La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures.
Hier soir, l'Assemblée a poursuivi la discussion de l'article unique du projet de loi constitutionnelle, s'arrêtant à l'amendement no 373 .
Monsieur le président, monsieur le ministre de la justice, mes chers collègues, c'est un plaisir de vous retrouver ce matin.
Ce premier amendement de notre discussion est important et l'actualité lui donne une résonance toute particulière. Je pense évidemment à ces professeurs qui ont été victimes d'une forme de vindicte et de pressions dans les universités parce qu'ils avaient osé expliquer qu'ils n'étaient pas d'accord avec le fait de mettre l'islamophobie au même rang que l'antisémitisme. Cela nous ramène au communautarisme et à l'islamisme, qui justifient selon nous que nous inscrivions noir sur blanc dans la Constitution que « nul individu ou groupe ne peut se prévaloir de son origine ou de sa religion pour s'exonérer du respect de la règle commune ». C'est le meilleur principe à opposer à l'islamisme, principe qui vaut d'ailleurs erga omnes puisqu'il pourrait s'imposer à d'autres idéologies. Nul n'a le droit de dire qu'il peut se dispenser de respecter les règles de la République parce qu'il croit en tel ou tel dieu ou telle ou telle idéologie.
Quitte à faire déplacer des dizaines de millions de Français, autant faire du référendum une opération utile. On m'opposera que le projet de loi constitutionnelle qui nous est soumis porte sur l'environnement, mais ce ne serait pas la première fois qu'une réforme constitutionnelle modifie des pans entiers de la Constitution.
C'est toujours le moment de procéder à un grand carénage, monsieur le ministre, et d'ailleurs, si cela ne tenait qu'à moi, nous pourrions en profiter pour corriger quelques erreurs comme la durée actuelle du mandat présidentiel mais je ferme cette parenthèse.
Alors que nous voyons tous les jours comment cette idéologie essentialisante et nocive déferle dans notre pays, voter cet amendement montrerait que nous sommes résolus à faire reculer l'islamisme.
La parole est à M. Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission.
Alors que nous entamons la discussion d'une longue série d'amendements, je tiens à rappeler que nous sommes rassemblés pour faire adopter par référendum une modification de l'article 1er de la Constitution visant à garantir la préservation de l'environnement, de la diversité biologique et la lutte contre le dérèglement climatique.
Hier, nous avons avancé sur cet engagement pris par le Président de la République…
… devant les membres de la convention citoyenne pour le climat. Nous avons adopté une phrase qui me semble simple, claire, puissante, précise, qui permettra d'avoir un grand débat sur l'environnement et le climat, le plus rapidement possible, nous l'espérons. Voilà quelle est notre ambition, voilà ce que nous voulons soumettre aux Français. Pour nous permettre d'aller au bout de ce processus, je donnerai un avis défavorable à l'ensemble des amendements qui ne traitent pas de cette modification de l'article 1er, à commencer par celui que vous venez de défendre, monsieur Aubert.
La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l'avis du Gouvernement.
Je veux vous rassurer, moi aussi, je suis ravi de vous retrouver ce matin, mais je ferai en ce début de séance un rappel de principe, à la suite duquel mes réponses, et peut-être celles aussi de M. le rapporteur, seront plus brèves.
Pour instaurer un dialogue, encore faut-il parler de la même chose ; sinon, monsieur Aubert, il s'agit d'un monologue voire d'une tribune où vous poussez vos sujets pour ne pas dire vos marottes, expression utilisée…
Voilà l'illustration même de ce que je viens de dire : vous n'écoutez même pas la fin de ma phrase ! Il est donc inutile que je la prononce en entier.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Continuez donc à pousser vos sujets. Au fond, nous sommes un peu à armes inégales : moi, je viens ici pour proposer la modification de l'article 1er de la Constitution, que nous appelons de nos voeux et je n'entends pas du tout parler d'autre chose que de cela, et vous le savez ; vous, vous refusez le débat contradictoire, vous vous engagez dans un monologue monolithique et monomaniaque. Vous ne faites pas autre chose que réaffirmer devant vos électeurs, devant vos partisans, devant vos admirateurs les sujets qui vous tiennent à coeur.
Le sujet que vous venez d'évoquer, nous en avons discuté il y a quelques semaines. Que voulez-vous que j'ajoute ?
Ce que je vous dis maintenant me permettra d'être plus bref encore dans la suite de la discussion parce que cela ne sert à rien de nous parler : nous ne nous écoutons pas. Vous avez instauré un dialogue de sourds, vous enchaînez les monologues. C'est votre choix. Vous irez jusqu'au bout des idées que vous poussez depuis longtemps. C'est très bien comme ça, la démocratie le permet et je m'en félicite.
Monsieur Aubert, je vous donne la parole, en vous rappelant qu'il reste 213 amendements en discussion et vous savez bien que ce n'est pas pour vous mettre en difficulté que je vous le dis.
Vous avez raison, monsieur le président, mais je souhaite tout de même réagir. D'abord, il ne s'agit pas d'une de mes marottes. Vous pouvez penser que la montée de l'islamisme n'est pas un sujet de préoccupation, monsieur le ministre, mais, en ce cas, je ne suis pas certain que vous rendiez service à votre charge parce qu'il y a beaucoup de Français qui attendent du ministre de la justice, garde des sceaux, une réponse ferme.
Non, ce n'est pas une caricature. Vous me parlez de lubie, de marotte, comme si vous ne partagiez pas l'idée, sur ces bancs, qu'il faille lutter contre l'islamisme.
Ce n'est pas le sujet ! C'est insupportable !
Nous n'aurions pas le droit d'avoir un débat sur le fond ? Mais pourquoi donc venez-vous devant la Chambre, monsieur le ministre ? Vous nous avez expliqué que les dix-sept mots retenus par la convention citoyenne ne pouvaient être modifiés, ce qui revient à rejeter tout débat sur l'enjeu environnemental. Et lorsque nous proposons autre chose, vous nous opposez que ce n'est pas le sujet !
Mais j'ai compris ! Vous venez de commencer la commémoration de l'année Napoléon : « face à un exécutif omnipotent – les ministres nommés par l'empereur ne dépendent que de lui – , le Corps législatif élu [la chambre basse] partage des pouvoirs réduits avec le Conseil d'État, composé de fonctionnaires, et avec le Sénat, dont les membres sont nommés à vie. »
C'est ça, vous savez bien lire !
Finalement, vous m'expliquez, monsieur le ministre, que l'examen du texte se réduit à un seul exercice : adopter la rédaction que vous avez choisie, …
Mais oui, c'est ça !
… alors que l'objet de cette réforme constitutionnelle est d'arriver à un compromis. Vous me dites que je ne vous écoute pas, mais qu'aurais-je à écouter ? Vous ne dites rien.
Rien de ce que vous voulez entendre !
Vous ne faites que répéter en boucle que vous n'êtes pas content d'être ici, que vous nous trouvez insolents à votre égard, et cela d'un ton un peu suffisant et méprisant, et qu'en réalité, vous n'avez pas de marge de manoeuvre pour répondre quoi que ce soit parce que votre seule lettre de mission, c'est de faire en sorte que les dix-sept mots ressortent d'ici exactement comme ils y sont entrés.
M. Marc Le Fur applaudit.
Monsieur Aubert, pas d'attaque ad hominem. Hier, vous m'avez dit après votre cours sur le droit coutumier : « Je vous attends », curieuse façon de parler au ministre, correcte mais un peu virile. Voyez-vous, moi, je ne vous attends nulle part. Pensez-vous avoir le monopole de certains sujets de préoccupation comme l'islamisme ? Quelle impression voulez-vous donc donner ? Qu'on s'en fout ? C'est ça, le résumé de votre pensée ?
Quand vous avez tenté de faire passer une révision constitutionnelle sur la laïcité, vous étiez concentrés sur votre texte, sur un seul mot même, et vous voudriez maintenant que je m'abstienne de soutenir le texte que je suis venu ici défendre. Mais c'est surréaliste ! Et ensuite vous allez continuer de raconter à vos électeurs que vous êtes le seul dans ce pays à vous préoccuper de l'islamisme ! Mais c'est tellement ridicule, tellement ridicule !
C'est la réponse du berger à la bergère, monsieur Aubert, si vous voulez qu'on file la métaphore pastorale.
Une bergère de France !
L'amendement no 373 n'est pas adopté.
Rappel au règlement
Fondé sur l'article 58-1, monsieur le président.
Le problème, monsieur le ministre, est le suivant : l'occasion de modifier la Constitution et d'être constituants ne nous est donnée qu'une à deux fois par législature. Elle nous a été donnée une première fois en juillet 2018, mais brièvement car la réforme constitutionnelle a été interrompue, comme chacun sait, pour des raisons liées à l'activité étonnante d'un collaborateur du Président de la République.
Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
C'est bien la réalité : il était collaborateur du Président de la République et son activité était étonnante, chacun en conviendra. Ce sont des éléments objectifs.
Je veux dire : dans cette enceinte. Il est normal que nous souhaitions évoquer nos sujets…
Eh bien, voilà !
… alors qu'un projet de loi constitutionnelle nous est soumis. Souffrez – et j'ai bien compris que vous souffriez, monsieur le ministre – que nous mettions en avant nos priorités même si ce ne sont pas les vôtres.
C'est bien ce que je vous dis !
Pour nous, la lutte contre l'islamisme extrémiste et politique en est clairement une.
Et pas pour nous, bien sûr…
Chers collègues, nous n'en sommes qu'au début de la séance, chacun a envie de s'exprimer et éventuellement de polémiquer ; j'ai cru comprendre, d'ailleurs, que c'était votre volonté, président Le Fur, parce que l'article 58-1 du règlement que vous avez cité n'existe pas !
… et je suis persuadé qu'il vous faudra au moins cinq ans de plus pour maîtriser parfaitement le règlement.
Sourires. – M. Gilles Le Gendre applaudit.
Chacun ayant pu roder son propos, revenons-en à l'examen des amendements, avec concision et respect les uns pour les autres.
Après l'article unique
L'amendement no 385 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je vais attendre que le ministre soit dans de bonnes dispositions. Donc, défendu.
Vous allez attendre longtemps !
L'amendement no 405 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Malgré votre colère, feinte ou réelle, monsieur le ministre, je ne résiste pas à la tentation de défendre mon amendement.
Je me distinguerai de mon collègue Aubert en disant que la période napoléonienne n'avait pas que des inconvénients. Cet aparté étant fait, et au-delà du débat qui nous oppose sur la forme, je tiens à souligner, comme l'a fait le président Le Fur, que nous sommes réunis en tant que constituants et que rien ne nous empêche de débattre des sujets qui nous tiennent à coeur – et nous avons sans doute une divergence sur la hiérarchisation des priorités.
Ça, c'est sûr !
Si le présent débat est légitime, car la préoccupation environnementale est importante, la lutte contre le terrorisme et contre le communautarisme l'est également. Aussi, par cet amendement, qui vise à compléter la devise de la République « Liberté, Égalité, Fraternité » par le mot « Laïcité », nous voulons réaffirmer notre attachement profond, viscéral, à une société qui ne se soumette pas aux pressions de telle ou telle communauté religieuse qui chercherait à imposer par la force, par le terrorisme des modes de vie non conformes au modèle républicain que nous entendons défendre.
L'amendement no 391 de M. Julien Ravier est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Vous connaissez bien évidemment la devise de la République française et nous n'entendons pas la modifier à l'occasion de ce débat constitutionnel. Ce sera donc un avis défavorable.
Ayant constaté que la sérénité était revenue, je vais défendre cet amendement très important de notre collègue Julien Ravier, qui vise à imposer aux partis politiques le respect des principes de la République. Il fait allusion à ces partis clientélistes, communautaires, qui peuvent se présenter aux suffrages et proposer, en réalité, des programmes tout à fait antinomiques avec les grands principes républicains.
J'en profite pour répondre aux propos du ministre tout à l'heure. Si nous avions souhaité que, lorsque le Gouvernement dépose un projet de loi constitutionnelle, il ne soit possible de débattre que de ce qu'il propose, nous aurions prévu, à l'image des dispositions de l'article 45 de la Constitution, des mécanismes de filtre permettant au président de la commission d'écarter les amendements n'ayant pas de lien direct avec le projet de loi.
Vous savez que, dans le cadre des travaux de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, qui siège malheureusement en même temps que nous, environ 40 % des amendements déposés ont été repoussés à ce titre, alors même d'ailleurs que certains avaient un lien évident avec l'environnement.
C'est donc vous qui faites, à mon avis, une mauvaise lecture de ce qu'est une réforme constitutionnelle. Il ne faut pas vous étonner, alors que nous disposons de très peu de moyens pour défendre nos propositions, que lorsque l'exécutif propose une réforme constitutionnelle, nous nous saisissions du véhicule. Vous faites une mauvaise lecture de la procédure, je le répète, en protestant et en considérant que nous venons alourdir votre belle réforme constitutionnelle, comme si nous surchargions le sapin de boules et de guirlandes de Noël ! Ce sont les règles, heureusement dirais-je, et il nous faut évoquer ces sujets si nous voulons aboutir à une réforme utile.
M. Ravier avait essayé de défendre cette idée lors de l'examen du projet de loi confortant le respect des principes de la République ; il n'y est pas parvenu, s'agissant d'un concept difficile à définir. Avis défavorable.
Je vous remercie pour votre leçon de droit, mais je ne vous dénie pas le droit de faire ce que vous faites. Je rappelle simplement qu'il faut être deux dans une discussion. Vous défendez les sujets que vous voulez ; mais vous en profitez pour dire que vous en avez l'exclusivité et qu'ils ne nous intéressent pas – ce qui est intellectuellement discutable. Souffrez d'entendre que nous souhaitons parler d'environnement. Vous voulez vous accaparer d'autres sujets en faisant croire, je le répète, qu'ils ne nous intéressent pas ; vous donnez dans la pure politique politicienne et je le déplore.
Nous avons débattu de ces questions, il y a quelques semaines, au Sénat, lors de l'examen de la proposition de loi constitutionnelle des sénateurs Bas et Retailleau, visant à garantir la prééminence des lois de la République. Vous y revenez et cherchez à faire croire à ceux qui nous écoutent – peut-être aurez-vous de la chance et vous croiront-ils – que vous êtes les seuls à vous préoccuper d'islamisme et de tous les autres sujets qui pourtant sont également au coeur de notre réflexion. Vous n'en avez pas le monopole. Pardon de me répéter mais, pour discuter, il faut être deux…
… et il est préférable de parler des mêmes sujets, faute de quoi nous n'aurions qu'une succession de monologues. C'est la vie, monsieur Aubert, ce n'est pas une règle de droit. Vous souhaitez me donner des leçons et je les accepte volontiers ; une confrontation avec vous m'amène à beaucoup d'humilité et ce n'est pas inutile.
C'est vrai !
Quand on vient déjeuner chez le ministre, il choisit le lieu, la date, le menu, les couverts et le sujet de conversation ! Si, par malheur, vous voulez en choisir un autre, il vous répond qu'il n'y aura pas de dialogue car ce n'est pas le sujet dont il souhaite parler et qu'il faut être deux pour l'évoquer.
Figurez-vous que j'ai souffert pendant la première partie de l'examen du texte parce que je voulais discuter de la réforme constitutionnelle, des mots que vous entendez inscrire dans la Constitution, et que la seule réponse que nous avons obtenue était que vous aviez choisi ces dix-sept mots et que vous les assumiez.
Eh bien oui !
Je n'ai pas senti, spontanément, votre volonté de dialogue. D'ailleurs, cette volonté de dialogue s'est achevée comme il se devait : vous avez fait passer votre proposition, mais sans l'opposition. Si vous appelez cela un dialogue, permettez-moi de vous dire que je reste circonspect.
Je n'ai jamais prétendu que nous avions l'exclusivité des sujets que nous défendons. Ensuite, je n'ai jamais prétendu que nous aurions l'exclusivité de certains sujets. J'ai parfois l'impression que vous vous croyez dans un prétoire plutôt que dans l'hémicycle.
Ça, ce n'est pas utile !
Si je vous demande d'engager le débat, c'est bien pour que nous partagions les sujets que nous vous soumettons ; d'ailleurs, nous avons besoin de la majorité pour les défendre et j'essaie par conséquent de vous convaincre. Si nous parvenions à dialoguer sur le fond et si vous acceptiez de reconnaître que ces sujets sont importants – et ils le sont, j'en suis certain – , ce serait une victoire pour l'ensemble de la démocratie, parce que nous pourrions dire que nous avons profité de la réforme constitutionnelle pour régler plusieurs questions.
Vous avez beau jeu de me dire qu'on en a déjà débattu ailleurs. Très bien. Je rappelle cependant que la charte de l'environnement, en vigueur depuis plus de quinze ans, mentionne déjà ce que vous proposez ici, ce qui ne vous empêche pas de mobiliser le Parlement pendant plusieurs jours pour que nous en discutions de nouveau ! Votre argument est donc tout de même assez spécieux, si vous me permettez le mot.
L'amendement no 374 n'est pas adopté.
Je suis saisi de cinq amendements nos 286 , 51 , 278 , 1 et 329 , pouvant être soumis à une discussion commune.
L'amendement no 286 de M. Jean-Marie Sermier est défendu, de même que les amendements identiques nos 51 de M. Jean-Christophe Lagarde et 278 de M. François-Michel Lambert.
La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l'amendement no 1 .
Nous abordons avec cet amendement un sujet vraiment d'ordre constitutionnel, chacun en conviendra. Il concerne la durée du mandat du Président de la République : alors qu'elle était auparavant, traditionnellement, de sept ans, elle est passée à cinq ans depuis maintenant vingt ans – à la suite d'un moment d'inattention du constituant.
La modification de la durée du mandat présidentiel a porté préjudice à toutes nos institutions. À la présidence de la République, en premier lieu, qui ne dispose plus de la durée. Regardez ce qui se passe ailleurs ; le Président de la République a des collègues, si je puis dire, qui exercent une autorité dans leur pays : la chancelière allemande, par exemple, va achever sa quinzième année de mandat. Or la durée a son importance dans la vie publique et le rapport de force est aussi fonction de celle-ci.
Le passage au quinquennat a également porté préjudice au rôle du Premier ministre, devenu un collaborateur du Président, au point que, désormais, pour exercer ces fonctions, on recrute un haut fonctionnaire et non plus un responsable politique.
Surtout, il a porté préjudice à l'Assemblée elle-même, désormais élue dans la foulée du Président de la République, non plus sur des projets, mais pour donner à celui-ci les moyens de travailler. Le processus a été dévoyé et est contraire à la logique des institutions.
Interrogé sur cette question, le général de Gaulle disait en 1964 : « [… ] parce que la France est ce qu'elle est, il ne faut pas que le Président soit élu simultanément avec les députés, ce qui mêlerait sa désignation à la lutte directe des partis, altérerait le caractère et abrégerait la durée de sa fonction de chef de l'État. »
Or, dans la mesure où le mandat est actuellement, dans les deux cas, de cinq ans et qu'il y a en outre conjonction des élections – cela est dû, là encore, à des choix malsains de l'époque – , nous sommes dans l'impossibilité de dissocier les fonctions présidentielle et législatives. Pour toutes ces raisons, notre pays ayant mené cette expérience depuis plus de vingt ans, il serait temps de se demander si nous ne devrions pas revenir à une tradition républicaine autrement plus établie, qui est celle du mandat de sept ans.
L'amendement no 329 de M. Julien Ravier est défendu.
Quel est l'avis de la commission sur cette série d'amendements ?
Je rappelle simplement à M. Le Fur que le peuple français s'est prononcé par référendum, en septembre 2000, sur le changement de la durée du mandat du Président de la République. Vous évoquez la stabilité du gouvernement allemand mais le mandat d'Angela Merkel – en effet au pouvoir depuis de nombreuses années – est renouvelé tous les quatre ans, …
Nous sommes à des années-lumière de notre sujet ! Avis défavorable pour les raisons explicitées précédemment.
Nous nous trouvons tout de même face à un affaiblissement consternant du Parlement, affaiblissement renforcé par l'abandon du septennat. Nous nous en serions satisfaits si le Président de la République avait instauré une dose de proportionnelle, comme il s'y était engagé. Elle aurait permis un rééquilibrage des institutions. Nous sommes là au coeur du débat. Je rappelle quand même aux députés de la majorité qu'ils se sont fait élire en portant haut le projet d'Emmanuel Macron ; force est de constater que, en matière de proportionnelle, rien ne sera fait.
Après la crise des gilets jaunes, et au vu des confusions liées à la centralisation des décisions – pendant la crise sanitaire, notamment – , nous faisons face à des réactions de nos concitoyens qui risquent de balayer notre tradition démocratique, si nous ne veillons pas à rééquilibrer les pouvoirs. Si nous ne parlons pas de ces sujets au moment même où nous nous apprêtons à réviser la Constitution, à quoi servons-nous ?
J'ai fait exprès de ne pas défendre trois amendements de cette discussion commune, pour ne pas alourdir nos travaux. M. le ministre s'est, en quelque sorte, absenté de la discussion : ça ne l'intéresse pas. Je remercie en revanche M. le rapporteur d'avoir répondu sur le fond. On peut penser que cet exercice fait perdre du temps au Parlement, mais on peut aussi considérer que c'est le moment ou jamais, à l'heure où nous exerçons notre pouvoir constituant. Bertrand Pancher a parfaitement raison : nous n'aurons pas d'autre occasion de discuter de ces sujets.
Vous rappelez, monsieur le rapporteur, que la réforme du quinquennat a été adoptée par le peuple français et vous avez raison. C'est bien pour cette raison que le véhicule que nous saisissons est le bon : ce que le peuple a voté, seul le peuple peut le défaire. Je n'aurais pas défendu un tel amendement si, par exemple, le projet de révision était soumis au Congrès : nous aurions alors envoyé un très mauvais signal aux Français, en leur signifiant que nous revenions sur un vote populaire.
Je le répète, nous avons peu d'occasions de débattre de ces questions. Soyez assurés que nous n'avons, ici, strictement aucune arrière-pensée politique. Pour l'opposition, défendre le septennat, c'est, à coup sûr, entendre les électeurs répondre : « Sept ans d'Emmanuel Macron, vous n'y pensez pas ! » Nous le faisons parce que nous sommes gaullistes – Marc Le Fur l'est en tout cas, comme moi – , et que nous sommes convaincus que la réforme du quinquennat, qui se voulait intelligente, n'a fait que précipiter l'affaiblissement du Parlement et du Gouvernement, en introduisant une cohabitation verticale. Puisque les électeurs veulent absolument sanctionner les gouvernements en place, ils votent pour la couleur adverse à toutes les élections autres que présidentielles. C'est ainsi que le Sénat est passé à gauche lorsque la droite était au pouvoir, puis que François Hollande a vu une grande partie des régions, des communes et des départements passer à droite ; pour cette même raison, nous avons le risque que le Rassemblement national…
Merci, cher collègue. Je vais donner la parole à M. Lambert, mais c'est la dernière fois que j'autoriserai trois orateurs à s'exprimer sur un amendement.
Je vous ai entendu vous plaindre de ne pas pouvoir parler, monsieur Le Fur, mais je ne vous ai jamais trouvé particulièrement muet ! Par ailleurs – et je suis sûr que vous en conviendrez, monsieur Aubert – , il est toujours bon qu'il y ait de l'alternance dans les prises de parole, comme dans tout le reste, d'ailleurs.
M. le ministre nous assène que nous sommes là uniquement pour parler d'environnement, mais notre mode électif, et la structure même de notre République, ne pourraient-ils pas permettre une approche plus contrastée ?
Je le rappelle, nous proposons un septennat non renouvelable. M. le rapporteur et M. le ministre n'ont d'ailleurs pas répondu à l'amendement défendu par Bertrand Pancher dans ce qu'il a de spécifique : l'instauration d'un septennat unique. Cette proposition mérite une réponse approfondie.
Avec un septennat unique, le président n'aurait pas pour horizon de se faire réélire, mais d'être à la hauteur des enjeux, en particulier environnementaux. Ce principe vaudrait indépendamment des personnes – je ne juge ici ni le président actuel, ni les précédents, ni les suivants. De façon générale, un septennat unique inciterait le président à dépasser son propre intérêt, à prendre de la hauteur et à agir avec courage, quitte à éroder sa popularité. Chacun comprendra qu'à un an de l'élection, un président est plutôt tenté de faire des calculs de popularité, que de traiter des enjeux qui dépassent son mandat.
Vous ne cessez de dire que nous ne sommes ici que pour parler d'environnement, monsieur le ministre, mais l'écologie ne se limite pas à l'environnement ; l'écologie, c'est aussi une autre façon de penser la structure de la société ; c'est une façon de dépasser les clivages pour atteindre des objectifs collectifs. Voilà pourquoi nous défendons un septennat non renouvelable.
L'amendement no 286 n'est pas adopté.
Comme l'a parfaitement expliqué Bertrand Pancher, le préjudice que l'Assemblée nationale – et le Parlement dans son ensemble – a subi à l'occasion du passage au quinquennat est considérable. Nous ne sommes plus qu'un sous-produit de l'élection présidentielle – c'est redoutable ! – , et nous privons nos concitoyens d'une respiration démocratique à mi-mandat. Quand les calendriers des élections présidentielle et législatives étaient dissociés, les choses étaient plus intéressantes : à mi-chemin du septennat survenaient des élections législatives, dont l'enjeu n'était pas une personne, mais un projet et un programme ; aussi y avait-il un vrai débat. Nous nous privons de cette respiration démocratique, et c'est un préjudice pour le Parlement. Cela a été parfaitement dit par les orateurs précédents, et je crois que tout le monde l'a compris, y compris vous, monsieur le ministre – votre absence de réponse en témoigne.
J'ajoute que le fonctionnement actuel des institutions porte également préjudice au Président de la République. Celui-ci n'a plus un rôle d'arbitre surplombant les combats partisans, comme le veut l'article 5 de la Constitution, puisqu'il est désormais élu pour cinq ans, et que les élections présidentielle et législatives sont conjointes. Il devient en fait un super-chef de parti. Nous en voyons la preuve : la majorité La République en marche prend ses ordres non pas auprès du parti, ni du Premier ministre, ni même du peuple – chacun l'a bien compris.
Elle prend directement ses instructions auprès du Président de la République – vous en êtes d'ailleurs témoin lors des votes dans l'hémicycle, monsieur le président. C'est un dévoiement de la fonction parlementaire. Je constate qu'on ne nous répond pas – à croire que tout le monde en convient. Telle est la réalité objective et factuelle.
Je m'étonne, monsieur Le Fur, de vous entendre parler du Parlement et des élections législatives comme de sous-produits de l'élection présidentielle.
De la part d'un vice-président de l'Assemblée, c'est quelque peu caricatural. De même, je m'étonne de vous entendre parler du Président de la République comme d'un super-chef de parti. Vous pourriez en avoir une autre conception, et manifester plus de respect pour la fonction présidentielle et pour le Président de la République française. Je n'ai pas le souvenir que, pendant le mandat de Nicolas Sarkozy, l'indépendance du groupe de l'Union pour un mouvement populaire – UMP – était totale ! Avis défavorable.
Mme Stéphanie Rist et M. Gilles Le Gendre applaudissent.
Même avis.
Vous faites erreur, monsieur le rapporteur, mais je vous remercie de m'avoir répondu sur le fond. Durant le mandat de Nicolas Sarkozy, nous étions, avec Jean-François Copé à la tête de notre groupe, dans une phase de colégislation ; nous étions très actifs à l'égard du Gouvernement. Je reproche à la majorité actuelle de ne pas l'être. C'est parce que je me fais une haute idée du Président de la République que je considère qu'il doit être au-dessus de tout cela. La durée du mandat est déterminante à cet égard, entre autres facteurs. Je vois que vous approuvez, monsieur le ministre.
Je vais vous dire un mot !
Plus encore que la conjonction des mandats législatifs et présidentiel sur cinq ans, le fait que les élections soient consécutives et rapprochées pose problème. Pourquoi l'a-t-on fait ? Parce qu'à l'époque, on avait une sainte horreur de la cohabitation. Il apparaît pourtant que les périodes de cohabitation ont été les plus fructueuses pour notre pays. Chacun a pu s'en rendre compte entre 1986 et 1988 – il se trouve que j'étais alors le collaborateur d'Édouard Balladur : nous avons pu travailler pour le pays, et les réformes se sont accumulées. Il en fut de même entre 1993 et 1995, autre période de cohabitation, avec François Mitterrand comme Président de la République et Édouard Balladur comme Premier ministre : là encore, de multiples expériences de réforme ont été lancées. La cohabitation a toujours été redoutée, alors qu'elle s'est avérée très fructueuse et qu'elle plaisait aux Français : ils y voyaient un équilibre entre un gouvernement et un président qui, certes, n'étaient pas complices, mais qui devaient malgré tout travailler ensemble. Nous nous sommes privés d'une occasion de mener une réforme très importante.
L'amendement no 344 n'est pas adopté.
La parole est à M. François-Michel Lambert, pour soutenir l'amendement no 82 .
En 2006, Nicolas Hulot lançait la dynamique du « pacte écologique » et recueillait un million de signatures, y compris celles de la quasi-totalité des candidats putatifs à l'élection présidentielle de 2007 – parmi lesquels le futur président, Nicolas Sarkozy, et le futur ministre de l'écologie, Jean-Louis Borloo. Ce pacte écologique proposait de créer une fonction de vice-Premier ministre chargé du développement durable. Vous constaterez, monsieur le ministre, que je traite bien du sujet de l'environnement.
La création d'une telle fonction – certains ajouteraient volontiers à son intitulé « et du temps long » – aurait permis, parallèlement à la mission confiée au Premier ministre, d'engager une structuration à plus long terme, afin de répondre à l'enjeu de transformation écologique de la société et de prendre des arbitrages plus équilibrés. Cela renvoie au débat que nous venons d'avoir sur le septennat et le quinquennat.
J'ignore si, en 2006, Emmanuel Macron – qui n'était pas candidat à l'élection présidentielle de l'année suivante – a signé ce pacte écologique, comme un million de nos concitoyens. Toujours est-il qu'en février 2017, quelques semaines avant le premier tour de l'élection à laquelle, cette fois, il se présentait, il a annoncé qu'il créerait un poste de vice-Premier ministre chargé du développement durable, et a laissé entendre qu'il pourrait le confier à Nicolas Hulot. Comme chacun sait, ce dernier a finalement été nommé ministre de la transition écologique et solidaire, numéro deux du Gouvernement.
En effet, la Constitution ne permettait pas de nommer un vice-Premier ministre.
M. Bertrand Pancher applaudit.
La Constitution n'a pas à graver dans le marbre les intitulés des portefeuilles ministériels : il revient au Premier ministre, chef de l'exécutif, d'organiser son gouvernement comme il l'entend, en fonction des priorités et des défis qui se présentent au pays. Aussi mon avis est-il défavorable.
Même avis.
La question ne se limite pas à l'organisation du gouvernement, monsieur le rapporteur. Vous ne semblez pas avoir saisi l'ampleur du poste de vice-Premier ministre chargé du développement durable. Lorsqu'il était encore candidat, Emmanuel Macron a observé qu'il ne pouvait pas créer un tel poste parce que la Constitution ne le permettait pas, mais il a ajouté qu'il changerait la Constitution – vous pouvez le vérifier, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je ne fais que relayer les propos et les promesses de campagne du candidat.
Vous nous expliquez qu'une fois élu, il doit appliquer toutes ses promesses, mais il semble que celles-ci aient un périmètre variable : quand elles ne vous conviennent pas, vous les rejetez. Je défends donc ici une promesse présidentielle, celle qui – je l'assume – m'a fait accorder ma confiance à Emmanuel Macron, pendant un temps, en accompagnant Nicolas Hulot. J'ai cru aux promesses de M. Macron en matière d'écologie, mais je constate qu'elles s'effondrent. Je constate en effet que notre proposition, qui vise un changement symbolique et fort du fonctionnement de notre démocratie et de notre République, est rejetée, balayée voire bafouée par M. le rapporteur, qui nie la nécessaire évolution de la Constitution.
M. Bertrand Pancher applaudit.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 44
Nombre de suffrages exprimés 44
Majorité absolue 23
Pour l'adoption 4
Contre 40
L'amendement no 82 n'est pas adopté.
Chacun en a conscience, il y a pléthore de ministres, de ministres délégués, de secrétaires d'État, etc. On l'aura compris, il s'agit de satisfaire toutes les nuances d'une majorité qui se délite.
Pourtant, à chaque fois on nous répète qu'il faut resserrer le gouvernement, ne serait-ce que pour lui donner davantage de cohérence. Cet argument me semble intéressant.
L'usage fait qu'on équilibre le nombre d'hommes et de femmes dans un gouvernement. Cette coutume n'est pas récente puisqu'elle date d'il y a déjà quelque temps. À un moment donné, il convient donc de la transcrire dans les textes. Il me semble important que nous manifestions ainsi l'égalité entre les hommes et les femmes. D'ailleurs, je ne suis pas le seul à le dire. J'imagine que les positions sont analogues sur les bancs de gauche, sur ceux du groupe La République en marche, c'est-à-dire ailleurs…
MM. Éric Ciotti et Julien Aubert rient. – Rumeurs sur les bancs du groupe LaREM.
Dites-le, mes chers collègues, si vous estimez que la parité dans un gouvernement n'est pas satisfaisante. En tout cas, je considère que c'est une chance. C'est une coutume qui, je crois, est admise et qu'il faut transformer en disposition pérenne. D'où cet amendement.
Oui, monsieur le président, car il est un peu différent même s'il obéit à la même logique, celle de l'équilibre hommes-femmes dans un gouvernement.
De fait, cet équilibre existe dans les assemblées régionales en particulier et nous avons aussi progressé en la matière à l'Assemblée. Il s'agit maintenant de le transcrire dans la Constitution.
Monsieur le ministre, vous conviendrez que c'est un acte symbolique. J'entends souvent nos collègues du groupe La République en marche dire qu'ils vont être les pionniers ici, les pionniers là. Soyons aussi les pionniers en matière de parité hommes-femmes.
M. le ministre rit.
D'où ces deux amendements qui me semblent tout à fait cohérents entre eux.
Comme pour l'amendement précédent, il convient de se garder de figer l'organisation du gouvernement dans la Constitution.
Je rappelle simplement que le Gouvernement de Jean Castex est composé de seize ministres de plein exercice dont huit femmes, …
… ce qui signifie que la parité est bien respectée. D'ailleurs, elle l'est aussi à l'Assemblée. La majorité n'a donc pas de leçon à recevoir en la matière. Avis défavorable.
Mme Stéphanie Rist et M. Jean-Jacques Bridey applaudissent.
Vous parlez de l'époque où vous étiez au pouvoir avec nostalgie ; je le comprends.
En parlez-vous avec objectivité ? C'est autre chose. Je vais vous citer une formule que j'aime beaucoup : « L'oeil ne se regarde pas voir. »
Et puisque vous nous donnez des leçons de parité…
Vous en donnez un peu tout de même… Je vais vous livrer quelques chiffres. Ici, à l'Assemblée, il y a beaucoup de femmes sur les bancs de la majorité, un peu plus que sur les vôtres. Premier constat.
Deuxième constat. Gouvernement Jean Castex : vingt-deux femmes, vingt et un hommes ; gouvernement Raffarin : trente-deux hommes, huit femmes. C'était mieux avant, monsieur Le Fur, sans aucun doute !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Le Gouvernement est évidemment défavorable à ces amendements.
Madame Kuster, j'ai indiqué tout à l'heure que je donnerais seulement la parole à deux orateurs. C'est d'ailleurs à cause de vous que j'ai dû le rappeler.
J'ai refusé la parole à M. Leseul qui souhaitait rappeler que la parité datait du gouvernement de Lionel Jospin, et je le remercie pour ce rappel historique.
Je vais donc donner la parole seulement à M. Loiseau puis à M. Pancher.
Allez-y, monsieur Loiseau.
Monsieur Le Fur, je ne vois pas bien pourquoi on se contenterait de mentionner dans la Constitution l'égalité hommes-femmes. Depuis maintenant quelques années, la volonté de tous, au moins celle de la majorité présidentielle, est bien de parvenir à une égalité hommes-femmes, et on va l'atteindre petit à petit. Mais je ne vois pas pourquoi il faudrait l'inscrire dans la Constitution plutôt que dans les autres textes. Il faut être objectif.
Oui mais l'égalité hommes-femmes ne doit pas être inscrite que dans la Constitution, elle doit exister dans toutes les instances quelles qu'elles soient.
Gardons-nous de traiter avec humour les amendements de notre collègue Marc Le Fur qui sont vraiment de bon sens.
J'en reviens à l'amendement visant à limiter le nombre de ministres. Il ne faut pas s'étonner qu'un parlement qui a aussi peu de pouvoirs veuille rétablir un minimum de contrôle sur un gouvernement qui ne soit pas l'armée mexicaine. Quel beau symbole d'exiger, à ce moment du débat, l'équilibre des pouvoirs ! Je rappelle que si on continue à s'engager dans cette surconcentration des pouvoirs dans les mains d'un seul et de quelques collaborateurs, il ne faudra pas s'étonner que cette révolution démocratique ne finisse par se faire par la rue et par les extrêmes.
Sur les amendements no 2 et identiques, je suis saisi par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
L'amendement no 263 de M. Erwan Balanant est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Je note que M. Ciotti n'a pas voté les deux derniers amendements présentés par son groupe. C'est sans doute une distraction.
L'amendement no 263 n'est pas adopté.
Il s'agit de modifier l'article 11 de la Constitution qui permet de consulter le peuple, non sur des questions constitutionnelles mais législatives jugées importantes.
Je souhaite que l'on puisse consulter le peuple sur des questions de société – on parle maintenant de questions sociétales – qui par définition intéressent tout un chacun. Je pense à la vie, à la mort, à la conception, à la naissance, autant d'éléments essentiels sur lesquels l'opinion de chacun est légitime – chacun ayant son itinéraire spirituel, politique, de famille de pensée, etc. L'article 11 prévoit la possibilité de consulter le peuple sur des questions sociales ; or, à l'époque de sa rédaction, le mot « sociétal », récent dans notre vocabulaire, n'existait pas. Lorsque ce terme est apparu, on a considéré que le social englobait beaucoup de choses mais pas le sociétal, ce qui montre un peu les limites de l'interprétation que l'on peut faire de l'article 11. Aussi, je souhaite que l'on sorte de cette ambiguïté et qu'il soit possible de consulter le peuple sur des sujets majeurs – je pense, par exemple, à ceux liés à la mort – qu'un certain nombre de collègues mettent en avant et qui préoccupent légitimement nos concitoyens.
J'espère que nous allons avoir un débat sur le fond parce que je sens le ministre très attentif à voir qui vote dans les rangs de l'opposition. Je préférerais qu'on engage une vraie réflexion sur l'extension du champ du référendum aux questions de société, sujet ouvert par notre collègue Le Fur.
Pour ma part, j'ai vécu ce bouleversement dans l'hémicycle, en 2013, lors de l'examen d'un des textes les plus difficiles où, dans chaque groupe, chacun subissait la tension entre la discipline de vote, la loyauté à un mouvement politique d'un côté, et ses propres opinions de l'autre. Or il aurait mieux valu que ce débat ait lieu sur la place publique, que le peuple s'en saisisse. Cela aurait sans doute évité bien des fractures.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, bien que je ne sois pas médium, je vais répondre par avance à l'un de vos arguments : vous allez me dire que mon amendement n'a pas de lien avec l'environnement. Connaissez-vous le projet de loi constitutionnelle pour un renouveau de la vie démocratique, no 2203, déposé le jeudi 29 août 2019 par le Premier ministre Édouard Philippe au nom du Président de la République Emmanuel Macron ? L'article 1er de ce projet de loi constitutionnelle propose ceci – je m'abrite derrière votre propre prose : « [La France] favorise la préservation de l'environnement, la diversité biologique et l'action contre les changements climatiques. » On voit qu'avant même que la convention citoyenne pour le climat ait rendu ses travaux, le Gouvernement savait déjà ce qu'il voulait faire. Je suppose que ladite convention a remplacé le mot « action » par le mot « lutte » et le mot « favorise » par le mot « garantit ». Il a fallu beaucoup de travail pour cela !
Ce même projet de loi prévoit aussi l'élargissement du champ du référendum, preuve que la Macronie prévoyait également une modification constitutionnelle comportant la défense de l'environnement et, de manière plus large, le renouveau de la vie démocratique.
J'appelle votre attention sur le fait que la convention citoyenne se veut comme une expérience nouvelle au plan démocratique et que l'extension du domaine du référendum a bel et bien un lien avec ceci.
Mme Brigitte Kuster applaudit.
Retenez de ce débat et des propos de M. Aubert l'essentiel : nous sommes des partisans du référendum. Nous nous situons dans la tradition gaulliste…
… où la démocratie peut s'exprimer sous différentes formes, soit directement par le peuple, soit médiatisée par ses élus c'est-à-dire par nous-mêmes.
Parce que nous sommes partisans du référendum, nous considérons que le peuple ne doit pas pouvoir être censuré sur certains sujets. C'est pourquoi nous voulons que l'article 11 de la Constitution porte également sur les sujets de société.
Parce que nous sommes partisans du référendum, nous défendrons des amendements visant à étendre le référendum d'initiative populaire.
Parce que nous sommes partisans du référendum, et là je reviens au sujet qui vous occupe monsieur le ministre, nous ne sommes pas du tout opposés à l'idée que le peuple vote sur le texte que vous lui proposerez. C'est pourquoi, bien qu'étant défavorables sur le fond à votre projet de loi, nous sommes favorables à l'idée d'un référendum sur ce texte.
Parce que nous croyons à la sagesse populaire, parce que nous sommes convaincus que le peuple saura appréhender ce texte sur ce qui y est écrit mais aussi sur ce qui n'y est pas écrit, nous souhaitons, avec ces amendements, étendre le champ de l'article 11 de la Constitution. Cet article est une belle innovation de la constitution de la Ve République. Encore faut-il qu'il soit de plein exercice et qu'il puisse traiter de sujets essentiels. On a bien vu, avec le mariage pour tous – et on pourra le voir aussi sur la mort – , que le peuple s'empare de ces sujets. Il ne faut pas l'empêcher de s'exprimer.
Nous sommes, nous aussi, partisans du référendum. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous débattons depuis maintenant quarante-huit heures de ce projet de loi constitutionnelle : c'est pour le soumettre in fine, si nous arrivons à nous entendre avec le Sénat, au vote direct du peuple français par le biais d'un référendum. Tel est l'objectif de ce débat et nul autre. Le seul référendum que nous souhaitons dans les mois à venir, c'est celui sur le climat : nous n'entendons pas élargir ou modifier de quelque façon ces dispositions. L'avis est donc défavorable.
Pardonnez-moi, mais il y a quand même quelque chose qui me surprend, et si je commets une erreur de droit, je vous prie par avance de m'en excuser et je ne doute pas que M. Aubert la corrigera. Il y a quelques semaines, quand la proposition de loi Bas-Retailleau tendant à modifier la Constitution a été soumise à votre examen, que n'avez-vous tenté d'amender ce texte ? Que n'avez-vous fait part alors de toutes les préoccupations qui vous tenaillent aujourd'hui ?
Apparemment vous vouliez que ce texte reste « propre » – pardon pour cette expression mais vous allez voir qu'elle a du sens – et qu'il ne soit pas truffé d'amendements partant dans tous les sens. Vous ne vouliez pas alors débattre de ce qui vous préoccupe aujourd'hui, de ce qui vous taraude. Aujourd'hui vous en appelez aux grands principes que nous ne respecterions pas ; vous évoquez de grands sujets qui ne nous intéresseraient pas, mais pourquoi ne pas l'avoir fait alors ? Ce n'est pas d'aujourd'hui que vous les découvrez, ces sujets qui vous taraudent tellement, contrairement à nous apparemment. C'est surprenant !
Quant au référendum, il faut quand même le dire : pourquoi sommes-nous ici, sinon pour le référendum ?
Je suis un peu étonné d'entendre de tels propos de la part de MM. Le Fur et Aubert. Eux qui déploraient tout à l'heure que le Parlement, notamment l'Assemblée nationale, ait perdu beaucoup de pouvoir, voilà qu'ils veulent maintenant le réduire encore au profit du référendum. Je ne comprends pas bien leur démarche.
Merci, monsieur Le Fur, de me laisser la parole pour exprimer mon incompréhension.
Puisque vous voulez bien me donner la parole, cher président, je ne ferai pas de rappel, ni au règlement ni à Lionel Jospin !
Monsieur le rapporteur, vous venez de dire que notre discussion avait pour objectif un référendum sur le climat ; j'avais compris pour ma part qu'il porterait sur une réforme de la Constitution et pas uniquement sur le climat. À partir du moment où on comprend le mot « social » dans l'acception anglo-saxonne de « sociétal », il semble logique effectivement d'ouvrir le débat un peu davantage.
Vous voyez, monsieur Aubert, M. Leseul a dit ce que vous vouliez dire !
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 43
Nombre de suffrages exprimés 43
Majorité absolue 22
Pour l'adoption 8
Contre 35
Cet amendement de notre collègue Julien Ravier vise à élargir le champ des référendums à toutes les politiques. Je confirme à ce propos qu'Éric Ciotti a bien voté comme nous, monsieur le ministre. Vous pouvez donc désactiver l'application Voisins vigilants qui vous permet visiblement de surveiller ce que fait M. Ciotti.
Rires sur les bancs du groupe LR.
Sur le fond, il n'est pas totalement illégitime, alors que nous allons vers un référendum, de débattre du champ du référendum, d'autant que vous n'avez pas cessé de nous seriner durant l'examen de la première partie de ce texte que la convention citoyenne était une grande avancée démocratique et qu'il fallait rétablir le contact avec les citoyens. Nous vous avons montré que cet exercice de la convention était en réalité biaisé – n'est-ce pas, cher Marc Le Fur ? – par le tirage au sort et par son caractère opaque.
Or nous pensons, nous, les gaullistes, que c'est bien le peuple qui doit exercer la souveraineté et c'est pour ça que nous nous battons. Si nous voulons étendre le champ du référendum, c'est parce que la seule manière de réconcilier les Français avec la politique, c'est de leur montrer qu'ils tiennent les rênes : c'est ce que Charles de Gaulle souhaitait. Malheureusement, le recours au référendum s'est quelque peu tari avec le temps, au point que certains qui appartenaient à votre majorité il y a encore quelques semaines n'y voient qu'une manoeuvre.
Vous évoquez la proposition de loi de M. Bas, mais il y a une différence, monsieur le ministre, …
… c'est que ce texte avait d'abord été déposé au Sénat. L'Assemblée ne l'a donc pas évidemment amendé puisqu'il fallait un vote conforme, faute de quoi le texte repartait au Sénat.
Le cas qui nous occupe est totalement différent, et c'est là où vous êtes de mauvaise foi…
… puisque c'est l'Assemblée qui examine d'abord le texte. C'est vous qui jouez les voyants en prétendant que si nous votons l'extension du référendum, le Sénat ne voterait pas le texte. Croyez-nous sur parole, monsieur le ministre, il y a plus de chances que la droite, majoritaire au Sénat, vote l'extension du référendum que la garantie de la préservation de l'environnement et de la diversité biologique, et je le regrette pour votre texte.
Mme Brigitte Kuster applaudit.
Avis défavorable sur cet amendement pour les mêmes raisons que pour l'amendement précédent.
Pardon de revenir une seconde à la charge, mais je vous faisais simplement remarquer que lorsque, sur des sujets dont vous nous dites qu'ils sont majeurs, centraux, pour vous – et sur un certain nombre d'entre eux nous partageons vos préoccupations – , dans une sorte de parallélisme des formes, vous proposiez…
Je sais, ça ne vous arrange pas que ce soit la même chose, et pourtant ça l'est ! Quand vous proposiez une modification de la Constitution, vous n'avez rien proposé de tout ce que vous nous proposez aujourd'hui ! Et quand je dis « rien », c'est rien, sinon d'introduire deux mots, dont d'ailleurs la substantifique moelle était déjà contenue dans la Constitution. Et voilà qu'aujourd'hui vous voulez refaire la Constitution, voire le monde ! C'est votre droit, je l'ai dit tout à l'heure, je ne vous dénie pas ce droit d'invoquer les grands principes mais on voit ce qu'il en est en réalité : c'est nous qui voulons ce référendum.
Ce que je crois profondément, fondamentalement, viscéralement, c'est que vous avez peur de ce référendum. Voilà pourquoi vous voulez charger ce texte de choses qui n'ont strictement rien à y faire. Voilà pourquoi le dialogue qui devrait s'instaurer tourne au monologue. Votre stratégie n'est pas plus compliquée que ça : prétendre qu'on aime le référendum et tout faire pour empêcher celui-là, parce qu'il signe la volonté farouche de ce gouvernement de prendre à bras-le-corps les questions environnementales, à l'inverse de vous. Comme c'est compliqué d'assumer sa réticence sur ces questions, notamment face aux jeunes, vous y allez à fond sur la procédure.
La réalité, je le redis, c'est que cette majorité se donne les moyens…
C'est une experte qui parle en l'occurrence, si j'en juge, madame, par un certain nombre de choses que j'ai entendues dans cet hémicycle.
J'ai énuméré tout ce qui avait été fait depuis l'élection d'Emmanuel Macron pour l'environnement.
Calmez-vous, madame la députée, et recentrons-nous sur l'essentiel : la réalité, c'est que vous ne voulez pas de ce référendum et que vous avez recours à toutes les arguties procédurales pour retarder l'échéance. Au fond, monsieur Aubert, vous ne devriez pas être inquiet puisque vous semblez connaître déjà le vote du Sénat alors que pour ma part, je pense que…
Magnifique ! Si c'est moi qui disais ça…
Oui, mais il faut une piqûre de rappel de temps en temps !
Le débat est de qualité, il y a des échanges et en plus il y a de l'humour, monsieur Le Fur vient d'en faire la démonstration.
La parole est à M. Julien Aubert.
Non, monsieur le président, on ne peut pas laisser passer de tels propos. Monsieur le ministre, ça suffit maintenant ! Depuis le début de nos débats, vous vous cachez derrière des arguments de forme.
Au lieu de répondre sur le fond, vous tournez en dérision nos propos, vous nous prêtez des arrières pensées politiciennes et vous ne répondez jamais aux arguments qui vous sont opposés.
La réalité, monsieur le ministre, c'est que vous n'avez aucune marge de manoeuvre ; vous êtes ici le ventriloque de la convention citoyenne et du Président.
Vous êtes venu ici pour dire à la représentation nationale : dix-sept mots et rien de plus. Voilà toute votre argumentation.
Ah… Bravo !
Vous n'avez pas répondu sur le projet de loi constitutionnel qui prévoyait l'extension du champ du référendum : pourquoi le Gouvernement, qui nous avait soumis un projet de loi constitutionnel ambitieux, l'a-t-il amputé de moitié ? Aucune réponse sur ce point, et vous venez ensuite nous expliquer que nous serions hostiles au référendum ! Vous vous trompez, monsieur le ministre, et plutôt que de faire des signes, vous devriez m'écouter si vous voulez savoir quelle est la position des députés du groupe Les Républicains !
Cette position est la suivante : votre texte est mauvais. Non seulement vous biaisez puisque vous ne garantissez pas la baisse des émissions de dioxyde de carbone, mais vous vous contentez de faire de l'affichage politique mais Les Républicains et la droite ne se jetteront jamais, vous m'entendez, quoi que vous espériez, dans votre piège politique, dont le but est de vous faire passer pour les protecteurs de l'environnement.
La réalité c'est que vous n'avez rien fait jusqu'ici.
Rien ? C'est fabuleux !
Demandez à Mme Pompili dont le seul fait de gloire est d'avoir fermé Fessenheim.
M. Bertrand Pancher rit.
Vous n'avez rien fait et nous ne nous mettrons pas entre le peuple et vous : nous irons au référendum, monsieur le ministre, si le Sénat le vote et, mes collègues et moi, nous mettrons à profit la campagne référendaire pour expliquer aux Français comment vous les prenez pour des imbéciles, et vous perdrez !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Le Président de la République aura quand même réussi le tour de force d'amener le garde des sceaux à défendre avec acharnement les enjeux environnementaux, et même à faire preuve d'une connaissance indéniable de la matière. J'avoue que je ne l'aurais jamais cru il y a à peine quelques mois. De ce point de vue, c'est une avancée.
Mais la transition écologique – la transformation écologique, devrions-nous dire – , c'est bien plus, monsieur le ministre, qu'énumérer des fermetures qui étaient déjà décidées et des chiffres qui peuvent être interprétés de diverses manières. La transformation écologique, c'est penser différemment notre société.
Proposer, comme je l'ai fait tout à l'heure, l'institution d'un vice-Premier ministre chargé du développement durable et du temps long, qui avait d'ailleurs été promise par le candidat Emmanuel Macron, relève d'une telle approche parce que l'environnement, ce ne sont pas des chiffres, ce ne sont pas des interdits ; l'environnement, c'est construire une approche écologique, c'est-à-dire envisager différemment notre façon de fonctionner. De même, nous vous avons proposé le septennat non renouvelable, nous vous proposerons la proportionnelle, autant de changements structurels d'une monarchie républicaine pleinement incarnée aujourd'hui comme elle l'a été dans le passé et comme elle le sera peut-être plus encore demain, alors qu'une telle verticalité ne fonctionne pas pour l'environnement, elle n'existe pas dans la nature.
Si vous aviez réellement l'ambition d'avancer, ce n'est pas dix-sept ou dix-huit mots de l'article 1er qu'il conviendrait de changer, c'est la structure même de notre société. C'est tout le sens de nos propositions d'amendements de la réforme constitutionnelle : le jour où elles seront adoptées, la France deviendra une république écologique.
M. Bertrand Pancher applaudit.
L'amendement no 333 n'est pas adopté.
Monsieur le garde des sceaux, je voterai cet amendement comme j'ai voté, du moins par intention, ceux de mes collègues Aubert et Le Fur. Je vous remercie de votre vigilance.
Disons que je vois certaines choses…
Je ne savais pas que vous étiez un adepte de la surveillance de l'opposition – je croyais même le contraire.
M. le garde des sceaux rit.
Cet amendement vise à élargir les critères prévus pour le référendum institué par l'article 11 de la Constitution. Ces critères sont aujourd'hui limités par le premier alinéa dudit article, qu'il s'agisse du référendum à l'initiative du Président de la République sur proposition du Gouvernement ou du référendum d'initiative partagée instauré par la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008. Il s'agit donc d'ajouter aux questions liées à l'organisation des pouvoirs publics, à la ratification des traités et à la politique économique, sociale ou environnementale les questions migratoires.
Nul ne peut en effet contester que c'est là un sujet majeur et qu'il convient qu'à un moment ou à un autre, les Français se prononcent en la matière puisque nous leur avons toujours refusé de trancher les vraies questions. Il faudrait notamment évoquer la possibilité d'instaurer des quotas, des plafonds migratoires. Seul le référendum pourra lever les obstacles et pallier les faiblesses, les hésitations et l'électoralisme qui ont empêché de se prononcer sur une politique migratoire permettant à notre pays de retrouver le cours de son destin.
Mme Brigitte Kuster et M. Marc Le Fur applaudissent.
Avis défavorable. Comme c'était le cas pour les amendements précédents, nous ne souhaitons pas élargir le champ du référendum, en l'occurrence aux questions migratoires.
Monsieur Ciotti, vous confondez regard attentif et surveillance. C'est tout vous, ça ! On pourrait même parler, d'une certaine façon, d'un regard bienveillant. Il se trouve que vous êtes ici quatre représentants de votre groupe et que, sur deux amendements, vous n'avez pas voté. Cela me fait sourire, et vous en faire la remarque n'est pas de la surveillance – je m'en félicitais même, en me disant qu'enfin vous reveniez à la raison…
… et vous désolidarisiez de votre groupe… Mais voilà que vous rectifiez le tir et faites du ministre de la justice une sorte de surveillant en chef de l'opposition. Ne craignez rien, je suis très attaché aux valeurs démocratiques.
Plus sérieusement, votre amendement n'a strictement rien à voir avec l'environnement. Ce n'est pas ici le lieu de me lancer dans un débat qui consisterait à vous demander ce que vous avez fait quand vous étiez au pouvoir, à propos par exemple de la double peine, qui doit vous tenir à coeur aujourd'hui.
Ce n'est pas le moment d'un tel débat, car nous parlons ici d'environnement.
J'ai entendu tout à l'heure les mots de « marionnette du ventriloque » ou de « Tatayet du Gouvernement ». Outre qu'ils ne sont pas très aimables, il se trouve qu'il m'arrive de penser, même si ce n'est pas toujours comme vous, et je ne voudrais pas que vous doutiez, car ce serait une erreur, de mon engagement en la matière.
J'entends aussi les leçons de M. Lambert, qui a été un macroniste tout à fait convaincu, …
… comme quoi on peut changer ! Selon lui, je me serais mis tardivement aux vertus de l'écologie. Monsieur Lambert, nous ne nous connaissons pas, et je vous interdis de savoir ce que je savais ou non de cette question et comment elle pouvait me préoccuper.
Lorsque vous étiez aux côtés du Président de la République sur les photos pour vous faire élire, vous étiez un macroniste convaincu. Vous voyez que nous pouvons tous changer !
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM.
Malgré vos leçons permanentes de maintien, monsieur Lambert, vous n'êtes pas l'arbitre des élégances, sachez-le une fois pour toutes.
Ça vous énerve…
Vous êtes ici parmi les représentants du peuple, ce n'est pas vous qui décidez !
Ce n'est pas moi qui décide, mais il me semble que la présence du Gouvernement est indispensable dans ce débat.
Je vous réponds ce que je veux. Je ne me laisse pas monter dessus…
… et insulter par quelqu'un comme vous.
Monsieur Lambert, lorsque vous étiez aux côtés du Président de la République sur la photo, vous défendiez toutes ses valeurs. Aujourd'hui, vous en êtes très loin et je vous interdis de me dire ce que je savais et ce que je ne savais pas. Nous ne nous connaissions pas et, que je sache, nous n'irons pas en vacances ensemble et nous ne sommes pas amis. Alors, de grâce, gardez votre vie privée…
… et ne venez pas empiéter sur la mienne.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
C'est le miracle de cette assemblée que, même à cinquante, nous soyons capables de nous disputer comme si nous étions cinq cents. Ça fait vingt ans que je m'en réjouis, et c'est peut-être pour cela que je me dis qu'il faudrait continuer.
Sourires.
Monsieur Lambert, ce n'est pas la peine de relancer cet échange. Je vous donnerai la parole pour le rappel au règlement que vous demandez, et je sais que vous trouverez les mots pour le faire avec mesure.
La parole est à M. Gérard Leseul.
Monsieur le garde des sceaux, j'aurais vraiment souhaité que vous répondiez sur le fond de l'amendement no 180 déposé par notre collègue Ciotti, au lieu de répondre à M. Lambert.
Mais ce n'est pas possible, ça…
Cet amendement exprime une stigmatisation inacceptable, et j'aurais aimé vous l'entendre dire.
Monsieur Ciotti, vous préconisez une nouvelle fois la politique du bouc émissaire, et ce n'est pas beau. L'expression de « bouc émissaire » reprend les références judéo-chrétiennes que vous avez invoquées hier au sein de cette assemblée, mais quelle expiation, quelle faute commise voulez-vous vraiment mettre en avant avec cet amendement ? Je regrette vraiment que ce débat permette de telles allusions.
Rappel au règlement
La parole est à M. François-Michel Lambert, pour un rappel au règlement.
Monsieur Lambert, vous me promettez d'être bref. Entre députés du Sud, on se fait des promesses et on les tient !
Ce rappel au règlement se fonde sur l'article 58 du règlement, et porte sur un fait personnel.
Monsieur le garde des sceaux, vient un moment où il faut revenir au débat. J'ai salué le fait que vous intégriez des éléments relatifs à l'environnement, et vous dites que je m'attaque à votre vie privée. Où donc l'ai-je fait ?
À propos de la connaissance que j'ai de l'environnement ! Hier, vous avez parlé des rapaces !
Monsieur le garde des sceaux, vous me placez dans une situation difficile !
Monsieur le garde des sceaux, j'avais bien noté que vous étiez défavorable à la chasse à la glu, qui est une manière de capturer des animaux, mais favorable à la chasse à l'épervier, qui consiste à tuer un animal avec l'aide d'un autre animal. Je me contentais de rappeler des propos que vous aviez tenus publiquement lors d'une journée d'été des écologistes. Je n'évoquais donc pas votre vie privée, mais une de vos interventions publiques. Je vous rappelle que cette assemblée est, avec le Sénat, l'enceinte où les représentants du peuple contrôlent et valident, s'il le faut, les propositions du Gouvernement.
Je rappelle enfin que, si j'ai été élu avec le soutien d'Emmanuel Macron, je n'avais pas, comme vous pourrez le vérifier, celui de La République en marche. J'ai ensuite été engagé avec Nicolas Hulot et j'ai quitté le groupe La République en marche quelques jours après qu'il eut claqué la porte, en mars 2018, ce qui est peut-être à rattacher à ma propre histoire de trente ans d'engagement écologique, qui n'est pas un engagement derrière une majorité qui n'est pas à la hauteur des enjeux.
Voilà tout ce que je voulais dire. Je n'ai pas attaqué votre vie privée, je le répète, et n'ai fait que rappeler que nous sommes ici dans l'enceinte de la démocratie et de la représentation du peuple, et que c'est normalement ici que se prennent des décisions, et non ailleurs.
M. Bertrand Pancher applaudit.
Après l'article unique
La parole est à M. Éric Ciotti.
Soyez bref, monsieur Ciotti, je vous en prie, car nous avons hâte de voter votre amendement !
Je m'insurge contre les attaques que subit le garde des sceaux au nom de son attachement aux traditions qui ont fait l'histoire de notre pays.
Monsieur Leseul, j'avoue ne pas comprendre votre argumentation, où je ne vois que les oeillères idéologiques qui caractérisent la formation à laquelle vous appartenez depuis des années à propos de cette question essentielle. Je propose en effet, avec cet amendement, d'élargir le champ du référendum aux questions migratoires, et vous parlez de stigmatisation ! Le référendum peut aller dans tous les sens, et le Gouvernement pourrait par exemple proposer d'élargir les critères d'entrée sur le territoire national. Pourquoi votre vision est-elle aussi limitée ? Si j'avais à soutenir une position dans le cadre d'un référendum, ma démarche consisterait évidemment à proposer des restrictions fortes aux politiques migratoires mais, dans une démocratie, toutes les questions sont ouvertes. Vous fermez d'emblée la porte à cette approche, ce qui est assez caractéristique des dégâts que vous avez commis lorsque vous avez malheureusement dirigé notre pays.
L'amendement no 180 n'est pas adopté.
Monsieur le garde des sceaux, je n'ai pas sollicité de faire une photo avec le président Macron, mais que les choses soient claires : j'ai du respect pour ses fonctions et pour sa personne.
En 2008, nous avons fait une belle réforme constitutionnelle. Comme chacun l'aura compris, la vôtre ne sera pas à la hauteur.
Il n'en faut pas moins aller au bout de la réforme de 2008, qui a créé un référendum d'initiative partagée permettant au peuple et aux députés, sans passer par un accord gouvernemental, de soumettre à référendum des sujets qui leur semblent importants. Peut-être avions-nous été trop exigeants, en 2008, en fixant les conditions de cette initiative : je propose donc que le seuil nécessaire soit désormais fixé à un dixième des députés au lieu d'un cinquième, et à un vingtième du corps électoral au lieu d'un dixième. Il s'agit donc en quelque sorte d'élargir les modalités du référendum, afin de le rendre possible.
Nous avons en effet constaté à l'occasion du projet de référendum sur la privatisation d'ADP, Aéroports de Paris, que les seuils actuels étaient trop exigeants. Nous étions plusieurs, dont Gilles Carrez et moi-même pour le groupe Les Républicains, à avoir pris l'initiative d'un projet de référendum sur cette question majeure – du reste, le Gouvernement l'a compris et, vu les circonstances, le projet de privatisation d'ADP a été abandonné. Toujours est-il que le référendum d'initiative partagée doit, dans toute la mesure du possible, pouvoir se concrétiser. D'où cet amendement.
Monsieur Le Fur vous proposez d'élargir les modalités du référendum d'initiative partagée. Or, les modalités actuelles, soit un seuil de 185 parlementaires ou de 4,7 millions de citoyens, ne me semblent pas impossibles à atteindre : il faut simplement, pour y parvenir, trouver les sujets qui permettent de rassembler ces millions de Français et ces parlementaires.
Ce n'est qu'une question de mobilisation. Je me permets donc de reprendre à mon compte cet impératif : trouvez les bons sujets, et point n'est besoin de modifier la Constitution.
Pardon, monsieur Le Fur, mais nous sommes là assez éloignés de la question environnementale.
Vous pouvez dire « Ah non ! » dix fois, je vous répondrai dix fois « Ah si ! », et nous n'aurons pas avancé. Le Gouvernement est défavorable à votre amendement.
Je souhaite rebondir sur les propos de M. le ministre : monsieur Le Fur, avec vos collègues du groupe Les Républicains, vous ne déposez en réalité que des amendements qui ne concernent pas l'environnement. Je suis donc un peu étonné de votre réaction !
Vos amendements ne portent que sur l'aspect constitutionnel du texte, alors qu'il me semble que nous sommes ici pour discuter de l'intégration de l'environnement à l'article 1er de la Constitution. Ce n'est quand même pas rien, et on pourrait croire que vous n'êtes pas vraiment intéressés par la question.
Le problème de M. Loiseau, c'est qu'il plane ! Effectivement, je dépose des amendements à portée constitutionnelle – sur un projet de loi constitutionnelle ! Vous avez donc parfaitement raison, et j'approuve votre propos.
L'amendement que je propose pourrait précisément permettre à nos concitoyens de mettre en avant des sujets environnementaux, puisqu'il vise à faciliter le recours au référendum d'initiative partagée. Or celui-ci peut être mobilisé sur différents sujets, y compris environnementaux, mes chers collègues !
Le vrai sujet, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, c'est que vous avez peur du peuple. Et comme vous en avez peur, vous vous êtes fait un peuple de laboratoire avec les 150 citoyens que vous avez plus ou moins tirés au sort et qui, en réalité, ont été très bien choisis, et parfaitement encadrés, avec des garants bien identifiés – je l'ai démontré hier, et vous ne m'avez pas répondu sur ce sujet.
Vous ne choisissez pas le peuple, vous en prenez un autre ! C'est une méthode que l'on a déjà vue à l'oeuvre dans d'autres pays : le peuple n'est pas satisfaisant ? On le change ! Mais le peuple dira son sentiment et, à l'occasion du référendum que vous lui proposez, il jugera non seulement la question que vous lui soumettrez mais aussi votre politique : croyez-moi, vous ne serez pas déçus !
L'amendement no 4 n'est pas adopté.
Une fois de plus, je crois en l'expression directe du peuple. Nous sommes évidemment fondés à parler au nom du peuple, mais lorsqu'il souhaite s'exprimer lui-même, le vrai peuple – pas celui que l'on constitue pour qu'il fasse la claque, comme cela a été le cas avec les 150 citoyens choisis pour la convention citoyenne – , il doit avoir la parole.
Personnellement, je me situe dans la plus pure tradition gaulliste, dont l'inspirateur a autorisé le peuple à s'exprimer à de multiples reprises. Je propose donc qu'un référendum d'initiative partagée puisse être déclenché à la demande d'un million de personnes, et non, comme c'est le cas aujourd'hui, d'un dixième des électeurs – ce qui représente un peu plus de 4 millions de personnes. Un million de signatures, ce n'est déjà pas rien, c'est très compliqué à rassembler ! Ce serait une belle évolution démocratique.
Mme Brigitte Kuster applaudit.
Nous avons en effet une vision constitutionnelle du texte, ne vous en déplaise, monsieur Loiseau ! On ne vous a d'ailleurs pas entendu lorsque nous avons débattu de la chasse à la glu ou de la chasse à l'épervier…
Je ne chasse pas à l'épervier !
Je souhaite rectifier vos propos, monsieur le ministre : je ne vous ai pas traité de Tatayet, mais de ventriloque. Le ventriloque, c'est l'illusionniste qui fait parler la marionnette sans bouger les lèvres, comme s'il parlait à une personne qui n'est pas là – allez voir la définition sur Wikipédia.
Toujours aussi aimable ! Quelle arrogance…
Je fais parler qui, alors ?
… je tiens à être clair parce que je ne voudrais pas que vous croyiez que je vous ai traité de marionnette.
Vous ne m'avez une fois encore pas répondu sur le fond – comme lorsque je vous ai interrogé sur la garantie de la baisse des émissions de CO2 – et je vais donc vous poser à nouveau ma question. Avec le rapporteur, vous dites que notre proposition est sans lien avec l'environnement. Comment expliquez-vous que votre propre majorité, en la personne de l'ancien Premier ministre et du précédent garde des sceaux, ait déposé en 2019 un projet de loi constitutionnelle dont l'article 1er prévoyait exactement la réforme constitutionnelle dont nous parlions encore hier, et l'article 9 l'extension du référendum d'initiative partagée ? C'est exactement la mesure que nous vous proposons ! Remplacer un dixième des électeurs par un million d'électeurs était votre propre proposition et pourtant vous nous expliquez aujourd'hui que cela n'a aucun rapport !
Je sais que le ministre a tendance à répondre que ce n'est pas le sujet. Je repose donc ma question, qui est très simple : comment pouvez-vous dire en 2021 que deux sujets n'ont rien à voir, alors que deux ans auparavant, votre majorité avait déposé la même proposition, dans les mêmes termes ? À question simple, réponse simple – sauf si l'on considère que le « en même temps » vous conduit au tête-à-queue.
Nous sommes nous aussi favorables à « l'expression directe du peuple », comme dit M. Le Fur. C'est d'ailleurs l'objet du référendum que nous vous proposons…
… et dont nous débattons depuis maintenant quarante-huit heures.
Monsieur Aubert, nous n'avons pas changé d'avis. Simplement, un engagement politique a été pris devant les membres de la convention citoyenne pour le climat et devant le pays : proposer aux Français d'inscrire dans la Constitution la garantie de la protection de l'environnement, de la diversité biologique et la lutte contre le dérèglement climatique. C'est bien cette question que nous entendons faire trancher aux Français par référendum, et non un autre sujet.
Peut-être, à l'avenir, sous d'autres quinquennats, de nouvelles réformes constitutionnelles vous permettront-elles de défendre le sujet que vous évoquez ; mais, aujourd'hui, nous avons fait un choix politique : intégrer dans la Constitution la protection de l'environnement, et pas autre chose. Avis défavorable.
C'est bien de me suggérer d'aller consulter sur Wikipédia la différence entre « ventriloque » et « marionnette » – merci – …
… mais au fond, cela illustre bien la façon dont vous me regardez : il y a un peu chez vous de la condescendance du chauffeur de Rolls en gants blancs.
Ce n'est pas aimable, monsieur Aubert, mais après tout, vous choisissez le ton que vous voulez : au fond, je m'en moque un peu.
Monsieur Le Fur – vous qui êtes toujours très aimable dans l'échange – , je viens de découvrir, en vous écoutant, qu'il existait d'un côté le « vrai peuple » et de l'autre le « faux peuple », celui qui fait la claque.
Mais le référendum que nous proposons est fait pour que s'exprime le peuple, dans toute sa plénitude !
Je me permets de vous poser une petite question : à vos yeux, les jurés d'une cour d'assises, c'est le faux peuple, une fausse souveraineté populaire ? Or je vous rappelle qu'ils sont tirés au sort, et…
Laissez-moi terminer, monsieur Le Fur, si vous le voulez bien. Les jurés sont tirés au sort, mais diriez-vous pour autant que cette juridiction, dont je souhaite personnellement la restauration pleine et entière, …
… n'exprime pas la souveraineté populaire ? N'exprimerait-elle qu'une fausse souveraineté populaire ou la souveraineté d'un faux peuple ?
Avis défavorable.
Je suis ravi parce que, finalement, dans cet hémicycle, on progresse un peu : ceux qui, il y a quelques mois encore, étaient opposés à tout ce que nous souhaitions proposer au titre de la révision constitutionnelle en sont désormais les thuriféraires. C'est un progrès, et peut-être que nous pourrons désormais conduire des réformes aussi importantes que la proportionnelle, l'abaissement du seuil du nombre de citoyens nécessaire aux consultations par référendum, avec l'adhésion de ceux qui ont revendiqué avoir empêché la révision constitutionnelle en 2018 et 2019 – je reprends l'expression de M. Le Fur.
On n'a rien empêché du tout ! C'est vous qui l'avez empêchée, avec votre ami Benalla !
Deuxième élément : au-delà de la cohérence, nous avons dit que nous voulions reprendre sans filtre les propositions des membres de la convention citoyenne, – qui ont d'ailleurs été tirés au sort dans des conditions que tout le monde connaissait – et respecter leurs convictions, même lorsqu'elles étaient réservées voire hostiles en matière d'environnement. Ce procès fait au peuple – ou au « faux peuple », pour reprendre les termes du ministre – , est donc assez vilain.
Dernier élément : je constate que lors de la crise des gilets jaunes, ceux qui siègent sur les bancs de la droite étaient beaucoup moins à l'aise avec ce qu'ils appellent désormais le vrai peuple, …
… lequel demandait notamment le rétablissement de la peine de mort et la suppression du Sénat. Et je ne crois pas que, sur ces questions, le vrai peuple était en osmose avec les demandes qui sont aujourd'hui présentées par nos collègues de droite.
Visiblement, vous n'avez pas compris la crise des gilets jaunes. Cette crise est apparue parce que vous avez voulu mener une politique d'écologie punitive. Deux ans après, vous présentez un texte qui recrée l'écotaxe…
Si, c'est à l'article 32 du projet de loi issu de la convention citoyenne !
Un texte qui interdit les vols intérieurs alors que le nombre de passagers a diminué de 67 %, qui interdit l'artificialisation des terres, ce qui bloque les maires ; un texte qui ne trouve rien de mieux que d'interdire les passoires thermiques, alors même que la Fondation Abbé Pierre indique que le nombre de mal-logés a explosé en 2020. Et vous pensez que les gilets jaunes vont vous applaudir ? Ils demandaient un RIP – référendum d'initiative partagée – …
… et c'est ce que nous proposons aujourd'hui. De votre côté, vous leur avez proposé un grand débat et, dans la foulée, une convention citoyenne, dont les membres ont effectivement été tirés au sort. Ce sont sans doute des gens estimables – je ne les connais pas car personne n'a pu en avoir la liste – , mais qui ne sauraient en aucun cas se substituer au peuple. Voilà le vrai sujet !
Et vous, monsieur le ministre, si vous ne répondez pas à ma question, pourtant simple – comment pouvez-vous dire aujourd'hui il n'y a pas de lien entre ces sujets alors que la majorité disait le contraire il y a deux ans ? – , c'est parce que vous êtes mal à l'aise.
Depuis le début, vous ne répondez que sur la forme. Par exemple, « ventriloque » n'est pas une injure, mais vous préférez passer trente secondes à disserter sur Tatayet plutôt que de nous expliquer comment vous avez pu défendre, il y a deux ans, une position contraire à celle d'aujourd'hui.
Pas du tout, monsieur Aubert.
Pas vous personnellement, mais la majorité à laquelle vous appartenez. Comment pouvez-vous glorifier la convention citoyenne comme nouvelle forme d'expression démocratique, pour ensuite refuser l'élargissement du spectre du référendum ou prétendre que laisser au peuple le soin d'imposer ses sujets ne fait pas partie du champ de la discussion ?
C'est vous qui n'avez rien compris aux gilets jaunes, et c'est pour cela que vous vous trompez si vous pensez que nous ne voulons pas du référendum : au contraire, nous le souhaitons…
Alors c'est parfait !
… car nous pensons que lorsque vous allez arriver avec le texte de la convention citoyenne, les gilets jaunes vous répondront !
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 47
Nombre de suffrages exprimés 47
Majorité absolue 24
Pour l'adoption 8
Contre 39
Sur l'amendement no 164 , je suis saisi par le groupe UDI et indépendants d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Christophe Naegelen pour soutenir l'amendement.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous avez effectivement réuni une convention citoyenne alors que, comme l'a rappelé notre collègue Aubert à l'instant et d'autres avant lui, les gilets jaunes demandaient un RIP.
L'objectif de cet amendement du président Lagarde est donc d'instituer une journée référendaire annuelle : on y discuterait des différentes propositions de référendums d'origine citoyenne ayant recueilli plus de 2 millions de signatures en plus de celles de trente députés ou sénateurs.
Quitte à organiser des journées dédiées aux référendums, gravons-le dans le marbre et mettons-nous d'accord sur une date à laquelle, chaque année, nous pourrons étudier ces propositions.
Avis défavorable. Cet amendement propose d'instaurer une journée référendaire qui aurait lieu chaque année au mois d'octobre. Ce n'est pas une bonne proposition. Par ailleurs, les seuils que vous proposez pour retenir les propositions à examiner manquent de précision, ce qui risquerait de provoquer un afflux de propositions et donc de conduire à des situations relativement compliquées. Je ne souhaite donc pas y donner une suite favorable.
Défavorable.
Que les choses soient bien claires, monsieur le ministre : je n'ai rien contre vous. Au contraire, je vous ai admiré lorsque, en votre qualité d'avocat, vous avez défendu l'un de mes amis – dont c'est aujourd'hui l'anniversaire. Monsieur le ministre, arrêtez de vous isoler ! On vous qualifie de ventriloque : …
De marionnette !
… ce n'est pas une insulte ! D'ailleurs, les ventriloques ont de l'estomac.
J'attends donc de vous qu'au lieu de fuir le débat, vous ayez du souffle et de l'estomac pour défendre vos positions. J'insiste sur un fait : nous sommes partisans de l'appel au peuple.
C'est notre logique. Nous sommes tout à fait en faveur du référendum ; nous nous opposons à ce que vous y soumettrez, non à la procédure. Nous souhaitons également que l'on accorde beaucoup plus d'importance au RIP.
Pour ma part, j'adhère à votre projet d'accroître le nombre des jurés en cour d'assises – si j'ai bien compris – , afin qu'ils pèsent davantage face aux professionnels. Le peuple tiré au sort, très bien ! Mais les 150 membres de la convention citoyenne pour le climat, ce n'est pas le peuple tiré au sort : c'est le peuple astucieusement choisi, désigné, identifié afin de promouvoir une opinion politique. Ce n'est pas ça, le peuple !
Je n'ai eu aucun problème avec les gilets jaunes. Ils dénonçaient les dérives du gouvernement de l'époque, les augmentations plus que sensibles du coût de l'énergie. C'étaient souvent d'honnêtes gens qui ne demandaient au fond qu'une seule chose : être davantage consultés, en particulier par la voie du RIP. Nous vous offrons une possibilité de consulter plus souvent le peuple : c'est le bon sens même.
Je conclus, monsieur le président. Je ne vois pas comment des élus du peuple pourraient s'opposer à une décision populaire.
L'intervention de M. le ministre étant trop laconique pour donner prise à l'argumentation, je rebondis sur la vôtre, monsieur le rapporteur. Vous craignez que cette journée donne lieu à trop de sollicitations référendaires. J'ai exprimé tout à l'heure l'idée que l'environnement nécessitait une autre forme de pensée démocratique, ne se limitant pas à édicter quelques interdits et aligner des chiffres – une autre approche de notre société. Il y a aux frontières de la France et de l'Union européenne un pays qui ose pratiquer la votation régulière sur des sujets dont certains peuvent sembler anecdotiques. La Suisse, car c'est elle, assure ainsi sa cohérence malgré la diversité de ses composantes. Nous sommes nombreux à estimer que ce dialogue entre les citoyens suisses et leurs responsables politiques a des effets très positifs.
Cet amendement que je n'ai pu cosigner, mais que j'ai voulu soumettre au scrutin public, vise à transformer profondément notre démocratie afin de répondre aux enjeux environnementaux. Regardez le nombre de référendums qui, en Suisse, portent sur l'environnement ! Je ne citerai qu'un seul exemple : l'écotaxe suisse a été créée par cette voie. Et cela se passe très bien !
Je serai bref, monsieur le président. Monsieur Le Fur, vous me dites que « ventriloque » est un compliment. Je vous remercie : j'en reçois si peu par les temps qui courent ! Celui-ci va me faire toute la matinée. Vraiment, vous n'imaginez pas à quel point il me fait chaud au coeur.
Merci de cette précision, monsieur le ministre.
Je mets aux voix l'amendement no 164 .
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 46
Nombre de suffrages exprimés 43
Majorité absolue 22
Pour l'adoption 5
Contre 38
L'amendement no 164 n'est pas adopté.
La parole est à M. Christophe Naegelen, pour soutenir l'amendement no 63 .
Là encore, il s'agit d'un amendement dû à Jean-Christophe Lagarde. Son objectif est simple : que la dissolution de l'Assemblée nationale par le Président de la République requière l'avis conforme des présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat.
Même avis.
Encore une fois, je remercie M. le rapporteur et M. le ministre de leurs arguments, qui nous permettent de dialoguer… L'amendement n'est pourtant pas anodin. L'esprit dans lequel le général de Gaulle avait fondé la Ve République et ses institutions a été biaisé, dévoyé, par l'inversion du calendrier électoral et la transformation en quinquennat du septennat présidentiel. C'était une bonne chose qu'un Président de la République élu pour sept ans ait le pouvoir de dissoudre l'Assemblée nationale ; maintenant, tout est entre ses mains, puisque son mandat coïncide avec celui des députés. Cette hyperverticalisation se révèle des plus néfastes pour les causes environnementales et pour l'approche écologique.
M. le ministre ne cesse à juste titre, et avec enthousiasme, de nous rappeler que nous n'avons aujourd'hui à nous occuper que d'environnement ; or le présent amendement fait partie de ceux qui contribueraient à rapprocher notre démocratie d'une logique écologique, si je puis dire, favorisant l'environnement.
L'amendement no 63 n'est pas adopté.
Sur l'amendement no 393 , je suis saisi par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Christophe Naegelen, pour soutenir les amendements nos 56 et 57 , qui peuvent faire l'objet d'une présentation groupée.
Toujours dans l'intention de transformer notre démocratie et de redonner plus de place au Parlement dans notre vie quotidienne, dans l'équilibre des institutions, ces amendements dus à Jean-Christophe Lagarde visent à ce que le droit de grâce, apanage du seul Président de la République, soit transféré aux députés, représentants de ce peuple dont il est si souvent question depuis tout à l'heure. Une loi ultérieure préciserait les modalités d'application de cette mesure.
Avis défavorable. Dans tous les pays où il existe, le droit de grâce constitue une prérogative du chef de l'État.
Si ce sujet se trouvait au coeur de notre discussion, il demanderait une réponse d'une heure, que je serais fier et honoré de vous fournir.
Si, si ! Je m'en priverai, non que notre temps soit compté, mais parce que nous parlons ici d'environnement : j'ai fait tout à l'heure un petit rappel de principe à ce sujet. Ce débat doit rester circonscrit à la modification de l'article 1er de la Constitution à des fins de protection environnementale. Concédez-moi que nous en sommes très loin. C'est pourquoi, tout en comprenant que la question du droit de grâce vous préoccupe, je suis défavorable à cet amendement.
La parole est à Mme Brigitte Kuster, pour soutenir l'amendement no 393 .
Cet amendement de bon sens tient particulièrement à coeur aux membres du groupe Les Républicains. Il vise en effet à modifier le premier alinéa de l'article 23 de la Constitution en vue d'interdire le cumul de fonctions gouvernementales et d'un mandat électoral. Venons-en au fond : nous savons tous ici qu'un ministre travaille plus qu'à plein temps – sans doute pourriez-vous en témoigner, monsieur le garde des sceaux. Autoriser un ministre à occuper un poste de maire, comme c'est actuellement le cas pour certains, ou de président de conseil régional, comme durant le précédent quinquennat, est donc d'autant plus aberrant qu'on nous le refuse à nous, parlementaires. Pour vous donner un exemple de cette absurdité, moi qui ai été maire d'un arrondissement parisien, je ne pourrais désormais plus l'être : ce n'est pourtant pas même un mandat à part entière.
Encore une fois, monsieur le ministre, il s'agit là d'un amendement de bon sens. Il se situe dans la logique des choses, répond à l'attente des Français que notre rôle est de réconcilier avec la politique. Lorsque l'on s'engage dans un mandat, on le fait à temps plein. Nous défendrons donc avec force cet amendement, qui, au-delà de son aspect technique, découle d'une certaine vision de la vie politique et d'un engagement qui mérite d'être étudié de près.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Effectivement, madame Kuster, vous ne pouvez cumuler votre mandat de députée et un mandat exécutif local ; en revanche, vous pouvez tout à fait exercer un mandat local, tout court. Il en va de même pour les ministres ; je ne vois pas pourquoi nous le leur interdirions. Avis défavorable.
Nous, nous ne pouvons pas être maire ni président de conseil régional !
Il est infiniment louable de vouloir réconcilier les Français avec les politiques ; mais si l'on va au bout des choses, dans un véritable engagement, l'environnement aussi concourt à ce résultat, puisqu'il constitue une préoccupation majeure des Français. C'est d'ailleurs parce qu'il prend de plus en plus d'importance que nous souhaitons modifier l'article 1er de la Constitution, afin de montrer tout le cas que nous faisons de cet engagement. Excusez-moi, mais nous sommes mus par le sentiment que, jusqu'à présent, tout ce qui pouvait être fait en faveur de l'environnement ne l'a pas été.
Quant au reste, vous conviendrez que nous sommes, encore une fois, bien loin de notre sujet ; c'est du moins mon analyse. Il y a quelques jours – mettons quelques semaines, pour faire plaisir à M. Ciotti – , vous avez discuté d'une proposition de loi constitutionnelle, émanant de MM. les sénateurs Philippe Bas et Bruno Retailleau : les dispositions que vous proposez maintenant n'ont même pas été évoquées. Rien, rien de rien !
D'ailleurs, vous qui avez tant de proximité avec le Sénat, monsieur Aubert – vous l'avez dit ici à vingt-cinq reprises – , au point même de savoir ce qu'il va voter, vous auriez pu suggérer aux sénateurs d'envisager ces modifications. Vous présentez cette proposition maintenant alors que nous parlons d'environnement et que vous savez très bien que je souhaite, en ce qui me concerne, me concentrer exclusivement sur ce sujet. C'est la cinquantième fois que je le répète mais vous ne souhaitez pas m'entendre. Je suis donc défavorable au présent amendement dont je pressens, madame la députée, qu'il vous tient particulièrement à coeur.
J'aurais volontiers soutenu la proposition de nos collègues mais elle comporte une confusion entre exécutif et mandat électoral. Il me semble déraisonnable d'interdire aujourd'hui le cumul d'un poste gouvernemental avec un mandat électoral. Si l'amendement avait évoqué un mandat exécutif ou la présidence d'une communauté de communes, j'aurais mieux compris.
Monsieur le ministre, j'avais bien compris que vous souhaitiez parler uniquement d'environnement, mais il se trouve que nous avons déposé des amendements et que leur examen a été accepté, en commission comme en séance.
Ils ont donc vocation, par définition, à être discutés comme tous les autres : ils n'ont pas été retoqués, ce ne sont pas des cavaliers.
Ce n'est pas possible !
Il existe par ailleurs une coutume à l'Assemblée : certains ministres prennent la peine de répondre à nos suggestions. Or vous ne le faites pas – pas plus que vous ne l'avez fait tout à l'heure au sujet de notre amendement sur le référendum, qui relevait pourtant lui aussi du bon sens, puisqu'il visait à donner la parole à un plus grand nombre de Français. Même si je ne suis pas juriste, je suis en mesure de comprendre ce qui peut favoriser la « démocratie participative » – pour utiliser les deux mots que l'on emploie désormais systématiquement.
L'amendement no 393 , que je viens de défendre, pointe du doigt une incohérence. On peut avoir un mandat local et être ministre, mais on ne peut pas avoir un mandat exécutif et être ministre. On l'a vu avec M. Le Drian lorsqu'il était à la fois ministre et président de région : le cumul de ses fonctions était aberrant car, en toute objectivité, on ne peut pas être tout à la fois un très bon président de région et un très bon ministre.
J'ai compris !
Un poste gouvernemental est une occupation à plein temps. On ne peut pas être à la fois ministre de l'intérieur et maire, ou alors, c'est que l'on a une conception étrange de l'exercice du pouvoir.
Voilà ce que je souhaitais vous dire, monsieur le ministre. Ce qui est regrettable, c'est qu'à chaque fois que nous essayons d'avancer sur un sujet, vous refusez nos propositions, afin de ne parler que d'environnement. Dans ces conditions, à quoi le Parlement sert-il ?
À quoi sert-il de déposer des amendements si vous nous répondez systématiquement que nous sommes hors sujet ? Nous ne le sommes pas : ces amendements ont été portés à la connaissance de nos collègues et méritent d'être discutés – d'autant plus que nous avons la chance que vous soyez présent, monsieur le garde des sceaux, et qu'il est intéressant de vous entendre sur d'autres sujets que ceux sur lesquels vous souhaitez vous exprimer.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 51
Nombre de suffrages exprimés 49
Majorité absolue 25
Pour l'adoption 5
Contre 44
L'amendement no 393 n'est pas adopté.
Je demande une suspension de séance, monsieur le président.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à onze heures cinq, est reprise à onze heures vingt.
Votre remarque est pertinente, monsieur Leseul : la rédaction de l'amendement no 393 , que nous venons tout juste d'examiner, n'est pas entièrement satisfaisante. Rassurez-vous, cher collègue, vous bénéficiez d'une chance au grattage et d'une chance au tirage : vous allez pouvoir voter en faveur de ce deuxième amendement et nous rejoindre dans le grand combat de la clarification !
Il est tout à fait anormal que je ne puisse pas, en tant que parlementaire, être maire de mon village – Sault, 1 500 habitants – alors qu'un ministre à la tête d'une administration puissante peut diriger un exécutif tel qu'un conseil régional ou une municipalité. L'amendement no 342 remédie à cette situation, mais je ne m'étends pas, ma collègue Brigitte Kuster ayant excellemment présenté l'amendement précédent.
Avis défavorable pour les mêmes raisons que celles que j'ai présentées pour l'amendement précédent. Ce projet de loi ne prétend pas engager une grande réforme constitutionnelle et ne traite pas des modes de scrutin.
Avis défavorable.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 33
Nombre de suffrages exprimés 31
Majorité absolue 16
Pour l'adoption 6
Contre 25
L'amendement no 342 n'est pas adopté.
Les amendements nos 28 de M. Marc Le Fur et 264 de M. Erwan Balanant sont défendus.
Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 231 , 351 , 27 , 301 , 389 , 353 et 277 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 27 et 301 sont identiques.
Les amendements nos 231 de M. Patrick Hetzel et 351 de M. Philippe Benassaya sont défendus.
Sur les amendements identiques nos 27 et 301 , je suis saisi par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public. Sur l'amendement no 277 , je suis saisi par le groupe Libertés et territoires d'une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l'amendement no 27 .
Cet amendement nous permet d'aborder un sujet d'actualité puisqu'il propose de constitutionnaliser le scrutin uninominal majoritaire à deux tours pour l'élection des députés.
Nous sommes clairs quant à notre refus de la proportionnelle. Nous ne sommes d'ailleurs pas les seuls à ne pas vouloir de ce mode de scrutin, et je constate avec plaisir que des membres de la majorité s'opposent également à son introduction, proposée par certains.
Le scrutin uninominal majoritaire à deux tours fait partie de notre tradition, ce que les Français ont parfaitement compris. Grâce à celui-ci, ils peuvent identifier et connaître le député de leur circonscription, ce qui est essentiel dans une démocratie. Ils peuvent même le rencontrer dans sa permanence pour discuter avec lui.
Dans la proportionnelle, au contraire, les partis présentent des listes de candidats qui ne sont pas identifiés par les électeurs.
Un scrutin majoritaire permet, en outre, d'éviter un contrôle excessif des partis politiques puisqu'on vote, non pas pour un parti, mais pour une femme ou un homme. La proportionnelle répond quant à elle à une logique de partis. Or, chacun le sait, les noms inscrits sur les listes sont souvent ceux des personnalités ayant hanté les directions des partis.
Voilà pourquoi la tradition politique gaulliste – elle n'est pas la seule – est attachée au scrutin uninominal majoritaire à deux tours pour l'élection des députés.
Vous n'êtes en effet pas les seuls à y être attachés, monsieur Le Fur !
La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l'amendement no 301 .
Permettez-moi, pour commencer, de répondre à tous ceux qui affirment que ce projet de loi constitutionnelle est un texte sur l'environnement. Si c'était le cas, ce n'est pas vous qui seriez présent aujourd'hui dans l'hémicycle, monsieur le garde des sceaux, mais Mme Pompili. Vous n'êtes pas ministre de la transition écologique, mais ministre de la justice, et votre présence s'explique par le fait que ce texte prévoit d'abord une réforme constitutionnelle, …
… qui porte sur une thématique que vous avez choisie, la thématique environnementale. En tout état de cause, le projet de loi constitutionnelle n'est pas un texte sur l'environnement. Si texte sur l'environnement il y a, il est actuellement débattu avec un autre ministre dans une commission spéciale.
S'agissant de la proportionnelle, je veux vous lire un extrait d'un entretien accordé par Michel Debré à L'Express le 14 octobre 1983 – il date donc d'il y a presque quarante ans, mais n'a rien perdu de son actualité.
« La proportionnelle change très profondément le fonctionnement des institutions. Le mode de scrutin est un élément capital à la fois de l'assise du pouvoir et du maintien des libertés. Tout au long de notre histoire, nous avons joué avec le mode de scrutin pour des raisons qui, généralement, n'étaient pas des raisons de haute moralité. [… ] À quoi doivent aboutir des élections ? À une majorité. Or la proportionnelle organise l'instabilité par la pulvérisation de la représentation nationale. Dès lors, la modification, si elle doit avoir lieu, sera au moins aussi importante qu'une modification constitutionnelle. Je crains beaucoup que l'on ne quitte la Ve République. [… ] L'apparence dont on couvre la proportionnelle, c'est la justice. On dit : il est bon que toutes les opinions soient représentées. Certes. Mais il n'a jamais été dit que la représentation devait être proportionnelle pour assurer une justice. La justice, c'est la liberté de présentation, c'est la liberté de se présenter devant l'électeur. Derrière l'apparence de justice de la proportionnelle, il y a une réalité : ce sont les partis qui ont quasiment le monopole de la présentation des candidats et, parce qu'ils ont ce monopole sur les candidats, ils ont autorité sur les élus. »
Ces mots de celui qui a rédigé notre Constitution ont été prononcés il y a presque quarante ans, mais ils n'ont pas pris une ride. Ils apportent une réponse éclairante à l'amendement de nos collègues du groupe UDI et indépendants visant à inscrire l'instauration de la proportionnelle aux élections législatives dans la Constitution. Avec cet amendement, je vous propose de trancher définitivement la question en sanctuarisant le scrutin uninominal majoritaire à deux tours dans la Constitution.
Mme Brigitte Kuster applaudit.
Les amendements nos 389 de M. Julien Ravier et 353 de M. Philippe Benassaya sont défendus.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
Je propose que nous en restions à l'état du droit actuel. Le débat constitutionnel que nous tenons aujourd'hui n'a pas vocation à définir les principes des scrutins à venir. Plusieurs propositions de loi relatives aux modes de scrutin ont été déposées par des groupes politiques. Nous aurons donc l'occasion de revenir sur ce sujet au cours des prochains mois. Le temps n'est pas encore venu. Avis défavorable.
Le texte porte en effet sur une réforme constitutionnelle, monsieur Aubert, mais cette réforme a un objet. Avis défavorable.
Je n'ai pas encore pris la parole ce matin mais je ne peux m'empêcher d'intervenir sur ce sujet. Le scrutin uninominal à deux tours a d'immenses qualités, notamment celle de permettre l'identification des députés par les électeurs. La France souffre d'un éloignement toujours plus grand des élus, notamment des députés, par rapport aux électeurs. La proportionnelle ne ferait qu'ajouter à ce phénomène et il ne me semble pas que ce soit une bonne chose.
Par ailleurs, comme l'a rappelé notre collègue Marc Le Fur, la proportionnelle, c'est la prime aux partis politiques : cela signifie que des députés comme moi, qui n'appartiennent à aucun parti politique, n'auraient plus aucune chance d'être élus par leurs électeurs dans leur circonscription. Or nous sommes des élus proches du terrain et de nos électeurs et avouez que se passer des députés non inscrits serait vraiment dommage.
Oui, cette réforme constitutionnelle a un objet, mais elle peut en avoir plusieurs ! Qui peut le plus, peut le moins.
Ensuite, la réponse du rapporteur nourrit chez moi une petite inquiétude. Je comprends que la majorité entend changer le mode de scrutin par des propositions de loi qui viendraient instaurer la proportionnelle. Le refus d'en discuter aujourd'hui vous permet peut-être d'éviter d'ouvrir ce débat dès maintenant, mus par la volonté consciente de faire plaisir à votre allié électoral dans les jours qui viennent. Je le regrette.
En revanche, je me félicite d'entendre notre collègue Mme Ménard – dont je ne sais plus si elle est membre du Rassemblement national ou simplement proche de celui-ci – rompre avec un des dogmes de ce parti : la proportionnelle. Cela prouve qu'elle est plus proche du gaullisme que du RN, ce qui me rassure au sujet d'une députée qui a toujours montré sa grande implication dans l'hémicycle.
Pardonnez-moi, vous direz que je suis opiniâtre, mais je persiste et je signe. Vous n'êtes pas favorable à la proportionnelle : je l'entends ; vous vous en expliquez : c'est tout à fait votre droit et je le respecte. D'autres y sont favorables et viendront l'exprimer dans un instant au travers d'autres amendements. Imaginez, monsieur Aubert, que, pour vous complaire, nous ouvrions ce débat. Nous en aurions pour des dizaines d'heures, rien que sur ce sujet ! C'est un sujet sérieux et essentiel, on ne peut pas en débattre…
Et alors ? Madame Ménard, je vous entends dire : « Et alors ? ». Nous abordons ici une réforme constitutionnelle ayant trait à la préservation de l'environnement. On m'a rappelé tout à l'heure qu'il n'y a aucun sujet interdit, qu'aucun amendement n'avait été considéré comme cavalier et donc déclaré non recevable à ce titre. Il est donc normal que vous puissiez en profiter. Mais je répète que de tels sujets sont trop sérieux pour ne pas faire l'objet d'un débat autonome, comportant une seule question : « Pour ou contre ? ». Ici, on parle d'environnement, je le répète une fois encore et le ferai jusqu'à épuisement.
Monsieur Lambert, quand j'ai appelé votre amendement no 277 , vous n'étiez pas dans l'hémicycle.
Il n'en est pas signataire. Je propose que votre intervention vale présentation de l'amendement, ce qui nous permettra ensuite de le voter.
Je vous en remercie, mais ai-je bien saisi la manière dont les choses fonctionnent ? En effet, outre les règles liées à la covid-19, compte tenu de l'examen en commission spéciale d'un autre texte portant sur l'environnement – cette situation a déjà été soulignée – , les députés de chaque groupe doivent se répartir entre les deux lieux. Je pensais que mon collègue du groupe Libertés et territoires Michel Castellani pouvait défendre l'amendement, même s'il n'en est pas signataire. Je rappelle d'ailleurs que j'ai demandé qu'il fasse l'objet d'un scrutin public. Est-ce confirmé ?
Monsieur Lambert, je parle non seulement le béarnais mais aussi le français ! Je vous ai dit oui.
Je vous en remercie. L'amendement vise à introduire une part de proportionnelle dans les élections législatives, ce qui correspond à une demande de nos concitoyens. Je l'ai déjà dit avant la pause : l'environnement est un sujet majeur et la transformation écologique est nécessaire. Elle doit nous permettre de relever les défis auxquels nous sommes confrontés.
Mais la transformation écologique ne peut avoir lieu sans respiration démocratique, laquelle passe, elle-même, par l'introduction de la proportionnelle telle qu'attendue très largement par nos concitoyens. Hormis évidemment la présidentielle, les législatives sont les seules élections qui ne comportent pas une dose de proportionnelle – même l'élection de la chambre haute, celle de nos collègues du Sénat, se déroule en partie de cette manière. Le présent amendement propose donc de corriger notre modèle électif puisqu'en la matière, nous sommes les derniers des Mohicans.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 50
Nombre de suffrages exprimés 50
Majorité absolue 26
Pour l'adoption 6
Contre 44
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 51
Nombre de suffrages exprimés 50
Majorité absolue 26
Pour l'adoption 2
Contre 48
L'amendement no 277 n'est pas adopté.
Je voudrais répondre au ministre. On a bien vu qu'au sujet de la proportionnelle, la majorité n'est ni pour ni contre, bien au contraire, puisqu'elle a réussi à repousser deux amendements contradictoires.
Ensuite, je voudrais appeler votre attention sur la question du temps, qui pose un vrai problème de méthode. La convention citoyenne pour le climat a disposé de six à neuf mois pour débattre d'environnement, et vous osez demander au Parlement de terminer rapidement, faute de temps pour discuter quelques heures de la proportionnelle ou de tout autre sujet – nous n'avons d'ailleurs pas davantage de temps pour parler d'environnement, …
… en témoigne la commission spéciale qui se réunit dans des caves fermées jour et nuit, week-ends inclus, pour pouvoir terminer à temps. Je trouve qu'il y a là un petit problème de méthodologie.
Je sais qu'il s'agit quasiment d'un dogme, mais peut-être aurions-nous pu donner deux mois de moins à la convention citoyenne et quinze jours de plus – voyez, je n'en demande pas davantage – au Parlement, afin qu'il puisse examiner tous les sujets qui nous intéressent. Nous n'avons pas tous les jours l'occasion de débattre d'une réforme constitutionnelle donnant la possibilité de poser des questions aux Français.
Vous arguez qu'un référendum doit avoir une question unique : je vous rappelle qu'après la crise des gilets jaunes, votre propre majorité avait proposé d'organiser un référendum à questions multiples. Je sais bien que c'est l'année de Napoléon, mais il faudrait éviter de transformer ce référendum en plébiscite à une seule question. Si les Français comprennent que ce peut être une manière de sanctionner votre politique, la réponse risque d'être négative.
« Pas tous les jours », c'est vrai, mais il y a quelques semaines, vous avez eu à examiner une proposition de loi tendant à modifier la Constitution. Elle venait même de vos rangs, et vous vous êtes alors bien gardé de mettre sur la table d'autres sujets qui, aujourd'hui, vous préoccupent, ou plutôt vous taraudent, vous obsèdent. Vous prétendez n'avoir pas souvent ce genre d'occasion, mais vous en avez eu une il y a trois mois et vous n'avez rien dit ! Vous vouliez – et ça ne me paraît pas anormal – que nous nous concentrions alors sur l'objet de la réforme proposée, tout comme le Gouvernement souhaite que nous soyons concentrés sur l'objet de la réforme qu'il propose. Voilà, c'est le parallélisme des formes ! Que voulez-vous que je vous dise de plus ? Défavorable.
Je n'ai pas votre expérience – cela viendra peut-être un jour – , mais j'écoute avec beaucoup d'attention et d'intérêt les débats depuis qu'ils ont commencé, il y a deux jours et demi. Je voudrais rapidement dire quatre choses.
Premièrement, il a tout à l'heure été affirmé de M. le ministre qu'il était seul. Non, il n'est pas seul : il a une majorité solide derrière lui et tous les scrutins qui ont eu lieu le prouvent.
Deuxièmement…
Quand il a fallu défendre la chasse à la glu sur le terrain, nous n'avons pas été nombreux : nous n'avons été que deux députés de la majorité !
Monsieur Lambert ! Écoutons notre collègue, d'autant que j'aime son accent. Allez-y, monsieur Perea.
Deuxièmement, je trouve dommage que vous ouvriez plusieurs débats qui pourraient être très intéressants mais qui ne sont pas à l'ordre du jour : ils ne font pas partie des sujets dont nous devons débattre. Vous vous condamnez finalement à caricaturer, comme vient de le faire M. Aubert en disant que nous ne sommes « ni pour ni contre, bien au contraire ». Je n'ai pas une grande expérience, je le répète, mais j'ai l'impression que, ce faisant, nous dégradons la qualité et donc l'image de nos débats,,
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM
alors que, je le sais, nous sommes capables d'avoir de vrais débats de fond, intéressants – nous l'avons déjà prouvé. En vous écoutant, j'ai l'impression que nous gâchons cette possibilité.
Troisièmement : vous venez de dire que nous n'avions pas assez de temps. Ne pourrions-nous pas utiliser celui-ci à débattre sur le fond des questions environnementales ? Au lieu de cela, je le répète, les débats font l'objet de caricatures qui empêchent d'aller au fond des sujets.
Quatrièmement – j'ai tout de même passé quelques heures sur ces bancs depuis le début de la législature – , je n'ose imaginer votre réaction si la majorité avait essayé de faire passer, dans le cadre de ce texte, par voie d'amendement, une autre mesure qu'une mesure liée à l'environnement.
Bien sûr !
Sur tous les bancs, dans la salle des Quatre-Colonnes et dans les médias, les élus de l'opposition auraient crié au scandale en s'indignant que la majorité fasse passer des dispositions hors sujet dans un texte sur l'environnement. Je continuerai à écouter nos débats avec beaucoup de patience, mais je trouve dommage qu'ils caricaturent, voire dégradent l'image que nous devons donner aux Français.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
L'amendement no 352 n'est pas adopté.
Il est vrai que la répétition a une vertu pédagogique, mais j'ai déjà répondu à votre argument, …
Oui, mais je ne suis pas convaincu !
… selon lequel nous n'avons pas utilisé le précédent véhicule de l'opposition, à savoir la proposition de loi constitutionnelle déposée par M. Philippe Bas. Je vais me répéter puisque vous avez fait mine de ne pas comprendre.
Le texte de la réforme Bas avait d'abord été déposé au Sénat, tandis que celui dont nous débattons aujourd'hui a d'abord été déposé à l'Assemblée nationale.
Vous l'avez déjà dit !
Nos collègues sénateurs avaient adopté un texte sur lequel nous avions à nous prononcer de manière conforme ; ici, vous ne pouvez pas exciper du Journal officiel pour connaître la position du Sénat et vous ne savez pas non plus comment il réagirait à une éventuelle modification de l'article 1er et à l'ajout ou à l'adjonction d'autres thèmes – pourtant, cela pourrait vous aider à négocier. La méthode est donc tout à fait différente.
En outre – c'est une deuxième différence – , s'agissant du texte Bas, nous ne savions pas si son examen nous conduirait au Congrès ou à un référendum, tandis que le Président de la République a clairement annoncé que le présent texte fera l'objet d'un référendum. Or il y a des sujets, par exemple l'immigration ou le septennat, qui doivent par définition être soumis à référendum. Voilà les raisons pour lesquelles nous les abordons en examinant le présent texte et non le précédent.
Ensuite, monsieur Perea, vous dites que nous perdons du temps, alors que nous pourrions discuter du fond. Mais vous êtes arrivé trop tard ! La discussion sur le fond a eu lieu lors de l'examen de l'article unique, c'est-à-dire hier.
Vous étiez là, très bien : nous avons eu une discussion mais nous nous sommes heurtés à un mur. Combien d'amendements avez-vous acceptés ?
Zéro ! Nous avons essayé de discuter de ce que vous proposiez, mais vous ne voulez débattre ni de l'objet de votre texte – il faut l'adopter tel quel – ni de tout ce qui n'a pas directement trait à cet objet tel que vous l'avez défini.
Ensuite, vous nous reprochez d'être gênants ! Dans ce cas, nous allons vous laisser entre vous, mais vous n'aurez pas besoin de l'hémicycle : faites un texte de loi dans la salle Colbert entre gens de la majorité. Vous serez d'accord entre vous.
Alors qu'une réforme constitutionnelle suppose d'écouter l'opposition, vous voulez que l'opposition adopte le point de vue de la majorité. Ce n'est pas très démocratique tout cela ! Ne vous étonnez pas si vous fragilisez vous-même votre propre véhicule constitutionnel. Voilà notre propos. Quand on est majoritaire, on peut passer en force. Votre texte sera donc adopté. La question est de savoir s'il ira au référendum.
Vous n'avez pas défendu votre amendement, qui propose la suppression des députés représentant les Français de l'étranger – vous êtes tombé sur le mauvais rapporteur puisque je suis l'un d'entre eux. Rappelons que c'est votre majorité, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, qui avait souhaité créer ces parlementaires représentant les Français établis hors de France.
À mon avis, nos concitoyens vivant hors de l'hexagone seront très attentifs à cette volonté du parti Les Républicains de supprimer leur représentation politique. Avis défavorable.
C'est vraiment extraordinaire ! Vous voulez supprimer une disposition que vous avez instaurée dans le cadre de la révision constitutionnelle de 2008 – c'est quand même fort de café ! – , une disposition qui concerne quelque 2 millions de Français établis hors de France, des citoyens à part entière qui votent lors des élections présidentielle et législatives. Je ne comprends pas bien le sens de cet amendement.
En revanche, je voudrais rendre hommage à M. le député Perea et louer son intervention. Non seulement vous avez un très bel accent – j'ai défendu ici, et avec ferveur, la proposition de loi sur le sujet – , mais vous dites de vraies choses.
Pensons aux Français, intéressés par nos débats, qui regardent la chaîne parlementaire. Madame la députée, vous avez parlé de rétablir la confiance entre les Français et les politiques, de mandats et d'autres choses. Tout en comprenant ces préoccupations, j'estime qu'elles n'ont rien à voir avec le débat du jour qui porte sur une réforme qui, pour être constitutionnelle, n'en a pas moins un objet précis.
J'imagine les gens qui allument leur téléviseur. De quoi nous voient-ils discuter ? D'éleveurs de moutons comme nous l'avons fait hier, de proportionnelle, de crevettes, de tas de sujets périphériques dont on nous dit qu'ils sont absolument indispensables.
Quitte à me répéter, même s'il vaudrait mieux ne pas le faire mille fois, je vous rappelle, monsieur Aubert, que, lorsque des membres de votre groupe ont proposé une révision constitutionnelle, vous vous êtes bien gardé de l'amender de quelque façon que ce soit. Vous vouliez, et c'est bien normal, que le texte reste en l'état. Pour le reste, nous ne fuyons pas le débat, contrairement à ce que vous dites.
Nous avons expliqué longuement notre souhait d'employer et d'assumer les mots « garantit » et « lutte ». Quant à vous, vous nous avez proposé tout le dictionnaire pour les remplacer. Passé ce premier débat, nous partons sur des thèmes qui n'ont rien à voir avec l'objet du texte. En espérant de tout coeur me tromper, je pense que les Français qui nous regardent doivent trouver nos interventions curieuses. Et je ne suis pas certain que ce soit de nature à rétablir la confiance à l'égard du monde politique dans lequel je m'englobe un instant.
Nos concitoyens doivent se demander de quoi nous discutons, en ayant le sentiment que nos échanges sont une sorte d'enterrement du débat. Vous allez reprendre la parole, je n'en doute pas une seconde, pour dire que l'on a le droit de tout dire et d'évoquer tous les sujets dans le cadre d'une révision constitutionnelle. Pour notre part, nous parlons d'environnement. Les autres sujets méritent autre chose qu'un amendement de derrière les fagots, si vous me permettez cette expression populaire. Certains sujets méritent même un véritable débat. Vous nous collez l'immigration, le voile et l'islamisme, en nous racontant que nous nous moquons de ces sujets, alors qu'ils sont au coeur de vos préoccupations. Si vous me permettez une autre familiarité, je dirais que tout cela n'est pas terrible.
Que vont retenir nos concitoyens d'un tel débat, alors que notre souhait est de faire en sorte que toutes les problématiques et difficultés liées à la dégradation de notre environnement soient enfin mieux prises en compte ? Je pense en particulier aux jeunes qui peuvent nous regarder : il est vrai qu'ils ne sont pas forcément rivés à la chaîne parlementaire, mais s'il en est quelques-uns qui peuvent expliquer à leurs copains comment cela se passe, ils vont avoir une piètre image de notre débat. J'espère me tromper.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Mes chers collègues, je vais évidemment donner la parole à ceux qui l'ont demandée, mais je signale la présence de députés qui, comme M. Brotherson, habitent loin et voudraient présenter leurs amendements. En étant taquin, je dirais que, tant qu'il reste encore des avions, laissons les députés rentrer dans leur circonscription – je me sens concerné.
Depuis neuf heures du matin, les auteurs d'amendement ont systématiquement repris la parole après les avis de la commission et du Gouvernement. Il me semble que chacun a bien compris les positions des uns et des autres. Dès lors, permettons à M. Brotherson de présenter ses amendements comme il m'en a fait la demande. Vous êtes dans la même situation que moi, monsieur Ciotti : nous n'avons pas de train mais un avion.
La parole est à M. Julien Aubert.
J'ai bien compris que nos échanges sont suspendus au trafic aérien et aux rendez-vous pris par le ministre en fin de journée. Je le regrette, mais je ne vais pas alourdir le débat.
Vous faites une erreur en vous drapant dans le voile des protecteurs de la démocratie, au moment où vous détournez la procédure constitutionnelle : vous fixez un seul ordre du jour et vous estimez que les propositions de l'opposition ne méritent pas de débat.
Comme vous l'avez fait !
Vous n'avez jamais répondu sur le fond, monsieur le ministre, signe d'une grande fébrilité. Vous avez fait mine de ne pas comprendre ce qu'est une navette parlementaire – je ne peux pas imaginer que vous ne le sachiez pas – , mais vous instrumentalisez le Sénat quand cela vous arrange.
Il me semble donc clair qu'il n'y aura pas de débat sur le fond et que vous êtes pressé d'en finir. Nous allons vous donner satisfaction et, ce soir, vous pourrez vous flatter d'avoir donné une belle image de la démocratie en ayant pu passer en TGV sur le sujet qui vous intéressait sans que personne prenne la parole. Vous aurez surtout donné une belle image de La République en marche.
Un mouvement politique, né en 2017, se targuait de donner une autre vision de la politique. Vos électeurs doivent se dire que vous n'avez plus rien à envier aux vieux briscards de la IIIe République, qui savaient enterrer les questions des autres et trouver la solution à celles qu'ils posaient eux-mêmes.
Peut-être discutons-nous de sujets qui ne devraient pas être abordés. Peut-être certains sont-ils légitimement soucieux et impatients de regagner leur circonscription et de retrouver leur famille – nos familles supportent en effet une partie de nos sacrifices.
Sans avoir l'accent d'Alain Perea ou la faconde de M. le garde des sceaux, je tiens à leur rappeler que les parlementaires doivent respecter la loi et, plus encore, la Constitution. Or, lors de l'examen d'une réforme constitutionnelle, nous pouvons aller au-delà de la volonté affichée par celui qui a déposé le texte à l'agenda du Parlement.
Monsieur le ministre, il n'y a donc pas lieu de faire des remarques sur les changements que les uns et les autres pourraient vouloir apporter à la Constitution, à moins de changer le cadre qui permet la réforme constitutionnelle – je ne sais comment il faudrait le faire, les légistes le sauraient bien mieux que moi. Si nous voulons vraiment avancer, respectez les auteurs des amendements déposés. Certains, à commencer par moi-même, se contenteront de défenses brèves, voire de dire : « Défendu. » Nous pourrons alors aller de l'avant.
Un seul être vous manque et tout est dépeuplé. Voilà que M. Aubert nous quitte, reprend le train, s'en va.
Il ne reste plus que M. Ciotti.
Monsieur Lambert, je vous ferais remarquer que les légistes n'ont vraiment rien à voir avec notre histoire car ils sont ceux qui pratiquent des autopsies. Vous avez peut-être le goût du morbide, mais ce n'est pas le mot juste.
M. Aubert, qui a enfin compris que nous souhaitions circonscrire le débat, avait encore un tas d'amendements à soutenir qui n'ont…
Ah, je croyais qu'il allait prendre un train. Il va revenir, me voilà rassuré ! Quoi qu'il en soit, je persiste et signe. À l'intention de ceux qui nous écoutent, je répète que la modification envisagée de l'article 1er de la Constitution porte sur l'environnement. Vous évoquez des sujets qui peuvent nous préoccuper tous, en racontant que vous êtes les seuls à vous y intéresser, ce qui est piégeux.
Une fois cela rappelé, je vais vraiment aller beaucoup plus vite. Vous vous plaignez que je n'apporte pas de réponse, alors que je fais l'effort d'en fournir. Puisque, de toute façon, vous ne voulez pas les entendre, je me contenterai désormais de répondre « favorable » ou « défavorable », selon la qualité de l'amendement.
L'amendement no 354 n'est pas adopté.
Sur amendement no 154 , je suis saisi par le groupe Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Les amendements nos 390 et 383 de M. Julien Ravier, 356 et 359 de M. Philippe Benassaya, 15 de M. Marc Le Fur et 335 de M. Julien Ravier sont défendus.
Monsieur le ministre, puisque vous nous avez ouvert la possibilité de recevoir un avis favorable à nos amendements, ce qui change la perspective d'un texte figé et non modifiable, je vais donc défendre celui-ci.
Nous ne sommes pas d'accord sur l'approche de cette réforme constitutionnelle. Je comprends votre argument, celui du Gouvernement, qui est légitime. Souffrez que l'opposition puisse se saisir de cette occasion, assez rare, pour tenter de modifier notre constitution sur des sujets qu'elle juge majeurs. Dans quelques instants, un amendement sur la protection de nos concitoyens viendra en débat, qui intéressera sûrement la présidente de la commission des lois, même si nous avons une approche un peu différente de la hiérarchie des priorités.
Avec cet amendement, qui va encore soulever votre réprobation, je voudrais que nous reprenions la réforme constitutionnelle, chère au président Habib, qu'avait soutenue le président Hollande, visant à introduire la déchéance de nationalité de binationaux nés français ayant commis des actes de terrorisme.
Lorsque l'on commet un acte de terrorisme, on n'a plus à jouir de la nationalité française. Il est du devoir de la nation d'opposer une forme de bannissement à ceux qui, non seulement, ont mis en péril la vie de nos concitoyens, mais menacent même les fondements de notre démocratie et tout ce qui fait que la France, depuis des siècles, est le pays des lumières et de la liberté.
Sourires sur divers bancs.
L'amendement no 302 de M. Philippe Gosselin est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Avis défavorable. Nous n'allons pas aborder un sujet si lourd de cette façon-là aujourd'hui, sachant que nous sommes rassemblés pour débattre de l'environnement et de son intégration dans la Constitution.
L'amendement no 422 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il vise à réformer notre constitution pour y introduire, de façon rétroactive, la rétention de sûreté pour les auteurs de crimes ou de délits terroristes. Nous savons – je le dis sous le contrôle de Mme la présidente de la commission des lois, avec laquelle nous avons travaillé sur le contrôle de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite SILT, et sur la proposition de loi qu'elle avait déposée – qu'une des préoccupations majeures, à laquelle vous êtes très attentif, monsieur le garde des sceaux, renvoie aux sorties de prison non seulement de détenus condamnés de façon définitive pour des actes de terrorisme, mais aussi de détenus de droit commun qui se sont radicalisés en prison. Vos services nous indiquent ainsi qu'entre 2018 et 2022, plus de 2 100 condamnés pour terrorisme islamiste ou détenus de droit commun radicalisés sont sortis ou sortiront de prison. Ces chiffres, les vôtres, sont publics et ont déjà été évoqués.
Nous avons besoin de la rétention de sûreté pour protéger la société. Je réclame depuis des années l'application de ce principe de précaution, notion qu'on évoque à propos de l'environnement. On notera mon obsession ou saluera ma constance – selon qu'on se place d'un côté ou de l'autre de cette montagne qui se dresse devant nous. Cette mesure permettrait de placer ces bombes humaines très dangereuses – le procureur national antiterroriste nous l'a confirmé lors de son audition – dans des structures qui protègent notre société. Je propose d'y conférer un statut rétroactif car, aujourd'hui, aucune mesure de rétention n'est possible pour ceux qui ont été condamnés avant l'entrée en vigueur d'une loi instaurant une potentielle rétention de sûreté.
Votre proposition me permet d'illustrer ce que je dis depuis longtemps : vous abordez des sujets importants : le Gouvernement souhaitant en rester à l'ordre du jour, vous nous accusez alors de ne pas vouloir débattre. C'est un problème préoccupant, dites-vous, et le ministre de la justice s'en moque !
Peut-être pas vous, mais certains de vos collègues n'ont pas manqué de le faire.
Monsieur Ciotti, je vous remercie d'avoir déposé cet amendement. Vous avez rappelé combien Mme la présidente de la commission des lois, Yaël Braun-Pivet, s'était investie sur le sujet, et vous ne pouvez pas ignorer que, moi aussi, j'ai soutenu ce texte de toutes mes forces.
Je suis donc, plus encore que sur d'autres sujets, légitime à vous dire que ces questions nous ont préoccupés et nous préoccupent encore, mais que ce n'est pas le moment d'en parler. Nous avons eu l'occasion de le faire et j'espère que nous en aurons très bientôt d'autres. Rassurez-vous : nous sommes très préoccupés par la sortie des détenus islamistes ou radicalisés en prison. Je ne vais pas énumérer ici ce que je fais en la matière au ministère ni ce que nous comptons faire, mais ce n'est pas le moment d'en débattre.
Certes, cela vous permet d'exprimer votre préoccupation – je ne dirai pas « votre marotte » car le sujet est bien trop grave. Vous êtes préoccupé par ce problème, nous le sommes également. Mais, je le répète, ce n'est pas le moment d'en discuter. Nous aurons bien d'autres occasions de le faire, et j'écouterai alors vos propos avec beaucoup d'intérêt et d'attention : je pense que vous le savez. Avis défavorable.
Monsieur le ministre, je reconnais que vous faites votre travail avec talent. La décision de limiter la réforme constitutionnelle à un seul sujet, …
Comme vous l'avez fait pour la vôtre !
… qui relève du slogan politique voire politicien, revient au Président de la République. Vous êtes là pour la défendre et vous le faites. Nous avons compris les bornes qui vous ont été imposées, à vous et à nous, dans ce débat, mais nous estimons qu'on aurait pu et aurait dû réformer bien plus largement notre constitution, qui doit être toilettée à bien des égards.
Il faut corriger des erreurs majeures qui modifient l'équilibre des institutions, telles que le quinquennat et les modes de scrutin. Autre problème, évoqué des dizaines et des centaines de fois dans cet hémicycle : lorsqu'on aborde la protection des Français, la radicalisation, …
Ce n'est pas le moment !
… l'immigration ou la sécurité, on nous impose à chaque fois l'évolution de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, une évolution très libérale, qui fait passer la sécurité des Français après la liberté individuelle. Cette évolution de la jurisprudence est un choix, mais nous faisons face à une augmentation de la violence et des menaces.
Nous aurions pu débattre d'une grande réforme constitutionnelle, qui embrasse tous les domaines.
Pas maintenant !
J'ai bien compris, monsieur le ministre, qu'il ne sera pas possible de le faire dans le cadre de ce texte. Je le déplore car on ne pourra donc pas, sous ce quinquennat, inscrire dans la Constitution la rétention de sûreté, qui assurerait la protection des Français, les quotas migratoires ou la déchéance de la nationalité. C'est plus qu'une erreur : une faute !
La loi suffit largement !
Chers collègues, avançons ! J'ai pris un engagement vis-à-vis de M. Brotherson et il nous reste à examiner dix amendements avant d'en arriver au sien.
L'amendement no 179 n'est pas adopté.
Les amendements nos 348 de M. Philippe Benassaya et 16 de M. Marc Le Fur sont défendus.
M. le ministre nous invite à discuter du coeur du projet de loi. Aussi souhaiterais-je revenir à l'environnement et reprendre des termes chers à la fois au ministre et au rapporteur : les biens communs, l'habitabilité de la terre et le crime d'écocide. L'amendement des députés Socialistes et apparentés reprend une proposition qui avait été faite en 2017 par mon prédécesseur Christophe Bouillon.
Nous utilisons les notions de biens communs et de limites planétaires pour définir le crime d'écocide. Il s'agit de donner corps à la préservation de l'environnement, tout en fixant les limites biologiques et physiques à ne pas dépasser pour assurer l'habitabilité de la terre. Les limites planétaires sont les seules que l'humanité ne doit pas dépasser pour ne pas compromettre l'habitabilité de la terre : nous en avons discuté hier et je n'y reviens pas aujourd'hui. Peu à peu, nous les dépassons hélas, l'une après l'autre. En malmenant ainsi notre environnement, nous risquons de voir s'effondrer tout l'équilibre de la planète.
La proposition que nous avions faite il y a plus d'un an a déjà été débattue depuis 1947 au sein de la commission du droit international des Nations unies, mais n'a malheureusement pas été incluse dans le Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Elle a également été reprise par la convention citoyenne pour le climat, or je sais combien vous êtes attaché aux propositions de la convention, vous qui ne voulez pas bouger la moindre virgule du texte que vous nous proposez aujourd'hui !
La convention avait une rédaction sensiblement différente de la nôtre : « Constitue un crime d'écocide, toute action ayant causé un dommage écologique grave en participant au dépassement manifeste et non négligeable des limites planétaires, commise en connaissance des conséquences qui allaient en résulter et qui ne pouvaient être ignorées. » Même si la formulation que nous proposons est, je l'ai dit, différente – elle a été également examinée par des constitutionnalistes – , il semble important de faire de l'écocide non pas un simple délit – comme vous le faites dans le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets – , mais un crime.
Merci pour votre amendement qui nous ramène au fond du sujet. Nous avons déjà évoqué hier la notion de biens communs, apportant des arguments précis. Vous avez raison : nous sommes attachés à ce terme, mais comme je l'ai souligné dans mon avis sur les amendements de M. Dominique Potier, nous estimons que cette notion, comme celle d'habitabilité de la terre que vous mentionnez dans le présent amendement, nous semble insuffisamment précise et stabilisée pour respecter l'exigence de clarté et de précision qui s'impose dans une réforme constitutionnelle.
Vous avez mentionné le travail en cours en commission spéciale sur le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. Lorsque ce texte arrivera en séance, dans quelques semaines, vous pourrez engager le débat sur le délit ou le crime d'écocide : mais ce sujet n'a pas sa place dans la discussion d'aujourd'hui.
Avis défavorable.
Même avis, pour les mêmes raisons. Ce débat aura lieu le moment venu, dans toute sa plénitude et toute sa complexité. Vous pourrez alors faire valoir devant la représentation nationale tous les arguments que vous estimerez nécessaires. Mais une fois de plus, selon le Gouvernement, ce n'est pas le moment d'évoquer cette question, même si elle est en lien avec l'environnement. Nous avons circonscrit le périmètre de l'article 1er qu'il convient de modifier et nous restons sur cette position.
Hier, j'ai eu l'occasion de défendre un amendement très similaire, déposé par notre collègue Colombani. L'amendement des collègues socialistes a l'avantage de mettre en lumière la notion de limites planétaires, une borne que nous devons tous garder à l'esprit dans nos démarches personnelles et publiques. Cette notion globale, devenue incontournable, renvoie à l'usure, sous toutes ses formes, du milieu naturel.
Je ne sais pas quand viendra le bon moment de discuter de l'écocide. Voilà plusieurs mois que chaque fois que nous l'abordons, vous répondez : on en discutera plus tard. Il me semblait que c'était le bon moment d'évoquer cette question fondamentale. Malheureusement, je crois – et je ne suis pas le seul dans l'hémicycle – que vous faites peu de cas de nos propositions. La discussion parlementaire sur les questions environnementales est bloquée ou atrophiée. Je le regrette vivement !
Ça vient dans quelques jours !
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 50
Nombre de suffrages exprimés 50
Majorité absolue 26
Pour l'adoption 8
Contre 42
L'amendement no 154 n'est pas adopté.
L'amendement no 181 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l'amendement no 252 .
Comme celui qui visait à inscrire le crime d'écocide à l'article 34 de la Constitution, cet amendement me semble parfaitement conforme à l'esprit de ce projet de loi constitutionnelle.
Pas du tout !
Hier, en fin d'après-midi, le Parlement européen a adopté, par 504 voix sur 695, une résolution appelant à l'adoption d'une directive européenne relative à la protection des droits humains et de l'environnement dans les chaînes de production mondialisées. Même si cette décision est peu commentée, elle constitue un événement historique, susceptible de révolutionner le capitalisme et de marquer une nouvelle étape dans la régulation de la mondialisation.
Je profite de cet instant pour saluer le fait que la directive en cours de préparation, qui pourrait être inscrite à l'agenda européen pendant la présidence française du Conseil de l'Union européenne, pourra utilement préciser le régime juridique déjà adopté dans le droit français depuis la loi du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre, dont je fus le rapporteur. Je veux ici vous remercier publiquement, monsieur le garde des sceaux, pour la qualité du dialogue que nous avons engagé avec la chancellerie, afin qu'une juridiction spécialisée clarifie les compétences respectives des tribunaux d'instance et des tribunaux de commerce dans l'analyse de ce qui constitue ou non une pratique acceptable en la matière. Nous le ferons en adoptant le véhicule juridique le plus adapté, mais je connais votre position : elle est courageuse, et je vous en remercie.
Pour éviter la censure du Conseil constitutionnel, la loi relative au devoir de vigilance a dû faire l'objet d'une réflexion juridique et politique très fine, car la Constitution sacralise en quelque sorte le droit de propriété et la liberté d'entreprise, que nous avons dû habilement contourner. Tel n'avait pas été le cas pour d'autres combats que j'ai eu l'honneur de mener au nom des députés socialistes. Je pense notamment aux textes qui visaient à lutter contre l'accaparement des terres ou à imposer aux holdings un reporting de leur présence dans les paradis fiscaux : chaque fois, sur ces questions touchant à l'esclavage moderne, à la répartition des terres, à la sécurité alimentaire ou à d'autres thèmes fondamentaux, nous avons subi la censure du Conseil constitutionnel.
Nous proposons donc, comme nous l'avions déjà fait dans le cadre d'une précédente proposition de loi et de multiples amendements, un rééquilibrage entre les biens communs, le droit de propriété et la liberté d'entreprise, afin que de telles censures, à l'avenir, ne nous condamnent plus à l'impuissance en nous empêchant de légiférer.
M. Gérard Leseul applaudit.
Merci pour cet amendement. Vous avez raison d'évoquer la prise de position du Parlement européen. Deux votes importants ont d'ailleurs eu lieu hier au Parlement européen : celui sur le devoir de vigilance, auquel vous avez fait référence, et celui relatif au mécanisme d'ajustement carbone aux frontières. Ces deux combats sont directement liés au débat qui nous occupe aujourd'hui. Je ne doute pas que la France, lorsqu'elle assumera la présidence française du Conseil de l'Union européenne, d'ici un peu moins d'un an, saura se saisir de ces enjeux pour les faire progresser et en faire une priorité politique – j'ai toute confiance en Clément Beaune pour cela.
Par votre amendement, vous revenez sur la question de l'inscription de la notion de biens communs dans la Constitution, dont nous avons déjà débattu. Nous n'y sommes pas favorables à ce stade. J'émets donc un avis défavorable.
J'ai déjà eu l'occasion de le dire hier : le Gouvernement souhaite préserver l'ensemble des principes constitutionnels, sans opérer de hiérarchie entre eux. Je ne puis donc qu'être défavorable à l'amendement que vous présentez.
Par ailleurs, nous parlons ici – enfin, ai-je presque envie de dire – d'environnement. En la matière, l'article 1er de la Constitution fixe le cadre. Par la suite, vous aurez, naturellement, à voter sur un certain nombre de dispositions législatives, présentées à votre initiative ou à celle du Gouvernement. Ce que vous proposez, de mon point de vue, n'entre pas dans le cadre du présent projet de loi constitutionnelle : l'amendement entre pleinement dans le sujet, mais pas dans le cadre.
Je salue, moi aussi, la décision prise à l'échelle européenne, qui aura incontestablement des répercussions favorables sur la façon dont il convient enfin d'appréhender les choses en matière environnementale.
Puisque nous avons, cette fois-ci, le droit de débattre du fond, j'en profite.
On voit se dessiner le vrai visage de la réforme environnementale souhaitée par le Gouvernement. Je vous trouve en effet très complaisant, monsieur le garde des sceaux, avec l'argumentation présentée par notre collègue Potier, que je respecte, mais qui affirme bel et bien qu'il faut détricoter la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Elle fait, je le rappelle, du droit de propriété « un droit inviolable et sacré » – droit de propriété qui, au passage, est régulièrement remis en cause dans ce pays par la jurisprudence relative aux squats ou aux locataires indélicats.
M. Potier évoque également la liberté d'entreprendre. Rappelons que plusieurs dispositions du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, qui est en cours d'examen par la commission spéciale, sont de nature à porter atteinte à cette liberté. Je songe notamment à l'interdiction de certaines publicités ou activités, ou encore à la diabolisation de l'énergie fossile en tant que telle, quelle que soit d'ailleurs sa nature – charbon ou gaz, c'est la même chose ! Cela me semble assez inquiétant, venant d'une majorité qui, sous des airs de startup nation, affirmait incarner le modèle libéral économique : vous avez clairement changé de braquet – et pas dans le bon sens.
La liberté d'entreprendre et le droit de propriété sont des libertés essentielles. En introduisant de telles limitations, vous permettez à l'État et au juge de rogner encore un peu plus la liberté. Je ne suis pas certain, dans le contexte actuel, que les Français qui, chaque jour, portent des masques, font des efforts et subissent le couvre-feu, soient prêts à accepter une nouvelle diminution de leurs droits et libertés au nom de l'intérêt général – d'autant que ce dernier est, en matière environnementale, parfois dévoyé par certaines ONG.
Monsieur Aubert, vous avez assez de culture et de connaissances juridiques pour apprécier l'écart abyssal qui existe entre les squats que vous dénoncez et qui relèvent d'un ajustement technique de la loi, et les questions civilisationnelles et de survie planétaire que je pose lorsque j'évoque les paradis fiscaux, le travail des enfants et les violences qui en naissent, ou encore l'accaparement des terres, dont la FAO – l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture – estime qu'elles causent davantage de violence et de misère sur la planète que les guerres. Les phénomènes que nous décrivons ne sont vraiment pas à mettre sur la même échelle, et vous pourriez au moins admettre que nous ne nous plaçons pas sur le même plan lorsque nous en débattons.
Je rappelle à M. le ministre que la tribune qui a été rédigée à l'appui de notre proposition, laquelle est techniquement efficiente, a été signée par Antoine Lyon-Caen, Mirelle Delmas-Marty, Stéphane Vernac, Cynthia Fleury, Olivier Favereau – autant de personnalités qui font honneur à la République par leur pensée – et par une cinquantaine d'intellectuels d'horizons divers. Or cette proposition n'a pas été retenue.
Je reprendrai simplement un extrait du texte qu'Antoine Lyon-Caen et moi-même avons rédigé – cela me permettra de répondre en même temps à M. Aubert : « Étonnante déformation de ces droits nés pour émanciper le sujet, devenus, par l'interprétation qui leur est donnée, des moyens offerts aux plus puissants de s'opposer au bien commun et à l'exercice de leurs libertés par les plus humbles ! Rien ne justifie de se complaire dans l'impuissance publique. » Autrement dit, alors qu'à la Révolution le droit de propriété et la liberté d'entreprise avaient été conçus pour lutter contre un despotisme politique que nous qualifierions aujourd'hui de totalitaire, ils sont, par une étrange déformation, complaisamment mis au service d'une puissance économique qui est, elle aussi, par certains aspects, despotique.
C'est à ce rééquilibrage que nous aspirions. Je regrette que, mon amendement entrant dans le sujet mais pas dans le cadre – je réfléchirai à cette nuance ce week-end – , il n'ait pas pu être adopté. Je vous invite néanmoins, monsieur le garde des sceaux, à lire cette tribune et à comprendre que ses auteurs, par leur travail, défendent une proposition puissante, dont j'espère qu'elle reviendra dans les débats à l'occasion de la campagne présidentielle, à défaut d'être votée aujourd'hui.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 51
Nombre de suffrages exprimés 51
Majorité absolue 26
Pour l'adoption 7
Contre 44
L'amendement no 252 n'est pas adopté.
Je le défends à l'invitation de M. le garde des sceaux qui, au cours de la seconde séance du 10 février dernier durant laquelle nous examinions le projet de loi confortant le respect des principes de la République, avait suggéré qu'il revenait à l'Assemblée de modifier la Constitution afin de pouvoir sanctionner la négation des génocides reconnus par la loi. Nous débattions alors, comme nous l'avons fait hier – je ne comprends d'ailleurs pas pourquoi mon amendement et celui de mon collègue Ravier n'ont pas fait l'objet d'une discussion commune – de la reconnaissance du génocide arménien.
Vous nous avez opportunément invités à nous saisir de cette question, car il n'est, pour l'heure, pas possible de sanctionner ceux qui contestent la réalité du génocide arménien. Or ces prises de parole, qui constituent selon moi un délit, sont de plus en plus fréquentes. Elles émanent très souvent de groupuscules liés à la Turquie et portent offense à l'histoire de ce peuple fier et courageux, qui s'est battu pour ses libertés et qui a subi le premier génocide du XXe siècle.
Notre assemblée s'honorerait à se saisir de cette question. Je crois d'ailleurs savoir que, sur le fond, vous partagez notre approche, monsieur le ministre.
Merci pour cet amendement, qui porte sur une question grave. Nous en avons débattu assez longuement hier soir et avons exposé les raisons qui nous poussent à ne pas donner une suite favorable à cette demande. Notre position n'a pas changé : avis défavorable.
Bien sûr, monsieur le député, je pense comme vous aux Arméniens – qu'ils soient d'ailleurs en Arménie ou en France – ainsi qu'aux Français d'origine arménienne. Comme je l'ai dit hier à M. le député Ravier qui est, lui aussi, très investi sur cette question, l'enjeu est réel. Mais je ne peux pas vous répondre autre chose que ce que je lui ai répondu hier. Merci de souligner, avec élégance, que vous me savez préoccupé par cette question, qui mérite véritablement toute notre attention, mais je ne puis qu'être défavorable, à cet instant, et dans ce cadre précis, à la modification que vous proposez.
Le débat sur ce thème est beaucoup plus apaisé qu'hier soir à minuit. Tant mieux. Je me permets tout de même de rappeler que l'Arménie vient de subir une attaque et que, dans la guerre que l'Azerbaïdjan lui a déclarée, 5 000 jeunes de 18 et 19 ans ont été tués, soit un tiers de cette classe d'âge. Chacun mesure les conséquences colossales de l'agression que l'Azerbaïdjan a fait subir à l'Arménie, laquelle a été soutenue par la Turquie, qui persiste à nier toute responsabilité dans le génocide arménien. Des personnes présentes sur le sol français relaient cette négation.
J'entends, monsieur le ministre, que vous avez l'ambition d'accompagner l'inscription dans la Constitution du délit de négation de tout génocide reconnu par la loi, mais que vous estimez qu'elle n'a pas sa place dans le texte qui nous occupe aujourd'hui. Permettez-moi donc une question assez simple : les Arméniennes, les Arméniens et tous ceux qui sont attachés à la cause arménienne peuvent-ils espérer que cette réforme constitutionnelle nous soit soumise avant la fin du quinquennat ?
L'amendement no 185 n'est pas adopté.
J'ai fait un axe inédit avec M. François-Michel Lambert, qui a voté cet amendement.
Les amendements nos 173 et 182 portent respectivement sur les contrôles d'identité et les MICAS, les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance.
Le no 174 vise à introduire la possibilité de prononcer une mesure de rétention administrative à l'encontre de terroristes représentant un danger majeur pour notre société. Le recours à une telle mesure, déjà prévu dans certains pays, notamment Israël, est nécessaire afin de protéger la société. Il s'agit encore une fois d'appliquer le principe de précaution, que je souhaite voir reconnu en matière de terrorisme dans la Constitution.
J'en viens au no 178. Deux décisions du Conseil constitutionnel nous ont laissés circonspects et ont suscité l'incrédulité de nos concitoyens. Je veux parler de la censure, à deux reprises, de mesures visant à condamner des personnes ayant consulté des sites djihadistes. J'avais été l'auteur d'un premier amendement relatif à cette question, introduit dans la loi du 3 juin 2016 de lutte contre le terrorisme et censuré en février 2017 par le Conseil constitutionnel, lequel a récidivé le 15 décembre 2017, donc sous cette majorité – une décision que vous aviez approuvée – à propos d'une nouvelle version de cette disposition qui avait été proposée par le Sénat.
Sauf si on sombre dans une forme de naïveté qui, manifestement, guide de plus en plus la jurisprudence du Conseil constitutionnel en matière de terrorisme islamiste, aucun de nos concitoyens ne peut comprendre que la consultation de sites djihadistes ne puisse être sanctionnée.
C'est une aberration et même une monstruosité. Une forme de bon sens, qui prévaut ici quel que soit le groupe politique, devrait nous inciter à modifier la Constitution, même si la jurisprudence du Conseil aurait pu, si elle avait été inspirée par des principes tournés davantage vers la protection de nos concitoyens, reposer sur une analyse totalement différente. C'est cette approche que je défends de nouveau aujourd'hui car la question mérite d'être posée.
Lorsque l'on égrène tous ces sujets dont vous reconnaissez, monsieur le ministre, je le sais, l'importance, on mesure les effets de l'inaction et de l'impuissance. Une réforme globale prenant en considération l'ensemble de ces questions me semble donc indispensable.
L'amendement no 175 est défendu.
Avec le no 177, je reviens sur une autre décision du Conseil constitutionnel, celle du 6 juillet 2018 qui a consacré le principe de fraternité, devenu un des principes fondamentaux du droit, et censuré ce que l'on a appelé à tort le « délit de solidarité » et que je considère, personnellement, comme un encouragement à l'activité des passeurs et à la traite des êtres humains.
Cette jurisprudence a des conséquences très graves aujourd'hui, car elle empêche de contrôler ceux qui font franchir illégalement nos frontières à des personnes qui n'ont rien à faire sur le territoire national. Voilà encore une mesure qui, en fragilisant notre droit, a affaibli notre pays. Nous ferions preuve de bon sens en revenant sur cette décision et ce serait, une fois encore, d'utilité publique. Tel est l'objet de cet amendement.
Le no 176 est défendu.
Je remercie M. Ciotti pour tous ses amendements, dont certains abordent des sujets graves et lourds, qui méritent un débat approfondi. Nous ne l'aurons pas aujourd'hui, puisque l'objet de cette révision constitutionnelle est d'intégrer la préservation de l'environnement et la lutte contre le dérèglement climatique à l'article 1er de la Constitution. Pour cette raison, l'avis est défavorable à tous ces amendements.
Monsieur le député, ces très nombreux amendements vous auront permis de nous rappeler vos convictions, votre engagement et les mesures que vous souhaiteriez voir figurer dans notre droit positif. Nous l'avons entendu.
Cependant, nous ne sommes certainement pas ici pour écrire le code pénal et vous le savez. Vous avez d'autres occasions pour faire valoir vos positions, certaines d'entre elles – pour ne pas dire la plupart – méritant d'être nuancées, discutées, débattues. Vous le savez parfaitement.
Puisque vous avez dit tout à l'heure que je faisais le travail, j'ajouterai que vous-même faites votre travail de parlementaire. C'est la réponse du berger à la bergère. Au fond, vous vous adressez à votre public, vous lui donnez votre point de vue, qu'il connaît déjà, sur des questions politiques. L'Assemblée est, certes, un lieu tout indiqué pour se livrer une nouvelle fois à un tel exposé mais ce n'est pas, mais alors vraiment pas du tout, le moment.
Je suis donc naturellement totalement défavorable à l'ensemble de ces amendements. D'ailleurs vous le saviez avant même de les présenter.
L'amendement no 85 est retiré.
L'amendement no 265 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Avec ces deux amendements, nous abordons réellement le sujet de ce projet de loi constitutionnelle. Depuis le début de nos débats, chacun de nous a respiré en moyenne 25 000 fois. Nous devons la moitié de ces respirations aux océans. Un ancien président de la République a dit qu'une constitution, c'est un esprit et des institutions, une pratique. L'esprit de la Constitution doit émaner de la nation, du peuple, en être le reflet.
Aujourd'hui, la France, ce n'est pas seulement l'hexagone, c'est aussi une nation océanique, et même la deuxième au monde si l'on en croit les chiffres des Nations unies, d'une superficie de 11 millions de kilomètres carré, 97 % de ce domaine étant constitué par les outre-mer. Je vous invite par conséquent non pas à modifier les dix-sept mots auxquels vous êtes attachés – je vous les concède – mais à larguer les amarres de l'article 1er et à naviguer, en sentant les embruns, jusqu'au quinzième alinéa de l'article 34, qui concerne la préservation de l'environnement, une notion à laquelle nous sommes tous attachés, simplement pour y faire figurer les mers et les océans.
Cette disposition a déjà été adoptée ici même lors de l'examen en 2018 de la révision constitutionnelle. Elle avait alors été présentée par notre ancienne collègue Huguette Bello. J'espère donc que l'un de ces deux amendements, de fait quasiment identiques, trouvera grâce à vos yeux et que nous pourrons naviguer ensemble.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – MM. Jean-François Eliaou et François-Michel Lambert applaudissent également.
L'amendement no 145 de M. Hubert Wulfranc a été défendu.
Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?
Je vous remercie pour ces amendements et pour les principes que vous avez rappelés. Vous avez raison de dire que la France est une grande puissance maritime et qu'elle ne se limite pas à l'hexagone mais comprend aussi nos outre-mer et nos concitoyens établis hors de France. C'est tout cela qui constitue notre pays et assure son rayonnement sur l'ensemble du globe.
J'aimerais, moi aussi, larguer les amarres et embrasser la volonté qui est la vôtre. Cependant la notion de préservation de l'environnement recouvre déjà celle des mers et des océans. Je crains que, si nous en venions à choisir une formulation plus ouverte en ajoutant cette mention, cela ne crée chez certains des velléités d'allonger la liste. Voilà pourquoi je demande le retrait de ces deux amendements ou émettrai, à défaut, un avis défavorable.
Quels beaux amendements et quelle façon merveilleusement poétique de les présenter ! Comment voulez-vous que l'on n'ait pas envie de partir avec vous, de larguer les amarres, de sentir les embruns, poussés parfois par les alizés, là où ils soufflent ?
En même temps, et même si je comprends votre attachement viscéral à la mer et aux océans – il suffit d'ailleurs de nous attarder sur le mot « outre-mer » pour mesurer à quel point la mer est importante, omniprésente – , la mer fait partie de l'environnement, tout comme, d'une certaine manière, l'environnement fait partie de la mer, vous le savez. Je vois difficilement comment nous pourrions les dissocier.
Je demande le retrait de ces deux amendements car, naturellement, aucune personne sérieuse – en espérant que vous admettrez que nous le sommes un minimum – ne peut envisager l'environnement sans la mer, qui est au coeur des préoccupations liées à ce domaine.
J'aurais beaucoup aimé émettre un avis favorable, mais cela aurait été une manière de reconnaître que le Gouvernement n'a pas pensé à la mer lorsqu'il s'est soucié de l'environnement. Or je ne peux concéder un tel aveu, car il ne correspond évidemment pas à la réalité.
Je regrette que vous n'ayez pas saisi l'occasion offerte par M. Brotherson pour franchir la porte : en effet, alors que nous discutons depuis deux jours de l'article 1er, il vous proposait de passer à l'article 34. Quel dommage qu'au-delà de l'amabilité de votre réponse, vous ne profitiez pas de la proposition de notre collègue ultramarin pour faire une ouverture !
Je remercie le rapporteur et le ministre pour leur réponse, que je comprends. Je regrette toutefois que la disposition qui a été votée ici même lors de la révision constitutionnelle de 2018 soit aujourd'hui repoussée. En hommage à ma collègue Huguette Bello, une grande collègue que je salue depuis notre hémicycle, je maintiens ces amendements.
Je vous remercie, monsieur Brotherson. Vous voyez qu'il faut des avions, pour permettre à une telle éloquence de s'exprimer.
La parole est à M. François-Michel Lambert, pour soutenir l'amendement no 222 .
L'amendement no 222 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Les amendements nos 394 de M. Julien Ravier et 347 de M. Philippe Benassaya, pouvant être soumis à une discussion commune, sont défendus.
Toujours pour vous être très agréable, monsieur le président, je serai bref : cet amendement vise à inscrire dans la Constitution les conditions de déclenchement de l'état d'urgence, en reprenant les dispositions prévues par le projet de loi constitutionnelle du président Hollande
L'amendement no 357 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
On sait que le constituant a tenu, en 1958, à distinguer le domaine de la loi de celui du règlement, définis respectivement aux articles 34 et 37. Et comme dans le stock de lois existant certaines se sont avérées relever du domaine réglementaire, il a conçu une possibilité de « délégalisation ». Ce processus était tout à fait cohérent à l'époque, puisque la distinction entre les deux domaines n'existait pas auparavant : il fallait donc la faire respecter après 1958. Aujourd'hui, en revanche, ce processus peut s'avérer très redoutable pour l'Assemblée, puisque des textes qu'elle a adoptés, durant cette session ou sous des sessions précédentes, relativement proches, peuvent ainsi être délégalisés. Il est, certes, quelque peu tombé en désuétude, mais est toujours réutilisable et donc dangereux, je le répète, pour le Parlement. C'est pourquoi je propose ici de le supprimer.
L'amendement no 17 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je pense, mes chers collègues, que nous serons tous d'accord sur cet amendement, …
… puisque nous sommes confrontés au retard, voire à l'absence, des décrets d'application des textes que nous votons. Le phénomène n'est pas nouveau, je l'admets, on peut le reprocher à toutes les majorités. La solution que je propose, en revanche, a le mérite d'être nouvelle, monsieur le garde des sceaux. Elle témoigne d'un esprit positif. Moi, j'aide, c'est mon souci.
Sourires.
Nous, parlementaires, sommes terriblement irrités quand nous constatons que la loi que nous avons votée ne s'applique pas. Certes, des évolutions permettent de mieux suivre son application – la réforme constitutionnelle proposée par Jean-Luc Warsmann était à cet égard une bonne idée – , mais on ne peut toujours pas enjoindre au Gouvernement de sortir les fameux décrets d'application, ces textes nécessaires à l'application de la loi. Afin que le débat législatif ne demeure pas seulement théorique et que les dispositions que nous votons se traduisent concrètement, je propose donc que ces décrets soient publiés dans des délais convenables : « Les décrets d'application des lois sont pris dans l'année qui suit leur promulgation », précise mon amendement. Je conçois que ces décrets puissent être dans certains cas compliqués à rédiger, mais le délai d'une année me paraît raisonnable. Il est tout de même indispensable de fixer un délai pour faire de l'application de la loi une obligation de résultat pour le Gouvernement.
Allez voir ce que sont devenus un certain nombre de textes que vous avez votés, mes chers collègues, en début de législature, et vous en serez convaincus. Je vous rappelle tout de même que vous arrivez à la fin de votre mandat.
Sourires.
Eh oui, il faut toujours rappeler aux majorités du moment le calendrier électoral, car elles l'oublient parfois. Les décrets d'application de textes votés il y a même quatre ans n'ont toujours pas été pris : je ne vais pas en dresser la liste, cela prolongerait à l'excès notre débat, mais il me semble en tout état de cause nécessaire d'adopter cet amendement. J'aide, moi !
L'amendement no 362 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
C'est un amendement auquel mon collègue Pierre Cordier tient beaucoup : je vais donc en développer l'argumentation. L'article 37-1 de la Constitution serait complété par un alinéa ainsi rédigé : « Toute loi ou tout règlement, qui introduit une nouvelle norme contraignante pour les entreprises, doit corrélativement abroger une norme en vigueur. » On peut parfaitement concevoir que nous, législateurs, imposions des contraintes nouvelles, mais nous oublions trop souvent de supprimer les contraintes existantes, ce qui aboutit à une accumulation des normes.
Nos concitoyens attendent de nous de la simplicité alors que, trop souvent, nous compliquons les choses, et cela va encore s'aggraver avec le texte Pompili. Le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, qui est actuellement en discussion en commission spéciale, et que nous examinerons dans quelques semaines dans l'hémicycle, va, en effet, encore compliquer la vie des entreprises. D'où l'idée d'empêcher l'excès de normes et de favoriser leur simplification. Si le législateur estime qu'une norme doit vraiment être créée, qu'au moins il en supprime une autre. Ce travail doit être mené non seulement pour les entreprises mais aussi pour les collectivités – vous êtes bien placé pour le savoir, monsieur le président. Il faut simplifier la vie de nos concitoyens.
L'amendement no 43 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Encore un sujet de débat très fréquent au sein de notre assemblée : la surtransposition des directives européennes, auquel cet amendement de notre collègue Pierre Cordier propose de remédier. Après l'article 37-1 de la Constitution, il serait inséré un article ainsi rédigé : « Aucune loi ou règlement qui transpose, en droit interne, des dispositions du droit de l'Union européenne, ne peut poser des exigences qui vont au-delà de celles posées dans le texte européen. »
Cette disposition me paraît de bon sens : on constate en effet que, peut-être en croyant bien faire, le législateur multiplie les nouvelles contraintes normatives à l'occasion de la mise en application en droit français de ces dispositions européennes, ce qui crée une concurrence déloyale en faveur d'autres États membres. Les nouvelles contraintes qui s'imposent à nos entreprises ne s'imposent pas, en effet, aux leurs.
Nous devrions par sagesse éviter tout surenchérissement dans le cadre de textes qui relèvent à la base de la compétence de l'Union européenne. D'où cet amendement, je le répète, indispensable si on veut résister à la concurrence de nos partenaires – Allemands, Italiens, Néerlandais entre autres – qui, eux, se gardent bien de surtransposer, en nous laissant user de cette faculté qui pénalise évidemment toute notre économie.
L'amendement no 44 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 245 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 236 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 266 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Afin que la réforme constitutionnelle proposée ne se réduise pas à une simple promesse sans conséquences juridiques, l'amendement no 152 propose que tous les projets et les propositions de loi soient accompagnés d'une évaluation sérieuse, sincère et complète attestant que les réformes envisagées autorisent réellement une amélioration de la préservation de l'environnement, et l'amendement no 153 qu'elles respectent les limites qui conditionnent l'habitabilité de la Terre. Ce serait un gage de respect pour ce projet de loi constitutionnelle.
Je vous remercie, monsieur Leseul, pour vos amendements, mais je leur donnerai un avis défavorable pour deux raisons. Tout d'abord, je rappelle que les modalités de présentation des études d'impact sont de nature organique et non constitutionnelle. Et puis j'ai bien noté que vous souhaitiez constitutionnaliser le principe de non-régression et le concept d'habitabilité de la Terre, ce dont, je le répète une fois de plus, nous ne voulons pas.
Même avis, pour les mêmes raisons.
Voilà encore un sujet qui me tient à coeur : la possibilité de demander l'avis du Conseil d'État. Je me bats depuis longtemps pour en élargir la saisine, et je reconnais qu'on a progressé en ce domaine. Je rappelle qu'initialement, les avis du Conseil d'État en matière législative étaient réservés aux textes gouvernementaux et qu'ils étaient secrets. On a progressé, ai-je dit, puisqu'ils sont maintenant communicables et bien souvent communiqués, mais la possibilité de demander son avis sur une proposition de loi demeure limitée et exagérément encadrée.
Or le Conseil d'État n'étant plus uniquement le conseil juridique de l'exécutif, ce qu'il est depuis Napoléon – je le rappelle devant mon collègue Ciotti, sachant que les deux Napoléon sont très populaires dans les Alpes-Maritimes pour des raisons historiques évidentes – , comme ses avis ne sont plus réservés à l'exécutif – c'est une donnée – , je vous invite, mes chers collègues, quand vous élaborez une proposition de loi sur des sujets pointus, à envisager de demander qu'elle soit transmise pour avis au Conseil d'État. Je vois que le ministre opine, donc je me dis qu'il y a peut-être une ouverture…
Non, pas du tout !
Ah bon ! Mon souhait en tout cas serait que l'avis du Conseil d'État soit plus facilement obtenu dans le cadre d'une initiative parlementaire.
J'ai opiné seulement quand vous avez dit que les Napoléon étaient plus populaires dans les Alpes-Maritimes que dans les Pyrénées-Atlantiques. Mais vous vous êtes mépris : je suis totalement défavorable à cet amendement.
En tout cas, M. le ministre a une parfaite connaissance de la sensibilité de chaque département de France.
L'amendement no 227 n'est pas adopté.
Monsieur le président, je crains que vous ne soyez quelque peu ambitieux en abordant ce sujet à cette heure très avancée de la séance.
Je vous connais : vous savez être bref. Quoi qu'il en soit, vous devrez vous en tenir à votre temps de parole de deux minutes.
Je vais tâcher d'être concis, même si le sujet est très important. Chacun ici se heurte au fameux article 40 de la Constitution qui, partant du principe que les parlementaires ne sont pas toujours responsables, vise à les empêcher de proposer des dépenses exagérées. Or il s'agit d'un véritable obstacle. La majorité actuelle en a créé un autre, en utilisant comme elle le fait l'article 45 de la Constitution.
La majorité en a effectivement dévoyé l'utilisation : tout le monde en convient Je vous invite à lire toutes les publications de droit public sur le sujet.
Concernant l'article 40, je vous propose de sortir de la censure que nous nous imposons à nous-mêmes. C'est d'autant plus nécessaire que, chacun le sait et le Conseil constitutionnel le relève régulièrement, le Sénat n'a pas la même vision de l'article 40, ni donc les mêmes exigences en la matière, ce qui entraîne des usages très différents entre nos deux assemblées, dont les députés sont les principales victimes.
Pour accomplir pleinement notre travail de parlementaires de manière responsable, nous devons pouvoir proposer des dépenses. En l'état actuel des choses, un parlementaire ne peut pas proposer des financements en faveur de la recherche pour les cancers pédiatriques : est-ce normal ? Je prends cet exemple parce qu'il est emblématique. Nous devons aller au bout de la logique en supprimant l'article 40. Nous devons au moins débattre de sa suppression.
L'amendement no 233 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle complétant l'article 1er de la Constitution et relatif à la préservation de l'environnement.
La séance est levée.
La séance est levée à treize heures.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra