La commission spéciale poursuit l'examen du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (n° 3875 rect.) (M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général, M. Damien Adam, M. Erwan Balanant, Mme Aurore Bergé, M. Lionel Causse, Mme Célia de Lavergne, Mme Cendra Motin, M. Mickaël Nogal et M. Jean-Marc Zulesi, rapporteurs).
Mes chers collègues, il nous reste à examiner 153 amendements pour terminer la discussion du titre III et 1992 amendements pour achever celle du projet de loi. Nous devons donc examiner en moyenne 35 amendements par heure pour pouvoir clore nos travaux vendredi prochain, à minuit.
Article 35 (suite) : Objectif de fixation d'un prix du carbone suffisant pour le transport aérien à l'horizon 2025
Amendement CS2225 de Mme Laurence Trastour-Isnart.
Même avis.
La commission rejette l'amendement.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement CS3859 de M. Jean-Luc Lagleize.
Amendement CS4050 de M. Jean-Luc Lagleize.
Nous proposons que le Gouvernement étudie également, dans le rapport prévu à l'article 35, les conséquences que pourrait avoir l'objectif mentionné au premier alinéa sur la préservation des emplois et la capacité d'investissement dans la transition écologique. En effet, une augmentation du tarif de la taxe de solidarité risque d'avoir un impact délétère sur le niveau de l'emploi dans le secteur aérien et sur la capacité des acteurs de ce secteur à investir massivement dans la transition écologique et énergétique.
Avis favorable. Il me paraît essentiel que la représentation nationale soit également éclairée sur les aspects liés à la préservation de l'emploi et aux capacités d'investissement du secteur aérien dans la transition écologique.
L'objectif du Gouvernement est bien de décarboner « en dur » l'ensemble des secteurs du transport, dont le transport aérien, en préservant à la fois l'emploi et les compétences, la compétitivité des entreprises françaises et européennes et la connectivité des territoires. Avis favorable, donc.
La commission adopte l'amendement.
Amendement CS3861 de M. Jean-Luc Lagleize.
Avis favorable à cet amendement qui a pour objet d'inclure le désenclavement des territoires parmi les éléments étudiés dans le rapport du Gouvernement.
Avis favorable. Encore une fois, décarboner, préserver la compétitivité de nos entreprises et la cohésion des territoires sont les trois piliers de notre action en la matière.
Tout d'abord, on peut désenclaver un territoire autrement que par une liaison aérienne. Ensuite, même si, je l'ai dit, l'article 35 n'a guère de portée normative, le fait de donner un avis favorable à ces amendements revient à dire : « On ne va rien faire ».
La commission adopte l'amendement.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement CS226 de Mme Souad Zitouni.
Elle adopte l'amendement rédactionnel CS2882 du rapporteur.
Amendement CS3114 de M. Philippe Naillet.
Cet amendement est hautement symbolique puisqu'il vise à substituer au mot : « métropolitain », qui nous ramène au temps des colonies, le mot : « hexagonal ».
Je comprends votre préoccupation, mais il convient, par souci de cohérence, de conserver la formulation utilisée dans le code des transports. Avis défavorable.
Avis défavorable, pour des raisons de clarté légistique.
Dans ce cas, seriez-vous prêt, monsieur le ministre, à accepter, en séance publique, un « amendement balai » qui modifierait le code des transports ?
Cela ne me poserait aucun problème : voyons ce qui peut être fait. Mais je crains que la tâche ne soit homérique, car ce travail de balayage impliquerait la mise en cohérence globale d'autres textes.
La commission rejette l'amendement.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement CS3860 de M. Jean-Luc Lagleize.
Amendement CS3550 de M. Jimmy Pahun.
Il s'agit, à l'alinéa 2, d'envisager l'application d'une taxe de solidarité à partir du moment où le trafic aérien retrouverait non pas le niveau de passagers de l'année 2019 mais celui qu'il était avant le 31 décembre 2022.
Il n'est pas souhaitable que le nombre des passagers retrouve le niveau enregistré en 2019 : la multiplication des lignes low-cost ne saurait être un objectif de politique publique. Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) du secteur aérien, il faut apprendre à consommer autrement. Il est donc symboliquement délicat de faire de cet élément le point de départ d'une nouvelle trajectoire du prix du carbone pour l'aérien. Au demeurant, le nombre de passagers n'est pas en lui-même un critère suffisant pour apprécier la reprise de l'activité du secteur aérien. Enfin, le président du Groupe ADP nous a indiqué que le nombre de passagers, de 110 millions en 2019, était tombé à 30 millions à peine en 2020 : comment retrouver le niveau de 2019 ?
Cet amendement vise à fixer à 2022 la date à partir de laquelle un mécanisme alternatif au mécanisme européen, notamment une augmentation de la « taxe Chirac », pourrait être mis en œuvre. Je rappelle que cette taxe a déjà été augmentée dans la loi de finances pour 2020. Par ailleurs, le délai proposé me paraît trop court. Avis défavorable.
Même avis, pour les raisons exposées ce matin. J'ai évoqué la trajectoire de décarbonation suivie par les exploitants, les opérateurs et l'industrie aéronautique, les objectifs de compétitivité, le besoin de connectivité ainsi que les efforts entrepris en matière d'harmonisation sociale – car certaines des compagnies low-cost, dont vous avez évoqué le développement désordonné, ont profité des zones grises du droit européen. Ces différents éléments devraient être de nature, dans un contexte où beaucoup d'entreprises connaîtront des difficultés financières, à assainir le secteur et à en contrôler la croissance.
Je soutiens l'amendement de M. Pahun, car il soulève le problème de fond, que nous repoussons depuis le début de l'examen du texte : celui de la juste part que doit prendre chaque mode de vie ou de consommation. Ramener le secteur aérien à sa juste part, ce n'est pas revenir à la situation d'avant-crise ; c'est adopter d'autres pratiques de mobilité, promouvoir un autre équilibre entre les modes de transport, voire renoncer à certains déplacements qui produisent une émission de carbone trop importante, au nom de l'intérêt général et du partage des ressources. C'est pourquoi la référence proposée dans l'amendement me paraît très judicieuse.
Je soutiens, moi aussi, cet amendement. L'enjeu n'est pas de ralentir la hausse du trafic aérien ou de faire en sorte que celui-ci retrouve un niveau comparable à ce qu'il était avant la pandémie, mais bien de réduire ses émissions de CO2.
Le Gouvernement choisit-il de retenir comme référence le trafic de 2019 par facilité ou parce qu'il est établi que les besoins structurels en matière de déplacements aériens correspondent au volume atteint cette année-là ? Ne pourrait‑on pas estimer qu'un niveau égal à 80 % du trafic de 2019 constituerait un point d'équilibre, dans la mesure où il permettrait d'exclure les vols superflus qui pouvaient exister en 2019 ?
N'oublions pas que le transport aérien est un marché européen, et non franco-français. Dès lors, retenir la date de 2022 reviendrait à taxer l'aérien français à un moment où le trafic, qui a chuté de 70 % en 2020, n'aura pas retrouvé son niveau d'avant-crise puisque celui-ci pourrait être atteint au mieux en 2023.
Faut-il pour autant attendre qu'il ait retrouvé le niveau de 2019 ? Je suis d'accord avec vous, on peut se poser la question. Quoi qu'il en soit, il faut profiter de ce temps pour aboutir à la création d'une taxe, de préférence à l'échelle européenne, et obtenir la baisse des quotas gratuits. J'ajoute que nous adopterons tout à l'heure une mesure de compensation carbone des vols intérieurs, qui devrait faire baisser mécaniquement le trafic, de sorte que nous ne sommes pas près de retrouver le niveau de 2019.
Si nous avons choisi pour référence le trafic de l'année 2019, c'est notamment parce qu'il sert de base au mécanisme de régulation internationale Carbon Offsetting and Reduction Scheme for International Aviation (CORSIA).
En fait, nous avons là un débat politique qu'il faut assumer en tant que tel et qui porte sur le choix entre la décroissance ou une décarbonation du secteur qui s'accompagne d'éléments de régulation sociale et économique et de la volonté de préserver la compétitivité de nos entreprises. N'avançons pas masqués !
La commission rejette l'amendement.
Amendement CS4723 de Mme Souad Zitouni.
Les députés du groupe LaREM estiment fondamental que l'État joue son rôle d'accompagnateur en aidant le secteur aérien – qui est le premier à s'être assigné des objectifs de réduction de son empreinte carbone – à réaliser sa transition.
À cet égard, le développement des biocarburants à destination du secteur aérien constitue une piste d'avenir, qui n'est pas encore mature. La substitution progressive de carburants moins émetteurs de carbone doit être accompagnée et amplifiée. C'est pourquoi nous proposons de demander au Gouvernement de présenter au Parlement, dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la loi, un rapport sur la stratégie française de promotion d'une filière de biocarburants afin de respecter les objectifs de la stratégie nationale bas‑carbone.
Nous avons lancé, en février 2020, avec Élisabeth Borne, un appel à projets portant sur les biocarburants aériens, de sorte que nous avons d'ores et déjà la capacité de développer une filière française autour des huiles et graisses usagées, des déchets agricoles et forestiers ou des carburants de synthèse. Je m'en remets donc à la sagesse de la commission mais, depuis un an, nous avons progressé dans ce domaine.
Nous défendrons de manière très claire, en séance publique, la position suivante : les consommations superflues, qui grèvent les capacités de survie de la planète, ne peuvent pas être justifiées par le recours aux biocarburants ou à des énergies renouvelables. Un tel choix remettrait en cause les équilibres alimentaires et ne serait supportable pour la planète qu'au détriment d'autres mobilités, indispensables à des personnes qui cherchent à survivre.
Le débat sur la décroissance du secteur aérien est en effet capital. Je partage les réserves exprimées par Dominique Potier. À ce propos, dans le système CORSIA, l'huile de palme est admise parmi les agrocarburants. Je souhaiterais donc savoir si le plan annoncé par le Gouvernement, qui concerne notamment Air France, porte sur les huiles de récupération et exclut explicitement les ressources liées à la déforestation importée ou à une concurrence d'usages des terres agricoles en France.
Lorsque nous avons créé la taxe incitative relative à l'incorporation de biocarburants (TIRIB), nous avons explicitement exclu les carburants composés d'huile de palme.
Monsieur Potier, il n'y a pas de concurrence entre la filière des biocarburants durables destinés à l'aviation et la production agricole. Je rappelle que les moteurs peuvent recevoir, dès aujourd'hui, jusqu'à 50 % de biocarburants et qu'il n'y a pas d'obstacle technologique à ce que ce taux soit porté à 100 % demain. Le recours aux biocarburants permet donc de décarboner très rapidement « en dur », sans concurrence avec les terres agricoles. J'ajoute qu'il est transitoire : il permet de faire la jonction avec le saut technologique que constituent l'hydrogène et l'hybridation.
Les biocarburants ne créent pas une concurrence d'usages des terres agricoles. À l'instar de la méthanisation, ils peuvent être vus comme un complément lié à la valorisation des déchets. Par ailleurs, n'oublions pas la recherche sur les biocarburants de deuxième génération. Je pense, par exemple, aux travaux que mène l'Institut français du pétrole (IFP) Énergies nouvelles dans ce domaine, notamment au projet Futurol ; auquel je vous invite à vous intéresser. Laissons donc faire la recherche et encourageons l'État à jouer un rôle de stratège ! L'objet du rapport que nous demandons est d'évaluer les différents aspects de la question, de déterminer ce que l'on doit faire dans ce domaine et comment le faire, et non d'opérer des choix.
La commission adopte l'amendement.
Elle adopte l'article 35 modifié.
Section 2 Autres dispositions
Avant l'article 36
Amendements identiques CS2634 de Mme Émilie Cariou, CS2826 de Mme Jennifer De Temmerman et CS4568 de M. Loïc Prud'homme, amendements CS2156 de M. Gérard Leseul et CS2655 de Mme Laurence Vichnievsky (discussion commune).
L'amendement CS2634 a pour objet de reprendre la proposition de la Convention citoyenne d'augmenter la taxe dite « Chirac », c'est-à-dire l'éco‑contribution sur les billets d'avion. Je rappelle que de nombreux pays européens vont plus loin que la France dans ce domaine. La mesure proposée rapporterait 4 milliards d'euros à l'État.
L'article 35 donne l'illusion que l'on va faire quelque chose, mais il est assorti d'un si grand nombre de conditions qu'en vérité, on ne fera rien ! Si l'aérien est un enjeu majeur de la lutte contre le changement climatique, il faut mobiliser tous les moyens disponibles, et l'éco-contribution sur les billets d'avion en est un, pour diminuer le trafic.
L'amendement CS2156 a pour objet de renforcer la taxation sur les billets d'avion en classe affaires et en première ainsi que sur les trajets en jet privé. Cette démarche peut paraître symbolique, mais elle traduit notre volonté de faire en sorte que l'empreinte carbone soit partagée.
Vous proposez d'augmenter la fameuse « taxe Chirac », dont j'ai rappelé que nous l'avions déjà augmentée dans les lois de finances précédentes. Certes, durant la pandémie, son rendement a été nul. Mais, selon les scénarios les plus optimistes, il pourrait atteindre 91 millions d'euros en 2022, 126 millions en 2023 et 164 millions en 2024. Il ne me semble donc pas pertinent de l'augmenter outre mesure, eu égard à la situation dans laquelle se trouvera le transport aérien à l'issue de la crise sanitaire. Avis défavorable.
Dans beaucoup de pays, le niveau de la taxation est très inférieur à celui de notre pays. Je pense notamment à un pays que l'on cite souvent en exemple, la Suède, où il est deux fois moindre qu'en France. Quant au Royaume Uni, il a récemment annoncé une baisse de sa fiscalité sur les billets d'avion. D'où l'importance de progresser – et nous aimerions que vous soyez à nos côtés – dans le domaine de l'harmonisation sociale, car définir des règles sociales au niveau européen est un moyen de réguler par le prix.
Vous voulez renchérir le transport aérien pour en organiser la décroissance. Nous voulons, quant à nous, décarboner le secteur et préserver les libertés : c'est un choix de société différent.
Je ne suis pas adepte de l'augmentation des taxes, surtout lorsqu'elle crée une concurrence déloyale. De fait, les compagnies aériennes sont soumises à une concurrence qui, par définition, se moque des frontières nationales. Dès lors, à quoi bon décider une augmentation qui aurait pour seule conséquence de rendre plus attractives les compagnies des pays voisins – Alitalia, easyJet, Swissair, Lufthansa… – ou plus lointains – Qatar Airways, Emirates, Etihad Airways, Royal Air Maroc ou Turkish Airlines ? Dans ce domaine, il nous faut absolument avancer de manière coordonnée au niveau européen, faute de quoi non seulement on ne réduit pas d'un gramme les émissions de CO2, mais on offre le marché aux compagnies étrangères.
Comprenons-nous bien : le prix du billet et les taxes sont loin d'être le seul levier utilisable. En revanche, le transport aérien bénéficie depuis des années d'exonérations – taxe sur le kérosène, TVA – qui ne peuvent pas être maintenues. Par ailleurs, je tiens à le rappeler, la situation dans laquelle se trouve le secteur aéronautique n'est pas due à la transition écologique ou à des décisions relevant de la lutte contre le changement climatique, mais à une pandémie qui, sans vouloir rouvrir le débat, pourrait avoir pour origine les activités humaines.
Nos désaccords doivent être extrêmement clairs : nous pensons, quant à nous, qu'il faut agir sur le prix des billets d'avion.
Nous examinons bien un projet de loi visant à lutter contre le changement climatique, n'est-ce pas ? Alors, pourquoi nous parle-t-on de concurrence ? Le secteur aérien, qui, faut-il le rappeler, est la première source de croissance des émissions de CO2, bénéficie de nombreux avantages fiscaux et de mesures importantes du plan de relance. Il faudrait savoir ce que l'on veut !
La logistique du dernier kilomètre, comme les voyages à 2 000 kilomètres en classe affaires ou en jet privé, illustre les limites du modèle libéral. Je ne suis pas du tout favorable à un système administré, mais on peut admettre qu'eu égard à l'enjeu climatique, certaines régulations sont indispensables. Pour ce qui est du dernier kilomètre, le jeu de la concurrence a conduit à multiplier le coût carbone des livraisons, qui est reporté sur les producteurs et contribue à diminuer la chaîne de valeur. Les rares Français concernés par la mesure que nous proposons appartiennent à coup sûr au 1 % des personnes les plus aisées du monde qui émettent plus de CO2 que la moitié de l'humanité. Si à chaque fois que nous proposons une mesure de régulation, on la refuse au prétexte que ces personnes iront à l'étranger, on se retrouve dans une impasse !
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements identiques CS685 de Mme Delphine Batho et CS4165 de M. Damien Adam, rapporteur thématique.
En 2016, 53 % des cadres supérieurs déclaraient avoir pris l'avion au cours de l'année précédente tandis que seulement 28 % des employés et 19 % des ouvriers avaient utilisé ce moyen de transport. Par ailleurs, 20 % des Français n'ont jamais pris l'avion – je ferme la parenthèse.
Selon le Gouvernement, il n'y pas de débat sur l'empreinte carbone du secteur aérien,…
… dont je rappelle qu'il représente pourtant 22 % du budget carbone. Votre stratégie consiste, premièrement, à renouveler la flotte : les progrès réalisés en la matière, même s'ils ont été effacés par la croissance du trafic aérien au cours des dernières années, sont réels – les procédés développés dans une usine aéronautique située dans ma circonscription permettent de réduire de 10 % les émissions de CO2 des avions. Deuxièmement, à miser sur la recherche et développement concernant l'avion à hydrogène : celui-ci ne figure pas dans le calendrier du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) – il ne verra pas le jour avant 2030…
Je n'ai pas encore présenté mon amendement !
Madame la présidente, c'est un sujet qui mérite une véritable discussion. Comment nous proposez-vous de procéder ?
Vous avez une minute pour présenter votre amendement, puis je vous redonnerai la parole pour en débattre, comme je l'ai fait jusqu'ici. Votre amendement est donc défendu, n'est-ce pas ?
Je n'ai pas pu le soutenir, non, mais disons qu'il est défendu. On ne peut pas aller au fond des sujets.
On peut saluer l'action menée par la majorité et le Gouvernement pour inciter le secteur aérien à se transformer ; je pense notamment à l'augmentation de la « taxe Chirac ». Nous devons néanmoins faire un effort supplémentaire en portant, à moyen terme, le taux de TVA sur les billets des vols domestiques, qui est actuellement de 10 % – ce qui correspond à un avantage fiscal important –, à 20 %. On sait que l'impact des taux de TVA réduits est très faible sur les prix mais très fort sur les pertes de recettes fiscales, qui empêchent de mettre en œuvre des mesures de transition écologique plus fortes.
Le secteur aérien ne se portant pas bien en cette sortie de crise, l'État est présent pour soutenir l'emploi. Les arguments des auteurs des amendements sont tout à fait pertinents et il faudra sans doute réfléchir un peu plus tard à la mesure qu'ils proposent mais, dans le contexte actuel, il ne me paraît pas judicieux d'augmenter le taux de TVA sur les billets d'avion.
Il faut, en effet, tenir compte du contexte. Ensuite, on observe que, lorsqu'une ligne TGV est ouverte, le report de l'avion vers le train est très important. Ainsi, il n'existe pratiquement plus de liaisons aériennes entre Strasbourg et Paris, et le TGV est un concurrent de l'avion sur la liaison Paris-Bordeaux. Par ailleurs, le poids de la fiscalité est déjà l'un des plus élevés d'Europe.
Non, la fiscalité globale est, en France, dans ce secteur, comme dans pratiquement tous les autres du reste, l'une des plus élevées d'Europe. Enfin, nous avons évoqué la décarbonation technique.
Encore une fois, nous avons un débat sur l'objectif politique que nous visons.
Dans le contexte actuel, il faudrait baisser le taux de TVA sur les billets de train – c'était l'objet d'un amendement que nous avons examiné hier – et appliquer un taux normal sur les billets d'avion. C'est une question de cohérence, dans un contexte d'urgence climatique.
Hier, nous avons autorisé les très gros SUV équipés d'un très petit moteur électrique à entrer dans les zones à faibles émissions (ZFE). Cette mesure a été qualifiée de superfétatoire par Mme la ministre, mais elle a été adoptée en raison de son caractère symbolique. Quand allons-nous différencier les fiscalités applicables respectivement au train et à l'avion ?
Je suis contre toute baisse de TVA, y compris dans le secteur ferroviaire, car j'estime que ce n'est pas la bonne solution pour inciter notamment les ménages les plus modestes à prendre davantage le train. Je suis favorable à une application uniforme du taux de TVA de 20 %.
Je comprends les arguments du ministre et du rapporteur : peut-être le moment n'est‑il pas propice à une augmentation du taux de TVA sur les billets d'avion, d'autant que l'industrie aéronautique représente une part importante du PIB de notre pays. Toutefois, j'observe que le projet de loi définit une trajectoire de suppression progressive de l'avantage fiscal sur la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) dont bénéficie le secteur du transport routier. Je souhaiterais donc savoir, monsieur le ministre, si vous êtes prêt à vous engager à supprimer, à moyen terme, le taux réduit de TVA sur les billets d'avion des vols domestiques ?
La commission rejette les amendements.
Article 36A (nouveau) : Demande de rapport au gouvernement sur la tarification des billets d'avion
Amendement CS5065 du rapporteur.
Je propose qu'à l'issue de la présidence française de l'Union européenne, en 2022, le Gouvernement présente au Parlement un rapport relatif aux moyens de lutter contre la vente à perte de billets d'avion. Cela me semble primordial pour corriger les distorsions de concurrence dans le secteur aérien.
Je crains que les gens qui nous écoutent n'aient le sentiment que nous discutons à partir d'une photographie de 2019 : cette année-là, 22 % des émissions de CO2 étaient liées au transport aérien ; on prévoyait une explosion des achats d'avions et du développement du secteur aérien. L'aéroport de mon département, la Haute-Savoie, est celui de Genève. Alors qu'il s'agit de l'aéroport le plus dynamique d'Europe, son trafic est actuellement compris entre 5 % et 8 % de ce qu'il était il y a deux ans. Cela nous invite, je crois, à l'humilité. Qui, parmi nous, peut avoir une idée du nombre de passagers qu'accueillera le secteur aérien dans l'après-covid, du nombre d'avions achetés, d'emplois industriels maintenus ? Nous avons peu pris la parole sur ces amendements, car la situation actuelle et à venir du secteur aérien nous inspire beaucoup de respect.
On bute sur des questions de concurrence européenne, qui ruinent tout effort national de régulation du transport aérien par rapport aux autres modes – je ne parle pas de décroissance. Pour la fiscalité européenne, Gabriel Zucman a imaginé un système de compensation qui permettrait aux États de récupérer une taxation minimale ; j'aimerais que, dans le rapport, on intègre à la réflexion cette hypothèse de capacité d'une régulation nationale sur un évident dumping environnemental et social à l'échelle européenne.
Martial Saddier a bien posé les termes du débat : le secteur aérien subit la crise la plus violente qu'il ait jamais connue. Soit on considère que c'est un trou d'air et on espère que le secteur va repartir de la même façon, sans en être sûr – le tourisme international, les voyages d'affaires vont-ils reprendre, après la découverte de la visioconférence ? Soit on considère que ce n'est pas souhaitable pour des raisons climatiques.
Notre industrie aéronautique est la deuxième du monde ; son coefficient multiplicateur, de 4,8, est le plus élevé de France, et elle occupe la deuxième place nationale pour la R&D. L'enjeu industriel est donc majeur. Notre propos est de regarder les choses en face : puisque la lutte contre le changement climatique impose de réduire le trafic aérien, transférons les compétences et les savoir-faire des ingénieurs, des ouvriers, des PME, des ETI et des grands groupes vers d'autres secteurs industriels.
Je salue l'initiative du rapporteur. Son amendement rappelle l'engagement très fort qui est pris dans l'optique de la présidence française de l'Union européenne, en 2022, et la perspective de la régulation de la concurrence au sein de l'Union.
Je pourrais reprendre à mon compte tout l'argumentaire de Mme Batho, mais pas sa conclusion. L'activité de notre industrie très puissante, de nos ingénieurs très performants s'exerce sur 50 % de la flotte mondiale. S'ils se consacraient à réduire de 25 % la consommation de cette part de la flotte, l'effet serait bien plus fort que par la limitation de l'avion en France. La consommation d'un A340 – de l'ordre de 4 litres aux 100 kilomètres par passager est du même ordre de grandeur que celui d'une voiture individuelle. Gardons un outil productif puissant en France pour pouvoir influer durablement sur ce que sera l'aviation civile de demain et en réduire ses impacts environnementaux.
Je ne pense pas qu'il faille transférer les salariés de l'industrie aéronautique dans d'autres secteurs industriels. L'aéronautique produit des avions pour le marché mondial, qui comporte peu d'acteurs : Boeing, Airbus – et leurs sous‑traitants – et peut-être des acteurs chinois en train d'émerger. Les salariés français doivent être en mesure d'assumer cette mission. Par ailleurs, notre aéronautique produit des équipements militaires. Si l'on transférait tous les savoir-faire et l'ensemble de la R&D vers d'autres secteurs industriels, nous n'aurions plus aucune compétence pour garantir notre souveraineté militaire et la sécurité nationale et européenne. Le secteur aéronautique français est une fierté et doit perdurer.
La commission adopte l'amendement.
Amendement CS4678 de M. Guillaume Kasbarian.
L'article 58 de la loi de finances de 2021 prévoit l'obligation d'incorporation de 1 % de biocarburants de nouvelle génération dans les carburéacteurs aéronautiques au 1er janvier 2022. Je ne suis pas certain que la production de biocarburants de nouvelle génération soit assez forte et structurée pour répondre à la demande. Si tel n'était pas le cas, la disposition que nous avons votée constituerait, en réalité, une nouvelle taxe sur les compagnies françaises. Il paraît donc nécessaire d'obtenir, d'ici au prochain projet de loi de finances, des informations pour s'assurer que l'on va dans la bonne direction. D'où cette demande de rapport.
Votre demande me semble satisfaite par l'adoption, à l'article 35, de l'amendement CS4723 de Mme Zitouni. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Si l'on gardait les mandats d'incorporation actuels, nos besoins s'élèveraient à 160 000 tonnes en 2025, tandis que les capacités de production françaises atteindraient 170 000 tonnes dès 2024. On doit pouvoir étendre les mandats d'incorporation fixés pour 2022, 2025 et 2030, au gré du développement de la filière française et européenne.
L'enjeu n'est pas de réduire de 25 % la consommation en carburant des avions et, ce faisant, de polluer moins vite : c'est en valeur absolue qu'il ne faut pas ajouter de CO2 dans l'atmosphère. Je vous invite tous à lire l'appel des 700 étudiants du secteur de l'aéronautique et les prises de position des salariés et des syndicats de cette filière, qui plaident l'urgence à diversifier et montrent que notre situation de mono-industrie nous rend extrêmement vulnérables.
Le rapport, publié il y a quelques jours, du collectif SUPAERO-DECARBO a ceci d'intéressant qu'il démontre les compétences techniques du secteur aéronautique. Soit on croit au progrès technique – pour les vaccins, pour l'aéronautique, pour tout –, soit on n'y croit pas, pour tout.
L'industrie aéronautique est tournée vers la défense et 60 % de ses métiers sont spécifiques : il n'y a pas de transfert aisé vers des industries telles que le ferroviaire ou les télécommunications.
Par ailleurs, le secteur du numérique pèse d'ores et déjà plus que celui de l'aéronautique, et sa croissance est beaucoup plus forte. De 4 % actuellement, la part des émissions de gaz à effet de serre dont il est responsable devrait monter à 9 % d'ici à 2025 et doubler d'ici à 2030. Si l'on appliquait votre philosophie d'interdiction et de régulation de l'exercice de libertés fondamentales, quel sort serait réservé au numérique, sachant que les vidéos en ligne représentent 60 % des pratiques du secteur ? Comment finirait l'histoire avec ce quota carbone individuel défendu par Thomas Piketty et d'autres ? On commence par interdire aux gens de se déplacer, puis on régule leur bande passante en ligne… Comment cela finit-il ?
Nous avons des compétences extraordinaires pour transformer les secteurs. Nous bénéficions, dans le domaine aéronautique, d'une industrie d'envergure mondiale, qui dispose de compétences extrêmement spécialisées, d'un niveau très élevé. Par le progrès technique et par des incitations et des régulations économiques, sociales et politiques, nous assurerons cette transformation globale. J'ai du mal à voir la cohérence entre ce que vous prônez pour le secteur aéronautique et ce que vous proposeriez pour d'autres secteurs.
Depuis la fin de la Seconde guerre mondiale et, en particulier, depuis le début de la Ve République, nous avons bâti notre souveraineté autour du nucléaire, conçu une organisation territoriale, construit des villes nouvelles… À aucun moment n'a été posée la question des mobilités contraintes – pour ne pas dire inutiles – des passagers ou des mobilités désordonnées des marchandises. On gagnerait énormément à les faire disparaître.
Nous aurions intérêt à discuter collectivement de la situation actuelle et des perspectives d'avenir d'une filière dont la majorité des acteurs ne se demandent pas s'ils représenteront la principale source de pollution en 2035 mais, tout simplement, s'ils vont survivre.
L'amendement est retiré.
Section 2 Autres dispositions
Article 36 (article L. 6412-3 du code des transports) : Interdiction des vols réguliers en cas d'alternative en train d'une durée de moins de deux heures trente
Amendement de suppression CS3862 de M. Jean-Luc Lagleize.
L'article 36 prévoit d'interdire l'exploitation de services aériens sur des liaisons intérieures, dès lors que le recours à un autre moyen de transport collectif moins émetteur de CO2 assure un trajet de moins de deux heures trente. Or la filière aéronautique a les deux genoux à terre ; elle ne survit que grâce aux subsides publics. Dans ma seule circonscription, 250 emplois sont déjà perdus et 250 autres sont menacés chez Thales, qui a toutefois les moyens d'assurer la reconversion des salariés.
On voit apparaître, à l'heure actuelle, des modèles de développement de l'avion électrique, qui a vocation à accueillir quelques dizaines de personnes pour un vol d'une ou deux heures. Ce type d'expérimentation pourrait être intéressant pour l'avenir.
Je suis opposé à la suppression de l'article, car il est nécessaire de poser le cadre des deux heures et demie lorsqu'existe une possibilité d'emprunter le train. La France sera le premier pays à prendre cette mesure qui constitue un élément essentiel de régulation du trafic aérien, mais aussi de problématiques industrielles et de désenclavement des territoires. L'équilibre ainsi établi me semble satisfaisant. Avis défavorable.
La philosophie du Gouvernement est d'assurer un service utile aux usagers, de leur permettre d'exercer leur liberté – fondamentale – de déplacement, tout en décarbonant le secteur et en assurant la cohésion des territoires. Par exemple, le grand Massif central a besoin d'une connectivité aérienne, en complément du train. Les entreprises, le secteur des déplacements touristiques ont, par ailleurs, des besoins spécifiques. Au regard des exigences d'aménagement du territoire, des capacités technologiques, de la desserte ferroviaire, la limite de deux heures trente paraît adaptée. Elle est de nature à assurer la cohésion territoriale tout en augmentant d'un cran la décarbonation du secteur des transports.
Vous avez raison de parler du grand Massif central. De manière plus générale, considérez les avantages que présente, pour certaines villes, la présence d'un aéroport de taille adaptée au développement de vols d'affaires, nécessaires à la venue d'industriels et d'investisseurs. Alors que le modèle de l'avion électrique commence à montrer son intérêt et qu'il faut pérenniser, il pourrait être menacé par cet article. Je suis défavorable à une interprétation trop stricte des deux heures et demie.
Nous sommes favorables au principe posé par l'article, mais nous vous proposerons, par des amendements d'appel, de discuter de la possibilité d'instituer des seuils différents. Une autre voie que nous explorons, sur laquelle je travaille depuis quelques années, est la suppression de la différence de taxation entre les billets de train et les billets d'avion. Ce principe me paraît le plus intéressant, car il introduit un critère de justice dans la prise en compte des externalités.
Monsieur Turquois, nous devons nous dire que, dans le monde d'après, si on sait organiser les transitions de manière solidaire, il y aura plus d'emploi partagé qu'il n'en existe aujourd'hui.
Monsieur le ministre, vous évoquez l'exercice d'une liberté fondamentale ; nous parlons, pour notre part, d'équilibre des libertés entre les uns et les autres.
Je suis opposée à cet amendement. Monsieur le ministre, nous avons déposé de nombreux amendements sur la sobriété numérique : tous été repoussés.
Je suis favorable à ce qu'on supprime l'usage inutile de l'avion quand une autre possibilité existe, à la régulation de l'usage de l'avion et à l'application de quotas carbone sur les billets d'avion. Je n'ai jamais dit qu'il fallait interdire l'avion.
Si l'on adopte cette interdiction, ne risque-t-on pas d'enclaver des territoires situés à moins de deux heures et demie de train, dans le cas où ils seraient frappés par une catastrophe naturelle qui bloquerait les voies ferrées ? J'ai le souvenir d'inondations qui, durant une semaine, ont rendu l'autoroute impraticable entre Montpellier et Nîmes. Ce sont des réalités qui ne doivent pas être oubliées.
Le contexte est que, concomitamment à la crise, un plan de réorganisation du groupe Air France-KLM produira ses effets jusqu'en 2022. Non seulement des lignes fermeront, mais d'autres ne rouvriront pas : on parle de plus de onze lignes partout en France. Cela entraînera une diminution de la connectivité.
En cas d'urgence, le droit autorise beaucoup de choses ; des dispositions réglementaires ne sauraient entraver notre capacité d'action.
Après quatre interventions sur la situation dramatique du transport aérien restées sans réponse, je commençais à m'interroger. Je tiens donc à vous remercier, monsieur le ministre, d'avoir déclaré que le Gouvernement n'est pas insensible à la situation du secteur aérien.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CS600 de Mme Delphine Batho.
Il s'agit d'une proposition de réécriture de l'article 36.
Lorsque j'ai proposé, en 2019, la suppression des liaisons aériennes inutiles – celles qui assurent des liaisons avec des villes parfaitement bien desservies par le TGV –, j'ai entendu beaucoup de cris : proposition pas très sérieuse, pour le ministre François de Rugy, manifestement contraire à la liberté d'entreprendre et à celle d'aller et venir, et certainement inconstitutionnelle, pour la ministre Élisabeth Borne. Je me réjouis donc qu'une disposition aille dans ce sens
Cependant, votre rédaction est très éloignée de la proposition de la Convention citoyenne, qui visait une alternative ferroviaire possible en moins de quatre heures. Cette solution éviterait 33 % des émissions des vols, quand la vôtre n'en concernerait que 2,2 % – 6,6% des vols métropolitains. Je précise que ma rédaction prend en considération la qualité de la desserte ferroviaire, ce qui exclut, par exemple, une ville comme Clermont-Ferrand, qui ne dispose pas d'une gare TGV.
Nous préférons nous en tenir aux deux heures et demie de trajet, non seulement pour des raisons d'aménagement du territoire, mais aussi pour parer au risque de report du trafic aérien, par exemple de l'aéroport de Lyon sur celui de Genève
Vous souhaitez que les créneaux horaires libérés par l'interdiction de l'exploitation de certaines lignes aériennes ne soient pas attribués aux compagnies pour d'autres liaisons. Cette proposition semble pertinente mais, après analyse, n'est pas conforme à la réglementation européenne : le règlement (CEE) n° 95/93 du Conseil, du 18 janvier 1993, ne rend possible l'inutilisation des créneaux qu'à des conditions très restrictives. Avis défavorable.
Même avis. Je respecte votre point de vue, madame Batho, mais nous défendons des projets différents. Vous voulez obstinément organiser la décroissance du secteur ; nous entendons résolument le décarboner tout en préservant nos libertés. Je crains que nous ne puissions rapprocher nos positions. Avis défavorable.
Lorsque le Président de la République a reçu les membres de la Convention citoyenne pour le climat, le 29 juin 2020, il leur a indiqué que le texte qui serait présenté au Parlement retiendrait la limite des deux heures trente. Nous suivons une logique de décarbonation et engageons les moyens nécessaires, au travers du plan de relance. Nous plaçons ainsi la France dans une position de leader mondial en matière de transition écologique. Ce texte est aussi marqué par une volonté de changer la société. La dynamique des deux heures trente est un moyen de faire évoluer les mentalités et de faire comprendre que le train peut constituer une solution de remplacement. Elle constitue un point d'équilibre.
Je remercie M. le ministre de ne pas oublier que la France est un pays frontalier et que, de part et d'autre de Biarritz et Lille, par exemple, il y a des aéroports internationaux. Merci de ne pas condamner le transport aérien du côté français au profit de celui qui se trouve à quelques centaines de mètres de la frontière – en Haute-Savoie, l'aéroport de Genève est même à 50 mètres de celle-ci.
À ma connaissance, la liaison ferroviaire Lille-Biarritz prend plus de quatre heures !
Monsieur le ministre, votre schéma de l'avion du futur ne s'inscrit dans aucun scénario d'élévation de la température moyenne terrestre de 2 degrés compatible avec la nécessité, affirmée par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 45 % entre 2010 et 2030. Le temps nécessaire à la recherche et à la certification de l'avion à hydrogène ne permet pas d'espérer des résultats demain matin. En attendant, on est obligé de prendre des dispositions sérieuses de réduction du trafic aérien. L'adoption de mon amendement conduirait à éviter l'émission de 0,4 million de tonnes de CO2 par rapport au dispositif du Gouvernement.
À mon tour de vous renvoyer au remarquable rapport de SUPAERO-DECARBO, qui étudie les trajectoires et les conditions permettant d'atteindre – ou pas – les objectifs de neutralité carbone en 2050. N'oublions pas que l'histoire connaît des accélérations : l'année dernière, le consensus scientifique tablait sur un vaccin élaboré en sept ans. J'aborde donc tous ces sujets avec beaucoup d'humilité. Certains disent aujourd'hui que les objectifs de limitation des émissions de CO2 d'ici à 2050 sont inatteignables, alors même que l'on ne sait pas ce que produira le progrès technologique dans les dix ans à venir. Ce que je sais, en revanche, c'est que pour décarboner le transport aérien, nous avons toutes les cartes en main : une industrie d'envergure mondiale, des écoles de tout premier plan, des opérateurs extrêmement compétents, des exploitants aéroportuaires qui ont déjà largement engagé la transition. Si un pays doit y arriver, c'est bien le nôtre. Permettez-moi d'afficher l'optimisme de la volonté.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CS1570 de M. Pierre Vatin.
Les passagers ne sont pas les seuls qui pourraient prendre le train. En matière de fret, un gros travail reste à faire pour rediriger les marchandises vers le rail.
Les enjeux du transport de passagers et du fret ne sont pas les mêmes, et la représentation nationale a besoin d'être éclairée sur ces problématiques. Jean-Luc Fugit présentera un amendement demandant un rapport sur ce sujet, auquel je donnerai un avis favorable. J'émets, en revanche, un avis défavorable au vôtre.
L'amendement est retiré.
La commission adopte l'amendement rédactionnel CS2893 du rapporteur.
Amendements identiques CS599 de Mme Delphine Batho, CS1300 de Mme Nathalie Bassire, CS2635 de Mme Émilie Cariou, CS2866 de M. Matthieu Orphelin et CS4667 de Mme Nadia Essayan.
Il s'agit de demander des clarifications au rapporteur sur le sens des mots « sans correspondance » à l'alinéa 4 : parle-t-on bien de l'absence de correspondance de la liaison ferroviaire ?
Monsieur le ministre, le rapport de SUPAERO-DECARBO met en avant, à juste titre, la question de la temporalité, qui est au cœur de notre divergence. Mes propositions sont dictées par l'urgence, qui commande de réduire le trafic sans attendre la réussite de paris technologiques. On a le droit d'investir sur ces derniers mais les solutions se font encore attendre.
Les termes « sans correspondance » concernent effectivement le train. Avis défavorable.
Au passage, il faut absolument que l'ensemble des opérateurs ferroviaires, à commencer par la SNCF, mais aussi Air France travaillent à des billets permettant d'articuler des trajets à la fois par train et avion. Ils ont commencé, mais plusieurs aspects doivent être approfondis, telle la prise en charge des bagages lors des correspondances.
Cette nécessaire complémentarité entre l'avion et le train, nous sommes en train de l'organiser. Cela nécessitera d'améliorer les infrastructures pour accroître la fluidité, notamment, en effet, s'agissant du transfert des bagages. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Je retire mon amendement si j'ai confirmation que les mots « sans correspondance » concernent le train.
Je suis prêt à travailler avec vous, madame Batho, à la rédaction d'un amendement de clarification.
L'amendement CS599 est retiré.
La commission rejette les amendements restants.
Suivant l'avis du rapporteur, elle rejette l'amendement CS3864 de M. Jean-Luc Lagleize.
Amendement CS601 de Mme Delphine Batho, amendements identiques CS2167 de M. Gérard Leseul, CS2200 de M. Frédéric Reiss, CS4481 de M. François Ruffin, CS5356 de Mme Émilie Cariou et CS5359 de M. Matthieu Orphelin, amendements identiques CS1372 de M. Luc Lamirault, CS2169 de M. Gérard Leseul et CS2656 de Mme Laurence Vichnievsky, et amendement CS3863 de M. Jean-Luc Lagleize (discussion commune).
Cet amendement correspond à la proposition SD-E2 de la Convention citoyenne relative à l'alternative ferroviaire en moins de quatre heures. Dans son avis sur le projet de loi, le Haut Conseil pour le climat a souligné que « L'article 36 portant sur la fin du trafic aérien sur les vols intérieurs là où il existe une alternative bas-carbone en moins de deux heures trente concerne huit liaisons qui ne représentaient en 2019 que 10 % du trafic de passagers aérien métropolitain. Cette limite fixée à deux heures trente est beaucoup trop basse, et une partie de ce trafic pourrait par ailleurs être maintenue lorsqu'il s'agit de transporter des passagers en correspondance. Parce qu'elles ne s'appliquent qu'à une faible proportion des pratiques émettrices, l'ambition de ces mesures pourrait être largement rehaussée en élargissant leur périmètre d'application. » Tel est l'objet de l'amendement.
Je voudrais avoir deux clarifications. Premièrement, quelle est la différence en termes d'émissions de CO2 entre un trajet en train de trois à quatre heures et son équivalent en avion ? Deuxièmement, quel est le temps réel que l'on gagne en prenant l'avion, compte tenu du temps d'embarquement, et quel est le coût carbone de ces minutes grappillées ?
L'amendement CS4481 tend, lui aussi, à rétablir la durée de trajet fixé par la Convention citoyenne pour l'alternative bas-carbone, qui était de quatre heures et non de deux heures trente.
Au collègue qui demandait humblement comment va survivre le secteur aérien, je réponds, tout aussi humblement : comment allons-nous vivre ? Comment les jeunes vont-ils pouvoir continuer à respirer ? Il faut privilégier les secteurs qui permettent de respirer correctement, c'est-à-dire, tout simplement, de vivre.
On nous dit qu'il existerait un modèle économique de décarbonation du secteur, qui serait viable et dont la mise en place pourrait s'accélérer. La loi ne peut-elle pas précisément accélérer la recherche et le développement ? Ce que la Convention citoyenne propose, c'est d'organiser « progressivement » la fin du trafic aérien sur les vols intérieurs concernés d'ici à 2025. Cela laisse trois ans !
En l'état, le projet de loi ne s'appliquerait pas aux liaisons Paris-Marseille et Paris-Montpellier, qui prennent trois heures en TGV. Ces amendements, c'est du concret !
Dans ma vie de parlementaire, j'ai déjà connu la bascule de l'aérien vers le train, avec la mise en service de la ligne à grande vitesse Paris-Strasbourg, qui a provoqué un effondrement du trafic de l'aéroport de Strasbourg. Pour ce qui me concerne, j'ai économisé beaucoup de trajets en automobile. C'est d'une efficacité remarquable, et c'est ce qui explique le seuil de durée de trajet retenu par le Gouvernement.
L'objet de l'amendement CS1372 est néanmoins de prendre aussi en considération les lignes intercités et de fixer en conséquence ce seuil à trois heures trente.
Une telle durée de trajet permettrait, en outre, de couvrir les liaisons Paris-Montpellier et Paris-Marseille.
Avis défavorable sur l'ensemble des amendements. Au risque de me répéter, il convient de mesurer les conséquences que chacune de ces options aurait sur l'enclavement des territoires. Cela risque, en outre, de provoquer un report non sur le train, mais sur d'autres aéroports, par exemple de l'aéroport de Lyon vers celui de Genève, ce qui aurait des conséquences graves sur l'emploi sans contribuer en rien à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Même avis. Les calculateurs existent, monsieur Potier, même s'ils sont encore imparfaits. Si l'on compare, pour le trajet Paris-Bordeaux, les émissions des CO2 de l'avion, du train et de la voiture, elles sont respectivement de 2 kilogrammes, de 70 kilogrammes et de 113 kilogrammes – le faible bilan carbone du train provenant du fait qu'il tire son énergie de la production nucléaire : tout est dans tout !
Nous assumons totalement d'exclure du dispositif les trajets en correspondance. Quand on prend l'avion pour aller de Marseille à Roissy-Charles-de-Gaulle, c'est dans 80 % des cas parce qu'on est en correspondance vers des destinations internationales. Nous ne souhaitons pas imposer à ces passagers de prendre la route et encombrer davantage encore le périphérique.
Tout en respectant le travail de la Convention citoyenne pour le climat, je voudrais rappeler trois dates : 4 octobre 2019, installation de la Convention citoyenne ; 17 mars 2020, premier confinement ; aujourd'hui, 14 mars 2021, discussion du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. N'oublions pas qu'entre le 4 octobre 2019 et le 14 mars 2021, il s'est passé quelque chose sur la planète Terre.
Je voudrais revenir sur la question des intercités. Ce qui joue aussi pour l'accès aux grandes villes, c'est l'état des trains. Or, aujourd'hui, hormis sur les lignes desservies par des TGV, celui-ci ne permet pas de s'engager plus avant dans la réduction du trafic aérien. L'État a annoncé la rénovation de plusieurs lignes, dont la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, dite ligne POLT ; celle de petites lignes sont prévues dans le cadre de contrats de plan État-région. Vu la crise que nous traversons, peut-être serait-il nécessaire d'attendre un peu avant de prendre de nouvelles mesures.
Premièrement, il n'y a aucune raison de maintenir les liaisons aériennes Paris-Marseille et Paris-Montpellier.
Deuxièmement, ce que vous dites, monsieur Saddier, n'est pas tout à fait exact. D'abord, les propositions de la Convention citoyenne pour le climat ont été rendues publiques en juin, soit bien après le début de la pandémie. Ensuite, ce que la Convention citoyenne a dit au sujet de cette pandémie, c'est qu'elle devait être un motif d'accélération, et non de ralentissement de la transition écologique dans un esprit de justice sociale. En particulier, des propositions très fortes ont été formulées sur l'écoconditionnalité des aides en faveur du secteur aérien ou du secteur automobile, dont nous ne pouvons malheureusement pas débattre dans le cadre de ce projet de loi en raison de l'irrecevabilité dont ont été frappés nombre d'amendements.
Je suis tout à fait en phase avec M. Saddier. Du fait de la crise, des dizaines de milliers de familles se trouvent dans une situation extrêmement difficile, ainsi que des milliers d'entreprises, de sous-traitants et de territoires. Ils ont la tête sous l'eau. Il est inconcevable de les laisser ainsi. Il faut impérativement les aider. La solidarité nationale doit s'exprimer. Nous devons accompagner cette filière et nos concitoyens, afin qu'ils retrouvent un minimum de stabilité.
Je trouve les solutions proposées par certains collègues d'une violence incroyable. Je suis désolé, mais on ne peut pas transformer du jour au lendemain des dizaines de milliers d'emplois d'ingénieurs et de techniciens. Si un patron avait dit cela, on en aurait entendu des vertes et des pas mûres ! C'est d'une violence sociale, d'un cynisme qui me surprend.
Il ne faudrait surtout pas minimiser la portée de la mesure incluse dans le projet de loi. Je crois que nous sommes le premier pays en Europe, voire dans le monde, à la prendre. Non seulement elle aura un réel impact sur le bilan carbone, mais elle envoie aussi un message extrêmement fort aux Français, et contribue à l'évolution des mentalités. Néanmoins, pour qu'elle s'applique, il faut qu'il existe une alternative crédible : un trajet de deux heures trente en train en est une ; un trajet de quatre heures, non. De plus, la loi donne une direction, mais les Français peuvent décider d'eux-mêmes d'aller plus loin.
La commission rejette successivement les amendements.
Suivant l'avis du rapporteur, elle rejette l'amendement CS5368 de M. Jean-Luc Lagleize.
Amendements CS4964 et CS3223 de M. Jean-Marie Sermier (discussion commune).
Il convient de demander aux collectivités territoriales concernées leur avis sur la suppression des liaisons aériennes. On ne peut imaginer que les collectivités ne soient pas consultées.
Nous partageons votre souci de concertation avec les élus locaux, et c'est d'ailleurs ce qui est fait. Ainsi, lors de la fermeture par Air France de la ligne Orly-Bordeaux Mérignac, le préfet a-t-il réuni l'ensemble des acteurs et des élus concernés afin de travailler sur des solutions alternatives. Avis défavorable, les amendements étant satisfaits.
J'anime, pour ma part, un conseil ministériel consacré à la desserte et nous avons installé, avec Joël Giraud, un comité dédié à la transformation du groupe Air France-KLM et à la desserte des territoires dans la complémentarité entre transport aérien et transport ferroviaire. En outre, Jean-Marc Zulesi l'a indiqué, des concertations ont lieu sous l'égide des préfets. Enfin, les opérateurs ont largement consulté les élus locaux, afin d'aborder cette grande transformation de la manière la plus harmonieuse possible. Demande de retrait ou, à défaut, un avis défavorable.
Que le préfet soit consulté, c'est bien, mais ce que nous demandons, c'est que nos concitoyens le soient aussi, par le truchement de leurs élus.
Ces amendements m'apparaissent dans la continuité de l'intervention de M. le rapporteur général, qui a versé quelque peu dans la caricature. Il serait bon d'avoir un débat plus constructif. Au groupe Libertés et territoires, ce que nous cherchons, c'est à supprimer les mobilités qui ne seraient pas nécessaires, grâce notamment au télétravail et à une stratégie d'aménagement du territoire, une dimension qui manque cruellement à ce projet de loi – mais peut-être est-ce volontaire, dans l'attente du projet de loi dit 4D ? Les enjeux liés à la mobilité, ce ne sont pas que des interdits et des emplois à sauver ; ce sont aussi des équilibres à trouver entre les territoires.
Il faut quand même noter qu'à chaque fois que le rapporteur général prend la parole, c'est pour dire qu'il ne faut pas aller trop vite, alors que nous nous trouvons dans une situation d'urgence climatique.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS603 de Mme Delphine Batho.
Monsieur le ministre, je vous signale que le rapport SUPAERO-DECARBO, que vous avez pris comme référence, promeut l'arrêt des vols intérieurs dès lors qu'une alternative ferroviaire existe en moins de quatre heures trente !
L'amendement CS603 vise trois objectifs. Il s'agit d'abord de s'assurer que les créneaux aéroportuaires libérés ne seront pas attribués à d'autres. Ensuite, il convient de supprimer la dérogation générale accordée aux vols en correspondance ; à défaut, le bénéfice en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre serait considérablement réduit, puisque, sans exonération, la mesure toucherait 11,2 % des émissions des vols métropolitains contre 6,6 % avec exonération. Enfin, il importe de supprimer la dérogation fondée sur le mensonge selon lequel il y aurait des services aériens qui pourraient être considérés comme assurant un transport majoritairement décarboné : cela ouvre une brèche pour la compensation carbone des vols et la non-suppression des liaisons inutiles.
Avis défavorable. On peut le regretter, mais, du fait de la réglementation européenne, il est impossible d'interdire l'attribution à d'autres compagnies aériennes des créneaux non utilisés.
La gare de Lyon Saint-Exupéry se trouve juste à côté de chez moi ; je m'y rends chaque semaine. Ce que je pourrais faire, s'il n'y a plus de vols en correspondance pour Paris, c'est tout simplement prendre la voiture pour aller à Genève ou à Francfort, dont l'aéroport international est très chouette : comme ça, il y aura un report sur la route, plus un report du trafic aérien sur un autre aéroport et on finira par planter Roissy. Il faut faire attention à ce que l'on dit : comme le soulignait Martial Saddier, nous ne sommes pas tout seuls !
Pardon, mais vu les chiffres fournis par le Gouvernement dans l'étude d'impact concernant le nombre de liaisons liées aux vols en correspondance, on bascule dans le cosmétique !
D'ailleurs, comment cette exonération va-t-elle s'appliquer ? Considérera-t-on qu'à partir du moment où un avion est rempli à 51 % de passagers en correspondance, la liaison doit être maintenue ? Ce qu'on nous propose d'adopter, c'est une mesure de pur affichage, sans aucun effet sur le climat !
La commission rejette l'amendement.
Suivant l'avis du rapporteur, elle rejette l'amendement CS4599 de Mme Nadia Essayan.
Amendements identiques CS2331 de M. Gérard Leseul, CS2636 de Mme Émilie Cariou, CS5354 de Mme Nathalie Bassire et CS5358 de M. Matthieu Orphelin.
L'enjeu est de savoir si l'interdiction que l'on prend est purement symbolique, et que c'est, comme le dit le rapporteur général, aux Français de faire le reste, ou si elle est significative – et, disant cela, je n'ai pas l'impression d'être cynique. Je ne pense pas qu'un trajet de trois ou quatre heures bouleversera la vie des gens. On ne va pas changer de civilisation, ni même porter atteinte aux libertés ; il s'agit simplement de partager l'effort de réduction de l'empreinte carbone.
Par ailleurs, dès lors qu'il existe une liaison alternative par voie ferrée ou des transports en commun performants, il n'y a aucune raison que les correspondances fassent l'objet d'une dérogation.
La décision que nous avons à prendre n'est pas anodine : souhaitons-nous remettre l'avion à sa juste place ou continuer comme avant, ou presque ?
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette les amendements.
Amendement CS3115 de M. Philippe Naillet.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CS3147 du rapporteur et CS3865 de M. Jean-Luc Lagleize (discussion commune).
Je propose de supprimer l'adverbe « majoritairement » avant « décarboné ». Cela permettrait de répondre aux critiques qui ont été émises et de clarifier l'article.
En conséquence, j'émets un avis défavorable sur l'amendement CS3865.
Avis favorable sur l'amendement CS3147 et demande de retrait de l'amendement CS3865.
On en vient à se demander à qui le Gouvernement compte appliquer la disposition… L'alinéa 5 ouvre tant de brèches, il y a tellement de possibilités de contournement qu'on se demande qui, en définitive, va être concerné ! « Décarboné », c'est quand il n'y a pas de carbone du tout, ce n'est pas quand il y a un peu moins d'émissions de CO2.
Je souhaiterais donc connaître le nombre exact de vols concernés. Dans l'étude d'impact, on dit que la mesure pourrait concerner huit liaisons, mais, sur certaines d'entre elles, la part des vols en correspondance atteint 70 % : il est donc probable qu'elles ne seront pas supprimées.
L'amendement CS3865 est retiré.
La commission adopte l'amendement CS3147.
Amendements identiques CS5353 de Mme Nathalie Bassire, CS5357 de M. Matthieu Orphelin, CS5364 de M. Gérard Leseul et CS5365 de Mme Émilie Cariou.
L'objectif de l'interdiction étant d'obtenir un effet bénéfique sur le climat, il convient de veiller à ce que les créneaux aéroportuaires libérés ne soient pas réaffectés à d'autres liaisons. Il s'agit d'un point capital. J'ai bien entendu ce qu'a déclaré tout à l'heure M. le rapporteur, mais je serais curieuse de savoir ce que M. le ministre a à dire sur le sujet.
Je n'arrive pas à comprendre ce que pourrait être un avion décarboné. Pourriez-vous nous donner une explication technique, notamment par comparaison avec les autres moyens de transport que vous avez mentionnés ?
On a parlé de cynisme. Dans un autre domaine, cela fait plusieurs années qu'en cas de sécheresse, on interdit le remplissage des piscines et l'arrosage des gazons afin de réserver l'eau à l'agriculture. Eh bien, pour l'aviation, il s'agit de définir, dans une période de crise aiguë, la juste émission de carbone. Il n'y a aucun cynisme dans cette approche.
Je le répète : ce que vous proposez n'est tout simplement pas conforme à la législation européenne. Avis défavorable.
Les collectivités territoriales qui verront leurs lignes supprimées – il y en aura onze cette année – ne trouvent pas que cette mesure soit anecdotique ou symbolique. Quand une dizaine d'aéroports régionaux, tous à vocation généraliste et qui n'ont pas de modèle économique soutenable, vont être conduits soit à se rapprocher, soit à trouver, avec notre aide, des synergies, on est pour le coup dans une réduction sèche de la connexion aérienne entre les territoires. Pour ceux-ci, la décroissance est d'ores et déjà une réalité.
Une aviation décarbonée, monsieur Potier, c'est un avion qui consomme des biocarburants, et c'est aussi une électrification des opérations aéroportuaires, des trajectoires optimisées en vol, en montée et en descente, bref, tout un continuum qui permettra d'émettre moins de carbone.
C'est du greenwashing, ça ! Décarboné, cela veut dire neutre en carbone, aucune énergie fossile, et non 1 % d'agrocarburants !
Par ailleurs, je n'accepte pas que les décisions ayant trait à la transition écologique soient à chaque fois rapportées à la situation du secteur, de ses salariés, des collectivités territoriales, des personnels des aéroports etc. Cela n'a rien à voir ! Nous assumons les transformations à engager, mais il ne faut pas mettre les difficultés actuelles sur le dos de l'écologie.
La commission rejette les amendements.
Amendement CS813 de Mme Delphine Batho.
Il convient que l'évaluation de la mesure soit réalisée par le Haut Conseil pour le climat.
Il importe de saluer le travail réalisé par le Haut Conseil pour le climat, et je crois que Mme la présidente de la commission a d'ailleurs déposé un amendement visant à renforcer son rôle. Néanmoins, une telle mission n'entre pas dans ses prérogatives. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement CS3866 de M. Jean-Luc Lagleize.
Amendement CS816 de Mme Delphine Batho.
Dans son avis sur le projet de loi, le Haut Conseil pour le climat, dont le rapporteur vient de louer les qualités, indique que « des précisions sont attendues sur la cohérence globale de la stratégie du Gouvernement sur l'encadrement du secteur aérien national, quand une vingtaine de nouvelles lignes intérieures sont prévues pour ouverture en 2021 par la filiale low-cost d'Air France. » Peut-être M. le ministre nous indiquera-t-il que l'ouverture de ces lignes, prévue avant la pandémie, n'est plus d'actualité ? Quoi qu'il en soit, l'objet du présent amendement est, dès lors qu'on décide de privilégier le train et de mettre fin à un certain nombre de liaisons aériennes, de faire en sorte qu'on n'en ouvre pas de nouvelles.
Il y a eu quelques confusions sur ce sujet, Air France ayant transféré des lignes à Transavia. Il reste que le solde net de ces opérations est la fermeture de onze lignes du groupe Air France-KLM. Cela représente une très forte réduction, donc une moindre liaison aérienne entre les territoires, et cela indépendamment des effets de la crise.
La commission rejette l'amendement.
Amendements identiques CS4316 de M. Jean-Luc Fugit et CS4712 de M. François Pupponi et sous-amendements CS5384 et CS5383 du rapporteur.
L'article 36 ne concerne que le transport de personnes. Or de nombreuses lignes intérieures sont utilisées pour le transport de marchandises. Mon amendement tend à demander au Gouvernement un rapport sur la possibilité d'étendre l'interdiction aux vols de fret entre l'aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle et les métropoles situées à moins de deux heures trente en train. La France dispose d'infrastructures de transport de marchandises au sol bien moins polluantes et tout aussi rapides, pour des distances courtes, que le transport aérien, notamment les voies ferroviaires et fluviales, qui sont sous-exploitées.
Le sous-amendement CS5384 est rédactionnel. Quant au CS5383, il vise à supprimer la mention du projet Carex (Cargo Rail Express), de sorte que le rapport ait une portée beaucoup plus large.
Avis favorable sur les amendements identiques, sous réserve que les sous‑amendements soient adoptés.
Avis de sagesse sur les amendements, sous réserve de l'adoption des sous-amendements.
Par cohérence, je voterai en faveur de ces amendements, en formant le vœu que l'on s'intéresse réellement au ferroviaire et que l'on trouve une autre alternative au transport en camion que l'avion.
Je suis assez étonné par ces amendements, même si je vais voter en leur faveur, puisqu'il s'agit d'une simple demande de rapport. Les réponses, il me semble qu'on les connaît déjà. Le volume concerné ? Probablement limité. La complication ? Probablement importante : vous allez invoquer des ruptures de charges, l'aéroport Charles-de-Gaulle étant l'un des plus importants d'Europe pour le fret. Enfin, certains produits sont transportés par avion pour des raisons de sécurité, afin de les protéger du vol.
Les demandes de rapports me laissent toujours circonspecte. Néanmoins, il me semble nécessaire de s'intéresser au fret aérien, d'autant que celui-ci augmente fortement du fait du développement du e -commerce. C'est un débat que nous aurons à l'article 52.
La commission adopte successivement les sous-amendements et les amendements identiques sous-amendés.
Amendement CS602 de Mme Delphine Batho, CS3668 et CS3867 de M. Jean-Luc Lagleize, et CS427 de M. Martial Saddier (discussion commune).
Initialement, l'entrée en vigueur de l'interdiction avait été fixée au 31 octobre 2021. Pourquoi l'avoir reportée au printemps 2022 ?
L'amendement CS427 est défendu. J'ajoute que la représentation nationale ayant, de par la Constitution, la mission de contrôler l'action du Gouvernement, je demande que, pour la séance, le Gouvernement nous délivre un certain nombre d'informations, notamment un état des lieux précis du transport aérien en France, avec le nombre de salariés en chômage partiel et le nombre de personnes qui ont déjà perdu leur travail. Je le dis encore une fois sans aucune volonté polémique, mais avec respect et beaucoup d'humilité : je crains que nos discussions ne soient en total décalage avec ce que vivent les employés du secteur. Et je pense qu'en formulant cette demande, je vous rends d'une certaine manière service, monsieur le ministre.
Je comprends l'objectif de vos amendements. Toutefois, il faut absolument laisser à la Commission européenne le temps de travailler et de remettre à l'État son avis sur ce sujet. Avis défavorable.
Le report de la date répond à des considérations pratiques : l'examen par le Parlement, la publication et l'exécution des décrets, le fait que l'aéronautique fonctionne par saison – la négociation des programmes de services se fait plusieurs mois à l'avance –, tout cela nous emmène mécaniquement au printemps 2022.
Je reste à votre disposition pour répondre à vos interrogations sur les effets des mécanismes d'amortissement et de relance que nous avons créés pour faire face à la crise, ainsi que sur l'impact très concret que celle-ci a eu sur l'emploi – pour l'instant, cela tient parce que les dispositifs sont importants, mais il sera nécessaire de faire le bilan très concret de l'impact profond et durable que la crise aura eu sur le secteur.
La question de la date de mise en œuvre est très pertinente. J'ai peur qu'elle soit trop précoce. J'entends que c'est la crise sanitaire, et non la transition écologique, qui met la filière en difficulté. Toutefois, demander à celle-ci de s'adapter alors qu'elle est à terre lui fait courir un risque majeur. Pour situer les ordres de grandeur, en Occitanie, elle représente 300 000 employés et 40 % de l'emploi industriel. Nous avons intérêt à avoir une filière forte et qui fera réaliser des économies de consommation de carbone à la flotte mondiale, plutôt que de la remettre en difficulté en voulant régler un problème franco-français. Nous allons trop vite dans l'application de cette mesure.
La commission rejette successivement les amendements.
Elle adopte l'article 36 modifié.
Suspension de la réunion de seize heures trente-cinq à seize heures cinquante-cinq.
Après l'article 36
À la demande du rapporteur, les amendements CS3760 et CS3761 de Mme Anne-France Brunet sont retirés.
Article 37 (article L. 122-2-1 [nouveau] du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique) : Impossibilité de déclaration d'utilité publique en cas de construction ou d'extension d'aérodrome
Amendement de suppression CS3869 de M. Jean-Luc Lagleize.
L'article 37 n'est pas pertinent, car il n'est pas possible de définir à l'avance si l'on aura besoin de revenir sur un aménagement d'aéroport à l'avenir.
La commission rejette l'amendement.
Amendements identiques CS679 de Mme Delphine Batho et CS2868 de M. Matthieu Orphelin, et amendements identiques CS1262 de M. Loïc Dombreval et CS4482 de Mme Mathilde Panot (discussion commune).
Il s'agit de traduire la proposition de la Convention citoyenne de mettre fin à la construction de nouveaux aéroports ou à leur extension. Le dispositif du Gouvernement, en ne visant que les projets ayant besoin d'être reconnus d'utilité publique, exclut tous les projets en cours qui n'ont pas besoin de déclaration d'utilité publique (DUP), tels que Marseille, Lille, Rennes ou Montpellier. De plus, la rédaction du Gouvernement autorise des extensions et des créations sous couvert de greenwashing – ou écoblanchiment .
La décision de mettre fin à ces projets d'extension d'aéroports relève du bon sens, pour des raisons écologiques mais aussi par réalisme : la pandémie oblige en effet à remettre à plat toutes les projections de croissance du secteur aérien, sur lesquelles étaient fondés ces projets d'extension.
Cette proposition issue du Réseau Action Climat tend à interdire les nouvelles constructions ou les agrandissements d'aéroports. En l'état, le texte limite l'impact de cette interdiction.
Je tenais à dire que l'expression « cynisme social » employée un peu plus tôt m'a choquée. Toute mutation, comme le numérique, apporte son lot de cynisme social – il n'est pas là où vous pensez.
Il est nécessaire de conserver les dispositifs d'encadrement proposés dans le cadre de l'article 37, à la fois ambitieux et pragmatiques. Avis défavorable.
Ce dispositif met fin à des projets comme la deuxième piste à Bordeaux ou le doublement des pistes à Lyon. Nombre d'aéroports régionaux devront trouver des synergies ou fermer. Nous avons préservé les projets ayant bénéficié d'une DUP et purgé tous les recours. Par ailleurs, les projets d'extension-création feront l'objet d'un bilan coût-bénéfice sur le plan économique, social et environnemental, de manière à préserver l'équilibre de cet article indispensable. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
Pour que tout soit bien clair, il n'y aura donc pas d'arrêt des projets d'extension d'aéroports en France. Monsieur le ministre, pourriez-vous commenter la déclaration du président du Groupe ADP, qui a indiqué que le Gouvernement lui avait demandé un projet de futur terminal, alors que le T4 devait être abandonné ?
Il n'a pas dit cela ; ce n'est pas le verbatim de sa déclaration. Nous avons parlé pendant deux heures de la transition énergétique du secteur et nous avons défini un cadre permettant, le cas échéant, de mener des projets aéroportuaires axés sur la transition énergétique du secteur, par exemple pour accueillir le futur avion décarboné à hydrogène. Il me semble donc nécessaire de préserver cette possibilité.
La commission rejette successivement les amendements.
Elle adopte l'amendement rédactionnel CS2939 du rapporteur.
Amendement CS2170 de M. Gérard Leseul.
Pour ramener l'aviation à sa juste place, il faut redimensionner les aéroports. Nous proposons de substituer à la déclaration d'utilité publique la délivrance d'un permis d'aménager.
Dans cette logique, il faut absolument préserver les plateformes existantes. Or l'absence de sécurité juridique ne permet pas d'assurer le maintien de la totalité des plateformes en France. Il faudra probablement combler cette lacune en séance.
La commission rejette l'amendement.
Suivant l'avis du rapporteur, elle rejette l'amendement CS5308 de Mme Zivka Park.
Amendements CS673 de Mme Delphine Batho et CS5309 de Mme Zivka Park (discussion commune).
La mention de la compensation des émissions de gaz à effet de serre à l'article 37 autorise potentiellement tous les projets de création ou d'extension d'aéroport à voir le jour, sous couvert de greenwashing. C'est une remise en cause manifeste de la proposition SD-E3 de la Convention citoyenne pour le climat.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS815 de Mme Delphine Batho.
Il vise à prendre en compte dans le bilan carbone les effets liés au forçage radiatif résultant de l'aviation.
Je trouve la proposition tout à fait intéressante. Plusieurs études soulignent les effets négatifs du forçage radiatif, notamment sur les émissions de gaz à effet de serre. Toutefois, nous devons être éclairés sur ce point avant de travailler à une proposition sur le sujet. En l'état, j'émets un avis défavorable.
Nous avons lancé, il y a trois ou quatre mois, un travail scientifique avec l'institut Pierre-Simon Laplace et l'Office national d'études et de recherches aérospatiales (ONERA) visant à objectiver scientifiquement les effets CO2 et hors CO2, et à étudier ainsi la totalité du forçage radiatif. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
Tant mieux s'il y a ces travaux, mais le GIEC a déjà remis un rapport relativement clair et précis sur le sujet. Par ailleurs, je déplore le dispositif de compensation.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CS4051 de Mme Aude Luquet.
Il vise à interdire les projets de travaux et d'ouvrages ayant pour objet la création ou l'augmentation des capacités d'accueil des aéronefs, des passagers ou du fret d'un aérodrome ouvert à la circulation aérienne publique, s'ils ont pour effet d'entraîner une augmentation nette, après compensation, des émissions de gaz à effet de serre.
Cet amendement est satisfait, car une déclaration d'utilité publique est délivrée après une enquête publique qui permet d'étudier les conséquences du projet sur la biodiversité. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'amendement rédactionnel CS2937 du rapporteur.
Amendement CS3773 de M. Alain Perea.
Il s'agit de permettre le maintien de services de transport de voyageurs par avion pour des impératifs d'aménagement du territoire.
Nous souhaitons tous une politique ambitieuse en matière d'aménagement du territoire, mais je ne veux en aucun cas dénaturer la portée de l'article 37. Avis défavorable.
Demande de retrait, car l'amendement est satisfait. L'État soutient déjà les lignes d'aménagement du territoire dans un objectif de désenclavement.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CS5310 de Mme Zivka Park.
Il vise à exclure du champ de l'interdiction les projets rendus nécessaires par des raisons sanitaires.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte l'amendement.
Amendement CS3871 de M. Jean-Luc Lagleize.
L'objectif est d'autoriser la modification du périmètre d'un aéroport pour des motifs tenant à la transition écologique ou à la décarbonation du transport aérien. Modifier les pistes peut avoir des effets positifs sur le bruit et la consommation de carburant.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CS4052 de M. Jean-Luc Lagleize.
La filière aéronautique française est la seule, avec celle des États-Unis, à pouvoir développer et construire les avions de demain. Elle a besoin pour cela des aéroports. L'amendement vise à étendre la dérogation prévue à l'article 37 aux impératifs de souveraineté économique et stratégique, dans le but d'assurer le développement économique de cette filière d'excellence qu'est l'aéronautique.
Je ne souhaite pas allonger la liste des dérogations, d'autant que votre amendement est en partie satisfait. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
L'amendement est retiré.
Amendement CS3870 de M. Jean-Luc Lagleize.
Il faut pouvoir adapter les aéroports pour réduire les nuisances sonores, principale source de critiques dans leur voisinage.
Les travaux visant à réduire les nuisances sonores n'entraînent pas d'augmentation de la capacité d'accueil des aéroports, qui pourrait conduire à une augmentation du trafic. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendements CS683 et CS5375 de Mme Delphine Batho.
Il me paraît surréaliste de ne pas envisager l'arrêt des extensions d'aéroports, non seulement pour des raisons écologiques et climatiques, mais aussi en raison de la situation du secteur. C'est faire comme s'il n'y avait pas de pandémie, comme si les projections de multiplication par deux du trafic aérien d'ici à 2035 étaient maintenues. Ce n'est pas du tout réaliste. Il est donc proposé de supprimer différentes mentions qui organisent un contournement manifeste de la proposition de la Convention citoyenne et de faire référence, pour ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre, au budget carbone et à la stratégie bas-carbone.
La complémentarité du dispositif – compensation, fiscalité, réglementation, normes – permet d'atteindre l'objectif de décarbonation. Avis défavorable.
Tous les projets d'extension d'aéroports étaient fondés sur la projection de multiplication par deux du trafic aérien d'ici à 2035. C'est impensable au regard de l'urgence climatique ; de plus, cela ne correspond pas à la situation dans laquelle nous nous trouvons. Vous écrivez que l'on prendra en considération les émissions de gaz à effet de serre en fonction de l'évolution prévisionnelle à moyen terme du trafic aérien, en fonction des émissions des aéronefs, en fonction des compensations. Ce n'est donc pas l'arrêt des projets d'extension d'aéroports – je voulais que cela soit bien clair.
La commission rejette successivement les amendements.
Suivant l'avis du rapporteur, elle rejette successivement les amendements CS5311 de Mme Zivka Park et CS4412 de Mme Fiona Lazaar.
Amendements CS680 de Mme Delphine Batho et CS3872 de M. Jean-Luc Lagleize (discussion commune).
En cherchant à bloquer l'évolution des aéroports, on raisonne à technologie constante. Or nous ne savons pas ce que sera la mobilité dans dix ou vingt ans. Il est contre-productif de fixer des dates aussi proches que 2022.
Je suis formellement opposé au report de la date d'entrée en vigueur de cet article. Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS4485 de Mme Mathilde Panot.
Il s'agit d'inscrire dans la loi l'annonce du Gouvernement en date du 11 février dernier d'arrêter le projet de terminal 4, dit T4, de l'aéroport Charles‑de‑Gaulle, afin de garantir qu'il ne s'agit pas que d'un effet d'annonce.
Le projet d'extension de l'aéroport de Roissy‑Charles-de-Gaulle a été annulé en concertation avec l'ensemble des acteurs, en particulier les collectivités territoriales. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
Notre objectif est de préserver la connectivité en France – les hubs européens se font concurrence entre eux –, tout en s'assurant que les projets aéroportuaires sont compatibles avec nos engagements sur le climat. Avis défavorable.
Le message est clair : les annonces fracassantes et tapageuses que le Gouvernement avait faites sur l'abandon du T4 ne sont pas confirmées.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'article 37 modifié.
Après l'article 37
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement CS1319 de Mme Frédérique Meunier.
Amendements identiques CS4317 de M. Jean-Luc Fugit et CS4714 de M. François Pupponi.
L'objectif est de réduire, dans les zones aéroportuaires, les émissions de gaz à effet de serre et de polluants de proximité issus des moteurs des groupes auxiliaires de puissance et des engins de pistes nécessaires à l'exploitation des aéroports. Il serait fait obligation aux exploitants aéroportuaires et aux sociétés d'assistance en escale de réaliser les investissements nécessaires et de faire l'acquisition d'engins plus propres d'ici à 2024. La qualité de l'air que respirent les personnels travaillant dans les aéroports s'en trouverait significativement améliorée. Beaucoup de pays ont avancé sur ces sujets ; il est temps que la France en fasse autant.
Je propose l'échéance de 2024 parce que je souhaite que nous soyons exemplaires pour l'accueil des Jeux olympiques en France – j'aurais préféré proposer 2023 pour la Coupe du monde de rugby, mais cela ne sera sans doute pas possible.
Nous partageons tous la volonté d'améliorer la qualité de l'air que respire le personnel travaillant à proximité des avions. Toutefois, renouveler l'ensemble du matériel roulant pour accueillir des véhicules moins lourds et plus propres en seulement deux ans semble difficile. Demande de retrait en vue d'un retravail pour la séance ; sinon, avis défavorable.
Les opérations d'électrification et de décarbonation des opérations au sol sont déjà très largement en cours. L'objectif de neutralité carbone est fixé pour les aéroports à 2030, et beaucoup s'y sont attelés. Je vous propose d'y retravailler d'ici à la séance pour étudier quelques hypothèses et voir si ces dates sont tenables.
J'ai omis de préciser que j'avais travaillé avec l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA). Je suis tout à fait disposé à rendre mon amendement un peu plus réaliste en termes de calendrier en vue de la séance.
Les amendements sont retirés.
Article 38 (section 7 [nouvelle] du chapitre IX du titre II du livre II du code de l'environnement) : Mécanisme de compensation des émissions de gaz à effet de serre du secteur aérien à l'intérieur du territoire national
Amendements de suppression CS604 de Mme Delphine Batho, CS869 de M. Julien Aubert, CS3873 de M. Jean-Luc Lagleize, CS4486 de M. Loïc Prud'homme et CS4985 de M. Jean-Marie Sermier.
La compensation emporte beaucoup d'idées fausses, notamment celle que l'on peut continuer à émettre si l'on plante des arbres. Seulement, pour 179 millions de passagers aériens en France en une année, il faudrait en planter 1,8 milliard, et, pour compenser nos émissions en excès à l'échelle planétaire, il faudrait recouvrir d'arbres la totalité des terres cultivées du monde. De plus, un arbre ne pousse pas instantanément et ne stocke pas le carbone de façon permanente. Je suis pour les arbres, mais je suis aussi pour la réduction des émissions de CO2.
Le dispositif du Gouvernement a été très critiqué par le Haut Conseil pour le climat ; il n'est pas fidèle non plus à la proposition de la Convention citoyenne, qui n'envisageait la compensation que pour les vols résiduels, en particulier les vols obligatoirement maintenus pour l'outre-mer et pour la Corse. La compensation du secteur aérien relève avant tout d'une stratégie de greenwashing.
Nous souhaitons la suppression de cet article, mais pour des raisons opposées à celles de Mme Batho. Certes, on ne part pas d'une situation idéale, mais le but est de supprimer progressivement les émissions de gaz à effet de serre. Il existe déjà la mesure de compensation des émissions de CO2 CORSIA pour les vols internationaux et un système similaire européen d'échange de quotas. Nous trouvons donc cette mesure supplémentaire inutile, voire contreproductive pour l'aviation française.
La compensation carbone est une illusion qui ne repose sur aucune base scientifique solide. De plus, ce dispositif ne prévoit qu'une compensation de 50 %, alors que la Convention citoyenne demandait une compensation intégrale. Nous souhaitons donc la suppression de cet article inefficace, illusoire et limité.
Plutôt que de surpénaliser et taxer les constructeurs d'avions, mieux vaudrait leur permettre d'investir leur argent dans les nouveaux modes de transport en avion afin de lutter contre les gaz à effet de serre.
Il faut analyser l'article 38 à l'aune de toutes les dispositions que nous avons adoptées depuis hier pour réduire, éviter et compenser les émissions dans le secteur de l'aviation. Nous devons pouvoir en discuter, car c'est l'occasion d'évoquer les mécanismes de séquestration du carbone développés par certaines entreprises et de financer ces projets essentiels pour nos territoires. Avis défavorable.
Planter des arbres me paraît être l'une des grandes politiques de l'État, indépendamment des objectifs de compensation. Celle‑ci n'est d'ailleurs pas restrictive : elle recouvre certes la plantation d'arbres, mais aussi l'utilisation de matériaux bas-carbone dans la construction ; c'est un continuum de dispositifs qui, cumulés, permettent d'atteindre les objectifs de neutralité carbone du secteur.
D'un côté, vous défendez l'idée de décarboner le secteur et, de l'autre, vous parlez de séquestrer le carbone. Il faudrait savoir ! Je ne suis pas une spécialiste mais j'essaye de comprendre la logique.
Les dispositions de l'article 38 sur la prétendue compensation doivent se lire avec celles des articles 36 et 37. Dans la mesure où les liaisons pourront être maintenues et les aéroports pourront être étendus sous couvert de compensation, on voit bien, en fait, le sens de cet article 38.
Je soutiens ces amendements en raison de l'existence d'un risque d'accaparement des terres motivé par ces compensations carbone, qui ont un effet très néfaste sur la sécurité alimentaire des communautés paysannes concernées. Nous pourrons approfondir ce sujet en séance, mais il faudrait que le ministre nous renseigne sur les effets pervers des compensations carbone.
Si je comprends que la pertinence des compensations soit un point de désaccord entre nous, l'alinéa 9 de l'article 38 n'en prévoit pas moins qu'à compter du 1er janvier 2024, les exploitants compensent 100 % de leurs émissions. Par ailleurs, nous avons discuté hier, avec nos collègues Valérie Petit et Frédérique Tuffnell, des puits de carbone. Le dispositif de l'article 38 nous permettra de financer ces initiatives ; il est donc tout à fait pertinent.
Les puits de carbone permettent d'éviter les émissions de CO2 et de créer des carburants de synthèse pour l'aviation. Cela suppose notamment la création, en amont, de la filière hydrogène.
La commission rejette les amendements.
Amendement CS1257 de Mme Maina Sage.
Cet amendement tend à exonérer les vols intérieurs depuis et vers l'outre-mer de l'obligation de compensation carbone.
Les outre-mer n'ont pas d'alternative au transport aérien, hormis le bateau. De plus, nos concitoyens devront consentir d'importants efforts pour préserver la richesse de l'extraordinaire biodiversité de ces territoires. Il s'agit donc en quelque sorte d'éviter une double peine.
L'amendement est pleinement satisfait puisque les vols effectués entre l'Union européenne et les territoires d'outre-mer ne sont pas soumis aux obligations de la directive européenne, afin de préserver la continuité territoriale.
L'amendement est retiré.
Amendement CS4686 de M. Guillaume Kasbarian.
Il s'agit d'éviter une double compensation des émissions de gaz à effet de serre. Ce risque important, évoqué page 24 de l'avis du Conseil d'État, a aussi été soulevé par la Confédération française démocratique du travail (CFDT) dans son avis, par Air France et par le Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL).
Le mécanisme de compensation institué par cet article et le système communautaire d'échanges des quotas d'émissions (SEQE-UE ou EU ETS en anglais) constituent deux mécanismes distincts, visant des objectifs différents. L'amendement est satisfait. Demande de retrait.
Il n'y a pas de double compensation. Il existe, d'une part, le programme CORSIA de compensation et de réduction du carbone pour l'aviation internationale, pour les vols internationaux et, d'autre part, le système EU ETS mis en œuvre pour les vols au sein de l'Union européenne, destinés à maîtriser le volume global des émissions. Il n'y a pas de difficulté opérationnelle ou juridique dans l'articulation des deux dispositifs. Demande de retrait.
J'ai tendance à faire confiance aux analyses juridiques du Conseil d'État. Nous sommes, en outre, sollicités par les syndicats de pilotes, qui nous alertent à ce sujet. Je retire mon amendement, mais je souhaite que l'on y travaille d'ici à la séance afin de rassurer les acteurs. Je serai très vigilant.
L'amendement est retiré.
Amendements CS3875 et CS3874 de M. Jean-Luc Lagleize (discussion commune).
La filière aérienne est en grande difficulté. L'idée de ces deux amendements est de ne pas fixer des objectifs avant qu'elle se soit relevée. Le premier vise à décaler l'entrée en vigueur de cet article au 1er janvier 2025, le second à partir du moment où le trafic aérien aura retrouvé, en nombre de passagers, le trafic de l'année 2019. N'ajoutons pas de la crise à la crise.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements.
Elle adopte l'amendement rédactionnel CS2945 du rapporteur.
Amendement CS3876 de M. Jean-Luc Lagleize.
Cet amendement relève de la même philosophie que les précédents, en décalant l'entrée en vigueur du dispositif selon un échéancier beaucoup plus progressif.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CS425 de M. Martial Saddier.
M. Saddier a rappelé précédemment que le secteur aéronautique traverse une crise économique sans précédent liée à la covid-19. Dans ce contexte, ajouter des contraintes supplémentaires aux compagnies aériennes en les obligeant à compenser les émissions de carbone des vols intérieurs leur mettrait la tête sous l'eau. Dans son avis, le Conseil d'État a relevé qu'« aucune analyse du caractère soutenable des mesures projetées dans le contexte de crise sanitaire n'apparaît dans l'étude d'impact ».
C'est pourquoi cet amendement propose de décaler l'entrée en vigueur de cette mesure au 1er janvier 2025.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'amendement rédactionnel CS2946 du rapporteur.
Amendement CS4716 de M. Guillaume Kasbarian.
Compte tenu de l'avis défavorable du rapporteur, l'amendement est retiré.
La commission adopte l'amendement rédactionnel CS2948 du rapporteur.
L'amendement CS5103 de M. Guillaume Kasbarian est retiré.
La commission adopte successivement les amendements CS2949, rédactionnel, et CS2955, de précision, du rapporteur.
L'amendement CS5104 de M. Guillaume Kasbarian est retiré.
Amendements CS3877 de M. Jean-Luc Lagleize et CS4855 de Mme Sandrine Le Feur (discussion commune).
Par cohérence avec l'objectif poursuivi par cet article, l'amendement CS3877 vise à préciser que les projets d'absorption du carbone doivent obligatoirement être situés sur le territoire français, ou à défaut sur celui des autres États membres de l'Union européenne.
Il s'agit d'introduire des quotas minimaux de projets de compensation carbone sur les territoires français et européen, à raison d'un minimum de 30 % pour le premier et de 50 % pour les autres États membres de l'Union européenne.
La France possède de beaux dispositifs de cofinancement de projets bas-carbone, tels que le label Bas-carbone. L'introduction de quotas français est une garantie de viabilité économique des projets.
Il ne revient pas au législateur de fixer avec autant de précision des proportions en pourcentages pour déterminer les territoires sur lesquels devront être réalisés les projets de compensation. Demande de retrait.
Ces mesures sont d'ordre réglementaire, mais je souhaite pouvoir échanger avec Mme Le Feur sur les questions relatives à ces projets de séquestration d'ici à la séance publique.
J'ai déjà fait part de mon opinion sur le principe même de la compensation, mais je souhaiterais que le Gouvernement nous dise comment il envisage que ce dispositif fonctionne. Le HCC a pointé le fait qu'il n'était même pas obligatoire d'effectuer la compensation sur le territoire national. Nous avons déjà débattu hier, pas assez longuement, des puits de carbone et des forêts. Je ne suis pas certaine d'avoir saisi l'argumentation du ministre sur les plantations de forêts et la production d'agrocraburants. Pourriez-vous préciser votre conception des choses ?
Il est important de s'assurer que tout ou partie de la compensation interviendra sur le territoire national, même si celle-ci est en effet, d'une certaine manière, un moindre mal.
Les amendements sont retirés.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement CS2504 de M. Pierre Venteau.
Elle adopte l'amendement rédactionnel CS2958 du rapporteur.
Amendement CS4578 de Mme Anne-Laure Cattelot.
L'amendement vise à s'assurer qu'une part significative des moyens issus de la nouvelle compensation des émissions de CO2 générées par les compagnies aériennes bénéficie bien au secteur bois et agroforesterie français et européen.
Comme cela a été indiqué lors de la discussion de l'amendement de Mme Le Feur, travaillons ensemble d'ici à la séance à l'élaboration d'un dispositif plus large permettant de financer des projets de compensation en France. Demande de retrait.
L'amendement est retiré.
Amendement CS2376 de M. Vincent Ledoux.
. Cet amendement vise à ce que les compagnies aériennes puissent satisfaire à leurs obligations de compensation en finançant des projets d'absorption du carbone situés dans les États éligibles à l'aide publique au développement, dès lors qu'ils s'inscrivent dans le cadre de projets de coopération.
Nous pourrions y retravailler d'ici à la séance, pour étudier les liens possibles avec le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. Demande de retrait.
L'amendement est retiré.
Amendement CS3167 rectifié du rapporteur.
Il me semble nécessaire que le Gouvernement publie annuellement un bilan des programmes de compensation entrepris et des résultats de leur mise en œuvre. Cela permettra aussi de mettre en avant les projets conduits en France.
La commission adopte l'amendement.
Elle adopte l'amendement rédactionnel CS3176 du rapporteur.
Suivant l'avis du rapporteur, elle rejette successivement les amendements CS3878 et CS3879 de M. Jean-Luc Lagleize
Amendements rédactionnels CS3178, CS3179, CS3182, CS3181, CS3184 et CS3185 du rapporteur.
Je suis favorable à l'ensemble de ces amendements, à l'exception du CS3185 dont je demande le retrait dans la mesure où la rédaction proposée n'améliore pas la lisibilité de l'alinéa 17.
L'amendement CS3185 est retiré.
La commission adopte successivement les amendements.
Amendement CS1258 de Mme Maina Sage.
Il s'agit de préciser que la compensation volontaire est également possible pour les vols intérieurs depuis et vers l'outre-mer.
L'amendement est retiré.
Amendement CS4214 de M. Damien Adam, rapporteur thématique.
Cet amendement vise à obliger les compagnies aériennes opérant des vols au départ et ou à l'arrivée de la France de rendre public le bilan carbone de ces vols. Il semble essentiel de connaître l'impact des vols de chaque compagnie ayant une activité en France.
Les compagnies publient déjà de tels bilans. Demande de retrait.
L'amendement est retiré.
Amendement CS3880 de M. Jean-Luc Lagleize
Il faut donner à la filière aéronautique le temps de s'adapter, en raison des effets de la crise actuelle. L'amendement vise donc à décaler l'entrée en vigueur de ce dispositif de 2022 à 2025.
Je souligne l'impact de la crise, par exemple sur une entreprise de la taille de Thales avionics, un des géants de l'aéronautique française, sans même parler des sous-traitants, qui ne disposent pas des mêmes moyens. Il convient donc d'être extrêmement vigilant sur la pérennité de la filière française, faute de quoi il ne nous restera que les yeux pour pleurer.
La commission rejette l'amendement.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement CS3280 de Mme Aude Luquet.
Elle adopte l'article 38 modifié.
Après l'article 38
Amendements identiques CS605 de Mme Delphine Batho, CS1301 de Mme Nathalie Bassire et CS2917 de Mme Jennifer De Temmerman.
Dans son rapport de 2019, le HCC recommande d'intégrer les émissions de CO2 du transport international, notamment aérien, dans l'objectif de neutralité carbone. L'amendement vise à intégrer dans le budget carbone de la France les émissions de gaz à effet de serre issues du transport aérien international.
Dans l'attente d'éclaircissements sur ce qui est souhaité et pour réfléchir avec vous sur ces sujets de bilan carbone par filière d'ici à la séance : demande de retrait.
Le budget carbone détermine comment nous allons nous organiser pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Le transport aérien international français n'est, à ce stade, pas pris en compte, alors qu'il contribue à l'empreinte carbone mondiale. C'est donc une recommandation importante du HCC.
La commission rejette les amendements.
Suspension de la réunion de dix-sept heures cinquante-cinq à dix-huit heures dix.
TITRE IV SE LOGER
Chapitre Ier Rénover les bâtiments
Avant l'article 39
Amendement CS3226 de M. Vincent Descoeur.
L'amendement tend à instaurer une loi de programmation pluriannuelle pour la rénovation énergétique des bâtiments, qui devrait regrouper l'ensemble des dispositifs budgétaires, fiscaux et financiers et prévoir leur évolution pour une période de cinq ans.
Concernant les aides publiques à la rénovation des bâtiments privés, cette programmation permettrait de garantir les financements des différents dispositifs, de façon à assurer une meilleure diffusion de ceux-ci, à permettre la concrétisation de projets et à sécuriser les professionnels du bâtiment pour l'adaptation de leur outil de production, en particulier en matière de formation et de recrutement. Concernant l'investissement de l'État et des collectivités territoriales pour la rénovation de leurs bâtiments, cette programmation permettrait d'envisager plus facilement la rénovation d'un parc dont la complexité peut nécessiter des campagnes de travaux pluriannuels.
Une programmation pluriannuelle aurait également le mérite de permettre une véritable coordination entre les objectifs arrêtés par la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) et la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) et les moyens dédiés à la réalisation de ces derniers.
Visibilité, investissements et stabilité sont les objectifs poursuivis par cet amendement.
Les documents de planification que constituent la PPE, la SNBC et le plan de rénovation énergétique de l'habitat (PREH) offrent déjà la visibilité que vous souhaitez. En outre, le principe d'une nouvelle loi de programmation pluriannuelle de l'énergie figure dans la loi relative à l'énergie et au climat. Demande de retrait.
En matière de programmation, nous disposons déjà de la PPE, de la SNBC et de l'avancée que constitue le principe d'une loi de programmation de l'énergie tous les cinq ans, dont la première doit intervenir en 2023.
Sur le plan budgétaire, les engagements pris dans le cadre du plan de relance couvrent les exercices 2021 et 2022. La cinquième période d'obligation des certificats d'économies d'énergie est prévue pour quatre ans, de 2022 à 2025. Cela donne aussi de la visibilité. Demande de retrait.
Le rapport de la mission d'information sur la rénovation thermique des bâtiments a démontré qu'il existe un fossé entre les objectifs affichés et les moyens disponibles. Rien dans ce projet de loi ne permet de s'assurer que nous sommes bien en ligne avec les objectifs bâtiments basse consommation (BBC) à l'horizon 2050. D'où l'intérêt d'une programmation pluriannuelle qui permettrait d'identifier des paliers pour y parvenir.
La commission rejette l'amendement.
Amendements identiques CS3228 de M. Vincent Descoeur et CS4836 de Mme Marjolaine Meynier-Millefert.
Il s'agit de mettre en place une programmation pluriannuelle, cette fois pour la rénovation du parc de logements sociaux, afin d'établir des priorités avec les bailleurs sociaux, car leurs investissements s'inscrivent dans le temps long.
Ces propositions concernant une loi de programmation sont issues des conclusions de la mission d'information sur la rénovation thermique des bâtiments. Les bailleurs sociaux ont fait part de leurs difficultés de planification face aux changements de cap ou de modèle. Une disposition de ce type pourrait les aider à faire mieux.
Les travaux de cette mission d'information ont été particulièrement utiles pour préparer l'examen du projet de loi. Les amendements sont satisfaits. Des échanges fréquents ont lieu entre l'État et les bailleurs sociaux, qui élaborent une programmation pluriannuelle de travaux et le plan stratégique de patrimoine. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'ajouter d'autres outils. Demande de retrait.
Je tiens à remercier Vincent Descoeur et Marjolaine Meynier-Millefert pour leur travail dans le cadre de la mission d'information sur la rénovation énergétique des bâtiments, qui constituera un fil rouge pendant nos travaux.
Pour compléter les propos du rapporteur au sujet de la rénovation énergétique du parc de logements sociaux, nous disposons de tous les outils avec la convention d'utilité sociale, tous les six ans, et l'engagement du mouvement HLM d'effectuer 125 000 rénovations de logements par an, dans le cadre du pacte d'investissements conclu avec l'État. Demande de retrait.
La commission rejette les amendements.
Article 39 (article L. 173-1-1 du code de la construction et de l'habitation [nouveau]) : Assise législative donnée aux étiquettes du diagnostic de performance énergétique (DPE)
Amendement CS5166 du rapporteur.
Il s'agit de remplacer le mot « climatique », un peu flou, par la notion de performance en matière d'émission de gaz à effet de serre (GES).
C'est un amendement très utile qui précise bien que la performance énergétique s'analyse en fonction de la consommation d'énergie et des émissions de GES.
La commission adopte l'amendement.
Amendements CS3394 de Mme Chantal Jourdan, CS2870 de M. Matthieu Orphelin et CS4785 de Mme Marjolaine Meynier-Millefert (discussion commune).
L'amendement CS3394 vise à préciser que le niveau de performance est exprimé en kilowattheures d'énergie primaire par mètre carré et par an s'agissant de la consommation énergétique, et en kilogramme de CO2 par mètre carré et par an pour les émissions de gaz à effet de serre induites.
Au moment d'entamer les discussions sur cet article, il est important d'être au clair sur les unités de mesure dont nous parlons.
Il est nécessaire de fixer dans la loi les seuils de performance énergétique et climatique, en précisant les niveaux de consommation d'énergie primaire et ceux d'émission de CO2. S'ils sont déterminés par des textes réglementaires, le Parlement n'aura pas son mot à dire lors de modifications ultérieures.
Avis favorable à l'amendement de Mme Jourdan, qui apporte une précision utile ; demande de retrait pour les autres.
Le projet de loi s'inscrit dans une démarche de simplification, en renvoyant au pouvoir réglementaire le soin de calculer les seuils précis. Par ailleurs, l'amendement CS4785 ne permet pas de prendre en compte le fonctionnement du système de double seuil prévu par la réforme du DPE.
Le contenu de l'amendement CS3394 correspond bien à ce qui est prévu pour les unités de mesure du DPE. Je ne suis pas persuadée que cette définition relève de la loi ; j'émets donc un avis de sagesse.
Avis défavorable aux deux autres amendements, l'amendement CS4785 allant beaucoup plus loin en précisant les seuils dans la loi. Le fait que les seuils retenus diffèrent entre cet amendement et l'amendement suivant CS4793 montre que cet exercice n'est pas facile à réaliser dans un cadre législatif.
Il faut rappeler que la rédaction du décret du 11 janvier 2021 n'est pas du tout satisfaisante et explique le dépôt de ces amendements. Les critères retenus en énergie finale, et non pas en énergie primaire, permettent qu'un logement chauffé par convecteurs électriques et générant des factures deux fois et demi plus élevées qu'avec la grande majorité des autres combustibles ne soit plus considéré comme une passoire énergétique.
La commission adopte l'amendement CS3394.
En conséquence, les amendements CS2870 et CS4785 tombent.
Amendement CS4793 de Mme Marjolaine Meynier-Millefert.
Cet amendement vise également à fixer dans la loi des seuils précis. Pour cela, il reprend le critère de consommation énergétique qui figurait dans la définition législative précédente des seuils du DPE. L'amendement CS4785 prévoyait, quant à lui, d'y associer l'émission de GES, second critère prévu par la réforme du DPE.
Une inquiétude se manifeste au sujet d'un risque d'oubli de la logique de sobriété énergétique au profit de celle de réduction des émissions de carbone. Même s'il n'est pas facile de fixer ces seuils, cela ne signifie pas qu'il faut faire l'économie d'un débat entre nous.
Simplifier la loi ne veut pas dire limiter les échanges. On l'a bien vu lors de la réforme du DPE, qui a fait l'objet d'une concertation avec l'ensemble des acteurs concernés. Avis défavorable.
Avis défavorable. Tout d'abord, fixer les seuils en valeur absolue dans la loi n'est pas adapté. Ensuite, la commission vient d'adopter l'amendement du rapporteur qui précise que le DPE repose sur le double critère de la consommation d'énergie primaire et des émissions de GES. Or votre amendement ne retient que le premier.
La commission rejette l'amendement.
Amendements CS916 de M. Paul-André Colombani et DC687 de Mme Delphine Batho (discussion commune).
L'amendement CS916 a pour objet d'attirer l'attention sur le risque de distorsion que présente la réforme des DPE s'ils ne sont plus exprimés en énergie primaire mais en énergie finale, ce dont, je pense, le Gouvernement et le rapporteur ont conscience.
L'amendement CS687 est défendu.
Je profite de mon temps de parole pour souligner que nous entrons dans le chapitre crucial du projet de loi. D'abord, parce que ce ne sont pas moins de 13,9 millions de tonnes de CO2 que l'ensemble de nos amendements permettrait d'économiser d'ici à 2030, ce qui rendrait le texte bien plus efficace. Ensuite, parce que l'enjeu des bâtiments, et parmi eux des passoires thermiques, recouvre un enjeu de justice sociale qui est décisif. Enfin, le débat qui s'ouvre est capital compte tenu de l'avis du Haut Conseil pour le climat sur le projet de loi, qui montre combien les dispositions du présent chapitre sont insuffisantes.
Il est exact que s'attaquer à la question du bâtiment est déterminant pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et lutter contre le dérèglement climatique.
Les amendements en discussion sont satisfaits, notamment par l'adoption de l'amendement CS3394. Je rappelle le grand changement introduit par le nouveau DPE : avec le double seuil, désormais, une seule étiquette au lieu de deux exprimera à la fois la consommation énergétique et l'émission de gaz à effet de serre. Ainsi, l'impact environnemental du bâtiment sera mieux pris en compte et nous lutterons plus efficacement contre le dérèglement climatique.
Je vous rejoins concernant l'importance du présent chapitre : le bâtiment représente un quart de nos émissions de gaz à effet de serre. En outre, il y va de la précarité énergétique. Il faut donc accompagner tout le monde, y compris les ménages modestes, pour mettre fin aux passoires thermiques, fléau climatique et social.
En ce qui concerne l'ambition des mesures proposées, ce que nous faisons par le projet de loi, le plan de relance et d'autres dispositions d'ordre réglementaire telles que la récente amélioration du DPE va vraiment nous permettre de passer un cap et d'atteindre les objectifs de la stratégie nationale bas-carbone.
Les amendements sont satisfaits par l'amendement CS3394 qui vient d'être voté. Demande de retrait ou avis défavorable.
Les amendements sont retirés.
Amendement CS5167 du rapporteur
Il s'agit de clarifier la dénomination des classes du DPE, car la rédaction initiale évoquait la consommation énergétique, mais pas les émissions de gaz à effet de serre.
Avis favorable : cela rend la présentation des classes plus homogène, plus lisible et plus simple.
Nous ne nous opposons pas à la nouvelle classification, mais nous demandons à la ministre et au rapporteur de bien vouloir répondre aux amendements qui vont suivre et qui se fondent sur l'ancienne classification.
La commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'amendement CS4751 de M. Bruno Millienne tombe.
La commission adopte l'amendement de coordination juridique CS5363 du rapporteur.
En conséquence, l'amendement CS917 de M. Paul-André Colombani tombe.
Amendements CS3396 et CS2248 de Mme Chantal Jourdan (discussion commune)
Ces deux amendements – le second étant un amendement de repli – tendent à fixer une trajectoire par étapes, de 2030 à 2050, pour que les bâtiments très peu à moyennement performants énergétiquement soient progressivement considérés comme à consommation d'énergie excessive. Ils visent à fixer un objectif clair permettant de respecter la SNBC dans le secteur du bâtiment. Aux enjeux énergétique et social, j'ajouterai celui de la création d'activité : peu de secteurs se prêtent comme celui-là au récit d'une épopée ; il faut la raconter comme telle.
Vous proposez d'intégrer en 2030 la classe E aux bâtiments à consommation d'énergie excessive, ce qui implique notamment l'interdiction d'augmenter le loyer, puis de louer le logement. Si je partage votre ambition, je souhaite que nous adoptions une approche pragmatique. Les logements classés E représentent 25 % du parc. La filière ne sera pas prête à franchir cette étape en 2030. Demande de retrait ou avis défavorable.
Ces amendements importants traitent de sujets essentiels.
Je ne suis pas du tout défavorable à l'idée d'une trajectoire à moyen et long terme en la matière, qui nécessiterait que nous y travaillions d'ici à la séance. Mais le jalon ici proposé implique l'interdiction de la location des logements classés E en 2030, outre celle, déjà prévue, des logements F et G en 2028. Cela ne me paraît ni possible ni souhaitable.
Pas possible, car ces logements sont 2,7 millions à la location, contre 1,8 million pour les logements F et G. Or mon objectif n'est pas que les logements sortent du parc locatif, mais qu'ils soient rénovés : je souhaite qu'ils restent occupés par des locataires, mais cessent d'être des passoires thermiques pour devenir de bonne qualité. Rénover 1,8 million de logements d'ici à 2028, cela représente 300 000 rénovations de vraies passoires chaque année pendant six ans. Nous ne pourrons pas en rénover 2,7 millions supplémentaires en seulement deux ans de plus.
Pas souhaitable, car la priorité, c'est le reste des passoires. Il existe 1,8 million de passoires locatives, mais 4,8 millions de passoires en tout ; le solde concerne des propriétaires occupants, auxquels je ne souhaite pas imposer d'obligation ni d'interdiction – nous y reviendrons, car c'est le sujet de beaucoup d'amendements –, mais pour lesquels il s'agit de simplifier et d'améliorer le financement des aides, celui du reste à charge et l'accompagnement. À cet égard, les conclusions de la mission Sichel nous permettront d'enrichir le texte.
Si l'on doit rénover 600 000 ou 700 000 logements par an, alors il faut commencer par les passoires locatives, soit 300 000 dans l'année, et leur ajouter autant, voire davantage, de passoires occupées par leur propriétaire. C'est la grande priorité des cinq à dix ans qui viennent. Le secteur est probablement capable d'absorber cette quantité, mais cela ne sera pas facile. Nous avons encore beaucoup de travail concernant la formation, le recrutement, le pilotage de la qualité des chantiers.
Dans ce contexte, l'interdiction à la location des logements classés E dès 2030 ne me paraît pas l'objectif de politique publique à privilégier.
Avis défavorable aux deux amendements : au premier, qui propose une trajectoire globale dont nous pourrons rediscuter, comme au second, qui se borne à cette mesure pour 2030.
Il me semble que nous ne serions pas à la hauteur de l'une des ambitions de la loi si nous ne fixions pas une trajectoire. Peut-être faut-il la revoir ; je suis bien sûr disponible pour en reparler d'ici à la séance et y réfléchir de façon transpartisane.
Nous sommes très sensibles à la question de la main-d'œuvre, dont l'absence peut donner lieu à des dévoiements tels que le dumping social ou une mauvaise qualité des réalisations. On se heurte là au principe de réalité.
En la matière, l'ambition du Gouvernement et les moyens qu'il déploie sont-ils suffisants ? Peut-on agir à moyens constants ?
S'agissant des moyens consacrés à la rénovation elle-même, certains disent qu'ils sont moindres qu'à l'époque de la crise de 2008-2009 et du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE). Que pouvez-vous répondre à cette mise en cause ?
Je m'inquiète des propos du rapporteur : à peine a-t-on dit que ce chapitre est capital pour la justice sociale et du point de vue de notre action concrète qu'il nous met en garde, nous enjoint d'être pragmatiques, etc. Je vous lis donc l'avis du Haut Conseil pour le climat : « Dans le secteur des bâtiments, l'analyse des mesures du projet de loi montre une valeur ajoutée très marginale [par rapport] aux orientations de la SNBC » et « le premier budget carbone sur la période 2015-2018 a été dépassé de 8,1 % ». « Le projet de loi n'introduit aucune mesure incitative ou contraignante visant explicitement à décarboner le mix énergétique du chauffage des bâtiments. Concernant la rénovation thermique, les mesures contenues dans le projet de loi ne permettent pas de renforcer substantiellement l'efficacité du dispositif législatif et réglementaire existant. »
J'espère que, lorsque nous examinerons les amendements tendant à rendre le texte beaucoup plus ambitieux, vous montrerez un peu d'ouverture envers les propositions de la Convention citoyenne pour le climat.
Je ne suis pas favorable à l'interdiction de location des logements D et E, mais notre collègue Potier soulève une vraie question : celle de la trajectoire. On ne peut se contenter de travailler sur les logements F et G. Cela confirme l'intérêt d'une programmation pluriannuelle. Sinon, nous n'atteindrons jamais le niveau BBC pour l'ensemble du parc en 2050.
Le plan de relance consacre 2 milliards d'euros supplémentaires à la rénovation par l'intermédiaire de MaPrimeRénov'. Nous pouvons créditer Mme la ministre de cette belle avancée. Il s'agit de rénover 1,8 million de logements d'ici à 2028 – c'est demain ! Pour atteindre cet objectif ambitieux, nous ne pouvons pas être en deçà de ce qui est fait dans le cadre du plan de relance.
Monsieur Potier, je partage entièrement l'idée de la nécessité d'une trajectoire d'ici à 2050, compte tenu des objectifs élevés de la stratégie nationale bas-carbone, et je ne suis pas défavorable à ce que l'on grave dans le marbre la fin des passoires E. Nous devrons en discuter d'ici à la séance. Mais faisons-le à partir d'éléments concrets, madame Batho, et des nouveaux outils de financement qui pourront être proposés par la mission Sichel, en plus de l'accompagnement visé à l'article 43. N'inscrivons pas dans la loi des obligations que nous ne serions pas capables d'honorer. Nous avons la même ambition, et je suis prêt à travailler avec tous les collègues pour fixer l'objectif à long terme.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS4056 de Mme Sophie Mette
Les matériaux biosourcés peuvent être utilisés comme matière première dans des produits de construction. Il est essentiel de leur faire une place importante au sein du projet de loi. Nous proposons donc que chaque niveau de performance énergétique défini à l'article 39 soit accompagné d'un indice « + » si le bâtiment est fait, au moins en partie, de matériaux biosourcés.
Les matériaux biosourcés, que nous avions évoqués dans le cadre de la loi ÉLAN, occupent une place très importante dans la RE2020. Toutefois, le principe du classement résultant du DPE est de déterminer un niveau de consommation énergétique et d'émissions de gaz à effet de serre ; il ne s'agit pas d'indiquer la manière dont les travaux doivent être faits. Le DPE est une source d'information permettant de déterminer ensuite une stratégie de rénovation. Avis défavorable.
Même avis. En effet, le DPE indique le niveau de consommation d'énergie et d'émissions de gaz à effet de serre.
Mais les matériaux biosourcés sont bien un sujet à propos duquel le Gouvernement se bat pour avancer. Après un débat assez vif entre les différentes filières, nous avons imposé leur inclusion dans la RE2020, qui en soutient nettement l'utilisation. Par ailleurs, nous sommes en train d'élaborer un label d'État Bâtiment biosourcé, pour la rénovation ; il permettra de donner une indication lors des processus de rénovation et pourra être utilisé et diffusé dans le cadre de l'accompagnement renforcé. Ce sera un outil plus efficace.
L'amendement est retiré.
Amendements identiques CS918 de M. Paul-André Colombani et 1040 de M. Vincent Descoeur
L'amendement CS918 tend à compléter l'article par l'alinéa suivant : « Le classement mentionné au premier alinéa est défini au regard des objectifs de réduction de la consommation énergétique des bâtiments et des émissions de gaz à effet de serre, du droit d'accès de tous les ménages à l'énergie sans coût excessif, notamment aux énergies renouvelables, ainsi que des exigences de décence et de salubrité des logements. » Il permet d'affirmer la portée politique de notre action.
Il s'agit de rappeler, au-delà des objectifs essentiels de réduction de la consommation énergétique des bâtiments et des émissions de gaz à effet de serre, les enjeux sociaux, en particulier la lutte contre la précarité énergétique.
Je l'ai dit, le DPE a un rôle d'information ; la dimension sociale n'en relève pas à proprement parler.
Par ailleurs, les amendements, qui traduisent une préoccupation légitime que je partage, sont satisfaits par le code de l'énergie, qui dispose que la politique énergétique doit lutter contre la précarité énergétique et garantir à tous les ménages l'accès à l'énergie sans coût excessif, et par le code de la construction et de l'habitation, aux termes duquel la politique de rénovation énergétique permet de limiter la consommation, donc de préserver les ressources et le pouvoir d'achat de nos concitoyens. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Même avis. L'article 39 est un article très opérationnel, qui définit concrètement le DPE et son calcul, alors que les amendements sont beaucoup plus larges, portant sur les finalités mêmes des politiques publiques de l'énergie, de la rénovation et de la lutte contre le réchauffement climatique. Nous n'avons pas de désaccord de principe, mais ils ne sont pas au bon endroit. Le DPE lui‑même ne traite pas directement du droit d'accès des ménages à l'énergie, notamment aux énergies renouvelables.
Monsieur le rapporteur, vous étiez là, hier, quand nous avons confirmé l'autorisation faite aux gros SUV dotés de petits moteurs électriques de circuler dans les zones à faibles émissions mobilité, pourtant déjà inscrite dans la loi, selon la ministre Barbara Pompili. Un amendement peut sembler redondant alors que le message politique qu'il contient est important.
Cependant, Mme la ministre a apporté une précision notable en indiquant que les amendements n'étaient pas au bon endroit. J'estime qu'ils devront être votés, mais, comme Vincent Descoeur pour le sien, je chercherai au mien une meilleure place avant de le défendre à nouveau en séance.
Les amendements sont retirés.
Amendements CS3281 de Mme Aude Luquet et CS3706 de Mme Sophie Mette (discussion commune)
L'amendement CS3706 s'inspire de l'avis du Conseil économique, social et environnemental (CESE) adopté en janvier 2021, qui souligne que la rénovation des bâtiments doit non pas se limiter à la performance énergétique mais inclure la performance climatique, c'est-à-dire l'impact sur les émissions de gaz à effet de serre. D'autres paramètres sont ainsi importants à prendre en compte, parmi lesquels le recours aux matériaux biosourcés.
Il est essentiel de faire à ces derniers une place importante au sein du projet de loi, en suivant la dixième préconisation de l'avis du CESE. Celle-ci « recommande que les catégories de performance des bâtiments mettent au même plan les deux étiquettes qui composent le diagnostic de performance énergétique : l'étiquette énergie pour informer sur la consommation d'énergie, et l'étiquette climat pour connaître la quantité de gaz à effet de serre émise ».
Avis défavorable. J'ai indiqué que le nouveau DPE correspondra à une étiquette couplant consommation énergétique et émissions de gaz à effet de serre, mais il faut préciser qu'il permettra aussi de donner aux usagers une estimation du coût annuel de la consommation énergétique et des émissions de gaz à effet de serre. Demande de retrait ou avis défavorable.
L'amendement CS3281 est satisfait pour les raisons que vient d'indiquer le rapporteur. Quant au CS3706, il fixe un objectif quasi impossible à atteindre en demandant que le DPE tienne compte des émissions de gaz à effet de serre du processus de construction. C'est ce que nous faisons dans la RE2020 - la nouvelle réglementation environnementale des bâtiments neufs - et qui a suscité de nombreux échanges avec les milieux professionnels concernés ; en revanche, s'agissant du parc existant, on peut étudier les émissions liées à la consommation mais non, a posteriori, celles de la période de construction du bâtiment. Avis défavorable.
Les amendements sont retirés.
Amendement CS2479 de Mme Claire Pitollat
Je salue l'engagement de Claire Pitollat, comme de Jean-Luc Fugit, en faveur de la qualité de l'air. Simplement, la question des labels me semble relever non de la loi, mais du règlement et des initiatives des acteurs. Avis défavorable.
Même avis. Nous en reparlerons à propos de l'amendement CS1548, qui me paraît la meilleure manière de répondre à la question.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'article 39 modifié.
Après l'article 39
Amendement CS4830 de Mme Marjolaine Meynier-Millefert
Comme l'a dit le rapporteur, 2028, c'est demain, et 2050, après-demain. Si la priorité accordée aux passoires thermiques est indiscutable, il nous faut aussi donner de la lisibilité jusqu'en 2050. Nous proposons donc un échelonnement possible des obligations jusqu'à cette date.
Défavorable. Je le répète, je suis très ouvert à ce que nous discutions en vue de la séance d'une nouvelle trajectoire que nous inscririons dans la loi, mais je ne souhaite pas que nous le fassions avant de disposer des conclusions de la mission Sichel, qui devraient nous parvenir dans les prochains jours et qui nous éclaireront tous.
Je suis, moi aussi, d'accord pour que nous discutions d'une trajectoire qui donnerait un peu plus de lisibilité que n'en procure le seul jalon de 2028. Mais notre choix est de créer, pour les biens mis en location, une obligation de rénovation sous peine d'interdiction de location, et de privilégier un système d'incitation à l'intention des propriétaires occupants.
Leur situation, en effet, n'est pas la même que celle des propriétaires bailleurs, qui accomplissent un acte économique impliquant une transaction, parfaitement légitime, dont il est normal que nous protégions les deux parties, notamment le locataire. Le propriétaire occupant, lui, est le premier à subir l'inconfort lié au fait d'habiter une passoire thermique et le coût des factures qui en résultent. L'incitation, l'accompagnement, le financement du reste à charge composent ici le bon système pour stimuler la rénovation.
D'ailleurs, nous avons reçu 200 000 dossiers MaPrimeRénov' l'année dernière et 130 000 entre le 1er janvier et le 10 mars, sachant que le dispositif est, pour l'instant, réservé aux propriétaires occupants ; c'est considérable et cela laisse présager un net dépassement de notre objectif initial de 400 000 à 500 000 dossiers cette année. Le dispositif d'incitation et d'accompagnement fonctionne donc déjà bien pour les propriétaires occupants.
Sous réserve de maintenir cette distinction entre propriétaires bailleurs et propriétaires occupants, nous pourrons retravailler la trajectoire à moyen terme d'ici à la séance. Pour l'heure, avis défavorable.
Nous touchons là un point sensible : la capacité à décréter des obligations, qui appelle, de mon point de vue, la question du financement du reste à charge, que ce soit pour les propriétaires occupants ou pour les bailleurs. Le problème est que nous travaillons sans savoir quelles seront les conclusions de la mission Sichel et ce que vous allez proposer à leur suite.
Le calendrier est tendu, c'est vrai, mais tout est fait pour que ces conclusions puissent être présentées avant l'examen en séance, donc que le débat soit possible avant le vote.
Les orientations de la mission confiée à M. Olivier Sichel, qui comprend deux parlementaires, Jean-Charles Colas-Roy et Bénédicte Peyrol – consistent d'abord à travailler sur l'accompagnement pour aboutir à un système plus efficace pouvant être étendu à toutes les rénovations significatives à partir d'un seuil qui reste à fixer, et qui sera défini, encadré, certifié le cas échéant et mieux financé. Il s'agit, ensuite, d'étudier le financement du reste à charge, c'est-à-dire de déterminer le reste à charge acceptable par catégorie de ménage – MaPrimeRénov' permet un financement de 90 % pour les plus modestes – et la manière de le financer. Cela implique de mobiliser le secteur bancaire et de voir comment adosser un financement sur les économies d'énergie et, éventuellement, sur le bien.
Le rapport sera rendu public en début de semaine prochaine, ce qui permettra au travail parlementaire de se poursuivre : tous les parlementaires pourront en prendre connaissance avant la séance et améliorer le texte sur ce fondement.
L'amendement est retiré.
La commission adopte l'amendement de coordination CS5170 du rapporteur.
Amendement CS4054 de M. Bruno Millienne
L'article 39 vise à introduire pour les bâtiments à usage d'habitation un classement en fonction du niveau de performance énergétique et climatique, mais n'est pas cohérent avec le DPE défini à l'article L. 126-26 du code de la construction et de l'habitation dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 29 janvier 2020.
L'amendement propose de rétablir cette cohérence en redéfinissant clairement les éléments que doit comporter le DPE.
L'amendement est retiré.
Amendement CS4752 de M. Bruno Millienne
Le DPE contient déjà des informations sur les énergies d'origine renouvelable. L'amendement est donc satisfait. Demande de retrait ou avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendements identiques CS1669 de Mme Véronique Louwagie, CS1731 de M. Thibault Bazin et CS4978 de M. Jean-Marie Sermier
L'amendement CS1669 vise à s'assurer que la méthode de calcul du facteur de conversion en énergie primaire de l'électricité est conforme au mix énergétique de la France et aux règles européennes.
Le rapporteur et la ministre ont dit à plusieurs reprises que la rénovation permettrait des gains de pouvoir d'achat. J'appelle leur attention sur le fait que le changement du système de chauffage peut entraîner une hausse non négligeable de la facture énergétique. Prenons garde de faire ainsi basculer un ménage fragile dans la précarité. Il faut pouvoir évaluer cet aspect avant que les travaux soient engagés.
La question visée par les amendements ne relève pas de la loi : la méthode de calcul est fixée dans ses grands principes par le droit européen et sa déclinaison s'opère au niveau réglementaire.
Sur le fond, le coefficient de conversion est calculé en fonction des prévisions de mix énergétique : inscrire ces éléments dans la loi, c'est s'aventurer dans l'inconnu alors qu'il faut pouvoir changer d'avis en fonction des progrès et des évolutions que nous connaîtrons. Enfin, le délai de quatre ans entre chaque révision du coefficient paraît trop court. Avis défavorable.
Même avis. Le cadre général est fixé au niveau communautaire par des directives ; quant au calcul technique qui s'ensuit, fondé sur les hypothèses d'évolution du mix énergétique, il est retranscrit par voie réglementaire.
La commission rejette les amendements.
Amendements CS5360 rectifié du rapporteur, CS4908 de Mme Marjolaine Meynier‑Millefert, CS2871 de M. Matthieu Orphelin, CS3392 de Mme Chantal Jourdan, amendements identiques CS3643 de M. Matthieu Orphelin et CS4790 de Mme Marjolaine Meynier-Millefert, amendements identiques CS2872 de M. Matthieu Orphelin, CS3391 de Mme Chantal Jourdan, CS4055 de Mme Florence Lasserre, CS4904 de Mme Marjolaine Meynier-Millefert et CS5118 de Mme Mathilde Panot, et amendement CS4798 de Mme Marjolaine Meynier-Millefert (discussion commune)
Mon amendement contient une définition de la rénovation performante, tandis que les autres amendements proposent soit une rénovation globale et performante, soit une obligation de rénovation généralisée, soit une obligation de rénovation conditionnelle, inspirée par des ONG avec lesquelles j'ai moi aussi beaucoup travaillé.
Ma définition de la rénovation performante intègre deux critères cumulatifs : le passage à un niveau au moins égal à la classe C et un saut d'au moins deux classes. L'idée est d'aller vers une logique de résultat et non plus de moyens en vue de supprimer l'ensemble des passoires énergétiques.
Pourquoi ne suis-je pas favorable à une obligation pure et simple, ni à une obligation conditionnelle ? D'abord, comme l'a dit Mme la ministre, il faut distinguer les propriétaires bailleurs, qui effectuent un acte commercial, des propriétaires occupants, qui habitent le logement, en proposant à ces derniers un meilleur accompagnement – sur ce point, je renvoie une fois de plus aux conclusions de la mission Sichel.
Ensuite, l'essentiel est de fixer un cap dans le marbre de la loi. Le passage de deux classes est déjà très significatif et l'atteinte de la classe C me semble pouvoir être un élément de la trajectoire permettant de respecter la stratégie nationale bas-carbone en 2050.
L'amendement CS4908, qui résulte du travail du collectif « Rénovons ! », a pour objectif de rendre obligatoire la rénovation globale des maisons individuelles lors de leur mutation, à deux conditions : l'existence d'une solution technique et d'une solution financière. À ces conditions, la rénovation sera dans l'intérêt des ménages.
L'amendement CS2871, très important à nos yeux, est incompatible avec la conception de la rénovation performante au rabais que vient d'exposer le rapporteur. Il définit la rénovation performante, la rénovation globale et crée une obligation de rénovation globale des bâtiments à usage d'habitation assortie d'un échéancier pour 2030, 2040 et en cas de mutation.
Les travaux du Haut Conseil pour le climat et de l'ADEME alertent sur l'inefficacité d'une approche par gestes isolés de travaux et sur les risques qui en découlent. La Convention citoyenne pour le climat a appelé à structurer la stratégie nationale de rénovation pour l'orienter vers les rénovations dites globales, également appelées complètes et performantes, qui traitent l'ensemble des postes de travaux de manière coordonnée pour s'assurer de l'atteinte du niveau BBC ou équivalent en moyenne nationale.
Comme le rappelle le Haut Conseil pour le climat, « en omettant de traduire légalement l'objectif BBC de long terme, le projet de loi laisse craindre la réalisation de rénovations énergétiques insuffisamment ambitieuses, et susceptibles de bloquer des logements à des niveaux de performance énergétique insuffisants ».
La logique de la fin des passoires n'est pas du tout celle qu'il faut choisir pour assurer la justice sociale, de vraies économies d'énergie, l'efficacité climatique et le bénéfice économique afférent.
Je vais regarder ce que proposent le rapporteur et la ministre dans un esprit d'ouverture : la commission est en effet là pour coconstruire la loi.
Vous affirmez créer une obligation de résultat plutôt que de moyens : si cela est séduisant sur le plan intellectuel, je n'en vois pas tout à fait l'intérêt. Notre amendement CS3392 propose une définition qui me paraît performante, car claire, et plus pédagogique puisqu'évoquant les six compartiments importants à traiter. Tous les acteurs chercheront en effet à faire du global.
J'espère que le rapporteur et le Gouvernement apporteront une réponse à chacune de nos propositions.
L'amendement du rapporteur est contre-productif puisqu'il considère que la classe C traduit une rénovation performante alors qu'il s'agit d'un recul et d'un très mauvais signal. Notre amendement CS3643, issu d'une proposition de l'initiative « Rénovons ! », vise à mettre en place, à partir du 1er janvier 2024, une obligation conditionnelle de rénovation performante lors des ravalements de façade des immeubles.
Mon amendement identique CS4790 prévoit le même mécanisme de rénovation globale sous conditions pour les maisons individuelles que pour les copropriétés, l'élément déclencheur étant le ravalement de façade.
L'amendement CS2872 propose une autre rédaction pour la définition d'une rénovation performante. J'insiste : en aucun cas la classe C ne peut être considérée comme représentative d'une telle rénovation.
Nous devons tout mettre en œuvre pour faciliter les méthodes de rénovation permettant d'aboutir à la performance globale des bâtiments. Les récents travaux du Haut Conseil pour le climat et de l'ADEME alertent sur l'inefficacité d'une approche par gestes isolés. Face à ce constat, la Convention citoyenne pour le climat a appelé à structurer la stratégie nationale de rénovation autour des rénovations dites globales, également appelées complètes et performantes.
L'amendement identique CS4055 propose d'intégrer dans la loi deux définitions : celle de la rénovation performante et celle de la rénovation dite globale ou complète et performante, qui est une rénovation performante réalisée en une seule étape de travaux.
Il s'agit de définir les termes distinguant la rénovation globale par étapes compatibles, et la rénovation globale en une fois, l'objectif final étant que tout le monde en bénéficie. Il existe aujourd'hui un flottement dans les termes entre ce que les gens entendent aujourd'hui par rénovation, les chiffres affichés et ce que la stratégie nationale bas-carbone ou le Haut Conseil pour le climat définissent comme telle. Ne parlant pas de la même chose, il nous est impossible de mesurer et de comparer des stratégies.
La proposition du rapporteur de s'en tenir à la classe C est moins-disante, et je ne comprends pas en quoi elle s'oppose à l'inscription d'une définition de la rénovation performante réalisée en une seule étape qui fasse consensus.
L'amendement CS4798 propose une obligation de rénovation globale pour les copropriétés classées en F ou en G, puisque les retours sur investissement des travaux sont très souvent bénéfiques aux ménages.
Je ne suis pas d'accord avec vous, madame Batho, sur le manque d'ambition de la définition proposée. Relisez l'amendement CS5360 rectifié, les deux conditions sont cumulatives : un gain d'au moins deux classes plus l'atteinte de la classe A, B ou C. Pour faire passer un logement de classe E, F ou G en C, il faut engager un nombre considérable de travaux et le coût est énorme.
Je trouve donc que, partant de très loin, nous allons très loin. Ce sont 2 millions de passoires énergétiques que nous allons faire passer en logements de classe A, B ou C, c'est‑à‑dire extrêmement performants, très performants et assez performants au regard de la loi. On peut considérer que les Français vivront mieux dans leur logement. C'est donc positif et je suis très fier de cette nouvelle définition.
Je n'ai pas souhaité, étant dans une logique de résultat, y intégrer la question des moyens – il ne faut pas brider les initiatives qui permettraient d'atteindre les objectifs. Mais s'il est plus simple pour tout le monde qu'on intègre, pour la séance, les six grands travaux dont M. Potier a dressé la liste, je suis très ouvert à ce que l'on précise la rédaction.
S'agissant de la définition de la rénovation performante, je suis très favorable à l'amendement du rapporteur, qui en donne une extrêmement ambitieuse : un saut de deux classes et l'atteinte au moins du niveau C, dont il est absolument faux de dire qu'il serait sans ambition.
D'abord, si l'on amène tout le parc ancien au niveau C et qu'on y ajoute les logements neufs construits conformément à la RE2020 et classifiés A ou B, en 2050, on atteindra l'objectif de la SNBC de 27 millions de tonnes de CO2 évitées par an.
Ensuite, contrairement à l'effet d'optique qu'elle produit, la définition de la rénovation performante proposée par les amendements de Mme Marjolaine Meynier-Millefert et de Mme Delphine Batho n'est pas plus ambitieuse : soit le bâtiment atteint le niveau BBC, soit il contribue à l'atteinte de cet objectif en moyenne nationale, ce qui revient à ramener en moyenne le parc ancien à la classe C par la mise en œuvre d'une combinaison de travaux – en gros, soit on atteint BBC, soit on fait ce qu'on peut, en faisant la moyenne sur les six postes de travaux. La définition de la rénovation performante du rapporteur est plus exigeante.
Je ne suis pas hostile à considérer une rénovation comme complète si les six postes ont été diagnostiqués. Nous pouvons effectivement y travailler en vue de la séance, sachant qu'il n'est pas toujours nécessaire de tout refaire.
Pour ce qui est de l'obligation, je ne souhaite pas la faire peser sur les propriétaires occupants. Vous la prévoyez, pour les maisons individuelles, au moment des mutations et, pour les copropriétés, sous une forme différente. Dans le premier cas, je ne suis pas convaincue qu'elle soit pleinement opérante compte tenu de la complexité des démarches qu'elle implique. En outre, il s'agit d'une obligation sans sanction, alors que, s'agissant de l'interdiction de location, nous avons prévu que le « décret Décence » permette d'aller rechercher la responsabilité du propriétaire s'il n'a pas effectué les travaux.
S'agissant des copropriétés, le bon mécanisme est de rendre plus opérationnel un excellent article de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) de 2015. Il prévoit que les travaux de ravalement de façade ou de réfection de toit doivent intégrer, si nécessaire, des travaux d'isolation. Sans doute parce qu'il n'est pas assez contraignant, il est insuffisamment appliqué. Je suis prête à travailler à son amélioration d'ici à la séance, mais pas dans la logique d'une obligation générale, qui est trop lourde eu égard à la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel sur le sujet.
En conclusion, je suis favorable à l'amendement CS5360 rectifié et défavorable aux amendements suivants. Un dernier mot sur l'amendement de Mme Marjolaine Meynier‑Millefert, qui rend obligatoire la rénovation de tout lot de classe F ou G faisant l'objet d'une cession au sein d'une copropriété. Cela ne me paraît pas possible non plus et j'y suis également défavorable.
Nous souscrivons plutôt à l'idée d'introduire la notion de performance, car nous avons bien vu, au cours de la mission, combien la question de l'efficacité des travaux, en termes de gain d'énergie, se posait.
Si l'on rend obligatoires des travaux de rénovation pour des propriétaires, il faut s'assurer de leur capacité à les supporter. La question de leur financement est reportée à l'examen en séance, mais il faut trouver une solution, car une rénovation globale à 50 000 euros pour une maison individuelle pose le problème du reste à charge. Or les propriétaires de passoires thermiques ne sont pas les plus argentés de nos concitoyens.
Par ailleurs, une rénovation performante peut-elle être atteinte par étapes ?
Pourquoi ne pas aller jusqu'à A ?
Monsieur le rapporteur, vous avez donné une définition de résultat, donc de performances. Pourquoi ne pas la compléter par la notion de chantier global, c'est-à-dire qui prenne en compte les six postes que vous avez évoqués ?
Comme au moment du Grenelle de l'environnement, du débat national sur la transition énergétique ou de la LTECV, il y a, d'un côté, ceux qui veulent juste la fin des passoires, et, de l'autre, ceux qui veulent la rénovation performante. L'histoire a tranché : il faut mener à bien cette rénovation. Trop de temps a été perdu, on ne peut plus se contenter d'investir massivement dans des rénovations au rabais, qui vont figer les logements dans des catégories incompatibles avec les objectifs de la SNBC et les positions du HCC. On peut discuter d'un horizon de temps, mais il n'est pas possible de définir le logement performant comme appartenant à la classe C. Ce serait perçu comme un grave recul du projet de loi.
Il semble qu'existe un accord sur la nécessité de faire une rénovation globale ; que la question clé de l'accompagnement en termes d'ingénierie financière et d'assistance à maîtrise d'ouvrage sera résolue in extremis par un rapport qui va arriver la veille de la séance – ce ne sera pas le premier et mieux vaut tard que jamais. Il reste deux points.
Le premier concerne les financements, sachant que le groupe Socialistes et apparentés avait bâti un système fondé sur des prêts à taux zéro et une hypothèque récupérée à la vente des biens, qui dégageait des moyens à peu près dix fois supérieurs à ce qui est mis en œuvre.
Pour le deuxième, je note, monsieur le rapporteur, que l'adoption de votre amendement fera tomber les autres, mais que vous êtes prêt à coconstruire quelque chose de plus pédagogique reprenant les six grands travaux. Nous y sommes prêts aussi.
La définition de la rénovation performante était très attendue. Celle que vous proposez correspond à un effort très ambitieux pour changer l'existant et aller vers l'étape d'après. Toutefois, on ne sait plus très bien, aujourd'hui, quel est l'objectif à atteindre.
Je comprends le choix de la classe C, en raison de la refonte du DPE qui, avec l'intégration du carbone, conduira au déclassement d'anciens BBC – on va donc plus loin que l'ancien DPE. Mais quel est l'objectif final fixé ? Faudra-t-il amener tout le monde au niveau A, ou se satisfera-t-on, en fonction des typologies des bâtiments, d'atteindre les niveaux B ou C, celui-ci correspondant à l'ancien BBC ?
Le DPE nouvelle génération, en intégrant et en mixant à la fois la consommation énergétique et les émissions de gaz à effet de serre, est mieux disant que le précédent, car ce sera l'étiquette la moins valorisante des deux qui sera retenue. C'est là une avancée dans la prise en compte de l'impact environnemental du bâtiment. Les faits sont là, cette loi est plus ambitieuse que tout ce qui a été fait auparavant.
La rénovation performante par étapes est possible. Je suis d'ailleurs ouvert à ce que nous inscrivions une durée pour de réalisation – dix-huit ou vingt-quatre mois, à discuter –, l'intérêt étant, d'ici à 2025 ou 2028, de sortir des passoires énergétiques.
Madame Batho, vous insistez pour présenter ce que nous proposons comme une rénovation au rabais, mais mon amendement CS5306 rectifié précise bien qu'il s'agit d'atteindre « un gain d'au moins deux classes » et « la classe A, B ou C ». On parle de logements extrêmement performants, très performants et assez performants, ce qui va dans le sens que vous souhaitez. Je ne comprends pas votre opposition sur ce point.
Les travaux nécessaires pour passer de la classe G à la classe C sont énormes et représentent des dizaines de milliers d'euros de travaux. Se posera effectivement la question du reste à charge pour les Français, qui devra être supportable.
En tout cas, le texte fixe une ambition.
Je comprends votre frustration, madame Batho. Effectivement, cela fait des années, dont celles où vous étiez aux responsabilités, que cela n'a pas été fait et que la rénovation énergétique ne décolle pas. Depuis deux ans, elle décolle.
Le budget de soutien à la rénovation énergétique des ménages s'élève à 5 milliards d'euros, dont 2,5 milliards inscrits au budget de l'État et 2,5 milliards de certificats d'économie d'énergie fléchés sur cette rénovation. C'est plus que ce qui y a été jamais consacré, même à la grande époque du CITE. Dans sa dernière phase, celui-ci finançait à 50 % les 20 % de ménages les plus aisés, et à 50 % de simples changements de fenêtre. Désormais on finance non seulement des gestes simples, mais aussi de la rénovation globale ; on finance en proportion des revenus et en proportion des travaux faits. C'est un véritable progrès.
L'objectif que nous fixons à travers la définition de la rénovation performante – un saut d'au moins deux classes et l'atteinte au moins du niveau C – est extrêmement ambitieux, en tout cas plus que ce que font les programmes les plus ambitieux de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), Habiter mieux et Habiter serein, ou le forfait rénovation globale de MaPrimeRénov', qui est à 55 % d'économie d'énergie, alors qu'avec le nouveau dispositif on se situera aux alentours de 60 % ou de 65 %. Dans beaucoup de bâtiments, il ne sera pas possible d'atteindre les classes A ou B. Il me semble donc que nous faisons ce que beaucoup auraient souhaité voir fait précédemment.
La possibilité de procéder à une rénovation performante par étapes pourra effectivement être précisée.
Enfin, cette définition de la rénovation performante servira, non pas à fixer une obligation sans sanction, mais à rendre plus explicites les audits et l'accompagnement.
La commission adopte l'amendement CS5360 rectifié.
En conséquence, tous les autres amendements tombent.