La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
Cet après-midi, l'Assemblée a commencé la discussion de la proposition de loi, s'arrêtant à l'amendement no 39 à l'article unique.
Le groupe Libertés et territoires estime que cette proposition de loi crée un régime ad hoc avant même qu'une évaluation n'ait été menée en France sur les risques réels de récidive des personnes condamnées pour des actes de terrorisme ; ayant déposé un amendement visant à la réalisation d'une telle étude, j'aurai l'occasion de revenir sur cette question.
Il n'est pas raisonnable d'établir un tel régime sans disposer de données objectives, et nous pourrions être surpris par les résultats d'une étude qui porterait sur les taux de récidive des personnes condamnées pour des actes terroristes. Comme je l'ai déjà évoqué, en Belgique, une étude a révélé que ce taux est très faible par rapport à celui concernant les détenus de droit commun : moins de 3 % des djihadistes condamnés dans ce pays ont à nouveau commis des actes de terrorisme ; à titre de comparaison, pour les détenus dits « classiques », le taux de récidive est proche de 50 %.
Ce résultat, nous en convenons, est totalement contre-intuitif, à la fois pour l'opinion publique, pour nous-mêmes, pour le monde judiciaire et pour les services de sécurité, mais cela devrait nous inciter à la prudence. C'est pourquoi nous considérons qu'il serait prématuré d'instaurer les mesures de sûreté qui figurent dans cette proposition de loi, d'ailleurs plus contraignantes que celles liées au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions terroristes – le FIJAIT – , qui a été dénoncé.
Je profiterai de la défense de notre amendement de suppression pour rappeler le contexte dans lequel nous nous trouvons. Cette proposition de loi vise à résoudre des problèmes issus de précédents textes, relatifs, notamment, aux condamnations pour actes de terrorisme antérieures à 2016 : à force de vouloir suivre une voie si sécuritaire et répressive, nous avons oublié que supprimer les réductions automatiques de peine ainsi que d'autres dispositifs rendrait les publics concernés inéligibles à certaines mesures comme celles de sûreté. Chaque fois, cette fuite en avant conduit à alimenter ce que l'on appelle, en droit pénal, « l'effet cliquet », et à se montrer de plus en plus répressif, sans pour autant obtenir le résultat escompté. Car aucune étude scientifique, aucune analyse, ne vient prouver qu'en agissant de la sorte, on parvient à prévenir la récidive.
Non, il nous manque un outil fondamental : la réinsertion, …
Par ailleurs, serions-nous désarmés si nous n'adoptions pas ce texte ? Bien sûr que non puisque des mesures de surveillance administrative, déjà très attentatoires aux libertés fondamentales et individuelles, existent et peuvent être utilisées. Or je tiens à signaler qu'il est beaucoup plus simple, pour les services de renseignement, d'appliquer ces dernières que les mesures de sûreté, lesquelles, au fond, ne leur apportent que peu de choses. Nous y reviendrons tout à l'heure lorsque nous aborderons la question de la surveillance électronique mobile, car j'ai cru comprendre qu'elle n'avait aucune utilité, sinon de se faire plaisir et de faire de la communication en prétendant qu'on dispose de tous les outils possible.
… sur lequel nous n'investissons pas pendant le temps de la détention, alors qu'il serait le meilleur facteur de prévention de la récidive.
La parole est à Mme Yaël Braun-Pivet, présidente et rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission sur ces amendements de suppression.
Les débats en commission et la discussion générale ont bien montré que le dispositif que nous proposons est utile et vient combler un trou dans la raquette. Je ne peux donc qu'être défavorable à des amendements qui tendent à supprimer l'article unique de la proposition de loi, donc, l'intégralité du dispositif.
La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l'avis du Gouvernement.
Il me semble que, contrairement à ce qu'indiquent les exposés sommaires des amendements, le dispositif proposé est équilibré pour préserver l'ordre public, ce qui est précisément ce que nous recherchons : l'expression « ligne de crête », utilisée par M. Gauvain, convient parfaitement. Nous savons qu'il existe des menaces terroristes importantes, malgré les dispositifs existants pour prévenir et lutter contre la radicalisation au sein et en dehors des établissements pénitentiaires.
Je regrette que M. le député Dupont-Aignan ne soit pas là, …
Je ne me prêterai pas à une telle affirmation…
Sourires.
Mon propos consistait à dire que les personnes condamnées pour terrorisme le sont parfois à perpétuité ; tout dépend de la nature des crimes commis. Nous ne pouvons donc pas dire que ces personnes se voient infliger des peines superficielles, il n'en est rien. Il convient évidemment de bien distinguer les personnes ayant commis des crimes de sang des autres.
Il y a donc, d'une part, le besoin de lutter contre la menace terroriste et, d'autre part, l'exigence, à laquelle nous adhérons, de prendre des mesures dont le caractère adapté, nécessaire et proportionné doit être avéré. Le Conseil constitutionnel l'exige et il me semble que, de manière globale, la proposition de loi, telle qu'elle est rédigée, y répond. J'émets donc un avis défavorable sur les amendements.
On connaît bien l'argumentation selon laquelle il s'agit d'un texte équilibré ou à mi-chemin entre les deux côtés de l'hémicycle. Mais, si l'on se réfère au droit, on voit que le texte ne fait qu'alimenter l'effet cliquet : vous avancez vers toujours plus de répression. Il y avait un monde avant les mesures de sûreté. Était-il moins sûr ? Je n'en suis pas certain.
Et les centaines de morts victimes du terrorisme ? Et les milliers de blessés ?
Avec de telles méthodes, de tels moyens, on tente juste de se rassurer, de se rasséréner, mais on frappe à côté de l'objectif. En disant que vous ne restez pas inactifs, vous alimentez votre communication, on le comprend bien, puisque la droite de l'hémicycle vous a poussés dans vos retranchements et que vous avez fait preuve de fébrilité en concédant ne pas savoir exactement si les personnes qui sortent de prison après avoir purgé une peine pour acte de terrorisme font bien l'objet d'un suivi. Vous répondez en communiquant, mais ces mesures vont-elles réellement améliorer la prévention de la récidive ? Absolument pas ! Du reste, quelqu'un qui aura la volonté totale de passer à l'acte le fera, aussi malheureux, déplorable et condamnable que cela soit !
Je suis convaincu que les mesures de surveillance administrative sont, en l'occurrence, bien plus efficaces que les mesures de sûreté, lesquelles permettent simplement de se rassurer vis-à-vis de l'opinion publique.
Il vise à étendre le champ d'application des mesures de sûreté prévues par la proposition de loi aux personnes condamnées pour des infractions d'apologie du terrorisme ou de provocation à des actes de terrorisme. Le texte exclut en effet de son champ d'application les personnes condamnées sur le fondement des articles 421-2-5 et 421-2-5-1 du code pénal. Je rappelle que ces deux infractions sont punies de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.
Non, il ne s'agit pas d'un simple délit d'expression. Une personne condamnée pour un tel délit a révélé son intention criminelle et doit faire l'objet de mesures de sûreté. Puisqu'il s'agit d'une infraction grave, nous estimons qu'il convient de ne pas exclure a priori ces personnes du champ d'application de la proposition de loi et de se réserver le droit de prononcer à leur encontre des mesures de sûreté à titre préventif.
Entre la radicalisation et le passage à l'acte terroriste, il existe un continuum. Stop à la naïveté ! Le principe de précaution exige, pour être tout à fait concret, que les islamistes radicalisés qui ont été condamnés pour des infractions à caractère terroriste ou en lien avec le terrorisme n'échappent pas a priori aux mesures de sûreté que nous examinons là.
L'immense majorité des terroristes, pour ne pas dire la totalité d'entre eux, ont commencé par consulter des sites internet djihadistes et se sont livrés à l'apologie du terrorisme ou à la provocation à des actes de terrorisme avant de passer à l'acte. C'est d'ailleurs pour cette raison que je compte déposer très prochainement une proposition de loi pénalisant la consultation régulière des sites djihadistes – tout en étant compatible avec le droit constitutionnel, car on nous oppose toujours cela.
Je vous demande donc, madame la garde des sceaux, d'élargir le champ d'application de la proposition de loi ; il en va de la sécurité des Français.
J'avoue ne pas comprendre, madame la rapporteure, pourquoi vous excluez du champ de protection – car il s'agit bien, dans votre texte, de mesures de protection, de précaution, de sûreté, pour la société, et non de sanctions – les détenus qui vont sortir de prison après avoir purgé une peine pour apologie du terrorisme. J'estime que l'exclusion de cette qualification est une erreur et constitue même un danger.
Nous l'avons vu par le passé, beaucoup de terroristes mis en cause dans des attentats de la plus haute gravité avaient d'abord été identifiés par la justice, lors d'une première condamnation, pour apologie du terrorisme.
Malheureusement, ces parcours débutent très souvent par des délits de droit commun – vous disposez sans doute, madame la garde des sceaux, de tous les éléments en la matière – , et l'apologie du terrorisme constitue souvent la première étape d'un long chemin tragique.
Je ne comprends donc pas pourquoi nous exclurions ces personnes du champ d'application du dispositif. Ce n'est pas la qualification pour laquelle la personne a été condamnée qui doit déclencher la mesure de précaution, mais la dangerosité de la personne. Si le procureur estime qu'elle est dangereuse, ce n'est pas parce qu'elle n'aurait été condamnée que – si j'ose dire – pour apologie du terrorisme qu'elle doit être dispensée de l'application des présentes mesures de protection. Ce serait totalement illogique et, je dirais même, extrêmement dangereux : vous tournez le dos au principe de précaution, qui motiverait notre soutien aux dispositions que vous proposez.
La parole est à M. Jean-Félix Acquaviva, pour soutenir l'amendement no 38 .
Nous souscrivons, bien entendu, à la volonté de lutter contre le terrorisme islamiste. En revanche, vous l'avez bien compris, nous sommes très réservés sur les dispositions proposées dans ce texte.
La définition de ces mesures de sûreté destinées aux terroristes islamistes à l'issue de leur peine est trop générale et s'appliquerait à d'autres détenus, alors que l'exposé des motifs de la proposition de loi est très précis. C'était également le cas de certaines dispositions de la loi SILT – renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme – et, antérieurement, de celle qui a créé le FIJAIT.
Nous craignons que ce régime ad hoc ne s'applique de facto à des militants syndicaux, politiques, écologistes, altermondialistes ou encore dans le cas des situations corse et basque, même si le long cheminement de ces dernières a abouti à la paix. Nous jugeons inutile de jeter de l'huile sur le feu. De plus, il serait tout à fait disproportionné d'établir une relation entre de telles actions militantes et la barbarie absolue qu'est le terrorisme islamique.
Cet amendement de repli vise à exclure du dispositif les personnes condamnées pour des destructions matérielles. Il faut en effet nous garder des mesures exorbitantes du droit commun qui mettent à mal l'État de droit. N'en ajoutons pas à celles, trop nombreuses, qui figurent déjà dans notre arsenal juridique. Il est possible d'être efficace en adoptant des mesures strictement nécessaires et proportionnées, et les dispositions pénales de droit commun me semblent largement suffisantes en la matière.
Nous nous sommes longuement interrogés pour savoir quel devait être le champ d'application de la loi et comment nous pouvions bien cibler ces mesures de sûreté. Le dispositif que nous avons prévu vise vraiment les individus les plus dangereux, susceptibles de commettre des actes de terrorisme d'une gravité particulière, et nous avons en effet exclu du dispositif les personnes qui se trouveraient poursuivies et incarcérées sur les fondements des articles 421-2-5 et 421-2-5-1 du code pénal.
Ces infractions, vous le savez comme moi, étaient, il n'y a pas si longtemps encore, réprimées par la loi de 1881 sur le droit de la presse, et c'est précisément pour renforcer leur répression qu'elles ont été insérées dans le code pénal. Cependant, par dérogation, nous les excluons, par principe, des lois de procédure pénale spécifiques au terrorisme, car elles relèvent plus de l'expression que du terrorisme proprement dit. Au demeurant, le Conseil constitutionnel est particulièrement vigilant quant à ces infractions, comme en témoigne sa dernière décision – très récente, car elle date de vendredi dernier – , qui a sanctionné le délit de recel d'apologie du terrorisme. Voilà pourquoi nous avons, par principe, exclu ces deux infractions.
Pour ce qui est des faits évoqués par M. Acquaviva, je fais confiance, comme nous devons tous le faire, aux magistrats. Dans la procédure que nous voulons instaurer, le magistrat sera saisi par le procureur de la République antiterroriste, sur le fondement de réquisitions motivant la demande, puis il y aura une procédure contradictoire et une évaluation pluridisciplinaire. Quand il sera estimé qu'une personne ne présente pas un caractère de dangerosité suffisant – vous évoquez à ce propos, par exemple, les militants altermondialistes – , je ne doute pas que les magistrats seront clairvoyants et n'appliqueront que des mesures de sûreté nécessaires, adaptées et proportionnées, conformément au souhait du Conseil constitutionnel.
On ne peut donc pas exclure par principe les infractions n'ayant donné lieu qu'à des dégradations matérielles. Il faut maintenir une qualification juridique globale et nette. Il convient en revanche d'exclure l'apologie du terrorisme, infraction qui ne me semble pas relever du dispositif prévu, car nous visons là des personnes présentant une bien plus grande dangerosité.
L'avis est donc défavorable sur les trois amendements.
Pour ce qui concerne les amendements présentés par M. Ciotti et M. Habib, l'un des critères de la constitutionnalité de telles mesures est, comme nous l'avons dit, leur proportionnalité, et, pour apprécier cette dernière, la nature de l'infraction compte énormément. Or les infractions visées par ces amendements ne sont pas des actes de terrorisme. C'est la raison pour laquelle, comme cela a été dit, certaines dispositions existantes ne s'appliquent pas, comme celles relatives au FIJAIT ou au régime de garde à vue dérogatoire. J'émets donc un avis défavorable sur ces amendements.
Quant à celui de M. Acquaviva, je reprends à mon compte le raisonnement de Mme la rapporteure : l'avis est également défavorable.
J'ai entendu évoquer en commission l'apologie du terrorisme comme un délit d'opinion. Attention aux mots, car l'apologie du terrorisme amène souvent l'acte ! Je donnerai deux exemples.
Le premier est celui de Michaël Chiolo : on a oublié qu'avant d'arriver à Condé-sur-Sarthe, il avait crié, dans la cour de la prison de Besançon, où il se trouvait : « Bataclan ! Bataclan ! » On n'en a pas tenu compte, et on sait ce qui est arrivé.
Un autre cas, qu'Éric Ciotti pourrait lui aussi évoquer, est celui de l'attaque de la préfecture de police de Paris, dont l'auteur…
… avait déclaré : « Charlie Hebdo, c'est bien fait ! » On a pensé que, puisqu'il était sourd et muet, ce n'était pas très grave ; alors qu'il s'agissait de l'apologie d'un acte de terrorisme, on a considéré que ce n'était pas même un signal faible de radicalisation, et on sait ce qui est advenu.
Je veux donc mettre mes collègues en garde face à l'apologie du terrorisme.
On voit bien comment un tel texte et une telle fuite en avant servent, en toute logique, l'argumentaire de la droite. Au fond, leur discours se tient : si untel est dangereux parce qu'il a fait quelque chose, tel autre, qui en a fait l'apologie, peut bien être dangereux, lui aussi. Le terme de dangerosité n'étant pas défini et n'ayant ni bornes, ni frontières, ni limites, tout le monde peut être dangereux et suspecté. Voilà ce que vous instaurez avec votre texte.
D'ailleurs, monsieur Acquaviva, les mesures de sûreté existent déjà dans le droit ordinaire, et on peut fort bien imaginer que, par capillarité et parce que c'est ce qui s'est produit jusqu'à présent pour le code pénal, des mesures initialement prévues pour le terrorisme finissent par irriguer tout le reste et par s'appliquer d'abord à la criminalité organisée, puis à la criminalité tout court, puis à la délinquance ! Si ça marche pour les uns, pourquoi ça ne marcherait-il pas aussi pour les autres ? On l'a vu lors de l'examen du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, qui a étendu les pouvoirs du parquet et du procureur de la République, avec des techniques spéciales d'enquête très attentatoires qui, à l'origine, étaient prétendument réservées à la criminalité organisée et au terrorisme, et dont le champ d'application est désormais beaucoup plus large.
Je m'oppose à de telles mesures, dont nous ne retirons rien d'un point de vue démocratique et républicain, car elles ne nous protègent même pas du péril contre lequel vous voulez légiférer.
À ce stade du débat, qui est important, nous pouvons sans doute prendre un peu de temps, madame la garde des sceaux. J'avoue ne pas comprendre la logique purement juridique qui vous guide. J'avais cru apprécier dans ce texte une volonté de mieux protéger notre société face à un phénomène d'une extrême gravité, autour de laquelle il me semble que nous pouvons tous nous retrouver, à l'exception peut-être de M. Bernalicis. Ce phénomène, nous le connaissons tous et il a été décrit à maintes reprises. Je citais cet après-midi les propos du chef du PNAT – le parquet national antiterroriste – , Jean-François Ricard, et je pourrais citer aussi ceux du directeur général de la sécurité intérieure, Nicolas Lerner, qui soulignait devant nous : « Les individus impliqués dans des projets au moment de la grosse menace ou le plus versés dans l'apologie ne sont pas sortis. » Il convient de prendre en compte la dangerosité des individus concernés, que peuvent décrire des faits objectifs et des enquêtes de renseignement. C'est cette logique qui conduit du reste à appliquer des MICAS – mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance – à des personnes impliquées dans des faits d'apologie du terrorisme. J'entends la logique de la proportionnalité, mais nous devons ici sortir du cadre puisqu'il ne s'agit pas d'appliquer des peines, des sanctions, mais de protéger la société face à une personne dangereuse.
Le cas de Mickaël Harpon – même si, comme l'a démontré la commission d'enquête que j'ai eu l'honneur de présider, aucune suite n'a malheureusement été donnée à ses propos et qu'il a même été maintenu dans un service de renseignement – montre qu'il faut vraiment travailler sur la dangerosité et que cette idée doit nous réunir. Il importe d'apprécier les éléments objectifs, et non pas seulement une condamnation. Il est fréquent que l'apologie soit le premier stade d'un long parcours qui peut conduire à des faits terrifiants, cela a été prouvé de manière réitérée. Ayons donc à l'esprit cette dangerosité. Pourquoi exclure par principe l'apologie du terrorisme ? C'est au procureur de la République d'apprécier la mesure : il le fera – comme vous l'avez dit, on peut lui faire confiance – , dans une démarche de proportionnalité et d'appréhension du phénomène. Pourquoi nous priver de cela ?
Mon propos s'inscrira dans la continuité de ceux que viennent de tenir M. Diard et M. Ciotti. Cinq minutes avant sa mort, il était encore en vie. Avons-nous réussi dans notre lutte contre le djihadisme et le terrorisme ? La réponse est : non. Il y a des centaines de morts, des milliers de blessés, des familles détruites. Le principe de précaution doit profiter uniquement aux familles, aux Français. Nous ne vivons pas dans un monde de Bisounours. Nous sommes là pour légiférer et les Français nous regardent. Bien sûr, dans un monde idéal, chacun pourrait dire ce qu'il a envie de dire, au nom de la liberté d'expression, mais permettez-moi de vous rappeler 1933 : lorsque Hitler a publié Mein Kampf, c'était un livre, qui relevait de la liberté d'expression, mais on a vu ce que ce livre a produit !
Est-il normal de visiter des sites internet qui montrent des décapitations et font l'apologie du terrorisme ? C'est absolument terrifiant ! Nous n'avons pas réussi à juguler ce cancer qu'est le terrorisme, et des milliers de victimes pleurent ! Nous devons essayer de durcir la loi ! Il n'est pas normal de regarder des sites djihadistes ! Quant à la constitutionnalité des mesures à prendre, s'il faut changer la Constitution, nous la changerons, comme cela a été dit tout à l'heure. Qui peut trouver normal de visiter des sites aussi durs, des sites djihadistes montrant des décapitations ? Ça commence toujours par là. De grâce, finissons-en avec cette naïveté ! C'est le moment ou jamais de prendre les décisions qui s'imposent pour la sécurité des Français.
Permettez-moi d'apporter un élément de précision. La logique qui s'applique ici est la même que celle qui a guidé notre décision d'exclure les personnes radicalisées n'ayant pas été condamnées pour des faits de terrorisme. En réalité, le trou dans la raquette que nous avons identifié et que constatent tous les intervenants dans le domaine du terrorisme ne concerne que les personnes ayant fait l'objet d'une condamnation pour terrorisme et se trouvant de fait exclues de tous les dispositifs d'aménagement de peine, à cause d'un amendement que vous aviez défendu, monsieur Ciotti, en 2016.
Tel n'est pas le cas pour les personnes condamnées pour apologie du terrorisme ou radicalisées alors qu'elles sont condamnées pour des faits de droit commun : ces dernières sont éligibles à tous les dispositifs d'aménagement de peine et peuvent donc déjà bénéficier d'une surveillance judiciaire…
… et de dispositifs de suivi post-élargissement ; elles peuvent déjà faire l'objet d'une prise en charge et il n'est pas nécessaire de leur appliquer le régime de sûreté que la présente proposition de loi instaurera.
Le raisonnement que nous avons eu pour les délits d'apologie du terrorisme est donc exactement le même que celui qui concernait les détenus engagés dans un processus de radicalisation : ils n'ont pas besoin de faire l'objet de dispositions supplémentaires car ils bénéficient déjà de mesures prévues par le droit en vigueur. C'est la raison pour laquelle nous les avons exclus et pour laquelle je maintiens mon avis défavorable.
Pour compléter juridiquement le raisonnement que vient de tenir Mme la rapporteure, le Conseil constitutionnel, dans sa décision de 2008 relative à la surveillance et à la rétention de sûreté, dit expressément qu'une telle mesure ne s'applique qu'aux « crimes d'une extrême gravité ». Cet élément de proportionnalité s'applique aux dispositions que nous examinons maintenant. J'appelle encore votre attention sur le critère de proportionnalité.
L'amendement no 38 n'est pas adopté.
Je souhaiterais d'abord prolonger un peu le débat précédent. Vous avez justement souligné, madame la rapporteure, que j'avais été à l'origine d'un amendement, également défendu au Sénat, visant à exclure de tout dispositif d'aménagement ou de réduction de peine les personnes condamnées pour acte de terrorisme. Cet amendement reposait tout simplement sur l'idée – qui semble une exception pour vous mais dont je préférerais qu'elle soit la norme – qu'une personne condamnée à une peine de prison doit la purger. La règle veut désormais qu'on accorde automatiquement des crédits de réduction de peine et qu'on ajoute des aménagements qui déconstruisent la peine et en retirent tout le sens. Ne caricaturez pas notre démarche. Nous avions voulu faire en sorte qu'une personne condamnée à une peine de prison ferme pour acte de terrorisme exécute sa peine en totalité, sans aménagement. Et cela ne signifie pas qu'on doive par ailleurs se priver de prendre des mesures de prévention.
Pour en venir à l'amendement no 11 , nous voulons supprimer, à l'alinéa 8, le fait que la dangerosité soit appréciée en fonction d'« une adhésion persistante à une entreprise tendant à troubler gravement l'ordre public par l'intimidation et la terreur ». Nous considérons que cette définition est trop restrictive et, là encore, qu'elle conduit à exclure du champ d'application de la proposition de loi certains individus extrêmement dangereux.
Comme le rappelle le Conseil d'État, il s'agit d'instaurer des mesures de sûreté – nous sommes tous d'accord sur ce point – , lesquelles doivent s'appliquer à des individus considérés comme étant, au moment de leur sortie de prison, d'une particulière dangerosité. Cette appréciation doit se faire de la façon la plus fine possible puisque c'est la condition même d'une mesure de sûreté.
Dans le cadre de préparation du texte, nous avons auditionné le procureur général près la Cour de cassation, M. François Molins, dont l'expertise en matière d'action contre le terrorisme n'est plus à démontrer. Il nous a suggéré d'ajouter cette précision afin de mieux caractériser la particulière dangerosité d'un individu, qui justifiera l'instauration de mesures de sûreté à son encontre.
C'est la raison pour laquelle nous avons adopté cet amendement en commission : loin de restreindre le champ d'application de la proposition de loi, il le conforte en ce qu'il précise, de façon à mon sens très pertinente, la dangerosité des individus visés.
Il s'agit d'objectiver une dangerosité criminologique qui n'est pas fondée sur une expertise médicale. C'est la raison pour laquelle les précisions apportées en commission me semblent particulièrement pertinentes. J'émets donc un avis défavorable.
Cet amendement est très intéressant. On y interroge la question de la dangerosité et ce qu'on met derrière ce mot. À mes yeux, les mots « une adhésion persistante à une entreprise tendant à troubler gravement l'ordre public par l'intimidation et la terreur », qui ont été ajoutés en commission, sont déjà constitutifs d'une infraction susceptible d'être judiciairement caractérisée. Si tel est le cas, laissons la justice faire son travail et entreprendre des poursuites judiciaires, puisque vous répétez à l'envi que vous avez tellement confiance dans l'action des magistrats et qu'il faut les laisser se débrouiller – ce qui est en réalité une manière un peu facile de vous défausser et de ne pas prendre vos responsabilités politiques.
Ce qui est décrit dans le passage que j'ai lu, ce sont des faits : on n'en est plus au stade des soupçons ni à celui de la dangerosité ; il faut donc poursuivre. En réalité, pour certains faits que vous n'avez pas envie de caractériser sur le plan judiciaire parce que cela suppose une procédure pénale qui vous paraît trop complexe, vous voulez tout de même infliger ces semblants de peine que sont les mesures de sûreté. C'est plus simple pour vous, comme pour les services de renseignements – qui, soyons clairs, vous les ont d'ailleurs proposées.
Par ailleurs, je veux dire à M. Ciotti que les aménagements de peine ne constituent pas un dévoiement du sens de la peine, ce n'est pas vrai. En outre, ils ne sont pas accordés automatiquement : un magistrat examine si la personne peut y avoir droit ou non. Toutes les peines ne sont donc pas aménagées. Et il se trouve que, quand elles sont prononcées et appliquées, le taux de prévention de la récidive est plus élevé. Cela devrait vous intéresser, monsieur Ciotti, et nous mettre d'accord. Réjouissons-nous que les gens ne récidivent pas ! Car que voulez-vous au juste ? Que les personnes purgent leur peine et deviennent des récidivistes, puisqu'on sait que le fait de rester en prison est le principal facteur de récidive ? Cela n'a pas de sens !
Je rejoins mon collègue Bernalicis : cet amendement permet d'introduire la question de l'appréciation de la dangerosité.
J'en profite pour répondre à Mme la garde des sceaux et à Mme la rapporteure à propos de l'amendement précédent – mais cela rejoint la discussion en cours. J'ai entendu Mme la garde des sceaux évoquer, au moment de la discussion sur les amendements nos 39 et 63 , la notion de crime de sang pour définir l'extrême dangerosité de certains terroristes islamistes – on parle d'ailleurs de terrorisme islamiste à tout bout de champ. Mais j'ai aussi entendu Mme la rapporteure dire qu'il fallait faire confiance aux juges dans l'application des mesures antiterroristes. Quant à nous, députés, nous sommes le législateur.
Je m'excuse de faire un constat froid mais, si j'insiste, c'est parce qu'en Corse, des personnes ont été inscrites au FIJAIT alors qu'aucun attentat ou cas de récidive ne s'y est produit depuis 2014 ; cela met de l'huile sur le feu, alors que la paix a été retrouvée. C'est aussi le cas au Pays basque, ce que dénoncent les Artisans de la paix, le maire de Bayonne, la LDH et des religieux. On a donc recours à un fichier, dont on nous avait pourtant dit qu'il avait été conçu uniquement pour lutter contre le terrorisme islamiste, dans des contextes qui n'ont rien à voir avec cette menace ! La définition de la dangerosité me semble donc bien large. Et il est connu qu'on ne peut pas totalement faire confiance aux juges pour appliquer ce type de mesure dans certaines situations politiques. Par conséquent, il faut mieux caractériser les faits et appeler un chat un chat.
Je ne suis pas favorable à ces mesures de sûreté car j'estime, à l'instar du Conseil d'État, que beaucoup d'instruments sont déjà à la disposition de la juridiction antiterroriste, par exemple la notion d'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, qui laisse aux juges, et depuis longtemps, une grande marge de manoeuvre.
De façon générale, ce qui est nécessaire, ce sont des moyens plutôt que l'inscription de nouvelles mesures dans la législation. De surcroît, alors qu'il est déjà arrivé que d'autres personnes que des terroristes islamistes soient inscrites au FIJAIT, on risque de créer de nouvelles situations incohérentes ; il me semblait important de le signaler. Si vous voulez caractériser les choses correctement, nommez ce qui doit être nommé. On a parlé de crimes de sang. Or il ne me semble pas que le terrorisme islamiste se soit manifesté autrement sur le sol français.
L'amendement no 11 n'est pas adopté.
Il suit la même logique que le précédent. Plus nous avançons dans ce débat, plus vous nous faites malheureusement la démonstration que cette proposition de loi sera uniquement un alibi pour vous donner bonne conscience. Nous connaissons l'étendue du problème qui se posera à nous avec la sortie massive de détenus condamnés pour faits de terrorisme ou radicalisés en prison, qui constitueront une menace très grave pour notre pays. Dans l'urgence, vous proposez quelques mesurettes, en aucun cas à la hauteur du défi. Au fil des questions que nous abordons et des amendements que nous essayons de défendre pour densifier le texte, pour le rendre plus protecteur de notre société, nous constatons combien il est creux.
Le présent amendement vise à supprimer les termes « probabilité très élevée », choisis pour qualifier les détenus susceptibles de bénéficier de la mesure de protection. Après avoir réduit la liste des délits, comme on l'a vu tout à l'heure, vous réduisez à présent, avec ces mots, le champ d'application de la proposition de loi. Il ne reste donc pas grand-chose. Ne soyez pas si naïfs : la menace est devant nous ; pensez à la protection de la société.
Nous pouvons tout de même être tous d'accord pour considérer que nous pensons tous ici à la protection des Français et que nous sommes tous extrêmement vigilants face au risque terroriste ; on ne peut vraiment pas dire que certains seraient plus attentifs que d'autres à tel risque ou à telle protection, soyons honnêtes les uns vis-à-vis des autres.
Si nous avons opté, dans la rédaction, pour « une probabilité très élevée » plutôt que pour « un risque élevé », c'est par souci de cohérence entre les textes de loi. En tant que législateur, nous avons en effet souhaité reprendre la rédaction de l'article 706-53-13 du code de procédure pénale, relatif à la rétention de sûreté, qui contient cette terminologie. Je ne saisis pas bien la distinction que vous établissez entre les deux expressions et ne partage absolument pas les conclusions que vous en tirez. L'avis est donc défavorable.
Nous sommes là face à la pensée complexe de la dangerosité : est-elle très élevée, très très élevée, un peu élevée ou pas tant que ça ? Ce débat est lunaire, tout comme cet amendement et ce passage de la proposition de loi. On ne sait même pas de quoi on parle ; je ne comprends pas.
On peut certes tous être d'accord sur le fait que personne ne souhaite qu'il y ait d'attaques terroristes ni de terroristes sur le sol national. L'objet de notre discussion, c'est la recherche du moyen le plus efficace pour prévenir la récidive. Il n'est même pas question de la poursuite des personnes qui voudraient passer à l'acte et n'ont jamais été condamnées – c'est un autre sujet. De nombreuses analyses scientifiques et criminologiques démontrent que les mesures de sûreté ne contribuent pas à la prévention de la récidive. Point, c'est la réalité des faits.
Rires.
On peut asséner que le principe de précaution est nécessaire, que plus on aura d'outils, mieux on sera protégés. Mais ce n'est pas vrai, ça ne résiste pas à l'analyse scientifique.
Je ne sais pas si ce débat est lunaire mais, je le répète, je sais qu'à ce jour, nous avons échoué dans la lutte contre le terrorisme. La seule chose qui compte, ce sont les chiffres. Or, comme je le disais tout à l'heure, certains pays – dont j'aurais aimé qu'on s'inspire – ont réussi à faire baisser sensiblement le nombre d'attaques terroristes.
Je reprendrai l'exemple de Mickaël Harpon. Grâce à la commission d'enquête qu'a présidé mon excellent collègue Ciotti, on a appris que cette personne avait déclaré, après les attentats de Charlie Hebdo : « C'est bien fait ! » À l'époque, on avait jugé que ce n'était pas grave car il était un peu bègue et sourd-muet.
Et aujourd'hui, des familles pleurent. C'est la réalité. Nous sommes donc obligés de durcir la loi. Je veux bien qu'on dise que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Je suis d'accord pour considérer que tout commence par l'éducation, que personne ne naît djihadiste, raciste ou antisémite. Mais, à un moment donné, on est obligé de manier la carotte et le bâton – un bâton qui doit être fort, très fort.
Hélas, les mesurettes sont insuffisantes, c'est mon intime conviction. La crainte qui m'obsède, c'est que, demain – qu'à Dieu ne plaise – , nous soyons confrontés à un nouvel attentat terroriste obligeant à une nouvelle loi et à un nouveau durcissement. Il faut anticiper en agissant dès maintenant.
Ce que vient de nous dire Meyer Habib n'a rien à voir avec l'amendement. Il faut avoir un moral d'acier pour affirmer que la force du texte sera décuplée si nous passons de la notion de probabilité à celle de risque.
Je suis par ailleurs assez d'accord avec le début de l'argumentation d'Ugo Bernalicis, mais pas avec sa conclusion : l'enjeu consiste bien à savoir comment prévenir la récidive, mais asséner un argument d'autorité, sans aucune preuve, selon lequel aucune des mesures de sûreté n'est efficace, ne suffit pas. C'est à nous qu'il revient de nous prononcer.
Cela dit, je vois bien à quel jeu se livre le groupe LR. Notre collègue Ciotti s'était sans doute égaré quand il avait affirmé qu'il pourrait voter pour la proposition de loi. Depuis, il prend le texte petit morceau par petit morceau…
… pour le transformer. La transformation de la probabilité en risque ne vise qu'à dévoyer un texte qui n'a d'autre d'objet que d'assurer la sécurité de nos concitoyens, tout cela pour avoir une bonne raison de ne pas voter pour.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Arrêtez de faire semblant d'être partisans du consensus alors que vous ne faites que rechercher un positionnement politique pour justifier votre opposition à ce que nous faisons. Notre démarche est importante et utile, mais vous avez un peu de mal à le reconnaître.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
J'invite M. Vuilletet à ne pas créer de polémique politicienne sur un sujet relatif au terrorisme et à la radicalisation !
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et UDI-I.
Revenons à la gravité du débat. Nous connaissons les chiffres. Peut-être ont-ils changé depuis lors, mais Mme la garde des sceaux nous avait indiqué, il y a quelques semaines, dans le cadre du contrôle de l'application de la loi SILT, que l'on comptait 534 détenus terroristes islamistes, qui pourraient sortir de prison dans les années à venir, plus 1 100 à 1 200 détenus de droit commun susceptibles de radicalisation – nous y reviendrons ultérieurement.
Je vous ai donné des chiffres tout à l'heure !
Ces derniers seraient 1 100 à 1 200 selon la chancellerie, 2 000 selon les syndicats ; le débat est ouvert.
Vous adoptez systématiquement une définition très restrictive des personnes auxquelles s'appliquera la proposition de loi. Je reconnais, je le répète, un certain mérite au dispositif que vous proposez, mais j'aurais souhaité qu'il aille beaucoup plus loin : je suis partisan de la rétention de sûreté et de la rétention administrative. J'ai toutefois conscience que cela nécessiterait une réforme constitutionnelle, que j'appelle de mes voeux car je pense que notre société doit se protéger. Je vous donne acte du fait que vous nous présentez ce texte, dans l'urgence et dans un cadre constitutionnel contraint.
Je sais que les propositions de loi ne sont pas accompagnées d'étude d'impact, mais pouvez-vous nous dire quelle proportion des détenus concernés pourrait se voir appliquer les dispositions proposées, avec votre approche très restrictive ? Vous devez bien avoir évalué le nombre de personnes auxquelles le texte pourrait s'appliquer sur les 2 500 détenus dont nous connaissons la dangerosité – j'additionne les détenus terroristes islamistes et les détenus de droit commun susceptibles de radicalisation. Au fil du débat, on voit bien que c'est la quadrature du cercle : les critères que vous proposez pour l'application de la proposition de loi sont à ce point restrictifs qu'à l'issue de nos discussions, elle ne s'appliquera pratiquement plus à personne.
L'amendement no 12 n'est pas adopté.
Il vise à faire entrer dans le champ de la loi les détenus de droit commun susceptibles de radicalisation, ou DCSR, dont je viens de parler. Ils seraient de 1 100 à 2 000 ; j'attends de votre part que vous nous en donniez le nombre, madame la garde des sceaux ; c'est très important.
Même si je ne la comprends pas, j'ai bien compris que votre démarche consiste à appliquer un principe de précaution à quelques détenus seulement, selon les faits qu'ils ont commis par le passé. Pourtant, ce qui devrait vous guider, c'est la volonté de prévenir les faits qu'ils pourraient commettre dans l'avenir, sachant qu'il pourrait s'agir d'actes de terrorisme extrêmement graves. Il faut que l'on puisse évaluer leur profil et leur dangerosité, en particulier grâce au renseignement pénitentiaire. Je rappelle que j'ai eu l'honneur de mettre en place le renseignement pénitentiaire, avec Jean-Jacques Urvoas, en faisant adopter un amendement en commission des lois, contre l'avis de votre prédécesseur, Mme Christiane Taubira, qui y était vigoureusement opposée.
On peut ainsi établir des faits qui permettent d'identifier les profils dangereux.
Nous voudrions disposer des chiffres pour savoir combien de personnes seront concernées. J'avoue aussi ne pas comprendre pourquoi vous excluez les personnes radicalisées qui peuvent être beaucoup plus dangereuses que celles condamnées pour fait de terrorisme islamiste – certaines peuvent avoir commis des crimes, des actes de torture ou de barbarie. Il est incohérent, absurde et en définitive dangereux de les exclure des mesures de précaution que vous mettez en place.
Je l'ai déjà dit, la proposition de loi vise à combler un trou dans la raquette puisque les personnes condamnées pour terrorisme islamiste ont été exclues des dispositifs d'aménagement de peine, tandis que les personnes radicalisées condamnées pour des faits de droit commun peuvent, quant à elles, bénéficier d'aménagements de peine et de dispositifs de suivi. Ces derniers détenus ne sont pas exclus du dispositif parce que nous estimons qu'ils ne sont pas dangereux et qu'ils ne doivent pas faire l'objet d'un suivi particulier, mais parce qu'il est déjà possible d'assurer ce suivi sans qu'il soit nécessaire de prévoir des mesures de sûreté supplémentaires dans le présent texte.
Monsieur Ciotti, il n'y a peut-être pas d'étude d'impact. Toutefois, comme je viens de le préciser, nous avons déterminé un champ d'application précis pour le dispositif, qui permet de savoir environ combien de personnes il pourrait concerner. Jusqu'à 2022, 150 personnes sont susceptibles de se voir appliquer le dispositif de la proposition de loi ; par la suite, il est prévu qu'une commission pluridisciplinaire procède à une évaluation individuelle de la dangerosité de chaque individu. Nous ne pouvons pas déduire la dangerosité d'une condamnation antérieure ; ce serait totalement contraire à l'esprit d'une mesure de sûreté, qui nécessite une appréciation individuelle. Aucune étude d'impact n'aurait pu vous dire à qui s'appliquera le dispositif de sûreté que nous proposons. Oui, je fais confiance aux magistrats, qui apprécieront chaque situation et décideront au cas par cas si la personne présente une telle dangerosité qu'il est nécessaire de lui appliquer un dispositif de sûreté.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Premièrement, monsieur Ciotti, je vous donne les chiffres que vous me demandez, même s'ils sont susceptibles de vous décevoir. On compte 514 détenus pour des faits de terrorisme islamiste, qui sont donc concernés par les dispositions de la proposition de loi, et 760 détenus de droit commun évalués comme susceptibles d'être radicalisés – ils ne sont donc ni 1 000 ni 1 200 – font l'objet d'une évaluation extrêmement précise, sur la base d'une grille rigoureuse.
Deuxièmement, votre amendement vise à étendre les dispositions du texte à l'ensemble des personnes condamnées à des peines privatives de liberté, quelle que soit la nature de l'infraction. Pour notre part, je le répète, nous cherchons toujours à donner un caractère proportionné aux mesures que nous mettons en oeuvre. Il nous semblerait par exemple disproportionné et excessif d'appliquer le dispositif prévu à une personne qui aurait commis un délit de conduite sans permis et serait susceptible d'être radicalisée. Je rappelle par ailleurs que, s'agissant des personnes ayant commis une infraction de droit commun et faisant l'objet d'une suspicion de radicalisation, nous disposons d'autres procédures, issues de la loi SILT, ainsi que de la possibilité de constater des infractions pénales, dites « obstacles », comme l'association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme.
Troisièmement, nous discutions précédemment de la dangerosité des personnes, ce qui concourt au même débat. Le Conseil d'État indique, dans son avis relatif à la version de la proposition de loi qui lui a été soumise avant qu'elle ne soit examinée par votre commission des lois : « La dimension objective du trouble dont est atteinte la personne qui rendrait très élevée la probabilité d'une récidive est absente du dispositif. » Votre commission des lois a souhaité affiner ce dispositif afin de le rendre plus compatible avec les exigences constitutionnelles.
Votre remarque me surprend, madame la garde des sceaux : personne, et certainement pas moi, ne pourrait se réjouir que le nombre de détenus terroristes soit élevé, car cela ne ferait que traduire la gravité de la situation ; je souhaite donc que les chiffres soient les plus faibles possible.
Je m'étonne cependant de ceux que vous évoquez. Vous parlez de 514 détenus TIS – terroristes islamiques – , alors que l'exposé des motifs de la proposition de loi en annonce 531 et qu'ils étaient encore plus nombreux lorsque nous avons auditionné le chef du PNAT, avant le confinement. Par ailleurs, je lis, dans un article paru il y a un an sur le site internet du Gouvernement, intitulé « Radicalisation : aller plus loin dans la prévention » : « On estime le nombre de détenus de droit commun radicalisés à 1 100, et à 500 le nombre de détenus pour faits de terrorisme. »
Est-ce à dire que les chiffres fournis par vos services sont faux, à moins que…
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Ce serait une explication très rationnelle. On est passé, en quelques mois de 1 100 à 760 TIS : avez-vous procédé à la libération anticipée de ces personnes, madame la garde des sceaux ?
Madame la garde des sceaux, vous pouvez nous donner le chiffre des TIS mais pas celui des DCSR. Allez donc sur le terrain parler aux surveillants pénitentiaires ! J'ai rencontré des personnes qui travaillent en QER, les quartiers d'évaluation de la radicalisation. L'évaluation est très difficile. Vous parlez d'environ 700 détenus radicalisés, alors qu'il y a trois mois, Nicolas Lerner nous a parlé de 1 000 individus. Ils auraient donc fondu comme neige au soleil ? Vous savez parfaitement que des détenus pratiquent la taqîya, qu'ils dissimulent leur radicalisation. Vous avancez 700, Nicolas Lerner dit 1 000, les syndicats pénitentiaires parlent même de 1 700. En la matière, il est impossible de donner un chiffre exact, ce n'est pas sérieux.
Sachez que nous avons affiné nos méthodes d'évaluation de la radicalisation : grâce au concours des services de renseignement et des équipes pluridisciplinaires, nous avons désormais une approche beaucoup plus fine, ce qui explique peut-être la diminution du chiffre.
Monsieur Ciotti, il n'est pas raisonnable d'avancer l'argument auquel vous venez de recourir ; je suis d'ailleurs certaine que vous n'y croyez pas vous-même.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Ce n'est vraiment pas sérieux car vous savez très bien que nous avons exclu trois types d'infractions du dispositif de libération anticipée mis en oeuvre durant les deux mois de confinement : les crimes, les violences conjugales et le terrorisme.
Monsieur Ciotti, vous pourrez intervenir à nouveau sur ce point ultérieurement.
L'amendement no 18 n'est pas adopté.
Madame la garde des sceaux, vous jouez avec les mots : vous n'avez pas exclu de l'ordonnance les DCSR, qui ont bien bénéficié de la libération anticipée. Je peux même vous donner le chiffre exact : auditionné par la commission des lois – j'ai relu le compte rendu – , M. Stéphane Bredin a dit que 130 DCSR pouvaient bénéficier des mesures de l'ordonnance.
J'en viens à l'amendement no 31 , également consacré aux DCSR. Actuellement – vous le savez mieux que moi – , se déroule l'évaluation de ces détenus de droit commun considérés comme radicalisés. Je le répète : pour moi, l'administration pénitentiaire a commis une erreur majeure en préférant évaluer en priorité la dangerosité des terroristes. Elle y a passé deux ans, alors que la dangerosité de ce public était, à mon sens, avérée ; pendant ce temps, se développait dans nos prisons la radicalisation des détenus de droit commun. Puisque ceux-ci sont en cours d'évaluation, je souhaite, comme mon collègue Éric Ciotti, que cette évaluation permette de soumettre les plus dangereux d'entre eux aux mesures de sûreté.
Défavorable également.
Madame la garde des sceaux, mon collègue Éric Diard a rappelé les propos que le directeur de l'administration pénitentiaire a tenus devant la commission des lois. Je vous rappelle, pour ma part, vos propres propos lors de l'audition de la mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19, présidée par Richard Ferrand et dont j'ai eu l'honneur d'être le premier vice-président : vous avez contesté le chiffre de 130 – celui des détenus susceptibles d'être libérés rapidement, dont tous, j'en conviens, ne l'ont pas été – , mais vous avez évalué le nombre des détenus libérés à plusieurs dizaines ! Vous ne pouvez donc pas dire maintenant que les DCSR n'étaient pas concernés par la mesure ; c'est une contrevérité.
Pardon, mais j'ai parlé de détenus pour infractions terroristes : ceux-là, en effet, n'ont bénéficié d'aucune des mesures de libération en fin de peine que nous avions fait entrer en vigueur pendant la période du covid-19.
Pour ce qui est des DCSR, en effet, au moment où j'ai été auditionnée, j'ai indiqué que moins d'une trentaine d'entre eux avaient fait l'objet d'une libération. Il n'y a aucune difficulté à donner un nombre exact, mais ce n'est pas ce qui explique la différence entre les 1 200 que vous énoncez et les 760 que je compte. Nous avons fait évoluer nos méthodes d'évaluation. M. Diard, qui m'a fait l'honneur, l'autre jour, de venir à la chancellerie pour faire un point, à mon invitation, sur les suites de son rapport, a d'ailleurs pu voir en quoi consistaient les fiches d'évaluation de la radicalisation pour les détenus de droit commun. Ce sont des fiches très précises et très longues, et c'est sur la base de ces informations que nous avons affiné nos critères, d'où la modification du nombre dont nous parlons.
Je persiste et je signe : Nicolas Lerner a parlé de 1 000 à 1 100 DCSR.
Et je reviendrai sur un cas : en mai 2020, à Vannes, un détenu fiché S qui a bénéficié d'une libération anticipée grâce au covid-19 a été arrêté alors qu'il conduisait sans permis et en dépit du confinement, en possession d'une arme. J'ai été sidéré d'apprendre, dans Le Télégramme, que cet individu avait bénéficié de votre mesure, alors qu'il avait été condamné en 2019 pour apologie du terrorisme ; c'est pourquoi, en mai 2020, il était dehors.
Je suis opposé à cet amendement et à la philosophie qui en est à l'origine, comme à l'origine des autres amendements similaires.
Chers collègues du groupe Les Républicains, cela fait trois ans que je suis rapporteur pour avis du budget de l'administration pénitentiaire, et je n'ai jamais vu un seul d'entre vous participer aux auditions que j'organise avec les administrateurs de la commission des lois. On ne peut pas s'intéresser à la question pénitentiaire uniquement lorsque se profile un objet médiatique ! Le seul collègue que je vois dans le cadre de ces auditions, c'est Ugo Bernalicis, qui, tous les ans, est présent et pose des questions plutôt pertinentes, ayant à coeur de participer au débat. Le sujet est suffisamment grave pour qu'on n'en fasse pas un objet de politique politicienne !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Monsieur Questel, je ne redonnerai pas la parole à M. Diard, qui l'a déjà prise, mais l'Assemblée nationale est le lieu du débat politique.
Je voudrais qu'on admette ce principe général pour l'ensemble des groupes.
Murmures.
J'ai été, avant vous et pendant de nombreuses années, rapporteur pour avis du budget de l'administration pénitentiaire pour la commission des lois. Le rapporteur pour avis mène souvent ses auditions seul. Il n'y a pas à mettre en cause qui que ce soit : ce n'est pas parce que nous ne participons pas aux auditions que vous menez en tant que rapporteur pour avis que nous n'avons pas nous-mêmes des contacts avec l'administration pénitentiaire, que nous ne connaissons pas le sujet ou que nous nous en désintéressons, comme vous le laissez entendre. Bien au contraire ; simplement, nous n'avons pas la même vision des choses, notamment à propos du présent amendement. Nous n'avons aucune leçon à recevoir – et de vous, moins que d'aucun autre !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
L'amendement no 31 n'est pas adopté.
Les deux amendements, que j'ai cosignés avec mes collègues Laurianne Rossi et Cécile Muschotti, se complètent. Les mesures de sûreté – la surveillance, la rétention – ne visent que les personnes dont la dangerosité particulière est établie et qui sont potentiellement récidivistes. Pour respecter le caractère proportionné et nécessaire de ces mesures, la notion de dangerosité nous semble devoir être la plus objective possible. C'est dans cet esprit que le Conseil d'État, dans son avis du 11 juin dernier, a émis quelques suggestions : le procureur devrait, dans ses réquisitions, faire état d'éléments circonstanciés établissant la dangerosité du condamné ; symétriquement, la décision du juge devrait, elle aussi, être motivée par des éléments circonstanciés et objectifs. Nous souhaitons suivre les recommandations du Conseil d'État, éviter tout risque juridique et rendre la notion de dangerosité la plus objective possible : tels sont les objectifs des deux amendements.
En effet, madame la présidente, dans le cadre de l'examen des amendements en application de l'article 88 du règlement : avis favorable.
Monsieur Questel, certaines auditions de la mission d'information sur la radicalisation dans les services publics ne se déroulaient pas à huis clos, mais c'est en vain que M. Éric Poulliat et moi-même vous y avions attendu. Vous voyez, il est facile d'entrer dans ce jeu : ne vous engagez donc pas sur ce terrain glissant !
J'en viens aux amendements : nous souhaitons rétablir ou introduire plusieurs mesures de sûreté.
L'amendement no 24 prévoit l'interdiction de l'accès à certains emplois publics dont la liste sera arrêtée par un décret en Conseil d'État. Mme la rapporteure prétend que ce point est satisfait ; j'aimerais entendre Mme la garde des sceaux à ce propos. L'amendement réintroduit également le placement sous surveillance électronique mobile, disposition supprimée par la commission des lois.
Quant à l'amendement no 25 , madame la rapporteure, vous nous avez dit que l'article 6 du Sénat ne comportait pas de mesures de pointage. Je propose de compléter votre proposition de loi par ce que cet article contient de plus intéressant : les dispositifs de suivi judiciaire, qui apparaissent comme la voie la plus adaptée pour répondre à l'enjeu de sécurité publique.
Comme l'a indiqué M. Diard, ses amendements renvoient aux dispositifs de suivi socio-judiciaire. Celui-ci a été jugé par la Cour de cassation comme une peine complémentaire ; or le dispositif que nous proposons comporte exclusivement des mesures de sûreté. Afin de ne pas basculer du côté des peines, il m'a paru évident qu'il ne fallait pas y inclure une peine complémentaire. Visant une application immédiate, nous ne voulons surtout pas accentuer la porosité entre dispositifs. C'est pourquoi, en construisant cette proposition de loi, nous avons, avec Raphaël Gauvain, sélectionné les dispositions qui nous semblaient nécessaires, adaptées et proportionnées aux buts poursuivis dans le cadre du suivi judiciaire ; nous avons en revanche exclu les mesures relatives au jeu, aux débits de boisson, etc. , qui ne nous semblaient pas pertinentes par rapport au risque visé : celui des infractions terroristes. Je suis donc défavorable aux deux amendements.
Il est défavorable à l'amendement no 24 . En effet, des dispositions en vigueur permettent déjà de s'assurer que les personnes radicalisées n'occupent pas certains emplois publics : l'article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure, que vous connaissez bien, permet de procéder, avant le recrutement, à une enquête administrative destinée à vérifier que le comportement de la personne n'est pas incompatible avec l'exercice des fonctions et des missions envisagées. Il me semble donc que cette partie de l'amendement est satisfaite. Pour ce qui est du PSEM – le placement sous surveillance électronique mobile – , nous aurons l'occasion d'y revenir dans le débat sur les amendements suivants.
Avec l'amendement no 25 , Mme la rapporteure l'a souligné, vous voulez au fond rendre applicable au nouveau dispositif de sûreté l'ensemble des obligations pouvant être prononcées dans le cadre de la peine d'emprisonnement avec mise à l'épreuve. Certaines de ces mesures me semblent d'ores et déjà prévues par la proposition de loi, de manière renforcée pour certaines d'entre elles – notamment l'obligation d'obtenir une autorisation préalable du juge d'application des peines pour tout déplacement à l'étranger. Quant aux obligations mentionnées à l'article L. 132-45 du code pénal, plusieurs d'entre elles, comme l'obligation d'inscription et de présentation aux épreuves du permis de conduire, n'apparaissent pas adaptées au dispositif que nous envisageons. L'avis est donc aussi défavorable.
Madame la rapporteure, je ne veux pas préjuger de ce qui se passera la semaine prochaine au Sénat, mais il est fort probable que celui-ci ajoute les mesures relatives au suivi judiciaire ; dans ce cas, il faudra bien trancher et se mettre d'accord dans le cadre de la commission mixte paritaire.
Nous verrons bien.
Il tend à créer un régime d'autorisation préalable du juge de l'application des peines pour tout changement d'emploi ou de résidence des individus sortis de prison après avoir été condamnés pour radicalisation ou infraction terroriste. Il supprime la conditionnalité prévue dans la proposition de loi, par les mots : « lorsque ce changement est de nature à mettre obstacle à l'exécution des mesures de sûreté ». D'ailleurs, j'aimerais bien comprendre ce que cela veut dire exactement…
Nous sommes face à des individus d'une dangerosité extrême, qui ont déclaré la guerre totale à notre pays et à ses valeurs. Comme l'a rappelé mon collègue, les djihadistes pratiquent la taqîya, c'est-à-dire la dissimulation. Tout changement d'emploi ou de résidence doit donc être apprécié en amont par le juge de l'application des peines, et c'est à lui de prendre la décision – la bonne, espérons-le.
L'objectif est de durcir les mesures de sûreté appliquées aux djihadistes qui sortent de prison. À son époque, Charles Pasqua avait préconisé de « terroriser les terroristes ». Notre objectif est désormais de leur rendre la vie plus difficile. Tout le monde peut faire amende honorable mais, dans le cas des auteurs d'actes de terrorisme – des djihadistes dans leur écrasante majorité – , nous devons durcir les dispositions et ne pas leur faciliter la vie.
Dans la proposition de loi, nous avons retenu la formulation employée de façon très classique dans le code pénal, notamment à son article 132-44. Soyons cohérents dans les rédactions lorsque nous légiférons.
Cette formulation nous apparaît du reste tout à fait pertinente : c'est seulement lorsque le changement de résidence est de nature à faire obstacle à l'exécution des mesures de sûreté qu'il devient problématique – quand, par exemple, il remettrait en cause la capacité à pointer dans tel ou tel commissariat.
Enfin, les changements de résidence doivent être indiqués, sous quinze jours, dans le FIJAIT, sous peine d'une condamnation à deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende.
Il me semble que la rédaction que nous avons retenue se suffit à elle-même. Il ne s'agit absolument pas de faciliter la vie des personnes soumises à ces mesures de sûreté, mais de garder une cohérence dans notre dispositif législatif. L'avis est défavorable.
« Ah ! » sur de nombreux bancs.
Le sujet est extrêmement sensible. Ayant regardé la télévision avant de venir en séance, je voudrais tout d'abord me réjouir que nous ayons pris une affaire par le bon bout : même si nous en laissons quelques-uns, je ne pourrais pas supporter que nous laissions en masse nos djihadistes en Irak, en Libye ou en Syrie, des pays qui n'en peuvent plus, au lieu de les rapatrier chez nous ; nous avons une éthique et ceux qui sont partis de chez nous doivent y revenir. Je comprends votre difficulté, madame la garde des sceaux, mais je pense que votre démarche est la bonne et j'ai envie de l'accompagner. Bien sûr, cela ne règle pas tout. Comme vous l'avez dit, on ne va quand même pas se mettre à suspecter quelqu'un qui a eu un problème de permis de conduire ; sinon je serais suspect plus souvent qu'à mon tour !
Sourires.
En revanche, je suis très attentif voire préoccupé par ce qui se passe réellement dans nos banlieues. Cela vous dépasse comme cela nous a tous dépassés depuis quarante ou cinquante ans. Nous avons laissé faire. Il n'y a qu'à lire Les Émirats de la République, l'excellent ouvrage de François Pupponi, l'un de nos collègues du groupe Libertés et territoires, pour voir à quel point c'est une cocotte-minute. Nous n'avons pas trouvé le moyen de neutraliser les salafistes qui continuent à y officier d'une manière tout à fait dramatique.
Je ne suis pas sûr que ceux qui se sont lâchement livrés à des attentats en France avaient tous traversé la Méditerranée ; certains étaient déjà ici. C'est là que notre nation doit se hisser progressivement pour essayer d'éradiquer ce problème terrifiant.
L'amendement no 9 n'est pas adopté.
Comme le précédent, cet amendement vise à durcir les mesures de sûreté. L'alinéa 10 de l'article unique de la proposition de loi prévoit un régime d'autorisation préalable du juge de l'application des peines, le JAP, pour tout déplacement à l'étranger. Nous proposons que ce régime d'autorisation s'applique pour tout déplacement de plus de 100 kilomètres. À défaut d'un système de surveillance électronique mobile – que votre majorité a jusqu'à présent écarté – , nous devons circonscrire les déplacements de ces individus, dont certains sont extrêmement dangereux.
Dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, du 17 mars au 11 mai, afin de protéger la santé de nos compatriotes, le Gouvernement a mis en place la restriction à la liberté d'aller et de venir, et il a bien fait. Pour protéger la sécurité des Français, il me semble aussi important que le juge de l'application des peines puisse connaître les motifs qui pourraient conduire l'individu – le terroriste, en l'occurrence – à vouloir dépasser ce périmètre, avant d'accepter ou non ce déplacement. Cette mesure a évidemment une portée préventive, limitant les risques d'une préparation d'attentat par association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste.
Vous l'avez dit vous-même, monsieur Habib, votre objectif est de durcir les obligations auxquelles vont être soumises ces personnes. Or, en les durcissant, vous rendriez la mesure trop restrictive de libertés et le Conseil constitutionnel estimerait alors qu'elle n'est pas rétroactive, qu'elle ne va pouvoir s'appliquer que pour des faits commis après 2020. Tous les individus visés par cette proposition de loi, les 150 détenus qui vont sortir entre 2020 et 2022, échapperaient donc à cette mesure.
C'est pourquoi je vous invite à rester très raisonnable et respectueux de l'équilibre que nous avons trouvé en commission des lois, …
La dernière fois que vous vous êtes vantés de trouver un équilibre, c'était dans la loi contre les contenus haineux sur internet, et ça n'a pas fini de façon glorieuse !
… avec tous les parlementaires qui ont travaillé sur le texte. Celui-ci nous paraît le plus à même de parvenir à une application immédiate, ce qui me semble impératif pour garantir la sécurité de nos concitoyens. L'avis est donc défavorable.
Il a le même avis car la disposition proposée par M. Habib ne me semble pas nécessaire. L'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose clairement que la liberté ne saurait être entravée par « une rigueur qui ne serait pas nécessaire », ce qui me fait craindre pour la constitutionnalité de la mesure proposée.
Quant au parallèle avec la crise sanitaire, et je ne suis pas sûre que cela soit vraiment comparable.
Je suis tout à fait opposé à cet amendement, mais je voudrais dire, à cet instant du débat, que nous avons déjà entendu des odes à l'équilibre de la part de la majorité à propos de la loi sur la lutte contre les contenus haineux sur internet, et on a vu le résultat constitutionnel de la manoeuvre ! J'aimerais donc que nous regardions les choses avec un peu de hauteur et de distance, avant de lancer que telle mesure serait ou non constitutionnelle. J'ajoute que la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a d'ailleurs été l'une des lois les plus censurées par le Conseil constitutionnel ; il s'agissait certes de censures partielles, mais tout de même ; pour un texte défendu par une ancienne membre du Conseil constitutionnel, je trouve que ce n'est pas très pro…
Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
L'amendement no 10 n'est pas adopté.
Il vise à interdire l'accès aux emplois publics ou privés relevant du domaine de la sécurité nationale ou de la défense à toute personne condamnée pour des faits de terrorisme.
La mission d'information de nos collègues Éric Diard à Éric Poulliat et la commission d'enquête sur l'attentat à la préfecture de police, que j'ai présidée, nous ont appris que 810 personnes exerçant dans les professions sensibles des secteurs public et privé sont inscrites au FSPRT, le fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste. Nous allons ainsi dans le sens de votre texte, puisqu'il a pour ambition de fournir des mesures de précaution, même imparfaites.
Cet amendement étant défendu, madame la garde des sceaux, je voulais vous poser une question sur les chiffres car il est important de disposer de données réelles. Dans votre intervention à la tribune, vous avez indiqué qu'il y avait 262 détenus condamnés pour terrorisme islamiste et 182 prévenus pour de tels faits en détention provisoire, ce qui doit faire 444 personnes au total. Or le rapport sur la proposition de loi fait état de 534 détenus. Où sont passés les 90 manquants ?
Comme celui de M. Ciotti, il vise à faire en sorte que certains emplois publics, liés à la souveraineté nationale, ne puissent être attribués à des personnes liées au terrorisme, par mesure de sécurité. Mais je pense qu'il est satisfait.
Je ne reprendrai pas les longues explications que j'avais données en commission, mais ces deux amendements me paraissent d'ores et déjà satisfaits par des dispositifs concernant les peines complémentaires d'enquêtes administratives et le statut général de la fonction publique. Je renvoie ceux qui voudraient davantage de détails au rapport de la commission, qui reprend mes précédentes explications. L'avis est donc défavorable sur les deux amendements.
Nous en arrivons au dispositif de pointage prévu par la proposition de loi, un dispositif utile, dont la pertinence a été soulignée par le directeur général de la sécurité intérieure, Nicolas Lerner, lors de son audition. Je ne comprends donc pas, madame la rapporteure, que vous limitiez à trois, au maximum, le nombre de présentations par semaine aux services de police ou aux unités de gendarmerie.
Vous avez évoqué, en commission, les longs débats qui ont conduit à passer de cinq à trois présentations. Je propose, quant à moi, qu'on ne fixe pas de limite à la fréquence de pointage et qu'on puisse même envisager une présentation quotidienne, soit sept présentations par semaine.
La présentation quotidienne ne serait évidemment pas systématique, mais représenterait une possibilité laissée à la décision de l'autorité chargée de prescrire la mesure, en l'occurrence le procureur de la République, lequel se prononcerait selon la dangerosité de l'individu.
Pourquoi, madame la rapporteure, votre main a-t-elle tremblé et n'avez-vous pas eu l'audace d'aller jusqu'au bout de votre démarche ?
Madame la rapporteure, vous avez dit en commission qu'il était difficile de bien positionner le curseur entre trois et sept présentations. L'amendement propose une solution intermédiaire : porter à quatre par semaine le nombre de présentations de la personne concernée aux services de police ou aux unités de gendarmerie.
Avis défavorable, comme en commission. Je n'ai pas la main qui tremble, monsieur Ciotti, mais je m'efforce, comme toujours, de trouver le juste équilibre, un équilibre fragile – M. Bernalicis n'étant plus là, il ne protestera pas contre l'usage de ce mot – , entre une véritable mesure de sûreté et une mesure trop restrictive de liberté, assimilable à une peine selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Il nous a semblé qu'un pointage trois fois par semaine, soit à peu près un jour sur deux, était recevable de ce point de vue, alors qu'un pointage sept fois par semaine serait trop restrictif de liberté. En outre, d'après la jurisprudence du Conseil constitutionnel, la mise en oeuvre des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance – MICAS – , mesures administratives permettant un pointage quotidien, ne peut excéder douze mois, consécutifs ou non. C'est bien la preuve qu'une mesure trop restrictive de liberté ne serait pas acceptée et c'est la raison pour laquelle nous proposons le pointage un jour sur deux, soit trois fois par semaine.
Le choix est assurément délicat, mais celui que nous avons fait me semble le plus adapté, nécessaire et proportionné à l'objectif. Je le répète, nous sommes guidés par l'exigence de constitutionnalité du dispositif.
Même avis, au nom de la même exigence d'équilibre.
Je suis saisie de sept amendements, nos 13 , 28 , 45 , 51 , 72 , 74 et 75 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 13 , 28 et 45 sont identiques, ainsi que les amendements nos 72 , 74 et 75 qui font l'objet de deux sous-amendements nos 76 et 77 .
La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l'amendement no 13 .
Il concerne un sujet essentiel de notre débat, au point que notre excellent collègue Bruno Questel – qui a apparemment quitté l'hémicycle – a affirmé, en commission des lois, que, si ce dispositif venait à être supprimé, le texte n'aurait plus aucun sens et devrait être retiré.
Ce n'est pas moi qui l'ai dit, c'est un membre éminent de votre majorité, madame la rapporteure, et je comprends qu'il ait préféré s'absenter plutôt que de défendre cette conviction…
Murmures sur les bancs du groupe LaREM.
De quoi s'agit-il ? Du placement sous surveillance électronique mobile, une disposition essentielle pour contrôler un individu dangereux grâce à un bracelet électronique géolocalisé.
Cette mesure, la plus efficiente, pertinente, efficace et protectrice du texte, a été supprimée par un amendement à la surprise générale, dont celle de membres de la majorité et même, me dit-on, du Gouvernement – Mme la garde des sceaux nous le confirmera peut-être. Dès lors, le texte est en grande partie vidé de sa substance et perd son efficacité.
La surveillance électronique mobile était la mesure la plus audacieuse de la proposition de loi. Pourquoi l'avoir supprimée ? C'est incompréhensible : vous vous êtes privés d'un outil indispensable.
Que reste-t-il de votre texte ? Le pointage trois fois par semaine ? Est-ce là la seule mesure qui sera appliquée pour protéger notre société d'individus dont la dangerosité est connue ?
Croyez-vous réellement qu'une personne qui veut passer à l'acte en sera dissuadée par l'obligation de pointer trois fois par semaine au commissariat ou à la gendarmerie ? Seul le placement sous surveillance électronique mobile est dissuasif : la géolocalisation d'un individu à tout moment par les services de renseignement permet une intervention immédiate à la moindre suspicion de risque de passage à l'acte terroriste.
Je suis stupéfait par l'adoption de cet amendement, dont il faudra nous expliquer les raisons, et qui prive votre texte de toute efficacité en matière de prévention.
Je salue le retour de Bruno Questel ; je savais bien qu'il ne se défilerait pas !
Sourires.
Comme vient de le dire Éric Ciotti, nous sommes consternés que l'élément phare du dispositif ait été supprimé par un amendement adopté en commission et dont l'initiative revient qui plus est à Mme la rapporteure et à M. Gauvain. Le bracelet électronique constitue pourtant un dispositif essentiel, auquel ne pourrait s'opposer le Conseil constitutionnel car il est proportionné à la dangerosité des détenus terroristes.
Je suis très fier de présenter cet amendement après celui de M. Ciotti et avant celui de M. Fauvergue, qui souhaite également le rétablissement du bracelet électronique. La surveillance électronique mobile est une mesure indispensable du texte.
La parole est à M. Jean-Michel Fauvergue, pour soutenir l'amendement no 45 .
La mesure phare revient, monsieur Diard : ne vous inquiétez pas !
Depuis 2011, la France est touchée par le terrorisme, un terrorisme qui a la particularité de frapper non seulement de l'extérieur mais aussi, et surtout, de l'intérieur du pays. Or, vous le savez, en France, l'une des fabriques du terrorisme est la prison. C'est pourquoi il est important d'agir à la sortie de détention.
Mais le sujet mérite mieux que les affirmations péremptoires des uns et des autres. Certains nous disent que nous avons échoué dans la lutte contre le terrorisme : certes, un attentat terroriste est toujours un échec, mais quel pays au monde n'a-t-il pas échoué et n'a-t-il pas connu récemment des attentats terroristes ?
D'autres nous disent que nous sommes naïfs, mais tous les gouvernements français ont été endeuillés par des attentats : en ce sens, chacun d'eux a échoué ; chacun d'eux a été naïf à un moment donné.
D'autres encore, baignés de la culture Wikipédia, nous bercent de pseudo-études – celui auquel je fais notamment allusion a quitté l'hémicycle…
Il est important que nous nous mettions d'accord sur notre action en matière de lutte contre le terrorisme. Le texte était équilibré jusqu'à ce qu'une mesure phare – nous y voilà, monsieur Diard ! – en soit écartée. Nous ne pouvons pas nous passer de la surveillance électronique mobile, même si, comme cela a été souligné, elle n'a pas empêché des terroristes de passer à l'acte en France et au Royaume-Uni : elle constitue un moyen supplémentaire de se protéger du risque que représentent certains individus.
Je retire l'amendement no 45 au bénéfice de l'amendement no 74 , que je présenterai dans un instant au nom de mon groupe.
Applaudissements sur de très nombreux bancs du groupe LaREM et sur les bancs du groupe Agir ens.
L'amendement no 45 est retiré.
Raphaël Gauvain et moi-même avions en effet prévu, dans la version initiale de la proposition de loi, la possibilité pour le magistrat d'imposer le port d'un bracelet électronique aux personnes visées par des mesures de sûreté. Néanmoins, le suivi opérationnel de ces personnes repose sur plusieurs mesures. Je ne crois donc pas, messieurs Ciotti et Diard, que la surveillance électronique mobile constituait la mesure phare du texte et que tout le dispositif reposait sur elle.
En réalité, le dispositif s'appuie sur différentes mesures : le pointage, indispensable pour surveiller un individu – Nicolas Lerner l'a bien montré lors de son audition – , mais aussi la déclaration de domicile, l'interdiction de paraître dans certains lieux, l'interdiction de rencontrer certaines personnes, l'obligation d'obtenir l'autorisation du juge pour effectuer un déplacement à l'étranger et l'obligation de se soumettre à un suivi socio-judiciaire.
J'ajoute, et vous le savez bien, que notre droit est complexe en matière de surveillance électronique. La contrainte corporelle n'est jamais possible en France : …
… la pose du bracelet électronique par la force n'est pas autorisée ; on doit toujours obtenir l'accord de l'individu, qui bénéficie généralement en contrepartie d'un adoucissement des obligations qui lui incombent.
C'est, par conséquent, en raison de sa rigueur et parce qu'il n'était assorti d'aucune contrepartie que la commission a décidé de supprimer du texte le dispositif de surveillance électronique mobile. Cependant, après réflexion et discussion avec nos collègues – oui, chers collègues, notre majorité est attachée au débat et à la recherche du compromis ! – , nous avons abouti à une nouvelle rédaction de l'alinéa 16, beaucoup plus conforme à notre objectif.
Notre amendement vise ainsi à associer le port du bracelet électronique à une réduction de la fréquence du pointage. Lorsque la juridiction le proposera, la personne soumise à des obligations de sûreté pourra être autorisée à pointer moins souvent si elle accepte le placement sous surveillance électronique mobile.
Ce dispositif nous paraît à la fois beaucoup plus solide juridiquement et plus efficace. Il concilie l'ensemble des exigences que nous souhaitons satisfaire.
La parole est à M. Jean-Michel Fauvergue, pour soutenir l'amendement no 74 .
Il tend en effet à rétablir la possibilité du bracelet électronique en contrepartie d'une réduction à une fois par semaine de la fréquence du pointage.
Il est tout de même important que celui-ci soit maintenu, même réduit à une présentation hebdomadaire : les services d'enquête et les services de renseignement peuvent avoir besoin d'être en contact avec l'individu et doivent savoir où il se trouve – d'où l'utilité du bracelet électronique.
J'estime comme mes collègues Ciotti et Diard que le placement sous surveillance électronique est la disposition phare de la proposition de loi. Sans rendre celle-ci parfaite ni supprimer tout sujet de débat, il nous dote au moins d'un outil qui irait dans le bon sens et qui, surtout, serait efficace. En le supprimant, la commission a vidé de sa substance un texte pour lequel je n'aurais de toute façon sans doute pas voté, mais auquel, à titre personnel, je m'opposerai assurément si l'amendement est rejeté.
Il ne s'agit pas du tout, contrairement à ce que certains ont dit, d'établir une prison hors les murs : on ne sent pas plus un bracelet électronique qu'une montre. Nous parlons tout de même de terroristes dangereux, structurés idéologiquement et qui projettent une guerre totale contre le pays ! Je n'ai d'empathie que pour les victimes. Je me souviens du jour le plus terrible de ma vie, quand j'étais, assis à côté de leurs mamans, dans l'avion qui amenait à leur dernière demeure, à Jérusalem, les trois petits enfants tués à bout portant par l'assassin Merah – dont je ne devrais même pas mentionner le nom – , et je pense à la famille Sandler qu'il a ainsi massacrée. Je n'ai d'empathie que pour les milliers de victimes, d'anonymes tués ou blessés, dont j'ai revécu l'agonie au Bataclan lors de la reconstitution du drame minute par minute. Je n'ai aucune mansuétude pour ces terroristes.
Il ne faut pas attendre qu'ils repassent à l'acte. Or le risque de récidive est très élevé. Les Français attendent des actes forts ; l'État doit les protéger. Quant à la fréquence des présentations au commissariat ou à la brigade de gendarmerie, passer de trois fois à une fois par semaine est certes un rétropédalage, mais peu importe : le principal, c'est que cette disposition soit adoptée.
Je le dis à chaque fois : en matière de radicalisation et de terrorisme, on ne peut pas faire du « en même temps ». Je ne comprends donc pas pourquoi limiter la fréquence du pointage à une fois par semaine si on rétablit le port du bracelet électronique : elle doit rester fixée à trois fois par semaine même dans ce cas, comme le disposait initialement la proposition de loi. Tel est le sens du sous-amendement no 76 .
Quant au sous-amendement no 77 , il va dans le même sens : pourquoi le juge ne pourrait-il décider le port du bracelet électronique que sur demande de l'intéressé, surtout en cas de terrorisme ? La mesure n'est pas privative de liberté.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements en discussion et sur les deux sous-amendements ?
Défavorable à la première série d'amendements identiques et favorable à la seconde non sous-amendée.
Je suis évidemment avec beaucoup d'intérêt l'exposé des différentes positions, que je comprends, qu'il s'agisse d'exprimer à l'égard des familles des victimes une empathie que nous partageons tous ou de chercher les solutions les plus efficaces pour éviter que de tels drames ne se reproduisent. Je formulerai quatre observations.
Tout d'abord, comme l'a dit à plusieurs reprises Mme la rapporteure, notre objectif est de concilier– c'est bien le mot qui est au coeur du débat – , d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et, d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties et qui fondent notre État de droit. C'est dans cette perspective que nous devons toujours nous situer, sachant que les critères sur lesquels nous nous fondons peuvent évoluer en fonction des situations auxquelles nous avons à faire face. Il ne faut évidemment pas prendre en ce domaine des mesures qui ne soient pas strictement requises, conformément au principe de la rigueur nécessaire découlant de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Deuxièmement, l'avis du Conseil d'État est une appréciation globale sur l'équilibre ainsi atteint par le texte. Il est très difficile de déterminer avec certitude si telle ou telle mesure relève ou non de cet équilibre global et doit à ce titre être inscrite ou non dans la loi.
Troisièmement, si, pour certains d'entre vous, le placement sous bracelet électronique mobile serait la mesure phare du texte, j'estime pour ma part, comme Mme la rapporteure, que celui-ci comprend nombre d'autres dispositions constitutives des mesures de sûreté que nous voulons instaurer et qui contribuent à cet équilibre global, dont l'interdiction de paraître en tout lieu spécialement désigné, mais aussi toutes les autres que nous avons déjà évoquées.
Enfin, le port du bracelet est tout de même la mesure la plus restrictive de liberté, la plus attentatoire à la liberté. Le Conseil constitutionnel ne l'a validé que parce qu'il était limité à un an – dans le cas des MICAS – ou soumis au consentement de l'intéressé – dans le cas de personnes placées sous surveillance judiciaire dans sa décision de 2005.
Le Conseil constitutionnel a donc toujours été très vigilant en la matière. De plus, la mesure ne constituerait pas une garantie supplémentaire puisque le port du bracelet n'empêche pas de commettre un acte répréhensible à tout moment. En revanche, l'ensemble des autres mesures prévues constitue une garantie solide.
J'invite donc l'Assemblée à la prudence dans cette affaire. Je ne prétends pas avoir raison, mais mes doutes m'amènent à émettre un avis défavorable, y compris sur l'amendement de la commission, car il s'agit pour moi d'une question principielle.
Je tiens tout d'abord à saluer le travail accompli par Mme la rapporteure pour essayer de progresser à ce sujet.
Si j'ai bien compris la seconde série d'amendements identiques, il s'agit de demander à une personne évaluée comme particulièrement dangereuse et présentant un risque élevé de passage à l'acte si elle souhaite porter un bracelet électronique. Je peux vous dire que, dans l'immense majorité des cas, elle refusera et on lui imposera alors seulement de pointer trois fois par semaine. Pour le groupe Agir ensemble, c'est insuffisant : nous considérons, comme le Conseil constitutionnel en 2008, que le placement sous surveillance électronique mobile n'est pas une mesure privative de liberté – même si elle y est bien sûr attentatoire.
Elle est restrictive.
L'équilibre initial du texte était tout à fait satisfaisant. Le Conseil d'État n'y avait d'ailleurs rien trouvé à redire de ce point de vue. Ne pas y rétablir le placement sous surveillance électronique mobile s'apparenterait à un acte manqué.
Peut-être pourrions-nous aussi imaginer d'autres garanties, par exemple une évaluation au bout de six mois à la demande de l'intéressé ; mais, à ce stade, subordonner l'application de cette mesure à son consentement nous paraît totalement inopérant et rendra de fait impossible le placement sous bracelet électronique.
M. Éric Ciotti applaudit.
Ce que vient de dire M. Houbron est sage et pertinent. Tenons-nous en à l'esprit initial du texte. Je ne partage absolument pas votre point de vue, madame la garde des sceaux : vous estimez inutile le placement sous surveillance électronique mobile, dispositif de géolocalisation essentiel à la protection. Il ne faut pas entrer dans un processus de négociation avec une personne qui a été condamnée pour terrorisme. La manière dont vous cherchez, par ce dispositif, à sortir des difficultés politiques qui traversent votre majorité à ce sujet n'est pas digne de la gravité du sujet. Pas de troc avec un terroriste : « Si tu acceptes un bracelet électronique mobile, tu ne pointeras qu'une fois par semaine »… C'est indécent !
Meyer Habib a rappelé l'extraordinaire gravité du sujet en invoquant la mémoire des victimes avec beaucoup d'émotion, nourrie de son expérience. Dans ce contexte, toute négociation serait un aveu de faiblesse à l'égard de personnes qui nous ont attaqués et ont été condamnées pour cela, alors même qu'elles constituent encore une menace. Il n'y a pas de négociation à mener avec ces gens. Il faut au contraire faire preuve d'une vigilance de tous les instants, d'une fermeté sans faille ! Le procureur national antiterroriste nous a dit en commission qu'ils sont comme condamnés à perdurer dans une idéologie dont ils ne peuvent pas sortir, de sorte que leur dangerosité demeurera extrême. Il faut mettre fin à la fable de la déradicalisation, refuser d'être naïf. Il ne faut pas transiger ! Il ne faut pas négocier ! Il ne faut pas céder !
Vous l'aurez compris, l'éventualité d'une négociation me paraît inopportune : elle est « en même temps » inefficace et dangereuse, pour reprendre votre expression favorite, celle qui ne fait que fonder votre indécision et ne débouche sur rien.
Madame la garde des sceaux, je vous ai écoutée attentivement exprimer vos convictions. Même si, naturellement, le port d'un bracelet électronique n'empêcherait pas nécessairement un attentat – on l'a bien vu à Londres – , il me suffirait qu'il permette de sauver la vie d'un seul Français. Or ce sont des dizaines de vies qui pourraient être épargnées grâce à lui. La mesure n'est pas suffisante, mais elle est à l'évidence nécessaire.
Tous les spécialistes le disent – je parle sous le contrôle d'un député de la majorité, M. Fauvergue, qui a dirigé le RAID, l'unité recherche, assistance, intervention, dissuasion.
Et on discute du nombre de pointages, on fait du rétropédalage… Mais ce n'est pas digne de nous ! Si nous en sommes à tenter d'améliorer la cinquième ou sixième loi portant sur les questions de sécurité, c'est parce que nous n'avons jamais été assez bons, ni assez loin.
Je ne pense qu'aux Français et je ne me résous pas à voir un jour le Rassemblement national prendre la tête du pays. Or, en ne durcissant pas votre politique, comme le demandent nos concitoyens, vous êtes en passe, doucement mais sûrement, jour après jour, de l'amener au pouvoir ! Je ne saurais accepter cette issue.
J'entends ce que vous dites : vous raisonnez en humaniste. Mais les terroristes ne le sont pas : ils se servent justement de nos doutes et de notre tendance à couper les cheveux en quatre. Il faut être dur avec ces gens-là, car c'est eux ou nous ! Quand quelqu'un me tire une balle dans le genou, je lui mets une balle dans la tête, tout simplement ! Voilà ce qu'il faut faire : il ne faut montrer aucune faiblesse à l'égard des terroristes.
Murmures sur les bancs du groupe LaREM.
Nous sommes trop faibles vis-à-vis d'eux, alors qu'il faut durcir la loi, au contraire !
J'ai bien entendu vos propos, madame la garde des sceaux. Les attentats terroristes dont la France fait l'objet ne datent pas d'hier : ils surviennent depuis la fin de la guerre d'Algérie. Néanmoins, l'affaire Mohammed Merah a marqué l'émergence d'un nouveau terrorisme : tous les terroristes auxquels nous avons été confrontés depuis, lors des attentats que vous connaissez – j'ai fait face à la plupart d'entre eux – , à la différence des générations précédentes, voulaient combattre et mourir en chahids, en martyrs, en moujahidines. C'était leur but que de mourir les armes à la main, face aux policiers. Il faut garder cela à l'esprit.
Ce texte fera une belle loi, à condition que l'on préserve l'équilibre entre toutes ses composantes. Le bracelet électronique peut sauver quelques vies – c'est toujours cela de pris. Il en va de même de chacune des autres mesures prévues. Il importe donc d'appréhender la proposition de loi dans sa globalité. C'est important pour les victimes, que nous avons trop peu évoquées ce soir : nous avons parlé des terroristes, de leur réinsertion, de la politique pénale et d'une multitude de sujets, mais pas suffisamment des victimes des attentats,
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Agir ens
des familles qui sont restées endeuillées après des attaques dont certaines ont fait des centaines de morts, comme au Bataclan, où je suis intervenu.
Je comprends bien la nécessité de trouver un équilibre pour assurer la constitutionnalité du texte et je veux défendre ce principe auprès de notre collègue Houbron. Soyez certain que si je pouvais imposer aux terroristes de pointer dix fois par jour au commissariat je le ferais, mais cela s'appellerait une garde à vue
Sourires
et ce n'est pas faisable. Madame la rapporteure pourra le confirmer, ma proposition de départ ne consistait pas à demander à ces personnes de se rendre trois fois par semaine au commissariat.
Nous devons donc trouver un équilibre pour que la proposition de loi respecte la Constitution, mais le texte doit inclure le bracelet électronique, madame la garde des sceaux : c'est incontournable.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Agir ens.
Vous êtes nombreux à vouloir intervenir. Je laisse le débat se dérouler car il s'agit d'un sujet majeur, mais essayez de vous exprimer dans les délais impartis, voire un peu plus rapidement si cela est possible.
La parole est à Mme Élodie Jacquier-Laforge.
Je ne m'adressais pas à vous en particulier, madame la députée : je formulais une remarque générale, parce que nous n'avons pas encore entendu tous les orateurs souhaitant s'exprimer.
Sourires.
Il est vrai que vous avez été particulièrement concis ce soir. Je tenais à le souligner.
J'ai déjà eu l'occasion d'exprimer ce soir les réserves partagées par l'ensemble du groupe MODEM. Je précise que l'amendement supprimant la possibilité d'ordonner la pose d'un bracelet électronique, qui a été adopté en commission des lois, a été défendu par ma collègue Laurence Vichnievsky.
Comme Mme la garde des sceaux l'a rappelé, nous vivons dans un État de droit. Notre Constitution repose notamment sur le fait qu'une personne ayant purgé sa peine ne peut pas être condamnée au-delà de la sanction qui lui a été imposée. Nous devons garder à l'esprit qu'on ne peut pas infliger une peine au-delà d'une peine – des mesures de sûreté, oui, pour protéger la population, mais pas une nouvelle peine. C'est absolument impossible. Cela a été souligné à plusieurs reprises, le texte prévoit d'autres dispositifs, notamment le pointage, qui est très important, car il permet d'assurer un suivi. Par ailleurs, un bracelet électronique n'empêche pas le passage à l'acte.
Les débats ont donné lieu, je le regrette, à quelques dérapages. Pour ma part, je ne souhaite pas mettre des balles dans la tête de qui que ce soit, ce qui ne m'empêche pas d'avoir de l'empathie pour les familles et les victimes, qui sont trop nombreuses, en France et dans le monde entier.
Le groupe MODEM ne votera pas en faveur de ces amendements, bien que nous partagions, bien évidemment, l'objectif de la proposition de loi.
Je souhaite revenir sur la question du consentement au bracelet électronique. Tout d'abord, pour répondre à notre collègue Jacquier-Laforge, je rappelle que le bracelet n'est pas, en lui-même, une peine. Le Conseil d'État, dans son avis, souligne d'ailleurs bien que, parmi l'ensemble des dispositifs proposés, le bracelet électronique peut constituer une mesure de sûreté, moyennant le respect de plusieurs conditions.
Mme la garde des sceaux a rappelé la décision du Conseil constitutionnel du 8 décembre 2005, qui consacre le principe du consentement de l'intéressé à la pose du bracelet. Ce principe est au coeur de l'utilisation du bracelet électronique par notre système judiciaire. Par exemple, une personne en détention provisoire peut se voir offrir la possibilité de sortir de prison si elle accepte de porter un bracelet électronique. Le même raisonnement vaut pour un détenu exécutant une peine.
À chaque utilisation de cet outil, la personne concernée accepte la pose du bracelet électronique en échange d'un allégement de la mesure restrictive de liberté qui s'applique à elle : elle peut par exemple sortir de prison au lieu de rester en détention provisoire ou de continuer à exécuter sa peine en détention.
C'est exactement ce système qui figurait dans notre proposition de loi dès l'origine, contrairement à ce qui a été dit et comme le Conseil d'État l'a souligné : l'accord de l'intéressé a toujours été au coeur du dispositif.
Voilà ce que nous proposons dans notre amendement no 74 : si le juge décide qu'une personne devra pointer trois fois par semaine au commissariat, cette dernière pourra accepter…
… la pose du bracelet électronique pour alléger la mesure restrictive de liberté ; la fréquence du pointage sera alors ramenée à une fois par semaine.
J'en termine, madame la présidente. Voilà pourquoi nous estimons que le texte respecte l'exigence de constitutionnalité : parce que le bracelet en lui-même n'est pas une peine et parce que le port du bracelet électronique entraîne une réduction du nombre de pointages obligatoires de trois à un par semaine.
Que de prévenance à l'égard d'auteurs d'attentats terroristes ! Je rappelle que c'est pour d'autres motifs que les personnes sortant de prison auxquelles vous faites référence avaient été condamnées. On peut bien cumuler le bracelet, qui est une mesure de sûreté et non une peine, et le pointage obligatoire trois fois par semaine.
Quant à la prétendue nécessité de ne poser le bracelet que sur demande de l'intéressé, je vous garantis que le Conseil constitutionnel estimera que, pour les auteurs d'attentats terroristes, la pose d'un bracelet électronique, même sans avoir obtenu leur consentement, sera proportionnée à la menace que constituent ces individus et aux objectifs de sécurité publique de notre pays.
Pensez aux attentats et aux victimes du terrorisme : le Conseil constitutionnel validera l'inscription du bracelet parmi les mesures de sûreté pouvant être mobilisées, même si l'intéressé n'en fait pas la demande.
Je rappelle que, dans la loi du 25 février 2008, nous avons instauré pour les criminels sexuels une rétention de sûreté susceptible de s'appliquer à l'issue de leur peine. Nous allions ainsi plus loin que ce qui est proposé dans le présent texte, lequel prévoit simplement la pose d'un bracelet électronique. Or, sans vouloir dresser des comparaisons, la loi de 2008 concernait les criminels sexuels, alors que nous parlons ici de terroristes avérés. Si la rétention de sûreté a passé avec succès le contrôle de constitutionnalité, on peut raisonnablement penser que le bracelet électronique sera accepté par le Conseil constitutionnel.
Je suis par ailleurs assez surpris, madame la garde des sceaux, par le caractère idéologique de votre positionnement à l'égard du bracelet électronique : s'agissant de ce type de mesures, le pragmatisme me semble plus opportun que l'idéologie.
Nous avons récemment adopté – à l'unanimité, si ma mémoire est bonne – une proposition de loi pour lutter contre les violences faites aux femmes. Un des dispositifs prévus consistait à faire porter un bracelet électronique aux coupables de violences – je ne rentrerai pas dans le détail du texte que nous avons voté et que chacun garde encore à l'esprit. Or les mesures réglementaires que vous avez adoptées ont vidé le dispositif de sa substance.
Vous semblez suivre ici la même logique consistant à tout faire pour que nous ne puissions pas utiliser l'outil, cette fois-ci pour les terroristes. Je ne comprends pas cette opposition idéologique au bracelet électronique, qui apporte véritablement des garanties.
Je remercie Mme la rapporteure d'avoir accepté de rouvrir le débat sur le bracelet électronique. Notre rôle est précisément, entre les échanges en commission et l'examen du texte en séance, de poursuivre le travail parlementaire sur les questions qui nous sont soumises.
Approbation sur les bancs du groupe LaREM.
Nous avons ainsi trouvé les éléments adéquats pour redonner au juge la capacité d'utiliser tous les dispositifs fournis. Aucun n'est supérieur aux autres : un panel de dispositions et de mesures de sûreté est proposé pour faire face à l'extrême gravité des crimes terroristes, que personne ne nie.
C'est bien parce que nous en avons conscience et parce que nous pensons aux victimes que nous voulons tout faire pour offrir au juge une diversité de mesures de sûreté parmi lesquelles il pourra puiser au moment de la décision afin de nous éviter, autant que possible, de revivre ces drames. Le fait d'avoir redonné accès à ces ressources, notamment au bracelet électronique – sous certaines conditions, comme pour tous les outils concernés – est une excellente chose. Je voulais vous en remercier.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Je remercie moi aussi Mme la rapporteure d'avoir bien voulu remettre cette mesure en discussion ce soir. Je suis néanmoins très mal à l'aise, notamment à cause de la méthode employée : nous débattons de la constitutionnalité d'une disposition, ce qui n'est pas notre rôle. Nous sommes le législateur, nous avons à prendre nos responsabilités en tant que tel ; …
… le Conseil constitutionnel prendra les siennes, en qualité de juridiction constitutionnelle.
Quant au fond du débat, j'entends l'argument juridique selon lequel quelqu'un qui a purgé sa peine a payé sa dette à la société. Notre rôle est néanmoins de protéger la société, au-delà du rachat de la dette que constituait le crime.
La société est constituée des Françaises et des Français, nous compris : chacun demain peut devenir la cible d'un terroriste qui commet un attentat, à une terrasse de restaurant, dans une rue, dans une station de métro ou dans un supermarché. Nous devons fournir au juge tous les outils permettant de protéger la société, en fonction de son estimation de la dangerosité de la personne. Cette logique mène à considérer que le bracelet électronique n'est pas seulement un outil à disposition du juge sous réserve du consentement de la personne : il peut constituer un outil imposé à l'intéressé par le juge.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Il vise à insérer, après l'alinéa 17, une dixième mesure de sûreté : « Se soumettre à des mesures d'examen médical, de traitement ou de soins, même sous le régime de l'hospitalisation. » Nous avons en effet constaté que certains détenus terroristes étaient atteints de graves troubles psychologiques ; le secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur Laurent Nunez estime leur proportion à 12 % des inscrits au FSPRT.
Nous avons examiné un amendement similaire en commission ; son principe est intéressant ; néanmoins, il me semble satisfait par la neuvième mesure de sûreté adoptée en commission et qui consiste à « respecter les conditions d'une prise en charge sanitaire, sociale, éducative ou psychologique ». Demande de retrait ; sinon, l'avis sera défavorable.
Même avis.
M. Sébastien Huyghe m'a interpellée sur le bracelet antirapprochement, qui entrera progressivement en vigueur à partir du 1er septembre. Il délimite – comme les MICAS, d'ailleurs – un périmètre que son porteur ne peut franchir, sous peine de déclencher une alarme. Le placement sous surveillance électronique mobile – PSEM – , dont il est question ici, permet une simple géolocalisation, sans déclenchement d'alarme, puisque aucun périmètre n'est défini. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'ai émis un doute sur son utilité : par principe, certes, mais aussi par pragmatisme.
L'amendement no 29 est retiré.
Chers collègues, il est minuit moins dix et il nous reste à étudier une vingtaine d'amendements, qui ne seront probablement pas tous défendus. Je veux bien essayer de terminer l'examen du texte, mais je ne dépasserai pas minuit trente, même s'il ne devait rester que trois amendements en discussion. Madame la rapporteure, madame la ministre, êtes-vous d'accord ? Mes chers collègues, l'êtes-vous également ?
Approbation sur plusieurs bancs.
Que chacun prenne ses responsabilités : je ne censurerai personne, mais je ne veux pas aller au-delà de cette limite, car ce n'est pas possible pour les personnels.
Sourires.
C'est une raison nécessaire et suffisante pour faire appliquer le règlement.
Les amendements identiques nos 14 , de M. Éric Ciotti, et 30, de M. Éric Diard, sont défendus.
La parole est à M. Jean-Félix Acquaviva, pour soutenir l'amendement no 59 .
Corollaire du principe de légalité criminelle qui a comme lui valeur constitutionnelle, le principe de non-rétroactivité de la loi pénale est clairement défini par l'article 112-1 du code pénal : « Sont seuls punissables les faits constitutifs d'une infraction à la date à laquelle ils ont été commis. Peuvent seules être prononcées les peines légalement applicables à la même date. » Ainsi, une loi pénale nouvelle ne s'applique qu'à des situations survenues postérieurement à son entrée en vigueur.
Les mesures de sûreté figurant dans le texte, qui s'apparentent – sans vouloir relancer le débat – à des peines, seront applicables à des personnes condamnées avant sa promulgation. Cela portera atteinte au principe de non-rétroactivité, ainsi qu'au principe non bis in idem selon lequel nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement à raison des mêmes faits. Cet amendement de repli vise donc à reporter l'application de la loi en explicitant le principe de sa non-rétroactivité.
Le dispositif de l'amendement est contradictoire avec son exposé sommaire. Le premier est selon moi parfaitement satisfait, puisque la proposition de loi prévoit que les mesures ne s'appliqueront qu'à la libération de l'individu.
L'amendement est effectivement satisfait, mais le groupe La République en marche, estimant que cela va mieux en le disant, est favorable à son adoption.
L'amendement no 59 est adopté.
Je ne suis pas certain que les numéros des alinéas cités dans le dispositif de l'amendement soient les bons, leur place ayant pu changer entre l'examen en commission et celui en séance.
Il s'agit de réfuter l'idée qu'il existerait un débat contradictoire au sein de la commission pluridisciplinaire chargée d'évaluer les personnes susceptibles de faire l'objet d'une mesure de sûreté. En effet, dans la réalité, les détenus concernés ne sont que très rarement conviés à cette commission. Ils ont pourtant besoin d'être informés, de comprendre ce qui va leur arriver et de savoir pourquoi on leur impose ces mesures. Se contenter d'ordonner celles-ci verticalement, sans explications, produirait un objectif contraire à celui qui est visé, à savoir la prévention de la récidive : faute d'expliquer les mesures adoptées, le principe de réactance, bien connu en psychologie, favorisera une réaction opposée.
La procédure inscrite dans la proposition de loi prévoit justement la tenue d'un débat contradictoire ; les amendements nos 61 et 62 , que nous avons adoptés ce soir, demandent que les réquisitions du parquet fassent état d'éléments circonstanciés et que la décision de la juridiction soit spécialement motivée. L'individu visé saura donc très précisément sur quels fondements les mesures de sûreté ont été adoptées.
Nous avons une petite divergence quant à la définition du contradictoire. La rapporteure nous parle d'information. C'est déjà pas mal, parce que celle-ci n'est pas toujours assurée : c'est un bon début ; mais on pourrait parler de contradictoire si la personne informée pouvait s'exprimer, répliquer, rétorquer, manifester son désaccord. Il est bien dommage de confondre ainsi information et contradictoire.
L'amendement no 64 n'est pas adopté.
L'article unique, amendé, est adopté.
Il vise à rendre obligatoire le suivi socio-judiciaire – mesure toujours utile à la sortie de prison – , à moins d'une décision contraire motivée par la juridiction. Il s'agit de ne laisser personne sans suivi, afin de compléter le panel de mesures adoptées dans le cadre de la proposition de loi et de mieux protéger la société, conformément à notre souhait commun.
La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour soutenir l'amendement no 21 .
Aux termes de l'article 421-8 du code pénal, les personnes coupables d'infractions en lien avec le terrorisme peuvent être condamnées à un suivi judiciaire, que nous proposons de rendre quasiment automatique. Ce suivi devrait en effet être la règle, à moins que la juridiction ne l'écarte par une décision spécialement motivée.
Parce que nous convenons tous de l'importance de proscrire les sorties sèches et que le suivi socio-judiciaire instauré en 2016 est une bonne mesure, j'émets un avis favorable sur ces amendements.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Sourires
je vais défendre avec autant d'enthousiasme l'amendement no 15 , dont je crains cependant qu'il ne reçoive pas le même avis de la commission et du Gouvernement.
Nous proposons d'instaurer, pour les personnes condamnées pour un crime terroriste, la rétention de sûreté, seule à même de garantir, dans certains cas, notre sécurité. Il est difficile de concevoir qu'une personne ne puisse revenir à la normale, mais l'extrême dangerosité de certains profils ne sera probablement jamais corrigée ; nous devons donc mettre en oeuvre un dispositif qui protège la société en lui assurant une sécurité optimale.
M. Huyghe l'a rappelé : en 2008, le Président de la République Nicolas Sarkozy a tenu à instaurer la rétention de sûreté pour les crimes les plus graves, en particulier les crimes sexuels. Le Conseil constitutionnel a validé cette décision, tout en insistant sur le caractère non rétroactif de la disposition. Il faut désormais l'étendre aux personnes coupables de faits de terrorisme. Je crois en effet, en conscience, qu'elle seule est capable de garantir la sécurité collective.
Cet amendement, comme l'amendement no 32 qui sera appelé dans un instant, reprend les termes d'une proposition de loi ordinaire que j'ai déposée à l'Assemblée, et qui vise à étendre la rétention de sûreté aux auteurs d'infractions terroristes. Je regrette qu'en 2008 on n'ait pas prévu de la leur appliquer.
Je n'ignore pas le caractère non rétroactif de la loi pénale la plus sévère, mais nous devons prendre notre courage à deux mains. Dans dix, vingt ou trente ans, nous le savons, il y aura encore, et je le déplore, des attentats terroristes. La rétention de sûreté est une arme législative indispensable pour lutter contre ceux-ci.
Avis défavorable. Lors de la présentation du texte, j'ai indiqué que l'objet de la proposition de loi est clair, circonscrit, déterminé, …
Oui, limité : le texte vise à combler un vide. Je vous propose d'en rester là. Je ne crois pas, en effet, que la rétention de sûreté puisse garantir la sécurité de nos concitoyens face au risque terroriste. Notre proposition me semble adaptée, nécessaire et proportionnée. Nous l'avons déjà beaucoup répété. Je ne reviens pas sur le problème de la rétroactivité, dont nous avons tous conscience. Pour être efficaces ici et maintenant, tenons-nous en aux dispositions prévues par le texte.
Monsieur Ciotti, le Gouvernement ne peut pas émettre un avis favorable sur tous vos amendements.
Deux avis favorables en six ans, c'est déjà un bon résultat.
La rétention de sûreté peut déjà être prononcée à l'encontre de personnes condamnées à des peines de réclusion criminelle d'au moins quinze ans pour les actes de terrorisme les plus graves, dès lors que ces personnes présentent un trouble grave de la personnalité. Cette condition avait été imposée par le Conseil constitutionnel. Selon celui-ci, la rétention de sûreté est applicable parce que les intéressés n'ont pas pu bénéficier de soins en prison et qu'il faut leur ouvrir cette possibilité s'ils continuent à subir de tels troubles.
C'est parce que votre amendement sort de ce cadre que j'émets un avis défavorable.
Je l'ai dit lors de la discussion générale : l'extension de la rétention administrative aux auteurs d'infractions terroristes est une disposition indispensable et, comme l'a indiqué M. Ciotti, nous devons la prendre le plus vite possible. Elle permettra en effet de désamorcer, sous le contrôle d'un juge et pendant une période déterminée, ces personnes qu'on peut appeler des bombes potentielles et d'éviter qu'elles ne commettent un attentat. Je rappelle que la mesure ne peut pas être rétroactive et qu'elle pourra être validée par le Conseil constitutionnel.
Je comprends que cette mesure puisse déranger, si on la juge arbitraire ; mais elle ne l'est pas. Il s'agit de sauver la vie de Français ! Pour en avoir parlé avec certaines personnes dans certains pays où elle est déjà en vigueur, je suis convaincu que c'est même la disposition la plus décisive pour éviter des attentats terroristes.
L'amendement no 32 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Nous proposons que les détenus mis en cause dans des affaires de terrorisme islamiste ou les DCSR bénéficient d'une information contradictoire au sein de la commission compétente. En effet, ces classifications entraînent souvent un changement des pratiques lors de la détention, par exemple la transmission des plats à travers des passe-menottes.
Nous avons plusieurs fois souligné l'importance du contradictoire au cours de ce débat. Nous allons enfin savoir si notre désir de transparence est partagé par Mme la rapporteure et par Mme la ministre. Pour ma part, je regrette le flou qui entoure ces caractérisations relevant plus du fichage que de faits objectifs, alors même qu'ils sont lourds de conséquences sur la détention.
Avis défavorable.
Je ne sais s'il faut incriminer l'heure tardive à laquelle nous débattons ou le faible intérêt de la rapporteure et de la ministre pour le contradictoire, mais je regrette leur laconisme. Elles se montraient plus loquaces quand elles s'exprimaient tout à l'heure sur certains amendements droitiers.
Sourires.
L'amendement no 19 n'était pas du tout droitier ! Il émanait de mon côté gauche !
Nos collègues du groupe LR n'ont peut-être pas tort de soupçonner de ma part une certaine jalousie ; quoi qu'il en soit, la réaction de Mme Braun-Pivet et de Mme Belloubet, qui en dit long sur leur intérêt pour le sujet, ne trompe personne.
L'amendement no 65 n'est pas adopté.
Dans un souci de transparence et d'appréciation de la qualité des dispositions législatives que nous prenons, nous proposons que le Gouvernement remette au Parlement, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport sur les mesures de sûreté prononcées, les modalités retenues, leur efficacité et leur coût. Ce rapport permettra d'apprécier à terme la pertinence du maintien des mesures de sûreté, dès lors que la peine complémentaire que constitue le suivi socio-judiciaire concernera l'ensemble des individus condamnés pour délits ou crimes terroristes.
Avis défavorable. Il s'agit de la mission qui incombe aux parlementaires chargés du rapport et du rapport d'application de la loi. Nous obtiendrons ces données, mon cher collègue, et nous vous les transmettrons.
L'amendement no 23 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je serai bref, car l'heure tourne inexorablement. Mon collègue et ami M. Acquaviva, obligé de s'absenter, a déposé cet amendement au nom de l'ensemble du groupe Libertés et territoires. Nous avons été sidérés par la vague d'attentats terroristes face auxquels nous devons trouver, par l'intelligence collective, un paradigme nouveau. Nous proposons donc que, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la loi, le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur le taux de risque de récidive parmi les détenus terroristes islamistes et les détenus de droit commun susceptibles de radicalisation, ce qui nous permettra d'y voir plus clair.
M. Jean-Michel Fauvergue applaudit.
Avis défavorable, comme sur tous les amendements tendant à demander la remise d'un rapport.
Sourires.
S'ils souhaitent que le Parlement rédige lui-même un rapport, j'invite mes collègues à saisir le bureau de la commission des lois.
Défavorable – même au vôtre, monsieur Lassalle, à regret.
Sourires.
L'amendement no 40 n'est pas adopté.
Je défendrai en même temps l'amendement no 68 .
Il est important que nous disposions de statistiques criminologiques – d'autres diraient « actuarielles » – sur les conséquences des mesures que nous prenons concernant la récidive et la réinsertion des personnes enfermées pour des faits de terrorisme ou des DCSR. Par ces amendements, qui tendent à demander la remise d'un rapport au Parlement, nous entendons pointer un dysfonctionnement central : nous légiférons sans aucune donnée.
Mme la rapporteure et Mme la ministre ne manqueront pas de nous assurer qu'il faut évaluer les politiques publiques et que nous devons cesser de légiférer sous le coup de l'actualité. Nous ferons même de magnifiques colloques sur l'évaluation et le contrôle des politiques publiques. Mais, pour bien travailler, nous devrions, dans ce domaine plus encore que dans d'autres, disposer de données.
Je l'ai indiqué tout à l'heure : des études montrent que certaines mesures de sûreté n'atteignent pas, en matière de prévention de la récidive, les objectifs mis en avant lors des débats parlementaires. La plupart de ces études proviennent de l'étranger, notamment du Canada, où l'on travaille beaucoup sur le sujet. De quoi disposons-nous en France pour nous aider à prendre une décision ? D'un sentiment : nous avons peur que des gens ne repassent à l'acte. C'est tout de même un peu faible.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.
Il serait inquiétant, il est inquiétant que nous ne disposions d'aucune autre donnée pour nous prononcer à ce sujet.
Avis défavorable. Si j'ai bien compris, monsieur le député, l'un des rapports que vous demandez dans vos amendements porte sur le placement des détenus dans les différents quartiers. Je vous renvoie au décret de décembre 2019 qui en fixe les règles générales et prévoit d'ailleurs la mise en oeuvre du principe du contradictoire dans ce cadre. Bien entendu, les études réalisées par l'administration pénitentiaire peuvent être transmises au Parlement lorsque celui-ci en fait la demande.
Je prends note de vos propos, madame la ministre. Je souhaite que ces informations sur la radicalisation en détention, ainsi que sur la prise en charge des détenus dits radicalisés et de ceux condamnés pour des faits de terrorisme, soient communiquées aux 577 députés.
Je serais heureux de recevoir tous les éléments concernant leur taux de récidive et les dispositifs instaurés, que je n'ai pu obtenir dans les établissements pénitentiaires que j'ai visités.
Cela étant, je ne doute pas que vos services ont travaillé sur ce sujet, et qu'ils ont beaucoup à raconter. Il aurait évidemment été préférable que ces éléments soient présentés lors de l'examen de la proposition de loi. Mais enfin, on sait que ce n'est pas comme cela que fonctionnent le Parlement et l'exécutif, tout y est toujours un peu compliqué…
Même si l'heure est tardive, il est important d'expliquer le vote du groupe Les Républicains, qui avait subordonné son approbation à plusieurs conditions, une surtout, concernant le bracelet électronique.
Madame la garde des sceaux, vous êtes cohérente : vous avez un discours de gauche et une politique de gauche.
En revanche, il faut souligner l'incohérence de certains de mes collègues du groupe La République en marche : ils tiennent un discours de droite, et mènent une politique de gauche.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.
J'ai dit « certains », pas « tous » – ne poussez pas ces cris d'orfraie !
Il était important pour nous que la possibilité de recourir aux bracelets électroniques soit maintenue.
Je reprendrai l'image des trous de la raquette, parce qu'elle me plaît, et que les policiers et surveillants pénitentiaires que j'ai rencontrés à l'occasion du rapport d'information sur les services publics face à la radicalisation l'utilisaient à propos de l'état actuel des dispositifs.
Malheureusement, le présent texte prétend combler ces trous avec une petite corde, bien trop fine, qui rend difficile de jouer !
À l'avenir, il faudra ajouter d'autres cordes à la lutte contre le terrorisme et la radicalisation. Lorsqu'il s'agit de la protection des Français, ne tombons pas dans l'idéologie, ni dans l'angélisme.
Je pense que certains ici ne mesurent pas la réalité de la situation. Je peux vous dire qu'elle est bien plus grave qu'on ne le pense, après avoir mené cinquante et une auditions pour la rédaction du rapport d'information sur les services publics face à la radicalisation, et quarante auditions dans le cadre de la commission d'enquête sur les attaques du 3 octobre.
Les députés du groupe Les Républicains voteront en faveur de cette proposition de loi, parce qu'elle va dans le bon sens, et que les dispositions concernant le bracelet électronique ont été maintenues. Cela étant, nous estimons qu'elle est très insuffisante et qu'en matière de terrorisme et de lutte contre la radicalisation, il faut continuer à aller de l'avant.
La proposition de loi est bonne. Nous sommes plusieurs à l'avoir dit, en matière de lutte contre le terrorisme, il faut avant tout penser aux victimes, à la protection des Français et de tous ceux qui vivent sur notre territoire.
Je salue cette avancée, et remercie de leur travail Mme la rapporteure ainsi que tous les députés, à quelque groupe qu'ils appartiennent. Ils ont ajouté plusieurs cordes à notre arc – plutôt qu'à notre raquette !
Bien évidemment, nous n'aurons jamais fini de combattre le terrorisme, et les majorités futures, quelles qu'elles soient, y seront confrontées. Il faut construire des boucliers, instaurer des pare-feux, progressivement, afin que les massacres que nous avons vécus ne se reproduisent pas.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Je suis heureux que certaines dispositions aient été prises. Je choisirai aujourd'hui de voir le verre à moitié plein, et voterai sans hésitation en faveur de cette loi.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Même si rien n'est jamais parfait, de la discussion jaillit la lumière – or nous avons discuté.
Je pense moi aussi aux victimes, aux Français, à ceux que l'on connaît, à ceux que l'on connaît moins – les blessés notamment, marqués à vie par les actes barbares qui ont ensanglanté notre pays il y a quelques semaines encore.
Toutes les mesures permettant d'endiguer le terrorisme, de durcir les lois contre celui-ci sont bienvenues. Je ne suis pas aussi pessimiste que d'autres : il sera peut-être enrayé un jour, il n'y aura plus de djihadistes, et nous vivrons dans un monde meilleur ; c'est du moins notre objectif à tous.
Pour l'instant, ce n'est hélas pas le cas, mais la proposition de loi améliorera la situation.
Je suis heureux : si, initialement, je ne comptais pas voter en faveur de cette loi, je le ferai finalement, comme l'ensemble des membres de mon groupe, grâce à la vigilance de certains collègues de la majorité.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
La proposition de loi est adoptée.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – M. Meyer Habib applaudit également.
Je souhaite tout d'abord m'excuser auprès de Mmes et MM. les députés, car les chiffres que j'ai donnés tout à l'heure étaient erronés, comme j'ai pu le remarquer grâce à la vigilance du député Ciotti.
Si les détenus TIS – terroristes islamistes – sont bien 514, dont 262 condamnés, la détention provisoire concerne 252 d'entre eux, et non pas 182, comme je l'annonçais tout à l'heure. Je vous renouvelle mes excuses pour cette erreur.
Par ailleurs, je souhaite vous féliciter, mesdames et messieurs les députés, pour la qualité du débat qui s'est tenu à l'instant dans cette assemblée.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – M. Meyer Habib applaudit également.
Prochaine séance, aujourd'hui, à quinze heures :
Questions au Gouvernement.
La séance est levée.
La séance est levée, le mardi 23 juin 2020, à minuit vingt-cinq.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra