Mardi 29 janvier 2019
La séance est ouverte à vingt-et-une heures cinq.
Présidence de M. Bruno Studer, président de la Commission
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La commission des Affaires Culturelles et de l'Éducation examine les articles du projet de loi sur l'école de la confiance (n° 1481) (Mmes Fannette Charvier et Anne-Christine Lang, rapporteures).
Monsieur le ministre, mesdames les rapporteures, mes chers collègues, nous abordons ce soir l'examen des articles du projet de loi pour une école de la confiance, dont la discussion générale a eu lieu mercredi dernier.
Environ 580 amendements ont été déposés sur les 25 articles du projet de loi ; 44 ont été déclarés irrecevables au titre de l'article 40 de la Constitution, pour création de charge ou gage irrecevable, et 26 au titre de l'article 45 de la Constitution. Cela n'emporte évidemment aucun jugement sur le fond des amendements déclarés irrecevables et tous les groupes sont concernés. Le premier signataire de chaque amendement irrecevable en a été informé par courriel.
Les séances de la commission sont ouvertes jusqu'à jeudi soir, mais nous démarrerons jeudi matin par un examen des amendements à la proposition de loi de notre collègue Christophe Bouillon pour une école vraiment inclusive au titre de l'article 88 du Règlement, puis nous devrons suspendre nos travaux dans l'après-midi pour l'examen de ce texte en séance.
Afin que nos débats soient complets tout en demeurant efficaces, et que nous évitions, si possible, de poursuivre vendredi, j'ai réuni le bureau de la commission en fin d'après-midi pour organiser notre discussion, comme le prévoit l'article 86, alinéa 11, du Règlement. Chaque auteur d'amendement disposera ainsi de deux minutes, au maximum, pour la présentation de celui-ci, mais j'invite les auteurs d'amendements identiques à éviter les redites. Puis, après que l'une des deux rapporteures et, s'il le juge nécessaire, le ministre auront donné leur avis, un orateur pourra intervenir en faveur de l'amendement et un autre contre l'amendement, chacun pour une minute. Bien entendu, cette règle sera mise en oeuvre en veillant à l'équilibre entre les groupes et, sur les sujets majeurs, appliquée plus souplement pour laisser place au débat.
TITRE PREMIER Garantir les savoir fondamentaux pour tous
Chapitre Ier L'engagement de la communauté éducative
Article 1er : Lien de confiance des élèves et de leurs familles au service public de l'éducation
La commission se saisit des amendements identiques AC205 de Mme Elsa Faucillon, AC272 de M. Loïc Prud'homme et AC406 de Mme George Pau-Langevin.
Dans une matière comme l'éducation, beaucoup se fait par voie réglementaire, mais les amendements de suppression nous offrent l'occasion d'exprimer notre point de vue sur les articles. En l'occurrence, le ministre a indiqué la semaine dernière que cet article 1er serait remanié, et cela me paraît évidemment nécessaire. Nous sentons effectivement dès ce premier article une forte reprise en main, sous la forme de mesures d'exceptions qui s'appliqueraient aux fonctionnaires de l'école publique. Nous souhaitons donc, par notre amendement AC205, la suppression de cet article qui tend à insérer dans le code de l'éducation des termes qui dénotent bien cette idée de contrôle. Les règles qui régissent les fonctionnaires en la matière nous paraissent suffisantes, mais peut-être M. le ministre nous donnera-t-il une idée plus précise du sens de ces dispositions.
Par l'amendement AC272, nous souhaitons également supprimer cet article 1er qui soumet les professeurs à un devoir d'exemplarité renforcé dont les contours indéterminés inspirent quelques inquiétudes. Il est possible qu'il permette la mise en oeuvre d'une nouvelle forme de sanctions disciplinaires dès lors qu'un professeur aurait pu, selon sa hiérarchie, altérer le lien de confiance entre les élèves et leurs familles et l'éducation nationale. Ce renforcement d'un devoir de réserve déjà suffisamment établi nous semble aller à l'encontre des droits et libertés des professeurs qui doivent pouvoir apporter leur expertise et faire part de leur expérience de terrain, même négative, sans être inquiétés. Si le désir du ministère est de montrer la confiance qu'il place dans ses agents, cette formulation nous semble pour le moins maladroite ou curieuse.
Le Conseil d'État lui-même a souligné, c'est vrai, que cet article 1er n'avait pas de portée normative, mais la référence, dans l'étude d'impact, au devoir de réserve des fonctionnaires a conforté nos inquiétudes. Nous ignorons si une nouvelle rédaction sera de nature à lever nos réserves ; en l'état, nous en doutons, et proposons par notre amendement AC406 la suppression de cet article.
L'article 1er vise avant tout à souligner l'importance de la confiance et du respect mutuel entre toutes les parties prenantes du système éducatif. Il n'impose aucune nouvelle obligation aux enseignants. Il a pu susciter un malentendu, certains enseignants y ayant vu une volonté de réduire leur liberté d'expression ; il n'en est rien. Afin de dissiper tout malentendu, je proposerai une nouvelle rédaction, dont j'espère qu'elle recueillera, chers collègues, votre assentiment.
Tout d'abord, je suis très heureux, monsieur le président, mesdames les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, de poursuivre ce soir une discussion déjà engagée avec vous. Je me suis beaucoup exprimé la semaine dernière sur cet article 1er, mais, effectivement, la rédaction que proposera Mme la rapporteure Anne-Christine Lang devrait, s'il en était besoin, vous rassurer définitivement – même si, à mon avis, cet article n'a jamais rien présenté d'inquiétant. Je vous rappelle qu'il visait précisément à l'affirmation de liens de confiance entre tous les acteurs de l'éducation nationale, conformément au discours que je tiens invariablement. Il me paraît significatif qu'une interprétation inquiétante soit toujours privilégiée lorsqu'on propose des articles de ce type, mais, je le répète, cet article 1er ne procède d'aucune intention d'affecter en quoi que ce soit la liberté d'expression.
L'idée d'une nouvelle rédaction ne me gêne nullement ; la suppression de l'article me gênerait bien plus pour ce qu'elle dirait d'assez paradoxal quant à notre approche du service public aujourd'hui. S'il y a bien une chose dont je suis fier – et dont, normalement, nous sommes tous fiers –, c'est ce grand service public de l'éducation nationale. Et les familles politiques dont vous êtes issus, mesdames et messieurs les députés signataires de ces amendements de suppression, y ont toujours vu une source de légitime fierté.
Je ne vous ferai pas un cours de droit public, mais cette réalité historique s'appuie sur un certain nombre de principes, qui valent pour l'éducation nationale comme pour l'ensemble des services publics et dont les fonctionnaires sont très fiers. Si l'exemplarité est vue comme un problème et non plus comme un motif de fierté, on ne pourrait qu'y voir une forme de retournement historique dans l'appréhension de la notion de service public.
Je ne défends pas la rédaction actuelle d'un article qui ne vise pas à toucher en quoi que ce soit au devoir de réserve. Certains commentaires ne m'en ont pas moins étonné : en cherchant à critiquer le contenu de cet article, ils se sont mis à viser le devoir de réserve tel qu'il existe déjà et que nous n'entendons pas réviser, ni en plus ni en moins. Il me semble que nous devons quand même y être extrêmement attentifs : un service public doit être exemplaire et le respect implique à la fois le droit d'être respecté et le devoir de respecter. Je réponds là non pas tant aux auteurs des amendements signataires qu'à l'ensemble des discours que j'ai entendus autour de cette question.
C'est un cercle vertueux de la confiance qu'il faut enclencher, qui repose sur tout le monde. Cela implique aussi de rappeler les grands principes du service public. Je viens de le faire, et nous pourrions le faire plus longuement, mais j'appellerai simplement l'attention sur le fait qu'un service public « tient » par ses fonctionnaires, qui ont des droits et des devoirs, et c'est très bien ainsi – moi-même professeur, j'ai toujours été très fier d'avoir des droits et des devoirs, et mes devoirs ne me posent aucun problème. Il me paraît très important de le dire en cette occasion. Bien entendu, c'est l'esprit dans lequel s'inscrira la modification que proposera Mme la rapporteure Anne-Christine Lang.
J'entends ce que vous dites, monsieur le ministre, et, pour ma part, je veux participer à une discussion constructive. Il est bon que vous posiez ainsi le principe de respect mutuel – j'espère qu'il prévaudra dans nos débats tout au long de l'examen de ce texte. Le problème de cet article est que les enseignants ont le sentiment d'une répression. Or renforcer un arsenal répressif déjà suffisant ne renforcera ni la confiance que vous pouvez avoir dans les enseignants, monsieur le ministre, ni la confiance que les enseignants pourraient avoir envers le ministère.
Pour ce qui est du cercle vertueux que vous souhaitez, la vocation première des enseignants – éduquer – tient compte de la nécessité de l'exemplarité, qui en est le premier élément. Pour éduquer, il faut effectivement avoir toutes ces valeurs en tête.
La commission rejette ces amendements.
Puis elle examine l'amendement AC477 de M. Frédéric Reiss.
À titre personnel, je trouve que le numérique est un peu le parent pauvre de ce projet de loi, qui n'en dit pas grand-chose, alors que ce domaine a connu des évolutions significatives au cours des dernières années. Il y a peu, nous avons travaillé sur le numérique dans le cadre d'une mission d'information que vous-même présidiez, monsieur le président, et nous aurons la semaine prochaine un débat sur l'école dans la société du numérique. Je pensais donc que cet article 1er viserait aussi à affirmer que l'école permet un égal accès à la technologie du numérique sur tout le territoire, d'autant plus que le très haut débit arrive partout – cela peut certes prendre un peu plus de temps dans certaines régions, mais ce sera fait demain.
Je propose donc d'écrire que « l'école permet un égal accès à la technologie du numérique sur tout le territoire pour permettre à tous les jeunes de développer les mêmes aptitudes et compétences et ainsi susciter leur intérêt et leur créativité ». L'accès égal au numérique doit être facilité pour permettre un enseignement qui privilégie évidemment l'acquisition du socle des fondamentaux, tout en veillant à la bonne utilisation des technologies actuelles.
L'équipement des établissements, des collèges et des lycées s'est considérablement amélioré puisque le nombre d'ordinateurs pour 100 élèves a doublé ces dernières années, et cette progression se poursuit. Certes, vous avez raison, chers collègues, de réels efforts restent nécessaires, mais la solution ne viendra sans doute pas d'une disposition telle que celle que vous proposez, dont la portée normative est faible.
La commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement AC296 de Mme Béatrice Descamps.
J'ai bien entendu les arguments en faveur de la suppression de cet article 1er mais, considérant l'intérêt d'une confiance mutuelle entre les différents membres d'une équipe éducative qui compte à la fois les parents, les enseignants, les accompagnants d'élèves handicapés, les psychologues scolaires, j'en propose une réécriture faisant précisément mention de ce respect mutuel entre les membres de la communauté éducative, qui contribue à la confiance, à la réussite et au bien-être des élèves.
Je comprends, chère collègue, à la lecture de votre amendement, que votre préoccupation porte surtout sur le mot d'« exemplarité », qu'il revient à supprimer. Pour des raisons proches de celles exposées il y a quelques instants par M. le ministre, je pense au contraire qu'il faut le maintenir. Je proposerai donc par l'amendement AC640 de prévoir que cet article s'entend « dans le respect de la loi de 1983 sur les droits et obligations des fonctionnaires ». Je crois cette précision susceptible de répondre à votre préoccupation.
Il me semble important de parler du respect mutuel des membres de la communauté éducative ; mais, selon moi, la communauté éducative n'est pas l'équipe éducative. Il faut précisément rappeler et souligner le rôle des parents, surtout le rôle des parents de ceux que l'on dit éloignés de l'école. Peut-être Mme Descamps pourrait-elle reformuler son amendement, mais il faut un véritable travail en commun, non pas seulement entre les enseignants mais entre les enseignants, les parents et tous les membres de la communauté éducative.
Je veux bien reformuler mon amendement si une rédaction plus précise convient mieux, mais j'ai précisé de vive voix ce qu'il en est. Peut-être faut-il le préciser par écrit, comme vous le suggérez, chère collègue, mais dans mon esprit, les parents, tous les parents, y compris ceux des élèves en situation de handicap, étaient évidemment concernés. M. le ministre l'a dit la semaine dernière : les élèves, ce sont tous les élèves ; les parents, ce sont tous les parents.
La commission rejette l'amendement.
Elle se saisit ensuite de l'amendement AC640 de la rapporteure Anne-Christine Lang.
À mon sens, cet article 1er doit se lire comme un préambule, une déclaration de principe. Il vise à inscrire la confiance au rang des grands principes qui régissent notre système éducatif. Il a vocation à irriguer l'ensemble des articles du code de l'éducation, de sorte que ceux-ci devront être lus à la lumière de ce nouveau socle de confiance qui doit par ailleurs fonder l'ensemble du système éducatif.
Comme nous l'avons précisé, il ne limite en rien la liberté d'expression des fonctionnaires, dont certains se sont inquiétés à l'instant. Cet amendement vise à le réaffirmer de la manière la plus claire, en prévoyant que les dispositions de cet article – les mentions de l'engagement et de l'exemplarité – s'entendent « dans le respect de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ». Garantissant la liberté d'opinion aux fonctionnaires, elle dispose qu'aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions politiques, syndicales ou philosophiques. Elle précise également que le fonctionnaire exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité, qu'il est tenu, dans l'exercice de ses fonctions, à l'obligation de neutralité, et qu'il doit faire preuve de discrétion professionnelle.
Les notions d'« engagement » et d'« exemplarité », mentionnées dans cet article, devront donc s'entendre dans le strict cadre de ces dispositions.
Je propose donc de préciser, au début de la première phrase de l'alinéa 2 de cet article 1er, les mots « dans le respect de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ».
Je suis favorable à cette proposition, du reste conforme à l'esprit de ce que j'indiquais à l'instant. Il s'agit d'éviter tout malentendu : nous ne voulons rien changer ni dans un sens ni dans l'autre au devoir de réserve des fonctionnaires ou à leur liberté d'expression. L'amendement de la rapporteure l'explicitera parfaitement par la mention qu'il tend à insérer, tout en maintenant l'affirmation de cet esprit de confiance qui doit caractériser les relations entre tous les membres de la communauté éducative ; j'y suis donc favorable.
Celles et ceux qui ont vu dans cet article 1er une forme d'exception, dont je fais partie, risquent de ne pas voir en quoi cette redondance que vous introduisez change quoi que ce soit à la suite. Il est bien entendu que la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 existe et vaut toujours – encore heureux ! –, et j'espère bien que tout se fait dans le respect de celle-ci, mais que change ce rappel ? Faudra-t-il systématiquement le faire dans chaque loi ?
Le texte de l'article, tel qu'il était proposé, pouvait laisser penser que l'exemplarité et l'engagement étaient des obligations supplémentaires. En introduisant au début de la phrase les mots « dans le respect de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires », nous précisons qu'il n'y a pas d'obligation supplémentaire et que c'est dans ce cadre que s'inscrivent l'engagement et l'exemplarité.
Vous nous parliez en commençant de confiance et de respect mutuel, madame la rapporteure, mais tout cela fait plutôt penser à une forme de suspicion. Vous parliez d'une réécriture ; je pensais que vous cherchiez à marquer plus fortement cette confiance et ce respect mutuel, mais la première modification que vous nous proposez consiste à faire mention d'une loi portant droits et obligations des fonctionnaires !
Je suis assez ouverte à l'idée d'inscrire, si vous le souhaitez, la notion de respect « mutuel » dans le texte. Nous avions d'ailleurs retenu l'adjectif dans une première version de cet amendement, dont la mise au point n'était pas aisée. Je n'en suis pas moins sensible à ce que vous dites, et, si nous pouvons trouver le moyen de réintroduire le mot « mutuel » d'ici à la séance, je suis assez ouverte à cette possibilité.
Qu'est-ce que l'engagement, sinon les droits et les obligations ? Ce que nous essayons d'expliquer, c'est qu'il y a une redondance. Vous rappelez ce que la loi dit déjà. On a l'impression d'une forme de reprise en main des fonctionnaires, qui savent bien qu'ils ont des droits et obligations. Je ne vois pas l'utilité d'introduire une référence à l'engagement et à l'exemplarité, à moins qu'il ne s'agisse de rappeler avec force que le ministre est le chef des fonctionnaires, ou quelque chose comme cela.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AC213 de Mme Nadia Essayan.
Nous voulons insérer le terme de « bienveillance » après la mention de « l'engagement ». C'est un élément important du lien de confiance, en même temps qu'un signe distinctif de la politique que nous menons, par exemple avec le droit à l'erreur.
Pour ce qui est de l'exemplarité, le groupe du Mouvement Démocrate la juge essentielle, autant pour les pédagogues que pour les représentants élus ou les personnels du service public, jusqu'au plus haut niveau. D'où la référence aux personnels du service public de l'éducation et de la communauté éducative.
Je souscris à la nécessité de la bienveillance dans le système éducatif en général et dans l'exercice des fonctions d'enseignant en particulier. Cela dit, il ne me semble pas opportun d'ajouter une nouvelle notion qui, si elle a sa pertinence, me paraît surtout relever du domaine psychologique, avec une valeur normative très faible.
La commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement AC174 de M. Jean-François Cesarini.
Nous proposons, à la première phrase de l'alinéa 2, de supprimer les mots « et leur exemplarité ». L'ensemble des fonctionnaires et des personnes travaillant pour des organisations publiques est tenu de respecter certaines obligations : celle de se consacrer entièrement à ses fonctions ; la discrétion professionnelle et respect du secret professionnel ; l'obéissance aux instructions de son supérieur hiérarchique ; le devoir de dignité ; le devoir de probité ; l'obligation de neutralité.
En vertu du devoir de dignité, un fonctionnaire ne doit pas choquer par son attitude ni porter atteinte à la dignité de la fonction publique. L'emploi du terme d'« exemplarité » – « caractère de ce qui est exemplaire, de ce qui est destiné à servir de leçon en frappant les esprits par sa rigueur » – indique que les personnels de la communauté éducative sont soumis à une obligation supplémentaire par rapport aux autres fonctionnaires. Qui plus est, ce terme d'exemplarité n'est nullement défini dans le titre Ier du statut général des fonctionnaires. C'est donc un terme assez vague, sujet à interprétation, qu'il nous semble opportun de supprimer.
Notre groupe votera en faveur de cet amendement. Tout ajout d'un terme appelle de nouveaux amendements, de nouvelles propositions d'ajout ou de retrait de qualificatifs. Nous nous efforçons tous d'éviter les lois bavardes ou superfétatoires. Il me semble nécessaire de ne pas en rajouter.
Compte tenu des précisions introduites par l'amendement AC640, rappelant que les dispositions de cet article 1er s'entendent dans le respect de la loi du 13 juillet 1983, nous voterons contre cet amendement.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AC175 de M. Jean-François Cesarini.
Dans le même esprit, nous proposons, à la première phrase de l'alinéa 2, de substituer au mot « exemplarité » le mot « dignité ».
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l'amendement.
Elle se saisit ensuite de l'amendement AC176 de M. Jean-François Cesarini.
À la première phrase de l'alinéa 2, nous proposons d'insérer, après le mot « exemplarité », les mots « dans l'exercice de leur fonction et dans le strict respect de la liberté pédagogique ». L'ensemble des fonctionnaires et des personnes travaillant pour des organisations publiques sont tenus de respecter certaines obligations – nous l'avons déjà expliqué. Il est inutile de prendre des dispositions redondantes et peut-être, comme l'a dit notre collègue Juanico, bavardes et inutiles.
Les précisions que vous proposez d'introduire vont de soi et tendraient plutôt à alourdir le texte. Par ailleurs, l'article L. 912-1-1 du code de l'éducation garantit bien la liberté pédagogique des enseignants. Je suis donc défavorable à cet amendement.
La commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement AC51 de Mme Danielle Brulebois.
Cet amendement vise à exiger du personnel de la communauté éducative une exemplarité dans le respect des institutions de la République et de la Constitution. La cohésion de la communauté éducative se fait d'abord dans le respect des principes de la République. Les personnels de la communauté éducative sont des acteurs clés de la préparation des élèves à l'exercice d'une citoyenneté pleine et entière, ils ont pour mission de transmettre et de partager les valeurs de la République. Le respect des institutions est une condition pour garder la confiance des familles – l'actualité nous rappelle qu'il faut rester vigilant sur ce point.
Ce respect des institutions s'impose à tous les fonctionnaires. Il ne paraît pas utile de le préciser. Je suis donc défavorable à cet amendement.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AC536 de M. Michel Castellani.
Nous voulons insérer les mots « dans la limite de leur liberté de conscience ». C'est pour nous une notion fondamentale.
Je suis défavorable à une disposition qui me paraît ouvrir une brèche dangereuse dans le respect des principes de notre République : rien ne peut justifier qu'on porte atteinte au respect dû à l'école.
La commission rejette l'amendement.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, elle rejette ensuite l'amendement AC159 de M. Pascal Bois.
Puis elle en vient à l'amendement AC155 de Mme Frédérique Meunier.
Nous proposons de compléter l'alinéa 2 par la phrase suivante : « Les élèves et leur famille doivent également participer au lien de confiance au service public de l'éducation en respectant les personnels de la communauté éducative. » Cela va dans le sens souhaité par Mme la rapporteure.
Effectivement, puisque l'article 1er dispose déjà, dans sa rédaction actuelle : « Ce lien implique également le respect des élèves et de leur famille à l'égard de l'institution scolaire et de l'ensemble de ses personnels ». L'amendement AC155 n'y ajouterait rien. J'y suis donc défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle se saisit ensuite de l'amendement AC3 de M. Patrick Hetzel.
Cet amendement vise à sensibiliser à une difficulté majeure, qui concerne plus particulièrement – mais pas uniquement – le premier degré : l'attrait des métiers de l'enseignement. Si nous voulons construire, aujourd'hui et demain, une école de la confiance, il faut se préoccuper du statut des enseignants, sans se borner à des raisonnements en termes d'heures devant les élèves, mais en envisageant des questions plus larges comme le travail d'accompagnement des élèves et la formation. Il faut faire en sorte que la revalorisation du métier devienne un objectif clairement assumé. On pourra m'objecter que ce n'est pas du ressort de la loi, mais un certain nombre d'articles du texte qui nous est proposé ne sont pas forcément de nature législative – le fait est assez habituel sitôt que l'on aborde des sujets touchant au code de l'éducation. Nous avons tout intérêt à nous préoccuper de cette question centrale.
Je partage assez votre avis : une réflexion approfondie sur le statut des enseignants est nécessaire, et cela va effectivement bien au-delà de la question des heures de cours. Cela dit, je ne crois pas que cette réflexion ait véritablement sa place dans le code de l'éducation. Je suis donc défavorable à cet amendement.
En l'espèce, il ne s'agit pas tant du statut des enseignants que de leurs missions. Or il me paraît important de redéfinir celles-ci dès lors que le texte a trait essentiellement à ce que les enseignants font devant les élèves. Je soutiens donc l'amendement AC3.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement AC4 de M. Patrick Hetzel.
Cet amendement a pour objet de préciser que, si la réussite doit être le principal objectif de la politique éducative, elle ne se mesure pas au nombre de postes ouverts : une réflexion doit donc être menée, d'une part, sur la manière dont peuvent être redéployés un certain nombre de moyens en faveur de l'enseignement du premier degré et, d'autre part, sur la rémunération des enseignants, notamment lorsqu'ils sont affectés dans des établissements situés dans les territoires les plus en difficulté.
Une telle disposition, me répondra-t-on, n'est pas de nature législative, mais je profite de la présence de M. le ministre pour interpeller le Gouvernement : la question de la revalorisation est centrale. On ne saurait en effet restaurer la confiance sans prendre cette donnée en compte.
Avis défavorable, pour les raisons que vous avez vous-même indiquées. Sur le fond, je partage votre avis : il est nécessaire de mener une réflexion approfondie sur la rémunération des enseignants, leur carrière et les moyens d'améliorer le système éducatif. Mais, le ministre complétera sans doute, car la réflexion que vous appelez de vos voeux est en cours.
Tout a été dit, à la fois par l'auteur de l'amendement, qui a lui-même réfuté celui-ci, et par Mme la rapporteure, qui a indiqué que la politique souhaitée par M. Hetzel était précisément celle que nous menons. Autrement dit, si j'adhère à l'esprit de l'amendement, il ne me paraît pas utile au plan juridique.
Sur le fond, je rappelle que l'orientation du budget vers le premier degré a été mise en oeuvre d'une manière assez volontariste. Quant à la question du pouvoir d'achat dans le premier et le second degrés, elle constitue notre autre grande priorité. Les choix budgétaires pour 2019 en témoignent. Notre ambition, au cours du quinquennat, est bien de tendre vers la fin de l'anomalie française qui consiste à dépenser moins que la moyenne des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en faveur de l'école primaire.
La question des rémunérations est bien entendu un élément important de la revalorisation du métier d'enseignant. À cet égard, le fait que le ministre demande aux enseignants d'accepter d'effectuer une deuxième heure supplémentaire pose problème. Les solutions proposées sont parfois même un peu bancales. Si l'on veut parler du statut des enseignants et de la revalorisation de leur métier, il faut examiner les choses dans leur globalité. Les réponses, me semble-t-il, ne sont pas les bonnes.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle est saisie de l'amendement AC220 de M. Erwan Balanant.
Cet amendement a pour objet d'ériger le droit de vivre une scolarité sans harcèlement en principe cardinal du droit à l'éducation. En effet, si les dispositions du code pénal relatives au harcèlement moral sont applicables aux situations de harcèlement scolaire, elles ne sont pas, en l'état, suffisantes pour endiguer ce phénomène. Actuellement, un élève sur dix souffre du harcèlement scolaire, et les conséquences peuvent en être dramatiques, puisqu'elles peuvent aller jusqu'au suicide.
Le présent amendement tend donc à compléter le droit pénal afin de garantir le droit de chaque élève de ne pas être exposé à des actes de harcèlement scolaire, en s'inspirant du modèle de l'article du code du travail garantissant aux salariés le droit de ne pas subir de harcèlement moral. Ce rapprochement est naturel : si le harcèlement d'un salarié est inacceptable et doit être banni du monde du travail, il doit l'être a fortiori lorsque les victimes de harcèlement sont des enfants.
Déclarer, dès le premier chapitre du premier livre du code de l'éducation, le droit de chaque élève de ne pas être exposé au harcèlement scolaire serait un signal fort. D'une part, ce droit pourrait être mieux expliqué aux enfants, notamment lors des campagnes de sensibilisation et de prévention du harcèlement scolaire, et les inciter à ne plus tolérer certains comportements. D'autre part, inscrire cette disposition dans le code de l'éducation favoriserait la prise de conscience par la communauté scolaire d'un phénomène encore souvent tabou.
Il s'agit d'un problème très important. Toutefois, le harcèlement fait déjà l'objet, je le rappelle, de dispositions pénales qui répriment le harcèlement sexuel comme le harcèlement moral.
En outre, l'annexe de la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République du 8 juillet 2013 prévoit que la lutte contre toutes les formes de harcèlement constitue une priorité pour chaque établissement d'enseignement scolaire et qu'elle fait l'objet d'un programme d'action élaboré avec l'ensemble de la communauté éducative, adopté par le conseil d'école pour le premier degré et par le conseil d'administration dans les établissements publics locaux d'enseignement.
Enfin, des dispositions relatives au harcèlement trouveraient davantage leur place à l'article L. 111-2, qui dispose que la formation scolaire favorise l'épanouissement de l'enfant et que l'État garantit le respect de sa personnalité, plutôt qu'à l'article L. 111-3, relatif à la communauté éducative. Je propose donc aux auteurs de l'amendement de retravailler celui-ci d'ici à l'examen du texte en séance publique.
L'amendement est retiré.
La commission examine ensuite l'amendement AC522 de M. Alexandre Freschi.
Cet amendement du groupe La République en Marche vise à rappeler combien la cohésion de la communauté éducative et l'association des parents à la vie de l'établissement contribuent à la qualité du service public de l'enseignement. Les parents sont en effet les premiers acteurs de l'éducation de leur enfant. À ce titre, ils doivent être informés des programmes et des méthodes de l'école et de l'enseignant de leur enfant, reconnus et respectés dans leur rôle de parents d'élèves, écoutés et associés par une communication adaptée, tout en étant, bien entendu, à l'écoute des enseignants.
Ce rappel est important pour que l'école soit un espace d'échanges, de confiance et de respect mutuel. C'est pourquoi nous proposons de compléter l'article 1er par l'alinéa suivant : « Les parents sont associés à la vie de l'école ou de l'établissement et agissent au côté des autres membres de la communauté éducative. »
L'article L. 111-3 du code de l'éducation dispose déjà que les parents sont inclus dans la communauté éducative. Votre amendement est donc satisfait ; je vous suggère de le retirer.
L'amendement est retiré.
La commission adopte l'article 1er modifié.
Après l'article 1er
La commission est saisie de l'amendement AC19 de M. Patrick Hetzel.
Mme Brugnera vient de rappeler que les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants. C'est une notion à laquelle ma famille politique est extrêmement sensible : pour nous, la famille a un rôle décisif à jouer. C'est pourquoi cet amendement a pour objet de préciser, dans le code de l'éducation, la notion de respect des choix éducatifs des parents et de rappeler ainsi que ces derniers sont les premiers éducateurs de leur enfant. Il convient en effet de distinguer l'éducation et l'instruction. C'est aussi en garantissant le respect des choix éducatifs des parents que l'on fera naître une véritable école de la confiance.
Je partage votre préoccupation s'agissant du respect de l'éducation reçue par les enfants dans leur famille. Mais l'école républicaine a une mission d'émancipation par l'ouverture aux autres et à la culture. On ne peut pas faire de la famille et de l'école des rivales : le rôle de chacune est très bien défini. Au demeurant, l'intention exprimée dans votre amendement est déjà prise en compte à l'article L. 111-2, qui dispose que l'État garantit le respect de la personnalité de l'enfant et de l'action éducative des familles. Par ailleurs, notre droit prévoit d'ores et déjà que les familles sont étroitement associées au fonctionnement des établissements. Avis défavorable.
C'est un point sur lequel nous nous étions battus lors de l'examen du projet de loi de M. Peillon, et je trouve dommage qu'on ne fasse pas bouger les lignes aujourd'hui. Il est vrai que vous êtes cohérente, madame Lang, puisque vous partagiez les positions de M. Peillon. Mais la véritable question est celle de la place des familles dans notre système éducatif, car éducation et instruction sont de nature différente.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement AC13 de M. Patrick Hetzel.
Il est important que le Parlement continue à définir le socle commun, car notre rôle, en tant qu'élus de la nation, est de fixer les objectifs du système éducatif. C'est pourquoi cet amendement a pour objet de compléter l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation par deux phrases ainsi rédigées : « Ce socle comprend : la maîtrise de la langue française ; la maîtrise des principaux éléments de mathématiques ; une culture humaniste et scientifique permettant le libre exercice de la citoyenneté ; la pratique d'au moins une langue vivante étrangère ; la maîtrise des techniques usuelles de l'information et de la communication. Ces connaissances et compétences sont précisées par décret, après avis du Conseil supérieur des programmes. »
Il ne s'agit pas de se substituer à l'administration, en particulier à la direction générale de l'enseignement scolaire, mais il importe que le Parlement s'intéresse aux connaissances et aux compétences enseignées.
Certes, la loi renvoie la définition du contenu du socle commun à un décret, mais les dispositions réglementaires existantes satisfont entièrement votre demande. En outre, l'adoption de votre amendement reviendrait, paradoxalement, à restreindre au contraire le contenu actuel du socle commun. Avis défavorable.
J'insiste sur le fait que cet amendement a pour objet d'élever le niveau normatif du socle commun, en passant du décret à la loi. Si, selon vous, mon amendement peut restreindre le contenu du socle commun, déposez un sous-amendement car cette question doit, plus que jamais, relever de la loi.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle est saisie de l'amendement AC524 de M. Alexandre Freschi.
Dans les établissements du second degré, le conseil pédagogique a pour mission de favoriser la concertation et la coordination des enseignants. Par cet amendement, nous proposons que cette coordination s'étende à l'ensemble des membres de la communauté éducative, en particulier aux accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH). Ceux-ci pourraient ainsi trouver plus facilement leur place dans l'établissement, ils seraient mieux reconnus dans les collèges et les lycées et leur action auprès des élèves en situation de handicap serait plus efficace.
Le conseil pédagogique a pour mission de favoriser la concertation entre les enseignants et de coordonner les enseignements, la notation et l'évaluation des activités scolaires. Il est donc chargé de la partie pédagogique du projet d'établissement. Il me semble que la coordination de l'ensemble de la communauté éducative devrait plutôt revenir au conseil d'administration. Je vous demande donc de retirer votre amendement.
Il me semble qu'au sein d'un établissement, les personnes le mieux placées pour communiquer à la fois avec les parents et avec les AESH sont les membres du conseil pédagogique puisqu'il comprend les professeurs principaux, qui sont aussi payés pour exercer cette mission. Je maintiens mon amendement.
La commission rejette l'amendement.
Elle en vient ensuite à l'examen des amendements AC139 de M. Maxime Minot et AC150 de Mme Brigitte Kuster.
Le port de l'uniforme présente de nombreux avantages ; il favorise notamment l'intégration et le développement d'un sentiment d'appartenance. Si une telle mesure, dont je sais qu'elle est clivante, n'a pas pour ambition de résoudre tous les problèmes, elle contribuerait néanmoins à faire de l'école un lieu de savoir où l'on ne s'évalue pas en fonction des vêtements que l'on porte. Loin de l'image caricaturale que l'on en donne, cette proposition laisse le choix à chaque établissement de définir la tenue uniforme en question ; il peut s'agir d'un tee-shirt ou d'un jogging… J'ai cru comprendre, monsieur le ministre, que vous n'y étiez pas défavorable, tout en souhaitant que les établissements s'approprient cette pratique. C'est ce que permet mon amendement AC139.
L'amendement AC150 a pour objet de rendre obligatoire le port d'une tenue commune, blouse ou uniforme, à l'école. Cette mesure constituerait un moyen efficace d'estomper les différences sociales, de lutter contre le diktat de l'apparence et de marquer l'appartenance de tous à la même communauté éducative. Il faut rétablir, y compris de façon symbolique, l'idée selon laquelle l'école est un lieu spécifique de la République, où l'égalité des chances, la discipline et le sens du collectif l'emportent sur l'individualisme, les discriminations et les tensions sociales qui traversent le monde extérieur. Le port d'une tenue commune serait un moyen parmi d'autres de bâtir l'école de la confiance que le Gouvernement appelle de ses voeux.
Les établissements peuvent d'ores et déjà imposer le port d'un uniforme à leurs élèves. Il me paraît préférable de laisser la direction de chaque établissement en décider, éventuellement en concertation avec les enseignants, les parents d'élèves, voire les élèves eux-mêmes. Faire confiance à la communauté éducative, c'est aussi la laisser décider par elle-même et faire confiance aux acteurs de terrain. Par ailleurs, je doute qu'une telle mesure soit de niveau législatif. Avis défavorable.
Il est question, dans mon amendement, non pas d'un uniforme, mais d'une tenue commune, qui peut être une blouse – je n'irai pas jusqu'à parler de jogging, comme M. Minot. Ainsi tout le monde serait à égalité. Contrairement à vous, madame la rapporteure, je crois qu'une telle mesure est de nature législative.
De tels propos sont très inquiétants. Les enfants sont à l'école pour s'ouvrir à la différence. C'est le moment où ils se construisent, et il ne faut surtout pas les rendre uniformes. Ils doivent être ouverts au monde et aiguiser leur sens critique : notre société s'en portera beaucoup mieux.
Je veux répondre de manière humoristique à M. Minot. Puisqu'il évoquait le port d'un jogging, je rappelle que, dans le cadre de l'Union nationale du sport scolaire (UNSS), chaque établissement a une tenue propre, précisément pour que les élèves acquièrent un esprit de corps lorsqu'ils participent aux manifestations sportives. Cette mesure n'est donc pas de nature législative mais bien d'ordre réglementaire ; chaque établissement, en particulier dans le second degré, se dote d'un équipement propre en fonction de ses moyens.
Que je sache, au Royaume-Uni, où les collégiens et les lycéens portent un uniforme ou une tenue commune, les inégalités sociales et les discriminations ne sont pas moindres qu'en France. Le port de l'uniforme est une vieille idée qui réapparaît de manière récurrente, mais, si l'on voyage un peu, on s'aperçoit qu'il ne change pas grand-chose au fond.
Il est évident qu'une tenue commune ne gomme pas les inégalités. Je ne sais pas si certains d'entre vous ont porté un uniforme ou une blouse commune ; ce fut mon cas, et je ne crois pas en avoir été perturbée, monsieur Larive. Plus sérieusement, je pense que cette mesure peut être un plus pour l'école de la confiance.
Je souhaite que l'approche de cette question soit claire. J'ai pu observer, lorsque j'étais recteur d'une académie d'outre-mer – où il est habituel, sans que cela pose problème, que les élèves aient une tenue commune – que cela contribue à l'égalité entre les élèves, voire à une certaine justice sociale lorsque la tenue est fournie.
Je ne change pas d'avis sur le sujet : je suis plutôt favorable à cette pratique, mais elle ne doit absolument pas être imposée. J'ai une expérience en la matière, puisque l'internat d'excellence de Sourdun est l'un des rares établissements publics de métropole dans lesquels les élèves portent un uniforme. Du reste, l'évaluation que l'École d'économie de Paris a réalisée des résultats de cet établissement, dont je rappelle qu'il accueille en majorité des élèves défavorisés, notamment de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, est très intéressante. Quoi qu'il en soit, je me souviens de la réunion lors de laquelle le conseil d'administration a adopté ce règlement et du débat avec les élèves : les mêmes arguments que ceux que j'ai entendus ce soir ont été échangés. Or, les élèves, qui ont pu exprimer certaines réticences, que je comprends, sont aujourd'hui unanimes et même fiers de leur uniforme.
Néanmoins, je suis défavorable à cet amendement, car je ne pense pas, je l'ai dit, qu'il faille imposer quoi que ce soit en la matière. Cela doit venir des familles, des élèves et de la communauté éducative, conformément à l'esprit de l'école de la confiance. Si le port de l'uniforme n'est pas contradictoire avec ce projet, il serait contradictoire de l'imposer à l'échelle nationale.
La commission rejette successivement ces amendements.
Puis elle est saisie de l'amendement AC151 de Mme Brigitte Kuster.
Cet amendement vise à rendre obligatoires l'enseignement et la pratique régulière de l'hymne national dans les établissements du premier et du second degrés.
L'enseignement de La Marseillaise figure déjà au programme de l'école élémentaire, de sorte que tous les petits Français l'apprennent. Au collège et au lycée, il est préférable de laisser aux établissements le choix de jouer ou de faire jouer l'hymne national. On ne saurait en faire une obligation inscrite dans la loi.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement AC390 de Mme Muriel Ressiguier.
Par cet amendement, nous proposons de revenir sur une disposition par laquelle l'actuel gouvernement a aggravé les mesures prises par ses prédécesseurs, en permettant la prise en compte du contrôle continu dans la délivrance des examens nationaux.
Une telle mesure soulève en effet, selon nous, deux difficultés majeures : d'une part, l'absence d'anonymat des candidats, qui peuvent être soumis aux appréciations que leurs professeurs portent sur eux, et, d'autre part, la dénaturation des résultats obtenus par les équipes pédagogiques des différentes écoles, puisqu'elles vont avoir tendance à améliorer les résultats de leurs élèves, en réponse au jeu concurrentiel entre établissements que le Gouvernement est en train d'imposer.
Sur la forme, la réforme du baccalauréat relève du domaine réglementaire ; on ne peut donc pas renoncer à la prise en compte du contrôle continu par la loi. Par ailleurs, je m'interroge sur le présupposé selon lequel le contrôle continu serait sujet à caution. Cette défiance systématique vis-à-vis de la capacité des enseignants à évaluer les élèves tout au long de l'année ne me semble pas aller dans le sens que nous voulons. Enfin, le déroulement du baccalauréat permettra de garantir des conditions d'équité solides et incontestables. Avis défavorable.
Notre objectif est seulement de garantir l'impartialité. Nous n'avons aucune défiance envers les enseignants – dans ce domaine, c'est vous qui pourriez me donner des leçons.
Il y a un véritable paradoxe : d'un côté, on veut, en raison d'un attachement quasi magique à l'examen, bannir le contrôle continu du lycée ; de l'autre, une fois le baccalauréat obtenu, on trouve très bien que, dans les IUT, par exemple, le contrôle continu ait une très grande importance. Pourtant, les situations pédagogiques ne sont, somme toute, pas très différentes. Il faut que nous soyons nous-mêmes cohérents dans la manière dont nous concevons notre système éducatif. Le baccalauréat n'est pas une barrière ; la fluidité du cursus doit nous amener à réfléchir de manière un peu plus large à ces questions.
La commission rejette l'amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AC34 de M. Patrick Hetzel.
Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, un certain nombre de dispositions actuellement de nature réglementaire mériteraient de faire l'objet d'un débat parlementaire. Si nous voulons que la représentation nationale dialogue de manière régulière avec le ministre et les représentants de l'administration centrale, il convient de faire en sorte que ces éléments soient définis au plan législatif. En l'espèce, nous proposons de supprimer le dernier alinéa de l'article L. 332-6 du code de l'éducation, qui renvoie à un décret la définition des conditions d'attribution du diplôme national du brevet.
Le dernier alinéa de l'article L. 332‑6 dispose que le diplôme national du brevet atteste la maîtrise du socle commun de connaissances, de compétences et de culture, dans des conditions fixées par décret. Vous souhaitez le supprimer au motif que le législateur devrait fixer lui-même les conditions de délivrance de ce diplôme, mais vous ne faites aucune proposition pour le remplacer. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine les amendements identiques AC29 de M. Patrick Hetzel et AC96 de M. Xavier Breton.
Dans la rédaction actuelle du texte, l'enseignement moral risque d'empiéter sur le droit des parents à éduquer leurs enfants, dont je parlais à l'instant, en imposant une vision uniforme. L'amendement AC29 vise donc à modifier légèrement le code de l'éducation pour nous prémunir contre ce risque.
Encore une fois, il ne s'agit absolument pas de remettre en cause l'éducation des enfants par leurs parents et les valeurs transmises par la famille, ni de mettre en concurrence ce qui peut être appris chez soi et ce qui peut l'être à l'école. L'article L. 311-4 du code de l'éducation dispose, je le rappelle, que « l'école, notamment grâce à un enseignement moral et civique fait acquérir aux élèves le respect de la personne, de ses origines et de ses différences, de l'égalité entre les hommes et les femmes, ainsi que de la laïcité ». Par ailleurs, l'école a aussi pour vocation d'enseigner les valeurs de la République, et il n'est pas envisageable de transiger sur cet apprentissage. Avis défavorable.
La commission rejette ces amendements.
Elle est ensuite saisie des amendements identiques AC30 de M. Patrick Hetzel et AC97 de M. Xavier Breton.
Par l'amendement AC30, nous proposons de compléter le contenu de l'enseignement moral et civique en précisant qu'il inclut la prévention des discriminations, notamment à l'égard des personnes handicapées.
L'article L. 311-4 prévoit que « les programmes scolaires comportent, à tous les stades de la scolarité, des enseignements destinés à faire connaître la diversité et la richesse des cultures représentées en France. L'école, notamment grâce à un enseignement moral et civique, fait acquérir aux élèves le respect de la personne, de ses origines et de ses différences, de l'égalité entre les femmes et les hommes ainsi que de la laïcité ». L'article L. 312-15 dispose quant à lui que « l'enseignement moral et civique comporte également, à l'école primaire et au collège, une formation consacrée à la connaissance et au respect des problèmes des personnes handicapées et à leur intégration dans la société ». Vos amendements étant ainsi satisfaits, j'émets un avis défavorable.
La commission rejette ces amendements.
Elle examine ensuite les amendements identiques AC31 de M. Patrick Hetzel et AC98 de M. Xavier Breton.
L'enseignement moral et civique (EMC) gagnerait à se référer à l'histoire de France. L'objet de mon amendement AC31 est donc d'inscrire dans la loi que l'EMC s'appuiera sur l'histoire de notre pays. Cela permettra d'expliquer aux élèves que notre nation telle qu'elle existe aujourd'hui est le fruit d'une histoire complexe et défend des valeurs, comme celles qui sont désormais systématiquement affichées dans les écoles, autour de « liberté, égalité, fraternité ».
Mon amendement AC98 a le même objet. On constate en effet de plus en plus de pertes de repères chez les élèves en termes d'histoire et de sens de l'histoire. Il est important, dans des temps un peu troublés, que l'EMC comporte des rappels permettant de donner un sens à ce qu'est notre nation.
Avis défavorable. Le programme de l'EMC paru dans la circulaire du 27 juillet 2018 en tient compte.
On peut se demander si les auteurs de l'amendement savent ce qui est enseigné dans les cours d'EMC. Ce que j'entends est justement de nature à nuire à la complexité de l'histoire de France. Les avancées que nous avons pu réaliser en termes de programmes, notamment sur l'histoire coloniale française, montrent la complexité de notre histoire et c'est précisément ce que nos collègues veulent en réalité mettre sous le tapis. Je suis totalement opposée à ces amendements.
L'enseignement du civisme est suffisant : avec la « morale », nous retournons en arrière. Pardonnez-moi, monsieur Hetzel, mais votre morale n'est sûrement pas la mienne… Faudra-t-il changer les programmes à chaque changement de gouvernement ?
S'agissant de l'histoire de France, je vous propose de l'enseigner dans la matière qui s'appelle « histoire », et donc de maintenir cet enseignement à l'école et au lycée.
La commission rejette ces amendements.
Puis elle examine les amendements identiques AC32 de M. Patrick Hetzel et AC99 de M. Xavier Breton.
Cet amendement a pour objectif de remplacer le terme « intégration » par celui d'« inclusion ».
Au passage, M. Larive semble oublier que le code de l'éducation fait déjà référence à un « enseignement moral et civique ». Ce n'est pas une invention du groupe Les Républicains : nous ne faisons que suivre la terminologie du code.
Cela dit, il nous paraît important qu'une école de la confiance utilise le terme d'« inclusion ». Cela a déjà donné lieu à des débats. Il conviendrait de toiletter le code de l'éducation pour être dans cet état d'esprit de l'inclusion plutôt que de l'intégration.
Même avis. C'est une très bonne proposition. De manière générale, nous devons systématiser l'expression « école inclusive » pour montrer que c'est dans tous les domaines de la vie scolaire que l'enjeu de l'école inclusive se réalise.
La commission adopte ces amendements.
La commission est saisie de l'amendement AC100 de M. Xavier Breton.
De plus en plus de réactions traduisent une réelle méfiance vis-à-vis de l'ingérence de l'État dans la vie des familles. Qu'on se rappelle les heures que nous avons passées à discuter sur une proposition de loi visant à interdire les fessées : pour nos compatriotes, que l'on soit pour ou contre la fessée, de quoi l'État se mêle-t-il ? Il faut s'interroger sur cette volonté de l'État de dominer les consciences privées. Mon amendement AC100 vise à retirer l'éducation affective et sexuelle de l'EMC en rappelant la primauté de la famille dans ce domaine.
Avis défavorable. Nous pensons au contraire que l'école a un rôle important à jouer pour enseigner, aux côtés des familles – car il ne s'agit pas de substituer l'une aux autres –, le respect de soi, le respect d'autrui, la connaissance du corps… Il est extrêmement important que l'école s'occupe de ces questions, surtout dans un contexte de recrudescence d'agressions sexuelles diverses.
À l'heure actuelle, il est important qu'on puisse parler à l'école d'affection, d'amour, de sexualité, car dans certaines familles ces termes ne sont pas abordés, sont tabous. L'école a véritablement un rôle à jouer pour expliquer comment fonctionne le corps d'une fille, le corps d'un garçon, comment les relations intersexuelles entre les femmes et les hommes peuvent avoir lieu en toute connaissance de cause et dans le respect mutuel. Il est important que l'éducation sexuelle soit dans les programmes pour que tous les enfants aient connaissance de leur corps, qu'ils sachent que leur corps leur appartient et ce qu'ils doivent en faire, comme ils le veulent.
Je ne suis pas tout à fait sûre d'avoir compris de quoi on parle. Ce texte est déjà suffisamment fourre-tout ; voilà qu'on aborde à présent le contenu des programmes… Nous n'en finirons jamais. Même si je peux être d'accord avec certaines choses que j'ai entendues, pourquoi, dès lors, ne pas parler de l'importance de la musique et autre ?
Je rejoins nos collègues pour m'opposer à cet amendement. Je mets en garde ceux qui présentent ce type d'amendements. L'école éprouve d'ores et déjà presque une forme de réticence à aborder ces questions avec les élèves au motif que des attaques ont été commises par de personnes de certaines croyances et opinions hostiles à l'idée d'en parler. À force, des sujets sont en train de monter dans notre société, comme la prostitution des mineurs, sur lesquels l'école est de moins en moins capable de mettre des mots. Faites attention à ce que le respect excessif des convictions et opinions personnelles peut produire dans la société : c'est une vraie mise en garde !
Je vous remercie, monsieur le président, de m'accueillir dans votre commission.
Cet amendement relaie les questions, que l'on peut entendre, de certaines familles qui considèrent qu'il y a un âge pour tout et que certaines évocations sont sans doute prématurées pour de petits enfants. Cela n'enlève rien au respect dû à chaque personne. Parfois, les enfants ressortent de ces interventions avec beaucoup plus de questions que de réponses. Il faut être très prudent. C'est un amendement d'appel pour adapter ce que l'on enseigne dans nos écoles.
Cet amendement est totalement déconnecté du terrain. Il suffit de passer dans des établissements où l'on rencontre des élèves victimes d'abus sexuels, des jeunes filles qui tombent enceintes très jeunes pour comprendre l'importance de cet enseignement et la nécessité de le préserver.
À cela je pourrais répondre qu'à l'époque où il n'y avait pas d'éducation affective et sexuelle à l'école, les atteintes sexuelles étaient bien moins nombreuses. Je m'interrogerais plutôt sur cette recrudescence. Ce n'est pas en parlant de ces questions uniquement sous l'angle de la technique, dans une vision sombre des relations entre les hommes et les femmes, que l'on restaurera le sens du respect réciproque. Il faudrait nous interroger sur cette évolution que nous condamnons tous, pour savoir d'où elle vient, et si cette vision très abstraite, très technique est vraiment la réponse appropriée. Même si c'est un domaine compliqué, il y a beaucoup à faire ; il suffit d'en parler aux enseignants, ce n'est pas un sujet facile.
Enfin, quand j'entends dire que des familles ne sont pas capables d'élever leurs enfants, ce n'est pas la conception que je me fais de la famille. Toute famille est respectable.
Tout d'abord, je fais miens les arguments de Mme Victory. Il est exact que nous devons éviter d'aborder tous les sujets de l'école à l'occasion de cette loi. Elle ne prétend pas le faire.
Sur le sujet lui-même, pour ne pas l'éviter, je rappelle tout d'abord que tout ne relève pas de la loi. Ce qu'a dit jusqu'à présent la loi en la matière est bon et il n'y a donc pas de raison de le modifier : l'éducation à la sexualité est légitime et indispensable compte tenu des problèmes de société que nous connaissons, qu'ils soient sempiternels ou plus récents.
Comme vous le savez sans doute, j'ai élaboré une circulaire au mois de septembre de façon à clarifier la façon dont cet enseignement doit se passer, dans le cadre de la législation existante – la loi prévoit trois séances par an – et, comme vous l'avez dit les uns et les autres au-delà de vos différences, dans le respect de chaque âge de la vie : on ne dit pas la même chose en primaire, au collège et au lycée. Je pense qu'il existe un relatif consensus sur le fait qu'en primaire, le respect de son corps, le respect de soi et d'autrui doivent faire l'objet de messages très nets, y compris sur le plan moral, si vous me permettez l'expression. Par la suite, au collège et au lycée intervient une explicitation correspondant à chaque âge. C'est à présent assez ancré dans nos traditions scolaires, et consacré notamment dans le programme des sciences de la vie et de la terre.
Si nous voulons éviter des phénomènes tels que ceux qui ont été mentionnés, la prostitution des mineurs, les grossesses précoces, l'invasion de la pornographie comme mode d'entrée dans la connaissance de la sexualité pour un grand nombre de jeunes, et tout le reste, cette éducation progressive à la sexualité s'imposent. Ce pourrait être un sujet de consensus national, étant entendu que cette éducation ne résout pas tous les problèmes et qu'il faut conduire également d'autres types d'actions volontaristes – le travail des infirmières scolaires notamment est décisif en la matière –, y compris autour de l'école pour une action éducative de la société sur cette question. Ce disant, je ne crois pas être en contradiction avec ce que vous avez dit les uns et les autres.
La commission rejette cet amendement.
Elle examine ensuite l'amendement AC161 de Mme Sylvie Charrière.
L'enseignement moral et civique articule des valeurs et des savoirs multiples, à la fois littéraires, scientifiques, historiques et juridiques. Il permet de développer la culture morale et civique des élèves et de leur inculquer la faculté de discernement et d'appréciation des situations et des savoirs ainsi que la construction de leurs opinions propres et éclairées.
Le bien commun est une notion qui englobe un grand nombre de matières et de sujets tant au niveau philosophique qu'économique. Si, dans le cadre de l'EMC, il est question de l'insertion dans la société et de l'épanouissement intellectuel personnel de l'élève, qui se construit à travers les différents savoirs dispensés, il est également important de veiller à transmettre les valeurs attachées au bien commun et au collectif. Cet épanouissement individuel n'est en effet pas incompatible avec la prise de conscience d'évoluer en compagnie d'individus aux intérêts convergents.
Si un bulletin officiel de l'éducation nationale du 26 juillet 2018 intègre cette notion de bien commun dans l'EMC, il est important de veiller à ce que la question de l'engagement collectif au travers d'exemples concrets soit abordée. Ainsi, l'initiation à certains concepts et principes fondamentaux tels que la participation des individus à l'avancée de la société, la contribution de chacun à l'impôt, les droits et les devoirs envers les autres qui incombent à tous, et la défense de l'intérêt général doivent aussi être appréhendés à travers une étude concrète et pratique de l'application de ces principes.
Nous sommes d'accord sur l'importance de la notion de bien commun mais, comme vous l'avez rappelé, cela fait d'ores et déjà partie du programme de l'EMC tel qu'il a été arrêté le 27 juillet dernier. En outre, votre amendement entre dans le contenu des disciplines, ce qu'il ne nous appartient pas de le faire. Je demande le retrait de cet amendement, dans la mesure où il est satisfait ; à défaut, mon avis sera défavorable.
Selon moi, cela intervient dans le cycle 2 et non dans le cycle 3, qui est justement le moment où il me semble important d'envisager la société. Je retire mon amendement, mais je ne le crois pas entièrement satisfait.
L'amendement est retiré.
La commission examine les amendements identiques AC25 de M. Patrick Hetzel et AC91 de M. Xavier Breton.
L'objectif de mon amendement AC25 est de bien indiquer dans le code de l'éducation que les institutions ne peuvent que suppléer ou accompagner les familles dans la mission éducative.
Il faut en effet réfléchir sur le terme de « coéducation », qui établit en fait une confusion des rôles entre les familles et l'État. Ce sont les parents qui sont les premiers éducateurs des enfants et seulement ensuite l'État, par délégation pourrait-on dire. Mais lorsqu'on dit que la tâche de l'éducation est assurée « conjointement » par les familles et l'État, on les place au même niveau. Nous pensons que c'est une erreur et c'est pourquoi nous préférons écrire, comme proposé dans l'amendement AC91, que l'État accompagne la tâche d'éducation qui lui est confiée par les parents.
La coéducation, c'est l'éducation que l'on reçoit dans sa famille et à l'école, chacune à sa place. Vous proposez de prévoir pour l'EMC un simple accompagnement des familles par l'école. Or l'école de la République est tout à fait fondée à dispenser un tel enseignement, à former des citoyens et à faire partager aux élèves les valeurs de la République. Avis défavorable.
Il est réducteur d'imaginer que l'éducation à la citoyenneté ne se ferait qu'à l'école. Je reste convaincu que les familles et les parents ont aussi un rôle à jouer en la matière. On parlait il n'y a pas encore si longtemps d'instruction publique, et cela avait du sens. Le ministre lui-même, à plusieurs reprises, dans ses ouvrages et dans des déclarations publiques, indiquait être favorable à l'emploi de cette expression, car ce sont deux éléments de nature complémentaire mais différente. Nous réfutons le terme de « coéducation ».
Je n'avais pas prévu de prendre la parole mais nous sommes sur des questions de principe, qu'il est toujours bon de clarifier.
La distinction entre instruction et éducation est pertinente car ce sont en effet deux choses différentes. Deux conceptions s'opposent, l'une et l'autre respectables mais entre lesquelles il faut bien trancher. L'une consiste à penser que l'instruction est le rôle de l'école et l'éducation celui des familles. Je pense que cette conception est très difficile à suivre car si l'école n'assume pas une partie de l'éducation – certainement pas la totalité –, cela peut exposer à bien des problèmes. On peut contester cette approche mais pour ma part, je l'assume complètement. Le terme de « coéducation » renvoie à cette coresponsabilité de la famille et de l'école.
Ce terme me paraît d'autant plus pertinent qu'il insiste sur un point majeur pour la réussite de notre système éducatif : la convergence de la famille et de l'école. Nous devons travailler à faire converger les valeurs des familles et celles de l'école, ce qui n'est pas toujours le cas. Les pays qui vont mieux que nous sur le plan scolaire sont souvent des pays où la participation des parents dans la vie courante de l'école est beaucoup plus naturelle, pas seulement pour donner un avis, mais aussi pour agir. C'est tout le contraire de la déresponsabilisation et c'est bien cela qui se trouve derrière la coéducation. Voilà pourquoi ce concept me semble sain, et aucunement contradictoire avec l'idée de bien distinguer ce qui relève de l'instruction et de l'éducation.
La commission rejette ces amendements.
Elle examine ensuite l'amendement AC238 de M. Philippe Berta.
L'utilisation des outils numériques peut favoriser certains apprentissages. En revanche, une exposition excessive aux écrans peut générer des conséquences néfastes sur le développement du cerveau, l'apprentissage des compétences fondamentales, la concentration ou encore le bien-être des enfants. Selon une étude IPSOS de 2017, les 13-19 ans passent en moyenne quinze heures onze par semaine sur internet, les 7-12 ans en moyenne six heures dix et les 1-6 ans en moyenne quatre heures trente-sept. La connaissance des risques engendrés par la dépendance aux écrans fait partie des savoirs fondamentaux que l'école doit garantir pour tous. Dans le prolongement de l'adoption de la loi interdisant l'utilisation du téléphone portable dans les collèges, il est ainsi proposé par cet amendement d'introduire un nouveau chapitre relatif aux savoirs fondamentaux numériques afin de renforcer l'éducation aux risques de la dépendance aux écrans.
Nous partageons votre préoccupation sur les savoirs fondamentaux numériques, mais j'émettrai un avis défavorable sur cet amendement comme sur tous ceux qui suivent dans la mesure où ils me semblent tous satisfaits par les actuelles dispositions du code de l'éducation.
Je regrette la position de notre rapporteure car je trouve que c'est un excellent amendement pour utiliser le numérique à bon escient. Je le voterai.
La commission rejette cet amendement.
Puis la commission est saisie de l'amendement AC479 de M. Frédéric Reiss.
Je tiens à défendre cet amendement, même si Mme la rapporteure a d'ores et déjà émis un avis négatif… Les technologies numériques entraînent une profonde mutation dans nos sociétés ; lorsqu'elles sont utilisées à l'école, elles doivent l'être de manière appropriée, responsable et intelligente. Leur utilisation n'est pas toujours sans danger. Il convient donc d'agir sur la sécurité et la protection de l'environnement numérique dans les écoles. C'est pourquoi je propose un amendement ainsi rédigé : « L'utilisation du numérique en classe, notamment en matière de protection des données personnelles, est sécurisée. Une information claire sur le cadre réglementaire est faite à destination des inspecteurs, des personnels académiques chargés du numérique, des chefs d'établissement et des enseignants. »
Comme je l'indiquais, cet amendement est satisfait. À la suite de l'entrée en application du règlement européen général sur la protection des données (RGPD), un délégué national et des délégués académiques à la protection des données ont été désignés. Des formations sur la question des données sont également offertes aux enseignants dans le cadre de la formation continue. Le réseau de création et d'accompagnement pédagogiques Canopé a par ailleurs réalisé un livret distribué à tous les chefs d'établissements et disponible en ligne, pour répondre aux principales questions auxquelles ceux-ci peuvent être confrontés. Avis défavorable.
La commission rejette cet amendement.
Elle examine ensuite les amendements identiques AC20 de M. Patrick Hetzel et AC75 de M. Xavier Breton ainsi que les amendements identiques AC27 de M. Patrick Hetzel et AC93 de M. Xavier Breton.
Dans le sens à la fois de M. Berta et de M. Reiss, mon amendement AC20 propose d'inscrire explicitement dans le code de l'éducation le fait que l'éducation au numérique inclut un volet « prévention et gestion de l'image numérique ». Dans le même esprit, mon amendement AC27 prévoit également une sensibilisation aux risques d'un usage non raisonné des outils numériques. Le fait que de plus en plus de jeunes passent beaucoup d'heures devant les écrans pose un certain nombre de problèmes, comme le montrent de nombreuses études nationales et internationales.
Mes amendements AC75 et AC93 ont le même objet. L'enseignement du numérique doit en effet absolument comprendre un volet prévention permettant d'éduquer les enfants et de les sensibiliser aux risques d'un usage non raisonné des outils numériques. Nous savons qu'il y a trop de tentations sur les réseaux et que certaines mauvaises utilisations de ces réseaux ou des messageries peuvent mettre en péril la sécurité de nos enfants.
Comme je l'indiquais, l'avis est défavorable, non sur le fond mais parce que tous ces amendements sont satisfaits.
La commission rejette successivement ces amendements.
Elle examine ensuite l'amendement AC243 de M. Philippe Berta.
Si j'insiste, c'est parce que je me suis récemment immergé dans différentes classes de CM2 et que cela a été l'unique thème de discussion que j'ai eu avec ces enfants. Je remets donc le couvert.
La lutte contre les fausses informations passe par une sensibilisation à ces enjeux auprès des publics les plus jeunes, qui sont aussi les plus influencés. Il convient donc de mener une action à destination de ce public pour lui donner la capacité de juger de la fiabilité ou non d'une information. Faire usage d'esprit critique ne se décrète pas, cela s'apprend. Nous savons tous qu'il ne peut y avoir de démocratie sans l'existence d'organes d'information libres et de journalistes et reporters, profession qu'il faut valoriser aux yeux des plus jeunes. Tel est l'objet de cet amendement.
Avis défavorable. Cet amendement est également satisfait depuis l'adoption de la loi du 22 décembre 2018 sur la lutte contre la manipulation de l'information. L'article L. 312-15 prévoit que, dans le cadre de l'enseignement moral et civique, les élèves sont formés afin de développer une attitude critique et réfléchie vis-à-vis de l'information disponible, et qu'ils sont informés des moyens de vérifier la fiabilité d'une information. L'article L. 332-5 prévoit quant à lui une éducation aux médias et à l'information pour tous les collégiens, qui comprend une formation à l'analyse critique de l'information disponible.
Je ne parlais pas du collège car le problème existe déjà avant. Je suis allé voir deux classes dans le cadre du Parlement des enfants, qui présenteront chacune séparément une proposition de loi sur ce thème, et je me suis aperçu qu'entre 60 et 70 % des enfants de cours moyen avaient un téléphone portable dans leur poche. Il faut donc que l'information ait lieu bien avant le collège.
La commission rejette cet amendement.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, elle rejette ensuite l'amendement AC237 de M. Philippe Berta.
Puis elle examine l'amendement AC71 de M. Xavier Breton.
Les amendements précédents ont été refusés parce qu'ils seraient satisfaits par une bonne pratique de l'éducation numérique. Je propose donc de faire un bilan de cette éducation numérique dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la loi, qui nous permettra de voir de quelle manière cette éducation numérique se fait, et s'il y a ou non des choses à améliorer. Au vu de vos précédentes réponses, madame la rapporteure, vous pourrez difficilement vous opposer à cette demande.
L'ancien président et rapporteur de la mission d'information sur l'école dans la société du numérique pourrait anticiper la réponse de Mme la rapporteure…
Je vous le confirme, monsieur le président ! De nombreux rapports ont déjà été commis sur cette question, dont l'excellent rapport de la mission d'information « L'école dans la société du numérique », dont notre président était tout à la fois président et rapporteur, qui a rendu ses conclusions en septembre dernier. Avis défavorable.
L'amendement est retiré.
La commission est saisie des amendements identiques AC17 de M. Patrick Hetzel et AC70 de M. Xavier Breton.
Au Québec, en Finlande ou encore au Japon, les élèves, étudiants ou apprentis reçoivent au cours de leur cursus une éducation à l'entrepreneuriat. L'objectif de l'amendement AC17 est de prévoir un tel dispositif dans notre code de l'éducation de façon à faire évoluer les pratiques en la matière.
Mon amendement AC70 a le même objet. Nous souffrons dans notre pays, on le sait, d'une méconnaissance des réalités économiques. Y remédier commence par une initiation des écoles à cet esprit d'entreprise.
Des expériences de « mini-entreprises » sont déjà menées dans plusieurs académies. Elles permettent à des collégiens, des lycéens et des apprentis de se rassembler autour d'un projet entrepreneurial en étant encadrés par des enseignants. Je ne pense pas qu'il soit utile de rendre ces expériences obligatoires dans la mesure où, comme toute expérimentation, elles reposent sur une adhésion des élèves et des équipes éducatives pour être véritablement fructueuses. C'est la raison pour laquelle je ne suis pas favorable à ce qu'il en soit fait mention dans la loi.
Dans la plupart des cas, les mini-entreprises produisent des résultats positifs. Lorsqu'une expérimentation porte ses fruits, il faut la généraliser. Nous demandons simplement la généralisation de ces bonnes pratiques, ni plus ni moins.
Chaque établissement, chaque équipe éducative est libre de mener ses expériences de mini-entreprises comme ils l'entendent et, le cas échéant, d'en multiplier le nombre par dix, cent ou mille. Je veux seulement dire que ces expériences ne sont efficaces que si elles procèdent du choix des équipes éducatives. Il ne me semble pas pertinent de le leur imposer par la loi – pas davantage que bon nombre « d'éducations à ».
Je rejoins M. Hetzel : à partir de quand une notion entre-t-elle dans un programme ? La mini-entreprise est en effet un levier pédagogique pertinent pour aborder la notion d'entrepreunariat et elle est déjà largement déployée dans le pays. Puisqu'il est avéré qu'elle porte ses fruits, quand pourra-t-elle – par souci d'équité – franchir la barrière de son inclusion dans le programme ? Nous sommes nombreux ici à penser que le monde de l'économie doit pénétrer davantage celui de l'école afin que des notions de base soient abordées, en particulier au collège. Il me semble judicieux d'en parler sous l'angle de l'entrepreunariat.
Ne nous méprenons pas sur la définition de l'entrepreunariat : il ne s'agit pas de transformer chaque élève en chef d'entreprise, mais simplement de lui inculquer les compétences qui lui permettront d'entreprendre sa vie, qu'il s'agisse d'un projet au service de la société, de la création d'une entreprise ou d'autre chose. Or cela, nous ne le faisons pas assez. Je ne suis pas certaine qu'il faille aborder la question dans la loi, mais il faut étendre cette possibilité de sorte que tous les élèves puissent y accéder.
À entendre Mme Calvez, il s'agirait donc de former la créativité et l'esprit d'initiative – ce que l'école est déjà censée faire. Je ne suis pas sûre qu'il soit nécessaire de le préciser, surtout sous cette forme. En tout état de cause, vous m'avez donné des idées d'amendements en vue de la séance pour que l'éducation donne à chacun une idée de ce qu'est le syndicalisme, le salariat, la créativité… Je vous en remercie !
Ces expériences se multiplient depuis déjà plusieurs années dans les collèges et les lycées de l'ensemble du pays. Ouvrir les élèves à la notion d'entreprendre, cela s'appelle le « start-up collège » et le « start-up lycée », il en existe partout ; même les lycées français à l'étranger adhèrent à ces pratiques.
J'ai siégé la semaine dernière, avec le sous-préfet de ma circonscription, dans un jury d'évaluation de ces mini-entreprises, et je me suis entretenu avec une association qui organise des activités de ce type dans les collèges et les lycées dans le but de développer les valeurs et les compétences liées à l'esprit d'entreprise – la solidarité, le travail en équipe, la créativité. Il est important de développer toutes ces valeurs par des projets transversaux à l'école. Mais nous nous devons d'éviter les lois trop bavardes, et je ne suis pas certain que cette disposition soit proposée à l'endroit qui convient le mieux.
Nous devons en effet prendre garde à l'accumulation des « éducations à » : nous pourrions échanger sur une dizaine de sujets dont nous conviendrions de la pertinence. J'y vois toutefois deux obstacles : d'une part, ce projet de loi ne concerne pas tout ; ensuite, la loi n'est pas destinée à consacrer toutes les « éducations à », par ailleurs tout à fait légitimes. Si nous insistons autant sur les savoirs fondamentaux, c'est précisément pour ne pas sombrer dans l'accumulation des priorités et pour distinguer clairement entre les cercles concentriques des savoirs que l'école doit transmettre.
L'éducation à l'entrepreunariat doit en effet être promue et elle l'est, notamment dans l'enseignement professionnel – c'est l'un des effets du rapport de M. Régis Marcon et de Mme Céline Calvez sur l'enseignement professionnel. Parallèlement, les expériences de mini-entreprises et autres sont en cours de déploiement. Mais à mes yeux, elles ne relèvent pas de la loi.
La commission rejette les amendements.
Elle passe à l'amendement AC94 de M. Xavier Breton.
Nous convenons tous de l'intérêt que présente l'apprentissage d'une langue vivante, mais il faut également s'interroger sur les résultats des enfants en fin du cycle primaire : 25 % des élèves ont des acquis fragiles et 15 % connaissent des difficultés sévères ou très sévères. L'enseignement systématique d'une langue vivante dès le début de la scolarité obligatoire doit-il vraiment être prioritaire alors que des lacunes profondes subsistent dans les matières essentielles – écriture, grammaire, calcul –, qui perdurent toute la vie ? L'amendement AC94 vise à ouvrir le débat sur les priorités de l'école primaire.
Le temps d'enseignement des langues vivantes étrangères à l'école élémentaire est d'une heure et demie par semaine. Dans leur grande majorité, les pays européens ont inscrit l'enseignement précoce des langues étrangères dans leurs programmes. Plus on apprend tôt une langue étrangère, plus on est susceptible de la parler couramment à l'âge adulte.
Précisons que l'enseignement d'une langue étrangère n'entre aucunement en contradiction avec l'apprentissage des fondamentaux, et que les apprentissages se nourrissent mutuellement. Celui d'une langue étrangère peut même faciliter l'apprentissage dans d'autres disciplines, y compris de sa langue maternelle. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AC179 de M. Jean-François Cesarini.
Les nombreux signataires de cet amendement souhaitent que chaque élève puisse quitter le système scolaire en ayant accompli la formation prévention et secours civique de niveau 1 (PSC1). Cet apprentissage n'est pas encore obligatoire, contrairement à celui du code de la route. Nous ferions ainsi des élèves non seulement des « sachants » mais aussi des citoyens susceptibles de sauver des vies au plus près et au plus vite, surtout dans un pays qui subit de fortes vagues de terrorisme. C'est un signal de fraternité. Encore une fois, les élèves ne doivent pas être que des « sachants » mais aussi des « faisants » capables d'aider les autres.
Votre amendement est satisfait : l'article L. 312-13-1 du code de l'éducation prévoit que « tout élève bénéficie, dans le cadre de sa scolarité obligatoire, d'une sensibilisation à la prévention des risques et aux missions des services de secours ainsi que d'un apprentissage des gestes élémentaires de premier secours ». Avis défavorable.
Je profite de la défense de cet amendement pour rappeler que le code de l'éducation prévoit en effet l'apprentissage des gestes de premier secours, en particulier la formation prévention et secours civique de niveau 1. C'est très important : au fil des derniers amendements, nous avons abondamment abordé les compétences du socle commun – savoir lire, écrire, compter, mais aussi respecter autrui, comme le rappelle souvent monsieur le ministre, ou encore savoir nager et bientôt rouler, puisque cette compétence sera elle aussi intégrée au socle commun. Rappelons donc que l'éducation nationale forme les élèves aux gestes de premier secours pendant leur scolarité – c'est d'autant plus important que l'on entend parfois dire que cette formation devra être assurée dans le cadre du futur service national universel. Au contraire : cette formation doit avoir lieu bien plus tôt, dès le collège ; c'est le rôle de l'éducation nationale.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement AC339 de Mme Danièle Obono.
L'amendement AC339 est similaire au précédent. Chaque année, des milliers de vies pourraient être sauvées si davantage de nos concitoyens étaient formés aux gestes de premier secours. Savoir faire face à un arrêt cardiaque, à une hémorragie, à une perte de connaissance ou à une plaie grave permet de maximiser les chances de survie de la victime en attendant l'arrivée des secours. Jusqu'à présent, de courts modules de formation sont déjà proposés dans certaines classes, à l'école, au collège ou au lycée. Cela étant, ces dispositifs restent insuffisants car l'apprentissage des gestes de base de premier secours nécessite des rappels réguliers afin de préserver les connaissances acquises. La formation au code de la route participe également de l'émancipation de notre société. Aujourd'hui, le véhicule personnel reste un moyen de déplacement largement utilisé et bien souvent incontournable. Or beaucoup de nos concitoyens ne peuvent assumer le coût de la formation au permis de conduire.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine, en discussion commune, les amendements AC192 de M. Frédéric Reiss et AC86 de M. Xavier Breton.
Au cours des dernières décennies, le temps de sommeil moyen des enfants a diminué. Chaque année, les enfants de trois à dix ans perdent dix minutes de sommeil par nuit. L'amendement AC192 rendrait service aux familles en prévoyant qu'une information soit régulièrement délivrée aux élèves, parents, enseignants et éducateurs concernant le rôle fondamental d'un sommeil de qualité, qui a un effet sur les performances physiques et intellectuelles des enfants.
Ces amendements sont satisfaits : l'information en question est donnée aux enfants dans le cadre du parcours éducatif de santé prévu à l'article L. 541-1 du code de l'éducation. De plus, la fameuse mallette des parents contient une information sur l'importance du sommeil pour la qualité des apprentissages et rappelle les durées de sommeil recommandées par tranche d'âge. Je partage tout à fait votre avis sur l'importance de cette question.
Plutôt que de rappeler ce point dans la loi, mieux vaudrait s'assurer que la médecine scolaire a les moyens d'exercer ses missions et que les départements ne vident pas les services de protection maternelle et infantile des médecins, en particulier ceux qui réalisent les bilans de quatre ans. Voilà qui permettrait de faire passer au mieux l'information auprès des élèves, parents, enseignants et éducateurs.
La commission rejette successivement les amendements.
Je vous propose, chers collègues, d'examiner les cinq amendements suivants puis de suspendre la séance pour quelques minutes, de manière à respecter le principe de la pause après deux heures de route. (Sourires.)
La commission examine l'amendement AC359 de M. Michel Larive.
Cet amendement vise à intégrer l'apprentissage de l'alimentation et de la nutrition dans les enseignements scolaires. En effet, savoir se nourrir correctement devrait être enseigné à l'école, parce que c'est un apprentissage fondamental. De nombreuses familles dispensent à leurs enfants une culture culinaire familiale et traditionnelle, qu'elle soit française ou venue d'ailleurs. Cet apprentissage familial est inestimable et fait souvent partie de la culture personnelle à laquelle on est le plus attaché : les goûts, les odeurs, les couleurs de l'enfance.
Toutefois, cet apprentissage familial ne comprend pas la dimension nutritionnelle pourtant indispensable, étant donné nos modes de vie qui comprennent de plus en plus d'aliments transformés et ultra-transformés. L'équilibre nutritionnel, la compréhension des étiquettes, la connaissance des méfaits et des bienfaits des aliments sur la santé, ou encore la proportion convenable de chaque aliment sont autant de notions que peu de personnes maîtrisent du fait de l'absence de cet apprentissage vital d'une part et du poids de l'agro-industrie et de son marketing d'autre part. C'est à l'État qu'il revient d'assurer cet apprentissage de base pour tous les enfants afin de résorber les inégalités sociales alimentaires.
Avis défavorable, dans la mesure où cet amendement est satisfait. De même que les enfants bénéficient déjà d'une information sur le sommeil, ils bénéficient d'une éducation à l'alimentation et à la nutrition en cohérence avec le programme national relatif à la nutrition et à la santé et avec le programme national pour l'alimentation.
La commission rejette l'amendement.
Elle passe à l'amendement AC405 de Mme George Pau-Langevin.
Cet amendement vise à réaffirmer l'objectif de mixité sociale dans les établissements privés. Nous défendons naturellement la mixité sociale dans les établissements publics mais ceux-ci font l'essentiel de l'effort nécessaire pour assurer la mixité scolaire. Nous ne parviendrons pas à réaliser cet objectif sans demander aux établissements privés de prendre leur part à cette lutte essentielle.
Comme beaucoup d'autres, ce sujet exige du dialogue et de la concertation, du respect et de la confiance. Un dialogue pourrait se nouer avec l'enseignement catholique pour faire progresser la mixité scolaire, car je crois tout comme vous qu'il s'agit d'un sujet d'importance croissante dans le débat public. C'est sans doute pour cette raison que le secrétaire général de l'enseignement privé catholique a affirmé le 4 octobre qu'il incombait à l'enseignement catholique de réfléchir à son rôle en matière de mixité sociale, et qu'il s'est dit ouvert à la possibilité d'une intégration dans les dispositifs d'éducation prioritaire. Les choses avancent dans le bon sens, dans le dialogue et la confiance, sans qu'il soit encore besoin de contraindre ou de légiférer. Avis défavorable.
C'est un amendement extrêmement important sur lequel nous aurons l'occasion de revenir à l'article 4, lorsque nous aborderons la question de l'instruction obligatoire à trois ans – à laquelle nous sommes favorables même si elle aura une incidence sur le déséquilibre de financement entre l'école publique et l'école privée, puisque celle-ci bénéficiera d'un montant important, de l'ordre de 150 millions d'euros, sans aucune contrepartie. Il me semble donc très intéressant d'introduire la notion de mixité sociale, inexistante aujourd'hui dans l'enseignement privé, d'où des déséquilibres profonds entre les établissements scolaires selon qu'ils sont publics ou privés. Je rappelle que cette proposition a déjà été formulée dans le rapport transpartisan du Comité d'évaluation et de contrôle qu'ont rédigé nos collègues Yves Durand et Rudy Salles sous la précédente législature.
Je m'inscris en faux contre cette idée un peu simpliste qui voudrait que les établissements publics soient les garants d'une mixité qui n'existerait pas dans les établissements privés. J'observe dans ma circonscription que certains établissements privés se trouvent dans des quartiers prioritaires de la politique de la ville ou dans des territoires ruraux où des communes sont classées en zone de revitalisation rurale. On y constate une sacrée mixité ! Ce n'est pas le cas partout, mais la réciproque est aussi vraie : il existe des établissements publics plutôt élitistes, avec très peu de mixité sociale. Faisons donc attention à ce que sous-tendent les interventions précédentes.
La commission rejette l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement AC2 de M. Patrick Hetzel.
L'insertion professionnelle est une préoccupation pour l'ensemble des acteurs du système éducatif. L'amendement vise à l'ajouter au code de l'éducation.
Les dispositions actuelles du code de l'éducation tiennent déjà largement compte de cette préoccupation. Ainsi, l'article L. 111-1 prévoit que le « droit à l'éducation est garanti à chacun afin de lui permettre de développer sa personnalité, d'élever son niveau de formation initiale et continue, de s'insérer dans la vie sociale et professionnelle, d'exercer sa citoyenneté » ; l'article L. 111-2 dispose que la formation scolaire « prépare à la vie professionnelle » et à l'exercice des responsabilités d'homme et de citoyen ; l'article L. 121-4, que les enseignements scolaires et universitaires ont pour objet de « préparer à une qualification et de concourir à son perfectionnement et à son adaptation au cours de la vie professionnelle » ; l'article L. 122-1-1, que le socle commun de connaissances, de compétences et de culture « doit permettre la poursuite d'études, la construction d'un avenir personnel et professionnel et préparer à l'exercice de la citoyenneté » ; enfin, l'article L. 331-7 prévoit que « l'orientation et les formations proposées aux élèves tiennent compte du développement de leurs aspirations et de leurs aptitudes et des perspectives professionnelles liées aux besoins prévisibles de la société, de l'économie et de l'aménagement du territoire ».
En clair, la question de l'insertion professionnelle est d'ores et déjà largement présente dans le code de l'éducation. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement AC340 de Mme Caroline Fiat.
L'enseignement religieux est interdit à l'école publique sur l'ensemble du territoire, sauf en Alsace-Moselle : dans ces trois départements, la norme qui prévaut est celle d'une heure d'enseignement religieux par semaine. Pour s'y soustraire, il faut adresser une demande au rectorat et, si l'enfant est en primaire, il doit suivre une heure d'enseignement moral à la place.
Nombreux sont les élèves ou leurs représentants légaux qui demandent à ne plus suivre ce cours. En Moselle, seuls 59 % des écoliers, 20 % des collégiens et 1,5 % des lycéens sont inscrits en religion, et ces inscriptions sont en baisse. Du CP au CM2, les cours de religion privent les écoliers de 180 heures de cours ! Dans un avis de mai 2015, l'Observatoire de la laïcité nous apprend que certains parents reçoivent des courriers de responsables religieux les incitant à ne pas dispenser leurs enfants d'enseignement religieux.
Par cet amendement, nous nous opposons fermement à ce que l'enseignement religieux soit obligatoire dans toutes les écoles d'Alsace-Moselle. Le droit local ne devrait pas être au-dessus de certains principes fondamentaux de notre République tels que la laïcité. Rappelons que l'enseignement religieux n'a rien à voir avec l'enseignement laïque des faits religieux. Si enseignement religieux il y a, cela doit se faire sur demande de l'élève ou de son représentant légal, mais les élèves désireux de ne pas suivre cet enseignement ne doivent pas être tenus de demander une dispense.
Dans sa décision du 5 août 2011 relative à une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), le Conseil constitutionnel a fait du respect du droit local applicable dans les trois départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle un principe fondamental reconnu par les lois de la République. Il a également reconnu la conformité à la Constitution de la loi du 18 germinal an X dans sa décision QPC du 21 février 2013, dans laquelle il a affirmé qu'en « proclamant que la France est une République laïque, la Constitution n'a pas pour autant entendu remettre en cause les dispositions législatives ou réglementaires particulières applicables dans plusieurs parties du territoire de la République lors de l'entrée en vigueur de la Constitution et relatives à l'organisation de certains cultes et, notamment, à la rémunération de ministres du culte ».
En outre, le régime concordataire est profondément enraciné dans l'histoire de l'Alsace-Moselle ; il ne me paraît pas opportun de saisir l'occasion de ce texte pour le remettre en cause.
J'ajoute à l'excellente intervention de la rapporteure que l'Alsace-Moselle n'est pas la seule concernée : des dispositifs particuliers s'appliquent également dans plusieurs territoires d'outre-mer. Si vous voulez ranimer la guerre scolaire, faites, mais pour ma part, je préfère la paix…
Dans le prolongement du propos de M. de Courson, je rappelle que ce projet de loi s'intitule « pour une école de la confiance ». Comme l'a dit Mme la rapporteure, cette confiance se construit. Nous sommes nombreux à être très attachés au maintien du droit local. En tout état de cause, le vecteur législatif ne suffirait pas puisque ce dispositif est inscrit dans le préambule de la Constitution de 1958. Nous ne pourrions donc pas nous contenter d'agir au niveau législatif – et c'est tant mieux !
J'entends vos arguments, monsieur Hetzel, et vous avez raison. Néanmoins, cet amendement d'appel visait à dénoncer cette exception territoriale, la non-unicité des pratiques de laïcité sur le territoire national et ce concordat. Certes, pour changer cet état de fait, il faudra en effet changer la Constitution. Mais ce n'est pas parce que cela existe que cela est bien.
La commission rejette l'amendement.
Elle passe à l'amendement AC338 de Mme Caroline Fiat.
Allons plus loin encore : depuis quasiment un siècle, une aberration juridique persiste dans l'État français – le concordat qui lie l'État au Vatican et l'oblige à en être tributaire. Dans un État laïque, cet état de fait est impensable. La disparité régionale qui en résulte fragilise le lien de confiance des citoyens envers l'école. Par ailleurs, cette mesure est coûteuse pour l'État. Nous proposons donc des postes d'économies au gouvernement dans le titre III du présent projet de loi, intitulé « Améliorer la gestion des ressources humaines ».
Cette proposition est cohérente avec « L'avenir en commun », le programme de La France insoumise. Elle répond à la volonté d'aboutir enfin à une réelle séparation entre l'Église et l'État et de couper les subventions aux cultes qui pèsent sur les contribuables français, qui peuvent à titre personnel décider ou non de faire des dons aux organisations religieuses qu'ils souhaitent soutenir – de ce fait, cette aide de l'État n'est pas nécessaire. Par conséquent, nous proposons d'abroger les accords liant la France au Vatican ainsi que la loi locale du 12 février 1873 qui en découle. Ces abrogations aboutiraient à priver d'effet l'ordonnance en date du 10 juillet 1873 prise pour son application.
Je ne suis pas sûre d'être cohérente avec le programme de La France insoumise, mais je serai cohérente avec ma réponse à l'amendement précédent… Avis défavorable.
Puis-je rappeler à M. Larive que son amendement a déjà été déposé en 1924, par certains extrémistes. Savez-vous ce qui s'est passé ? De grandes manifestations ont eu lieu en Alsace pour demander le rattachement à l'Allemagne, alors que la région venait de redevenir française ! Quand on dépose des amendements de la sorte, il faut tout de même faire un peu attention et connaître le passé.
Le rattachement à l'Allemagne… Vous aussi, cher collègue, faites attention à ce que vous dites.
La commission rejette l'amendement.
La séance, suspendue à vingt-trois heures vingt, est reprise à vingt-trois heures trente-cinq.
Article 2 : Instruction obligatoire à partir de trois ans
La commission examine les amendements identiques AC104 de M. Patrick Hetzel, AC121 de M. Xavier Breton, AC173 de M. Thibault Bazin et AC505 de M. Frédéric Reiss.
L'article 2 vise à abaisser l'âge de début de l'obligation d'instruction à trois ans. M. le ministre s'en est expliqué et a insisté sur ce point. Nous sommes un certain nombre à considérer que le fait de rendre l'instruction obligatoire à cet âge est par trop coercitif. La scolarisation est obligatoire à partir de six ans, et nous partons du principe que pendant la période allant de trois à six ans, il faut laisser aux familles la possibilité de décider – nous avons déjà débattu de cette question. Pour nous, c'est un point dur, car nous sommes extrêmement attachés à la liberté de choix des familles ; il y va également de la relation entre la sphère familiale et la sphère étatique. Nous y voyons une forme d'ingérence qui ne nous paraît pas souhaitable à cet âge.
Nous aurons l'occasion de nous interroger sur les modalités pratiques de l'abaissement de l'âge de l'instruction obligatoire. Vous citez souvent des exemples étrangers mais, en l'occurrence, ils vont dans l'autre sens ; peut-être nous vanterons-nous d'être les premiers mais mieux vaudrait se demander pourquoi !
En pratique, en effet, une telle disposition ne tient aucun compte du rythme d'évolution des enfants. Nous proposerons l'âge de cinq ans par des amendements de repli – c'était d'ailleurs l'âge que proposait un des candidats à l'élection présidentielle, car c'est l'âge de l'éveil et de la curiosité. L'âge de trois ans, au contraire, est beaucoup moins compatible avec les contraintes liées à l'instruction obligatoire, en termes d'assiduité notamment.
La seule réponse à laquelle s'attendre est évidemment de nature idéologique : cette proposition figurait dans le programme socialiste, puisque la ministre de l'éducation, Najat Vallaud-Belkacem, la préconisait, et elle a été reprise dans le programme de Benoît Hamon et dans celui de Jean-Luc Mélenchon. Au fond, les socialistes en rêvaient et c'est vous qui le ferez. Nous avons sur l'éducation et sur le rôle de l'État, dont nous refusons la tutelle sur les familles, des conceptions radicalement différentes. Il n'y a dès lors que deux options et aucun juste milieu. À l'évidence, en assumant le choix de fixer à trois ans l'âge de l'instruction obligatoire, nous nous dirigeons vers la nationalisation, ou plutôt l'étatisation de l'éducation dans toutes ses composantes. Si l'âge est fixé à trois ans aujourd'hui, pourquoi pas deux ans un jour, voire un an, voire dès la naissance ? Aucun argument ne justifie le choix de l'âge de trois ans.
Mon amendement AC173 propose également de supprimer l'article 2. La scolarisation des enfants dès l'âge de trois ans pose plusieurs problèmes ; ce n'est d'ailleurs pas pour rien qu'aucun de nos pays voisins n'a instauré la scolarisation à temps plein obligatoire dès cet âge. Cette obligation constitue un frein à la liberté des parents qui sont responsables de leurs enfants, donc à même de savoir ce qui leur convient le mieux en fonction de leur âge et de leur degré de fatigue.
La scolarisation obligatoire soumet les enfants à des règles d'assiduité qui jusqu'à présent n'entraient en vigueur qu'à partir du CP. De fait, beaucoup de parents choisissent de déposer leurs enfants à l'école seulement le matin durant la première, voire la deuxième année de l'école maternelle afin de leur éviter une fatigue évidente. Car les parents connaissent leurs enfants et leur niveau de fatigue.
Qui plus est, cette scolarisation obligatoire dès l'âge de trois ans demandera plus d'encadrement, particulièrement l'après-midi, puisque cela avait été anticipé, alors que les effectifs d'enseignants sont souvent insuffisants en maternelle où le nombre des enfants peut excéder trente par classe. Sans parler de Mayotte ou de la Guyane – situations que vous connaissez parfaitement, monsieur le ministre.
Si on prend vraiment en considération l'intérêt de l'enfant, l'école ne doit pas être rendue obligatoire toute la journée, matin et après-midi, pour tous les enfants de trois ou quatre ans.
Bien entendu, mon amendement AC505 propose également la suppression de cet article.
Le tableau comparatif sur la scolarité obligatoire figurant dans l'étude d'impact montre que l'Estonie ou la Finlande, respectivement troisième et cinquième dans le classement PISA, ont fixé l'âge de l'enseignement obligatoire à sept ans. Ce qui montre qu'une scolarité précoce n'est pas nécessairement la garantie d'une meilleure réussite scolaire.
En revanche, nous partageons le souci d'atténuer les inégalités liées au milieu social de l'enfant, mais posons-nous la question : l'État serait-il incapable de conduire une politique cohérente et ambitieuse de la petite enfance permettant à de jeunes enfants de s'épanouir, ainsi qu'une politique familiale offrant un réel soutien aux familles ? L'école semble donc ne pas faire confiance aux familles pour éduquer les enfants de trois ans. J'ai parlé de l'importance du sommeil, et Thibault Bazin vient de rappeler le problème de la fatigue que l'obligation d'assiduité ne manquera pas de poser ; cet article crée donc plus de difficultés qu'il n'en résout.
Je rappelle que 98,9 % des enfants de trois ans sont déjà scolarisés et que les 26 000 qui ne le sont pas viennent, en grande majorité, de milieux défavorisés. Ces enfants-là aussi doivent pouvoir bénéficier d'un enseignement préélémentaire. De plus en plus d'études portant sur la petite enfance, domaine longtemps inexploré, tendent à prouver que les inégalités se forment très tôt, à ces âges justement. Certaines inégalités sont flagrantes avant l'âge de six ans, c'est-à-dire au moment où les enfants entrent au CP.
Il est donc important que les enfants puissent bénéficier de cet enseignement préélémentaire de façon à se trouver dans un environnement propice au développement de la langue parlée, du langage et de l'acquisition du vocabulaire : autant de gages d'un apprentissage facilité de la lecture et des fondamentaux que l'on peine à récupérer une fois les retards accumulés.
L'esprit de cet article est de lutter contre les inégalités précoces et de garantir à tous les enfants de trois ans des conditions d'accueil, d'éveil et d'apprentissage destinées à réduire ces inégalités.
Pour toutes ces raisons, avis défavorable.
Cet article est au coeur de l'existence même de cette loi, c'est pourquoi il faut y attacher beaucoup d'importance, tant sur le plan symbolique que sur le plan pratique.
L'importance symbolique vient d'être largement évoquée : le sujet de l'instruction obligatoire est un pilier de l'école républicaine, qui elle-même constitue un des fondements de la République ; ce n'est donc pas un petit sujet pour notre histoire.
Le fait de passer l'âge de trois ans est aussi emblématique d'une autre dimension de notre histoire, antérieure à la IIIe République, puisque la France est regardée comme le pays qui a inventé l'école maternelle à partir de 1848 – autre date emblématique de notre histoire. Depuis lors, on considère qu'il existe un certain avant-gardisme français en matière de maternelle, même si celui-ci s'est quelque peu émoussé : pour l'école maternelle du XXIe siècle, la France a peut-être à passer à une étape suivante…
C'est là que nous arrivons à des enjeux tout à la fois emblématiques et pratiques. Nous devons donner un nouveau contenu qualitatif à cette école maternelle ; je rappelle que l'engagement de l'enseignement obligatoire à trois ans a été pris par le Président de la République lors des Assises de l'école maternelle, qui ont été l'occasion de faire le point sur les connaissances scientifiques à l'échelle internationale dans le domaine de la scolarisation de la petite enfance.
Toutes les études convergent – c'est presque un consensus mondial – et montrent à quel point il est important d'entrer dans le langage dès cette période, et même dès la précédente. Pour cela, une politique générale doit être conduite, qui peut d'ailleurs être différente d'un pays à l'autre ; la réussite de la Finlande et de l'Estonie tient pour une bonne part à leur politique de la petite enfance, ainsi qu'à des caractéristiques sociales bien différentes des nôtres.
Tout cela ne nous exonère donc pas d'une réflexion sur les enfants de moins de trois ans, au moment même où un secrétaire d'État vient d'être nommé à la protection de l'enfance, mais nous invite, au contraire, à construire une vision complète de ce qui se passe avant six ans. C'est donc à mes yeux un progrès important, et je fais le pari que l'exemple de la France sera imité. Cette vision gagnera le monde entier, même si elle tranche avec celle des Romains, qui jugeaient que l'on ne devenait important et intéressant qu'après cet âge : nous sommes en train de découvrir qu'au contraire, c'est précisément entre la naissance et six ans que se passent des choses essentielles, qui ne peuvent être laissées au hasard. D'ailleurs, comme l'a dit Mme la rapporteure, c'est dans les milieux les plus défavorisés que se rencontrent le plus grand nombre d'enfants qui, faute d'avoir fréquenté l'école maternelle, souffrent de retards de langage sinon irrattrapables, en tout cas très dommageables pour la suite ; et cela peut se vérifier aussi bien dans le milieu rural profond qu'en banlieue ou outre-mer.
Cette question recouvre donc des enjeux assez considérables, sans oublier toute une série de conséquences pratiques, dont nous avons eu un exemple dans l'hémicycle aujourd'hui même puisqu'il a été question de médecine scolaire, donc de détection de problèmes de santé dont les enfants peuvent bénéficier le plus tôt possible dans le cadre de l'éducation obligatoire. Ce n'est qu'un exemple parmi d'autres, mais qui ne peut que nous inciter à persévérer dans ce sens.
Voilà donc beaucoup de raisons d'aller dans cette direction ; nous aurons l'occasion d'en débattre, car c'est une mesure dont nous devons bien mesurer l'importance.
Cette demande de suppression est surprenante. Nous savons tous que l'école est au coeur du pacte social ; plutôt qu'une contrainte pour l'État, c'est un avantage et une belle promesse que d'offrir à 20 000 enfants la possibilité d'entrer dans notre système scolaire français.
Les études convergent toutes vers l'idée que c'est lorsque l'on apprend le plus tôt possible qu'il est plus aisé de faire l'acquisition des savoirs fondamentaux. C'est pourquoi nous nous prononcerons contre la suppression de cet article 2.
En tant qu'enseignante, je veux souligner combien c'est une chance pour l'enfant de pouvoir aller à l'école dès l'âge de trois ans. C'est pour lui l'occasion de se construire, pas seulement au sein de sa famille, mais aussi dans une relation avec d'autres enfants.
Par ailleurs, rien n'est imposé puisque l'instruction est obligatoire, mais, pour les parents qui le choisissent, elle peut se faire en famille. La liberté existe donc aussi dans notre pays ; avec cette loi, elle est respectée.
À M. Bazin qui a évoqué d'autres pays, je rappelle que tous envient notre école maternelle. Beaucoup de chercheurs venant d'autres pays viennent visiter nos écoles parce qu'elles sont citées en exemple, car la prise en charge de la petite enfance y est extrêmement importante.
Le simple fait d'inscrire dans la loi que l'instruction est obligatoire dès l'âge de trois ans est également un message à l'adresse des plus défavorisés, qui n'ont pas forcément accès à cette école. Nous savons pertinemment que l'école est le premier lieu de sociabilisation et d'éducation à la langue ; il est donc très important qu'elle soit obligatoire à trois ans.
Ces amendements de suppression sont quelque peu excessifs, avec 97 % à 98 % d'élèves déjà concernés. À l'exception de Mayotte et de la Guyane où ce taux est de 62 %, nous atteignons pratiquement les 100 %. Le problème est moins celui du caractère obligatoire que du contenu de ce caractère obligatoire. Pour m'être occupé pendant un quart de siècle de l'éducation et des aides à l'éducation primaire, j'ai été très frappé par le taux de présence l'après-midi – sans parler du samedi, puisqu'il y avait école ce jour-là. Dans la Marne en tout cas, environ 50 % des parents reprenaient leurs enfants à l'heure du déjeuner ou juste après ; une bonne partie des autres faisait la sieste. La vraie question est plutôt de savoir ce que l'on enseigne aux enfants ; pourriez-vous nous éclairer, monsieur le ministre ? Car c'est cela qui compte, et non le caractère obligatoire.
Il y a un vrai paradoxe : chacun s'accorde à dire que nous avons en France une école maternelle qui a un certain nombre de caractéristiques positives méritant d'être valorisées. Du coup, alors que nous parlons de l'école de la confiance, on met immédiatement en place un dispositif coercitif… Jusqu'à présent aucune obligation n'est imposée entre trois et six ans ; or, on l'a dit, la plupart des familles envoient leurs enfants en maternelle dès cet âge. Mais pensez-vous sérieusement que vous réglerez la question avec une logique coercitive ? Mieux vaut chercher à convaincre les familles qu'elles y ont objectivement intérêt ; procéder par obligation crée un vrai paradoxe, entraîne une rupture de confiance et peut s'avérer au final contre-productif.
J'entends les arguments du ministre ; je ne critiquais pas la maternelle : j'ai deux filles en maternelle et qui en sont très heureuses, et je n'ai aucune envie de les déscolariser.
La question posée par cet article 2 est de rendre la scolarisation obligatoire. Vous vous adressez aux 2 % qui ne sont pas scolarisés aujourd'hui. Mais en instaurant cette obligation, vous risquez de créer pour les 98 % restant des contraintes néfastes à l'intérêt de l'enfant, qui pouvait éviter l'école l'après-midi en fonction de son âge, de son degré de fatigue et de ce que jugeaient les parents. Nous vous disons seulement que l'obligation telle que vous l'imaginez n'est pas opportune : travaillons à quelque chose d'adapté, et si vous ne le souhaitez pas, supprimons l'article 2.
Il y a deux messages et deux intentions.
La volonté est de scolariser tous les enfants, dont les 26 000 qui ne le sont pas actuellement. Mais un signal est aussi adressé, qui, en rendant l'école obligatoire, appelle à prendre la maternelle au sérieux : ce n'est pas une option. Pour reprendre ce qu'a dit M. de Courson, le contenu de ce qu'on apprend au cours de ces trois ans de maternelle est essentiel pour la suite du développement de l'enfant, pour les apprentissages, pour l'acquisition des fondamentaux. Rendre l'école maternelle obligatoire, c'est aussi une façon de la valoriser.
Le fait est suffisamment rare pour que je le mentionne : je suis d'accord avec la rapporteure. Il faut redonner une assise à l'école maternelle. Nous avons connu un Président de la République et un gouvernement qui considéraient qu'on changeait les couches à la maternelle ; ce qui n'a pas aidé à lui conférer l'importance qu'elle avait. Je rejoins l'idée qu'il faut rappeler à quel point les connaissances que les enfants y acquièrent sont essentielles pour la suite de leur développement.
Ce qu'a dit M. de Courson est important. En effet, cette évolution législative va nous amener à parler davantage des contenus à l'école maternelle ; car il est vrai que l'on peut parler d'un effilochage dans ce domaine. Il est aussi vrai que ce caractère très avancé de l'école maternelle en France mérite d'être revitalisé.
L'expression « prendre au sérieux », utilisée par la rapporteure, me paraît être tout à fait appropriée. C'est un message que nous adressons à toute la société française. Oui, il est important que l'enfant aille à l'école maternelle le matin et l'après-midi. Oui, il est important qu'il n'y ait pas des secteurs entiers qui y échappent. Oui, il est important que la République dise qu'il faut y aller alors même que certaines convictions amènent à penser que les petites filles pourraient y aller moins que les petits garçons. Ce sont des sujets de société d'aujourd'hui ; il ne s'agit pas de petits sujets, ils ne sont pas marginaux. Ces 98 % ne doivent pas nous masquer que les 2 % sont très importants, socialement et sociétalement. Par ailleurs, dans ces 98 %, une forme de revitalisation est nécessaire au bénéfice des enfants ainsi qu'à celui d'une réflexion qui a précédé la loi et la suivra : que faisons-nous d'épanouissant avec cette école maternelle ?
C'est peut-être à l'école maternelle que s'applique le plus le principe d'école de la confiance ; c'est en cela qu'il est cohérent que ce soit inscrit dans la loi qui porte ce nom. Car nous devons réussir ces premières années à l'école de l'enfant, et c'est précisément l'école maternelle qui permet le plus de créer l'esprit de confiance que nous voulons pour l'école : l'esprit d'équipe, l'esprit d'écoute de l'autre, le bonheur d'être là. Toutes ces choses qui sont peut-être plus difficiles à installer pleinement ensuite, et s'installent plus aisément à l'âge et avec les méthodes de l'école maternelle.
Encore une fois, je reprends volontiers l'expression : il faut prendre l'école maternelle au sérieux, quantitativement et qualitativement.
La vraie question, monsieur le ministre, c'est le contenu. Car si on rend la scolarisation obligatoire, ce à quoi je suis tout à fait favorable, cela signifie-t-il que les parents ne peuvent pas retirer l'enfant en fin de matinée ou en début d'après-midi par exemple, comme c'est de pratique constante dans beaucoup d'écoles maternelles, notamment pour les petits de trois ans ?
Vous n'avez par ailleurs pas traité le sujet des enfants de deux ans qui sont accueillis dans les réseaux d'éducation prioritaire (REP) ; seront-ils concernés par l'obligation ou non ?
La commission rejette les amendements.
Elle examine ensuite l'amendement AC450 de M. Gaël Le Bohec.
Je tiens tout d'abord à saluer la qualité des cosignataires de cet amendement : le rapporteur général Joël Giraud et Adrien Taquet que je félicite indirectement pour ses nouvelles fonctions à la protection de l'enfance.
Dans sa rédaction actuelle, l'article L. 131-1 du code de l'éducation prévoit, dans son 1er alinéa que « l'instruction est obligatoire pour les enfants des deux sexes, français et étrangers, entre six ans et seize ans ».
L'objet de cet amendement est de consacrer le principe de rendre l'instruction obligatoire dès l'âge de trois ans. C'est pourquoi il est seulement proposé, dans la phrase précitée, de substituer au mot « six » le mot « trois » ; sans écarter la mention des deux sexes, ce qui pourrait conduire à un recul des droits : ainsi que vous l'avez évoqué, monsieur le ministre, il peut se poser dans certains cas des difficultés d'équilibre et d'égalité entre les sexes.
Par ailleurs, la mention « française et étrangers » est supprimée dans le projet de loi ; or elle garantit par la loi, donc de façon coercitive, l'éducation de tous les enfants, y compris étrangers, ce qui me tient particulièrement à coeur. Encore aujourd'hui, dans certaines localités, on est obligé de s'appuyer sur la loi originelle pour pouvoir assurer l'éducation des enfants étrangers.
Nous partageons votre préoccupation de bien indiquer que tout enfant de trois ans, quels que soient son sexe et sa nationalité, doit être scolarisé. C'est pourquoi la formulation proposée par le projet de loi nous semble extrêmement explicite : tous les enfants, c'est tous les enfants ; cela semble clair.
Je partage encore votre préoccupation au sujet des enfants étrangers : après avoir commis un rapport sur la scolarisation des enfants de migrants, j'avais moi-même déposé un amendement dans le cadre de la loi dite « Asile et immigration » visant à s'assurer que les enfants puissent être scolarisés, y compris dans les cas où les mères seraient récalcitrantes. Il est ainsi prévu que, « en cas de refus d'inscription de la part du maire, le directeur académique des services de l'éducation nationale (DASEN) peut autoriser l'accueil provisoire de l'élève et solliciter l'intervention du préfet, qui, conformément à l'article L. 2122-34 du code général des collectivités territoriales, est habilité à procéder à une inscription définitive. »
Je vous renvoie par ailleurs à l'étude d'impact qui aborde cette question et écarte tout argument fondé sur le domicile de l'enfant pour refuser la scolarisation ; le texte dont j'ai donné lecture est assez clair. Avis défavorable.
Je ne le retire pas, la rédaction que la rapporteure a rappelée ne comporte aucune obligation, elle ne mentionne que la possibilité de solliciter l'intervention du préfet, ce qui me gêne d'autant plus.
Il me semble que, si le directeur de l'école est sollicité, le dispositif est assez clair. La rédaction dispose que le préfet détient le pouvoir de décision et ordonne la scolarisation. Mais si le directeur d'école est sollicité, le DASEN a le pouvoir de décider la scolarisation provisoire.
Il n'y a aucune divergence de fond entre nous ; c'est uniquement une question de forme. Je voudrais insister sur le fait que plus la forme juridique est concise dans un cas comme celui-ci, mieux cela vaut – je parle d'un point de vue que je qualifierais d'esthétique juridique et donc d'efficacité juridique.
Par ailleurs, dès lors l'on commence à établir des catégories, on entre dans une relativisation de l'universalité de ce qu'on a affirmé. Cela reviendrait à dire, à la place de « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en droits », que tous les êtres humains naissent égaux en droits, y compris les ceci, les cela, telle catégorie, telle autre, etc… À vouloir bien faire, on risque de créer des catégorisations inutiles. Si l'on dit « Tous les enfants doivent être scolarisés », ce sont tous les enfants. On peut entrer dans des débats infinis sur les étrangers ou les handicapés : tous les enfants, c'est tous les enfants. Il y aurait un risque juridique et conceptuel à vouloir à tout prix énumérer les catégories auxquelles correspondent tous les enfants.
Reste que 26 000 élèves devront être scolarisés dans les prochaines années, avez-vous la garantie, monsieur le ministre, de disposer des moyens humains afin d'accueillir ces enfants dans de bonnes conditions ?
Par ailleurs, comme il est indiqué dans le rapport, sur les 26 000 élèves restant à scolariser à trois ans, 7 000 sont de Guyane et de Mayotte. Avec Bruno Studer, nous avons rédigé un rapport sur la rentrée scolaire à Mayotte et fait état de priorités en matière d'accueil, de restauration, de transports. Des adaptations spécifiques seront-elles arrêtées pour ces territoires où l'on sait que la scolarité à trois ans sera très difficile à mettre en oeuvre ?
Procéder à ce genre d'énumérations peut effectivement poser problème : il arrive même que des enfants soient nés de sexe indifférencié, qui sont ensuite opérés, après quoi il leur est demandé de choisir un sexe, ce qui n'est pas sans poser un certain nombre de problèmes. On leur donne parfois des hormones, mais elles sont susceptibles de provoquer des maladies… Autrement dit, plus on est court et concis, mieux c'est.
À M. Juanico, je confirme qu'il s'agit bien de chaque enfant, ce qu'il est important de préciser.
Votre intervention relative à la situation particulière de l'outre-mer vient en quelque sorte nous renforcer dans notre action. Je me suis moi-même rendu à Mayotte lors de la rentrée scolaire afin de m'assurer que notre plan pourra être mis en oeuvre et produire ses effets pour atteindre l'objectif. Cela sera le cas, même si les choses se feront peut-être en plusieurs temps car la tâche est vaste.
S'agissant des moyens humains, je rappelle que nous consacrons plus de moyens à l'école primaire puisque nous continuons à créer des postes, et que la situation démographique fait que 50 000 à 60 000 enfants manquent chaque année en France, que les 26 000 viennent seulement pour partie compenser. Aussi, tant par le fait que nous consacrons plus de moyens que par l'évolution démographique actuelle, nous disposons tout à fait de l'encadrement humain nécessaire pour ces élèves supplémentaires.
La commission rejette cet amendement.
Puis elle se saisit de l'amendement AC502 de Mme Cécile Rilhac.
Cet amendement propose de remplacer le mot « chaque » par le pronom « tout ». Car le pronom exprime l'ensemble, la totalité sans distinction ; alors que le déterminant « chaque » désigne un élément pris isolément dans un ensemble.
Pour reprendre vos propos, monsieur le ministre, vous avez évoqué l'universalité de la scolarisation ; et à mon sens le pronom « tout » la caractérise beaucoup mieux que le déterminant « chaque ».
L'expression « chaque enfant » permet précisément d'insister sur la situation singulière des enfants. Je ne vois donc pas ce que les expressions « tout enfant » ou « chaque enfant » changent vraiment dans la rédaction. Mon avis est donc défavorable.
Cette question renvoie à des débats que nous avions eus lors de l'examen du projet de loi pour la refondation de l'école, où se sont opposées une vision universelle, de l'ensemble, et la notion de « chaque » tendant à une personnalisation emportant la prise en compte de chaque enfant dans ses spécificités, ses talents, mais également ses fragilités. C'est pourquoi, à l'époque, notre choix avait porté sur le mot « chaque ».
La commission rejette l'amendement.
Ensuite, elle examine, en discussion commune, l'amendement AC415 de Mme George Pau-Langevin, et les amendements identiques AC276 de Mme Muriel Ressiguier et AC556 de Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe.
Nous sommes toujours dans le même débat, et nous proposons de préciser, par notre amendement AC415, « de tous les sexes, français et étrangers ». Ce qui répond à la remarque de M. Molac.
Je ne suis du reste pas totalement d'accord avec ce que je viens d'entendre, et qui laisse entendre que « chaque » ou « tout » signifie que tout le monde est concerné. Or nous rencontrons sans cesse des difficultés sans fin pour faire admettre que les enfants, qu'ils soient Roms ou étrangers, que leurs parents soient en situation irrégulière ou non, ont le droit d'être scolarisés. Pour couper court à ces débats récurrents sur la situation des enfants, bien préciser que les enfants français ou étrangers ont le droit d'être scolarisés est indispensable. Cela nous épargnera beaucoup de difficultés ; car ce qui est clair doit s'énoncer… clairement.
Si la formulation que vous avez choisie englobe tous les enfants, il nous semble fondamental de continuer à préciser l'obligation de scolarisation des enfants étrangers, tant elle semble ne pas aller de soi partout. Ce n'est pas une question de forme, mais bien une question de fond. Des communes sont encore marquées par des refus de maires de scolariser des enfants étrangers, et l'État organise lui-même une forme de déscolarisation d'enfants en âge de recevoir une instruction obligatoire dans les centres de rétention.
Plus encore, les enfants de familles assignées à résidence, et vous l'avez évoqué dans votre rapport, madame la rapporteure, en attente de l'exécution d'une obligation de quitter le territoire français, sont aussi exclues de toute scolarisation.
C'est donc pour rappeler à l'État son obligation de scolariser tous les enfants du territoire, en conformité avec l'article 3 de la Convention internationale des droits de l'enfant, qui ne semble pas aller de soi pour l'administration, que notre amendement AC276 tend à maintenir la précision « français et étrangers », quand bien même elle serait comprise dans la formulation générale proposée par le Gouvernement.
Notre amendement AC556 a le même objet. Même si nous avons bien entendu les arguments de M. le ministre sur la puissance que recèle le fait de mentionner les enfants en général, notre préoccupation demeure au sujet des enfants étrangers. Une note du Défenseur des droits de l'enfant précise même que, si tous les enfants doivent effectivement pouvoir accéder au système éducatif dès qu'ils sont tout petits, bien souvent ce droit est ignoré. Plus grave, il est parfois même contesté par ceux qui doivent l'appliquer.
Une réelle préoccupation subsiste donc au sujet des enfants étrangers, et dans le contexte de la loi Asile-immigration que nous avons récemment adoptée, il faut fortement affirmer que tous les statuts des enfants doivent être pris en compte, particulièrement celui, fragile, des enfants étrangers et sans situation régulière.
Avis défavorable pour les raisons déjà évoquées : toute énumération nous semble affaiblir le texte.
Je suis pour ma part favorable à cette précision car j'ignore de quoi sera fait l'avenir ; une protection des enfants étrangers présents sur notre sol serait intéressante.
Je me pose la question suivante : pourquoi ce refus ? Vous avez fait un rapport à ce sujet et soulevé le problème ; nous vous aidons en allant dans votre sens, et vous vous opposez à cette demande qui émane des rangs du groupe du Mouvement Démocrate et apparentés, de vos rangs, de nos rangs et de ceux du groupe Les Républicains. Il y a un quasi-consensus autour de cette précision, et vous la refusez ; je ne comprends pas !
La commission adopte l'amendement AC415.
En conséquence, les amendements identiques AC276 et AC556 tombent .
La commission examine, en discussion commune, l'amendement AC122 de M. Xavier Breton et les amendements identiques AC123 de M. Xavier Breton et AC124 de M. Patrick Hetzel.
L'amendement de repli AC122 vise à limiter l'abaissement de l'âge de la scolarisation obligatoire à quatre ans. Il se justifie d'autant plus que M. le ministre a précisé que cette obligation visait bien la scolarisation, autrement dit la présence de l'enfant au sein de l'école, matin et après-midi. Or, nous l'avons expliqué, certains parents estiment que le rythme est trop lourd pour leur enfant en petite section et le gardent à la maison l'après-midi, pour la sieste. Fixer l'âge de la scolarisation obligatoire à quatre ans permettrait de soustraire les parents et les enfants de trois ans à l'obligation d'assiduité.
L'amendement AC123 vise à abaisser l'âge de la scolarisation obligatoire à cinq ans. Cette mesure, à laquelle j'étais favorable bien avant la rédaction de ce projet de loi, est loin d'être théorique : elle correspond à une réalité, celle de la maturité et de l'éveil de l'enfant.
L'amendement AC124 a le même objet. Les apprentissages fondamentaux peuvent commencer dès la grande section de maternelle, dans une continuité pédagogique avec le CP. Nous sommes favorables à l'abaissement de l'âge de la scolarisation obligatoire à cinq ans, mesure qui figurait d'ailleurs dans le programme de notre candidat à l'élection présidentielle.
La commission rejette successivement ces amendements.
Elle en vient à l'amendement AC499 de Mme Josette Manin.
La convention internationale des droits de l'enfant a introduit, dans son article 3, la notion d'intérêt supérieur de l'enfant. Il est important que cette notion apparaisse très distinctement dans l'article du code de l'éducation qui détermine la durée de l'instruction obligatoire, et qu'elle mette surtout en évidence les rôles convergents et déterminants de la communauté éducative et des parents dans la réussite scolaire de l'enfant.
Cet amendement est satisfait. L'article L. 111-1 du code de l'éducation dispose que le service public de l'éducation est conçu et organisé en fonction des élèves et des étudiants. Par ailleurs, l'article L. 111-2 prévoit déjà que les familles sont associées à l'accomplissement des missions du service public de l'éducation. Enfin, l'article L. 111-4 prévoit une étroite association des parents d'élèves à la vie des établissements. Avis défavorable.
L'amendement est retiré.
La commission est saisie de l'amendement AC275 de M. Bastien Lachaud.
L'obligation de scolarisation ne pèse pas que sur les parents, mais aussi sur les institutions publiques, notamment les collectivités territoriales. Celles-ci doivent tout mettre en oeuvre pour s'assurer que les enfants présents sur leur territoire reçoivent l'instruction obligatoire prescrite par la loi.
Or certaines communes arguent de l'absence de domicile permanent des enfants pour refuser leur inscription dans les écoles de leurs communes. Ainsi, le maire de Chilly-Mazarin a refusé l'inscription de plusieurs enfants au motif qu'ils résidaient dans un hôtel géré par le SAMU social… De nombreux enfants roms de notre territoire sont également concernés.
Il ne nous semble donc pas superflu, au moment où il est question de l'école de la confiance, de rappeler avec vigueur les obligations de toutes les parties, y compris des communes.
Là encore, cet amendement est satisfait. L'article L. 131-5 du code de l'éducation prévoit que le statut ou le mode d'habitat des familles installées sur le territoire d'une commune ne peut être une cause de refus d'inscription d'un enfant soumis à l'obligation scolaire. Il précise aussi que lorsqu'une famille n'a pas de domicile stable, l'inscription dans un établissement scolaire peut être cumulée avec l'inscription auprès du centre national d'enseignement à distance – CNED –, et que la conclusion d'un contrat de travail à caractère saisonnier ouvre le droit de faire inscrire ses enfants dans une école de la commune de son lieu de résidence temporaire ou de travail.
Par ailleurs, la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage prévoit que les schémas départementaux d'accueil des gens du voyage doivent tenir compte des possibilités de scolarisation des enfants pour la détermination des aires d'accueil et de grand passage.
Enfin, nous avons précisé tout à l'heure que les maires étaient tenus de scolariser les enfants hébergés, notamment dans les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS). Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AC416 de Mme George Pau-Langevin.
Cet amendement du groupe Socialistes et apparentés vise à garantir une place dans l'enseignement secondaire aux élèves de 16 ans révolus qui, pour une raison ou une autre, ne sont plus inscrits. Pour ces élèves, il est parfois difficile de retrouver un établissement, particulièrement dans les zones présentant une forte démographie. Ils se retrouvent souvent en situation de décrochage, faute d'avoir trouvé une place dans un établissement. Les solutions proposées par certaines académies ne sont pas suffisantes et trop de jeunes sont laissés sur le bord du chemin.
Nous proposons donc de compléter l'article par l'alinéa suivant : « tout enfant doit pouvoir être accueilli, entre seize et dix-huit ans, dans un établissement d'enseignement secondaire le plus près possible de son domicile, si sa famille en fait la demande afin d'accéder à un diplôme. »
Cet amendement est satisfait : l'article L. 122-2 du code de l'éducation prévoit que tout mineur non émancipé dispose du droit de poursuivre sa scolarité au-delà de l'âge de seize ans. Il va même plus loin que votre proposition, puisqu'il affirme que tout jeune sortant du système éducatif sans diplôme bénéficie d'une durée complémentaire de formation qualifiante, qui peut consister en un droit au retour en formation initiale sous statut scolaire, au-delà de dix-huit ans, et que lorsque les personnes responsables d'un mineur non émancipé s'opposent à la poursuite de sa scolarité au-delà de seize ans, une mesure d'assistance éducative peut être ordonnée afin de garantir le droit de l'enfant à l'éducation. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle en vient à l'examen de l'amendement AC229 de Mme Maud Petit.
Les enfants nés en janvier ne sont scolarisés qu'à la rentrée scolaire qui suit leurs trois ans, ce qui leur fait perdre neuf mois. Pour tenir compte des nécessités pédagogiques, il est proposé d'autoriser la scolarisation d'un enfant en cours d'année scolaire, s'il atteint l'âge de trois ans avant la fin du premier trimestre de l'année civile.
Avis défavorable, dans la mesure où une telle mesure bouleverserait toute l'organisation du système, fondée sur l'année scolaire. Par ailleurs, son adoption serait sans effet sur la situation de ces enfants : la liste du maire prévue à l'article L. 131-6 ne donne pas droit à une scolarisation en dehors de la règle fixée à l'article L. 131-5, qui prévoit que l'obligation d'instruction s'applique à compter de la rentrée scolaire de l'année civile où l'enfant atteint l'âge prévu. La liste du maire vise seulement à permettre de repérer les manquements à l'obligation d'inscription dans une école ou de déclaration d'instruction dans la famille.
Les maires sont confrontés à cette question depuis des dizaines d'années et parviennent parfois, en fonction des capacités, à inscrire les enfants nés en janvier. Mais après, on n'en finit plus : il faut que les parents se débrouillent pour concevoir leurs enfants afin qu'ils naissent avant le 1er septembre ! (Sourires.)
Je n'estime pas souhaitable que les petits puissent être accueillis de façon échelonnée, mais cet amendement soulève la question des très petites sections (TPS). Le nombre de ces classes, après avoir progressé, notamment dans certaines villes populaires, est en diminution, faute de moyens. Lors des poussées démographiques, on accueille davantage d'enfants de trois ans, au détriment des TPS dont les effectifs sont comptabilisés à part.
Le problème ne se pose pas, puisque le juge dit que l'enfant doit être accueilli à partir de trois ans, dès lors que ses parents en font la demande. Par ailleurs, les professeurs des écoles exerçant en maternelle, dont mon épouse, savent parfaitement intégrer les enfants arrivant en cours d'année.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement AC417 de Mme George Pau-Langevin.
La scolarisation précoce, à l'âge de deux ans, a prouvé son intérêt en matière de réduction des inégalités sociales. Pourtant, les conclusions d'un rapport de France Stratégie semblent aller en sens inverse. Nous demandons donc que le Gouvernement remette au Parlement un rapport, éventuellement élaboré en interne, sur l'opportunité et les effets de la scolarisation à 2 ans, notamment dans les quartiers modestes.
Dans bon nombre de quartiers populaires, les TPS ont été mises en place et accueillent des enfants dont les mères, qui ne travaillent pas, n'auraient pas opté pour la crèche. Ces mesures ont porté leurs fruits, notamment en matière d'acquisition de la langue. Le rapport de France Stratégie ayant remis en cause l'intérêt pédagogique de ces TPS, il serait effectivement souhaitable d'explorer plus avant cette question.
De manière générale, je suis plutôt favorable à ce que les parents décident de scolariser leur enfant à deux ou trois ans. Un de mes amendements, rejeté au titre de l'article 40, visait d'ailleurs à permettre aux enfants de deux ans d'être accueillis, si leurs parents en faisaient la demande. La scolarisation a l'âge de deux ans a fait ses preuves ; elle peut être un facteur de réussite, notamment en REP, mais aussi dans une région comme la mienne, qui détient – faut-il y voir un rapport ? – l'un des meilleurs taux de réussite au baccalauréat.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 2 ainsi modifié.
Après l'article 2.
La commission examine les amendements identiques AC122 de M. Patrick Hetzel et AC80 de M. Xavier Breton, portant article additionnel après l'article 2.
L'amendement AC122 tend, en référence à l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant, à préciser à l'article L. 113-1 du code de l'éducation qu'il convient de veiller à garantir l'intérêt supérieur de l'enfant.
L'amendement AC80 a le même objet. L'obligation de scolarisation à trois ans recouvre des enjeux importants, notamment en matière d'organisation des locaux ou des activités. On risque d'entrer dans des logiques administratives qui ne prennent pas en considération l'intérêt de l'enfant, à un âge où il est pourtant particulièrement fragile et sensible.
Avis défavorable. Par essence, l'éducation nationale veille à garantir l'intérêt supérieur de l'enfant. L'article L. 111-1 du code de l'éducation prévoit que le service public de l'éducation est conçu et organisé en fonction des élèves et des étudiants. Par ailleurs, l'article L. 113-1 prévoit que dans les écoles maternelles, les enfants peuvent être accueillis dès l'âge de deux ans révolus, dans des conditions éducatives et pédagogiques adaptées à leur âge, visant leur développement moteur, sensoriel et cognitif, précisées par le ministre chargé de l'éducation nationale, et que cet accueil donne lieu à un dialogue avec les familles.
L'obligation de scolarisation à trois ans devra pousser l'école à de nouvelles adaptations, pour un accueil dans les meilleures conditions possibles.
Je comprends la philosophie de cet amendement, et je saisis l'occasion pour soulever une question, celle des dortoirs en maternelle. Les nombreux enfants repris à la maison l'après-midi, pour la sieste, devront rester à l'école si l'obligation de scolarisation est abaissée à l'âge de trois ans. Or je connais peu d'écoles maternelles capables d'accueillir l'ensemble de leurs effectifs de petite section dans un dortoir.
J'ai posé la même question au ministre. Je lui ai aussi demandé s'il ne conviendrait pas d'abaisser l'âge de l'obligation scolaire à deux ans dans les REP, où les enfants sont accueillis en TPS. Mais il n'a pas répondu…
Je ne pense pas que nous puissions aborder ce soir tous les sujets, et nous pourrions parler des heures durant de la politique générale de l'école maternelle, à laquelle ces amendements renvoient.
Monsieur de Courson, nous n'abaisserons pas l'âge de la scolarisation obligatoire à deux ans – j'ai cru noter, d'ailleurs, que certains penchaient plutôt pour l'âge de quatre ou cinq ans. Les bienfaits de l'instruction à deux ans sont réels, mais en même temps discutés. Il serait par ailleurs inexact de dire que nous avons cherché depuis dix-huit mois à diminuer le nombre de TPS. Il est vrai, toutefois, que nous atteignons un plafond : même dans les territoires les plus volontaristes, on peine à dépasser les 20 % d'enfants scolarisés à deux ans – ce n'est pas un phénomène nouveau. Ce volontarisme, dans l'incitation, a ses limites. Nous continuerons d'encourager la maternelle à deux ans, mais avec discernement.
S'agissant du temps de la sieste, le maître mot est : « pragmatisme ». Les textes accompagnant la loi introduiront les souplesses nécessaires. Mais à partir du moment où l'on prend l'école maternelle au sérieux, il est normal que, tendanciellement, les enfants aillent en classe le matin et l'après-midi – étant entendu que les activités prévues en deuxième partie de journée ne doivent pas être trop fatigantes. Cette question touche à la notion d'assiduité ; il est vrai que les inégalités se creusent aussi entre les familles qui pratiquent l'école maternelle par intermittence et celles qui y envoient chaque jour leur enfant. D'une manière générale, la « vision en gruyère » de la présence à l'école pose un véritable problème.
Monsieur Pupponi, je n'ai pas fait les mêmes observations que vous : dans la vraie vie, les femmes travaillent, et il est rare qu'elles quittent leur poste à midi pour aller chercher leur enfant. Dans ma circonscription, 8 à 9 femmes sur 10 travaillent, et les enfants restent toute la journée à l'école. Par ailleurs, on n'y fait pas que la sieste l'après-midi, il y a aussi des activités. Enfin, ce n'est pas parce que l'on va chercher l'enfant à 11 heures 30 que l'on ne peut pas le ramener pour 13 heures 30 !
Ces amendements, que je soutiendrai, soulèvent la question de l'organisation de l'école. Dans le monde rural, où les écoles comptent seulement deux ou trois classes, monsieur le ministre, vos directeurs académiques et vos inspecteurs – que nous rencontrons en ce moment même pour évoquer la carte scolaire – prévoient des aménagements, avec des demi-postes d'enseignant, au motif que les effectifs des petites sections sont allégés l'après-midi ; et dans des territoires comme le mien, madame la rapporteure, les familles récupèrent leurs enfants le midi. Avec l'obligation de scolarisation toute la journée, ce sera différent, à moins de supposer que des moyens supplémentaires aient été prévus.
La commission rejette les amendements.
Puis elle examine l'amendement AC452 de M. Gaël Le Bohec.
Il s'agit de remplacer dans l'ensemble du titre III du livre Ier du code de l'éducation le mot « instruction » par celui d'« éducation ». Depuis de nombreuses années, les réformes de l'éducation nationale visent à assurer une éducation aux élèves, plutôt qu'une instruction. Alors que l'instruction désigne la transmission brute de connaissances, l'éducation a pour ambition d'offrir aux élèves les connaissances qui leur permettront de s'émanciper, d'acquérir leur conscience de futurs citoyens, en développant leur esprit critique. C'est d'autant plus vrai lorsque l'on souhaite que l'école soit à même d'apprendre à chaque élève à lire, écrire, compter et respecter autrui…
Avis défavorable. Cet amendement me paraît satisfait par l'article L. 131-1-1 du code de l'éducation, qui prévoit que le droit de l'enfant à l'instruction a pour objet de lui garantir, d'une part, l'acquisition des instruments fondamentaux du savoir, des connaissances de base, des éléments de la culture générale et, selon les choix, de la formation professionnelle et technique et, d'autre part, l'éducation lui permettant de développer sa personnalité, son sens moral et son esprit critique, d'élever son niveau de formation initiale et continue, de s'insérer dans la vie sociale et professionnelle, de partager les valeurs de la République et d'exercer sa citoyenneté. Il précise que cette instruction obligatoire est assurée prioritairement dans les établissements d'enseignement.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AC278 de Mme Sabine Rubin.
Les déclarations faites par le ministre en mars 2018 nous ont inquiétés : « La scolarisation à deux ans peut être bonne pour certains enfants, mauvaise pour d'autres. Nous devons avoir une approche au cas par cas, avec une visée sociale assez forte. C'est surtout pertinent quand on a un enfant dont les circonstances familiales ne sont pas favorables et où le temps passé à l'école est meilleur que le temps passé ailleurs. Mais il faut être très attentif à ne pas se tromper d'âge. »
Nous considérons pour notre part que cette option, sans être obligatoire, doit rester possible. C'est pourquoi nous souhaiterions voir cette précision ajoutée dans la loi.
Cet amendement est satisfait. L'article L. 113-1 du code de l'éducation prévoit que dans les écoles maternelles, les enfants peuvent être accueillis dès l'âge de deux ans révolus, dans des conditions éducatives et pédagogiques adaptées à leur âge. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement AC484 de Mme Anne Brugnera, qui fait l'objet d'un sous-amendement AC609 de M. Patrick Hetzel.
L'amendement AC484 vise à prendre en compte les besoins de l'enfant dans le suivi de l'assiduité, que l'instruction obligatoire à l'âge de trois ans rendra nécessaire. Il pourrait être envisagé, pour les plus petits, une dispense d'assiduité. Celle-ci serait proposée par le directeur d'école, en fonction des besoins particuliers de l'enfant et dans le cadre d'un dialogue avec la famille.
Nous soutenons cet amendement, qui permet de prendre en considération les cas particuliers. Mais pour nous en tenir à la philosophie que nous défendons depuis le début, nous souhaitons en inverser les termes : l'aménagement temporaire d'assiduité doit être proposé par la famille, dans le cadre d'un dialogue avec le directeur. C'est l'objet de notre sous-amendement AC609.
Si la scolarisation des enfants doit faire l'objet d'un dialogue entre l'enseignant et la famille, on ne peut imaginer laisser la famille décider des règles qui s'appliquent à l'école. Avis défavorable sur le sous-amendement.
Quant à l'amendement, je demande à Mme Brugnera de bien vouloir le retirer car il entre en contradiction avec l'objectif du texte, qui est d'affirmer la place de l'école maternelle dans le système d'enseignement. Celle-ci ne saurait se confondre avec un mode de garde et être « à la carte ».
Loin de moi l'idée de dire que l'école est « à la carte ». Je suis favorable à l'instruction obligatoire à l'âge de trois ans et au contrôle de l'assiduité, mais accompagnés d'une possibilité de dérogation. Je maintiens l'amendement.
Je regrette que cette souplesse et cette possibilité de dialogue entre la famille et l'école n'ait pas été retenue. Nous allons entrer dans une logique d'obligation, à partir de trois ans, source de contraintes néfastes, à la fois pour l'administration et pour les parents.
Comme l'a dit le ministre, la règle qui prévaut, c'est le pragmatisme, dans le cadre d'un dialogue entre la famille et l'école. Nul besoin de l'inscrire dans la loi. Faisons confiance aux enseignants et aux parents d'élèves pour trouver les meilleures solutions, dans l'intérêt de l'enfant. Dans le cadre de la loi, on ne peut à la fois poser le principe de l'obligation de l'instruction et laisser entendre qu'un manque d'assiduité n'importerait guère.
Je ne saurais dire mieux que la rapporteure. Prenons garde aux messages que nous envoyons ! Il s'agit de dire que l'école maternelle est très importante, qu'il faut la prendre au sérieux. Sur le plan local, des souplesses seront introduites, notamment par le biais de circulaires, mais ce que vise la loi, c'est l'instruction obligatoire. Une famille qui serait allergique à l'école maternelle pourra dispenser de l'instruction à la maison, mais nous nous assurerons que l'enfant acquiert les compétences langagières nécessaires. Le message, et je le reprends, est qu'il faut prendre l'école maternelle au sérieux.
La commission rejette successivement le sous-amendement et l'amendement.
Elle en vient à l'amendement AC361 de Mme Marie-George Buffet.
Nous en sommes d'accord, monsieur le ministre, l'école maternelle, c'est du sérieux. Mais alors il faut préciser ses missions, son fonctionnement, ses spécificités. Elle représente un moment particulier de la scolarité, et pour autant, ne se confond pas avec l'école élémentaire, ni dans ses missions ni dans son organisation.
Alors que nous allons la rendre obligatoire dès l'âge de trois ans, il nous paraît nécessaire de souligner son importance en précisant dans la loi ses missions. Cet amendement vise aussi à préciser les conditions d'accueil des très jeunes enfants, à partir de deux ans.
Les professeurs des écoles et l'ensemble des personnels ont bien conscience que l'école maternelle représente un temps spécifique, qu'il convient d'adapter les enseignements et de faire preuve de toute la souplesse nécessaire.
Pour autant, on ne peut pas relativiser, comme c'est le cas dans cet amendement, en précisant que l'école maternelle n'est pas soumise à des exigences de résultats ni à l'objectif d'acquisition de compétences, alors même que l'on vient de préciser que l'acquisition de savoirs, de compétences et d'éveil est essentielle. On ne peut dire une chose et son contraire…
Ce texte aura des conséquences pratiques ; dans certains endroits, les locaux ne seront pas adaptés pour mettre en place l'obligation de scolarisation. C'est ce qui s'est passé avec le dédoublement des CP en REP et REP + : à Sarcelles, ville dont j'ai été le maire, quasiment toutes les écoles ont été refaites, grâce à l'Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU). Pour mettre en oeuvre cette mesure, il nous a fallu installer, à nos frais, des préfabriqués dans les cours, à l'inverse de ce que nous avions cherché à faire.
Il faudra tenir compte des réalités sur le terrain et se donner un temps d'adaptation, pour accueillir par exemple tous les enfants pour la sieste. Ce n'est pas de la mauvaise volonté ; il faudra bien trouver des solutions pratiques.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AC250 de M. Cyrille Isaac-Sibille.
Merci de m'accueillir dans votre commission pour défendre cet amendement et les trois suivants, relatifs à la médecine scolaire. Comme vous le savez, les ordonnances de 1945 ont segmenté la médecine entre la médecine sociale et la médecine de soins.
Cet amendement vise à autoriser les médecins scolaires à prescrire des actes diagnostiques. Face à la pénurie de médecins, il est important de leur donner cette possibilité.
Je soutiens cet amendement sur le principe, mais sa rédaction doit être précisée et affinée. Je vous suggère donc de le retirer, pour le redéposer en séance, une fois travaillé et réécrit.
L'amendement est retiré.
La commission examine alors l'amendement AC375 de M. Cyrille Isaac-Sibille.
Compte tenu de l'abaissement de l'âge de l'instruction obligatoire à trois ans, cet amendement vise à remplacer la visite médicale des six ans par une visite médicale réalisée par la médecine scolaire pour certains enfants au cours de leur troisième année. Cette visite ne concernerait que les enfants de trois ans dont les parents n'auraient pu transmettre l'une des pièces attestant d'un suivi médical : un certificat médical attestant qu'un bilan de santé a été réalisé, le carnet de vaccinations, l'ouverture du dossier médical partagé. L'idée est d'adapter le code de la santé publique aux modifications du code de l'éducation et de trouver de nouveaux outils.
Je suis favorable à cet amendement sur le fond, mais dans la mesure où ses conséquences sur les autres textes sont importantes, il convient d'en revoir la rédaction. Je vous propose donc de le retirer.
L'amendement est retiré.
Puis la commission examine l'amendement AC214 de M. Cyrille Isaac-Sibille.
Cet amendement vise à remplacer la visite médicale obligatoire des six ans par une visite médicale obligatoire à trois ans.
Une concertation est en cours sur le parcours de coordination renforcée santé-accueil-éducation des enfants de moins de six ans. Son pilotage a été confié à notre collègue Stéphanie Rist et au docteur Marie-Sophie Barthet-Derrien, directrice adjointe de la PMI de la métropole de Lyon. Leur rapport est prévu pour le printemps prochain. Toutefois, cet amendement pourrait être accepté, moyennant une réécriture que je proposerai en séance.
L'amendement est retiré.
La commission en vient à l'examen de l'amendement AC252 de M. Cyrille Isaac-Sibille.
La médecine scolaire n'a pas de locaux, malgré le décret du 26 novembre 1946 qui a précisé que les communes devaient mettre des locaux à la disposition du service de santé scolaire. Cet amendement vise à rappeler cette obligation pour certaines communes, ainsi que la nécessaire prise en charge des dépenses relatives à leur gestion et à leur entretien. Cela contribuerait à mettre fin à une médecine foraine…
Il semble que cette question figure déjà dans la loi. Je vous renvoie par ailleurs aux futures préconisations issues de la mission conduite par Mmes Rist et Barthet-Derrien. Avis défavorable.
L'amendement est retiré.
Puis la commission en vient à l'examen de l'amendement AC279 de Mme Danièle Obono.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l'amendement.
La séance est levée à une heure.
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Présences en réunion
Réunion du mardi 29 janvier à 21 heures
Présents. - Mme Emmanuelle Anthoine, Mme Géraldine Bannier, Mme Valérie Bazin-Malgras, Mme Aurore Bergé, M. Philippe Berta, M. Pascal Bois, M. Bertrand Bouyx, Mme Anne Brugnera, Mme Céline Calvez, Mme Sylvie Charrière, Mme Fannette Charvier, M. Stéphane Claireaux, Mme Béatrice Descamps, Mme Jacqueline Dubois, Mme Nadia Essayan, Mme Elsa Faucillon, M. Alexandre Freschi, Mme Annie Genevard, M. Raphaël Gérard, Mme Florence Granjus, M. Régis Juanico, M. Yannick Kerlogot, Mme Brigitte Kuster, Mme Anne-Christine Lang, M. Michel Larive, M. Gaël Le Bohec, Mme Brigitte Liso, Mme Josette Manin, Mme Sophie Mette, Mme Frédérique Meunier, M. Maxime Minot, Mme Sandrine Mörch, Mme George Pau-Langevin, Mme Maud Petit, Mme Béatrice Piron, M. Aurélien Pradié, Mme Florence Provendier, Mme Cathy Racon-Bouzon, M. Frédéric Reiss, Mme Cécile Rilhac, M. Bruno Studer, M. Stéphane Testé, Mme Agnès Thill, Mme Michèle Victory
Assistaient également à la réunion. - Mme Valérie Bazin-Malgras, M. Xavier Breton, Mme Danielle Brulebois, M. Michel Castellani, M. Jean-François Cesarini, M. Charles de Courson, M. Patrick Hetzel, M. Cyrille Isaac-Sibille, M. Paul Molac, Mme Natalia Pouzyreff, M. François Pupponi, Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, Mme Sylvie Tolmont, Mme Annie Vidal