La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures trente.
Hier soir, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'article 3 sexies.
La parole est à M. François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, pour soutenir l'amendement no 901 .
Il s'agit, en cohérence avec le débat que nous avons eu hier soir sur le dispositif de lutte contre les passoires thermiques, de supprimer l'article 3 sexies au profit du suivant, qui prévoit un dispositif global en faveur de la rénovation énergétique des logements.
La parole est à M. Anthony Cellier, rapporteur de la commission des affaires économiques, pour donner l'avis de la commission.
L'amendement no 901 est adopté.
Sur les amendements identiques nos 896 , 897 et 902 , que nous allons examiner dans un instant, je suis saisie par le groupe La République en marche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Sur le sous-amendement no 916 , je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Sur le sous-amendement no 917 , je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Les amendements nos 896 , 897 , 902 et 915 peuvent être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Anthony Cellier, rapporteur, pour soutenir l'amendement no 896 .
Employons des mots français !
Sourires.
Chacun connaît – je m'en suis suffisamment ouvert lors des auditions – ce qui m'anime à titre personnel. Il me semble que la plupart des membres du groupe La République en marche, ainsi que le Gouvernement, s'inscrivent dans la même dynamique.
Il s'agit d'accompagner nos concitoyens, en les informant sur les outils mis à leur disposition pour remporter le défi de la rénovation des passoires thermiques, auquel nous sommes collectivement confrontés, et en les incitant à les utiliser.
Je rappelle – car la répétition sert la mémorisation – que les logements de classe F et G nécessitent, pour leur chauffage, une dépense moyenne allant de 1 600 à 2 200 euros par an, soit des sommes très importantes.
La rénovation énergétique des logements est un enjeu climatique – c'est ce qui nous anime dans le présent projet de loi – , car elle permet de réduire leur impact sur le climat, notamment leurs émissions de gaz à effet de serre, ce qui est bon pour la planète. Elle est également un enjeu pour notre système énergétique et, surtout, pour le confort et la facture des Françaises et des Français. Faire progresser un logement d'une classe représente une économie de 500 euros par an.
Où en sommes-nous ? Nous proposons un dispositif incluant l'obligation de procéder à un audit énergétique des logements mis en vente ou en location. Il aura pour vertu d'informer le propriétaire, le cas échéant, que son logement est de classe F ou G, qu'il s'agit donc d'une passoire thermique et que des travaux s'imposent.
Face à cette responsabilité, il ne sera pas abandonné. Il sera informé de la hiérarchisation des travaux, et saura ainsi lesquels sont les plus efficaces et lesquels sont les plus accompagnés, notamment par les certificats d'économie d'énergie, par le crédit d'impôt pour la transition énergétique – que nous transformons en prime travaux – , par les aides de l'Agence nationale de l'habitat, l'ANAH, bref par tous les dispositifs auxquels on peut prétendre pour rénover son bien immobilier. Tel est exactement l'objet de l'audit énergétique.
Nous proposons également d'introduire dans le texte l'obligation d'informer, dans le cadre des annonces publiées par les agences immobilières, quiconque s'apprête à acheter ou à louer un bien, ce qui permettra de l'acquérir ou de le louer en connaissance de cause, et de répondre à la question suivante : combien ce logement me coûtera-t-il, si je venais à y habiter en l'état, en matière de chauffage, d'eau chaude, d'électricité et plus généralement de consommation d'énergie ?
Enfin, nous travaillons à la simplification des dispositions en vigueur. À l'issue des auditions que nous avons menées durant plus de cinquante heures, j'ai tenté de compiler les aides auxquelles on peut prétendre. L'ensemble – ce point fait consensus, me semble-t-il – est complexe. Il n'a rien d'évident ni d'intuitif. Nous souhaitons donc simplifier tout cela.
J'en viens aux horizons de temps, qui ont d'emblée fait débat. Nous proposons qu'à compter du 1er janvier 2028, le non-respect de la conformité d'un bien immobilier à usage d'habitation aux obligations fixées soit mentionné dans les publicités relatives à la vente ou à la location ainsi que dans les actes de vente et les baux.
S'agissant des éventuelles sanctions, nous proposons d'en débattre en 2023, date du rendez-vous que nous nous sommes fixé collectivement en acceptant le principe d'une loi programmatique qui permettra aux parlementaires de s'exprimer sur la trajectoire énergétique de notre pays.
Nous serons alors à mi-chemin des échéances prévues par le présent texte et pourrons décider collectivement si notre pays est au rendez-vous de la rénovation énergétique des logements ou non. Si tel n'est pas le cas, nous déciderons collectivement des sanctions qui s'imposent.
Tels sont les horizons de temps que nous proposons. Ils sont cohérents avec les dispositions que nous avons adoptées jusqu'à présent, notamment le rendez-vous parlementaire que j'évoquais à l'instant.
Par ailleurs, je rappelle que nous avons adopté une disposition prévoyant que le Gouvernement dresse chaque année l'état des lieux de la rénovation énergétique des logements. À chaque étape, nous aurons une visibilité sur la situation de notre pays en la matière et prendrons collectivement nos responsabilités. J'espère que nous serons nombreux sur ces bancs en 2023 pour ce faire !
Sourires.
Nous prendrons alors nos responsabilités, et prévoirons l'entrée en vigueur en 2028 de mesures de coercition renforcées si d'aventure nous n'avions pas réussi à impulser l'évolution souhaitée – j'estime pour ma part que les dispositifs que nous avons mis en place devraient nous permettre d'y parvenir.
De surcroît, nous aurons à notre disposition un outil supplémentaire dont je suggère l'utilisation, le conseil citoyen. Profitons-en ! Les parlementaires s'exprimeront et le conseil citoyen sera consulté. Il fournira des indications permettant de prendre le pouls de l'impulsion que nous donnons, donc de décider si nous devons prévoir des mesures de coercition renforcées.
Profitons donc de ce nouvel outil qu'est le conseil citoyen pour bâtir une complémentarité entre, d'une part, le Parlement, les dispositions que nous avons adoptées dans le cadre du présent projet de loi – précisément par le biais de ces amendements identiques – , et, d'autre part, la dynamique nouvelle incarnée par le conseil citoyen !
Ainsi s'achève la présentation de l'amendement no 896 , dont j'espère qu'elle fut simple…
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. François de Rugy, ministre d'État, pour soutenir l'amendement no 897 .
Il est identique au précédent et traite d'un sujet dont nous avons longuement débattu hier soir. Je me contenterai donc de rappeler le travail sérieux et approfondi mené par la majorité et le Gouvernement, nourri – comme je l'ai indiqué hier – de propositions issues d'autres bancs.
Pourquoi ce travail sérieux et approfondi ? Sa présentation a demandé un peu de temps à M. le rapporteur ce matin, comme à moi-même hier soir, car le sujet n'est pas simple, fût-il réduit à un amendement. La rénovation énergétique des logements en général, et des passoires thermiques en particulier, ne peut se résumer à une mesure ou à un dispositif en particulier.
Il s'agit bien d'un paquet de mesures, qui permettra, s'il est mis en oeuvre avec constance, cohérence et volontarisme dans le temps, d'obtenir les résultats qui n'ont pas été obtenus jusqu'à présent.
Bien entendu, des politiques sont d'ores et déjà mises en application. J'ai rappelé hier soir les nombreuses actions entreprises ou amplifiées depuis deux ans pour gagner la bataille contre les passoires thermiques, qui sont un problème tant écologique que social.
Je vous remercie d'avance, mesdames, messieurs les députés, d'adopter les amendements identiques nos 896 , 897 et 902 , respectivement présentés par M. le rapporteur, par le Gouvernement et par la majorité.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
La parole est à Mme Huguette Tiegna, pour soutenir l'amendement no 902 .
Il est identique à ceux que M. le rapporteur et M. le ministre ont largement présentés. Cet amendement présenté à plusieurs voix est issu de négociations avec l'exécutif.
Chacun ici est conscient de la nécessité d'aller plus vite et plus loin en matière de transition écologique. Le logement demeure l'un des secteurs émettant le plus de gaz à effet de serre. Nous entendons agir rapidement à ce sujet.
Par le biais de l'amendement, nous saisissons le sujet des passoires thermiques à bras-le-corps, en adoptant une méthode ambitieuse mais réaliste. Il permet de mettre en oeuvre plusieurs mesures, que l'on peut résumer en trois mots.
Premièrement, l'incitation. Dès 2022, la réalisation d'un audit énergétique sera obligatoire lors de la mise en vente ou en location d'un logement classé F ou G, ainsi que la présentation de propositions de travaux permettant d'atteindre un haut niveau de performance énergétique. Il faut commencer par maintenir l'accompagnement des propriétaires, comme nous le faisons depuis le début du quinquennat.
Deuxièmement, l'obligation. Afin de mobiliser les propriétaires des logements les plus énergivores, l'amendement prévoit que la consommation d'énergie primaire des bâtiments à usage d'habitation ne pourra pas excéder le seuil de 330 kilowattheures par mètre carré et par an à compter du 1er janvier 2028.
Troisièmement, la sanction. Nous en débattrons à mi-chemin de l'échéance de 2028. Les conséquences du non-respect de l'obligation de travaux seront définies dans la loi de programmation pluriannuelle de l'énergie, à laquelle nous avons prévu – par un amendement adopté hier soir – d'annexer une feuille de route de la rénovation énergétique.
Tout cela résume parfaitement la méthode suivie par notre majorité depuis bientôt deux ans : mener une transition énergétique ambitieuse, tout en accompagnant nos concitoyens et en prévoyant des mesures incitatives avant d'introduire des interdictions. J'espère que nous serons nombreux, sur tous les bancs, à voter ce bel amendement.
M. le président de la commission applaudit.
Tout d'abord, je voudrais saluer le travail du rapporteur, qui s'est efforcé de synthétiser dans cet amendement les différentes propositions émises en commission des affaires économiques. Je salue également le travail transpartisan mené en commission – l'opposition a en effet aussi contribué à améliorer ces propositions. Je salue donc le travail de l'ensemble des parlementaires ayant apporté leurs contributions à l'élaboration de cet amendement.
Nous souhaitons proposer deux sous-amendements à cet amendement. Le premier a pour but de prévoir une étape intermédiaire dans l'objectif de transition énergétique du parc de logements, fixé à l'horizon 2050. L'idée serait que plus aucun logement ne dispose d'un diagnostic de performance énergétique inférieur à D à l'horizon 2035. Nous fixerions ainsi une étape. Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre d'État, vous avez établi une première étape à l'horizon 2023. Cela nous semble une bonne chose, puisque cela nous offre la possibilité d'engager des actions si la trajectoire fixée s'avérait compromise.
Une étape intermédiaire entre 2023 et 2050 semble cependant nécessaire. Nous la fixons pour notre part à 2035.
Notre deuxième sous-amendement vise à interdire la mise en location ou le renouvellement de baux de logements dont le diagnostic de performance énergétique serait inférieur au seuil E en 2028. Je profite de l'occasion qui m'est donnée pour regretter que l'amendement défendu par notre collègue Jean-Louis Bricout en commission ait été déclaré irrecevable pour la séance. En effet, la question des objectifs énergétiques liés aux logements soulève forcément celle des moyens. Or nous peinons depuis des années à trouver les moyens suffisants pour atteindre ces objectifs. La proposition d'expérimentation de Jean-Louis Bricout nous semblait équilibrée. Il s'agissait d'avancer les fonds nécessaires à la réalisation des travaux, cette avance devant être débloquée et remboursée au moment de la mutation du bien. C'était à mon sens une bonne solution.
J'ai défendu les deux sous-amendements pour gagner du temps, madame la présidente, et je tenais vraiment à rappeler l'engagement de Jean-Louis Bricout. Je pense en effet qu'une telle expérimentation apporterait beaucoup au dispositif.
La parole est à M. Matthieu Orphelin, pour soutenir le sous-amendement no 904 .
Avec ce compromis, nous avançons effectivement sur la question de la rénovation énergétique. Je crois d'ailleurs que le travail important mené par les uns et les autres au cours des derniers jours mériterait que l'on y réfléchisse. Ne pourrions-nous pas produire la loi différemment ? Ce travail a été mené en réaction, peut-être positive, au texte voté en commission. Je suis persuadé que le Gouvernement et l'Assemblée peuvent trouver d'autres façons de travailler et d'avancer ensemble sur ce genre de sujets fondamentaux.
Ce compromis permet à mon sens d'avancer par rapport à la loi et à la réglementation actuelles, mais il ne le fait pas suffisamment. Il ne règle pas tout. Il constitue certes une avancée, mais une avancée qui ne nous permettra pas, je le crains, de rattraper le retard que nous avons pris sur le rythme des rénovations énergétiques et des travaux liés à la performance des bâtiments.
Je ne vais pas refaire le débat de cette nuit, mais nous avons eu beaucoup de discussions sur le caractère « punitif » des interdictions de location ou des obligations de travaux. Mais ce qui est punitif, c'est de vivre dans une passoire énergétique ! C'est là-dessus que nous devons agir !
Encore une fois, le compromis présenté ne règle pas tout. J'espère me tromper, mais je pense qu'il ne permettra pas d'effectuer le changement d'échelle nécessaire. Je serais cependant ravi de reconnaître mon erreur d'ici un ou deux ans. Il faudra que nous suivions cela de très près. Pourquoi ne pas instaurer des suivis trimestriels du nombre de rénovations énergétiques ? Je crois que ce serait important. Nous aurons ensuite, comme c'était le cas hier, des discussions sur le projet de loi de finances, les nouvelles mesures d'accompagnement, la mobilisation générale, etc.
Mon sous-amendement vise à supprimer l'exemption possible pour les bâtiments pour lesquels le coût des travaux nécessaires pour satisfaire l'obligation de limite de la consommation énergétique des bâtiments à usage d'habitation mentionnée par l'amendement est « manifestement disproportionné » par rapport à la valeur du bien. Cette formule semble en effet beaucoup trop large. Il faut donc supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Philippe Bolo, pour soutenir le sous-amendement no 905 .
Il s'agit d'un sous-amendement porté par mon collègue Jean-Paul Mattei, qui vise à rendre l'audit énergétique opposable à tous les organismes publics et privés permettant ou facilitant le financement des travaux de rénovation énergétique des bâtiments. L'acquéreur ou le locataire n'aurait ainsi pas à procéder à des expertises supplémentaires pour accéder aux aides auxquelles il a droit. Cette mesure faciliterait donc ses démarches et lui donnerait accès plus facilement aux outils financiers existants.
La parole est à M. Matthieu Orphelin, pour soutenir l'amendement no 915 .
Quel est l'avis de la commission sur les amendements en discussion commune et sur l'ensemble des sous-amendements ?
La commission est bien entendu favorable aux amendements nos 896 , 897 et 102 .
Pour l'ensemble des sous-amendements et pour l'amendement no 915 , j'émettrai une demande de retrait ou un avis défavorable. Nous allons néanmoins vous donner quelques explications, un certain nombre de questions s'étant fait jour.
Madame Battistel, je suis entièrement d'accord avec vous : je crois que nous pouvons nous féliciter du travail collectif qui a été mené au travers des contributions des uns et de la ferme opposition des autres. Ces oppositions sont en effet toujours stimulantes pour la majorité en ce qu'elles contribuent à nous faire progresser. Dans tous les cas de figure, je regarde donc les oppositions d'un bon oeil, car elles ont pour vertu de nous obliger.
Concernant la demande d'application du dispositif aux logements de classe E, ce sera une demande de retrait. Le dispositif que nous vous présentons est déjà très ambitieux. Évaluons-le dans quelques années, mais concentrons nos efforts, comme je l'ai précisé, sur la rénovation des passoires énergétiques de classes F et G.
Avec l'interdiction de la mise en location lors du renouvellement du bail proposée par le sous-amendement no 917 , nous revenons sur le débat relatif à l'interdiction. Je pense que le dispositif que nous avons présenté est suffisamment complet. Il conduit en outre vers des horizons temporels où nous aurons à nous prononcer sur la notion d'interdiction.
J'en viens au sous-amendement no 904 . La formule « manifestement disproportionné » n'est pas rare dans les textes de loi, monsieur Orphelin. Ceci étant, je suis d'accord avec vous : il est important de savoir à quels logements l'exonération s'appliquera. M. le ministre d'État pourra certainement s'engager sur un pourcentage ou un volume de coût des travaux par rapport à la valeur du bien.
En ce qui concerne le sous-amendement no 905 , je suis un peu circonspect à l'idée de rendre opposable un devis de travaux réalisé par quelqu'un qui n'aurait pas réalisé les travaux correspondants. Je comprends l'idée, mais j'ai quelques doutes sur l'aspect légal de cette proposition. Nous risquerions de nous retrouver dans une situation juridiquement un peu bancale. Je ferai donc une demande de retrait également pour ce sous-amendement, même si, encore une fois, je comprends l'idée.
Le Gouvernement est défavorable à l'ensemble des sous-amendements. Nous avons eu le débat hier sur le dispositif. Comme l'ont dit à l'instant Mme Battistel et M. Orphelin, de nombreux députés sont impliqués sur ces questions, sur lesquelles ils travaillent souvent depuis longtemps. Nous partageons tous la même volonté. Naturellement, je ne pense pas que seuls certains d'entre nous s'intéressent aux passoires thermiques quand d'autres ne s'y intéresseraient pas.
Le sous-amendement no 904 de M. Orphelin vise à supprimer la mention d'un coût de travaux « manifestement disproportionné par rapport à la valeur du bien ». Je crois que cette formule est issue de l'examen de la réalité. Dans le logement, il y a tellement de situations ! Certaines maisons, assez grandes, peuvent nécessiter des travaux de rénovation assez coûteux alors qu'elles n'ont pas par une très grande valeur sur le marché. Nous le savons, cela existe. Je crois que nous avons tous des exemples en tête, sur tel ou tel territoire, de maisons estimées à 70 000 ou 80 000 euros pour lesquelles il faudrait engager 40 000 euros de travaux pour arriver à une rénovation énergétique correcte. Je ne parle ici que d'une rénovation énergétique correcte, il n'est même pas question de passer d'une classe F ou G à une classe A ou B !
Je me souviens avoir assisté à une présentation concrète effectuée par la Fédération SOLIHA, qui accompagne de nombreux ménages dans leurs travaux de rénovation énergétique pour le compte de l'ANAH : une maison située en Haute-Saône présentait une valeur de vente ou d'achat inférieure au montant des travaux ! Or si un propriétaire privé peut faire le choix d'acquérir un bien immobilier très bon marché, mais nécessitant des travaux importants, afin d'en faire un logement agréable à vivre et peu coûteux en chauffage pour un coût global honnête, d'autres peuvent en revanche se dire qu'ils n'arriveront jamais à s'en sortir et qu'ils rentreront à peine dans leurs frais s'ils revendent leur bien. Il faut y penser.
Un coût de travaux « manifestement disproportionné » représente environ 20 à 25 % du prix de vente. Pour reprendre mon exemple précédent, si une maison d'une valeur de 80 000 euros nécessitait plus de 20 000 euros de travaux, la question de l'exemption de l'obligation pourrait se poser. Mais une maison semblable, de la même taille, etc. , pourrait valoir 200 000 euros dans une autre région – et je ne prends pas là un exemple totalement disproportionné. Avec 20 000 euros de travaux pour une valeur estimée à 200 000 euros, cela redevient un calcul économique raisonnable.
Je rappelle que le rapport établi conjointement par le CGEDD – Commissariat général au développement durable – , qui dépend de mon ministère, et l'Inspection générale des finances, a démontré que le coût des travaux nécessaires pour passer des classes F et G à la classe E s'élevait à environ 150 euros par mètre carré.
En moyenne, si l'on reprend l'ensemble de ces éléments, la mesure sera efficace car elle portera sur des proportions inférieures à celles s'appliquant aux cas particuliers dont j'ai parlé. Mais ces cas existent. Voilà pourquoi il faut savoir s'adapter.
De la même façon, personne ne l'a soulevé ici, mais je peux vous dire qu'à l'extérieur de cet hémicycle, certaines personnes m'ont envoyé des messages pour s'enquérir du sort des maisons anciennes pouvant avoir des dimensions patrimoniales ou architecturales particulières. Nous connaissons tous ces questions. Je me souviens de gens qui avaient lancé des polémiques à une époque : « Vous allez obliger l'isolation par l'extérieur sur des maisons à colombages ! ». Évidemment, les spécifications architecturales et techniques sont aussi prises en compte. C'est normal. Mais l'objectif général est bien de lutter contre les passoires énergétiques.
Je propose donc d'adopter l'amendement, et demande le retrait ou le rejet des sous-amendements.
M. Guillaume Kasbarian applaudit.
M. le ministre d'État, M. le président de la commission des affaires économiques et M. le rapporteur applaudissent
Eh oui, monsieur le ministre d'État ! Nous essayons de faire une opposition intelligente !
En commission, je vous avais expliqué pourquoi votre amendement sur le séquestre que vous avez défendu jusqu'au bout de la nuit était mauvais.
Oui, mais tout le monde connaît les conditions dans lesquelles cet amendement est arrivé dans les mains du rapporteur.
Vous vous y êtes accroché, et vous n'étiez pas content, hier, quand je vous ai rappelé qu'il était ni fait ni à faire.
On a changé de journée et d'amendements, et vous avez une nouvelle proposition : elle vise à passer d'abord par une information, elle donne un délai jusqu'à 2028, elle permet d'éviter que les Français ne se réveillent demain matin en se disant : « Mince, j'ai des travaux de rénovation à faire ! », bref, elle permet de concilier le réel, le pouvoir d'achat et notre objectif à tous, qui est de lutter contre les passoires thermiques.
Mais j'ai une question, monsieur le ministre. Vous proposez une exemption pour le cas où le coût des travaux serait « manifestement disproportionné par rapport à la valeur du bien ». La valeur, c'est le patrimoine. Mais imaginons qu'un milliardaire possède une passoire thermique qui vaille 100 000 euros et qui nécessite pour 50 000 euros de travaux. Comme ces 50 000 euros sont manifestement disproportionnés par rapport à la valeur du bien, il bénéficiera de l'exemption, alors qu'il a les moyens, en tant que propriétaire, de faire les travaux. À l'inverse, un paysan de l'île de Ré qui possède quelques hectares de vignes…
Ah !
… mais dont le bien est estimé à 3 millions d'euros, se verra proposer de le rénover…
Sourires.
Ne riez pas, chers collègues, ce sont des cas concrets, notamment à l'île de Ré, et c'est malheureusement ainsi que le système fiscal fonctionne ! Imaginons que l'on annonce à ce paysan que sa maison nécessite pour 30 000 euros de travaux. Ce ne sera pas une somme manifestement disproportionnée pour un bien valant 3 millions. Simplement, la retraite d'un paysan – vous trouverez des exemples sur internet – excède rarement 1000 euros. Le coût des travaux sera donc manifestement disproportionné par rapport à ce qu'il gagne.
Je vous demande donc, chers collègues, si cette formulation ne devrait pas être complétée – à moins que je n'aie pas compris – en écrivant « manifestement disproportionné par rapport à la valeur du bien ou à la capacité financière du propriétaire ». Je ne voudrais pas que le milliardaire de mon premier exemple échappe à la loi et que le paysan du second, qui ne peut pas payer les travaux, soit exclu de l'exemption. Voilà la question que je voulais poser. Si vous pouvez y répondre, je serai heureux de voter l'amendement.
Pour ma part, je ne me félicite pas du tout de ce travail collectif, qui s'apparente à une véritable pantalonnade. Nous avons dix ans pour changer le monde. Nous sommes dans une situation d'urgence. Nous ne pouvons pas reporter à 2022, 2023 ou 2028 les mesures effectives de lutte contre les passoires énergétiques.
Il y a donc des choix courageux à faire, même s'ils dérangent telle ou telle corporation. J'ai entendu ce matin Pascal Canfin lui-même parler de toutes les influences qui se sont exercées en coulisses, ces derniers jours, pour que l'on arrive à ce que vous appelez un compromis, qui est finalement pitoyable. En fait, ce n'est que de l'affichage. L'urgence climatique, pour vous, dans ce texte, est toujours pour plus tard.
Je dois vous dire, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, que je suis un peu déçue que notre sous-amendement no 916 n'obtienne pas votre faveur. Il avait le mérite de fixer une étape intermédiaire entre 2028 et 2050. Là, nous sommes un peu dans le vide ! Il est toujours bon de prévoir des étapes pour rectifier éventuellement la trajectoire. Cela inciterait fortement les propriétaires dont les logements sont classés E, F ou G à faire des travaux suffisamment importants pour passer au D tout de suite. Je crains qu'avec votre amendement, les propriétaires de logements classés F ne se contentent de passer en catégorie E. C'est bien ce qui risque de se produire, et ce n'est évidemment pas satisfaisant.
Quant au sous-amendement no 917 , il vise à protéger les locataires et à inciter les propriétaires à faire ces travaux.
Pour répondre, enfin, à ce que disait M. Aubert sur la disproportion entre les moyens de certains propriétaires et le coût des travaux, nous avions l'amendement de M. Bricout, qui permettait de financer les travaux, quel que soit leur montant, par une avance de fonds.
Je soutiendrai évidemment les sous-amendements présentés par Mme Battistel. Toutes les études de l'ADEME – agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie – ont montré, et encore récemment, que les travaux de rénovation énergétique ne permettaient pas assez de sauts de classe. Il serait évidemment très important de viser enfin des rénovations énergétiques plus performantes.
Quant au sous-amendement que j'avais proposé, les mots du ministre d'État me conviennent beaucoup mieux que « manifestement disproportionné ». C'est beaucoup plus clair comme ça : 25 %. C'est ce qu'il faudrait écrire dans la loi. Cela évitera toutes les interprétations.
Nos sous-amendements ont sans doute peu de chances de passer. Je note cependant le fort soutien de notre collègue Julien Aubert à ce compromis.
On connaît son engagement en faveur de la transition énergétique. Il sonnera peut-être comme un avertissement pour tous ceux qui se félicitent trop de ce compromis. Pour moi, je trouve qu'il va dans le bon sens, mais pas assez vite. Je m'abstiendrai donc sur cet amendement.
… mais reflètent certaines réalités, et montrent la grande diversité des situations. Ils montrent aussi pourquoi il a été si compliqué pour nous d'arriver à un compromis, comme M. Orphelin l'a dit. Il est extrêmement compliqué de trouver une mesure unique qui convienne à tout le monde en matière de rénovation énergétique. La définition d'une obligation qui s'applique à tous a forcément quelque chose de décevant, au sens où elle peut paraître manquer d'ambition.
Je l'entends, mais il faut comprendre que la diversité des situations nous a obligés à rechercher un compromis raisonnable : il faut tenir compte de ceux dont la situation ne correspond pas, comme l'a très bien dit M. Aubert, au standard général. Encore une fois, il faut comprendre que les 400 000 propriétaires bailleurs qui sont eux-mêmes précaires se sentiraient écrasés si l'on imposait une interdiction.
Nous sommes cependant parvenus à nous mettre tous d'accord, chacun dans son rôle, pour aboutir à une solution qui est certes un compromis, mais qui est plus ambitieuse que tout ce que nous avons eu jusqu'à présent sur le sujet. Il n'y avait jusqu'à présent rien de clair dans la loi, qui ne comportait qu'une obligation incantatoire. Il est vrai que l'on prévoit un délai de cinq ans, mais pour des objectifs concrets. On dit comment on va y parvenir, à quelle date, et on explique comment on va tout mettre en oeuvre pour y arriver. Cela me paraît raisonnable, mais quand même ambitieux.
Quant à l'idée de Marie-Noëlle Battistel de prévoir des étapes intermédiaires, elle est intelligente. Je ne sais pas si 2035 est la bonne date, mais il est extrêmement important d'en prévoir une : si la première marche est très dure, les suivantes seront plus dures encore.
Il faut en effet se satisfaire de cette avancée notable, mais je regrette son caractère timoré. Je soutiendrai évidemment les sous-amendements de notre collègue Marie-Noëlle Battistel, mais je voudrais poser quelques questions. J'ai l'impression de revivre – même si à l'époque, je ne siégeais pas encore dans cet hémicycle – les débats sur l'accessibilité des bâtiments publics pour les personnes à mobilité réduite.
Il y avait à chaque fois un cas exceptionnel qui justifiait que l'on n'aille pas de l'avant pour servir le plus grand nombre. On trouve toujours des cas exceptionnels pour freiner la dynamique. En ce sens, je me satisfais d'un point – et je me contenterai, en conséquence, de m'abstenir : ce projet de loi sera ensuite présenté au Sénat, où l'on peut espérer que la disposition dont nous débattons sera renforcée. Peut-être même aurons-nous un retour, après avoir eu le temps de mûrir nos réflexions et d'avoir enfin une ambition.
Je terminerai par un point personnel. Je rappelle à ceux qui n'osent pas aller trop vite parce qu'il y aurait 400 000 propriétaires précaires qui seraient mis en difficulté que, dans ma circonscription, le 1er janvier 2022, des milliers de personnes n'auront plus de travail parce que nous avons voté hier la fin des centrales à charbon. On ne peut appliquer deux poids, deux mesures. Ou bien notre préoccupation principale est la question du réchauffement climatique, et alors, même si l'on n'oublie pas les personnes qui seront mises en difficulté, on donne la priorité à cette préoccupation, et des millions de logements qui sont des passoires thermiques doivent être transformés ; ou bien on applique deux poids, deux mesures : si tu es salarié, tant pis pour toi, si tu es propriétaire, on va essayer de te préserver. Eh bien non, il faut aller de l'avant, plus rapidement !
Je rappelle avant tout que nous avons voté, à l'article 3 sexies, l'audit énergétique. Il constitue une réponse aux propos de Mme Battistel et aux interrogations sur notre capacité à aller plus loin dans l'amélioration de la performance énergétique des bâtiments. Cette mesure a une grande portée, parce qu'elle permettra de savoir a priori combien coûteront les travaux, et si on n'a pas intérêt à aller plus loin dès la réalisation de cet audit énergétique.
Je pense cependant, madame Battistel, que nous poursuivons le même objectif : c'est d'aller – ma collègue Marjolaine Meynier-Millefert l'a dit – vers des bâtiments à très haute performance en vue de parvenir à la neutralité carbone.
Je voudrais m'inscrire en faux contre un propos que j'ai beaucoup entendu, selon lequel nous défendrions un amendement de compromis. C'est un amendement ambitieux, qui propose un nouveau logiciel iOS de la rénovation énergétique : incitation, obligation et, en dernier recours, sanction.
Oui, monsieur Aubert. Jusqu'à 2022, nous ne faisons pas rien. Nous avons déjà voté, dans ce projet de loi, plusieurs mesures importantes : obligation d'afficher les charges énergétiques au moment de la location, interdiction d'augmenter le loyer en cas de mauvaises performances énergétiques, obligation de l'audit énergétique au moment de la vente ou de la location.
Avec les annonces faites hier par M. le ministre sur le budget de transformation du CITE en prime dès 2020 pour les ménages modestes et dès 2021 pour l'ensemble des ménages, nous avons des mesures fortes dès le début. J'entends ce que l'on dit, mais il ne me semble pas juste de dire que nous reportons à 2023 ou 2028. Nous donnons une trajectoire, acceptable socialement, qui nous permettra d'atteindre nos objectifs de rénovation énergétique.
La parole est à M. Roland Lescure, président de la commission des affaires économiques.
Vous nous reprochez, madame Batho, de ne pas aller assez vite parce que l'urgence est là aujourd'hui. Reconnaissons ensemble que, sur ce sujet comme sur beaucoup d'autres, cela fait vingt-cinq ans que l'on parle beaucoup et que l'on fait peu. On fait du surplace, et vous nous demandez maintenant de passer le mur du son en quelques années.
Pour accélérer, selon un verbe familier de votre voisin, il faut le faire progressivement. On est obligés d'accélérer, vous avez raison, mais on ne peut pas passer de zéro à la vitesse du son en quelques minutes, ou alors on risque de se prendre un mur, et de le prendre violemment.
Il est évident, monsieur Lambert, que la loi n'est pas faite pour les cas particuliers, mais qu'elle doit l'être pour tous les Français. C'est exactement pour cela qu'il faut être capable de faire preuve de suffisamment de flexibilité pour tenir compte des grands cas génériques qui correspondent à ce problème. Il n'est pas du tout le même dans les zones tendues et dans les zones détendues. Il n'est pas du tout le même pour les propriétaires bailleurs et les propriétaires occupants, ni pour ceux qui ont les moyens de faire les travaux et pour ceux qui ne les ont pas. Nous devons donc parvenir à un dispositif capable de s'adapter à ces différentes situations, et c'est exactement ce que nous proposons aujourd'hui. Il n'y a pas de formule magique.
Le ministre d'État l'a dit, il faut un dispositif complet, diversifié et progressif, qui nous permette d'accompagner les changements de manière beaucoup plus massive que dans le passé, avec un mur – oui, madame Batho – , mais un mur suffisamment lointain pour qu'on évite de se le prendre, et pour que la plupart des modifications qui doivent être faites soient faites d'ici là.
Il y a aujourd'hui – cela a été dit de nombreuses fois – 7 millions de passoires thermiques. Au rythme actuel, on fait à peu près 100 000 rénovations par an. Il faudrait donc beaucoup de temps…
Soixante-dix ans, merci, monsieur Lambert, pour les rénover toutes, si on reste au rythme actuel.
Il faut donc changer de braquet. Mais avec une interdiction de location dans dix ans, il faudrait rénover 700 000 logements par an… Passer de 100 000 à 700 000, c'est tout simplement impossible !
Nous devons donc faire tous les efforts possibles pour accélérer ; la pression doit être forte. Mais, je l'ai dit dans la discussion générale, cette loi doit être concrète, utile, efficace ; oui, elle doit être ambitieuse, mais assurons-nous que nos objectifs seront atteints !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Monsieur Orphelin, les précisions que vous souhaitez apporter relèvent des décrets d'application, qui entreront dans ces détails.
Monsieur Aubert, le revenu des propriétaires concernés est le premier critère utilisé pour le calcul des aides apportées : celles-ci peuvent donc également concerner une personne dont le patrimoine aurait une valeur importante ; le cas de l'île de Ré est bien connu, et cité depuis de nombreuses années – même si c'est une valeur virtuelle, puisque c'est une valeur de marché : si l'on habite dans un logement, cela ne change pas grand chose… La situation sociale de chacun est donc bien prise en considération.
Monsieur Lambert, contrairement à ce que vous avez dit, nous adoptons ici exactement la même démarche que pour les centrales thermiques : nous accompagnons les personnes qui se trouvent en situation difficile. Que l'on soit salarié d'une centrale à charbon, propriétaire d'une passoire thermique ou locataire victime de l'absence de rénovation d'un logement, nous aidons, nous mobilisons différents outils, et in fine nous prenons quand c'est nécessaire des mesures contraignantes – en l'occurrence, pour que cette obligation de rénovation soit appliquée.
Monsieur le président, vous parliez de « mur du son » – à moins qu'il ne se soit agi du « mur du çon ». Vous devriez réécouter les propos tenus au début de cette séance : si vous consacriez à la rénovation énergétique une partie seulement des sommes aujourd'hui versées pour les énergies renouvelables, vous pourriez accélérer drastiquement la montée en puissance que vous appelez de vos voeux.
Nous avons besoin de financements, et on parle ici de dizaines de milliards d'euros. Sans financements, vous ne ferez rien du tout.
Monsieur le ministre d'État, vous m'avez répondu sur le cas du paysan de l'île de Ré ; vous ne m'avez pas répondu sur le cas du propriétaire qui a beaucoup d'argent, mais qui possède une passoire thermique. Les aides de l'ANAH oscillent entre 20 000 et 50 000 euros pour les travaux les plus lourds : il me semble qu'il manque une étude d'impact, car je n'ai pas vraiment l'impression que personne – et notamment le paysan de l'île de Ré – ne sera pas mis en difficulté.
Pour toutes ces raisons, je m'abstiendrai sur cet amendement.
Les amendements dont nous débattons sont des amendements de compromis, soutenus de façon collégiale. Je regrette que ceux qui défendent de grandes ambitions ne se joignent pas à nous pour dire qu'un compromis, cela peut aussi être ambitieux – celui-ci l'est.
Nous devrons tous nous retrouver lors du débat du projet de loi de finances pour défendre la mise en oeuvre de cette loi-ci, notamment la transformation du CITE en prime et le financement du service public de l'efficacité énergétique de l'habitat. Ces batailles restent à mener, et je crois que nous nous retrouverons pour cela.
Nous voterons ces amendements tels qu'ils sont.
Je rejoins entièrement Julien Aubert : en effet, 12 milliards pour l'EPR, c'est beaucoup trop, et il vaudrait bien mieux orienter ces sommes vers la rénovation énergétique – c'est bien ce que vous avez dit, je crois...
Sourires.
Cela permettrait de rénover les 7 millions de passoires thermiques : nous sommes donc d'accord pour stopper le nucléaire et utiliser l'argent pour des rénovations thermiques qui serviront à tous les Français au quotidien.
Sourires.
Je voudrais néanmoins revenir sur le pourquoi du comment. J'ai évoqué l'accessibilité aux personnes à mobilité réduite : la loi avait prévu une obligation, avec des dates butoir. Nous savons tous que ces dernières n'ont été respectées ni par les collectivités, ni par les établissements publics, ni par les commerces…
Il faut créer un mur – pour reprendre le terme du président Lescure. Ensuite, on pourra ajuster. Si les règles sont trop souples, les travaux seront reportés à l'année prochaine, puis à l'année d'après, puis à l'année suivante… Il faut commencer immédiatement, et c'est ce que j'aurais souhaité voir écrit de façon plus explicite dans la loi.
Sourires.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 38
Nombre de suffrages exprimés 36
Majorité absolue 19
Pour l'adoption 4
Contre 32
Le sous-amendement no 916 n'est pas adopté.
Le sous-amendement no 904 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 38
Nombre de suffrages exprimés 37
Majorité absolue 19
Pour l'adoption 7
Contre 30
Le sous-amendement no 917 n'est pas adopté.
Le groupe Les Républicains tout entier, c'est-à-dire vous tout seul ce matin…
Le sous-amendement no 905 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 39
Nombre de suffrages exprimés 33
Majorité absolue 17
Pour l'adoption 32
Contre 1
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
L'article 3 octies est adopté.
L'article 3 novies est adopté.
Cet article traite d'une question cruciale : celle des garanties à l'export apportées par l'État. Nous avions voté, en commission, leur suppression pour les énergies fossiles.
Je veux rappeler ici de quoi il s'agit : 1,5 milliard d'euros de garanties ont été accordés par l'État au cours des deux dernières années à des projets de développement de l'exploitation d'énergies fossiles. Je pense par exemple au projet Yamal LNG, en Russie, développé par Technip au-delà du cercle polaire. Je pense à un gigantesque projet gazier au Mozambique : alors que ce pays vient d'être touché par le cyclone Idai, qui a provoqué la pire catastrophe climatique jamais recensée dans l'hémisphère sud, ce projet entraîne des déplacements de populations, et il est implanté dans une zone reconnue par l'Union internationale pour la conservation de la nature – UICN – pour sa flore et sa faune remarquables. Je pourrais prendre d'autres exemples encore : des garanties ont ainsi été apportées à Mitsubishi pour un projet au Vietnam.
Le vote de la commission des affaires économiques marque une avancée importante. Depuis 2015, c'est-à-dire au moment de la COP21, la France a cessé d'attribuer des garanties à l'export pour des projets liés au charbon. Il s'agit ici d'étendre ce qui a été décidé pour le charbon à toutes les énergies fossiles.
L'Agence internationale de l'énergie est formelle : il ne faut pas créer de nouvelles capacités d'exploitation des énergies fossiles. Ce qui est en jeu ici, c'est la cohérence. Hier, monsieur le ministre d'État, vous avez dit à juste titre qu'il ne pouvait être question de créer de nouvelles centrales à gaz en France. Cela vaut pour le monde entier.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
La parole est à M. François de Rugy, ministre d'État, pour soutenir l'amendement no 839 .
Je reviens d'abord sur le propos de Mme Batho. Tout d'abord, il y a une question qu'il ne faut jamais perdre de vue : si la France, seule ou accompagnée par un petit nombre de pays, supprime des garanties à l'export pour certaines technologies, celles-ci disparaîtront-elles pour autant ? Car c'est bien là le but : les faire disparaître. C'est un vieux débat. On peut bien sûr espérer que la France sera rejointe par beaucoup d'autres pays, et qu'alors, faute de financements, ces projets s'arrêteront. Mais, dans les cas que vous avez cités, il faut être conscient que l'absence de garanties à l'export par la France n'entraînerait pas leur arrêt : ils se feraient, mais sans doute avec des entreprises qui ne seraient pas françaises. Je mets néanmoins de côté ces considérations pour le moment, même s'il nous faut les garder en tête.
L'amendement du Gouvernement propose une nouvelle rédaction de l'article 3 decies. En effet, la rédaction adoptée en commission pose problème.
Sur la forme, ces dispositions relèvent du domaine exclusif des lois de finances, et ne peuvent figurer dans une loi ordinaire. Je vous renvoie au 5o du II de l'article 34 de la loi organique relative aux lois de finances, qui dispose que la loi de finances de l'année « autorise l'octroi des garanties de l'État et fixe leur régime ».
Sur ce fondement, les articles L. 432-1 et L. 432-2 du code des assurances, issus des dispositions des lois de finances, définissent le régime des garanties à l'export de l'État. Or l'article 3 decies contribuerait à restreindre celui-ci, qui, je le répète, relève des lois de finances.
Sur le fond, nous en avons déjà débattu, madame Batho, il y a une distinction – que vous refusez – entre énergies fossiles. Nous assumons de ne pas mettre sur le même plan le charbon, le pétrole et le gaz. De la même manière, on ne peut pas mettre tous les pays sur le même plan.
On ne peut pas interdire toute nouvelle construction de centrale à gaz demain, l'année prochaine, voire dans deux ou trois ans. Certes, nous le faisons pour la France, mais nous sommes nettement plus avancés que la plupart des pays du monde dans la décarbonation de la production d'électricité – il serait bon de le dire de temps en temps.
Il importe que nos appréciations soient fondées sur la réalité et la comparaison entre les pays. C'est peut-être moins simpliste, donc moins facile à faire comprendre, mais c'est la réalité. Dans un pays où la production d'électricité est fondée sur des centrales à charbon, passer au gaz permet déjà des gains très importants en termes d'émissions de dioxyde de carbone.
Tous les scénarios de transition énergétique conçus par des experts, y compris d'organisations non gouvernementales – j'ai par exemple en tête, pour la France, le scénario négaWatt – , faisaient une place au gaz comme énergie de transition.
Je veux bien que l'on dise que de nombreux pays doivent passer de 100 % à 0 % d'énergies fossiles pour la production d'électricité, mais ce n'est pas très sérieux et réaliste. Nous devrions pouvoir nous accorder pour dire que les pays les plus riches, les plus avancés, comme la France, qui le fait déjà, devraient investir fortement pour remplacer des productions thermiques d'électricité par des énergies renouvelables, décarbonées, car ils en sont capables, afin que des pays moins riches puissent accéder, pour certains, à l'électricité, y compris parfois en ayant recours au gaz.
Voilà pourquoi, comme je l'ai déjà dit hier, le fait de ne pas distinguer entre les énergies fossiles ne nous paraît pas une bonne chose. Vous le savez, certaines entreprises, comme General Electric à Belfort, produisent des turbines à gaz. On voit bien les difficultés qu'elles rencontrent !
Encore une fois, il ne s'agit pas de dire que l'on renvoie à plus tard les transformations, et que l'on attendra qu'elles se fassent toutes seules. Il faut prendre les dispositions qui sont réellement les plus efficaces, car nous devons conduire ces transformations par étapes, en prenant en compte la réalité.
Voilà pourquoi j'appelle à adopter cet amendement du Gouvernement, qui vient modifier ce qui avait été voté en commission.
Vous le savez, madame Batho, je suis convaincu de la nécessité de ne pas subventionner les énergies fossiles, que ce soit sur le territoire national ou à l'étranger. C'est la raison pour laquelle j'avais donné un avis favorable à l'amendement adopté en commission.
Je reconnais que, sur la forme, cette mesure doit être discutée non pas dans le cadre d'une loi ordinaire, mais dans celui d'une loi de finances.
Sur le fond, j'ai reçu plusieurs coups de téléphone – je n'ai pas honte de le dire, car c'est aussi comme cela que fonctionne notre démocratie – provenant d'entreprises, grandes, petites et moyennes, ou de leurs représentants, qui m'ont alerté sur les conséquences des dispositions que nous avions votées en commission.
Comme je ne suis pas homme à refuser le dialogue ni à refuser de faire marche arrière dans l'intérêt général lorsque cela est nécessaire, je n'ai pas de difficulté à dire que notre vote en commission, que j'ai soutenu, n'est pas sans conséquence, notamment vis-à-vis de General Electric à Belfort – M. le ministre d'État l'a évoqué.
L'article 3 decies, tel qu'il est rédigé, aurait pour conséquence de pousser General Electric à rapatrier une partie de sa production sur le site de Greenville, aux États-Unis. Ce n'est absolument pas ce que nous recherchons. Le choix que nous avons fait, et que j'ai encouragé, a des conséquences sociales et économiques.
C'est pourquoi je donnerai un avis favorable à l'amendement du Gouvernement, qui me satisfait davantage.
On touche à un sujet très sensible, car il faut laisser la quasi-totalité des énergies fossiles, y compris le gaz, dans le sol. Mais on peut sans doute établir une distinction entre les énergies fossiles.
Nous ne sommes pas les seuls à nous engager dans le débat et à nous demander si nous devons être exemplaires. Nous l'avons été par exemple avec la loi Hulot, en mettant fin à l'exploration et à l'exploitation des hydrocarbures en France. Dans d'autres cas, nous avons refusé de prendre de telles dispositions. À chaque fois, les réponses peuvent varier.
J'ai vu que l'amendement du Gouvernement comportait une demande de rapport, mais ne pourrions-nous pas définir une date – immédiate pour le charbon – , du moins, pour les autres énergies fossiles, un horizon clair, qui ne serait pas repoussé à cinq ou dix ans ? Cette mesure préparerait la transition.
À la suite de nos échanges, j'estime qu'il ne serait pas aberrant d'avoir deux ou trois ans de décalage entre les différentes énergies fossiles s'agissant de la fin des garanties. Au moment où la France défend à nouveau, dans le G20 et ailleurs, comme elle le fait depuis des années, la fin d'autres subventions et aides publiques aux énergies fossiles, et celle de toutes les niches fiscales dommageables à l'environnement – nous le redirons encore au G20 cet été, car le Président de la République lui-même insiste pour que les sujets relatifs au climat figurent au coeur de la réunion – , nous avons là une fantastique occasion de concrétiser cette volonté dans le cadre de la loi. Sans doute devons-nous commencer par le charbon, mais il ne faudrait pas que pour les autres énergies fossiles, le rapport reporte la fin des garanties de dix ou quinze ans.
Sinon, c'est bien le mur du climat que nous nous prendrons en pleine figure.
J'avais dit en introduction que votre politique était de laisser Total décider de la politique énergétique de notre pays. Aujourd'hui, nous sommes devant un nouveau clivage politique : il y a les partisans de la survie de l'humanité et ceux de sa fin.
Jamais on ne le dit de la même manière, car il y a plusieurs méthodes : la méthode de Bolsonaro ou Trump, qui nie totalement le dérèglement climatique ; la méthode des petits pas, selon laquelle la France ne pourrait rien faire, car il faudrait agir au niveau international.
Mais non ! La France a déjà fait des choses dans l'histoire, qui ont aidé d'autres peuples à se battre, notamment sur la question des gaz de schiste – que vous réintroduisez par le biais des traités de libre-échange.
Enfin, il y a une autre stratégie, qui consiste à opposer écologie et emplois. Je crois qu'il faut arrêter tout cela.
Si on veut la survie de l'humanité, mieux vaut ne pas voter pour La France insoumise !
Lorsque j'entends le rapporteur parler d'intérêt général, je suis abasourdie. Tout le monde sait que, pour survivre, l'humanité doit laisser 80 % des ressources fossiles sous terre. Je rappelle à M. le ministre d'État qu'il y a trois ans, lorsqu'il était partisan du 100 % énergies renouvelables, il disait lui-même que c'était ce qui créait le plus d'emplois. Il faut être cohérent !
En commission, monsieur le ministre d'État, vous disiez, exemples à l'appui, que ces garanties n'étaient pas des subventions. Certes, mais elles incluent des exonérations sur des projets extrêmement nocifs pour l'humanité. Il faut que la France soit exemplaire sur ces questions et prenne des mesures radicales.
Nous avons d'ailleurs déposé un amendement – qui tombera peut-être – sur la fin des subventions directes et indirectes aux hydrocarbures et combustibles fossiles. Être sérieux et réaliste, c'est prendre au sérieux ce que disent les scientifiques et le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat – GIEC : nous n'avons plus que douze ans pour agir.
« Encore quarante jours et Ninive sera détruite » : j'ai parfois l'impression de ne pas participer à un débat parlementaire, mais à un débat biblique, entre les tenants de l'Apocalypse et les anges de la Rédemption !
Revenons à des choses plus concrètes. Il est bon de vouloir sauver l'humanité, mais vous n'y parviendrez pas en fabriquant des milliers de pauvres et en faisant en sorte que les Français perdent leur emploi.
Vous ne pouvez pas sauver l'humanité en expliquant aux gens que, demain, ils seront chômeurs, car, du jour au lendemain, vous voulez supprimer certains dispositifs.
Il faut également arrêter de considérer que nous serions dans une sorte de débat religieux où le fossile, c'est le mal, et où quiconque y touche commet un péché mortel.
Revenons à une analyse économique. En 2014, dans le cadre de la première loi sur la transition énergétique, nous avons proposé une classification entre des énergies vertes, que nous voulons toutes ; des énergies rouges, comme le charbon, que nous ne voulons plus ; des énergies orange, qui, sans être la panacée, sont indispensables pour réussir la transition énergétique. À l'époque, nous placions dans cette catégorie le nucléaire, énergie décarbonée, mais qui pose d'autres questions, et le gaz, qui est moins décarboné.
On retrouve cette logique manichéenne chez M. François-Michel Lambert, qui, lorsqu'il est question d'emplois charbonnés, se lève en bondissant, mais qui n'est pas gêné de créer des milliers de chômeurs dans le secteur du nucléaire. Chacun résout ses problèmes de cohérence.
Pour ce qui nous concerne, nous considérons la proposition faite par le Gouvernement comme beaucoup plus raisonnable. Nous devons graduer notre force de frappe. Nous éliminons le charbon – c'est un coût social et économique important, que nous ne pouvons pas nier. Faisons attention aux petites entreprises, qui ne doivent pas être les victimes d'un changement trop brutal.
J'espère que, dans la suite du débat, nous éviterons de diviser cet hémicycle entre ceux qui voudraient la mort de l'humanité et ceux qui voudraient sa survie. Honnêtement, c'est plutôt risible.
L'amendement du Gouvernement ne manque pas de saveur, puisqu'il propose un rapport, qui lui était déjà demandé et qui n'a pas été rendu. Ce rapport devra présenter des pistes de modulation des garanties. Ce n'est évidemment pas sérieux.
Ensuite, je remercie le rapporteur de sa sincérité, et d'avoir fait état des appels qu'il a reçus. Dans les garanties à l'export, on trouve notamment deux entreprises, General Electric et Technip, passées sous pavillon américain.
Début 2016, General Electric a reçu une aide de 70 millions d'euros de garanties à l'export, qui ont été supervisées par l'ancien conseiller chargé des aides à l'export d'Emmanuel Macron, M. Hugh Bailey, qui se trouve être l'actuel directeur général de General Electric France, celui qui est à la manoeuvre dans la suppression de 792 emplois à Belfort.
M. Hugh Bailey, qui est par ailleurs haut fonctionnaire, se trouve donc dans une situation de prise illégale d'intérêts, ce qui me conduira après ce débat, qui m'a permis d'approfondir le sujet des aides à l'export, à écrire au procureur de la République sur le fondement de l'article 40 du code pénal.
L'écologie est une exigence morale, parce que les énergies fossiles ne doivent être ni ici, ni ailleurs. C'est une exigence morale, parce que l'on ne peut pas accepter que la France subisse un chantage à l'emploi de la part du secteur des énergies fossiles, avec toujours la même mécanique – on doit donner les aides à l'export pour faire ailleurs ce que l'on interdit chez nous.
Assez des discours pleins de grands principes, qui se heurtent, chaque fois qu'il faut passer aux travaux pratiques, aux avantages d'un petit cercle !
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Je ne crois pas que l'on puisse opposer ceux qui seraient pour la fin de l'humanité et les sauveurs du monde. Ce que le groupe La République en marche essaie de faire, avec le Gouvernement, c'est une transition écologique et solidaire qui soit respectueuse de la démocratie et de l'économie telle qu'elle existe, en la transformant, et une transition écologique et solidaire qui soit respectueuse des Français.
Aujourd'hui, le sujet des désinvestissements dans des projets carbonés est aussi important que celui des investissements dans la transition écologique.
Cela distingue sans doute la majorité de certains bancs de l'hémicycle, nous préférons l'incitation à l'interdiction. Nous voulons avancer en associant tout le monde et non sous la contrainte ou la tyrannie de certains.
La proposition du Gouvernement est intéressante, nous devons nous en saisir. Je suis rapporteure spéciale sur les engagements financiers de l'État, et je lirai avec une grande attention les pistes de modulation des garanties en fonction de leur impact environnemental.
Matthieu Orphelin proposait une stratégie avec des objectifs échelonnés dans le temps. La prochaine loi de finances sera l'occasion de débattre de ce sujet parce que, vous avez tous raison, c'est urgent. Ce rapport ne devra pas rester lettre morte.
Le groupe LaREM votera l'amendement du Gouvernement.
M. le président de la commission applaudit.
Madame Batho, l'interdiction concernant le charbon, qui relevait depuis 2016 de la seule volonté politique, sera inscrite dans le projet de loi de finances pour 2020.
Vous demandez l'inscription dans la loi, je vous réponds sur ce point.
L'amendement prévoit un rapport qui dresse un état des lieux sur lequel s'appuyer au lieu de parler dans le vide.
Enfin, nous agissons à l'échelle internationale. C'est peut-être une différence entre nous – je fais là écho aux propos de Mme Peyrol – , je ne crois pas qu'on décrète la fin de l'effet de serre.
On décrète la mobilisation générale et on agit aux plans national, européen et international. Le Gouvernement assume sa volonté de transformation au niveau international. En la matière, l'écologie dans un seul pays n'est pas la méthode la plus efficace.
Il faut travailler concrètement, avec l'aide de la diplomatie française, et mettre tout notre poids dans la bataille internationale. Nous le faisons au sein de l'OCDE, où nous avons bâti une coalition européenne. Les rendez-vous internationaux que vous mentionnez ont pour but d'obtenir des engagements de la part des pays les plus industrialisés, donc les plus gros émetteurs, en faveur d'une sortie des énergies fossiles. Il s'agit d'y parvenir en France – c'est déjà le cas pour la production d'électricité – , en Europe et dans le monde.
L'article 3 undecies est adopté.
Je reviens un instant sur la fin des garanties aux énergies fossiles. Avant la COP21 et la fin des garanties au charbon, les discussions étaient aussi compliquées que celles que nous venons d'avoir, et l'annonce de la décision – politique – de la France de mettre fin aux garanties a été bienvenue – nous en avions besoin.
Je souhaite que nous puissions avancer très vite sur les autres énergies, peut-être dès le projet de loi de finances, et en aucun cas reporter dans cinq ou dix ans.
Sur cet article, nous sommes saisis d'un amendement du Gouvernement qui réécrit une bonne partie de l'article 173 de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte de 2015, lequel imposait aux investisseurs l'obligation de prendre en compte les questions climatiques dans leur stratégie.
Il n'est pas simple de travailler dans de telles conditions : l'amendement du Gouvernement, qui révise en profondeur un article très important de la loi précitée, a été déposé hier. En vingt-quatre heures, Delphine Batho et moi avons essayé de l'analyser et nous proposons plusieurs sous-amendements. Nous devons nous assurer que chaque modification va dans la bonne direction, celle d'un suivi accru des stratégies et de leur dimension écologique.
Je suis saisie d'un amendement no 876 rectifié qui fait l'objet de plusieurs sous-amendements.
La parole est à M. François de Rugy, ministre d'État, pour soutenir l'amendement.
Cet amendement vise à mieux articuler l'article L. 533-22-1 du code monétaire et financier avec le règlement du Parlement européen et du Conseil sur la publication d'informations relatives aux investissements durables et aux risques en matière de durabilité, qui devrait être définitivement adopté d'ici la fin de l'année.
En application de ces deux textes, les acteurs financiers visés devront publier diverses informations. Sur leur site internet devront ainsi figurer trois politiques : une politique relative aux risques en matière de durabilité publiée en application de l'article 3 du règlement européen. L'amendement prévoit que les acteurs français devront obligatoirement inclure dans cette politique une information sur les risques associés au changement climatique. Il s'agit bien d'améliorer la transparence sur les investissements des acteurs financiers.
Devront ensuite apparaître une politique de diligence raisonnable visant à prévenir les impacts négatifs de la politique d'investissement sur les facteurs de durabilité, en application du règlement européen, ainsi qu'une politique sur la prise en compte dans leur stratégie d'investissement des critères et des moyens mis en oeuvre pour contribuer à la transition énergétique et écologique.
Les informations demandées concernent donc la stratégie annuelle, mais aussi sur le plus long terme, pour transformer les politiques d'investissement au bénéfice de la durabilité, de l'environnement et du climat.
Outre la publication de ces politiques qui devront être régulièrement actualisées, l'amendement prévoit que les acteurs financiers devront fournir chaque année des informations sur leur mise en oeuvre dans le cadre de leur déclaration de performance extra-financière.
Je n'entrerai pas dans les détails techniques. L'amendement demande au secteur financier de contribuer à une plus grande transparence sur les investissements, mais aussi de s'engager dans la transformation. Celle-ci ne relève pas seulement de l'État, à l'échelle nationale et internationale : elle suppose aussi l'implication du secteur financier.
Le gouvernement français soutient officiellement les travaux du groupe de travail sur l'information financière relative aux changements climatiques, créé par le G20 depuis 2015. Celui-ci préconise un meilleur reporting des entreprises sur leurs risques liés au climat. S'agissant des investisseurs institutionnels qui gèrent des investissements pour le compte d'épargnants individuels, il recommande non plus un reporting à l'échelle d'un groupe financier, comme c'est le cas aujourd'hui, mais un reporting particulier permettant aux souscripteurs français de disposer d'éléments d'information spécifiques au contrat d'assurance vie concerné.
La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir le sous-amendement no 906 .
L'article L. 533-22-1 du code monétaire et financier, issu de l'article 173 de la loi de transition énergétique, que l'amendement gouvernemental modifie, couvre un champ très large mais ne concerne pas à la Banque de France. Ce sous-amendement vise donc à étendre son application à cette dernière, sans contrevenir à l'article 127 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, aux termes duquel le système européen des banques centrales doit contribuer à la réalisation des objectifs de l'Union européenne, parmi lesquels un niveau élevé de protection et d'amélioration de la qualité de l'environnement.
Il importe que les investissements de la Banque de France soient soumis à la logique de reporting.
La parole est à M. Matthieu Orphelin, pour soutenir le sous-amendement no 909 .
Ce sous-amendement vise à imposer aux investisseurs institutionnels et aux sociétés de gestion la publication d'une évaluation détaillée et chiffrée des ressources allouées à la contribution aux objectifs de la transition énergétique et écologique.
Le reporting prévu par l'article L. 533-22-1 ne permet pas d'assurer la traçabilité et la comparaison des informations d'une année sur l'autre, faute de précision sur la nature de celles-ci. Le sous-amendement no 910 tend à y remédier.
Mathieu Orphelin et moi avons travaillé pour rédiger ces sous-amendements avec les meilleurs spécialistes, notamment l'Observatoire 173 climat-assurance vie.
Le sous-amendement no 911 est le plus important. La rédaction actuelle de l'article L. 533-22-1 impose de fournir des informations sur la mesure des émissions de gaz à effet de serre associées aux actifs détenus. Or, cette mention absolument capitale disparaît dans la rédaction proposée par le Gouvernement. Si elle n'était pas rétablie, le texte prendrait un autre sens en dispensant de rendre des comptes sur les émissions de gaz à effet de serre.
Le sous-amendement no 907 tend à imposer aux sociétés de gestion de portefeuille la publication d'une analyse quantitative de l'impact sur la valeur de leurs actifs de toutes les normes nationales et internationales susceptibles d'être mises en oeuvre afin de respecter l'Accord de Paris – un stress test mobilisation pour le climat.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement ainsi que sur les sous-amendements ?
Je demande le retrait du sous-amendement no 908 , car il relève d'un décret. Je suggère de même le retrait du sous-amendement no 906 , la Banque de France effectuant déjà un reporting de sa propre initiative. En outre, elle entre dans le champ d'application de l'article L. 533-22-1 du code monétaire et financier.
Le sous-amendement no 909 est satisfait, puisque les sociétés devront fournir des informations relatives au niveau de dépenses engagées. Le sous-amendement no 910 me semble également satisfait, car l'amendement du Gouvernement prévoit justement plus de transparence sur les méthodes utilisées.
Vous avez eu raison de souligner l'importance du sous-amendement no 911 , auquel j'émets un avis favorable.
Enfin, je demande le retrait du sous-amendement no 907 , car la formulation est insuffisamment précise.
J'émets un avis défavorable sur le sous-amendement no 908 , car cette disposition relève du décret, comme sur le sous-amendement no 906 , l'amendement du Gouvernement étant beaucoup plus ambitieux. Par ailleurs, la société de gestion de la Banque de France est déjà soumise au dispositif de l'alinéa VI de l'article 173 de la loi de transition énergétique, qui oblige la Banque de France à rédiger un rapport d'investissement responsable sur la base des dispositions de l'article 173, ainsi qu'aux recommandations de la task force relative à la publication d'informations financières des entreprises sur le climat.
Concernant le sous-amendement no 909 , j'émets également un avis défavorable, puisque l'amendement prévoit des dispositions bien plus ambitieuses.
Les objectifs du sous-amendement no 910 sont satisfaits, l'amendement du Gouvernement prévoyant déjà que les critères et méthodologies utilisés pour le reporting financier devront être détaillés.
Le Gouvernement considère que les dispositions évoquées dans le sous-amendement no 911 sont satisfaites par la nouvelle rédaction de l'article, même si elles ne le sont pas de manière explicite. Son intention n'était évidemment pas de revenir sur cet aspect dans la nouvelle rédaction. Il s'en remet donc à la sagesse de l'Assemblée.
J'émets enfin un avis défavorable sur le sous-amendement no 907 . À l'instar des mesures relatives aux précisions apportées par les organismes de placement collectif, une telle proposition aurait davantage sa place dans le décret.
L'amendement du Gouvernement modifie un amendement adopté par la commission des affaires économiques, que j'avais déposé et qui tendait à modifier l'article 173 de la loi relative à la transition énergétique. Il s'agit d'assurer la transparence des méthodologies, car aujourd'hui, en la matière, chacun fait ce qu'il veut.
Je regrette qu'un premier bilan démontre la nécessité d'une transparence, sans pour autant prévoir une méthodologie commune. Il faut aussi élargir ces dispositions aux enjeux de biodiversité, car l'article 173 traite uniquement des sujets liés au climat.
Le Gouvernement prévoit par anticipation une articulation avec le règlement européen, qui va être adopté.
J'ai regardé rapidement les sous-amendements. Le sous-amendement no 908 me semble partiellement satisfait, puisque M. Orphelin et moi-même avons soutenu ensemble un amendement à la loi PACTE – Plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises – visant à davantage de transparence et tendant à demander un rapport sur le secteur de l'assurance vie.
En ce qui concerne le sous-amendement no 906 , il faudrait distinguer, ce qui n'est pas le cas dans la rédaction proposée, ce qui relève des fonds propres de ce qui relève des investissements de la Banque de France, notamment dans le programme européen, et des fonds qui lui sont attribués dans le cadre de la politique monétaire. C'est ce que propose le rapport Ducret-Lemmet et ce qu'a fait la Banque de France en soumettant son premier rapport, pour 2018. Quoi qu'il en soit, il serait bon, dans un souci de pragmatisme, que l'on puisse établir cette distinction.
Enfin, j'ai été sensible à l'argumentaire de Mme Batho sur le sous-amendement no 911 . J'espère que l'avis de sagesse émis par le Gouvernement sera entendu par la majorité.
La question de la transparence est importante, mais notre désaccord de fond, comme l'a relevé Mme Peyrol, porte sur la distinction entre l'incitation et l'interdiction. Nous ne croyons pas à la première. Les résultats de la politique de rénovation énergétique des logements prouvent l'échec des politiques incitatives.
M. le rapporteur a révélé tout à l'heure que des entreprises privées l'avaient joint, à propos d'une disposition du texte, pour le rappeler à l'intérêt général. L'association Oxfam-France nous a indiqué qu'elle avait rédigé un rapport en novembre 2018 sur les financements accordés aux énergies fossiles. Nul ne peut croire qu'au nom d'une responsabilité sociale et écologique, les banques se contrôleront elles-mêmes. Dans ce secteur, la situation est catastrophique : le rapport d'Oxfam-France révèle que 70 % des financements énergétiques des banques françaises sont fléchés vers les énergies fossiles, contre seulement 20 % vers les énergies renouvelables.
Pour un euro accordé sur les marchés financiers en faveur des énergies renouvelables, les banques françaises en accordent plus de huit aux énergies fossiles. Si l'on se contente d'encourager la transparence et de faire de l'incitation, rien ne changera.
Je sais qu'Emmanuel Macron parle de finance verte et souhaite réorienter l'activité des banques vers ce secteur, mais je pense qu'il faut interdire les subventions aux énergies fossiles. C'est de mesures radicales que nous avons besoin.
J'ai entendu la réponse du Gouvernement sur le sous-amendement no 908 . Puisque ces dispositions relèvent du domaine réglementaire, nous y seront attentifs le moment venu. Je remercie le rapporteur de son avis favorable et le Gouvernement de son avis de sagesse sur le sous-amendement no 911 , qui permettra d'avancer.
Cela ne nous empêchera pas, comme l'a suggéré Mme Peyrol, d'essayer d'aller plus loin sur ce sujet majeur qu'est le basculement des investissements et des stratégies vers la transition écologique. Nous y travaillerons dès le projet de loi de finances pour 2020.
Je remercie à mon tour M. le rapporteur de son avis favorable et M. le ministre de son avis de sagesse sur le sous-amendement no 911 , ainsi que nos collègues qui le soutiennent.
Nous retirons les sous-amendements nos 908 , 909 , 910 et 907 . Nous maintenons, outre le sous-amendement no 911 , le sous-amendement no 906 , qui concerne les investissements effectués par la Banque de France dans le cadre de la BCE, dont on ne sait pas s'ils sont réellement neutres pour le climat. Dans le contexte financier actuel, un reporting sur ces questions est indispensable.
Le sous-amendement no 906 n'est pas adopté.
Le sous-amendement no 911 est adopté.
La parole est à Mme Mathilde Panot, pour soutenir l'amendement no 459 .
L'amendement relaie une proposition d'Oxfam-France. Nous souhaitons que les banques se voient interdire toute transaction ou service avec des entreprises qui étendent leurs capacités dans le domaine du charbon ou continuent d'y investir, et qui n'auraient pas établi de plan de sortie progressive des énergies fossiles.
Nous savons quelles banques soutiennent le plus les énergies fossiles. Avec 12,8 milliards d'euros de financements aux énergies fossiles en 2016 et 2017, BNP Paribas reste la banque française arrive en première position dans ce domaine, alors qu'en novembre 2015, elle faisait partie des sponsors de la COP21. Viennent ensuite le Crédit Agricole et la Société générale, qui ont respectivement financé les énergies fossiles à hauteur de 12,6 milliards d'euros et de 11,5 milliards d'euros pendant la période 2016-2017.
Nous croyons à l'interdiction. Il est intéressant de constater qu'entre 2016 et 2017, les banques ont réduit de 1,85 milliard d'euros leurs financements à destination des énergies renouvelables, tandis qu'elles augmentaient de 1,8 milliard, soit un montant équivalent, ceux destinés aux énergies fossiles. Il faut absolument que cela cesse. Or les banques ne renonceront jamais d'elles-mêmes à investir dans les énergies fossiles.
L'amendement no 459 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Yannick Kerlogot, pour soutenir l'amendement no 344 .
Après avoir débattu de mesures contre les émissions de gaz à effet de serre dans le secteur du bâtiment ou des énergies fossiles, cet amendement, dont Mme Le Feur est la première signataire, vise à contribuer au respect du plafond national des émissions de gaz à effets de serre défini dans le code de l'environnement pour la période 2019-2023 et pour les périodes suivantes. Il va également dans le sens de l'étude d'impact du projet de loi, puisqu'il vise à ce qu'on atteigne la neutralité carbone dans le secteur agricole.
Il défend les bienfaits du système économique de l'agroforesterie, véritable outil de séquestration du carbone, comme le rappelle un rapport de décembre 2009 réalisé par l'INRA, avec le soutien du ministère de l'agriculture.
Au-delà de la protection de la fertilité des sols et de la lutte contre l'érosion, l'agroforesterie est un mode d'exploitation des terres agricoles qui associe les arbres, les cultures et les élevages. Le rapport de 2009 établissait que l'adoption de ce type de système pourrait représenter un moyen efficace pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre : « L'occupation et la gestion des sols sont directement liés à la capacité de ceux-ci à pouvoir emmagasiner du carbone, soit temporairement dans la biomasse, soit plus durablement dans les sols. Les forêts, les plantations et les arbres champêtres sont ainsi des puits potentiels de carbone. »
En 2015, le rapport Agripsol du ministère de l'écologie et de l'ADEME rappelait : « Le double enjeu pour l'agriculture est donc d'améliorer son bilan carbone tout en imaginant des systèmes de culturesd'élevage permettant une adaptationatténuation des effets du changement climatique sur leurs exploitations. »
Plus récemment, en novembre 2017, le ministère de l'agriculture et de l'alimentation révélait dans son infographie que si l'on augmentait de 0,4 % par an, la quantité de carbone dans les sols, on stopperait l'augmentation annuelle de CO2 dans l'atmosphère, en grande partie responsable de l'effet de serre et du changement climatique.
L'amendement vise à promouvoir la pratique de l'agroforesterie sur les parcelles de plus de vingt hectares, en incitant les agriculteurs à intégrer sur leurs cultures une part significative de plantations d'arbres et de haies champêtres, afin d'alléger significativement le bilan carbone du secteur agricole.
Je remercie chaleureusement Mme Le Feur de son travail et de son investissement sur les sujets liés à l'agriculture, ainsi que de l'apport technique qu'elle a apporté au cours des auditions organisées – pendant plus de cinquante heures – pour préparer le projet de loi.
Vous avez raison : c'est grâce à l'agroforesterie que l'on atteindra la neutralité carbone dans le secteur agricole. Les forêts bien gérées capteront plus de gaz à effet de serre que celles qui seront laissées en l'état. Reste que le seuil de vingt hectares me semble difficile à instaurer. Je ne suis pas favorable à l'adoption d'obligations qui pourraient s'avérer contre-productives. Dans certaines régions, comme la Beauce, où l'agroforesterie n'existe pas du tout, la mesure serait très contraignante et difficile à mettre en place.
Je vous suggère donc de retirer l'amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Même argumentation et même position.
Cet excellent amendement repose le problème de notre modèle de développement, notamment agricole. On ne peut pas demander à certains d'agir – je rappelle nos échanges sur la fermeture des centrales à charbon et sur la rénovation thermique, où nous manifestons des ambitions nouvelles, que je souhaiterais d'ailleurs encore plus importantes – et ne pas mobiliser certains acteurs majeurs qui pourraient apporter beaucoup à la transition énergétique et écologique, voire à la transformation de nos modèles pour répondre à la question climat. Je pense par exemple à l'initiative « 4 pour 1000 ».
M. le rapporteur n'a buté que sur un point : la dimension des surfaces. N'est-il pas possible de sous-amender, de travailler sur ce point ? Ne peut-on adopter l'amendement tel quel, pour, éventuellement, en améliorer la rédaction au cours de la navette ? Pour ma part, je soutiens pleinement cette initiative de Sandrine Le Feur.
Je souhaiterais apporter une précision, en complément de l'intervention de M. le rapporteur. L'amendement vise à imposer l'agroforesterie à toutes les exploitations agricoles de plus de 20 hectares, soit la plupart des exploitations agricoles de France. En seraient exclues les plus petites, ou des exploitations de type maraîcher ou d'une nature comparable.
Il n'est nul besoin d'être un grand connaisseur de l'agriculture pour savoir que, selon les types de cultures et les régions, cet amendement serait absolument impossible à mettre en oeuvre. Vous voyez bien que, dans des régions abritant des exploitations de grandes cultures, par exemple céréalières, on ne peut pas décréter, comme cela, qu'on va faire de l'agroforesterie – ou alors, ça signifierait qu'on ne définit pas sérieusement cette forme d'utilisation des terres.
J'ai visité des exploitations agricoles qui recourent à l'agroforesterie, pratique qui est d'ailleurs en développement, et qui est adaptée à tel ou tel type de culture. Je suis un partisan de ce mode d'exploitation et souhaite que l'on agisse de manière volontaire en ce domaine. Je crois profondément que c'est un moyen de répondre aux défis du climat et à certains enjeux agricoles. Toutefois, on ne peut pas l'édicter comme cela, par un amendement de ce type. On peut partager votre volonté et votre ambition sans adopter une telle disposition, qui serait inapplicable er resterait donc lettre morte.
Par ailleurs, nous employons d'autres outils, tels ceux que nous entendons développer avec le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, relatifs aux paiements pour services environnementaux, qui conduiront en particulier, très concrètement, à développer les plantations de haies. Cela concernera aussi les grandes cultures ; les céréaliers sont prêts à le faire, à partir du moment où il existe des mécanismes incitatifs, qui s'intégreront à la nouvelle politique agricole commune – telle est, du moins, la position que nous défendons au niveau européen. Je vous demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l'avis serait défavorable.
L'amendement no 344 n'est pas adopté.
Cet article a trait à l'autorité environnementale, qui joue un rôle primordial. C'est un garant qui émet un avis sur la qualité des études d'impact et qui s'assure de la bonne prise en compte de l'environnement dans les projets que nous allons déployer. Les recommandations qu'elle formule, en toute indépendance, permettent la prise en compte de préoccupations environnementales.
Je suis ces questions de très près depuis qu'un cas particulier m'a été rapporté par un collectif de ma circonscription, à savoir le projet d'implantation d'une centrale d'enrobage en zone urbaine, à côté d'habitations. Les citoyens s'étonnent – on les comprend – d'apprendre que, par décret du 9 avril dernier, les centrales d'enrobage au bitume de matériaux ont été retirées de la liste des activités pouvant être classées au titre des ICPE – installations classées pour la protection de l'environnement. Nous devons être extrêmement vigilants à l'égard de toutes les installations susceptibles d'avoir des effets désastreux sur l'environnement, tout en accompagnant au mieux les porteurs de projets.
L'article 4 permet de préciser la distinction entre l'autorité environnementale, qui rend un avis sur la qualité de l'évaluation des incidences sur l'environnement et l'autorité chargée d'examiner au cas par cas, au vu de ces effets, la nécessité de soumettre un projet à évaluation environnementale. Ce dispositif répond à notre volonté de simplification en faveur du développement des énergies renouvelables et permet de tirer les conséquences de l'annulation, par le Conseil d'État, du décret désignant le préfet de région comme autorité environnementale. Cette annulation fait peser un risque juridique et contentieux sur de nombreux projets en cours ou à venir.
Monsieur le ministre d'État, l'article 4 est une très mauvaise solution, dans la mesure où il permet de continuer à désigner le préfet comme l'autorité chargée de l'examen au cas par cas, en violation de la directive européenne. Cela risque d'entraîner un conflit d'intérêts puisque l'autorité chargée de l'examen au cas par cas est également celle qui délivre l'autorisation du projet, comme le Conseil d'État l'indique dans son avis.
Si l'article 4 est adopté, un nouveau contentieux sera porté devant le Conseil d'État, lequel rendra une décision comparable à celle qu'il a prise à plusieurs reprises sur le sujet.
In fine, le droit de l'environnement ne sera pas protégé ni correctement mis en oeuvre, et les porteurs de projets ne trouveront pas la sécurité juridique qu'ils attendent.
D'ailleurs, ces dispositions ne concernent pas seulement le secteur des énergies renouvelables, mais tous les porteurs de projets, y compris ceux qui, par leur dimension, relèvent de l'examen au cas par cas.
C'est une disposition inutile puisque, par application des décisions du Conseil d'État, il suffirait que le Gouvernement prenne un décret qui confère les prérogatives de l'examen au cas par cas à l'autorité environnementale, et non au préfet. Cela réglerait le problème et rétablirait la sécurité juridique. De la sorte, on ne perdrait pas de temps et on n'affaiblirait pas le droit de l'environnement.
J'avais défendu cet amendement de suppression de l'article 4 en commission, à la suite des alertes répétées de France nature environnement. Nous considérons que le fait de retirer à l'autorité environnementale le pouvoir de déterminer si une évaluation environnementale est nécessaire, pour les projets qui sont soumis au cas par cas, serait extrêmement dangereux et constituerait une régression pour l'environnement tout en fragilisant les projets concernés.
Cet article renvoie à un décret le soin de définir à qui revient cette compétence, mais le Gouvernement laisse entendre qu'il reviendrait au préfet de tenir ce rôle. Or, le 14 mars dernier, le Conseil d'État a décidé, pour la quatrième fois, que le préfet ne pouvait être l'autorité environnementale car il n'avait pas l'autonomie requise pour cela. Il y a là, me semble-t-il, un risque de conflit d'intérêts, parce que la décision du préfet d'imposer ou non une évaluation environnementale ne sera ni neutre ni impartiale.
L'article 4 étant délégué au fond à la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, la parole est à Mme Nathalie Sarles, rapporteure pour avis, pour donner l'avis de cette commission sur les amendements de suppression.
Nous discutons de projets donnant lieu à un examen au cas par cas, autrement dit qui ne sont pas soumis à une évaluation environnementale systématique. Contrairement à ce que vous dites, madame Batho, la directive européenne relative à l'évaluation environnementale des projets n'impose pas que l'autorité environnementale soit chargée des avis, dans le cadre de l'examen au cas par cas…
Madame Batho, veuillez écouter Mme la rapporteure pour avis, s'il vous plaît !
Elle ne l'impose pas pour les projets, mais seulement pour les plans et les programmes. Le choix a été fait de continuer à confier cette mission au préfet de région. Celui-ci ne peut pas se trouver en situation de conflit d'intérêts, à moins que le projet soit porté par l'État, dont il est le représentant. Dans ce cas, des mécanismes de report pourraient être étudiés. Je ne pense pas, contrairement à vous, que l'organisation proposée soit contraire à la directive européenne, puisque le texte confirme la compétence de l'autorité environnementale pour évaluer les études d'impact. C'est ce qui est important. Avis défavorable.
Ces amendements de suppression et les interventions sur l'article m'offrent l'occasion de faire le point et de répondre à des interrogations légitimes.
Je crois nécessaire de préciser les termes du débat. En 2017, 3 753 décisions avaient été rendues pour apprécier la nécessité d'une évaluation environnementale, dont 10 % avaient été traitées par les missions régionales de l'autorité environnementale. Ces dossiers avaient justifié l'élaboration d'une étude d'impact.
La question est de savoir si tout doit être traité par les missions régionales – ce qui multiplierait par dix leur activité et les engorgerait, étant rappelé que tous les projets ne sont pas de même importance – ou si – comme nous le proposons à l'article 4, en tirant les leçons, en effet, du vide juridique consécutif aux décisions du Conseil d'État – , en conformité avec le droit européen, le préfet de région peut réaliser une étude au cas par cas, en appliquant un filtre préalable afin d'empêcher que les décisions de faible importance ne remontent vers l'autorité environnementale.
Comme l'a dit Mme Sarles, le préfet, les autorités de l'État ne peuvent être accusés d'être juge et partie – puisque c'est l'objet de votre critique – , à moins qu'il ne s'agisse d'un projet de l'État, auquel cas une étude d'impact sera évidemment élaborée.
Des règles de protection contre toute forme de conflit d'intérêts seront édictées. Bien qu'il s'agisse de cas rarissimes, il peut arriver qu'un préfet ou une préfète soit marié à quelqu'un ayant des intérêts dans une entreprise soumettant un projet. Dans une telle hypothèse, la personne se déportera, conformément aux règles générales de prévention des conflits d'intérêts.
Dans la mesure où l'État n'est pas maître d'ouvrage des projets, il est tout à fait logique de décider au cas par cas, par une sorte de tri préalable. Telle est la logique générale de l'article 4.
Madame Riotton, vous avez cité un cas spécifique. La nouvelle procédure s'appliquant aux centrales d'enrobage est l'enregistrement, qui permet, au cas par cas, de déclencher une procédure d'autorisation, comprenant l'élaboration d'une étude d'impact. On reste toujours, cependant, dans le régime des installations classées au titre de la protection de l'environnement – les fameuses ICPE. Seule la procédure change, et non le statut applicable à ce type d'installations. Si cet article était supprimé, on retomberait dans le vide et l'insécurité juridique que nous connaissons depuis la dernière décision du Conseil d'État.
Enfin, je ne peux pas laisser dire que le Conseil d'État va dénoncer cette disposition, puisqu'il en a été saisi et a rendu un avis très clair : il a confirmé la solidité juridique du texte au regard de la législation européenne sur les autorités environnementales. Encore une fois – cela fait écho à ce que j'ai dit hier – , si l'on noie les missions régionales de l'autorité environnementale sous un flot de dossiers, dont beaucoup sont mineurs, il est évident qu'elles ne pourront pas traiter aussi bien les dossiers importants.
Le coeur du débat est la notion de conflits d'intérêts. Madame la rapporteure pour avis, le conflit d'intérêts est clairement prohibé par l'article 9 bis de la directive du 16 avril 2014.
Le droit européen a repris la définition française de la notion du conflit d'intérêts, qui repose sur l'apparence. Vous dites, monsieur le ministre d'État, que le Conseil d'État aurait donné un avis favorable à l'article 4 du projet de loi, mais le coeur du problème réside dans ces mots du Conseil : « sous réserve de son autonomie fonctionnelle par rapport à l'autorité compétente pour autoriser un projet ou en assurer la maîtrise d'ouvrage ». Or votre texte n'envisage le conflit d'intérêts que si le responsable étatique est le porteur du projet ou en assure la maîtrise d'ouvrage. Il ne dit rien des très nombreux cas dans lesquels l'État délivre l'autorisation du projet. Les préfets de département et les préfets de région sont souvent l'autorité compétente pour autoriser les projets.
Je propose un autre amendement, si celui de suppression était repoussé, qui précise la notion d'autonomie fonctionnelle par rapport à l'autorité validant le projet. Sans cela, de nouveaux contentieux seront formés, créant une nouvelle insécurité juridique. Le problème se pose depuis de nombreuses années, parce que le corps préfectoral exige d'avoir la mainmise sur l'examen au cas par cas, et lutte contre l'autorité environnementale – vous voyez très bien ce que je veux dire. Le droit de l'environnement doit s'appliquer, même au corps préfectoral qui ne doit pas faire ce qu'il veut.
Madame la rapporteure pour avis, je voulais également vous relire l'avis no 397668 du Conseil d'État : la directive laisse aux États « la libre détermination de l'autorité chargée de cet examen, sous réserve de son autonomie fonctionnelle par rapport à l'autorité compétente pour autoriser un projet ». Pour éviter les conflits d'intérêts, le droit européen restreint donc fortement la possibilité pour le préfet de décider à la fois du bien-fondé économique d'un projet et de son lancement, mais également de la nécessité de procéder à son évaluation environnementale.
L'application de l'article 4 engendrera légitimement des suspicions fréquentes de conflits d'intérêts. Elle détricotera encore davantage le droit, au détriment de la protection de l'environnement.
J'ai déposé, sur le conseil de l'association France nature environnement – FNE – , le même amendement dont parlait Delphine Batho à l'instant, amendement de repli par rapport à la suppression de l'article. J'alerte sur cet article, dangereux et contraire au droit européen, que vous aimez d'habitude tant respecter, et à l'avis du Conseil d'État.
Je m'inscris en faux par rapport aux arguments qui viennent d'être développés. L'administration recherche l'intérêt général ; le préfet et la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement – DREAL – visent donc l'intérêt général. La notion de conflit d'intérêts ne saurait être appliquée à un État.
Si nous entrons dans une telle logique, si nous considérons que les ministères ne défendent pas, dans leur champ de compétences, l'intérêt général mais des intérêts particuliers, nous dissolvons la notion même d'État républicain.
Une fois n'est pas coutume, je suis d'accord avec le raisonnement de M. Aubert, exceptée sa conclusion que je trouve un peu excessive.
On ne peut pas postuler que les préfets représentent des intérêts particuliers et privés lorsqu'ils examinent des projets.
Je n'ai pas dit que tels étaient vos propos, madame Batho, et je vais vous apporter une réponse juridique. Je connais très bien les associations environnementales – madame Panot, du fait de mon âge, je les fréquente depuis plus longtemps que vous – ,...
… et je sais qu'elles soupçonnent les préfets d'être les bras armés des aménageurs et de n'agir que pour faciliter les projets privés. D'abord, je veux que l'on sorte de la République du soupçon, car celui-ci dissout la République et la politique. Ensuite, les entreprises, à l'inverse, reprochent aux préfets de n'être que les porte-parole de leur administration tatillonne n'ayant d'autre objectif que de freiner les projets privés. Voilà une bonne indication sur le fait que les préfets, représentants de l'État sur le terrain, sont là pour faire appliquer les règles et veiller à ce que les intérêts privés ne contreviennent pas à l'intérêt général.
Madame Batho, un préfet autorisant un projet au nom de l'État ne se trouve pas en situation de conflit d'intérêts.
Le préfet suit la procédure et détermine si la saisine de l'autorité environnementale est opportune au vu de l'importance du projet, ou si la décision d'autorisation ne nécessite pas la réalisation d'une étude d'impact. Si toutes les demandes étaient transmises à l'autorité environnementale, comme vous semblez le souhaiter, celle-ci devrait se prononcer sur la moindre installation de panneaux solaires photovoltaïques.
Je vais vous donner un exemple concret, celui de la déviation de Beynac. Une décision récente de la juridiction administrative a arrêté ce projet d'aménagement routier porté par le conseil départemental de Dordogne.
À la suite de la décision du tribunal administratif, le président du conseil départemental m'a appelé pour me demander que l'État fasse appel, requête qu'il a rendue publique. Je lui ai répondu que le conseil départemental étant le porteur du projet, c'était à lui de faire appel. Cette réponse ne l'a pas satisfait, car il estime que l'État est également le porteur du projet puisqu'il a donné l'autorisation. Voilà une confusion des rôles entre le porteur de projet et l'autorité publique délivrant l'autorisation. L'autorité de l'État sur les territoires le conduit à autoriser les projets privés ou les projets publics portés par des collectivités locales : l'État est le garant de la procédure et délivre l'autorisation. Mais ce n'est pas parce qu'il a donné l'autorisation qu'il va faire appel d'une décision judiciaire mettant un terme au projet ! C'est au porteur de projet de le faire, et il importe de ne pas confondre.
Par ailleurs, le Conseil d'État a déjà validé le même dispositif que celui dont nous parlons aujourd'hui : figurant dans la loi du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance, il concerne les modifications d'installation. L'article 4 du projet de loi répond au problème soulevé par une décision du Conseil d'État du 6 décembre 2017.
Je vous invite une nouvelle fois non seulement à écarter ces amendements de suppression, mais à voter l'article 4.
M. le président de la commission des affaires économiques applaudit.
Depuis trois jours, nous discutons de ce projet de loi dont je mesure l'importance. Néanmoins, les échanges entre certains députés s'apparentent à du ping-pong – sport que j'ai longtemps pratiqué – et me laissent quelque peu circonspect.
Je n'ai pas voulu en rajouter pour ne pas allonger les discussions, mais je n'accepte pas la remise en cause des préfets, car le corps préfectoral est d'une excellente qualité. Si nous suspectons les préfets de ne pas défendre l'intérêt public et de n'écouter ni les parlementaires de la majorité ni ceux de l'opposition, nous attaquons notre modèle d'organisation.
Je veux rappeler mon attachement aux préfets, à la qualité du corps préfectoral et aux directeurs des services déconcentrés dans les départements.
Je souhaiterais une interruption de séance de cinq minutes, madame la présidente.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à onze heures quarante, est reprise à onze heures cinquante.
La séance est reprise.
L'amendement no 92 de Mme Delphine Batho est défendu.
Quel est l'avis de la commission du développement durable ?
Depuis 2016, pour les plans et les programmes, ce sont l'Autorité environnementale ou les MRAE – missions régionales d'autorité environnementale – qui sont les autorités compétentes pour l'examen au cas par cas, ce qui plaide pour le maintien de la compétence actuelle des préfets de région en matière d'examen au cas par cas des projets, notamment, comme l'a souligné précédemment le ministre d'État, pour que les MRAE ne soient pas surchargées. En effet le nombre des avis rendus est monté en flèche au cours de ces dernières années. C'est pourquoi j'émettrai un avis défavorable.
Même argumentation et même avis.
L'amendement no 92 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour soutenir l'amendement no 44 .
Dans le cadre de l'article 4, le Gouvernement entend clarifier la distinction dans la loi entre, d'une part, l'Autorité environnementale, qui rend un avis sur la qualité de l'évaluation des incidences sur l'environnement et, d'autre part, l'autorité chargée d'examiner au cas par cas, au vu des incidences sur l'environnement, la nécessité de soumettre un projet à évaluation environnementale, laquelle donnera lieu, en cas de réponse positive, à un avis de l'Autorité environnementale par la suite.
Il ressort de l'étude d'impact de l'article que l'objectif du Gouvernement est de « faciliter l'implantation des énergies renouvelables, tout en respectant les impératifs de protection de l'environnement, y compris sur des sites déjà artificialisés, voire construits, ce qui peut permettre de limiter l'usage d'espaces ».
Or, comme l'indique le point 17 de l'avis du Conseil d'État, « si la disposition proposée est prévue en premier lieu en vue d'accélérer les projets d'installations de production d'énergie à partir de sources renouvelables, en tant qu'ils relèvent de l'examen au cas par cas, elle concerne en fait, de façon beaucoup plus générale, l'ensemble des projets qui relèvent d'un examen au cas par cas en vue d'une éventuelle évaluation environnementale ».
Si nous adhérons à la volonté du Gouvernement de faciliter l'implantation des énergies renouvelables, nous nous opposons à la rédaction actuelle de l'article, qui aurait des effets beaucoup plus larges que l'objectif poursuivi. À l'heure où les questions environnementales et écologiques sont au coeur des préoccupations de nos concitoyens, les allégements législatifs envisagés ne sauraient être ainsi disproportionnés au regard de l'objectif poursuivi.
Le présent amendement, sans remettre en cause l'intention du Gouvernement, vise au contraire à faire coïncider la rédaction de l'article 4 avec l'objectif poursuivi et ainsi à limiter cette adaptation législative aux seuls projets d'installations de production d'énergie à partir de sources renouvelables.
Sur l'amendement no 44 , je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission du développement durable ?
Quelle que soit la présentation de l'étude d'impact du présent projet de loi, il convient de souligner que le présent article a bien trait à l'examen au cas par cas et à l'autorité environnementale compétente pour les projets pour lesquels une évaluation environnementale peut être demandée, quel que soit le secteur concerné – les énergies renouvelables comme d'autres types d'énergie ou le transport.
C'est pourquoi il ne me semble pas opportun, comme le prévoit l'amendement, d'accorder un traitement spécifique aux énergies renouvelables : avis défavorable.
Même raisonnement et même avis.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 29
Nombre de suffrages exprimés 27
Majorité absolue 14
Pour l'adoption 2
Contre 25
L'amendement no 44 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l'amendement no 100 .
Sans être directement lié au débat sur l'examen au cas par cas – j'y reviendrai dans le prochain amendement – , cet amendement relève de l'urgence climatique.
Il vise à ce que l'évaluation environnementale prenne en compte « les impacts environnementaux et des émissions de gaz à effet de serre en amont et pendant le chantier, ainsi que ceux postérieurs à la réalisation du projet liés à son utilisation et à son démantèlement ».
C'est une recommandation de France Stratégie. Le Haut Conseil pour le climat est également favorable à cette disposition : toutes les politiques publiques doivent prendre en considération leur impact sur le climat. L'amendement contient des précisions méthodologiques importantes.
L'évaluation environnementale prend déjà en compte un grand nombre de facteurs, comme la population, la santé humaine, la biodiversité, les terres, le sol ou les biens matériels, ainsi que leur interaction.
Il me semble donc inutile d'en rajouter : avis défavorable.
Même raisonnement et même avis : ces éléments sont déjà intégrés à l'évaluation environnementale.
Non : seule un partie de ces facteurs est déjà intégrée à l'évaluation environnementale. Les conséquences à court, moyen et long termes, par exemple, de la construction d'une infrastructure ou d'une installation, quelle qu'elle soit, ne sont pas prises en compte. Nous reviendrons sur le sujet dans le cadre de débats ultérieurs sur la mise en oeuvre des recommandations du Haut Conseil pour le climat.
L'amendement no 100 n'est pas adopté.
Cet amendement ouvre de nouveau le débat sur le conflit d'intérêts, et non sur la culture écologique, des représentants de l'État et du corps préfectoral, en fonction d'exigences liées à une directive européenne.
Le contournement de Beynac, dont vous avez pris l'exemple, monsieur le ministre d'État, n'est pas concerné par l'examen au cas par cas : si la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé le jugement du tribunal administratif validant l'enquête publique, c'est pour des raisons tenant à la loi sur l'eau.
L'amendement no 95 permettrait de sécuriser votre dispositif en le conformant aux avis du Conseil d'État. Ainsi, il vise à compléter l'alinéa 7 par les mots : « ou sont compétents pour délivrer l'autorisation du projet ». J'insiste sur l'avis du Conseil d'État et la nécessité d'éviter les conflits d'intérêts, définis par la loi relative à la transparence de la vie publique comme « toute situation d'interférence entre intérêt public [… ] et intérêt privé qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l'exercice indépendant, impartial et objectif d'une fonction ». La définition du conflit d'intérêts dans le droit français retient la notion d'apparence. Je le répète, le Conseil d'État rappelle que la détermination de l'autorité chargée de l'examen au cas par cas est libre, ce qui laisse la souplesse préconisée par M. le ministre d'État, « sous réserve de son autonomie fonctionnelle par rapport à l'autorité compétente pour autoriser un projet ou en assurer la maîtrise d'ouvrage ».
Vous pourriez ensuite, dans le décret, adapter l'application de cette règle aux différents cas de figure, ce qui est gage d'une souplesse de gestion. L'adoption de cet amendement permettrait de sécuriser juridiquement le dispositif, car l'autorité qui juge qu'une évaluation environnementale n'est pas nécessaire, dans le cadre de l'examen au cas par cas, ne peut pas être en même temps l'autorité compétente pour autoriser le projet. Qu'on soit d'accord ou non n'est pas le sujet : il faut se conformer à l'avis du Conseil d'État et à la directive européenne.
La parole est à Mme Mathilde Panot, pour soutenir l'amendement no 415 .
C'est un amendement de repli par rapport à notre amendement de suppression de l'article. Dans le même esprit que le précédent, il vise à sécuriser le dispositif en le conformant aux avis du Conseil d'État et à la directive européenne. Ainsi, nous proposons d'empêcher que toute « autorité susceptible d'être dans une position donnant lieu à un conflit d'intérêts ou ne disposant pas d'une autonomie fonctionnelle par rapport à l'autorité compétente pour autoriser le projet » puisse être désignée par décret comme autorité environnementale. J'insiste sur le fait que ce n'est pas une mise en cause des préfets : ils ne doivent pas être juge et partie dans le cadre d'une évaluation environnementale, qui peut avoir des conséquences potentielles extrêmement lourdes.
Vous demandez de supprimer le rôle des préfets dans l'examen du cas par cas et de le confier à des autorités environnementales disposant d'une autonomie fonctionnelle par rapport aux préfets. Or la directive européenne n'exige pas cette distinction. La séparation fonctionnelle n'est pas la séparation organique. L'autorité fonctionnelle des missions régionales d'autorité environnementale a été confirmée par le Conseil d'État dans son arrêt du 6 décembre 2017, dès lors que le service de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement désigné pour l'appui à la MRAE dispose de moyens suffisants et est placé sous l'autorité fonctionnelle du président de la MRAE, même si la DREAL exerce ses fonctions sous l'autorité du préfet de région. Aussi, il n'y a pas lieu de faire cette distinction. Je suis donc défavorable à ces amendements.
Pour les raisons que j'ai évoquées précédemment, j'émets un avis défavorable.
Cet amendement me donne l'occasion de faire un retour en arrière : en 2003, Mme Bachelot, alors ministre de l'environnement, soumet à l'Assemblée un projet de loi relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages instaurant les plans de prévention des risques technologiques – PPRT – , après l'accident de l'usine AZF à Toulouse, et bien d'autres : on parle des entreprises Seveso aujourd'hui en référence à l'accident de Seveso, en Italie, mais je pense aussi à ceux de Bhopal, en Inde, et de Feyzin, en 1966.
Le PPRT prévu par la loi de 2003 est un dispositif extrêmement important, qui modifiera profondément le droit français et permettra de passer – passez-moi cette expression peut-être un peu technique – des méthodes déterministes appliquées jusqu'alors à des méthodes probabilistes, ce qui exige un nombre considérable d'études : sur un site comme la Vallée de la chimie, au sud de Lyon, ce ne sont pas moins de 1 000 études de danger qui ont dû être faites par les industriels et validées par la DREAL pour aboutir à la mise en place d'une nouvelle réglementation, qui est entrée en vigueur quinze ans plus tard. Cette réglementation permet enfin aux riverains des installations industrielles classées « Seveso seuil haut » – il y en a 600 et des centaines de milliers de foyers sont concernés – de se mettre à l'abri des risques auxquels ils sont exposés.
Ces procédures extrêmement complexes sont malheureusement des nids à vices de procédure, qui peuvent conduire à la suspension de l'application des plans de prévention des risques technologiques, imposer de nouvelles études, et donc différer les travaux de protection dont les habitants pourraient bénéficier.
Cet amendement vise donc à valider les PPRT qui font l'objet d'une procédure contentieuse, dès lors qu'il s'agit simplement d'un vice de procédure – et non d'un vice de fond – ayant pour conséquence de différer leur application et d'exposer à nouveau et durablement les riverains des installations classées Seveso seuil haut. Il a donc pour objet d'assurer leur sécurité.
Vous évoquez la sécurité juridique et les problèmes de procédure liés au PPRT. Je suis favorable à votre amendement.
Avis favorable. Je salue le rôle des députés, en l'occurrence de M. Blein, qui a fait remonter un problème constaté localement, mais qui concerne d'autres territoires. Vous êtes bien placé pour savoir ce qu'il en est des risques technologiques : dans la région lyonnaise notamment, il y a beaucoup d'industries chimiques. Avec cet amendement, on règle concrètement un problème.
Je soutiens également cet amendement. Dans ma circonscription, il y a aussi une grosse plate-forme chimique. Pour avoir suivi le PPRT depuis des années, je connais l'engagement de l'ensemble des acteurs, qu'il s'agisse des industriels ou des collectivités territoriales qui les soutiennent. Il ne faudrait pas qu'une décision judiciaire conduise à suspendre l'application des dispositifs. Il est extrêmement important pour les populations qu'ils soient appliqués sans interruption. Je remercie M. Blein d'avoir défendu cet amendement.
Cet amendement portant sur les plans de prévention des risques technologiques est de bon sens. En matière juridictionnelle, il peut arriver qu'une erreur de procédure n'engage pas le jugement sur le fond. De la même manière, il ne faut pas qu'une erreur de procédure dans l'instruction finisse par retarder la totalité du plan. C'est peut-être aussi une occasion de nous interroger sur la pertinence d'une éventuelle extension de ce dispositif à d'autres types de plan de prévention, car il n'y a pas que les PPRT : le problème peut se poser pour les plans de prévention du risque inondation – PPRI – ou les plans de prévention des risques d'incendies de forêts – PPRif.
L'amendement no 72 est adopté.
L'article 4, amendé, est adopté.
La parole est à Mme Mathilde Panot, pour soutenir l'amendement no 473 , qui porte article additionnel après l'article 4.
Nous revenons sur un sujet dont nous avons débattu à maintes reprises, et qu'il faut prendre enfin à bras-le-corps : le kérosène aérien.
L'avion est le moyen de transport le plus polluant. Selon le Gouvernement lui-même, l'exonération fiscale sur le kérosène aérien représente 3,6 milliards d'euros : autant de recettes qui manquent aujourd'hui à l'État ! À titre d'exemple, avec cette somme, nous pourrions plus que doubler le budget actuel de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France – AFITF – , qui est de 2,4 milliards d'euros en 2019. Certes, l'avion représente 2 % des émissions mondiales, mais cette proportion pourrait augmenter considérablement dans les années qui viennent. On ne peut pas continuer à mener une politique d'exonérations fiscales qui favorisent la route et l'avion, au détriment notamment du train, alors que l'avion émet jusqu'à 40 fois plus de CO2 que le train par kilomètre parcouru et par personne transportée. Pour que le train pollue autant que l'avion, il faudrait que, sur un même trajet, il ne transporte que onze personnes. Pour être à la hauteur des enjeux écologiques de notre temps, il faut arrêter cette politique favorisant le « tout aérien. »
Nous avons déjà débattu de ce sujet à plusieurs reprises, et je me suis déjà exprimé lors de la discussion générale. L'enjeu climatique est mondial, et la solution que vous proposez doit être examinée au niveau européen. L'Europe est une partie de la solution. En revanche, l'exemplarité est nationale, et c'est bien le sens de nos débats depuis le début de l'examen de ce texte. Je suis défavorable à votre amendement.
Je souscris au raisonnement du rapporteur. Je répète que nous menons cette bataille à l'échelle européenne, et que le sujet est évoqué dans le cadre de la feuille de route de la future Commission européenne. Plus il y aura de députés européens qui s'engageront dans cette bataille, mieux ce sera. Il y a deux fronts : premièrement, une réglementation s'appliquant à tous les vols au sein de l'Union européenne, ce qui inclura les vols français ; deuxièmement, à l'échelle internationale, la modification de la fameuse convention de Chicago et le renforcement des engagements de réduction des gaz à effet de serre du secteur aérien.
À l'occasion du salon du Bourget, le Président de la République, le ministre de l'économie et moi-même avons rencontré l'ensemble de la filière aéronautique française, qui est en pointe au niveau mondial pour déployer des mécanismes concrets de réduction de l'impact carbone du transport aérien. Pour cela, l'ensemble du secteur doit être concerné, y compris les compagnies aériennes. Il faut le faire en coordination avec les autres pays européens, puis au niveau mondial.
Les Français sont très sensibles au sujet du kérosène aérien, car ils ont beaucoup de mal à comprendre pourquoi ils doivent faire des efforts sur leur facture de carburant, quand d'autres secteurs émetteurs de gaz à effet de serre ne participent pas à ce combat. L'amendement a le mérite d'ouvrir le débat.
Il y a deux points de méthodologie que je ne comprends pas. Premièrement, vous dites qu'on ne peut le faire qu'au niveau européen ou mondial. Pourtant, nous avons voté une loi relative à l'interdiction de l'exploitation des hydrocarbures, en proclamant que la France se mettait aux avant-postes de la transition énergétique. Lorsqu'on a souligné que les objectifs très ambitieux de ce projet de loi étaient peut-être inatteignables, vous avez répondu que la France devait montrer l'exemple. Pourquoi la France pourrait-elle se fixer, au niveau national, des objectifs ambitieux dans d'autres domaines, et pas dans celui-ci ? De la même façon, vous avez décidé de taxer la publicité en ligne des acteurs du numérique, au motif qu'en l'absence d'accord européen, la France devait prendre ses responsabilités.
Pourquoi la solution unilatérale est-elle complètement écartée ? Je ne dis pas que c'est la meilleure option, et je peux comprendre votre choix : une action à l'échelle de l'Union européenne aurait effectivement un effet de masse, mais sa mise en oeuvre risque de prendre dix ou quinze ans. Sans entrer dans le débat sur l'urgence climatique, n'y a-t-il pas là une question de justice et d'efficacité ?
Le projet de loi d'orientation des mobilités, adopté en première lecture par l'Assemblée nationale, prévoit que le Gouvernement fera un point extrêmement précis et comparatif sur les différents modes de contribution du transport aérien en Europe.
Je vais vous donner un exemple simple. En France, sur un billet d'avion d'une valeur de 100 euros pour un vol intérieur, il y a environ 50 euros de taxes d'aéroport – il ne s'agit pas de taxes sur le kérosène mais de taxes payées par les compagnies aériennes, qui les répercutent bien sûr sur le prix des billets d'avion. En Suède, sur un même billet, les taxes d'aéroport représentent environ 30 euros. Ce n'est pas la même chose ! Ainsi, la contribution du transport aérien à la couverture des coûts des infrastructures est très disparate en Europe. D'ailleurs, en France, la direction générale de l'aviation civile dispose d'un budget annexe financé par les taxes payées par les compagnies aériennes.
Par ailleurs, la France ne veut pas taxer seule le kérosène aérien, car les compagnies aériennes pourraient assez facilement s'adonner à des formes d'évasion fiscale en faisant le plein de kérosène dans les pays voisins.
Nous souhaitons gagner cette bataille au niveau de l'Union européenne, mais, comme vous le savez, la règle de l'unanimité s'applique en matière fiscale. Peut-être pourrions-nous chercher à changer cette règle, mais je ne sais pas si vous seriez d'accord avec nous, monsieur Aubert…
Si nous n'arrivons pas à convaincre les vingt-sept États membres de l'Union européenne, nous souhaitons mettre en oeuvre cette mesure dans le cadre d'une coalition d'États. Si plusieurs grands pays, notamment nos voisins, acceptaient de faire le même chemin que nous, nous pourrions être efficaces dans la limitation des gaz à effet de serre du transport aérien tout en maintenant notre compétitivité économique. Mme Panot a dit elle-même que son amendement créerait d'un seul coup 3,5 milliards d'euros de prélèvements complémentaires sur le transport aérien intérieur. L'amendement ne prévoit pas une mise en oeuvre par étapes ou un relèvement progressif du taux de la taxe : les compagnies seraient taxées d'un seul coup, dès l'année prochaine.
Enfin, vous savez très bien que cette question doit être débattue dans le cadre du projet de loi de finances, et non à l'occasion de l'examen du présent projet de loi.
L'amendement no 473 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour soutenir l'amendement no 662 .
Il s'agit d'un dispositif de simplification visant à soutenir l'autoconsommation en supprimant l'obligation, pour le producteur, de signer un contrat initial avec l'opérateur historique pour le rachat de l'électricité.
Cet amendement aurait pour conséquence de complexifier la gestion des contrats d'achat, voire de fragiliser ces contrats. Il est préférable d'en rester au dispositif actuel. Dans un objectif de centralisation, la procédure doit initialement passer par EDF ; par la suite, d'autres acteurs peuvent se voir céder le contrat. Demande de retrait ou avis défavorable.
Nous avons déjà débattu de ce sujet en commission. Avis défavorable.
L'amendement no 662 n'est pas adopté.
La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l'amendement no 537 .
Cet amendement vise à permettre aux futurs lauréats de mécanismes de soutien par appels d'offres de valoriser leurs garanties d'origine, afin de favoriser l'investissement privé pour la transition écologique.
La valeur de la garantie d'origine est à ce jour d'environ 2 euros par mégawattheure en France ; elle peut atteindre 3 euros par mégawattheure en Europe. Cependant, les producteurs d'électricité renouvelable bénéficiant d'un mécanisme de soutien n'ont pas la possibilité de valoriser les garanties d'origine : détenues par l'État, celles-ci seront mises aux enchères tous les mois à compter de la fin de l'année. Cela freine l'investissement privé en faveur de la transition écologique, mais cela représente aussi un manque à gagner considérable pour les acteurs de la filière.
Vous souhaitez que, dans les contrats d'approvisionnement direct en électricité, les PPA, les producteurs puissent bénéficier à la fois du tarif d'achat et de la valorisation des garanties d'origine. Personnellement, je ne suis pas favorable à ce cumul. Je vous demande donc de retirer votre amendement ; à défaut, je lui donnerai un avis défavorable.
Même argumentation. Avis défavorable.
Oui, madame la présidente, d'autant que c'est un amendement de mon collègue François-Michel Lambert.
C'est un argument !
Sourires.
Ces garanties d'origine sont tout de même une drôle d'histoire ! La production d'électricité verte était subventionnée par EDF ; elle l'est maintenant par l'État – on est passé du tarif de rachat à l'appel d'offres – , lequel détient la garantie d'origine, c'est-à-dire l'assurance que l'énergie produite est une énergie verte, qu'il peut valoriser sur certains marchés, ce qui lui permettrait d'abaisser le coût de la subvention versée aux fournisseurs.
Or ces mêmes fournisseurs viennent expliquer que, en tant que producteurs, c'est à eux que doivent revenir la garantie d'origine et la possibilité de la valoriser. C'est d'autant plus aberrant qu'il existe un marché européen des garanties d'origine où l'on peut acheter un certificat pour verdir son électricité qui était grise – on a créé, si je puis dire, un second business, une sorte de marché dérivé de l'énergie verte.
Par ailleurs, il est quand même un peu fort de café de bénéficier de subventions et de réclamer un complément de revenus par la valorisation de la production subventionnée ! Je suis donc hostile à cet amendement. J'espère avoir bien compris ce dispositif des garanties d'origine – je parle sous le contrôle de M. le ministre d'État, qui connaît évidemment mieux que moi ces sujets.
C'est exact !
Sourires.
L'amendement no 537 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Anne-France Brunet, pour soutenir l'amendement no 181 .
Il vise à soutenir le développement des filières innovantes en créant un cadre plus adapté à ces dernières. Aujourd'hui, toutes les offres sont soumises au même mécanisme de soutien, conçu selon une logique de coûts précis et réguliers. Or ce mécanisme ne correspond pas aux projets expérimentaux. Il est donc proposé de permettre la signature d'appels à projets expérimentaux dans un cadre particulier et un calcul des coûts au cas par cas. L'autorité administrative pourra ainsi choisir d'établir un appel d'offres avec des conditions particulières adaptées à la filière innovante en question. Cela permettra de tester de nouvelles technologies et d'avoir un retour d'expérience élaboré dans un cadre plus pérenne et plus adapté.
Je ne pense pas qu'une disposition législative supplémentaire soit vraiment nécessaire pour mettre en oeuvre de tels appels à projets, mais je vous rejoins sur la nécessité d'encourager le développement des énergies innovantes. Je m'en remets donc à la sagesse de nos collègues.
Je partage le raisonnement de M. le rapporteur et la volonté de Mme Brunet de favoriser l'innovation. Nous souhaitons tous encourager l'innovation pour trouver des nouvelles solutions en faveur des énergies renouvelables. Il serait donc utile de pouvoir intégrer ce critère, au cas par cas, dans les appels d'offres. Avis favorable.
Dans plusieurs autres textes comme la loi PACTE et le projet de loi d'orientation des mobilités, nous avons mis en place des dispositifs d'expérimentation sur des projets d'innovation. Dans cette même logique, nous allons soutenir l'amendement de Mme Brunet.
L'amendement no 181 est adopté.
La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l'amendement no 543 .
La nouvelle conception de la notion de projet est incompatible avec des procédures de raccordement appliquées par les gestionnaires de réseaux, qui ne pourront fixer les conditions de raccordement qu'à partir d'un projet définitif d'installation de production d'électricité renouvelable.
Le présent amendement prévoit de bien distinguer, d'une part, les travaux, ouvrages, installations ou autres interventions dans le milieu naturel des installations de production d'énergie renouvelable, et, d'autre part, les ouvrages destinés à leur desserte relevant du réseau public de transport ou de distribution d'électricité.
L'ordonnance du 3 août 2016 relative à la modification des règles applicables à l'évaluation environnementale des projets, plans et programmes et son décret d'application énumèrent différents projets en application du droit européen. Comme la Cour de justice de l'Union européenne l'a rappelé, la notion de projet ne peut être fragmentée, indépendamment des diverses procédures dont chaque projet relève. C'est bien le projet dans son ensemble qui doit être évalué : on ne peut pas dissocier la partie « raccordement » de la partie « production ». C'est pourquoi je ne peux que donner un avis défavorable à cet amendement.
Défavorable.
Une fois de plus, cet amendement de François-Michel Lambert, qui n'est pas présent, prête à sourire. Lorsqu'on construit une installation d'énergie renouvelable comme une éolienne, il est bon de se préoccuper de la production l'électricité, mais également de la façon dont l'installation s'intégrera dans un système électrique ! Le sujet du raccordement, de l'évolution du réseau et des coûts cachés potentiellement liés à l'intégration de ces énergies renouvelables dans les systèmes existants est d'ailleurs un sujet majeur.
D'ailleurs, dans le cadre de la renégociation des tarifs de l'éolien en mer, nous avons pris en charge une partie du coût du raccordement afin d'afficher un prix de l'énergie éolienne plus faible. Cependant, on a oublié de dire que le raccordement serait désormais financé par RTE : c'est donc finalement le consommateur qui paiera sur sa facture d'électricité, au titre du tarif d'utilisation du réseau public d'électricité – TURPE – , ce qu'il aurait payé auparavant au titre de la contribution aux charges du service public de l'électricité – CSPE – ou des charges de carburant.
Chaque projet d'installation d'énergie renouvelable doit donc être appréhendé dans sa globalité, en tenant compte de tous les éléments techniques et financiers.
L'amendement no 543 n'est pas adopté.
La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l'amendement no 601 .
Le territoire français compte un nombre significatif de sites dégradés, qui représentent des surfaces propices à l'installation de centrales photovoltaïques dans la mesure où ils sont, pour beaucoup, pollués à des degrés divers et présentent donc une valeur foncière et environnementale faible. Le présent amendement propose donc de rendre possible l'installation de centrales solaires au sol sur des sites dégradés en zone littorale.
Je demande le retrait de cet amendement, car les sites dégradés isolés sur le littoral ont généralement vocation à être renaturés.
La question a été évoquée en commission et j'ai en tête plusieurs cas illustrant ce problème. On confine parfois à l'absurde, car on en vient par exemple à interdire l'implantation de panneaux solaires photovoltaïques sur d'anciennes décharges, au motif qu'elles sont situées dans des zones concernées par la loi littoral.
J'ai dit en commission que je souhaitais que nous trouvions une rédaction adaptée, qui ne détricote pas la loi littoral – car c'est toujours un sujet sensible – , tout en nous évitant de telles situations ubuesques. Pour être précis, j'aurais préféré l'amendement de M. Simian, mais il n'a pas été défendu.
La question sera probablement abordée à nouveau au Sénat, ce qui permettra de trouver des solutions. Je demande donc le retrait de l'amendement ; à défaut, l'avis du Gouvernement serait défavorable.
Monsieur le ministre d'État, je répéterai ce que j'ai dit en commission, car vous n'aviez pas tout à fait saisi ce dont je voulais parler. Nous évoquons aujourd'hui des sites qui peuvent être utilisés pour l'énergie solaire. Or, dans le Vaucluse, je suis saisi d'un cas un peu plus compliqué : celui de serres désaffectées, sites agricoles qui représentent, à ce titre, un piège terrible, car on ne peut pas y construire d'installations solaires. Il faudrait en effet, pour que le projet soit économiquement viable, couvrir toute la serre, de telle sorte que la lumière du soleil ne passerait plus et qu'on ne pourrait plus rien faire pousser sous les panneaux. La logique pousse donc à écarter la piste de ce qui est aujourd'hui permis, à savoir la combinaison du solaire et de l'agriculture.
Faute de réaliser le projet solaire, on conserve une serre vieille de 30 ans, complètement désaffectée, dont la rénovation coûterait 1 million d'euros et où il n'y aura, de toute façon, plus jamais aucune exploitation agricole. On se trouve donc dans un piège logique. Il vaudrait mieux qu'il y ait là une centrale solaire, mais il faudrait aussi prendre garde que les agriculteurs ne soient pas tentés d'artificialiser le site d'une vieille serre qui n'est plus très productive.
Je suis saisi de cas de ce genre, qui concernent des terrains situés sur une exploitation, à proximité de la maison où habite un agriculteur qui prend sa retraite, et où personne ne viendra s'installer. En outre, cette utilisation des terrains permet à des agriculteurs qui ont souvent de petites retraites de continuer à vivre. Il faudrait que nous puissions trouver un mécanisme d'exonérations ad hoc qui autoriserait le préfet, sur un critère de bon sens et selon une règle juridique qui reste à trouver, à sortir ces terrains de la zone agricole, même à titre temporaire, pour 25 ou 30 ans, afin que le projet puisse se faire. On pourrait ainsi résoudre ce problème très particulier.
Nous sommes bien placés pour savoir que tout ce qui touche au littoral est l'objet de débats extraordinaires, derrière lesquels se cachent, bien sûr, des problématiques d'aménagement, mais également des intérêts considérables.
Je ne peux pas me permettre de retirer cet amendement, qui ne vient pas de moi, mais j'entends ce que dit M. le ministre d'État. Il convient de réfléchir à cette question, car l'amendement obéit à une logique : il s'agit de récupérer, même en zone littorale, des sites véritablement dégradés et dont on ne peut rien faire d'autre, qui peuvent être fort utiles pour la production d'énergie renouvelable. Essayons donc d'avancer sur ce sujet.
L'amendement no 601 n'est pas adopté.
L'article 4 bis est adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement de suppression no 349.
L'article 4 ter cherche à encourager les installations produisant de l'énergie renouvelable, au prix d'une exemption des interdictions et des prescriptions fixées par les plans de prévention des risques technologiques. Il reviendrait au préfet d'accorder cette dérogation, en précisant les conditions particulières auxquelles est subordonnée la réalisation du projet.
Cette dérogation, si elle est nécessaire pour monter plus rapidement des projets respectueux de l'environnement, peut ouvrir la porte à certains abus. Déroger aux plans de prévention des risques technologiques n'est pas anodin et, si ces normes existent, c'est précisément parce qu'elles sont utiles et, dans certains cas, indispensables.
Ce pouvoir unilatéral qui sera remis entre les mains du préfet me semble déséquilibré, et parfois même dangereux. Un préfet pourrait ainsi être sensible à la construction d'un projet et aux intérêts collatéraux, sans forcément prendre en compte toutes ses conséquences. Ce n'est pas là une critique du corps préfectoral, mais la prise en considération d'un mécanisme inhérent à tout être humain.
N'est-ce pas aussi un moyen de couper l'herbe sous le pied des Français qui souhaitent s'opposer à un projet et d'empêcher les recours, comme on le verra à l'article 4 quater ? Je pense notamment au recours concernant l'énergie éolienne terrestre, qui continue de se développer contre l'avis de nombreux Français.
Vous rétorquerez sans doute que cet article a, avant tout, été déposé pour faciliter l'implantation des panneaux photovoltaïques, mais, si nous voulons nous assurer que ces dispositions ne pourront pas concerner l'éolien, mieux vaut l'écrire noir sur blanc et éviter ainsi les passe-droits.
Avis défavorable. Faisons confiance aux préfets pour savoir quand accorder ou refuser des dérogations aux PPRT.
Même argumentation et même position. Cet article 4 ter a été introduit par la commission et représente une démarche très pragmatique.
Monsieur le ministre d'État, connaissez-vous M. Potiron ? C'est un éleveur qui a accepté l'implantation d'une éolienne parce qu'il était favorable à l'éolien et qui, depuis lors, vit un véritable martyre, dont la presse locale s'est fait l'écho : près des deux tiers des bêtes de son troupeau sont mortes et, dès l'installation des éoliennes, sa femme a déclaré une longue maladie. On s'est aperçu que cela n'était pas tant dû à l'éolienne elle-même qu'au système de raccordement électrique, en particulier au câblage et au gainage des câbles, qui a entraîné une pollution par les eaux et une pollution des animaux.
Je ne dis pas que tous les projets éoliens sont à l'image de ce cas particulier, mais il peut arriver que le préfet, au moment d'autoriser un parc éolien, considère qu'il n'est pas nécessaire de suivre cette procédure et s'en exonère de bonne foi, pour s'apercevoir ultérieurement qu'on aurait dû se livrer à certaines vérifications. Cet agriculteur me disait notamment que les « failles d'eau » pouvaient être un problème et qu'on n'avait pas réalisé d'analyse des poches d'eau situées dans le sol, de telle sorte que, du fait du problème de gainage, le lien entre l'eau et l'électricité avait causé d'importants dommages à sa propriété.
Pour toutes ces raisons, l'amendement proposé est un bon amendement et le principe de précaution devrait s'appliquer en la matière. Je n'aborderai pas toutes les autres questions, qui sont moins importantes. Ainsi, une éolienne a pris feu il y a quelques jours, mais je ne pense pas que cela relève des risques technologiques. Nous devrions cependant faire attention pour ce qui concerne l'éolien.
Monsieur Aubert, la question que vous soulevez n'a rien à voir avec la disposition prévue par l'article 4 ter, qui concerne les zones couvertes par des plans de prévention des risques technologiques, ce qui, jusqu'à présent, empêchait par principe toute installation de production d'énergie renouvelable. C'est la raison pour laquelle, à l'initiative du député Yves Blein, ce dispositif a été adopté en commission. Il n'y a donc pas de raison de cibler spécifiquement un certain type ou un autre d'énergie renouvelable, mais de rendre possible des implantations, puis de regarder ce qu'il en est. Les préfets et les services déconcentrés de l'État ne manqueront pas de vérifier qu'il n'y a pas d'incompatibilité – il pourrait tout aussi bien s'agir d'un méthaniseur, mais cette disposition vise surtout les panneaux solaires photovoltaïques.
Quant au cas que vous avez cité, je le connais, étant donné qu'il se situe en Loire-Atlantique, que le député Yves Daniel est aux côtés de ces personnes depuis de nombreuses années et que c'est mon ministère qui a demandé que soit diligentée une étude sanitaire – car c'est bien de cela qu'il s'agit, et cela n'a rien à voir avec la prévention des risques technologiques.
D'une manière générale, pour ce qui concerne les éoliennes comme pour toutes les autres installations, le Gouvernement adopte une sorte de neutralité technologique : notre préoccupation est, bien sûr, la protection de la santé. Il faut donc examiner tous les risques.
Vous savez aussi que l'ANSES, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, s'est récemment exprimée à propos des lignes à haute tension. On ne peut pas dire que toute personne située au-dessous d'une ligne à haute tension contractera telle maladie, mais il faut regarder ce qu'il en est et procéder à des études épidémiologiques poussées. Cela prend du temps et coûte de l'argent, mais nous le faisons.
L'amendement no 349 n'est pas adopté.
L'article 4 ter est adopté.
Je suis saisie de deux amendements de suppression, nos 351 et 671.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 351 .
Avec l'article 4 quater, vous voulez empêcher les recours contre les éoliennes en mer, ce qui me pose problème. En effet, malgré une caricature facile, ces recours ne sont pas le fait de Français réfractaires qui aimeraient polluer. Bien au contraire, ils viennent de Français attachés à la beauté de la mer et de son paysage, d'hommes dont les zones de pêche ne seront plus toujours accessibles et qui verront parfois la source même de leur métier mise en péril, ou de Français sensibles aux fonds marins, car une éolienne, si elle n'est pas flottante, doit posséder une base cubique en béton de 10 mètres de haut sur 10 mètres de large : on ne peut pas dire que ce soit très respectueux de l'environnement – pas plus, d'ailleurs, que les métaux utilisés qui, par érosion, se déversent dans la mer.
Surtout, l'impossibilité pour les particuliers d'exercer des recours ne fera que nourrir le soupçon et l'idée que le Gouvernement veut passer en force, en empêchant les citoyens de se prononcer sur des projets qui concernent directement leur cadre de vie. C'est la raison pour laquelle cet amendement tend à la suppression de l'article 4 ter.
La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l'amendement no 671 .
Il tend lui aussi à supprimer cet article rajouté par voie d'amendement en commission des affaires économiques, qui crée une justice d'exception, avec un seul niveau de juridiction – le Conseil d'État pour les éoliennes en mer et la Cour d'appel pour les éoliennes terrestres – , pour la simple raison que la justice ne va pas assez vite. En effet, si vous procédez ainsi, ce n'est pas par dogme, parce que vous seriez opposés au fait qu'il y ait en France deux niveaux de justice, car ces deux niveaux sont conservés dans tous les autres domaines de recours : c'est simplement parce que vous estimez, ce que je peux comprendre, que le développement d'un projet éolien en mer est très long.
Je suis cependant gênée, en tant que parlementaire, qu'il n'y ait pas les deux niveaux de juridiction, qui sont le fondement du fonctionnement de notre justice, et tout cela peut-être parce que, depuis trop longtemps, on n'a pas donné assez de moyens à la justice et on l'a laissée être le parent pauvre de notre République. Du reste, votre gouvernement renforce aujourd'hui les pouvoirs de la justice et c'est donc presque par principe que je tiens à tirer la sonnette d'alarme pour signaler que, sous prétexte que notre justice n'est pas assez rapide, nous retirons des droits de recours aux citoyens.
La semaine prochaine, sur un tout autre sujet, dans le cadre de la proposition de loi de lutte contre les propos haineux, on permettra à des acteurs privés d'établir la jurisprudence pour la justice. Chaque fois, au lieu de renforcer la justice et de l'adapter aux problèmes que l'on rencontre, on modifie certaines de ses règles fondamentales. C'est un vrai problème démocratique et c'est dans cet esprit que j'ai déposé cet amendement de suppression de l'article 4 ter.
Vous souhaitez supprimer cet article, car vous estimez que rien ne justifie une dérogation spécifique pour les projets éoliens en mer. Or je pense qu'un motif d'intérêt général justifie cette dérogation, car le renvoi d'une affaire après cassation peut conduire à des délais importants de résolution définitive d'un litige. Ces délais peuvent être regardés comme très difficilement compatibles avec l'urgence qui s'attache à la mise en place des parcs éoliens, lesquels sont essentiels pour assurer notre sécurité d'approvisionnement, comme le rappelle d'ailleurs RTE.
En second lieu, cet article ne contrevient pas au droit au recours effectif. Le double degré de juridiction n'est ni un principe général du droit ni un principe constitutionnel. D'autres installations bénéficient d'une procédure équivalente.
L'avis est donc défavorable.
Sur l'amendement no 632 , je suis saisie par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Comme souvent, il y a deux analyses différentes. Ainsi, Mme Ménard puis Mme de La Raudière ont développé deux argumentations différentes. Madame Ménard, vous vous êtes prononcée contre l'éolien en mer : c'est votre droit, naturellement, mais nous avons déjà eu ce débat ; je n'y reviens donc pas.
Madame de La Raudière, vous avez fait profession, à un autre moment du débat, de soutenir l'éolien en mer.
Je n'y vois donc pas une façon, même détournée, de vous y opposer ; cela concerne en fait l'organisation de la justice administrative. Le problème de fond n'est pas uniquement celui des délais de décision des différents niveaux de juridiction administrative en France : il tient à l'intérêt à agir d'associations de citoyens habitant sur le littoral contre les projets d'éolien en mer. Nous butons sur un problème qui n'avait pas été imaginé quand l'éolien en mer a été lancé en France. Vous étiez parlementaire comme moi, madame de La Raudière, lorsque nous avons décidé de nous lancer avec le Grenelle de l'environnement. L'argument politique principal, et tous les comptes rendus des débats de l'Assemblée nationale en attestent, reposait justement sur l'intérêt de l'éolien en mer, qui permettait de ne plus créer de conflits de voisinage ou d'acceptabilité par les riverains, puisqu'il n'y a pas de riverains en mer.
Sur le projet éolien en mer de Loire-Atlantique, à Saint-Nazaire, le deuxième niveau de juridiction avait considéré que les citoyens n'avaient pas intérêt à agir. Puis le troisième niveau, en l'occurrence le Conseil d'État, a tranché dans le sens de l'intérêt à agir. Cela soulève un problème de fond parce que nous tournons en rond. J'appuie donc la disposition votée en commission, qui permettra de limiter les possibilités de recours. Encore une fois, c'est une question de fond et pas simplement d'organisation de la justice administrative en France. Avis défavorable quant à ces amendements de suppression.
M. le ministre a tenu des propos un tout petit peu caricaturaux. Je ne suis absolument pas contre l'éolien en mer ; je ne me prononcerai d'ailleurs pas sur les projets en cours d'installation dans des régions qui ne sont pas la mienne, qui sont éloignées de ma circonscription et dont je ne connais pas bien les dossiers. Mais, pour avoir rencontré les riverains dont vous parlez pour les projets prévus près de chez moi – à Gruissan, pour être exact – , ce n'est pas l'éolien en mer qui pose problème, mais les conditions dans lesquelles le parc éolien est censé devoir être installé.
Les recours des riverains contre ce genre de projets ne portent pas que sur la pollution visuelle : ils concernent également les problèmes pointés du doigt par les pêcheurs. Les pêcheurs ne comprennent pas pourquoi on les empêcherait de déposer des recours, eux qui ont un intérêt direct à agir puisque leur profession est en jeu. Ils devront contourner le parc, qui fera des kilomètres et des kilomètres de long en mer : tous les experts avec lesquels ils ont pu discuter en amont du projet leur ont affirmé qu'ils n'auraient pas l'autorisation de passer à travers le parc éolien. Pour les pêcheurs, cela représente donc un vrai manque à gagner : vous ne pouvez pas contester qu'ils ont un intérêt à agir dans la procédure. Ils ne comprennent pas pourquoi on nierait leur intérêt à agir en leur retirant la possibilité d'exercer des recours.
Je suis du même avis que mes collègues. Les tribunaux administratifs ont été créés en 1953 et les cours administratives d'appel en 1987. Revenir à un système fondé sur le seul Conseil d'État nous ramènerait donc à l'organisation juridictionnelle sous Napoléon III : ce n'est pas forcément mon modèle juridictionnel.
Cela mériterait d'être vérifié !
Sourires.
Vous me direz qu'avant les tribunaux administratifs, il existait des conseils de préfecture, institués par une loi du 28 pluviôse an VIII. Vous y revenez, avec d'abord la préfecture puis le Conseil d'État. Cela me gêne, parce que, aujourd'hui, le Conseil d'État est juge en premier et dernier ressort pour les recours contre les décrets ou dans certains contentieux électoraux : c'est très restreint. Vous créez donc une procédure spécifique pour un intérêt économique.
Par ailleurs, vous avez raison, monsieur le rapporteur : le droit de faire appel n'est pas un principe général du droit. En revanche, il est un droit que nous devons respecter en vertu des conventions internationales, notamment de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme : le droit à un procès équitable. Toutefois, la procédure devant le Conseil d'État n'est pas une procédure devant le tribunal administratif. Le coût n'est pas le même, car il faut recourir à un avocat spécialisé ; or certaines associations n'ont déjà pas les moyens de se payer un avocat pour le premier ressort. Tout cela doit donc être étudié.
Ensuite, concernant le sujet de l'intérêt à agir, je rejoins ce qui a été dit : la mer a des riverains, tels que les pêcheurs. De même, sur la côte, par exemple en Vendée, des conserveries de pêche vivent à 80 % du poisson pêché par les pêcheurs des Sables-d'Olonne ou de Saint-Gilles-Croix-de-Vie. Ailleurs en Europe, les pêcheurs ne sont pas autorisés à pénétrer dans les parcs éoliens. Je ne dis pas qu'il en ira de même en France, mais il n'y a pas d'exemple en Europe où les pêcheurs soient autorisés à pêcher dans les zones des parcs éoliens. Les zones que vous avez délimitées restreindront considérablement leurs zones de pêche. Vous avez beau soupirer, monsieur le ministre d'État, je vous présente du factuel !
Je soupire parce que vous mentez !
Je vais vous donner un exemple : l'île d'Yeu. Les pêcheurs artisanaux y font de la pêche de courte distance : ils ne peuvent pas faire du grand large.
C'est justement un projet où il y a un accord depuis le début !
Si vous construisez un parc éolien dans leur zone de pêche, vous les tuez, monsieur le ministre !
Ce n'est pas leur opinion ! Leur avis est différent du vôtre !
Mais si ! Leurs navires ne leur permettent pas de pêcher loin.
Ensuite, vous qui êtes un grand protecteur de la biodiversité, vous devriez savoir que l'éolien posé – je mets de côté l'éolien flottant – a un impact sur les fonds marins, sur la biodiversité marine et aura un impact sur la reproduction des mollusques et des poissons.
Un impact positif !
Si !
On leur explique qu'après les travaux, tout reviendra ; reste que, pendant deux ou trois ans, l'impact sera négatif. Sur le fond, il y a un intérêt à agir et, sur la forme, il est juridiquement très gênant que, pour un intérêt économique particulier, on ne leur donne droit qu'à un seul jugement. Feriez-vous la même chose pour l'industrie nucléaire, monsieur le ministre ?
Je serai bref. Comme vous le savez, le contentieux éolien a été confié en novembre 2018, par décret, aux cours administratives d'appel. Je ne suis pas favorable à votre amendement et ne souhaite pas revenir sur cette disposition, qui me semble la mieux à même d'accélérer le traitement des contentieux relatifs à l'éolien.
Monsieur le député, vous êtes revenu sur l'amendement précédent, qui avait déjà été rejeté, mais je vais vous répondre très rapidement. Tout d'abord, vous développez un argumentaire contre l'éolien en mer : c'est votre droit, mais vous ne pouvez pas dire des choses fausses ! Le « projet des deux îles », entre l'île d'Yeu et Noirmoutier – j'ai la prétention de bien connaître la région, étant natif et par ailleurs élu de Loire-Atlantique – est le projet le plus consensuel ; vous pouvez le vérifier. Nous avions d'ailleurs cosigné une lettre au président Sarkozy, lorsqu'il l'avait stoppé, avec des élus de toutes tendances politiques, y compris le comité régional des pêches. Vous tombez donc très mal avec cet exemple !
Ensuite, son impact a été mesuré par des études dans les pays ayant déjà un certain recul dans ce domaine – l'éolien en mer existe en effet depuis dix ans. L'impact sur la ressource halieutique, c'est-à-dire les poissons, mais aussi sur la ressource en crustacés, est positif, pour une raison simple que connaissent tous les pêcheurs du monde entier. Je ne sais pas si vous êtes pêcheur ; moi, je le suis. Savez-vous où l'on va le plus pêcher, en général ? À proximité des épaves ! Et l'on y va non pas parce que c'est simple – on peut y casser du matériel de pêche, voire courir des risques – , mais parce que c'est là que viennent se nicher de nombreux poissons et crustacés. C'est là qu'ils se reproduisent, parce qu'ils s'y sentent protégés. Il n'est donc pas question pour nous d'interdire la pêche à proximité des éoliennes en mer ; au contraire, nous délimitons des zones en concertation avec les pêcheurs, qui permettent ainsi de définir des couloirs de pêche. Donc pas de faux débat ni de faux problème !
Par ailleurs, sur la question du droit, je ferai d'abord un petit clin d'oeil. Vous aviez des références historiques précises sur Napoléon III – vous devez bien l'aimer, d'ailleurs – ,...
.. et sur la loi du 28 pluviôse an VIII. Mais, pas de chance, votre connaissance juridique a été prise en défaut, car, pour les installations nucléaires, les recours se font directement devant le Conseil d'État ! Votre raisonnement conforte donc le nôtre !
La volonté de confier aux cours administratives d'appel le contentieux relatif à l'éolien terrestre, ou directement au Conseil d'État le contentieux de l'éolien en mer, se justifie par l'existence d'oppositions systématiques. Nous évitons donc de multiplier les niveaux de juridiction. Les personnes qui déposent des recours au premier niveau vont systématiquement au deuxième niveau, puis au troisième niveau – elles le disent, d'ailleurs ! Autrement dit, la procédure est utilisée pour faire traîner les projets : cela existe dans notre vie en société sur bien des sujets. Mais il faut être clair : ces intérêts particuliers s'opposent à l'intérêt général. On ne peut pas repousser indéfiniment les projets, alors que l'implantation de l'éolien en mer est largement soutenue par les Français, de même que l'éolien à terre, et a fait l'objet de nombreux votes par de nombreuses majorités sous de nombreux gouvernements.
Certaines personnes créent des associations uniquement pour lutter contre l'éolien : cela figure dans l'objet social de ces associations. C'est normal, c'est la vie démocratique, mais nous ne pouvons pas laisser les choses s'enliser, d'autant que, et vous le savez comme moi, « le temps, c'est de l'argent » : c'est valable dans ce domaine comme dans d'autres. Ces multiples recours sont donc tout autant une façon de renchérir le coût des projets que d'allonger les procédures. Souvent, on accuse l'administration, mais, en l'occurrence, ce n'est pas du tout la procédure administrative qui est longue : c'est la succession de recours juridiques. J'appelle donc à rejeter l'amendement no 632 que vous avez défendu.
Vous avez raison, monsieur le ministre : il ne faut pas raconter des choses fausses. Rappelons tout d'abord à ceux qui l'ignorent que les deux îles, Yeu et Noirmoutier, ne se trouvent pas en Loire-Atlantique mais bien en Vendée : elles ne sont donc pas dans votre département, même si c'est bien dans votre région – encore que, de mon point de vue, la Loire-Atlantique devrait être en Bretagne puisque le château des ducs de Bretagne s'y trouve ; mais je m'éloigne.
Ensuite, vous avez évoqué le comité régional des pêches. Certes, mais vous oubliez de dire que ces comités régionaux de pêche ont reçu des subventions importantes des promoteurs éoliens. Eh oui !
Non !
Si, si ! Allez voir qui finance le concours de voile organisé dans les ports de la côte ! Allez voir qui finance les activités...
La voile et la pêche, ce n'est pas pareil !
Ah oui ! Vous riez maintenant, monsieur de Rugy, mais la réalité, c'est que l'on peut acheter la paix sociale !
Par ailleurs, vous affirmez que l'impact sera positif pour les fonds marins. C'est toujours la fameuse réflexion schumpeterienne. Comme Mme Batho et comme Mme Panot, vous réfléchissez avec Schumpeter : c'est très intéressant ! Le problème, c'est que, quand vos petits poissons seront revenus, les pêcheurs, eux, ne seront plus là ! Après deux ans de travaux et la disparition de la faune et de la flore marines, vos pêcheurs auront disparu. Cela leur fera plaisir d'apprendre qu'ils peuvent revenir !
Enfin, il y a bel et bien une opposition systématique aux éoliennes en mer. Vous pouvez choisir de la bâillonner juridiquement et d'empêcher les gens d'exercer leurs droits, mais la colère ne disparaîtra pas – les gilets jaunes devraient vous en avoir convaincu – et elle se manifestera d'une autre manière. Vous pouvez toujours essayer de maintenir le couvercle sur la cocotte-minute, il finira un jour par sauter.
Puisque nous allons ainsi de digressions en apartés, vous me pardonnerez d'ouvrir une parenthèse à mon tour.
Tout ce que fait l'homme présente à la fois un aspect positif et un aspect négatif. Il en va ainsi des centrales en mer, des usines, des logements, des routes, et donc aussi de la production d'énergie. Nul n'a envie de vivre près d'une centrale électrique, bien entendu, et pourtant l'électricité est indispensable. Nous rencontrerons de plus en plus des contradictions de ce type, parce que nous sommes chaque année plus nombreux de 90 millions sur la Terre. Le nombre des consommateurs augmente donc inéluctablement et les besoins en énergie avec eux.
Tel est le sens général de l'évolution et je crois qu'il est utile de le connaître quand on débat de l'énergie et du climat, car il va falloir gérer ces contradictions. Un jour ou l'autre, il va falloir poser le problème de la démographie mondiale. Je suis peut-être à la limite du sujet, mais je ne suis certainement pas hors sujet.
Vous me pardonnerez d'avoir ouvert cette parenthèse sur les externalités qui semble avoir beaucoup intéressé M. le ministre d'État !
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 24
Nombre de suffrages exprimés 23
Majorité absolue 12
Pour l'adoption 5
Contre 18
L'amendement no 632 n'est pas adopté.
Il n'y a plus que treize voix d'écart entre l'opposition et la majorité !
L'article 4 quater est adopté.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion du projet de loi relatif à l'énergie et au climat.
La séance est levée.
La séance est levée à treize heures cinq.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra