La réunion débute à 16 heures 35.
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente.
La Commission poursuit l'examen de la proposition de résolution tendant à modifier le Règlement de l'Assemblée nationale (n° 1882) (M. Sylvain Waserman, rapporteur).
Nous poursuivons cet après-midi l'examen de la proposition de résolution tendant à modifier le Règlement de l'Assemblée nationale.
Article 7 (art. 48 du Règlement de l'Assemblée nationale) : Transmission d'un programme législatif prévisionnel
La Commission examine l'amendement CL143 de Mme Danièle Obono.
Nous proposons qu'une nouvelle séance par mois soit réservée aux propositions de loi présentées par les groupes d'opposition et les groupes minoritaires, afin de leur accorder une plus grande reconnaissance. Le Gouvernement et sa majorité auraient au moins deux semaines et trois jours par mois pour examiner leurs textes. L'initiative législative appartient essentiellement au Gouvernement, alors que c'est au Parlement de faire la loi.
Avis défavorable. Nous allons, dans cette proposition de résolution, faire évoluer les journées réservées aux groupes d'opposition. Plutôt que de les multiplier, il me semble plus intéressant de permettre, selon une nouvelle procédure, qu'elles puissent être véritablement débattues en supprimant le recours systématique aux motions de procédure.
Il ne s'agit pas de multiplier les niches. Il est plus que frustrant que si peu de temps soit accordé aux propositions des parlementaires. La question des motions relève d'un autre débat et n'est qu'une échappatoire. Pour que chacun se sente faire partie du Parlement, il est important que l'initiative législative soit élargie. Nous vous soumettrons de nouveau cet amendement.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CL293 de Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe.
L'amendement fait suite aux travaux menés dans le cadre des groupes de travail mis en place par M. François de Rugy sur le travail législatif et les droits de l'opposition. Parmi les propositions retenues lors de l'examen du projet de loi constitutionnelle figurait celle d'un calendrier prévisionnel à six mois, précisé et actualisé à trois mois. Bien souvent, le calendrier ne se précise que quelques semaines avant l'examen en séance publique du projet de loi. C'est pourquoi je vous suggère ce nouveau calendrier, qui rendra nos travaux plus prévisibles et permettra de mieux nous concerter en amont des textes. Avoir le temps de travailler, c'est travailler mieux et écrire une loi de meilleure qualité.
J'ai beaucoup de sympathie pour cet amendement, pour avoir travaillé avec vous, madame la députée, sur ce sujet, dans le groupe de travail. Néanmoins, à ce moment-là, nous étions dans une logique d'évolution de la Constitution. Depuis, la pratique du Gouvernement a changé : nous avons, tous les trois mois, un planning des textes à venir. Marc Fesneau, le ministre chargé des relations avec le Parlement, nous communique, en Conférence des Présidents, la liste des textes dont le gouvernement envisage l'examen dans les trois mois, qui est publiée dans la foulée sur le site de l'Assemblée. Votre amendement pourrait faire courir un risque constitutionnel, dans la mesure où nous ne pouvons pas intimer au Gouvernement quelque ordre que ce soit. Au contraire, la rédaction de l'article 7 reprend exactement la rédaction qui était en vigueur dans notre Règlement jusqu'en 2009, laquelle implique une planification à six mois.
Monsieur le rapporteur, ce n'est pas parce que la pratique du Gouvernement s'est améliorée que nous ne devons pas rester vigilants ni fixer des règles, quand bien même elles ne feraient que conforter une pratique existante. Si nous considérons que, pour bien travailler, il nous faut connaître les textes au moins trois mois à l'avance, ce n'est pas parce que le Gouvernement veut bien nous les donner aujourd'hui, que nous devons nous interdire de l'inscrire dans le Règlement. Nous devons être plus exigeants sur les conditions dans lesquelles les textes et les études préalables nous sont communiqués : travailler systématiquement dans l'urgence ne nous permet pas de mener un travail législatif de fond.
L'article 7 de la proposition de résolution est le suivant : « Le troisième alinéa de l'article 48 du Règlement est ainsi rédigé : ‘À l'ouverture de la session, puis, au plus tard, le 1er mars suivant, ou après la formation du Gouvernement, celui-ci informe la Conférence des affaires dont il prévoit de demander l'inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée et de la période envisagée pour leur discussion.' » Nous sommes certains de la validité constitutionnelle de l'article, puisqu'il reprend la rédaction qui était en vigueur jusqu'en 2009.
Sur le fond, nous sommes tous d'accord pour dire que plus nos travaux seront prévisibles, mieux ils seront menés. Nous devons d'ailleurs réfléchir au délai entre le dépôt d'un texte et son examen, notamment en cas de procédure accélérée. Les six semaines minimales de délai sont nécessaires au bon fonctionnement de notre assemblée.
Par ailleurs, monsieur le rapporteur, il y a cette expression curieuse de « Conférence des affaires »…
Le mot « Conférence » désigne la Conférence des Présidents, et « des affaires » est le complément de « demander l'inscription ».
La proposition faite à six mois est peu précise. Ce que je demande, c'est que l'Assemblée dispose d'éléments plus précis permettant un travail de fond et de qualité. J'entends bien la réserve constitutionnelle faite par le rapporteur, et je veux bien retravailler mon amendement. Néanmoins, pour prendre un exemple, nous n'avons reçu des éléments suffisamment précis pour travailler sur la loi santé que trois semaines avant son examen, ce qui ne nous a pas permis de mener des travaux collectifs comme nous l'aurions souhaité. Le calendrier représentant un enjeu très fort, j'espère que nous pourrons revenir dessus ensemble.
L'amendement est retiré.
La Commission examine l'amendement CL98 de M. Christophe Euzet.
L'article 7 représente un progrès considérable dans l'entreprise d'amélioration de la qualité de nos travaux à droit constitutionnel constant. Il va nous permettre de constituer des ateliers ou encore des missions d'information, sur la base des informations dont nous disposerons, à condition que l'ensemble des députés soient informés du programme du Gouvernement.
Je suis très heureux de vous dire que votre amendement est pleinement satisfait. J'ai vérifié moi-même – et cela répond à la question de Mme Ménard : il suffit, sur la page d'accueil du site de l'Assemblée, de cliquer sur l'onglet « Les députés », puis sur « La Conférence des Présidents », pour trouver tous les comptes rendus et les ordres du jour. La procédure est la même pour le Bureau. C'est super utile !
Monsieur le rapporteur, nous pouvons bien aller chercher l'information, à supposer qu'elle soit stable…
Ce n'est pas vrai, puisque, de réunion en réunion, la Conférence des Présidents modifie l'ordre du jour prévu à la réunion précédente.
Je veux bien me prêter à l'exercice ! Mais je suis certain que, ce mardi, des modifications ont été apportées à l'ordre du jour fixé mardi dernier. Cela reste très approximatif.
La loi Pacte, par exemple, devait être examinée au tout début du mois de septembre, et nous n'en avions aucun élément au mois d'août. Même la rapporteure de la majorité s'arrachait les cheveux ! C'est un vrai sujet.
Je vous rejoins : c'est un vrai sujet. Même si le délai de six semaines n'est, malheureusement, pas forcément respecté, dans cette proposition de résolution, nous ne pouvons l'exiger du Gouvernement. La vraie réponse à votre question est constitutionnelle.
Prévoyez-vous de modifier le délai de dépôt des amendements ? Cette semaine, les délais de dépôt étaient intenables et délirants, de la veille pour le lendemain ! C'était un travail impossible pour les collaborateurs ! D'ailleurs, très peu d'amendements ont été cosignés pour la simple raison que nous n'avons pas pu donner les amendements à nos collègues. Cela appauvrit le débat, puisqu'en l'absence du signataire, personne ne peut défendre l'amendement.
S'agissant de ce texte, le délai de dépôt des amendements en Commission était tout à fait habituel : samedi, à dix-sept heures.
L'amendement est retiré.
La Commission est saisie de l'amendement CL248 de M. Stéphane Peu.
Nous avons souvent parlé des missions du Parlement : faire la loi, mais aussi contrôler l'action de l'exécutif et du Gouvernement. Tout le monde s'accorde à dire que nos capacités de contrôle doivent être renforcées. C'est pourquoi nous proposons de ne pas circonscrire les séances de contrôle aux seuls rapports produits par l'Assemblée nationale, mais de pouvoir débattre de tous les aspects qui ont trait au contrôle de l'action du Gouvernement. Nous proposons également que des personnalités extérieures soient invitées, comme cela se faisait précédemment, afin d'étendre les missions de contrôle.
Les deux volets de l'amendement sont satisfaits. Des personnalités extérieures ont pu participer à des débats depuis la XIIIe législature et leurs auditions bénéficient des mêmes conditions de publicité que les débats dans l'hémicycle. Pour ce qui est des sujets d'actualité, ils peuvent déjà être évoqués à l'occasion d'une séance de questions adressées à un ministre.
Les possibilités d'auditions extérieures sont très encadrées. Il me semble que cet amendement va plus loin sur les séances de contrôle, bien au-delà de l'audition de telle ou telle personnalité, comme cela se fait. En adoptant l'amendement, nous tirerions toutes les conséquences de l'article 24 de la Constitution, qui nous confie trois missions : voter la loi, évaluer les politiques publiques et contrôler l'action du Gouvernement. À l'heure où l'on évoque un renforcement des pouvoirs du Parlement, notamment de ses actions de contrôle et d'évaluation, nous aurions intérêt à adopter cet amendement, qui ne comporte pas de piège. Il nous donnerait plus de poids collectivement.
Aujourd'hui, les conditions pour avoir un rapport sont très encadrées et contingentées selon les groupes. Il s'agit que l'exercice de contrôle puisse se faire à toute occasion et sur tout sujet ayant trait au contrôle de l'exécutif.
Je comprends votre intention et vous propose de retravailler ensemble à la rédaction de votre amendement avant l'examen en séance.
L'amendement est retiré.
Puis la Commission examine l'amendement CL249 de M. Stéphane Peu.
L'amendement vise à porter à six le nombre de séances minimales consacrées à un ordre du jour arrêté par les groupes d'opposition ou les groupes minoritaires. Il s'agit de donner plus de pouvoir au Parlement dans la détermination de son ordre du jour, tout en renforçant les droits et les initiatives de l'opposition et des groupes minoritaires.
Je vous ferai la même réponse qu'à Mme Obono : il n'est pas souhaitable de réserver de nouvelles séances avant d'avoir mis en oeuvre la nouvelle formule.
Monsieur le rapporteur, vous faites un raccourci un peu rapide. Cette proposition est intéressante. Cela permettrait de travailler sur des propositions de loi plus complexes, alors qu'actuellement, avec trois séances, on ne peut déposer que des petits textes, même si les renvois systématiques par la majorité nous permettent d'en examiner plusieurs. Si un jour un groupe d'opposition voulait proposer une vraie réflexion législative structurée,…
Si nous voulons que les idées des groupes d'opposition soient mieux discutées, les propositions de loi doivent être plus complexes, pour qu'il soit possible de déposer plus d'amendements et de les discuter plus longuement, sans prendre le risque de devoir reprendre la discussion un an plus tard.
Nous aurions intérêt à laisser un peu plus de longueur à la laisse de la niche parlementaire : les six séances m'iraient bien ! Nous revenons à un point dont nous avons débattu ce matin : la définition du groupe d'opposition et du groupe minoritaire. Dès lors que des droits nouveaux sont offerts aux oppositions, il faut bien les définir.
Un Parlement qui réclame d'avoir six fois dans l'année le droit de décider de son emploi du temps n'est pas un Parlement insoumis, mais un Parlement qui essaie d'exister. Par ailleurs, monsieur le rapporteur, toute la philosophie de la révision du Règlement, c'est de libérer du temps. Ce temps que nous gagnons, en éliminant des phases inutiles dans la discussion, nous pourrions le récupérer ainsi, d'autant que nos concitoyens y font très attention. Quand ils voient un texte inscrit à l'ordre du jour, ils ont l'impression que nous servons à quelque chose. Cela nous permet d'exister par rapport au Gouvernement. Enfin, pour avoir fait l'expérience d'une proposition de loi qui avait commencé à être examinée en juin et qui a fini de l'être en octobre, je sais qu'une plus grande fréquence de séances consacrées aux groupes d'opposition faciliterait le suivi des débats. Dès lors que le nombre de groupes n'est pas limité, nous avons tout intérêt de prévoir dans le règlement un nombre important de séances, les groupes d'opposition et minoritaires risquant de ne pas souvent décider de l'ordre du jour. Ce sera un peu comme la comète de Halley…
Dans les discussions qui ont eu lieu avec les différents groupes, en amont de l'examen en commission, un sujet a beaucoup énervé les oppositions et les groupes minoritaires, ce sont les motions de renvoi et de rejet déposées systématiquement par la majorité sur les textes présentés dans les niches. Il devrait être mis un terme à cette pratique, ce qui empêchera l'obstruction. Néanmoins, il faut prendre garde qu'en ne se donnant pas le temps, ce que l'on va gagner avec la fin des motions conduise à une impossibilité de débattre, compte tenu du temps contraint des trois séances. Si on discutait convenablement des propositions de loi déposées par les uns et les autres, les trois séances ne pourraient suffire.
C'est le pouvoir exécutif, pour 90 % des lois au moins… Nous les discutons, les amendons, les faisons grandir, en général, puis les votons. Pour anecdote, sur les quelque cinquante propositions de loi déposées au Parlement sur les langues régionales, trois ont été discutées, dont deux sous l'ancienne législature – j'étais à l'origine de l'une, le groupe socialiste de l'autre. Cela illustre bien l'écart entre le centre et la périphérie. En général, ce qui intéresse le centre, l'administration et le Gouvernement se retrouvera dans la loi ; mais ce qui intéresse nos périphéries, il sera un peu plus compliqué de l'y intégrer. Est-ce la bonne réponse de passer de trois à six séances de niches ? Honnêtement, je n'en sais rien. C'est un vrai problème, mais je ne suis pas sûr d'avoir de vraies réponses.
Mes chers collègues, je voudrais vous renvoyer au deuxième paragraphe de la page 13 de la proposition de résolution : « Les droits des groupes d'opposition et minoritaires seraient par ailleurs confortés par une modification de l'Instruction générale du Bureau excluant l'adoption de motions de procédure lors de leurs journées réservées (« niches parlementaires »). Une telle réforme permettra ainsi la discussion complète des textes inscrits à l'ordre du jour à leur initiative. »
Les propositions de loi des groupes minoritaires et d'opposition n'étant plus renvoyées en commission ni rejetées, nous prendrons plus de temps pour les discuter. Aussi, pour refuser une proposition de loi, devrez-vous la rejeter article par article, ce qui, mécaniquement, laissera moins de temps pour examiner les textes dans la journée. C'est pourquoi il est nécessaire de doubler le nombre de séances des niches. Soit dit entre nous, en semaine de contrôle, le jeudi, il n'y a pas beaucoup de monde en séance, et le vendredi nous sommes tous en circonscription. Cela ne coûterait rien de décider que, le vendredi, nous continuerions d'examiner des propositions de loi qui nous tiennent à coeur. Cela ne bouleverse en rien l'ordre du jour de l'Assemblée nationale de réserver le jeudi et le vendredi aux niches, pendant les semaines de contrôle.
Votre préoccupation est légitime. Mais il n'est pas possible de réclamer la suppression des motions et de se plaindre qu'on discute les propositions de loi... Je vous renvoie à la Constitution, laquelle dispose, à son article 48 : « Un jour de séance par mois est réservé à un ordre du jour arrêté par chaque assemblée à l'initiative des groupes d'opposition de l'assemblée intéressée ainsi qu'à celle des groupes minoritaires. » Je ne m'oppose pas par principe au doublement des séances de niches, mais cela ne peut pas relever du Règlement de l'Assemblée nationale.
Monsieur Questel, notre amendement vient compléter utilement la suppression des motions, qui est une bonne chose – je le répète. Pour aller au bout de votre idée, il faudrait nous donner les moyens, dès lors qu'il n'y a plus d'obstruction, de mener un vrai débat.
Il n'y a pas de différences, de ce point de vue, entre groupe minoritaire et groupe d'opposition. Par ailleurs, aujourd'hui, neuf jours par an sont consacrés aux niches : trois pour les LR, deux pour le MODEM et un pour chacun des autres groupes. M. Dumont a tout dit, en parlant de temps suffisant pour débattre. Notre proposition de résolution permet un réel progrès. Laissons vivre les niches dans leur nouvelle formule. Nous aurons des moments parlementaires plus forts, même si le fait majoritaire s'exprimera par le vote.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement CL142 de Mme Mathilde Panot, qui fait l'objet du sous-amendement CL315 du rapporteur.
Nous proposons de renforcer le pouvoir de contrôle de l'Assemblée, en cohérence avec le rôle qu'est censé jouer le Parlement dans la législation européenne.
Aujourd'hui, l'essentiel de notre législation correspond à l'application de directives, alors que le Parlement n'a pas systématiquement l'opportunité de discuter des orientations du Conseil européen. Pour rendre l'Europe plus concrète, il est important que le Parlement se saisisse plus directement de telles questions. C'est pourquoi nous proposons que chaque réunion du Conseil européen fasse l'objet d'un débat préalable devant l'Assemblée nationale. L'article 15 du Traité sur l'Union européenne dispose que : « Le Conseil européen donne à l'Union les impulsions nécessaires à son développement et en définit les orientations et les priorités politiques générales. » Il nous semble que le Parlement doit pouvoir jouer un rôle majeur dans ces questions, comme le prévoit l'article 88-4 de la Constitution. Cela rapprocherait l'Europe de la représentation nationale – nous sommes encore censés être souverains – et des citoyens, auxquels nous pourrions rendre des comptes plus directement, en nous référant moins à Bruxelles, où tout se ferait.
Madame Obono, je partage votre préoccupation : il est important que notre Parlement se saisisse des sujets européens et que nous les débattions. S'il me semble qu'il ne faut pas dessaisir la Conférence des Présidents de sa capacité de décision, en imposant l'organisation d'un débat, il est important toutefois de l'affirmer. Mon sous-amendement permettrait d'assouplir un peu votre rédaction.
Le Conseil européen, c'est le conseil des chefs d'État et de gouvernement. Or, dans la mesure où le chef de l'État français n'est pas responsable devant le Parlement, je me demande s'il est possible, d'un point de vue constitutionnel, que l'Assemblée nationale débatte de sa position. En revanche, il serait possible de débattre de la position du Conseil des ministres européens.
Par ailleurs, lorsque nous avons créé la session unique, l'engagement pris à l'époque était que le Parlement siégerait cent vingt jours par an, soit du mardi au jeudi. Moralité : nous siégeons désormais du lundi au vendredi, et parfois le samedi ! Si nous voulons respecter la Constitution, toute la Constitution et rien que la Constitution, revenons à l'esprit de la session unique voulu par Philippe Séguin.
Même si j'aurais aimé une garantie, adopter notre amendement sous-amendé sera un signal positif.
Alors que nous nous demandons comment rapprocher les institutions des citoyens, il nous semble fondamental que le Parlement puisse avoir un débat sur les directions prises par le Conseil européen – compléter l'amendement avec le Conseil des ministres alourdirait sans doute trop notre calendrier –, sans que nous ne déterminions, bien entendu, les choix du Président de la République. Le Parlement pourra exprimer un point de vue sur des questions qui s'imposeront, de toute façon, à lui, puisque nous transposerons les directives dans notre droit.
Monsieur le rapporteur, comment peut-on imaginer ce dispositif au regard des dispositions de l'article 48 de la Constitution relatif à l'agenda de chaque assemblée ? Sans prétendre être la garante de la Constitution, je m'interroge…
Ce débat sera organisé pendant la semaine de contrôle. Nous n'intimons aucun ordre à qui que ce soit. Nous inscrivons la possibilité de nous saisir pendant nos semaines de contrôle, sur décision de la Conférence des Présidents, qui est souveraine, de ce sujet européen, plus régulièrement.
Que fait-on dans le cas où un Conseil européen est convoqué en urgence, comme cela a été le cas sur le Brexit, et que nous ne sommes pas en semaine de contrôle ?
La Conférence des Présidents se réunissant toutes les semaines, elle peut tout à fait organiser ce type de débat, et l'a déjà fait.
La Commission adopte le sous-amendement CL315.
Puis elle adopte l'amendement CL142 sous-amendé.
La Commission adopte l'article 7 modifié.
Après l'article 7
La Commission examine l'amendement CL294 de Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe.
L'amendement s'inscrit dans la suite des travaux menés, avec M. Waserman, dans le cadre des groupes de travail mis en place par M. François de Rugy. Grâce au calendrier prévisionnel, nous connaîtrons l'intention de légiférer du Gouvernement six mois à l'avance. Néanmoins, les commissions font état des difficultés à examiner les textes, même quand le délai constitutionnel de six semaines est respecté. La qualité du débat législatif en souffre : les positions politiciennes prévalent sur les convergences de fond. Lorsque le débat parlementaire fait suite à des travaux, comme des missions d'information et d'évaluation – cela a été le cas pour le projet de révision de la loi de bioéthique, par exemple, qui n'a pas encore été soumis à l'Assemblée –, l'expérience montre qu'il est plus apaisé et présente des possibilités de consensus.
C'est pourquoi je vous propose que les commissions concernées mènent une mission d'évaluation préalable. Cela permettra d'impliquer tous les groupes ; de spécialiser des parlementaires sur les matières traitées ; d'écarter des idées moins pertinentes ; de permettre une convergence sur une grande partie des questions considérées d'un point de vue technique ; et de nous concentrer sur les seuls points d'affrontement politique. Le débat y gagnerait en qualité.
C'est un axe de travail important. Ce qui me gêne, c'est la systématisation de la mission d'information. Aujourd'hui, c'est le travail du rapporteur de procéder à cette évaluation de la loi. Dans un monde idéal, le Gouvernement nous ferait part de son intention de légiférer six mois auparavant et nous aurions le temps de lancer une mission. En réalité, le délai de présentation des textes est trop court pour que votre proposition soit opérante. Avis défavorable.
L'idée est intéressante, malgré une mécanique un peu lourde. Cela nous permettrait de ralentir considérablement le rythme de notre production législative, ce qui serait plutôt une bonne chose. Cela obligerait le Gouvernement, qui est à l'initiative, à réfléchir à deux fois, avant de vouloir procéder par la loi. Nombre de ses articles ne relèvent pas du domaine législatif, mais du domaine règlementaire. Cela repositionnerait chacun dans son rôle et diminuerait vraisemblablement le nombre de discussions sur la recevabilité de certains de nos amendements jugés réglementaires, alors même qu'ils ont été déposés sur un article d'ordre réglementaire. Les initiatives tendant à ralentir le processus législatif sont bonnes. Une autre piste serait de limiter considérablement le recours à la procédure accélérée.
L'idée est intéressante, même s'il existe un risque de doublon avec le rôle du rapporteur. Cela vient aussi ajouter une mission à toutes celles que nous menons simultanément et fait courir le risque que les deux rapporteurs se retrouvent seuls à travailler. Parfois, nous n'avons le texte du projet de loi que soixante-douze voire quarante-huit heures avant son examen, pour des raisons obscures et variées. Je crains que, six mois avant, on ne dispose que d'indications, ce qui ne nous permettra pas d'évaluer réellement. Le seul point positif, c'est que cela nous permettrait de simplifier le droit et de nettoyer au fur et à mesure l'empilement des règles et des normes qui viennent embrouiller la compréhension du citoyen.
L'amendement va dans le sens de l'amélioration de la qualité de notre travail. Je me demande tout de même s'il n'y aurait pas un risque de redondance avec les missions d'information conduites par la commission des Lois. C'est un moment où nous pouvons travailler avec les fonctionnaires de l'Assemblée, qui disposent d'une compétence et d'une expertise dont nous avons du mal à nous prévaloir seuls.
Malgré les capacités de nos équipes, nous ne pouvons pas toujours mener un travail d'une telle qualité, d'autant que se pose aussi la question de l'accès à certaines informations et aux contacts nécessaires dans les administrations. Soit dit en passant : aucune mission d'information n'a été conduite jusqu'à présent par le MODEM à la commission des Lois. Cela s'explique sans doute par son statut de groupe minoritaire, l'un des rapporteurs de la mission appartenant à la majorité, l'autre à l'opposition.
Cette idée d'une évaluation préalable est assez intéressante sur le fond mais, dans la forme, cette proposition risque en réalité d'alourdir la procédure. Sans doute vaudrait-il mieux intégrer systématiquement ce travail d'évaluation dans les missions du rapporteur, sous réserve qu'il ait le temps nécessaire. D'ailleurs, pour l'avoir été moi-même sous la législature précédente, il me semble que chaque rapporteur procède peu ou prou à ce type de travail sur le droit existant, et cela fait également partie de l'étude d'impact.
Je pense qu'il s'agit donc plutôt de rendre ce travail d'évaluation plus visible, de le valoriser davantage, comme il faudrait valoriser davantage, en aval, le travail d'évaluation sur l'application des textes votés, lesquels, depuis deux ans, n'ont guère fait l'objet de beaucoup de travaux.
Malgré la pertinence de la proposition formulée, sa mise en oeuvre concrète me paraît très complexe. Peut-être pourrait-on plutôt réfléchir à anticiper la nomination des rapporteurs. Cela serait une manière de répondre à cet amendement, que notre groupe ne soutiendra pas.
On peut en effet travailler sur la date de nomination des rapporteurs, et il nous arrive d'ailleurs parfois de désigner un rapporteur sous réserve du dépôt d'un texte, ce qui nous permet d'anticiper et de lui permettre d'amorcer son travail.
Quant à l'évaluation des lois votées, monsieur Gosselin, nous avons procédé à plusieurs missions d'évaluation, notamment sur la « loi Macron », et nous évaluerons prochainement, à votre demande et à celle de Mme Vichnievsky, la loi relative aux actions de groupe.
Enfin, une mission reproduisant la configuration politique de l'Assemblée doit comporter dix-neuf membres, ce qui est long et compliqué à mettre en place. C'est un processus qui me paraît donc d'une lourdeur excessive.
En revanche, je rejoins mes collègues sur la nécessité que le rapporteur évalue l'état du droit en vigueur, et c'est sans doute un point sur lequel nous devrons attirer l'attention des rapporteurs, au moment de leur nomination.
Mon amendement propose l'idée d'une mission préalable, c'est-à-dire en amont du travail effectué par le rapporteur car, à ce moment-là, le temps est compté et n'est pas suffisant pour que les députés effectuent ce travail de fond. Nous devons donc collectivement anticiper davantage, pour procéder à ces évaluations, qui sont d'autant plus importantes qu'avec les missions de contrôle elles sont une des tâches de notre assemblée qui méritent une attention toute particulière.
J'ai néanmoins entendu vos arguments sur la lourdeur d'une procédure qui serait systématisée, et je vais donc retirer mon amendement. Néanmoins j'aimerais que nous en reparlions car il y va de la qualité du travail législatif.
L'amendement CL294 est retiré.
Article 8 (art. 49 du Règlement de l'Assemblée nationale) : Organisation de la discussion des textes
La Commission examine l'amendement CL219 de M. Stéphane Peu.
Nous souhaitons la suppression de l'article 8 car, au travers de toute une série de dispositifs, il réduit notre temps de parole en hémicycle. Or réduire la parole, et donc le débat d'idées et les échanges, nous paraît absolument contraire à ce qu'est la fonction du Parlement. Sans revenir sur les arguments que j'ai développés ce matin lors de la discussion générale, j'ajoute qu'on ne peut réduire à une prise de parole par groupe la possibilité pour les députés de s'exprimer, chacun d'entre nous comptant pour un dans l'hémicycle.
Le temps laissé au débat ici, au Parlement, est un temps nécessaire pour que la société s'approprie les enjeux dont nous discutons, et tout ce qui accélère et limite les débats limite du même coup la démocratie. Nous sommes donc farouchement hostiles aux dispositions de l'article 8.
Nous abordons ici une des propositions centrales de ce texte, qui est parfaitement assumée.
Aujourd'hui, la discussion générale s'apparente à une forme de tunnel, dont nous proposons de sortir en limitant la prise de parole à cinq minutes par groupe. Pour autant, cette règle n'aura rien d'intangible, puisque la Conférence des Présidents pourra augmenter la durée de la discussion générale sur certains textes, si elle l'estime nécessaire.
Le président Ferrand a souhaité avancer « à visage découvert ». Son intention est bien de limiter par défaut les prises de parole à cinq minutes, l'idée étant de raccourcir un tunnel d'interventions, à notre sens trop long.
J'ajoute qu'il existe de multiples possibilités de s'exprimer sur un texte, et je ne voudrais pas qu'on résume nos propositions à la seule recherche de l'efficacité. Il s'agit d'un choix de Richard Ferrand, qui a pour objectif de fluidifier les débats et d'en arriver plus rapidement à l'expression de chacun au travers de la défense de ses amendements. Avis défavorable.
Nous passons d'un extrême à l'autre ! Je souscris à l'idée, pour le déplorer, moi aussi, régulièrement, que la discussion générale, dans sa forme actuelle est un tunnel interminable qui ne sert qu'à réitérer de manière différente la même idée. Mais passer de discussions qui peuvent actuellement durer deux ou trois heures à une discussion générale qui serait pliée en un peu plus d'une demi-heure, avec un seul orateur par groupe, ne me paraît pas admissible, d'autant que les députés qui n'auront pas eu la chance d'être choisis comme orateur par leur groupe n'auront plus la possibilité de s'exprimer individuellement pour développer des idées de portée générale.
La pédagogie étant l'art de la répétition, je répète ce que j'ai dit ce matin : avec une organisation des débats comme celle que vous proposez, vous allez inciter les députés à multiplier les groupes, car ils n'auront pas d'autre moyen de faire valoir leur droit individuel à la prise de parole.
On peut certes déplorer la répétition, mais il est indéniable qu'elle enrichit parfois le travail législatif, grâce à la réflexion qu'elle suscite. Vouloir réduire la parole de manière aussi drastique que vous le faites est donc dangereux.
Chacun doit savoir qu'en Conférence des Présidents, c'est le président du groupe majoritaire qui décide de la durée de la discussion générale sur un texte. Penser un seul instant que l'on puisse modifier ce temps de parole en fonction des textes pour permettre aux groupes d'opposition de s'exprimer est un leurre : au nom de l'efficacité politique, le président Legendre demandera, chaque fois, que ce temps de parole soit le plus réduit possible.
Les tunnels dont vous parlez se résument à une heure et demie – je rappelle que nous sommes élus pour cinq ans –, alors que nous traitons parfois de sujets essentiels : la fonction publique actuellement, la mobilité très prochainement, puis les retraites… Mon collègue Vincent Bru, élu comme moi dans les Pyrénées-Atlantiques, ne me démentira pas : si nous devions aborder, dans le département, la question de la mobilité, dont personne ne s'est jamais occupé, il nous faudrait entre deux et trois semaines ; ici nous n'avons qu'une heure et demie à partager entre 577 députés. Par ailleurs, limiter la parole à un seul orateur par groupe pose la question de l'expression pluraliste des différentes positions. Or un groupe n'est pas un bloc monolithique. J'ajoute que cette disposition n'est pas la seule que vous proposez pour réduire le temps de parole, et c'est le cumul de l'ensemble de ces dispositions avec lequel nous ne sommes pas d'accord.
J'ai appelé Claude Bartolone au téléphone. Il m'a dit vous avoir avertie, madame la présidente, que la majorité prenait pour elle-même un risque énorme en contingentant le temps de parole, car c'est oublier que, quand l'opposition ne pourra plus s'exprimer à l'Assemblée, elle s'exprimera ailleurs et que, quand les députés de la majorité n'auront plus le droit de s'exprimer, ils se transformeront en frondeurs…
Depuis deux ans, la majorité considère qu'on parle trop au Parlement et qu'il faut être plus efficace, ce qui, en langage macronien, signifie réduire nos discussions à la portion congrue.
Or, pour chaque député, l'expression individuelle est un droit, car nous ne sommes pas uniquement membres d'un groupe ou d'un parti mais les représentants, à titre individuel, des Français qui nous ont élus.
Par ailleurs, la politique est l'art de la répétition. On peut dire la même chose à des moments différents, avec une résonance différente, et le débat contribue à faire émerger de nouvelles manières de voir, ce qui est l'essence même du travail parlementaire qui permet à chaque sensibilité de s'exprimer.
Si cette proposition suscite autant d'oppositions, c'est qu'à mon sens, elle révèle une vision comptable et boutiquière du travail législatif. J'ajoute que ce n'est pas parce que l'on dispose de cinq minutes qu'on les utilisera systématiquement, si deux minutes suffisent. En revanche, si les cinq minutes sont nécessaires, nous devons disposer de cette liberté, a fortiori lorsque nous n'avons pratiquement plus aucun pouvoir de décision.
Comme le disait David Habib, museler les députés affaiblit encore davantage leur représentativité et risque de déplacer les débats ailleurs, dans des conditions qui ne représenteront pas nécessairement un progrès pour la démocratie.
Cinq minutes, c'est en effet trop court, et un petit tunnel d'une heure trente ne me paraît pas si terrible pour une discussion de quelques dizaines d'heures. D'autre part, cette forfaitisation du temps de parole qui se veut égalitaire rompt en réalité l'équilibre des forces en présence – cela vaut pour la majorité, que je tiens à défendre en tant que partisan du fait majoritaire.
Je trouve problématique de couper les têtes qui dépassent, au prétexte que chaque groupe doit se limiter à cinq minutes pour gagner du temps. Qui plus est, il est dangereux, ou à tout le moins délicat, de confier à la Conférence des Présidents la possibilité d'élargir le temps de parole. On sait très bien que cette instance est aux mains de la majorité, qui fait ce qu'elle veut, et c'est normal.
Enfin cette réduction du temps de parole, si elle ne pose pas de problème pour les textes consensuels, me paraît difficilement envisageable lorsqu'il s'agit, par exemple, d'aborder la révision de la Constitution, ou la réforme des retraites. Il y a des lignes jaunes à ne pas franchir, surtout lorsqu'elles s'ajoutent à d'autres. Ne pas en tenir compte, c'est risquer de déraper.
Nous sommes en train d'illustrer parfaitement ce que vous appelez un tunnel, mais qui permet en même temps le développement d'arguments solides dont on peut mesurer le poids respectif.
Cela étant, je vous rejoins sur le fait qu'il n'y a rien de plus horrible que ces séances où vous déclamez votre texte devant un hémicycle vide. Cela a un intérêt politique, mais cela n'a aucun sens dans le processus législatif. Ce n'est néanmoins pas une raison pour passer d'un extrême à l'autre. Je sais que vous songez à instaurer une dose de proportionnelle dans les prochains scrutins, avec le risque de voir le nombre de groupes se multiplier. Or, si le temps de parole est limité à un seul orateur par groupe, les grands groupes n'auront pas d'autres solutions que de se diviser pour donner voix à la pluralité.
J'ajoute que vous créez une inégalité entre les parlementaires car, plus le groupe auquel on appartient est important, moins on aura la capacité de se faire entendre. Je ne comprends donc pas pourquoi le temps de parole ne serait pas proportionnel à la taille des groupes, ce qui garantirait que chaque député y a bien sa place et qu'il ne s'y est pas inscrit par calcul politique. Il me semble que c'est une solution qui constituerait un bon équilibre entre la situation actuelle et ce que vous proposez.
Le temps de parole autorisé dans l'hémicycle n'est pas nécessairement le temps utilisé. Lors de la discussion sur les modalités de désignation des cinq députés supplémentaires au Parlement européen qui siègeront après le Brexit, pas un seul des orateurs ayant pris part à la discussion générale n'a utilisé la totalité de son temps – à part peut-être Paul Molac… – et ce n'est pas le seul exemple que je pourrais vous citer. Il ne s'agit donc pas de protéger une forme d'incontinence verbale ou d'usage abusif de la parole chez les députés mais de défendre la démocratie.
Nous nous sommes accordés sur le fait qu'il ne pouvait pas y avoir de bonne réforme des règles de notre assemblée qui ne soit pas consensuelle ou qui procède uniquement de la majorité. Ce serait pourtant le cas si ces dispositions devaient être adoptées, et cela entacherait la légitimité de la réforme.
Le groupe MODEM est attaché au pluralisme, mais il ne faut pas confondre discussion générale et débat. La discussion générale n'est qu'une succession d'interventions de qualité inégale et d'un intérêt tout relatif pour le dynamisme de nos échanges, même si elle permet aux différents groupes de s'exprimer. En commission des Lois, les interventions dans la discussion générale sont limitées à deux minutes, ce qui est largement suffisant pour exprimer ses idées forces. Non seulement des interventions courtes et percutantes ne font aucun mal au pluralisme mais elles sont plus efficaces auprès de nos concitoyens qui suivent les débats.
Je voudrais d'abord rappeler que la discussion générale en séance vient après la discussion générale en commission, laquelle peut être très longue. Il me semble ensuite que sa seule utilité pour les députés, c'est d'en extraire les capsules vidéos dont nous avons parlé ce matin, à l'attention de l'extérieur.
Par ailleurs, non seulement il s'agit d'un tunnel, comme s'accordent à le dire la majorité et l'opposition, mais son intérêt est d'autant plus limité qu'elle se déroule souvent en soirée, devant un hémicycle quasi vide.
Réduire le temps des interventions n'obèrera en rien la possibilité qu'ont les groupes d'exprimer leur position générale sur le texte – celle qu'ils reprendront lors des explications de vote, d'autant que les débats sur le corps du texte pourront durer, puisque chacun peut prendre la parole pour défendre ses amendements.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CL69 de M. David Habib, CL144 de Mme Mathilde Panot, CL220 de M. Stéphane Peu, CL52 et CL53 de M. Philippe Gosselin et CL130 de Mme Sylvia Pinel.
L'article 8 contingente les débats, en échange de quelques concessions. Nous avons ainsi pris acte de votre souhait d'autoriser, une fois par session, les présidents de groupe à demander et à obtenir une augmentation de leur temps de parole dans le cadre du temps législatif programmé. C'est pour ne pas perdre cette possibilité que nous ne souhaitons pas supprimer l'article mais seulement le modifier pour supprimer la limitation du temps de parole.
J'y insiste, sachant que, si tous les députés de l'opposition décidaient de se fédérer par groupe de quinze, nous obtiendrons entre seize et dix-sept groupes, ce qui laisse entrevoir ce que serait notre capacité de nuisance. Plutôt que d'en arriver là, il serait donc judicieux que la majorité écoute nos propositions et envisage de laisser les parlementaires continuer à s'exprimer.
Par cet amendement, nous nous opposons à la généralisation du temps législatif programmé, qui limite les possibilités d'intervention et de débat. On peut en effet exprimer une idée en deux minutes ou en cinq minutes, en cent quarante ou en deux cent quatre-vingts caractères mais, n'en déplaise à certains parlementaires de la majorité, nous ne siégeons pas ici pour faire de la politique à coup de slogans ; nous sommes ici pour débattre, ce qui nécessite de développer une argumentation et de prendre le temps, parfois, de rentrer dans les détails. À une époque où l'on communique par tweets, il est important qu'au sein de notre institution, on prenne le temps d'élaborer sa pensée. Revenir sur cette liberté serait une régression.
La discussion générale est une introduction au débat ; elle sert à « planter le décor ». Cela mérite donc que chaque groupe dispose d'un temps de parole qui ne soit pas trop réduit et, à cet égard, les cinq minutes attribuées à chacun de façon égalitaire ne me paraissent pas une bonne solution.
Certes, il est un peu problématique de s'exprimer devant un hémicycle vide, mais je rappelle que nous sommes en 2019 et que, lorsque nous nous exprimons, ce n'est pas uniquement à l'intention du collègue compatissant qui a bien voulu rester nous écouter pour nous applaudir. Depuis la tribune, nous nous adressons également à nos concitoyens et à la nation. Il ne s'agit pas d'être emphatique car, si personne ne nous regarde vraiment, il y a toujours un journaliste qui reprend une expression ou propose une synthèse de nos propos ; il y a aussi ce que nous mettons sur les réseaux – manière de faire parfaitement respectable dans le monde de communication et d'images dans lequel nous vivons et qui ne se limite pas au Journal officiel, auquel on veut nous renvoyer via des contributions. Je n'ai rien contre les contributions, j'en fais régulièrement pour des rapports, mais il y a des moments où on a envie d'être un peu plus direct, un peu plus percutant.
Je n'ai pas non plus de difficulté dans l'absolu à limiter la longueur du tunnel, mais entre le trop et le pas assez, monsieur le rapporteur, le mouvement de balancier n'est pas parfaitement stabilisé, et il serait dommage que nous n'arrivions pas à nous entendre sur cette réforme du Règlement, pour quelques minutes. Si Paris valait bien une messe, le Règlement vaut bien quelques minutes supplémentaires…
L'amendement CL130 propose que la Conférence des Présidents puissent faire passer le temps de parole de chaque groupe de cinq à dix minutes, de manière à ce que puissent s'exprimer des opinions dissidentes.
Nous avons le choix entre le temps législatif programmé, qui offre une liberté absolue – on peut utiliser le temps qu'on veut dans la discussion générale – dans une durée contrainte, et une procédure ordinaire qui comporte certaines contraintes – celle notamment que nous voulons resserrer en favorisant une brève expression du groupe dans la discussion générale – mais où le droit d'amender procure à chaque député, sauf dans certains cas, un temps de parole illimité, c'est-à-dire deux minutes par amendement déposé.
Je suis pour ma part favorable au temps législatif programmé, auquel il faudrait revenir, comme cela se faisait assez systématiquement sous l'avant-dernière législature et à la fin de la précédente. C'est dans cette perspective que nous proposons qu'il soit assorti de nouveaux droits, conformément à ce qui était demandé. Reste ensuite le temps global dévolu à chaque texte dans ce cadre, mais cela relève de la Conférence des Présidents.
Quant à la question de l'égalité entre les groupes, je ferai remarquer qu'aujourd'hui, dans la plupart des cas, qu'un groupe se compose de cent députés ou de quinze, il dispose des mêmes dix minutes en discussion générale, à deux réserves près puisque le groupe majoritaire dispose de quinze minutes et les non-inscrits de cinq minutes.
La situation actuelle n'est pas forcément idéale. Par ailleurs, dans le temps imparti à la majorité, il me semble qu'il faut aussi inclure le temps de parole du rapporteur qui, lui, intervient librement et aussi longtemps qu'il le souhaite, sans parler du temps du Gouvernement.
Enfin, nos échanges démontrent soit que cette réforme n'a pas été assez réfléchie ni assez travaillée, soit qu'elle procède d'intentions cachées que nous avons l'intention de dénoncer avec fermeté.
En mettant les groupes parlementaires au centre du jeu, sans avoir précisément défini à quoi ils correspondaient, vous déstabilisez notre fonctionnement. Voulez-vous en effet voir notre assemblée se transformer en un archipel de petits groupes nés de la volonté de chacun d'entre nous de retrouver un espace d'expression le plus adapté à sa sensibilité politique ? Ou préférez-vous des groupes plus larges, structurés autour de compromis, mais dans lesquels il est nécessaire que chaque membre puisse exprimer les nuances de sa position, y compris dans une discussion générale ?
Parce que vous aurez beau vanter le temps de parole associé à la défense des amendements, ceux-ci ne permettent d'aborder le texte que par le petit bout de la lorgnette, alors que la discussion générale permet de poser le cadre, de dessiner une perspective et de défendre une vision d'ensemble.
Merci monsieur Schellenberger, vous n'avez pas dépassé les deux minutes autorisées, et je crois que nous avons compris votre position.
Quant à choisir entre temps législatif programmé et procédure ordinaire, encore faudrait-il que nous ne débattions pas systématiquement des textes en procédure accélérée. Je crois que c'est un fait qui mérite d'être pris en compte dans la réforme de notre règlement.
Il ressort de nos discussions une opinion très négative du rôle des parlementaires. Or notre rôle est de nous emparer d'un texte de loi, de l'étudier, de se forger une opinion, puis d'exprimer cette dernière, et je voudrais insister à mon tour sur le fait qu'il n'y a aucun rapport entre le fait d'exposer une opinion au cours d'une discussion générale et le fait d'intervenir sur un point particulier à l'occasion de la défense d'un amendement. Si vous considérez que tout cela n'est que du blabla et qu'il faut nous réduire au silence, à quoi servons-nous ? Et comment s'étonner que nos concitoyens ne croient plus en notre action ?
Il semble qu'à vos yeux un parlementaire ne soit qu'un robot fait pour lever le doigt et voter et que, s'il a des choses à dire, il doive aller les dire sur BFM TV ou ailleurs. C'est un contresens absolu sur ce que l'on attend de nous. Par ailleurs, pour siéger depuis dix ans dans cette assemblée, je peux concéder que tous les débats n'ont pas le même intérêt, mais certaines interventions sont de haute tenue et très intéressantes. Ce n'est donc pas à nous d'aller expliquer que nous disons des choses sans intérêt.
Je souscris complètement à ce qui vient d'être dit. Lorsqu'on aura muselé le Parlement, on regrettera de ne plus avoir un Parlement bavard, mais on ne pourra pas revenir en arrière.
Vous proposez des avancées avec lesquelles je suis d'accord, notamment la suppression de la motion de renvoi en commission, mais doit-on aller aussi loin que vous le faites ? Il me semble que nous devons revenir à une position plus équilibrée, assise sur le principe que, lorsqu'un député parle, c'est pour dire des choses intéressantes. Or le message que vous semblez porter est que la parole d'un débuté est ennuyeuse et qu'il faut nécessairement la canaliser.
La conséquence de votre réforme est que nous allons multiplier les amendements individuels, au lieu de privilégier les amendements de groupe comme nous le faisions. Il suffira d'un léger changement d'un amendement à l'autre pour que chacun puisse prendre la parole à son tour pour ses deux minutes. Car ces prises de parole sont ce que l'on attend de nous. C'est le coeur de notre fonction et, lorsque nous ne le faisons pas, on nous le reproche dans nos circonscriptions, a fortiori maintenant qu'avec la suppression du cumul des mandats nous sommes censés avoir davantage de temps pour étudier les textes, consulter et exprimer ensuite notre avis. Nous devons réfléchir à la manière de fluidifier les débats sans pour autant nous réduire au silence.
Monsieur le rapporteur, vous êtes en train de nous expliquer que vous aller généraliser le temps législatif programmé, qui jusqu'alors était l'exception. En somme, nous ne faisons que discuter de la longueur de la corde avec laquelle nous allons nous faire étrangler.
Cette obsession de réduire au maximum notre temps de parole est très révélatrice de votre vision du Parlement, dont les membres, selon vous, sont là pour voter mais pas pour parler. Or parler, c'est débattre et convaincre, ce qui est le sens de notre fonction.
Pendant plusieurs mois, la majorité a célébré le Grand débat. Or, au cours de ce Grand débat – et c'est sans doute révélateur de l'idée que vous vous faites du débat démocratique –, nous avons vu le Président de la République parler en long, en large et en travers, quatre, cinq, six, voire sept heures durant, sans même que ses interlocuteurs aient la possibilité de lui répondre. En vérité, on atteignait là à vos yeux le pinacle du débat démocratique. La mise en regard de cette parole jupitérienne toute puissante avec la manière dont vous considérez l'Assemblée nationale, composée de députés godillots qui votent en cadence, tandis que le débat parlementaire est réduit à sa portion congrue, montre bien quelle est votre conception de la démocratie. C'est très grave.
La Commission rejette successivement les amendements.
Puis elle est saisie de l'amendement CL253 de M. Stéphane Peu.
Nous allons nous retrouver dans cette situation paradoxale où le dispositif qui va nous permettre d'avoir l'espace de débattre sera le temps législatif programmé qui, initialement, était conçu pour l'inverse : c'est vous dire l'évolution inquiétante que nous connaissons !
Puisque le temps législatif programmé va devenir la planche de salut de l'opposition et des groupes minoritaires, nous proposons que la possibilité de le déclencher ne revienne pas au seul président de l'Assemblée nationale, mais qu'elle soit également offerte aux présidents de groupe.
Même si, personnellement, je trouve le temps législatif programmé intéressant, je n'annonce rien du tout, puisque c'est la Conférence des Présidents qui en définit l'usage. Ce que j'entends cependant, c'est que vous jugez également que c'est un outil intéressant pour les libertés qu'il offre, a fortiori s'il y a des contraintes nouvelles dans l'organisation de la procédure ordinaire.
Je pense par ailleurs qu'il ne faut pas dessaisir la Conférence des Présidents. Certes, le fait majoritaire intervient dans ses décisions, mais ceux qui y ont assisté savent que ces décisions n'ont rien d'autoritaire et qu'elles sont prises en concertation entre les présidents des groupes politiques.
Pour en revenir au temps législatif programmé, c'est donc à la Conférence des Présidents d'en faire le choix, et je ne peux parler à sa place, même si j'y suis favorable pour la prévisibilité et la liberté qu'il procure aux députés, grâce notamment au droit de tirage supplémentaire qu'a proposé le président Ferrand, reprenant une idée du groupe socialiste.
Et puis, même si Mme Obono n'est plus là, je voudrais dire que je ne peux pas être d'accord avec elle quand elle voit, dans la logique d'efficacité du TLP, un manque de respect de notre part – et singulièrement de la mienne – pour la parole parlementaire. J'ai au contraire un profond respect pour la parole parlementaire et je rappelle que, de facto, chaque amendement donne un droit de parole de deux minutes qui n'est pas remis en cause.
Le nombre d'amendements déposés est passé de 75 000 durant la XIIIe législature à, sans doute, 150 000 pour la mandature actuelle. Sur la base de deux minutes par amendement, le temps cumulé correspondant au droit de parole effectif individuel est aujourd'hui de 300 000 minutes, soit 5 000 heures ! Il ne faut donc pas caricaturer les choses…
C'est la liberté du député d'être présent ou non pour défendre ses amendements…
J'insiste sur le fait qu'il n'y a pas d'annonce sur le TLP, mais simplement un droit de tirage supplémentaire donné dans le prolongement d'une proposition socialiste, dont le président Ferrand s'est fait l'écho. Pour ma part, je ne pense pas qu'il faille contraindre la Conférence des Présidents, qui doit continuer à gérer l'organisation des débats.
Je suis donc défavorable à cet amendement, en dépit de toute la sympathie que je peux avoir pour le TLP.
Le nombre d'amendements des précédentes législatures semble constituer votre argument préféré quand il s'agit de défendre l'efficacité des débats parlementaires. Or, si vous tenez à vous référer au passé, je rappelle qu'autrefois la limitation du temps de parole à deux minutes n'existait pas, et qu'on restreint donc peu à peu les possibilités de prise de parole dans l'hémicycle.
Pour ma part, je pense que l'efficacité que vous invoquez comporte en fait des aspects très négatifs. Je pense par exemple au texte sur l'aide sociale à l'enfance que nous avons examiné la semaine dernière, sur lequel nous avions travaillé avec des associations et qui faisait consensus dans toute l'Assemblée. Quand nous avons abordé l'article 1er de ce texte, qui en constituait le coeur, nous n'avons pas pu nous exprimer sur l'amendement le plus important, puisque les prises de parole étaient limitées à une personne par groupe, alors que les associations avaient demandé à ce que l'on vote contre cet article, dénaturé par rapport au texte initial.
Ainsi, en recherchant l'efficacité à tout prix, on finit par perdre en efficacité. Ce n'est pas de cette manière que nous aurons des débats plus intelligibles et plus intelligents, qui nous permettront de mieux faire la loi : au contraire, avec ce qui est ici proposé, nous allons dépolitiser la fonction du député et en arriver à un temps de parole extrêmement restreint, ce qui est regrettable. Pour ma part, je suis donc tout à fait d'accord avec ce qu'a dit ma collègue Danièle Obono à ce sujet il y a quelques instants.
À titre tout à fait personnel, je considère que le TLP, c'est l'inverse de la démocratie parlementaire, de nos traditions parlementaires et de tout ce qui fait la richesse de nos groupes et de nos territoires, c'est-à-dire de notre capacité à changer d'avis, à nous écouter mutuellement, à nous enrichir de ce qui peut être dit par des femmes et des hommes ayant la même légitimité que nous, et pour lesquels nous devons avoir le même respect que celui que nous portons aux membres de notre groupe.
Le TLP n'est rien d'autre que l'addition de monologues chronométrés, et le seul à en tirer avantage est le président de séance, qui a tout loisir durant les débats de s'occuper de sa circonscription en échangeant des SMS, car il peut être assuré qu'il ne sera pas dérangé !
Le problème, c'est que vous avez décidé d'en faire la règle, et que vous allez ainsi anéantir le débat parlementaire – ce qui est finalement assez cohérent, puisque vous créez en même temps, avec la proportionnelle, un lien d'embrigadement entre les députés et le parti politique auquel ils appartiennent. Les députés vont être élus parce qu'ils auront plu à un dirigeant de parti, et ils s'exprimeront ensuite au sein de l'Assemblée non pas parce qu'ils disposeront pour cela d'une légitimité électorale, mais parce que le groupe leur aura concédé la possibilité, dans le cadre d'un TLP, de s'exprimer. Pour moi, un tel système, ce n'est pas la France, ce n'est pas notre démocratie : toute notre histoire est contraire à cela !
Monsieur le rapporteur, vous étiez présent avec moi lors des réunions qui ont eu lieu à l'initiative du président Ferrand. J'avais alors senti chez lui, lorsque nous avons évoqué la proposition qui émanait d'André Chassaigne, qu'il n'excluait pas de rouvrir le débat en séance sur le sujet dont nous discutons actuellement, à savoir la possibilité de concéder à chaque président de groupe de demander de droit la mise en oeuvre du TLP.
J'ai conscience de ce que ma démarche peut avoir d'audacieux, mais je relève un point de convergence entre les propos du rapporteur et ceux de M. Habib. Ce que j'ai dit tout à l'heure ne constituait pas une approbation sans réserve du temps législatif programmé : j'ai pris soin de dire, lors de la défense de mon amendement de repli, que nous allons paradoxalement nous retrouver dans une situation où le temps législatif programmé va constituer le cadre dans lequel les groupes minoritaires et d'opposition auront plus de temps pour s'exprimer. Si je ne prétendais pas amoindrir le rôle de la Conférence des Présidents, il faut cependant être lucide : aujourd'hui, la décision de recourir au temps législatif programmé se prend dans le cadre de la Conférence des Présidents, sur proposition du président, et dépend étroitement, si ce n'est exclusivement, du souhait du président et de sa majorité.
Mon amendement vise donc à ouvrir le droit aux oppositions et aux groupes minoritaires de proposer à la Conférence des Présidents – il ne s'agit pas de nier les prérogatives de cette instance – de mettre en oeuvre le recours au TLP sur un texte. J'insiste sur ce point : mon amendement de repli n'a pas pour objet de vanter les mérites du TLP ni de nier le rôle de la Conférence des Présidents, mais simplement d'ouvrir des droits aux oppositions et aux groupes minoritaires.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'amendement de coordination CL297 du rapporteur.
Elle examine ensuite l'amendement CL221 de M. Stéphane Peu.
L'amendement CL221 est également un amendement de repli. La possibilité offerte aux présidents de groupe de céder la moitié de leur temps personnel à un seul membre de leur groupe pour la durée de la lecture d'un texte étant trop contraignante, nous proposons que cette possibilité soit ouverte à chaque séance, pour des raisons de disponibilité, mais aussi d'intérêt.
Par exemple, au sujet du texte sur la fonction publique, Marie-George Buffet m'a fait savoir qu'elle aimerait intervenir sur un article qui l'intéresse particulièrement parce qu'il porte sur le secteur sportif : pour que ce soit possible, il faudrait pouvoir lui rétrocéder la parole pour une séance, et non pour l'ensemble du texte.
C'est un modeste amendement de repli que je vous propose, mais il me semble qu'il pourrait améliorer la possibilité pour les groupes de s'exprimer.
Si le président de groupe dispose d'une heure de temps de parole, c'est parce qu'on considère qu'il a un statut particulier, et qu'il utilise son temps de parole pour représenter son groupe.
Depuis quelque temps, on estime que la moitié de ce temps peut être cédée à une autre personne. Cela a été le cas dans le cadre de l'examen de la loi sur le logement, où cela faisait sens pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine de décider que M. Peu pouvait se voir attribuer la moitié de l'heure du président, étant le champion de son groupe sur la thématique du logement.
Si on institutionnalise cet usage pour une séance, on fait de l'heure du président un temps banalisé, et ce n'est plus vraiment l'heure du président !
La première avancée du texte réside dans le fait d'institutionnaliser la possibilité de céder la moitié de ce temps pour toute la durée de la lecture d'un texte, mais je pense qu'il faut en rester là, c'est pourquoi je suis plutôt défavorable à l'amendement CL221, qui me semble banaliser le temps du président, qui n'est pas un temps comme les autres, mais lié à son statut.
La Commission rejette l'amendement.
Elle est saisie, en discussion commune, des amendements CL84 de Mme Cécile Untermaier et CL89 de M. David Habib.
Comme vous l'aurez compris, le groupe Socialistes et apparentés estime que le temps législatif programmé n'est pas le cadre idéal pour débattre. C'est pourquoi nous proposons qu'une fois par session, un président de groupe puisse faire obstacle à sa mise en oeuvre. Cette proposition modeste vise à affirmer le principe selon lequel nous avons la possibilité de peser, même si ce n'est que de façon limitée, sur l'organisation des débats. Tel est l'objet de l'amendement CL84.
L'amendement CL89 a le même objet, si ce n'est qu'il vise à offrir la même possibilité non pas à un président de groupe, mais à la moitié des présidents de groupe, qui s'associeraient donc afin de faire échec au temps législatif programmé.
Nous avons examiné un amendement proposant un droit de tirage systématique pour le TLP, et un autre proposant un droit de blocage systématique. Si on acceptait ces deux amendements, il y aurait donc huit droits de tirage et huit droits de blocage, puisqu'il y a actuellement huit groupes à l'Assemblée !
Pour ma part, je considère qu'il ne faut pas dessaisir la Conférence des Présidents. Votre argument, selon lequel le fait de confier une voix particulière au groupe majoritaire pour l'organisation des débats équivaut à lui confier la gouvernance de ces débats, ce que vous estimez contestable, n'est en fait que l'expression démocratique du fait majoritaire. Certains sont farouchement opposés au TLP tandis que d'autres sont farouchement pour, puisque dans le même quart d'heure nous examinons un amendement en faveur d'un droit de tirage et un autre en faveur d'un droit de blocage ! Je le répète, si nous adoptions ces deux amendements, cela ferait seize dérogations à l'application normale du TLP ! Je propose donc de laisser la Conférence des Présidents souveraine dans sa décision, d'autant que, comme chacun le sait, elle permet habituellement une prise en compte du dialogue entre les groupes – c'est en tout cas l'usage qui prévaut sous la présidence de M. Ferrand.
Monsieur le rapporteur, nous vous avons dit ce que nous pensions du temps programmé, et notre proposition est tout à fait cohérente avec cette position. De son côté, M. Peu vous a dit qu'il n'était pas favorable au temps programmé mais que, faute de pouvoir disposer d'un autre « véhicule », il suggérait une démocratisation du TLP. Ne nous faites donc pas dire que le TLP correspond à ce que nous voulons : nous n'y sommes pas favorables ! Pour ce qui est du système actuel, il me semble que la majorité dispose, via la Conférence des Présidents, d'un droit exorbitant d'organisation des débats, alors que nous avons tous la même légitimité : vous avez beau être majoritaires, vous n'êtes pas plus légitimes que moi ici !
La question du pouvoir de la Conférence des Présidents est très intéressante, et elle se posera à l'occasion de l'examen d'autres articles de ce texte. Quelques principes sont affirmés ou modifiés, mais en laissant assez régulièrement la possibilité à la Conférence des Présidents d'y déroger. En réalité, même si je m'inscris bien dans l'esprit de la Ve République et si je reconnais et défends le fait majoritaire, il me semble qu'on donne trop de pouvoir à la Conférence des Présidents, qui est en réalité la Conférence de la majorité.
Si le temps programmé est intéressant dans le cadre de certains débats, car il peut procurer une certaine liberté aux groupes en leur permettant de s'organiser – ce ne sera pas toujours simple, mais avec le temps nous apprendrons à apprivoiser cette formule –, dans d'autres, il sera inutile : nous devons donc savoir faire preuve de souplesse. Pour ma part, je n'ai pas d'obstacle idéologique, et j'estime que nous ne devons pas laisser la Conférence des Présidents disposer d'un droit d'arbitrage suprême qui serait toujours défavorable à l'opposition. C'est une crainte qui me paraît fondée, car le risque d'une Conférence des Présidents disposant de pouvoirs excessifs apparaît au détour de plusieurs articles.
La Commission rejette successivement les amendements.
Elle examine l'amendement CL223 de M. Stéphane Peu.
Le TLP, qui est une procédure de rationalisation, peut empêcher les groupes aux plus petits effectifs de s'exprimer tout au long de l'examen d'un texte et de pouvoir prendre la parole sur la totalité de leurs amendements. Le second droit de tirage offert aux présidents de groupes peut s'avérer insuffisant sur le temps d'une session. Cet amendement propose donc que ce second droit de tirage, qui ouvre du temps supplémentaire au seul groupe demandeur, soit porté à trois par session.
Il existe aujourd'hui deux possibilités d'augmenter le temps : soit on attribue du temps exceptionnel, soit on décide d'un temps de discussion supplémentaire sans recourir au droit de tirage des groupes. Si on y ajoute le nouveau droit de tirage prévu par la présente résolution et qu'on multiplie le tout par huit – le nombre de groupes à l'Assemblée –, on arrive à des résultats aberrants. Il me semble que prévoir un droit de tirage sur le temps exceptionnel et un autre sur le temps du groupe est suffisant, et que nous devons veiller à ce que le droit de tirage exceptionnel ne devienne pas la norme. Je rappelle qu'en l'état actuel des choses, nous avons un droit de tirage à cinquante heures, plus le nouveau droit de tirage, pour un groupe.
En tout, cela ferait seize droits de tirage potentiels, et si on les multipliait par trois, cela ferait quarante-huit droits de tirages ! Doubler le droit de tirage en faisant droit à la proposition socialiste d'en ajouter un me paraît suffisant, c'est pourquoi je suis défavorable à cet amendement.
La Commission rejette l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement CL222 de M. Stéphane Peu.
Cet amendement propose que le temps supplémentaire offert au groupe demandeur puisse être étendu aux groupes – hormis les groupes majoritaires de la majorité et de l'opposition – qui le demandent.
Je rappelle que nous avons vécu l'impossibilité pour notre groupe de défendre l'ensemble des amendements que nous avions déposés, notamment dans le cadre de la loi ELAN.
Le ministre avait déposé de nombreux amendements gouvernementaux pour vous redonner du temps de parole !
Effectivement, nous avons réussi à passer des accords techniques avec le Gouvernement afin de récupérer un peu de temps de parole. Cela dit, alors qu'aucun des amendements déposés par notre groupe dans le cadre de la loi ELAN n'était un amendement d'obstruction, 25 % n'ont pu être défendus faute de temps de parole pour le faire – ce que nous avons vécu douloureusement car nous avions mené sur ce texte un travail long et minutieux. Un tel épisode ne doit pas se reproduire, c'est pourquoi nous proposons aujourd'hui l'amendement CL222.
Je confirme que le groupe de la Gauche démocrate et républicaine n'a pas pu défendre tous ses amendements dans le cadre de l'examen de loi ELAN. Cependant, je rappelle que le ministre Jacques Mézard a, à de nombreuses reprises, déposé des amendements du Gouvernement à seule fin de vous permettre de vous exprimer.
Ce qui a été dit au sujet du ministre est rigoureusement exact, et je salue son attitude. Cela dit, si on ne peut que se féliciter que quelques artifices gouvernementaux aient permis de donner un peu de temps de parole supplémentaire au groupe de la Gauche démocrate et républicaine, cela montre bien qu'il y avait un problème ! Je le dis d'autant plus volontiers que la rédaction de cet amendement fait référence au « groupe majoritaire d'opposition », et que le groupe Les Républicains ne serait donc pas concerné : il ne me paraît pas incongru de prévoir, dans des conditions très limitatives, qu'un groupe puisse bénéficier d'une petite session de rattrapage. Notre groupe est donc très favorable à cet amendement.
Je rappelle que nous sommes en train de débattre d'une réforme du Règlement. Comme l'a expliqué M. Peu, il est tout à fait anormal qu'un groupe d'opposition qui a beaucoup travaillé sur un texte se trouve bloqué dans son expression parce qu'il ne dispose plus de temps de parole. Certes, des arrangements ont été conclus avec le ministre, mais il n'est pas possible que l'expression des groupes dépende du bon vouloir d'un ministre en séance ! Pour ma part, je considère donc que les amendements actuellement défendus par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine sont extrêmement importants, en ce qu'ils garantiraient le droit d'expression des groupes d'opposition.
Je ne voudrais surtout pas que l'on puisse imaginer le moindre reproche de ma part à l'encontre de M. Mézard. Pour tout vous dire, c'est un ministre que je regrette car, depuis le début de la présente législature, la loi ELAN est le texte dans le cadre duquel nous avons eu le plus d'amendements négociés, et parfois acceptés. Ces amendements sont venus améliorer la loi, ce qui permet à l'actuel ministre du logement de faire des conférences de presse au cours desquelles il affirme sa volonté de montrer la plus grande fermeté à l'égard des marchands de sommeil – oubliant de dire ce que la loi doit aux amendements issus de nos rangs.
Si je conserve donc un très bon souvenir de notre travail avec Jacques Mézard, cela n'enlève rien à la validité de nos arguments. Quand vous travaillez minutieusement sur une loi, que vous procédez à d'innombrables auditions et rédigez avec soin de nombreux amendements, et qu'en dépit de la bienveillance du ministre vous vous trouvez dans l'impossibilité de défendre vos amendements, ce n'est rien d'autre qu'un déni de démocratie.
Je me souviens très bien des débats auxquels a donné lieu l'examen de la loi ELAN, qui ont montré une volonté commune du Gouvernement, de la majorité et des oppositions de lutter contre les marchands de sommeil. Nous avons tous bien travaillé ensemble, et je pense que personne n'a été floué.
Cela dit, je me rappelle aussi que la question de l'utilisation du temps du président Chassaigne s'était posée dans le cadre de ce débat, et qu'il avait même été envisagé pour cela de recourir à un aménagement technique, finalement abandonné. Dans l'équilibre que nous trouvons maintenant, le fait d'affirmer que le temps du président de groupe peut être délégué au champion d'un groupe sur un thème donné me paraît trouver une justification particulière.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine les amendements CL338 et CL316 du rapporteur, ainsi que CL29 de M. Michel Zumkeller, qui font l'objet d'une présentation commune.
Dans sa rédaction actuelle, le Règlement prévoit qu'un président de groupe peut obtenir de droit un allongement exceptionnel de la durée du temps législatif programmé (TLPE) dans une limite maximale fixée par la Conférence des Présidents. Cet allongement bénéficie alors à l'ensemble des groupes.
La réforme proposée introduit un droit supplémentaire pour les présidents de groupe d'obtenir un allongement exceptionnel de cette durée pour leur seul groupe. Il est toutefois nécessaire de préciser que cet allongement ne pourra être cumulé avec celui dont bénéficie l'ensemble des groupes au titre de la procédure de TLPE existante.
Cela peut paraître évident, mais il me semble qu'il vaut mieux le préciser afin que ce soit bien clair pour tout le monde. Tel est l'objet de l'amendement CL338.
Quant à l'amendement CL316, il vise à réduire de cinq à deux minutes les explications de vote personnelles pouvant intervenir à l'issue de la discussion des articles dans le cadre du temps législatif programmé.
Le rapporteur a repris la proposition que nous avions formulée, consistant à limiter les explications de vote à deux minutes. Comme vous le voyez, nous ne sommes pas arc-boutés sur le chronomètre et notre position ne se résume pas à rallonger à tout prix la durée des débats. Si nous souhaitons éviter que la discussion générale se trouve totalement escamotée à force d'être réduite, nous sommes très ouverts et allons jusqu'à considérer qu'après plusieurs heures de débat, une explication de vote peut se faire en deux minutes.
Je précise que la proposition que nous formulons dans le cadre de l'amendement CL316 ne concerne que les explications de vote personnelles intervenant dans le cadre d'un recours au TLP.
L'amendement CL29 est retiré.
La Commission adopte successivement les amendements CL338 et CL316.
Puis elle adopte l'article 8 modifié.
Article 9 (art. 49-1 A [nouveau] du chapitre XI du titre Ier du Règlement de l'Assemblée nationale) : Contribution écrite sur les textes à l'ordre du jour
La Commission est saisie des amendements identiques CL54 de M. Philippe Gosselin, CL86 de M. David Habib et CL224 de M. Stéphane Peu.
Si nous sommes sensibles au droit nouveau que pourrait constituer la possibilité donnée aux députés de déposer une contribution écrite qui serait publiée au Journal officiel, chacun sait que la lecture de ce document est assez austère, et le fait que le nombre de ses pages ait connu une très forte augmentation en 2018 ne va pas contribuer à rendre sa lecture plus attractive – même si, comme le dit l'adage, nul n'est censé ignorer la loi.
Le dépôt d'une contribution écrite ne saurait, en aucun cas, apparaître comme la contrepartie de la diminution d'un temps de parole. Qu'il puisse s'agir d'un droit nouveau accordé aux députés, pourquoi pas ? Le fait de graver dans le marbre une réflexion ou une proposition peut effectivement présenter un intérêt. Cela dit, cet écrit ne contribue pas au débat parlementaire, qui se fait en direct, par l'échange d'arguments dans le cadre d'une discussion où l'on se répond les uns aux autres.
Puisqu'en l'état actuel des choses, on nous présente cette contribution écrite comme une compensation à la limitation du temps de parole, il nous semble préférable de refuser ce qui ressemble fort à un strapontin. Tel est l'objet de l'amendement CL54, visant à supprimer l'article 9.
Sans doute M. le rapporteur, dont je connais le souci de transparence, pourra-t-il nous le dire, mais nous ne savons pas d'où vient cette proposition ni si elle est censée répondre à une demande.
La contribution écrite qui est proposée constitue à nos yeux un procédé très artificiel. Au demeurant, rien ne garantit qu'elle aura été écrite par le député qui en sera le signataire, et on peut penser qu'il sera fréquemment fait appel à des experts. Du point de vue de l'éthique politique, cela me gêne beaucoup d'introduire une contribution écrite dont le député signataire n'est peut-être pas le véritable auteur – alors que dans le cadre d'un débat oral, un député fait siennes les paroles qu'il prononce, même si son intervention a été préparée à l'aide de collaborateurs.
Pour ma part, je préfère largement conserver du temps de débat plutôt que d'accepter la compensation qui nous est ici proposée. Tel est l'objet de l'amendement CL86.
Avoir la possibilité de déposer une contribution écrite n'a rien à voir avec l'endroit où nous nous exprimons habituellement, à savoir le Parlement. N'y voyant qu'un pis-aller technocratique, nous refusons cette proposition et proposons donc de supprimer l'article 9. Tel est l'objet de notre amendement CL224.
Je vais commencer par répondre en toute transparence à la question de Mme Untermaier. Cette proposition émane du groupe de travail voulu par François de Rugy, présidé par Jean-Luc Warsmann et rapporté par Jean-Michel Clément. Je dois préciser que j'ai découvert par hasard qu'il s'agissait initialement d'une idée défendue de longue date par Jean-Christophe Lagarde.
Il ne faut pas idéaliser la situation actuelle : aujourd'hui, le Règlement ne permet pas à un député de prendre la parole à n'importe quel moment. Le président de séance donne la parole à deux députés, puis met fin à la discussion alors que beaucoup d'autres voudraient sans doute intervenir – et même dans le cadre de la discussion générale, tous les députés n'ont pas la possibilité de s'exprimer en dix minutes.
Cette proposition ouvre un droit supplémentaire, mais il ne s'agit en aucun cas d'une obligation. Les députés n'auront pas non plus vocation à utiliser ce droit nouveau dans n'importe quelles conditions.
J'ai beaucoup entendu dire que les contributions pourraient être rédigées par des collaborateurs. Cela pourra être le cas, mais je pense que quand un député apposera son nom sur une contribution, il ne le fera pas à la légère…
Pour ma part, je fais confiance aux députés pour utiliser cette possibilité comme ils le jugeront utile. Certes, ce n'est pas la même chose qu'une prise de parole : ce nouveau droit proposé par le groupe de travail « Warsmann-Clément » n'est pas conçu comme une compensation strictement mathématique.
J'ai déposé un amendement, que nous allons examiner prochainement, visant à affirmer que la Conférence des Présidents fixera un cadre aux conditions d'exercice de ce nouveau droit – combien de contributions, combien de mots, selon quelles modalités, etc. – afin qu'on ne puisse pas faire n'importe quoi.
Nombre de parlements recourent déjà à cette possibilité et, même si notre culture parlementaire est indéniablement orale, il me semble que ce droit nouveau recourant à la forme écrite peut être utile. Faisons-nous confiance dans l'utilisation de ce droit dont l'idée est bien antérieure à la présente proposition de résolution.
Les porteurs du projet n'ont pas nécessairement raison, et vous ne pourrez éviter, compte tenu de la concomitance entre la réduction du temps de parole et l'apparition de cette nouvelle possibilité, que celle-ci soit vue comme une compensation. On a quand même l'impression d'entendre crier haro sur le député qui parle : avec cette proposition, on veut surtout qu'il se taise et se contente d'envoyer son papier au Journal officiel !
Pour ma part, je ne trouve pas cela normal : nous devons conserver la possibilité de dire ce que nous pensons et nous sommes tous suffisamment habiles pour trouver le moyen de le faire à un moment où un autre, que ce soit en séance publique ou en commission : nous n'avons donc pas besoin de cet artifice supplémentaire.
Certains députés vont avoir à coeur de rédiger des contributions écrites, ne serait-ce qu'en raison du fait qu'elles vont être comptabilisées par des sites tels que NosDeputes.fr., par exemple, mais je ne suis vraiment pas convaincue de l'utilité d'un tel dispositif qui me paraît être une véritable usine à gaz, et va contribuer à polluer le fonctionnement de l'Assemblée nationale, qui devrait rester le lieu où l'on peut exprimer librement son opinion.
Nous avons déjà la possibilité de nous exprimer dans le cadre des missions et des rapports, et de lire ce que nos collègues ont écrit, c'est pourquoi je répète que nous sommes défavorables à cette proposition.
Pour ce qui est de la discussion générale, ce sont surtout les groupes majoritaires qui devraient se plaindre, puisque la réforme proposée va avoir pour effet de les limiter plus que les autres. Quoi qu'en disent certains membres de l'opposition, il apparaît clairement, à la lecture de l'exposé des motifs, que la contribution écrite constitue un droit nouveau, complémentaire de ce qui existe déjà.
Au demeurant, il est faux d'affirmer que la contribution écrite constitue un mode d'expression manquant de solennité, car un texte annexé au Journal officiel n'est pas dénué de cette qualité : en tout état de cause, il est bien plus solennel que ne sauraient l'être les tweets et les posts que rédigent de nos jours les députés quand ils souhaitent s'exprimer par écrit.
Enfin, pour répondre à la critique selon laquelle les contributions écrites pourront être rédigées par d'autres personnes que les députés eux-mêmes, je me permets d'émettre un doute sur le fait que tous les collègues ici présents rédigent toujours eux-mêmes leurs interventions en séance ou en commission.
Pour moi, l'essentiel est que cette contribution soit signée, ce qui équivaut à ce qu'elle soit revendiquée par son auteur. Je suis persuadé que, contrairement à ce qu'affirment certains, ce nouveau droit permettra à nombre de députés d'approfondir leur expression de manière significative.
La question qui se trouve ici est celle du bien-fondé du débat démocratique : en d'autres termes, à quoi sert-il que nous soyons présents dans l'hémicycle, et veut-on nous faire croire que nous parlons juste pour le plaisir de parler ? En tout cas, tout semble fait pour nous empêcher de prendre la parole en séance publique, qu'il s'agisse de la possibilité de légiférer en commission, de la restriction du temps de parole ou, maintenant, de cette possibilité de rédiger une contribution écrite, présentée comme un droit nouveau mais ressemblant plutôt à une inutile usine à gaz.
Je le répète, quand nous prenons la parole dans l'hémicycle, cela prend une signification et une importance particulière…
Je ne pense pas qu'on parle juste pour parler, et je n'estime pas souhaitable qu'une partie des débats se fasse en commission, où tous les députés ne peuvent être présents, et encore moins au Journal officiel, où le fait de déposer une contribution écrite ne saurait s'apparenter à la prise de parole au cours d'un débat. La proposition portant sur ce dernier point me semble poser un énorme problème en termes de débat démocratique.
Pour ma part, au terme de dix-sept ans d'expérience à l'Assemblée, j'estime que cette proposition – qui reprend une idée que Jean-Luc Warsmann, qui disposait d'une certaine autorité au sein de cette commission, m'avait très clairement exposée il y a deux ou trois ans – constitue plutôt une bonne avancée, en ce qu'elle peut permettre à des députés n'ayant pas eu l'occasion de prendre la parole au cours d'un débat de s'exprimer quand même.
Par ailleurs, pour ce qui est de l'expression au cours des débats en séance publique, chacun sait que certains parlementaires ne prennent parfois la parole que dans l'intention de faire tourner leur compteur sur certains sites…
Je vais vous faire un aveu : il y a quelques mois, j'ai fait partie d'un groupe de députés – membres de cette commission, et avocats pour la plupart – qui se sont tous inscrits pour prendre la parole sur un article et prolonger ainsi les débats jusqu'à la levée de séance, simplement parce que nous étions minoritaires.
Par ailleurs, je veux dire à Mme Panot que le nouveau droit dont nous débattons actuellement n'a rien à voir avec le fait de pouvoir légiférer en commission : comme cela a été dit, la contribution écrite est une idée que Jean-Luc Warsmann défendait déjà il y a plusieurs années, et il n'est donc pas justifié de le mettre en corrélation avec la rationalisation du temps de parole.
Je rappelle également que la législation en commission est encadrée, et peut faire l'objet d'un veto de la part des présidents de groupe : il ne s'agit donc, en aucun cas, de la rendre applicable à l'ensemble des textes. À mon sens, elle aura surtout vocation à s'appliquer à des dispositions extrêmement techniques ne nécessitant pas d'être débattues en hémicycle, où elles donneraient lieu à une consommation de temps de parole inutile, en l'absence d'un débat de fond susceptible d'intéresser les citoyens, les usagers, les contribuables ou les électeurs.
Il nous appartient de nous saisir de ce droit nouveau et libre : nos successeurs pourront toujours supprimer le dispositif de la contribution écrite si, à l'usage, celui-ci se révélait être un échec.
Enfin, je rappelle qu'à chaque fois qu'un député prend la parole, un huissier récupère auprès de lui le texte de son intervention afin de le transmettre au service du compte rendu.
La plupart des interventions sont spontanées et se font donc sans l'appui d'aucun texte : seules celles portant sur des aspects très techniques, ou auxquelles on entend donner une solennité particulière, sont préparées et donnent lieu à la rédaction d'un écrit.
Je veux bien considérer que la présente proposition représente un droit nouveau, et constitue à ce titre une avancée dont chacun fera ce qu'il voudra. Cela dit, une fois de plus, il reviendra à la Conférence des Présidents de cadrer les conditions d'exercice de ce nouveau droit – avec toutes ses nouvelles attributions, elle va finir par avoir énormément de travail et va devoir se réunir beaucoup plus souvent qu'elle ne le fait actuellement – et celle-ci disposera donc de la capacité à restreindre le nouveau droit d'expression : compte tenu de sa composition, c'est la majorité qui, de fait, détiendra ce pouvoir.
Par ailleurs, je persiste à penser que la contribution écrite est accordée aux députés comme « un os à ronger », en contrepartie du fait qu'ils vont perdre du temps de parole. Sans vouloir passer pour un cuistre, je rappelle que le mot « parlement » tire son étymologie du latin liturgique parabolare qui, par l'intermédiaire du latin médiéval, a donné les verbes « parler » et « palabrer ». De ce point de vue, il est inconcevable de remplacer du temps de parole par une procédure écrite.
Je le répète, je suis tout disposé à accepter ce droit nouveau, mais à condition qu'on desserre l'étau que certains cherchent à mettre sur le temps de parole en débat.
Je vais m'inscrire en faux par rapport à ce qui a été dit précédemment. Ne soyons pas naïfs : c'est bien parce qu'on réduit la possibilité de nous exprimer dans le cadre de la discussion générale, et parce qu'on nous interdit d'avoir plusieurs orateurs sur un article, qu'on nous accorde aujourd'hui une contrepartie.
Je ne peux pas laisser dire que La République en Marche a concédé un droit nouveau à l'opposition, car ce n'est pas dans son ADN, et ça ne serait pas la vérité ! (Protestations parmi les députés du groupe La République en Marche.)
Pour moi, il est clair que tout cela a essentiellement un objectif : permettre à M. le rapporteur et éventuellement à Mme la présidente d'aller déclarer dans les médias qu'ils ont fait une concession à l'opposition. Dans les faits, on sait bien comment les choses vont se passer, et je vous invite à songer un instant à ce que vont pouvoir penser nos administrés quand ils constateront que leur député n'a pas produit de contribution écrite sur tel ou tel sujet : à mon avis, ils en déduiront rapidement que celui-ci n'était pas intéressé. Ce que certains considèrent aujourd'hui comme une avancée sera donc en fait un motif supplémentaire de mise en cause de la fonction parlementaire.
Ce qui compte et ce qui a du sens en politique, c'est la parole, qui est à la fois fondatrice et légitimante. Et croyez-moi, mes chers collègues, vous prenez un grave risque à chercher à la contingenter !
La Commission rejette les amendements identiques CL54, CL86 et CL224.
La Commission examine l'amendement CL125 de Mme Sylvia Pinel.
Cet amendement vise à encadrer le mécanisme de contribution écrite sur le modèle des règles qui régissent le dépôt des questions écrites et des dispositions prévues par le Règlement intérieur du Parlement européen. L'objectif est de renforcer l'utilité du dispositif de sorte qu'il permette d'apporter des points de vue pertinents, surtout aux députés n'ayant pas eu la possibilité de prendre la parole pendant le débat. Grâce à cette mesure d'encadrement, les contributions écrites ne seront pas détournées pour faire du chiffre, dans l'esprit de la proposition qui est faite d'ouvrir ce nouveau droit.
Votre amendement revient à restreindre cette liberté dont seuls ceux qui n'ont pas pris la parole dans l'hémicycle pourraient faire usage. J'y suis donc opposé par principe. En revanche, vous avez raison : il faut encadrer les règles du jeu et c'est à la Conférence des Présidents qu'il appartient de le faire en ce qui concerne le nombre et le format des contributions, leur nombre de mots et leurs modalités.
Dans la mesure où il n'était pas possible de sous-amender votre amendement, j'ai moi-même déposé un amendement visant précisément à encadrer le mécanisme. Cependant, il ne me semble pas opportun de le faire dans le Règlement ; mieux vaut renvoyer à une décision de la Conférence des Présidents. Je vous propose donc de retirer l'amendement ; à défaut, avis défavorable.
Cet amendement met noir sur blanc ce que je disais à l'instant en souriant : les sites comme NosDeputes.fr ne manqueront pas de relever que tel ou tel député n'a pas déposé assez de contributions écrites. L'amendement explicite ces risques de détournement. Nous nous fixerons comme objectif de présenter tel nombre de contributions, qui seront écrites par nos collaborateurs ; cette inflation n'aura guère d'intérêt. L'amendement met en lumière l'ambiguïté de ce nouveau – l'est-il vraiment ? – droit dont on entrevoit d'emblée les dérives. À peine accordé, on le limite déjà s'agissant de la quantité des contributions et le nombre de mots. Qu'est-ce que cela signifie ? Au fond, on se contentera de relever le nombre de contributions déposées et de les publier sur nos sites internet pour avoir la paix face à nos électeurs… L'amendement fait apparaître davantage encore que précédemment les limites de ce mécanisme.
Ce n'est pas la contribution écrite qui crée les limites liées aux sites tels que NosDeputes.fr. La perversité de ce système existe déjà.
Non, au contraire : nous favorisons la concision en encadrant le temps de parole et les contributions écrites afin d'aller à l'essentiel plutôt que d'encourager l'inflation constante liée aux effets statistiques.
Permettez-moi de revenir sur la question de la restriction des libertés. En quoi cet amendement restreindrait-il la liberté des parlementaires dès lors que les contributions écrites ne seraient autorisées qu'aux députés n'ayant pas fait usage, pour telle ou telle raison, de leur droit d'expression et d'argumentation en séance, dont le point de vue ne figurerait donc pas au compte rendu intégral de la séance ? Au contraire : les députés ne s'étant pas exprimés auront le droit d'argumenter sur le fond, de manière plus réfléchie. La contribution écrite ciblerait donc les arguments de fond ; elle serait encadrée pour éviter les risques de détournement qui ont été évoqués et pour ne conserver que la quintessence de ce droit.
La Commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement CL317 du rapporteur.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'article 9 modifié.
Article 10 (art. 50 du Règlement de l'Assemblée nationale) : Horaires de séance
La Commission est saisie, en présentation commune, des amendements CL255 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, CL30 de M. Michel Zumkeller et CL132 de Mme Sylvia Pinel.
Cet amendement porte sur l'organisation de notre temps de travail. Comme on l'a déjà indiqué lors de la discussion générale, le nombre de jours et d'heures consacrés à l'examen des textes a considérablement augmenté. C'est pourquoi le groupe MODEM vous propose de réorganiser ce temps comme suit : les séances publiques auraient lieu l'après-midi du lundi, du mardi et du mercredi, ainsi que le matin et l'après-midi du jeudi et, éventuellement, le vendredi. Nous proposons également de modifier les horaires de séance : la séance du matin durerait de neuf heures à treize heures, celle de l'après-midi de quatorze heures à vingt heures. Ces règles seraient assouplies lors des périodes d'examen du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale, avec la possibilité de séances de nuit entre vingt-et-une heures trente et une heure du matin. Nous proposons également une autre mesure de souplesse afin que la séance de l'après-midi puisse, le cas échéant, être prolongée au-delà de vingt heures, jusqu'à vingt-et-une heures trente.
En conséquence, nous proposons la suppression des séances de nuit, pour la raison suivante : le fait de soumettre des amendements voire des textes importants au vote nuitamment, parfois très tard, nuit à l'accessibilité des débats tout à la fois pour nos concitoyens mais aussi pour la presse qui suit nos travaux. En outre, cette organisation oblige les collaborateurs de députés et les personnels de l'Assemblée à travailler la nuit. Je m'arrête là pour respecter mon temps de parole, car j'y suis attachée, mais le débat est ouvert.
Cet amendement, comme tous les suivants qui portent sur la question du temps, présente une difficulté et m'incite à vous faire une proposition. Nous avons consacré une part importante des travaux préliminaires à envisager la réorganisation de nos travaux à l'échelle de la semaine et de l'année, notamment pour libérer davantage de temps en circonscription. Cette réflexion a abouti à des amendements, y compris au projet de révision constitutionnelle, qui permettaient de retrouver une certaine maîtrise de notre temps. Nous réaffirmions par exemple cette maîtrise du temps dans la Constitution, donnant ainsi de nouveaux droits au Parlement en la matière.
La difficulté tient au fait que cet exercice est complexe en l'état actuel de la Constitution. Si elle ne s'inscrivait pas dans le cadre d'une réflexion sur le volume de travail annuel, la suppression des séances de nuit serait problématique. Plusieurs amendements ont été déposés afin de commencer les séances du matin à neuf heures trente plutôt qu'à neuf heures, de lever les séances de nuit à minuit et, plus globalement, de supprimer les séances de nuit ou de n'en conserver qu'une seule par semaine. Nous avons fait des simulations à partir de ces propositions, et plusieurs scénarios semblent pouvoir donner lieu à un consensus. Hélas, nous n'avons pas eu le temps d'y réfléchir davantage, le délai de dépôt des amendements à ce texte ayant couru jusqu'à samedi dernier. Je vous propose donc d'organiser la semaine prochaine une session de travail d'au moins deux heures avec un représentant de chaque groupe politique et tous les parlementaires intéressés afin d'étudier les différents scénarios compilés lorsque nous avons étudié vos amendements. De nouvelles simulations ont d'ailleurs déjà été faites depuis le dépôt de vos amendements.
En toute franchise, je crains que la suppression des séances de nuit sans la réforme constitutionnelle ne soit vouée à l'échec. En même temps, vous m'avez convaincu : les scénarios que vous proposez – allonger la séance de l'après-midi jusqu'à vingt heures trente, ne tenir qu'une seule séance de nuit par semaine – s'écartent de deux ou trois heures environ du volume hebdomadaire actuel.
Malheureusement, nous n'avons pas eu le temps de les étudier de manière plus approfondie. Ma proposition est donc claire : passons deux heures ensemble d'ici à l'examen en séance pour évaluer les scénarios de sorte que chacun se forge son opinion et qu'un consensus se dégage éventuellement. Très nombreux sont les députés qui estiment que les conditions actuelles de travail de nuit sont absurdes, dans la majorité comme dans l'opposition. Cela étant, nous avons tous le sens des responsabilités : si nous supprimons les séances de nuit, il faut trouver des solutions opérantes. Encore une fois, je propose donc une réunion de deux heures la semaine prochaine, chiffres à l'appui, pour établir si un scénario se dégage ou non sans révision de la Constitution. Je ne peux pas dire si nous aboutirons mais, à ce stade, nous ne nous sommes pas donné la chance de tester l'amendement à fond, et cela n'avait pas non plus été fait lors des travaux préparatoires effectués pendant la présidence de M. de Rugy. À l'époque, de surcroît, nous raisonnions dans l'hypothèse d'une révision de la Constitution qui nous aurait redonné la maîtrise de notre temps.
Je propose donc à titre personnel – mais vous disposerez – un travail intergroupes pour examiner les tableaux Excel que vous avez réalisés et étudier les différents scénarios possibles. Il est indispensable de changer radicalement nos méthodes de travail mais j'ignore si cela est possible sans changer la Constitution ; ce sera l'occasion de le vérifier.
Nous vous remercions pour cette proposition, monsieur le rapporteur. Je constate que tout le monde y est favorable.
Je laisse le soin à M. le rapporteur d'organiser ces travaux auxquels je serai ravie de participer. En attendant cette réunion, pouvons-nous donc considérer que tous les amendements relatifs au temps de travail sont retirés ?
Permettez-moi juste quelques mots sur ce sujet totalement transpartisan. La proposition du rapporteur me convient très bien. J'ignore néanmoins si une remise à plat est possible étant donné le nombre très excessif des séances de nuit. Qu'il y en ait une par semaine, pourquoi pas, mais l'exception a tendance à devenir la règle, comme l'illustre le cas des sessions extraordinaires, systématiquement prévues en juillet et en septembre – et cette tendance n'est pas nouvelle.
En outre, prenons garde à bien tenir compte des rythmes des députés provinciaux, qui ont des temps de transport plus long que les Franciliens.
En effet, le temps en circonscription est toujours important. Si la séance publique commençait par exemple le lundi à quatorze heures, comme cela vient d'être proposé, bon nombre d'entre nous devraient quitter leur circonscription dès le lundi matin, supprimant ainsi la possibilité d'organiser des réunions sur place pour recevoir nos concitoyens, comme le font de nombreux députés. Je suis conscient d'enfoncer des portes ouvertes mais il me semble important de le rappeler.
Certes, mais il importe de fixer clairement certains cadres pour lever toute ambiguïté. Le temps passé sur le terrain est important.
Nous ne sommes tout de même pas seuls dans cette affaire : l'exécutif nous presse fortement par une avalanche de textes qui nous contraint à travailler selon des horaires impossibles. Les successions de trois ou quatre séances de nuit hebdomadaires placent les députés dans des situations très difficiles. Interrogeons l'exécutif sur ces questions.
Je vous propose de passer au vote sur l'article non modifié, étant entendu que le rapporteur a donné son engagement formel de nous réunir la semaine prochaine pour étudier cette question. Une date vous sera proposée en début de séance ce soir.
Les amendements sont retirés.
La Commission adopte l'article 10 sans modification.
Article 11 (art. 54 du Règlement de l'Assemblée nationale) : Explications de vote
La Commission examine les amendements identiques CL75 de Mme Cécile Untermaier et CL225 de M. Stéphane Peu.
Dans le même esprit que notre amendement précédent, cet amendement porte sur la limitation du temps d'expression sur les articles, qui nous pose d'autant plus problème qu'elle intervient après la réduction de la discussion générale. Je n'ai pas le sentiment que les inscriptions d'orateurs sur les articles soient excessives. J'en veux pour preuve l'examen d'un texte important comme le projet de loi relatif à la fonction publique : les inscriptions sur les articles ont été peu nombreuses, sans doute parce que dans le cadre du système de temps partagé, ceux qui le souhaitaient – c'était le cas de notre groupe – s'étaient exprimés pendant la discussion générale.
Le Règlement actuel prévoit que les députés peuvent s'inscrire pour intervenir sur les articles d'un texte sans limitation du nombre d'interventions. La proposition de résolution vise, quant à elle, à réduire ces interventions à un orateur par groupe, qu'il appartiendrait aux président de groupe ou à son représentant de désigner. Les explications de vote sur les articles seraient supprimées.
La suppression des explications de vote sur les articles ne présente pas selon nous de difficulté si elle permet de fluidifier le débat. En revanche, enlever aux députés, qui sont élus pour s'exprimer sur les textes, la liberté de s'inscrire sur les articles – a fortiori lorsqu'ils n'ont pas pu prendre la parole pendant la discussion générale – risque de poser problème. On peut en effet craindre que la limitation de la discussion générale ne se traduise par une hausse des inscriptions sur les articles et je comprends que vous bloquiez en quelque sorte toutes les arrivées d'air, mais cela donne le sentiment que vous cumulez les mesures à tous les stades du débat à tel point qu'in fine, le Parlement ne parlera plus beaucoup.
Cet amendement, identique, vise à supprimer l'article. Comme nous allons le constater au fil de son examen, cette proposition de résolution va réduire fortement, par petites touches, la possibilité et le temps du débat parlementaire. En outre, elle va renforcer considérablement la prégnance des groupes au détriment de l'expression individuelle des députés, ce qui pose un problème constitutionnel. La Constitution ne prévoit pas que l'on élit un député membre de tel ou tel groupe…
Elle prévoit en effet que soit élu un homme ou une femme ayant reçu les suffrages de ses concitoyens dans une circonscription et qui, de ce fait, devient député de la nation. Il nous paraît irrecevable de limiter à ce point la possibilité pour chaque député de s'exprimer sur les articles en complément des interventions prononcées au nom de leur groupe. C'est pourquoi nous demandons la suppression de l'article.
Avis défavorable. Cet article est un élément constitutif du texte. Nous réorganisons la structure de la séance publique : l'article conserve le cadre général et la durée des explications de vote sur l'ensemble d'un texte, qui est de cinq minutes, et nous renvoyons les règles relatives aux inscriptions sur les articles à un autre article du Règlement.
Oui, comme c'est déjà le cas : nous n'apportons à la règle aucune modification qui aurait pour but de privilégier le groupe par rapport à l'individu au titre des explications de vote. Avis défavorable.
Cette procédure de l'inscription sur les articles ne donne pas lieu à des abus – peut-être est-ce par méconnaissance de la part de certains de nos collègues. En tout état de cause, je n'ai pas constaté, au cours des derniers mois, une inflation telle qu'elle nécessite cette réduction. Le temps de parole sera déjà réduit par différents moyens. Il arrive que des députés ne déposent pas d'amendements sur telle ou telle partie du texte – ce qui n'en fait pas de mauvais députés – car il n'y a pas toujours nécessité ou matière à en déposer, et qu'ils souhaitent néanmoins expliquer leur vote. Il y va de la transparence vis-à-vis des électeurs et de la représentation de celles et ceux qui nous ont fait confiance. Nous assumons les positions que nous prenons. Encore faut-il pouvoir les exprimer ! Sur ce point comme sur d'autres, vous allez trop loin. Ces amendements nous offrent la possibilité de limiter ces excès.
En privé, bon nombre d'entre vous nous disent que c'est le cumul des modifications qui pourrait poser problème. C'est aussi ce que nous disons depuis ce matin. Les députés du groupe La République en Marche sont conscients, comme nous, qu'un risque pèse sur l'organisation des débats.
En ce qui me concerne, monsieur le rapporteur, je souhaite que nous profitions des dix jours qui nous séparent de l'examen en séance pour que vous révisiez votre position sur ce point. Autant j'ai compris votre position de principe sur la discussion générale, autant en l'occurrence, il y va de la liberté de chaque député face à ses électeurs et face à l'institution. Nous devons conserver cette libre expression sur les articles qui, je le rappelle, est limitée à deux minutes par orateur.
Le président Ferrand a raison de chercher à recueillir le plus large assentiment possible. Le groupe socialiste fera de ce sujet un point essentiel du débat qui s'ouvrira en séance. Nous ne pouvons pas accepter la modification d'un droit qui doit être rappelé par la majorité, à savoir la possibilité pour chaque député, hors du cadre de son groupe, d'exprimer une position et de faire valoir ses convictions.
Nous débattons de l'inscription sur un article et non de la capacité qu'ont les députés d'agir juridiquement en se faisant force de proposition législative – la limitation de cette capacité et de ses fondements pourrait être remise en cause par le juge constitutionnel si elle existait mais ce n'est pas le cas. Recadrons le débat : il ne s'agit que de l'inscription aux articles.
Lorsqu'un article concerne Aéroports de Paris ou la Française des Jeux, il a tout de même son importance !
Si la discussion générale se limite à l'intervention en cinq minutes d'un orateur par groupe, les deux minutes accordées aux députés sur les articles leur permettent éventuellement d'exprimer des opinions divergentes. De surcroît, ces interventions sont beaucoup moins chronophages que les interminables discussions générales, car elles ne sont pas longues. Je doute que l'on gagne beaucoup de temps par cette mesure ; en revanche, elle suscitera de la frustration chez un grand nombre de députés.
Nous aurons de nouveau cette discussion concernant les interventions sur les articles lors de l'examen des articles 23 à 25 car nous avons réorganisé le texte – raison pour laquelle ma réponse sur ces amendements fut assez courte.
La Commission rejette ces amendements.
Elle examine l'amendement CL145 de M. Ugo Bernalicis.
Cet amendement de suppression partielle va dans le sens des amendements que viennent de défendre mes collègues socialistes et communistes. Nous refusons en effet la limitation du droit d'expression des représentants du peuple sur les articles, dont certains sont extrêmement importants.
La Commission rejette l'amendement.
Elle est saisie, en présentation commune, des amendements CL318 du rapporteur et CL55 de M. Philippe Gosselin.
L'amendement de coordination CL318 vise à préciser et clarifier les conditions dans lesquelles le président de séance peut prendre la liberté, au regard des circonstances et dans l'intérêt du débat, de déroger à la durée des interventions et au nombre d'orateurs. En l'état actuel, le Règlement n'est ni simple ni homogène sur ce point. Nous proposons donc de réaffirmer que le président de séance peut, dans l'intérêt des débats, allonger les temps d'intervention définis par le Règlement.
C'est une excellente initiative mais au fond, vous déposez cet amendement pour avoir la paix avec le groupe majoritaire, car c'est souvent avec lui que se pose le problème, n'est-ce pas, monsieur le vice-président ?
Je défends l'amendement CL55 qui vise, dans le même esprit, à limiter le temps d'explication.
Je ne souhaite pas trop limiter ce temps d'explication et vous suggère de retirer l'amendement. Vous proposez en effet de ramener de cinq à deux minutes les explications de vote dans tous les cas. Néanmoins, si l'amendement fait consensus, je ne me ferai pas plus royaliste que le roi sur ce sujet important.
Puisque nous en avions déjà parlé et pour ne pas allonger les débats, j'ai défendu brièvement cet amendement mais il est peut-être utile que je prenne plus de temps.
Il me semble que nous pouvons, sans prendre de risque particulier, faire en sorte qu'à l'issue de débats prolongés où chacun s'est exprimé, les explications de vote tiennent en deux minutes. Ce temps n'est pas si court : c'est celui des questions au Gouvernement et il permet de dire un certain nombre de choses. Je propose cette mesure avec d'autant plus de bonne foi qu'il me semble que les cinq minutes accordées pour la discussion générale, qui permet de « planter le décor », sont trop courtes. En ce qui concerne les explications de vote, en revanche, nous pouvons, sans porter préjudice à la démocratie et à la liberté d'expression, gagner de précieuses minutes et éviter les explications alambiquées et redondantes auxquelles nous assistons parfois. Dès lors que les débats ont été clairs et que les positions des groupes sont établies sans équivoque, deux minutes suffisent sans problème à expliquer un vote. Tel est l'objet de l'amendement.
Nous partageons ce point de vue. Vous le voyez, nous ne sommes pas opposés à la réduction du temps de parole dès lors qu'elle est proposée à propos.
Je trouverais tout de même étrange que l'on se précipite sur une proposition – légitime et intelligente – de l'opposition pour réduire le temps de parole sans prendre le temps d'examiner les propositions de revalorisation qui ont été formulées. Je suggère à M. Gosselin de prier le rapporteur de réserver un traitement parallèle et concomitant aux deux demandes.
C'est précisément le sens de ma demande de retrait de l'amendement en vue des discussions que nous aurons.
Compte tenu de la proposition que vient de formuler clairement le rapporteur, nous participerons bien volontiers au prolongement du débat. Je retire mon amendement.
L'amendement CL55 est retiré.
La Commission adopte l'amendement CL318.
En conséquence, l'amendement CL182 de Mme Géraldine Bannier tombe.
Puis elle adopte l'article 11 modifié.
Article 12 (art. 56 du Règlement de l'Assemblée nationale) : Prise de parole en séance publique
La Commission examine les amendements identiques CL56 de M. Philippe Gosselin, CL76 de Mme Cécile Untermaier et CL146 de Mme Danièle Obono.
Comment considérer que les députés sont libres de déposer des amendements s'ils n'ont pas la possibilité de les défendre ? Un vrai débat est nécessaire. Le Parlement n'est pas au coeur de la démocratie si le temps de parole est à ce point limité.
Dans la même logique, nous nous opposons à ce que le temps d'expression sur les amendements soit limité à ce point. Il arrive qu'un amendement précis serve à poser un problème de fond majeur sur lequel les échanges peuvent être vifs et longs. La limitation du temps d'expression sur les amendements ne contribue pas à créer les conditions d'un débat de bonne qualité.
Nous défendons l'amendement CL146, identique aux précédents. L'ensemble des mesures de restriction du temps de parole des députés ne fait pas honneur au Parlement.
Il y a là une méprise que je souhaite dissiper. Nous déplaçons à l'article 100, plus adapté, l'organisation du temps de débat sur les amendements – présentation, avis du rapporteur et du Gouvernement, et réponse à ces avis. En l'état actuel des choses, le Règlement ne prévoit qu'une seule prise de parole en réponse aux avis du rapporteur et du Gouvernement, mais la pratique consiste à accorder la parole deux fois. En réalité, nous codifions donc la pratique en vigueur, à savoir deux prises de parole, au lieu d'une seule, en transférant cette disposition mal placée dans la partie du texte qui concerne la défense des amendements.
Encore une fois, le texte actuel ne prévoit qu'une prise de parole suite aux avis de la commission et du Gouvernement, mais notre pratique veut que la parole soit donnée deux fois. Nous mettons donc le Règlement en accord avec la pratique. Il ne s'agit pas du tout de comprimer le temps accordé, bien au contraire. De ce fait, je suggère le retrait des amendements.
Les amendements sont retirés.
La Commission adopte l'article 12 sans modification.
Article 13 (art. 58 du Règlement de l'Assemblée nationale) : Encadrement du recours aux rappels au Règlement et aux suspensions de séance
La Commission examine les amendements identiques CL57 de M. Philippe Gosselin, CL126 de Mme Sylvia Pinel et CL147 de M. Ugo Bernalicis.
L'amendement CL57 porte sur un sujet lourd qui a trait à la police des débats au sens large.
Le Règlement actuel permet au président de séance de gérer correctement les débats. Malheureusement, il n'est pas utilisé comme il le faudrait. Il est déjà tout à fait loisible au président de séance de limiter les rappels au Règlement dilatoires, et de limiter les demandes répétées de suspension de séance en décidant que la suspension, qui est de droit, ne dure qu'une minute sur place – dans ces conditions, les demandes cesseront naturellement. Tout cela est facile à faire et certains présidents de séance le font d'ailleurs très bien.
Il faut laisser ouverte la possibilité non pas d'instrumentaliser la séance, mais de jouer une partie – non au sens premier du terme « jeu » mais au sens d'une interaction. Une altercation peut entraîner une demande de suspension de séance, de même qu'un rappel au Règlement peut être une manière authentique d'évoquer le déroulement des débats. Les prétextes existent certes et nul ne le nie. Aujourd'hui, cependant, lorsque les suspensions de séance et les rappels au Règlement se multiplient, c'est qu'il existe un réel problème, une tension, un désaccord.
Sans doute faites-vous allusion à des événements survenus en juillet 2018 : heureusement que nous avions alors cette possibilité d'intervention ! Sans elle, la commission d'enquête n'aurait pas été créée et nous n'aurions pas obtenu de réponse à nos questions.
Nous parlons d'un droit substantiel qui relève des pouvoirs de l'opposition. Je vous le dis en toute sincérité : il s'agit d'une ligne rouge qui ne peut pas être franchie. Autrement, ce serait de la manipulation ; je n'ose y croire.
Nous sommes bien conscients que les débats sont longs et qu'il faut en réduire la durée. Cependant, les suspensions de séance n'ont au fond posé problème qu'en juillet dernier ; autrement, il n'y a pas d'abus. De même, les rappels au Règlement sont souvent demandés une première fois puis, éventuellement, une deuxième avant que tout se calme. Je suis élu depuis sept ans : je n'ai constaté de problème qu'en juillet dernier. Je ne suis donc pas certain qu'il faille modifier ces dispositions.
Rappelons en outre que c'est parfois la majorité elle-même qui a besoin d'une suspension de séance parce qu'elle est minoritaire en début de séance, à vingt-et-une heures trente par exemple, et qu'elle est bien heureuse de pouvoir demander une suspension en attendant que ses rangs grossissent. J'ai connu cette situation sous la précédente législature à l'occasion du vote sur la réunification de la Bretagne : les députés bretons étaient majoritaires dans l'hémicycle, mais une suspension de séance a été demandée précisément à ce moment-là. En clair, il ne s'agit pas à mon sens d'un problème qui allongerait le temps des débats.
L'amendement CL147 vise également à supprimer l'article. J'ajouterai aux arguments de nos collègues que selon moi, les rappels au Règlement et suspensions de séance n'ont pas posé problème lors de l'affaire Benalla ; au contraire, ils ont permis la création de la commission d'enquête – certes avortée – sur le scandale en cours à l'époque. Autrement, aucun abus n'a été commis. De ce fait, cet article est tout sauf nécessaire.
Nous abordons l'un des points constitutifs de la proposition de résolution, qui consiste à rappeler deux choses. D'une part, les rappels au Règlement doivent être fondés – sur le déroulement des débats ou sur un fait personnel, par exemple – et non détournés de leur objet. Il est vrai que les prérogatives actuelles du président de séance lui permettent de juger qu'il y a obstruction et de les faire cesser. Il peut aussi les accorder, dans l'intérêt du débat. Plus fondamentalement, nul ne pense que ces dispositions permettraient de résoudre une situation telle que celle de juillet dernier. La voix parlementaire est un fleuve qui ne saurait être contenu avec un seau et une pelle.
Il faut rationaliser ces points et imposer plus de clarté : les rappels au Règlement doivent être authentiques. Ils ont tout de même pour objet de faire observer que les règles de la maison ne sont pas respectées : c'est un message fort ! Ils doivent reprendre leur sens. Il en va de même pour les suspensions de séance : les abus sont rares et la surenchère inexistante. Nous voulons simplement recentrer ces deux outils sur leur raison d'être, ni plus ni moins. N'ayons aucune illusion : la situation de juillet dernier, par exemple, ne pouvait évidemment pas être résolue par ces mécanismes. Il me semble normal de préciser que les rappels au Règlement concernent la conduite des débats et qu'ils doivent être circonstanciés. Il n'y a aucune intention cachée de notre part, mais simplement la volonté de recentrer les outils sur ce qu'ils doivent être.
Il arrive que surviennent dans les débats des moments de tension voire de crise. Le rappel au Règlement et la demande de suspension sont souvent des manières de protester contre quelque chose d'inacceptable. La plupart du temps, ni les rappels ni les suspensions ne sont demandés par plaisir. Je citerai par exemple les débats sur la loi de refondation de l'école : pendant une suspension, une partie des députés s'étaient mis d'accord sur une version du texte qu'il a ensuite fallu voter sans possibilité d'expression en séance. Plusieurs rappels au Règlement très vifs ont été nécessaires pour qu'il soit enfin admis que le texte avait été mal voté.
En clair, ce n'est pas en supprimant les moyens de résoudre des crises que vous supprimerez les crises elles-mêmes. Au contraire, ces outils sont entrés dans les habitudes de l'Assemblée et sont finalement assez utiles pour résoudre des conflits. Leur suppression ne favoriserait pas l'amélioration de nos travaux.
Je vous rejoins : c'est au président de séance qu'il appartient de gérer les crises en respectant le débat. Il a la latitude nécessaire pour le faire en adaptant les règles existantes. La pratique de la présidence de séance, nonobstant le style de chaque président, consiste globalement à veiller à ce que le débat se déroule dans de bonnes conditions.
Nous rationalisons ces outils qui doivent être utilisés pour ce qu'ils sont. Aucune disposition du Règlement ne suffit à gérer une crise ; c'est au président de séance qu'il appartient d'apprécier la situation et d'accorder les marges d'expression nécessaires pour que le débat puisse vivre.
Qui peut le plus peut le moins ! Ce n'est pas parce que les possibilités accordées sont importantes que le président de séance peut laisser filer le débat ! L'article 13 va très loin : limitation du rappel au Règlement, suppression des rappels concernant l'organisation des débats, qui pose pourtant problème, refus très contraignant des demandes de rappels portant sur des faits déjà évoqués – mais après combien de temps : dix, quinze, trente minutes ? – et limitation à deux du nombre de suspensions autorisées par groupe ! Il existe pourtant des moments de tension véritable. Personne ne demande une suspension par plaisir ou sans raison, par exemple lorsque les débats sont fluides et sereins, et même s'ils sont plus vifs ; nous ne sommes ni des amateurs ni des bleus !
Il s'agit d'outils de régulation des tensions. Leur suppression nous ferait passer à côté de quelque chose d'important. Réduction du temps de parole en discussion générale et en commission, limitation des suspensions de séance et des rappels au Règlement : lorsque l'on met tout bout à bout, cela fait beaucoup ! En considérant chaque mesure isolément, on pourrait se dire que deux suspensions de séance suffisent et qu'il est exagéré d'en demander davantage. Non : je suis député depuis douze ans et, par expérience, je sais qu'il est utile de demander trois ou quatre suspensions sur certains textes. Cela fait partie de la vie du Parlement. Pourquoi vouloir ainsi nous aseptiser, nous ôter toute saveur, tout goût, nous imposer un ton monocorde ? Le débat existe. Nul ne s'en est déjà pris physiquement à ses collègues. Nous sommes de grands garçons et de grandes filles, et nous pouvons nous exprimer. Une suspension de séance n'est pas la fin du monde. C'est du talent du président ou de la présidente de séance que dépend ensuite le bon déroulement des travaux.
La Commission rejette ces amendements.
Elle en vient à l'amendement CL70 de M. David Habib.
Je n'ai pas compris pourquoi cet amendement n'était pas présenté en même temps que les précédents...
Vous avez de la chance : ce n'est pas un amendement identique et vous pouvez donc le défendre ! (Sourires.)
Je précise, pour répondre à votre question, monsieur Habib, que les amendements de suppression d'un article ne sont jamais mis en discussion commune avec d'autres amendements. C'est la raison pour laquelle votre amendement a été dissocié des précédents.
Il me faudrait encore deux ou trois mandats pour tout apprendre de la procédure…
En tout état de cause, j'ai le souvenir, lorsque j'exerçais la présidence de séance comme le fait désormais le rapporteur, d'avoir présidé les débats relatifs à la « loi Macron » et aux deux articles de la loi sur le travail. De vous à moi, c'est le groupe majoritaire qui bénéficie le plus des suspensions de séance pour faire adopter la loi. Je crains tout contingentement en la matière. Vous commettez une erreur en limitant le droit à la suspension de séance car il permet souvent, comme l'a indiqué Mme Pau-Langevin, de calmer les débats et de rationaliser les échanges.
S'agissant du rappel au Règlement, le rapporteur l'a dit : cet outil ne permet pas à lui seul d'empêcher l'Assemblée de fonctionner et son interdiction n'aurait pas évité l'affaire Benalla.
C'est vous-mêmes qui nous avez dit « Venez me chercher ». Nous l'avons fait. Je rappelle simplement le contexte dans lequel l'affaire s'est produite.
Ce n'est pas vous, donc c'est lui ! Quoi qu'il en soit, je vous dis quant à moi ceci : si une situation similaire se reproduisait, nous trouverions dans le Règlement d'autres possibilités d'intervenir et de faire valoir notre vision de la démocratie.
Je regrette que nous aboutissions à cette situation où, après avoir parlé de loi de convenance et de circonstance, vous nous proposez une réforme de circonstance, précisément, sans doute parce que l'on vous a demandé, à l'Élysée ou ailleurs, de tirer les conséquences de la faillite de la majorité en juillet dernier.
M. Questel dira ce qu'il veut ; il est en partie mandaté pour cela, mais il s'agissait bien d'une faillite et ce que vous nous proposez vous a été demandé !
Ce qui permettra à l'avenir de parler d'une affaire quelle qu'elle soit, monsieur Habib, c'est le fait que l'opposition aura le droit de poser vingt-deux questions contre huit seulement pour la majorité. Voilà l'équilibre global ! Il ne sera plus nécessaire de recourir à des artifices parfois utilisés, quoi qu'on en dise.
Chacun se concentre sur l'affaire Benalla mais je ne comptais même pas l'évoquer tout à l'heure.
Je n'ai pas donné de noms, mais peu importe ; je ne cherche aucune polémique. Le débat est serein, monsieur Questel ; il n'est nul besoin de le faire déraper. Laissons de côté l'affaire Benalla, si vous le voulez bien, car elle ne nous préoccupe pas aujourd'hui. Elle vous a ennuyé l'an dernier mais ce n'est pas le sujet. Le sujet est le suivant : depuis des années, hormis cette affaire ou éventuellement une autre, ni les rappels au Règlement ni les suspensions de séance ne posent problème. Les uns et les autres sont des exutoires, des outils de gestion des crises et des tensions légitimes dans le débat démocratique. À l'évidence, vous allez supprimer une boîte à outils complète permettant aux parlementaires – sans doute les oppositions davantage que les majorités, j'en conviens, mais la démocratie, c'est aussi le respect des droits de l'opposition – de travailler. Dès lors que le rappel au Règlement est très encadré et que chaque groupe n'aura droit qu'à deux suspensions de séance, les groupes se trouveront contraints et sous contrôle. Dans ces conditions, l'expression ne peut être libre.
Nous n'avons pas intérêt à trop corseter les choses dans le Règlement. Comme nous l'avons fait à l'occasion de nombreux projets de loi examinés par cette commission, nous faisons au fond confiance à la présidence de séance pour organiser au mieux les débats, ce qu'elle fait très bien. Il me semble inutile d'ajouter des éléments de complexité à un Règlement déjà très complexe. C'est pourquoi l'alinéa 14 de l'article 13 pourrait être supprimé sans dommage.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte successivement l'amendement de coordination CL300 et l'amendement rédactionnel CL301 du rapporteur.
Elle examine ensuite l'amendement CL31 de M. Michel Zumkeller.
Cet amendement, qui est une forme de pis-aller, vise à limiter la portée de l'article 13 en permettant à chaque groupe de faire un minimum de rappels au Règlement. Le texte proposé pourrait en effet conduire à la suppression de ce droit pour certains groupes puisqu'il serait désormais interdit de faire un rappel au Règlement sur un sujet qui a déjà donné lieu à un précédent rappel. Selon nous, il faut au minimum garantir à chaque groupe la possibilité de faire un rappel au Règlement.
Encore une fois, je précise que cet amendement est un pis-aller car globalement, je partage le point de vue des précédents intervenants sur cet article : le rappel au Règlement est un outil qui permet de désamorcer les tensions en cours de séance. Le bilan de son utilisation ne ferait sans doute apparaître aucun abus. Certes, une affaire exceptionnelle s'est produite l'an dernier, mais cet outil m'a semblé malgré tout nécessaire pour faire avancer nos positions. En l'absence d'autres outils à la disposition de l'opposition, il faut maintenir la faculté de faire un rappel au Règlement.
Je pourrais accepter cet amendement mais, à mon sens, il ne ferait pas consensus. Au perchoir, la difficulté tient au fait que l'on ignore ce que l'orateur à qui la parole est donnée s'apprête à dire. Je comprends votre proposition, madame Sage, mais rien ne sert de dupliquer les rappels sur un même sujet.
Les hésitations du rapporteur sont liées à sa volonté de rechercher la meilleure des solutions sur le plan intellectuel, et je lui en sais gré. Néanmoins, en cas d'incident, le président de séance ne pourra pas céder. Une fois que l'orateur d'un groupe se sera exprimé, qui peut imaginer un seul instant, si l'incident est manifeste et important, que le président empêche les autres groupes de faire part de leurs souhaits dans un autre rappel au Règlement ? Autant organiser le mécanisme. Vous nous demandez une semaine pour rédiger la meilleure proposition possible et je le comprends, mais ne refusez pas ce que nous propose Mme Sage car c'est, comme elle l'a dit, ce qui doit être accepté a minima. Quoi qu'il arrive, le président de séance ne pourra pas faire moins.
En réponse au rapporteur je ne vois pas, dans les conditions actuelles, comment le président de groupe peut lui aussi anticiper la teneur des rappels au Règlement ; le même raisonnement s'applique. A minima cette disposition permettrait à chaque groupe d'entendre l'argument et de respecter la règle si elle était adoptée.
L'idée est intéressante mais elle présente des écueils. Je vous propose de retirer l'amendement pour que, d'ici à la séance, nous nous penchions ensemble sur le sujet à tête reposée afin de trouver la solution la plus opérante.
L'amendement est retiré.
La Commission examine, en présentation commune, les amendements CL128 et CL129 de Mme Sylvia Pinel.
L'amendement CL128 vise à supprimer l'alinéa 12 afin d'assurer le droit de réunion entre parlementaires. L'amendement CL129 vise à supprimer l'alinéa 14 qui prévoit que les présidents de groupe ou leurs représentants ne peuvent demander que deux suspensions de séance.
La Commission rejette successivement les amendements.
Elle adopte l'article 13 modifié.
La réunion s'achève à 20 heures.
Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Caroline Abadie, M. Jean-Félix Acquaviva, Mme Laetitia Avia, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Vincent Bru, M. Éric Ciotti, Mme Coralie Dubost, M. Jean-François Eliaou, M. Christophe Euzet, M. Philippe Gosselin, M. Guillaume Gouffier-Cha, Mme Émilie Guerel, Mme Marie Guévenoux, M. David Habib, M. Dimitri Houbron, M. Sacha Houlié, M. Sébastien Huyghe, Mme Élodie Jacquier-Laforge, Mme Catherine Kamowski, Mme Marietta Karamanli, Mme Alexandra Louis, M. Stéphane Mazars, M. Paul Molac, M. Pierre Morel-À-L'Huissier, Mme Danièle Obono, M. Didier Paris, Mme George Pau-Langevin, M. Stéphane Peu, M. Jean-Pierre Pont, M. Bruno Questel, M. Robin Reda, M. Thomas Rudigoz, M. Pacôme Rupin, Mme Maina Sage, M. Raphaël Schellenberger, M. Jean Terlier, Mme Alice Thourot, Mme Cécile Untermaier, M. Arnaud Viala, M. Guillaume Vuilletet, M. Sylvain Waserman, Mme Hélène Zannier
Excusés. - Mme Huguette Bello, Mme Paula Forteza, M. Mansour Kamardine, Mme Marie-France Lorho, M. Jean-Luc Warsmann
Assistaient également à la réunion. - M. Julien Aubert, M. Pierre-Henri Dumont, Mme Marie Lebec, M. Matthieu Orphelin, Mme Mathilde Panot, Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe