La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel (nos 904, 1019, 975, 981).
Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de cinq heures quarante-sept minutes pour le groupe La République en marche, dont 225 amendements sont en discussion ; quatre heures treize minutes pour le groupe Les Républicains, dont 679 amendements sont en discussion ; une heure quarante-six minutes pour le groupe du Mouvement démocrate et apparentés, dont 125 amendements sont en discussion ; deux heures vingt-trois minutes pour le groupe UDI, Agir et indépendants, dont 112 amendements sont en discussion ; deux heures sept minutes pour le groupe Nouvelle Gauche, dont 121 amendements sont en discussion ; une heure quarante-neuf minutes pour le groupe La France insoumise, dont 67 amendements sont en discussion ; une heure vingt-trois minutes pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, dont 61 amendements sont en discussion, et trente-sept minutes pour les députés non inscrits, dont 58 amendements sont en discussion.
Ce matin, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles, s'arrêtant aux amendements nos 1314 et identique à l'article 7.
Puisque nous avons levé la séance de ce matin sur ces mots, j'aimerais d'abord vous dire, madame la ministre, que nous ne sommes pas des révolutionnaires du statu quo et que nous ne nous accrochons pas à l'ordre ancien en considérant que tout va bien et que nous pouvons nous satisfaire de la situation de nombreux jeunes. Mais il est de notre devoir à tous de vous dire que si nous devons changer, nous devons le faire pour le meilleur. Or un certain nombre des choix que vous faites nous interrogent et nous inquiètent, notamment cet article 7, et c'est pour cela que nous en demandons la suppression.
Tout d'abord, comparaison n'est pas raison. Il a été rappelé ce matin que l'on compte 1,5 million d'apprentis en Allemagne. En France, on ne compte certes que 400 000 apprentis, mais il y a aussi 665 000 jeunes en lycée professionnel, 430 000 jeunes inscrits dans les filières technologiques dans les lycées, 260 000 en BTS – brevet de technicien supérieur – et 115 000 en IUT – institut universitaire de technologie. Le succès de la voie professionnelle dépasse donc le seul apprentissage.
Ensuite, notre inquiétude porte sur le pari que vous faites. Nous sommes attachés à ce que l'apprentissage demeure une formation initiale, au même titre que la formation scolaire, parce qu'il concerne des jeunes en formation, et non en formation professionnelle, continue. Vous allez transformer un service d'intérêt général non économique, qui n'est pas assujetti à des règles de marché, qui n'est pas assujetti à des considérations de rentabilité, en un marché concurrentiel d'un nouveau genre.
Cela nous fait craindre des phénomènes de ségrégation spatiale, et c'est ce qui fait dire aux régions qu'un certain nombre de CFA – centres de formation d'apprentis – sont menacés – et je crois qu'il faut se garder de tout mépris à l'égard de la démocratie locale. On nous répond qu'il n'y a aucune raison d'être inquiets, mais il se trouve que nous le sommes, et que nous ne nous contentons pas d'être les porte-voix de l'Association des régions de France.
Le fonds de péréquation des régions représente 250 millions d'euros. Or il faudrait 390 millions pour faire face à la situation actuelle. Pour l'Occitanie, que nous avons évoquée tout à l'heure, il est prévu 18 millions d'euros au titre de la péréquation, alors qu'il faudrait 34 millions. Et vous n'avez pas répondu non plus à la question que nous vous avons posée sur le devenir des aides aux apprentis qui sont versées par les régions. En Occitanie, pour reprendre cet exemple, elles représentent plus de 14 millions d'euros.
Notre deuxième inquiétude, vous l'aurez compris, porte donc sur les modes de financement, et notamment sur le financement au contrat, qui met les CFA en concurrence. Les CFA qui seront les plus touchés sont ceux qui ont des qualifications de niveau IV et V, ceux qui sont situés dans les territoires ruraux, dans des petits bassins d'emploi, et qui ont de faibles effectifs.
Ce sont eux qui seront menacés par les retournements de conjoncture, si le nombre d'apprentis baisse mais que les frais de structure restent les mêmes. Or vous ne nous avez pas répondu de façon satisfaisante à cette question.
Enfin, vous faites un pari qui nous semble insensé. Qu'un certain nombre de régions n'aient pas utilisé l'intégralité des fonds dédiés à l'apprentissage, c'est une réalité. Mais il était possible de changer les choses ! En revanche, confier l'apprentissage à 510 branches, alors que seules une dizaine d'entre elles ont une consistance juridique et matérielle et une représentation territoriale, c'est prendre le risque de saper durablement l'élan de l'apprentissage. Je le dis avec une certaine gravité, parce que nous sommes attachés à cette voie de formation professionnelle.
C'est pour toutes ces raisons que nous demandons la suppression de cet article, qui nous paraît extrêmement dangereux. Convenez néanmoins, madame la ministre, que nous ne vous proposons pas le statu quo. Ce que nous vous proposons, c'est d'être exigeants vis-à-vis des régions.
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l'amendement no 1942 .
La modification de l'article L. 6211-1 du code du travail est caractéristique de l'esprit qui préside au présent projet de loi, lequel introduit, dans son principe même, une confusion grave entre l'apprentissage et la voie professionnelle proprement dite.
L'alinéa 1 de l'article L. 6211-1 précise que l'apprentissage « concourt aux objectifs éducatifs de la nation ». L'apprentissage ne se réduit donc pas à l'insertion professionnelle : s'il participe, sous la direction de son maître d'apprentissage à la vie de l'entreprise, qui constitue l'aspect pratique de son enseignement, l'apprenti suit également une formation théorique auprès d'un centre de stage ou d'un établissement scolaire. En effet, l'acquisition d'un diplôme ou d'une qualification nécessite que la formation pratique soit couplée avec une formation théorique.
La suppression du terme « jeunes » témoigne d'une même volonté de diluer la spécificité de l'apprentissage par rapport à l'insertion professionnelle proprement dite. L'apprentissage complète un temps de formation théorique par une formation pratique, sans s'y substituer.
À terme, cela ne peut que fragiliser le statut et les conditions de travail de l'ensemble des travailleurs, suivant une logique de moins-disant social, délétère pour notre cohésion sociale et nationale. C'est pourquoi nous proposons de supprimer l'article 7 de votre projet de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
La parole est à Mme Catherine Fabre, rapporteure de la commission des affaires sociales, pour donner l'avis de la commission sur ces amendements identiques.
Ces deux amendements tendant à supprimer l'article 7 me donnent l'occasion de rappeler l'esprit de la réforme du contrat de l'apprentissage, telle que définie aux articles 7, 8 et 9.
S'agissant du diagnostic, vous dites que les chiffres de la formation professionnelle sont comparables à ceux de l'Allemagne, mais il me semble que nous ne parlons pas de la même chose. La question n'est pas seulement de savoir combien de jeunes sont dans la voie professionnelle dans notre pays et outre-Rhin, mais de savoir si nous avons assez de jeunes qui recourent à l'alternance. C'est bien la question de l'alternance qui se pose, celle d'une double formation, en entreprise et en établissement. Or, sur ce point-là, le différentiel entre la France et l'Allemagne est très net.
Certains freins ont certes été levés, mais d'autres persistent, qui n'ont pas seulement été pointés par le Gouvernement, par l'étude d'impact ou par cette majorité, mais également par une concertation menée avec l'ensemble des partenaires, ainsi que par différents rapports, émanant notamment de corps d'inspection.
Face à ce constat, qui est partagé, nous proposons donc de simplifier la passation du contrat, les relations contractuelles et la rupture du contrat, dans la droite ligne des propositions qui ont déjà été faites à maintes reprises.
Le rapprochement avec le contrat de professionnalisation n'est pas un problème pour nous, bien au contraire, puisque ces dernières années ont été marquées par une accélération des recrutements des jeunes de seize à vingt-cinq ans, qui sont, je le rappelle, le public cible de l'apprentissage, du fait de ces contrats de professionnalisation. À notre sens, ce n'est pas un hasard. Et, pour toutes ces raisons, je pense que ces articles sont très bons pour le développement de l'apprentissage, pour notre jeunesse, pour notre économie, pour nos entreprises, et je suis évidemment défavorable à ces deux amendements.
La parole est à Mme la ministre du travail, pour donner l'avis du Gouvernement.
J'ai exposé tout à l'heure les raisons et les grandes lignes de cette réforme de l'apprentissage. Je voudrais maintenant, pour répondre aux questions de M. Vallaud et à celles qui m'ont été posées ce matin, entrer davantage dans le détail au sujet du financement des CFA. Nous devons en effet nous assurer ensemble de la faisabilité de cette réforme.
Je rappelle qu'il y a 975 centres de formation d'apprentis en France, et 1 200 lycées professionnels. Les discours que l'on entend sur la disparition de 700 CFA sont sans fondement – mais j'y reviendrai. Aujourd'hui, je rappelle qu'il n'y a pas de règle unique, mais une subvention d'équilibre, qui est un peu de gré à gré. Cela crée des situations assez étonnantes. Les règles de prise en charge sont aujourd'hui très différentes d'une région à l'autre, et c'est l'une des raisons du déficit structurel des CFA.
J'ai pris l'exemple du CAP – certificat d'aptitude professionnelle – cuisinier ce matin, mais je peux vous en donner d'autres. Pour le CAP pâtissier, la subvention peut varier de 2 112 à 8 962 euros, selon les régions ; de 1 942 à 13 738 euros pour le CAP restauration ; de 1 469 à 8 992 pour le CAP boulangerie ; de 2 277 à 8 892 euros pour le CAP coiffure. Je pourrais encore vous citer les chiffres des employés de vente, mais ceux du commerce sont particulièrement parlants : au bac professionnel, la subvention peut varier de 2 559 à 14 684 selon les régions. Elle varie de 2 270 à 15 491 euros pour les maçons et de 3 559 à 14 967 euros pour le management des utilités commerciales en BTS. Et j'ai encore une liste longue comme un jour sans pain.
Qu'est-ce que cela signifie ? Si beaucoup de CFA ont peur, c'est parce que leur subvention est déjà insuffisante pour assurer leur survie.
Demain, les règles de prise en charge seront garanties. À chaque fois qu'un nouveau contrat sera signé entre un jeune et une entreprise, la péréquation générale, quelle que soit la branche, quelle que soit la région, et y compris dans les outre-mer, permettra de financer le CFA. Ce système sera plus juste, parce que les professionnels de chaque métier, au niveau paritaire, vont évaluer le coût de la formation, sur la base d'une objectivation des coûts. En effet, qui, mieux que la fédération des coiffures, sait combien coûte la formation d'un coiffeur ? Les subventions vont aujourd'hui du simple au quadruple : c'est la preuve que personne ne sait le faire à l'heure qu'il est.
Cela se fera sur la base d'un cahier des charges qui sera défini avec les régions et les partenaires sociaux au sein de France Compétences, et qui prendra en compte le coût pédagogique, les coûts de fonctionnement et la matière d'oeuvre, mais aussi le premier équipement de l'apprenti. Aujourd'hui, de nombreuses régions financent le premier équipement de l'apprenti, mais toutes ne le font pas. Or il y a beaucoup de jeunes d'origine modeste pour qui l'apprentissage est aussi un ascenseur social. Et quand on a seize ans et qu'il faut commencer par acheter son équipement, c'est un problème pour les familles. Je suis donc favorable à ce que l'on intègre cette dépense dans le coût du contrat.
Ce dispositif permettra de personnaliser les contrats par métier. Pourquoi ? Parce qu'un bac professionnel « commerce » ou « installation des systèmes énergétiques », ou un bac professionnel « intervention sur le patrimoine bâti » ont un coût différent, même au sein du même CFA. Et c'est normal, parce qu'il y a plus ou moins de matière d'oeuvre. Il faut penser aussi au cas des formations rares, qui ont été évoquées ce matin. On ne peut pas gérer la formation de tailleur de pierre au niveau régional, puisqu'il n'y en a que cinq par an en France. Mais le coût au contrat sera beaucoup élevé pour tous les métiers rares.
En revanche, pour les métiers de proximité, comme la boulangerie et la coiffure, par exemple, qui sont présents partout sur le territoire, on sait que l'on remplira les sections. Tout le monde connaît les métiers pour lesquels il est plus difficile de remplir les sections. Les professionnels le savent. Ce sont donc les professionnels qui vont définir ces coûts, sur la base d'un cahier des charges qui sera commun à toutes les branches, et à l'élaboration duquel les régions participeront. De nombreux CFA vont donc recevoir beaucoup plus.
Ne vous y trompez pas ! Pourquoi les compagnons du devoir, les maisons familiales rurales et l'assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat soutiennent-ils cette réforme ? Parce qu'ils ont bien compris que, dans la majorité des cas, les subventions reçues sont inférieures au coût de la formation. Les CFA auront plus de moyens, ce qui leur permettra de développer l'apprentissage sans limites – ils deviendront des développeurs de l'apprentissage, ce qui ne leur est pas permis aujourd'hui, car les subventions reçues en moyenne sont extrêmement basses et leur permettent à peine de survivre. Je ne voudrais pas que la subvention d'équilibre qu'ils reçoivent à la fin de l'année se transforme en subvention de survie. Au contraire, il faut mettre en place un système qui permette de former davantage de jeunes dans les entreprises.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Cela étant, il y a de nombreuses zones rurales dans lesquelles les CFA fonctionnent très bien – les maisons familiales rurales, les chambres de métiers, les chambres de commerce et les compagnons du devoir sont en zone rurale et ont de belles perspectives de développement.
Mais lorsqu'un bassin d'emploi rencontre des difficultés ou se trouve enclavé, il vaudra mieux conserver une offre de proximité, notamment pour les formations aux niveaux V et IV. La famille d'un jeune de seize ans n'a pas forcément envie qu'il parcoure 100 kilomètres chaque jour ni qu'il se retrouve en internat. D'ailleurs, on ne trouve pas d'internats partout et tout le monde n'est pas prêt à y aller, ce qui se comprend.
Le maillage du territoire est donc important. Le coût au contrat, s'il était un système d'offre et de demande, permettrait de couvrir les besoins. Il s'agit seulement de réguler, d'ajouter quelque chose dans les cas, minoritaires, où le maintien d'un CFA en zone rurale serait jugé essentiel pour le bon développement du territoire.
C'est pourquoi nous avons prévu une dotation de 250 millions d'euros destinée aux régions, ce qui correspond environ à 20 % des places. Une première estimation, pilotée par les régions, chiffrait les besoins à 280 millions d'euros. Nous nous sommes arrêtés à 250 millions, car nous n'avions pas retenu la même méthode de calcul. Le chiffre est ensuite monté à 380 millions. J'invite cependant tous ceux qui répètent ce chiffre en boucle à revoir la méthode d'évaluation, car elle ne tient pas la route.
Je suis pragmatique. Plutôt que de mener un combat idéologique, j'ai proposé aux régions de lancer une mission flash dans laquelle la Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle ainsi que les services régionaux éplucheraient les comptes de tous les CFA, feraient des simulations avec le coût au contrat basé sur la moyenne – soit plutôt de l'ordre de 6 000, 4 000, 8 000 euros que de l'ordre de 2 000, en tout cas dans de nombreuses régions. Nous verrons ensuite. S'il ressort qu'il faut 200 millions d'euros, nous donnerons 200 millions. S'il faut 300 millions, nous donnerons 300 millions. Il ne s'agit pas tant des financements que de dire la vérité et de permettre à tous les CFA de se développer.
Nous avons engagé ce travail dans quatre régions : en Bourgogne Franche-Comté, en Provence-Alpes-Côte d'Azur, en Centre-Val-de-Loire, et bientôt dans le Grand Est. Le travail se poursuivra pour vérifier que tout fonctionne correctement.
Concernant les branches, soyons clairs : on ne transfère pas l'argent des régions aux branches. On le transfère directement au CFA par l'intermédiaire de l'opérateur de compétences. Chaque fois qu'un CFA signe dix contrats supplémentaires, à 6 000 euros chacun par exemple, il touchera 60 000 euros en plus. Cette somme est automatiquement versée par l'opérateur de compétences, qui n'a pas à justifier quoi que ce soit. Dès lors qu'il a des jeunes et des entreprises, il peut se développer. Ce système est très différent de celui qui prévaut aujourd'hui.
Du reste, c'est ainsi que fonctionne le contrat de professionnalisation, qui se développe sans qu'on en parle, pour la bonne raison que c'est simple.
Même si on accélère le regroupement des branches, je suis d'accord qu'on ne peut pas attendre que toutes les branches soient en état de gérer les financements directement, car il en reste encore 650. Nous approcherons les 200 à la fin de l'année. Cela étant, ce n'est pas un problème, puisque ce n'est pas la branche qui reçoit l'argent et qui décide à qui le verser, mais l'opérateur de compétences qui joue le rôle d'intermédiaire auprès de chaque CFA et décide des financements en fonction des contrats.
Le système est extrêmement simple. Tout CFA sait que dès la mise en place de la réforme, il ne sera plus limité dans le nombre des formations qu'il assure, et qu'il pourra recevoir le soutien des régions s'il se trouve dans une zone très enclavée où des difficultés persistent malgré l'augmentation des aides.
Je prends le pari que le nombre de CFA augmentera, car nous autoriserons aussi les collectivités territoriales, les entreprises, les organismes consulaires, les réseaux associatifs à en créer. Surtout, beaucoup plus de jeunes se retrouveront en apprentissage, ce qui est l'objectif de tous.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
J'espère que vous gagnerez votre pari, madame la ministre, mais nous sommes en droit d'émettre des doutes. Vous venez vous-même de reconnaître que les branches n'étaient pas capables d'assumer la régulation du système de l'apprentissage et que la technocratie se chargerait de le faire fonctionner.
Vous n'avez pas répondu à notre question : avec 600 branches dont seulement dix fonctionnent correctement, comment garantir que le système ne s'effondrera pas ?
Par ailleurs, vos services ont engagé il y a un certain temps une réflexion sur le coût par apprenti, qui est différent du coût au contrat. Il s'agissait de s'appuyer sur les régions qui dépensaient l'intégralité de leurs dépenses dédiées à l'apprentissage pour engager un dialogue de gestion. Vous comparez des coûts de formation, mais sans savoir ce qu'ils recouvrent. Quelle est la part des coûts de structure ? Entre des formations assurées au sein d'une chambre de métiers qui ne facture pas l'hébergement et celles assurées dans des locaux construits ex nihilo, les coûts ne sont pas les mêmes ! Vous n'êtes pas très convaincante, madame la ministre.
Nous vous alertons : vous prenez un risque considérable en matière de régulation du système.
Vous n'avez pas davantage répondu à la question concernant les aides versées par les régions aux apprentis – un peu plus de 14 millions d'euros en Occitanie. Que devient cet argent ?
Je profite de ce débat pour saluer nos jeunes apprentis qui trouvent leur voie dans l'apprentissage et vivent pleinement leur passion, tout en découvrant parfois difficilement, à un jeune âge, le monde du travail. C'est pourquoi nous défendons un statut protecteur pour les apprentis, qui sont des jeunes en formation, que les entreprises ne doivent pas prendre pour de la main-d'oeuvre bon marché. Beaucoup d'entreprises, d'ailleurs, en ont conscience et remplissent leur devoir de formation, mais ce n'est hélas pas le cas de toutes, et nous devons aussi le dénoncer.
Vous espérez que les mesures prévues dans ce projet de loi porteront leurs fruits, et que le nombre d'apprentis aura largement augmenté dès l'année prochaine. Je ne comprends pas en quoi ce texte favoriserait un tel essor, mais si c'était le résultat de l'abaissement des droits qui nous est promis, ce serait une bien triste nouvelle.
Nous devons conserver l'apprentissage au sein de la formation initiale. C'est un débat de fond sur le statut même de l'apprentissage. Nous voulons qu'il conserve une dominante éducative. Or, vous souhaitez que les entreprises occupent le premier poste de pilotage. Cela ne correspond pas à notre vision des choses.
Vous avez par ailleurs, madame la ministre, repris une rhétorique que j'ai déjà eu l'occasion de critiquer ici : puisque nous sommes opposés à votre réforme, nous serions en accord avec la situation actuelle, qui est insupportable.
Cet argument n'est pas sérieux.
Vous affirmez qu'1,3 million de jeunes seraient sans emploi ni formation en France. Cette situation nous préoccupe tous, vous le savez, même si nous pouvons nous diviser sur le diagnostic. Par un raccourci assez stupéfiant, vous passez d'une situation où les formations en apprentissage sont insuffisantes au tout apprentissage. Il est impossible de raisonner ainsi !
Nous devons établir un diagnostic au préalable – la lutte contre l'échec scolaire, le décrochage scolaire sont autant de sujets auxquels nous devons nous attaquer en tout premier lieu. Quelle est notre ambition pour l'éducation ? Que faites-vous de l'objectif de 80 % d'une classe d'âge au baccalauréat ? Quel est notre investissement au niveau de l'éducation nationale ? Dans les lycées professionnels ? Dans les dispositifs de remédiation comme les écoles de la seconde chance ? Dans les missions locales, dont l'objectif est d'aider ces jeunes à se construire un avenir professionnel ? Autant de questions qui demeurent sans réponse.
Enfin, en quoi les inégalités que vous avez dénoncées, et qui existent bel et bien, seront-elles résolues par le système libéral que vous proposez ? Je ne suis pas du tout convaincu. Vous affirmez que des CFA auront plus de moyens. Peut-être, mais d'autres auront moins…
… puisque vous allez les mettre en concurrence.
Je redoute que cette réforme s'inscrive à nouveau dans une logique de baisse des coûts. Nous en avons déjà parlé hier s'agissant de la formation professionnelle. Là encore, votre projet conduira à une baisse de l'investissement au détriment de l'apprentissage.
Vous le voyez, les objections sont nombreuses. Je comprends que vous défendiez votre réforme avec enthousiasme, mais vous n'avez pas levé nos doutes.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe NG.
Cher collègue, la ministre n'a jamais dit que l'apprentissage était l'alpha et l'oméga, ni qu'il permettrait d'absorber ce 1,3 million de jeunes.
L'apprentissage est un levier parmi d'autres – l'orientation, abordé à l'article 10, l'accompagnement, l'articulation des politiques régionales dans le domaine de l'orientation. Nous ne suivons pas une seule stratégie, mais plusieurs. Le ministre de l'éducation nationale sera d'ailleurs présent au moment où nous aborderons le sujet de l'orientation.
La réforme des lycées professionnels est aussi engagée. Nous allons utiliser de nombreux leviers. Faites-nous confiance !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Rappels au règlement
Rappel au règlement au titre de l'article 58 alinéa 1. Nos collègues, MM. Vallaud et Dharréville, posent des questions légitimes, mais ce sont nos collègues du groupe La République en marche qui leur répondent ! Nous voulons que le pouvoir exécutif s'engage en nous donnant des réponses claires. Ce serait la moindre des choses ! Nous souhaitons donc que la ministre réponde à nos collègues. C'est cela, le vrai débat parlementaire !
Rappel au règlement au titre de l'article 58 alinéa 1, pour la sérénité de nos débats. M. Hetzel reprend la même antienne qu'hier ou avant-hier. Le débat est serein. Mme la ministre vous a expliqué, un quart d'heure durant, les enjeux de la réforme, débordant d'ailleurs le cadre de l'article 7. Et vous lui reprochez de ne pas répondre ! Quand on ne veut pas entendre, on ne reçoit pas de réponse, en effet !
Mme la ministre a été parfaitement claire. Je ne comprends pas que l'on perde tant de temps.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Votre manoeuvre s'apparente à de l'intimidation, mon cher collègue, et nous ne pouvons pas débattre sereinement dans ces conditions !
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Chers collègues, ce sera un mouvement perpétuel si nous enchaînons rappel au règlement sur rappel au règlement.
Article 7
Cette disposition, qui fait suite à un amendement adopté en commission, permet à un apprenti de réaliser la visite médicale d'embauche auprès d'un médecin de ville.
Sous le prétexte de simplifier les procédures d'embauche dans le domaine de l'apprentissage, vous remettez en cause le rôle de la médecine du travail.
Ce projet de loi allège déjà significativement les obligations des employeurs en la matière – conditions d'embauche, conditions de rupture du contrat. L'enjeu de la santé au travail ne peut être sous-traité à la médecine de ville.
On ouvre ici une brèche dangereuse : il est possible d'imaginer que la prochaine étape concernera les salariés de droit commun. La médecine de ville n'a pas vocation à se substituer à la médecine du travail, qui sera peu à peu détricotée – il sera facile ensuite de prétendre qu'elle ne remplit pas son office. C'est pourquoi nous demandons la suppression de l'alinéa 1 de l'article 7.
La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l'amendement no 1473 .
J'ai rendu plusieurs rapports sur la santé au travail et la médecine du travail au cours des précédentes législatures. Un de mes rapports a même inspiré la réforme de la médecine du travail il y a quelques années.
Cette disposition me surprend ; je pense que les parlementaires qui l'ont adoptée en commission n'en ont pas mesuré toute la portée. Je ferai plusieurs observations. La première est que la médecine du travail est une spécialité médicale : le médecin de ville n'a pas les compétences pour faire de la médecine du travail.
Deuxième observation : les entreprises cotisent pour la médecine du travail. Qui paiera le médecin de ville ? Troisième observation : la question de la traçabilité en matière de médecine du travail a déjà fait l'objet d'amendements dans des textes précédents, et les ordonnances ont été dans le même sens. Cette question se pose avec davantage d'acuité dans la période actuelle, où il est difficile de faire la transition entre le temps de travail et le temps de retrait, si je puis dire, pour connaître la réalité des expositions professionnelles. Madame la ministre, vous avez bien voulu considérer que ces amendements étaient importants et vous les avez même acceptés, bien que les jugeant un peu prématurés.
Et voilà que l'alinéa 1 de l'article 7 autorise les jeunes à se rendre chez leur médecin de ville pour la visite d'information et de prévention, alors qu'ils sont particulièrement vulnérables, puisqu'ils entrent en apprentissage. Or le médecin de ville, qui ne connaît ni la médecine du travail ni l'entreprise, ne peut pas non plus assurer la traçabilité. Je tiens tout de même à vous rappeler que, selon l'article L. 4622-2 du code du travail, les services de santé au travail « conduisent les actions de santé au travail », « conseillent les employeurs, les travailleurs et leurs représentants », « assurent la surveillance de l'état de santé des travailleurs » et « contribuent à la traçabilité des expositions professionnelles ».
Comment est-il possible, dans ces conditions, de demander à la médecine de ville d'assurer la prévention dans le cadre de la visite d'embauche ? C'est aller trop loin. Le risque est important, non pas d'une dérive vers la suppression de la médecine du travail – ce n'est pas dans l'air du temps – , mais, pour ces jeunes apprentis, de passer à côté d'une véritable prévention à leur entrée dans l'entreprise.
Telle est la raison pour laquelle j'ai déposé cet amendement de suppression de l'alinéa 1.
La parole est à M. Adrien Quatennens, pour soutenir l'amendement no 1944 .
C'est la loi du 11 octobre 1946 qui rend obligatoire la médecine du travail dans toutes les entreprises : elle associe à sa gestion les comités d'entreprise tout juste créés. L'ordre des médecins, qui avait traversé la guerre sans encombre, a empêché que les médecins du travail ne se chargent des soins et viennent ainsi concurrencer la médecine libérale. Toutefois, pour le patronat, le mal était fait : les patrons devaient dépenser de l'argent pour avoir à leurs côtés un médecin du travail.
Comme le patronat avait déjà été mis à contribution l'année précédente pour le financement des accidents du travail et des maladies professionnelles avec la création de la Sécurité sociale, il est aisé de comprendre pourquoi les plus décomplexés veulent revenir sur les dispositifs mis en place ces années-là.
Tout en fragilisant la Sécurité sociale, plusieurs gouvernements précédents ont affaibli la médecine du travail. La loi El Khomri, votée en 2016, a fait le plus gros du travail en supprimant toute obligation de visite médicale à l'embauche, ainsi que durant la vie du salarié. La visite d'embauche est remplacée par un entretien d'information avec un professionnel de santé, qui n'est pas nécessairement médecin, alors qu'elle avait pour objet de détecter d'éventuelles incapacités et fragilités avant d'envoyer la personne sur un poste à risque. Les travailleurs de nuit, suivis auparavant tous les six mois, le sont désormais à une fréquence qui varie selon les entreprises, alors même qu'ils sont particulièrement exposés à toutes sortes de pathologies et d'accidents.
L'alinéa 1 contribue à la démolition de la médecine du travail, qui a été entamée avant vous. C'est la raison pour laquelle nous avons présenté cet amendement de suppression de cet alinéa.
Je comprends vos arguments. Cependant, d'autres arguments ont conduit la commission à adopter l'alinéa 1 tel qu'il est rédigé.
Je tiens à rappeler, comme je l'ai déjà fait en commission des affaires sociales, qu'il ne s'agit pas de supprimer la visite médicale préalable à l'embauche des apprentis – il faut absolument la maintenir. J'ai déjà eu l'occasion de rappeler, lors des questions au Gouvernement, que 25 % des postes de médecins du travail sont vacants, faute de candidats et non pas faute de financement. De plus, leur pyramide des âges est inquiétante. C'est la raison pour laquelle Agnès Buzyn et moi-même avons commandé un rapport sur la santé au travail, qui sera bientôt disponible. J'espère que nous pourrons travailler à l'automne sur ce sujet qui me préoccupe beaucoup, parce que nous avons besoin de la médecine du travail et de services de santé au travail. Or notre modèle s'effrite à l'heure actuelle, sans que personne ne le veuille. C'est un fait.
Dans le secteur tertiaire, notamment les métiers du commerce, un grand nombre de médecins du travail déclarent aujourd'hui ne pas être en mesure d'assurer leurs missions en ce qui concerne l'apprentissage, si bien que certains contrats d'apprentissage ne peuvent pas commencer et deviennent caducs.
Cette disposition pragmatique sera, je l'espère, de court terme : elle n'est pas un objectif en soi. Elle vise seulement à ce qu'un apprenti puisse voir un médecin, lequel enverra l'information au service de médecine du travail le plus proche pour que le suivi puisse être assuré dans le cadre des visites régulières de l'entreprise. J'espère que lorsque nous nous pencherons de nouveau sur la médecine du travail, nous trouverons les moyens d'éviter de telles situations. Pour l'heure, c'est un moindre mal : du moins le jeune sera t-il suivi et recevra t-il une information qui sera transmise à l'entreprise et au service de la médecine du travail.
Avis défavorable aux amendements identiques.
Je suis étonnée de ces propos discriminatoires, qui tendent à nous expliquer que les médecins de ville seraient incapables de définir l'état de santé d'un jeune futur apprenti ou d'assurer la traçabilité. Certes, les médecins du travail sont des spécialistes ; certes, ils ont la connaissance des pathologies professionnelles, mais il s'agit là d'une disposition pragmatique, de souplesse, permettant à un jeune d'entrer rapidement dans l'apprentissage. Nous ne statuons pas sur des problématiques tenant à des maladies professionnelles graves provoquées par une pratique de long terme dans un secteur particulier.
Mes chers collègues, j'aimerais bien que tous ceux qui ont fait passer la visite médicale d'embauche à leurs collaborateurs lèvent la main.
Plusieurs députés lèvent la main sur divers bancs.
Je vais également lever la mienne. Soyons raisonnables et pragmatiques.
Oui, c'est obligatoire ! Mais nous savons aussi que les délais sont malheureusement très longs pour accéder à la médecine du travail – nous sommes députés depuis un an.
J'aimerais bien que ceux qui ont un gamin en apprentissage lèvent aussi la main !
Exclamations sur plusieurs bancs.
Il n'est pas inutile de rappeler que tous les médecins, y compris les médecins généralistes, ont validé le module « médecine du travail » dans leur cursus médical. Je partage les propos qui viennent d'être tenus : pour favoriser l'apprentissage, dans le contexte actuel, pour des jeunes qui sortent du cocon familial – il faut le rappeler – , le médecin traitant est souvent le premier interlocuteur à connaître les motivations et l'état de santé du jeune.
Afin de favoriser la prise de contact avec le milieu professionnel, je pense que le médecin généraliste est parfaitement capable d'enclencher la première étape du processus de validation médicale de l'état de santé de l'apprenti. Il faut du reste rappeler que les effectifs des médecins du travail sont souvent déficitaires dans les centres interentreprises de médecine du travail. Les difficultés de recrutement expliquent des délais d'accès à la médecine du travail souvent beaucoup trop longs.
Une hyperspécialisation de la surveillance médicale des futurs apprentis aboutirait à surcharger une filière qui n'est pas en état d'assumer les fonctions que, fort logiquement, nous sommes en droit d'attendre d'une médecine du travail de qualité. C'est pourquoi je ne pense pas qu'il faille adopter ces amendements.
Étant à l'origine de l'alinéa 1, je souhaiterais que nous y revenions. Il prévoit que, lorsqu'aucun médecin du travail « n'est disponible dans les deux mois », alors « la visite d'information et de prévention [… ] peut être réalisée par un professionnel de santé de la médecine de ville ». Des médecins du travail m'ont appelé pour me dire tout le mal qu'ils pensaient de cette disposition qu'ils jugent scandaleuse. Je tiens tout de même à rappeler qu'il y a 5 000 médecins du travail pour 20 millions d'actifs – tous les actifs ne sont pas concernés. Vous rendez-vous compte ? Il ne leur est pas possible de tout assumer.
Pour une fois, je suis d'accord avec M. Quatennens : la loi El Khomri, qu'il a rappelée, confie des missions à des professionnels de santé, comme les infirmiers, qui sont un peu spécialisés. Un médecin ne serait-il donc pas capable de réaliser un entretien médical d'embauche, alors que celui-ci peut être confié à un infirmier ? On marche sur la tête ! Pourquoi mettre en difficulté un apprenti et une entreprise, qui ne serait pas en règle avec le droit du travail, alors que l'alinéa 1 se contente d'offrir une possibilité, dans le cas où le rendez-vous avec le médecin du travail ne peut pas être assuré dans les deux mois ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe LaREM.
L'alinéa 1, qui a été adopté sur la proposition de Gérard Cherpion, est pragmatique – cela a déjà été souligné. Il vise à répondre à une problématique de pénurie de médecins du travail, peut-être aussi à leur permettre de se concentrer sur des enjeux de maintien dans l'emploi ou de suivi d'inaptitude, dont la portée est très importante.
N'en déplaise aux professions médicales qui sont intervenues, le médecin du travail n'est pas là que pour faire passer la visite médicale. Il a également pour mission la prévention dans l'entreprise et la santé des salariés – j'ai déjà évoqué ses quatre missions.
Comment le médecin de ville, qui n'a jamais mis les pieds dans l'entreprise, pourrait-il assurer la mission de prévention, puisque l'alinéa 1 concerne bien la visite de prévention ? Comment saura-t-il si l'apprenti va être au contact de produits dangereux et comment mesurera-t-il le risque ? La question ne porte pas sur la visite médicale, mais bien sur les risques éventuels que courra l'apprenti.
C'est pourquoi je m'insurge. J'ai participé aux différentes avancées sur la santé au travail ; je sais à quoi sert un médecin du travail, puisqu'un de mes amendements a permis de définir la spécificité de ses missions par rapport à celles du médecin de ville. Je comprends l'argument de Mme la ministre, qui nous rappelle la pénurie de médecins du travail. M. Cherpion a raison de souligner qu'il n'y en a que 5 000. Je me permets toutefois de vous rappeler, madame la ministre, que cela fait seize ans que je suis député et seize ans que je soulève ce problème.
Je sais bien que vous n'y êtes pour rien : il n'empêche que cela fait seize ans aussi qu'on me promet une revalorisation et que la situation n'a pas changé. Ou plutôt si : il y a de moins en moins de médecins du travail, comme, du reste, de médecins de ville.
Vous ayant entendue, madame la ministre, j'aurais toutefois tendance à retirer mon amendement, puisque vous avez assuré qu'il ne s'agissait que d'une mesure supplétive, adoptée en attendant que le problème de la pénurie de médecins du travail soit résolu. En revanche, il n'est pas question de cautionner l'idée – que je viens d'entendre – selon laquelle le médecin de ville aurait toutes les compétences en matière médicale, puisqu'il est médecin. Dans ces conditions, il pourrait aussi bien remplacer l'ORL. De telles affirmations me laissent pantois.
Hier, le président d'En Marche, qui essayait de retrouver sa jambe gauche, a prononcé un discours fondateur.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.
Il s'agit du Président de la République.
Il nous a expliqué que lorsqu'il existait un décalage entre les libertés formelles et les libertés réelles, entre les droits formels et les droits réels – comme c'est le cas pour l'accès à la médecine du travail – , il fallait, pour résoudre le problème, supprimer les droits formels.
C'est ce que vous proposez, d'une certaine manière, en affichant votre volonté de priver les apprentis de l'accès à la médecine du travail…
… alors que l'on devrait justement leur garantir un accès prioritaire à cette médecine.
Peu de gosses de riches font de l'apprentissage.
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LaREM, LR et UDI-Agir.
Je veux bien vous sortir des statistiques… De même, j'aimerais savoir si tous ceux qui font l'apologie de l'apprentissage préconisent cette orientation pour leurs mômes.
Mêmes mouvements.
Je suis prêt à examiner les statistiques sociologiques sur ce sujet.
M. Vercamer vient de nous rappeler les compétences spécifiques des médecins du travail. Or les territoires dont nous parlons, où l'accès à la médecine du travail doit être préservé, connaissent déjà des problèmes de démographie médicale s'agissant de la médecine de ville. Dans les territoires les plus reculés, les plus ruraux, éloignés des métropoles, 11 % de nos concitoyens n'ont pas de médecin référent. Vous proposez de supprimer l'accès des mômes qui rentrent en apprentissage à la médecine du travail et de faire appel à des médecins de ville qui n'existent plus sur ces territoires ! Ainsi, vous mettez en oeuvre l'invitation du Président de la République à supprimer les droits formels lorsqu'ils sont en décalage avec les droits réels.
Je remercie M. Vercamer pour son intervention, mais il faut être pragmatique. Le diplôme de médecin est un diplôme universel : on peut être médecin généraliste et exercer l'oto-rhino-laryngologie, la gynécologie ou la médecine du travail.
Je suis membre de la mission d'information relative à la prévention santé en faveur de la jeunesse. Le manque de médecins scolaires pose le même problème. Je le répète, sur la question des droits réels et des droits formels, il faut être pragmatique. Combien d'entre vous ici ont inscrit leurs collaborateurs à la médecine du travail ?
Plusieurs députés lèvent la main sur divers bancs
Beaucoup ont déjà répondu à cette question. Mais combien de collaborateurs ont effectivement passé leur visite médicale dans l'année écoulée ? Beaucoup moins !
Justement, nous demandons que nos collaborateurs soient reçus par le médecin du travail !
Monsieur Isaac-Sibille, vous ne travaillez pas pour un institut de sondage !
On voit bien qu'il n'y a pas de médecin du travail disponible. Mes chers collègues, si nous devions attendre l'accord de la médecine du travail pour embaucher des collaborateurs, il n'y aurait plus beaucoup de collaborateurs à nos côtés dans cette assemblée !
Monsieur Vercamer, vous souhaitez vous exprimer à nouveau sur un amendement que vous allez retirer, me semble-t-il…
Vous avez la parole.
Il restera deux amendements identiques, madame la présidente !
Madame la ministre, je vous ai demandé qui allait payer la visite médicale préalable auprès d'un médecin de ville. Vous ne m'avez pas répondu, et je pense que cela peut poser un problème.
Je vous rappelle que les entreprises n'ayant pas de médecin du travail en interne cotisent à un organisme mutualisateur. Or vous préconisez maintenant de passer par la médecine de ville. L'entreprise prendra-t-elle en charge la visite médicale, étant entendu que les honoraires payés seront déductibles des cotisations de médecine du travail ? Est-ce la Sécurité sociale qui la prendra en charge ? Dans le second cas, il risque d'y avoir un problème d'ordre constitutionnel.
L'amendement no 1473 est retiré.
M. Vercamer a posé une question intéressante mais n'a pas obtenu de réponse !
La parole est à Mme Catherine Fabre, pour soutenir l'amendement no 1386 .
L'amendement no 1386 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Cet amendement s'inspire de la proposition de loi visant à développer l'apprentissage comme voie de réussite déposée au Sénat en 2016 par Mme Lamure. Il s'agit d'insuffler un nouvel état d'esprit en faveur du développement de l'apprentissage en France.
Cet amendement vise à mettre en place une voie de formation initiale valorisée, organisée plus librement par les entreprises qui le souhaitent et sanctionnée par des diplômes en adéquation avec les besoins des jeunes et des entreprises. Il élargit donc les objectifs de l'apprentissage définis par le code du travail et le code de l'éducation.
L'apprentissage est une voie de formation qui concourt à la réalisation des objectifs tant éducatifs qu'économiques de la nation. Il doit permettre de lutter contre le chômage des jeunes, de développer des compétences et de maintenir des métiers. En outre, le code du travail précise désormais que la voie de l'apprentissage vise l'insertion professionnelle des jeunes travailleurs et leur capacité à occuper un emploi au regard de l'évolution des métiers, des technologies et des organisations.
Défavorable, car les articles du code du travail que M. Minot propose de modifier font écho au droit à l'instruction. Mettre les objectifs économiques sur le même plan que ce droit reviendrait à banaliser, voire à neutraliser le lien très fort entre l'apprentissage et le droit à l'éducation.
L'amendement no 1028 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Nous en venons à l'amendement no 951 , sur lequel je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir l'amendement.
Cet amendement vise à supprimer les alinéas 4 et 5, qui nous semblent marquer un renversement sans précédent dans les objectifs de l'apprentissage.
Permettez-moi de prendre un exemple vécu sur mon territoire. Nous nous sommes battus dans deux lycées professionnels pour faire émerger deux formations en lien avec les besoins des bassins d'emploi – nous ne sommes pas complètement déconnectés de la réalité ! La première formation était un BTS dans l'industrie mécanique, en lien avec une grappe d'entreprises, Dieppe Méca Énergies ; la seconde était un BTS dans le domaine du nettoyage industriel, lié aux besoins importants d'un territoire où 23 % du PIB provient du secteur industriel. Cette réflexion était menée avec les lycées et l'ensemble de la communauté éducative, car la mise en place de ces BTS impliquait un renoncement à la formation initiale.
Dans les deux cas, les branches professionnelles – l'Union des industries et métiers de la métallurgie d'un côté, la branche du nettoyage industriel de l'autre – ont voulu piquer ces formations pour les insérer dans leur centre de formation de branche – l'un au Havre, l'autre à Rouen. Or les projets que nous portions étaient basés à Dieppe, une ville moyenne au nord du département, dans un territoire où les besoins de formation sont extrêmement importants.
Si je vous cite cet exemple, c'est parce que votre projet va entraîner un déménagement des centres d'apprentissage, qui vont quitter les villes moyennes et les zones rurales. L'explication que vous avez donnée tout à l'heure sur la péréquation des modalités de financement et des coûts des contrats le confirme. Or, pour des mômes qui ne sont pas nés avec une cuillère en argent dans la bouche, la nécessité de quitter leur territoire va poser de vrais problèmes en termes de mobilité et de transport. La mutualisation va conduire les branches à concentrer les formations dans les pôles déjà importants.
C'est une malformation congénitale que je voulais dénoncer à la faveur de cet amendement.
Défavorable. Comme je viens de le préciser, nous tenons au lien entre apprentissage et éducation. Dans le code du travail, l'expression « jeunes travailleurs » est plutôt utilisée pour les mineurs.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 79 |
Nombre de suffrages exprimés | 79 |
Majorité absolue | 40 |
Pour l'adoption | 13 |
contre | 66 |
L'amendement no 951 n'est pas adopté.
Au fur et à mesure que nous discutons de ce texte, nous nous rendons compte que cette réforme posera un problème de financement. Nous aborderons ce sujet un peu plus tard, mais il suscite d'ores et déjà des tensions entre deux ministères de la rue de Grenelle.
Nous voyons bien la difficulté sur la fraction « hors quota » de la taxe d'apprentissage. Mais nous y reviendrons.
L'amendement no 504 est très clair : il vise à compléter l'alinéa 7 par les mots : « son financement étant de droit ». Pour le moment, en effet, la réforme de l'apprentissage prévue par le Gouvernement n'est pas financée. Il y a donc une volonté de siphonner le « hors quota » pour assurer ce financement, mais cela poserait d'autres problèmes, notamment pour les écoles de la seconde chance et les écoles de production. Ainsi, faisons déjà le minimum en garantissant le financement de droit de l'apprentissage. Ce principe mérite d'être inscrit dans la loi.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Cet amendement est redondant avec les dispositions de l'article 17 et, plus encore, de l'article 19, qui posent clairement ce principe de financement obligatoire du contrat. Avis défavorable.
Pardonnez-moi, madame la rapporteure, mais votre argument serait valable si l'article 17 avait déjà été adopté. Pour le moment, il ne l'est pas : il faut donc sécuriser les choses. À mon sens, il est nécessaire de garantir ce principe dès l'article 7 car, encore une fois, l'adoption de l'article 17 n'est qu'hypothétique. Le débat montrera que rien n'est joué. D'ailleurs, au sein même du groupe majoritaire, il y a deux écoles en présence. Il sera très intéressant d'observer cela.
L'amendement no 504 n'est pas adopté.
Cet amendement vise à reconnaître le rôle essentiel que jouent les chambres consulaires dans l'apprentissage grâce à leur ancrage sur le territoire, au maillage territorial qu'elles assurent, à leur représentation de l'ensemble des métiers et à leur connaissance des entreprises. Aussi cet amendement énumère-t-il clairement les différentes missions exercées par les chambres consulaires. Ces missions justifient le maintien d'une compétence d'organisation générale en matière d'apprentissage, complémentaire avec le recentrage des activités des centres de formation des apprentis sur leur mission pédagogique.
La parole est à M. Christophe Naegelen, pour soutenir l'amendement no 1624 .
Madame la ministre, permettez-moi de revenir très rapidement sur les propos que vous avez tenus vers treize heures, à la fin de la séance de ce matin. Vous avez parlé des personnes concernées par cette réforme – c'est extrêmement important – , et vous avez cité les conseils régionaux et les branches. Mais il ne faut pas oublier que les principales personnes concernées sont les alternants, …
… les entreprises et les salariés désireux de se former. Aujourd'hui, les entreprises veulent tout d'abord pouvoir former des jeunes et les embaucher à l'issue de cette période de formation. Les salariés veulent progresser grâce à des formations. Quant aux alternants, ils veulent pouvoir apprendre un travail en étant mieux rémunérés. Ainsi, pour les entreprises, la structure qui prend les décisions n'a aucune importance ; ce qu'elles veulent, c'est que cela marche ! Le plus important, dans cette réforme, n'est pas de répartir les compétences, mais de tout faire pour que cela marche.
Cela m'amène à l'amendement déposé par Mme Firmin Le Bodo, qui reprend exactement ce que disait tout à l'heure M. Bony : les chambres consulaires sont l'organe qui représente les entreprises et le monde du travail tout en étant présent sur le territoire. Ce sont donc elles qui ont les meilleures compétences pour être une force de proposition et avoir un impact en matière de formation professionnelle. Il faut donc les inclure et étendre au maximum leur champ de compétences, car elles sont un atout pour nos territoires et pour la formation professionnelle.
Nous avons adopté en commission, à l'initiative du Gouvernement, une définition des missions des chambres consulaires dont la rédaction est un peu différente, mais qui présente néanmoins peu de différences sur le fond. En substance, donc, ces amendements sont satisfaits par cette rédaction, qui me semble préférable car plus précise. Je vous propose donc de les retirer. À défaut, avis défavorable.
La parole est à M. Jean-Yves Bony, pour soutenir l'amendement no 1183 , qui est en discussion commune avec les deux précédents.
Cet amendement de notre excellente présidente, Mme Genevard, relève du même esprit que celui que j'ai défendu précédemment et invite à s'appuyer sur l'expertise et les connaissances des chambres consulaires pour sécuriser les relations entre l'employeur et l'apprenti. Du fait de leur neutralité et de leur légitimité, ces chambres doivent être davantage associées à la gouvernance de l'apprentissage.
En réponse à M. Bony, qui a dit que les apprentis souhaitaient trouver un travail, je tiens à revenir sur le sens de l'apprentissage : il ne s'agit pas de trouver un travail, mais de préparer une formation théorique et pratique.
Exclamations sur les bancs du groupe UDI-Agir.
Il me semble qu'on dévie beaucoup à ce propos, mais ce n'est pas du tout la même chose : l'apprentissage vise à préparer une formation, un diplôme et un titre…
L'amendement no 1183 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Catherine Fabre, rapporteure, pour soutenir l'amendement no 1389 .
Madame la présidente, je demandais la parole sur l'amendement précédent, mais vous ne m'avez pas vu.
Si, je vous ai vu, mais le vote était engagé.
Si vous voulez prendre la parole, prenez-la maintenant.
Madame Rubin, bien que j'aie la plus grande estime pour notre collègue Bony, je suppose que vous faites référence aux propos que j'ai tenus tout à l'heure. Or, qu'on le veuille ou non, un contrat d'apprentissage est un contrat de travail.
L'apprenti, le jeune qui se forme, relève d'un contrat de travail. Ce n'est pas plus compliqué que cela.
Chers collègues, je rappelle les règles : il convient de s'exprimer si possible sur l'amendement – et non pour répondre aux collègues, mais pour apporter une contribution au débat.
L'amendement no 1389 est adopté.
La parole est à Mme Catherine Fabre, rapporteure, pour soutenir l'amendement no 1390 .
L'amendement no 1390 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Jean François Mbaye, pour soutenir l'amendement no 1556 .
Ce matin, nous avons longuement insisté sur l'expertise que possèdent les chambres consulaires dans le domaine de l'apprentissage et j'ai noté quelques paroles prononcées à cet égard.
Sur l'article 7 que nous examinons, je propose un amendement qui, je l'espère, fera consensus. Il permet de conserver la fluidité que vous recherchez dans cet article et de remettre les chambres consulaires, avec France Compétences et les opérateurs de compétences, au coeur de l'action que nous voulons mener.
Il est vrai qu'en droit positif, les contrats d'apprentissage doivent faire l'objet d'un enregistrement auprès d'une chambre consulaire. Cette procédure a pour fonction de vérifier la conformité desdits contrats et conduit, le cas échéant, à faire obstacle à leur exécution. L'article 7 prévoit deux modifications : d'une part, il substitue à cette procédure un dépôt simple et, d'autre part, il permet d'effectuer ce dépôt auprès des opérateurs de compétences.
Cet amendement – qui n'a pas pour objet, je le répète, de remettre en cause les avancées proposées par l'article 7, mais bien de faciliter la coopération ponctuelle entre les chambres consulaires et les opérateurs de compétences – tend à maintenir un dépôt simple du contrat d'apprentissage auprès des chambres consulaires, parallèlement à celui qui est effectué auprès des opérateurs de compétences. Ce dépôt permettra aux chambres, lorsqu'elles l'estiment nécessaire, d'intervenir auprès des opérateurs de compétences. Cet amendement ne me semble pas déséquilibrer le texte.
L'alinéa 11 de l'article prévoit déjà que les chambres consulaires peuvent être chargées par les opérateurs de compétences de participer à la mission de dépôt. Je propose donc le retrait de l'amendement. À défaut, avis défavorable.
Pas forcément, cher collègue ! Ici, la parole est assez libre et nous avons le droit, après une réponse de la rapporteure et de la ministre, d'expliquer pourquoi on maintient un amendement ou pourquoi on le retire.
En l'occurrence, madame la rapporteure, je vous ai entendue. Nous avons évoqué ces interventions ponctuelles durant les débats en commission, et je vous propose simplement une combinaison des deux propositions – car cela concerne également l'alinéa 20 – , qui permet de concilier une certaine souplesse et une certaine efficacité. C'est le seul objet de cet amendement : au lieu de nous contenter de considérer que le droit actuel permet déjà de le faire, la rédaction proposée consiste simplement à insérer le mot : « coopérer », afin que les chambres consulaires puissent être saisies ou se saisir ponctuellement, lorsqu'elles l'estiment nécessaire. Pour ces raisons, je maintiens mon amendement.
L'amendement no 1556 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Anne-France Brunet, pour soutenir l'amendement no 1793 .
Le projet de loi supprime l'enregistrement des contrats d'apprentissage, mission principale des chambres consulaires, qui permettait le contrôle a priori du contrat d'apprentissage.
Cet amendement tend à mettre en place un accompagnement dans les démarches de constitution d'un contrat d'apprentissage pour les entreprises de moins de onze salariés et les jeunes inscrits dans une formation permettant de préparer un diplôme ou un titre à finalité professionnelle équivalent, au plus, au baccalauréat. Les jeunes et les très petites entreprises ont en effet besoin de cet accompagnement pour s'engager pleinement dans l'apprentissage.
Je propose le retrait de cet amendement. À défaut, avis défavorable.
L'amendement no 1793 est retiré.
Cet amendement vise à permettre aux groupements d'employeurs pour l'insertion et la qualification – GEIQ – de conclure un contrat avec un apprenti, comme c'est déjà le cas aujourd'hui, mais en permettant en outre que cet apprenti puisse avoir plusieurs lieux de stage au sein d'un tel groupement. Dans le secteur de la propreté, par exemple, l'apprenti pourrait ainsi intervenir dans une usine, auprès d'une collectivité et dans une crèche, qui ont des procédures et des normes d'hygiène différentes, ce qui pourrait lui permettre d'acquérir une plus grande polyvalence et de s'adapter à ces différents postes de travail.
L'amendement tend donc à permettre que les GEIQ, qui sont au nombre de 180 en France et jouent un rôle très important en tant que véritables professionnels de l'accompagnement, interviennent en tant que tuteurs et proposent à l'apprenti plusieurs lieux de stage en relation avec sa formation.
La parole est à Mme Catherine Fabre, rapporteure, pour donner l'avis de la commission sur cet amendement et soutenir le sous-amendement no 2214 .
Le sous-amendement limite à deux le nombre des entreprises utilisatrices lorsque le GEIQ recourt, comme vous le proposez, à un apprenti. Sous réserve de cette précision, l'amendement me semble judicieux, car il permettra d'assouplir l'apprentissage au sein d'un groupement d'employeurs pour l'insertion et la qualification, en autorisant l'apprenti à effectuer son stage chez deux employeurs. Cette mesure me semble intéressante. L'amendement est donc accepté par la commission, sous réserve de l'adoption du sous-amendement.
Avis favorable sur le sous-amendement. S'il est adopté, avis favorable sur l'amendement. Sinon, avis défavorable sur l'amendement.
Une simple question : cet amendement relatif aux GEIQ est intéressant, mais pourquoi limiter à deux le nombre d'entreprises ? Dans les territoires ruraux, les GEIQ travaillent souvent avec des agriculteurs ou d'autres structures et ont besoin de contrats couvrant plus de deux entreprises. Cette limitation n'est pas intéressante, et il me semble qu'il faut dépasser ce chiffre de deux pour que l'amendement trouve son sens.
Sur l'amendement no 1737 , je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Gérard Cherpion.
Tout ce qui favorise l'apprentissage est bon : en ce sens, cet amendement est donc bon. Cependant, la possibilité qu'il propose est déjà inscrite dans la loi de juillet 2011 et il est donc superfétatoire.
En outre, cette même loi prévoit la possibilité d'effectuer le stage dans plusieurs entreprises, sans en limiter le nombre à deux. L'apprenti peut en effet avoir plusieurs employeurs pendant la période de l'apprentissage, sachant qu'il ne peut pas s'agir de périodes de quinze jours et que ce stage est régi par un contrat. Toujours est-il que la disposition figure déjà dans la loi.
Le sous-amendement no 2214 est adopté.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 82 |
Nombre de suffrages exprimés | 78 |
Majorité absolue | 40 |
Pour l'adoption | 56 |
contre | 22 |
L'amendement no 1737 , sous-amendé, est adopté.
Notre groupe a voté contre cet amendement, qui représente en réalité un retour en arrière, car il limite à deux le nombre d'employeurs possibles. De fait, si l'idée d'ouvrir l'apprentissage à plusieurs employeurs est bonne, celle d'en limiter le nombre à deux est une erreur. C'est la raison pour laquelle nous avons voté contre. Nous n'avons, du reste, pas été le seul groupe à le faire et je crois pouvoir dire que le groupe de M. Vercamer partage notre point de vue.
Ce projet de loi prévoit la suppression de la procédure d'enregistrement des contrats d'apprentissage au profit d'une simple procédure de dépôt. Avec Martial Saddier, nous pensons que cette volonté de simplification du système d'apprentissage, que nous ne refusons pas forcément, ne doit pas se faire au détriment de la sécurisation des apprentis et des entreprises, notamment des plus petites d'entre elles.
C'est pourquoi le présent amendement propose de renforcer la procédure du dépôt par un dépôt suspensif permettant de ne pas engager les jeunes et les entreprises dans un contrat qui ne serait pas juridiquement correct. Ce qualificatif de « suspensif » permet de mettre un terme provisoire au contrat s'il est invalide juridiquement.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement no 1544 .
Cet amendement, proposé par notre collègue Gabriel Serville, a pour objet d'introduire le caractère suspensif décrit par Gilles Lurton.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
J'y suis défavorable, puisque c'est l'une des mesures importantes de l'article 7. Tout d'abord, c'est assez lourd : cela concerne 280 000 contrats chaque année. Ensuite, c'était l'une des préconisations du rapport Brunet : les chambres consulaires ou les services préfectoraux apportant plus de valeur ajoutée dans d'autres domaines, il est dommage de les concentrer sur ces missions-là. J'ajoute que le contrat de professionnalisation fonctionne sur ce modèle et ne pose pas de souci. Pour toutes ces raisons, avis défavorable.
Aujourd'hui, c'est long et cher pour les entreprises. Nous allons donc faire quelque chose de très simple : les opérateurs de compétences, comme ils le font pour les contrats de professionnalisation, vérifieront la validité sur la base d'un simple dépôt. C'est beaucoup plus léger qu'un enregistrement et cela permet bien de garantir les conditions de validité que vous évoquiez. Avis défavorable.
La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l'amendement no 2190 .
L'amendement no 2190 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Sur l'article 7, je suis saisie par le groupe Nouvelle Gauche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je mets aux voix l'article 7.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 86 |
Nombre de suffrages exprimés | 72 |
Majorité absolue | 37 |
Pour l'adoption | 61 |
contre | 11 |
L'article 7, amendé, est adopté.
La parole est à Mme Graziella Melchior, première oratrice inscrite sur l'article 8.
Le présent projet de loi cherche à donner une visibilité à l'apprentissage pour que plus de jeunes empruntent cette voie à la réussite reconnue. Il a pour objectif d'attirer plus de jeunes vers l'apprentissage en informant mieux, en orientant mieux, en communiquant mieux. Mais à quoi serviront ces efforts si, en face, les jeunes ne trouvent pas d'entreprises d'accueil ? Les concertations préalables ont permis aux employeurs d'exprimer leurs réticences et les freins qui les retiennent. Beaucoup de leurs raisons tiennent au contrat d'apprentissage, trop spécifique à leurs yeux. L'article 8 répond à leurs principales objections.
Certains nous ont dit : « Je voudrais ne pas avoir à attendre septembre pour embaucher. » L'article 8 permet au jeune d'entrer en apprentissage tout au long de l'année, pour une durée de six mois à un an. L'employeur ne perd pas de temps, le jeune non plus.
D'autres employeurs ont renchéri : « Le contrat est trop contraignant par rapport aux horaires de mon activité. » L'article 8 assouplit les règles et admet des dérogations journalières pour certains secteurs comme le BTP et l'hôtellerie-restauration. Mais pour l'apprenti, ces exceptions, limitées à deux heures par jour, seront contrebalancées par la rémunération des heures supplémentaires et des repos compensateurs.
L'article 8 conduit à un rapport plus équilibré entre employeur et apprenti : l'un ne va pas sans l'autre. Les conditions de réussite dépendent donc autant d'une certaine flexibilité du contrat que de la protection du jeune, et c'est bien la qualification et l'insertion de ce jeune que nous visons.
L'article 8 entérine aussi le report de la limite supérieure d'âge d'entrée en apprentissage, donnant la possibilité aux personnes jusqu'à 29 ans révolus d'acquérir une formation diplômante, notamment dans le cadre d'une reconversion professionnelle. Cela peut être vu comme une première étape vers le rapprochement du contrat d'apprentissage et de celui de professionnalisation et donc, à terme, une simplification.
J'ajouterai un mot sur l'article 9 : celui-ci inscrit le modèle de rupture du contrat dans le cadre du droit commun. La simplification apportée, sans recours aux prud'hommes, accélère les procédures tout en conservant à l'apprenti l'ensemble de ses droits.
À l'heure où 1,3 million de jeunes sont sans emploi ni formation dans notre pays, le présent article 8 entend favoriser le développement de l'apprentissage, qui permet à sept apprentis sur dix de trouver un emploi dans les sept mois suivant leur formation. L'apprentissage doit en effet être développé, car il ne concerne que 7 % des jeunes, contre 15 % chez nos voisins européens dont le taux de chômage est bas. À ce titre, il est nécessaire d'allonger, comme le propose cet article, l'âge d'entrée dans l'apprentissage, qui passe de 25 à 29 ans.
Je salue l'esprit de ce texte et tiens à évoquer à cette occasion deux propositions, désormais du ressort gouvernemental car les fourches caudines de l'article 40 ont empêché mes amendements de parvenir jusqu'à ce stade du débat. La première proposition consiste à intégrer à la prorogation légale de la durée des contrats d'apprentissage les personnes qui, bien que dépassant l'âge de 29 ans, sortent d'une relation contractuelle avec le ministère des armées. Cela permettrait de favoriser la reconversion des militaires.
La seconde proposition, qui remonte du terrain, consiste à autoriser une prolongation de trois à cinq ans des contrats d'apprentissage pour certaines formations spécialisées, qui nécessitent un perfectionnement ou l'acquisition de connaissances complémentaires au-delà des trois années d'apprentissage de base. Je pense notamment à la filière carrosserie – 2 500 entreprises, 1,5 milliard d'euros de chiffre d'affaires et 35 % du marché de la réparation en France – , où plusieurs milliers de postes restent à pourvoir chaque année. C'est pourquoi je vous proposerai, à l'article 10, deux amendements de bon sens pour intégrer les listes des métiers en tension au mécanisme d'orientation des jeunes, qu'ils soient dans le système scolaire ou en dehors, pour leur permettre d'accéder à une formation et à un vrai métier qui les fasse vivre.
Je souhaite montrer à quel point cet article 8 est l'illustration même d'une observation de terrain. Il est avant tout extrêmement pragmatique et introduit beaucoup de souplesse. Tout d'abord, afin de tenir compte des réorientations parfois tardives ou tout simplement des aléas de la vie, il est proposé d'ouvrir l'apprentissage à tous les jeunes de 16 à 29 ans révolus, contre 25 ans actuellement. Nous prenons ainsi enfin en compte les souhaits de celles et ceux ayant rencontré des difficultés dans l'enseignement supérieur ou qui, n'ayant pas forcément trouvé leur voie de façon immédiate, souhaitent rejoindre cette voie d'excellence que représente l'apprentissage.
Une deuxième raison de se réjouir de cet article tient à son caractère pragmatique. Démarrer un contrat d'apprentissage à tout moment de l'année, sans tenir compte de ces fameux rythmes scolaires totalement rigides, est une démarche de bon sens, qui permettra à nos jeunes de ne plus devoir attendre la fin de l'année scolaire pour intégrer un CFA ou être actif au sein même d'une entreprise. Comment pouvait-on accepter qu'un jeune reste sans formation pendant plusieurs mois ?
Enfin, cet article prend en compte les expériences passées des apprentis en modulant la durée du contrat de six mois à trois ans. J'aimerais aussi rappeler qu'en commission, nous avons adopté plusieurs amendements venant de l'opposition. L'un d'eux introduit une expérimentation afin de valoriser la mobilité géographique des apprentis vivant dans des territoires proches des outre-mer. Un autre facilite la validation des acquis de l'expérience pour les maîtres d'apprentissage. Je ne doute pas une seule seconde que cet article 8 obtiendra l'aval de tous les groupes politiques, et je m'en réjouis par avance.
Cet article est essentiel pour développer le contrat d'apprentissage. Il permet d'apporter des réponses aux obstacles et aux difficultés rencontrées par nos jeunes sur le terrain : lourdeurs administratives, réglementation incohérente, carcan organisationnel sont autant de problèmes auxquels cet article apporte des solutions. Nous proposons ainsi d'ouvrir l'accès à la voie de l'apprentissage jusqu'à 29 ans révolus, précisément pour répondre aux orientations tardives ou aux réorientations, ce qui favorisera aussi le développement de l'apprentissage dans le supérieur.
Pour remédier aux rigidités absurdes qui freinent les apprentis dans leur apprentissage et le développement même de celui-ci, nous assouplissons certaines règles lorsque cela est pertinent : terminé, l'apprenti qui attend dans le camion du chantier que les ouvriers aient terminé leur travail pour le ramener, parce qu'en tant qu'apprenti il doit s'arrêter avant eux. Terminé, l'apprenti boulanger qui ne peut pas apprendre à faire le pain car il n'a pas le droit d'être là à l'heure où cela se passe.
Avec cette disposition, nous ouvrons la possibilité à tous les jeunes de s'intégrer totalement dans leur entreprise et leur secteur d'activité. Avec cet article, nous répondrons aussi aux attentes de bon nombre d'entreprises, qui finissaient par renoncer à recourir à l'apprentissage à cause de ces incongruités.
Toujours dans une logique de pragmatisme, nous proposons aussi de mettre en place la modularité de la durée de la formation. Terminé, l'étudiant obligé de suivre à nouveau des enseignements dont il maîtrise déjà les acquis élémentaires.
Enfin, parce que former et encadrer n'est pas inné, et pour assurer la qualité de la formation, nous valorisons le statut et le niveau de qualification du maître d'apprentissage. Ainsi, pour ceux qui en doutaient encore, cet article est la preuve que libérer, c'est aussi protéger.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
L'article 8 vise à rapprocher le contrat d'apprentissage du droit commun tout en respectant ses spécificités. Cet article propose de réelles avancées, qu'ont rappelées les orateurs et oratrices précédents. Je voudrais pour ma part insister sur la mesure qui ouvre désormais l'apprentissage à tous les jeunes de seize à vingt-neuf ans révolus, contre vingt-cinq ans aujourd'hui.
Cette disposition est bienvenue, mais n'aurait-on pas pu, et dû, aller un peu plus loin ? Ne peut-on pas imaginer supprimer tout simplement cette limite d'âge, au moins pour certaines catégories, telles que les chômeurs, les bénéficiaires du RSA, les personnels des armées ou pour certaines filières, comme la carrosserie ?
Nous disposerions ainsi, dans la bataille pour l'emploi, d'un dispositif très large qui permettrait d'être en phase avec les besoins d'un marché du travail en constante évolution. La moitié des emplois de demain ne sont pas encore connus. On aura donc besoin de se former à tout âge.
Nous offririons ainsi une possibilité de retour dans l'emploi au travers d'un processus réellement professionnalisant : deux tiers des personnes passées par l'apprentissage disposent d'un emploi durable. Les chiffres le prouvent : l'apprentissage, cela marche.
De plus des dérogations existent déjà au bénéfice de certaines catégories de personnes, telles que les sportifs de haut niveau, les personnes handicapées ou les futurs entrepreneurs.
Quel signal cela serait pour les jeunes qui s'inquiètent au point d'accumuler les formations initiales, retardant ainsi leur entrée sur le marché du travail par peur de ne pas être suffisamment qualifiés pour les emplois du futur ! Quel espoir pour les bénéficiaires du RSA, auxquels cette dérogation ouvrirait la perspective de sortir par le haut de leur situation, et ce à tout moment de leur vie !
Avantage pour l'entreprise, avantage pour les bénéficiaires du RSA, les chômeurs, mais aussi pour les CFA auxquels on assurerait l'arrivée de nouveaux apprentis, augmentant ainsi leur taux d'occupation – on sait que certains CFA n'accueillent pas autant d'apprentis qu'ils le pourraient.
Plusieurs amendements proposant une expérimentation de ces dérogations ont été déclarés irrecevables, mais je voulais, à l'occasion de cet article, vous soumettre cette idée ambitieuse, qui pourrait donner d'excellents résultats.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
L'article 8 est censé simplifier les conditions d'exécution du contrat d'apprentissage, notamment les conditions d'âge de l'apprenti.
La région Occitanie expérimente actuellement le recul de l'âge limite d'entrée en apprentissage à trente ans, mais l'apprenti est alors rémunéré en fonction de son âge et de son année de contrat.
Cette distinction paraît datée, pour ne pas dire obsolète : pourquoi un jeune de dix-huit à vingt ans en première année d'apprentissage devrait-il toucher 180 euros de moins qu'un jeune de vingt et un ans en première année lui aussi ? Il semble donc important de revenir sur ce critère de l'âge et de proposer une rémunération adaptée au niveau profil des apprentis en se fondant sur le seul critère du niveau de diplôme préparé, et ce quel que soit l'âge de l'apprenti. Voilà qui serait une véritable simplification, outre que cela éviterait tout risque de contentieux fondé sur les conditions de rémunération des apprentis.
Par ailleurs – et ce n'est pas la moindre des objections qu'on peut opposer à ce critère – l'âge peut constituer un frein à l'embauche d'un apprenti, notamment au sein des TPE ou des PME, puisqu'on doit payer plus un apprenti plus âgé. C'est non seulement tout à fait regrettable mais même discriminatoire.
Le contrat d'apprentissage est un contrat de travail conclu entre un employeur et un salarié. Son objectif est de permettre à un jeune de suivre une formation générale, technologique et pratique en vue d'acquérir une qualification professionnelle sanctionnée par un diplôme de l'enseignement professionnel ou technologique, un titre d'ingénieur ou un titre répertorié.
Après sept années de baisse, le nombre de contrats de ce type s'est stabilisé à partir de 2016 où 288 700 nouveaux contrats d'apprentissage ont été signés, 275 300 dans le secteur privé et 13 400 dans le secteur public. Cela représente une hausse de 1,9 % par rapport à 2015, 1,2 % dans le privé et 19,4 % dans le public.
L'apprentissage est donc un moyen de se former professionnellement pour une part importante de notre jeunesse. Voilà pourquoi les efforts de simplification entrepris par le Gouvernement sont positifs. L'article 8 ouvre le contrat d'apprentissage aux jeunes de seize à vingt-neuf ans afin de faciliter son développement dans l'enseignement supérieur et les réorientations tardives.
Cet article tend à rapprocher le contrat d'apprentissage du droit commun, notamment par l'autorisation de travailler jusqu'à 40 heures par semaine contre 35 heures, et l'assouplissement des conditions d'emploi des mineurs selon les branches professionnelles. Demain, il sera possible de commencer son apprentissage à tout moment de l'année et la durée du contrat d'apprentissage pourra aller de six mois à trois ans.
Enfin les conditions à satisfaire pour devenir maître d'apprentissage sont simplifiées.
Je salue cette simplification générale, mais prenons garde à ne pas trop démunir nos jeunes. La flexibilité doit conserver de saines limites et un encadrement juridique : les garde-fous demeurent essentiels car, comme l'observait Lacordaire au XIXesiècle, « entre le maître et le serviteur – aujourd'hui, nous dirions entre le patron et son employé – c'est la liberté – c'est-à-dire le contrat – qui opprime et la loi qui affranchit ».
Avec cet article 8, nous abordons l'examen des conditions dans lesquelles les apprentis peuvent être employés, notamment les conditions d'âge. Vous voulez reculer l'âge limite ouvrant la possibilité d'entrer en apprentissage. J'y suis pour ma part très favorable et j'aurais même été favorable à la possibilité d'entrer en apprentissage durant toute sa vie active, comme je vous l'ai dit en commission. Je considère en effet qu'il s'agit d'un très bon moyen de se former et je ne vois pas pourquoi on empêcherait un travailleur qui se trouve sans emploi à quarante-cinq ou cinquante ans d'acquérir par ce biais la formation qui lui convient. Vous avez choisi de reculer l'âge limite à vingt-neuf ans, ce qui est déjà un progrès.
Cet article tend également à modifier la durée légale de travail des futurs apprentis. Il est vrai qu'elle est actuellement une contrainte pour les entreprises, et c'est pourquoi j'approuve cette modification, qui était attendue depuis longtemps et que j'avais proposée dans le rapport que j'avais consacré à l'apprentissage dans le cadre d'une mission budgétaire au cours de la précédente législature.
Il est, madame la ministre, un problème sur lequel j'étais beaucoup intervenu durant la législature précédente, auprès de M. Vidalies, puis de Mme El Khomri, qui m'avait promis qu'elle publierait avant la fin du quinquennat un décret assouplissant les conditions dans lesquelles les apprentis marins sont autorisés à embarquer et à travailler à bord des bateaux. Je sais que l'élaboration de ce décret a pris beaucoup de temps au cours du quinquennat précédent, les procédures interministérielles et de consultation du Conseil d'État étant toujours extrêmement longues, mais je crois que vous avez bien avancé sur ce sujet et j'aimerais savoir où nous en sommes aujourd'hui.
J'aimerais, de façon assez inhabituelle j'en conviens, vous adresser une question, madame la présidente, à l'occasion de l'examen de cet article 8 qui donne à tous les jeunes la possibilité de recourir à l'apprentissage.
Récemment, une jeune étudiante en communication m'a demandé de la prendre en apprentissage à l'Assemblée nationale. Alors qu'une attachée était d'accord pour être son maître d'apprentissage, les services de l'Assemblée m'ont indiqué que ce n'était pas possible.
Madame la présidente, profitons de l'examen de cette loi pour demander au bureau de notre assemblée de rendre ceci possible. Je compte sur vous pour que le bureau étudie rapidement cette proposition. Madame la présidente, donnons l'exemple !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Alors il faut aussi les autoriser à travailler la nuit et le week-end ! L'article ne va pas assez loin !
Puisque je suis directement interpellée, je vous informe, monsieur le député, cher collègue, qu'il y a des apprentis à l'Assemblée nationale, y compris dans des services administratifs.
Eh bien je m'engage à évoquer cette question à l'occasion de la prochaine réunion du bureau, mon cher collègue.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LR et LaREM.
Dans la ligne des nombreuses propositions de dérégulation qui nous sont soumises, ces dispositions marquent un véritable affaiblissement du statut de l'apprenti : possibilité de conclure un contrat d'apprentissage jusqu'à l'âge de vingt-neuf ans, contre vingt-cinq aujourd'hui, allongement du temps de travail des apprentis mineurs avec la possibilité de passer de 35 à 40 heures par semaine et de déroger à la règle des 8 heures quotidiennes. La durée minimale du contrat serait abaissée de douze à six mois, et de tels contrats pourraient être conclus tout au long de l'année.
Surtout, cet article ne traite pas à la racine les nombreux problèmes de l'apprentissage. Je pense notamment au taux de rupture des contrats d'apprentissage, qui s'élève à 28 %, qui se traduisent par de nombreux abandons et à l'importance du décrochage. Je pense également à la difficulté, pour les jeunes apprentis, de trouver un employeur ou au manque d'accompagnement de l'apprenti dans l'entreprise et au-dehors, aux difficultés qu'il rencontre en matière de logement, de transport, etc.
Les apprentis aspirent au contraire à de nouveaux droits et à un statut plus protecteur et plus attractif. Ce n'est pas la revalorisation de 30 euros de leur rémunération qui suffira pour assurer l'attractivité de ces contrats.
Cet article s'inscrit dans la même logique de diminution des protections que les ordonnances Travail. Nous sommes opposés à cette logique, s'agissant en l'occurrence des apprentis, particulièrement vulnérables du fait de leur âge. C'est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
La parole est à M. Adrien Quatennens, pour soutenir l'amendement no 1946 .
Cet article est une régression majeure pour les droits des apprentis. Alors que ce projet de loi devait apporter plus de sécurité et de nouveaux droits aux travailleurs, le Gouvernement trahit son engagement, continuant au contraire à déréguler le droit du travail.
Par cet article, il s'attaque directement aux plus jeunes d'entre les travailleurs, les apprentis. Il introduit la possibilité de porter leur durée hebdomadaire de travail à 40 heures, soit la durée légale obtenue en 1936.
Quant à la journée quotidienne de 8 heures, elle a été obtenue en 1919, preuve, s'il en fallait une, de la régression que vous opérez.
Par ailleurs, cette augmentation du temps de travail va à rebours de la nécessité d'un meilleur partage du travail entre les actifs, nous l'avons rappelé maintes fois. Lors des auditions qui ont préparé l'examen de ce projet de loi, les organismes de formation nous ont expliqué que la création d'emplois pérennes restait le problème principal. C'est bien là le noeud du problème, dont une des solutions réside, nous le savons, dans le partage du temps de travail. La dernière qu'on a créée de l'emploi de manière significative en France, c'était au moment de la réduction du temps de travail.
Nous militons en faveur de l'application réelle des 35 heures, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui dans notre pays, où on travaille 40 heures en moyenne, et même en faveur d'une réduction de la durée légale du travail, et ce pour une raison bien simple : pour que nous puissions toutes et tous travailler, il faut que l'on travaille moins et mieux.
La possibilité d'allonger la durée du travail des apprentis rompt l'équilibre entre temps de travail, temps d'étude et temps de repos. Or cet équilibre est ô combien nécessaire car, nous l'avons rappelé, l'apprenti est un jeune en formation, non un travailleur comme les autres.
Malgré les annonces et les intentions louables, cet article rendra en fait plus difficile la poursuite de l'apprentissage et affaiblira ainsi cette voie d'étude que vous voulez promouvoir.
Nous demandons donc la suppression de cet article, d'autant plus qu'il comporte aussi des dispositions pour faire passer la limite d'âge de vingt-six à vingt-neuf ans. Je m'arrête un instant sur cette mesure qui, à plus d'un titre, nous interpelle.
Elle contrevient à l'article L. 6211 du code du travail qui rappelle que l'apprentissage s'adresse exclusivement aux mineurs et aux plus jeunes, exception faite des dérogations concernant les travailleurs en situation de handicap.
En outre, madame la ministre, cette dérogation a été mise en place à titre d'expérimentation dans neuf régions en 2017 et un rapport doit être remis au Parlement courant 2020 afin de juger de la pertinence de sa généralisation.
Par cet article, vous court-circuitez une nouvelle fois le rôle des parlementaires que nous sommes. Nous demandons donc la suppression de l'article.
Je suis défavorable à ces amendements de suppression, car l'article 8 comporte des avancées essentielles, notamment en ce qui concerne l'orientation tardive des étudiants, la sécurisation des parcours, l'entrée en apprentissage, la facilitation nécessaire de la préparation et de la signature des contrats.
S'agissant de la durée hebdomadaire de travail, je ne voudrais pas qu'il y ait de malentendu. Il n'est pas du tout question que l'ensemble des apprentis travaille 40 heures. Nous ne nous situons pas du tout dans ce schéma-là, contrairement à ce que laissent accroire certains propos. Il est simplement question de faciliter les procédures dans les cas reconnus, pour lesquels la durée du temps de travail hebdomadaire doit être allongée et pour lesquels il existe déjà une procédure dérogatoire lourde et complexe sur le plan administratif.
Les avancées essentielles sont le relèvement de la limite d'âge, l'assouplissement du cadre horaire – tout en maintenant un cadre protecteur – et l'amélioration du cadre juridique pour la mobilité des apprentis.
Pour toutes ces raisons, avis défavorable.
Avis défavorable, pour les raisons qu'a fort bien exposées la rapporteure.
Une précision : un décret du 13 octobre 2017 concernant la situation des mineurs sur les bateaux de pêche est entré en vigueur le 1er janvier 2018.
Il vous sera personnellement dédicacé !
Sourires.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 77 |
Nombre de suffrages exprimés | 77 |
Majorité absolue | 39 |
Pour l'adoption | 13 |
contre | 64 |
Cet amendement de notre collègue Damien Abad prévoit que la modulation de la durée du contrat d'apprentissage tient compte du parcours de formation initiale de l'apprenti afin d'intégrer la logique des parcours mixtes ainsi facilités.
Cet amendement étant satisfait, je vous prie de bien vouloir le retirer ; sinon, avis défavorable.
L'amendement no 1026 est retiré.
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l'amendement no 1645 .
Nous sommes tous d'accord pour dire qu'il faut revaloriser l'apprentissage, le développer pour des raisons économiques, de pénurie de main-d'oeuvre et des problèmes d'emplois au sein de nos territoires. Pour le rendre plus attractif, il convient de travailler sur la rémunération des apprentis. Cet amendement propose d'insérer un alinéa après l'alinéa 8 disposant que « la grille de rémunération des apprentis est revalorisée avec l'abandon du critère d'âge ».
La rémunération d'un apprenti dépend de trois variables : son âge, l'ancienneté de son contrat et son cycle de formation. Si le niveau de compétence et l'ancienneté sont des critères tout à fait légitimes pour décider de la rémunération d'un apprenti, je crois que l'âge est un peu inéquitable, voire injuste.
En effet, que l'on ait dix-huit, vingt ou vingt-deux ans, c'est le niveau de compétence, d'investissement, de travail et l'expérience qui fait la qualité du travail. La rémunération doit en dépendre avant tout.
Revaloriser la rémunération de tous nos apprentis serait une belle manière de revaloriser l'apprentissage lui-même.
Vous soulevez en effet une question intéressante. On pourrait considérer qu'il ne faut pas forcément prendre en compte le critère d'âge, mais on s'aperçoit très vite que cela entraînerait des problèmes très compliqués. Nous savons déjà, que selon certains employeurs, le montant de rémunération, notamment pour les apprentis les plus âgés, peut être trop élevé. On aurait donc du mal à imaginer que les apprentis plus jeunes soient rémunérés comme ces derniers. À l'inverse, on a aussi du mal à imaginer qu'il soit possible d'aligner les rémunérations des apprentis les plus âgés sur celles des plus jeunes. Les questions à traiter, en la matière, sont un peu complexes.
Par ailleurs, il m'apparaît qu'il existe une différence de maturité entre un apprenti de seize ans et un apprenti de vingt-six ans, ce dernier pouvant probablement s'intégrer plus vite et être plus vite plus productif que le premier.
Pour toutes ces raisons et bien que, comme vous, je considère qu'une telle question puisse se poser dans l'absolu, avis défavorable.
Cette question a été beaucoup discutée pendant la concertation entre les partenaires sociaux et les régions. Chaque système a ses avantages et ses inconvénients. Une recommandation unanime a été formulée : maintenir un système intégrant le critère d'âge pour les raisons qu'a évoquées Mme la rapporteure.
Il convient de prendre en compte que la plupart des jeunes de seize ans vivent encore chez leurs parents, que personne, parmi les partenaires sociaux, n'envisage qu'un jeune de plus de vingt-six ans puisse ne pas être au SMIC – même s'il est en formation en alternance – , que la maturité, en effet, emporte de fait une meilleure productivité et que les apprentis les plus âgés atteignent rarement le niveau V.
Nous pourrions débattre encore longtemps, mais nous avons pesé le pour et le contre, et je suis les recommandations et propose que nous restions dans le système actuel.
En revanche, nous avons augmenté de trente euros les rémunérations des seize-vingt ans, car elles étaient faibles. Pour le reste, nous demeurons donc sur la lancée précédente.
Je vous sens toute proche de basculer dans mon sens, madame la rapporteure…
Sourires.
… et je vais donc encore essayer de vous convaincre !
Quand un nouveau député arrive à l'Assemblée nationale, qu'il soit novice ou qu'il ait l'expérience de nombreux mandats, qu'il ait vingt-trois ou vingt-quatre ans – comme les plus jeunes – ou soixante-dix-huit ans, comme le plus âgé, il perçoit exactement la même rémunération et, compte tenu de nos travaux, il fait preuve de la même maturité.
Ce n'est pas l'âge qui fait le niveau d'implication, d'intégration, la progression, mais le profil et le parcours individuels. Outre qu'il est difficile d'évaluer la maturité de quelqu'un, la revalorisation de l'apprentissage nous permettrait d'avoir des niveaux de rémunération plus attractifs pour les plus jeunes en reconnaissant avant tout leur niveau de diplôme, leurs compétences et leur ancienneté dans la formation. Ce serait tout à fait intéressant.
L'amendement no 1645 n'est pas adopté.
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l'amendement no 976 .
Je tente à nouveau ma chance, madame la présidente, avec un amendement très important visant à supprimer une barrière réglementaire : il s'agit de permettre la signature d'un contrat d'apprentissage à n'importe quel moment en cours d'année. La question se pose en effet pour la capacité d'accueil des entreprises et cela pourrait débloquer la situation des jeunes. Cet amendement tend donc tout simplement à ce que le contrat d'apprentissage puisse être signé à tout moment de l'année.
Avis défavorable ou retrait, car cette mesure est satisfaite sur le plan réglementaire.
Le projet le prévoit en effet. Votre demande étant satisfaite, je vous propose de retirer votre amendement.
Vous connaissez la perspective très constructive qui est la mienne depuis le début du mandat.
Sourires.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR
L'amendement no 976 est retiré.
La parole est à Mme Anne-France Brunet, pour soutenir l'amendement no 1725 .
À l'heure où les étudiants font face à un contexte financier difficile, la mobilité à l'étranger reste un marqueur social important et ne concerne qu'une minorité de jeunes. Ainsi, il apparaît nécessaire d'élargir les activités qui pourraient être prises en compte pour évaluer le niveau de compétences de l'apprenti.
L'activité bénévole est l'occasion pour ces jeunes d'acquérir de nouvelles compétences au service de la collectivité et concerne une plus grande diversité d'étudiants. Il me paraît donc normal de prendre en compte l'activité bénévole pour estimer le niveau initial de compétences de l'apprenti.
L'activité bénévole permet certes d'acquérir certaines connaissances, mais ce n'est pas du même ordre que celles dont nous tenons compte dans cet article.
De même, la rédaction de l'alinéa 10 n'est pas exclusive, puisqu'il évoque le « niveau initial » de l'apprenti. Finalement, peu importe la manière dont il l'a acquis.
Avis défavorable ou retrait, si vous le souhaitez.
L'amendement no 1725 , repoussé par la Gouvernement, n'est pas adopté.
La commission a rejeté l'amendement no 1714 , qui risquerait d'ouvrir une longue liste de formations éligibles. Toutefois, s'agissant des formations un peu particulières dont il s'agit, la précision qu'il apporte lèverait une ambiguïté. À titre personnel, j'y suis donc favorable.
En revanche, j'émettrai un avis défavorable sur les amendements nos 1707 et 1721 .
Même avis que la rapporteure.
Il est important de signifier aux jeunes qui font partie de la réserve opérationnelle que cette appartenance relève d'un parcours de développement des compétences, car ils en acquièrent beaucoup, notamment techniques, dans ce cadre. Et, puisque l'on veut tenir compte des acquis du jeune dans son parcours d'apprentissage, il est bienvenu de valoriser les expériences de ce type, militaires et civiques.
L'évaluation se fera évidemment au cas par cas : tout dépend de ce que le jeune aura fait, puisqu'il s'agit d'apprécier les compétences qu'il a acquises. Il convient en tout cas que celles qui l'auront été dans le cadre des activités visées par l'amendement puissent compter dans la durée d'apprentissage et dans le parcours de formation.
L'amendement est intéressant, mais ne pourrait-on pas l'étendre au cas des jeunes sapeurs-pompiers volontaires ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et UDI-Agir.
Cette proposition me paraît judicieuse. Elle va dans le même sens que l'amendement initial. À titre personnel, j'y suis favorable.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et UDI-Agir.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et UDI-Agir ainsi que parmi les députés non inscrits.
Je vais suspendre la séance quelques minutes, le temps d'établir le texte du sous-amendement avant de le soumettre au vote de l'Assemblée.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures dix.
La séance est reprise.
Nous avons établi le texte du sous-amendement no 2227 à l'amendement no 1714 . Ce sous-amendement est présenté par M. Cherpion, M. Vercamer, M. Naegelen et les membres du groupe Les Républicains.
Je vous en donne lecture afin d'éclairer votre vote.
« À l'alinéa 2, après le mot : "national", insérer les mots : ", d'un engagement comme sapeur-pompier volontaire en application de l'article L. 723-3 du code de la sécurité intérieure" ».
Peut-on considérer que ce sous-amendement se justifie par son texte même, monsieur Cherpion ?
Le sous-amendement no 2227 est adopté.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et parmi les députés non inscrits.
La parole est à Mme Catherine Fabre, pour soutenir l'amendement no 1391 .
L'amendement no 1391 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir l'amendement no 1136 .
Nous avons tous en tête l'histoire d'apprentissages qui se passent bien, avec des maîtres d'apprentissage très fiers de leur savoir-faire, très engagés pour le transmettre et qui le font avec beaucoup de bienveillance. Quand les maîtres d'apprentissage sont des syndicalistes, ils font d'ailleurs en sorte d'éclairer leurs apprentis sur leurs futurs droits de salariés, ce qui, soit dit en passant, risque de ne plus pouvoir se faire bientôt, vu le rythme auquel le droit du travail disparaît…
Mais il existe aussi des cas où les apprentis sont maltraités et les ruptures anticipées brutales. Quand j'étais étudiant, je partageais mon appartement avec un copain apprenti dans la restauration, un milieu exigeant et difficile, où l'apprentissage ne se passe pas toujours bien. En guise de lettre de rupture de son contrat d'apprentissage, il avait pris une claque dans la figure à une heure du matin. À l'époque déjà, sans attendre votre dérégulation, on pouvait ne pas s'embarrasser de respecter les amplitudes horaires des apprentis.
Quand cela se passe mal et qu'il y a une rupture anticipée brutale du contrat – d'autant que, si j'ai bien compris, selon votre loi, le contrat d'apprentissage n'est plus considéré comme un contrat de travail – , nous proposons que le jeune puisse rester attaché à son CFA et poursuivre sa formation, le temps de retrouver un apprentissage. J'ai peur, en effet, que la réalité du monde de l'apprentissage soit un peu plus mitigée que l'impression qu'en donne votre vision idyllique.
Ce point, qui pouvait fragiliser l'apprenti en cas de rupture, a été résolu et est satisfait. Un apprenti dont le contrat a été rompu restera dans son CFA. Concernant l'entrée sans contrat dans le CFA, d'autres solutions ont été mises en place, notamment la passerelle entre le lycée professionnel et l'apprentissage, qui est, à mon sens, plus sécurisante. De la même manière, il sera aussi possible d'entrer en apprentissage tout au long de l'année. Vos demandes étant satisfaites, avis défavorable.
Je vous suggère de retirer votre amendement, monsieur Jumel, puisqu'il est satisfait.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, on s'adresse à des jeunes qui ont parfois eu une vie un peu cabossée, des parcours scolaires atypiques et qui peuvent renoncer à leur apprentissage en cours de contrat. Il faut également les préserver. De même, les jeunes qui sont en décrochage scolaire, faute d'avoir trouvé un employeur qui les prenne en contrat d'apprentissage, mériteraient aussi d'être protégés. Mais si tout est déjà prévu, c'est extraordinaire ! J'aimerais tout de même avoir les références du texte dans lequel ces dispositions ont été prises.
L'amendement no 1136 n'est pas adopté.
Nous considérons que la réforme de l'apprentissage passe nécessairement et prioritairement par la modification et la réforme du statut d'apprenti et du contrat, bien trop rigides. Le mot « absurdité » a été cité tout à l'heure par l'une de nos collègues, et je le reprends bien volontiers à mon compte. Il sera désormais plus facile de recourir à des contrats d'apprentissage. L'article 8 permet notamment une embauche en apprentissage tout au long de l'année, moins dépendante du rythme scolaire, ce qui est une bonne chose.
Toutefois, dans sa rédaction actuelle, votre projet supprime une disposition qui permettait à un jeune de démarrer un cycle de formation en amont de la conclusion d'un contrat d'apprentissage et de bénéficier pendant une durée limitée à trois mois du statut protecteur de stagiaire de la formation professionnelle, ce qui représentait un premier acquis, et de l'assistance du CFA dans sa recherche d'un employeur.
Ces bonnes dispositions ne figurent plus dans votre projet de loi. C'est pourquoi, pour aller dans ce sens de l'assouplissement du statut et inciter les jeunes à aller encore plus vers l'apprentissage, nous vous proposons de voter cet amendement qui restaure les dispositions que vous avez supprimées.
Ces amendements abordent deux sujets différents.
L'amendement de M. Jumel venait répondre aux accidents de vie ou de parcours et aux ruptures de contrat. Nous avons prévu – je vous donnerai bientôt la référence que vous avez demandée – , pour ces cas, que le jeune puisse continuer à percevoir une rémunération, mais surtout poursuivre le parcours de formation, le temps de trouver un nouveau contrat. Pour les jeunes qui sont allés en apprentissage et qui ont abandonné pour telle ou telle raison, il est en effet assez désespérant de se retrouver face à un mur : ils ne sont plus nulle part et viennent alimenter le nombre des décrocheurs durables.
S'agissant de l'amendement de M. Viry, le système précédent offrait déjà, en effet, un début de solution pour un jeune qui n'avait pas encore trouvé d'entreprise, qui n'était pas tout à fait sûr du métier qu'il voulait exercer ou qui n'avait pas les prérequis. C'est pour ces jeunes que nous créons les prépas apprentissage. De nombreux jeunes savent par quel secteur ils sont intéressés – les métiers de l'alimentation, par exemple, sans savoir s'ils veulent être boucher, charcutier, boulanger, pâtissier ou cuisinier. Cela leur laisse le temps d'affiner leur choix pour trouver une entreprise ; mais aussi de consolider leurs acquis de base ; et d'apprendre les codes professionnels et la façon de se comporter en entreprise. Certains, de fait, échouent lors de leur entretien pour trouver un apprentissage, pour des raisons relationnelles.
Les prépas apprentissage pourront durer quatre mois, et tous les CFA en disposeront. Nous répondons à votre question sous une autre forme. Ces prépas auront un financement spécifique, dans le cadre du plan d'investissement dans les compétences.
Je vous remercie, madame la ministre, pour vos précisions. Ce que vous appelez les « prépas apprentissage » représente une bonne orientation sur laquelle il n'y a rien à redire. Nous sommes cependant un peu inquiets, parce que le dispositif actuel disparaît, alors qu'il répondait à un besoin. Ne pourrait-on pas, grâce à un sous-amendement du Gouvernement, maintenir de manière transitoire l'ancien dispositif parallèlement au nouveau, pour voir ce que cela donne ? S'inscrire dans une vision binaire, sans prévoir de transition, relève, à mon sens, d'une mauvaise politique. Vous pourriez sous-amender pour maintenir le dispositif dans une période limitée et en tirer un bilan. Ne vous enfermez pas dans une vision du tout blanc ou tout noir ! Notre proposition permettrait d'aller dans le bon sens, que vous-mêmes souhaitez.
L'amendement no 253 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Catherine Fabre, rapporteure, pour soutenir l'amendement no 1812 .
Cet amendement vise à rédiger de manière plus lisible la durée hebdomadaire de travail pour les apprentis mineurs. Lors des débats en commission, il m'a semblé qu'il y avait une mauvaise interprétation de la rédaction que nous proposions à l'article L. 3162-1 du code du travail, notamment sur la limite hebdomadaire de la durée du travail des jeunes travailleurs. Certains ont compris que nous faisions passer le temps de travail de 35 à 40 heures pour tous les jeunes travailleurs, ce qui n'est évidemment pas le cas. Nous avons seulement cherché à faciliter les démarches dans le cas de certaines activités, notamment dans le BTP.
Cette nouvelle rédaction vise à clarifier l'intention du législateur. Il vous est proposé que la durée hebdomadaire de travail puisse être portée à 40 heures de manière simplifiée dans certains secteurs d'activité définis par décret en Conseil d'État.
J'ai bien entendu la nouvelle rédaction de votre amendement, mais j'aimerais connaître les conditions définies par décret. À seize ans, un jeune est encore mineur. Il n'est pas sorti de l'adolescence, cette période de la vie pendant laquelle il se transforme physiquement et psychiquement. À seize ans, on a besoin, en premier lieu, d'être protégé. Cela étant, je constate que les éléments sur lesquels nous avions alerté le Gouvernement et Mme la rapporteure en commission semblent avoir été pris en compte. Ce matin, en effet, nous avons examiné la question de la rupture du contrat de travail en cas de formation en dehors du temps de travail. Le Parlement peut encore servir à quelque chose, même si certains disent le contraire… Nous voilà un peu rassurés ! J'espère que nous allons pouvoir avancer sur ce sujet. Nos amendements n'étaient ni illégitimes ni complètement décalés.
S'agissant du décret, il s'agit de fonctionner par exception dans certains secteurs où l'organisation du travail impose une situation un peu ubuesque, où le jeune ne se forme pas mais doit être présent. C'est typiquement le cas des chantiers du bâtiment. Un artisan part le matin et conduit ses salariés sur un chantier situé vingt kilomètres plus loin. Le jeune, sans moyen de transport, ne peut pas revenir et, après 35 heures, le vendredi après-midi, il est dans la camionnette à attendre que le chantier se passe, sans être rémunéré ni formé, mais soumis à une obligation de présence de fait. Il vaut mieux qu'il soit rémunéré en heures supplémentaires et qu'il continue à apprendre son métier. Pendant la semaine en centre de formation, il reviendra à l'horaire classique. Cette disposition ne sera prise qu'exceptionnellement, quand l'organisation du travail le nécessite et qu'elle pénalise le jeune. Il bénéficiera des heures supplémentaires et d'une compensation horaire.
Monsieur Jumel, j'ai la réponse à votre question : les références que vous demandiez se trouvent à l'alinéa 32 de l'article 11.
Cet amendement vise à autoriser le travail de nuit de l'apprenti mineur, après déclaration auprès de l'inspection du travail, dès lors que les caractéristiques de son activité le justifient et que le maître d'apprentissage est lui-même appelé à travailler la nuit.
Cet amendement vise à autoriser le travail de nuit pour les apprentis mineurs, dès lors que le métier préparé le justifie. Sa rédaction est trop générale. À l'instar de ce que nous avons dit à propos du temps de travail, la question du travail de nuit nécessite des adaptations réglementaires, qui ont été annoncées par le Gouvernement, mais pas un bouleversement complet des équilibres trouvés dans la loi, dans la mesure où nous parlons de mineurs. Avis défavorable.
J'entends vos arguments, mais comment faire pour les boulangers-pâtissiers ? Dans ma circonscription et dans ma commune, il y a énormément de jeunes apprentis qui veulent aller vers ces métiers actuellement à la mode. Ce cas pose un dilemme !
Il n'est pas question d'autoriser le travail de nuit systématique pour les apprentis mineurs.
Il y a quelques rares exceptions, par exemple quand des mineurs sont embarqués sur des bateaux qui partent tôt le matin parce que l'horaire de marées ne se conforme pas encore au code du travail – c'est d'ailleurs quelque chose qu'il faudrait modifier !
Sourires.
Sourires.
Il y a également le cas des boulangers. La question sera réglée par voie réglementaire : nous ne changerons pas la durée du travail, mais nous allons avancer les horaires car, quand on est apprenti boulanger, il est ennuyeux de ne pas pouvoir apprendre à faire le pain. J'avais déjà cité l'exemple de la boulangerie en disant que nous allons y décaler l'horaire sans modifier la durée du travail, pour commencer la journée plus tôt. Rares sont les métiers pour lesquels ces exceptions sont justifiées, et nous les aménagerons par décret.
L'amendement no 1025 n'est pas adopté.
Les apprentis sont régis par le code du travail, mais il s'agit de salariés particuliers alliant leur activité professionnelle à une formation qualifiante, dans la perspective de la préparation d'un diplôme. À mi-chemin entre le quotidien scolaire ou estudiantin et le salariat, les apprentis sont souvent obligés d'effectuer une double journée pour s'assurer de l'acquisition des volets pratique et théorique du diplôme qu'ils préparent. Pénalisés par une rémunération ne pouvant dépasser 80 % du SMIC alors qu'ils sont parfois engagés dans des formations de haute qualification où les salaires sont supérieurs au SMIC dès le début de carrière, les apprentis ne bénéficient pas d'un confort temporel compensant cette exigence de formation et cette pénalisation de rémunération.
Il serait donc normal qu'un temps de congés payés supplémentaire leur soit alloué afin de préparer au mieux leur diplôme sans subir une surcharge de travail. L'instauration d'une sixième semaine de congés payés viendrait pallier leurs conditions défavorables par rapport aux salariés de l'entreprise et par rapport à leurs collègues en formation initiale.
Les apprentis bénéficient déjà d'un congé pour examen. Avis défavorable.
L'amendement no 1955 n'est pas adopté.
La parole est à M. Joël Aviragnet, pour soutenir l'amendement no 1316 .
On reste sur la question des jeunes et des mineurs. Je veux bien entendre qu'il est ennuyeux, quand l'équipe part la journée le vendredi, que le jeune passe l'après-midi dans la camionnette. Mais peut-être qu'un vendredi il peut travailler toute la journée, et le lundi suivant, ne pas travailler ? On peut prévoir des aménagements de ce type. Qu'un jeune de seize ans se lève à quatre heures du matin tous les jours parce qu'il est boulanger, excusez-moi, mais ce n'est pas acceptable. C'est un mineur et il a besoin de protection. Je vous demande donc de protéger la jeunesse en aménageant les horaires pour que les apprentis puissent aussi se reposer. On n'est plus au siècle dernier !
En cohérence avec les discussions précédentes sur le temps de travail des apprentis, avis défavorable.
L'amendement no 1316 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
J'ai bien compris que vous étiez dans une logique d'uniformisation du statut des apprentis quel que soit leur âge. Pour aller dans votre sens, nous proposons que, mineur ou majeur, on ne puisse pas rémunérer un apprenti en dessous de 80 % du SMIC. Vous savez que, en matière d'inégalités de rémunération, l'âge est parfois un facteur discriminant ; or, si l'on vous suit, la force de travail est la même qu'on ait quatorze, quinze, vingt ou vingt-cinq ans.
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l'amendement no 1959 .
Mon amendement vise à lutter contre la pauvreté – objectif qui n'est pas vraiment à l'ordre du jour actuellement en France. Des dizaines de milliers de jeunes encore mineurs travaillent comme apprentis dans des entreprises pour à peine 350 euros par mois. Par cet amendement, nous proposons de relever le salaire minimum des contrats d'apprentissage au-dessus du seuil de pauvreté.
Adrien Quatennens a déjà défendu cet amendement en commission ; vous lui aviez répondu en évoquant, avec votre vocabulaire habituel, le taux de productivité de ces jeunes encore mineurs et le fait qu'ils coûtaient parfois plus cher aux entreprises que les autres salariés.
Madame la ministre, êtes-vous sûre que l'objectif de votre projet de loi est de « faciliter l'accès à la formation, autour [… ] des besoins des personnes, [… ] dans un cadre [… ] soutenable financièrement » ? Car, à vous entendre, vous et la rapporteure, on se demande si le but recherché n'est pas plutôt de faciliter l'accès à une main-d'oeuvre à bas coût, en ne tenant compte que des besoins des entreprises et dans un cadre qui soit, pour elles, financièrement rentable.
Votre majorité, mes chers collègues, a l'occasion de prouver le contraire en adoptant cet amendement de bon sens qui vise à éradiquer la pauvreté chez beaucoup de jeunes apprentis.
Tout d'abord, « productivité » n'est pas un gros mot – j'assume de l'avoir utilisé – , mais un des critères principaux pour l'établissement des salaires ; c'est un principe de base en économie ; je ne vois donc pas où est le problème.
Pour ce qui est des amendements, le seuil de pauvreté correspondant à environ 1 000 euros, votre proposition reviendrait à doubler la rémunération d'un apprenti de seize ans, ce qui freinerait complètement le système d'apprentissage. Or ce système est, comme on le souligne depuis le départ, vertueux grâce à la combinaison de la formation et de l'insertion professionnelle. Cette mesure aurait donc l'effet inverse de celui que nous recherchons – développer ce type de formation des jeunes. Avis défavorable.
L'amendement no 1182 rectifié est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Je suis un peu surpris. Cet amendement vise à permettre d'effectuer un apprentissage sur le territoire suisse – un cas particulier puisque, comme vous le savez, la Suisse ne fait pas partie de l'Union européenne. L'enjeu concerne surtout certains départements frontaliers – Mme la présidente pourra en attester – tels que le Haut-Doubs ou le Haut-Rhin. De nombreux élèves pourraient être accueillis dans des entreprises situées à proximité de leur centre de formation, ce qui permettrait d'adapter davantage les offres d'entreprises aux réalités du marché de l'emploi.
Cette mesure aurait vraiment du sens, car certains secteurs d'activité, particulièrement présents en Suisse, ont hélas pratiquement disparu en France ; c'est par exemple le cas de la bijouterie et de l'horlogerie – branches où l'on observe un décalage important dans la situation économique entre la France et la Suisse. Malgré tout, il reste encore quelques entreprises dans ce secteur dans notre pays ; cet amendement permettrait de fluidifier le marché d'emploi local et nous regrettons très vivement qu'on nous oppose un avis défavorable. Pourrait-on au moins connaître l'argumentation qui justifie ce rejet ?
L'amendement ayant simplement été présenté comme défendu, je n'ai pas jugé nécessaire de m'en expliquer, mais il est clairement satisfait par la rédaction de l'article L. 6222-42, qui vise l'ensemble des pays étrangers et prévoit des conditions facilitées pour les pays de l'Union européenne.
Je regrette que mon rôle de présidente de séance m'empêche d'apporter quelques arguments supplémentaires…
L'amendement no 1182 rectifié n'est pas adopté.
La parole est à Mme Catherine Fabre, rapporteure, pour soutenir l'amendement no 1392 .
L'amendement no 1392 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Cécile Rilhac, pour soutenir l'amendement no 1859 .
Avec cet amendement, il s'agit de préciser le récent assouplissement juridique visant à favoriser la mobilité européenne, en envoyant un signal fort au CFA français pour l'encourager à créer des partenariats avec les structures étrangères sans être rebuté par les procédures administratives de validation des formations dispensées impliquant une reconnaissance d'équivalence de diplôme des tuteurs étrangers. Il s'agit de permettre que les compétences et qualifications requises du maître d'apprentissage ou tuteur étranger soient conformes aux dispositions légales et conventionnelles en vigueur dans le pays d'accueil et non en France, la situation actuelle constituant un véritable blocage au moment de la certification de la formation.
En effet, l'apprenti en alternance à l'étranger est placé sous la responsabilité d'un tuteur dont la reconnaissance des diplômes ou qualifications professionnelles en France peut parfois constituer un obstacle à la certification de la formation dispensée par le CFA français. Dans certaines filières, en particulier sportives, des décrets réglementaires imposent un niveau de qualification minimal au tuteur.
Aux termes de la récente loi du 29 mars 2018, l'article L. 6222-42 du code du travail dispose : « Pendant la période de mobilité dans un État membre de l'Union européenne autre que la France, l'entreprise ou le centre de formation d'accueil est seul responsable des conditions d'exécution du travail de l'apprenti, telles qu'elles sont déterminées par les dispositions légales et conventionnelles en vigueur dans le pays d'accueil, notamment ce qui a trait : 1° À la santé et à la sécurité au travail ; 2° À la rémunération ; 3° À la durée du travail ; 4° Au repos hebdomadaire et aux jours fériés. » Cet amendement vise à ajouter un cinquième point : « 5° Aux compétences et qualifications professionnelles du maître d'apprentissage. » C'est fondamental dans le cas d'Erasmus, mais également pour les jeunes de nos départements d'outre-mer, qui devraient pouvoir faire de l'apprentissage dans leur zone géographique.
Cette proposition est comprise dans l'application de la législation du travail du pays d'accueil. Votre amendement est donc satisfait. Je vous suggère de le retirer ; à défaut, avis défavorable.
Madame la rapporteure, vous me dites que l'amendement est satisfait, mais serait-il possible de faire passer le message aux directions régionales d'État ? En effet elles ne semblent a priori pas au courant et continuent d'appliquer l'ancienne réglementation française, ce qui pose des difficultés en matière d'apprentissage.
L'amendement no 1859 est retiré.
La parole est à Mme Catherine Fabre, rapporteure, pour soutenir l'amendement no 1393 .
L'amendement no 1393 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Marie-Pierre Rixain, pour soutenir l'amendement no 1646 .
Le maître d'apprentissage joue un rôle central dans la formation professionnelle de l'apprenti. Il est responsable de son entrée dans le monde du travail, mais également du bon déroulement de sa formation pédagogique. La transmission d'un savoir professionnel nécessite des qualités, des compétences, qui s'apprennent : c'est pourquoi la question de la formation des tuteurs est cruciale dans le dispositif de l'apprentissage. En veillant à ce qu'ils soient les meilleurs possible, on fait en sorte que chaque apprenti reçoive une formation dont la qualité et le contenu sont identiques. Il s'agit là d'une question d'égalité.
La formation des tuteurs contribue à développer une véritable culture de l'apprentissage dans l'établissement et permet également de valoriser chaque fonction de l'entreprise. Être maître d'apprentissage, c'est diversifier ses compétences et ses activités, enrichir sa carrière et son avancement professionnel – sans compter que les formations permettent également aux tuteurs de se confronter aux nouvelles pratiques du métier et aux mutations du marché.
C'est pourquoi nous proposons par cet amendement que chaque employeur veille à ce que l'aspirant tuteur soit informé de l'offre de formation existante. Il est primordial qu'il y ait, dans chaque entreprise, une bonne publicité relative à l'offre des chambres de commerce et d'industrie et des chambres des métiers et de l'artisanat en la matière.
Cette proposition est déjà satisfaite. L'article L. 6223-8 du code du travail, que votre amendement vise à modifier, dispose déjà que « l'employeur veille à ce que le maître d'apprentissage bénéficie de formations ». Je recommande donc le retrait de cet amendement, à défaut de quoi l'avis de la commission sera défavorable.
L'amendement no 1646 est retiré.
La parole est à Mme Hélène Vainqueur-Christophe, pour soutenir l'amendement no 307 .
Cet amendement nous paraît capital pour les acteurs du secteur associatif, singulièrement dans le domaine du sport et de l'animation.
Comme vous le savez, ces organisations n'ont souvent que peu de salariés, voire pas de salariés du tout ; dès lors, les personnes possédant les compétences et l'expérience nécessaires pour assumer l'encadrement d'un apprenti sont la plupart du temps des bénévoles. Cet amendement a donc pour objet de permettre à un bénévole d'exercer les fonctions de maître d'apprentissage.
Plusieurs amendements semblables ont été déposés. Ils se ramènent tous à la même idée, dont nous avons parlé en commission. De mon point de vue, l'apprentissage présente deux avantages : d'une part, il permet de découvrir le monde professionnel en se formant en situation réelle de travail ; d'autre part, il favorise l'insertion professionnelle, notamment dans l'entreprise où a lieu la formation. Si le maître d'apprentissage est bénévole, ces avantages sont neutralisés. Si l'apprenti se forme auprès d'une structure qui n'exerce pas une activité de nature professionnelle, il aura peu de chance d'être recruté comme salarié.
Pour toutes ces raisons, la commission est défavorable à cet amendement ainsi qu'aux amendements suivants tendant eux aussi à autoriser les bénévoles à devenir maîtres d'apprentissage.
L'amendement no 307 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
J'ai bien entendu, madame la rapporteure, les observations que vous avez formulées en donnant l'avis de la commission sur l'amendement précédent. Mais vous savez, le secteur du sport et de l'animation est riche d'un fort potentiel d'emplois, et propose de nombreuses opportunités de formation aux jeunes.
Madame la ministre, vous souhaitez que des CFA ouvrent et tiennent compte des potentiels et des besoins locaux : le but de votre réforme est de permettre l'éclosion de nouvelles structures de formation. Pour cela, il faut mobiliser au mieux les ressources associatives.
Je vous donnerai un exemple : celui d'Épinal, où des associations sportives – au total cinq clubs – se sont regroupées parce qu'elles ne parvenaient pas à satisfaire en interne leurs besoins de formation d'éducateurs. Elles se sont alors rapprochées d'un CFA situé à Strasbourg pour ouvrir une structure de formation sur le bassin d'emplois d'Épinal : c'est exactement le genre d'initiative que vous souhaitez voir se multiplier partout en France. Nous avons réussi à le faire dans le cadre de la législation actuelle.
La question des maîtres d'apprentissage, en l'espèce, est essentielle : on peut envisager d'ouvrir des CFA un peu partout, notamment pour former aux métiers du sport et de l'animation, mais il faut pour cela des maîtres d'apprentissage. Or les dirigeants associatifs qui sont des bénévoles refusent souvent de s'engager dans cette voie, de crainte de prendre un risque. Il est donc indispensable de légaliser cette possibilité.
En l'état actuel, les dispositions du code du travail relatives à l'apprentissage peuvent donner lieu à des interprétations ambiguës, contradictoires : il y est parfois question de « personnes », parfois de « salariés ». Je vous propose donc, par cet amendement, de préciser que les fonctions de maître d'apprentissage peuvent être exercées par des bénévoles, en précisant que ces bénévoles doivent avoir les compétences adéquates. Cela permettrait d'atteindre votre objectif, à savoir de créer des CFA – et donc, à terme, de créer de la formation et des emplois dans le secteur associatif, notamment sportif.
Cet amendement de bon sens est tout à fait conforme aux buts de votre réforme.
La parole est à Mme Michèle de Vaucouleurs, pour soutenir l'amendement no 1137 .
Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements en discussion commune ?
Je voudrais dire un mot sur le secteur associatif. Il est clair que nous voulons mobiliser le plus d'acteurs possible au service de la formation des jeunes. Cela étant, les maîtres d'apprentissage ont une responsabilité d'employeur, notamment en termes de sécurité et de conditions de travail.
Dans les clubs sportifs, aujourd'hui, le président et le directeur sont considérés comme des chefs d'entreprise. C'est pour cela que le code du travail mentionne les « personnes » : il peut s'agir soit d'un salarié, soit d'un chef d'entreprise.
Étendre la possibilité d'être maître d'apprentissage à tous les bénévoles ferait courir un triple risque : d'abord aux jeunes, à qui il faut un encadrement à temps plein, de qualité, dans de bonnes conditions de sécurité ; ensuite aux bénévoles eux-mêmes, car, en cas de pépin, ils pourraient se retrouver responsables, y compris sur le plan pénal – et nous ne voulons pas embarquer les bénévoles sur cette galère ! – ; enfin à la structure, car le bénévolat peut être requalifié en contrat de travail.
Il vaut mieux favoriser les groupements d'employeurs, afin de trouver des salariés qui puissent être maîtres d'apprentissage. Le lien de subordination est parfois un lien de protection ; en l'occurrence, c'est un lien de responsabilisation. Il faut qu'un employeur soit responsable de chaque jeune en apprentissage : cette charge ne doit pas retomber sur les épaules des bénévoles.
Nous ne sommes pas d'accord avec vous, pour une raison toute simple. De nombreuses associations fonctionnent surtout avec des bénévoles – notamment des retraités – , mais cela ne signifie pas que ces bénévoles ne soient pas responsables. Vous indiquez vous-même que leur responsabilité juridique peut être engagée. Mais, en pareille situation, les associations peuvent souscrire une assurance couvrant le risque juridique – c'est du reste une pratique assez courante de nos jours – , ce qui permet de résoudre le problème que vous évoquez.
Vous nous dites : « Il y a un risque juridique. » Évidemment, il y a un risque juridique, nous ne le nions pas, mais ce risque peut être couvert par une assurance. Nous maintenons donc cet amendement. Votre vision ne correspond pas à la réalité du monde associatif.
Le risque pénal ne peut être couvert par une assurance !
L'amendement no 1137 est retiré.
La parole est à Mme Marie-Pierre Rixain, pour soutenir l'amendement no 1712 .
Il convient de préciser la notion de « garanties de moralité » présente dans le texte. Elle est en effet relative, difficilement appréciable par l'employeur, et son application est susceptible d'aboutir à des situations indésirables. Elle pourra être tout simplement ignorée, ou employée à des fins discriminatoires injustifiées. Sur quelle base l'employeur pourra-t-il juger des garanties de moralité de la personne aspirant à devenir maître d'apprentissage ?
Nous proposons donc d'assortir l'exigence des « garanties de moralité » par une autre exigence : l'absence de condamnation pour des faits de violence sur mineur, qui pourra aisément être vérifiée par l'employeur sur présentation d'un extrait de casier judiciaire. L'essentiel, ici, c'est de protéger les apprentis mineurs – qui sont un public fragile – contre les abus de confiance ou d'autorité dans le cadre de la relation hiérarchique avec leur maître d'apprentissage adulte.
Je rappelle que la moyenne d'âge des apprentis est de 19,5 années, que 28 % des apprentis en TPE sont mineurs, et que cette proportion s'élève à 46 % dans l'artisanat. L'encadrement de ce jeune public ne doit pas être négligé : c'est pourquoi nous proposons de l'assortir de garanties tangibles.
Il me semble, pour ma part, que les garanties de moralité constituent déjà une exigence forte. Les enseignants des établissements scolaires et des CFA y sont déjà soumis. L'avis de la commission est donc défavorable, à défaut de retrait de l'amendement.
Même avis que Mme la rapporteure. Je précise qu'une entreprise peut se voir retirer son agrément si l'un de ses salariés, maître d'apprentissage, se rend coupable de faits de violences sur des jeunes.
L'amendement no 1712 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Michèle de Vaucouleurs, pour soutenir l'amendement no 2193 .
Cet amendement est de la même veine que l'amendement no 604 que j'ai défendu précédemment. Nous nous préoccupons tous des jeunes des quartiers, pour qui le sport est un vecteur d'insertion, de socialisation très important. Il faut leur permettre d'accéder à l'emploi à partir des associations locales.
Madame la ministre, je répète que, concrètement, dans ces petites structures associatives qui n'ont pas de salariés, la seule personne disposant des compétences requises pour assurer l'encadrement des apprentis est souvent un bénévole, ce qui pose problème. Cet amendement est quelque peu différent du précédent, mais il vise le même objectif : je vous invite à réexaminer votre position.
Je répète, au cas où mes explications précédentes n'auraient pas été assez claires, que, dans une structure associative, le président et le directeur sont réputés être des employeurs – même si, dans les faits, ils sont bénévoles. Eux peuvent donc être maîtres d'apprentissage.
Par ailleurs, je précise que l'on ne peut pas s'assurer contre le risque pénal, et heureusement : c'est une règle essentielle de la démocratie.
L'amendement no 2193 est retiré.
L'amendement no 629 est retiré.
Lors de son intervention en défense de la motion de rejet préalable, le président Mélenchon avait mis le doigt sur le problème des maîtres d'apprentissage.
Si le nombre d'apprentis s'accroît fortement, ce que nous désirons tous, jusqu'à éventuellement atteindre un niveau comparable à celui de l'Allemagne, encore faut-il avoir les maîtres d'apprentissage. Je le disais lors de mon intervention sur l'article 7 : si nous prévoyons trop de conditions contraignantes pour que les employeurs de TPE puissent devenir maîtres d'apprentissage, il risque d'y avoir un phénomène de perte en ligne des apprentis, parce qu'on sait bien que le gros du bataillon se forme chez les artisans et dans les TPE.
Je propose donc, à l'amendement no 1680 , de préciser que « l'employeur, maître d'apprentissage, chef d'entreprise de moins de onze salariés, est présumé satisfaire aux conditions de compétences professionnelles exigées d'un maître d'apprentissage [… ] s'il est lui-même issu d'une formation en apprentissage », de façon à ôter un frein à l'apprentissage en supprimant d'éventuels problèmes juridiques ensuite. Mon second amendement est le même, mais ne pose plus pour l'employeur la condition d'avoir été apprenti, exigeant seulement trois années d'expérience.
Il est vrai que le fait d'être passé soi-même en apprentissage peut permettre de bien connaître le domaine dans lequel l'apprenti va être formé, mais on peut être un bon ancien apprenti devenu un bon professionnel sans pour autant être un bon pédagogue. De ce point de vue, il me semble important de laisser les branches négocier sur les conditions de compétences requises, sans anticiper sur leur travail. Peut-être souhaiteront-elles des critères de compétences plus précis. L'avis est donc défavorable aux deux amendements.
Ce ne sont pas les branches qui vont apporter une dimension pédagogique au chef d'entreprise. Celui-ci peut certes être très bon en tant que tel et pas très bon pédagogue, mais un accord de branche ne va pas lui apporter un soupçon de pédagogie, je tiens à le faire remarquer – même si par ailleurs l'accord pourrait fixer des règles différentes. Je maintiens bien sûr les amendements.
La parole est à M. Stéphane Buchou, pour soutenir l'amendement no 1092 .
Le rôle des maîtres d'apprentissage est essentiel dans la réussite des apprentis et donc, à terme, dans la réussite et le développement des entreprises. S'il est certes indispensable de transformer l'apprentissage, ambitionner d'atteindre un nombre plus accru d'apprentis sans y corréler des mesures permettant de bien les former au sein des entreprises semble difficilement réalisable. C'est pourquoi le rôle des maîtres d'apprentissage est essentiel et doit être valorisé. L'engagement à destination de celles et ceux qui seront les futurs salariés des entreprises est un véritable investissement humain, qui nécessite du temps et de la pédagogie. Cette démarche volontaire, qui honore celles et ceux qui la choisissent, n'est aujourd'hui pas suffisamment reconnue et valorisée au sein des entreprises. Aussi cet amendement vise-t-il, par la mise en place d'une contrepartie égale à cinq jours de congés payés supplémentaires pour un suivi équivalant à trois ans de formation, à inciter à ce système de transmission des savoir-faire et des savoir-être sain et vertueux.
On est d'accord sur le fait qu'il faut valoriser le rôle du maître d'apprentissage. Mais je pense que les récompenses monétaires ou en jours de repos ne sont pas la bonne manière de procéder, car elles pourraient inciter pour de mauvaises raisons. L'idée est d'être maître d'apprentissage pour de bonnes raisons. À cet égard, la reconnaissance de sa compétence via l'obtention d'une qualification ou d'une certification est une meilleure voie, et je crois que le Gouvernement y travaille. J'émets donc un avis défavorable.
L'amendement no 1092 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement, dont notre collègue Sébastien Leclerc est l'auteur, a pour objectif de proposer une rémunération adaptée aux nouveaux profils des apprentis en basant leur salaire minimum légal sur le seul critère du niveau de diplôme préparé, et ce quel que soit leur âge.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 1004 .
« Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années », écrivait Pierre Corneille – il aurait pu ajouter que la valeur ne s'altère pas au fil du temps. En effet, quand on juge de la compétence d'une personne, si l'expérience peut entrer en ligne de compte, l'âge n'est pas en soi un critère pertinent. Or aujourd'hui, à niveau de formation égal, un jeune apprenti percevra un salaire moindre par rapport à un collègue plus âgé. À titre d'exemple, le site service-public. fr nous apprend, dans l'onglet indiquant comment fixer la rémunération d'un apprenti, qu'un jeune de dix-sept ans achevant sa troisième année d'apprentissage gagnera autant qu'un débutant de vingt et un ans. Une telle situation est injuste, puisque le niveau de salaire n'est pas apprécié en fonction du niveau de compétence, mais seulement selon l'âge, ce qui me semble inadapté et même contre-productif. Pourquoi un apprenti mineur est-il moins bien payé qu'un apprenti majeur ? La volonté du législateur était de remédier au chômage des jeunes. Jusque-là, je suis d'accord, mais il pénalisait ainsi les apprentis plus âgés en les mettant en concurrence avec une main-d'oeuvre à bas coût et à qualification équivalente. Si l'on souhaite réellement lutter contre le chômage, il conviendrait plutôt de réduire les charges qui pèsent sur nos PME et de leur permettre de recruter des appentis en fonction de leurs compétences et dans la plus grande liberté possible, sans ajouter des critères qui, de facto, pénalisent les candidats à l'apprentissage plus âgés, souvent ceux qui ont davantage mûri leur décision de se lancer dans cette forme d'activité.
Alors même que les nouveaux apprentis provenant d'une réorientation, souvent post-bac, sont en augmentation – 30 % des entrants en 2015-2016 – , un tel différentiel salarial en fonction de l'âge pénalise le développement de l'apprentissage dans les entreprises artisanales, bien que le projet de loi ouvre dorénavant cette formation jusqu'à vingt-neuf ans révolus.
De plus, l'enregistrement étant remplacé par un simple dépôt du contrat d'apprentissage, les conditions de rémunération des apprentis seraient simplifiées, limitant le risque de contentieux.
Que des avantages !
La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l'amendement no 1683 .
La parole est à Mme Albane Gaillot, pour soutenir l'amendement no 1703 .
La parole est à Mme Michèle de Vaucouleurs, pour soutenir l'amendement no 1154 .
Bien qu'ils aient entendu plus tôt dans la discussion les arguments de Mme la ministre et de Mme la rapporteure, les députés du groupe MODEM et apparentés souhaitent rappeler que le critère d'âge est souvent sans lien avec l'expérience acquise par l'apprenti en entreprise. Sylvie Brunet a précisé dans son rapport que la quasi-totalité des acteurs se sont accordés au cours de la concertation sur le fait que ce critère décourageait les employeurs d'embaucher les apprentis plus âgés. Nous proposons donc de baser la rémunération uniquement sur le niveau de diplôme préparé. Cette mesure de simplification s'inscrirait dans la logique du remplacement de la procédure de l'enregistrement des contrats par un simple dépôt, la simplification des conditions de rémunération permettant d'éviter les erreurs de détermination du salaire, et donc des contentieux.
La parole est à Mme Anne-France Brunet, pour soutenir l'amendement no 1701 .
Mon amendement vise, lui aussi, à ne plus faire varier le salaire en fonction de l'âge. L'esprit du projet de loi est de permettre à un plus grand nombre, même à des personnes plus âgées, de se réorienter par l'apprentissage. Ouvrir l'apprentissage jusqu'à vingt-neuf ans révolus s'inscrit dans cette démarche. Cependant, laisser la possibilité aux branches de faire varier les salaires en fonction de l'âge peut fortement désavantager les plus âgés. En effet, au sein d'une même année ou d'un même diplôme, en cas de dispositions contractuelles ou conventionnelles plus favorables, ceux-ci risquent de percevoir un salaire supérieur aux plus jeunes, ce qui peut s'avérer un véritable frein à leur embauche.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
J'ai déjà eu l'occasion d'exposer mes arguments sur ce thème. Avis défavorable sur tous ces amendements.
Exclamations sur divers bancs.
Même avis. Je m'en suis déjà expliquée.
Madame la ministre, vous le voyez bien : je me sens soutenu, comme dans le cas de mon amendement précédent, par beaucoup de nos collègues, et sur tous les bancs. La démarche consistant à s'affranchir du critère de l'âge dans les contrats d'apprentissage est en effet réellement transpartisane.
Cela permettrait de rémunérer davantage d'apprentis et de rendre de nouveau cette filière attractive. Je vous proposerai tout à l'heure, dans un amendement qui aurait pu être présenté dans le cadre de cette discussion commune, que jusqu'à l'âge de vingt-six ans, la rémunération des apprentis soit calculée sur la base du diplôme préparé.
Il faut en effet tenir compte de la spécificité des parcours et des profils, et rémunérer chacun non pas en fonction de son âge, ou du fait qu'il soit âgé de dix-huit ou de vingt-six ans, mais en fonction des compétences acquises et de son expérience.
Je vous invite donc tous, mes chers collègues, à voter les amendements identiques qui vont faire l'objet d'un scrutin public dans quelques instants. Dans le cas contraire, nous aurons une séance de rattrapage tout à l'heure.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 75 |
Nombre de suffrages exprimés | 73 |
Majorité absolue | 37 |
Pour l'adoption | 21 |
contre | 52 |
L'amendement no 1154 n'est pas adopté.
L'amendement no 1701 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Marie-Pierre Rixain, pour soutenir l'amendement no 1733 .
L'apprentissage est la voie privilégiée d'accès aux métiers de l'artisanat, tous secteurs et niveaux confondus. Il est en effet le meilleur moyen pour l'apprenti de découvrir concrètement son futur métier, guidé par un maître d'apprentissage ayant à coeur de lui transmettre son savoir-faire.
Afin de consolider la culture de l'apprentissage en France, notamment dans le secteur de l'artisanat, il est capital que chaque artisan puisse bénéficier d'une présentation exhaustive des dispositifs existants ainsi que d'une formation à la transmission de son savoir à des élèves entrant sur le marché du travail.
C'est pourquoi nous proposons d'ajouter un module relatif à l'apprentissage au stage obligatoire de préparation à l'installation que doit suivre tout futur artisan chef d'entreprise.
Ce module pourrait être l'occasion de présenter l'ensemble des dispositifs financiers et juridiques régissant l'apprentissage et de former le public en question à l'accueil d'un apprenti en entreprise.
Il aurait une vocation informative et formatrice et présenterait les dispositifs de manière attractive. Il permettrait à chaque artisan de se poser la question de l'apprentissage et d'être ainsi accompagné dans sa démarche.
Ce module est déjà très souvent inclus dans le stage de préparation à l'installation suivi par les artisans. Par ailleurs, si l'objet de l'amendement est positif s'agissant de la formation, je m'interroge sur le signal que l'on enverrait en l'inscrivant dans une loi traitant de l'artisanat – en l'occurrence celle du 23 décembre 1982 relative à la formation professionnelle des artisans.
En effet, les entreprises artisanales sont les plus dynamiques en matière d'apprentissage, puisque 35 % d'entre elles comptent au moins un apprenti. Comme je vous l'indiquais, la plupart des chefs d'entreprise concernés sont formés à cette question.
Pour toutes ces raisons, la commission est défavorable à cet amendement, qui est déjà satisfait par ces stages de préparation à l'installation et ne cible que l'artisanat, ce qui constitue à mes yeux un mauvais signal.
Dans la mesure où cet amendement no 1733 est satisfait, j'en suggère le retrait.
L'amendement no 1733 est retiré.
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l'amendement no 1549 .
Il est défendu. Je sais, chers collègues, que vous vous êtes toutes et tous réservés pour ne voter que celui-ci : je vous en remercie.
Sourires.
L'amendement no 1549 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l'amendement no 1490 .
Le candidat Emmanuel Macron avait soutenu, dans son programme pour les outre-mer, le développement d'un Erasmus caribéen et d'un Erasmus dit adapté. Cet amendement va dans ce sens, puisqu'il vise à promouvoir l'apprentissage des jeunes ultra-marins des collectivités du Pacifique dans leur environnement régional.
La commission des affaires sociales a adopté un amendement rendant possible une expérimentation dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution, puisqu'il prévoit que le contrat d'apprentissage pourra y être exécuté « en partie à l'étranger, dans leur environnement géographique ».
Nous proposons d'étendre le bénéfice de cette disposition aux collectivités du Pacifique, qui devraient, elles aussi, pouvoir bénéficier d'un renforcement des échanges avec les territoires du même bassin océanique.
La situation de l'emploi dans les outre-mer est très préoccupante : en Nouvelle-Calédonie par exemple, le taux de chômage des jeunes de quinze à vingt-quatre ans s'élève à 36 %.
La généralisation de la mobilité des apprentis ultramarins vers les pays d'Europe n'est en outre pas souhaitable, en raison des difficultés d'adaptation des jeunes concernés ainsi que du coût onéreux du voyage.
Aussi serait-il plus judicieux de favoriser leur déplacement à l'étranger, dans leur environnement géographique propre.
La commission a déjà fait le choix d'une expérimentation à l'objet similaire à l'initiative de certains de nos collègues.
Elle avait déjà rejeté cet amendement. Je propose que nous en restions à l'équilibre trouvé alors et émets par conséquent un avis défavorable.
Je vous propose, monsieur le député, de retirer cet amendement, puisque nous avons déjà prévu une expérimentation. S'il fallait aller au-delà, nous en discuterions dans le cadre du groupe de travail préparatoire sur les ordonnances spécifiques aux outre-mer.
Je serais ennuyé de le retirer, dans la mesure où il a été déposé par nos collègues Philippe Dunoyer et Philippe Gomès, qui sont tous deux députés de Nouvelle-Calédonie, collectivité qui doit s'exprimer prochainement par référendum.
Ils aimeraient pouvoir profiter des dispositions de l'article 73 de la Constitution, car la Nouvelle-Calédonie est régie par l'article 74 de la Constitution. Je me propose donc de maintenir cet amendement et souhaite qu'il recueille un avis favorable, car cela serait préférable pour la Nouvelle-Calédonie.
L'amendement no 1490 n'est pas adopté.
Au cours de nos débats, notre groupe n'a que très rarement défendu des amendements visant à demander des rapports : cet amendement fait donc exception, puisqu'il demande au Gouvernement de remettre un rapport « [… ] analysant les résultats de la généralisation de l'ouverture de l'apprentissage aux personnes ayant jusqu'à vingt-neuf ans révolus. [… ] »
Le projet de loi généralise en effet l'accès à l'apprentissage d'un public plus âgé, et donc plus expérimenté, auquel il était auparavant interdit, ce qui est tout à fait positif et ne peut qu'améliorer la fluidité des parcours professionnels.
Toutefois, cette évolution introduit, s'agissant de la rémunération, un risque qui, nous l'avons vu, a poussé nombre de nos collègues à déposer des amendements visant à modifier la rédaction initiale.
En maintenant ce mode de rémunération, nous courons le risque de décourager les entreprises de recruter des apprentis majeurs, ce qui serait, madame la ministre, en contradiction avec la philosophie comme avec les perspectives de votre projet de loi.
C'est la raison pour laquelle il est demandé au Gouvernement d'éclairer la représentation nationale – de manière plus détaillée que dans l'étude d'impact – sur la manière dont les publics âgés de plus de vingt-cinq ans bénéficieraient de contrats d'apprentissage.
Ce rapport permettrait d'engager une réflexion sur la grille et les critères de rémunération des apprentis, sujet qui n'est hélas pas traité dans le projet de loi.
En étendant le bénéfice de l'apprentissage de vingt-cinq à vingt-neuf ans révolus, le projet de loi propose une avancée majeure. Il nous sera peut-être possible d'aller encore plus loin demain.
C'est pourquoi cet amendement propose que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur cette extension, afin d'analyser comment les acteurs se seront adaptés, comment les techniques pédagogiques auront évolué et comment les nouveaux apprentis âgés de vingt-six à vingt-neuf ans se seront intégrés en entreprise, et dans quelles proportions.
Ce retour d'expérience nous permettra d'évaluer s'il est pertinent d'étendre demain l'apprentissage au-delà de la limite d'âge proposée aujourd'hui.
La parole est à M. Ludovic Mendes, pour soutenir le premier sous-amendement, no 2224 .
Ce sous-amendement vise à permettre aux personnes au chômage ainsi qu'aux allocataires du revenu de solidarité active – RSA – de signer un contrat d'apprentissage leur permettant de réintégrer le monde du travail et d'acquérir de nouvelles compétences.
Cette nouvelle extension pourrait être conditionnée à une obligation de formation au sein d'un secteur, en tension en vue de mieux répondre aux besoins des entreprises qui, pour certaines, éprouvent, de sérieuses difficultés à recruter faute de compétences disponibles.
Comme nous l'avons évoqué à plusieurs reprises dans cet hémicycle, nous sommes quelques-uns sur ces bancs à être naturellement sensibles à la question de l'apprentissage pour avoir fréquenté un CFA.
C'est mon cas, et je sais que le potentiel accès à un emploi durable est plus important dans le cas d'un apprentissage que dans le cas d'une formation professionnalisante – Mme la ministre en a parlé à plusieurs reprises.
Devant le congrès de la Mutualité, hier matin, le Président de la République a appelé à investir dans les personnes qui veulent réintégrer le marché du travail, car le travail est la base de l'émancipation. Tel est le sens du dispositif que j'évoque aujourd'hui.
Quelle meilleure opportunité d'émancipation, pour une personne au chômage ou allocataire du RSA, que le retour à l'emploi via une formation diplômante et au contact direct de l'entreprise ?
Cette mesure serait également bénéfique pour nos finances publiques, car une personne retrouvant un emploi perçoit moins – ou plus du tout – d'allocations sociales.
Enfin, ce dispositif constituerait une mesure centrale dans la lutte contre l'assignation à résidence dont sont victimes nombre de nos concitoyens.
Pour toutes ces raisons, il serait à mon sens opportun d'étudier, dans le cadre du rapport proposé par nos collègues du groupe du Mouvement démocrate et apparentés, la possibilité de déroger à la limite d'âge de vingt-neuf ans révolus, afin que les actifs au chômage comme les allocataires du RSA puissent s'inscrire dans les CFA.
À l'instar de certains de nos collègues, il me semble en effet que l'apprentissage ne doit pas seulement être accessible aux plus jeunes au cours de leur formation initiale. L'université ne permet-elle pas de reprendre une formation complémentaire tout au long de la vie ?
La parole est à M. Bruno Fuchs, pour soutenir le deuxième sous-amendement, no 2225 .
Il y a effectivement un paradoxe que nous souhaitions ici relever : d'un côté, depuis le début de l'examen de ce projet de loi, l'on dit que l'apprentissage est une voie extrêmement efficace et utile, et on en étend le bénéfice jusqu'à vingt-neuf ans révolus, et, de l'autre, on le bride et on le bloque.
S'il est vraiment efficace, pourquoi ne pas lever toute limite d'âge ?
C'est déjà le cas, dans la loi, d'un certain nombre de dispositions, qui bénéficient sans condition d'âge aux sportifs de haut niveau, aux personnes handicapées comme aux futurs chefs d'entreprise, c'est-à-dire aux personnes ayant un projet de création d'entreprise.
Pourquoi une possibilité offerte à un futur chef d'entreprise serait-elle refusée à un chômeur ou à un bénéficiaire du RSA ? Il y a là un paradoxe que nous voulions relever et une question sur laquelle nous devons travailler.
Ce sous-amendement vise donc à ce qu'à l'occasion du rapport qui lui est demandé, le Gouvernement puisse travailler sur ce volet de la question, à savoir l'ouverture des formations en apprentissage à ces deux autres catégories de personnes.
On voit bien, dans d'autres situations, que l'on cherche toujours, s'agissant de telle ou telle activité, à élargir le champ de la dérogation.
Il faut également prendre conscience du fait que les métiers évoluent : dans dix ou vingt ans, un certain nombre de nouveaux métiers auront vu le jour.
Pourquoi donc priver une personne qui a aujourd'hui trente ans, et qui en aura quarante demain, de la possibilité de changer de profession et d'apprendre un nouveau métier grâce à l'apprentissage ?
Cette extension permettrait également d'adresser un signal très fort aux jeunes qui suivent aujourd'hui une formation en apprentissage et hésitent à se lancer, donc retardent leur entrée dans le monde du travail et tendent à multiplier les formations.
Ils cherchent ainsi à être sûrs d'avoir une mobilité suffisante lorsqu'ils seront entrés sur le marché du travail. Leur envoyer le signal que l'apprentissage n'est pas réservé aux plus de vingt-neuf ans, c'est aussi les encourager à entrer plus vite sur le marché du travail et donc à se lancer plus rapidement dans le monde professionnel.
Nous pourrions ainsi leur adresser un message extrêmement fort, ce qui est également vrai pour les bénéficiaires du RSA. Depuis quelques jours, un débat public s'est engagé autour des déclarations du Président de la République sur les meilleurs moyens de faire sortir une partie des allocataires du RSA.
Pourquoi un allocataire du RSA ne pourrait-il pas, s'il est âgé de trente-deux ou même de quarante ans, bénéficier de l'apprentissage pour en sortir et entrer de nouveau dans la vie active ?
Là encore, une telle ouverture constituerait un signal extrêmement fort, sans parler de certains CFA qui, aujourd'hui, ne font pas le plein et cherchent des apprentis. Voilà quels sont nos arguments.
Nous souhaitons donc que le champ de réflexion du rapport demandé au Gouvernement soit étendu à la possibilité d'ouvrir les formations en apprentissage aux actifs au chômage ainsi qu'aux bénéficiaires du revenu de solidarité active.
Monsieur Fuchs, vous présentez aussi un autre sous-amendement, le sous-amendement no 2223 ?
Je trouve l'ensemble de ces propositions judicieuses. C'est pourquoi, dans la mesure où l'amendement no 1155 de Mme de Vaucouleurs est sous-amendé, je lui donnerai un avis favorable, ainsi qu'aux sous-amendements nos 2224 et 2225 , étant entendu que le sous-amendement no 2223 est incompatible avec les précédents. En conséquence, je demande le retrait du sous-amendement no 2223 , ainsi que celui de l'amendement no 164 au profit de celui qui sera sous-amendé.
Monsieur Fuchs, acceptez-vous de retirer votre deuxième sous-amendement ?
Le sous-amendement no 2223 est retiré.
L'amendement no 164 est retiré.
Sur les demandes de rapport, j'ai le même avis que la rapporteure.
Je voudrais néanmoins revenir sur la question de l'âge. Il existe plusieurs options. Pour l'instant – et vous l'avez confirmé tout à l'heure – , nous considérons que l'apprentissage est un véhicule particulier qui relève de la formation initiale, tout en prenant la forme d'un contrat de travail, car c'est en faisant qu'on apprend. La pédagogie part de l'apprentissage des gestes professionnels pour aller vers une qualification et une théorisation. Voilà ce qui est au coeur de l'apprentissage.
Nous nous accorderons, je crois, sur le fait qu'on ne peut pas dire que l'on est en formation initiale toute sa vie – en formation continue, c'est certain, mais pas en formation initiale, à moins de supprimer le qualificatif d'initiale. Cela a été rappelé, il existe déjà un véhicule qui permet d'aller au-delà du seuil de trente ans pour les personnes en situation de handicap, les sportifs de haut niveau et les futurs chefs d'entreprise. Sur 420 000 apprentis, 6 000 relèvent de ces catégories. Or cela prend mal. Pourquoi ? Parce que la pédagogie de l'apprentissage est essentiellement une pédagogie destinée à des jeunes qui sortent de l'école. Même si l'on sort du milieu scolaire, il s'agit quand même d'une découverte du monde professionnel et, de ce fait, cette pédagogie n'est pas forcément adaptée à quelqu'un de cinquante ans qui est en reconversion professionnelle – et qui, d'ailleurs, pourrait fort bien être le père ou la mère d'un autre apprenti, ce qui constituerait une révolution culturelle à laquelle je ne suis pas sûre que nous soyons prêts. Si l'on dilue tout, si l'apprentissage n'est plus une formation initiale, nous risquons de perdre les jeunes et qu'on n'y comprenne plus rien. C'est pourquoi je pense qu'il ne faut pas l'ouvrir aux plus de trente ans.
Pourquoi trente ans ? Dans la vingtaine de centres de formation d'apprentis que j'ai visités depuis le début de l'année, j'ai constaté que la moitié des jeunes étaient de niveau bac +1 à bac +3, tandis que les autres sortaient de troisième. On trouve aujourd'hui en apprentissage de plus en plus de jeunes qui ont fait des études supérieures parce qu'on leur avait dit que c'était ce qu'il y avait de mieux, mais qui, la maturité aidant, après avoir fait des expériences, ont eu un déclic et savent ce qu'ils veulent faire. C'est pour eux qu'il faut adapter les durées et tenir compte des acquis – et c'est pourquoi je crois que le seuil de trente ans a du sens dans le cadre d'une formation initiale prolongée.
Cela étant, vous avez raison : on sait que les métiers vont beaucoup évoluer, donc que les besoins de reconversion vont être importants. On sait aussi que la pédagogie de l'alternance est probablement la plus efficace. La question est : quelle pourrait être la forme d'alternance adaptée à des adultes en formation continue ? Ça, je trouve que c'est une bonne question. Nous disposons déjà d'un outil, qui est le contrat de professionnalisation. En outre, par suite de l'adoption en commission d'un amendement proposé par la rapporteure, le projet de loi va ouvrir aux salariés un nouveau dispositif de reconversion ou promotion par l'alternance. C'est une grande avancée, car cela permettra d'éviter les déqualifications qui conduisent à des licenciements : au lieu que l'employeur aille chercher d'autres personnes qui ont la qualification nécessaire, le salarié pourra s'engager dans une reconversion longue vers de nouveaux métiers, tout en restant sous contrat à durée indéterminée et en conservant son salaire. Il s'agit là d'une reconversion préventive, d'anticipation.
Quant à savoir s'il ne faudrait pas aussi créer d'autres dispositifs destinés aux publics en insertion, on peut y réfléchir, mais je pense qu'il serait bon de ne pas brouiller les signaux et créer de la confusion en ouvrant trop largement l'apprentissage au moment même où nous nous efforçons de délivrer aux jeunes un message clair, à savoir qu'ils disposent de deux voies pédagogiques pour se former professionnellement, que les deux sont intéressantes, et qu'ils peuvent passer de l'une à l'autre et passer les mêmes diplômes dans les deux voies. Cela étant, je le répète, rien n'empêche de réfléchir à d'autres dispositifs allant dans ce sens.
J'aurais voulu intervenir avant la rapporteure et la ministre, madame la présidente…
Je voudrais aller dans le sens général. C'est bien le rôle du Parlement que d'évaluer les dispositifs et que l'exécutif nous rende compte des mesures qu'il nous fait adopter, pour ensuite pouvoir les ajuster, les élargir, les simplifier ou les restreindre – d'ailleurs, il faudra que nous ayons un débat, dans le cadre de l'article 9, sur la fin des contrats. Je pense même qu'il serait nécessaire de remettre régulièrement des rapports sur le sujet, afin de mieux évaluer les mesures que nous sommes en train d'adopter.
Ce débat, nous l'avons eu en commission. J'avais en effet déposé un amendement tendant à supprimer la limite d'âge supérieure pour l'apprentissage. À l'époque, madame la rapporteure, madame la ministre, vous vous étiez opposées à cette disposition. Vous m'aviez même expliqué, madame la ministre, que l'on ne pouvait prendre le risque de voir se retrouver dans la même classe un père et son enfant – vous pouvez vérifier dans le compte rendu. Je suis donc heureux que ces deux sous-amendements, qui aboutiront peut-être à un déplafonnement de l'âge de l'apprentissage, …
Il s'agit simplement de faire un rapport !
… ou qui, à tout le moins, nous permettront d'avoir un rapport sur le sujet, aient été déposés et aient recueilli un avis favorable de votre part.
J'ai moi-même évoqué la question avec Pôle emploi et la région des Hauts-de-France, au cours d'une réunion consacrée à l'emploi lundi dernier. On m'a dit que si ça ne se passait pas ainsi dans l'apprentissage, c'était le cas dans bien d'autres dispositifs, où se côtoient des adultes, y compris âgés, et des jeunes, et que cela créait de la mixité, les seconds se nourrissant de l'expérience des premiers et les premiers bénéficiant de l'oeil neuf des seconds. Cela donne de meilleurs résultats que lorsqu'on met des classes d'âge ensemble.
Le groupe UDI, Agir et indépendants votera donc en faveur des sous-amendements – ainsi, bien entendu, que de l'amendement, mais ce sont surtout les sous-amendements qui nous semblent intéressants.
Je veux remercier Mme la rapporteure et Mme la ministre pour leurs explications et leur soutien à l'amendement et aux sous-amendements.
Je pense qu'il faudrait maintenant que nous ayons la possibilité d'expérimenter, dans certains territoires, l'ouverture aux plus de trente ans des formations en apprentissage pour les bénéficiaires du revenu de solidarité active et les personnes au chômage. D'après les statistiques de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques – DARES – , seulement quatre personnes sur dix accèdent à un emploi durable après une formation professionnalisante, seulement trois sur dix après un contrat unique d'insertion ou un contrat d'accompagnement dans l'emploi – CUI-CAE – , alors que la proportion est de sept sur dix après une formation en apprentissage. Peut-être faudrait-il tenter quelque chose pour remédier au fait que 50 % des personnes qui sont aujourd'hui au RSA sont sans diplôme ou sont titulaires d'un diplôme trop faible et faire en sorte que ces personnes accèdent à une qualification du type brevet d'études professionnelles, certificat d'aptitude professionnelle, baccalauréat ou brevet professionnel. Ce serait formidable de le faire ; cela permettrait de montrer que l'apprentissage n'est pas seulement une formation initiale pour les jeunes, mais que d'autres personnes peuvent en bénéficier, tout comme d'autres passent leur bac après cinquante ans ou suivent des cours du soir à l'université.
Je veux moi aussi remercier Mme la ministre et Mme la rapporteure. Je comprends bien votre logique, madame la ministre, qui est de privilégier la lisibilité, et cela me paraît tout à fait acceptable ; quand on lance un nouveau dispositif, on ne peut pas envoyer des signaux dans tous les sens.
En revanche, je pense qu'il faudra qu'on y arrive assez vite. Dans toutes les classes où cohabitent des personnes d'âges différents, on enregistre des résultats extrêmement positifs. Tous les enseignants souhaitent avoir des classes intergénérationnelles.
D'autre part, quelqu'un de quarante ans qui veut faire un nouveau métier doit bien suivre une formation initiale pour apprendre ce nouveau métier. On reste donc bien dans le même esprit.
Je suis donc d'accord avec vous sur la nécessité d'assurer la lisibilité du dispositif, mais si l'on pouvait lancer rapidement une expérimentation qui permettrait de fonder le rapport sur des données concrètes, ce serait l'idéal.
L'amendement no 1155 , sous-amendé, est adopté.
L'article 8, amendé, est adopté.
Je suis saisie de plusieurs amendements portant article additionnel après l'article 8.
La parole est à M. Michel Vialay, pour soutenir l'amendement no 2060 rectifié .
L'amendement no 2060 rectifié , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l'amendement no 1958 .
L'amendement no 1958 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement no 1457 .
Il s'agit d'un amendement qui vise à ce que l'employeur prenne en charge, à hauteur de 50 %, les frais de transport de l'apprenti entre son domicile et son lieu de travail.
L'amendement est satisfait : les dispositions de droit commun applicables aux salariés s'appliquent aux apprentis dans ce domaine, et la jurisprudence de la Cour de cassation l'a rappelé en 2009 en indiquant que les frais de transport devaient être pris en charge lorsque l'apprenti travaillait en dehors de l'entreprise. Je demande donc le retrait de l'amendement.
Donc demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
Monsieur Dharréville, retirez-vous ou maintenez-vous l'amendement ?
L'amendement no 1457 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Martine Wonner, pour soutenir l'amendement no 1562 .
Voici un amendement qui, je le pense, vous intéressera. Il concerne les mineurs non accompagnés de moins de seize ans, qui étaient au nombre de 6 000 en 2017. Or ces jeunes ne peuvent pas accéder à des contrats de travail, donc aux formations en apprentissage ; ils ne peuvent aller vers la formation professionnelle que par la voie de l'éducation nationale.
Dans quelques filières de type hôtellerie et restauration, il y aurait beaucoup d'avantages à ce que ces jeunes, du fait de leur parcours et de leur degré de maturité, et que l'on recherche, puissent accéder à la formation en apprentissage ou à une école de la deuxième chance, afin d'apprendre le savoir-être que, pour la plupart, ils ne possèdent pas.
Cet amendement a été repoussé par la commission. Nous avons déjà débattu de la pertinence de cette borne à seize ans. Introduire une exception pour les mineurs non accompagnés ne serait pas cohérent, dans la mesure où les enjeux sont les mêmes, qu'il s'agisse du niveau scolaire, de la maturité, des compétences ou du savoir-être. Ces mineurs peuvent bénéficier d'autres dispositifs en amont de l'accès à l'apprentissage, tels que la « prépa-métiers » ou la préparation à l'apprentissage.
J'émets pour ces raisons un avis défavorable, en insistant sur l'existence de dispositifs un peu différents de la voie scolaire classique pour les jeunes de moins de seize ans.
Vous soulevez à travers cet amendement, madame Wonner, le problème des mineurs non accompagnés. Il y a en réalité ici deux sujets. Le premier est que certains de ces jeunes ne peuvent aujourd'hui accéder à l'apprentissage, même s'ils ont entre seize et dix-huit ans. Nous sommes en train d'étudier les moyens de régler cette question sur le plan juridique. M. Taché, d'ailleurs, en fait état dans son rapport.
Pour ce qui est de descendre la limite d'âge en dessous de seize ans, cela tomberait sous le coup du droit commun puisque celui-ci, je le rappelle, réserve l'apprentissage à tout jeune ayant eu, au minimum, seize ans dans l'année civile. Y déroger pour certains serait donc incohérent, mais, comme l'a dit Mme la rapporteure, d'autres dispositifs sont ouverts à ces publics, qu'il s'agisse des « prépas » à l'apprentissage ou des écoles de production.
Reste que nous devons d'abord sécuriser le dispositif pour les seize-dix-huit ans, puisqu'un certain nombre de jeunes, dans cette tranche d'âge, sont des mineurs non accompagnés qui ne peuvent entrer nulle part. Notre priorité est de régler ces situations assez dramatiques. Avis défavorable également.
Compte tenu de l'avis de la commission et du Gouvernement, je retire mon amendement.
L'amendement no 1562 est retiré.
L'amendement no 509 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Sylvie Charrière, première inscrite sur l'article 8 bis.
Cet article, fruit du travail conjoint des commissions des affaires culturelles et de l'éducation et des affaires sociales, tend à créer une classe spécifique de collège, la « prépa-métiers ». Il nous semble important de proposer aux jeunes collégiens confrontés à un décrochage scolaire parfois important une classe spécifique, en collège, leur permettant de retrouver un sens à leur scolarité.
En effet, nous le savons tous, l'intelligence est multiple, et notre système scolaire privilégie l'apprendre plutôt que le faire. Or certains jeunes préfèrent faire, fabriquer, pour apprendre. En s'appuyant sur des pédagogies innovantes et en mettant en avant des compétences transversales telles que la collaboration, la créativité et l'esprit d'initiative, ces jeunes devront renforcer leurs compétences de base, mais aussi, à travers la visite d'entreprises et la découverte de métiers et de formations, construire un projet professionnel et personnel solide et choisi.
L'article 8 bis a pour but de créer une nouvelle classe de troisième de préparation au monde professionnel à destination des collégiens intéressés par l'apprentissage. L'idée peut paraître séduisante, mais ses modalités de mise en oeuvre me posent problème : il est proposé, une nouvelle fois, de passer par décret sans avoir nullement détaillé en quoi consiste cette nouvelle classe de « prépa-métiers ».
De fait, vos explications restent un peu floues – mais j'espère que vous pourrez nous éclairer ce soir. À vous croire, je cite, « le but est d'ouvrir le champ des possibles pour les élèves de troisième. Leur dire : "Voilà ce que la voie professionnelle peut t'offrir" et ne pas les cantonner à la découverte d'un seul corps de métier comme c'était le cas jusqu'à maintenant. » J'applaudis des deux mains mais, concrètement, comment fait-on ?
Au lieu de proposer à l'ensemble des collégiens la découverte des différents métiers, cette nouvelle classe de « prépa-métiers » risque de créer un nouveau niveau de troisième qui pourrait, encore une fois, créer involontairement un cursus à deux vitesses entre les élèves capables de suivre le parcours normal et les autres.
L'idée n'est pas mauvaise en elle-même, à condition que les efforts d'information sur la découverte des différents métiers s'adressent à tous, et que chaque élève puisse savoir en quoi consiste le métier de boucher, de coiffeur ou de chaudronnier – liste non exhaustive, bien évidemment.
J'étais le week-end dernier à Béziers, au salon Métamorphose, dédié au monde de la coiffure. L'organisateur, que je veux saluer ici pour sa belle réussite – il réunit régulièrement les plus grands noms de la coiffure à l'international – me faisait part de son découragement, ou presque – « presque », car il n'est pas homme à se décourager – , face aux clichés qui entourent encore le monde de la coiffure par manque d'information au niveau scolaire. Bien trop souvent, on dirige vers ce métier des jeunes qui n'en manifestent pas forcément l'envie, et « faute d'autre choix ». Il déplorait également le contenu de la formation, complètement décalée avec les réalités du métier aujourd'hui – mais c'est un autre problème. Bref, il insistait avant tout sur l'orientation, laquelle a pour conséquence directe que la moitié des élèves qui suivent une formation de coiffure sont, je le cite, « sur une voie de garage ».
La nouvelle classe de « prépa-métiers » n'est pas une mauvaise idée en elle-même, à condition qu'elle offre réellement de nouvelles perspectives aux élèves. Et peut-être qu'ici, les centres d'information et d'orientation – les fameux « CIO » – , que le ministre de l'éducation nationale semble vouloir supprimer – qu'en est-il d'ailleurs exactement, madame la ministre ? – , auraient un véritable rôle à jouer. J'aurai l'occasion d'y revenir à l'article 10.
Je vais suspendre la séance pendant quelques minutes pour m'entretenir avec les porte-parole des groupes.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante, est reprise à dix-neuf heures.
La séance est reprise.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement no 1474 visant à supprimer l'article 8 bis.
L'amendement no 1474 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Les classes « prépa-métiers » semblent s'inspirer du dispositif voté en 2011 dans la loi pour le développement de l'alternance et la sécurisation des parcours professionnels, dite loi Cherpion, qui a été supprimé lors de la précédente législature par la loi du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République. Ce dispositif proposait aux élèves une découverte approfondie des métiers et des formations, dès la classe de quatrième.
Cet amendement vise à ouvrir des classes « prépa-métiers » au même public que celui visé par la loi Cherpion, non seulement pour conforter les élèves souhaitant choisir l'apprentissage ou l'enseignement professionnel, mais aussi pour proposer une ouverture à ceux qui risquent de décrocher, et donc permettre la conciliation entre obligation de scolarité et perspectives professionnelles extérieures.
Dans le droit fil de la loi Cherpion, l'amendement no 531 prévoit, quant à lui, de renforcer non seulement la découverte des métiers, mais aussi des formations, afin que les élèves puissent effectuer un choix d'orientation éclairé. Ils pourront suivre des stages en CFA et, ainsi, appréhender la partie théorique des formations auxquelles ils se destinent.
Avis défavorable.
Le premier amendement vise à étendre à la quatrième la « prépa-métier », au motif que le dispositif de 2011 prévoyait qu'on pouvait en bénéficier dès quatorze ans. Dans sa rédaction issue de la loi du 28 juillet 2011, l'article L. 337-3-1 du code de l'éducation prévoit un âge minimal de quinze ans pour l'accès au dispositif d'initiation aux métiers en alternance – DIMA. Aussi, la classe de quatrième, que de nombreux élèves commencent à l'âge de treize ans, semble moins pertinente.
Par ailleurs, il paraît exagéré de réserver deux ans à une « prépa-métiers » : un dispositif d'une année serait plus raisonnable.
Les jeunes, hélas, décrochent de plus en plus tôt – dès douze ans, dans certains quartiers difficiles. Il est dommage que nous ne puissions pas essayer de rattraper ces enfants, qui ont du mal à suivre le rythme scolaire, pour leur donner une chance de découvrir des métiers. Si l'on ne s'en occupe pas dès le départ, ils se dirigent vers des structures telles les missions locales ou tombent dans la délinquance.
Ouvrir le dispositif aux élèves de quatrième constitue un geste fort envers la jeunesse des zones sensibles, qui n'a rien à voir avec le préapprentissage à quatorze ans.
De telles classes, qui existent d'ailleurs déjà sous différentes appellations dans les collèges, peuvent sembler alléchantes. En réalité, pourtant, elles consistent souvent à rediriger des élèves dont on ne sait trop que faire.
Faire connaître les différents métiers aux jeunes doit se faire très tôt, dès la sixième, par des actions volontaristes et motivantes, dont ils seront parties prenantes. Les mini-stages ou la création de mini-entreprises fonctionnent bien, car ils font découvrir les réalités des métiers et en donnent le goût aux jeunes.
Il faut travailler davantage sur leur propre regard et le nôtre, sans les enfermer trop tôt dans ces classes prépas, lesquelles, dans la réalité, ne suscitent pas autant de vocations qu'on le pense. Plutôt que d'attendre l'urgence, il serait important de travailler avec l'éducation nationale sur ce grand chantier afin de multiplier, très tôt, les actions concrètes qui motivent les jeunes.
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l'amendement no 943 .
Les classes dont il est question à l'article 8 bis, on le sait maintenant, existent déjà, par exemple sous le nom de troisième « prépas-pro ». Les « prépas-métiers » n'apporteront donc rien : ce n'est qu'un peu de cosmétique. Ce qu'il faut, c'est toucher l'ensemble des jeunes.
Cet amendement vise donc à organiser une journée obligatoire d'information sur les métiers, à la fois en quatrième et en troisième, où il sera possible d'informer les jeunes non seulement sur les métiers, mais aussi sur les perspectives de carrière, car, dans ces métiers, il y a de l'emploi, des débouchés, de bons revenus, et l'on peut même y devenir chef d'entreprise. Ces informations doivent toucher l'ensemble des jeunes.
Avec ce qui a été mis dans la loi et dans le code de l'éducation la semaine dernière, franchement, il y a deux poids et deux mesures !
L'amendement no 943 n'est pas adopté.
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l'amendement no 949 .
Pour casser les stéréotypes, il faut que l'on puisse parler des métiers, des formations et de l'apprentissage à tous les jeunes, et que l'on commence par les enseignants, qui sont les premiers à avoir le réflexe d'orienter les bons élèves dans la voie générale et ceux qui ont davantage de difficultés vers la voie de l'apprentissage.
Cet amendement vise donc à instaurer un module obligatoire de sensibilisation à l'apprentissage dans la formation initiale et continue des professeurs, chefs d'établissement et inspecteurs de l'éducation nationale.
Avis défavorable. La réforme à venir des services publics prévoira une formation des enseignants à la découverte du monde professionnel. Cet amendement, qui, comme le précédent, n'est pas du niveau législatif, sera donc satisfait.
C'est très dur à entendre ! Madame la ministre, madame la rapporteure, vous êtes parfaitement d'accord avec ce que je propose, mais vous ne voulez pas l'accepter. Je n'ai aucune garantie que cette disposition figurera dans le texte futur. Si tout le monde est d'accord, votons-la tout de suite !
Cela relève au moins autant du niveau législatif que le fait d'interdire les téléphones portables dans les collèges, mesure qui figurait déjà dans la loi, mais qui n'a pas été reprise dans les règlements intérieurs.
Vous dites que la disposition ne figure pas dans la loi, mais qu'elle sera dans la loi prochaine. Inscrivons-la tout de suite dans la loi ! Cela me semblerait tout à fait satisfaisant, puisque nous sommes d'accord sur l'objectif.
L'amendement no 949 n'est pas adopté.
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l'amendement no 953 .
Toujours dans la perspective de renforcer l'apprentissage et de casser les stéréotypes qui empêchent les jeunes de se lancer dans cette voie, il faut rendre publics les indicateurs d'insertion professionnelle pour toutes les certifications enregistrées au Répertoire national des certifications professionnelles – RNCP. Ceux-ci doivent être accessibles, connus de tous. Tout le monde verra alors que cette voie professionnelle offre aujourd'hui un meilleur taux d'insertion que les autres formations.
Avis défavorable. Cet amendement vise à publier les taux d'insertion professionnelle de toutes les certifications du RNCP, soit près de 10 000 titres. Je m'interroge donc sur la faisabilité de cette mesure, étant donné qu'il faudrait actualiser ces indicateurs tous les ans pour des diplômes et des titres pouvant être acquis selon différentes voies.
Par ailleurs, le projet de loi prévoit de publier les taux d'insertion professionnelle des CFA et des lycées professionnels. Cela me semble plus pertinent pour informer les jeunes intéressés par ces métiers, qui passent par la voie professionnelle et par l'apprentissage.
Publier les indicateurs pour tout le RNCP n'a pas forcément de sens, puisqu'un grand nombre de ces 12 000 formations ne sont pas proposées en formation initiale, aux demandeurs d'emploi ou aux jeunes.
En revanche, dans le cadre de la réforme de l'apprentissage, le Gouvernement s'est engagé à publier les taux de réussite aux diplômes et d'insertion professionnelle. La commission a ajouté ceux des établissements, à savoir de tous les CFA et tous les lycées professionnels de France. Nous tiendrons cet engagement. Le Conseil d'État a cependant annoncé que cette disposition ne devait pas être inscrite dans la loi, mais prise par décret.
Madame la ministre, madame la rapporteure, vous faites exactement le contraire de ce qui conviendrait. Vous me permettrez donc de vous mettre en garde d'une phrase. Vous refusez de dire quel diplôme permet une bonne insertion, mais vous souhaitez indiquer quel lycée ou quel CFA en offre une. Vous allez donc désigner des lycées comme étant de mauvais établissements, où personne ne voudra aller, au lieu d'indiquer quelle formation est bonne, pour inciter nos jeunes à les suivre, quels que soient la région ou le lycée où elle est proposée. Cette mesure est géographiquement stigmatisante.
L'amendement no 953 n'est pas adopté.
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l'amendement no 962 .
Pour que les élèves fassent un choix en toute conscience, il faut qu'ils puissent connaître exactement les possibilités d'insertion professionnelle permises par chacune des filières et les perspectives de carrière et d'évolution, qui sont souvent sous-estimées.
Cet amendement vise donc à engager un travail avec les branches professionnelles afin que les jeunes soient mieux informés sur toutes les perspectives qui s'offrent à eux à l'issue du diplôme, tant sur le plan financier qu'en termes de carrière.
Cet amendement vise à engager un travail d'information sur les perspectives salariales et d'insertion professionnelle, en partenariat avec les branches professionnelles. Le législateur que nous sommes ne devrait pas prescrire d'engager un travail qui doit être mené, mais qui, tel que vous le présentez, monsieur Di Filippo, est à la fois immense et déjà entamé.
De plus, la question des perspectives salariales que vous ajoutez à celle de l'insertion professionnelle étant particulièrement complexe à documenter, la commission a repoussé cet amendement.
L'amendement no 962 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l'amendement no 967 .
À seize ans, et même souvent beaucoup plus tard, les jeunes ne savent pas exactement ce qu'ils veulent faire dans la vie, ce qui leur plaira et ce dans quoi ils s'épanouiront. Il faut donc leur donner la possibilité de se réorienter le plus possible et le plus tard possible.
Cet amendement vise à encourager les centres de formation d'apprentis et les lycées professionnels à conventionner plus souvent et plus facilement, pour développer les stages passerelles permettant aux jeunes de se réorienter.
Si nous sommes favorables à ce principe, votre rédaction a une portée juridique faible, en tant qu'elle ne précise pas cet encouragement au conventionnement, ni ne le renvoie à un pouvoir réglementaire. Cela donne peu de moyens de rendre ce droit réel.
J'aurai vraiment tout essayé ! Moi qui suis très sourcilleux s'agissant de la distinction entre le domaine législatif et le domaine réglementaire, je pensais que le ministère du travail ferait un travail merveilleux pour rédiger un décret précisant tout cela. Je regrette en tout cas que, sur chacun de ces amendements, nous ayons été d'accord sur le principe, mais que nous n'ayons pas pu collaborer et que vous les ayez repoussés, pour des raisons rédactionnelles, mais surtout fallacieuses.
L'amendement no 967 n'est pas adopté.
L'article 8 bis est adopté.
La parole est à Mme Gisèle Biémouret, pour soutenir l'amendement no 1327 , tendant à supprimer l'article 8 ter.
L'article 8ter, qui est issu d'un amendement adopté par la majorité en commission, revient sur l'interdiction d'employer ou de recevoir en stage des mineurs dans les débits de boissons à consommer sur place.
Des dérogations existent déjà pour les mineurs de seize à dix-huit ans qui suivent une formation certifiante, si le bar est agréé. Avec cet article, vous supprimez la procédure d'agrément pour ces jeunes, sauf s'ils sont en service au bar. Plus inquiétant, vous écrasez la rédaction actuelle, qui applique la procédure aux jeunes salariés. Concrètement, un jeune de dix-sept ans pourra être employé dans un bar sans procédure d'agrément préalable de l'établissement.
Alors qu'une étude publiée le 8 juin dernier par l'IPSOS révèle que les jeunes âgés de quatorze à vingt-quatre ans sont de plus en plus exposés à des addictions variées, notamment à l'alcool, alors que le plan national de mobilisation contre les addictions, présenté par le Gouvernement, est attendu pour cette année, cet article nous paraît inacceptable, compte tenu des risques qu'il fait peser sur nos jeunes. C'est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
Je rappellerai enfin, comme l'a fait à plusieurs reprises Joël Aviragnet, que les jeunes mineurs sont parfois fragiles. Dans l'exposé que vous avez fait en fin de matinée, vous avez oublié de dire une chose, madame la ministre : que, lorsque les jeunes décrochent ou sont à la dérive, c'est justement parce qu'ils présentent certaines fragilités et qu'ils ont besoin d'être entourés et soutenus.
Cet article, qui a été adopté en commission, vise à limiter la procédure de dérogation aux cas pour lesquels elle a été introduite, à savoir les seuls cas où un mineur est en contact avec l'alcool. Il ne me semble donc pas souhaitable de revenir à la rédaction antérieure. Avis défavorable.
Sauf erreur de ma part, la disposition qui a été adoptée en commission introduit un assouplissement des règles relatives à l'activité de mineurs dans des lieux où ils peuvent être au contact de l'alcool. Je ne vois pas pourquoi il faudrait assouplir les dispositions existantes relatives au travail des mineurs dans les bars. Cela me choque énormément !
Il existait déjà une procédure d'agrément, qui permettait d'encadrer cette activité, mais vous la restreignez, ce qui ne fera qu'aggraver les risques de contact des mineurs avec l'alcool. Je ne comprends pas votre réponse, madame la rapporteure, et il n'y a aucune raison d'assouplir la disposition existante. Celle-ci garantissait déjà l'apprentissage dans ce type d'établissements.
Gardons ce qui existe et n'allons pas plus loin. Je suis très choquée par cet article et je n'en vois pas l'utilité. Étant donné le contexte, quel est l'intérêt d'exposer ainsi des jeunes de dix-sept ans ? Je suis très choquée, je le répète, et je pense que nous devrions supprimer cet article qui a été introduit en commission.
Je suis tout à fait d'accord et j'attends de voir comment vous allez vous positionner lorsqu'il s'agira d'adopter des mesures de prévention contre les addictions. On ne peut pas faire une chose et son contraire.
J'aimerais défendre cet article, car je pense qu'il faut arrêter de déresponsabiliser les jeunes. Ce n'est pas parce qu'un jeune va travailler dans un bar qu'il va forcément boire de l'alcool. Un mineur qui travaille dans une pharmacie ne consomme pas les produits pharmaceutiques qu'il a sous la main !
Sourires et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Un mineur qui travaille dans la grande distribution ne consomme pas non plus tous les produits qui sont autour de lui.
Il faut responsabiliser les jeunes dans le monde du travail et il serait dommage d'empêcher certains employeurs d'avoir recours à des jeunes pour les former.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Ce n'est pas en caricaturant que l'on fait des remarques intelligentes !
Nous ne déresponsabilisons personne ! Il existe une procédure qui permet déjà à des jeunes de travailler dans des débits de boisson en tant qu'apprentis. Nous ne demandons pas de supprimer la procédure d'agrément qui existe, mais nous ne souhaitons pas aller plus loin, parce qu'il n'est pas nécessaire d'aller plus loin. C'est tout ce que nous disons, et il est inutile de caricaturer mon propos pour essayer d'avoir raison.
La question n'est pas de déresponsabiliser, mais de protéger des mineurs qui peuvent être beaucoup plus fragiles que d'autres et qui peuvent être pris dans quelque chose qui va les dépasser. L'alcoolisme des mineurs est une chose très grave. Ce sont des enfants !
Nous défendons l'apprentissage. Nous n'allons pas empêcher nos jeunes d'aller travailler dans des restaurants, sous prétexte qu'on y sert de l'alcool !
Chacun sait que la procédure est compliquée, mais n'ajoutons pas de nouvelles contraintes pour les restaurateurs. Votre position est contradictoire : vous ne pouvez pas dire que vous voulez favoriser l'apprentissage, tout en compliquant les choses ! On ne peut pas dire que les jeunes qui travaillent dans des restaurants soient plus alcooliques que les autres. Il n'est pas nécessaire de travailler dans un restaurant pour acheter de l'alcool au supermarché et aller boire dans un parc. Si vous voulez vraiment soutenir l'apprentissage, faites en sorte que les restaurateurs puissent réellement y avoir recours !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Pour avoir été apprentie en restauration pendant plusieurs années, je tiens à vous rassurer, en vous disant que je ne suis pas devenue alcoolique.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Je suis allée jusqu'au BTS en restauration et je peux vous dire que cette activité sensibilise au contraire les jeunes aux questions d'alcool.
L'important n'est pas de déresponsabiliser les jeunes, mais d'étendre l'apprentissage à un secteur qui a du mal à recruter, qui crée de l'emploi chaque année et qui recherche des apprentis. Il y en a 30 000 aujourd'hui, et ce n'est pas suffisant.
Il est extrêmement important de pouvoir mieux former et mieux sensibiliser les jeunes, grâce à une expérience professionnelle qui s'ajoute à la formation théorique.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Je voudrais seulement citer l'exemple de la Grande-Bretagne, auquel vous aimez faire référence, puisqu'il s'agit d'un pays très libéral, où il se fait des choses intéressantes. Dans l'hôtellerie et dans la formation hôtelière en Angleterre, les jeunes n'ont absolument pas le droit de servir ou de toucher des boissons jusqu'à dix-huit ans.
L'amendement no 1327 n'est pas adopté.
L'amendement no 416 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Catherine Fabre, rapporteure, pour soutenir l'amendement no 1774 .
L'amendement no 1774 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Cet article a été amélioré en commission, mais il reste un petit point problématique. Les jeunes qui sont en formation et qui sont amenés à toucher de l'alcool ne peuvent rentrer en apprentissage qu'à partir de seize ans. Certains perdent donc un an et nous proposons, par cet amendement qui a été cosigné par un grand nombre de mes collègues, de permettre l'entrée en apprentissage dès l'âge de quinze ans. Il n'est pas logique d'entamer la formation relative au contact de l'alcool sans faire, en même temps, une première expérience professionnelle.
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l'amendement no 1744 .
Nous proposons que, comme dans toutes les branches professionnelles, un jeune d'au moins quinze ans qui justifie avoir accompli l'intégralité de la scolarité de premier cycle de l'enseignement secondaire puisse immédiatement commencer son apprentissage en hôtellerie, sans attendre et sans perdre un an.
La parole est à M. Stéphane Buchou, pour soutenir l'amendement no 1090 .
Il va exactement dans le même sens que celui qui vient d'être présenté.
L'article 8 ter, amendé, est adopté.
La parole est à M. Stéphane Buchou, pour soutenir l'amendement no 1089 , portant article additionnel après l'article 8ter.
L'amendement no 1089 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Comme les articles 7 et 8, l'article 9 concerne les conditions de travail par apprentissage. Le statut des apprentis, la conclusion, l'exécution du contrat et les aides associées font l'objet d'une réglementation relevant tout à la fois du code du travail, du code de l'éducation et du code général des impôts.
Ces nombreuses particularités ne sont pas toujours comprises par les jeunes, apparaissent complexes et sont donc souvent mal appliquées par les employeurs. Elles peuvent également avoir pour conséquence de limiter l'embauche d'apprentis.
Aujourd'hui, passée la période probatoire de quarante-cinq jours en entreprise et sauf accord des deux parties, le licenciement n'est possible qu'après décision du conseil des prud'hommes saisi en référé. Il s'agit d'une procédure lourde et pénalisante.
La proposition d'assouplir les conditions de rupture du contrat d'apprentissage est directement issue des résultats de la concertation des acteurs de l'apprentissage pilotée, avec l'appui de France Stratégie, par Sylvie Brunet, présidente de la section travail en emploi du Conseil économique, social et environnemental.
De nombreux acteurs ont fait valoir que les conditions actuelles de rupture du contrat constituaient un frein important à l'embauche.
De plus, malgré la réforme de la procédure du référé en 2014, les délais de traitement des dossiers par les conseils de prud'hommes restent trop longs, puisqu'ils peuvent aller jusqu'à dix-huit mois. Ces retards sont pénalisants non seulement pour l'entreprise, mais aussi pour l'apprenti qui ne peut pas conclure de nouveau contrat tant que la rupture n'est pas prononcée par le juge. C'est donc un frein considérable au développement de l'apprentissage que cet article propose de lever.
Soulignons également que les actions en référé concernent seulement 1 % des cas de ruptures de contrat d'apprentissage et que la suppression de cette procédure n'empêchera aucunement l'apprenti de saisir le conseil des prud'hommes en cas de conflit avec son employeur.
L'article introduit la possibilité de rupture par l'entreprise ou par la démission de l'apprenti, après la période probatoire de quarante-cinq jours, à la seule condition du passage devant un médiateur consulaire. Ce médiateur peut être saisi par l'entreprise en cas de faute grave, lourde ou d'exclusion définitive de l'apprenti de son centre de formation.
Dans un souci de protection et d'accompagnement, l'article précise qu'en cas de rupture du contrat pour non-respect de la réglementation par l'entreprise, le centre de formation doit prendre les dispositions nécessaires pour que l'apprenti poursuive sa formation théorique et l'aider à trouver un nouvel employeur susceptible de lui permettre d'achever son cycle de formation.
Il s'agit donc à la fois de garantir les droits des apprentis tout en sécurisant et en rassurant les entreprises afin de favoriser les embauches.
Le contrat d'apprentissage est un contrat de travail conclu entre un employeur et un salarié, afin de permettre au jeune de suivre une formation générale, technologique, pratique, pour acquérir une qualification professionnelle sanctionnée par un diplôme de l'enseignement professionnel ou technologique, un titre d'ingénieur ou un titre répertorié.
L'apprentissage est un moyen de se former professionnellement pour une grande partie de notre jeunesse. Cependant, l'article 9 de ce projet de loi tend à précariser les jeunes apprentis. Je perçois mal l'intérêt de l'assouplissement des conditions de rupture du contrat d'apprentissage alors qu'il faudrait plutôt protéger nos jeunes. Si je salue la simplification généralisée, prenons garde à ne pas trop démunir les jeunes. La flexibilité doit conserver de saines limites. Un encadrement juridique et des garde-fous demeurent essentiels.
Je ferai appel à une distinction marxiste entre liberté formelle et liberté réelle. La liberté formelle est celle donnée au loup dans le poulailler. Dans ces conditions, il est difficile pour la poule de négocier avec le loup. Il faut protéger les jeunes dans le cadre de cet échange libre.
Je le dis sur le ton de la plaisanterie, mais le rapport de force est indéniable entre l'employeur et l'employé. Citons le gendre de Marx, Paul Lafargue : le droit du travail ne doit pas être celui de la misère. Attention de ne pas sombrer dans une forme d'ubérisation de l'apprentissage, madame la ministre et madame la rapporteure.
Le contrat d'apprentissage est un contrat particulier dont les modalités de rupture sont très différentes de celles qui peuvent régir les autres contrats. Ainsi, un apprenti ne peut utiliser les règles habituelles de démission, aucun employeur ne peut appliquer les règles du licenciement classique. L'abandon des relations contractuelles n'est facilité que lors de la période d'essai. Au-delà, la résiliation doit respecter certaines conditions, ce qui est normal, que ce soit l'employeur ou l'apprenti qui en a pris l'initiative.
Avec l'article 9, vous proposez de simplifier les modalités de rupture du contrat. Il faut agir avec précaution, car la rupture de contrat dans le cadre d'un apprentissage est toujours susceptible d'être extrêmement déséquilibrante pour l'apprenti dans son parcours.
Malheureusement, les jeunes qui s'engagent dans la voie de l'apprentissage le font encore trop souvent parce qu'ils ont échoué dans le système classique traditionnel. Or, rompre son contrat d'apprentissage peut maintenir cette personne dans ce sentiment d'échec et l'enfermer dans une spirale de l'échec.
Quelles sont les conséquences des ruptures de ces contrats d'apprentissage dans le parcours de formation des jeunes apprentis ? Comment faire pour que de telles ruptures ne conduisent pas à l'échec ?
Dans l'esprit du jeune, la rupture de son contrat n'est pas simplement une interruption du lien salarial. Il peut aussi signifier pour lui le risque de ne pas obtenir son diplôme, ce qui pourrait le déstabiliser et détruire sa confiance en lui, sentiment souvent aggravé par le jeune âge des apprentis.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes : 28,1 % des apprentis ou des employeurs rompent les contrats. C'est pour les formations aux métiers les moins côtés ou à ceux pour lesquels les qualifications nécessaires sont les plus faibles que le taux de rupture est le plus élevé. Il atteint presque 50 % dans l'hôtellerie et la restauration.
Plus inquiétant : dans près de 80 % des cas, la rupture du contrat d'apprentissage entraîne un arrêt complet de l'apprentissage.
Pour cette raison, le dernier alinéa de votre article 9, qui dispose que, « en cas de rupture du contrat d'apprentissage en application de l'article L. 6225-18, le centre de formation dans lequel est inscrit l'apprenti prend les dispositions nécessaires pour lui permettre de suivre sa formation théorique pendant six mois et contribue à lui trouver un nouvel employeur susceptible de lui permettre d'achever son cycle de formation », est une excellente mesure. Cependant, il manque certainement à cet article certaines précisions que vous annoncez vouloir fixer par décret et sur lesquelles il serait nécessaire que nous soyons éclairés, en particulier pour ce qui est des conditions d'une possible démission.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement no 350 .
La formule exacte de Marx est la suivante : « Le libéralisme, c'est le renard libre dans le poulailler libre ». Je reprends cette formule à mon compte, car elle illustre parfaitement ce projet de loi, notamment parce qu'une partie des dispositions qui y sont inscrites découle de rapports écrits sous l'égide de l'Institut Montaigne.
S'agissant des ruptures d'apprentissage, le chiffre est éloquent. Elles atteignent 28 % des contrats conclus et débouchent, dans la majeure partie des cas, sur un abandon définitif des apprentissages – un tiers des entreprises qui emploient des apprentis, selon une étude du Centre d'études et de recherches sur les qualifications – CEREQ.
Plutôt que de lutter contre ce phénomène, cet article facilite les ruptures d'apprentissage. Nous ne pouvons pas souscrire à cette logique. Aujourd'hui, la rupture unilatérale par l'employeur d'un contrat d'apprentissage nécessite toujours l'intervention du conseil des prud'hommes. Cette protection est essentielle. Si l'on voulait faire oeuvre utile, il vaudrait mieux renforcer la capacité des prud'hommes à faire face à leurs missions, plutôt que d'abaisser le niveau des droits.
L'article 9 prévoit désormais quatre possibilités de rupture : accord écrit des parties, licenciement pour faute grave ou inaptitude, licenciement dans le cadre de l'exclusion définitive de l'apprenti de son CFA, rupture à l'initiative de l'apprenti.
Votre article favorisera les licenciements et le chantage à l'emploi. En tout cas, je n'y vois pas l'ombre d'une nouvelle protection. Nous y trouvons au contraire un motif supplémentaire d'inquiétude. Je suis inquiet de l'accumulation de mesures qui portent atteinte au statut de l'apprentissage, qui est déjà bien affaibli.
Vous sacrifiez la protection de ces jeunes pour des motifs très discutables. Cet amendement de suppression tend à ne pas réduire encore davantage ces protections.
De nombreux rapports attestent du manque d'utilité du recours systématique aux prud'hommes en cas de rupture. Cette suppression fait l'objet d'un relatif consensus. Le droit de saisir le juge existe toujours et est assuré. Avis défavorable.
L'amendement no 350 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Adrien Quatennens, pour soutenir l'amendement no 1719 .
En l'état actuel du droit, le contrat d'apprentissage peut être rompu par l'une ou l'autre des parties durant les deux premiers mois. Passé ce délai, la rupture du contrat peut être prononcée par le conseil des prud'hommes en cas de faute grave ou de manquement répété de l'une des parties à ses obligations. Le droit actuel est donc parfaitement satisfaisant puisqu'il permet la rupture du contrat pour des motifs légitimes et garantit les droits des deux parties.
Cet article prévoit pourtant de supprimer les dispositifs actuels et de les remplacer par plusieurs dispositions moins protectrices pour les jeunes en apprentissage. Il introduirait une inégalité de traitement inadmissible entre l'apprenti et l'employeur.
Relevons à cet égard deux dispositions. La première facilite le licenciement de l'apprenti sans passage par les prud'hommes, puisque, en cas de rupture du contrat, après quarante-cinq jours, les apprentis ne pourraient plus les saisir afin d'en contester les motifs et la validité. La seconde mesure laisserait à l'exécutif le soin de définir par décret les modalités selon lesquelles l'apprenti pourrait rompre le contrat.
Or nous savons de quels intérêts le Gouvernement a tendance à prendre la défense et nous avons tout à craindre du décret qu'il pourrait prendre sans contrôle du Parlement. C'est bien pour ces raisons que nous demandons la suppression des alinéas 2 à 8 de cet article.
L'amendement no 1719 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Michèle Victory, pour soutenir l'amendement no 1317 .
Nous demandons la suppression de ces alinéas, à la suite de nos collègues. Vos propositions ne permettront pas de soutenir les apprentis qui rompent leur contrat alors que ces situations d'échec les fragilisent et les placent dans des situations compliquées. Vous ne nous expliquez pas les raisons de ce choix. Aucun chiffre ne nous permet de mesurer les bénéfices de cette mesure.
La suppression de ces alinéas aurait pour effet d'abroger un nouveau droit accordé aux apprentis, celui de la démission. Plus de 60 % des ruptures sont décidées d'un commun accord et la procédure des prud'hommes est utilisée dans moins de 1 % des ruptures.
Cette procédure est longue et interdit potentiellement aux jeunes de signer un nouveau contrat. Cet amendement est donc inopportun, car il serait un frein puissant à l'apprentissage.
Madame la ministre, j'aurais aimé que vous développiez votre avis : ce pourrait être utile, y compris pour la suite du débat.
Si j'ai bien compris, des employeurs renonceraient à embaucher des apprentis parce qu'ils craindraient de devoir aller aux prud'hommes en cas de difficultés. C'est toutefois la procédure que la justice du travail suit dans notre pays : je ne pense qu'il faille l'abroger. Je suis révolté par ce qu'un tel raisonnement révèle de votre conception du droit du travail.
Je tiens, moi, à évoquer la réalité des situations. Aujourd'hui, le droit impose aux deux parties, mêmes si elles sont d'accord pour rompre le contrat, de passer préalablement par les prud'hommes. Or c'est une démarche longue, et d'autant plus difficile lorsque, précisément, les deux parties sont d'accord ! C'est pourquoi, dans ce cas, le plus souvent le jeune apprenti démissionne bien que la loi actuelle ne le lui permette pas, si bien qu'il n'a pas le droit de signer un nouveau contrat d'apprentissage.
De nombreux jeunes sont ainsi partis de chez un maître d'apprentissage, soit parce qu'ils ont découvert que le métier auquel ils se préparaient ne correspondait pas à leur attente, soit parce qu'ils ne s'entendaient pas avec leur employeur, sans que cela soit dramatique, et ils n'ont juridiquement pas le droit de signer un autre contrat avant que les prud'hommes ne se prononcent. Or le jeune, lui, ne veut pas aller devant les prud'hommes, puisque c'est lui qui a demandé à partir. Il convient donc de se montrer pragmatique. Le passage devant les prud'hommes concernera seulement les cas litigieux.
Toutefois, comme il s'agit de jeunes, le texte a prévu une précaution supplémentaire : préalablement à la rupture de leur contrat, les apprentis devront recourir à une médiation, qui interviendra très rapidement, afin d'éviter des ruptures impulsives à la suite, par exemple, d'une dispute avec le maître d'apprentissage. Lorsque c'est possible, il est préférable de rattraper ces situations.
Je le répète : au nom de la protection des jeunes, le système actuel les empêche de démissionner et donc de signer un nouveau contrat. L'application du droit commun assortie d'une médiation est dans leur intérêt.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
L'amendement no 1317 n'est pas adopté.
La loi prévoit actuellement un cas de rupture des contrats d'apprentissage qui n'est pas repris dans le texte : les manquements répétés de l'une des parties à ses obligations. Or il s'agit là d'un élément de jurisprudence récurrent. Compte tenu de l'objet particulier du contrat d'apprentissage, il paraît opportun de conserver cette possibilité en la réintégrant dans le texte.
La rédaction actuelle du texte permet de couvrir tous les cas. Avis défavorable.
L'amendement no 435 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l'amendement no 476 .
Cet amendement vise à apporter une réponse à un cas très particulier, difficile à vivre, que j'ai déjà évoqué en commission : le décès d'un employeur maître d'apprentissage dans le cadre d'une entreprise unipersonnelle.
J'ai été confronté au cas d'un débardeur qui s'est tué en forêt alors qu'il avait un apprenti. Dans le cadre actuel de la loi, l'apprenti ne peut voir son contrat rompu, parce qu'il doit passer devant les prud'hommes et que son employeur est décédé. Il devient dès lors impossible de rompre le contrat. C'est pourquoi l'amendement vise à compléter la première phrase de l'alinéa 6 par les mots : « ou en cas de décès d'un employeur maître d'apprentissage », ce qui permettrait de limiter ces cas spécifiques à une entreprise unipersonnelle, puisque de tels cas ne se posent évidemment pas dans le cadre de sociétés, l'apprenti ayant alors affaire à plusieurs personnes.
J'ai vu cette année deux cas de ce type : il me paraît très important d'apporter une solution à cette absence de rupture, car elle pose problème autant au jeune, qui n'a plus ni maître d'apprentissage ni formation, qu'à la famille de l'employeur.
La rédaction de l'amendement ne précise pas que cette rupture, « en cas de décès d'un employeur maître d'apprentissage », concerne uniquement les entreprises unipersonnelles.
Non, la rédaction de l'amendement n'exclut pas explicitement le cas où il y a plusieurs employeurs.
Si la rédaction de l'amendement visait explicitement le seul cas des entreprises unipersonnelles, j'y serais favorable. Peut-être conviendrait-il de le rectifier.
J'y serais également favorable si l'on précisait que seules les entreprises unipersonnelles sont concernées.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à dix-neuf heures cinquante-cinq.
La séance est reprise.
L'amendement a été finalement rectifié. Je vous le lis dans sa nouvelle rédaction : « Compléter la première phrase de l'alinéa 6 par les mots : "ou en cas de décès d'un employeur maître d'apprentissage dans le cadre d'une entreprise unipersonnelle" ». Cette rectification est conforme au souhait exprimé par Mme la rapporteure.
L'amendement no 476 , tel qu'il vient d'être rectifié, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement no 351 .
Madame la ministre, vous avez affirmé que, même en cas d'accord des parties pour rompre le contrat d'apprentissage, il leur est nécessaire, dans l'état actuel du droit, de passer devant les prud'hommes : j'ai un doute, je vérifierai.
L'amendement no 351 vise, quant à lui, à maintenir l'obligation de reclassement de l'employeur en cas de licenciement pour inaptitude de l'apprenti, comme le prévoit le droit du travail pour les salariés de droit commun.
En effet, en cas d'inaptitude pour des raisons personnelles ou en lien avec son travail, l'apprenti a, compte tenu de son âge, d'autant plus besoin que son employeur lui fasse des propositions de reclassement. Cette obligation doit être maintenue dans la loi. L'article 9 entend alléger les obligations qui incombent aux employeurs en matière de santé au travail de leurs apprentis, dans la même logique que celle qui a présidé aux ordonnances portant réforme du code du travail, ordonnances qui ont modifié, pour l'ensemble des salariés, les dispositions relatives au reclassement en cas d'inaptitude.
Or cette logique ne nous convient pas. Les ordonnances qui ont réformé le code du travail ont déjà fait suffisamment de dégâts. Il nous faut prendre en considération le fait que les apprentis forment un public encore plus fragile : la loi doit donc prévoir à leur intention des mesures de protection.
Le cas de l'apprenti est particulier : il ne veut pas seulement un emploi, il veut également une formation et une qualification. S'il est déclaré inapte, il vaudra mieux pour lui repartir sur un nouveau projet, dans une formation mieux adaptée à sa nouvelle situation, plutôt que d'être reclassé dans la même entreprise.
Avis défavorable.
L'amendement no 351 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il s'agit d'un amendement de forme visant à prévoir le respect d'un préavis en cas de démission.
La parole est à Mme Catherine Fabre, rapporteure, pour soutenir le sous-amendement no 2196 et donner l'avis de la commission sur l'amendement.
Il s'agit d'un sous-amendement rédactionnel, madame la présidente.
Avis favorable à l'amendement sous réserve de l'adoption du sous-amendement.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement et le sous-amendement ?
Favorable à l'amendement sous réserve de l'adoption du sous-amendement.
Le sous-amendement no 2196 est adopté.
L'amendement no 414 , sous-amendé, est adopté.
La parole est à Mme Michèle de Vaucouleurs, pour soutenir l'amendement no 1156 .
Le présent projet de loi entend assouplir les modalités de rupture du contrat d'apprentissage, tout en assurant leur sécurisation. C'est la raison pour laquelle la rupture à l'initiative de l'apprenti est entourée de plusieurs garanties : sollicitation préalable d'un médiateur et, dans le cas d'un apprenti mineur, signature du représentant légal.
Toutefois, si la signature impérative du représentant légal doit permettre de prévenir toute rupture impulsive ou irréfléchie, il importe de ne pas négliger le cas des familles confrontées à des difficultés particulières – non-maîtrise de la langue, maladie, absence – qui peuvent empêcher le recueil de l'accord, ou du désaccord, pour valider une rupture du contrat qui serait légitime et utile à l'apprenti mineur.
Aussi est-il proposé de mentionner explicitement dans la loi ce cas d'espèce, afin que le médiateur puisse être particulièrement attentif à ces situations et se sente investi d'une mission spécifique à l'égard de ces familles en difficulté face à ces procédures. Cette mission lui impose d'intervenir sous quinze jours pour aller chercher l'accord ou le désaccord du représentant légal à la validation ou à la non-validation de la rupture du contrat à l'initiative de l'apprenti.
Favorable, au nom de l'ensemble du Gouvernement.
Sourires.
L'amendement no 1156 est adopté.
La parole est à Mme Catherine Fabre, pour soutenir l'amendement no 1189 .
Cet amendement prévoit l'application du droit contractuel en permettant expressément à l'apprenti de prétendre au salaire qu'il n'a pas pu percevoir lorsque l'entreprise est liquidée.
L'amendement no 1189 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Patricia Gallerneau, pour soutenir l'amendement no 1157 .
Nous proposons qu'avant de prononcer l'exclusion définitive d'un jeune, le centre de formation saisisse le médiateur mentionné à l'article L. 6222-39 du code du travail.
L'article 9 prévoit une saisine du médiateur en cas de demande de rupture du contrat émanant de l'apprenti ; nous proposons donc d'étendre les missions de ce médiateur, notamment dans le dessein de limiter au maximum les ruptures de contrat qui pourraient être évitées. En effet, le dialogue permet souvent de résoudre les situations complexes. Cette extension de la mission dévolue au médiateur est particulièrement pertinente dans la perspective de l'ouverture de CFA par des organismes de formation ne disposant pas des dispositifs de médiation en vigueur dans les établissements relevant de l'éducation nationale.
L'amendement no 1157 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Catherine Fabre, pour soutenir l'amendement no 1394 .
L'amendement no 1394 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Christophe Naegelen, pour soutenir l'amendement no 871 .
Cet amendement est satisfait car il correspond à peu près à celui de notre excellent collègue Gérard Cherpion, qui était beaucoup mieux rédigé.
Dois-je comprendre que vous retirez votre amendement, monsieur Naegelen ?
L'amendement no 871 est retiré.
L'article 9, amendé, est adopté.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures cinq.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Catherine Joly