet. Je partage cependant les inquiétudes de Michel Herbillon : il faut refuser la facilité qui consisterait à faire du Premier président de la Cour des comptes le président de la future commission ; le rattachement est le dispositif optimal, et le plus naturel compte tenu de l'expertise de la Cour.
Je salue moi aussi l'avancée que représente la nouvelle rédaction de l'article. Le rapporteur, Mme Poletti et moi-même avions proposé la création de la commission, qui garantira toute la transparence requise pour assurer la confiance et mesurer les résultats – le retour sur investissement des programmes mis en œuvre, si vous me permettez cette expression. Les inquiétudes de mes collègues doivent être entendues ; j'espère que la suite de la discussion permettra de les apaiser.
Eh bien moi, je ne salue pas la méthode ! Nous découvrons après avoir déposé nos amendements que l'article 9 est réécrit – nous n'avons pris connaissance de l'amendement du rapporteur qu'en le trouvant dans la liasse. Cette réécriture fera tomber tous les autres amendements à l'article. Ils relayaient pourtant une multitude de questions en suspens.
Il va donc falloir tout reprendre en vue de la séance ; j'en préviens le président et les services. Monsieur le président, vous répétez toujours qu'au niveau européen on travaille davantage en commission qu'en séance ; ici, c'est l'inverse. Nous allons devoir redéposer des amendements au nouvel article 9, que nous venons de découvrir, et étudier les nouveaux amendements déposés par le rapporteur ou le Gouvernement compte tenu de ceux qui sont tombés. Au vu du calendrier, il est urgent que notre commission informe la conférence des présidents qu'elle devra prévoir du temps pour discuter le projet de loi en séance !
Jean-Paul Lecoq parle d'or. L'article, quasi vide dans le texte initial, l'est presque autant dans cette version. Les différents amendements lui apportaient des contributions significatives, faisant de la nouvelle commission une vraie innovation en matière d'évaluation.
Les mêmes questions se posent à propos de cette commission que pour le Haut Conseil pour le climat et toutes les instances d'évaluation : par rapport à quoi évalue-t-on, puisque rien n'est écrit à ce sujet ? Qui peut saisir l'instance ? Le Gouvernement seulement ? L'affaire ne se joue-t-elle qu'entre la Cour des comptes, la présidence de la République et l'exécutif en général, selon un verrouillage dont nous avons déjà parlé ? Ou la saisine est-elle ouverte au Parlement ? Sera-t-il possible de procéder à des évaluations ex post et ex ante selon des critères comme les objectifs de développement durable (ODD) et leur effet sur les pays en développement ? Existe-t-il une base de données publique permettant d'argumenter devant les assemblées compétentes ?
Je soutiens le principe d'une commission d'évaluation ; mais pour que celle-ci tienne ses promesses, nous aurions dû en débattre ici. La réécriture de l'article nous renvoie à des discussions absconses en séance, alors qu'elle aurait pu avoir lieu après le débat en commission ; cela aurait été beaucoup plus respectueux du Parlement.
Sur la méthode, il faudrait choisir : on me reproche tantôt de tout renvoyer en séance faute d'avoir travaillé avant, tantôt d'arriver en commission en ayant déjà fait le travail alors qu'il faudrait le faire en séance !
Vous avez dit que vous vouliez laisser le travail en commission se faire et renvoyer la réécriture au débat dans l'hémicycle. Et quand je travaille ici avec vous sur vos amendements, vous me dites que l'on n'aura pas le temps de tenir compte de tout cela dans l'hémicycle !
Nous avons pu avancer sur certains sujets, non sur d'autres. Mais voilà un an et demi que nous discutons de l'évaluation, que nous auditionnons à son sujet, et le dispositif que nous examinons en est le fruit. Monsieur Potier, vous avez assisté aux réunions avec le Gouvernement lors desquelles nous avons indiqué quels éléments nous souhaitions ou non voir figurer dans le texte. Vous étiez également présent l'année dernière quand, avec Marielle de Sarnez, nous avons parlé du rattachement de la commission à la Cour des comptes ; nous avons alors tenu compte de votre point de vue ; le compte rendu en atteste.
Sur les méthodes d'évaluation proprement dites – je sais votre connaissance du sujet et vous avez raison d'y insister –, je l'ai dit, il y aura des évaluations ex post et ex ante ; mais il ne relève pas de la loi de détailler toutes les techniques et approches employées – randomized controlled trial, big data, open data, etc.
En ce qui concerne la saisine, le V de l'article dans la rédaction proposée dispose que « la commission peut être saisie de demandes d'évaluation par le Parlement ». On peut toujours être plus précis sur l'origine de la saisine. Je n'ai pas fait figurer mes propositions à ce sujet dans l'amendement, car celui-ci ne traduit pas mon avis, mais tient compte de nombreux points de vue et discussions collectives. Peut-être faut-il modifier certains éléments ; Jacques Maire a ainsi déposé un sous-amendement sur les modalités de transmission des rapports d'évaluation. Tout cela est encore – en bon breton – un work in progress.
Monsieur Herbillon, je dis trois fois oui à l'expertise sur place. Cela ne figure pas dans la loi, mais il ne faut pas que les experts restent dans des bureaux à Paris – d'où le recours à des personnes sur le terrain et le développement de l'expertise dans les pays bénéficiaires.
L'expression « droit de tirage » signifie simplement que le Parlement a le droit de se saisir de certaines évaluations. Au Royaume-Uni, les évaluations portent sur une dizaine de sujets par an, choisis en lien avec le Parlement et le Gouvernement. Il reste à déterminer – de manière indépendante – quel pourrait être ce nombre en France.
Pourquoi ne pas mentionner le contrôle dans le nom de la commission ? Parce que ce n'est pas de contrôle qu'il s'agit. Certes, l'évaluation inclut une part de contrôle, parce qu'elle suppose de récupérer divers documents, mais ce n'est pas le rôle de la commission. Vous l'avez dit vous-même, c'est le Parlement qui contrôle. Or la commission d'évaluation est indépendante ; elle n'est pas une instance du Parlement. Elle rend compte devant lui et il s'assure que ce qu'elle préconise est mis en œuvre.
Quant à la présidence de la commission, vous avez vu que vos préoccupations étaient prises en considération, comme celles du président Cambon.
Je vous remercie du travail que nous avons mené ensemble et dont mon amendement est le fruit. Il a également associé des organisations de la société civile et des spécialistes de l'évaluation. La rédaction que je vous propose est de nature à faire consensus et à nous permettre d'aboutir concernant plusieurs points, tout en laissant de la place pour la discussion dans l'hémicycle.
Je salue à mon tour les avancées dont témoigne l'amendement, mais son dépôt à ce stade et à cette place tronque le débat en empêchant l'examen de plusieurs amendements qui auraient pu enrichir sa rédaction. En ce sens, c'est un amendement castrateur, même si c'est un bon amendement. Je propose donc que le rapporteur le retire afin que nous puissions discuter de l'ensemble des amendements à l'article 9, et qu'il dépose en vue de la séance un amendement tenant compte de nos débats.
Je suis tout à fait d'accord avec M. Fuchs. La composition de la commission est renvoyée à un décret, alors que nous l'avons toujours jugée importante et que le Parlement a envie de donner son avis à son sujet, comme cela a été dit et redit, notamment lors des auditions. On nous empêche d'émettre un avis sur la parité en son sein, sur ses différents collèges, sur les personnalités qualifiées qui pourraient y siéger. Il faut résoudre ce problème, par exemple par le moyen que suggère M. Fuchs. Ainsi, le Parlement s'étant exprimé, le Gouvernement pourra au moins tenir compte de son avis dans le futur décret.
La commission est saisie du sous-amendement AE688 de M. Jacques Maire à l'amendement AE367 du rapporteur.
Je vous donne lecture du sous-amendement : « Compléter le dernier alinéa de l'amendement par la phrase suivante : Elle lui adresse ses rapports d'évaluation. »
Vous voyez, chers collègues, il est possible d'alimenter le débat pendant la réunion en sous-amendant immédiatement un amendement par écrit. Le débat n'est donc absolument pas contraint. Je remercie le rapporteur d'avoir maintenu son amendement.
Je souhaite que mon amendement AE188 soit considéré comme un sous-amendement à l'amendement du rapporteur.
Alors écrivez le sous-amendement, déposez-le, et je le prendrai ; mais ne retardons pas davantage le débat !
La commission adopte le sous-amendement AE688.
Elle suspend ses travaux de onze heures quarante à onze heures cinquante.
La commission est saisie du sous-amendement AE691 de M. Jean-Paul Lecoq.
En voici le texte : « Compléter le quatrième alinéa (III) par les trois phrases suivantes :
“Un décret en Conseil d'État fixera la composition de ladite commission d'évaluation de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales. Elle devra être composée d'au moins deux parlementaires de chaque chambre du Parlement, dont au moins un parlementaire de l'opposition de chaque chambre. Un collège pour les organisations non gouvernementales, un collège pour les organisations de la société civile dont au moins un représentant sera issu des pays bénéficiaires, et un collège des collectivités territoriales, seront instaurés au sein de cette commission. La parité femmes-hommes devra être respectée pour la composition de cette commission.ˮ »
Ces précisions ne relèvent pas nécessairement de la loi ; le Gouvernement nous le dira. Mais il n'est pas inutile que les parlementaires formulent des propositions, et leur contenu – notamment la parité, sur laquelle nous sommes certainement tous d'accord – peut aider le Gouvernement dans la rédaction de son décret.
Merci de votre contribution, monsieur Lecoq ; je pense que le Gouvernement en a bien pris note. Avis défavorable.
Même avis, mais le Gouvernement sera particulièrement attentif au respect de la parité et à la présence d'une personnalité qualifiée issue d'un pays bénéficiaire. Vous voyez, monsieur Lecoq, que nous tenons compte de certaines de vos préoccupations et vous donnons des assurances sur ces points.
Pour le reste, nous n'envisageons pas une commission pléthorique composée de nombreux collèges, mais une instance très opérationnelle, active, en mode commando. Au Royaume-Uni, son équivalent ne compte que six ou sept membres. Ce n'est sans doute pas compatible avec l'idée même de collège. Le Parlement du développement, c'est le CNDSI. Le format de la commission d'évaluation est différent.
La commission rejette le sous-amendement.
Elle est saisie du sous-amendement AE690 de M. Vincent Ledoux à l'amendement AE367 du rapporteur.
Voici le texte du sous-amendement : « après les mots “en matière d'évaluation et de développementˮ, compléter la première phrase de l'alinéa 4 par les mots : “ou en matière de conduite de projets des organisations de la société civile ou des collectivités territorialesˮ ».
On ne peut pas gagner tous les combats, mais il faut les livrer pour ne pas regretter de ne pas l'avoir fait. Cet ajout permettrait à la commission d'évaluation de bénéficier de l'expertise tirée des pratiques de terrain et de la conduite de projet des organisations de la société civile ou des collectivités territoriales.
Avis défavorable : la commission a par nature vocation à évaluer tous les projets, d'où qu'ils viennent.
La commission rejette le sous-amendement.
La commission adopte l'amendement AE367 et l'article est ainsi rédigé ; en conséquence, les autres amendements à l'article 9 tombent.
Si j'ai marqué un peu de contrariété c'est que j'ai craint que nous ne réussissions pas à adopter le texte ce soir, ce qui réduirait considérablement le temps de travail déjà très court dont nous disposerons avant l'examen du texte en séance. M. Maire était tout à fait dans son droit en déposant un sous-amendement et en invitant ses collègues à faire de même. Si mes propos ont pu vous choquer, je vous présente mes excuses.
Il serait heureux que le Gouvernement et le rapporteur proposent des sous-amendements qui améliorent nos amendements dès lors que ceux-ci font l'objet d'un accord politique. Ainsi, le débat ne serait pas éternellement renvoyé à la séance. J'en appelle à votre célérité et à votre bonne volonté : procédez ainsi avec les amendements dont vous estimez qu'ils doivent être légèrement modifiés, et nous gagnerons tous du temps !
Après l'article 9
Les amendements AE583 de M. Bruno Fuchs, AE590 de M. M'jid El Guerrab et AE639 de M. Jean François Mbaye sont retirés.
La commission examine l'amendement AE431 de M. Dominique Potier.
Il faut dissiper les zones d'ombre que sont les paradis fiscaux – même si ce n'est pas le moment d'entamer un débat sur les listes de pays – et veiller à la qualité de la fiscalité : ce sont des choses pour lesquelles nous nous battons. Cet amendement vise à assurer la transparence totale des circuits financiers en matière d'aide publique au développement et de coopération.
Si par malheur il était rejeté, pourrions-nous au moins nous mettre d'accord, monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d'État, pour inscrire clairement dans le texte, en séance, dans le CPG ou ailleurs, que la politique de développement de la France s'affranchit de toute convergence avec des pratiques d'évasion et de fraude fiscales ? Si tel est le cas, je suis prêt à retirer cet amendement et à travailler avec vous pour parvenir à une rédaction sans ambiguïté, très engageante pour le Gouvernement et pour les crédits de la France.
Je sais votre engagement sur cette question, monsieur Potier, mais je suis défavorable à ce qu'elle soit abordée à cet endroit du texte. En outre, votre proposition me paraît redondante avec l'article 1er, qui mentionne la cohérence des politiques publiques, ce qui inclut la fiscalité, et avec le CPG, qui fixe déjà des objectifs très forts en la matière.
Du reste, depuis trois ans, beaucoup a été fait, notamment en ce qui concerne la mobilisation des ressources domestiques et la lutte contre les paradis fiscaux. Dans le souci de garantir une taxation juste, Bruno Le Maire s'est également attaqué à la fiscalité des GAFA. Peut-être n'est-ce pas suffisant, mais c'est bien plus que ce qui avait été fait avant.
Nous avons consacré 90 millions – soit trois plus que précédemment – à la mise en place, dans le cadre de la Banque mondiale et du FMI, de programmes visant à renforcer la lutte contre l'évasion fiscale à travers des actions très concrètes : des experts sont envoyés sur le terrain, dans les ministères, pour faire en sorte que des listes soient dressées et tenues à jour, établir des bases de données et faciliter le partage d'informations. Le Quai d'Orsay et le Trésor ont conçu et publié, pour la première fois, une stratégie sur cinq ans en matière de lutte contre l'évasion fiscale et de mobilisation des ressources domestiques. Nous ne nous contentons donc pas de déclarations d'intention : un certain nombre d'actions très concrètes sont mises en œuvre. Expertise France, notamment, dont le statut sera modifié, nous permettra de mobiliser des experts.
Toutefois, je prends devant vous l'engagement d'essayer de renforcer encore le CPG si vous y trouvez des manques. S'il le faut, nous retiendrons la rédaction que vous proposez. La France est à l'offensive, mais le combat pour la transparence n'est jamais gagné : il faut le mener en permanence. Je suis sûr, monsieur Potier, que nous continuerons à travailler pour améliorer les choses.
Dans un esprit de coopération, je retire mon amendement, mais il faut aller au-delà de simples déclarations à la tribune de telle ou telle organisation internationale – c'est ce que j'appellerai l'« effet lampadaire » –, faute de quoi on ne fait que se payer de mots.
Pour les circuits financiers transitant par Proparco, voire pour l'ensemble de l'aide publique au développement, l'objectif doit être clair : zéro paradis fiscaux. C'est très engageant ; je ne suis pas sûr que vous soyez prêts à le faire. Nous allons essayer d'écrire simplement dans la loi cet objectif. Nous aurons de nouveau ce débat en séance ; rendez-vous est pris. Les termes en sont clairs : le texte ne doit pas être purement déclaratif, nous attendons une action effective. Il ne s'agit pas de défaire d'un côté ce que l'on a fait de l'autre !
L'amendement est retiré.
La commission est saisie de l'amendement AE436 de M. Dominique Potier.
Nous proposons d'inscrire dans le texte un ensemble de mesures visant à promouvoir le respect de la démocratie et de l'État de droit. Nous aimerions trouver dans le projet de loi une déclaration en faveur du renforcement des processus démocratiques dans les pays tiers. C'est un des combats de ma collègue Laurence Dumont, notamment. Il faut non seulement agir contre la corruption, mais œuvrer pour l'avènement de la liberté syndicale et du pluralisme démocratique. La politique de développement ne saurait se contenter d'accompagner les populations : elle doit favoriser les processus démocratiques qui permettent aux citoyens de prendre leur destin en main et de concourir au bien commun. Cet amendement a un caractère déclaratif ; un autre proposera la création d'un fonds dédié au développement de la démocratie et à la lutte contre la corruption. Si vous préférez inscrire ces objectifs dans le CPG, nous en sommes d'accord, mais, là aussi, nous aimerions que rendez-vous soit pris en séance.
Les enjeux que vous abordez sont fondamentaux. Toutefois, je suis défavorable à votre amendement, et je ne suis pas sûr qu'il y ait lieu de renvoyer la discussion à la séance.
Au niveau global, la question de l'État de droit est clairement abordée dans l'article 1er et dans le CPG. À un niveau intermédiaire, des indicateurs de résultats portant sur la gouvernance et le respect de l'État de droit guident l'action de tous les opérateurs de l'État et des acteurs de l'aide au développement. Enfin, un organisme comme l'AFD prévoit des conditions suspensives : le décaissement des fonds est lié au respect de certains principes en matière de transparence et de corruption.
Par ailleurs, votre amendement introduirait une forme de conditionnalité. Pour les populations les plus vulnérables, ce serait la double peine : non seulement elles souffriraient de violations des droits de l'homme, mais en plus elles ne bénéficieraient plus de l'aide au développement. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle en arrive à l'amendement AE165 de Mme Bérengère Poletti.
Cet amendement vise à ce que le Gouvernement informe le Parlement sur les questions de formation, de rémunération et d'attractivité du métier d'expert technique international, ainsi que sur les causes et les conséquences de la baisse du nombre de ces experts.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement AE308 de Mme Bérengère Poletti.
Je constate le grand esprit d'ouverture dont fait preuve le rapporteur ! Cela illustre ce que je disais au début de l'examen de l'article 9 : le Gouvernement et la majorité ont choisi de refuser les amendements de l'opposition, c'est dommage ; ils en assumeront la responsabilité.
À travers cet amendement, nous demandons que le Gouvernement remette un rapport au Parlement faisant un bilan des moyens qui sont véhiculés par les diasporas vers les pays moins avancés, en formulant des propositions de financement de projet global à destination de ces pays les moins avancés, financements qui pourront générer un avantage fiscal pour le donateur. Il s'agit de favoriser des propositions concrètes de financement de projets servant l'intérêt collectif plutôt que des intérêts individuels.
Certains amendements ont été acceptés, vous le savez très bien, d'autres le seront. C'est le fonctionnement habituel du Parlement, et cela fait partie des prérogatives des rapporteurs et du Gouvernement. Avis défavorable.
Même avis, d'autant que de nombreux travaux ont déjà été conduits – notamment par Sira Sylla, ici présente, qui a éclairé utilement le Parlement et la société civile sur ces enjeux. Le temps n'est pas aux rapports, il est à l'action.
La commission rejette l'amendement.
Article 10 : Habilitation du Gouvernement à procéder par ordonnance sur l'attractivité
La commission examine l'amendement AE368 du rapporteur.
Nous sommes très souvent en harmonie, monsieur le rapporteur, mais, en l'espèce, je considère que cet amendement est un peu plus que rédactionnel. S'agissant des lois d'habilitation, l'usage est de prendre comme point de départ la date de publication et non la date de promulgation. Je vous demande de retirer votre amendement – peut-être aurons-nous l'occasion d'en parler de nouveau d'ici à la séance.
L'amendement est retiré.
La commission examine l'amendement AE430 de M. Dominique Potier.
Le Gouvernement souhaite accorder l'immunité diplomatique à certaines personnalités représentant des fondations ou organismes divers concourant au développement international, que notre pays aimerait accueillir. Cette demande paraît contraire à de nombreuses conventions internationales. Par ailleurs, une telle disposition présente des risques potentiels : accorder cette immunité ne serait-il pas, parfois, contraire à la déontologie, voire à la simple prudence ? Ne faut-il pas prendre certaines précautions ? En l'absence de garanties, nous demandons la suppression de l'alinéa 2.
Avis défavorable, mais je laisserai le soin au Gouvernement de vous expliquer les motifs de cette disposition. Je comprends la logique de votre amendement, monsieur Potier, mais l'expérience a montré, notamment au cours des dernières années, qu'une telle mesure était nécessaire pour accueillir certaines conférences ou réunions d'organisations internationales.
Cet article est particulièrement important. La France participe à de nombreuses actions conduites par des fonds multilatéraux, des ONG et certaines entités qui sont quasiment des organisations internationales (OI). La concurrence est vive pour accueillir ces acteurs. Dans ce domaine, la France, située au cœur du fuseau eurafricain, a l'ambition d'être attractive. Pour ce faire, il convient de prendre des dispositions relatives aux privilèges et immunités en allant au-delà des OI stricto sensu. L'enjeu est majeur : il est important d'attirer, par exemple, des équipes du Partenariat mondial pour l'éducation, ou encore de la Banque mondiale, chargées de suivre l'Afrique. Cela permet d'enclencher des phénomènes de réseau, de stimuler la recherche et les partenariats avec des organisations françaises ou européennes.
Par ailleurs, notre proposition est tout à fait conforme au droit de l'UE : le protocole no 7 sur les privilèges et immunités n'interdit en rien aux États membres d'étendre le champ d'application, d'autant que l'attribution des privilèges et immunités reste une prérogative des États.
Notre objectif est d'attirer en France certaines forces vives œuvrant dans le domaine du développement. Or on n'attrape pas les mouches avec du vinaigre.
Cette discussion aura permis de rassurer tout le monde, même si, par ailleurs, un projet de loi de ratification sera déposé dans les trois mois suivant la publication de l'ordonnance.
J'en ai fait l'expérience avec l'Union pour la Méditerranée : installer en France le siège ou le secrétariat général d'une organisation internationale est un véritable parcours du combattant – nous avons d'ailleurs été obligés de choisir un autre pays. Simplifier un peu les choses, permettre au Gouvernement de « dealer » rapidement pour obtenir l'implantation sur son sol d'organisations internationales ou de fondations n'a donc rien de superflu.
Cher collègue, vous apportez de l'eau à mon moulin : on ne « deale » pas – ce mot n'est pas approprié au sein de la commission des affaires étrangères.
(Sourires.)
Nous ne sommes pas des dealers ; nous sommes les représentants de la nation. Notre rôle est de faire prévaloir l'État de droit. Or le Gouvernement nous demande de lui octroyer un pouvoir exorbitant. La disposition pourrait conduire à des dérives. On ne saurait accepter, par exemple, que les principes mêmes de l'État de droit soient écartés du fait de certains jeux d'intérêts.
Je vous invite, à tout le moins, à nous donner des garanties d'ici à la séance. Vous devez nous montrer qu'il s'agit de faire de notre pays le champion de la diplomatie des droits de l'homme et du développement soutenable, et que nous ne serons en aucun cas les complices de basses œuvres. Si nous recevons ces garanties, nous changerons d'avis ; dans l'attente, par prudence, je propose que vous renonciez à ce pouvoir exorbitant.
Comment pouvez-vous nous soupçonner de cautionner des basses œuvres ? Je suis d'autant plus étonné de vos propos que le Gouvernement se présente devant le Parlement en toute bonne foi, plein de bonne volonté, avec un projet de loi consacrant des avancées majeures – il y a des moyens, une architecture claire, une commission d'évaluation –, qu'aucun des précédents gouvernements n'avait permises. Nous faisons tout pour progresser. Je ne comprends pas cette volonté d'introduire le soupçon partout !
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'amendement rédactionnel AE369 du rapporteur.
Elle en vient à l'amendement AE429 de M. Dominique Potier.
Il participe du même esprit que le précédent.
J'en profite pour répondre à M. Lemoyne. Ce n'est pas une question de confiance, c'est une question de prudence. Voudriez-vous que nous poussions des cris d'admiration à chacune de vos déclarations ? Qui vous dit, d'ailleurs, que nous ne soutiendrons pas le texte à la fin ? Nous faisons simplement notre travail de parlementaires, nous exerçons notre vigilance ; cela vous pousse dans vos retranchements, vous oblige à être meilleurs.
En outre, nous ne savons pas qui sera au pouvoir demain. L'État de droit, c'est l'équilibre des pouvoirs : nous devons l'organiser dans la loi.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'amendement rédactionnel AE370 du rapporteur.
Elle adopte l'article 10 modifié.
Après l'article 10
La commission examine l'amendement AE206 de Mme Bérengère Poletti.
Cet amendement, cosigné par l'ensemble des commissaires Les Républicains, aborde une question importante. La délivrance des laissez-passer consulaires laisse beaucoup à désirer, nous en avons parlé à plusieurs reprises avec Jean-Yves Le Drian. Nous proposons de conditionner l'octroi de l'aide publique au développement aux réponses obtenues en matière de laissez-passer consulaires.
En effet, la reconduite à la frontière des ressortissants de certains pays se révèle impossible, faute de parvenir à obtenir un laissez-passer consulaire des autorités étrangères, notamment quand les personnes ont fait disparaître leurs papiers d'identité.
Certes, des progrès ont été réalisés depuis 2013, mais moins de la moitié des laissez-passer consulaires demandés par la France ont été délivrés dans des délais utiles. Par ailleurs, les résultats sont extrêmement hétérogènes selon les pays : seuls 11,8 % des laissez-passer consulaires ont été délivrés dans les temps par le Mali – alors même que la France est particulièrement engagée dans ce pays, notamment à travers l'opération Barkhane –, 17,2 % dans le cas de l'Égypte, 48 % dans celui de l'Algérie. Les consulats étrangers se livrent à des manœuvres dilatoires.
Jean-Baptiste Lemoyne a expliqué, d'une manière presque désobligeante à l'égard du Parlement, que le temps n'était pas aux rapports mais à l'action. Je sais, monsieur le secrétaire d'État, que le rêve de tout gouvernement est de ne pas avoir à être contrôlé par un parlement. Il se trouve que notre régime ne fonctionne pas encore ainsi – quoique l'on soit en droit de s'interroger devant certaines réactions. Mais il est vrai, s'agissant des laissez-passer consulaires, qui sont de la responsabilité de votre ministère, que le temps est à l'action.
C'est un vieux sujet de débat, soulevé notamment par votre collègue Pierre-Henri Dumont. Si la question de l'effectivité de la délivrance des laissez-passer se pose, elle ne saurait être réglée à travers l'aide au développement.
D'abord, il est toujours utile de tirer les leçons du passé : cette pratique, à laquelle le gouvernement de François Fillon a tenté de recourir entre 2007 et 2012, n'a donné aucun résultat. Ensuite, la conditionnalité serait une double peine pour les populations les plus vulnérables, puisqu'on leur ferait payer les conséquences d'une politique dont elles ne sont pas responsables. Lier la question de l'immigration à celle du développement ne me convient pas sur le plan philosophique ; sur le plan pratique, cela ne fonctionne pas.
Par ailleurs, conditionner l'aide serait contraire à nos engagements internationaux, notamment ceux que nous avons souscrits auprès de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). En revanche, il est intéressant d'agir à travers la délivrance de visas diplomatiques. Avis défavorable.
Puisque vous m'incitez à agir, voici quelques chiffres. Depuis 2017, le nombre de laissez-passer consulaires délivrés a augmenté de 89 %. Tous pays confondus, le taux de délivrance était de 67 % en 2019, contre 51 % en 2017 ; pour les pays prioritaires, il est passé de 42 % à 58 %. Nous avons donc mis de la pression dans le système. Il existe désormais un ambassadeur chargé des migrations, qui dialogue au quotidien avec les États étrangers et leurs administrations. Nous sommes résolument dans l'action, même si, quand on part d'aussi bas, il existe des marges de progression. Avis défavorable.
Derrière l'aspect anodin de cet amendement, on devine bien des arrière-pensées politiciennes. Elles ne devraient pas avoir cours dans ce débat consacré à l'aide publique au développement.
Je viens de rendre un rapport sur les visas. La diminution du nombre de visas accordés aux ressortissants de certains pays – jusqu'à 50 % – s'explique par le fait que l'on a lié cette politique à la délivrance des laissez-passer consulaires. La logique est la suivante : « Vous voulez venir chez nous ? Nous vous accueillons, mais en échange, acceptez que les immigrés clandestins reviennent au pays. » Je ne suis pas d'accord avec cette approche, mais on peut la comprendre.
Ce que vous proposez, c'est de conditionner l'aide publique au développement à la délivrance de laissez-passer consulaires. Concrètement, comment procéderez-vous ? A partir de combien de laissez-passer consulaires refusés priverez-vous un pays de notre aide ? Techniquement, cet amendement n'est pas opérant.
Je suis déçu, monsieur Herbillon : je ne m'attendais pas à avoir un débat sur l'immigration illégale à propos de l'aide publique au développement. Établir un lien entre les deux, c'est offrir un tremplin extraordinaire aux idées de l'extrême droite dans la perspective de 2022.
Je suis tout à fait en accord avec le rapporteur et M'Jid El Guerrab. C'est un vieux débat, c'est même une vieille rengaine de la droite parlementaire. L'APD ne doit pas être un instrument de notre politique migratoire. L'aide publique au développement a quatre objectifs : lutter contre les inégalités mondiales, préserver les biens publics mondiaux, réduire la grande pauvreté et promouvoir les droits humains. Par ailleurs, le rapporteur a raison : ce serait faire subir une double peine aux populations.
La question mérite d'être posée. On voit bien le problème philosophique, mais aussi l'impasse technique de cette proposition. Nous ne pouvons pas conditionner l'aide que nous apportons.
Il n'en demeure pas moins qu'il faut renvoyer chez elles davantage de personnes expulsables. Comme l'a dit M. Herbillon, il est anormal que le Mali ne délivre pas davantage de laissez-passer pour le retour de ses ressortissants, alors que nos soldats se font tuer pour défendre la liberté dans ce pays. Nous faisons confiance au Gouvernement et à l'ensemble de ceux qui sont chargés de cette mission pour le faire. La situation s'améliore, mais il convient d'aller plus loin.
Il faut répondre factuellement à M. Herbillon, car le débat est légitime.
Il est possible de mener une politique visa contre visa. Nous le faisons d'ailleurs, y compris en empêchant certains ministres étrangers de venir passer leurs vacances en France. C'est quelque chose qui a un impact, qui fait mal.
Par ailleurs, comment les sociétés démocratiques des pays dont nous parlons réagiraient-elles si la France décidait de conditionner son aide et que cela devenait public ? Cela antagoniserait les positions. En mars 2017, le ministre des affaires étrangères néerlandais s'est rendu au Sénégal pour signer un accord prévoyant une forme de conditionnalité discrète. Le ministre l'a rendu public alors qu'il était encore à Dakar ; l'accord a été immédiatement dénoncé et le ministre a dû repartir. Certaines choses peuvent être faites de manière discrète, mais pas publiquement.
Enfin, si les États en question étaient amenés à choisir entre le financement par les diasporas et le financement de l'APD, il est clair qu'ils opteraient pour le premier.
Lier l'aide publique au développement à la délivrance de laissez-passer consulaires créerait un préjudice pour les populations et ne serait pas efficace. En revanche, lier la politique des visas à la délivrance des laissez-passer serait plus efficace : c'est un moyen de pression sur les dirigeants et l'opinion publique de ces pays.
Jacques Maire l'a souligné, les États préféreront toujours choisir l'argent des diasporas, trois fois supérieur au montant de l'aide publique au développement.
Monsieur le président, je vous remercie de faire une exception à la règle que vous avez fixée en début de réunion. Le sujet est important – même s'il y en a eu d'autres – et nous pourrions longuement débattre de la question migratoire, de l'aide au développement, de la délivrance des visas et des laissez-passer. J'apprécie la façon dont mes collègues Jacques Maire, Sylvain Maillard et Sira Sylla ont répondu à l'interpellation, estimant que le débat était légitime. Il s'agit d'un amendement présenté au nom de l'ensemble des députés Les Républicains membres de la commission des affaires étrangères. On ne peut donc l'écarter d'un revers de main, ni fermer les yeux sur le sujet.
J'ai notamment évoqué le Mali. Il faut sortir du microcosme, de ce qu'est parfois l'Assemblée, un théâtre d'ombres. Il faut écouter ce que nous disent nos concitoyens, les Français dont nous sommes les représentants, et entendre leur incompréhension face aux images des cercueils de soldats traversant le pont Alexandre III pour aller aux Invalides, quand le taux de laissez-passer est de 11 % au Mali !
Monsieur le secrétaire d'État, vous évoquez des progrès ; je vous en donne acte. Mais il y a encore des marges de progression. Je ne doute pas que vous veillerez à ce que ces pourcentages s'améliorent.
En revanche, je n'apprécie pas la manière dont M'jid El Guerrab m'a répondu. Dès qu'on évoque l'immigration et les personnes en situation irrégulière sur notre territoire, c'est un marronnier, on nous répond qu'on fait le lit de l'extrême droite ! Cher collègue, je n'ai aucune leçon à recevoir de votre part : le gendre de Jean-Marie Le Pen, Philippe Olivier, s'est présenté pendant dix-neuf ans contre moi ou le candidat que je soutenais, à toutes les élections, à la mairie de Maisons-Alfort, au conseil départemental du Val-de-Marne, aux législatives. Puis il est reparti, parce que j'ai fait baisser considérablement le score du Front national dans ma commune. Vous devriez vous renseigner au lieu de sous-entendre que j'ai des liens avec l'extrême droite !
Je ne crois pas que quiconque, à commencer par M. El Guerrab, pense que vous êtes un danger pour la République ! Il n'était simplement pas d'accord avec l'esprit de votre amendement, ce qui peut se concevoir.
La commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement AE560 de Mme Aina Kuric.
Dans un délai d'un an après l'entrée en vigueur de la loi, nous souhaiterions que le Gouvernement transmette un rapport portant spécifiquement sur l'impact de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales dans les départements, régions et collectivités d'outre-mer. Nous aimerions savoir comment l'aide publique au développement sert le développement des pays frontaliers de ces collectivités.
Enfin, nous voudrions que le rapport évalue l'intérêt d'inclure ces collectivités dans le périmètre de compétences d'Expertise France afin d'en faire des plateformes de coopération internationale.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement.
Article 11 : Abrogation des articles de la précédente loi du 7 juillet 2010
La commission examine l'amendement AE554 de Mme Aina Kuric.
L'amendement vise à clarifier la rédaction de l'article, qui abroge partiellement la loi du 7 juillet 2014 d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale.
La commission adopte l'amendement.
Elle passe à l'amendement AE624 de Mme Sira Sylla.
Cet amendement a trait à la bi-bancarisation qui permet à des expatriés et des immigrés de bénéficier de services bancaires étrangers en France. Ce dispositif vise à réduire les coûts des transferts d'argent.
L'objectif de développement durable n° 10 évoque des coûts de transferts d'argent à 3 % à l'horizon de 2030, alors qu'ils peuvent actuellement atteindre 20 % vers les pays d'Afrique subsaharienne. Il faut faire quelque chose, d'autant que les transferts des expatriés et immigrés représentent trois fois le montant de l'aide publique au développement.
Je travaille sur ce dossier depuis le mois de mai, Vincent Ledoux, M'jid El Guerrab ou Jacques Maire pourront en témoigner. J'ai tenu plusieurs réunions avec les chefs de bureau de la direction de la législation fiscale (DLF) et de la direction générale du Trésor. Le dossier n'avance pas alors que l'enjeu est majeur, tout le monde le reconnaît.
L'argent des diasporas est un outil de développement et ces dernières sont le premier acteur du développement. Je ne comprends pas les arguments qu'on m'oppose – on m'en oppose peu, d'ailleurs. La bi-bancarisation est un instrument au service du développement de l'Afrique – plus de 500 milliards d'euros sont transférés par les diasporas –, elle constitue aussi un allégement du budget des États contributeurs. Les fonds de l'aide publique au développement vont être examinés de près par l'opinion publique française car nous sommes en période de crise sanitaire, et les crises économique et sociale sont devant nous.
Associer partenariats publics et privés, c'est le sens de notre action depuis trois ans et demi. Il faut continuer. Certains craignent que la bi-bancarisation soit un instrument au service du blanchiment d'argent ou du terrorisme, c'est tout le contraire !
Je remercie le rapporteur et le ministère de l'Europe et des affaires étrangères pour leur écoute et leur bienveillance.
Je salue le travail de Sira Sylla, reconnu à la fois en France et à l'étranger, notamment au Sénégal. Sur le fond, elle le sait car nous en avons beaucoup discuté, je suis défavorable à l'amendement dans sa rédaction actuelle. Je le dis devant le Gouvernement et afin que cela figure au compte rendu, je regrette l'attitude du ministère de l'économie et des finances. Il aurait pu réfléchir et avancer depuis longtemps, même si les modifications sont substantielles. J'invite le Gouvernement à nous transmettre des éléments d'ici la séance car le sujet est vraiment fondamental pour nos diasporas. Nous proposerons alors un amendement afin de poursuivre le travail important mené par notre collègue.
Je partage l'avis du rapporteur et me félicite également du travail entre notre ministère et la députée Sira Sylla. J'adresse directement le message à nos amis du Trésor qui nous écoutent : il faut progresser pour trouver un dispositif.
Je précise que j'attends certains éléments depuis plusieurs mois. On devait faire des études, me transmettre des rapports – on ne me les a jamais communiqués. J'ai déposé une proposition de loi en juillet. Je remercie le secrétaire d'État de ce rappel au Trésor, il faut avancer. C'est un sujet majeur dont on parle partout, même en dehors des frontières de la France, et qui concerne tous les Français.
En soutien de l'excellente intervention de Mme Sylla, et par anticipation, permettez-moi d'évoquer mon amendement AE253. Sept ans après l'adoption de loi du 7 juillet 2014, seules deux grandes banques marocaines ont sollicité et obtenu l'autorisation de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) pour commercialiser certains services bancaires par l'intermédiaire de filiales établies en France.
C'est très inférieur aux objectifs ambitieux du législateur de 2014 et aux attentes fortes que ce dispositif suscite encore. Nous avons échangé avec les acteurs, ainsi qu'avec le ministère des finances, et j'en tire la conclusion qu'il est nécessaire de dresser un état des lieux détaillé, d'analyser les raisons du décalage avec les attentes initiales, ainsi que les voies d'amélioration. Les difficultés peuvent provenir d'un manque d'appétence des banques africaines pour un mécanisme de ce type ou de réticences des banques françaises pour nouer des partenariats avec elles. Cette situation peut-elle évoluer ? Existe-t-il des lourdeurs dans les modalités de supervision et les exigences de conformité ? Il serait pourtant difficile d'être moins-disant. Il faudra sans doute plutôt améliorer la coopération entre superviseurs français et africains. Les difficultés tiennent-elles à la gamme des services financiers susceptibles d'être offerts ou aux canaux de distribution ?
Pour répondre à ces interrogations, nous proposons que, dans un délai de six mois après la promulgation de la loi, le Gouvernement remette un rapport afin que nous disposions de toutes les données pour modifier le régime de la loi de 2014, peut-être au début de la prochaine législature.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine les amendements identiques AE253 de M. Vincent Ledoux et AE625 de Mme Sira Sylla.
Je vais compléter l'excellent argumentaire que vient de développer Vincent Ledoux. Le projet de loi concerne l'aide publique au développement, mais il ne faut pas oublier que celle-ci est couplée aux fonds des diasporas africaines. Si nous n'améliorons pas les dispositifs de transfert d'argent, nos politiques publiques ne seront pas efficaces. J'ai déjà cité des exemples hier.
Je suis entièrement d'accord avec Vincent Ledoux, mais il faudrait une mission flash pour avancer au plus vite et voter une loi avant la fin de la législature.
Je suis favorable à un rapport sur ces deux sujets importants : la bi-bancarisation et la transparence de la taxation et des frais liés aux transferts financiers de France vers les pays en développement.
Le sujet concerne à la fois les diasporas africaines en France et françaises en Afrique. Les Français de l'étranger doivent également fermer leurs comptes bancaires parce qu'ils résident de l'autre côté de la Méditerranée, ce qui est absolument scandaleux. Il faut donc aussi étudier cette solution pour eux.
La commission adopte les amendements.
Elle en vient aux amendements identiques AE254 de M. Vincent Ledoux et AE626 de Mme Sira Sylla.
La bi-bancarisation n'est pas une réponse suffisante pour les transferts financiers du quotidien des diasporas. Ces derniers sont récurrents et concernent de petits montants, vitaux pour de nombreuses familles de pays en développement, notamment en Afrique. Réduire le coût de ces transferts permettrait aussi de réduire les transferts informels, comme l'envoi d'espèces, qui présente le risque d'être mêlé à des flux illégaux.
Ce sujet est plus que jamais d'actualité dans le contexte de crise sanitaire. Des mesures pourraient être prises rapidement, sans modifier la loi. On pourrait ainsi, par voie de décret, demander aux prestataires de transferts de fonds de formuler leurs propositions tarifaires dans un format harmonisé, ce qui faciliterait la comparaison des offres par les clients et ferait donc jouer la concurrence. Le Gouvernement pourrait aussi réunir les acteurs sous l'égide des fédérations professionnelles pour conclure un accord de place, avec des engagements de baisse des tarifs pour certaines opérations vers les pays en développement.
C'est pourquoi nous demandons un rapport au Gouvernement afin d'enclencher le mouvement et de passer, comme le dit si bien M. Lemoyne, à l'action.
Vincent Ledoux en est témoin, le ministère des finances nous avait indiqué travailler sur une étude. Nous l'attendons donc. Nous devions faire un certain nombre de choses ensemble. L'alternative serait d'analyser ces coûts extravagants et que l'État incite les prestataires de services à les baisser. L'ODD10 à l'horizon de 2030, c'est moins de 3 % !
Par voie réglementaire, nous allons prochainement accroître la transparence des offres tarifaires et ainsi contribuer à réduire le coût des transferts de fonds de la France vers l'étranger. Pour autant, ce rapport nous éclairera pour prendre d'autres mesures. J'y suis favorable.
La commission adopte les amendements.
Elle adopte l'article 11 modifié.
Nous aborderons cet après-midi l'examen du cadre de partenariat global. Du fait d'une obligation contractée antérieurement à mon élection à la présidence de la commission, je ne pourrai pas être des vôtres avant seize heures trente. Mme Rauch assurera la présidence, sans doute bien plus efficacement que moi, car elle a assumé ces fonctions pendant la triste maladie de Marielle de Sarnez.
Nous avons examiné 296 amendements. Il en reste 302. Il nous faudra faire un effort considérable si nous voulons finir avant minuit ce soir.
La séance est levée à treize heures.