La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures trente.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi, modifié par le Sénat, pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (nos 1135, 1175).
Quatre cent quatre-vingts amendements restent en discussion.
Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de cinq heures vingt-deux minutes pour le groupe La République en marche, dont 70 amendements sont en discussion ; quatre heures pour le groupe Les Républicains dont 218 amendements sont en discussion ; une heure dix-neuf minutes pour le groupe du Mouvement démocrate et apparentés dont 3 amendements sont en discussion ; une heure quarante-cinq minutes pour le groupe UDI-Agir et Indépendants dont 55 amendements sont en discussion ; une heure huit minutes pour le groupe Socialistes et apparentés dont 26 amendements sont en discussion ; une heure vingt-neuf minutes pour le groupe La France insoumise dont 17 amendements sont en discussion ; une heure dix minutes pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine dont 12 amendements sont en discussion ; dix-neuf minutes pour les députés non inscrits dont 61 amendements sont en discussion.
Hier soir, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'amendement no 196 à l'article 11.
La parole est à M. François-Michel Lambert, pour soutenir l'amendement no 196 .
Cet amendement est dans la continuité de ce que mes collègues de tous bords ont exprimé hier soir : la nécessité de lier alimentation et santé. Il propose que, dès 2020, toute la restauration collective publique utilise 40 % de produits locaux de saison sous signe de qualité provenant d'approvisionnements en circuits courts, tout en maintenant l'objectif de 20 % de produits issus de l'agriculture biologique, conformément à l'engagement présidentiel.
Je me fais le relais d'une proposition issue des travaux des états généraux de l'alimentation, plus précisément de l'atelier « Alimentation et proximité » – je vous remercie encore une fois, monsieur le ministre de l'agriculture, de la confiance que vous m'avez manifestée en me permettant de coprésider cet atelier.
La parole est à M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur de la commission des affaires économiques, pour donner l'avis de la commission.
J'aurai une position assez ferme puisque nous avons déjà eu de longues discussions sur cet article, tant en commission du développement durable qu'au sein de la commission des affaires économiques, puis dans l'hémicycle, en première lecture, à l'issue desquelles il a été complètement réécrit.
Nous sommes parvenus à une position équilibrée, à la fois ambitieuse et réaliste. Il faut certes se fixer des objectifs ambitieux mais qui soient réalisables. Voilà pourquoi j'émets un avis défavorable. Essayons déjà d'atteindre les 30 % de produits sous signe de qualité et 20 % d'agriculture biologique, ce qui ne sera pas forcément simple sur certains territoires. Nous verrons par la suite si nous pouvons nous donner des objectifs plus ambitieux.
La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, pour donner l'avis du Gouvernement.
J'en profite pour saluer les députés matinaux au moment où nous reprenons nos travaux.
Je connais votre engagement, monsieur le député, ainsi que vos travaux, notamment le travail que vous avez mené au cours de la législature précédente sur l'économie circulaire, mais il nous faut trouver des compromis acceptables.
C'est ce à quoi nous sommes parvenus dans la rédaction de cet article 11 lors de la première lecture à l'Assemblée nationale. Nous nous souvenons tous de la loi Grenelle 2, qui avait proposé une surface agricole utile – SAU – de 20 % en agriculture biologique, objectif qui devait être atteint cette année. Vous avez vu le résultat : nous sommes à 6,5. Nous avons pris l'engagement fort de passer de 6,5 % à 15 % à l'horizon 2022. Là aussi, il faut s'assigner des objectifs atteignables et essayer de les cranter. Si d'aventure les choses vont plus vite que prévu, il sera toujours possible de les réviser en conséquence.
Vous proposez, par ailleurs, de supprimer le décret en Conseil d'État qui précise l'ensemble des points requis pour la mise en oeuvre de l'article 11, alors que cette précision est nécessaire pour que tous les opérateurs de la restauration collective, en particulier les collectivités territoriales, conformément au principe de leur libre administration, puissent mettre en oeuvre les objectifs que nous avons souhaité mettre en place.
Je vous demande donc de retirer votre amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Monsieur le ministre, vous avez précisé à raison que le décret devra traduire cet article dans la dentelle. Alors même que je trouvais satisfaisante sa rédaction actuelle, issue notamment de la dernière réunion de la commission des affaires économiques, après l'avoir relue, j'y ai décelé des risques réels, notamment dans le troisième alinéa. Celui-ci mentionne des « produits acquis selon des modalités prenant en compte les coûts imputés aux externalités environnementales liées au produit pendant son cycle de vie ». Cela paraît a priori extrêmement vertueux d'évoquer des éléments tels que les externalités environnementales, qui peuvent aujourd'hui être analysés par des organismes tels que l'ADEME, mais ce qui me gêne c'est le « ou » qui suit.
Je crains que cet alinéa n'ait des effets pervers en ce qui concerne les produits issus de l'agriculture biologique ou les produits sous signe de qualité et qu'il ne soit instrumentalisé notamment pour acheter moins de produits sous signe de qualité. C'est pourquoi je présenterai un amendement de suppression de cet alinéa, qui est plutôt un amendement d'appel.
Cet amendement de notre collègue Lambert va dans la même direction. Il évite le risque de déséquilibre et garantit notamment des achats de produits sous signe de qualité et de proximité.
Je voulais vraiment attirer votre attention sur ce risque qui me semble réel, monsieur le ministre.
La parole est à Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, pour donner l'avis de la commission.
Nous avons tous conscience que l'objectif visé par cet article n'est pas forcément satisfaisant pour tout le monde, mais c'est un objectif d'équilibre que nous avons construit ensemble, dans le cadre des états généraux puis des travaux en commission.
Certes, certaines collectivités ont déjà dépassé ces objectifs mais d'autres sont bien en dessous, et nous avons tous constaté, notamment lors des expérimentations menées par les communes dans les cantines scolaires, qu'il fallait leur laisser le temps de monter en gamme dans la restauration collective. C'est la raison pour laquelle nous pensons que cet objectif équilibré, fruit d'un travail collectif, doit être maintenu.
Je vais évidemment retirer cet amendement pour éviter de créer une tension entre le Gouvernement, le rapporteur et les signataires de cet amendement, mais je souhaite qu'il soit réaffirmé avec force que la transformation de notre modèle agricole suppose d'actionner le plus vite et le plus fort possible le levier de l'achat public, notamment pour la restauration collective.
L'amendement no 196 est retiré.
Même si nous partageons la volonté que nos enfants mangent mieux dans les cantines scolaires, nous avons déjà longuement évoqué depuis le début de l'examen de cet article les contraintes que ces objectifs de 50 % de production locale et 20 % issus de l'agriculture biologique feront peser sur le secteur agricole et sur les territoires, notamment ceux où la production locale, en particulier le maraîchage, est faible.
Mme la rapporteure pour avis elle-même vient de nous dire que la mise en place de ces process demandait du temps. Cet amendement vise précisément à repousser l'échéance à 2023, cette année supplémentaire devant permettre une meilleure organisation.
La parole est à Mme Nathalie Bassire, pour soutenir l'amendement no 47 .
Je ne répéterai pas ce qui a déjà été exposé par notre collègue Nury sur les objectifs de l'article 11. J'ajouterai simplement que cet amendement a pour but de clarifier les choses : premièrement, en modifiant la date d'entrée en vigueur au 1er janvier 2025, afin de laisser aux acteurs le temps de s'y préparer ; deuxièmement, en précisant que la part de 50 % est en valeur et non en volume ; troisièmement, en ajoutant que ces produits doivent d'être d'origine française, afin de lutter contre tout risque de concurrence déloyale d'autres États ; quatrièmement, en prévoyant une compensation financière des éventuels surcoûts pour les collectivités, de facto et de jure, exposées financièrement, afin de leur permettre de tenir ces objectifs.
Comme je l'ai dit précédemment, cette rédaction est issue d'un compromis autour d'objectifs certes ambitieux mais réalistes. Avis défavorable.
J'entends ces demandes ; les communes doivent effectivement pouvoir s'organiser. Nous avons fixé un objectif ambitieux à l'horizon de 2022 – nous nous inscrivons dans une stratégie quinquennale, car nous voulons obtenir des résultats avant la fin du quinquennat – mais, pour répondre à la question de M. Nury, je ne vois pas en quoi les agriculteurs seraient mis en difficulté. Au contraire ! Ce projet de loi doit leur permettre de fournir une offre commerciale en agriculture biologique ou sous signe de qualité pour la restauration scolaire. Ce sont là des débouchés commerciaux que les agriculteurs, dès aujourd'hui, peuvent viser.
Je crois que nous devons maintenir cet objectif ambitieux à l'horizon de 2022. Bien évidemment, les collectivités seront accompagnées dans le cadre des projets alimentaires territoriaux, les PAT, et à travers les dynamiques territoriales que nous souhaitons mettre en place. Elles pourront ainsi être au rendez-vous pour tenir ces objectifs dans la restauration scolaire.
J'entends bien que certains territoires peuvent manquer de structures. Vous avez évoqué le maraîchage dans l'Orne, mais certains départements alentours, que je ne citerai pas, pratiquent le maraîchage. Vous pouvez trouver des carottes dans la Manche, notamment.
Sourires.
Plus sérieusement, nous savons qu'il est tout à fait possible de se fournir à quelques kilomètres, dans les départements voisins, ce qui laisse le temps de travailler à la structuration de l'offre et à l'installation de structures maraîchères – et je n'oublie bien évidemment pas la Seine-Maritime, forte pourvoyeuse d'aliments et de productions de qualité !
Avis défavorable sur les deux amendements.
Je souhaite compléter mon intervention précédente et revenir sur une difficulté que nous connaissons tous, comme en attestent ces amendements et les explications qui ont été données. Elle concerne l'origine des produits bio. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : la part des produits issus de l'agriculture biologique importée est passée, en 2017, de 29 % à 31 %. C'est une réalité.
Il faut regarder ces chiffres avec un peu de bon sens. Avant les vacances d'été, dans la restauration collective, en milieu scolaire, hors les abricots et les fraises, quasiment aucun fruit n'est issu de l'agriculture biologique française. La plupart proviennent de l'importation : par nature, bien sûr, tous les fruits exotiques, mais aussi les melons, les pastèques, les agrumes qui, dans la production française, n'apparaissent quasiment pas avant les vacances d'été. Une part d'importation des produits issus de l'agriculture bio est donc nécessaire : c'est une nécessité que je qualifierais de « climatique ».
Cela dit, la rédaction retenue en commission – y compris par votre serviteur, qui a voté cette évolution de l'article – , avec le fameux « ou » de l'alinéa 4 concernant l'agriculture biologique, sépare ce dernier de l'alinéa 3 relatif à la prise en compte du cycle de vie, ce qui peut entraîner des effets pervers et de forts risques.
Laissons de côté les légumes et les fruits. La plus grande partie des produits de l'épicerie relève de l'importation et, pour moitié, hors Union européenne
En effet.
C'est un fait.
Je me doute, monsieur le ministre, que le décret d'application sera travaillé de très près, mais il faudra se montrer extrêmement attentif à ce que l'alinéa 3 relatif au cycle de vie soit en quelque sorte rattaché à l'alinéa 4 concernant les produits issus de l'agriculture biologique.
Il se situe dans le prolongement de mon intervention précédente.
M. le ministre nous dit que l'horizon 2022 laissera à notre agriculture le temps de s'adapter. Monsieur le ministre, vous savez très bien que les procédures de conversion en bio sont longues : réorienter des parcelles, installer de nouveaux types de producteurs, tout cela prend du temps, de même que la construction de filières entières. Dans l'Orne, même si la Manche proche produit en effet quelques carottes, le maraîchage est inexistant. Il est très difficile de mettre en place ce type de filière d'un seul coup, de motiver les uns et les autres, de se lancer sur ces marchés qui, certes, seront porteurs demain mais, précisément, il y faudra du temps.
Cet amendement vise à desserrer l'étau, à ne pas avoir cette contrainte de date. Un certain nombre de collectivités s'engagent d'elles-mêmes dans la démarche du bio et du local : laissons-les libres ! Elles y parviendront tranquillement sous la pression de l'État, des parents d'élèves, de toutes celles et ceux qui participent au système éducatif et qui souhaitent que nos enfants mangent mieux. Gardons la liberté, pas la contrainte !
Avis défavorable pour les mêmes raisons : il ne faut pas affaiblir les objectifs et la portée de cet article 11.
Même avis pour les mêmes raisons.
L'amendement no 149 n'est pas adopté.
Cet amendement précise que les produits doivent être « d'origine française » et prévoit une compensation financière des éventuels surcoûts pour les collectivités via la dotation globale de fonctionnement, la DGF, et la création d'une taxe additionnelle.
Nous en avons parlé hier : la contrainte de 20 % de produits bio implique nécessairement des importations. Or plusieurs problèmes ne manqueront pas de se poser. Sur le plan environnemental, ces produits seront chargés de CO2, ce qui est un comble pour du bio et alors que l'on veut privilégier le local. Qui plus est, ce bio-là n'aura pas la même certification. Vous n'avez pas répondu à cette question, monsieur le ministre : comment pourrons-nous nous assurer que ce bio aura les mêmes caractéristiques que le bio français ou européen ?
Tous les amendements visant à fixer comme objectif législatif une règle directe de proximité ou d'origine géographique dans l'approvisionnement public ne sont pas conformes au droit de l'Union européenne en matière de marché public. Le marché unique n'admet que des dérogations très contrôlées, comme les IGP, les indications géographiques protégées.
Avis nécessairement défavorable aux amendements qui mentionnent les circuits courts, l'origine régionale, française ou l'approvisionnement local, car toute extension mettrait à bas l'ensemble du dispositif de l'article 11, ce qui n'est pas bienvenu ! C'est notamment suite aux débats en commission que nous sommes parvenus à une règle indirecte de proximité par le biais des externalités.
En France, sur les produits bio, notre cahier des charges est très rigoureux et c'est tant mieux. C'est d'ailleurs pourquoi les consommateurs sont confiants et témoignent d'un véritable engouement.
Il n'est, bien évidemment, pas question d'importer ces derniers depuis des pays dont les normes seraient en deçà de ce qu'autorisent le droit et le règlement européens. Nous sommes, bien entendu, vigilants. Certes, de temps à autres, certains produits peuvent se faufiler mais, en ce qui nous concerne, sur le territoire national, conformément à nos règles et au droit européen, nous faisons preuve d'une extrême vigilance.
L'importation de produits bio sur le marché français représente près de 1 milliard d'euros. Nous sommes en déficit et devons être en mesure d'en produire, par exemple, dans nos territoires ultra-marins. J'ai discuté hier avec le député MODEM Bruno Millienne. Vous le savez tous, la plupart des avocats que vous mangez en été, saisonnalité oblige, viennent du Mexique. Or la Martinique en produit, de qualité et en quantité. Comment créer les circuits de distribution permettant que les producteurs de Martinique trouvent des débouchés commerciaux sur leur île, pour eux, mais aussi en métropole ?
Nous devons progresser ensemble, sur les territoires métropolitain et ultra-marin, dans le respect d'un cahier des charges suffisamment strict pour que les produits bio arrivant sur le sol français répondent aux critères de qualité environnementale et gustative attendus par nos concitoyens. Nous nous souvenons tous de la fraude au Fipronil sur les oeufs, l'été dernier. Ces derniers étaient d'origine bio et provenaient des Pays-Bas. Des contrôles sont mis en place.
Votre amendement vise à instaurer une compensation financière pour les collectivités, mais il faut évoquer l'application de l'article 11 avec l'ensemble des parties prenantes. Aujourd'hui, une telle compensation n'est pas prévue : ce serait une charge nouvelle pour le budget de l'État. Le surcoût induit par le développement de l'approvisionnement en produits de qualité peut être, en revanche, compensé par certaines pratiques d'achat.
Nous mettons des outils en place, dont un guide d'achat à destination des collectivités afin qu'elles achètent mieux. Il conviendra également d'adapter le code des marchés publics, lorsque cela sera possible, afin que l'on puisse s'approvisionner plus facilement sur les marchés locaux et de proximité.
Enfin, je précise qu'il n'y a pas eu de surcoût pour les 52 % d'établissements qui appliquent la mesure concernant les produits bio, sous label ou signe de qualité : tout a été lissé sur l'ensemble des repas. Les mesures prises contre le gaspillage alimentaire, notamment, ont permis de réduire les coûts jusqu'à 30 %. Il est ainsi possible de ne pas demander d'efforts supplémentaires aux familles, en particulier aux plus précaires d'entre elles.
Avis défavorable.
En tant que coprésident de l'atelier « Alimentation et proximité » des états généraux de l'alimentation, je confirme les propos de M. le ministre : l'utilisation correcte des marges de manoeuvre permises par les marchés publics permet de répondre aux attentes formulées par notre collègue dans son amendement en faveur d'une production française.
Il est donc nécessaire, monsieur le ministre, de renforcer la formation des décideurs et des acheteurs publics, et la compréhension qu'ils ont des marges de manoeuvre que leur offre le code des marchés publics pour permettre des achats en conformité avec les choix politiques.
Non, ce n'est pas fait. Si vous aviez participé aux états généraux de l'alimentation, vous l'auriez découvert !
Ne parlez pas de ce que vous ne savez pas, vous n'y étiez pas ! Les marchés publics offrent des marges de manoeuvre qui permettent de répondre à cet enjeu, mais nous savons que les acheteurs n'ont pas la compréhension des clefs qu'ils peuvent utiliser. Me faisant le rapporteur de cet atelier des états généraux, je dis que nous devons les aider à comprendre et à utiliser ces clefs pour répondre à l'enjeu dont nous débattons dans cet article.
Il faut être prudent et ne pas laisser penser que les gestionnaires de collectivités découvriraient aujourd'hui un certain nombre de mécanismes qui leur permettraient d'acheter français. Il n'y a pas que des gros gestionnaires de restauration collective – j'en dirai un mot, tout à l'heure, sur la question des seuils. Beaucoup d'élus – j'en suis, comme beaucoup d'entre vous le sont ou l'ont été – ont pu gérer des « cantines de proximité », faisant le choix de distributeurs locaux, car il y a des producteurs locaux mais aussi des distributeurs locaux. Décider de se servir dans la boucherie ou dans l'épicerie du village est un choix politique. Il n'est pas aussi simple que vous voulez bien le dire de s'approvisionner en produits bio et en proximité. Si, demain, dans les cantines, on devait faire manger des poires du Chili, ce serait un échec, y compris sur le plan du développement durable.
L'amendement no 161 n'est pas adopté.
La parole est à M. Vincent Descoeur, pour soutenir l'amendement no 67 .
Dans le droit fil du débat qui vient de s'ouvrir, le présent amendement vise à permettre au décret d'application de moduler les seuils. Cela rejoint la préoccupation exprimée par André Chassaigne à l'instant : pour que cet article ne se révèle pas contre-productif, les objectifs affichés doivent être raisonnables, réalistes pour éviter de favoriser, paradoxalement, l'importation de produits que nos filières locales ne seraient pas en capacité de fournir. Les collègues ont précédemment proposé de travailler sur la date d'entrée en vigueur : de toute évidence, il faut laisser une capacité d'adaptation aux producteurs locaux. De ce point de vue, une évolution des seuils permettrait d'inciter les producteurs locaux à monter en puissance.
Il convient aussi, comme je viens de le dire, de laisser une capacité d'adaptation aux distributeurs, car l'approvisionnement en proximité suppose qu'on puisse faire confiance à des distributeurs. Lorsque mon collègue Jean-Yves Bony était en charge de l'agriculture dans le département du Cantal, que je présidais, nous avions ouvert aux cantines des collèges la possibilité de consommer des fromages AOP, des viandes de races allaitantes. Il s'est avéré à l'usage que s'approvisionner en proximité, en respectant les règles des marchés publics, n'était pas aussi facile que vous voulez bien le dire.
J'entends bien les difficultés qui peuvent découler de la mise en oeuvre de cette mesure et je ne nie pas votre expérience d'élu local, monsieur Descoeur. Cela peut effectivement être un sujet de préoccupation, mais cela peut aussi constituer une opportunité de diversification, notamment dans les zones essentiellement consacrées à l'élevage, tirant ainsi l'agriculture de ces régions vers le haut. Avis défavorable.
Entièrement d'accord avec vous ! La seule chose que nous demandons, c'est d'introduire un peu de souplesse !
Défavorable.
Ça, ce n'est pas très souple ! Du moins, ce n'est pas la souplesse que j'attendais !
Sourires.
Je ne suis pas reconnu pour ma souplesse !
Sourires.
Notre collègue Descoeur a été président de conseil général. Il connaît ces questions d'appels d'offres, de volonté politique qui, comme dans le département du Cantal, peut se heurter à des difficultés quand vient le moment de la mise en oeuvre concrète. Je pense également que, même si c'est compliqué à réaliser, des évolutions doivent être apportées au code des marchés publics.
La marge est étroite. Les évolutions qui ont eu lieu, auxquelles notre collègue Lambert faisait allusion, sont le résultat de l'adoption d'un amendement que j'avais déposé – et nous avions été plusieurs à le faire – pour que le code des marchés publics puisse prendre en compte les achats de proximité. Un premier pas a été franchi mais il reste encore, j'en suis persuadé, des améliorations à apporter sur ce point, notamment au regard des difficultés à acheter les produits localement. Les normes, les contraintes, le poids de l'administration avec les documents à fournir découragent bien souvent à la fois le producteur et l'acheteur public. C'est une réalité.
Un deuxième problème est la mise en oeuvre des projets alimentaires territoriaux. Une avancée de la majorité précédente, avec notamment un excellent texte de loi défendu par Brigitte Allain, députée écolo de Dordogne,...
... a permis la construction, l'élaboration, au plus près des territoires, de projets alimentaires territoriaux pour mettre en lien les producteurs, les consommateurs et les administrations, de façon à pouvoir relocaliser au maximum. Là aussi, les difficultés de mise en oeuvre justifient une évolution. Dans le décret que vous prendrez, monsieur le ministre – je ne dis pas cela sur un ton polémique mais dans le souci de construire – , il faudra tenir compte de tout cela.
Dernier élément, on m'a signalé – mais d'autres aussi ont dû avoir l'information – quelques difficultés pour des collectivités locales faisant le choix de créer leur propre jardin potager, c'est-à-dire de produire elles-mêmes pour la cantine de leur école. Elles se heurtent à des obstacles de mise en oeuvre, de sorte qu'elles ne peuvent pas donner à consommer en restauration collective des produits cultivés sur des terrains communaux, par des agents communaux.
Des obstacles sanitaires.
À l'heure où les Anglais n'ont toujours pas renoncé à racler la Manche au détriment de nos pêcheurs, je m'en voudrais de ne pas évoquer la nécessité de travailler, dans les ports de pêche bordant notre littoral, à faire en sorte que nos restaurations collectives puissent s'appuyer sur une filière pêche structurée pour nourrir nos enfants. J'ai été vice-président du département de Seine-Maritime. Nous avons beaucoup travaillé avec Les Défis ruraux pour augmenter la part des circuits courts et des repas bio dans les cantines du département ; je l'ai fait comme maire de Dieppe également. Nous avons souvent buté, concernant la pêche, sur l'absence de structuration.
Vous êtes ministre de l'agriculture et aussi de la pêche. À la faveur de ce débat sur l'alimentation, je souhaiterais que nous puissions expérimenter, dans un département comme le mien, des structurations de filière, sachant qu'en matière de bio marin, 87 % des produits sont importés. On voit bien à quel point, pour les pêcheurs, cela ressemble à une déstabilisation de leur métier. Je voulais donc vous inviter, à la faveur de cette loi, à nous aider, dans nos ports, à structurer une filière permettant aux enfants de manger autre chose que des poissons carrés avec les yeux dans les coins.
Je profite de cette perche tendue,...
Sourires
.. pour répondre à Sébastien Jumel que je partage totalement ses propos sur les activités de pêche liées à la restauration collective. Il se trouve que nous sommes élus dans le même territoire. Lorsque j'avais la responsabilité de la pêche en région Basse-Normandie, avant la réunification des deux régions, nous avions souhaité que, dans les lycées gérés par la région, et les élèves des lycées hôteliers, en particulier, on travaille avec les produits issus de nos côtes. Nous avons la chance, en Normandie, que 80 % des espèces pêchées sur les côtes soient hors quota. Nous avons donc la capacité de pêcher des poissons blancs – du tacaud, par exemple, un excellent poisson qui ressemble fort au cabillaud – , de les valoriser et de les proposer dans les cantines. Nous y sommes parvenus, dans un certain nombre de lycées, à travers un dialogue construit et régulier avec les chefs de cuisine, les responsables de la restauration dans les lycées et les départements.
Je souhaite que ces produits de la mer, qui pourraient constituer de nouveaux débouchés pour nos pêcheurs comme il en va pour les agriculteurs, occupent les tables de nos restaurants scolaires – des produits de qualité, bien évidemment. Les produits de la pêche peuvent aussi faire partie des produits sous signe de qualité, des produits bio ou locaux. C'est valoriser nos espèces, valoriser nos rivages, permettre aux enfants de manger du poisson et de s'approprier les différentes espèces vivant en mer et produites par nos pêcheurs. Les entreprises de transformation doivent aussi être impliquées. C'est une idée à laquelle nous pouvons travailler ; j'y suis totalement sensible et engagé.
L'amendement no 67 n'est pas adopté.
Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement : avec cet amendement, nous souhaitons réintroduire la notion toute bête, toute simple, de « circuit court », qui parle à tout le monde. Or vous nous avez expliqué, monsieur le ministre, qu'il n'était pas possible d'écrire « circuit court », car cela constituerait une atteinte à la concurrence qui fâcherait Bruxelles.
Il n'y a pas que cela !
Du coup, on se retrouve avec l'expression « coûts imputés aux externalités environnementales liées au produit pendant son cycle de vie ». Quel univers extraordinaire que celui où l'expression « circuit court », qui appartient à la langue commune, qui est comprise par tous nos concitoyens et dont on voit bien ce qu'elle signifie politiquement, se transforme en « coûts imputés aux externalités environnementales liées au produit pendant son cycle de vie » ! Réintroduisons un peu de simplicité dans la langue de l'Assemblée nationale pour qu'elle soit comprise par tout le monde !
Par ailleurs, je vois bien l'intérêt d'utiliser la cantine comme levier, car elle offre une possibilité d'action publique beaucoup plus directe que la consommation privée. Mais il ne faudrait pas qu'un fossé se creuse entre les deux, les cantines s'engageant dans une démarche en faveur du bio, du local et à réintroduire la saisonnalité avec des produits de saison, tandis que la consommation privée serait livrée à la malbouffe.
L'étude publiée par le Secours populaire doit nous alerter sur le fossé que l'on risque de créer entre les ambitions de cette loi et la réalité de la consommation des ménages. Quand quasiment un Français sur deux considère qu'il a du mal à payer la cantine de ses enfants, il y a un problème social à résoudre ! On ne peut pas se contenter d'améliorer ce qui est mangé dans les cantines sans permettre à l'ensemble des enfants de ce pays d'accéder à ces cantines. Il faudrait donc introduire un objectif social.
Un Français sur cinq déclare avoir du mal à prendre trois repas par jour. Vous est-il déjà arrivé que la faim surgisse au détour d'une conversation, alors que vous êtes en train de dîner tranquillement avec un étudiant et qu'il vous dit : « Je n'ai pas mangé à midi parce que je n'en avais pas les moyens » ? C'est immédiatement le silence, un blanc dans la discussion, car on se dit que la faim existe toujours dans notre pays, que tout le monde n'a pas ses trois repas par jour.
On apprend aussi qu'un Français sur quatre estime ne pas avoir les moyens de manger des fruits et des légumes chaque jour
C'est un fléau auquel nous devons nous attaquer. Prenons garde à ne pas afficher une ambition législative qui ne trouve pas de traduction dans la réalité. Se nourrissant d'illusions, on fabrique des lois, on fixe des dates, on détermine des pourcentages. Tout cela est très joli sur le papier, mais quels moyens nous donnons-nous pour atteindre ces objectifs ?
Vous regrettiez, monsieur le ministre, que seulement 6,5 % de la surface agricole utile soit consacré à l'agriculture biologique, alors qu'un objectif de 15 % avait été fixé. Nous sommes favorables à l'augmentation de ce seuil pour le porter à 20 %, 50 %, voire 100 %, et on y viendra ! Mais on ne peut se contenter de déplorer la faiblesse de ce taux. Quels moyens la puissance publique se donne-t-elle pour atteindre l'objectif plus ambitieux qu'elle fixe dans la loi ? C'est vrai de la proportion de surface agricole utile consacrée au bio, mais aussi de la consommation de produits biologiques dans les cantines et plus généralement de l'accès de tous les Français à une alimentation convenable.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 424 .
Les collectivités locales rencontrent parfois des difficultés à acheter des produits locaux, c'est vrai, mais restons positifs et volontaristes. Le sans-OGM existe, les produits agricoles non traités avec des pesticides ou des engrais chimiques également : ce sont de bonnes nouvelles.
Si les produits biologiques sont bons pour l'homme, ils le sont aussi pour la nature, puisque leur production pollue moins les nappes phréatiques et porte moins atteinte à la faune ou à la flore environnante. Bref, on ne retire de leur production que des bénéfices.
Dans ces conditions, pourquoi limiter à 20 % leur part dans les restaurants collectifs ? Si l'on veut être exigeant et proposer aux Français une alimentation de qualité, portons cette proportion à 30 %.
Imposer un tel taux conduirait également les Français à modifier leurs habitudes alimentaires. Qui plus est, il n'est pas irréaliste, car 1,77 million d'hectares étaient consacrés à la production biologique en France en 2017, dont 520 000 hectares en conversion. Notre pays est la troisième surface biologique d'Europe et le deuxième marché biologique européen. Il devrait donc parvenir à produire suffisamment.
Ce serait également un signal fort pour ma région. L'Occitanie est la première région productrice de produits biologiques, avec 360 000 hectares certifiés ou en conversion. Toujours en Occitanie, 53 % des exploitations agricoles commercialisent au moins un produit biologique, soit 27 200 exploitations. Voilà un exemple à suivre, me semble-t-il.
De nombreux autres agriculteurs souhaitent d'ailleurs se lancer dans l'aventure du biologique, non seulement parce que ce mode d'agriculture est plus protecteur de la biodiversité, mais aussi parce la santé financière des exploitations bio est plutôt bonne. Seules 13 % sont aujourd'hui en danger. Même si ce chiffre est encore trop élevé, il est plus bas que la moyenne des entreprises agricoles conventionnelles.
Il suffirait d'envoyer un signal positif à ceux qui seraient tentés d'engager cette démarche, pour qu'ils aient la certitude qu'un marché s'ouvre à eux.
Pour toutes ces raisons, soyons plus exigeants. Encourageons le cercle vertueux que nous avons initié et portons la part du bio à 30 % dans nos restaurations collectives.
Les objectifs que nous nous sommes fixés sont ambitieux, mais ils ne doivent pas devenir surréalistes. Maintenons cet objectif de 20 %.
Par ailleurs, je comprends la remarque de M. Ruffin au sujet des circuits courts. C'est vrai, c'est le terme que nous utilisons tous les jours, mais sur le plan juridique, il n'a pas la même signification que nous lui donnons. Un produit importé directement du Brésil, via un seul intermédiaire, entrerait ainsi dans la catégorie du circuit court. C'est pourquoi nous avons longuement réfléchi à cette question. Mme Laurence Maillart-Méhaignerie a mené de nombreuses auditions pour traduire dans le langage juridique la notion communément admise de circuit court.
Avis défavorable.
Avis défavorable. Les objectifs que nous nous sommes fixés sont ambitieux. Le Grenelle 2 avait fixé, il y a une dizaine d'années, un objectif de 20 % de surfaces agricoles utiles consacrées au biologique. Nous sommes aujourd'hui à 6,5 % ; nous souhaitons atteindre les 15 % en 2022. Si nous pouvons avancer plus vite et aller plus loin, actons-le durant le parcours.
Par ailleurs, selon le rapport de la Coface, les importations de produits biologiques ont augmenté depuis 2009. Nous avons la chance de disposer de filières de qualité, qu'il convient de structurer.
Mme Ménard évoquait la région de l'Occitanie qui s'est engagée en faveur de l'agriculture biologique. Il en est de même de la Nouvelle-Aquitaine. Suivons ces modèles pour répondre aux attentes des consommateurs.
Quant à la notion de circuit court, je ne reprendrai pas les explications du rapporteur. En droit, les avocats du Mexique, s'ils sont acheminés chez nous via un seul intermédiaire, entrent dans le circuit court. C'est ainsi. Peut-être faudra-t-il modifier la définition du circuit court qui ne tient pas compte, aujourd'hui, de la distance, mais du seul cycle de vie des produits.
Ce projet de loi est très ambitieux et tout est fait, dans la deuxième partie, pour faire évoluer les habitudes alimentaires. Je sais bien que nous avons eu trop de travail ici pour nous occuper de la dernière actualité, mais Emmanuel Macron, notre Président,...
Exclamations sur les bancs du groupe LR
Sourires.
... a dévoilé hier son plan pauvreté qui met en place une politique cohérente et n'oublie personne.
Ce projet de loi porte une grande ambition pour nos agriculteurs, en particulier celle de leur redonner du pouvoir d'achat. Cependant, nous pourrons prendre toutes les mesures possibles, elles resteront vaines tant que les consommateurs continueront à acheter une majorité de produits qui ne répondent pas à leurs attentes. Utilisons nos tribunes pour inviter les consommateurs à ne plus être schizophrènes et à acheter les produits qu'ils exigent.
Je voudrais expliquer à M. Ruffin et Mme Ménard pourquoi je ne voterai pas leurs amendements. L'objectif est déjà ambitieux et difficile à atteindre. Surtout, ne sous-évaluons pas la valeur des productions de proximité sous signe de qualité. Soumises à des cahiers des charges extrêmement stricts, comme le Label rouge, elles répondent à une définition du territoire qui garantit sans doute davantage les achats locaux que le bio, dont les importations augmentent année après année – nous sommes passés de 29 % à 31 % en 2017.
La réglementation européenne, si je ne me trompe pas, concerne la nature de la production, l'étiquetage, les contrôles, mais pas les transports, les externalités.
Dans le cadre de la mission que j'ai conduite avec mon collègue Alexandre Freschi sur la politique agricole commune, je suis allé en Pologne. Nous avons visité une très grande exploitation agricole biologique de plus de cent hectares, qui exportait ses produits. Le personnel, ukrainien, est payé 230 euros par mois et les normes ne sont pas respectées avec autant de rigueur que chez nous. Le paysan qui nous invitait voulait nous montrer combien sa terre vivait et respirait, mais il a dû s'y reprendre à plusieurs reprises pour trouver des vers de terre !
Restons vigilants. Les décrets d'application relatifs à cet article qui seront pris devront être travaillés avec toutes les parties concernées. Ne dévalorisons pas les productions sous signe de qualité en considérant que seul le bio peut répondre aux attentes.
Je voudrais apporter deux précisions sur des points essentiels. Le sujet de l'approvisionnement local en l'absence de production locale a pu soulever des inquiétudes. Le sujet est global et la sémantique est importante. Il faut tenir compte des conséquences sur l'environnement et de l'empreinte carbone, mais le local doit être subsidiaire. Si l'on ne peut pas trouver les produits sur place, il faudra aller les chercher. La caisse des écoles du 5e arrondissement de Paris est ainsi allée chercher dans la Somme ou dans le Pas-de-Calais, des produits locaux. Ils ont organisé la commande publique en dix-huit lots et construit des filières locales et un approvisionnement local.
S'agissant, par ailleurs, de l'enjeu social de l'accès à une alimentation équilibrée, saine, pour tous, il est prévu, dans le plan pauvreté dévoilé hier, de généraliser le tarif social dans toutes les cantines. Beaucoup de communes le pratiquaient déjà, mais certaines ne pouvaient encore se le permettre. Il sera ainsi proposé, a minima, un repas à 1 euro pour les familles les plus modestes et l'État s'est engagé à compenser le manque à gagner pour les collectivités. Cette mesure concernera 200 000 à 300 000 enfants. Il est également prévu d'offrir un petit-déjeuner à tous les enfants scolarisés dans les établissements des réseaux d'éducation prioritaire, en REP +. Ces mesures essentielles complètent un dispositif de justice sociale pour favoriser l'accès de tous à une alimentation saine.
La pauvreté, hélas ! ne se limite pas aux zones d'éducation prioritaire. Elle est plus diffuse que cela, car la précarité s'est généralisée du fait de la flexibilité du travail.
Qu'ils soient maires de grandes villes ou de petits villages, les maires regardent avant tout le prix à l'assiette pour les familles.
Vous pouvez augmenter considérablement la qualité – c'est bien de le faire et c'est juste – , encore faut-il que la famille n'ait pas à renoncer à inscrire son enfant à la cantine. Le Président de la République a déclaré hier qu'il est prêt à accompagner financièrement les communes qui mettront en place une tarification solidaire. Or, dans mon département, les communes de Saint-Étienne-du-Rouvray, Gonfreville-l'Orcher, Dieppe, Tourville-la-Rivière, Harfleur ou Gainneville – la liste est loin d'exhaustive – , parce qu'elles sont progressistes et dirigées par des maires communistes, ont fait depuis longtemps le choix d'une tarification solidaire, qui va de la gratuité à un tarif prenant réellement en compte les revenus des familles. Ces communes-là seront-elles accompagnées ou leur appliquera-t-on la double peine en les privant de tout accompagnement financier au motif qu'elles ont pris de l'avance ? Cela m'inquiète. C'est pourquoi je réitère les questions que j'ai posées hier : le plan pauvreté a-t-il été discuté avec le ministre chargé de l'alimentation ? Prend-il en considération les objectifs en matière de restauration collective ? Les communes qui fournissent déjà un effort seront-elles accompagnées ?
J'ai défendu mollement la course consistant à passer le taux de produits issus de l'agriculture biologique de 20 % à 30 %, puis 40 %, parce que deux points me semblent manquer de clarté. Le premier est la finalité : quelle finalité poursuit-on pour l'ensemble de l'agriculture française ? Vise-t-on l'agroécologie ? Vise-t-on une sortie des pesticides, même si elle n'est pas immédiate ?
Le second point concerne les moyens consacrés à cette finalité. Alors que 6,5 % seulement des surfaces sont aujourd'hui cultivées en agriculture biologique, comment fait-on pour passer à un taux supérieur ? Alors que les produits biologiques sont toujours plus issus de l'importation, par quels moyens, aux plans écologique et économique, répond-on à la demande ? La question des moyens me semble vraiment problématique.
Je rejoins les propos de Mme Maillard-Méhaignerie sur les déclarations que le Président de la République a faites hier. Nous sommes tous favorables à une tarification solidaire, à une alimentation de meilleure qualité dans les cantines scolaires, à ce que tous les enfants puissent bénéficier d'un petit-déjeuner le matin. Madame la rapporteure pour avis, vous avez également rappelé l'engagement que les collectivités locales bénéficieraient, de la part de l'État, d'une compensation financière des surcoûts engendrés par ce plan. C'est sur ce point que nous devrons être particulièrement vigilants. En effet, le texte que nous sommes en train d'examiner n'accompagne absolument pas à travers des compensations l'introduction, dans la restauration collective, des produits bio ou de l'agriculture locale. Or, croyez-moi, cela risque d'être une difficulté très importante pour les collectivités.
Nous nous interrogeons sur la capacité de la France à atteindre l'objectif de 20 % de produits issus de l'agriculture biologique. Plutôt que de se poser la question des moyens, notamment financiers, ne conviendrait-il pas de s'interroger sur les résistances au changement de la part des agriculteurs ? Il faut savoir que passer au bio implique un changement profond de modèle. Or la réglementation actuelle interdit un passage progressif : en cinq ans, l'intégralité de la production doit passer à l'agriculture biologique, à moins de créer une structure juridique différente.
Tant que l'autorisation juridique de passer seulement une partie de son exploitation à l'agriculture biologique ne sera pas donnée, de nombreux agriculteurs refuseront de sauter le pas, qui revient pour eux à sauter dans le vide. Il faut faire de la pédagogie auprès des agriculteurs qui ont cette appréhension en leur permettant d'essayer l'agriculture biologique. Ils passeront alors beaucoup plus facilement à ce mode de production.
Monsieur Lurton, nous avons longuement discuté de la question des surcoûts éventuels. Je vous renvoie aux chiffres de l'étude d'impact du présent projet de loi. Elle est assurément perfectible, mais les chiffres qu'elle fournit sont cohérents avec les remontées du terrain, ce qui n'ôte rien aux inquiétudes éventuelles des maires.
La majoration du « coût matière » liée à l'achat de produits de qualité représenterait 15 %. Or le coût matière ne représente que 20 % du prix d'un ticket de cantine, le coût des fluides comptant pour 10 %, celui des infrastructures pour 25 % et celui du personnel pour 40 %. Sans minorer cette majoration, elle reste marginale, d'autant qu'un nouvel équilibre est, en très peu de temps, atteint par une diminution du gaspillage alimentaire – tous les témoignages le confirment – , tant lors des achats, qui sont mieux ajustés au besoin, que dans les assiettes. De nouvelles méthodes d'achat, par exemple en vrac, permettent également de réaliser des économies. Je le répète, l'impact de la majoration du coût matière demeure marginal sur le coût global d'un repas à la cantine.
M. le rapporteur et Mme Monique Limon applaudissent.
M. Ruffin a abordé la question des moyens. La feuille de route du Gouvernement vise une transformation du modèle agricole, et le grand plan d'investissement consacre 1,1 milliard d'euros à l'essor de l'agriculture biologique. Voilà une réponse concrète aux inquiétudes de M. Ruffin.
Monsieur Lurton, vous avez évoqué le coût de la tarification solidaire pour l'État et les communes. Il ne faut pas oublier qu'il s'agit là d'une politique publique de prévention, qui doit permettre de réaliser à terme des économies. C'est à la racine des inégalités qu'il faut s'attaquer, en permettant aux 13 % d'enfants des REP + qui partent le ventre vide à l'école d'y prendre un petit-déjeuner, ou en instaurant une tarification solidaire. L'alimentation, on le sait, est un facteur clé du développement de l'enfant dès son plus jeune âge.
Je sais que vous partagez ces objectifs. Toutefois, il ne faut pas les voir comme un coût mais comme un investissement, à destination de nos enfants, dans la lutte contre la pauvreté.
Qu'on ne se méprenne pas sur mes propos ! Je ne cesse de répéter que je suis favorable à l'introduction, dans les repas servis à la cantine, d'une proportion de produits bio et locaux, que je suis favorable à une tarification solidaire, que je suis favorable à ce que tous les enfants puissent bénéficier d'un petit-déjeuner. Il n'en reste pas moins que les collectivités locales sont confrontées au principe de réalité.
Je comptais y revenir lors de l'examen de l'amendement no 63 de M. Descoeur. De nombreuses communes, à la demande du Gouvernement, ont négocié un pacte de non-augmentation des dépenses de fonctionnement. Or celui-ci est très difficile à tenir pour elles – je suis l'élu d'une collectivité qui a signé un tel pacte – , tout simplement parce que, même en cas de stagnation ou de diminution du nombre des personnels, les dépenses de personnel augmentent en raison de l'augmentation des salaires liée à l'évolution des carrières dans la fonction publique.
Toutes les mesures que vous nous proposez se heurteront, demain, à un principe de réalité que nous ne pouvons pas évincer dans cet hémicycle.
Je tiens à appuyer les propos de M. Lurton. Effectivement, la qualité de la nourriture fournie dans la restauration collective est très importante, et le plan pauvreté annoncé hier est tout à fait louable. Rebondissant sur ce que disaient mes collègues communistes, je veux dire qu'à Béziers, nous avons mis en place la cantine à 1 euro depuis quatre ans : le coût annuel pour la ville s'élève à 400 000 euros. L'État est-il prêt à assumer ce coût ? Une telle mesure appliquée dans toute la France se traduirait pour les communes par des dépenses expansives, alors même qu'on leur demande, en même temps, de limiter leurs dépenses de fonctionnement.
Je suis d'accord, il s'agit d'un investissement, d'un pari sur l'avenir très important. La preuve que personne ne pense le contraire est que de nombreuses communes ont déjà mis en place de telles mesures, comme Béziers. Ne nous voilons toutefois pas la face, une telle politique a un coût et les collectivités ne pourront pas l'assumer si l'État ne vient pas la compenser.
Comme l'a souligné Sébastien Jumel, il convient de prendre la mesure de l'effort déjà accompli par un grand nombre de collectivités locales. Mme Ménard a cité un chiffre ; pour les collectivités que nous avons évoquées, la compensation pour la prise en charge de la redistribution sous forme de tarification solidaire s'élève à quelque 1 million d'euros, avec un prix de revient de l'assiette à 8,50 ou 9 euros et une tarification solidaire pour les familles allant de 0,20 à 3 euros.
Si nous nous fixons à la fois un objectif qualitatif et un objectif quantitatif – le taux de fréquentation de la cantine par les enfants oscille entre 65 % et 70 %, ce qui nous laisse une marge de progression dans cet objectif – , les conditions pour l'atteindre doivent être réunies, et cela non pas à titre optionnel mais à titre obligatoire. Les fonds de compensation que vous nous promettez dans le cadre des quartiers prioritaires de la politique de la ville, mais qui devraient concerner également, comme l'a justement souligné Sébastien Jumel, l'ensemble des familles, car il ne saurait évidemment y avoir de discrimination positive lorsqu'il s'agit des enfants, représentent un enjeu financier qu'il est de la responsabilité de l'État d'assumer vis à vis des collectivités territoriales en général et des communes en particulier.
Gilles Lurton a raison : il n'est pas possible aux communes de signer, d'un côté, un pacte de non-augmentation des dépenses de fonctionnement et, de l'autre, de voir se généraliser une légitime ambition politique qu'il leur appartiendra de mettre en oeuvre.
Bien sûr, le plan pauvreté arrive au bon moment, mais je suis à chaque fois abasourdi de voir l'État fixer des objectifs et demander ensuite aux collectivités d'agir.
On nous parle d'un fonds de compensation. Or, avec l'État, les fonds de compensation sont toujours extraordinaires au départ, avant de progressivement s'amenuiser puis disparaître. Nous savons donc tous très bien que ces mesures se traduiront à terme par de nouvelles charges pour les collectivités locales.
D'autant que tout est fait pour donner l'impression que, jusqu'ici, celles-ci n'avaient rien fait. Or je tiens, en tant qu'ancien maire et ancien président d'une communauté de communes, à rappeler que les collectivités locales consentent déjà des efforts considérables à destination des cantines. Le contribuable subventionne à hauteur de 50 % un repas dont le coût oscille entre 6 et 7 euros. En outre, de nombreux CCAS – centres communaux d'action sociale – auditionnent les familles les plus modestes et prennent en charge, à hauteur de 80 %, 90 %, voire 100 %, le prix des repas.
Le plan pauvreté ira assurément dans le bon sens. Toutefois, des politiques, qui fonctionnent, sont déjà menées. Je le répète, je me méfie de l'action de l'État sur le long terme.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement no 800 .
Cet amendement va peut-être en surprendre quelques-uns : il peut paraître en contradiction avec mes positions sur la nécessité de prendre en compte les externalités environnementales. Cependant, alors que j'ai moi-même voté l'alinéa 3 en commission, je pense que c'est une erreur d'avoir introduit cette disposition rédigée de cette façon. Je vais essayer de m'en expliquer.
Cet alinéa dispose que, dans le cadre de la nouvelle obligation qui incombera aux restaurants collectifs gérés par des personnes morales de droit public, pourront être pris en compte les « produits acquis selon des modalités prenant en compte les coûts imputés aux externalités environnementales liées au produit pendant son cycle de vie ». Cela ouvre la porte à tout et n'importe quoi ! Cette disposition risque d'être utilisée, instrumentalisée, notamment par les grandes multinationales de l'agroalimentaire, pour réduire la consommation des produits mentionnés aux alinéas suivants, en particulier les produits sous signe de qualité, issus de l'agriculture locale ou de cycles courts.
Qu'entendons-nous par « externalités environnementales » ? Comment définissons-nous cette notion ?
Actuellement, on peut déterminer le bilan carbone de l'assiette du consommateur. Une agence allemande, ABCD Agency, a récemment publié une étude classant différents pays en fonction du bilan carbone annuel moyen de l'assiette du consommateur. La France arriverait, paraît-il, à la dix-septième place, avec un bilan carbone moyen de 1 347 kilos et 8 grammes par mangeur. Ce type d'approche peut faire sourire ! Mais pour calculer les externalités environnementales, avons-nous aujourd'hui les moyens d'évaluer le bilan carbone des longs transports de marchandises agricoles ? Peut-être, mais je n'en suis pas certain. Sommes-nous en mesure de prendre en compte la longue chaîne du froid nécessaire aux produits carnés et à de nombreux produits laitiers ? Là aussi, il y a des externalités environnementales : disposons-nous des outils pour les apprécier ? En outre, ces externalités environnementales ne peuvent-elles pas avoir des effets extrêmement pervers sur nos élevages locaux ? Allons-nous tenir compte, par exemple, du méthane largué par l'éructation des bovins ? C'est une externalité environnementale !
Ainsi, l'alinéa 3 a été introduit en toute bonne foi, à partir de considérations éthiques. Je fais partie de ceux qui ont voté cette disposition en commission. Mais je crois maintenant que c'est une erreur : je suis persuadé que nous n'avons pas les outils pour la mettre en oeuvre et qu'elle générera des effets pervers, au détriment des produits sous signe de qualité.
Il serait plus intéressant que Laurence Maillart-Méhaignerie, qui a travaillé de façon approfondie sur le sujet des externalités environnementales, vous réponde. Pour ma part, je ne suis pas persuadé que l'alinéa 3 représente un danger réel. L'idée de départ est de traduire le mot « local » dans la loi sans contredire le code des marchés publics. La formule de calcul est sans doute complexe, mais je fais confiance aux différents acteurs et, surtout, au ministère de l'agriculture pour la bonne mise en oeuvre de cette disposition. Avis défavorable.
L'amendement no 800 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement, dont le premier signataire est Vincent Descoeur, vise à rédiger ainsi l'alinéa 3 : « 1o Produits répondant à des critères de développement durable ».
Alors qu'en 2018, près de 70 % de la viande bovine servie en restauration collective est toujours issue de l'importation, l'ambition du présent projet de loi doit être de revaloriser la part des viandes de France dans ces restaurants. Or la rédaction actuelle de l'alinéa 3, qui mentionne les coûts du cycle de vie des produits parmi les critères obligatoires d'approvisionnement, ne répondra pas à cet objectif. Au contraire, l'analyse du cycle de vie, une méthodologie issue du secteur industriel visant à évaluer le coût carbone des produits tout au long de leur cycle de production, pénalisera les viandes issues des cycles de production les plus longs, donc les plus extensifs et les plus vertueux sur le plan environnemental. L'analyse du cycle de vie est en effet de nature à favoriser les viandes d'importation issues de systèmes industriels plus intensifs.
Je rejoins André Chassaigne, qui a brillamment défendu son amendement no 800 .
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, je suis sacrément inquiet et préoccupé. Il est impossible qu'un élu ou un homme politique ait rédigé l'alinéa 3. Je ne comprends pas comment on a pu imaginer introduire une telle disposition dans la loi. Des juristes pourraient nous le dire – ils étaient plusieurs en séance hier, il y en a sûrement encore quelques-uns sur nos bancs aujourd'hui...
Rendez-vous compte ! L'alinéa 2 de l'article 11 dispose : « Au plus tard le 1er janvier 2022, les repas servis dans les restaurants collectifs dont les personnes morales de droit public ont la charge comprennent une part au moins égale, en valeur, à 50 % de produits répondant à l'une des conditions suivantes, les produits mentionnés au 2° du présent I devant représenter une part au moins égale, en valeur, à 20 %. ». L'alinéa 3 énonce la première condition : « Produits acquis selon des modalités prenant en compte les coûts imputés aux externalités environnementales liées au produit pendant son cycle de vie ». On n'y comprend rien, mais alors strictement rien !
C'est d'ailleurs certainement fait exprès. Localement, on exigera des productions de qualité, mais on ne sait pas trop comment... Après, on fera du sur-mesure, à la carte.
Alors qu'André Chassaigne voulait supprimer l'alinéa 3, je propose, pour ma part, comme notre collègue Vincent Descoeur, de le rédiger autrement. Restons simples : nous pourrions très bien mentionner les « produits répondant à des critères de développement durable », puisque nous avons évoqué cette notion dans la loi relative à l'égalité et à la citoyenneté. Cette notion comprend tous les éléments dont nous parlons depuis l'examen du texte en commission, en première lecture, à savoir la valeur nutritionnelle, la valeur environnementale et la dimension sociale. Nous avons là le triptyque du développement durable.
Je ne comprends pas comment un homme politique a pu laisser introduire dans la loi une connerie de la sorte, si vous me permettez.
On n'y comprend rien ! Relisez l'alinéa 3 !
Par ailleurs, je vais reprendre l'argument que j'ai déjà développé en commission. Vous évoquez les externalités environnementales et la notion de cycle de vie. Or les espèces de boeufs américains, parqués par centaines ou par milliers, nous donnent de la viande qui ressemble à du boeuf en environ un an ou dix-huit mois. Ils sont bourrés de farines animales, de perturbateurs endocriniens et d'antibiotiques. Ce n'est pas le cas chez nous. Dans le Cantal, dans le Limousin, dans le Charolais, dans le Maine-Anjou où l'on élève la Rouge des prés, monsieur Garot, et même en Bretagne – n'est-ce pas, monsieur Lurton ? – , nous arrivons à produire de la bonne viande bovine. Je regarde notre rapporteur Jean-Baptiste Moreau puisque, dans la Creuse, c'est l'excellence ! Je suis les comptes Twitter et Facebook de notre rapporteur : il nous y présente ses jolis bovins.
Sourires.
Vous rappelez-vous le petit bovin né cet été ? Aurore Bergé est allée le voir avec un petit ensemble tout blanc, parce que c'était la tenue adéquate – une petite tenue écrue pour aller à la campagne voir les bovins.
Sourires. – Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.
Je plaisante ! Plus sérieusement, je voulais dire que ce bovin né au printemps aura besoin de quasiment trois ans pour arriver à maturité. Son cycle de vie est plus long que celui du bovin des feedlots américains élevé en douze à quinze mois.
Ainsi, mon amendement, qui propose d'évoquer la notion de développement durable, permet de simplifier l'alinéa 3 et surtout de mettre de côté la notion de cycle de vie pour mettre en avant l'excellence et la qualité liées au développement durable et à ses critères environnementaux, nutritionnels et sociaux.
Je laisserai Laurence Maillart-Méhaignerie répondre aux questions posées. Pour ma part, je donne à ces deux amendements un avis défavorable.
J'entends bien les propos des uns et des autres sur les difficultés de compréhension et d'écriture du texte. Cependant, il faut bien donner à cette notion une valeur juridique. Je veille à ce que les choses soient écrites de la façon la plus claire et la plus simple possible. J'entends bien ce que vous dites, monsieur Benoit, mais je peux vous dire que les services ont véritablement travaillé pour traduire nos objectifs dans le droit. Dans les services de mon ministère et à mon cabinet travaillent des gens de terrain, qui connaissent la difficulté que peuvent avoir nos concitoyens, avec lesquels ils ont été en contact dans le cadre de leur précédente activité professionnelle, pour comprendre un texte juridique complexe. Mais nous n'avions pas d'autre moyen que d'écrire les choses comme cela. Si nous avions pu faire plus simple, je vous garantis que nous l'aurions fait. Pour que les choses soient explicites, la rédaction actuelle de l'alinéa 3 est la seule possible. Laurence Maillart-Méhaignerie, qui a beaucoup travaillé sur ce sujet, pourra vous le préciser.
J'entends bien votre proposition, monsieur Benoit, de se baser sur les piliers du développement durable, mais juridiquement, cela ne tenait pas la route. Je donne donc un avis défavorable à ces deux amendements identiques.
Permettez-moi de faire un clin d'oeil à Jean-Baptiste Moreau. Lorsqu'on arrive dans son exploitation agricole, on est habillé en blanc parce qu'elle est nickel !
Sourires.
Bien évidemment, on en repart sans aucune tâche ni aucun accroc.
Sourires.
J'aimerais apporter deux précisions.
Effectivement, monsieur Benoit, la rédaction de l'alinéa 3 n'est pas vraiment « grand public » – c'est le moins qu'on puisse dire ! Cependant, elle est destinée aux acheteurs publics, dans la mesure où elle précise les critères qui seront retenus dans les cahiers des charges pour la commande publique ; or les acheteurs comprennent parfaitement ce dispositif, qui permet de prendre en compte, notamment, l'impact carbone de l'approvisionnement. C'est un vrai levier pour donner une priorité aux productions locales. Par ailleurs, l'article 11 précise, un peu plus loin, qu'un décret en Conseil d'État viendra préciser « la caractérisation et l'évaluation des modalités de prise en compte des coûts imputés aux externalités environnementales ».
En outre, l'article 11 répond aux critères du développement durable puisqu'il permet de prendre en compte l'impact social, environnemental et économique des productions – je l'ai déjà dit hier. Globalement, donc, la notion de développement durable est prise en compte – peut-être pas dans la direction que vous auriez souhaité prendre, sur les aspects nutritionnels, mais en tout cas, c'est l'objectif global de l'article 11.
Je remercie M. Benoit pour son intervention, qui nous a permis d'avoir une réponse de fond. Je ne sais pas quelle patte il faut montrer pour obtenir une réponse car, sur l'amendement no 800 , monsieur le ministre, vous n'avez pas daigné m'apporter d'explications.
Je voulais répondre de manière globale !
Fort heureusement, vous avez ensuite répondu à l'amendement de M. Benoit. Vous devriez veiller à ne pas sélectionner vos réponses en fonction des bancs sur lesquels siègent les parlementaires.
Oh non !
C'est important, monsieur le ministre ! Tout à l'heure, j'ai défendu un amendement que j'ai travaillé, en développant et en argumentant mon intervention. Or je n'ai obtenu aucune réponse de fond, à l'exception de celle apportée par le rapporteur.
C'est une grave erreur que cette rédaction, et c'est pour cela que je soutiens l'amendement de M. Benoit. Elle ne veut rien dire et va ouvrir la porte à n'importe quoi. Le mot : « ou » permettra en effet de se limiter à des produits qui répondent prétendument aux conditions fixées en termes d'externalités environnementales et de faire passer sous la table les produits portant un signe de qualité.
« Ou » est un mot qui a du sens dans le vocabulaire et dans l'écriture d'un projet de loi : une telle écriture pourra valoriser ce type de produits au détriment des autres – pas du bio, certes, pour lequel nous avons fixé un pourcentage, et c'est une bonne chose, mais de tous les autres. Les alinéas suivants fixent d'autres conditions beaucoup plus précises et vous verrez que le résultat permettra, en définitive, de détourner l'objectif de cet article.
Cet amendement de notre collègue Arnaud Viala vise à inclure des critères locaux, de saisonnalité et des critères sociaux en matière de restauration collective, afin que cet article ait un véritable impact sur la qualité nutritionnelle des produits servis en restauration collective et sur le développement d'une agriculture vertueuse, relocalisée et créatrice d'emplois.
La parole est à Mme Nathalie Bassire, pour soutenir l'amendement no 495 .
Cet amendement de notre collègue Émilie Bonnivard tend, lui aussi, à insérer, après l'alinéa 3, l'alinéa suivant: « 1° bis Ou provenant d'approvisionnements en circuits courts ou répondant à des critères de développement durable, notamment la saisonnalité des produits ; ». Favoriser les circuits courts est une démarche qui défend les agriculteurs et les emplois locaux.
La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir l'amendement no 908 .
La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l'amendement no 874 .
La parole est à M. Guillaume Garot, pour soutenir l'amendement no 872 .
L'amendement no 872 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l'amendement no 875 .
L'amendement no 875 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 762 , 828 et 732 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 762 et 828 sont identiques.
L'amendement no 762 fait l'objet de trois sous-amendements, nos 986 , 979 et 990 .
La parole est à Mme Sandrine Le Feur, pour soutenir l'amendement no 762 .
Cet amendement vise à ce que, pour le 1er janvier 2025, seuls les produits HVE 3 soient pris en compte au titre des 50 % de produits bio et locaux. Nous partageons toutes et tous l'objectif d'entraîner tous les agriculteurs vers une montée en gamme, mais nous ne devons pas stagner.
Nous devons encourager la transition agricole : les produits HVE 1 et 2 seraient ainsi pris en compte dans les 50 % durant les premières années mais, ce ne serait plus le cas que pour les produits HVE 3. Cela n'empêche en rien, en dehors des 50 %, un approvisionnement en produits relevant de la HVE 1 et de la HVE 2.
La parole est à Mme Monique Limon, pour soutenir l'amendement identique no 828 .
La parole est à M. le ministre, pour soutenir le sous-amendement no 986 .
L'amendement no 828 vise à restreindre la catégorie de produits issus d'exploitations ayant fait l'objet d'une certification environnementale aux seuls produits HVE à compter de 2025. Comme nous l'avons déjà dit dans le débat, le Gouvernement souscrit à l'objectif de promouvoir in fine la HVE, mais il convient d'aligner l'échéance à laquelle seuls les produits issus d'exploitations certifiées HVE seront éligibles à l'article 11 avec l'échéance de 2030 indiquée dans le plan biodiversité présenté par le Gouvernement en juillet 2018. Dans un souci de cohérence, nous acceptons donc de porter cette dimension importante qu'est la HVE, mais nous souhaitons la rendre cohérente avec le plan d'action sur la biodiversité présenté dernièrement par le Gouvernement, en fixant l'échéance à 2030.
La parole est à M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur, pour soutenir le sous-amendement no 979 .
Il s'agit d'un sous-amendement rédactionnel, qui tend à substituer aux mots : « uniquement les » les mots : « issus des ».
La parole est à M. le ministre, pour soutenir le sous-amendement no 990 .
Il est rédactionnel.
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l'amendement no 732 .
Nous sommes peu intervenus sur ces sujets, car nous avions exposé notre ligne lors de la discussion générale. J'évoquerai ici deux ou trois points. Du point de vue social, nous menons sur notre territoire une expérimentation nationale avec ATD Quart monde en vue d'une alimentation pour les plus précaires qui ne soit pas du don alimentaire, mais qui vise à proposer la meilleure qualité pour tous à des prix abordables. Il faut s'intéresser à ces expérimentations novatrices.
En deuxième lieu, lors du séminaire parlementaire que nous avons tenu à Toulouse avec Guillaume Garot et les socialistes et apparentés, nous avons accueilli Carole Delga, présidente de la région Occitanie qui, avec sa majorité – à laquelle vous appartenez, cher André Chassaigne – , atteindra en 2021 un taux de 40 % de produits bio et sous signes d'identification de la qualité et de l'origine – SIQO. Ne soyons donc pas trop timides : il est possible d'atteindre 40 % de bio et SIQO.
Nous avions soulevé un problème précis en relevant que la certification 2 abaissait l'exigence des 50 %. Je suis heureux que la majorité En marche et le ministre aient entendu nos attentes. Notre amendement vise à aligner les astres, mais cela dès 2025, car nous pensons que c'est possible : le rythme et le signal donnés aux exploitations créeront d'eux-mêmes une dynamique positive en termes d'économies d'échelle, par les conversions bio et l'organisation des filières. À ce stade, notre seule différence – et je m'en réjouis – porte sur le calendrier. Nous maintenons notre souhait d'une échéance réaliste à l'horizon 2025, mais nous nous réjouissons que le dialogue nous ait permis de converger sur ces points.
Même avis.
Nous faisons un progrès : lorsqu'il était question du passage aux produits bio et de haute qualité dans les cantines, un flou demeurait sur le sens que l'on donnait à la notion de « haute qualité » en évoquant la HVE. Le fait que nous nous acheminions assez rapidement vers la HVE 3 est une très bonne chose. C'est un progrès et je félicite le Gouvernement d'aller dans cette direction.
Le sous-amendement no 986 , en revanche, reporte le délai jusqu'à 2029, alors que nous étions parvenus à un compromis sur la date de 2025. J'entends l'argument selon lequel il faudrait aligner cette échéance avec celle du plan biodiversité, mais ce dernier n'évoque que des étapes, et aucunement des objectifs.
Si l'on dit qu'on va se débarrasser du glyphosate en trois ans, il me semble un peu bizarre de dire que nous ne serions pas capables de faire en sorte que 50 % des commandes passées par les cantines portent sur des produits HVE 3 en 2024, c'est-à-dire dans cinq ans. Cela ne me paraît pas logique. Nous devons être cohérents et garder à l'esprit que les producteurs qui ne se situeront pas au niveau HVE 3 auront tout de même accès aux 50 % restants des commandes.
Ne bridons pas une dynamique qui est en train de se mettre en place et faisons plutôt passer aux agriculteurs qui s'engagent dans ces démarches le message qu'ils auront des débouchés et pourront percevoir des revenus grâce à cette mesure. Cela créera une dynamique. Ne perdons pas encore cinq ans en voulant repousser les échéances.
M. François-Michel Lambert et M. Guillaume Garot applaudissent.
La logique du dispositif consistait à prévoir, dans les cantines, 50 % de produits bio de haute qualité, et donc un certain niveau d'exigence environnementale. Je n'étais pas favorable à l'introduction du HVE de bas niveau : c'était le sens de l'amendement que j'ai présenté précédemment.
Or ce que vous êtes maintenant en train d'écrire, c'est que les 50 % de produits de qualité obligatoires n'en seront pas avant 2030. L'amendement du Gouvernement n'est vraiment pas sérieux ! Au moment où les Français veulent une alimentation saine, à commencer par celle de leurs enfants dans les cantines, vous êtes en train d'écrire qu'en fait, c'est pour la Saint-Glinglin. Ce n'est pas sérieux !
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir l'amendement no 543 .
Sur cet amendement, je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Les petites fermes n'ont pas de définition législative, du moins pas de définition affinée, mais le Conseil supérieur d'orientation du ministère de l'agriculture en a validé la définition en 2002. Elles représentent un tiers des fermes françaises, créent de l'emploi et de la valeur ajoutée, et sont aussi un élément indispensable du maillage, de l'irrigation de nos villages, de ce que nous appelons la ruralité. L'un des enjeux de cette loi est de faire en sorte qu'elles soient le pilier d'une politique agricole et puissent bénéficier du levier que représente la restauration collective.
Elles expriment aussi un lien avec le sol. À Rouxmesnil-Bouteilles, où je me trouvais dimanche dernier, cinq agriculteurs s'étaient fédérés pour organiser la vente de produits à la ferme. Des centaines d'habitants étaient venus, presque par militantisme, acheter auprès de cette nouvelle fédération d'agriculteurs des produits de chez nous, à visage humain, de ceux sur qui on peut mettre le visage de celui qui les a produits. L'ancrage au sol est aussi un garant de la qualité des produits, du bien-être animal et d'une agriculture à taille humaine.
La restauration collective ne doit pas être un lieu d'écoulement de produits issus d'exploitations hors-sol, déconnectées. C'est le sens de l'amendement que nous proposons, qui tend à insérer l'alinéa suivant : « 5o bis Ou issus de petites fermes et de fermes respectant le lien au sol au sens du règlement (CE) no 8342007; ».
Comme André Chassaigne l'a fait remarquer, en multipliant le nombre d'alinéas de l'article 11 et en en faisant une liste à la Prévert, on risque de diminuer la part de chacun des types d'agriculture que nous voulons promouvoir. Parce que je ne suis pas favorable à cette dilution, avis défavorable.
Je veux profiter de cet amendement déposé par le groupe GDR pour vous dire, monsieur Chassaigne, qu'il n'est absolument pas vrai que je ne respecte pas le travail des parlementaires. On me reproche même parfois de faire des réponses un peu trop longues... Et si je le fais, c'est parce que j'ai le souci d'expliquer les choses, de faire valoir les arguments du Gouvernement et de comprendre les objectifs que chacune et chacun souhaite défendre à travers les amendements auxquels il a travaillé – car je sais reconnaître un amendement travaillé d'un amendement recopié.
Je ne suis pas de ceux qui privilégient certains au détriment des autres. J'essaie de répondre à toutes les interventions, mais le débat doit aussi avancer, puisque nous sommes en temps programmé. Lorsque je ne fais qu'émettre un avis sans répondre dans le détail, c'est parce que j'estime que les réponses ont déjà été données, ou qu'elles le seront dans la suite du débat, à l'occasion de l'examen d'autres amendements. Alors, de grâce, ne me faites pas de reproches sur ma manière de travailler ! Je respecte trop les parlementaires et le travail qu'ils accomplissent pour entrer dans un tel débat. Je n'ai pas de tropisme particulier vers l'un ou l'autre de ces bancs – et si tel était le cas, vous savez de quel côté je pencherais.
Avec cet amendement, vous proposez d'ajouter deux catégories de produits, ceux issus des petites fermes et ceux issus des fermes qui respectent le lien au sol, au sens du règlement (CE) no 8342007. Or il n'existe pas, à ce jour, de définition juridique des « petites fermes ». En outre, même si je suis très attaché au modèle agricole français, c'est-à-dire à des exploitations à taille humaine et familiales, je veux rappeler que la taille d'une ferme n'est pas forcément la garantie d'une alimentation de qualité et durable.
S'agissant du lien au sol, ce principe s'applique aux produits de l'agriculture biologique, dont la promotion est déjà inscrite parmi les objectifs de l'article 11. Cependant, les produits issus de l'agriculture biologique répondent aussi à d'autres critères, et il me semble donc que l'introduction d'une catégorie de produits qui ne prendrait en compte que le lien au sol serait, pour le coup, très peu ambitieuse. Avis défavorable.
Cet amendement de notre collègue Sébastien Jumel va dans le bon sens, puisqu'il a le mérite de resserrer le lien entre l'agriculture et le territoire, qui s'est un peu distendu au fil des années. Il importe donc de retisser un lien entre les populations et les agricultures.
Cet amendement a par ailleurs le mérite d'introduire la notion de « petites fermes », lesquelles constituent l'essentiel des exploitations agricoles en Normandie, notamment dans l'Orne. Nous avons intérêt à encourager cette agriculture de proximité que vous avez qualifiée tout à l'heure, monsieur le ministre, d'agriculture à taille humaine. Parce qu'il faut défendre ce modèle français familial, nous voterons cet amendement.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 44
Nombre de suffrages exprimés 38
Majorité absolue 20
Pour l'adoption 11
Contre 27
L'amendement no 543 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 595 .
M. le rapporteur et M. le ministre ont invoqué à plusieurs reprises l'impossibilité juridique de mentionner les circuits courts ou les circuits de proximité. Néanmoins, le poids environnemental des produits agricoles importés nuit au respect de l'environnement. On estime par exemple que 50 % des produits bio vendus en Europe viennent de pays extérieurs à l'Union européenne.
Vous m'avez entendue tout à l'heure défendre le bio, car c'est important, mais la défense des productions de proximité et de qualité est tout aussi importante, puisque ce qui est primordial, au bout du compte, c'est bien la fourniture d'une alimentation de qualité. Pour protéger à la fois les agriculteurs français et l'environnement, il semble opportun d'accorder notre préférence à des produits dont le lieu de production et le lieu de consommation sont proches. Cette mesure vise aussi à mieux faire connaître les productions agricoles locales, ce qui est une bonne chose pour nos enfants. Il est important qu'ils puissent voir in situ ce qu'est une exploitation agricole, ce que sont des fruits et des légumes et comment ils poussent.
Cette disposition permettrait de soutenir à la fois les agriculteurs indépendants et les organisations de producteurs. Tel est le sens de mon amendement.
Pour les mêmes raisons que précédemment, parce que je crains que la multiplication des alinéas ne réduise la part de chaque type de production agricole, avis défavorable.
Madame la députée, la catégorie de produits que vous proposez d'inscrire ici n'est pas recevable juridiquement, comme je l'ai déjà expliqué tout à l'heure. Cela étant, je suis absolument favorable à la structuration de l'offre en agriculture sous signes de qualité comme en agriculture biologique au sein des territoires. À partir de projets alimentaires territoriaux, il est possible de structurer une offre de qualité et de répondre ainsi à la demande de la restauration collective, qu'elle soit scolaire ou hospitalière. Nous pourrons ainsi atteindre l'objectif que vous visez, à savoir offrir les meilleurs produits aux commensaux des différents établissements, tout en favorisant l'agriculture et les producteurs de vos territoires. Avis défavorable.
L'amendement no 595 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Nathalie Bassire, pour soutenir l'amendement no 256 .
Cet amendement vise à insérer, après l'alinéa 9, l'alinéa suivant : « I bis. – Dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution, les produits mentionnés du 1° au 6° du I du présent article doivent être issus de la production locale de ces territoires. »
Eu égard aux spécificités des territoires ultramarins que vous avez rappelées ce matin, monsieur le ministre – l'éloignement, le relief, les aléas et les conditions climatiques – , les productions locales, par exemple dans le secteur de l'agriculture biologique, ne peuvent à ce jour satisfaire les besoins des restaurants collectifs des personnes morales de droit public – besoins qui ne vont cesser de croître, compte tenu de l'évolution démographique de ces territoires.
Pour ne pas avoir à importer depuis le continent européen, au prix d'un lourd bilan carbone, des produits tels que ceux issus de l'agriculture biologique, ce qui contrevient à l'objectif d'une alimentation durable, il est indispensable d'inciter les personnes morales de droit public à se tourner vers une production agricole locale, permettant à terme de diversifier les cultures dans ces territoires ultramarins et de créer ainsi une vraie dynamique.
La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, parce que l'article 17 bis prévoit déjà une adaptation des seuils dans les outre-mer.
L'avis du Gouvernement est le même, mais je veux vous apporter une réponse précise.
Vous le savez, au ministère de l'agriculture et de l'alimentation, dans toutes les politiques et toutes les décisions que nous avons à prendre, nous avons le réflexe ultramarin, parce que c'est important. Votre amendement pose la question de la montée en gamme progressive des productions ultramarines, mais nous nous employons déjà à développer les filières agricoles ultramarines – d'où mon avis défavorable. Lors de mon déplacement en Guadeloupe et en Martinique cet hiver, on m'a présenté un projet de marché d'intérêt régional, qui aurait vocation à structurer l'offre de fruits et légumes, ainsi que des produits d'élevage spécifiquement ultramarins en cours de revalorisation. Une telle structuration bénéficierait à la fois aux consommateurs ultramarins et à la restauration collective.
J'ai donc demandé aux responsables locaux et aux collectivités territoriales de travailler à la structuration de l'offre agricole et de créer les conditions pour qu'un marché d'intérêt régional soit économiquement viable. Cela permettra de diversifier les revenus des agriculteurs et de créer une dynamique économique au sein du territoire.
Si je suis défavorable à votre amendement, c'est, je le répète, parce que l'article 17 bis, relatif aux spécificités ultramarines, prend déjà en compte les questions que vous pointez. Cela étant, je partage totalement votre préoccupation de voir l'agriculture ultramarine se développer, afin de limiter le coût des transferts et la part des produits de dégagement, qui sont trop consommés dans les territoires ultramarins.
L'amendement no 256 n'est pas adopté.
Avec cet amendement, nous proposons d'ajouter à la liste des produits pouvant être servis dans notre restauration scolaire les produits issus du commerce équitable, lequel a été défini dans la loi en faveur des petites et moyennes entreprises, qui en précise les contours et inscrit en droit français ses principes fondamentaux.
Le commerce équitable est une démarche qui est déjà reconnue par les pouvoirs publics français et européens comme participant au développement durable et elle bénéficie à ce titre de politiques publiques incitatives visant à accélérer et à favoriser son développement. De nombreuses collectivités territoriales ont déjà intégré le commerce équitable dans la restauration scolaire et participent déjà au rééquilibrage des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire. C'est pourquoi il nous semble important d'intégrer les produits issus du commerce équitable à la liste des produits devant être privilégiés dans la restauration collective.
Le projet de loi prévoit déjà, à l'alinéa 10 de l'article 11, que les collectivités peuvent se reporter sur les produits issus du commerce équitable. Cet amendement est donc déjà satisfait. Avis défavorable.
Je confirme que cette disposition est déjà prévue l'alinéa 10 de l'article 11, qui concerne à la fois les méthodes d'achat, qui doivent être plus responsables et plus équitables, et les produits en tant que tel, avec une attention particulière pour les filières françaises de commerce équitable, qui sont en train de s'organiser.
L'amendement no 112 est retiré.
En proposant de supprimer les alinéas 11 à 21 de l'article 11, cet amendement vise à redonner la prérogative de fixer la part de produits issus de l'agriculture biologique, locaux ou sous signes de qualité aux personnes morales de droit public. En effet, chaque collectivité, chaque établissement de restauration collective étant soumis à des contraintes différentes, selon les départements, selon les territoires et la nature de l'agriculture locale, il serait plus judicieux de leur laisser la liberté d'établir leur plan d'approvisionnement.
Les collectivités territoriales bénéficient en effet d'une meilleure connaissance des territoires et des producteurs capables de les fournir et sont donc plus à même d'élaborer ces fameux schémas d'approvisionnement.
L'amendement no 151 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Pour valoriser les efforts entrepris et à titre d'exemplarité, il est proposé de créer un label d'État qui serait attribué aux restaurants collectifs ayant atteint le seuil de 50 % de produits visés par l'article.
Cette mesure tend à inciter les gestionnaires à atteindre cet objectif plutôt qu'à les contraindre. Les dispositions proposées seront difficiles à mettre en oeuvre pour certains d'entre eux et pour certaines communes. Il serait donc judicieux d'en rester à une logique d'objectif qui valorise les efforts accomplis.
L'amendement no 157 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il est rédactionnel.
L'amendement no 950 , accepté par la commission, est adopté.
Je suis saisie d'un amendement no 789 qui fait l'objet d'un sous-amendement no 973 rectifié .
Cet amendement n'est pas soutenu ?
Je le reprends, madame la présidente ! Il a en effet été adopté par la commission lorsque celle-ci s'est réunie en application de l'article 88 du règlement.
Monsieur le rapporteur, vous soutenez également le sous-amendement no 973 rectifié .
L'amendement vise à assurer l'information des usagers des restaurants collectifs « régulièrement par voie d'affichage et par communication électronique » plutôt qu'« une fois par an », comme cela est prévu aujourd'hui. Mon sous-amendement permet de conserver l'obligation d'informer annuellement les usagers.
Le sous-amendement no 973 rectifié , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Ces amendements proposent de généraliser, au plus tard le 1er janvier 2022, le principe d'un repas alternatif végétarien dans les cantines publiques, sur une base quotidienne s'agissant de l'amendement no 833 et au moins une fois par semaine s'agissant de l'amendement no 834 .
De nombreuses collectivités ont déjà mis en place un dispositif similaire qui permet de respecter le principe d'une alimentation plus diversifiée et plus équilibrée.
Alors que, actuellement, la majorité de la viande consommée dans le cadre de la restauration hors du foyer est importée, l'objectif est de mettre en place une nouvelle politique qui valorise les repas alternatifs végétariens moins chers, et de consacrer les sommes ainsi économisées à l'achat de viandes de meilleure qualité issues des circuits courts et bénéficiant directement à nos éleveurs. Cette dernière indication me permet de préciser que ces amendements ne sont pas « anti-viande ».
Accompagner une montée en gamme des repas proposés dans la restauration publique, c'est valoriser une approche qualitative avec de meilleurs produits issus des circuits courts, et une approche quantitative qui permet d'offrir plus de choix pour une alimentation plus équilibrée.
La disposition proposée me semble totalement cohérente avec les premiers alinéas de l'article 11 qui prévoient de valoriser les produits locaux à faibles externalités environnementales ainsi que les produits issus de l'agriculture biologique.
Ces amendements doivent s'appréhender dans le cadre d'une approche globale proposant une nouvelle alimentation dans la restauration hors du foyer, en lien avec le très intéressant enjeu de la tarification solidaire dans les cantines scolaires.
Vous l'indiquiez, madame la députée, ce que vous proposez est déjà possible. Certaines collectivités ont adopté cette alternative végétarienne par repas. Il n'est donc pas nécessaire d'inscrire cette disposition dans la loi. J'ajoute qu'elle donnerait un signal extrêmement négatif à des filières qui sont en ce moment en très grande difficulté.
J'émets un avis défavorable pour les deux amendements.
Madame la députée, je sais que vos amendements ne sont pas des amendements « anti-viande ». Nous avons à coeur, et c'est aussi votre cas, de défendre toutes nos filières, qu'elles soient animales ou végétales. Pour autant, comme je l'ai toujours dit, je ne suis pas favorable à ce que l'on impose les choses dans ce domaine.
Tout d'abord, je le répète, il est aujourd'hui possible de proposer un menu végétarien. Nous avons mis en place une mesure incitative pour que les collectivités, les écoles et les établissements qui le souhaitent puissent le faire. Ce sera leur libre choix. De nombreux établissements sont déjà passés à l'acte – j'ai même remarqué que la buvette de l'Assemblée propose désormais une alternative végétarienne. Chacun doit pouvoir avoir le choix d'opter ou non pour ce type de menu.
Ensuite, nous luttons au quotidien contre la précarité alimentaire et la pauvreté – le Président de la République le rappelait encore hier. Pour bon nombre d'enfants, le déjeuner à la cantine est souvent le seul repas équilibré de la journée.
Nous essayons d'avancer : les petits déjeuners offerts le matin à l'école permettront de rétablir l'équilibre alimentaire nécessaire. Les alternatives végétariennes peuvent exister, et il revient aux parents de faire librement leurs choix et de d'en discuter avec leurs enfants, mais, en aucun cas l'école n'a à imposer un choix comme celui-là. Ce n'est, en tout cas, pas ma conception de la liberté. Pour ma part, je souhaite que l'on fasse en sorte de laisser la liberté d'agir, et que chacun puisse trouver son compte dans les propositions des différents restaurants scolaires.
Je suis défavorable aux deux amendements, comme je le serai à tous ceux qui iront dans ce sens.
Monsieur Lachaud, vous demandez la parole pour un rappel au règlement ?
Nous appliquons habituellement une règle dans cette assemblée, qui consiste à débattre, en discussion commune, de tous les amendements successifs qui risquent de tomber si le premier d'entre eux est adopté.
Ce n'est pas ce que nous avons fait il y a un instant, et l'adoption de l'amendement no 789 sous-amendé a fait tomber notre amendement no 663 sur l'alternative végétarienne sans que nous ayons pu en discuter.
J'en profite donc pour répondre à M. le ministre qui ne souhaite pas « imposer » les choses. Pourtant les textes imposent déjà que les menus des cantines scolaires proposent, à intervalles réguliers, de la viande, du poisson ou des produits laitiers. Pourquoi la loi n'imposerait-elle pas une alternative végétarienne ?
Vous sous-entendez par vos propos qu'une alternative végétarienne ne constituerait pas un repas équilibré...
Je n'ai pas dit cela !
Si ! Ç'est ce que vous avez dit en affirmant que, parce que le seul repas équilibré quotidien des enfants est celui proposé à la cantine, vous ne vouliez pas imposer d'alternative végétarienne. C'est bien ce que vous avez sous-entendu.
Vous pourrez toujours dire le contraire de ce que vous avez dit ; l'essentiel, c'est bien que certaines choses sont imposées par les textes en faveur de certains aliments, et que vous refusez qu'il en soit de même pour d'autres. Je ne dis pas qu'il faut imposer l'alternative végétarienne tous les jours à tout le monde, mais il faut pouvoir la proposer.
Avec la transition écologique et le dérèglement climatique, nous avons besoin de réduire notre consommation de protéines carnées. L'élevage représente 49 % des émissions des gaz à effet de serre. Pour produire un kilo de boeuf, il faut 16 000 litres d'eau, alors que pour produire un kilo de soja, on a besoin de 700 litres.
Il est également indispensable d'éduquer nos enfants à de nouveaux goûts, et à de nouveaux produits. Les enfants étant prescripteurs, cela permettra aussi d'éduquer les parents.
Murmures sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Ce n'est pas un rappel au règlement !
Renoncer à l'alternative végétarienne, élément essentiel de la transition écologique, est criminel à l'égard de l'humanité ! Je vous rappelle qu'il est impensable de nourrir 8 milliards d'individus avec une consommation carnée comparable à celle de l'Europe ou des États-Unis. Une véritable transition alimentaire est nécessaire au nom de la lutte contre le dérèglement climatique ; vous refusez de vous engager dans cette voie en rejetant ces amendements.
Monsieur Lachaud, il ne s'agissait pas d'un véritable rappel au règlement, mais davantage d'une intervention sur le fond qui sera donc décomptée du temps de parole de votre groupe.
Monsieur le rapporteur, vous souhaitez répondre à M. Lachaud.
Et d'une, nous avons adopté un plan de diversification des protéines qui a pour objectif d'assurer dans les cantines une diversification de l'origine des protéines entre celles d'origine végétale et celles d'origine animale ; et de deux, je ne peux pas laisser de faux chiffres être diffusés devant la représentation nationale.
Il ne faut pas 16 000 litres d'eau pour produire un kilo de viande bovine. Ces chiffres publiés comprennent l'eau de pluie qui tombe naturellement sur les prairies, même lorsqu'il n'y a pas de vaches. Elle tombe même s'il n'y a plus de prairies – je rappelle que s'il n'y a plus de vaches, dans les zones à climat tempérée, il n'y aura plus de prairies. Je ne peux pas laisser dire tout et n'importe quoi dans cet hémicycle !
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et LR.
Le plan de diversification de protéines que nous avons adopté en première lecture constitue un véritable engagement. Nous préférons attendre d'analyser ses résultats avant d'introduire une obligation en matière de menu végétarien, qu'elle soit quotidienne ou hebdomadaire. Comme cela a déjà été souligné, certains établissements ont déjà adopté cette pratique. Il n'y a aujourd'hui aucune interdiction : les structures qui souhaitent faire ce choix sont libres de le faire selon les modalités qu'elles choisissent. Elles font ce qu'elles veulent.
En conséquence, nous ne voterons pas ces amendements.
L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, l'ANSES, préconise de consommer davantage de légumineuses et de céréales complètes, et moins de charcuterie et de viande rouge. Dans l'un de ses rapports, l'Organisation mondiale de la santé, l'OMS, a de son côté mis en évidence les conséquences pour la santé d'une consommation trop importante de viande rouge.
Il ne s'agit pas de taper sur la filière bovine – la viande rouge peut être excellente – , néanmoins, sans revenir sur des considérations environnementales et encore moins sur des querelles de chiffres, cette filière a un impact que l'on ne peut pas nier.
J'insiste sur l'évolution de la consommation de viande. Alors que les données montrent une différence très nette de la consommation des fruits et légumes entre les catégories aisées et les catégories les moins favorisées, au détriment des dernières, la situation s'inverse s'agissant de la consommation de viande : les milieux les plus défavorisés ont tendance à en consommer davantage.
Il me semble donc pertinent de proposer un menu végétarien alternatif dans nos cantines et dans la restauration collective – idéalement ce devrait être à tous les repas. Cela n'enlèverait pas la possibilité de manger de la viande rouge, notamment pour ceux qui n'en mangent pas chez eux. En revanche, ceux qui, au domicile familial, ont l'habitude d'en manger un peu trop ou de manger de la viande de mauvaise qualité – c'est malheureusement parfois le cas – , pourront ainsi apprendre à consommer différemment. Il convient d'éduquer les enfants à manger parfois de la viande rouge, et parfois autre chose.
Ces amendements me semblent relever du bon sens. On préconise bien certaines doses de poisson ou de lait ; je ne vois pas ce qui empêcherait de préconiser, dans certains menus, davantage de légumineuses plutôt que de la viande. Bien sûr, il faut manger de tout – en tout cas, c'est l'avis des organismes de santé, que je partage pour ma part. Je pense donc qu'il faut voter ces amendements. Tant mieux si des menus végétariens sont déjà en place dans certaines villes ; dans d'autres, ce n'est pas le cas. Tout comme la tarification sociale, l'existence d'une telle alternative est une bonne chose pour lutter contre la pauvreté.
C'est un amendement rédactionnel de simplification.
L'amendement no 191 vise à généraliser la proposition d'un menu végétarien dans les cantines scolaires accueillant des enfants de moins de six ans, sur la base d'une fréquence de quatre menus végétariens pour vingt repas. Il s'inscrit dans une démarche écocitoyenne et responsable, et permet de promouvoir une alimentation saine. Il participe aussi à un objectif d'éducation au savoir-manger et favorise l'accès de tous à une qualité nutritionnelle et alimentaire à l'école. Je rappelle que de nombreuses villes telles que Grenoble ou Saint-Étienne proposent déjà des menus végétariens. Quant à l'amendement de repli no 192, il prévoit qu'un décret précisera les fréquences et les paliers de la progression des repas végétariens dans la restauration collective.
Les deux amendements suivants, nos 791 et 792, peuvent également faire l'objet d'une présentation groupée.
La parole est à Mme Laurianne Rossi, pour les soutenir.
Ces deux amendements proposent une expérimentation qui vise à évaluer l'impact d'alternatives végétariennes quotidiennes ou de menus végétariens sur le gaspillage alimentaire, la fréquentation et le budget global des cantines. Nos discussions ont mis à jour la crainte d'ajouter une nouvelle contrainte pour des gestionnaires qui devront déjà s'adapter aux nouvelles mesures introduites dans l'article 11. Cependant s'agissant des alternatives quotidiennes, notre amendement ne s'appliquerait qu'aux cantines proposant déjà deux menus, donc habituées à gérer les alternatives. Quant aux menus végétariens hebdomadaires, plusieurs mairies les ont introduits au moment où elles souhaitaient proposer plus de produits bios et locaux. L'introduction de protéines moins coûteuses a permis une amélioration globale de l'approvisionnement sans augmenter le budget des familles. Il ne s'agirait donc pas d'une contrainte supplémentaire, mais au contraire d'une mesure de facilitation. Ces amendements s'inscrivent dans l'esprit de l'article 11 qui fait de la restauration scolaire un vecteur privilégié pour rendre l'alimentation saine accessible au plus grand nombre et pour reconnaître le rôle crucial qu'une alimentation durable joue dans la transition écologique dont nous connaissons tous l'urgence.
Défavorable. Je voudrais revenir sur plusieurs points. En évaluant l'impact environnemental de l'élevage, qui est réel, il ne faut pas mélanger les élevages hors-sol d'Amérique du Nord et les élevages pratiqués en Europe, dont les externalités environnementales sont incomparables. Enfin, si on veut aller au bout des préconisations, il faut aussi rappeler celle de la réduction voire de la suppression du trafic aérien ; or je pense que les personnes favorables à la diminution de l'élevage ne défendront pas celle du trafic aérien !
Défavorable également.
Il s'agit de notre dernière chance de réussir à introduire les menus végétariens dans les cantines dans le cadre de cette loi pour une alimentation de qualité. C'est une forte demande de nos concitoyens.
Une demande des villes. Et des bobos !
C'est un besoin quand on constate le problème d'obésité et de mauvaise alimentation dans notre pays, et l'école doit jouer ce rôle de formation à la bonne alimentation en proposant des menus végétariens. Cela permettra de prouver que contrairement à une idée répandue, un menu équilibré ne doit pas forcément contenir de la viande et qu'un menu végétarien qui contient une quantité suffisante de protéines d'origine végétale peut tout à fait être équilibré.
Cette proposition participe d'une démarche vertueuse : c'est bon pour l'environnement, bon pour la santé et bon pour l'éducation de nos enfants. Ces deux amendements ont l'intérêt de prendre en compte les besoins et les contraintes des collectivités puisqu'ils ne s'adressent qu'à celles d'entre elles qui proposent déjà deux menus, donc qui ont l'habitude d'offrir une alternative. De plus, ceux qui veulent absolument manger de la viande à chaque repas pourront le faire puisqu'il y aura un menu végétarien et un menu classique. Prenons cette initiative aujourd'hui, ne ratons pas cette occasion ! On passerait à côté d'une volonté très forte de nos concitoyens qui va dans le bon sens en cochant toutes les cases : l'environnement, la santé, etc. Je vous engage donc vraiment à voter ces amendements, soit pour un menu quotidien – ce serait l'idéal – , soit, en repli, pour un menu hebdomadaire.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir.
Pour ma part, dans ce débat de société, je défends la liberté de choix.
Je ne suis pas pour imposer les choses par la loi. Les collectivités qui le souhaitent ont la possibilité de mettre en place ce service et nous n'avons pas besoin de l'inscrire dans la loi pour que la pratique se généralise dans les semaines, les mois et les années à venir. Nous travaillons bien sûr à la qualité alimentaire ; les programmes de nutrition santé et les différentes feuilles de route que nous avons définies depuis le début du quinquennat concourent toutes à notre objectif : faire en sorte qu'une alimentation saine, durable et accessible à tous soit servie dans tous les espaces de restauration collective, notamment dans la restauration scolaire. C'est le but que nous allons poursuivre après les annonces du Président de la République, hier, dans le cadre du plan pauvreté, sur les petits-déjeuners. Mais – je répète – je ne souhaite pas imposer les choses de cette manière. Nous avons permis à toutes les collectivités qui le souhaitaient de mettre en place des menus et des repas végétariens, de façon à leur donner le choix. Je maintiens donc l'avis défavorable sur ces amendements.
Heureusement que nous sommes là, monsieur le ministre, sinon ils seraient passés !
L'amendement no 791 n'est pas adopté.
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement n o 792 , mis aux voix par assis et levé, est adopté.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LREM, MODEM et UDI-Agir et sur les bancs des groupes FI et GDR.
La parole est à Mme Célia de Lavergne, pour soutenir l'amendement no 422 .
Nous avons déposé cet amendement plusieurs fois, mais comme nous avons réécrit ensemble l'article 11, il est tombé à plusieurs reprises. Il me semble transpartisan, j'espère donc que nous pourrons le voter unanimement. Cet amendement répond à une préoccupation qui nous réunit tous : accompagner les collectivités territoriales dans la transition vers les objectifs ambitieux que nous nous sommes fixés dans cet article. Il reprend l'esprit de la méthode des états généraux de l'alimentation qui nous a animés dans notre travail commun.
L'idée est de permettre au Gouvernement de proposer aux collectivités des outils d'aide à la décision afin de les assister dans leurs démarches visant à structurer des filières et à regrouper des producteurs pour créer des plateformes susceptibles de faciliter l'approvisionnement de nos cantines. Ce sont ces démarches qui leur permettront de tenir l'objectif des 20 % de produits issus de l'agriculture biologique et des 50 % de produits de qualité supérieure d'ici 2022. L'amendement mentionne également le personnel des cantines car si dans certains territoires, ces objectifs sont déjà tenus, dans d'autres, le personnel a la volonté d'évoluer mais exprime une forte demande d'être accompagné.
L'amendement no 422 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
L'article 11, amendé, est adopté.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à douze heures, est reprise à douze heures cinq.
Je retire l'amendement no 802 puisque celui de Mme de Lavergne que nous venons d'adopter avant la suspension de séance souligne déjà la nécessité de mettre en place des actions de formation des personnels concernés. Il est ainsi satisfait.
Mais je maintiens le second amendement, qui demande que le rapport mentionné à l'article 11 bis AA contienne des propositions de modification du code du marché public destinées à adapter la commande publique aux nouvelles exigences prévues par l'article 11. Il ne suffit pas, comme notre assemblée vient de le décider, d'aider à la formulation des appels d'offre; c'est aussi le contenu du code qu'il convient de modifier.
L'amendement no 802 est retiré.
L'amendement no 809 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 11 bis AA est adopté.
La commission a supprimé l'article 11 bis AB.
La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l'amendement no 66 tendant à le rétablir.
Il s'agit d'un amendement de notre collègue Vincent Descoeur, que je défends bien volontiers compte tenu des observations que j'ai faites cette nuit à une heure du matin. En effet, nous pensons que la montée en qualité des repas servis dans la restauration collective, évolution que l'on souhaite tous ici et qui, j'en suis convaincu, correspond aussi à la volonté de l'ensemble des maires, se traduira inévitablement par des surcoûts qui, en l'état actuel, incomberaient aux collectivités locales. Or j'ai rappelé tout à l'heure combien les finances des collectivités locales étaient actuellement dans une situation compliquée. C'est la raison pour laquelle cet amendement propose que nous leur donnions les moyens de la transition en mettant en place un dispositif d'aide financière pour les accompagner dans la montée en gamme des produits servis en restauration collective, qu'il s'agisse de produits bio ou de produits locaux, ainsi que dans la formation des cuisiniers et l'achat d'équipements – comme, par exemple, des légumeries – que cette évolution rend nécessaires.
Je me dois d'ajouter que la répartition des charges de financement doit être éclaircie, à mon avis tranchée par la loi pour tous les établissements publics auxquels seront imposés des surcoûts liés aux décisions que nous prenons en ce moment ; je pense aussi évidemment à tout le secteur de l'enseignement privé, pour lequel notre collègue Thibault Bazin était longuement intervenu en première lecture. Mme Maillart-Méhaignerie a indiqué ce matin que le surcoût serait en moyenne de 15 %, ce qui équivaut d'après mes calculs à un surcoût, loin d'être négligeable, de 40 centimes par repas.
Si cet amendement était voté et une solution trouvée pour compenser la dépense supplémentaire des collectivités, personne alors ne comprendrait que ce surcoût soit, en partie du moins, pris en charge par l'État pour les élèves des établissements publics tandis que pour les 20 % d'élèves de l'enseignement privé, il serait à la charge des familles.
Enfin, monsieur le ministre, Jérôme Nury et moi-même, tous deux inscrits sur l'article 11, avons ainsi eu la possibilité, très tôt ce matin, de vous interroger, sans toutefois obtenir de réponses, la séance ayant été levée peu après une heure. Nos questions demeurent donc : qu'en est-il de la compensation de ces surcoûts pour les collectivités ? Dans quelle mesure pourront-elles avoir recours à l'importation pour les produits bio si le secteur national n'est pas en mesure d'en fournir suffisamment pour respecter les exigences que nous imposons dans ce texte ? Nous n'y sommes pas opposés, je le répète, mais il faut prendre en compte les nombreuses conséquences de cette décision. La question, d'ailleurs, se pose aussi pour les produits issus de l'agriculture conventionnelle, sachant que les acheteurs pour la restauration collective pourraient être tentés de se fournir à l'étranger à des conditions qualitatives bien moindres que celles existant dans nos régions. Voilà des points sur lesquels nous interrogent nos concitoyens et sur lesquels nous souhaiterions avoir des réponses.
Trois questions par conséquent : un, comment seront compensés les surcoûts pour les collectivités locales ? Deux, y aura-t-il aussi compensation pour les établissements privés et comment – je ne suis pas sûr que la loi le permette ? Trois, comment éviter que ces surcoûts entraînent des recours plus importants aux produits importés ?
J'entends les questions et j'y apporterai bien entendu des réponses, mais l'avis est défavorable sur cet amendement.
J'appuie l'amendement défendu par Gilles Lurton. Il y a quelques minutes, Mme la ministre de la culture vient d'annoncer qu'elle envisageait de déconnecter la redevance audiovisuelle de la détention d'un téléviseur… On voit donc bien – et on peut le comprendre – que le Gouvernement est à la recherche de toutes les solutions possibles, imaginables ou inimaginables, pour approvisionner le budget national en ressources nouvelles. Or depuis un an, un certain nombre d'entre vous – pas tous : ce n'est pas le cas du ministre de l'agriculture, ni d'ailleurs du rapporteur – ont évoqué un monde nouveau et des pratiques nouvelles. Eh bien, si les pratiques étaient vraiment nouvelles, nous devrions nous interroger, pour chaque décision que nous prenons ici, sur les conséquences qu'elle entraîne en termes de finances publiques, au niveau national comme au niveau local – dans tous les cas, en effet, il s'agit de l'impôt versé par nos concitoyens.
Et il en va de même pour le sujet qui nous préoccupe. Monsieur le ministre, vous venez de nous dire que vous nous apporterez des réponses. Mais c'est maintenant, au moment où nous votons la loi, qu'il faut les apporter !
Mais si, madame Maillart-Méhaignerie, car nous examinons le projet de loi en nouvelle lecture. Celles et ceux qui voteront en sa faveur adopteront par la même occasion des dispositions spécifiques dont les conséquences financières sont importantes, pour l'échelon local comme pour les familles. Or nous sommes incapables de dire comment le modèle que nous mettons en oeuvre aujourd'hui trouvera son équilibre économique. C'est ennuyeux, et même déplorable.
Sur cet aspect, je tente depuis ce matin de répondre avec une certaine objectivité, en m'appuyant notamment sur l'étude d'impact. Je vous invite vraiment à la consulter, car elle contient les données chiffrées permettant d'évaluer objectivement les conséquences des dispositions que nous examinons. En ce qui concerne l'article 11, une de ces conséquences serait la majoration du coût matière. Cependant, le souligner ne doit pas conduire à dissuader les collectivités de s'engager dans cette démarche vertueuse à laquelle nous croyons tous.
Par ailleurs – nous n'en avons pas encore parlé, mais c'est un point important – , la commission a repris une disposition du Sénat tendant à créer une instance régionale de concertation sur l'approvisionnement de la restauration collective publique. La disposition figure désormais à l'alinéa 21 de l'article 11. Nous avons toujours été convaincus, en effet que, pour atteindre l'objectif fixé par cet article, une animation territoriale était nécessaire. Cette instance aura également vocation à structurer les filières, à appréhender les difficultés, à lever les verrous, mais, aussi, pourquoi pas, à évaluer les dispositifs mis en place.
Je prends toujours l'exemple de notre région, la région Bretagne :...
.. qui a été l'une des premières, parmi les collectivités régionales, à développer l'approvisionnement de la restauration collective dans un esprit économiquement responsable. Cette démarche, appelée Breizh Alim', est extrêmement vertueuse : la région s'est ainsi engagée à accompagner et former les personnels de la restauration collective. La région Grand Est a une pratique similaire : il me semble donc que la dynamique existe déjà, et qu'elle ne s'est pas heurtée à un obstacle financier. Nous entendons donc vos objections et vos réserves, mais celles-ci ne doivent pas freiner l'évolution que nous souhaitons favoriser avec ce projet de loi.
Madame Maillart-Méhaignerie, je vous remercie de votre réponse. Mais comme je crois l'avoir déjà exprimé tout à l'heure, il n'y a de ma part aucune réserve ni aucune objection quant à ces initiatives.
Je l'ai dit à de nombreuses reprises : nous ne sommes en effet pas opposés à l'introduction de produits bio ou locaux dans la restauration collective publique. D'ailleurs, nous beaucoup de collectivités, dont la mienne, le font déjà sans que la loi ne le leur impose. Il reste que des questions demeurent, auxquelles nous devons répondre si nous voulons que les dispositions que nous votons aujourd'hui soit réellement applicables demain – c'est là mon seul objectif.
Personne ne peut nier, en effet, que les collectivités locales connaissent des difficultés financières dans leur fonctionnement. Or les mesures que nous adoptons engendreront des surcoûts, même si ces derniers pourraient être moins élevés que le chiffre que j'ai cité – ce dont, personnellement, je doute. Je sais bien qu'à l'avenir, elles apporteront aussi un mieux : en stimulant l'activité dans le secteur alimentaire, en améliorant la prévention en matière de santé, elles seront notamment sources d'économies dans le futur. Tout cela, je l'entends, et c'est pour cette raison que j'y suis favorable. Il n'empêche que, dans l'immédiat, une difficulté demeure que nous devons surmonter si nous voulons que ce que ces dispositions soient applicables.
L'amendement no 66 n'est pas adopté et l'article 11 bis AB demeure supprimé
L'article 11 bis A est adopté.
La parole est à Mme Valérie Beauvais, pour soutenir l'amendement no 73 .
Cet amendement de notre collègue Vincent Descoeur propose de rétablir le I de l'article 11 ter.
Les collectivités territoriales qui le souhaitent sont libres d'interdire les contenants alimentaires de cuisson, de réchauffe et de service en matière plastique dans les services de restauration collective dont elles ont la charge. Plusieurs d'entre elles, comme Strasbourg par exemple, ont d'ailleurs déjà mis en oeuvre une telle interdiction.
Aussi l'expérimentation prévue par l'article 11 ter ne constitue-t-elle en rien une expérimentation au sens de l'article 72 de la Constitution, car elle revient à autoriser les collectivités à prendre des mesures qu'elles peuvent déjà prendre : elle n'apporte donc aucune solution à la question d'un éventuel risque pour la santé des contenants alimentaires de cuisson en matière plastique.
Afin de faire usage, de manière raisonnée, du principe de précaution, il convient de disposer d'une évaluation des risques de migration des perturbateurs endocriniens depuis les contenants en plastique vers les denrées alimentaires en cas de cuisson, mais également d'une évaluation des mêmes risques en cas d'utilisation de contenants alimentaire de substitution, en inox ou en cellulose par exemple. Tel est l'objet du présent amendement.
En commission, nous avons choisi de rétablir l'expérimentation prévue à l'article 11 ter dans sa rédaction issue du vote en première lecture à l'Assemblée nationale : la commission est par conséquent défavorable à cet amendement.
Comme le rapporteur, j'émets, madame la députée, un avis défavorable concernant votre amendement.
En effet, avant l'autorisation de mise en marché, les constituants de l'ensemble des matériaux au contact des denrées alimentaires font l'objet d'une évaluation des risques, notamment au regard de leur migration potentielle dans les aliments. L'amendement est donc en passe d'être satisfait.
Par ailleurs, je souhaite vous communiquer deux ou trois éléments avant d'engager le débat sur la question de l'utilisation de produits en plastique dans la restauration – un sujet qui a suscité, ces dernières semaines, l'intérêt des médias, notamment à l'issue de la première lecture du projet de loi à l'Assemblée nationale puis au Sénat. Nous avons entendu à cette occasion des propos éminemment intéressants, mais également des prises de position dignes du café du commerce.
Sur cette question susceptible d'inquiéter les familles, il nous faut rassembler les éléments factuels de nature à justifier une position concrète, mais aussi définir, avec les entreprises qui fabriquent les produits concernés, les orientations qui leur permettront de modifier leur processus de fabrication et leurs sources d'approvisionnement et de faire évoluer un modèle économique qui pourrait être grandement affecté par les décisions que nous aurons à prendre.
Bien évidemment, en prenant ces décisions, nous devons aussi penser aux conséquences qu'elles pourront avoir sur les salariés concernés. S'il est en effet toujours intéressant de défendre certaines positions, de mener des combats qui peuvent paraître nobles, notons aussi que, lorsqu'il s'agit de rencontrer des salariés dont on va fermer l'usine, les volontaires ne se bousculent pas.
Cela étant, je veux entendre les inquiétudes qui se sont manifestées. Sur le plan de la santé, je répète que les constituants des matériaux au contact d'aliments sont soumis à une évaluation scientifique avant leur autorisation de mise sur le marché. Nous prenons en effet nos décisions politiques en nous fondant sur la science et sur le droit, et pas au doigt mouillé.
J'entends également les inquiétudes qui se sont exprimées sur le plan environnemental, mais en ce domaine, le projet de loi contient déjà un bon nombre d'avancées – sur le matériel de chauffe, les bouteilles ou les bâtonnets – dont je me félicite.
Par ailleurs, la Commission européenne a annoncé en mai dernier son intention de déposer une directive sur l'utilisation des contenants en plastique à usage unique, et la France soutient cette initiative. Il existe également une feuille de route sur l'économie circulaire, sujet sur lequel des travaux sont en cours et plusieurs mesures sont en préparation.
Je tiens cependant à vous mettre en garde : regardons bien par quoi nous souhaitons remplacer certains de ces contenants en matière plastique. Nous devons rester vigilants en choisissant des produits de substitution car, comme on a pu le constater avec certains bio-matériaux, le remède, ou ce qui apparaît comme tel, peut parfois se révéler pire que le mal.
Nous devons donc prendre la mesure de tous ces éléments et fonder, j'y insiste, notre position sur des avis scientifiques suffisamment étayés.
L'amendement no 73 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 515 .
Madame la présidente, si vous me le permettez, je défendrai également, afin de gagner du temps, l'amendement no 972 qui sera appelé un peu plus tard.
Ces deux amendements visent à préciser l'article 11 ter : le premier mentionne explicitement la commercialisation des gobelets, verres et assiettes jetables en matière plastique et pas seulement leur mise à disposition ; le second ajoute les couverts aux objets cités à l'alinéa 3.
Cela peut paraître anecdotique, mais c'est évidemment un véritable sujet de préoccupation, à l'instar de celui que représentent les pailles en plastique, dont j'ai demandé l'arrêt de la commercialisation et de la distribution au moyen d'une proposition de loi déposée le 30 mai et qui a été cosignée par une vingtaine de députés de tous bords politiques.
Rappelons en effet que 8,8 millions de pailles en plastique sont utilisées chaque jour, en France, dans les fast-food, menaçant directement 700 espèces aquatiques. Or, de même que les pailles, les couverts en plastique ne sont utilisés que quelques minutes, alors qu'ils mettent plusieurs centaines d'années à se dégrader.
Un tel sujet dépasse les clivages politiques : la volonté de tout mettre en oeuvre pour protéger notre planète ne saurait en effet être le monopole de quelques personnalités ou de certains courants politiques. C'est dans cet esprit que je vous soumets ces deux amendements.
La commercialisation est couverte par la mise à disposition, notion beaucoup plus large qui comprend également la délivrance à titre gratuit. Je vous demande donc, puisqu'il est déjà satisfait, chère collègue, de retirer votre amendement. À défaut, la commission y serait défavorable.
Vous proposez, madame la députée, d'aller plus loin encore que les dispositions adoptées par l'Assemblée en première lecture et en nouvelle lecture au sein de la commission des affaires économiques, puisque vous demandez l'interdiction à la vente de ces produits.
L'interdiction de leur mise à disposition en restauration scolaire est déjà une façon d'actionner un levier majeur contre la pollution. Étendre cette interdiction à la mise sur le marché nécessiterait une étude d'impact beaucoup plus approfondie, afin d'appréhender de façon précise les effets écologiques et économiques d'une telle mesure. Et je le répète, il conviendrait d'accorder un délai aux industriels concernés afin qu'ils puissent s'adapter et repenser leurs modes de fabrication.
Par conséquent, madame la députée, le Gouvernement est défavorable à vos deux amendements.
L'amendement no 515 n'est pas adopté.
Monsieur le ministre, je suis ravie des propos que vous venez de tenir : ils recoupent exactement l'objet de mon amendement.
En 2016, les fabricants de gobelets, verres et assiettes en matière plastique ont été prévenus qu'ils ne pourraient plus continuer à produire ces ustensiles à compter de 2020. Ils disposaient donc de quatre ans pour se mettre en conformité avec la loi. Or nous avons vu apparaître, dans ce projet, une disposition prévoyant la même interdiction pour les pailles en plastique, mais dans un délai inférieur à dix-huit mois !
Ma circonscription compte une usine fabriquant de telles pailles : je suis donc allé la voir pour connaître l'impact d'une telle obligation.
C'est plutôt logique : lorsque l'on ne connaît pas un sujet, on se renseigne.
Il ne s'agit pas de lobbying, mais d'information : lorsque l'on ne connaît pas un sujet, il vaut mieux, pour éviter l'influence des lobbies, rencontrer personnellement les acteurs d'un secteur et chercher à comprendre les processus de fabrication.
De quoi s'agit-il ? Il n'existe à l'heure actuelle, pour les pailles, aucune matière capable de remplacer le plastique et qui soit dégradable dans les composts domestiques. En revanche, on a une solution pour fabriquer des pailles en plastique compostables de manière industrielle.
Bien entendu, la dimension environnementale du texte est importante pour moi aussi – comme pour vous. C'est pourquoi je vous propose de procéder en deux phases : une première étape, en 2020, obligerait les industriels à fabriquer des pailles en plastique compostables en milieu industriel ; et, à l'issue d'une seconde étape, en 2023, on en viendrait aux pailles compostables en compostage domestique.
Mmes Monique Limon et Élisabeth Toutut-Picard applaudissent.
Favorable.
Au cours de la précédente législature, avec quelques collègues qui sont encore présents dans cet hémicycle, nous avions longuement bataillé pour obtenir l'adoption d'un amendement que j'avais présenté. On nous avait affirmé que les délais étaient trop courts, qu'on n'arriverait jamais à supprimer aussi rapidement gobelets et assiettes en plastique – quant aux couverts, on avait carrément écarté cette possibilité.
Comme notre collègue, je suis allé dans ma circonscription pour rencontrer, non pas mes électeurs, mais le poisson et la tortue, qui m'ont dit : « Pas de problème, vous pouvez attendre encore trois ans avant d'arrêter de jeter des pailles dans la mer, nous ferons le tri ». Enfin ! Vous comprenez bien qu'on ne peut pas attendre trois ans ! Une paille nous est encore moins utile qu'un couvert ou qu'un gobelet. Des solutions de remplacement sont d'ores et déjà prêtes. Certes, il y a les industriels – mais je veux leur dire, à ces industriels, à tous et pas seulement aux fabricants de pailles en plastique, qu'il faut qu'ils comprennent que c'est dès aujourd'hui qu'ils doivent se poser des questions, sans attendre que nous, dans l'hémicycle, nous soulevions la question d'un produit qui n'a plus de sens et qui doit disparaître. S'ils ne le font pas, tant pis ! Ils doivent changer dès maintenant, car, pendant ce temps, le poisson, le goéland, la tortue meurent et ce sont nos enfants, nos petits-enfants et la mer Méditerranée qui vont mourir.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI et sur certains bancs du groupe LaREM. – Mme Emmanuelle Ménard applaudit aussi.
Dans la loi relative à la transition énergétique, adoptée en 2015, on avait laissé cinq ans aux entreprises pour s'adapter. Il conviendrait, par parallélisme, de faire de même ici, en prévoyant une interdiction pour 2023, non pour polluer davantage encore la planète, mais pour laisser aux entreprises le temps de se retourner. Moi aussi, je les ai rencontrées, ces entreprises – soit dit en passant, elles ont un rayonnement national, même si elles sont implantées dans telle ou telle circonscription. Elles sont prêtes pour une telle mesure.
C'est une simple question de bon sens. Cela permettrait d'aller dans la bonne direction – car sur le fond, nous sommes tous d'accord – , tout en laissant le temps aux entreprises de se retourner.
J'abonderai dans le sens du collègue Lambert. Je ne sais pas si vous avez regardé l'émission « Cash Investigation » de mardi dernier, mais on y voyait bien le poids des lobbies du plastique...
... et leur haine de la loi de 2015 qui a interdit en France la commercialisation de certains produits. Pour eux, c'est le pollueur qui est le responsable, et non le fabricant de l'objet polluant.
On se trouve là face à la même logique – et l'on peut observer le poids des lobbies dans notre assemblée. Je suis désolé, mais ces deux amendements sont l'expression de l'intérêt des industriels, non celle de l'intérêt général. Un industriel, s'il doit changer son mode de production pour pouvoir continuer à exercer son activité, il le fait, et il a le temps de le faire en dix-huit mois.
Je pense que vous ne m'avez pas bien écoutée. Je ne dis pas qu'il ne faudrait pas ou que je ne voudrais pas le faire, je dis qu'à l'heure actuelle, il n'y a pas la possibilité de remplacer en dix-huit mois les pailles en plastique par des pailles compostables en compost domestique. Nous proposons néanmoins de faire évoluer la législation, afin de rendre obligatoires les pailles compostables industriellement.
En outre, n'inversons pas les choses. Ce ne sont pas les industriels qui jettent les pailles dans la mer, c'est vous, c'est moi, c'est tout le monde, quand nous ne faisons pas attention à nos déchets !
Exclamations sur les bancs du groupe FI.
Exactement ce que j'annonçais ! C'est l'argument des lobbyistes ! Bravo !
Ne faisons donc pas payer cela aux industriels. Ils sont prêts à changer – sauf que les machines qui nous permettront de nous passer de pailles en plastique, il faut les construire. Laissons-leur un peu de temps ! C'est tout ce que je demande. Je ne remets pas en cause la mesure, je suis d'accord avec vous, je demande juste que l'on prévoie une phase intermédiaire de compostage industriel à partir de 2020 avant d'en arriver au compostage domestique en 2023.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM
je m'interrogeais sur le moment adéquat pour mettre en application cette mesure, les difficultés qu'elle risquerait de provoquer pour certains emplois, etc. , même si mon coeur penchait plutôt vers une action rapide. Mais là, le discours que vous nous recrachez est parfaitement identique à celui que l'on a entendu dans la bouche des lobbyistes dans « Cash Investigation ». C'est quand même bizarre !
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Je suis désolé, mais ce que nous venons d'entendre, c'est exactement le discours des lobbyistes. Cela revient à rejeter la responsabilité de la situation sur le comportement individuel du consommateur, qui polluerait la nature, alors qu'il conviendrait de transformer la société pour que ce ne soit pas à l'individu d'agir bien ou d'agir mal.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Essayons de trouver la voie de l'apaisement, de la raison et du bon sens.
Les plus grandes avancées en matière d'environnement, c'est l'Union européenne qui les a adoptées ; et quand elle l'a fait, ce fut sous la forme d'une directive. Or, une directive européenne, elle laisse du temps pour s'adapter. Ça, c'est le rôle de la transition écologique que nous accompagnons – et nous sommes tous d'accord pour le faire.
Vous ne pouvez pas négliger l'impact humain de telles décisions, chers collègues !
Derrière, il y a des hommes et des femmes, des entreprises, des filières organisées. Vous ne pouvez pas décréter que l'on fera cela en un temps record.
Une entreprise ne se change pas par décret. Une entreprise ne peut pas changer son mode de production du jour au lendemain !
Laissez donc le temps de la transition. Vous susciterez ainsi l'adhésion bien plus fortement qu'en prenant des mesures radicales, qui auront un impact très fort sur l'économie et le social.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je voudrais soutenir ces deux amendements, en m'adressant plus particulièrement à ceux des collègues qui sont très sensibles aux questions environnementales – oui, monsieur Lambert, vous pouvez vous tenir la tête entre les mains, mais c'est ce que je vais faire.
Vous en avez parfaitement le droit.
Je pense à M. Hulot. Cela va peut-être vous estomaquer, monsieur Lambert, mais je suis convaincu d'être aussi sensible aux questions environnementales que vous et lui. Le groupe UDI, Agir et indépendants a eu mardi un long débat sur le projet de loi que nous propose le ministre de l'agriculture. Nous nous sommes repassé le film de nos débats – première lecture en commission, première lecture dans l'hémicycle, nouvelle lecture en commission – , en vue de préparer la nouvelle lecture dans l'hémicycle. Ce que l'on nous propose dans ces amendements paraît lointain, mais quand on y regarde plus près, cela ne laisse que quelques mois pour s'adapter.
« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Cela me paraît aller dans la bonne direction.
J'ai été plutôt sensible à la déclaration qu'a faite Nicolas Hulot le jour de son départ. Néanmoins, je trouve qu'en quinze mois, il a bossé ; ce n'est pas à moi de lister tout ce qui a été fait, je ne souscris d'ailleurs pas à tout, mais il y a eu du boulot – comme ce fut le cas avec Mme Royal, qui l'a précédé à ce poste, ou sous Jean-Louis Borloo et Nathalie Kosciusko-Morizet, avec le Grenelle de l'environnement.
Les jusqu'au-boutistes diront que cela ne suffit pas. Pour eux, cela ne va jamais assez loin.
Pourtant, lors des États généraux de l'alimentation, le Gouvernement avait réussi à créer un climat, une ambiance, où pouvaient s'exprimer librement les parties prenantes, tous ceux qui sont liés de près ou de loin à l'alimentation, à ce qui fait qu'à partir de la terre et de la mer, c'est-à-dire de notre environnement, des ressources naturelles, on s'efforce de tirer des produits agricoles, qui deviennent des denrées alimentaires, lesquelles sont ensuite mises à la disposition du consommateur. Je trouve que sur ces questions, on est sur la voie du progrès.
Vos amendements, madame Goulet, madame Limon, permettront de susciter l'adhésion de la majorité de la population. Certes, ils n'emporteront pas celle de celles et ceux qui sont à fond sur les thématiques environnementales, mais comme me disaient quelqu'un tout à l'heure lors d'une suspension de séance, lorsqu'ils prennent l'avion ou leur 4 X 4, ceux-ci sont-ils aussi sensibles aux questions environnementales ?
Personnellement, je n'en suis pas convaincu.
Je trouve, madame Goulet, que votre démarche d'aller voir un entrepreneur fabriquant des pailles en plastique est saine et raisonnable. Elle vous a conduit à déposer un amendement raisonnable, qui recueille un avis favorable du Gouvernement et de la commission. Je trouve que cela va dans le bon sens.
Certes, je comprends que les images que nous voyons suscitent la colère de M. Lambert – nous-mêmes n'y sommes pas insensibles – , mais on peut toujours décider d'interdire le plastique illico presto et se faire plaisir en l'inscrivant dans la loi : dans la pratique, comment fait-on ?
Exclamations sur certains bancs.
On va voter des lois qui ne sont pas applicables et après, on ira dire à nos compatriotes : nul n'est censé ignorer la loi ?
Je trouve, madame Goulet, que votre amendement permettrait au contraire de rendre la loi applicable. Et la situation est tellement urgente, monsieur Lambert, que ce que propose madame Goulet se concrétisera dans quelques mois – car trois ans, cela ne fait jamais que trente-six mois.
Murmures.
Quoi qu'il en soit, le temps que le texte aille au Sénat, qu'il revienne ici et que les décrets soient publiés, il faudra un certain temps.
Ce débat ne regarde pas que les pailles ; c'est l'usage du plastique dans sa destination alimentaire, y compris les contenants, qui est concerné. Je soutiens donc ces amendements, qui, je le répète, vont dans le bon sens.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et LR.
Ce que je trouve étrange, c'est lorsque nous avions adopté cette mesure en première lecture, cela n'avait posé de problème à personne. Pourtant, j'imagine que nous avions réfléchi lorsque nous l'avions votée !
Certes, mais la mesure avait été adoptée. Or là, soudainement, des amendements arrivent et nous ne pouvons que penser que des personnes mal intentionnées agissent pour qu'ils soient adoptés.
Protestations sur plusieurs bancs des groupes LaREM, LR et UDI-Agir.
Comment peut-on affirmer qu'il est jusqu'au-boutiste de vouloir interdire la fabrication de pailles en plastique d'ici à un an et demi, alors que c'est une proposition que nous avons adoptée il y a moins de trois mois ? Vraiment, je ne comprends pas. Les objets en plastique jetable non réutilisables posent un vrai problème. Là, on tergiverse encore, on repousse à 2023 cette interdiction. Et en 2022, il y aura une nouvelle majorité qui reviendra dessus ? Ce n'est pas sérieux ! Il faut agir – ou alors restons-en à la loi de 2016, mais cessons de dire que cette majorité agit contre le plastique.
Si je voterai contre ces amendements, je voudrais dire que le procès en lobbying qui nous est fait en permanence est inacceptable. Je trouve normal que nos collègues voient des entreprises et qu'ils s'inquiètent pour l'emploi. Ce procès, qui nous est fait sous prétexte que nous défendons l'économie et l'emploi, est, je le répète, parfaitement inacceptable.
Néanmoins je voterai contre les amendements, car la transition écologique a besoin de symboles. Les citoyens nous envoient, de plus en plus souvent, des messages pour nous demander d'agir rapidement sur ce sujet, compte tenu de l'urgence.
Quant au délai, bien entendu, il peut sembler très court. Mais je n'ose imaginer une seule seconde que les industriels du plastique découvrent le problème aujourd'hui ! Il est évident qu'ils y travaillent depuis des années avec leurs laboratoires de recherche. Il est temps, maintenant, qu'ils appuient sur le bouton.
Je ne ferai de procès d'intention à personne mais, une fois n'est pas coutume, je veux saluer les mesures prises en juin par McDonald's et en juillet par Starbucks. Ces deux grandes entreprises ont décidé de supprimer les pailles en plastique dans leurs chaînes de restaurants d'ici à deux ans. Cela fait des années, en effet, que nous sonnons l'alarme sur la dangerosité de ces produits.
Comment peut-on dire aujourd'hui que les fabricants de plastique découvrent soudainement qu'il va falloir trouver des produits de substitution ? Ces produits existent, qu'ils soient à base de bambou, de carton, d'algues, de papier recyclé ou même de déchets agricoles – voie sans doute à creuser. Cela fait longtemps que les entreprises qui produisent du plastique y réfléchissent, et je suis tout à fait d'accord avec l'idée d'envoyer un signal pour dire qu'il est temps de les développer, d'accélérer un peu les choses. Pendant ce temps, en effet, les océans de plastique ne cessent de grossir : on les voit bel et bien à l'oeil nu, non pas lorsque l'on est au bord d'une plage, mais lorsqu'on est en mer ou en avion. Et le phénomène est irrécupérable.
Une fois n'est pas coutume, donc, je voulais saluer les deux grandes entreprises que j'ai citées, notamment McDonald's. Elles sont souvent décriées : pour une fois qu'elles font quelque chose de bien, saluons-les. C'est dans leurs restaurants à Bruxelles, en Grande-Bretagne et en Irlande qu'elles ont décidé de supprimer les pailles en plastique et de les remplacer par des produits de substitution.
Une chose me gêne lorsque j'entends nos débats. Nous sommes tous d'accord pour nous engager dans la transition écologique et fixer un objectif de suppression des pailles en plastique.
Le sujet est un peu philosophique. La demande de nos concitoyens en matière de transition écologique est en effet très forte. Mais arrêter une production du jour au lendemain, de façon arbitraire et sans associer les acteurs, c'est rendre la transition écologique inacceptable. Or, pour assurer sa réussite, pour changer la trajectoire, nous avons besoin d'acceptabilité. Si nous voulons une transition écologique ambitieuse, la méthode doit associer les citoyens, les salariés et les entreprises. Nous ne ferons pas la transition énergétique et écologique sans les entreprises : c'est là une question philosophique forte.
Je soutiens donc le pragmatisme avec lequel nous avançons sur ces sujets, tout en restant ambitieux.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
On voit revenir, je le sens, le traditionnel débat qui oppose l'écologie à l'économie. Prenons-y garde. Je suis évidemment d'accord pour que nous fassions attention à la période de transition et que nous prenions parfois du temps pour certaines décisions. Mais il ne faut pas se tromper de combat. Le problème du plastique se pose depuis des années, les industriels le savent très bien. Un bon nombre d'entreprises, d'ailleurs, font de la recherche et innovent pour développer d'autres produits.
Il y a un an déjà, j'ai reçu des pailles fabriquées en matériau comestible : on pouvait donc tranquillement les manger après en avoir fait usage. Les entreprises qui ne se sont pas lancées dans ce travail, pardonnez-moi de vous le dire, ne savent pas anticiper l'avenir ; si bien qu'elles pourront faire face à des difficultés futures, et pas seulement à cause de l'écologie.
Ce que l'on ne dit pas assez, en revanche, c'est que le problème du plastique est urgentissime.
D'après les dernières recherches, on en est à plus de 150 millions de tonnes de plastique dans les mers ! Ce chiffre n'est peut-être pas très « parlant » ; mais comprenons bien que, si rien ne change, nous aurons, dans les mers, une tonne de plastique pour trois tonnes de poissons d'ici à 2025. Et ce ne sont pas de gros morceaux de plastique, mais des plastiques microscopiques, ingérés. En Méditerranée, où le problème est très concentré, des poissons ingèrent des plastiques. Cela posera des problèmes de santé publique pour ceux qui mangent ces poissons, si bien que nos pêcheurs, pour en revenir aux questions économiques, ne pourront peut-être plus les vendre !
À vouloir préserver, pour de mauvaises raisons, une industrie qui n'a pas d'avenir, on risque de créer des problèmes pour d'autres industries et d'autres secteurs économiques.
Ne nous trompons pas de combat, je le répète. Sur la solution proposée, nous devons aller vite : outre que le problème est loin d'être nouveau, si l'on repousse indéfiniment la décision de s'en emparer, un jour, on ne pourra plus le surmonter. Le problème des plastiques est gravissime ; nous devons nous y attaquer fermement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM et sur les bancs du groupe FI.
En ce qui me concerne, je salue la démarche de Mme Goulet. Il est tout à fait normal de se rendre dans une entreprise de sa circonscription.
Pour moi, ce n'est pas du lobbying. On reproche très souvent à certains députés d'être « hors sol ». On ne va quand même pas reprocher à un député d'avoir un contact avec le milieu économique ou social ! Moi-même, si une entreprise de ma circonscription était dans le même cas, je lui aurais sans doute rendu visite et me serais entretenu avec son organisation syndicale, s'il y en a une. Il est donc tout à l'honneur de notre collègue, je crois, d'avoir eu cette démarche.
Pour autant, je ne voterai pas ces amendements, car les bouleversements des modes de développement et de consommation nous feront de toute façon violence. Chacune et chacun d'entre nous sera confronté, à un moment ou à un autre, au conflit entre ses positions éthiques ou politiques et la réalité du terrain. Mais il faut en passer par là. Certes, ce mouvement doit être accompagné, s'agissant notamment de l'innovation. Mais ces problèmes doivent être pris à bras-le-corps. Nous ne pouvons plus reculer.
C'est pour cette raison que je ne voterai pas ces amendements, tout en comprenant la démarche. Si, à un moment, on ne franchit pas un certain cap, on n'y arrivera jamais.
Je suis tout à fait d'accord avec André Chassaigne. Lorsque Mme Goulet a pris la parole pour défendre son amendement, je me suis tourné vers Bastien Lachaud pour lui dire, en « off », que si j'avais la même entreprise dans ma circonscription, j'aurais eu la même démarche : rien de plus naturel.
Ce n'est pas à ce niveau que je vois apparaître l'ombre du lobby,
M. Jean-René Cazeneuve proteste
mais dans la justification a posteriori qui consiste à dire : ne faisons pas payer aux industriels la pollution causée par les citoyens. Une technostructure est en place, à laquelle les industriels participent et dont ils veulent le maintien, au moins en partie, dans une forme d'inertie. On ne peut rendre le citoyen responsable de cette technostructure, s'il convient de la modifier.
Quand on a eu la chance de voir le magazine diffusé mardi soir sur France 2, on ne peut pas entendre autre chose, dans l'argument que je viens de citer, qu'une certaine ventriloquie des lobbies.
Protestations sur quelques bancs du groupe LaREM.
Je ne dis pas que Mme Goulet est de mauvaise foi : elle est sans doute pleinement de bonne foi, mais on ingère des discours dans l'air du temps, pour les répéter ensuite, de la même façon que l'on ingère des molécules de plastique, sans s'en rendre compte.
Je ne mets donc nullement en cause la bonne foi de Mme Goulet, mais cette phrase, selon laquelle on ne doit pas faire payer aux industriels la pollution provoquée par les consommateurs, laisse entrevoir l'ombre inconsciente des lobbies.
Arrêtons de nous envoyer le mot « lobby » à la figure de façon systématique et caricaturale. Les lobbies, il y en a de tous les côtés. Et que l'on ne me fasse pas le coup de l'intérêt général contre tel ou tel intérêt particulier : chaque lobby défend un intérêt particulier en même temps qu'un intérêt général, tout dépend du point de vue dans lequel on se place.
Je n'ai pas la prétention d'être omniscient. Il est donc utile que les députés, pour prendre connaissance de sujets qu'ils ignorent, rencontrent chacune des parties en présence ; après quoi il leur revient de faire le tri et de trancher, une fois qu'ils ont une connaissance du sujet – même si elle ne peut être totalement fine – , en fonction de ce qu'ils considèrent comme l'intérêt général.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je voulais réserver cette intervention pour plus tard, car Mme Rossi défendra un amendement qui m'intéresse plus directement. Je ne puis toutefois ne pas participer au présent débat. Même si je comprends le sens de l'amendement de Mme Goulet, élu néo-calédonien, je suis sensible – non pas plus, mais autant – au phénomène d'accumulation décrit par Mme Pompili : dans certaines zones océaniques, le « septième continent » n'est pas seulement une expression, mais aussi une réalité. L'impact environnemental est cataclysmique, non seulement sur les ressources halieutiques, mais aussi sur les coraux, bien qu'on en parle peu. Le plastique, il faut le savoir, a un effet potentiellement destructeur sur les derniers espaces coralliens – et nous en avons quelques-uns en Nouvelle-Calédonie, d'où ma sensibilité sur le sujet.
Notre petit territoire de Nouvelle-Calédonie, je voulais l'indiquer à la représentation nationale, va peut-être adopter prochainement un texte pour interdire purement et simplement la commercialisation, non seulement des pailles, mais aussi des couverts, des sacs, des gobelets et de tous contenants en plastique.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI et sur quelques bancs du groupe LaREM. – Mme Delphine Batho applaudit aussi.
C'est évidemment plus simple pour nous, car nous n'avons pas d'industrie du plastique sur notre territoire. Je comprends donc tout à fait l'impact qu'une telle décision peut avoir, et qu'il convient de mesurer. Mais, de là où nous sommes, nous sommes prêts à envoyer ce message – puisque c'est plus un message qu'autre chose – , que je voulais partager avec vous.
L'urgence est avérée, et à tous les étages. Je ne dis pas que ce sont les pailles produites ici qui viennent polluer le Pacifique Nord ou le Pacifique Sud ; mais tout y contribue. La Méditerranée elle-même commence à ressembler surtout à un océan de déchets en plastique. Il faut donc y faire très attention.
Le message a été envoyé il y a plusieurs années déjà ; les industriels ont donc eu le temps de se préparer, et ils ont les moyens technologiques et scientifiques de se développer. Nul n'est en mesure de montrer qu'il n'y a pas de solutions de repli. Elles sont certainement coûteuses, elles nécessitent sans doute des réimplantations et des bouleversements, mais le moment est venu.
Je voulais donc, madame la présidente, faire part de cette expérience car, dans nos débats sur les pailles et sur d'autres contenants dans les cantines – dont nous discuterons à travers un amendement de Mme Rossi – , nous devons rester sensibles au problème posé. Je ne voterai donc pas les amendements en discussion, et insiste une fois encore sur l'absolue nécessité d'envoyer des messages symboliquement très forts à l'adresse des industriels comme de la population, car nous sommes au bord d'un cataclysme environnemental et sanitaire.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.
La séance est levée.
La séance est levée à treize heures.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra