La réunion débute à 11 heures 10.
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente
La Commission poursuit l'examen les articles du projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire (n° 4091) et du projet de loi organique pour la confiance dans l'institution judiciaire (n° 4092) (M. Stéphane Mazars, rapporteur).
Mes chers collègues, nous poursuivons l'examen du projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire. Il nous reste 325 amendements à examiner.
Section 2 Dispositions relatives au secret de l'enquête et de l'instruction et renforçant la protection de la présomption d'innocence
Article 4 (art. 434‑7‑2 du code pénal et art. 11 du code de procédure pénale) : Protection du secret de l'enquête et de l'instruction
Amendements de suppression CL264 de M. Stéphane Peu et CL459 de M. Paul Molac.
La Commission rejette les amendements.
La Commission adopte l'amendement de précision CL588 du rapporteur.
Amendement CL471 de M. Didier Paris.
Il s'agit d'aligner la sanction pour la reproduction d'actes d'une procédure d'instruction et leur diffusion auprès d'un tiers, actuellement punies d'une amende de 10 000 euros, sur celle prévue à l'article 4, à savoir trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende, afin de renforcer l'efficacité du dispositif.
Je suis favorable à cette proposition qui résulte des travaux que nos collègues Didier Paris et Xavier Breton avaient menés dans le cadre de la mission d'information sur le secret de l'enquête et de l'instruction.
La Commission adopte l'amendement.
Elle adopte l'amendement légistique CL589 du rapporteur.
Amendement CL226 de M. Didier Paris.
Cet amendement confère de la souplesse au dispositif de communication instauré par le texte.
La Commission adopte l'amendement.
Amendement CL99 de M. Ugo Bernalicis.
Il s'agit de supprimer l'alinéa 7, qui prévoit la possibilité pour le parquet de charger l'officier de police judiciaire de rendre publics, sous son contrôle, des éléments relatifs à la procédure. Pour des raisons de solennité et d'image, nous estimons que la communication doit être le fait du parquet.
Il y a des limites à l'exercice. Ainsi, les syndicats de police s'expriment parfois sur des enquêtes en cours. Ils peuvent certes se prévaloir de la liberté d'expression et de la liberté syndicale, mais ils sortent de leur rôle et ne sont pas à l'abri de la violation du secret de l'enquête. Il serait peut-être judicieux que le législateur précise la définition de la violation du secret de l'enquête et les limites de la liberté d'expression syndicale – je ne vais pas me faire que des amis en disant cela. Plutôt que d'ouvrir des portes intermédiaires, mieux vaudrait donner au parquet les moyens de sa communication. Voilà plusieurs années que des circulaires sont adressées aux responsables de la police nationale, leur demandant de prendre en charge la communication officielle en lieu et place des syndicalistes. Elles ne produisent pas beaucoup d'effets.
Si la communication est assurée sous le contrôle du procureur, le discours sera maîtrisé, ciselé. Cela offrira un contrepoint aux déclarations d'organes syndicaux qui ne font pas toujours dans la nuance.
Monsieur Bernalicis, j'ai le sentiment que vous ne croyez pas à votre amendement : je pourrais reprendre tous les arguments que vous donnez pour motiver mon désaccord ! Je pense en particulier au manque de maîtrise du discours syndical. Policiers et magistrats sont dans la même barque. L'expression syndicale, nous la respectons, mais elle ne peut être une occasion de violer le secret de l'enquête, qui est défini par la loi. C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité encadrer la communication officielle. Il nous paraît important que la police puisse communiquer – c'est une revendication qu'elle exprime de longue date.
Après réflexion, il m'a semblé préférable, pour la sérénité de la justice, que la communication incombe au procureur. J'ai conscience que le texte apporte des garanties en plaçant le discours de l'officier de police judiciaire sous le contrôle du procureur. Toutefois, je me demande si cela ne conduira pas le policier à se mettre en difficulté puisqu'il ne se contentera pas de lire un communiqué. Tout en étant sous le contrôle du procureur de la République, il disposera d'une marge de manœuvre et pourrait révéler des informations qu'il aurait dû garder confidentielles. Je préfère que la responsabilité de ce type de propos soit laissée au parquet. À l'instar de l'enregistrement des audiences, j'approuve l'objectif mais je conteste le dispositif.
La Commission rejette l'amendement.
Suivant l'avis du rapporteur, elle rejette l'amendement CL332 de M. Benjamin Dirx.
Amendement CL590 du rapporteur.
La Commission adopte l'amendement.
Amendement CL227 de M. Didier Paris.
L'article 11-1 du code de procédure pénale autorise l'autorité judiciaire à communiquer des éléments de procédure à des autorités ou organismes habilités par arrêté du ministre de la justice. Le rapport d'information du 18 décembre 2019 de nos collègues Didier Paris et Xavier Breton sur le secret de l'enquête et de l'instruction a recommandé d'étendre ce secret partagé à d'autres autorités. Tel est l'objet de l'amendement, qui vise à permettre la communication d'informations, notamment dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et les infractions financières, pour améliorer la coopération internationale.
Sur le fond, je suis assez sensible à la proposition, d'autant plus que nous avons adopté une disposition similaire, en décembre dernier, dans la loi relative au parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée, qui autorise la transmission d'informations par les autorités judiciaires aux inspecteurs de l'environnement.
Toutefois, l'amendement propose d'étendre très largement cette communication, ce qui est susceptible de créer des difficultés. Cela mériterait une expertise plus poussée.
Attention, danger ! L'extension du périmètre du secret partagé soulève des risques constitutionnels majeurs, qui ont notamment été relevés par le Conseil d'État. Cette disposition pourrait porter une atteinte excessive à la présomption d'innocence des personnes mises en cause dans la procédure pénale. Je souhaite le retrait de l'amendement.
L'amendement est retiré.
La Commission adopte l'article 4 modifié.
Chapitre II Dispositions tendant à limiter le recours à la détention provisoire
Article 5 (art. 137‑3 et 142‑6 du code de procédure pénale) : Encadrement des décisions de prolongation de détention provisoire
Suivant l'avis du rapporteur, la Commission rejette les amendements de suppression CL163 de Mme Marie-France Lorho et CL288 de M. Éric Ciotti.
Amendements CL100 de M. Ugo Bernalicis et CL393 de M. Erwan Balanant (discussion commune).
Nous proposons de rendre obligatoire la motivation spéciale en cas de prolongation de la détention provisoire au-delà de quatre mois et non de huit mois. L'article tel qu'il est rédigé ne permettra pas d'atteindre les résultats escomptés. La surpopulation carcérale est due notamment à la présence des détenus provisoires, qui représentent en moyenne 40 % des effectifs des maisons d'arrêt – parfois près de 50 %. Sans les prévenus, le problème de la surpopulation serait quasiment réglé !
Être prévenu ne veut pas forcément dire être enfermé. C'est d'ailleurs le sens de l'article 5, qui renvoie à d'autres dispositifs, telle l'assignation à résidence sous surveillance électronique. Il faut redécouvrir des dispositifs qui permettent d'éviter l'incarcération ou, à tout le moins, favoriser leur prononcé, plutôt que de céder à la facilité de la détention provisoire, qui donne l'assurance d'avoir le prévenu sous la main.
Il y a trop de détenus provisoires en France, nous en sommes tous convaincus. Mais nous savons aussi que la détention provisoire est utile. Ce à quoi nous devons veiller, c'est qu'elle ne se prolonge pas excessivement. Lorsqu'elle est justifiée, elle peut être renouvelée, à l'issue d'une première période de quatre mois, pour la même durée. Après huit mois, nous voulons que priorité soit donnée à l'assignation à résidence sous surveillance électronique. Ce n'est qu'à titre exceptionnel, dans le cas où on ne pourrait pas appliquer cette procédure – le juge devra en exposer les raisons – que la détention provisoire pourra être renouvelée pour quatre mois supplémentaires. Au bout de huit mois, la surveillance électronique deviendra donc presque automatique.
Le délai de quatre mois que vous proposez me paraît trop court car il équivaut au premier mandat de dépôt – dans certains cas, il faut pouvoir prolonger la détention au moins une fois. Quant aux six mois proposés par M. Balanant, ils ne correspondent ni au mandat initial, ni au mandat prolongé. Avis défavorable aux deux amendements.
Nous parlons de la matière correctionnelle. La question de la détention provisoire est théoriquement réglée dans le code de procédure pénale depuis belle lurette : la loi la définit comme l'exception, le principe étant la liberté. Mais il est des exceptions qui deviennent des principes. Le travail d'enquête exceptionnel que les parlementaires ont effectué après l'affaire d'Outreau avait déjà identifié le recours à la détention provisoire comme l'une des questions à traiter. Il s'agit de changer de paradigme et, peut-être, de culture.
Le principe retenu est que, après huit mois, ce sera la surveillance électronique ; si le juge en décide autrement et maintient en détention provisoire, il devra motiver sa décision. Sans dénaturer le texte, auquel je crois, j'estime que c'est par petites touches, comme celle-ci, que l'on fera évoluer les mentalités.
Le projet de loi est cohérent avec le « bloc peines » institué par la loi de programmation et de réforme pour la justice du 23 mars 2019. Il s'agit de réaffirmer, en faisant preuve de la nuance fondamentale en ces matières, que l'on ne renie rien de la prison et de son utilité mais que, pour les infractions dites de basse intensité, l'incarcération est criminogène et fait plus de mal que de bien à la société – les chiffres le démontrent et je suis prêt à en débattre. Il est plus facile de céder à l'invective, à la critique nihiliste ! C'est l'illustration que tout homme qui fait quelque chose a contre lui la grande armée des gens qui ne font rien du tout.
Imposer une motivation spéciale au bout de quatre mois me paraît rapide. Le délai de six mois, quant à lui, ne correspond pas aux échéances actuelles de la détention provisoire ; il n'aurait pas beaucoup de sens. Une période de huit mois est raisonnable. Par ailleurs, j'entends préserver l'équilibre entre l'ambition du projet de loi et la charge de travail supplémentaire que cela créera pour les magistrats.
Pour ces raisons, je suis défavorable à ces amendements, même si j'en comprends la philosophie.
Si, au bout de quatre mois, on constate qu'on peut prononcer une surveillance électronique, pourquoi ne pas l'avoir fait dès le premier jour ? La question n'est pas seulement d'ordre culturel. Les magistrats n'échappent pas à l'ambiance anxiogène, sécuritaire dans laquelle baigne la société, et refusent de prendre le moindre risque. Toutefois, en plaçant le prévenu en détention provisoire, on ne fait que différer le risque puisque la prison n'a pas que des vertus, d'autant plus qu'un prévenu y a difficilement accès au travail et aux activités. L'objectif doit être de prononcer moins de détentions provisoires initiales.
Le frein principal à la surveillance électronique est l'enquête technique de terrain visant à déterminer si on peut y soumettre le prévenu. Compte tenu de la mécanique de la comparution immédiate, de la procédure de l'audience correctionnelle, et du fait de la faiblesse de l'enquête sociale rapide et de faisabilité, le magistrat a tendance à placer le prévenu en détention provisoire, quitte à la convertir ultérieurement. Cela ne me paraît pas une bonne méthode : il faut porter les efforts sur l'enquête pour se donner les moyens, dès le départ, de ne pas ordonner la détention provisoire.
Même lorsque celle-ci n'est pas prononcée, on cherche à se rassurer, dans une sorte de fuite en avant technologique, en préférant la surveillance électronique à d'autres mesures. Il existe pourtant d'autres dispositifs, à commencer par le contrôle judiciaire. Cette mesure reste certes prononcée dans la majorité des cas, mais il semble que beaucoup oublient son existence. Il faudrait développer son usage car la surveillance électronique n'est pas exempte d'inconvénients.
Soyons clairs : la liberté est le principe, la mise en détention l'exception, et cela doit demeurer. Lorsque la détention s'impose, on privilégiera, à partir du huitième mois, la surveillance électronique. Dans ces cas de figure, il n'y a pas d'autre choix possible. En revanche, lorsqu'il est possible d'instituer un contrôle judiciaire, on le fait : cela doit être la priorité.
La Commission rejette successivement les amendements.
Puis elle adopte successivement les amendements CL591, de cohérence, et CL592, de coordination, du rapporteur.
Enfin, la Commission adopte l'article 5 modifié.
Après l'article 5
Amendement CL101 de M. Ugo Bernalicis.
Il s'agit d'énoncer un principe général qui existe déjà partiellement dans la loi : avant de prononcer une peine privative de liberté – détention provisoire ou emprisonnement ferme –, il faut évaluer la possibilité de prendre toute autre mesure en milieu ouvert.
La disposition qui vient d'être adoptée entraînera des difficultés, car aller en détention, pour beaucoup de gens, cela signifie risquer de perdre son logement et le lien avec la famille et les amis. Or le principal critère pour prononcer une ARSE est que la personne dispose d'un logement. En plaçant le prévenu en détention pendant quatre mois ou huit, on ne se donne donc pas toutes les chances de déboucher sur une assignation à résidence, et certains magistrats motiveront sans doute de ne pas prononcer l'ARSE par l'impossibilité concrète, technique de la mettre en œuvre. C'était déjà la raison avancée pour ne pas libérer de nombreux prisonniers dans le cadre des ordonnances pendant la première vague du covid. C'est donc bien à la source qu'il faut tarir la détention provisoire.
Je soutiens les dispositifs que vous proposez – c'est mieux que rien –, mais je ne suis pas sûr que l'on atteigne l'objectif visé.
Sur le fond, je souscris à vos propos. Toutefois, les décisions de privation de liberté font l'objet d'une obligation de motivation et sont susceptibles de recours. Notre code de procédure pénale apporte le maximum de garanties aux individus subissant des peines de privation de liberté pour qu'ils puissent faire valoir leurs droits. Si nous améliorons les dispositifs en faveur des libertés, je ne trouve pas utile de rajouter la mention dont vous faites état dans l'article préliminaire du code de procédure pénale. Demande de retrait ou avis défavorable.
Je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, car il est déjà pleinement satisfait par l'article 137-3 du code de procédure pénale relatif à la détention provisoire et l'article 132-19 du code pénal concernant les peines d'emprisonnement.
Cet amendement vise à accompagner l'évolution culturelle que nous attendons tous, en invitant tous les tribunaux à examiner d'abord les alternatives à l'enfermement. Il importe qu'il n'y ait pas de différence de traitement selon les tribunaux, selon que les magistrats acceptent de réfléchir à des solutions alternatives et selon celles qui sont proposées dans les territoires.
La Commission rejette l'amendement.
Amendement CL103 de M. Ugo Bernalicis.
Il vise à supprimer le mandat de dépôt différé, de façon à mettre à profit le délai que celui-ci laisse pour éviter une incarcération et prononcer des aménagements de peine. Ce dispositif, introduit par la loi de programmation de la justice de 2019, est une corde supplémentaire à l'arc de celui qui veut absolument enfermer quelqu'un, ce qui ne me semble pas être le sens de nos débats depuis quatre ans.
Nous avons voté ce dispositif dans la LPJ, au mois de mars 2019. Il s'applique alors que la décision du mandat de dépôt a été prise ; c'est son exécution qui peut être différée afin que la mise sous écrou se passe dans de bonnes conditions, dans l'intérêt de la personne qui fait l'objet de cette mesure. Je crois celle-ci utile et pragmatique. Avis défavorable.
Je ne comprends pas du tout que vous puissiez présenter un tel amendement. Avez-vous déjà assisté à une arrestation à la barre ? C'est d'une extrême violence ! Une personne libre, qui souvent espère bénéficier de la clémence des juges, ne parvient pas à les convaincre – elle est arrêtée. La justice fait son travail, elle délivre un mandat de dépôt ; les forces de l'ordre arrivent, menottent la personne et l'emmènent. Ce dispositif existe toujours parce que, lorsque l'on craint une fuite, la justice s'assure ainsi de la présence de la personne.
Le mandat de dépôt différé permet à un homme d'aller embrasser ses enfants avant d'aller en prison. Et vous voudriez que l'on se passe de cela ? Naturellement, la justice s'entoure de toutes les précautions ; ce n'est pas une disposition qui est prise à la légère. Quand une personne reconnaît l'infraction et entend l'assumer, quand on sent la sincérité chez elle, étayée par d'autres éléments du dossier, il n'y a pas de raison de l'empêcher d'aller embrasser son fils ou sa fille. C'est très humain et, je le dis sans polémique, j'ai du mal à comprendre que l'on puisse se passer de cela. Il s'agit d'une grande avancée qui a été adoptée très récemment et que les magistrats sont très attentifs à ne pas surutiliser. Si, devant la juridiction criminelle, les mandats de dépôt automatiques sont obligatoires, il y a parfois des situations dans lesquelles on peut laisser la procédure se poursuivre sans incarcérer immédiatement. Je suis donc humainement défavorable à cet amendement.
Je trouve l'exposé sommaire de cet amendement particulièrement inapproprié en ce qu'il évoque une « disposition scélérate » concernant ce dispositif d'une grande humanité. Le groupe La République en marche votera contre cet amendement.
Avant le mandat de dépôt différé, il existait aussi, outre le mandat de dépôt à la barre, un mandat de dépôt qui permettait d'aller embrasser sa famille, l'incarcération étant un peu éloignée. Le mandat de dépôt différé assume de différer l'incarcération, qui aura lieu de toute façon, alors que lorsque le mandat de dépôt n'est pas prononcé à la barre, un travail peut commencer, pourquoi pas avec le juge de l'application des peines (JAP), pour obtenir un aménagement de peine. Ce n'est pas comme l'aménagement de peine ab initio, qui oblige à placer la personne sous écrou pendant trois à quatre jours, le temps de rencontrer le JAP.
Si l'objectif est réellement de ne pas incarcérer, oui, le dispositif de mandat de dépôt différé est scélérat, car il offre des facilités nouvelles pour incarcérer.
C'est mal raisonner que de considérer que pour baisser le nombre de détentions, il faudrait supprimer le mandat de dépôt différé. Dans la situation où les juges jugeraient qu'une personne reconnue coupable doit aller en prison, si le mandat de dépôt différé était supprimé, c'est le mandat de dépôt tout court qui serait utilisé. Ce n'est pas en supprimant le texte que vous supprimerez la volonté des juges, motivée dans un jugement, d'envoyer tel prévenu en prison. On lui laisse ce petit délai pour des raisons humanitaires mais la décision n'en est pas moins prise. La situation est bien celle d'un homme qui vient d'être condamné par des magistrats à de l'emprisonnement ferme.
La Commission rejette l'amendement.
Chapitre III Dispositions améliorant la procédure de jugement des crimes
Article 6 (art. 276-1 [nouveau], 359 et 367 du code de procédure pénale) : Dispositions diverses relatives à la cour d'assises
Amendement CL572 du rapporteur.
Il s'agit de prévoir que les magistrats à titre temporaire (MTT) qui siègent au sein des cours criminelles départementales, de façon tout à fait efficiente selon le rapport que nous avons rédigé avec Antoine Savignat, puissent également siéger au sein des cours d'assises. Cela permettrait d'augmenter le vivier des assesseurs potentiels. Cette disposition nous paraît utile, étant précisé que le statut de MTT est exigeant en matière d'éthique, de déontologie, de conflits d'intérêts et d'incompatibilités.
La seconde partie de l'amendement vise à ce qu'un juge d'un département qui ne serait pas rattaché au tribunal judiciaire où siège la cour d'assises puisse également siéger comme assesseur au sein de cette cour d'assises. Cela donnerait ainsi un peu plus de latitude pour composer les cours d'assises dans nos juridictions.
Amendement très utile : le Gouvernement y est totalement favorable.
Nous sommes favorables à cet amendement. On voit là la difficulté de l'exercice dans les cours criminelles – contre la création desquelles j'avais d'ailleurs voté –, qui nécessitent cinq magistrats. Ces dispositions permettent de combler une carence et de répondre à l'inquiétude des magistrats de ne pas être en effectif suffisant.
La Commission adopte l'amendement.
Amendements CL323 de M. Dimitri Houbron, CL409 de Mme Laurence Vichnievsky et CL243 de Mme Nicole Dubré-Chirat (discussion commune).
L'audience de mise en état des affaires criminelles permet aux parties de s'accorder sur les témoins et experts à entendre afin de maîtriser la durée de l'audience et de restreindre les débats autour de points qui sont encore contestés à l'issue de l'information judiciaire. Cette disposition du projet de loi apparaît comme une mesure pragmatique et efficace. L'amendement tend à rendre cette audience obligatoire et non soumise à la discrétion du ministère public ou des avocats de l'ensemble des parties.
Cette audience n'existe pas dans la loi, aussi proposons-nous de la créer. En réalité, elle se tient déjà pour nombre de procès d'assises, mais généralement lorsque l'accusé se bat sur la peine, non sur le fond. Il est alors assez utile et judicieux de s'entendre sur la liste des témoins et des experts, ainsi que sur la durée des auditions, pour pouvoir calibrer l'audience.
Avec mon groupe, nous sommes plutôt pour conférer à cette audience un caractère facultatif, c'est-à-dire qu'elle se tienne lorsque les parties sont d'accord – la quasi-totalité des professionnels qui ont été entendus considèrent qu'elle serait inutilement chronophage en cas de désaccord. Il faut donc autoriser cette procédure si le président de la cour ou les parties la juge utile, mais ne pas la rendre systématique.
Lors des auditions, il a été suggéré que l'audience préalable ne soit réalisée que si elle est jugée nécessaire et peut représenter un réel gain de temps. L'amendement tend à donc à prévoir la tenue de l'audience préalable seulement si elle apparaît nécessaire.
Je suis favorable à l'amendement proposé par Dimitri Houbron tendant à rendre ce dispositif obligatoire. C'est une bonne pratique, communément appliquée lorsqu'on prépare un procès d'assises ou un dossier devant la cour criminelle départementale. Les bonnes pratiques ayant vocation à être généralisées, je pense qu'il faut graver celle-ci dans le marbre et la rendre obligatoire puisqu'elle apporte une vraie plus-value.
Je ne suis pas d'accord avec vous, madame Vichnievsky, il peut être intéressant de s'entendre sur les experts qui seront entendus dans le cadre des débats, que la personne accusée nie les faits ou non. En outre, ce dispositif est particulièrement souple : rien n'est imposé, personne ne sera empêché d'ajouter un expert ou un témoin à la liste entre l'audience préparatoire et l'audience, et la réunion pourra se tenir par visioconférence.
Il est possible de concilier tous ces amendements.
Tout d'abord, j'aimerais dire deux mots sur la philosophie du dispositif. Actuellement, avant l'ouverture des débats, l'accusé reçoit une liste de témoins préparée par le ministère public. Parfois, son avocat ne la reçoit pas lui-même et doit aller la chercher en détention si son client est détenu – cela peut être assez compliqué. Cette liste donne lieu à des curiosités : quatre témoins qui viennent raconter qu'ils ont entendu un coup de feu à 21 heures, ce qui n'a strictement aucun intérêt, surtout si cela n'est pas contesté ; un expert de l'ADN que l'on fait venir de l'autre bout de la France pour dire à l'audience de cours d'assises qu'on a retrouvé l'ADN de l'accusé sur la clenche de la porte, alors que celui-ci reconnaît avoir ouvert la porte et ne conteste pas qu'on ait pu y retrouver son ADN. Cela ne sert à rien, c'est du temps perdu, et cela coûte des sous. C'est bien trop rigide.
De là l'idée de faire une audience de mise en état. Cette audience, ne pourrait-on pas la faire chez le président, voire, si les choses sont simples, par téléphone ou en visioconférence ? Mme Vichnievsky propose très justement de la convoquer si les parties le jugent utile. Encore faut-il qu'elles se parlent ! Or il n'y a pas toujours de contact entre la défense et le ministère public ou entre la défense et le président avant l'ouverture d'un procès.
En tout état de cause, il faut quelque chose pour que le texte ne perde pas de son efficience, il faut sans doute plus de fluidité. Dans les affaires simples où tout le monde est d'accord, un coup de fil peut suffire ; si l'affaire est vraiment complexe, il faut une audience. Quand une affaire est jugée à Aix-en-Provence et que l'avocat est de Dunkerque, doit-on le contraindre à se rendre à l'audience obligatoire à Aix-en-Provence ? Des moyens de communication modernes permettent de pallier cette rigidité.
Je vous propose de retravailler ensemble pour essayer de simplifier cette audience. Nous la rendrons obligatoire, ce qui fera plaisir au député Houbron, mais pas tout à fait, ce qui fera plaisir à nos deux autres députées. Il faut au moins qu'un contact soit pris, avec des moyens modernes – téléphone, visioconférence – et qu'un document acte cette prise de contact. Simplifier et rendre une justice moderne : voilà ce vers quoi nous voulons tendre.
Dans le cadre de la mission que j'ai menée avec Stéphane Mazars, nous avions discuté de la possibilité de mettre en place ces audiences. Il en était ressorti que nous avions déjà l'outil : toutes les audiences de procédure civile se font de manière dématérialisée via le réseau privé virtuel des avocats (RPVA). L'ensemble des professionnels nous avaient dit que l'on pouvait parfaitement mettre en place, via ce réseau, les audiences de mise en état, comme cela se pratique devant toutes les chambres civiles de France. Cela permettrait à tous d'échanger rapidement dans le but de trouver un accord.
Nous pouvons retravailler sur les modalités – visioconférence ou téléphone – en vue de la séance, mais je maintiens qu'il faut inscrire son caractère systématique et obligatoire. Libre ensuite aux parties et au ministère public de choisir les modalités de cette audience.
La Commission adopte l'amendement CL323.
En conséquence, les amendements CL409 et CL243 tombent, ainsi que l'amendement CL307 de M. Pascal Brindeau.
Amendement CL398 de la présidente Yaël Braun-Pivet.
Cet amendement vise à prévoir que le président de la cour d'assises puisse obtenir du directeur de la maison d'arrêt le rapport de détention de l'accusé dans le cadre de l'audience préparatoire criminelle.
Suivant l'avis du rapporteur, la Commission adopte l'amendement.
Amendements CL496 et CL495 de M. Buon Tan.
L'article 6 prévoit que l'audience préparatoire puisse au besoin se tenir à distance, par « télécommunication audiovisuelle ». Une telle possibilité est à saluer, dans la mesure où elle contribuera à la fluidité et à l'adaptabilité de la nouvelle procédure. La crise sanitaire a prouvé combien le recours aux outils numériques était plus que jamais indispensable au bon fonctionnement de nos institutions et de notre société.
Compte tenu de la gravité des questions abordées lors de ces audiences, et tout particulièrement en matière criminelle, il importe cependant de garantir la sécurité et la qualité des outils numériques utilisés. Le renforcement du secret de l'enquête, de l'instruction de la défense, auquel ce projet de loi dédie plusieurs articles, nécessite de préciser dans quelles conditions et selon quelles modalités se déroule cette audience préparatoire. C'est pourquoi l'amendement CL495 propose que les moyens de télécommunication utilisés pour la tenue de cette audience fassent l'objet d'un agrément par le ministère de la justice.
L'amendement CL496 est un amendement de repli.
Les outils utilisés par la Chancellerie présentent déjà toutes les garanties en matière de sécurité – je pense au réseau privé virtuel des avocats qui permet de communiquer de l'enceinte du palais de justice jusqu'au cabinet. Vos amendements sont satisfaits. Demande de retrait.
Certes, nous avons déjà des outils, mais il s'agit ici d'en utiliser d'autres – M. le ministre a notamment parlé de téléphones – qu'il conviendrait de faire agréer.
La Commission rejette successivement les amendements.
Elle adopte l'amendement rédactionnel CL509 du rapporteur.
Amendements identiques CL436 de M. Aurélien Taché et CL355 de M. Pierre Morel-À-L'Huissier.
Il s'agit de prévoir que l'audience préparatoire criminelle devra rechercher un accord, non seulement sur la liste des témoins et des experts qui seront cités à l'audience et sur leur ordre de déposition, mais aussi sur les modalités de leur comparution, et déterminer si ces dernières se feront par visioconférence ou en présentiel. De même, elle devra se saisir de toutes les demandes de visioconférences qui parviendront au greffe, afin que les parties puissent faire valoir leurs observations avant l'ouverture des débats.
L'audience préparatoire doit rester assez souple et relativement informelle. Il faut préserver l'oralité des débats devant la cour d'assises et devant la cour criminelle départementale. Ce n'est que par défaut, en cas d'empêchement de l'expert ou d'un témoin ou si tout le monde s'accorde sur l'inutilité d'une venue que l'on pourra éviter un déplacement et des frais avec une simple visioconférence. Ne rigidifions pas la procédure. Demande de retrait.
Il faut faire confiance aux professionnels. Chacun sait ce qu'il a à faire. Le président a des pouvoirs propres et peut estimer qui il faut faire citer. D'ailleurs, souvent, ce n'est pas le président qui fait citer, même s'il a le droit de faire venir un témoin, c'est le ministère public. Les avocats, de la défense et des parties civiles, ont aussi leur idée sur la question. Prenons deux exemples. Le directeur d'enquête a été muté. Accepte-t-on l'un de ses subordonnés à l'époque des faits pour venir raconter l'enquête ou exige-t-on la présence du directeur ? Cinq témoins disent la même chose : est-ce que l'on ne peut pas se contenter d'un seul ? Un autre exemple : en appel, le grand usage, c'est d'utiliser la même liste de témoins qu'en première instance. Mais s'il s'agit d'un appel sur le quantum de la peine, certains témoins n'ont plus d'utilité. J'ai même vu des témoins qui étaient à nouveau cités, auxquels on payait le déplacement, qui prêtaient serment et qui… ne connaissaient pas l'accusé. Ce sont des sous gaspillés et du temps judiciaire perdu. Quand j'ai imaginé cette disposition, j'ai imaginé quelque chose de très fluide.
Pour revenir à la sécurisation des communications, monsieur Tan, quand vous appelez un président de cour d'assises, ce n'est pas un secret d'État. Il s'agit de savoir qui faire citer ou quelle sera la durée de l'audience. Il faut que ce soit très fluide, sans quoi ce sera plus compliqué après l'entrée en vigueur de la loi qu'aujourd'hui. Le tout, c'est de gagner du temps, en s'arrangeant en amont, ce qui remet d'ailleurs un peu de liant entre les intervenants de la grande barque judiciaire. Ne faisons pas de quelque chose de très simple une usine à gaz. Demande de retrait.
L'amendement a permis au rapporteur et au ministre de nous faire partager leur vision. Cela sert donc bien à quelque chose, les débats parlementaires…
L'amendement est retiré.
Amendement CL244 de Mme Nicole Dubré-Chirat.
Lors des auditions menées dans le cadre de l'examen du texte, il a été suggéré que la date de l'audience préparatoire soit fixée en amont, afin de pouvoir mieux organiser les débats en déterminant notamment les experts ou les témoins à auditionner. L'amendement propose donc que la date de l'audience préparatoire soit déterminée quatre mois auparavant. Peut-être me direz-vous que c'est une contrainte qui empêche la souplesse d'organisation…
Il faut en effet laisser au président le soin d'organiser son audience d'assises ou de cour criminelle. Il disposera pour cela désormais de l'audience préparatoire, qui est à sa main. Il jugera le moment le plus opportun. Laissons faire les professionnels.
Parfois, vous ne connaissez pas le dossier sur le bout des doigts quatre mois avant l'audience ; vous n'en connaissez que les grandes lignes. Quatre mois, c'est beaucoup trop tôt. Il faut de la souplesse dans ces dispositions, je le répète.
L'amendement est retiré.
Amendement CL212 de M. Thomas Rudigoz.
Lors des auditions, plusieurs remarques avaient été faites sur cette audience préparatoire, notamment sur le fait qu'elle devrait durer une heure plutôt qu'une demi-heure comme le prévoit l'étude d'impact. Mais les présidents avaient surtout insisté pour que l'article soit plus directif quant au rôle du président, de sorte que ce soit à lui d'arrêter la liste de témoins à entendre, tout en gardant le pouvoir d'entendre plus tard quelqu'un qui n'était pas sur cette liste.
Encore une fois, il faut de la souplesse. S'il n'y a pas d'accord, ce n'est pas grave, et la liste sera celle qui avait été initialement prévue.
Nous avons bien prévu de garantir le droit de toutes les parties de citer les témoins qu'elles ont envie d'entendre. Nous avons beaucoup évoqué la question des témoignages, mais il y en a plein d'autres qui se posent, notamment pour ce qui est de la durée de l'audiencement. Imaginons qu'un accusé, après avoir nié pendant des années, décide de reconnaître les faits et donne mandat à son avocat pour le dire lors de cette réunion. L'avocat, s'il est prudent, et il doit l'être, fera signer ce mandat à son client. Il n'y a alors plus besoin d'autant de jours d'audience, ce qui permettra d'audiencer une autre affaire. Plus on rigidifie et donne des délais ou des impératifs, plus cela prive l'audience préparatoire de son efficacité. Je suis certain qu'elle sera appréciée par tous les professionnels. Le rapprochement qui aura lieu à cette occasion permettra d'envisager ensemble la construction de l'audience. Chacun conserve bien évidemment le droit de faire citer des témoins, même à la dernière minute. Tout cela va dans le bon sens.
L'amendement est retiré.
La Commission adopte l'amendement rédactionnel CL510 du rapporteur.
Amendement CL570 du rapporteur.
Cet amendement vise à modifier le discours tenu par les présidents des cours d'assises avant la prestation de serment des jurés, dans l'hypothèse où l'appel ne porte que sur le quantum de la peine.
La Commission adopte l'amendement.
Amendements identiques CL164 de Mme Marie-France Lorho, CL280 de Mme Séverine Gipson et CL300 de M. Éric Ciotti.
Avis défavorable. Nous sommes précisément très heureux de porter de six à sept voix la majorité requise pour les décisions défavorables à l'accusé.
Amendements CL356 de M. Pierre Morel-À-L'Huissier et CL651 du Gouvernement (discussion commune).
Il vise à modifier le rapport oral du président de la cour d'assises, au début de l'audience criminelle, en prévoyant que celui-ci n'ait plus à prononcer les éléments à charge et à décharge relatifs à l'accusé. Cette mesure, proposée dans le rapport de la commission cours d'assises et cours criminelles départementales, dit rapport Getti, permettrait la bonne compréhension de l'affaire, l'allègement de la phase d'ouverture des débats et empêcherait tout risque pour le président d'orienter l'affaire.
Avant de présenter mon amendement, je ferai un bref rappel historique. Pendant toute une période, un procès criminel commençait par la lecture d'un acte d'accusation par le greffier. Après avoir été auditionné par les parlementaires dans le cadre de la commission d'enquête sur l'affaire d'Outreau, j'avais rencontré à la Chancellerie le procureur général de Lyon avec lequel nous avions balayé un certain nombre de dispositions en cours dans la procédure pénale. Je lui disais alors que la lecture de ces actes d'accusation était beaucoup trop longue – elle durait même plusieurs jours dans certains procès – et qu'il était très curieux de commencer un procès criminel par la lecture d'un acte d'accusation.
La loi a évolué, et c'est ensuite le président qui a été chargé de cette lecture. En matière d'impact, c'était encore pire, puisque le greffier était, d'une certaine façon, beaucoup plus neutre que le président. Le législateur a également pris un certain nombre de dispositions qui ont rarement été respectées – elle exigeait notamment que ce rapport soit succinct, ce qui n'était jamais le cas. En réalité, il y avait une espèce de dérive consacrée devant toutes les cours d'assises : c'était le président qui la plupart du temps lisait l'ordonnance ou l'arrêt de mise en accusation, avec une obligation de rappeler les éléments à charge et à décharge. Mais dans une ordonnance de mise en accusation, les éléments à décharge sont par principe minoritaires. Il arrivait que l'on écoute pendant une heure un rapport sur les éléments à charge et, à la fin, on se contentait de lire ce que le juge d'instruction avait écrit, à savoir qu'untel contestait les faits – la belle affaire ! J'ai souhaité changé cela.
La commission qui a travaillé sur la cour d'assises était présidée par M. Getti, ancien président de cour d'assises, et composée de beaucoup de praticiens de cette même cour, soit qu'ils avaient été souvent amenés à y requérir, soit qu'ils avaient eux‑mêmes présidé une cour d'assises. Je souhaite équilibrer les choses et que le rapport introductif du président mentionne les observations déposées par l'avocat en application de l'article 175. Cela donne à entendre d'emblée qu'il peut y avoir une contestation sur la culpabilité et que la vérité qui sort de l'ordonnance de mise en accusation n'est pas consacrée. On se rapproche ainsi davantage du procès équitable tel que la Cour européenne des droits de l'homme l'appelle de ses vœux.
L'amendement CL356 est retiré.
Suivant l'avis du rapporteur, la Commission adopte l'amendement CL651.
Amendement CL61 de M. Antoine Savignat.
Le groupe Les Républicains avait déposé cet amendement afin de maintenir la majorité nécessaire à six voix, en précisant qu'il fallait quatre jurés, pour leur donner plus de pouvoir, mais c'est exactement ce que vous avez prévu de faire. Dans notre grande sagesse, nous retirons donc l'amendement.
L'amendement est retiré.
La Commission adopte l'amendement de coordination CL511 du rapporteur.
Elle adopte l'amendement de précision CL639 du rapporteur.
Amendement CL102 de M. Ugo Bernalicis.
Je tiens à redire mon vif désaccord contre le mandat de dépôt différé, qui contourne l'article 723-15 du code de procédure pénale et contribue nettement à augmenter les incarcérations.
Le mandat de dépôt prononcé lorsqu'une personne comparaît libre à la barre est censé être une mesure de sûreté spécialement motivée. S'il vise une peine aménageable, celle-ci n'est amenée à exécution qu'une dizaine de jours plus tard, lors d'une convocation devant le juge d'application des peines. La personne peut ainsi tout à fait voir sa famille entre-temps. Il faudrait, au contraire, favoriser les aménagements de peine pour éviter la surpopulation carcérale.
Je suis un peu chagriné qu'on ne rappelle pas au préalable que l'incarcération ne sera désormais plus automatique, alors qu'elle l'était devant les juridictions correctionnelles pour une peine allant jusqu'à un maximum de dix ans d'emprisonnement. Bien entendu, le mandat de dépôt n'est pas automatique, il est motivé. C'est une avancée considérable ; et comme vous ne le dites pas, monsieur Bernalicis, je le dis.
Quant au reste, je me suis déjà exprimé sur le mandat de dépôt différé. Il concerne le condamné dont on pense qu'il doit être incarcéré, mais dont on considère aussi qu'un peu de temps peut lui être laissé parce que, pendant la période précédant son jugement, il s'est présenté pour tous les actes utiles et n'a jamais fait craindre aux magistrats qu'il pourrait s'enfuir. Cette règle me semble très utile, ne serait-ce que par cohérence avec celles applicables en matière correctionnelle.
Mais je ne vous convaincrai pas et sachez que je le regrette.
La Commission rejette l'amendement.
Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL517, CL516 et CL515 du rapporteur.
La Commission adopte l'article 6 modifié.
Après l'article 6
Amendement CL635 du rapporteur.
Monsieur le garde des Sceaux, depuis votre prise de fonction, vous n'avez de cesse de rappeler la nécessité de rapprocher la justice de nos concitoyens et vous menez une politique très allante pour assurer une présence judiciaire dans les territoires, au service des justiciables. Cet amendement s'inscrit dans cette dynamique. Il part d'un constat que j'avais déjà formulé auprès de Mme Belloubet lors de l'examen du projet de loi de programmation et de réforme pour la justice.
Certains départements n'étant pas dotés de pôle de l'instruction, il y a donc une déconnexion entre, d'une part, le lieu où les faits criminels ont été commis et où ils vont être jugés et, d'autre part, celui où ils sont instruits, puisqu'ils le sont systématiquement dans un pôle de l'instruction. Cela représente parfois une distance de plusieurs centaines de kilomètres, ce qui pose des difficultés pratiques d'accès à une justice de qualité, notamment pour les personnes les plus vulnérables. Je pense notamment à des victimes de viol qui n'ont pu suivre l'instruction au plus près parce qu'elles étaient géographiquement trop éloignées du lieu où le dossier est instruit en matière criminelle. Cela s'est terminé par une correctionnalisation, le tribunal correctionnel qui avait repris le dossier ne pouvant que constater l'échec de la procédure judiciaire.
C'est ce que cet amendement vous propose de corriger, en donnant au procureur de la République la faculté de ne pas délocaliser systématiquement un dossier criminel auprès du pôle de l'instruction. Il pourra le confier au magistrat instructeur rattaché au tribunal judiciaire du département où les faits ont été commis, pour qu'il soit instruit sur place en vue d'une comparution de la personne mise en cause devant la cour criminelle départementale. Les crimes dont il est question sont en effet ceux qui relèveront désormais de cette cour, c'est-à-dire pour lesquels la peine encourue est de vingt ans de réclusion criminelle, et lorsque les faits sont simples. S'il apparaît par la suite une difficulté qui n'avait pas été perçue lors de l'ouverture de l'information judiciaire, le dossier pourra toujours être délocalisé vers le pôle de l'instruction, afin de garantir une bonne qualité de l'instruction.
Cet amendement est très attendu par les praticiens et par les justiciables. On évitera beaucoup de fiascos judiciaires en rapprochant le lieu d'une instruction de celui où les gens vivent, et où ils doivent se défendre et préparer leur défense.
Cela me coûte de le dire et c'est de l'ordre du narcissisme total : je déteste cet amendement parce que je n'en ai pas eu l'idée !
C'est un amendement extrêmement important, qui s'ajoutera aux avancées de la loi améliorant l'efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale. Selon les remontées d'information qui m'ont été faites, dans les juridictions les magistrats sont très contents de votre proposition. C'est vraiment une idée géniale ! Je sais, monsieur le rapporteur, que vous y travaillez depuis de nombreuses années et vous avez trouvé le bon vecteur législatif. J'accueille cet amendement à bras ouverts. Bravo !
Je salue le travail de longue haleine de notre collègue Stéphane Mazars. C'est une très bonne chose de le voir enfin aboutir. Cet amendement est largement consensuel et répond à une demande provenant des territoires ; il s'inscrit dans notre projet en faveur d'une justice au plus près de chacun. Les députés du groupe LaREM voteront cet amendement avec enthousiasme.
Je m'associe au concert de louanges adressé à notre collègue Stéphane Mazars. Cet amendement est issu de son expérience d'avocat de terrain, dans un territoire rural qui a subi la fermeture de deux tribunaux. Il se bat sur ce sujet depuis le début de son mandat et j'essaie de m'associer à son combat. Je tiens à le remercier et je crois que l'ensemble des magistrats le font, notamment ceux du tribunal judiciaire de Castres.
Je ne voudrais pas laisser penser par mon absence d'intervention que mon groupe ne soutient pas avec force cette proposition. Bravo ! Je sais que c'est un combat ancien et il est agréable de le voir aboutir. Cette mesure sera effectivement un plus pour les juridictions.
La Commission adopte l'amendement. L'article 6 bis est ainsi rédigé.
Amendement CL104 de M. Ugo Bernalicis.
Dans ce projet de loi, il est question de justice populaire, de confiance dans l'institution judiciaire et de rapprocher le citoyen du fonctionnement de la justice. Nous proposons donc, à titre expérimental, d'introduire des jurés tirés au sort dans les tribunaux correctionnels et de police, ainsi que dans les tribunaux de commerce.
Une expérimentation avait été organisée entre 2011 et 2013 pour les tribunaux correctionnels, à l'initiative de la droite et dans une perspective qui n'est sans doute pas la même que celle que nous avons aujourd'hui à l'esprit. Le rapport d'évaluation de cette expérimentation a montré que, contrairement à ce qui était envisagé, les décisions rendues avec ces jurés n'ont pas été plus sévères.
En revanche, les jurés qui y ont participé en sont ressortis avec une image grandie du fonctionnement de l'institution judiciaire et de la justice en général, comme c'est le cas pour les jurés des cours d'assises. Cela n'est certes pas quantifiable, mais cela constitue une qualité démocratique extrêmement forte. C'est pourquoi nous proposons d'étendre la place des jurés, à titre expérimental. Le fait d'y associer les tribunaux de commerce n'est pas complètement innocent : la confiance dans la justice commerciale pourrait en être améliorée.
Les tribunaux de commerce font partie de notre vieille histoire. Ils se sont installés dès le XVe siècle dans les grandes foires. Ils sont composés aujourd'hui de juges bénévoles, élus par leurs pairs parmi les commerçants, les artisans et les dirigeants de sociétés commerciales.
Quant aux autres juridictions que vous voulez doter de jurys populaires, il est quand même curieux que La France insoumise veuille reprendre à son compte, en l'élargissant, une expérimentation menée sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Celui-ci disait à l'époque qu'en réalité le but était d'aller vers une justice plus sévère.
Les juges des tribunaux de commerce représentent la société civile ; ils connaissent le sujet et ils exercent à titre bénévole. Vous dites, sans argumenter davantage, qu'il n'y aurait pas de confiance dans les tribunaux de commerce. Je voudrais vous rappeler que, lorsque les petits entrepreneurs saisissent le tribunal de commerce en amont d'une procédure collective, dans 75 % des cas leur entreprise est sauvée. J'ai d'ailleurs demandé un rapport sur cette question ; ces mesures ne sont pas suffisamment connues, alors qu'elles sont d'autant plus efficaces qu'elles interviennent en amont. Nous allons préparer un grand plan de communication pour mieux les faire connaître aux petits artisans et petits entrepreneurs en difficulté, pour qui franchir la porte des tribunaux de commerce est humainement souvent très difficile parce qu'ils ont honte.
Attention à la façon dont on présente les choses : on ne peut pas jeter l'anathème sur tous les tribunaux de commerce. Il y a sans doute des choses à améliorer, mais je rappelle que ce sont des hommes et des femmes qui donnent de leur temps à la justice de notre pays, de façon tout à fait bénévole. Et, monsieur Bernalicis, ils paient eux-mêmes leur robe.
Je ne m'associe pas aux propos de mon collègue Bernalicis sur les tribunaux de commerce ; le garde des Sceaux a rappelé le gros travail réalisé par les juges bénévoles.
Je soutiens néanmoins cet amendement parce que l'objectif de ce texte est d'améliorer la confiance dans l'institution judiciaire. Les citoyens qui en sont les meilleurs défenseurs, qui lui font le plus confiance, sont précisément ceux qui ont été tirés au sort pour faire partie d'un jury populaire. Je partage donc l'objectif d'étendre la présence de jurés aux tribunaux correctionnels et de police.
Je voudrais dire au garde des Sceaux qu'une mesure n'est pas infamante parce qu'elle a été proposée en son temps par Nicolas Sarkozy. Je me réjouis que mon collègue Bernalicis lui reconnaisse des mérites éminents. Je l'invite, d'ailleurs, à regarder plus attentivement le bilan de l'excellent président Sarkozy, et je suis certain que La France insoumise pourra reprendre nombre de ses propositions.
L'objectif poursuivi, en introduisant des jurés dans les tribunaux correctionnels, était effectivement de rendre la justice plus sévère. Or le rapport d'évaluation de cette expérimentation, en 2014, a montré qu'en fait l'inverse s'était produit. C'est bien pourquoi je souhaite que l'on reprenne et étende l'expérience, ce qui aura pour effet positif que davantage de citoyens connaissent la justice sans être victime ou auteur.
Des rapports parlementaires ont montré que le fonctionnement de la justice commerciale méritait d'évoluer, mais je ne vais pas développer ce point. La présence de jurés dans les tribunaux de commerce serait également souhaitable, sans que cela change pour autant les décisions de ces tribunaux ni empêche les artisans et commerçants dont vous parliez d'y avoir recours. Cela n'a aucun rapport. La présence accrue de citoyens leur permettrait de faire davantage corps avec l'institution judiciaire.
La Commission rejette l'amendement.
Avant l'article 7
Amendement CL106 de M. Ugo Bernalicis.
On assiste au déclin du rôle des jurés, notamment au travers de la mise en place de la cour criminelle départementale. Dans la continuité de l'amendement précédent, nous proposons de réorganiser la justice pour y réintroduire directement le peuple.
Je vous confirme que l'expérimentation des cours criminelles départementales va prendre fin, puisque ces dernières vont être généralisées. Avis défavorable.
La fin de cette expérimentation est certes rapide, mais je ne vais pas épiloguer sur l'absence de véritable bilan : j'étais opposé à cette cour criminelle départementale et ma conviction n'a pas changé. Les cours criminelles départementales remplissent les objectifs de rapidité qui leur ont été assignés. Sur ce plan, elles sont beaucoup plus efficaces que les cours d'assises. Mais elles ont un effet non quantifiable résultant de l'absence de jury populaire, tant sur ceux qui auraient pu être jurés que sur la société en général. Les études qualitatives qui sont réalisées auprès des jurés d'assises montrent que les retours sont toujours extrêmement positifs. C'est la raison pour laquelle, dans l'absolu, je suis favorable à ce qu'il y ait davantage de jurés, et en particulier en matière criminelle.
La Commission rejette l'amendement.
La réunion se termine à 12 heures 45.
Membres présents ou excusés
En raison de la crise sanitaire, les relevés de présence sont suspendus.