Jeudi 14 mars 2019
La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.
Présidence de Mme Brigitte Bourguignon, présidente
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La commission des affaires sociales poursuit l'examen des articles du projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé (n° 1681) (Mme Stéphanie Rist, rapporteure sur le titre Ier du projet de loi, M. Thomas Mesnier, rapporteur général et rapporteur sur les autres dispositions).
Chapitre II – Doter chaque usager d'un espace numérique de santé
Article 12 : Doter chaque usager d'un espace numérique de santé
La commission examine l'amendement AS781 de M. Pierre Dharréville.
La formulation « lui permettant de gérer ses données de santé et de participer à la construction de son parcours de santé en lien avec les professionnels, les établissements et les autres acteurs de santé » renvoie à une logique libérale d'individualisation du parcours de santé en rendant responsable l'usager de son parcours de santé. Or un nombre trop important de Françaises et de Français renoncent aux soins pour des raisons financières. Avec le financement au parcours de soins, cette individualisation va accentuer ce renoncement. C'est la raison pour laquelle nous supprimons cette partie de l'article 12.
Je ne pense pas que l'usager soit rendu responsable mais bien acteur de son parcours de santé, ce qui est bien l'objet poursuivi. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AS1634 du rapporteur.
Bon nombre d'amendements portent sur le contenu de l'espace numérique de santé (ENS). Je me permets une précision, même si c'est peut-être évident : cet espace numérique de santé n'a pas vocation à développer par lui-même du contenu mais bien à agréger des applications déjà existantes, pour peu qu'elles respectent un certain niveau de sécurité.
Toutefois, j'ai compris la nécessité d'élargir cet espace. Je proposerai donc plusieurs amendements, dont celui-ci, visant à englober, entre autres, dans le champ de l'article 7, le médico-social, le droit des usagers et la défense de leurs droits par les associations, l'information sur l'offre de soins, c'est-à-dire les tarifs pratiqués par les professionnels, et le répertoire des professionnels. Cela devrait permettre de satisfaire bon nombre des amendements qui ont été déposés.
La commission adopte l'amendement.
En conséquence, les amendements AS608, AS782, AS783 et AS833 tombent.
L'amendement du rapporteur ne fait pas explicitement mention des associations d'usagers ; je le trouve moins bien rédigé que le nôtre, et les amendements identiques qu'il fait tomber se justifiaient totalement. J'attache en effet beaucoup d'importance à la représentation des usagers dans les établissements de santé.
L'amendement AS1637 que nous allons examiner un peu plus loin concerne précisément les associations, les usagers et leurs droits.
J'entends ce que dit le rapporteur, mais je pense comme Gilles Lurton qu'il est essentiel de dire aux usagers, avec les mots qui conviennent, qu'ils sont reconnus comme partie prenante, aux côtés des acteurs médico-sociaux.
La commission en vient à l'amendement AS689 de M. Cyrille Isaac-Sibille.
Le présent amendement vise à rendre automatique, sauf opposition du titulaire ou de son représentant légal, la création de l'espace numérique de santé, dès la naissance ou l'installation en France.
En effet, il apparaît nécessaire d'automatiser la création d'un espace numérique de santé dès le plus jeune âge, afin que chaque citoyen ait accès à l'ensemble de ses données de santé et aux services proposés dans l'espace numérique, tout au long de sa vie.
Seule une création automatique dès la naissance, ou à l'installation en France, serait à même d'atteindre l'objectif fixé par le projet de loi : promouvoir le rôle de chaque personne, tout au long de sa vie, dans la protection et l'amélioration de sa santé.
Le sujet est sensible et complexe. Mais je suis d'accord avec vous pour retenir l'idée d'une ouverture automatique ; je vous propose que nous retravaillions votre amendement en vue de la séance.
Je veux bien retravailler cet amendement, mais que faut-il mentionner de plus que la possibilité d'ouvrir le dossier dès l'attribution du numéro d'inscription au répertoire national d'identification et celle, pour le titulaire du dossier ou son représentant légal, de s'opposer à la création de ce dossier ?
Nous sommes sensibles à cette proposition de pouvoir ouvrir ce dossier dès la naissance, avec, naturellement, un droit d'opposition du détenteur de l'autorité parentale. Nous proposons également qu'à sa majorité le titulaire du dossier puisse confirmer ou infirmer sa volonté de maintenir la création de ce dossier. Dans cette perspective, il serait préférable de retravailler la rédaction d'ici à la séance pour résoudre l'ensemble de ces questions.
Se posera également la question de l'âge légal sanitaire ; mais je vous remercie de votre proposition et je retire mon amendement.
L'amendement AS689 est retiré.
La commission est saisie de l'amendement AS963 de M. Joël Aviragnet.
Cet amendement vise à compléter l'article proposant l'ouverture d'un espace numérique de santé, afin de le rendre plus solide juridiquement, en le complétant par la notion de consentement. Il s'agit d'éviter les créations abusives ou frauduleuses d'espaces numériques de santé.
L'espace numérique de santé sera ouvert à l'initiative de l'usager. Contrairement au DMP, il n'a pas vocation à être ouvert par un professionnel de santé. Par ailleurs, l'espace numérique de santé ne réalisera pas de traitement de données. Les règles du traitement de données et les opérateurs de ce traitement seront ceux des différents modules concernés.
Je comprends l'objectif de votre formulation, mais elle ne correspond pas à l'intention de cet article. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle est saisie de l'amendement AS1385 de Mme Albane Gaillot.
Dans la délibération sur le présent projet de loi, en date du 31 janvier 2019, la CNIL suggère, pour éviter toute confusion « de faire également mention du consentement de l'usager à la création de l'ENS dans le projet de loi ».
L'article L. 1111-13-1 précise que l'espace numérique de santé est ouvert à l'initiative de la personne ou de son représentant légal. Par construction, l'ouverture par la personne, seule modalité d'ouverture prévue, emporte son consentement.
Le présent amendement vise néanmoins à s'assurer que l'ouverture est réalisée de façon éclairée, et donc qu'elle soit accompagnée des informations nécessaires à la bonne connaissance et prise en compte des enjeux afférents au fonctionnement de l'espace numérique de santé et au traitement des données de l'usager.
La commission adopte l'amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AS1423 de M. Éric Bothorel.
Conformément à l'avis rendu par la CNIL sur le projet de loi, cet amendement vise à faire apparaître dans la loi que la base légale retenue pour l'ouverture de l'ENS est le consentement au sens du Règlement général sur la protection des données (RGPD).
Aucun traitement supplémentaire ne sera effectué par l'espace numérique de santé. L'espace numérique de santé n'est qu'un espace qui réunit différentes applications, ce n'est pas un gestionnaire de données : c'est l'utilisateur qui sera, juridiquement, considéré comme le responsable de ce traitement.
Par exemple, le consentement sera toujours demandé à l'ouverture d'un DMP, d'une application privée – si elle respecte les référentiels d'éthiques – ou de l'espace Améli. Les règles relatives au consentement prévues par le RGPD n'ont donc pas vocation à s'appliquer à l'ensemble du RGPD, mais bien à chacun des modules qu'il réunit. Avis défavorable.
L'amendement AS1423 est retiré.
La commission en vient à l'examen des amendements identiques AS389 de Mme Agnès Firmin Le Bodo, AS894 de M. Jean-Pierre Door et AS1114 de Mme Jeanine Dubié.
Le consentement du mineur doit être systématiquement recherché s'il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision. Nous proposons par l'amendement AS389 qu'à partir de l'âge de quinze ans – considéré comme l'âge adulte pour les médicaments –, le mineur puisse, avec l'accord des titulaires de l'autorité parentale, accéder à son espace numérique de santé.
À l'inverse, s'il effectue des examens sans le consentement du ou des titulaires de l'autorité parentale, nous prévoyons que les données recueillies dans ce cadre ne seront pas accessibles aux titulaires de l'autorité parentale.
Il paraît souhaitable d'ouvrir aux mineurs la possibilité d'accéder directement à leur espace numérique, avec l'accord de l'autorité parentale. Il peut cependant se trouver des cas dans lesquels il n'existe pas d'autorité parentale ou dans lesquels le mineur souhaite agir en dehors de ce consentement. Il faut éviter, dans ce dernier cas, que les données de santé du mineur recueillies dans ce cadre ne soient accessibles aux titulaires de l'autorité parentale. Tel est le but de mon amendement AS894.
L'amendement AS1114 a le même objet. Donner aux mineurs l'accès à leur espace numérique est une manière de leur faire confiance et de les responsabiliser. Ce qui pose évidemment la question de l'âge légal.
Vous vous interrogez sur les modalités d'accès des mineurs aux différents modules de l'espace numérique de santé. C'est sincèrement un sujet très compliqué, car il faut l'articuler à la fois avec les dispositions prévues par le RGPD et avec les dispositions déjà existantes au niveau national.
Je crois savoir que le ministère de la justice cherche une réponse à cette question que vous avez soulevée. Je vous propose d'y revenir en séance : c'est un sujet délicat et il nous appartient d'être prudents et précis.
Le sujet est d'importance mais nous ne sommes pas encore mûrs techniquement et juridiquement. Je vous propose donc de reprendre en séance la discussion sur ces amendements.
La commission rejette les amendements.
Puis elle en vient à l'amendement AS256 de M. Jean-Louis Touraine.
La personne mineure dispose du droit de s'opposer expressément à la consultation par le ou les titulaires de l'autorité parentale des décisions médicales à prendre lorsque l'action de prévention, le dépistage, le diagnostic, le traitement ou l'intervention s'imposent pour sauvegarder sa santé, afin de garder le secret sur son état de santé.
Ce droit d'opposition à la consultation concerne également les décisions de l'infirmier à prendre, lorsque l'action s'impose pour sauvegarder la santé sexuelle et reproductive d'une personne mineure.
En conséquence, l'ouverture de l'espace numérique en santé des personnes mineures qui ont exercé leur droit d'opposition à la consultation par les titulaires de l'autorité parentale doit relever de l'initiative des personnes mineures elles-mêmes et non de leurs représentants légaux. C'est le sens du présent amendement.
Comme pour les trois amendements précédents, le sujet est particulièrement complexe ; nous nous proposons de retravailler ensemble afin d'aboutir pour la séance à une rédaction juridiquement solide.
L'amendement AS1256 est retiré.
La commission est saisie de l'amendement AS511 de Mme Michèle de Vaucouleurs.
Mon amendement va un peu plus loin que les amendements précédents et propose qu'un adolescent titulaire d'un espace numérique de santé, qui souhaite en restreindre l'accès à lui seul pour des raisons de confidentialité, soit seul gestionnaire de son espace, à partir de l'âge de quinze ans.
L'amendement AS511 est retiré.
La commission examine l'amendement AS1103 de Mme Audrey Dufeu Schubert.
Cet amendement vise à permettre aux titulaires d'un espace numérique de santé, de bénéficier au moment de sa création d'une sensibilisation à l'éducation pour la santé, la prévention et la promotion de la santé. L'espace numérique de santé, par son caractère universel et personnalisable, nous paraît en effet un excellent vecteur. Si l'éducation à la santé est présente à l'école, elle doit se poursuivre tout au long de la vie. Les actions de préventions méritent une piqûre de rappel…
L'objectif poursuivi par cet amendement est intéressant, mais il laisse en suspens beaucoup de questions : qui réaliserait cette formation ? Dans quelles conditions ? Devrait-elle être obligatoire comme vous le proposez ? Avis défavorable.
L'amendement AS1103 est retiré.
La commission en vient à l'examen de l'amendement AS947 de M. Joël Aviragnet.
Il s'agit de rendre l'espace numérique de santé accessible à tous les usagers du système de santé n'ayant pas d'identifiant national de santé (INS), et notamment aux bénéficiaires de l'aide médicale d'État.
Je parle sous le contrôle de la ministre, mais les personnes ne disposant pas d'un identifiant national de santé pourront, comme les autres, ouvrir un espace numérique de santé, le login utilisé n'étant pas l'identifiant national de santé. Les problèmes techniques liés à l'absence d'identifiant numérique de santé concernent plutôt la bonne identification des documents de santé de ces personnes, mais je crois qu'ils sont en train d'être traités par les services compétents. Avis défavorable.
En effet, nous travaillons à ce que le login de ce dossier ne soit pas l'INS.
Si vous m'assurez que tous les usagers auront accès à l'espace numérique de santé, je vous fais confiance.
L'amendement AS947 est retiré.
La commission en vient à l'examen de l'amendement AS1564 du rapporteur.
Dans l'état actuel du texte, le représentant légal peut ouvrir et fermer l'ENS, mais il ne peut pas y accéder. Le présent amendement vise à lui permettre d'accéder à l'ENS, dans les mêmes conditions que le titulaire de celui-ci.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements AS1635 du rapporteur et AS484 de Christophe
Je vais retirer mon amendement AS1635 qui concernait le dossier pharmaceutique (DP) et le carnet de vaccination, car il apparaît que ceux-ci ont vocation à être intégrés dans le dossier médical partagé (DMP). Du coup, ma proposition perd de son intérêt et pourrait compliquer la procédure.
L'espace numérique de santé doit permettre au patient de disposer des informations de santé le concernant les plus larges possible. L'amendement AS484 vise donc à compléter cet espace numérique en y incluant le carnet de vaccination électronique.
Si les Français sont plutôt favorables à la vaccination, ils restent néanmoins en manque d'informations sur ce sujet, notamment sur la mise à jour de leurs obligations. En effet, un patient qui ne consulte pas son médecin traitant de manière régulière ne peut pas toujours savoir si ses vaccinations sont à jour. L'amélioration de la couverture vaccinale en France passera par une meilleure diffusion de l'information sur ce sujet. L'espace numérique de santé constitue un outil formidable pour atteindre cet objectif.
Votre amendement a la même ambition que celui que je viens de retirer, notamment pour des raisons de complexité. Je vous invite à en faire de même.
Je ne vois pas très bien où réside la complexité. Nous sommes au XXIe siècle, on nous envoie des alertes SMS pour nous rappeler la vaccination de nos animaux et on ne serait pas capable de fournir la même information pour ce qui nous concerne ?
L'amendement AS1635 est retiré.
La commission rejette l'amendement AS484.
Puis elle est saisie des amendements identiques AS297 de M. Paul Christophe et AS1221 de M. Jean-Louis Touraine.
Le projet de loi ne fait pas mention du dossier pharmaceutique qui constitue pourtant un outil essentiel de recueil des données. Près de quarante millions de DP sont aujourd'hui actifs, représentant plusieurs milliards de dispensations. Le DP conserve pendant trente-six mois tous les types de traitements médicamenteux du patient, prescrits ou non, remboursés ou non. Les données du DP sont structurées, interopérables avec d'autres systèmes d'information de santé et exportables.
Le DP et le DMP ont, dans un premier temps, vocation à coexister en parallèle l'un de l'autre. La CNIL préconise, dans un second temps, une reprise du DP par le DMP. Dans l'attente de cette fusion, l'amendement AS297 vise donc à inscrire dans l'espace numérique du patient le dossier pharmaceutique, en le mentionnant indépendamment du DMP.
L'article 12 n'intègre pas le dossier pharmaceutique dans l'espace numérique de santé. Pour rappel, ce dossier conserve pendant trente-six mois tous les types de données relatives aux traitements médicamenteux du patient, prescrits ou non, remboursés ou non.
Mon amendement AS1221 propose de mentionner le dossier pharmaceutique, indépendamment du DMP, et de reprendre l'historique de ce dossier pharmaceutique, ainsi que le propose la CNIL.
Comme je l'ai déjà dit le dossier pharmaceutique a vocation à intégrer le DMP. Votre proposition pourrait donc compliquer le dispositif. Je vous suggère donc de retirer ces amendements.
Cette proposition est intéressante et mériterait d'être mise en application, mais nous sommes en train de travailler à l'interconnexion automatique entre DMP et DP, ce qui vaudra également pour la vaccination. Par ailleurs, il se trouve que le contenu du DMP relève du décret.
L'essentiel est que chacun puisse avoir accès à ses données médicales, dont le DMP sera le pivot. Nous allons trouver une solution qui répondra à votre préoccupation, mais nous ne souhaitons pas que cela figure pour l'instant dans la loi.
Si je comprends bien, il sera bien possible de récupérer tout l'historique du dossier pharmaceutique, y compris pour les malades qui ouvrent demain un dossier médical partagé, sachant que le DP est alimenté depuis longtemps.
En effet. Le DMP sera alimenté par le DP, qui est un outil excellent et très ancien, et qui contient des données évidemment essentielles.
L'amendement AS1221 est retiré.
La commission rejette l'amendement AS297.
Elle en vient ensuite à l'amendement AS822 de Mme Justine Benin.
Je vous félicite, madame la ministre, pour la création de cet espace numérique de santé qui permettra à tous les patients d'être davantage acteurs de leur santé.
Mon amendement vise à compléter la disposition qui rend possible à tous les utilisateurs de l'espace numérique de disposer d'informations sur leurs remboursements d'assurance maladie. Je propose que cela soit complété par des informations relatives aux droits délivrés par les organismes de sécurité sociale, afin que chaque usager soit informé sur les prestations auxquelles il peut prétendre. On pourrait, par exemple, imaginer des simulateurs comme il en existe sur le site de la caisse d'allocations familiales, ce qui permettrait de mieux lutter contre le non-recours aux droits.
Vous souhaitez inclure dans cet espace numérique de santé un volet d'information sur les droits auxquels les usagers peuvent prétendre dans le cadre de leur prise en charge par la sécurité sociale.
L'alinéa 6 permet déjà d'intégrer dans l'espace numérique de santé de nombreux services développés par ailleurs, à partir du moment où ils respectent des garanties d'éthique et d'interopérabilité. Une application répertoriant les associations d'usagers, développée par France Assos Santé, pourrait donc tout à fait être intégrée à l'espace numérique de santé, pour peu qu'elle respecte toutes les garanties nécessaires en matière de protection des données personnelles. Toutefois, l'espace numérique de santé n'a pas du tout pour objectif de développer lui-même de nouvelles applications ou de nouveaux services, mais bien de faire le lien entre toutes les applications déjà existantes. Je ne peux donc pas accepter votre amendement.
En revanche, je m'engage à trouver avec vous une reformulation de l'alinéa 14, qui permette d'intégrer votre idée, ainsi que toutes les propositions d'amendements liés au droit des usagers. C'est notamment le cas de mon amendement AS1637, qui propose de compléter l'alinéa 14 en y ajoutant les services développés pour favoriser la prévention et fluidifier les parcours, les services de retour à domicile, les services procurant une aide à l'orientation et à l'évaluation de la qualité des soins, les services visant à informer les usagers sur l'offre de soins et sur leurs droits, et toute application numérique de santé dûment référencée.
L'amendement AS822 est retiré.
La commission est saisie de l'amendement AS810 de M. Pierre Dharréville.
Cet amendement poursuit le même objectif que celui de ma collègue Justine Benin, en facilitant l'accès à l'information sur les droits, dans l'idée de mieux lutter contre le non-recours à ces droits et d'améliorer l'accès à la santé. Nous proposons pour cela d'élargir les informations disponibles aux usagers.
Je partage tout à fait votre objectif, auquel devrait répondre mon amendement, qui vise à informer les usagers sur l'offre de soins, sur leurs droits et sur les applications numériques de santé. Je vous propose de retirer votre amendement et de vous y rallier. Il ne s'agit pas de vous couper l'herbe sous le pied mais d'adopter une rédaction synthétique, qui reflète exactement l'esprit du législateur, plutôt qu'un inventaire à la Prévert.
Mon amendement insistait sur l'accès aux droits, au travers notamment de la faculté donnée aux patients de saisir les autorités compétentes par le biais de ce dispositif ; je ne sais pas si cela figure dans votre proposition.
Selon moi, ma formulation englobe la vôtre, sachant, une nouvelle fois, que l'espace numérique n'a pas vocation à développer des applications pour répondre à ces objectifs mais à les agréger.
L'amendement AS810 est retiré.
La commission examine l'amendement AS1066 de Mme Mireille Clapot.
Les tarifs de soins des praticiens de santé ne figurent pas dans l'espace numérique de santé. Cet amendement vise donc à les y intégrer. Cela améliorera la transparence des tarifs et permettra de rendre l'information accessible à tous.
Là encore, votre demande sera satisfaite par mon amendement AS1637, qui mentionne « les services visant à informer les usagers sur l'offre de soins et sur leurs droits ». L'esprit de votre amendement est donc satisfait : je vous demande de le retirer.
L'amendement est retiré.
La commission examine ensuite l'amendement AS1637 du rapporteur.
Cet amendement, dont j'ai déjà parlé, vise à préciser que les applications du « store santé » de l'espace numérique peuvent également être relatives à la prévention, aux droits des usagers et à l'offre de soins.
Monsieur le rapporteur, je voudrais vous poser une question de béotien en matière de numérique et de gestion des données de santé : est-il prévu de rendre les données de santé incessibles ? Même si chaque patient maîtrise l'usage de ses données, que se passera-t-il si une société ou une compagnie d'assurances demande un accès à ces données ? Comment peut-on garantir qu'il s'agisse bien de droits purement personnels et totalement incessibles ? Ma question est totalement innocente : peut-être est-ce déjà prévu.
Effectivement, c'est déjà prévu. Nous avons eu l'occasion d'aborder la question au sujet d'un amendement de notre collègue Joël Aviragnet, hier soir, au détour de l'article 11, consacré au Health Data Hub.
L'espace numérique de santé est une formidable opportunité pour le patient. On parle, dans ce projet de transformation de la stratégie nationale de santé, de remettre le patient au coeur de son parcours de soins. Or, avec cette disposition, on va même au-delà : il s'agit d'un véritable parcours de prévention et de santé. Il convient effectivement de concevoir l'ENS comme un espace de liberté où chacun pourra piocher, choisir les applications qu'il souhaite en fonction de la labellisation dont elles ont fait l'objet et des critères d'opérabilité et d'éthique auxquels elles répondent. L'avancée numérique va nous permettre d'ajouter des informations médicales, y compris concernant les vaccinations, mais aussi en matière de prévention – il en a déjà été question et le rapporteur nous le répétera tout à l'heure. C'est une véritable ambition, au service de notre nouvelle stratégie nationale de santé.
Il n'est pas fait mention des tarifs dans le texte même de votre amendement. Il est seulement indiqué, dans l'exposé sommaire que les applications peuvent être relatives, par exemple, aux tarifs pratiqués. Ma proposition consistait à faire en sorte que les tarifs soient bel et bien mentionnés dans l'espace numérique.
… qui permet d'avoir des applications proposant un répertoire des professionnels de santé et indiquant – ou pas – les tarifs pratiqués. La rédaction que vous proposiez mentionnait une application donnant spécifiquement les tarifs. Celle que je propose est plus large.
Monsieur Touraine, évitons les échanges directs. Considérez-vous avoir obtenu des explications suffisantes ?
Ce n'est pas possible pour le moment : D'ailleurs, quel sous-amendement proposez-vous ? Il faut une proposition écrite.
La commission adopte l'amendement.
Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements identiques AS510 de Mme Michèle de Vaucouleurs, AS568 de M. Thibault Bazin et AS1345 de Mme Caroline Janvier, ainsi que les amendements identiques AS368 de M. Gilles Lurton, AS901 de M. Brahim Hammouche, AS941 de M. Joël Aviragnet, AS1043 de M. Francis Vercamer et AS1401 de Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel.
Dans une perspective de décloisonnement des secteurs de la santé, du social et du médico-social, il semble essentiel que soit intégrée au futur espace numérique de santé une rubrique liée à l'accompagnement social et médico-social du patient, lequel fait partie intégrante du parcours de soins. Cet ajout que propose mon amendement AS510 permettra de fluidifier le parcours de soins et il apparaît indispensable pour une bonne prise en charge. De plus, on ne saurait négliger l'importance que peut revêtir, dans une prise en charge, l'aspect social et médical.
Pourquoi ne pas verser le dossier de liaison d'urgence dans l'espace numérique ? Tel est notamment l'objet de l'amendement AS568.
L'amendement AS1345 vise à décloisonner le secteur de la santé et le secteur médico-social en ouvrant la possibilité de disposer, au sein de l'espace numérique de santé, d'une rubrique liée à l'accompagnement social et médico-social. À titre d'illustration, il serait possible d'y verser le dossier de liaison d'urgence.
L'amendement AS368 de notre éminent collègue Gilles Lurton est en fait un amendement de repli par rapport au précédent : on s'attellerait non pas au social et au médico-social mais seulement au médico-social. Ce serait déjà une première avancée.
L'amendement AS901 vise également à créer, au sein de l'espace numérique de santé, une rubrique liée à l'accompagnement médico-social du patient. Le parcours médico-social fait partie intégrante des parcours de santé : y verser par exemple le dossier de liaison d'urgence ou des outils de communication adaptés serait très utile pour le patient. À cette fin, l'amendement vise à ajouter une rubrique liée à l'accompagnement médico-social du patient, en cohérence avec la stratégie nationale de santé, qui préconise précisément d'« assurer la continuité des parcours avec une offre transversale entre acteurs sanitaires, médico-sociaux et sociaux ».
Il faut en effet ajouter le volet médico-social dans l'espace numérique de santé, ce que propose également mon amendement AS941. On pense notamment aux personnes en situation de handicap : l'accompagnement médico-social peut avoir des incidences évidentes sur leur santé.
Afin de décloisonner le secteur sanitaire et le secteur médico-social, mon amendement AS1043 propose d'intégrer l'accompagnement médico-social à l'espace numérique individuel de santé. Vous avez pour ambition d'accélérer le virage numérique engagé par le dossier médical partagé (DMP) et le dossier pharmaceutique. Eh bien, si on veut être vraiment efficace, il faut que les informations rassemblées soient exhaustives.
Je comprends tout à fait l'objectif que poursuivent les auteurs de ces amendements et je le partage. Toutefois, leur demande a été satisfaite par l'amendement AS1637, dont la formulation inclut l'ensemble du secteur social et médico-social. Je demande donc le retrait de ces amendements ; à défaut, avis défavorable.
Les amendements sont retirés.
La commission examine alors les amendements identiques AS609 de M. Gilles Lurton et AS1037 de M. Pierre Dharréville.
L'amendement AS609 est important : il s'agit de l'accès aux droits, dont je sais, madame la ministre, qu'il est l'une de vos préoccupations. La question qui se pose est la suivante : ne pourrait-on pas élargir la gamme des informations offertes aux usagers, afin qu'ils aient connaissance de leurs droits ? Les modalités techniques resteraient bien sûr à définir.
Notre amendement AS1037 vise lui aussi à élargir la gamme des informations offertes aux usagers dans l'espace numérique afin qu'ils aient connaissance de tous leurs droits – je pense notamment à l'accès à une protection complémentaire ou encore à la possibilité de saisir le conciliateur.
Ces amendements ont eux aussi été satisfaits par l'adoption de l'amendement AS1637, qui visait à prendre en compte l'ensemble de vos préoccupations grâce à une rédaction un peu plus synthétique et facilitant la lecture de la loi. Je vous lis de nouveau le dispositif que nous venons d'adopter : « notamment des services développés pour favoriser la prévention et fluidifier les parcours, les services de retour à domicile, les services procurant une aide à l'orientation et à l'évaluation de la qualité des soins, les services visant à informer les usagers sur l'offre de soins et sur leurs droits ».
L'amendement AS609 est retiré.
Eh bien, moi, je ne retire pas le mien… Il faut faire plus, monsieur le rapporteur : l'usager, lorsqu'il entre dans son espace numérique, doit être informé de ce à quoi il a droit et de ce qu'il peut faire en cas de difficulté. On voit bien ce qui se passe avec la prime d'activité, par exemple : on se demande si on peut la toucher ou pas. C'est la même chose pour les aides concernant l'écologie et l'énergie. Il faut pouvoir obtenir tous les renseignements nécessaires en un seul clic.
Je comprends tout à fait votre demande, mais ce que vous proposez changerait la philosophie de l'espace de santé numérique. Je prends souvent l'exemple du smartphone, qui vous est livré sans applications : c'est à vous de les télécharger. De la même manière, vous irez dans l'« Appstore santé » et vous téléchargerez toutes les applications qui vous intéressent, notamment celles qui fournissent des informations sur les sujets dont vous avez parlé. L'idée est de faire en sorte que le patient soit acteur et responsable, aussi bien de la gestion de son espace que de son contenu. Adopter votre amendement serait aller contre la philosophie même de l'espace numérique, telle qu'elle est conçue : il s'agit non pas de donner des informations mais d'agréger les applications qui en fournissent.
J'ai bien entendu vos arguments et j'ai bien compris que ce que je propose n'entre pas dans le cadre que vous élaborez. Je pense toutefois qu'il faut réfléchir à cette question.
La commission rejette l'amendement AS1037.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AS823 de Mme Justine Benin.
Cet amendement vise à compléter les outils de l'espace numérique de santé en y intégrant un volet de prévention et de promotion de la santé. Mais comme j'ai suivi toute notre discussion, je sais que M. le rapporteur va me répondre qu'il est satisfait. En conséquence, je le retire.
L'amendement est retiré.
La commission examine l'amendement AS1068 de Mme Mireille Clapot.
Les alinéas 8 à 14, précisant ce à quoi permet d'accéder l'espace numérique de santé, omettent le champ de la prévention, qui est pourtant un maillon essentiel de la stratégie nationale de santé 2018-2022. Nous proposons donc de rendre accessibles au plus grand nombre les recommandations en matière d'actions préventives, notamment pour ce qui touche aux principaux facteurs d'addiction – à savoir l'alcool et le tabac –, ou encore à l'obésité et à la santé sexuelle et reproductive.
Une nouvelle fois, je considère que l'amendement est satisfait par l'adoption de l'amendement AS1637, qui fixe cet objectif de manière plus concise. Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, avis défavorable.
Je le maintiens : avec la rédaction que je propose, l'objectif est explicite, ce qui permet d'encourager vraiment la prévention.
La commission rejette l'amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AS1156 de Mme Marguerite Deprez-Audebert.
Cet amendement vise à inclure des données chiffrées sur la consommation d'actes médicaux de chaque citoyen, mais aussi au niveau national. Après la crise des gilets jaunes, nous avons tous noté un désir d'information et de transparence. Chacun pourra ainsi mesurer l'ampleur de sa consommation d'actes médicaux, mais aussi disposer d'un suivi personnel. Cette mesure vise non pas à culpabiliser mais à responsabiliser et aboutir à une diminution de la surconsommation. Mettre en place cette information, à l'heure des outils informatiques, ne poserait pas de difficultés techniques, n'entraînerait pas de surcoût et ne poserait pas non plus de problème de confidentialité.
Je considère que votre amendement est satisfait : les informations en question sont déjà disponibles via le portail de l'assurance maladie en ligne (AMELI) – et le seront également, à l'avenir, dans le DMP. Au demeurant, AMELI a probablement vocation à développer une application pour l'espace numérique de santé. Je vous propose donc de retirer votre amendement.
L'amendement est retiré.
La commission adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels AS1624, AS1625 et AS1636 du rapporteur.
Elle est alors saisie de l'amendement AS964 de M. Joël Aviragnet.
Cet amendement a pour but de restreindre l'utilisation des données de santé contenues dans l'espace numérique de santé aux seules données pertinentes pour l'accompagnement médical du patient. Ce faisant, nous limiterons également le risque de piratage informatique.
L'usager pourra décider de rendre accessibles certaines parties de son espace numérique de santé à des professionnels ou établissements de santé. L'accès sera entièrement paramétrable par ses soins, il pourra cocher les parties qu'il rend accessibles et déterminer au cas par cas la durée de cette accessibilité. Par ailleurs, le système permettra de définir un paramétrage spécifique pour chaque acteur de santé : ainsi, il sera possible de donner un accès large et de longue durée à son médecin traitant et un accès limité à la durée de son hospitalisation dans le cas d'un séjour dans un établissement de santé. Le système recèle de très nombreuses potentialités, par exemple pour la mesure du rythme cardiaque ou encore pour les capteurs intelligents de glycémie utilisés par les patients diabétiques. Avis défavorable.
J'ai bien entendu vos arguments, monsieur le rapporteur, mais notre amendement vise la nature même de certaines données, alors que vous parlez de l'étendue du partage avec tel ou tel professionnel, selon la volonté du patient. Peut-être reprendrons-nous cette discussion en séance.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement AS1565 du rapporteur.
Cet amendement vise à préciser la portée de l'application des dispositions du règlement général sur la protection des données (RGPD) à l'espace numérique de santé.
La commission adopte l'amendement.
Elle est alors saisie de l'amendement AS1399 de Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel.
Cet amendement vise à vous alerter : la création d'un espace de santé numérique permettra aux citoyens d'être mieux informés, mais de nombreux territoires risquent d'être pénalisés. En effet, dans les territoires ruraux n'offrant pas d'accès à internet, des difficultés se présenteront. Celui qui est en charge de la conception et de la gouvernance de l'espace numérique de santé devra tenir compte de cette inégalité.
La fracture numérique est évidemment un sujet majeur dans notre pays – et cela va bien au-delà, d'ailleurs, de la question de l'espace numérique de santé. C'est toute la cohérence du projet du Gouvernement et de la majorité que d'agir pour créer l'espace numérique de santé d'ici à la fin du quinquennat tout en développant, depuis l'année dernière, le projet d'une couverture en haut débit de l'ensemble du territoire. La conception et la mise en oeuvre de l'espace numérique de santé ne relèvent pas véritablement du niveau de la loi, mais nous serons toutes et tous attentifs à ce que l'ENS soit accessible à tous. Je vous demande donc de retirer votre amendement.
C'est effectivement un sujet majeur : la fracture numérique crée des inégalités. Nos concitoyens y sont évidemment très vigilants – et nous aussi. Je souhaite que, dans la mise en oeuvre de l'espace numérique de santé, nous nous intéressions en particulier aux aspects éthiques. Nous allons travailler avec toutes les parties prenantes. Cela dit, je ne pense pas que cela relève du niveau de la loi. Au demeurant, d'ici à 2022, nous aurons accru la couverture numérique du territoire ; elle devrait même, à ce moment-là, être complète. Toutefois, nous vérifierons évidemment d'ici là que l'accès à l'espace numérique est garanti à tous. Sachez que, même si nous ne souhaitons pas voir adopter votre amendement, nous allons travailler sur le sujet et, d'une manière générale, sur l'éthique de l'espace de santé.
La question est intéressante en ce qu'elle touche au droit à l'information pour tous, à l'égalité dans l'accès à l'information. Un grand nombre de gens n'ont pas internet. Or ils doivent avoir les mêmes droits que les autres. Cette question est donc intéressante. Je ne sais pas comment on peut la régler, mais elle est importante.
Vous soulevez, avec votre amendement, un sujet effectivement très intéressant, qui concerne tous nos concitoyens, ou une grande partie d'entre eux. La fracture numérique englobe plusieurs sujets : il y a certes ce qui concerne le réseau, l'infrastructure et les zones blanches – le Gouvernement est pleinement engagé à cet égard –, mais il y a également un autre aspect, qui est lui aussi important : le savoir-faire, la capacité à manipuler les outils, à y accéder et à comprendre comment ils fonctionnent. On ne peut certainement pas inscrire cette dimension dans la loi, mais nous avons aussi l'ambition de faire du numérique un outil qui soit au service de tous et non pas destiné à créer des fractures.
Je soutiens cet amendement car il permet d'aborder un sujet important. Mme la ministre nous assure qu'en 2022 tout le pays sera logé à la même enseigne en matière de numérique. Je n'y crois pas un seul instant : il suffit de regarder la carte de la France pour voir qu'on est encore très loin d'une couverture totale. Se pose aussi le problème de nos aînés, des seniors qui ne savent pas utiliser internet et n'ont pas d'adresse mail. Je pense par exemple au fait que, pour la création d'un DMP, il faut indiquer une adresse mail ou un numéro de téléphone portable, alors que certaines personnes âgées n'ont ni l'un ni l'autre, ce qui les empêche de s'inscrire.
Je me permets une incursion dans le débat. Élue d'une circonscription très rurale, je me bats contre cette image surannée de la ruralité. Des problèmes peuvent encore se poser dans des hameaux isolés mais, dans les villages, un effort considérable a été fait. Les collectivités s'en sont mêlées : les régions et les départements – en tout cas dans les Hauts-de-France, région que plusieurs d'entre nous, ici, connaissent bien –, en particulier, ont conduit une politique volontariste.
Par ailleurs, je suis très étonnée par l'adaptabilité des personnes âgées à l'usage d'internet et de la messagerie électronique. Elles ont également des smartphones. Arrêtons donc de penser, dans une vision passéiste, qu'elles n'ont pas accès au numérique. Cela dit, il y a des choses à revoir, notamment en ce qui concerne la déontologie. Il existe aussi, parfois, des problèmes d'accès à la compréhension ; là-dessus, nous sommes d'accord. Mais j'ai une image un peu plus moderne que vous de la ruralité. Je la côtoie tout le temps et j'ai vu les progrès considérables qui ont eu lieu en l'espace de six ou sept ans. Nous devons tous en tenir compte dans nos raisonnements, même si, bien sûr, il faut toujours être vigilant s'agissant de l'égalité.
Je souscris aux propos que vous venez de tenir, madame la présidente. Ne versons pas dans la caricature : de même qu'il n'est pas vrai que tout le monde sache utiliser un espace numérique, il est faux de dire que personne n'en est capable. Les choses sont bien plus compliquées que cela.
Quoi qu'il en soit, dans la conception même de l'espace numérique de santé, prenons garde à ne pas faire quelque chose de trop compliqué : il faut que l'outil soit relativement simple pour que chacun d'entre nous s'en saisisse. C'est à cette condition qu'il sera pleinement opérationnel. Il faut en effet éviter d'avoir un site certes bien conçu mais proposant trop d'informations et donc, en définitive, trop compliqué à utiliser – c'est le cas de celui de Pôle emploi.
J'écoute avec gourmandise les leçons de ruralité de M. Maillard, élu du VIIe arrondissement de Paris. (Sourires.)
Quoi qu'il en soit, je partage votre constat sur la ruralité, madame la présidente. Je suis moi aussi élu d'un département rural, la Sarthe, qui a investi 384 millions d'euros dans le numérique, c'est-à-dire quatre fois plus que ce que l'État lui donne en 2019 au département pour la réalisation de cet objectif. Mon département sera entièrement connecté à la fibre avant la fin de l'année 2022. Je vous rejoins aussi sur au fait que les personnes d'un certain âge n'ont pas, en définitive, l'appréhension que l'on imagine à l'égard des outils numériques, et qu'elles sont souvent beaucoup plus modernes qu'on veut bien le dire.
Nous devons toutefois rester attentifs en permanence à un point, sur ce sujet comme sur beaucoup d'autres : l'humanité. Ne mettons pas uniquement des machines face aux hommes ; parfois, la santé nécessite aussi un peu de relations humaines et de chaleur humaine.
L'objet de mon amendement n'était pas de souligner la fracture numérique liée à la ruralité ou à l'âge, mais bien de pointer les problèmes de réseau existant dans certains territoires, notamment dans le département des Alpes-de-Haute-Provence, qui est le mien et celui de Mme Fontaine-Domeizel : essayez de passer un coup de fil quand vous êtes en voiture… Les problèmes de réseau font partie des spécificités des zones de montagne. Parfois, la fibre passe au pied du village, mais le village n'est pas connecté. Enfin, le retard dans le développement du réseau n'est pas forcément dû aux collectivités : certains opérateurs, il faut le dire, traînent les pieds.
Le numérique est un sujet très intéressant, à tel point qu'on y revient à chaque projet de loi.
Pour ma part, je voudrais faire deux réflexions. Premièrement, bien sûr, l'équipement pose problème. Mme la ministre nous annonçait la couverture de 100 % du territoire en 2022. Y compris à Mayotte et en Guyane, également départements français ? Il ne faut pas essayer de faire croire de telles choses à nos concitoyens !
Le second sujet est celui de l'accompagnement humain. L'accès aux droits par le numérique passera, j'en suis convaincue, par un accompagnement humain, par un service public de proximité et de qualité. Ce n'est que comme cela que nous ferons du numérique un outil d'égalité et d'accès aux droits pour chaque citoyen français. Or, dans ce texte comme dans d'autres projets de loi, on ne retrouve pas cette préoccupation.
Je souscris à ce que vient de dire Éricka Bareigts. Le Défenseur des droits, dans son rapport annuel, présenté cette semaine, vient d'ailleurs d'appeler notre attention sur l'utilisation que nous faisons des outils numériques et sur les précautions à prendre – c'est particulièrement vrai dans le domaine de la santé. Ils ne doivent pas devenir, à notre corps défendant, des outils d'exclusion.
Le sujet a déjà été évoqué à plusieurs reprises, mais je voudrais, à mon tour, rappeler l'engagement des collectivités territoriales : de nombreux maires mettent des postes informatiques à la disposition des usagers et les accompagnent dans leurs démarches. On fait surtout beaucoup de médiations numériques dans les maisons de services au public, dans les caisses d'allocations familiales (CAF) – on l'a vu au mois de janvier avec la modification de la prime d'activité –, ou encore dans les caisses primaires d'assurance maladie (CPAM), où de nombreuses actions ont déjà été mises en place, par exemple avec les coffres-forts numériques. Cela permet d'accompagner les usagers et de mettre de l'humain, de la chair, comme disait M. Grelier tout à l'heure. C'est bien la philosophie de l'espace numérique de santé que d'être au service des usagers, tout en fournissant l'accompagnement qui va avec. Je maintiens donc ma demande de retrait.
Je vous proposerai, dans les prochaines semaines, d'auditionner le Défenseur des droits. Nous pourrons, à cette occasion, évoquer cette question, parmi d'autres. J'ai également lancé un travail sur l'usage du numérique pour les travailleurs sociaux. Nous pourrons donc imaginer, dans les prochaines semaines – dès que nous aurons achevé l'examen de ce projet de loi, si toutefois nous y arrivons (Sourires) –, de travailler sur ces questions.
Madame Fontaine-Domeizel, retirez-vous votre amendement ?
À dire vrai, je suis assez partagée. Effectivement, il y a une véritable ambition et j'ai confiance en Mme la ministre, qui portera une attention particulière au sujet. En même temps, mon amendement a suscité de nombreuses discussions et interrogations. Réflexion faite, je le maintiens.
La commission adopte l'amendement.
La commission est saisie de l'amendement AS1214 de M. Jean-Hugues Ratenon.
En 2017, le laboratoire Servier a développé un partenariat avec l'entreprise franco-américaine Embleema nouvellement créée, qui propose aux individus d'héberger en ligne leurs données de santé et d'eux-mêmes les mettre en vente. Si nous comprenons la numérisation du site du système de santé, il ne faut pas en oublier de protéger nos concitoyens. Par cet amendement, nous proposons d'interdire la vente de leurs données de santé par les personnes, qui mettraient leur vie en danger pour gagner quelques euros.
Je comprends tout à fait votre point de vue : nous avons abordé ce sujet très important à l'occasion d'un amendement de M. Aviragnet hier sur le Health Data Hub et encore tout à l'heure avec la question de M. Grelier. Je tiens à vous apporter une réponse détaillée.
Non, l'utilisateur ne doit pas pouvoir vendre ses données de santé. En revanche, il peut être envisageable qu'il puisse les communiquer. Il faut protéger le citoyen des abus et les applications contenues dans le « store santé » n'auront absolument pas la main sur le DMP, rassurez-vous, mais il ne faut pas non plus empêcher une start-up du « store » de l'espace numérique de santé respectant le RGPD, les normes de sécurité et le cadre éthique fixés, de récupérer les données de glycémie de l'entrepôt des constantes de l'espace numérique de santé pour alerter le patient lorsque son taux dépasse un seuil critique, ou une montre connectée mesurant le rythme cardiaque – peut-être certains dans cette salle en portent-ils une –, ou encore une application de télé-expertise entre médecins spécialistes qui auraient besoin d'échanger les constantes issues de l'espace numérique.
Je comprends vos inquiétudes, j'espère y avoir répondu. Votre volonté est déjà satisfaite. Il n'est pas possible de vendre ou de céder ces données dans un but commercial. Avis défavorable.
Je suis désolée, monsieur le rapporteur, mais vous ne m'avez pas convaincue. La distribution des données, dans le cas de la glycémie que vous avez évoqué, est gratuite. Nous demandons quant à nous d'empêcher que des sociétés, pour quelques euros, proposent à des personnes qui manquent d'argent, et elles sont nombreuses dans la situation actuelle, de leur acheter leurs données de santé.
C'est un point essentiel. Il ne me viendrait pas à l'idée d'autoriser à vendre un rein ; c'est pareil pour les données de santé. Le droit actuel satisfait d'ores et déjà votre amendement. J'ai parlé des possibilités de cession à titre gratuit pour un meilleur niveau de soins et de santé, mais l'actuel article L. 1111-8 du code de santé publique répond à votre préoccupation. Je maintiens mon avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement AS989 de Mme Claire Pitollat.
Cet amendement vise à permettre aux CPAM organisatrices des plateformes d'intervention départementales pour l'accès aux soins et à la santé (PFIDASS) de proposer leurs services aux personnes éloignées de leurs droits et du système de santé par le biais de l'espace numérique de santé. Je rappelle que les PFIDASS ont pour objectif d'accompagner les assurés du régime général les plus éloignés des soins et qui renoncent à des soins, pour des raisons de précarité notamment.
Votre amendement est déjà satisfait. Rien n'empêche la CNAM, si elle le souhaite, de développer toute application qu'elle voudrait voir exister sur l'espace numérique de santé. Il ne me semble donc pas souhaitable d'inscrire des cas spécifiques. La CNAM, qui est un acteur majeur, pourra développer des applications. Cela renvoie aux discussions que nous avons eues tout à l'heure sur les tarifs, la présentation des professionnels… Je propose un retrait.
L'amendement est retiré.
La commission est saisie de l'amendement AS1208 de Mme Caroline Fiat.
Dans le secteur du logement, la loi interdit au propriétaire de demander certains types de documents – relevé bancaire, extrait de casier judiciaire… – en établissant une liste de documents autorisés. Néanmoins, dans de nombreux autres domaines, la loi demeure silencieuse et il est difficile de prévoir ce qui pourrait advenir avec l'espace numérique en santé. S'il est actuellement possible pour toute personne de réclamer son dossier médical, peu de gens y ont recours du fait de la lourdeur administrative que cela représente. En revanche, si demain toute personne peut disposer gratuitement et directement d'un accès à un certain nombre de données de santé la concernant, comment ne pas craindre que des données soient exigées ou même achetées par des tiers intéressés ? Pour prévenir les risques de discrimination liés à l'état de santé et pour pallier le risque de fuite massive de données de santé, le présent amendement interdit à toute personne tierce, physique ou morale, de demander la communication de données de santé accessibles depuis l'espace numérique de santé des titulaires.
Si nous adoptions cet amendement, tout l'intérêt de l'espace numérique de santé tomberait. C'est ce que je disais tout à l'heure : l'intérêt, c'est que les données concernant par exemple votre rythme cardiaque, ou votre glycémie quand vous êtes diabétique, puissent être transmises à la start-up qui gère cette application pour vous alerter quand il y a un problème. En cas de diabète, quand la glycémie est trop haute, vous pourriez recevoir une alerte vous invitant à consulter ou à refaire votre traitement par insuline. Quand vous avez un problème cardiaque, si votre montre détecte que vous avez une arythmie, il faut qu'elle puisse vous le communiquer pour vous inviter à consulter. C'est tout l'enjeu de cet espace numérique. Avis défavorable.
Nous demandons de ne pas permettre à une personne d'exiger, par exemple pour un appartement, nos données de santé. Le titulaire ne peut communiquer ou vendre ses données de santé à un organisme privé à but lucratif. Quand vous parlez de glycémie et autres ; il ne s'agit pas de cela. Il arrive à des gens de se voir refuser un crédit car les prêteurs sont parvenus à se procurer leurs données médicales on ne sait comment ; j'ai eu personnellement à connaître d'un cas et je sais donc que cela arrive. Il faut que personne ne puisse exiger de quiconque de donner ses informations de santé. Nous maintenons l'amendement.
Une fois n'est pas coutume, je suis plutôt d'accord avec Mme Fiat. Vous savez que les juristes sont des obsédés textuels ; je viens de vérifier, l'article L. 1111-8 du code de la santé publique est totalement inopérant pour répondre à la question posée. Il est interdit à un hébergeur de données de santé de céder ces données mais nous ne sommes pas ici dans l'hypothèse d'un hébergeur qui céderait des données mais dans celle où la personne en viendrait, consciemment ou inconsciemment, à céder elle-même ses données de santé sous la pression d'un opérateur. Je rappelle que la cession peut même se faire à titre gratuit puisqu'on peut céder des données sur les réseaux sociaux, Facebook, Twitter et autres. Il me semble que notre arsenal juridique ne contient pas de dispositif interdisant à un particulier de céder ses données ou, plus exactement, pour remettre les choses dans le bon ordre juridique, qui interdirait à tout organisme privé ou public d'acheter des données de santé.
Votre préoccupation, madame Fiat, est couverte par la loi « Informatique et libertés » ; quant à vous, monsieur Grelier, je vous renvoie au RGPD, où chacun peut choisir de donner son autorisation ou non.
Monsieur Grelier, nous resterons tous propriétaires de nos données de santé, et nous ne pouvons pas les vendre. Il est possible d'en céder l'utilisation, mais les données de santé restent la propriété de la personne. Je crois que c'est dans les textes.
J'essaye de bien comprendre ce que l'on souhaite interdire. L'amendement de Mme Fiat porte interdiction de communication : cela revient à tuer l'espace numérique en santé puisque cela empêcherait des applications d'utiliser des données de santé, par exemple sur le suivi du diabète, alors même que ce sont des applications sécurisées et qu'elles ne pourront jamais les vendre. De fait, nous communiquons aujourd'hui nos données de santé par millions chaque jour via des montres connectées et ces données sont stockées aux Philippines, ce qui n'a l'air de gêner aucun citoyen français. Il serait gênant que l'espace numérique en santé soit moins-disant que ce qui existe actuellement.
Nous ne souhaitons pas que ces données soient vendues et cette volonté a été inscrite dans la loi : c'est le RGPD. Mais interdire que les données soient communiquées me paraît contre-productif car nous ne pourrons alors pas avoir d'applications connectées à nos données de santé. L'amendement de Mme Fiat va trop loin. En revanche, les hébergeurs et tous ceux qui utilisent nos données ne doivent pas pouvoir les vendre : c'est prévu dans l'article L. 1111-8.
Notre amendement vise par exemple à interdire à un propriétaire d'exiger, pour louer un appartement, que la personne intéressée lui communique ses données de santé. Si on ne l'interdit pas, cela se produira : on connaît déjà des cas de ce genre. Les gens pourraient céder leurs données de santé non par envie de les donner, mais dans le seul but d'avoir un logement, par exemple.
Je suis confus de jouer les coupeurs de cheveux en quatre, mais le RGPD ne donne pas satisfaction : rien n'empêche un particulier qui le souhaite de vendre ses données de santé à quelqu'un qui exercerait sur lui des pressions en ce sens. J'ai trouvé intéressant l'exemple du rapporteur sur la vente d'organes : ce n'est pas la vente qui est interdite, mais l'achat d'organes. Peut-être pourrions-nous interdire et pénaliser l'achat dans la loi de données de santé, ce qui bloquerait la possibilité sans priver de son efficience le dispositif que vous construisez.
C'est bien la raison pour laquelle je demandais hier un droit non patrimonial des données de santé : il faut impérativement rendre ces données non commercialisables. On voit bien que le sujet est délicat et qu'il faut prendre le temps d'y réfléchir. L'article que vous avez évoqué, monsieur le rapporteur, n'est pas aussi clair que vous le dites. C'est une question extrêmement sensible et on ne peut pas tout laisser faire.
Il est en effet absolument nécessaire de prévoir des protections plus fortes que celles qui existent dans le droit commun actuel concernant les données de santé. Il ne s'agit pas simplement d'affirmer la propriété personnelle des données, il faut empêcher les pressions en vue de leur communication. C'est pourquoi j'ai déposé un amendement AS807, que nous examinerons dans quelques minutes, qui interdit la communication de ces données aux assurances privées. On pourrait y ajouter les bailleurs, les banques et d'autres. Quand les données de santé servent à établir un tri, dans l'activité d'organismes de ce type, c'est un véritable problème.
Je pense que tout le monde est d'accord pour interdire la vente des données de santé, mais nous parlons là de leur communication, de leur utilisation pas forcément lucrative mais préalablement à un contrat, par exemple un prêt bancaire. Les banques réclament des données de santé avant de consentir un prêt, et cela se produit aussi dans d'autres domaines. Je ne suis pas sûr que l'amendement y réponde, mais c'est un vrai sujet ; comme M. Aviragnet, je pense que nous devons prendre un peu de recul.
Je vous remercie de donner la parole à un passager clandestin de votre commission… Je ferai observer, et en cela je rejoins les propos de la ministre, qu'interdire la communication revient purement et simplement à mettre fin au consentement, c'est-à-dire à la faculté de disposer de ses données et de choisir ou non de les confier à un tiers. Les lois qui encadrent la matière, la loi pour une République numérique, le règlement général sur la protection des données, ont été rappelés mais, de fait, l'amendement mettrait fin au principe le plus protecteur pour celui qui possède ces données, à savoir le pouvoir de consentir.
Quand une personne souhaite emprunter pour acheter une maison ou souscrire un contrat d'assurance, on peut exiger d'elle qu'elle remplisse un auto-questionnaire et même qu'elle suive une visite médicale au terme de laquelle un certificat sera délivré. C'est la situation actuelle. Si de l'hypertension artérielle est constatée, un contrôle aura lieu et cela augmentera éventuellement le taux de couverture du prêt. C'est la logique assurantielle et c'est parfaitement légal. La question posée est de savoir si, demain, les assurances des banques, par exemple, pourraient exiger pour leurs propres dossiers copie du DMP à des patients qui se verraient contraints d'accepter sous peine de ne jamais bénéficier d'un prêt. J'imagine que la réponse est non, mais je me joins au questionnement collectif.
Cette discussion est vraiment passionnante. En fait, la question que pose Mme Fiat vaut déjà pour aujourd'hui : on pourrait tout à fait demander à un citoyen qu'il donne connaissance à un bailleur d'un dossier médical papier. La loi dispose qu'un dossier médical doit être donné à un médecin et est protégé par le secret médical ; mais, un patient étant propriétaire de ses données, rien ne l'empêche de les communiquer qui il veut. Ce que nous devons faire, c'est, comme l'a dit M. Véran, protéger l'accès au DMP, faire en sorte que bailleurs, banques et autres ne puissent solliciter l'accès à un DMP informatisé.
Cela dit, est-il possible d'interdire à quelqu'un de céder ses données de santé numériques alors qu'il est aujourd'hui possible de donner ses données papier ? Si on l'interdit pour les données numériques, l'interdire aussi pour les données papier.
Nous allons retravailler sur tout cela pour donner satisfaction aux uns et aux autres, car cela nécessite encore beaucoup de travail juridique : cela renvoie à toute la problématique du consentement, du secret médical, etc. Nous reviendrons en séance avec une proposition, mais nous ne pourrons pas interdire par la loi un citoyen français de donner accès à son dossier médical à qui il veut.
D'autant plus que l'on peut parfois avoir besoin de transférer ses données médicales dans le seul but de faire valoir ses droits. Je pense par exemple à la reconnaissance du handicap : elle nécessite la transmission de données médicales à l'administration qui instruit le dossier. L'amendement, tel que rédigé, empêcherait l'intéressé de faire valoir ses droits dans ce cadre…
Prenons garde, en effet, à la rédaction. Dieu sait que je ne suis pas le chantre des assureurs, mais n'oublions pas que la déclaration de la pathologie ou du risque permet d'assurer le risque. Si nous interdisons la déclaration du risque, le client ne pourra plus être assuré pour son risque. La démarche des auteurs de l'amendement est vertueuse à la base mais attention à ce que cela ne se retourne pas contre l'assuré.
Nous sommes impatients, madame la ministre, de connaître ce que vous présenterez en séance. En attendant, nous retirons l'amendement.
L'amendement est retiré.
La commission examine les amendements identiques AS1628 du rapporteur et AS1427 de M. Éric Bothorel.
Cet amendement AS1628 impose la consultation de la CNIL dans l'élaboration du décret en Conseil d'État détaillant les modalités de la conception de l'espace numérique de santé.
La commission adopte ces amendements.
Elle adopte ensuite l'amendement rédactionnel AS1626 du rapporteur.
Puis elle examine les amendements identiques AS1629 du rapporteur et AS1424 de M. Éric Bothorel.
Dans son avis rendu sur le projet de loi, la CNIL « attire l'attention sur le fait que le référencement des services et outils doit conduire à ce que seules des données pertinentes puissent être versées dans l'espace numérique de santé (ENS) afin de pallier d'éventuelles mauvaises pratiques de la part des usagers ». Elle demande également « à être associée aux travaux relatifs à l'élaboration des référentiels, labels et normes imposés dans l'ENS et à être consultée préalablement à leur validation. » Tel est l'objet de ces amendements.
La commission adopte ces amendements.
Elle examine ensuite l'amendement AS740 de M. Philippe Vigier.
Le numérique s'impose de plus en plus dans le domaine de la santé comme dans tous les champs d'activité. Je souhaite appeler votre attention sur le sujet majeur de l'interopérabilité entre les espaces numériques mais aussi avec l'usage que l'on peut en faire et les logiciels utilisés par les établissements. Si c'est étanche, il n'y aura pas de communication ; l'interopérabilité est le gage de l'efficacité. Cela n'ôte rien aux contraintes d'utilisation et de diffusion dont nous venons de discuter. Nous avons trop vécu l'écran étanche dans les hôpitaux et le privé ; il me semble important que nous ayons une stratégie nationale en la matière, qui parte du ministère.
Vous craignez que l'espace numérique de santé ne conduise à un surcoût pour les établissements, mais l'ENS ne fait que réunir sur une même plateforme des outils qui existent déjà et qui ont surtout un intérêt utilisateur-usager. Cela n'aura de fait aucun impact sur les établissements de santé, à moins que les établissements fassent la démarche d'aller récupérer des données, auquel cas des référentiels d'interopérabilité sont prévus avec cette transformation. Avis défavorable.
Pour avoir déployé et mis en oeuvre le dossier patient et toute la partie administrative pendant de nombreuses années, je confirme qu'il existe, depuis une quinzaine d'années, des modes d'interopérabilité qui fonctionnent excellemment. Il existe même une norme européenne, dans laquelle les éditeurs de logiciels sont investis ; cela marche relativement bien. Ce sont plutôt les problématiques liées au développement des applications et à la prise en compte des processus de soins dans les établissements qui restent encore à parfaire.
Vous avez raison, monsieur Vigier, il faut de l'interopérabilité, mais votre amendement tel qu'il est rédigé pose problème : ce n'est pas l'espace numérique lui-même qui doit être interopérable mais bien les applications et le DMP à l'intérieur. Nous pouvons vous présenter un sous-amendement en séance pour le corriger.
L'amendement est retiré.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l'amendement AS807 de M. Pierre Dharréville.
La commission est saisie de l'amendement AS690 de M. Cyrille Isaac-Sibille.
Cet amendement est complémentaire de celui que j'ai présenté tout à l'heure pour l'ouverture automatique de l'espace numérique de santé : il s'agit de faire la même chose pour le DMP.
Il est en effet complémentaire de l'amendement dont nous avons convenu que nous le retravaillerions d'ici à la séance. Le souci, avec la rédaction que vous proposez, c'est que le DMP est déjà opérationnel tandis que l'ENS ne le sera qu'en 2022. J'en demande le retrait.
L'amendement est retiré.
L'amendement AS691 de M. Cyrille Isaac-Sibille est également retiré.
La commission examine l'amendement AS388 de Mme Agnès Firmin Le Bodo.
Il est proposé que les établissements publics de santé ainsi que les professionnels de santé impliqués dans des projets de recherche puissent, dans des conditions garantissant l'absence d'identification directe ou indirecte des personnes, avoir expressément accès aux plateformes de données de santé, agrégées notamment dans les espaces numériques de santé et les entrepôts de données de santé et que soit prévue à cet effet une modification de l'article L. 1460-1 du code de la santé publique.
Cette précision ne nous semble pas utile puisque les données du système national des données de santé (SNDS) sont déjà accessibles à l'ensemble des acteurs à condition qu'ils se conforment aux règles d'accès. Votre amendement est satisfait. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte ensuite l'amendement rédactionnel AS1627 du rapporteur.
Enfin, la commission adopte l'article 12 modifié.
Après l'article 12
La commission est saisie de deux amendements identiques AS623 de M. Max Mathiasin et AS954 de M. Joël Aviragnet.
L'amendement AS954 propose de rendre obligatoire l'alimentation du dossier médical partagé aujourd'hui en phase de déploiement et donc d'envisager que toute adhésion et tout maintien dans une convention par un professionnel soient conditionnés à l'alimentation du DMP.
Ces amendements visent à ce que le DMP soit alimenté de façon obligatoire. Le DMP est en cours de déploiement : depuis qu'il a été confié à la CNAM, seulement quatre millions de DMP ont été ouverts, ce qui pose la question pour les Français qui n'en auraient pas encore. Ensuite, et surtout, comme j'ai eu l'occasion de le dire hier matin, notre majorité est attachée au dialogue social ; or ce sujet peut faire l'objet des négociations conventionnelles entre les professionnels de santé et la CNAM. J'aurais donc tendance à renvoyer ce sujet à la convention ce sujet tout à fait essentiel, ce qui permettra de le mettre en place avec la concertation des professionnels et durant le déploiement du DMP. Avis défavorable.
La commission rejette ces amendements.
Elle examine ensuite l'amendement AS1251 de M. Francis Vercamer.
Il est possible que cet amendement soit satisfait, compte tenu de la déclaration de Mme la ministre. L'idée est de s'assurer que le dossier pharmaceutique est bien intégré dans le DMP.
Il l'est effectivement : le décret du 4 juillet 2016 – belle anticipation ! –, décrit le contenu du DMP et précise que les données relatives à la dispensation de médicaments issus du dossier pharmaceutique mentionné à l'article L. 1111-23 en font partie. En pratique, elles sont accessibles par lien hypertexte, ce qui permet notamment de télécharger les données du DP dans le DMP.
L'amendement est retiré.
La commission examine l'amendement AS666 de Mme Charlotte Lecocq.
L'objectif est de permettre aux médecins du travail et aux médecins généralistes de partager, avec l'accord exprès du salarié, les informations médicales qui le concernent. C'est une avancée nécessaire pour améliorer la prévention des risques et préserver la santé des salariés. Le moment est venu de décloisonner enfin médecine de ville et médecine du travail.
Je partage votre objectif, mais le sujet est sensible. Certains usagers pourront craindre qu'en dépit du secret médical, des données les concernant ne circulent et ne soient utilisées à des fins non médicales. Je crois savoir que les services du ministère travaillent déjà sur ce sujet. Je vous propose de retirer l'amendement afin que, d'ici la séance, nous y retravaillions.
Nous sommes favorables à un partage des informations s'il peut aider le salarié et renforcer le lien entre médecin généraliste et médecin du travail. Mais ce sujet crée de l'anxiété. Cela nécessite que nous travaillions encore pour trouver la rédaction adéquate. Systématiser l'accès des médecins du travail au DMP semble en tout état de cause problématique.
Je suis bien consciente du caractère sensible de ce sujet, et c'est la raison pour laquelle j'ai précisé que l'accord exprès du salarié était requis. Je suis tout à fait d'accord pour travailler à une nouvelle rédaction qui verrouille cet aspect.
L'amendement est retiré.
La commission examine l'amendement AS296 de M. Paul Christophe.
La fragmentation des outils informatiques des établissements de santé ne permet pas de disposer d'une visibilité globale des porteurs d'implant et de diffuser de manière optimale l'information lors d'une crise sanitaire. Une étude réalisée par la DGOS en 2016 démontre que moins de 50 % des implants sont tracés jusqu'aux patients.
La réglementation européenne relative aux dispositifs médicaux prévoit non seulement l'enregistrement des données relatives aux implants par les établissements de santé mais également leur intégration dans une base de données centralisée et la transmission de ces informations aux patients, dans un objectif de sécurité sanitaire et d'information.
L'enregistrement des dispositifs médicaux implantables est déjà sous la responsabilité des pharmacies à usage intérieur selon les dispositions de l'article L. 5126-1 du code de la santé publique.
Cet amendement prévoit que les implants seront inscrits dans le DP, ce qui permettra de donner un outil opérationnel immédiat, en cours de déploiement dans les établissements de santé, tout en offrant aux pouvoirs publics une vision globale des patients implantés.
Si j'en crois l'excellent travail remis à notre commission la semaine dernière par nos collègues Julien Borowczyk et Pierre Dharréville, le problème n'est pas tant le manque de dispositions législatives prévoyant la traçabilité des implants que le fait que le manquement à ces obligations n'est en pratique pas sanctionné. Toutefois, inscrire les dispositifs médicaux implantables dans le DP renforcera leur traçabilité. Avis favorable.
Il n'a pas été prévu que mon amendement AS1062 soit en discussion commune, bien qu'il traite du même sujet. Je m'associe donc à cet amendement.
La commission adopte l'amendement et l'amendement AS1062 de M. Francis Vercamer tombe.
La commission en vient à l'amendement AS1640 du Gouvernement.
Ce projet de loi a pour objet de faire évoluer l'organisation du système de santé et de permettre sa transformation. Celle-ci implique un développement important du numérique dans le domaine de la santé, des soins, de la prise en charge des patients par les professionnels, dans la diversité de leurs modes d'exercice.
Dans ce contexte, il est nécessaire d'adapter aux différentes situations les règles relatives aux moyens techniques d'identification et d'authentification des professionnels de santé et des personnes intervenant auprès des patients notamment – notamment la carte de professionnel de santé, CPS – mais aussi des usagers. Ces nouvelles règles devront concilier la simplicité pour les utilisateurs et la sécurité des données de santé. En outre, elles constitueront une première étape de la mise en oeuvre d'innovations numériques en santé, en particulier la prescription électronique et la télémédecine. Il est proposé de procéder par voie d'ordonnance, cette dernière devant être élaborée en association avec les acteurs concernés.
La commission adopte l'amendement.
Pour votre information, avant une brève suspension : la conférence des présidents a inscrit à l'ordre du jour de la séance publique du mercredi 27 mars l'examen de la proposition de loi relative au droit de résiliation sans frais de contrats de complémentaire santé. Nous examinerons cette proposition en commission le mercredi 20 mars. J'ai décidé de repousser le délai de dépôt des amendements au lundi 18 mars, douze heures.
La séance, suspendue à onze heures trente, reprend à onze heures cinquante.
Chapitre III – Déployer pleinement la télémédecine et les télésoins
Article 13 : Autoriser les professionnels de santé non médicaux à réaliser une activité à distance
La commission est saisie de l'amendement AS844 de M. Jean-Pierre Door.
Je saisis l'occasion pour revenir sur l'amendement du Gouvernement. L'ordonnance porte-t-elle bien aussi sur les moyens d'identification des usagers du système de santé ?
J'ai pu mettre en place une téléconsultation sur plusieurs communes. Répartie entre plusieurs sites, dans un territoire sous-doté, elle concerne entre 2 000 et 3 000 citoyens. La mairie, qui a mis à disposition des bureaux, pilote le système ; le conseil régional a investi dans le matériel ; l'ARS a donné son accord pour un an, et une ligne budgétaire, prise sur le fonds d'intervention régional – FIR –, permet de rémunérer les infirmiers, ; les médecins sont pris en charge dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, qui autorise la téléconsultation. Mais les infirmiers libéraux, qui reçoivent les patients dans le bureau, ne perçoivent pas d'indemnisation. Mon amendement AS844 vise à autoriser les infirmiers et infirmières à effectuer les actes de télésoin et à inclure la prise en charge de l'acte dans la convention et la nomenclature générale.
Cet amendement est satisfait puisque le télésoin est ouvert aux auxiliaires médicaux et que le code de sécurité sociale précise que les négociations conventionnelles devront prévoir les conditions de la prise en charge. L'inscription dans la nomenclature générale des actes nécessite d'abord de recueillir l'avis de la HAS sur les conditions de réalisation des télésoins garantissant leur qualité et leur sécurité. Avis défavorable.
Même avis. Le projet de loi permet aux infirmiers de pratiquer des actes de télésoin. La rémunération des actes relève de la négociation conventionnelle, non de la loi.
Nous devons affirmer dans ce chapitre les compétences des infirmiers et les autoriser à pratiquer les actes de télésoin.
La commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement AS1612 du rapporteur.
L'article 13 consacre le télésoin, autrement dit une pratique de soins à distance mettant en rapport un patient avec un auxiliaire médical. L'auxiliaire peut faire appel à un médecin en téléexpertise : il s'agit de ne pas être dans une logique de silo avec la télémédecine, mais de permettre un travail coordonné et une bonne complémentarité entre professionnels.
La commission adopte l'amendement.
Elle examine l'amendement AS421 de M. Paul Christophe.
Cet amendement vise à reconnaître l'activité de téléexpertise entre auxiliaires de santé et médecins, dans le cadre bien limité de protocoles de prise en charge reconnus réglementairement et mis en place à l'initiative du médecin.
Votre amendement est satisfait ; toutefois, le sujet est d'ordre réglementaire. Lors de son audition, dans le cadre de la préparation de ce texte, la DGOS a confirmé qu'un décret en Conseil d'État était en cours de rédaction. Avis défavorable.
L'amendement est retiré.
La commission adopte l'amendement rédactionnel AS1548 du rapporteur.
Puis elle examine l'amendement AS1299 de Mme Sophie Mette.
L'objectif est d'assurer au mieux la sécurisation du parcours de soins des patients. De nombreux protocoles de soins pourraient être confiés aux futurs acteurs du télésoin, sans que ceux-ci disposent de la formation clinique et thérapeutique adéquate ou suffisante. Le télésoin doit être réalisé le plus possible dans une logique préventive. Tel est l'objet du présent amendement.
Cet amendement restreint le télésoin à la prévention, un axe important de la prise en charge, mais certainement pas le seul. L'avis de la HAS permettra de mieux circonscrire les activités. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle est saisie des amendements identiques AS391 de Mme Agnès Firmin Le Bodo et AS975 de M. Joël Aviragnet.
L'amendement AS391 prévoit que le télésoin, dans une logique d'égalité d'accès aux soins, pourra bénéficier à tous les patients, y compris ceux qui sont hospitalisés, comme c'est le cas de la télémédecine.
La commission rejette les amendements.
Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS1549 et AS1550 du rapporteur.
Elle en vient à l'amendement AS1211 de Mme Caroline Fiat.
Nous en avons beaucoup parlé lors de l'examen du PLFSS : un personnel de santé doit se trouver aux côtés du patient pendant le télésoin.
Cet amendement restreint l'usage du télésoin en posant le principe du maintien d'une présence physique aux différentes étapes de la prise en charge. Or, le télésoin ne peut être effectué uniquement en présence d'un professionnel de santé. L'avis de la HAS permettra de mieux circonscrire les activités et les conditions de la prise en charge. Avis défavorable.
Il s'agissait pourtant, madame la ministre, de l'une de vos promesses lors de l'examen du PLFSS : le patient sera toujours assisté d'un soignant lors d'un télésoin.
Le principe même du télésoin est que le patient puisse faire appel à un professionnel de santé, un infirmier par exemple, sans qu'il soit à ses côtés.
Nous avons vu qu'au CHU de Nancy, des caméras doivent être positionnées selon un certain angle, ce qui fait que le patient coincé dans son lit doit requérir l'aide d'un soignant pour manipuler le matériel.
Vous êtes en train de parler de la téléconsultation, madame Fiat, qui nécessite effectivement la présence d'un soignant. Le télésoin peut consister en la consultation à distance d'une diététicienne ou en une conciliation médicamenteuse avec un pharmacien ; il n'est pas forcément nécessaire qu'un soignant soit présent auprès du malade.
Mea culpa, j'ai confondu télésoin et télémédecine. Je retire cet amendement et les deux suivants.
Les amendements AS1211, 1212 et 1213 sont retirés.
La commission en vient à l'amendement AS1283 de Mme Sophie Mette.
Cet amendement prévoit que les pharmaciens ou auxiliaires médicaux qui pratiquent une activité de télésoin doivent suivre une formation. Il convient en effet d'éviter d'éventuels risques ou dérives en formant les acteurs à la prévention et à la gestion des risques en télésoin.
Cela ne relève pas du champ de l'article, qui pose le principe du télésoin et de son encadrement. Là encore, je vous renvoie à l'avis de la HAS portant sur les conditions de réalisation et garantissant la qualité et la sécurité de ces actes. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
La commission examine l'amendement AS692 de M. Cyrille Isaac-Sibille.
Cet amendement précise que les acteurs autorisés à pratiquer une activité de télésoin doivent informer le médecin traitant des soins réalisés et de la prescription. L'objectif est d'améliorer le suivi et la prise en charge du patient.
Cela relève davantage du domaine conventionnel. Je vous suggère de retirer cet amendement.
Dans l'exercice de la médecine, ce qui est oral est compliqué. Or le télésoin est une pratique orale. Un problème de responsabilité se pose pour le médecin, le pharmacien ou l'auxiliaire médical s'il n'y a pas de trace écrite. Je considère que cet élément est essentiel, et qu'il ne relève pas du champ conventionnel. Je maintiens l'amendement.
La commission rejette l'amendement.
Elle est saisie, en discussion commune, des amendements AS1348 de Mme Caroline Janvier et AS948 de M. Joël Aviragnet.
L'amendement AS1348 vise à instaurer un cadre éthique pour les actes de télésoin, ce qui permettra de garantir la qualité et la sécurité du service prodigué.
L'amendement AS948 a le même objet. Ce cadre éthique permettra d'assurer que la télésanté bénéficie à tous les publics, notamment les plus vulnérables, comme les personnes âgées ou les personnes en situation de handicap.
Les actes de télésanté s'inscrivent dans le cadre de recommandations de bonnes pratiques de la HAS. Comme tous les actes de soins, les actes de télésanté doivent respecter le code de déontologie applicable à chacune des professions de santé, dont les ordres professionnels sont les garants. Ces amendements sont donc satisfaits et je vous suggère de les retirer.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'amendement rédactionnel AS1619 du rapporteur.
Enfin, elle adopte l'article 13 ainsi modifié.
Après l'article 13.
La commission est saisie de deux amendements identiques AS624 de M. Max Mathiasin et AS955 de M. Joël Aviragnet, portant article additionnel après l'article 13.
L'amendement AS624 vise à définir la notion de médiation numérique, nécessaire pour accompagner le déploiement des outils technologiques sur les territoires, notamment auprès des publics fragiles. Ce projet de loi prévoit un déploiement d'outils numériques fonctionnellement très riches, notamment au travers d'un espace numérique personnel. Il s'agit d'accompagner les usagers du système de santé dans l'utilisation du numérique.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission rejette les amendements.
Elle en vient à l'examen de l'amendement AS1279 de M. Julien Borowczyk.
Je reviens sur la problématique des certificats de décès, dont nous avons déjà beaucoup discuté. Tant que le certificat de décès n'est pas établi, les équipes de police ou de gendarmerie sont mobilisées et ce n'est pas sans causer un certain trouble, lorsque les résidents d'un EHPAD, par exemple, doivent cohabiter avec le corps du défunt,
L'infirmier ou le sapeur-pompier pourraient constater cliniquement le décès, suite à quoi le médecin – médecin régulateur, médecin de permanence ou médecin traitant – établirait par téléconsultation un certificat de décès dématérialisé, le cadre judiciaire étant validé par la présence d'un agent de police ou de gendarmerie ou d'un élu municipal en sa qualité d'officier de police judiciaire.
Nous avons déjà débattu mardi de ce sujet qui est préoccupant et qui pose des problèmes sur le terrain. La ministre a expliqué qu'elle proposerait une solution en séance. Votre amendement pourrait ainsi alimenter la réflexion, en vue de l'examen du texte dans l'hémicycle. Dans cette perspective, je vous demande de bien vouloir le retirer.
C'est effectivement un sujet de préoccupation, dans la mesure où l'autorisation d'inhumer dépend du certificat de décès. La dématérialisation du certificat de décès est un élément qu'il convient de prendre en compte.
L'amendement est retiré.
La commission examine l'amendement AS1285 de Mme Sophie Mette.
Compte tenu des enjeux médico-économiques afférents à la mise en oeuvre de la politique de déploiement de la télémédecine et des télésoins, et du caractère précurseur du modèle économique choisi par la France, nous proposons que le Gouvernement réalise dans les douze mois suivant la promulgation de la loi un rapport sur cette politique, en lien avec des laboratoires de recherche universitaires. Il s'agit de permettre au Parlement d'effectuer son travail de contrôle face à ces pratiques médicales innovantes.
Le délai est un peu court, puisqu'il faut encore définir les actes et préciser les conditions, attendre les conclusions des travaux de la HAS et engager la négociation conventionnelle avec la CNAM. Je crains que nous n'ayons pas le recul nécessaire pour tirer un premier bilan de cette politique. Avis défavorable.
L'amendement est retiré.
Article 14 : Moderniser le cadre de la prescription dématérialisée
La commission examine l'amendement AS1567 du rapporteur.
Cet amendement a pour objet de rétablir la prescription dématérialisée adoptée en loi de financement de la sécurité sociale pour l'année 2019. Le Conseil constitutionnel, estimant que c'était un cavalier législatif, l'avait censurée. Cette prescription dématérialisée me paraît un progrès pour le quotidien des professionnels et des usagers.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'article 14 modifié.
Après l'article 14
La commission se saisit de l'amendement AS410 de Mme Agnès Firmin Le Bodo.
Conformément à la volonté manifestée par le Gouvernement de promouvoir auprès des Français le recours à l'opticien pour le renouvellement des lunettes dans le cadre du 100 % Santé, cet amendement a pour but de prolonger la durée de validité des ordonnances.
L'article que votre amendement a pour objet de modifier, chère collègue, dispose précisément que les conditions de validité de la prescription médicale pour les verres correcteurs sont déterminées par décret ; ce n'est donc pas du domaine de la loi.
Effectivement, monsieur le rapporteur. Je crois même que tout cela est du niveau d'un arrêté. Les règles sont donc négociées avec les professionnels, qui examinent la légitimité ou non d'un allongement des durées de validité. Inscrire cela dans la loi introduirait nettement plus de rigidité.
L'amendement est retiré.
TITRE IV – MESURES DIVERSES
Chapitre Ier – Dispositions de simplification
Article 15 : Abrogations de dispositions législatives
La commission adopte l'amendement de coordination AS1573 du rapporteur.
Puis elle se saisit des amendements identiques AS1291 de M. Jean-Hugues Ratenon et AS1396 de M. Pierre Dharréville.
Nous proposons de supprimer l'alinéa 8 de cet article, dont l'objet est la suppression d'un dispositif expérimental portant obligation pour les pharmaciens grossistes-répartiteurs de déclarer, auprès d'un tiers, leurs volumes d'exportations de médicaments hors de France. L'étude d'impact indique que cette expérimentation se heurte à la difficulté d'identifier un tiers de confiance, au droit des affaires et à la libre concurrence. Pour notre part, nous ne comprenons pas pourquoi la puissance publique se prive d'un instrument permettant de contrôler l'approvisionnement des médicaments en France, a fortiori quand on sait que notre pays a récemment connu des pénuries.
Le dispositif expérimental que vous proposez de maintenir n'a, en réalité, jamais été mis en oeuvre, car il est apparu qu'il soulevait différentes difficultés, à commencer par celle de l'identification d'un tiers de confiance chargé de collecter les données déclarées par les entreprises concernées. Il pouvait, en outre, heurter le principe de libre concurrence. Enfin, il ne permettait pas de lutter efficacement contre les ruptures d'approvisionnement dans la mesure où les données n'étaient recueillies qu'a posteriori.
La lutte contre les pénuries de médicaments reste néanmoins au coeur des priorités ; Mme la ministre a annoncé un prochain plan d'action pour lutter contre les ruptures de stocks. Je suis donc défavorable à cet amendement.
J'entends votre réponse, monsieur le rapporteur, mais – je sens que vous serez d'accord avec moi – mieux vaut prévenir que guérir, mieux vaut deux solutions qu'aucune. Et avec tout ce que nous savons sur les pénuries, dont un tiers a trait aux vaccins – hier, nous évoquions l'importance de la vaccination –, mieux vaut qu'il y ait deux solutions plutôt qu'une pour éviter toute pénurie, notamment dans les traitements de maladies chroniques, la chimiothérapie, les vaccins. Je ne vois pas pourquoi on n'adopterait pas cet amendement.
Nous avons l'impression d'une forme de découragement là où il faudrait un peu plus de volonté politique. Nous sommes habitués à ce que la libre concurrence nous soit opposée pour éviter que soient prises certaines dispositions, mais cet argument, en pareille matière, doit être écarté. En revanche, il peut y avoir des obstacles techniques, tels ceux que vous avez évoqués, mais la question est alors de savoir comment un dispositif de cette nature pourrait être réellement mis en oeuvre ou expérimenté. Il me semble que nous tenons une piste qu'il ne faut pas abandonner.
Évidemment, l'argument de la libre concurrence ne saurait être valable. Le problème des pénuries de médicaments tient à la multiplicité de leurs causes, qui nous contraint à agir sur de nombreux facteurs. L'expérimentation que vous proposez de maintenir n'est pas très utile – pour ne pas dire qu'elle est complètement sans intérêt. Nous préférerons appliquer le plan d'action que nous sommes en train d'élaborer à la suite du rapport sénatorial sur les pénuries de médicaments. Cela nous paraît beaucoup plus légitime que l'expérimentation en question, qui ne traite tout simplement pas la majorité des causes. Nous sommes extrêmement attentifs à toutes les actions possibles pour lutter contre la pénurie de médicament. Le dispositif visé n'est simplement pas efficace, ce n'est pas ainsi que nous pouvons agir.
J'abonderai dans le même sens. La pénurie de médicaments est un vrai problème de santé publique. Ceux actuellement en rupture de stock sont précisément des médicaments non substituables. S'attaquer au problème sous le seul angle des grossistes-répartiteurs et de l'exportation ne servirait à rien, car les causes sont vraiment multiples.
La commission rejette les amendements.
Puis elle adopte l'article 15 modifié.
Article 16 : Mesures de sécurisation des établissements de santé
La commission examine l'article AS1311 de Mme Caroline Fiat.
Cet amendement est cohérent avec une proposition de loi que nous avons déposée pour interdire les dépassements d'honoraires. Nous voulons supprimer l'article 16 pour la simple et bonne raison que les dépassements d'honoraires peuvent dans certains cas empêcher des personnes d'accéder à des soins.
On ne compte plus que six établissements de santé privés d'intérêt collectif qui recourent encore à des professionnels médicaux libéraux pratiquant des dépassements d'honoraires ; ils ont hérité de contrats autorisant les dépassements d'honoraires. La difficulté tient au fait qu'une rupture de contrats à l'initiative de l'établissement lui fait courir des risques financiers et contentieux importants. Je veillerai à ce que le délai complémentaire de trois ans permette d'accompagner les six établissements concernés, en lien étroit avec les agences régionales de santé, pour régler de manière définitive les difficultés rencontrées.
La commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement AS1040 de M. Francis Vercamer.
M. Vercamer propose que la notion de compte agrégé soit définie en lien avec les instances consultatives comptables nationales. Pour l'heure, comme l'a remarqué le Conseil d'État dans l'avis qu'il a rendu le 7 février 2019, cette notion ne renvoie à aucun dispositif normalisé.
Votre amendement me paraît satisfait, cher collègue. Le Conseil de normalisation des comptes publics a d'ores et déjà été consulté et l'ensemble des organismes compétents seront bien entendu associés à l'élaboration du périmètre et des règles relatives aux états comptables des établissements publics de santé, dont l'entrée en vigueur est prévue en 2022.
L'amendement est retiré.
La commission se saisit de l'amendement AS1465 de M. Joël Aviragnet.
Dans la mesure où nous ne sommes pas favorables à une prolongation de trois ans, nous proposons de supprimer l'alinéa 3. J'ai bien entendu ce que vous avez dit, monsieur le rapporteur : vous veillerez à ce que le délai complémentaire de trois ans permette d'accompagner les établissements concernés, en lien étroit avec les agences régionales de santé, pour régler de manière définitive les difficultés rencontrées, mais nous aimerions savoir comment, pour être rassurés, car nous voyons bien le risque.
Il y a trois ans, dix établissements étaient encore concernés. Il n'y en a plus que six, accompagnés par les ARS. Comme nous avons aussi une mission de contrôle, je suivrai le dossier et je vous invite, cher collègue, à faire de même, pour que la question soit réglée d'ici à la fin de notre mandat.
Je veux rassurer complètement M. Aviragnet. Moins de dix établissements sont concernés, dans deux ou trois régions, où les ARS, très vigilantes, suivent le dossier. La situation est en voie d'extinction.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS1574 et AS1575 du rapporteur.
Elle adopte enfin l'article 16 modifié.
Après l'article 16
La commission examine l'amendement AS883 de M. Jean-Pierre Door.
Cet amendement vient clarifier la partie relative à l'interdiction des dépassements d'honoraires dans le cadre du service public hospitalier. Celui-ci bénéficie d'une dérogation aux dépassements d'honoraires dans le cadre de son secteur privé. L'article 16 du présent projet de loi fait perdurer la dérogation pour les établissements associatifs. De plus, le Conseil Constitutionnel est venu encadrer l'habilitation du service public hospitalier dans un considérant où il établit que le service public hospitalier n'amène pas de différence de traitement entre les établissements de santés publics et privés.
L'interprétation de la loi sur l'interdiction des dépassements d'honoraires en établissement public de santé est complexe. Le Conseil constitutionnel a été saisi par voie de question prioritaire de constitutionnalité afin d'éclairer l'interprétation de la loi. En attendant qu'il se prononce, je vous invite, cher collègue, à retirer cet amendement ; à défaut, j'y serai défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle se saisit de l'amendement AS1165 de M. Pierre Dharréville.
Cet amendement pose l'interdiction des dépassements d'honoraires aux professionnels de santé libéraux. Le montant total des dépassements d'honoraires atteignait en 2016 2,66 milliards d'euros, dont 2,45 milliards d'euros pour les seuls médecins spécialistes. Si les dépassements moyens ont diminué ces dernières années du fait des contrats OPTAM (option pratique tarifaire maîtrisée), les effets de cette baisse sont malheureusement neutralisés par l'augmentation du nombre de médecins qui y ont recours. Selon un rapport de la Cour des comptes daté du mois de novembre 2017, le taux moyen du dépassement pratiqué est de 56 %. Les dépassements d'honoraires contribuent à aggraver les inégalités d'accès aux soins pour nos concitoyens et créent un système de santé à deux vitesses dans cette période de pénurie de spécialistes et de praticiens. Il faut donc s'y attaquer de manière frontale.
Je partage, cher collègue, vos inquiétudes sur les dépassements d'honoraires pratiqués par certains médecins, mais niveler tout d'un coup l'ensemble des tarifs des actes médicaux au niveau du secteur 1 risquerait d'entraîner le déconventionnement de l'assurance maladie d'un grand nombre de médecins, notamment des spécialistes, ce qui aggraverait encore les inégalités d'accès aux soins que vous déplorez.
Des efforts importants ont déjà été réalisés par l'assurance maladie pour limiter la hausse des dépassements d'honoraires. L'option pratique tarifaire maîtrisée (OPTAM) permet d'encadrer les honoraires des praticiens en secteur 2. Par ailleurs, les domaines où le renoncement aux soins pour raisons financières est le plus important sont les soins dentaires, l'optique et l'audiologie. Or la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, que nous avons adoptée il y a quelques mois, a mis en place le reste à charge zéro sur un panier de soins dentaires, d'optique et de prothèses auditives.
À chaque fois que nous proposons de supprimer les dépassements d'honoraires est avancée, on nous oppose systématiquement le risque du déconventionnement. Il faut à un moment donné savoir taper du poing sur la table, trouver des solutions et envisager d'interdire les déconventionnements. Liberté, égalité, fraternité, cela implique que tout le monde doit avoir accès aux soins. Si les dépassements d'honoraires ne le permettent pas, il faut vraiment s'attaquer au problème, quitte à mécontenter certains. Le sujet est d'une particulière actualité à l'heure du mouvement des gilets jaunes, et l'accès aux soins une préoccupation majeure.
L'accès aux soins était déjà une priorité pour le Gouvernement et la majorité bien avant le grand débat national et le mouvement des gilets jaunes. Mme la ministre avait lancé le plan pour l'égal accès aux soins dès le mois d'octobre 2017 !
Souvent, le mieux est l'ennemi est du bien. En souhaitant, finalement, supprimer le secteur 2 et ramener tout le monde au secteur 1, le risque est que nombre de médecins choisissent un déconventionnement complet. Ce qui, compte tenu des difficultés actuelles en matière d'accès aux soins, rendrait le système de santé encore plus inégalitaire : nos concitoyens auraient toujours besoin des mêmes soins mais seraient encore moins remboursés. C'est vraiment une fausse bonne idée. Je maintiens mon avis défavorable.
Je ne partage pas ce point de vue, monsieur le rapporteur. On ne doit pas céder au chantage au déconventionnement. Des mesures doivent être prises immédiatement. C'est vraiment un gros problème.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement AS525 de M. Yves Daniel.
Les dépassements d'honoraires atteignent parfois des niveaux préoccupants : 52,5 % des spécialistes pratiquent des dépassements, et le taux moyen de dépassement est de 98 % chez les gynécologues médicaux et 92 % chez les gériatres, alors que toutes les personnes âgées sont loin d'être fortunées. Voilà qui n'est pas conforme au tact et à la mesure requis par le code de déontologie médicale. Pour y revenir, nous proposons de plafonner à 50 % le niveau de dépassement autorisé, ce qui présenterait également l'avantage de nous préserver du risque du déconventionnement d'un nombre significatif de médecins. Un dépassement de 50 % ne leur fait gagner qu'un peu moins que ce qu'ils avaient l'habitude de gagner en s'écartant du tact et de la mesure, et cette limitation n'irait pas jusqu'à les inciter à un déconventionnement. C'est en somme une proposition intermédiaire, une sorte d'amendement de repli, qui permet les dépassements mais les maintient à un niveau modéré.
Le code de la sécurité sociale prévoit déjà des sanctions pour les professionnels de santé qui exposent les assurés à des dépassements d'honoraires excédant le tact et la mesure. Par ailleurs, l'option pratique tarifaire maîtrisée permet d'encadrer les honoraires des praticiens en secteur 2, et donc de limiter les dépassements d'honoraires. Je suis donc défavorable à cet amendement.
La commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement AS981 de M. Joël Aviragnet.
Il s'agit toujours de l'encadrement des dépassements d'honoraires. Tout le monde l'a dit : la facture sanitaire s'alourdit pour nos concitoyens. C'est manifeste. Entre 2012 et 2016, alors que l'inflation n'a pas été supérieure à 1 %, les tarifs moyens de consultation des généralistes ont progressé de 3,2 % et ceux des pédiatres ont connu une augmentation allant jusqu'à 8 %. Nous proposons donc que les conventions définissant les rapports entre les organismes d'assurance maladie et les médecins mentionnent les conditions permettant que les pratiques tarifaires maîtrisées s'appliquent à l'ensemble des médecins en secteur 2.
Nous entendons votre point de vue, monsieur le rapporteur. J'appelle simplement votre attention sur le fait que nous connaissons actuellement une situation extrêmement tendue. De nombreux concitoyens nous interpellent et nous disent ne pas pouvoir obtenir un rendez-vous chez le médecin. Dans certains endroits, c'est cependant plus facile, moyennant un dépassement bien plus important. La situation favorise ce genre de pratiques. Peut-être pourrions-nous nous pencher sur la situation plutôt que de nous satisfaire de l'existant : à situation particulière, réponse exceptionnelle !
La commission rejette l'amendement.
Article 17 : Suppression des bulletins d'interruption volontaire de grossesse
La commission examine l'amendement AS702 de Mme Marie-Pierre Rixain.
Je souhaite au préalable condamner fermement les méthodes du syndicat national des gynécologues obstétriciens de France. L'interruption volontaire de grossesse (IVG) ne saurait être une variable d'ajustement. Il s'agit d'un droit, protégé par les lois de la République. Je remercie à cet égard Mme la ministre qui a elle aussi fermement condamné, hier, ces méthodes.
La loi Veil de 1975 qui décriminalise l'interruption volontaire de grossesse a rendu obligatoire le remplissage d'un bulletin par les professionnels de santé. Les bulletins doivent être distribués et récoltés par le ministère de la santé, et analysés par l'Institut national d'études démographiques (INED). Chaque année, l'INED publie ces statistiques précieuses pour dresser un état des lieux complet du recours à cet acte médical en France.
Il est prévu de supprimer ces bulletins statistiques au profit d'un système de surveillance nationale fondée sur des données numériques qui existent déjà et sont mieux renseignées. Cet amendement vise simplement à appeler l'attention sur la nécessité de veiller à la qualité et à l'exhaustivité des données. Il faut que nous puissions toujours disposer de ces ressources statistiques essentielles en matière d'IVG.
Je m'associe à vous, chère collègue, pour condamner le recours assez indigne à un chantage à la pratique de l'IVG à l'occasion de négociations conventionnelles ; cela ne fait pas honneur à la profession de gynécologue.
La fin de la production des bulletins d'IVG prévue par l'article 17 n'aura aucune conséquence sur la qualité et l'exhaustivité des données relatives à la pratique de l'IVG. En effet, ces bulletins mis en place après l'adoption de la loi Veil en 1975 ne font plus l'objet d'un traitement statistique. Un nombre important d'entre eux ne sont d'ailleurs même plus renseignés – environ 40 %. Depuis 1975, le système d'information en matière d'IVG s'est enrichi grâce à la mise en place de deux bases de données médico-administratives : le programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI), pour les IVG pratiquées dans des établissements de santé ; les données de consommation interrégimes de l'assurance maladie, pour les IVG pratiquées en dehors des établissements de santé. Ce sont donc désormais ces deux bases de données, dont le principal intérêt tient à leur exhaustivité, qui sont utilisées en tant que sources de référence pour le suivi annuel des IVG. L'article 17 ne fait donc que supprimer un dispositif obsolète.
Je suis donc défavorable, chère collègue, à votre amendement.
L'amendement est retiré.
La commission adopte l'amendement de précision rédactionnelle AS1577 du rapporteur.
Puis elle se saisit l'amendement AS1576 du rapporteur.
Cet amendement de coordination ne se révèle ne pas être aussi pertinent que je le pensais…
L'amendement est retiré.
La commission adopte l'article 17 modifié.
Après l'article 17
La commission examine l'amendement AS1324 de M. Adrien Quatennens.
La clause de conscience du médecin relative à l'IVG avait été introduite dans le projet de loi de dépénalisation de l'avortement en 1974 pour tempérer l'opposition du conseil de l'ordre des médecins, majoritairement hostile à la légalisation de l'avortement. Le code de la santé publique prévoit pourtant par ailleurs une clause de conscience générale qui permet à tout professionnel de santé de refuser de procéder à un acte médical, quel que celui-ci soit. Cela rend absolument inutile une clause spécifique.
Dans le contexte actuel de mobilisation, où des gynécologues font pression sur le Gouvernement en menaçant d'arrêter de pratiquer des IVG, il est important d'envoyer un signal fort. Cette clause spécifique peut être un frein au recours à l'IVG, alors qu'il n'appartient pas au corps médical de décider pour les femmes de ce qu'elles font de leur corps. Nous proposons donc de supprimer la clause spécifique du refus de l'IVG.
Je veux tout d'abord souligner le caractère inaliénable du droit à l'IVG. Il est indispensable pour permettre aux femmes de disposer de leur corps.
On peut certes considérer que la clause de conscience relative à l'IVG fait doublon par rapport à la clause de conscience générale mais, en réalité, votre amendement, cher collègue, pourrait avoir un effet pervers en supprimant du même coup l'obligation pour le médecin d'informer sans délai la patiente de son refus et de lui communiquer le nom de praticiens qui pourraient répondre à sa demande et réaliser son IVG. En cas de refus d'IVG par un praticien en établissement public, il ne serait plus obligé d'orienter sa patiente vers un autre praticien et l'accès à l'IVG pourrait s'en trouver affecté ; ce serait un recul.
Je vous demande donc, cher collègue, de retirer votre amendement. À défaut, j'y serai très défavorable.
L'examen de cet amendement me permet de revenir sur les événements d'hier : un syndicat s'est servi de l'IVG pour prendre les femmes en otages pour peser sur des négociations conventionnelles sont en cours. Qu'un syndicat de médecins refuse ainsi que les IVG soient pratiquées me choque particulièrement.
La clause de conscience générale dispose déjà, me semble-t-il, que le médecin qui l'invoque doit orienter son patient vers un confrère. Il y a donc vraiment un doublon. En ce moment où l'attitude du syndicat des gynécologues obstétriciens choque tout le monde, il serait pertinent de supprimer cette clause spéciale ; il y aurait là un véritable message.
Je voterai bien sûr contre cet amendement. Je tiens à ce que la clause de conscience soit maintenue. Je suis très attaché à la loi Veil et à l'application de celle-ci telle qu'elle a été votée. De mon point de vue, elle a déjà subi un certain nombre d'entorses dans le passé. Je crois qu'il y a là une liberté des médecins qu'il faut conserver. Je n'accepte évidemment aucun chantage de la part d'aucun syndicat ni aucune prise en otage d'aucune femme qui voudrait procéder à une interruption volontaire de grossesse, mais je respecte aussi le droit des médecins à penser autrement.
Je voterai également contre cet amendement. Il était urgent que nous dénoncions collectivement les propos scandaleux et l'attitude scandaleuse du syndicat des gynécologues mais la suppression de cette clause de conscience serait, à mon avis, tout à fait contre-productive.
Cette clause de conscience ne me paraît effectivement plus nécessaire. Le code de déontologie médicale offre déjà à tout médecin la possibilité, hors des circonstances d'urgence, de refuser ses soins ; il a simplement l'obligation de confier à un confrère la suite du traitement de son patient. Nous avons d'ailleurs, au cours de la législature précédente, inscrit le délit d'entrave à l'accès à l'IVG dans la loi. Cet amendement nous donne la possibilité de renforcer cela.
Le communiqué du syndicat des gynécologues obstétriciens est scandaleux. Je n'ai jamais vu de professionnels menacer de refuser de faire un acte. En l'occurrence, ils n'ont pas refusé de faire des frottis, de palper les seins, de faire une mammographie, d'opérer les femmes ou de faire n'importe quel autre acte médical ; ils ont choisi spécifiquement l'IVG. C'est donc un acte militant que je considère indigne d'un syndicat censé se préoccuper de la santé des femmes et de les accompagner. (Vifs applaudissements.)
Personne ne peut douter de mon engagement pour le droit à l'IVG, mais, sincèrement, l'idée de supprimer cette clause de conscience m'inquiète pour plusieurs raisons.
C'est effectivement une double sécurité par rapport au droit qu'ont tous les professionnels de refuser de faire un acte. Quand un professionnel refuse de faire un acte, c'est en général au coup par coup, en fonction de l'indication ou du patient – il peut considérer que le patient est instable psychologiquement ou qu'il y aurait des complications. Le refus d'acte est donc en général lié à la relation entre le médecin et le malade, ou à la pathologie ou à l'indication individuelles. Du reste, la loi dispose qu'en cas d'invocation de la clause générale le médecin doit transmettre les informations au professionnel que la patiente aura trouvé elle-même. Il n'a donc pas l'obligation de trouver un relais. La clause de conscience spécifique offre donc une sécurité pour les femmes.
En outre, du point de vue du parcours des femmes dans les établissements, elle évite un parcours erratique : quand on sait qu'un professionnel fait jouer la clause de conscience, on sait qu'il le fera pour toutes les femmes. Dans un établissement, quand on connaît les professionnels qui font jouer la clause de conscience, on les oriente directement vers les médecins qui acceptent de faire des avortements, sans leur faire perdre de temps.
La suppression de la clause spécifique exposerait donc surtout au risque d'une complexification et d'un ralentissement du parcours des femmes, voire d'un dépassement des délais. Ce serait, par volonté de bien faire, aggraver la situation des femmes.
Je ne suis pas sourde à ces explications, madame la ministre, mais, pour l'heure, nous maintenons cet amendement.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle en vient à l'amendement AS1154 de M. Jean-Louis Touraine.
Je propose que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur les inégalités d'accès à l'IVG dans les territoires, en métropole et dans les outre-mer. Dans certains territoires, il est, à divers moments, impossible pour les femmes d'accéder à une IVG. Il s'agirait de mieux comprendre les raisons de ces difficultés afin de développer des solutions efficaces qui garantissent ce droit à toutes les femmes.
Vous avez tout à fait raison, cher collègue, c'est un vrai sujet. D'après les informations qui m'ont été communiquées, une enquête sera très prochainement lancée dans les territoires à propos des inégalités d'accès à l'IVG. Dans ce contexte, votre demande de rapport pourrait faire doublon. Peut-être Mme la ministre nous précisera-t-elle ce qu'il en est mais, pour ma part, je vous invite plutôt à retirer cet amendement ; à défaut, j'y serai défavorable.
En effet, j'ai demandé il y a quelques mois aux ARS de me faire remonter leurs données sur l'IVG. Il s'agit de savoir combien de médecins invoquent la clause de conscience, le cas échéant, dans quels établissements ils le font, et s'il y a des obstacles à l'accès à l'IVG. Les chiffres globaux montrent, en gros, une activité stable et aucun élément ne fait craindre une difficulté d'accès, mais nous avons effectivement des remontées de terrain au cas par cas. Les ARS sont très vigilantes et s'efforcent de combler les manques, par exemple lorsqu'un obstétricien quitte un établissement.
En pratique, ces remontées des ARS que j'aurai tout au long de l'année 2019 pourraient faire l'objet d'un rapport ; je peux m'y engager. Il n'est pas nécessaire de l'inscrire dans la loi.
L'amendement est retiré.
La commission en vient à l'amendement AS698 de Mme Marie-Pierre Rixain.
Cet amendement s'inscrit dans la continuité des travaux que j'ai pu mener sur le congé maternité des travailleuses indépendantes et vise à généraliser l'entretien prénatal précoce. Cet entretien du quatrième mois est souvent confondu avec une première consultation de grossesse alors même qu'il s'agit d'aborder le projet de naissance dans son ensemble et d'aborder toutes les questions avec la future mère. Ainsi que le rappelle le professeur Azria, ce sont surtout des catégories socioprofessionnelles favorisées qui ont accès à cet entretien et, selon l'enquête Périnatalité de 2016, seuls 29 % des femmes en bénéficient. Je demande donc un rapport d'évaluation sur l'amélioration de l'accompagnement des femmes durant leur grossesse et les conditions de généralisation de l'entretien prénatal précoce, essentiel à bien des égards, en termes de santé publique.
Je profite de l'occasion pour vous remercier une nouvelle, chère collègue, pour les travaux d'excellente qualité que vous aviez menés, qui nous avaient éclairés lors de l'examen de la dernière loi de financement de la sécurité sociale. Je suis tout à fait d'accord : l'entretien prénatal précoce est trop peu connu, alors qu'il a une véritable utilité pour l'information des femmes enceintes, le dépistage et l'accompagnement des situations complexes. Je suis donc favorable à votre amendement.
La commission adopte l'amendement à l'unanimité.
La séance est levée à douze heures cinquante-cinq.
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Présences en réunion
Réunion du jeudi 14 mars 2019 à 9 heures 30
Présents. – M. Joël Aviragnet, Mme Delphine Bagarry, Mme Ericka Bareigts, M. Belkhir Belhaddad, Mme Justine Benin, M. Julien Borowczyk, Mme Brigitte Bourguignon, M. Alain Bruneel, M. Paul Christophe, M. Dominique Da Silva, M. Marc Delatte, M. Pierre Dharréville, M. Jean-Pierre Door, Mme Jeanine Dubié, Mme Audrey Dufeu Schubert, Mme Nathalie Elimas, Mme Catherine Fabre, Mme Caroline Fiat, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel, Mme Albane Gaillot, M. Jean-Carles Grelier, M. Brahim Hammouche, Mme Monique Iborra, M. Cyrille Isaac-Sibille, Mme Charlotte Lecocq, M. Gilles Lurton, M. Sylvain Maillard, M. Thomas Mesnier, M. Bernard Perrut, Mme Michèle Peyron, M. Laurent Pietraszewski, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Stéphanie Rist, Mme Mireille Robert, Mme Laëtitia Romeiro Dias, Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, M. Jean-Louis Touraine, Mme Michèle de Vaucouleurs, M. Olivier Véran, M. Francis Vercamer, Mme Annie Vidal
Excusés. - Mme Blandine Brocard, Mme Christine Cloarec, Mme Carole Grandjean, Mme Caroline Janvier, Mme Fiona Lazaar, M. Boris Vallaud
Assistaient également à la réunion. - Mme Ramlati Ali, M. Thibault Bazin, M. Éric Bothorel, Mme Marguerite Deprez-Audebert, M. Jean-Michel Jacques, M. Matthieu Orphelin, Mme Marie-Pierre Rixain, M. Philippe Vigier