La commission a poursuivi l'examen du projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable (n° 627) (M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur).
Nous poursuivons l'examen de l'article 10 du projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable.
La commission examine, en discussion commune, l'amendement CE483 de M. Daniel Fasquelle, ainsi que les amendements identiques CE287 de M. Jacques Cattin, CE299 de M. Vincent Rolland, CE555 de M. Daniel Fasquelle et CE747 de M. Antoine Herth, les amendements CE1468 et CE1566 de M. Pierre Morel-À-L'Huissier, l'amendement CE646 de M. Daniel Fasquelle, l'amendement CE1183 de M. Gilles Lurton, et les amendements identiques CE642 de M. Dino Cinieri et CE1750 de M. Dominique Potier.
L'amendement CE483 a pour objectif de préciser la modification législative envisagée dans l'ordonnance en faisant clairement référence aux « prix de cession abusivement bas » et en établissant un lien direct entre la définition de ces prix abusivement bas et les coûts de production en agriculture.
L'amendement CE287 vise à modifier la rédaction de l'article 10 afin de raccourcir les délais de mise en oeuvre de la réforme proposée.
L'amendement CE1183 a pour objet de préciser et compléter les objectifs de l'ordonnance afin que les modifications apportées à l'article L. 442-9 du code de commerce aillent dans le sens des objectifs d'équilibre dans les relations commerciales portés par le présent texte.
L'amendement CE642 a pour objectif de préciser la modification législative envisagée dans l'ordonnance en faisant clairement référence aux « prix de cession abusivement bas » et en établissant un lien direct entre la définition de ces prix abusivement bas et les coûts de production en agriculture.
L'amendement CE1750 vise à donner habilitation au Gouvernement à légiférer par ordonnance afin de supprimer la référence à la situation de crise conjoncturelle et de préciser la définition du prix de cession abusivement bas. Sortir de l'hypocrisie et avoir des références solides, tel est le but de cet amendement.
Les amendements constituant la série que nous examinons ont pour objet de préciser le champ d'habilitation du Gouvernement à élargir la responsabilité du fait d'un prix de cession abusivement bas, telle qu'elle est prévue par l'article L.442-9 du code de commerce. Ils proposent que l'appréciation du prix de cession abusivement bas prenne notamment en compte les indicateurs de coûts de production agricole.
Ces amendements présentent un caractère opportun en ce qu'ils s'inscrivent directement dans l'esprit du projet de loi, à savoir la prise en compte des indicateurs de coûts de production tout au long de la chaîne d'approvisionnement alimentaire. Les modifications qui seront apportées au code de commerce doivent être mises au service de l'effectivité du projet de loi. En ce sens, les notions de droit commercial telles que celle du prix de cession abusivement bas doivent s'adapter à la nécessité de rééquilibrer les relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire.
J'émets donc un avis de sagesse au sujet de ces amendements.
Le Gouvernement est défavorable à ces amendements.
En effet, l'article 10 du projet de loi prévoit, en son alinéa 7, une habilitation claire, autorisant le Gouvernement à élargir à l'article L.442-9 le champ d'application de l'action en responsabilité, et il ne nous semble pas nécessaire d'entrer dans le détail.
Par ailleurs, pour ce qui est des délais, nous avons déjà statué sur le raccourcissement du délai de neuf à six mois, qui nous semble constituer une bonne solution.
Je ne sais pas si nos collègues ont bien conscience du fait que l'article 10 a pour objet de modifier en profondeur le titre IV du livre IV du code de commerce, qui contient l'ensemble des règles, élaborées depuis vingt ans par les apports législatifs successifs, relatives à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et autres pratiques prohibées – donc, notamment, aux relations entre la grande distribution et les producteurs.
Cet article vise en fait à donner au Gouvernement une habilitation à réécrire vingt ans de législation en privant la Représentation nationale d'un débat sur un sujet essentiel, et représentant un enjeu économique majeur. Je suis évidemment opposé à ce procédé et, quand j'entends Mme la secrétaire d'État rejeter nos amendements au motif qu'ils sont trop précis, cela me paraît témoigner de la volonté de Bercy d'avoir les mains libres pour intervenir dans un domaine qui a toujours été de la compétence du Parlement.
Bercy et la loi de modernisation de l'économie et de la grande distribution, c'est une longue histoire française, qui s'est poursuivie sous tous les gouvernements. Après les États généraux de l'alimentation, qui avaient pour objectif de répondre à la crise majeure que connaît ce secteur, vous devez aujourd'hui permettre à la Représentation nationale de s'exprimer dans les ordonnances – c'est le minimum que vous puissiez faire, madame la secrétaire d'État.
Bien entendu, nous maintenons nos amendements.
Pour ce qui est de l'intention du Gouvernement sur les modifications qui pourraient être apportées par l'ordonnance au titre IV du livre IV du code de commerce, je précise qu'il s'agit de clarifications, et non d'une réforme en profondeur.
Pardon d'insister, madame la secrétaire d'État, mais votre réponse ne porte que sur un alinéa de l'article 10, alors que ma remarque concerne l'ensemble de l'article. L'article 10 a une portée considérable, car son champ dépasse très largement la question des relations commerciales entre les agriculteurs et les grandes surfaces. C'est pourquoi je tiens à attirer l'attention de mes collègues sur le procédé, qui ne me plaît pas, consistant à glisser en catimini ses dispositions dans un article du projet de loi concernant en principe les EGA et les agriculteurs : ce faisant, Bercy s'apprête à réécrire par ordonnances une grande partie du droit français de la concurrence !
J'entends les inquiétudes de notre collègue Fasquelle, mais je tiens à rappeler que chaque ordonnance devra être validée par un projet de loi de ratification, ce qui permettra à la Représentation nationale d'avoir une vue parfaite sur les ordonnances, d'en débattre et éventuellement de s'opposer à leur ratification.
Avant même la ratification, le texte doit être soumis aux parties prenantes. Tant en ce qui concerne le déséquilibre significatif que le prix abusivement bas, il s'agit de clarifier le dispositif actuel afin d'aboutir à un texte plus clair, plus lisible et plus compréhensible.
La commission rejette l'amendement CE483.
Elle rejette les amendements identiques CE287, CE299, CE555 et CE747.
Elle rejette successivement les amendements CE1468, CE1566, CE646 et CE1183.
Enfin, elle rejette les amendements identiques CE642 et CE1750.
Elle est saisie de l'amendement CE2042 du rapporteur.
Avis favorable.
La commission adopte l'amendement.
En conséquence, les amendements CE1169 de M. Jérôme Nury, et CE1754 et CE1755 de M. Dominique Potier tombent.
La commission examine l'amendement CE2090 du Gouvernement.
Le présent amendement propose deux modifications au 5° de l'article 10, en vue de préciser qu'une seule ordonnance sera prise pour l'ensemble de cet article.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'article 10 modifié.
Après l'article 10
La commission examine, en discussion commune, l'amendement CE1785 de M. Dominique Potier, l'amendement CE1945 de M. Charles de Courson, les amendements identiques CE133 de M. Dino Cinieri, CE589 de M. Daniel Fasquelle, CE1744 de M. Dominique Potier et CE1893 de M. Thierry Benoit, ainsi que l'amendement CE592 de M. Adrien Morenas.
L'amendement CE1785 vise à préciser la définition de l'abus de position dominante, qui constitue un point capital.
L'amendement CE1945 vise à remplacer le second alinéa de l'article L. 420‑2 du code de commerce par deux alinéas ainsi rédigés :
« Est en outre prohibée, dès lors qu'elle est susceptible d'affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence, à court ou moyen terme, l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises de l'état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées, en déréférencements, en des demandes de garantie compensation de marges, en pratiques discriminatoires visées au I de l'article L. 442‑6 ou en accords de gamme.
« Lorsque l'une au moins des parties exploite un ou plusieurs magasins de commerce de détail, la situation de dépendance économique est caractérisée, au sens de l'alinéa précédent, dès lors que le fournisseur ne dispose pas d'une solution de remplacement auxdites relations commerciales, susceptible d'être mise en oeuvre dans un délai raisonnable. Cette situation est présumée dès lors que le fournisseur réalise une part de son chiffre d'affaires auprès du distributeur d'au moins 20 %. »
L'amendement CE133 vise à proposer un assouplissement de la définition de la dépendance économique, afin que les fournisseurs soient protégés en cas de perte soudaine d'un client. L'objectif est de protéger la partie faible au contrat dans la relation commerciale.
Chacun sait que, si l'état de dépendance économique est visé par le code de commerce, il y a dans les faits très peu de décisions de justice condamnant ce type de situations. L'amendement CE589 vise donc à assouplir le code de commerce afin de d'engager plus facilement des poursuites en cas d'état de dépendance économique.
L'amendement CE592 vise à mieux défendre les fournisseurs face aux distributeurs. Il prend en compte l'effet produit par la création de consortiums de grandes enseignes de la distribution, capables de faire pression sur l'ensemble des acteurs se situant en amont de la chaîne de vente et permettant que s'exerce une concurrence abusive, voire un abus de dépendance.
Si nous devions pénaliser l'aspect juridique de l'infraction, celle-ci serait difficile à caractériser. C'est pourquoi cet amendement modifie les critères d'appréciation de l'infraction en deux points : premièrement, la survie de l'entreprise comme condition d'applicabilité, deuxièmement, l'introduction d'un seuil légal de dépendance pour la grande distribution.
Figurant dans notre droit depuis l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, la notion d'abus de dépendance économique est pourtant sous-utilisée, comme l'a dit M. Fasquelle. L'article L. 420-2 du code de commerce, où cette notion est définie aujourd'hui, a en effet été interprété de manière très restrictive par la jurisprudence. Il en résulte que la plupart des recours déposés sur son fondement sont aujourd'hui écartés par l'Autorité de la concurrence, en raison de la difficulté à établir un état de dépendance économique.
Le dispositif proposé constituerait un instrument puissant de rééquilibrage et, partant, de pacification des relations entre fournisseurs et distributeurs s'il pouvait être plus largement utilisé. De fait, si bien des fournisseurs se voient aujourd'hui contraints d'accepter les conditions défavorables qui leur sont proposées par la grande distribution, c'est bien parce que ces enseignes constituent, pour eux, des débouchés vitaux.
Tout en alertant sur le danger que peuvent représenter ces amendements par rapport au seuil et à certaines PME, j'émets cependant un avis favorable.
Ces amendements, subtilement différents les uns des autres, posent tous des difficultés particulières. D'une part, les comportements visés pourraient déjà être sanctionnés sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce, auquel cas il n'est pas nécessaire de faire la démonstration d'un effet sur la concurrence, comme dans le cas de l'abus de dépendance économique. D'autre part, s'il est vrai que les dispositions permettant de sanctionner de tels comportements sont peu utilisées, il ne nous semble cependant pas souhaitable d'aller vers les solutions proposant un seuil de 20 %, car l'existence de ce seuil risque de se retourner contre les fournisseurs – le plus souvent des PME et des TPE –, qui pourraient se voir bloqués dans leur croissance au moment où ils se rapprochent du seuil. En raison du danger qu'ils représentent, je suis défavorable aux amendements constituant cette série.
Je suis étonné par votre remarque, madame la secrétaire d'État, car l'abus de dépendance économique ne figure pas à l'article L. 442-6. Une piste pourrait éventuellement consister à traiter de l'abus de dépendance économique plutôt dans le cadre du titre IV, que vous voulez réformer par ordonnances, c'est-à-dire au titre des pratiques restrictives.
Ce que je voulais dire, c'est que les pratiques visées par les amendements étaient déjà couvertes par le droit, donc déjà sanctionnables.
Je vous invite à relire l'article L. 442-6 : vous pourrez constater par vous-même que l'abus de dépendance économique, qui correspond à une situation très particulière, n'y est pas mentionné au titre des pratiques restrictives – cela a été le cas autrefois, mais ce ne l'est plus. Il y a, me semble-t-il, un vrai travail à faire avant la séance publique afin de tenter de rapprocher les points de vue et de faire en sorte que l'état de dépendance économique soit plus facilement sanctionné à l'avenir. L'un des obstacles à cette évolution est la mesure de l'effet sur la concurrence, du fait que la notion d'exploitation abusive de dépendance économique figure aujourd'hui à l'article L. 420-2 du code de commerce : l'idée consistant à déplacer le contenu de cet article me paraît constituer une piste intéressante.
Je vous propose de retirer vos amendements afin de les retravailler en vue de la séance publique.
Les amendements CE1785, CE1945, CE133, CE589, CE1744, CE1893 et CE592 sont retirés.
La commission est saisie des amendements identiques CE1161 de M. Max Mathiasin et CE1498 de Mme Éricka Bareigts.
L'amendement CE1161 vise à ne pas annihiler le deuxième alinéa de l'article L.420-5 du code de commerce.
Cet alinéa, introduit par la loi du 28 février 2017 relative à l'égalité réelle outre-mer, prévoit un régime dérogatoire dans les départements d'outre-mer afin que les produits dits « de dégagement » ne pénalisent pas de façon excessive les producteurs locaux. Ainsi, en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane, à La Réunion et dans le département de Mayotte, lorsque des denrées alimentaires identiques ou similaires à celles qui sont produites et commercialisées localement sont proposées aux consommateurs à des prix manifestement inférieurs à ceux pratiqués dans l'Hexagone, la conclusion d'un accord entre les acteurs de l'importation, de la distribution, d'une part, et ceux de la production et de la transformation locales, d'autre part, peut être rendue obligatoire par le préfet, représentant de l'État.
L'amendement CE1498 constitue une correction légistique de l'article L.420-5 du code de commerce, rendue nécessaire par le fait que le dernier alinéa n'avait pas été adapté à l'ajout de l'alinéa 2 à la suite de la loi de février 2017 relative à l'égalité réelle outre-mer.
Favorable.
La commission adopte ces amendements.
Elle examine, en discussion commune, l'amendement CE1138 de M. Thierry Benoit, les amendements identiques CE135 de M. Dino Cinieri, CE509 de M. Thibault Bazin, CE590 de M. Daniel Fasquelle, CE723 de Mme Véronique Louwagie, ainsi que l'amendement CE1745 de M. Dominique Potier.
Il y a quelques années, nous avions ouvert un débat en affirmant notre volonté de mettre fin à l'oligopole formé par les centrales d'achat en France. Au début du mois d'avril, Auchan, Casino et Système U ont conclu une alliance afin de créer une force de négociation encore plus puissante, sans que personne ne puisse y trouver à redire.
En cohérence avec notre amendement sur la décartellisation, que nous allons examiner très prochainement, l'amendement CE1138 vise à prévoir que les accords entre centrales d'achat soient soumis au contrôle des concentrations. Ainsi, l'Autorité de la concurrence pourra analyser l'accord et donner un avis en amont de sa finalisation, afin de vérifier que cet accord ne risque pas de donner lieu à des pratiques allant à l'encontre des relations commerciales équilibrées que nous souhaitons, en particulier pour les producteurs, que nous souhaitons protéger.
L'analyse de l'impact sur les fournisseurs doit être une priorité au même titre que l'analyse de l'impact sur le consommateur. L'amendement CE135 vise donc à prévoir que ce type d'accord doit être soumis au contrôle des concentrations.
Comme vient de le dire M. Cinieri, l'analyse de l'impact sur les fournisseurs doit effectivement être une priorité au même titre que l'analyse de l'impact sur les consommateurs. Tel est le sens de notre amendement identique CE509.
Il s'agit effectivement d'un sujet d'une extrême importance. Depuis vingt ou trente ans, nous nous efforçons en vain d'empêcher les centrales d'achat de concentrer toujours davantage leur pouvoir d'achat. Nous devons nous emparer de ce sujet avec détermination, afin d'empêcher les centrales de contourner les règles du droit de la concurrence, comme elles le font régulièrement en recourant aux services d'une armée de juristes.
Il est grand temps que nous donnions à l'Autorité de la concurrence les moyens de lutter contre ces phénomènes de concentration. Tel est l'objet de l'amendement CE590.
L'objectif de ce projet de loi est de rééquilibrer les poids économiques et financiers des différents acteurs. Le Gouvernement s'y est employé en définissant l'ensemble des indicateurs dans les contrats mais, au-delà, il me paraît important de préserver l'équilibre des rapports en soumettant les concentrations à un contrôle : c'est l'objet de l'amendement CE723.
Tous les amendements de cette série poursuivent le même objectif, sur lequel je ne reviendrai pas. Je voudrais simplement interroger M. le ministre et à Mme la secrétaire d'État : avions-nous les moyens d'intervenir pour émettre des réserves et éventuellement contrer l'alliance annoncée récemment entre plusieurs acteurs de la grande distribution constituant une nouvelle étape du processus de concentration ?
Je suis tout à fait d'accord avec l'objet de ces amendements. Il faut aller plus loin dans le contrôle des concentrations, en particulier dans le secteur alimentaire, car sans cela, nous pourrons voter tous les dispositifs du monde, ils ne seront que peu de chose face à la puissance de marché des centrales d'achat.
Votre amendement ne prévoit notamment aucune condition de seuil, ce qui imposerait la notification de petits accords ne soulevant aucune préoccupation de concurrence.
Quoi qu'il en soit, j'ai un amendement à vous proposer : le CE2075, que nous examinerons prochainement. La loi Macron du 6 août 2015 a apporté un premier renforcement du contrôle des concentrations avec une obligation d'information préalable de l'Autorité de la concurrence avant leur mise en oeuvre : je propose de créer le même dispositif s'appliquant a posteriori, et je vous invite donc à retirer vos amendements au profit du mien.
Pour répondre à la question portant sur l'alliance récemment conclue entre plusieurs acteurs de la grande distribution, je vous précise que les centrales sont actuellement soumises au droit des ententes anti-concurrentielles, et non à un contrôle a priori, même si la loi pour la croissance et l'activité du 6 août 2015 a apporté un premier renforcement du contrôle, avec une obligation d'information préalable de l'Autorité de la concurrence avant leur mise en oeuvre.
Le Gouvernement partage le constat de la nécessité d'aller plus loin dans ce renforcement, afin de mieux réguler le phénomène de la puissance d'achat, qui peut porter atteinte à l'équilibre des relations commerciales. Il a engagé des travaux, en particulier avec l'Autorité de la concurrence, afin d'établir une disposition en ce sens, et il estime que cette question pourra être évoquée à nouveau lors de l'examen du présent projet de loi en séance publique.
La série d'amendements que nous examinons pose un certain nombre de problèmes, en particulier en ce qui concerne l'absence de conditions de seuil ou la rétroactivité. Nous suggérons donc le retrait de ces amendements au bénéfice d'un travail approfondi et rapide, visant à mettre au point une disposition qui fonctionne bien.
Sur le fond, nous soutenons la démarche des auteurs de ces amendements, car il est évident que la concentration des centrales d'achat a eu des effets très négatifs sur les revenus de nos agriculteurs, sans permettre de dégager des marges de manoeuvre suffisantes pour redonner de la compétitivité aux exploitations.
Je veux vous faire part d'une information liée aux questions dont nous débattons. J'étais lundi dernier au Luxembourg afin de prendre part au conseil européen des ministres de l'agriculture, où la question des revenus agricoles a été longuement évoquée, ce qui nous a donné l'occasion de présenter à l'ensemble de nos collègues européens notre démarche dans le cadre des États généraux de l'alimentation. Le commissaire européen à l'agriculture, Phil Hogan, a quant à lui présenté une proposition de directive européenne sur les pratiques commerciales déloyales qui affectent la chaîne d'approvisionnement alimentaire, qui a reçu un accueil très favorable de la part de tous les membres du Conseil.
Pour notre part, nous avons rappelé que la France était déjà dotée d'une législation robuste, qui se trouverait encore renforcée par le projet de loi en discussion. Le cadre réglementaire européen devrait également permettre aux États membres ne disposant pas d'une législation nationale en la matière de mieux protéger leurs agriculteurs et leurs intérêts. Cette proposition de la Commission va plutôt dans le bon sens, et nous confirme que notre démarche, avec les États généraux de l'alimentation, est juste.
Bien évidemment, nous travaillerons sur ce projet de directive, car nous ne sommes pas seuls sur le marché européen. Comme vous le savez, le regroupement des centrales se fait d'abord au niveau européen. Nous devons donc faire preuve de cohérence, notamment dans le cadre de la politique agricole commune (PAC). Je voulais vous donner cette information afin de vous montrer que nous agissons aussi bien au plan national que sur le volet européen –si nous sommes les seuls à bouger, notre action et ses résultats resteront limités.
Je souhaitais précisément dire un mot de l'Europe. Il me paraît extrêmement important, monsieur le ministre, que, dans le cadre de l'habilitation, vous accomplissiez ce travail avec détermination car, depuis que le texte est en préparation, certaines grandes entreprises du secteur des GMS (Grandes et moyennes surfaces) ont délocalisé des centrales d'achat afin de se soustraire à la loi qui sera issue de nos travaux. Il importe donc, non seulement que la directive présentée par Phil Hogan soit adoptée, mais aussi que la France, à travers vous, pèse de tout son poids pour que le critère que nous allons adopter, et qui sera le plus strict possible, devienne la règle européenne, faute de quoi notre texte ne produira, hélas ! que très peu d'effets.
Je me réjouis, monsieur le ministre, que vous reconnaissiez que l'offre préalable d'information n'a guère fait trembler les centrales d'achat et qu'elle ne constitue donc pas la solution. Quant au droit des concentrations, ne l'écartez pas trop vite, car – je ne partage pas l'avis de M. le rapporteur –, dans le domaine de la distribution, la concentration peut exister à l'échelle d'un petit territoire sur lequel coexistent, par exemple, deux grandes surfaces et une seule centrale d'achat. Or, ce droit peut être utilisé, et il l'a déjà été, pour éviter ce type de situations et garantir la concurrence entre grandes surfaces et entre centrales d'achat au niveau local.
Enfin, je ne suis pas certain que la proposition de directive que vous avez évoquée soit la solution, car elle aura pour objet d'harmoniser les droits nationaux, alors que le problème doit être traité au plan européen. En outre, il existe déjà une directive de 2005 relatives au même sujet, sur laquelle la Cour de justice s'est appuyée pour interdire, en Belgique, la revente à perte. Soyons vigilants.
Lors de l'examen du projet de loi Sapin 2, les centrales d'achat étaient au nombre de quatre et le taux de concentration de 80 %. Aujourd'hui, il atteint 90 % et on nous annonce la fusion des centrales d'achat de Casino, Auchan et Système U. Nous, nous regardons les trains passer : nous sommes les spectateurs d'un monde qui se réorganise en dépit de la puissance publique.
À ce stade, je ne suis pas convaincu – et ce n'est pas par défiance vis-à-vis de l'un ou de l'autre – qu'il existe, à Bercy, une véritable volonté d'en finir avec ce système de cartel ou de trust qui tue notre économie agricole en confisquant la valeur ajoutée. Par ailleurs, hier, soir, vous nous avez dit qu'il n'appartenait peut-être pas à la puissance publique de constituer de grandes associations d'organisations de producteurs (AOP). Eh bien, si : il faut à la fois empêcher les monopoles et organiser la production.
Je dois dire, monsieur le rapporteur, que la lecture de votre amendement CE2075 suscite mon inquiétude. En effet, qu'y lit-on, mes chers collègues ? « Dans un délai d'un an après l'entrée en vigueur de chaque accord mentionné au I, l'Autorité de la concurrence publie, à titre consultatif, un avis tendant à évaluer les effets de cet accord sur le fonctionnement concurrentiel du secteur de la distribution ». Prenons un exemple tiré de l'actualité. Auchan, Casino et Système U regroupent leurs forces. Dans un an, l'Autorité de la concurrence émettra un avis dans lequel elle estimera que tout cela n'était peut-être pas très bien. Entre-temps, les parts de marché de ces centrales d'achat seront passées de 90 % à 92 % ou 95 %, mais on aura maintenu le même traitement : un comprimé par jour…
Le déséquilibre est dramatique ! Les centrales d'achat, qui étaient au nombre de 130 en 1970, ne sont plus, 48 ans plus tard, que quatre. Si à l'issue de notre discussion, nous n'avons pas dissous cet oligopole, nous aurons échoué, et tout ce que nous avons dit durant les États généraux de l'alimentation et au cours de nos travaux n'aura été que du pipeau. Vous et nous, monsieur le ministre, nous en porterons la responsabilité. Lorsque les agriculteurs rencontreront des difficultés liées aux cours du marché, c'est nous qu'ils viendront voir, et ils auront raison ! (« Bravo ! » sur divers bancs.)
Notre pays compte 500 000 agriculteurs, 1 100 transformateurs et 4 centrales d'achat. D'un côté, on parle de décartellisation, on veut casser le système ; de l'autre, un distributeur déclare que lorsque la loi est contre lui, il s'assoit dessus. Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, ce qui, dans ce texte, empêchera les groupements d'opérer ? Pouvez-vous nous donner un avant-goût des propositions que vous nous avez annoncées pour la séance publique ? Dois-je rappeler qu'un certain Michel-Édouard Leclerc a indiqué qu'il apposerait notre photo sur les packs de Coca-Cola pour expliquer aux Français pourquoi leur prix a augmenté, alors que c'est faux ?
On ne peut pas demander aux organisations professionnelles de se regrouper en très peu de temps si, à l'autre bout de la chaîne, on ne met pas fin aux cartels qui tuent notre économie et nos agriculteurs. Nous devons être solidaires. Au demeurant, nous sommes tous d'accord, quelles que soient nos tendances politiques, pour reconnaître que c'est à cause de cette concentration que nos agriculteurs ne gagnent que 350 euros par mois et que, tous les trois jours, l'un d'entre eux se suicide ! (Applaudissements sur divers bancs.)
Vous êtes très en forme, ce soir ! Et ce n'est que le début : nous n'avons pas encore abordé le titre II.
Je souhaite préciser, à propos de mon amendement CE2075, que les avis de l'Autorité de la concurrence sont publics et comportent des recommandations qui sont suivies par le Gouvernement.
Je ne voudrais pas laisser s'installer le sentiment qu'il existe une complaisance à l'égard de ces plateformes. Le contexte juridique est complexe : le droit de la concurrence n'est pas facile à manier dans ce domaine spécifique. Nous nous efforçons donc d'élaborer, avec l'Autorité de la concurrence, un dispositif doté d'une véritable force dont nous voulons vous parler en séance publique.
Sur un sujet aussi sensible, il serait regrettable que nous découvrions les amendements du Gouvernement au dernier moment. Dès lors qu'il existe manifestement un accord général sur la direction à suivre, je souhaiterais que nous soyons associés le plus tôt possible aux travaux que vous menez avec l'Autorité de la concurrence. Au moins pourrions-nous avoir ainsi en séance publique le débat utile que nous n'aurons pas eu en commission.
C'est d'accord.
Que faisons-nous de ces amendements, mes chers collègues ? Je vous rappelle que le texte sera examiné en séance publique à partir du 21 mai et que nous avons donc un peu de temps pour retravailler sur ce sujet.
On a évoqué la solidarité : soyons solidaires jusqu'au bout. Nous partageons tous le même objectif, mais le texte doit reposer sur une base juridique robuste car le Gouvernement ne souhaite pas que la disposition que vous adopterez soit censurée par le Conseil constitutionnel. Il vous est donc proposé que nous travaillions ensemble avant la séance publique, afin que vous ne découvriez pas l'amendement au moment où il viendra en discussion. Puisque nos débats se déroulent dans un bon état d'esprit et que le Gouvernement est ouvert à la discussion et souhaite coconstruire ce texte avec les parlementaires, je vous propose d'aller au bout de cette démarche. Encore une fois, nous partageons le même objectif : améliorer le revenu de nos agriculteurs.
Nous travaillerons sur les propositions du Gouvernement avec les deux ministres ; cela ne nous pose aucun problème. Mais ceux qui rendront des comptes sur le terrain, ce sont le ministre de l'agriculture et les députés. Je souhaite donc que celui-ci participe aux discussions, ainsi qu'un représentant de chaque groupe parlementaire, et que nous aboutissions à de véritables avancées. Faut-il rappeler que nous avons eu les mêmes discussions il y a quelques mois, lors de l'examen du projet de loi Sapin 2 ? Les agriculteurs nous attendent.
Pouvons-nous avoir confirmation qu'un représentant de chaque groupe participera à ces travaux, de façon rechercher un consensus sur un sujet aussi important ?
Monsieur le président, notre commission doit jouer son rôle et assumer ses responsabilités. Compte tenu des échanges que nous avons eus, il me paraît important qu'elle prenne position et que nous nous prononcions sur les amendements, sans que cela remette en cause les travaux auxquels nous allons participer et qui sont nécessaires.
J'ai toute confiance en M. le ministre, qui vient de tenir un discours de vérité. Puisqu'il nous a annoncé que nous allions retravailler ensemble en vue de l'examen du texte en séance publique, il serait judicieux que les amendements en discussion soient retirés.
Le groupe Les Républicains va retirer ses amendements, pour travailler avec le Gouvernement et un représentant de chaque autre groupe, dans l'esprit de coconstruction évoqué par le ministre.
Les amendements CE135, CE509, CE590 et CE723 sont retirés.
Depuis le début de l'examen du texte, nous jouons le jeu. Cette question, nous l'avons déjà traitée dans le cadre de la loi d'avenir pour l'agriculture et de la loi Sapin 2. Or, rien n'a abouti. À chaque fois, on nous a fait des promesses évanescentes : côté de la grande distribution, ça se concentre, et de l'autre, ça se dissout… La situation est trop dramatique. J'ai confiance dans la bonne volonté du Gouvernement, mais si nous votons un amendement, nous serons plus forts pour aborder la discussion qui s'annonce. Du reste, le Gouvernement dispose d'une large majorité qui lui permettra, s'il veut prendre ses responsabilités, de revenir sur cet amendement en séance publique. Pour ma part, j'estime, compte tenu des enjeux qui ont été décrits par les uns et les autres avec talent et conviction, que la commission doit s'exprimer. Cela n'empêche pas le dialogue, mais on ne peut pas renvoyer la construction d'AOP aux calendes grecques et laisser la cartellisation se constituer sous nos yeux. Il faut envoyer un signal politique.
L'amendement CE1138 est retiré.
Ne reste donc plus en discussion que l'amendement CE1745 de M. Potier, sur lequel je vais demander l'avis du rapporteur.
Mais pour qui nous prend-on ? Des gugusses ! Nous avons retiré nos amendements afin d'être constructifs, et le rapporteur émet un avis de sagesse sur le seul amendement qui est maintenu. Si celui-ci est adopté, à quoi sert-il que nous travaillions ensemble ? Le rapporteur ne peut pas nous demander de retirer nos amendements et s'en remettre à la sagesse de la commission sur celui de M. Potier, qui est similaire au nôtre.
Si notre débat aboutit au rejet de l'amendement de M. Potier, je crains que l'effet produit ne soit contraire à celui recherché. Il souhaite que notre commission envoie un signal mais, si ce signal est négatif, nous ne serons pas dans les meilleures conditions pour préparer la discussion en séance publique.
Dans un mois, le texte sera examiné en séance publique. Le ministre et le rapporteur le savent, nous sommes constructifs et favorables au dialogue. Nous estimons simplement que, sur ce point très important, il nous faut envoyer un signal politique, ce qui ne nous empêche pas de travailler ensemble. Et, si l'amendement que nous adoptons ne convient pas au Gouvernement, il pourra revenir dessus en séance publique. Mais donnons-nous les moyens de travailler en vérité et d'affirmer l'exigence qui est la nôtre. Ce n'est pas une position radicale, c'est une position constructive.
Je n'ai pas pour habitude de me prononcer sur ces sujets, monsieur Potier, mais il faut que vous ayez bien conscience des conséquences d'un vote sur cet amendement et de la portée du signal qui sera ainsi envoyé par la commission des affaires économiques, qui m'est chère. Il existe un certain consensus sur un sujet qui me semble important pour tous et sur lequel nous allons travailler dans les semaines qui viennent. Les autres amendements ont donc été retirés ; vous maintenez le vôtre. Je veux m'assurer que vous en avez bien tiré toutes les conséquences. Mais vous êtes évidemment libre de le maintenir.
M. Potier estime que la commission doit envoyer un signal, et il a raison. C'est précisément ce que nous faisons : tous les groupes se disent prêts à travailler ensemble avec le Gouvernement sur un amendement important pour la filière. Évitons donc ce type de piège !
Quel piège ? Je peine à suivre votre raisonnement. La proposition de travailler à la rédaction d'une disposition dans la perspective de la séance publique fait l'objet d'un consensus. En revanche, nous avons une divergence, qui n'est pas déshonorante, sur le point de savoir si, ce soir, la commission doit ou non adopter un amendement.
Certains groupes ont pris la décision de retirer leurs amendements, et nous ne leur reprochons pas de renoncer à mener la bataille. Je respecte leur position et je leur demande de respecter la nôtre.
Je m'étonne de la position de nos collègues. Nous allons probablement rejeter leur amendement, de sorte que, formellement, nous donnerons le sentiment de ne pas partager cet état d'esprit.
Monsieur Potier, vous nous dites que vous êtes constructifs, vous acceptez que nous travaillions ensemble avec le Gouvernement pour imposer les idées fortes que vous défendez. Sur le fond, nous partageons votre objectif, mais la rédaction de votre amendement ne convient pas. Pourquoi ne voulez-vous pas jouer le jeu ? Vous êtes en train de vous mettre à dos tous les autres groupes. Je ne comprends pas.
Il ne s'agit pas de se mettre quiconque à dos. Un groupe a maintenu son amendement. Si on l'approuve, on vote pour ; s'il doit être retravaillé avant l'examen du texte en séance publique, il suffit de le retravailler. Je ne comprends pas ces pressions.
Je m'en suis remis à la sagesse de notre commission car il m'était difficile d'émettre un avis défavorable alors que nous venions de décider de travailler ensemble. Mais, pour respecter la démarche des groupes qui ont retiré leurs amendements, j'émets un avis défavorable à celui de M. Potier.
La commission rejette l'amendement CE1745.
Cette question sera donc retravaillée d'ici à la séance publique avec des représentants de chaque groupe. Je remercie Mme la secrétaire d'État et M. le ministre pour leur esprit d'ouverture.
La commission examine, en discussion commune, les amendements CE1130 et CE1950, tous deux de M. Charles de Courson.
Monsieur le président, je défendrai ces deux amendements en même temps.
Les amendements précédents avaient pour objet de permettre à l'Autorité de la concurrence de se prononcer sur les procédures de regroupement et sur la concentration à laquelle elles aboutissent. Par les amendements CE1130 et CE1950, nous proposons qu'elle fixe un pourcentage maximal de parts de marché applicable aux groupements d'achats. Je m'explique. À quatre, les centrales d'achat se partagent environ 25 % à 30 % de parts de marché. Si l'Autorité de la concurrence fixait un plafond à 15 % ou à 20 %, il leur serait impossible de se regrouper impunément. Cela fait de nombreuses années que le groupe UDI défend des amendements analogues : il s'agit de dissoudre l'oligopole des centrales d'achat.
Mon argumentation est la même que pour les amendements précédents. Nous verrons les évolutions que le Gouvernement nous proposera mais, si je partage la philosophie de ces amendements, j'estime que la fixation d'un taux maximal de parts de marché risque d'être arbitraire et d'être sanctionnée par le droit européen. Avis défavorable, donc.
Nous suggérons le retrait de ces amendements, pour les mêmes raisons que celles exposées précédemment. La fixation d'un seuil maximal de parts de marché soulève en effet des questions difficiles. Même s'il s'agit d'un élément important, il ne peut être le seul. En matière de contrôle des concentrations, il faut analyser notamment les barrières d'accès au marché et le contre-pouvoir de la demande. Le dispositif ne peut pas être aussi simple. Par ailleurs, l'Autorité de la concurrence ne peut avoir un rôle normatif en la matière.
Cette fois, je maintiens les deux amendements. Je rappelle que nous sommes là au coeur du problème, plus encore qu'avec les amendements précédents, puisque nous proposons de donner à l'Autorité de la concurrence un pouvoir prescriptif. Si nous voulons que les centrales d'achat cessent, en France et en Europe, de s'agrandir constamment dans l'impunité la plus totale, il faut adopter ces amendements. Nos agriculteurs sont en train de mourir. Les centrales d'achat font la loi. Leurs représentants ne viennent pas voir les parlementaires ou les ministres : ils vont directement à l'Élysée, quel que soit le Président de la République. Ces gens se fichent de notre figure et, surtout, de celle de nos producteurs. La superficie des grandes surfaces s'agrandit un peu plus chaque mois et, pendant ce temps-là, les agriculteurs se pendent !
Je rappelle tout de même que les représentants de la grande distribution ont répondu à l'invitation que nous leur avions adressée dans le cadre des États généraux de l'alimentation, même si l'on peut regretter la manière dont certains débats se sont déroulés.
Je soutiens les amendements de M. Benoit et je m'étonne de la réponse de Mme la secrétaire d'État. Il n'est pas exact de dire que l'Autorité de la concurrence ne peut pas intervenir pour régir les comportements ou fixer un plafond de parts de marché car, par des décisions concernant des opérations de concentration, voire simplement des abus de position dominante ou des ententes, elle impose aux entreprises des engagements qui peuvent être comportementaux ou porter sur la structure du marché. L'amendement de M. Benoit ouvre une piste tout à fait intéressante qu'il serait dommage de condamner ce soir.
Après une première épreuve douteuse, il est procédé au scrutin par assis et levé.
La commission rejette l'amendement CE1130.
Puis elle rejette également l'amendement CE1950.
Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CE454 de Mme Barbara Bessot Ballot et CE2076 du rapporteur.
L'idée de répartition de la valeur entre les différents acteurs de la chaîne d'approvisionnement ne peut reposer sur une simple vision arithmétique. Elle occulte par ailleurs toute réflexion autour de la notion de création de valeur, qui constitue l'enjeu réel des filières.
L'amendement CE454 vise à supprimer les dispositions de l'article L. 441-6 du code de commerce prévoyant que les conditions générales de vente relatives à de produits alimentaires comportant un ou plusieurs produits agricoles non transformés devant faire l'objet d'un contrat écrit indiquent le prix prévisionnel moyen proposé par le vendeur au producteur de ces produits agricoles. Il convient en effet de supprimer la notion de prix prévisionnel moyen, conformément à l'esprit de l'article 1er. Mais, là encore, c'est l'objet de l'ordonnance de l'article 10. Avis défavorable, donc.
La question de l'articulation entre les prix prévisionnels de vente, issus de la loi Sapin 2, et le nouveau cadre issu des États généraux de l'alimentation a fait l'objet d'échanges approfondis et sera traitée dans le cadre de l'ordonnance prévue à l'article 10. Je demande donc à Mme Bessot Ballot de retirer l'amendement CE454 ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Les amendements sont retirés.
La commission examine ensuite l'amendement CE458 de Mme Barbara Bessot Ballot.
Il s'agit de clarifier la notion de négociabilité du tarif, qui n'est pas remise en cause, mais qui doit être justifiée par des contreparties vérifiables et quantifiables afin de garantir une juste proportionnalité avec les conditions particulières de vente que constituent les réductions de prix.
Votre amendement va au-delà de l'arrêt de la Cour de cassation du 25 janvier 2017, qui n'exige pas que toute réduction de prix fasse systématiquement l'objet d'une contrepartie quantifiable, vérifiable et proportionnelle de la part du distributeur. Il indique que le fait, pour ce dernier, de ne pas prévoir de contreparties aux obligations imposées aux fournisseurs peut constituer un déséquilibre significatif dès lors qu'il procède d'une soumission ou tentative de soumission de son partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif. Là encore, l'ordonnance prévue à l'article 10 devrait traiter cette question. Avis défavorable.
Même avis que le rapporteur, pour les mêmes raisons.
L'amendement est retiré.
La commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements CE2037 et CE2039 du rapporteur ainsi que les amendements identiques CE1213 de M. Antoine Herth, CE1798 de M. Dominique Potier et CE1820 de M. Richard Ramos.
Je ne suis pas certain que l'amendement CE2037, qui est quelque peu disruptif, voire révolutionnaire, emporte l'adhésion du Gouvernement. Il vise en effet à exclure les produits agricoles et alimentaires de la convention unique, c'est-à-dire des négociations commerciales annuelles, lesquelles sont à l'origine de véritables psychodrames, dont l'acmé est atteint lors du salon de l'agriculture, et ont des conséquences économiques déplorables sur l'ensemble de la chaîne alimentaire. L'esprit de l'article L. 441-7 du code de commerce est largement détourné par les distributeurs, qui usent de pratiques commerciales iniques encore insuffisamment sanctionnées. J'ajoute qu'en adoptant cet amendement, nous nous alignerions sur l'ensemble des législations européennes, qui ne prévoient pas de telles négociations annuelles.
L'amendement CE2039, quant à lui, est un amendement de repli. Il propose de sortir les viandes hachées et les pâtes alimentaires des négociations commerciales annuelles. Cela éviterait la forte pression qui s'exerce sur ces produits, qui contribue à maintenir les prix à un niveau insuffisant. Il faut savoir qu'en France, le prix moyen de la viande hachée se situe aux alentours de 2 euros par kilo alors qu'il avoisine 4 euros aux États-Unis. Comme 50 % de la viande bovine est consommée sous forme de viande hachée, cela influe sur le prix global de la carcasse. Les autres pièces bouchères ne sont pas soumises aux négociations annuelles : elles font l'objet de négociations à la semaine. Aujourd'hui, alors même que les stocks de viande hachée sont au plus bas, les grandes surfaces refusent d'augmenter le prix fixé pour l'année. Les négociations annuelles sur les pâtes alimentaires ont, elles, un effet sur le prix des céréales.
L'amendement CE1213 vise à consolider les conditions générales de vente. Cela permettrait aux entreprises de recréer de la valeur, en particulier de réinvestir dans l'innovation. Aujourd'hui, la richesse qu'elles créent est systématiquement pillée par l'aval.
Je propose aux auteurs des amendements identiques de se rallier à mes amendements CE2037 et CE2039, qui vont plus loin.
Les amendements CE2037 et CE2039 tendent en effet à supprimer une disposition pivot du cadre juridique des relations commerciales, qui est la convention unique. À notre connaissance, cette proposition n'a pas fait l'objet d'une concertation lors des États généraux de l'alimentation. Combinée avec le dispositif encadré de la clause de renégociation pour les fluctuations de prix, la convention unique vise à garantir une certaine stabilité de la relation commerciale. Comme toutes les réductions de prix doivent y être attachées, elle permet aux parties, le cas échéant aux corps de contrôle, d'appréhender cette relation dans sa globalité. La convention unique est en cohérence avec l'idée d'un équilibre global de la relation commerciale.
Dans ces conditions, ces amendements nous laissent perplexes. Nous suggérons de procéder à un complément d'expertise. Sagesse
J'ai du mal à comprendre la position de Mme la secrétaire d'État. Ne sommes-nous pas là pour changer le cadre des relations commerciales ? Si c'est bien le cas, pourquoi craindre de bouleverser ce qui est en place ?
J'aimerais pointer une incohérence du Gouvernement. Notre commission a rejeté des amendements intéressants de nos collègues – je pense en particulier à celui de Mme Bessot Ballot – au motif que le titre IV allait être réécrit par des ordonnances. Et alors que nous sommes maintenant au coeur du titre IV, vous acceptez d'ouvrir un débat.
Ce genre de proposition me rend le rapporteur de plus en plus sympathique et que la ministre s'en remette à la sagesse de notre commission me convient parfaitement.
J'invite le rapporteur à réfléchir à la portée de son amendement CE2039. Il me paraît préférable de fixer un principe comme le fait l'amendement CE2037 – c'est le rôle premier du Parlement que de fixer des principes – plutôt que d'instaurer des exceptions. Mettre à part la viande hachée et les pâtes alimentaires ne conduirait qu'à déplacer la misère : la tension dans les négociations se porterait vers d'autres produits.
Je souhaite bien évidemment que l'amendement CE2037 soit adopté car c'est le plus ambitieux. Je sais qu'il n'a pas donné lieu à une étude d'impact et qu'il fera du bruit mais nous sommes là pour changer les choses, comme le dit notre collègue.
C'est justement parce que nous sommes là pour changer les choses qu'un sujet nouveau comme celui-ci peut être discuté. La modification demandée n'entre pas dans le champ de l'habilitation de l'article 10. Il a donc sa place parmi les amendements portant article additionnel après l'article 10.
Nous sommes ouverts aux débats mais le Gouvernement reste perplexe. Les dispositions que cet amendement veut supprimer lui semblaient plutôt protectrices pour les producteurs. Si cela n'est pas le cas, discutons-en.
La commission adopte l'amendement CE2037.
En conséquence, les amendements CE2039 et les amendements identiques CE1213, CE1798 et CE1820 tombent.
La commission est saisie de l'amendement CE1965 de M. Charles de Courson.
L'amendement vise à ajouter à l'article L. 441-7 du code de commerce les deux phrases suivantes : « Le plan d'affaires fait partie intégrante de la convention. Il indique le chiffre d'affaires prévisionnel fixé entre les parties d'un commun accord, et reprend les engagements réciproques, les leviers de développement, ainsi que les objectifs que les parties se sont fixés ».
Cet amendement vise à ajouter au code de commerce la notion de « plan d'affaires » incluant notamment le chiffre d'affaires prévisionnel, les engagements réciproques, les leviers de développement et les objectifs que les parties se sont fixés. L'article 10 du projet de loi est consacré à la modification du titre IV du livre IV du code de commerce. Le Gouvernement nous le confirmera mais je pense que les ordonnances pourront vous satisfaire.
Défavorable également.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement CE1909 de M. Thierry Benoit.
Mon amendement prévoit que le nom du négociateur figure dans la convention écrite conclue entre le fournisseur et le distributeur ou le prestataire de services. Les négociations commerciales s'étendent généralement sur quatre mois. Pour être concret, je citerai l'exemple d'une entreprise familiale d'Ille-et-Vilaine : en quatre mois de négociation, elle a eu deux cents rendez-vous bilatéraux pour obtenir trente-deux contrats. Cela revient à rencontrer le 1er octobre un premier négociateur, quinze jours après un autre, puis au début du mois de novembre le même qu'au début et ainsi de suite. Et on peut imaginer les échanges que cela occasionne : « Ah, mais je ne vous avais pas dit ça », « ce n'est pas ce dont nous sommes convenus l'autre jour ». Si l'on inscrit le nom du négociateur, cela le placerait devant ses responsabilités, celles de celui qui pose un acte et qui le transcrit dans un document, même s'il est intermédiaire. C'est une préconisation du rapport d'information sur l'élevage Le Loch-Benoit. (Sourires.)
Cet amendement reprend un amendement de la loi Sapin 2 adopté en commission puis supprimé en séance par le Gouvernement. Plutôt que de stigmatiser les négociateurs, mieux vaudrait réfléchir aux moyens d'empêcher que leur rémunération ne soit corrélée pour partie aux baisses tarifaires qu'ils obtiennent des fournisseurs. Je vous invite à en rediscuter d'ici à la séance publique.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Dans la mesure où les négociations sont conduites au nom et pour le compte de l'entreprise, il n'y a pas lieu d'ajouter le nom des employés chargés de la négociation commerciale dans un document contractuel.
La commission rejette l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement CE1966 de M. Charles de Courson.
Il faut le savoir, certaines centrales d'achat, lorsqu'elles négocient avec des industriels, demandent à ceux-ci une contribution pour alimenter des centrales d'achat internationales. Cet amendement vise à diriger cette contribution vers les seules centrales d'achat implantées en France.
Cet amendement est déjà satisfait : depuis la loi Sapin 2, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) peut déjà contrôler les sommes perçues au titre des centrales internationales dès lors qu'elles portent sur des produits vendus en France. Par ailleurs, la modification envisagée conduirait à supprimer purement et simplement la prise en compte de la coopération commerciale dans la convention unique.
Défavorable pour les mêmes raisons.
Petit rappel : lors du débat sur la loi Sapin 2, un amendement avait été adopté par des députés de tous les bancs. Je maintiens celui-ci car je suis convaincu qu'il représente des sommes importantes pour des entreprises agricoles et agro-alimentaires de taille intermédiaire.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine en discussion commune les amendements CE1963 de M. Charles de Courson, CE456 de Mme Barbara Bessot Ballot, CE1971 et CE1972 de M. Éric Bothorel.
Il convient de raccourcir la période de négociations des conventions de trois à deux mois.
Nous proposons de raccourcir cette période de trois à deux mois, tout en conservant la date du 1er décembre au plus tard pour l'envoi des conditions générales de vente. La date de clôture serait fixée au 31 janvier et non plus au 1er mars, date qui coïncide avec l'ouverture du salon international de l'agriculture, ce qui est toujours source de tensions.
Il est important en effet de déplacer la date de clôture des négociations commerciales pour qu'elle ne coïncide plus avec l'ouverture du salon de l'agriculture.
Les dates qui fixent la durée des négociations commerciales ont beaucoup moins d'importance depuis que nous avons retiré les produits agricoles et agro-alimentaires de la convention unique annuelle. Ce changement affecterait considérablement les secteurs autres que les produits alimentaires, nombre d'entreprises ayant besoin d'avoir de visibilité sur la clôture de leurs comptes au 31 décembre de l'année n -1. Avis défavorable.
Des fédérations professionnelles non agricoles nous ont fait part de leurs inquiétudes devant ces éventuels changements de date. Nous sommes prêts à discuter de changements possibles si une solution consensuelle peut être trouvée mais fixer une date différente dès maintenant pose problème.
La commission rejette successivement les amendements.
Elle est saisie de l'amendement CE1910 de M. Thierry Benoit.
Cet amendement prévoit que le coût de création d'un nouveau produit vendu sous la marque du distributeur (MDD) soit à la charge totale et non plus partielle du distributeur.
Lors de la discussion de la loi Sapin 2, le Gouvernement avait répondu que de telles modifications risqueraient d'officialiser une sorte de tutelle des grandes et moyennes surfaces sur les entreprises, ce qui rendrait difficile l'établir les responsabilités. Ce dispositif me semble intéressant pour les industriels qui, je pense, n'ont déjà pas beaucoup de marges de manoeuvre pour les MDD. Sagesse.
Avis défavorable. Le Gouvernement ne souhaite pas un encadrement plus strict des contrats entre les industriels fabriquant les produits pour les distributeurs, les MDD, et les distributeurs. La loi prévoit déjà que les clauses des contrats doivent être équilibrées. Elles sont soumises aux dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce. Ces relations contractuelles doivent s'établir librement.
J'ai noté l'avis de sagesse du rapporteur. Quant à la position du Gouvernement, je dois dire que je ne la comprends pas très bien. Les entreprises industrielles de taille intermédiaire, notamment du secteur agro-alimentaire, ont de très faibles marges de manoeuvre. À qui incombent les frais liés à la recherche, à l'innovation pour la création de nouveaux produits ? Aux industriels. Et quand un produit se vend bien, les distributeurs leur demandent de fabriquer pour eux un produit similaire.
Madame la ministre, je suis très inquiet que votre ministère ne veuille pas défendre les industriels de l'agro-alimentaire, qui nous permettent de faire rentrer des devises, face au cartel de la grande distribution.
La commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement CE527 de M. Thibault Bazin.
Cet amendement s'inspire de la proposition de loi de mon collègue Arnaud Viala, qui a malheureusement fait l'objet d'une motion de renvoi en commission en octobre dernier.
Il vise à compléter l'article L. 442-6 du code de commerce par les phrases suivantes : « Un contrat comportant la rémunération d'une entreprise à un prix inférieur au coût global de production du bien objet de la convention est présumé déséquilibré. En matière agricole, des barèmes indicatifs sont fournis par l'Observatoire de la formation des prix et des marges indiquant les coûts de production moyens par filière et par département. La rémunération du travail de l'exploitant est prise en compte ; ».
Cela permettrait de garantir un revenu aux producteurs et de prévoir une marge minimale à respecter, au-delà du coût de production.
La question du prix abusivement bas est traitée à l'article L. 442-9 du code de commerce. Les mêmes sanctions que pour l'article L. 442-6 s'appliquent. Je ne vois donc pas l'intérêt d'une telle insertion à un article portant sur les pratiques restrictives de concurrence. Avis défavorable.
Même avis pour les mêmes raisons.
La commission rejette l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement CE1912 de M. Thierry Benoit.
Cet amendement a pour objectif de sanctionner l'absence de clause de renégociation dans les contrats prenant en compte les indicateurs de l'Observatoire de la formation des prix et des marges (OFPM).
Il n'est pas dans le rôle de l'OFPM de définir, en priorité, les indicateurs utilisés dans la clause de renégociation. Il revient avant tout aux interprofessions de les définir. Votre amendement serait inopérant. Je vous rappelle ce que prévoit l'article sur les clauses restrictives de concurrence : « Le fait : 7° D'imposer une clause de révision du prix, en application du cinquième alinéa du I de l'article L. 441-7 ou de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 441-7-1, ou une clause de renégociation du prix, en application de l'article L. 441-8, par référence à un ou plusieurs indices publics sans rapport direct avec les produits ou les prestations de services qui sont l'objet de la convention ; ».
Il faudrait réfléchir d'ici à la séance à une formulation plus adaptée à cette clause de renégociation. Mais n'oubliez pas que les pouvoirs du médiateur ont été étendus à cette clause, ce qui est une avancée notable.
Défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine les amendements identiques CE1192 de M. Antoine Herth et CE 1794 de M. Dominique Potier.
Madame la ministre, je veux vous donner un pouvoir, celui de sanctionner plus rapidement certains manquements par des amendes administratives car les procédures judiciaires prennent souvent beaucoup de temps, parfois n'aboutissent pas et dans la plupart des cas, le producteur se retrouve en difficulté financière voire en situation de faillite avant même que juge ne prenne sa décision.
Je préciserai seulement que cet amendement est issu de l'industrie agro-alimentaire et qu'il faut l'assumer comme tel. Les industriels souhaitent avoir des outils de sanction contre les pratiques commerciales abusives du cartel de la grande distribution, pour reprendre l'expression de M. Ramos.
Il n'est pas souhaitable de limiter les possibilités d'amende à une seule dont le montant ne pourrait être supérieur à 5 % du chiffre d'affaires alors que les sanctions peuvent aller au-delà. J'y suis donc défavorable.
L'amendement aurait pour effet de limiter les possibilités d'amende. Avis défavorable.
La commission rejette ces amendements.
Elle est saisie des amendements identiques CE154 de M. Grégory Besson-Moreau et CE617 de M. Fabrice Brun.
La problématique du « cagnottage » concerne particulièrement les entreprises de grande distribution, qui tirent avantage de la mise en avant de produits d'appellation d'origine contrôlée dans le seul but de promouvoir leurs enseignes, en mettant, par exemple, en couverture d'un catalogue des vins AOC une promotion de type « deux bouteilles pour le prix d'une ».
Ce type de pratiques a deux effets néfastes pour les appellations d'origine contrôlée.
D'une part, les prix pratiqués par les enseignes de distribution entraînent une confusion dans la perception qu'ont les consommateurs du produit car cela les conduit à concentrer leur attention sur le prix pratiqué et non plus sur la valeur réelle du produit.
D'autre part, cela porte atteinte à l'image et à la notoriété propre de l'appellation d'origine concernée. L'appellation d'origine est garante d'une origine géographique ainsi que d'une qualité particulière du produit auquel elle est attachée. Parmi les conditions de reconnaissance d'une appellation d'origine, la notoriété du produit doit être au préalable dûment établie. Il en ressort que tout produit d'appellation d'origine est, par principe, notoirement connu.
L'amendement vise à interdire ce type de pratiques.
Le cagnottage est une forme déguisée de vente à pertes. Cette pratique renvoie à la capacité qu'a une enseigne de gagner des marges sur un rayon pour « flinguer » un produit, il n'y a pas d'autre terme. Cela enlève toute idée de la vraie valeur et du prix juste qu'il faut payer pour un produit AOC ou pour un produit faisant l'objet d'une indication géographique protégée IGP. L'appellation d'origine contrôlée et l'indication géographique protégée doivent bénéficier d'une protection contre tout détournement. J'appelle à une large mobilisation sur tous les bancs pour mettre un terme à ces pratiques d'un autre temps.
Nous avons discuté des délais de paiement plus tôt dans l'examen des articles et sommes convenus qu'il fallait retravailler les amendements qui portent sur ce sujet d'ici à la séance. C'est le cas pour ces deux amendements que je vous demanderai de bien vouloir retirer.
Ces amendements sont satisfaits par la réglementation actuelle concernant la dérogation aux délais de paiement pour les vins et d'autres boissons. Je vous rappelle que le Gouvernement s'est engagé à éviter de complexifier les textes en ajoutant des critères trop contraignants.
Je maintiens mon amendement car je dois dire que je ne vois pas le rapport entre le cagnottage et les délais de paiement.
Monsieur le rapporteur, je tiens à vous indiquer que l'équipe de France de rugby cherche un botteur et il me semble que vous pourriez vous porter candidat compte tenu de la manière dont vous avez botté en touche ! Je ne vois pas non plus le rapport avec les délais de paiement. Cette pratique commerciale fait perdre toute valeur monétaire aux AOC et aux IGP. Cela mérite un vrai débat.
Les problèmes posés par cette pratique relèvent plutôt de la réglementation des promotions.
La confusion vient du fait que l'exposé sommaire ne correspond pas au texte de vos amendements.
Je vais donc retirer mon amendement pour l'ajouter à la liasse des amendements à retravailler.
L'amendement CE154 est retiré.
La commission rejette l'amendement CE617.
Elle en vient à l'amendement CE2075 du rapporteur.
Cet amendement tend à renforcer le mouvement initié par la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques dite « loi Macron ». Dans sa rédaction actuelle, l'article L. 462-10 du code de commerce ne permet qu'un contrôle préventif de « tout accord entre des entreprises ou des groupes de personnes physiques ou morales exploitant, directement ou indirectement, un ou plusieurs magasins de commerce de détail de produits de grande consommation, ou intervenant dans le secteur de la distribution comme centrale de référencement ou d'achat d'entreprises de commerce de détail, visant à négocier de manière groupée l'achat ou le référencement de produits ou la vente de services aux fournisseurs ».
L'objectif initial de ce dispositif était de permettre à l'Autorité de la concurrence de prévenir les effets anticoncurrentiels de ces accords. Toutefois, de tels effets ne sont pas nécessairement susceptibles d'être anticipés. Le contrôle ex ante apparaît comme étant manifestement insuffisant. Le présent amendement s'attache à instaurer un contrôle ex post de l'application des accords susvisés afin de permettre à l'Autorité de la concurrence d'analyser si ces accords créent ou non des effets anticoncurrentiels dans le fonctionnement du secteur de la distribution.
Cet amendement constitue une réponse opportune à la portée potentiellement anticoncurrentielle des accords conclus entre les acteurs de la grande distribution, centrales d'achat ou de référencement. Chargée de veiller à l'équilibre concurrentiel des marchés, l'Autorité de la concurrence est l'un des principaux garants de l'ordre public économique. Conformément aux articles L. 462-1, L. 462-3 et L.462-4, elle dispose d'une fonction consultative qui lui permet de recommander toute mesure utile au ministre de l'économie ou au ministre en charge du secteur. L'Autorité est dotée d'une expertise juridique et économique qui est telle que ses avis influencent significativement le comportement des acteurs du secteur considéré. Elle constitue ainsi un acteur majeur dont il convient de renforcer la place, au service d'un meilleur équilibre des relations contractuelles dans le secteur de la distribution et, par-delà, d'une revalorisation équitable des produits agricoles.
Ce sujet relève du groupe de travail dont nous avons évoqué la mise en place. Sagesse.
Je suggère au rapporteur de retirer son amendement : tout à l'heure, nous avons décidé de travailler ensemble à une solution concernant le même problème. À la suite de Thierry Benoit, je souligne qu'un contrôle de l'Autorité de la concurrence intervenant un an après n'est pas à la mesure des enjeux.
Ce délai d'un an permet de mesurer les effets concrets des regroupements de centrales d'achat ou de référencement. Cela dit, je retire mon amendement comme l'ont fait les autres groupes pour des amendements similaires.
L'amendement est retiré.
La commission est saisie de l'amendement CE1628 de M. Sébastien Jumel.
Cet amendement vise à instaurer une exception agricole et alimentaire dans le fonctionnement des marchés agricoles et alimentaires.
Avant de se prononcer sur un tel amendement, il serait bon de prendre connaissance du rapport de l'Autorité de la concurrence commandé par le Gouvernement qui doit être publié au début du mois de mai car il porte précisément sur ce sujet.
Cet amendement vise à exempter le secteur agricole de l'application du droit de la concurrence si les pratiques relevées sur les marchés agricoles sont justifiées au regard de leur impact sur la qualité du produit agricole et le maintien dans l'emploi. Il nous semble qu'une telle disposition est inutile car elle est déjà prévue par l'article. L.420-4 du code de commerce : « Ne sont pas soumises aux dispositions des articles L-420-1 et L. 420-2 les pratiques […] dont les auteurs peuvent justifier qu'elles ont pour effet d'assurer un progrès économique, y compris par la création ou le maintien d'emplois, et qu'elles réservent aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, sans donner aux entreprises intéressées la possibilité d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause. »
Alors que M. le rapporteur nous demande d'attendre le rapport de l'Autorité de la concurrence, Mme la secrétaire d'État nous explique qu'elle est défavorable à l'amendement car le dispositif existe déjà. Notre intention est d'instituer une exception agriculturelle et de faire en sorte que l'agriculture ne soit pas, comme les autres secteurs, dans le champ de la concurrence. Et quand bien même le dispositif serait-il prévu dans un autre texte assez général, on pourrait très bien apporter cette précision ici en matière agricole.
Un amendement identique a été adopté par la commission du développement durable au titre II. Nous aurons donc à nouveau ce débat.
Nous avons partiellement répondu au souhait de M. Ruffin en adoptant l'amendement qui exclut les produits alimentaires des négociations commerciales. Certes, cela ne va peut-être pas aussi loin qu'il le voudrait, mais c'est déjà une petite exception agriculturelle.
Il est bien évident que l'amendement ne se limite pas à la question de la grande distribution. Je constate même que vous êtes en deçà des décisions européennes. Il est fallacieux de dire que cette disposition va à l'encontre du droit européen de la concurrence – j'ai ici différents jugements de la Cour de justice de l'Union européenne qui le montrent. Mais en plus, le règlement « Omnibus » qui a été adopté en décembre 2017 par le Parlement européen et le Conseil décrète l'exception agricole en matière de droit de la concurrence. Si vous n'êtes pas en mesure de mettre en oeuvre concrètement ce qui a déjà été adopté dans le cadre de ce règlement, on peut vraiment s'inquiéter de ce que vous recherchez in fine.
Nous avons précisément adopté plusieurs amendements visant à transposer le règlement « Omnibus » dans le droit français mais ce texte ne prévoit à aucun moment une exception agriculturelle au niveau européen. Je souhaiterais presque voter une mesure en ce sens mais en l'état actuel du droit, ce n'est pas possible.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement CE1506 de Mme Monique Limon.
Cet amendement revient sur une disposition qui avait été votée dans la loi de modernisation de l'économie en 2008 faisant passer le seuil à partir duquel la commission départementale d'aménagement commercial examine les projets de surface commerciale de 300 à 1 000 mètres carrés. L'ensemble des enseignes de la grande distribution se livre à une guerre des prix alimentée par la possibilité pour elles de s'installer partout. Ramener ce seuil à 300 mètres carrés renforcerait la proximité de l'implantation des distributeurs et permettrait de valoriser des projets commerciaux de plus petite taille, et notamment des magasins de producteurs.
Sur le fond, je suis d'accord à 150 % avec cet amendement. Cependant, c'est un cavalier législatif qu'il vaudrait mieux insérer dans le projet de loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN). J'y serai alors favorable. Je suis même prêt à le cosigner.
Nous considérons également que cette disposition relève du cavalier et qu'elle a davantage sa place dans la loi ELAN. Avis défavorable.
Prenons le risque d'abaisser le seuil dès maintenant ! Rien n'empêchera de redéposer l'amendement dans le projet de loi ELAN d'autant que la même sensibilité ne sera peut-être pas à l'oeuvre. Aujourd'hui, nous nous préoccupons particulièrement des questions agricoles et du bien-être des agriculteurs, et il existe un consensus.
Ce sera la même commission qui examinera le texte ELAN. J'espère donc que la schizophrénie n'ira pas trop loin.
Madame de Lavergne, maintenez-vous votre amendement ?
L'amendement est retiré.
La commission aborde l'amendement CE1172 de Mme Célia de Lavergne.
Il s'agit de rajouter un critère dont devra tenir compte la commission départementale d'aménagement commercial dans ses avis sur l'implantation ou non d'un projet commercial. Ce nouveau critère serait celui de la responsabilité sociale et de la distribution de produits bénéficiant d'un signe de qualité.
Je crains à nouveau que ce soit un cavalier législatif mais je suis prêt à redéposer cet amendement avec vous dans le projet de loi ELAN.
Avis défavorable.
L'amendement est retiré.
La commission examine l'amendement CE71 de M. Dino Cinieri.
Cet amendement vise à renforcer la transparence des comparateurs de prix dont les critères sont aujourd'hui encore insuffisants pour être pertinents.
La comparaison des prix est prévue par une directive 2006114 du 12 décembre 2006 en matière de publicité trompeuse et de publicité comparative qui a été transposée, notamment à l'article L. 122-1 du code de la consommation. Les États membres ne peuvent pas avoir, en droit national, de mesures plus protectrices que ce qui est prévu par le droit européen. Avis défavorable.
Même avis.
Cet amendement est très intéressant et permettrait de renforcer la transparence des prix. Je suis favorable à une certaine désobéissance vis-à-vis de l'Union européenne si une disposition va dans le bon sens. Je préférerais que vous m'expliquiez en quoi une mesure peut ne pas être satisfaisante au lieu de vous entendre objecter que « cela ne va pas avec ce que souhaite Bruxelles ».
À ma connaissance, Bruxelles ne « souhaite » pas grand-chose. C'est du droit et on l'applique ou pas.
L'amendement est retiré.
La commission est saisie des amendements identiques CE667 de M. Dino Cinieri et CE1836 de M. Richard Ramos.
Cet amendement vise à renforcer la transparence des comparateurs de prix dont les critères sont aujourd'hui encore insuffisants pour être pertinents. Les prix comparés doivent être relevés à la même date et dans un même département et la publicité doit être faite sur des prix relevés dans la quinzaine la précédant afin de ne pas souffrir des variations saisonnières des cours des matières premières.
Il est très important que la voix de la France puisse, par le biais de notre Parlement, être entendue de temps en temps au Parlement européen.
Je suis persuadé que M. le ministre de l'agriculture porte la voix de la France en ce sens au Parlement européen mais dura lex sed lex. Avis défavorable.
Avis défavorable.
Ce sujet mérite l'attention de la commission et du Gouvernement. Je le dis pour les comparateurs de prix visés ici mais aussi pour les comparateurs en général. J'ai suggéré au président de la commission de créer une mission d'information sur les comparateurs. Derrière ceux-ci, il y a des algorithmes qui sont utilisés de manière abusive pour tromper le consommateur.
Nous aurons l'occasion d'en reparler lors d'une prochaine réunion du bureau de la commission.
Je ne comprends pas l'argument utilisé pour rejeter ce type d'amendements. J'espère que vous n'avez pas cité l'argument européen : le droit de la concurrence européen vise précisément à s'opposer aux cartels et à éviter les ententes qui faussent le marché. Ces amendements vont dans le sens de ce que peut souhaiter l'Europe. Il y a une espèce de fantasme autour de l'Union européenne. Dans le cadre de la mission que je mène sur l'agriculture durable dans l'Union européenne, un chercheur de l'université Panthéon-Sorbonne nous a expliqué que la perception qu'on avait de l'objectif poursuivi par l'Union européenne était complètement faussée. Je ne dis pas que tout ce que fait l'Europe est bien mais n'utilisons pas des arguments qui n'en sont pas !
Comme je vois l'Europe à travers le prisme des arguments d'autorité du rapporteur et du Gouvernement, je ne l'aime pas. L'interprétation que propose André Chassaigne plaide davantage en faveur de l'Union européenne.
Par ailleurs, monsieur le président, vous dites que « Bruxelles ne souhaite rien » et que « Bruxelles, c'est le droit ». Eh bien, nous faisons le droit de demain et souhaitons donner des orientations. Comme à Bruxelles !
Ce qui me gêne, c'est que Bruxelles a souvent bon dos. Bruxelles, soit dit en passant, est avant tout la capitale de la Belgique. J'imagine que chacun ici est conscient que le droit européen est élaboré par les chefs d'État et de gouvernement de l'Union européenne et que la France est présente à la table des négociations.
Qu'on se comprenne bien avec le président Chassaigne. Je ne dis pas que Bruxelles est responsable de tous nos maux. On ne parle pas ici de droit de la concurrence mais de la publicité comparative qui est bien encadrée par la directive européenne 2006114 du 12 décembre 2006. Ce texte légifère spécifiquement sur le sujet et son application dans le droit national est le reflet de cette directive européenne. C'est un fait.
La commission rejette ces amendements.
Elle aborde l'amendement CE1865 de M. Thierry Benoit.
Cet amendement vise à rendre obligatoire la publication des sanctions contre les pratiques commerciales déloyales, trompeuses et agressives.
Avis défavorable. La situation actuelle permet déjà au juge de décider de la publication comme peine complémentaire, au même titre que d'autres peines complémentaires d'exercice d'une activité professionnelle pour une durée maximale de cinq ans, applicables quant à elles tant aux pratiques commerciales trompeuses qu'aux pratiques commerciales agressives. Par ailleurs, les peines principales encourues en cas de pratiques commerciales trompeuses et agressives ont été très nettement renforcées par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation. Désormais, ces pratiques sont punies d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 300 000 euros, amende dont le montant peut être porté de manière proportionnée aux avantages tirés du délit à 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel. Pour les pratiques commerciales trompeuses, l'amende peut aussi être portée à 50 % des dépenses engagées pour la réalisation de la publicité ou de la pratique constituant le délit. Le dispositif de sanctions existant est donc très dissuasif. L'automaticité de la publication d'une décision de condamnation pour pratique commerciale trompeuse ou agressive confèrerait à cette publication le caractère d'une peine accessoire à la peine principale. Or, en raison de leur incompatibilité avec le principe d'individualisation des peines qui s'est peu à peu constitutionnalisé, les peines accessoires ont été supprimées du code pénal en 1992 et depuis lors, de nombreux textes ou codes spéciaux dont le code de la consommation.
J'entends ce que vous dites, Madame la secrétaire d'État, mais je suis en parfait accord avec M. Benoit. Lors de la discussion générale avec M. le ministre ici présent, nous avons parlé du name and shame qui fait d'ailleurs partie des engagements du Président de la République. On doit savoir qui ne respecte pas la loi. Je suis donc favorable à cet amendement que nous devrions tous voter.
Madame la secrétaire d'État, j'ai des doutes et des interrogations profondes à l'égard du ministère que vous représentez. Vous avez trouvé les arguments pour nous expliquer qu'il ne fallait pas que l'Autorité de la concurrence ait un droit de regard sur le regroupement de certaines grandes enseignes ni sur le renforcement des centrales d'achat. Ensuite, vous en avez trouvé d'autres pour vous opposer à ce que l'Autorité de la concurrence fixe une part de marché – de moins de 20 % – permettant de dissoudre l'oligopole des grandes surfaces. À présent qu'on demande que soient rendues publiques les sanctions contre les pratiques commerciales déloyales, vous trouvez encore les arguments pour protéger ces centrales. Finalement, dans notre pays, on protège les puissants et on enfonce les plus fragiles ! Cette loi ne vise-t-elle pas à rééquilibrer les relations commerciales ? Pour moi, le problème, ce n'est pas le ministre de l'agriculture : c'est Bercy ! Il faudra qu'on l'explique à nos agriculteurs : la grande distribution et les centrales d'achat sont défendues par Bercy.
Je voudrais juste raconter une anecdote. Un de nos anciens collègues député-maire a eu un jour le malheur de déplaire au propriétaire du supermarché local : lors de la campagne électorale suivante, celui-ci a imprimé sur tous les tickets de caisse des slogans hostiles au maire. On peut donc appliquer de temps en temps à la grande distribution les méthodes qu'elle utilise. Cet amendement va dans ce sens.
On doit afficher la volonté politique forte de lutter contre cette concentration des acheteurs, de rééquilibrer les relations commerciales et, de ce fait, de combattre les pratiques douteuses. Cela passe par la transparence vis-à-vis des consommateurs.
C'est de la philosophie politique : il n'y a pas de transparence sans une bonne information de nos concitoyens ; pas de vrai libéralisme sans citoyens éclairés. Dans la loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre, plus que les sanctions, les multinationales craignent les publications qui ont un effet très puissant.
Je suis un peu choquée car nous étions tous d'accord tout à l'heure pour travailler au renforcement du contrôle sur les centrales internationales. Comment pouvez-vous déformer à ce point mes propos ? J'ai présenté des arguments juridiques sur la proportionnalité des peines. Je vous prie de les respecter même si je conçois que vous puissiez avoir un autre avis.
La commission adopte l'amendement.
Elle en vient à l'amendement CE1751 de M. Dominique Potier.
Cet amendement vise à encadrer l'utilisation d'allégations portant sur le mode de production résultant d'un tri de la production agricole. Tout l'enjeu des États généraux de l'alimentation (EGA) était bien de restituer la valeur au producteur dans une chaîne de valeur équilibrée et loyale. Or, le tri des produits agricoles vise à permettre des allégations, comme le « zéro pesticide », qui ne sont pas fondées et dont la valeur ne peut être restituée au producteur. Il s'agit donc de rééquilibrer les choses.
La réalité que vous décrivez est choquante. Toutefois, l'amendement pose plusieurs problèmes d'application. D'abord, je ne comprends pas comment un accord interprofessionnel ou un arrêté préfectoral pourrait définir précisément la « création de valeur » qu'entraîne une allégation comme « zéro pesticide », indépendamment de la question de savoir si cette création de valeur va au producteur ou au distributeur. En outre, en matière d'information du consommateur, les allégations relatives à la nutrition ou à la santé des denrées alimentaires sont très encadrées par le règlement de l'Union européenne du 20 décembre 2006 : la loi n'a pas toute marge de manoeuvre. Avis défavorable.
Avis défavorable. Les allégations peuvent être utilisées dès lors qu'elles sont conformes aux principes établis par ce règlement qui prévoit que les informations sur les denrées alimentaires n'induisent pas en erreur et sont suffisamment précises, claires et aisément compréhensibles par les consommateurs. D'où le travail qu'on a à mener après sur l'étiquetage. Dès lors que les allégations peuvent être justifiées par l'opérateur, il n'est pas possible de conditionner leur utilisation à l'établissement d'un accord interprofessionnel qui serait étendu par les pouvoirs publics.
La commission rejette l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement CE1797 de M. Dominique Potier.
Nous proposons qu'un comité, où des parlementaires auraient leur place aux côtés des services de l'État, puisse être chargé du suivi de la part du Grand plan d'investissement qui sera consacré à l'investissement agricole et agroalimentaire. Les EGA ayant été fondés sur une forte dynamique participative, nous ne voudrions pas sombrer dans une logique administrative où nous ne serions que spectateurs.
Ce n'est pas une mauvaise idée. La Représentation nationale est en droit d'avoir des informations sur les dépenses effectuées dans le cadre du Grand plan d'investissement. Je m'en remets donc à la sagesse de la commission.
Il est déjà prévu d'assurer un suivi du Grand plan d'investissement : on a installé un comité de pilotage, un conseil supérieur de l'orientation de l'agriculture et le Conseil national de l'alimentation. On aura aussi la possibilité de réunir les parlementaires pour discuter de ces sujets et évaluer les opérations menées dans ce cadre. Il n'est pas nécessaire d'empiler les commissions ni de créer un comité ad hoc. Avis défavorable.
J'espère que demain, les parlementaires seront présents au sein du Conseil national de l'alimentation.
Je vous rappelle que nous avons auditionné Jean Pisani-Ferry qui nous a présenté ce Grand plan d'investissement et qui s'est engagé à venir une fois par an nous rendre des comptes sur le suivi de ce plan.
J'entends bien votre demande récurrente concernant le CNA, monsieur Ramos. Cela se décidera au sein du Conseil. Je m'en remets à l'immense sagesse de son président.
La commission rejette l'amendement.
Elle étudie l'amendement CE1986 du même auteur.
Nous en arrivons à un amendement auquel nous tenons particulièrement. Nous avons redécouvert lors des États généraux de l'alimentation à quel point les collectifs territoriaux ont été des moteurs de l'agriculture comme sources d'intégration des nouveaux entrepreneurs, d'innovation dans l'agriculture et dans ce qu'on appelle désormais la recherche participative. Ils sont un facteur de compétitivité indéniable, notamment grâce aux économies d'échelle qu'ils permettent de faire en matériel et aux stratégies de commercialisation qu'ils suivent. Il s'agit que l'agriculture de groupe dans toutes ses formes – celle des CUMA (coopératives d'utilisation de matériel agricole), des GEDA (groupes d'étude et de développement agricole), des CIVAM (centres d'initiatives pour valoriser l'agriculture et le milieu rural) et des GI2E (groupements d'intérêt économique et environnemental) – soit reconnue à un article du code rural et de la pêche maritime définissant les objectifs de la politique agricole. Cela n'a pas été fait depuis les années 1960 où ces collectifs ont joué un rôle moteur dans le développement de l'agriculture. Nous vivons sur nos territoires une révolution agricole. Il convient, en nous appuyant sur cet article, de refonder cette agriculture de groupe sur des principes clairs afin qu'elle ne soit pas banalisée sur les plans budgétaire, réglementaire et fiscal.
Avis favorable. L'agriculture de groupe est importante. Il est nécessaire que les CIVAM et les CUMA puissent s'inscrire dans des démarches complémentaires à celles de toutes les structures dont les démarches sont déjà reconnues. Je viens d'un territoire, l'Ouest de la France, qui est riche de la diversité des CUMA. On sait quel est leur poids sur les territoires, en termes d'aides, d'investissement et de mutualisation. On aimerait d'ailleurs pouvoir faire en sorte que certains investissements réalisés par les CUMA puissent être subventionnés par la PAC – nous sommes en train d'y travailler.
La commission adopte l'amendement.
Elle aborde l'amendement CE1834 de M. Nicolas Turquois.
Nous avons été plusieurs à nous interroger, à l'article 1er, quant à l'efficacité de cette loi à garantir le revenu des agriculteurs. Il nous semble donc important de pouvoir évaluer très rapidement cette efficacité, vu la situation catastrophique de ceux-ci. Nous proposons que l'Observatoire de la formation des prix et des marges (OFPM) remette régulièrement un rapport au Parlement ou vienne présenter devant cette commission une évaluation de l'application des articles 1er à 10 de ce texte.
C'est au Parlement qu'il revient d'évaluer la loi, quitte à interroger l'OFPM. Dans un premier temps, le débat sur les projets de loi de ratification des ordonnances prévues sera l'occasion d'un bilan d'application des dispositifs des articles 8, 9 et 10. Je vous prie donc de retirer cet amendement.
J'ajoute qu'il n'est pas nécessaire d'inscrire dans la loi que l'Observatoire de la formation des prix et des marges doit venir devant votre assemblée. Il suffit que le président de votre commission décroche son téléphone, appelle le responsable de l'Observatoire et lui propose de l'auditionner.
L'amendement est retiré.
L'amendement CE740 de M. Antoine Herth est également retiré.
Puis la commission est saisie de l'amendement CE1073 de M. Arnaud Viala.
Il s'agit de demander au Gouvernement un rapport sur l'agriculture de montagne qui a ses particularités et qui bénéficie ntd'aides spécifiques. La loi « Montagne » de 1985 puis la loi « Montagne 2 » de 2016 ont prévu plusieurs dispositifs. Il me semble intéressant que nous puissions être éclairés sur ceux-ci. Ce rapport pourra aussi servir au ministre pour faire reconnaître la spécificité de cette agriculture au niveau européen.
Le rapporteur émet un avis favorable car c'est le Gouvernement qui va devoir travailler (Sourires) mais c'est un travail que nous acceptons avec joie car cela pourra être utile pour mieux appréhender la vie agricole de la montagne. Ce rapport sera également utile à l'ensemble des parlementaires. Avis favorable.
La commission adopte l'amendement.
La commission en vient à l'examen de l'amendement CE2040 du rapporteur.
Cet amendement d'appel, en quelque sorte, fait directement écho aux propos tenus par le Président de la République à l'occasion de l'accueil des nouvelles générations en agriculture, en février 2018, lorsqu'il affirmait la nécessité de mettre en place, à l'échelle de l'Union européenne, un organisme commun chargé de la répression des fraudes aux règles du marché intérieur et des contrôles sanitaires des produits agricoles commercialisés au sein du marché intérieur. La législation européenne en matière sanitaire est rigoureuse mais les produits importés d'États tiers ne respectent pas toujours des règles aussi strictes. Le présent amendement vise à répondre à ce défi en coordonnant l'action des États membres de l'Union autour d'un organisme technique chargé de contrôler la qualité des produits importés et, ainsi, de renforcer la confiance des producteurs et la protection des consommateurs. Il est demandé au Gouvernement de conduire dans un délai d'un an une réflexion en ce sens et de formuler des propositions concrètes en vue de la création de cet organisme.
Cet amendement fait en effet écho aux déclarations du Président de la République et nous travaillons précisément à la formulation d'une proposition française que nous défendrons au niveau européen. La concertation avec le Parlement est naturellement utile, mais l'amendement tel qu'il est rédigé, prévoyant la création d'un organisme technique, nous semble prématuré ; nous en suggérons donc le retrait.
Je le retire volontiers : je comprends que le délai est trop court, et nous reviendrons sur ce sujet dans les prochains mois et les prochaines années.
L'amendement est retiré.
La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques CE219 de M. Jacques Cattin, CE326 de M. Jean-Yves Bony, CE402 de M. Vincent Descoeur, C411 de Mme Véronique Louwagie, CE743 de M. Antoine Herth, CE1319 de M. Pierre Morel-À-L'Huissier, CE1328 de M. Emmanuel Maquet, CE1422 de M. Michel Delpon et CE1636 de M. Sébastien Jumel, ainsi que les amendements CE1180 de M. Gilles Lurton et CE445 de M. Lionel Causse.
L'amendement CE219 vise à enrayer les manoeuvres qui génèrent une concurrence déloyale sur le territoire national et à partir d'autres pays européens.
Comme M. Bony, nous proposons par l'amendement CE402 qu'un rapport éclaire le Parlement sur les manoeuvres visant à contourner les objectifs et l'application du titre Ier du projet de loi ou l'objectif de concurrence libre et non faussée, au détriment de la négociation et, surtout, des producteurs.
Pour une raison qui m'échappe, notre amendement CE1636 est identique aux précédents – sans doute une erreur d'écriture… (Sourires.) C'est la preuve que la convergence est plus facile à trouver dans des amendements que sur le terrain politique ! À la lecture de cet amendement, je me suis dit qu'il ne pouvait être déposé que par des auteurs expérimentés. Depuis une quinzaine d'années – ceux du vieux monde qui sont ici s'en souviennent – nous débattons du mécanisme de contrôle à imposer à la grande distribution pour qu'in fine, les producteurs s'y retrouvent. Or, à chaque fois, les lois et décrets ont été contournés parce que dans le domaine financier, l'intelligence n'a pas de limite. Il est donc très important que nous puissions faire le point dans des délais assez rapides car malgré toute votre bonne volonté – dont je vous félicite – et tous vos efforts, monsieur le ministre, vous risquez en fin de compte de vous faire appeler « M. Sisyphe » si vous ne parvenez pas à atteindre votre objectif. Sisyphe, dans son effort, exerçait au moins ses muscles !
L'amendement CE1422 vise à demander un rapport au Gouvernement afin d'examiner les manoeuvres de contournement des objectifs et de l'application du titre Ier par les centrales d'achat européennes. L'amendement CE2037 défendu par le rapporteur pourrait précisément s'appliquer à ces centrales.
Le rapport proposé par ces amendements, y compris l'amendement CE445 que je défends, est nécessaire, et un délai de deux ans me semble judicieux.
Une fois n'est pas coutume, je suis totalement d'accord avec l'exposé du président Chassaigne concernant les possibilités de détournement de la loi qui existent pour les distributeurs, entre autres. D'ordinaire, c'est au Parlement qu'il appartient d'évaluer la loi et son application mais le travail des autres ne me fait pas peur ; je suis donc favorable à ces demandes de rapport.
Avis favorable : le Gouvernement n'ayant rien à faire le lundi soir, il sera ravi de s'attacher à la rédaction de ces rapports.
Je m'étonne de constater que le rapporteur et le ministre privilégient parfois un amendement – sans doute par le fruit du hasard – parmi une série d'amendements identiques : étant identiques, ils doivent tous être retenus !
Tout à l'heure, monsieur Chassaigne, votre amendement figurait dans une liste d'amendements identiques en discussion avec d'autres amendements non identiques dont l'un a été retenu ; dans le cas présent, il faut en effet choisir entre les amendements identiques et les deux autres qui sont en discussion commune.
L'amendement CE445 est retiré.
La commission adopte les amendements identiques CE219, CE326, CE402, CE411, CE743, CE1319, CE1328, CE1422 et CE1636.
En conséquence, l'amendement CE1180 tombe.
Membres présents ou excusés
Réunion du mercredi 18 avril 2018 à 21 h 30
Présents. - Mme Delphine Batho, Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, M. Thierry Benoit, M. Grégory Besson-Moreau, Mme Barbara Bessot Ballot, Mme Anne Blanc, M. Yves Blein, M. Philippe Bolo, M. Éric Bothorel, M. Jacques Cattin, M. Dino Cinieri, Mme Michèle Crouzet, M. Yves Daniel, M. Rémi Delatte, M. Michel Delpon, Mme Marguerite Deprez-Audebert, M. Julien Dive, Mme Christelle Dubos, Mme Véronique Hammerer, M. Antoine Herth, M. Guillaume Kasbarian, Mme Célia de Lavergne, Mme Marie Lebec, M. Jean-Claude Leclabart, Mme Annaïg Le Meur, M. Roland Lescure, Mme Monique Limon, M. Didier Martin, M. Max Mathiasin, M. Jean-Baptiste Moreau, M. Mickaël Nogal, M. Jérôme Nury, Mme Anne-Laurence Petel, M. Dominique Potier, M. Richard Ramos, M. Vincent Rolland, M. François Ruffin, M. Jean-Bernard Sempastous, Mme Bénédicte Taurine, Mme Huguette Tiegna, M. Nicolas Turquois, M. André Villiers
Excusés. - M. Patrice Anato, M. Jean-Claude Bouchet, M. Daniel Fasquelle, Mme Emmanuelle Ménard, M. Jean-Charles Taugourdeau
Assistaient également à la réunion. - M. Thibault Bazin, Mme Émilie Bonnivard, M. Jean-Yves Bony, M. Fabrice Brun, M. Lionel Causse, M. André Chassaigne, Mme Yolaine de Courson, M. Vincent Descoeur, M. Guillaume Garot, Mme Frédérique Lardet, Mme Sandrine Le Feur, Mme Nicole Le Peih, Mme Véronique Louwagie, Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, M. Bruno Millienne, M. Adrien Morenas, Mme Frédérique Tuffnell, M. Arnaud Viala