La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
Cet après-midi, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'amendement no 27 à l'article 2.
Par rapport à l'amendement défendu cet après-midi par une de nos collègues, celui-ci considère que si l'on veut à tout prix abaisser l'âge à partir duquel l'instruction est obligatoire, il ne doit l'être qu'à 5 ans, en aucun cas à 3 ans. C'est d'ailleurs ce que proposait le programme présidentiel des Républicains.
J'en profite pour vous interroger de nouveau, monsieur le ministre, car tout à l'heure vous n'avez pas répondu à l'une de nos questions.
Si nous avons bien compris que le chiffre de 26 000 que vous avancez proviendrait de l'étude PISA, le Programme international pour le suivi des acquis des élèves, comment pouvez-vous aujourd'hui affirmer avec certitude que notre pays compte 26 000 enfants de 3 à 6 ans qui ne seraient pas scolarisés ? Sur quelle base statistique vous appuyez-vous ?
Nous avons en effet consulté différents documents publiés par votre ministère et n'y avons pas trouvé d'éléments permettant de confirmer ce chiffre. En outre, vous arguez assez régulièrement qu'il s'agirait d'enfants issus de milieux défavorisés.
Ma question est donc double : d'où provient ce chiffre de 26 000 en tant que tel, et comment parvenez-vous à la précision sociologique dont vous faites état lors de vos communications auprès de la presse ?
Cet amendement, identique à celui de notre collègue Patrick Hetzel, vise effectivement à proposer que l'âge à partir duquel l'instruction est obligatoire, et non pas d'ailleurs à partir duquel l'école est obligatoire – parce qu'il règne parfois, dans les propos de M. le ministre, une certaine confusion puisqu'il dit : il faut aller à l'école, ou instruire, alors que c'est bien la seule instruction qui est obligatoire – , soit abaissé à 5 ans.
Je ne reviens pas sur le principe de l'obligation : nous sommes pour la liberté, et vous, pour la contrainte. Dont acte. Mais à partir de là, quel choix faire ?
On constate en pratique que 5 ans est un âge qui correspond chez les enfants à un éveil, à une curiosité. Se manifeste à cet âge-là une envie d'apprendre, qui permet d'entrer dans une logique d'instruction et d'enseignement, et donc de s'appuyer sur des programmes puis des contrôles. En effet, qui dit instruction obligatoire dit programmes à définir puis contrôles à mener.
On sait que ces années, où commence l'ouverture au monde, où se manifeste l'envie de découvrir, d'apprendre et de connaître, sont importantes. Encore une fois, la question de l'âge auquel fixer l'instruction obligatoire n'est pas idéologique : il s'agit d'être pragmatique. Opter pour 5 ans au lieu de 6 ans ou 3 ans se fonde à la fois sur les données des sciences de l'éducation mais également les observations pratiques. Tel est l'objet de cet amendement.
Cher collègue, vous conservez la parole pour soutenir l'amendement no 140 .
Il s'agit d'un amendement de repli visant, pour ainsi dire, à limiter la casse en fixant à 4 ans, et non pas 3 ans, l'âge de l'instruction obligatoire.
En effet, qui dit trois ans dit aussi bien deux ans et demi que trois ans et demi, avec de grandes différences entre les enfants : à cet âge, un mois de plus ou de moins, ce n'est pas rien, cela compte proportionnellement à la durée de vie ! Il existe des différences très importantes en matière de comportement et d'hygiène entre les enfants à cet âge-là.
Se pose également la question de la sieste et du repos. Nous ne sommes plus dans le débat qui peut nous opposer sur les conceptions mêmes de l'école : nous abordons là des questions vraiment pratiques.
Quatre ans est un âge auquel l'enfant fait preuve d'un peu plus de maturité : cela faciliterait la tâche tant en termes d'aménagement des locaux que d'encadrement et cela permettrait donc de limiter les frais qui s'ensuivront. Je note qu'aucune réponse ne nous a été apportée quant aux incidences budgétaires de cette instruction obligatoire à 3 ans, et donc de la scolarisation des enfants concernés. Qui supportera les dépenses correspondantes ? Les communes ou l'État ? Les communes et l'État ? C'est pour cette raison que nous proposons par cet amendement que l'instruction ne soit obligatoire qu'à partir de 4 ans.
Je m'associe également, et j'en terminerai par là, à la question posée par notre collègue Hetzel : d'où vient le chiffre de 26 000 ou 27 000 enfants qui a été donné ? Comment peut-on être certain de leur profil sociologique ? Viennent-ils effectivement tous de quartiers défavorisés ? Il serait important de disposer d'éléments de réponse afin d'éviter la propagation de fausses informations – de fake news, comme l'on dit en anglais.
La parole est à Mme Anne-Christine Lang, rapporteure de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, pour donner l'avis de la commission.
Il est défavorable sur l'ensemble de ces amendements. L'instruction est obligatoire pour chaque enfant dès l'âge de 3 ans.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, pour donner l'avis du Gouvernement.
Je vais essayer d'être concis, conformément à ce que j'ai promis lors de la séance de cet après-midi.
Tout d'abord, monsieur Breton, je me réjouis que vos propos témoignent d'une évolution depuis hier, et je la salue. Vous venez en effet de dire que choisir entre 3 ans ou 5 ans était affaire de pragmatisme. Or je croyais avoir été voué aux gémonies pour verser dans l'idéologie en optant pour 3 ans. S'il ne s'agit que d'une question pratique, nous pourrons confronter nos expertises sur l'importance pour un enfant d'aller à l'école dès 3 ans.
J'aborde ce débat avec beaucoup de sérénité car beaucoup d'éléments le démontrent.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.
Cela signifierait-il que 98 % des gens ne sont pas pragmatiques puisqu'ils envoient leurs enfants à l'école dès 3 ans ?
Mais ils le sont ! Vous l'avez dit vous-même à l'instant : c'est l'instruction qui est obligatoire, et il sera possible de continuer à donner l'instruction en famille. Il y aura simplement une vérification de la progression du niveau.
Je crains que votre argumentation ne vous conduise dans une impasse. Mais après tout, je n'ai pas vocation à vous y accompagner.
Le fait est que je me réjouis que vous y voyiez une dimension pratique, ce qui nous renvoie donc à la simple analyse de l'intérêt pour l'enfant que l'on fasse attention le plus tôt possible à ce qui lui est transmis. C'est, pour moi, précisément, une démarche qui justifie l'instruction obligatoire dès l'âge de 3 ans.
Pour ce qui est des questions de M. Hetzel, que vous avez reprises, monsieur Breton, sur le calcul du nombre d'enfants de 3 à 6 ans non scolarisés, les données proviennent de la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance, la DEPP, du ministère de l'éducation nationale. On soustrait le nombre d'enfants scolarisés du nombre total d'enfants communiqué par l'INSEE : le calcul est donc relativement simple. Je vous accorde cependant volontiers que ce chiffre ne saurait être tenu pour sûr et certain à l'unité près. En effet, il est souvent difficile de cerner les enfants concernés.
Nous avons beaucoup parlé de Mayotte et de la Guyane : chacun sait que dans ces deux cas, notamment en Guyane, on ne connaît pas exactement le nombre d'enfants échappant à l'instruction. La nouvelle loi aura précisément pour vertu de permettre de mieux les comptabiliser, car aujourd'hui seuls les enfants âgés de 6 ans révolus font l'objet d'une démarche systématique.
Donc oui, ce chiffre comporte une marge d'erreur. Il constitue néanmoins un point de repère en résultant de la soustraction entre les chiffres de l'INSEE et le nombre d'enfants scolarisés.
Pour ce qui est de savoir s'il s'agit d'enfants issus de milieux défavorisés, nous connaissons, territoire par territoire, le nombre d'enfants de 3 à 6 ans non scolarisés.
Dans le cas des deux territoires que je viens de mentionner, il est notoire qu'il s'agit de populations défavorisées. Et comme vous le savez, je puis le dire d'expérience.
On sait que certains des quartiers concernés sont des quartiers défavorisés, même si bien sûr il y a des familles favorisées qui n'envoient pas leurs enfants à l'école avant l'âge de 6 ans – mais ces familles s'inscrivent tout de même dans la démarche de l'instruction obligatoire et acceptent les contrôles. Il n'est donc pas difficile de dire avec certitude que la grande majorité des enfants concernés par la mesure sont issus de milieux défavorisés.
Quoi qu'il en soit, j'affirme sans difficulté que si le sujet est pour l'essentiel social, il est également sociétal, au vu notamment des phénomènes sectaires et de fondamentalisme religieux. En effet, certaines familles, quel que soit le milieu social, peuvent par exemple considérer qu'il n'est pas bon pour une petite fille d'aller à l'école maternelle. J'ai cet après-midi cité l'exemple de familles déclarant faussement assurer l'instruction de leurs enfants en famille et les envoyant en réalité dans une école clandestine. Ce sont là des réalités concrètes de notre pays. Par conséquent, oui, si le sujet est très social, il est aussi sociétal.
Avis défavorable à l'ensemble des amendements en discussion commune.
Il est assez surprenant, madame la rapporteure, de constater à quel point vous persistez : vous vous contentez de répéter que l'instruction sera désormais obligatoire à partir de 3 ans, mais sans opposer aucun argument aux nôtres. Or vous savez que si nous posons l'hypothèse d'une instruction obligatoire à partir de 5 ans seulement, c'est qu'un certain nombre d'éléments sur le plan pédagogique le justifient.
En effet, il peut y avoir une continuité pédagogique entre la grande section de maternelle et le cours préparatoire. En revanche, j'aimerais savoir comment on va concrètement assurer l'instruction des enfants en petite section de maternelle, c'est-à-dire à 3 et 4 ans. Le sujet est particulièrement sensible. Les professionnels de la petite enfance sont les premiers à dire que ce n'est pas adapté.
Tenez compte de l'apport d'un certain nombre de pédagogies alternatives, comme tout le courant Montessori qui a montré que la mise en place de dispositifs pédagogiques trop coercitifs avant l'âge de 5 ans, voire même à un âge plus avancé, pourrait être contre-productive.
Nous l'avons rappelé à plusieurs reprises : dans un certain nombre de pays qui réussissent pourtant très bien, l'instruction n'est obligatoire qu'à partir de 7 ans. Contrairement à ce que vous affirmez, votre mesure est bel et bien idéologique.
Ah ! Elle le redevient !
Vous dites vouloir aborder cette question de l'âge de la scolarisation sous l'angle du pragmatisme et non de l'idéologie. Ma question ne vous surprendra donc pas : les financements nécessaires à la mise en oeuvre de cette mesure ont-ils été prévus ? Reposeront-ils intégralement sur les communes ?
Je vais plus loin : aujourd'hui, pour qu'un enfant de 3 ans soit accepté à l'école, il doit être propre. Autrement dit, il doit être capable d'aller aux toilettes. Si nous rendons la scolarité obligatoire dès 3 ans, tous les enfants scolarisés ne seront pas propres. Il faudra par conséquent du personnel supplémentaire, et donc peut-être davantage d'ATSEM – agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles. Ces effectifs supplémentaires ont-ils été prévus ? Seront-ils entièrement à la charge des communes, qui sont déjà exsangues, ou leur prise en charge sera-t-elle totalement assumée et garantie par l'État ?
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Ce sont les questions très concrètes que se posent légitimement tous les maires qui auront à appliquer la réforme.
L'amendement no 140 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Mathilde Panot, pour soutenir l'amendement no 331 .
L'obligation de scolarisation ne pèse pas uniquement sur les parents, comme on l'entend dire souvent, mais aussi sur les institutions publiques, notamment les collectivités territoriales qui doivent tout mettre en oeuvre pour s'assurer que les enfants présents sur leur territoire reçoivent l'instruction obligatoire prescrite par la loi.
Or certaines communes arguent de l'absence de domicile permanent des enfants pour refuser de les inscrire dans les écoles. Ainsi, le maire de Chilly-Mazarin a refusé d'inscrire à l'école plusieurs enfants de sa commune, notamment des enfants roms, au motif qu'ils résidaient dans un hôtel géré par le SAMU social.
Dans ma circonscription, la commune d'Ivry-sur-Seine scolarise ces enfants sans difficulté, ce qui n'est pas le cas dans les villes voisines. De ce fait, Ivry doit en accueillir un nombre plus important.
On compte 9 000 enfants roms sur le territoire national. Il ne serait pas difficile à nos 36 000 communes de les scolariser. Actuellement, dans les bidonvilles, plus de 50 % des 6 à 18 ans – et plus de 90 % des adolescents – ne vont pas à l'école.
Il ne nous semble pas superflu, au moment où il est question de l'école de la confiance, de rappeler avec vigueur les obligations de toutes les parties, y compris des communes, en matière de scolarité et de les inscrire dans la loi.
Avis défavorable. Comme M. le ministre l'a indiqué à la fin de la séance de l'après-midi, le directeur académique des services de l'éducation nationale – DASEN – sera habilité à scolariser tous les enfants, donc aussi les enfants étrangers, dès lors qu'il sera saisi par une association, voire par le maire de la commune – encore que ce cas soit plus rare, car c'est souvent lui qui est récalcitrant. Par conséquent, l'amendement est satisfait.
Même argumentation. Par souci de concision, je n'ajouterai qu'un point que nous n'avons pas encore évoqué. L'instruction obligatoire à 3 ans fournira une base juridique utile aux personnels de l'éducation nationale qui s'occupent de la scolarisation des enfants roms. Celle-ci va même progresser grâce à ce texte.
Mais, de toute façon, le code de l'éducation fournit déjà les moyens de scolariser ces enfants.
Madame la rapporteure, monsieur le ministre, je vous remercie de vos réponses, mais, dans les faits, les moyens juridiques que vous mentionnez ne sont pas suffisants.
Par ailleurs, l'instruction obligatoire à 3 ans ne réglera pas le problème que je soulève. Aujourd'hui, le maire de Chilly-Mazarin, pour revenir sur cet exemple, invoque l'absence de résidence permanente des enfants pour refuser leur scolarisation. En quoi la réforme va-t-elle modifier sa position ?
Je crains que, tout à l'heure, M. le ministre n'ait pas entendu ma question sur les moyens, alors que ce point inquiète beaucoup les maires. Les coûts de la réforme – et les surcoûts de la prise en charge des enfants qui ne sont pas prêts à aller à l'école – seront-ils assumés intégralement par les mairies et les collectivités locales, ou l'État a-t-il prévu une enveloppe ?
Je répondrai.
L'amendement no 331 n'est pas adopté.
Pour aller dans votre sens, monsieur le ministre, je vais être pragmatique. Si vous vous obstinez à rendre la scolarisation obligatoire à 3 ans, il faut prévoir certaines adaptations. Par cet amendement, nous vous proposons de compléter l'alinéa 2 par la précision suivante : « Une rentrée en cours d'année peut être envisagée pour les enfants qui n'ont pas atteint l'âge de 3 ans le jour de la rentrée. » Il importe en effet de préciser dans le texte que la scolarisation ne sera obligatoire qu'à partir de 3 ans révolus.
Il faut faire preuve de souplesse et résoudre de manière pragmatique la situation des enfants qui ont 3 ans en cours d'année. Encore une fois, nous avons renoncé au débat sur les principes – nous continuons à contester les vôtres – ; nous cherchons seulement à limiter la casse en cherchant la moins mauvaise solution.
Pour le reste, je vous rappelle que M. Di Filippo vous a demandé à deux reprises qui allait prendre en charge les coûts et les surcoûts de la réforme dont je n'imagine pas qu'ils n'aient pas été calculés, dans le contexte budgétaire que nous connaissons.
Enfin, des pédagogies, notamment la pédagogie Montessori, montrent que les acquisitions ne sont pas optimales entre 3 et 5 ans. En avez-vous tenu compte ? Gardons-nous d'une pensée unique qui ne s'appuie sur aucune étude précise, alors que certaines pédagogies, notamment la pédagogie Montessori, obtiennent des résultats très personnalisés. Votre schéma les aurait-il délibérément écartées ?
Avis défavorable. À toutes fins utiles, je rappelle que 98 % des enfants sont déjà scolarisés à 3 ans, y compris ceux qui sont nés au dernier trimestre, donc entre septembre et décembre.
La réforme ne changera pas radicalement la situation. Les enfants iront à l'école au cours de leur troisième année, quel que soit leur mois de naissance. C'est le cas actuellement.
Encore un mot : une réflexion est en cours afin d'offrir les meilleures conditions d'accueil aux enfants de maternelle, particulièrement en petite section. Elle s'inspire largement de celles qu'on trouve dans les établissements d'accueil de la petite enfance et dans les écoles de type Montessori, qui proposent de très bonnes pistes. Les enfants accueillis à l'école passeront la journée dans un environnement apaisé et spacieux, où ils pourront également faire la sieste.
Je vais répondre sur différents points. Commençons par la question des moyens. J'ai déjà rappelé certaines données démographiques. Au cours des prochaines rentrées scolaires, on accueillera chaque fois 50 000 à 60 000 enfants de moins que l'année précédente. La réforme en ajoutera quelque 25 000. Par conséquent, chaque année, on accueillera globalement moins d'élèves en maternelle. Il n'y a donc pas à redouter je ne sais quel raz-de-marée.
D'autre part, monsieur Di Filippo, je relève une faille dans votre raisonnement. Aujourd'hui, parmi les enfants de 3 ans, il n'y a pas 97 % d'enfants propres – ceux qui vont déjà à l'école – et 3 % qui ne le sont pas encore – ceux qu'il faudra soudain accueillir, ce qui créerait une nouvelle charge.
Du point de vue pratique, les enfants qui n'auraient pas été scolarisés sans cette réforme se répartiront dans le système. Seuls quelques endroits situés par exemple dans les territoires d'outre-mer et dans tel ou tel quartier connaîtront une certaine concentration. Mais on n'assistera pas à un phénomène de masse qui changerait la situation des communes. Dans la plupart d'entre elles, on accueillera un enfant de plus ici ou là.
En troisième lieu, vous m'avez interrogé sur les moyens que nous mettrons à la disposition des communes pour compenser les surcoûts occasionnés par l'instruction obligatoire dès 3 ans. Il y en aura. Nous y reviendrons lorsque nous examinerons l'article 4.
Je ne reviens pas sur les arguments de Mme la rapporteure. Cela dit, monsieur Breton, je vous conseille la lecture des oeuvres complètes de Maria Montessori. Celle-ci recommande la scolarisation des enfants quand ils ont l'âge d'entrer à l'école maternelle.
Nous n'allons pas passer la soirée sur ce sujet, mais une des caractéristiques de sa pédagogie est de mêler la petite, la moyenne et la grande section. Le mélange des enfants de 3, 4 et 5 ans est une des vertus pédagogiques que l'on peut attendre de l'école maternelle. Par conséquent, si nous convoquons Maria Montessori, ce sera au service de la réforme que nous vous proposons.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
La parole est à Mme Françoise Dumas, pour soutenir l'amendement no 829 .
L'amendement vise à inscrire dans la loi que l'instruction obligatoire à partir de 3 ans n'empêche pas d'apprécier de manière souple l'assiduité des élèves de petite section de maternelle, afin qu'ils puissent faire la sieste chez eux lorsque la capacité des dortoirs ne permet pas d'accueillir tous les élèves dans des conditions satisfaisantes.
L'obligation d'assiduité existait déjà dès lors que l'enfant était scolarisé de manière volontaire avant 3 ans, mais elle était appliquée avec souplesse. L'intérêt du jeune enfant est aussi de faire la sieste dans de bonnes conditions et, s'il en éprouve le besoin, de la faire chez lui.
Dans la pratique, en effet, une part importante des très jeunes élèves de petite section ne fréquentent l'école qu'à mi-temps le matin et sont gardés chez eux l'après-midi par les parents, les dortoirs ne permettant pas toujours d'accueillir dans de bonnes conditions tous les élèves de ce niveau.
L'amendement est satisfait. Personne n'oblige les enfants à être demi-pensionnaires. Certaines écoles acceptent les enfants l'après-midi après la sieste, les unes à treize heures trente, les autres à quinze heures, d'autres encore soit à treize heures trente soit à quinze heures. Il n'y a donc aucune obligation dans ce domaine.
Cela existe. Un élève d'école maternelle n'est pas obligé d'être demi-pensionnaire. Pour l'instant, il peut très bien retourner à l'école l'après-midi. Après la réforme, il sera tenu de le faire.
Même avis.
Là aussi, il s'agit d'un amendement de bon sens. Il est intéressant de voir que nos collègues, y compris sur les bancs de la majorité, ont parfaitement conscience que la question se pose pour les enfants en bas âge. Il faut tenir compte des rythmes de l'enfant, de son intérêt supérieur. De fait, cet amendement de bon sens ne fait que tenir compte de l'intérêt supérieur de l'enfant. Les arguments que vous employez, monsieur le ministre, madame la rapporteure, pour repousser cet amendement sont incompréhensibles et montrent que vous ne prenez pas en considération l'intérêt supérieur de l'enfant. Cela me semble extrêmement grave.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
L'amendement no 829 n'est pas adopté.
Sur les amendements identiques nos 115 et 295 , je suis saisie par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 1005 rectifié , 115 et 295 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 115 et 295 sont identiques et font l'objet d'un sous-amendement no 1128 .
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 1005 rectifié .
Je propose, par cet amendement de repli, un aménagement, afin d'adapter le texte aux besoins des enfants. Je rejoins en cela ma collègue du groupe La République en marche Françoise Dumas. Si la très grande majorité des enfants sont déjà scolarisés à 3 ans, les règles d'assiduité sont plus souples jusqu'à 6 ans, puisque l'instruction n'est, pour l'instant, pas obligatoire avant 6 ans. Cela permet aux parents qui en ont la possibilité de mettre leur enfant à l'école à mi-temps, les élèves de maternelle ayant très peu d'activités l'après-midi. Certains parents préfèrent récupérer leur enfant afin qu'il puisse déjeuner et faire la sieste au calme chez lui. Cette souplesse permet également des absences ponctuelles en cas de fatigue. Il me semble très important de conserver cette tolérance à un âge où le développement, les besoins des enfants peuvent être très inégaux.
Une école de la confiance est d'abord une école qui s'adapte, et pas une école uniformisée, qui écrase. C'est aussi une école qui respecte les choix éducatifs des parents, qui reconnaît que ces derniers sont les mieux placés pour connaître les besoins de leurs enfants et décider de ce qui est bon pour eux. C'est pourquoi mon amendement rappelle également que les parents peuvent faire le choix d'une instruction à domicile. Je crois important de réaffirmer avec force cette liberté fondamentale, car votre mesure, qui était déjà préconisée par Vincent Peillon et Najat Vallaud-Belkacem, traduit une vision dangereuse du rapport entre l'État et les familles, marquant une défiance vis-à-vis des parents. Il y a une volonté de déresponsabiliser ces derniers, de les déposséder de leur mission éducative, alors que celle-ci est, de fait, la leur : elle ne leur est pas concédée par l'État. Or, déresponsabiliser n'est pas sans conséquence. Les professeurs ne cessent de le rappeler et de nous mettre en garde : ils ne peuvent ni ne veulent éduquer à la place des parents.
Cet amendement a pour objet d'être au plus près de l'intérêt de l'enfant, en prévoyant un aménagement temporaire de l'assiduité à la demande de la famille, dans le cadre d'un dialogue avec le directeur d'école. Il vise à insérer la disposition suivante dans le code de l'éducation : « Pour la première année d'école maternelle, un aménagement temporaire de l'assiduité de l'enfant peut être proposé par la famille, en fonction des besoins particuliers de l'enfant, et dans le cadre d'un dialogue avec le directeur d'école. » Il s'agit d'assurer le dialogue entre l'institution scolaire, à travers son représentant – le directeur d'école – et la famille, et, surtout, de faire en sorte qu'on tienne compte en priorité de l'intérêt de l'enfant. Les familles qui ont opté pour l'instruction à domicile avancent comme premier argument la prise en considération de l'intérêt et des besoins spécifiques de l'enfant, plus particulièrement en bas âge.
La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l'amendement identique no 295 .
Cet amendement est inspiré par la même philosophie que l'amendement no 829 . Le groupe majoritaire avait proposé la même disposition en commission, par un amendement dont la première signataire était Mme Brugnera. Cela démontre l'importance d'offrir une certaine souplesse, d'assurer une forme de progressivité en début de scolarité. J'en veux pour preuve que l'article 4 bis nouveau, adopté en commission, déroge à l'article L. 131-2 du code de l'éducation en permettant que les enfants de 3 à 6 ans soient scolarisés, au cours des années scolaires 2019-2020 et 2020-2021, dans « un établissement d'accueil collectif recevant exclusivement des enfants âgés de plus de deux ans, dit "jardin d'enfants" ». S'il est tellement important d'être scolarisé dès 3 ans, expliquez-moi pourquoi il existe encore des dérogations. Les dérogations que nous proposons pourraient devenir la règle.
La parole est à Mme Béatrice Descamps, pour soutenir le sous-amendement no 1128 .
Je partage pleinement le point de vue de M. Hetzel. Des aménagements pourraient se révéler nécessaires pour différentes raisons, tels que le handicap ou l'immaturité. Je salue le rôle conféré au directeur d'école. Toutefois, je pense qu'il devrait être accompagné ; en effet, une telle décision ne devrait pas être adoptée par une seule personne, car les critères peuvent différer selon les directeurs. Je propose, par ce sous-amendement, que le dialogue s'instaure également avec le médecin scolaire. Le psychologue scolaire pourrait également être partie prenante.
Sur l'article 2, je suis saisie par le groupe La République en marche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission sur cette série d'amendements ?
Ces amendements sont largement en contradiction avec les objectifs que nous poursuivons. Depuis le début de cette discussion, nous affirmons – conformément à l'objet de l'article 2 – , que la maternelle est importante…
… et qu'il est primordial que l'élève soit assidu pour bénéficier des apprentissages. On ne peut pas dire cela tout en affirmant, à travers cet amendement, que le fait d'aller ou de ne pas aller à l'école maternelle est indifférent.
C'est totalement en contradiction avec nos objectifs. Vous ne pouvez pas dire qu'il n'est pas important d'aller à l'école maternelle l'après-midi. Par ailleurs, nous avons déjà eu un débat nourri sur les relations entre l'école et la famille lors de l'examen des amendements portant article additionnel après l'article 1er. Je répète qu'il n'est absolument pas question d'entretenir la moindre défiance vis-à-vis des familles. Je note en revanche que, sur certains bancs, il y a une forte défiance – mais c'est d'ailleurs historique – envers l'école.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.
Je suggère que l'on n'y revienne pas à cette heure, car nous avons eu l'occasion de débattre longuement de la place respective de la famille et de l'école.
Personne ne conteste que les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants – cela a été dit à plusieurs reprises.
Non, mais c'est reconnu par la Déclaration universelle des droits de l'homme.
Madame Descamps, que les choses soient bien claires : personne ne souhaite maltraiter les enfants. Les aménagements que vous demandez, notamment pour les enfants porteurs de handicaps, seront évidemment apportés au cas par cas. Il n'est pas nécessaire de définir des aménagements dans la loi, pour les raisons que je viens d'exprimer. Avis défavorable sur le sous-amendement et l'ensemble des amendements.
Même avis.
Les commissaires du groupe MODEM ont réfléchi à cette question. S'il nous semble assez compliqué de garantir l'assiduité totale et sans aménagement, nous pensons que l'obligation de scolarisation permettra d'ancrer les apprentissages. L'école maternelle est un passage important pour l'avenir des enfants. Personnellement, je suivrai les recommandations du ministre et de la rapporteure.
J'ai confiance dans la possibilité d'accorder des aménagements, sur le terrain, dans des cas exceptionnels.
Je m'étonne du fait que, sur plusieurs sujets, le ministre comme la rapporteure nous disent que certaines dispositions doivent absolument figurer dans la loi, plus précisément dans le code de l'éducation, afin de sécuriser les dispositifs. Là encore, reprenez les termes de notre amendement : « un aménagement temporaire [… ] peut être proposé en fonction des besoins particuliers de l'enfant, et dans le cadre d'un dialogue [… ] ». Il s'agit simplement d'accorder une faculté et de la sécuriser. Je considère que, si vous refusez d'aller dans ce sens, vous manifestez de la défiance vis-à-vis des familles. Ce qui est terrible, c'est que, par-dessus le marché, vous ne voulez pas l'assumer !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR ainsi que parmi les députés non inscrits. – Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
C'est absolument terrible, parce que, dans votre relation aux familles, – et je pèse mes mots – , vous développez une vision liberticide.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Vos propos traduisent, à mon sens, une réelle incohérence. Il a été proposé de confier au médecin scolaire le soin de décider si des enfants peuvent rester à l'école l'après-midi. Quand on connaît l'état de la médecine scolaire, on peut craindre de ne pas recevoir de réponse avant deux ans ; autrement dit, cette réponse serait inutile. J'entends le MODEM dire, de son côté, qu'il a beaucoup réfléchi, que l'article 2 pose une difficulté, mais qu'en même temps, toute réflexion faite, il fait confiance au ministre. Cela me paraît d'une incohérence inédite. En réalité – j'espère que chacun en a conscience – un enfant de 3 ans a ses propres rythmes biologiques, au-delà des questions de handicap et de maturité. Je n'ai jamais vu un enfant qui vient d'avoir 3 ans ne pas faire encore une sieste régulière l'après-midi. Soit vous transférez cette charge aux communes, qui devront en assumer les coûts, soit vous acceptez l'idée que l'enfant n'est pas scolarisé tous les après-midi.
Réintroduisez un peu de cohérence dans vos raisonnements et abandonnez vos idées dogmatiques concernant les apprentissages – vous aviez parlé de « savoirs » avant de vous reprendre – qui ont lieu en maternelle. À trois ans, l'enfant apprend la socialisation, mais il faut qu'il ait une certaine liberté et que le parent, qui est celui qui le connaît le mieux, puisse le dispenser d'aller à l'école tel ou tel après-midi s'il le trouve trop fatigué. C'est logique, c'est du bon sens. Écoutez un peu les conseils de bon sens.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR, ainsi que parmi les députés non inscrits.
Dans les faits, la plupart des parents n'ont pas la possibilité de retirer leurs enfants. Le matin, ils les déposent à la garderie, ils vont travailler, puis reviennent les chercher le soir. Les enfants, notamment les plus jeunes, sont donc souvent très fatigués. Certains parents ont la chance, parce qu'ils sont en congé parental, parce qu'ils ont des horaires atypiques ou parce qu'ils travaillent à mi-temps, …
Je ne savais pas que travailler à mi-temps ou avoir des horaires atypiques était une chance !
… de pouvoir garder leur enfant un ou deux après-midi par semaine, s'ils le jugent fatigué. Certains enfants, à 2 ans, ont beaucoup d'énergie, tandis que d'autres ont besoin de beaucoup plus de sommeil. C'est du bon sens ; cela consiste à s'adapter à l'enfant. Si ma femme était là, elle vous le dirait, elle qui est institutrice en maternelle. Je trouve qu'il s'agit d'amendements de bon sens, car ils offrent la possibilité aux parents de discuter avec les enseignants.
Quel est le risque ? Il est de rencontrer un inspecteur qui prendra cette mesure à la lettre,...
... qui dira que les choses sont ainsi et pas autrement, et qui fera la morale aux instituteurs et aux professeurs des écoles. Ces situations se produiront, parce que de tels inspecteurs existent.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.
D'accord, c'est sans doute une minorité, mais elle existe !
Cela n'enlève rien, voilà ce que j'aimerais vous faire comprendre, à l'importance de l'école maternelle. Cela ne lui enlève rien ! Ce ne sont pas des siestes faites à la maison plutôt qu'à l'école qui pèseront sur la qualité de l'enseignement en maternelle.
C'est cela qu'il faut comprendre ! Il convient simplement de tenir compte du rythme biologique de l'enfant.
Applaudissements sur les bancs des groupes LT et LR, ainsi que parmi les députés non inscrits.
Nous ne pouvons pas être insensibles aux arguments avancés sur la différence des rythmes entre les enfants ; ce qui est vrai pour un enfant de 3 ans l'est d'ailleurs tout autant pour les adultes, pour chacun d'entre nous.
Je ne soutiendrai peut-être pas ces amendements, mais j'aimerais alerter sur la nécessité de donner des moyens suffisants aux maternelles pour que chaque enfant puisse être entouré de bienveillance et accompagné, ce qui requiert l'existence de plusieurs salles pour chaque classe et la possibilité d'aménagements du rythme scolaire des enfants.
J'insiste sur les moyens : il est plus opportun de renforcer les moyens des petites structures pour permettre aux adultes de tenir compte des spécificités de chaque enfant, que de voter un amendement rendant finalement la scolarisation facultative.
Madame la rapporteure, je suis pour l'école maternelle et je ne cesse de le répéter depuis lundi. Mon sous-amendement vise à répondre à des situations particulières, d'où mon ajout du médecin scolaire. Mais vous me répondez en parlant de maltraitance, ce qui me choque. Ai-je utilisé le terme de maltraitance pour l'école ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Nous pourrions proposer de sous-amender le sous-amendement. La question se pose pour les toutes petites et petites sections. Les enseignants gardent généralement les élèves de 4 ou 5 ans et font des cours l'après-midi.
En revanche, dans les toutes petites et petites sections, l'après-midi, les enfants dorment.
Monsieur le ministre, j'en appelle à votre bon sens : dans presque toutes les écoles maternelles de notre pays, il n'y aura pas suffisamment de places dans les dortoirs pour les élèves de toute petite et de petite sections. Je ne sais pas comment les communes feront le 1er septembre 2019.
Et je vous parle d'écoles neuves, pas d'anciennes ! Un problème pratique se posera. Si la loi pouvait faire preuve de souplesse pour protéger tout le monde, ce serait un petit pas bénéfique.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
J'ai plaidé pour une rédaction concise de l'article 2, car il s'agit d'un article de principe. Nous débattons de toute une série de considérations, très importantes, mais de nature et d'ordre différents de cet article de principe. Celui-ci pose l'obligation de l'instruction à 3 ans, qui entraîne celle de l'assiduité.
Le code de l'éducation prévoit en permanence, par la voie réglementaire, la possibilité d'aménagements. Il est évident que nous ferons preuve de bon sens sur cette question. Je remercie les députés qui ont mis cette dimension en avant, mais je ne pense pas qu'un seul inspecteur de l'éducation nationale soit suffisamment – je cherche le bon mot –...
.. rigide pour ne pas appliquer le principe avec souplesse.
Bref, nous apporterons, par voie réglementaire, comme nous savons parfaitement le faire, les précisions nécessaires à la souplesse. Celles-ci n'ont pas leur place dans l'article 2. Nous n'avons pas de désaccords de fond sur toutes les situations concrètes qui viennent d'être décrites.
Monsieur le député, nous devons respecter la hiérarchie des normes, qui nous oblige à utiliser le bon niveau normatif pour chaque disposition.
Nous sommes remplis de bonnes intentions, comme les débats le montrent abondamment depuis lundi, mais nous ne pouvons pas accumuler des considérations diverses dans chaque article de loi. Ma démarche porte bien plus sur la forme que sur le fond. Sur le fond, nous sommes tous d'accord pour dire que des aménagements sont nécessaires – par exemple, un élève en situation de handicap ou un autre éprouvant telle ou telle difficulté bénéficient bien entendu d'aménagements.
En revanche, nous ne voulons pas transiger sur le message de l'instruction obligatoire et de l'assiduité.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Voilà ce que je voulais dire et voilà pourquoi mon avis est défavorable. Mais, sur le fond et dans la pratique, les souplesses nécessaires seront ménagées.
Mêmes mouvements.
Puisque vous avez la délégation de votre groupe, la suspension est de droit.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à vingt-deux heures vingt, est reprise à vingt-deux heures vingt-cinq.
L'amendement no 1005 rectifié n'est pas adopté.
Le sous-amendement no 1128 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 110
Nombre de suffrages exprimés 105
Majorité absolue 53
Pour l'adoption 24
Contre 81
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 108
Nombre de suffrages exprimés 106
Majorité absolue 54
Pour l'adoption 95
Contre 11
L'article 2, amendé, est adopté.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Un certain nombre d'enseignants et d'ATSEM témoignent fréquemment du fait que de très jeunes enfants passent de plus en plus de temps dans les locaux scolaires, où ils arrivent parfois le matin très tôt, où ils restent à midi pour le repas et ne repartent que le soir tard bien après l'école. Notre collègue Molac a d'ailleurs évoqué cette question tout à l'heure.
Malgré l'aménagement d'espaces de repos, les locaux des écoles maternelles et les activités qui y sont proposées ne sont pas toujours adaptés à de très jeunes enfants, à la différence des crèches. Il y a là une différence de traitement.
L'école est de plus en plus souvent envisagée non pas comme le dispositif le plus adapté, mais comme un mode de garde dont ont besoin les parents. Ainsi, il nous semble essentiel, si l'on abaisse l'âge de l'instruction obligatoire à 3 ans, de préciser à l'article L. 113-1 du code de l'éducation que les enfants sont accueillis à l'école maternelle dans des conditions éducatives et pédagogiques « qui veillent à garantir l[eur] intérêt supérieur (…) ».
Il est identique à celui que vient de défendre notre collègue Hetzel. Il s'agit d'un amendement de bon sens, mais je doute que le bon sens soit la vertu la plus partagée ici ce soir, comme vient de le démontrer le rejet d'une position de souplesse et de pragmatisme au profit de positions dogmatiques !
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
L'amendement a pour objet de tenir compte de l'amplitude des horaires de classe. Les locaux et les conditions d'accueil des enfants doivent être adaptés.
L'intérêt supérieur de l'enfant est une préoccupation constante au sein du système éducatif, notamment dans les écoles maternelles. L'enfant fait l'objet d'une attention constante des professeurs des écoles, des ATSEM et des personnels éducatifs en général. Il n'est peut-être pas indispensable de le préciser, tant cela va de soi.
S'agissant des conditions d'accueil, j'ai eu l'occasion de dire qu'elles sont essentielles, notamment l'aménagement de l'espace. En résulte-t-il que les écoles seront toutes, du jour au lendemain, parfaitement et intégralement adaptées à la sieste et aux autres activités ? Sans doute pas, mais elles le seront progressivement.
Pour prendre l'exemple des pays scandinaves qui vous est cher, monsieur Reiss, les enfants y sont scolarisés en collectivité entre 1 et 6 ans dans les meilleures conditions. Les locaux sont parfaitement adaptés, afin d'offrir des conditions d'accueil et une pédagogie ad hoc.
C'est ce vers quoi nous tendons, afin que les enfants scolarisés en maternelle bénéficient de locaux et de conditions d'accueil adaptés. Avis défavorable.
Messieurs Hetzel et Breton, sur le fond, nous sommes d'accord, comme sur d'autres sujets. Toutefois, je veux éviter que le code de l'éducation ne soit trop bavard.
Je souscris aux arguments avancés par Mme la rapporteure. J'en profite pour souligner à quel point les dispositions du présent projet de loi enclencheront un mouvement en faveur de l'école maternelle en France, notamment en matière d'investissement. Nous aurons l'occasion d'évoquer à nouveau ce sujet au cours de nos débats.
Le texte s'inscrit dans le prolongement des assises de l'école maternelle, que nous avons organisées l'an dernier. Celles-ci visent à susciter un mouvement fort en faveur de la revalorisation de l'école maternelle en France, incluant les enjeux du bâti.
La qualité de vie de l'enfant à l'école – quel que soit le nombre d'heures qu'il y passe – est un sujet essentiel, d'ores et déjà consacré par le code de l'éducation dans ses grands principes. À mes yeux, l'amendement est satisfait.
Nos collègues ont raison de rappeler que les enfants passent beaucoup de temps, au cours d'une journée, au sein des locaux scolaires.
Par ailleurs, ils tirent un coup de chapeau aux ATSEM, ce qui nous fournit l'occasion de rappeler le rôle tout à fait essentiel de ces personnels municipaux dans les écoles maternelles. Leur rôle est parfaitement complémentaire de celui des enseignants.
Cet amendement nous fournit également l'occasion de rappeler que les enfants, dès lors qu'ils se trouvent dans les locaux de l'école maternelle, ne sont pas sous la responsabilité exclusive des enseignants. Au cours d'une année scolaire, ils passent presque autant de temps avec les personnels intervenant au cours du temps périscolaire ou après la classe qu'avec les enseignants.
Par conséquent, nous sommes conscients qu'une cohésion entre ce qui est fait sous l'égide des enseignants et ce qui est fait dans le temps périscolaire – le plus souvent sous la responsabilité des collectivités locales – est nécessaire afin que l'école maternelle réussisse.
Tel est le continuum dont nous parlons. Il suppose une entente – sous cet angle, les projets éducatifs territoriaux sont essentiels – et un travail en commun des parents, des collectivités locales et des associations d'éducation périscolaire afin que l'école maternelle soit une réussite pour les enfants. Dès lors que ceux-ci passent toute la journée dans ses locaux, il est clair qu'ils sont sous la responsabilité de plusieurs adultes. Ceux-ci doivent se coordonner afin que l'éducation soit dispensée dans des conditions satisfaisantes.
Mme Pau-Langevin a parfaitement raison : les ATSEM jouent un rôle essentiel dans les écoles maternelles.
Madame la rapporteure, monsieur le ministre, je vous remercie de vos propos. Ils sont très éclairants : vous ne voulez pas voir figurer dans le code de l'éducation la garantie de l'intérêt supérieur de l'enfant.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je vous remercie de cette précision. Le monde éducatif et les familles apprécieront !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Si ma grand-mère était là, elle aurait dit : « C'est l'hospice qui se moque de la charité ! ». L'intérêt supérieur de l'enfant, chers collègues siégeant de l'autre côté de l'hémicycle, vous l'avez oublié à plusieurs reprises ! Tant mieux si vous vous en souciez dorénavant !
Il n'est pas certain que cette réforme prenait en considération l'intérêt supérieur de l'enfant.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Par ailleurs, les maires des petites villes et des villages ont quasiment tous pour priorité la qualité de leur école maternelle, et le cas échéant de leur école primaire. Là où il y a peu, c'est au moins là qu'on investit. Il en va toujours ainsi.
Dans toutes les mairies de France, on sait que la priorité, c'est l'éducation. Dès lors que certaines villes ont peu de moyens, la question des aménagements se posera.
Toutefois, elles ne sont pas si nombreuses. En parcourant ma circonscription – comme chacun ici la sienne – , j'ai constaté que les écoles sont de très belle qualité.
Il reste à placer des ATSEM aux côtés des enseignants. Le nombre maximal d'élèves par classe de maternelle n'est pas uniforme. Il est parfois élevé. Affecter deux adultes – un enseignant et un ATSEM – à chaque classe, dans toutes les classes, et en avoir les moyens, voilà la question !
Toutes les mairies de France ont-elles les moyens d'affecter un ATSEM à chaque classe ? J'en doute. Il faudra donc que nous travaillions sur ce sujet, monsieur le ministre.
Je pense moi aussi que le dogmatisme n'est pas toujours du côté où l'on pense. Les maires sont très attachés – peut-être plus encore dans les petites communes et dans les quartiers classés en réseau d'éducation prioritaire – à la qualité de leur école.
La semaine dernière, je me suis rendue dans une école rurale, où les aménagements de l'école maternelle ont été pensés afin que la circulation des enfants les plus jeunes soit la plus aisée possible.
L'amendement porte sur l'accueil des enfants de moins de 3 ans, dans les toutes petites sections donc. Il vise à faire en sorte que les objectifs éducatifs et pédagogiques spécifiques aux élèves de moins de 3 ans soient précisés dans le projet d'école, afin de garantir de bonnes conditions de scolarisation et de comptabiliser leur présence au sein des effectifs prévisionnels.
Une telle disposition est très importante pour les écoles rurales. Elle ne met pas en concurrence les crèches et les écoles maternelles, qui présentent une complémentarité.
Nous n'avons pas toujours les moyens, en ruralité, de financer des lieux d'accueil adaptés aux jeunes enfants. Cette disposition est aussi favorable aux quartiers prioritaires de la ville, où certaines mamans…
… feront confiance à l'école et y inscriront leur enfant, mais hésiteront à l'inscrire à la crèche.
La parole est à Mme Béatrice Descamps, pour soutenir le sous-amendement no 1129 .
Il vise à compléter l'amendement en ajoutant, après le mot « scolarisation », les mots « ainsi que leurs conditions d'accueil humaines et matérielles ». Celles-ci peuvent être intégrées dans le bilan dressé en fin d'année, afin de garantir dès l'année suivante les meilleures conditions d'accueil des tout-petits.
J'émets un avis défavorable au sous-amendement. Je suis assez confiante : les conditions d'accueil sont généralement humaines.
Même avis.
Madame la rapporteure, faisant référence à mon intervention tout à l'heure, vous avez parlé de maltraitance. Je n'ai jamais prononcé ce mot. J'ai fait toute ma carrière à l'école. Je sais bien que les enfants n'y sont pas maltraités.
Je propose d'inscrire les conditions humaines d'accueil – assurées notamment par les ATSEM – dans le code de l'éducation, afin de s'assurer que celles-ci sont idéales et permettent d'assurer le meilleur accueil possible des tout-petits. Vous me répondez que les conditions d'accueil à l'école sont évidemment humaines ! Nous ne parlons pas de la même chose !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR. – Mme Emmanuelle Ménard et M. Yannick Favennec Becot applaudissent également.
Le sous-amendement no 1129 n'est pas adopté.
L'amendement no 833 n'est pas adopté.
La parole est à M. Alexandre Freschi, pour soutenir l'amendement no 1149 .
Nous avons évoqué tout à l'heure le cas de certaines municipalités refusant d'inscrire à l'école certains élèves d'origine étrangère. Nous proposons un dispositif permettant de résorber ces situations, afin de rendre pleinement effective l'obligation d'instruction à partir de 3 ans et de favoriser l'intégration des enfants au profit de la cohésion et de la justice sociales.
Il repose sur le DASEN, qui se verra confier par le préfet le soin de procéder à la scolarisation définitive des enfants inscrits sur la liste scolaire, en application de l'article L. 2122-34 du code général des collectivités territoriales, si le maire n'y a pas procédé.
Il complète une disposition insérée – grâce à notre rapporteure, Anne-Christine Lang – dans la loi asile et immigration votée au mois de septembre 2018. L'amendement défendu par Anne-Christine Lang dans ce cadre confiait au DASEN la charge de procéder à des inscriptions provisoires en cas de refus ou de retard du maire.
Notre amendement va plus loin. Il permet d'approfondir le dispositif en vigueur, en prévoyant que les inscriptions auxquelles le DASEN procède sont définitives, pour le bien des enfants.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Avis favorable. Je me réjouis que nous soyons en mesure d'aller plus loin que l'amendement voté dans le cadre de la loi asile et immigration. Celui-ci permettait de contourner les maires récalcitrants.
Nous avons constaté récemment que plusieurs maires mettent beaucoup de mauvaise volonté à scolariser certains enfants sous prétexte que leurs parents ne peuvent faire état d'une domiciliation pérenne dans leur commune. Je me réjouis de cette nouvelle avancée visant à faire en sorte que l'école – maternelle ou non – bénéficie à tous.
Je commentais tout à l'heure par avance cet amendement, indiquant à quel point il importe à mes yeux. Il s'agit d'un amendement pragmatique renforçant le grand principe que nous venons de consacrer à nouveau.
Il garantit que l'obligation d'instruction permettra de scolariser tous les enfants, quelle que soit leur nationalité. Placer le DASEN en responsabilité est une preuve de pragmatisme. Celui-ci s'occupe quotidiennement de ces sujets, …
… davantage que le préfet. Son action en la matière par délégation du préfet nous semble fournir un gage d'efficacité, dans le sens que nous souhaitons tous. Avis favorable.
Merci, monsieur le ministre, d'avoir fait évoluer votre position depuis les discussions en commission. Je suis pour ma part extrêmement attaché à l'inscription dans la loi d'une garantie d'éducation et d'instruction pour les enfants étrangers.
Il a beaucoup été question des maires et des écoles élémentaires. Qu'en sera-t-il des inscriptions dans les collèges et les lycées ?
Par ailleurs, cette disposition sera-t-elle opposable ? Si c'est le cas, selon quelles modalités ?
Le groupe La France insoumise votera cet amendement, même s'il est moins contraignant que celui que nous avons défendu tout à l'heure : nous proposions une obligation de scolariser les enfants, qui aurait pesé sur toutes les autorités publiques. Le tribunal administratif aurait ainsi pu sanctionner ceux qui refusaient une scolarisation. Avec votre amendement, des associations ou des collectifs devront se mobiliser pour obtenir une scolarisation effective des enfants.
Je suis quelque peu surpris de la discussion. Votre amendement montre une véritable défiance à l'égard des maires ; nous devrions nous interroger sur ce point.
Par ailleurs, je ne suis pas certain qu'une telle disposition soit conforme au code des collectivités locales. Il y a là, me semble-t-il, un vrai problème de libertés locales.
Nous avons connu, il n'y a pas si longtemps, une campagne de dénigrement des maires lancée par le Gouvernement lui-même. Monsieur le ministre, je ne souhaite pas que l'on remette une nouvelle pièce dans cette machine, et que l'on montre à nouveau les maires du doigt alors qu'ils fournissent un travail remarquable. Le Gouvernement les a sollicités pour le grand débat national. Vous rentrez à nouveau dans une logique de défiance.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Cet amendement constitue en effet un progrès par rapport aux débats que nous avons eus récemment, et le groupe Socialistes et apparentés y est plutôt favorable.
Je persiste à penser que nous aurions pu voter tout à l'heure le principe selon lequel tout enfant doit être inscrit à l'école. En effet, cet amendement-ci parle de « refus d'inscription sur la liste scolaire de la part du maire sans motif légitime ». Le maire pourra jouer sur la notion de motif légitime !
Ainsi, le fait que l'enfant ne soit pas domicilié dans la commune pourrait en constituer un. Cela ouvre la porte à de nouvelles discussions sur le sort qu'il faut réserver aux personnes en habitat précaire, aux personnes logées par les services sociaux, aux personnes étrangères qui n'ont pas d'existence officielle dans la commune.
Je suis moi aussi d'accord sur le principe ; mais il faut également réfléchir à sa mise en oeuvre. Dans certaines communes, en particulier en région parisienne, il y a des bidonvilles, qui comptent parfois plusieurs centaines d'habitants, et parfois des centaines d'enfants. Régulièrement, des associations viennent voir les maires des communes concernées en leur demandant l'inscription à l'école – du jour au lendemain – de cinquante, soixante, cent enfants !
Une centaine d'enfants, cela fait quatre classes entières ; or les classes sont déjà pleines. Les maires ne refusent pas les inscriptions pour le principe ! Ils ne savent simplement pas comment faire.
L'État se montre ici d'une grande générosité : c'est le DASEN qui décidera ! Mais qui assumera financièrement cette décision ? L'État réquisitionne des locaux et laisse les bidonvilles se développer pendant des mois. Rappelons que ces bidonvilles ne se trouvent pas à Neuilly ou dans les beaux quartiers parisiens… Ils s'implantent dans les communes les plus pauvres de notre pays, en Seine-Saint-Denis ou dans l'est du Val-d'Oise, c'est-à-dire dans des villes qui n'ont pas les moyens d'accueillir ces nouveaux élèves. Et on dit aux maires de ces communes de s'occuper des enfants – bien – et de financer tout cela !
Qui assure la dignité de ces personnes ? Qui paye ? On crée des charges importantes pour ces communes pauvres, mais l'État s'en lave les mains et refuse d'aborder le problème. Cela ne me paraît pas une bonne solution.
Il n'y a ici aucune stigmatisation des maires ! Cet amendement vise simplement à inscrire dans la loi une garantie d'inscription pour l'ensemble des enfants, et notamment les enfants étrangers. Ils doivent tous pouvoir suivre une scolarité dans notre cher pays.
Par ailleurs, le supérieur hiérarchique du DASEN n'est en aucun cas le maire.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
C'est précisément pour cette dernière raison que nous nous interrogeons ! L'organisation de l'instruction relève de l'État, et elle est gérée par le ministère de l'éducation nationale ; mais la gestion des écoles, et donc des inscriptions, est une compétence décentralisée. Cela veut dire qu'il n'y a pas de contrôle d'opportunité de la part de l'État central sur les décisions des collectivités territoriales.
Dès lors, si une décision d'un maire n'est pas légale – qu'elle soit outrageusement illégale ou simplement illégale – , alors le recours de l'État, c'est le tribunal administratif. En aucun cas le préfet ou le DASEN ne peut se substituer à l'élu local, dont la légitimité est autre que celle du représentant de l'État dans un territoire.
Je ne comprends donc pas cette logique selon laquelle si une décision d'un maire ne convient pas – que ce soit à juste titre ou pas – , l'État se substitue à lui. Non ! Si une décision ne respecte pas la loi, on attaque devant le tribunal administratif. On ne prend pas la décision à la place du maire.
Mme Marie-Christine Dalloz et M. Patrick Hetzel applaudissent.
Quelques précisions juridiques permettront, je crois, de calmer très facilement les esprits.
Pardon de vous contredire, monsieur le député, mais mon propos est purement juridique : il est incontestable que, lorsque le maire inscrit un enfant à l'école, il agit en tant qu'agent de l'État. Dès lors, en cas de problème, le préfet peut se substituer à lui. La situation est si claire que si le maire est attaqué pour refus d'inscription d'un enfant, la jurisprudence du Conseil d'État – récemment réitérée – fait payer les dommages et intérêts non par le maire, mais par l'État.
Le problème ne se pose donc pas du tout dans les termes qui viennent d'être exposés. Je peux donc vous rassurer. Monsieur Hetzel, j'espère atténuer votre indignation : tout cela est déjà prévu par le code général des collectivités territoriales.
L'amendement permet simplement au DASEN d'agir, par délégation du préfet. Il y a déjà une chaîne, dans laquelle nous incluons le DASEN. Il n'y a aucune remise en cause des libertés locales, aucune remise en cause du maire : ne cherchons pas, une fois de plus, à créer de la défiance là où il n'y en a pas. C'est au contraire un système de confiance qui se crée entre le maire, le DASEN et le préfet, en vue d'accomplir une mission.
Il est bon qu'il y ait du dialogue dans ces moments. C'est, je le redis, un amendement pragmatique. Monsieur Pupponi, vous nous avez fait voir la réalité du terrain et, en effet, il est bon que des répartitions soient faites et que des discussions aient lieu : c'est ce que permettra l'intervention du DASEN.
D'un point de vue juridique, il n'y a donc aucun problème ; d'un point de vue pratique, nous introduisons de la souplesse afin de mieux garantir les droits des enfants.
L'amendement no 1149 est adopté.
Le livret scolaire suit l'élève de l'école au collège. L'instruction devenant obligatoire dès 3 ans, cet amendement propose de s'adapter à cette nouvelle situation en intégrant les années d'école maternelle au livret scolaire unique. Cela permettrait de concrétiser l'affirmation, déjà inscrite dans le projet de loi, de l'importance pédagogique de la maternelle dans le système éducatif.
Un tel livret permettrait également d'évaluer le niveau des élèves afin de les accompagner au mieux.
C'est une proposition très intéressante ! Ce n'est pas la première fois que je le dis à propos d'un amendement de l'opposition. Il y a clairement un travail à faire.
Aujourd'hui, les compétences acquises en maternelle font l'objet d'une évaluation spécifique, qui n'est pas intégrée, c'est vrai, au livret scolaire unique. Cette intégration pourrait en effet être une conséquence logique de l'instruction obligatoire à 3 ans.
C'est donc un chantier ouvert, mais il relève du domaine réglementaire. Avis défavorable.
L'amendement no 191 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Anthoine, pour soutenir l'amendement no 9 .
Le projet de loi pour une école de la confiance abaisse l'âge de l'instruction obligatoire à 3 ans ; c'est pourquoi cet amendement propose de commencer l'enseignement de l'écriture et de la lecture à l'école maternelle.
Les neurosciences montrent, en effet, que le développement cérébral de la zone du langage est le plus important entre 3 ans et 6 ans. Il importe donc de stimuler très fortement les jeunes enfants en matière d'acquisition des compétences langagières au cours des années qu'ils passent à l'école maternelle.
Avis défavorable. Le détail des programmes ne relève pas de la loi. De plus, l'amendement est satisfait. Ce que vous demandez fait déjà partie des programmes de la maternelle.
Même avis – je résiste à la tentation de développer.
Sourires.
L'amendement no 9 n'est pas adopté.
Ces amendements portent sur la visite médicale obligatoire ; nous avons commencé d'aborder le sujet en commission.
Plus le dépistage est précoce, plus il est efficace – cela vaut pour les problèmes visuels et acoustiques, pour les troubles « dys », pour les maladies rares… Mais l'on sait aussi que 40 % seulement des enfants bénéficient vraiment de la visite médicale obligatoire. Enfin, pour inscrire l'enfant à l'école, les parents doivent justifier des vaccinations de l'enfant, mais il n'est pas obligatoire que l'enfant ait été vu par un médecin.
Au vu de ces éléments, et compte tenu de l'abaissement à 3 ans de l'âge de l'instruction, il convient donc d'organiser une visite médicale obligatoire au cours de la troisième année.
Par ailleurs, la médecine scolaire est en difficulté, mais certains enfants sont déjà bien suivis : je propose donc que seuls les enfants qui ne bénéficient pas d'un suivi médical soient vus par les médecins scolaires. Nous garantirions ainsi que l'ensemble des enfants ont accès à un médecin.
La mise en place du dossier médical partagé – DMP – facilitera les choses. Un DMP pourrait être ouvert pour chaque enfant dès son entrée à l'école maternelle à 3 ans, dans lequel figureraient notamment les vaccinations. Cela simplifierait à la fois la visite médicale des 3 ans et les dépistages, ainsi que le suivi des vaccinations, grâce au carnet de vaccination électronique.
Quant à l'amendement de repli, no 812, il vise à instaurer une visite médicale obligatoire à l'âge de 3 ans.
La parole est à Mme Cathy Racon-Bouzon, pour soutenir l'amendement no 927 .
Cet amendement vise aussi, de manière un peu différente, à rendre obligatoire un examen médical entre 3 et 4 ans pour tous les enfants, au sein de l'école et en présence des parents responsables de l'enfant.
De nombreux professionnels de l'éducation exigent qu'un tel examen médical soit généralisé car il s'agit d'un âge clé pour dépister certains troubles, en particulier ceux du langage. Cette visite pourrait donc contribuer à prévenir les inégalités de santé et à mieux accompagner les enfants en matière de santé.
Même avis que Mme la rapporteure. Ces amendements sont de la plus haute importance : c'est en effet l'une des conséquences attendues de l'abaissement de l'âge de l'instruction obligatoire à 3 ans. Aujourd'hui, nous le savons, les résultats ne sont pas bons : seuls 40 % des élèves bénéficient d'une visite médicale avant 6 ans, ce qui constitue un énorme problème auquel j'avais l'intention, avec Agnès Buzyn, de remédier pleinement.
D'une certaine façon, nous allons plus loin avec cet amendement, en fixant l'âge de la visite médicale obligatoire entre 3 et 4 ans. Cette mesure, qui ne sera pas facile à appliquer mais qui pourrait être source de progrès très importants, nous oblige. Il est important que cette obligation figure dans le code de l'éducation car il en va d'un enjeu essentiel de santé publique : il faut garantir que chaque enfant prenne un bon départ dans sa vie scolaire et personnelle.
On mesure, au travers de cet amendement, les effets positifs en chaîne qu'aura l'abaissement à 3 ans de l'âge de l'instruction obligatoire. J'y insistais tout à l'heure, cette mesure n'est pas uniquement symbolique. Ce n'est pas seulement un signal, c'est aussi la matrice d'importants changements concrets.
Monsieur le ministre, madame la rapporteure, si on ne peut qu'être favorable à ce type d'amendement, comment le mettrez-vous en application ? Actuellement, le ratio est d'un médecin scolaire pour 15 000 élèves.
M. Isaac-Sibille applaudit.
C'est une véritable catastrophe ! Compte tenu de son caractère peu rémunérateur ou pour d'autres raisons, rares sont les étudiants qui choisissent de s'orienter vers la médecine scolaire. Comment un médecin scolaire, devant déjà s'occuper de 15 000 élèves, pourra-t-il examiner en plus les enfants âgés de 3 à 4 ans ? Comment cet amendement pourra-t-il être mis en application ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
La visite médicale obligatoire est indispensable à la prévention en matière de santé : pour la réussite des jeunes, il faut au plus vite être certain que rien n'entrave l'apprentissage et le développement de l'enfant.
Reste la question de son application, que vient de poser M. Lurton. Au sein de l'éducation nationale et dans les maternelles, les services de protection maternelle et infantile – PMI – peuvent déjà assurer des visites médicales. Une organisation devra être trouvée, afin que les médecins qui examineront les enfants bénéficient d'une expertise pour identifier les troubles des apprentissages. Les services infirmiers pourront également appuyer la démarche.
Il faudrait de plus que M. le ministre renouvelle son engagement envers le bilan médical à l'âge de 6 ans, juste avant l'apprentissage de la lecture et du langage écrit. Un examen spécifique, différent de la visite effectuée entre 3 et 4 ans, est nécessaire à ce stade, notamment pour les enfants chez lesquels des difficultés ont pu être repérées antérieurement.
Cette disposition est intéressante en ce qu'elle reconnaît le rôle déterminant de l'état de santé des enfants pour leur scolarité et leur formation. Plus les difficultés sont anticipées, mieux l'on pourra adapter la formation à la situation de l'enfant et garantir sa réussite.
Vivant désormais dans ce qu'il est convenu d'appeler un désert médical, je partage l'inquiétude de mes collègues car chez moi, non seulement il n'y a pas de médecin scolaire, mais les médecins du travail et les généralistes manquent aussi. Les praticiens qui partent en retraite ne sont pas remplacés et il peut être très difficile de trouver un médecin traitant.
On fixe une obligation qu'il sera sinon impossible, du moins très difficile de faire respecter. Au bout du compte, ce sont les parents qui, s'ils doivent présenter un certificat de visite médicale, se retrouveront en difficulté. Si l'établissement de ce certificat relève de l'école, c'est elle qui devra s'assurer de disposer d'un médecin pour faire passer la visite. Monsieur le ministre, garantissez-vous la présence d'un médecin dans toutes les écoles de la République, à la rentrée prochaine ?
Je suis ravi que vous donniez un avis favorable à l'un de ces trois amendements, et serai ravi qu'il soit adopté car il reprend une mesure préconisée par le rapport d'information sur la prévention que j'ai corédigé, avec Mme Bareigts.
Sur le fond, vous le savez, seuls 40 % des enfants bénéficient actuellement de la visite médicale scolaire. En prévoir une pour tous les enfants n'est pas réaliste. C'est de l'affichage ! La mesure ne pourra pas être appliquée car, dans certains départements, il n'y a tout simplement plus du tout de médecin scolaire. En prétendant dans un amendement que tous les enfants seront examinés entre 3 et 4 ans, on n'octroie pas de droits réels.
On s'en apercevra dans trois ans, lorsqu'un nouveau rapport fera le point sur le dispositif !
Mes amendements étaient plus pragmatiques car ce ne sont pas les enfants déjà suivis par un médecin ou un pédiatre qui ont besoin d'une consultation auprès du médecin scolaire mais ceux qui ne sont pas vus, ceux dont les vaccinations ne sont pas suivies. Il s'agissait d'instituer des droits réels, avec de nouveaux moyens, comme le DMP – nous aurons l'occasion d'en discuter. Au contraire, l'amendement no 927 n'octroie aucun droit réel, dans le sens où nous sommes actuellement dans l'incapacité d'en faire appliquer les dispositions.
Sur la forme, après le débat en commission, j'ai tenté – sans succès – de joindre le cabinet du ministre pour poursuivre la réflexion. J'ai ensuite découvert qu'un amendement, vraisemblablement travaillé avec vous, monsieur le ministre, avait été déposé par le groupe La République en marche, qui reprenait ma proposition.
Sur le fond, comme sur la forme, je suis donc en désaccord.
L'amendement no 813 n'est pas adopté.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe MODEM.
Il y avait égalité des voix. L'amendement est donc repoussé. On peut le regretter mais ainsi le prévoit le règlement.
Cet article procède à la mise en cohérence du code de l'éducation, à la suite de l'abaissement de l'âge de l'instruction obligatoire à 3 ans, en précisant les contours de l'enseignement dispensé dans les écoles hors contrat, lequel, outre les principes de l'instruction obligatoire, doit respecter ceux du socle commun.
Pour autant, cette mise en cohérence textuelle ne peut écarter la question de fond, l'obligation d'instruction à 3 ans. D'abord parce que, jusqu'à l'âge de 5 ans, le jeune enfant a besoin d'attention. Tous les spécialistes s'accordent sur la nécessité de respecter le rythme biologique des enfants, lesquels n'ont pas vocation à faire des journées de dix ou onze heures.
Ensuite, parce que nous sommes un pays de liberté. Notre rôle n'est pas de légiférer sur tout. Les familles jouent un vrai rôle dans l'éducation et elles doivent pouvoir choisir ou non d'envoyer leurs enfants à l'école avant 6 ans.
En termes de moyens, qu'en sera-t-il des créations de postes d'enseignants, d'ATSEM et de médecins scolaires ? Quid des classes surchargées et de leur répartition sur le territoire ? Comment seront gérées les classes uniques à plusieurs niveaux dans les zones les plus rurales ? Qui réglera les surcoûts ?
Que de questions sans réponses ! Prenons conscience de la portée des dispositions de cet article ! La France est un pays de liberté. Sachons faire perdurer la culture et l'esprit inhérents à l'école française. Pour cela, légiférons sur l'école, en écartant toute dimension idéologique. Légiférons uniquement dans l'intérêt et pour le bien des enfants !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Je serai brève : cet article important consacre notre école maternelle dans le code de l'éducation, ce dont nous sommes extrêmement satisfaits.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Cet article invite à revenir sur certaines conséquences de la décision d'abaisser l'âge de l'instruction obligatoire à 3 ans. Les discussions avec les maisons départementales des personnes handicapées – MDPH – révèlent que, parmi les 25 000 enfants non scolarisés, un grand nombre sont en situation de handicap.
À la rentrée dernière déjà, la disponibilité d'un AESH pour chaque élève en situation de handicap n'était pas assurée. Monsieur le ministre, vous avez été régulièrement interrogé à ce sujet, par tous les bancs de cette assemblée. Je vous alerte une nouvelle fois car l'obligation d'instruction que vous instituez va contraindre à la rentrée prochaine les familles à scolariser les enfants âgés de 3 ans bien sûr, mais aussi de 4 et 5 ans, ce qui fera un nombre d'enfants important. Pouvez-vous nous assurer que les enfants concernés seront pris en charge de manière satisfaisante ? Avons-nous la garantie qu'ils disposeront tous d'un AESH ? Les collectivités territoriales recevront-elles une compensation financière ?
J'ai trois questions précises qui permettront peut-être d'y voir plus clair sur les conséquences concrètes de l'obligation d'instruction à 3 ans.
La première concerne les effectifs requis pour encadrer les nouveaux élèves. La baisse démographique qui est annoncée est estimée à 35 000 enfants l'an prochain, 50 000 l'année suivante et encore 50 000 celle d'après. L'étude d'impact évoque le chiffre de 1 000 agents nécessaires pour encadrer les 26 000 nouveaux élèves, mais pouvez-vous donner un chiffre plus précis ? La même étude fait état de 500 emplois liés à l'accompagnement des élèves en situation de handicap : ce chiffre est-il surdimensionné, correspond-il aux projections de vos services ? Je réitère aussi mes questions sur le calendrier et les effectifs pour la Guyane et Mayotte.
Ma deuxième question porte sur l'obligation d'assiduité, qui devra être contrôlée par les services académiques. Ces services remplissent déjà de nombreuses missions, auxquelles s'ajoutera aussi le contrôle de l'instruction en famille pour les enfants de 3 à 5 ans, qui n'avait pas lieu d'être jusqu'à présent. Le contrôle de l'assiduité risque d'occuper une place importante dans le travail de ces services. Comment l'envisagez-vous ?
Enfin, comme le disait très justement François Pupponi précédemment, le code des communes précise que toute classe maternelle doit bénéficier des services d'un ATSEM. Cette disposition s'appliquera-t-elle aux écoles privées ?
Le Gouvernement nous proposera après l'article 3 un amendement essentiel pour nos jeunes, instaurant une obligation de formation jusqu'à 18 ans. Derrière cet amendement se cache tout le travail sur la lutte contre le décrochage scolaire, la construction du projet de l'élève, son accompagnement et, in fine, le chômage des jeunes.
Il est primordial de ne laisser aucun jeune collégien disparaître, devenir invisible dès lors qu'il a quitté le collègue, qu'il a 16 ans, que son projet d'orientation nécessite d'être revu ou qu'il n'est pas parvenu à trouver une entreprise pour l'accueillir en apprentissage.
Ce décrochage touche surtout les jeunes des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Nous devons avoir l'ambition collective, territoire par territoire, de les « raccrocher », de les accompagner au mieux, de leur proposer dans et hors de l'éducation nationale des formations incitatives, individualisées, y compris en situation protégée, afin de les aider à retrouver du sens, un sens.
Tous les acteurs devront se mobiliser autour du jeune : établissement scolaire, association, mission locale, entreprise, centre de formation des apprentis. Ce sera un engagement réciproque du jeune et de l'État. C'est un enjeu majeur pour notre pays.
Mmes Fiona Lazaar et Véronique Riotton applaudissent.
L'article 3 est la traduction dans plusieurs dispositions du code de l'éducation de l'abaissement de l'âge de l'instruction obligatoire de 6 à 3 ans.
Nous avons longuement insisté sur l'exigence de justice sociale dans l'école de la République afin de lutter contre les inégalités, notamment dans le domaine du langage. Les écoles maternelles jouent un rôle majeur dans notre système éducatif. Elles nous sont d'ailleurs enviées à l'étranger. C'est à l'école maternelle que l'on commence les apprentissages du socle fondamental, que l'on découvre les bases de l'écriture et de la lecture, que l'on apprend à compter ainsi qu'à bien se comporter et à respecter autrui.
L'obligation d'instruction à l'âge de 3 ans va modifier les règles d'assiduité en maternelle, qui étaient jusqu'à présent relativement flexibles. J'insiste sur le fait que l'assiduité est aussi importante à l'école maternelle qu'à l'école élémentaire. Toutefois, nous discuterons, à l'occasion de l'examen de quelques amendements, de la nécessité de respecter le rythme de l'enfant.
L'article 3 s'inscrit dans la même logique que l'article 2 sur l'abaissement de l'âge de l'instruction. Vous vous en doutez, nous ne sommes pas satisfaits de l'adoption de ce dernier.
Nous avons rappelé l'âge obligatoire d'instruction dans différents pays européens : 5 ans en Écosse, au Pays de Galles et en Angleterre ; 6 ans en Belgique, Allemagne, Irlande et Norvège ainsi qu'au Danemark. L'Estonie, qui a fait le choix de faire commencer la scolarité obligatoire encore plus tard, à 7 ans, occupe pourtant la troisième place du classement PISA. Tous ces pays devancent la France dans le classement 2016, monsieur le ministre.
Nous ne comprenons donc pas votre manque de souplesse sur cette question. Plutôt que sur la scolarisation à tout prix des enfants très jeunes, j'aimerais que vos efforts se concentrent sur la scolarisation des enfants en situation de handicap. La République s'honorerait à ne laisser de côté aucun de ses enfants. Tous les enfants, je dis bien tous, doivent pouvoir être scolarisés, et pas seulement « accueillis » dans les écoles.
Lors des campagnes électorales de 2017, La France insoumise a défendu la proposition de fixer à 3 ans l'âge de l'instruction obligatoire, pour les raisons qui ont déjà été avancées.
L'article 3 rappelle le principe de gratuité de l'enseignement dans les écoles maternelles et élémentaires : nous y sommes favorables. Il donne aux communes la possibilité de créer des écoles maternelles, seules ou à plusieurs, après accord des conseils municipaux : nous y sommes favorables également. Enfin, il corrige quelques dispositions du code de l'éducation concernant les écoles privées hors contrat : nous n'y sommes pas opposés, même si vous connaissez notre position sur ces écoles.
À l'occasion de cet article, nous entendons réaffirmer l'importance du rôle de l'État dans l'éducation. Nous avons également identifié une conséquence moins visible mais très concrète pour les communes de France : elles vont devoir financer les écoles privées sous contrat. La loi Debré de 1959 oblige en effet les municipalités à financer à parité les écoles publiques et privées sur leur territoire. Jusqu'à présent, elles n'avaient à le faire que pour les écoles élémentaires. Désormais, elles devront aussi apporter une contribution financière aux maternelles privées. Cette conséquence néfaste pour les finances des communes n'est pas envisagée par le texte. Je vous invite à la vigilance sur ce point. Nous vous proposerons un amendement pour éviter cet écueil.
Évidemment, le groupe GDR apprécie la scolarisation obligatoire dès 3 ans. Une question reste cependant en suspens : celle du nombre d'élèves par classe – celui que vous jugez correct, acceptable. Un nombre maximal d'élèves par classe est fixé pour les autres niveaux. Pouvez-vous préciser vos intentions ?
Nous vous demandons également de favoriser la scolarisation des enfants dès 2 ans pour les parents qui le souhaitent. Dans certains quartiers populaires, il est souvent préférable que les enfants aillent à l'école maternelle dès cet âge, avec bien sûr un rythme adapté. Les enseignants maîtrisent plutôt bien l'accueil des très petits enfants. Malheureusement, les enfants de 2 ans sont souvent la variable d'ajustement, surtout en cas de fermeture de classe. Monsieur le ministre, il faut sortir de cette situation.
Il s'agit d'un amendement de suppression de l'article, qui s'inscrit dans la même logique que les précédents.
Nous aimerions obtenir des réponses aux questions que nous vous avons posées, parmi lesquelles celles des moyens. Outre les AESH, que j'ai déjà évoqués, vous restez muet sur les ATSEM, qui auront inévitablement un impact sur les finances des collectivités territoriales.
Pour créer la confiance, il faut se donner les moyens de l'établir avec les interlocuteurs concernés. Or, manifestement, tout votre projet va retomber sur les collectivités. Une nouvelle fois, elles se voient imposer des décisions prises par le Gouvernement dont elles subiront les conséquences financières. C'est assez détestable. Avec un tel texte, vous êtes en train de créer non pas un climat de confiance mais une véritable défiance dans le pays.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 1011 .
Monsieur le ministre, vous avez rappelé en commission que la période entre la naissance et l'âge de 6 ans est décisive, et c'est très juste. Mais vous avez également affirmé que cette période ne pouvait par conséquent être laissée au hasard. Voilà qui n'est pas très valorisant pour les parents qui font de leur mieux pour offrir une bonne éducation à leurs enfants. C'est une étrange conception de la liberté fondamentale et naturelle des parents d'élever leurs enfants.
C'est d'autant plus étrange, voire inacceptable, dans un texte intitulé « pour une école de la confiance ». Comment demander aux parents de faire confiance à une école qui fait elle-même preuve de défiance à l'encontre de leurs choix éducatifs ?
Il est dit que les enfants qui ne sont pas scolarisés avant 6 ans sont majoritairement issus de familles défavorisées. Mais la seule étude citée par le rapport de la commission à ce sujet montre l'impact du niveau culturel et socio-économique des parents sur la rapidité d'acquisition du langage. Elle ne comporte pas de données sur les milieux dont sont issus les enfants de 3 ans non scolarisés. Cette enquête conclut que le fait de bénéficier d'un mode de garde extérieur formel tend à réduire les inégalités sociales de développement langagier. S'il est très louable de chercher à réduire les inégalités, cela ne peut être à tout prix. Si l'on suit la logique du Gouvernement, faudra-t-il pour éradiquer les inégalités contraindre les parents moins favorisés à choisir un mode de garde extérieur pour leur enfant de quelques mois ? Être défavorisé sur le plan économique, est-ce pour autant être incapable de s'occuper correctement de ses enfants ?
Parce qu'il faut lutter contre cette ingérence et au contraire soutenir les parents dans leur mission d'éducation, je demande la suppression de cet article.
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l'amendement no 1147 .
Cet amendement vise à supprimer le deuxième alinéa de l'article 3, qui dispose lui-même que « les deux premiers alinéas de l'article L. 113-1 sont supprimés »
Je vous donne lecture de ces deux alinéas. Voici le premier : « Les classes enfantines ou les écoles maternelles sont ouvertes, en milieu rural comme en milieu urbain, aux enfants qui n'ont pas atteint l'âge de la scolarité obligatoire. » C'est donc une option qui est ouverte. Le deuxième alinéa dispose : « Tout enfant doit pouvoir être accueilli, à l'âge de trois ans, dans une école maternelle ou une classe enfantine le plus près possible de son domicile, si sa famille en fait la demande. »
C'est incroyable : on est en train de supprimer une disposition très favorable aux familles et, bien entendu, aux enfants ! Une fois ce deuxième alinéa supprimé, les familles n'auront plus la garantie que leur enfant sera, si elles le demandent, scolarisé automatiquement dans l'établissement le plus proche du domicile.
Il y a donc un risque que des enfants, qui plus est en bas âge, se retrouvent dans des écoles très éloignées du domicile familial. Je ne comprends vraiment pas. C'est une alerte majeure. Vous êtes en train, là encore, de dégrader le droit des enfants et celui des familles. Tout cela va à l'encontre de l'intérêt supérieur de l'enfant. J'aimerais entendre le Gouvernement à ce sujet.
Les dispositions que vous avez mentionnées ne sont plus nécessaires, puisque les alinéas 6 et 7 de l'article 3 insèrent dans le code que « L'établissement des écoles maternelles publiques intervient dans les conditions prévues à l'article L. 212-2 », article selon lequel « Toute commune doit être pourvue au moins d'une école élémentaire publique. Il en est de même de tout hameau séparé du chef-lieu ou de toute autre agglomération par une distance de trois kilomètres et réunissant au moins quinze enfants d'âge scolaire. »
Avis défavorable.
Défavorable également.
Actuellement, le code de l'éducation indique très clairement : « Tout enfant doit pouvoir être accueilli, à l'âge de trois ans, dans une école maternelle ou une classe enfantine le plus près possible de son domicile » En supprimant cet alinéa, vous privez clairement les familles de cette garantie. J'alerte l'ensemble de la représentation nationale : vous êtes en train de dégrader le service public de l'éducation nationale.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
L'amendement no 1147 n'est pas adopté.
L'article 3 est censé tirer les conséquences de l'abaissement à 3 ans de l'âge de l'instruction obligatoire. Mais les alinéas de l'article L. 113-1 du code de l'éducation qu'il abroge contiennent un dispositif particulièrement important pour les zones rurales, qu'a rappelé Patrick Hetzel. Nous proposons de garder ce dispositif et d'intégrer les enfants de moins de 3 ans qui seront scolarisés dans le calcul des effectifs. Cela pourrait d'ailleurs faciliter le maintien de certaines classes en zone rurale, sachant qu'il y a de grands risques de fermetures de classes dans de nombreux départements, notamment dans le mien, l'Oise.
En contradiction avec l'alinéa précité, la partie réglementaire du code de l'éducation dispose : « Les enfants qui ont atteint l'âge de deux ans au jour de la rentrée scolaire peuvent être admis dans les écoles et les classes maternelles dans la limite des places disponibles. » Nous estimons que la scolarisation des enfants de moins de 3 ans n'a de sens que si elle peut être effectuée dans des conditions favorables, notamment du point de vue de l'effectif par classe.
Votre amendement reviendrait à maintenir, dans le code de l'éducation, la disposition qui prévoit que l'école maternelle est ouverte aux enfants qui n'ont pas atteint l'âge de la scolarité obligatoire.
Avec l'abaissement à 3 ans de l'âge de l'instruction obligatoire, cette disposition n'a plus lieu d'être. En outre, l'article L. 113-1 prévoit déjà que les enfants de moins de 3 ans sont comptabilisés dans les prévisions d'effectifs pour la rentrée. Avis défavorable.
Mon avis est également défavorable, pour les raisons que vient d'exposer Mme la rapporteure. J'ajoute qu'en raison de l'abaissement à 3 ans de l'âge de l'instruction obligatoire, certaines communes rurales compteront davantage d'élèves et pourront donc mieux justifier le maintien de classes. C'est l'une des conséquences de ce que nous faisons, qu'il ne faut pas négliger.
J'apporte mon appui à l'amendement. Nous entendons bien ce que vous dites, monsieur le ministre, mais nous aurions besoin de savoir comment vous allez organiser tout cela, et en particulier de quels moyens on disposera pour la scolarisation des enfants de 3 ans mais aussi de ceux qui n'ont pas encore atteint cet âge, cette possibilité étant offerte dans certains secteurs. Pour l'instant, nous n'avons obtenu aucune réponse à ce sujet.
L'amendement no 175 n'est pas adopté.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement no 595 .
Il vise à garantir et développer la possibilité de scolariser les enfants en maternelle dès l'âge de 2 ans. Le taux de scolarisation des enfants de 2 ans a connu un recul constant et significatif au cours des dernières années, passant de 33 % en 2000 à 11,5 % en 2015.
Plusieurs rapports récents ont évoqué la nécessité d'agir et de se fixer des objectifs clairs, quantitatifs et qualitatifs, en matière de scolarisation des enfants de moins de 3 ans. Le rapport annexé à la loi pour la refondation de l'école de la République avait souligné les avantages de la scolarisation précoce : « La scolarisation précoce d'un enfant de moins de 3 ans est une chance pour lui et sa famille lorsqu'elle est organisée dans des conditions adaptées à ses besoins. »
Nous pensons qu'il ne faut pas abandonner les objectifs en la matière. Vous n'avez pas tout à fait répondu, effectivement, aux questions sur les moyens que suscitent les mesures que nous sommes en train de prendre. Nous considérons que la possibilité de scolariser les enfants de 2 ans doit être maintenue, et même développée.
Avis défavorable. Ce que propose votre amendement, ce n'est pas d'ouvrir un droit à la scolarisation dès 2 ans, mais de supprimer la disposition selon laquelle « Tout enfant doit pouvoir être accueilli, à l'âge de trois ans, dans une école maternelle ou une classe enfantine le plus près possible de son domicile ». Il importe, selon moi, de la conserver.
Avis défavorable, pour les mêmes raisons. Il faut bien voir que l'article 3 maintient le droit de scolariser les enfants à 2 ans. Il n'y a pas de changement des règles du jeu en la matière.
J'ai déjà répondu à la question relative aux moyens, sur laquelle l'article 4 permettra également d'avancer. S'agissant des moyens humains, autrement dit des postes, il faut prendre en compte deux considérations : d'une part un effet démographique qui se traduira par 50 000 à 60 000 élèves en moins par an dans les prochaines années, et d'autre part 25 000 élèves supplémentaires avec l'abaissement de l'âge de l'instruction obligatoire. Donc, de toutes les façons, le nombre d'élèves diminuera. C'est l'un des deux facteurs qui expliquent l'amélioration du taux d'encadrement, mais par-dessus le marché, nous créons des postes. Cela nous permettra, alors même que nous aurons achevé le dédoublement des classes de CP et de CE1, de mener à la fois une politique d'accompagnement et de bienveillance à l'égard des écoles rurales, comme j'ai souvent été amené à le répéter, et notre politique en faveur de l'école maternelle.
Pour répondre à vos questions, monsieur Lecoq, je reconnais bien volontiers que nous devons poursuivre nos efforts pour améliorer le taux d'encadrement en maternelle. De même, nous devons faire des efforts dans nos partenariats avec les collectivités locales pour que le rôle des ATSEM soit toujours mieux reconnu.
Pour vous donner une idée des taux d'encadrement, l'effectif moyen s'établit à 24,1 élèves par classe dans les maternelles de France, 22,5 en milieu rural et 24,6 en milieu urbain. Ces chiffres vont baisser au cours des prochaines années, même avec l'instruction obligatoire à 3 ans.
Ces arguments sont tellement convaincants ! Sauf qu'on se rend compte que, pour essayer d'atteindre cet objectif d'abaissement à 3 ans, qui aura évidemment des incidences sur la scolarisation, le Gouvernement va jusqu'à supprimer – je pèse mes mots – une garantie importante pour les familles, qui figure à l'article L. 113-1 du code de l'éducation et qui leur permet d'être sûres que leur enfant sera scolarisé en maternelle dans le lieu le plus proche du domicile. Si vous avez le moindre doute, je vous invite à lire la disposition qui est susceptible d'être supprimée par l'article 3 : c'était une garantie acquise, automatique, pour toutes les familles. Je n'appelle pas cela une avancée, mais une régression. C'est, là encore, un acte de défiance à l'égard des familles.
J'aimerais, monsieur le ministre, avoir l'esprit clair sur la question des ATSEM. Je n'ai toujours pas obtenu de réponse : quelles seront les obligations des communes vis-à-vis des ATSEM, tant pour les écoles publiques que pour les écoles privées ? Les textes sont clairs : ce sont des employés communaux.
L'amendement no 595 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l'amendement no 900 .
Par cet amendement, nous proposons que les écoles maternelles soient désormais dénommées « écoles pré-élémentaires »
Pour le groupe La France insoumise, cette modification est une étape de la longue marche vers l'égalité entre les femmes et les hommes, que le Gouvernement ne peut qu'encourager. Grâce à cet amendement, les mères ne seraient plus symboliquement les référentes obligatoires en matière d'éducation et de soin apporté aux enfants.
Cette modification peut sembler anodine, mais nous tenons à rappeler que chaque mot que nous utilisons véhicule des messages. Notre vocabulaire doit s'adapter au monde que nous voulons construire, un monde dans lequel les inégalités auront totalement disparu. Le terme « pré-élémentaire » correspond bien à l'objectif pédagogique que se fixent les enseignants en première, deuxième et troisième sections : préparer l'entrée des élèves en CP. Je vous invite donc, en toute objectivité, à voter cet amendement.
Mme Mathilde Panot applaudit.
Avis défavorable. Je comprends le sens de l'amendement, mais il me semble préférable de garder une dénomination comprise par tous.
Défavorable également.
Je bous depuis quelques instants, de même qu'hier soir, lorsqu'on a supprimé les termes « père » et « mère ». C'est encore l'idéologie qui frappe !
Aux yeux de certains, les termes « maternel » et « paternel » sont datés, arriérés. Il faudrait donc trouver des circonlocutions, des mots qui en cachent le sens. Désolé de vous le dire : la dénomination « école maternelle » n'est ni infamante, ni rétrograde, ni réactionnaire. Elle est partagée par de nombreuses familles et compréhensible. Par moments, il faudrait rétablir le sens des mots. Évitons de tout renverser, même si, je le sais, « renverser la table » a du sens pour certains. Pour notre part, nous sommes attachés au sens des mots. Derrière les mots « père » et « mère », il y a des rapports affectifs et éducatifs. J'ai bien compris que, ce soir, comme hier et avant-hier, on n'avait que faire des familles.
Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et SOC.
Elles ne sont plus au centre du système éducatif. Il faudrait pratiquement les rayer de la carte ! Je ne dis pas que c'est un totalitarisme absolu, mais je pense sincèrement que cela s'apparente à une forme de totalitarisme.
Brouhaha.
Monsieur Gosselin, vous pouvez crier autant que vous voulez votre attachement à un vieux monde, mais si les mots ont un sens, pourquoi utiliser celui de « maternelle » ?
Moi, je pense que nous pouvons le changer, même si vous dites que cela ne vous convient pas – vous en avez tout à fait le droit.
Sourires.
Pourquoi faudrait-il faire référence à la mère quand on parle de l'éducation des jeunes enfants ? Je pense que ce serait faire preuve de progressisme que de changer ce nom, puisque les pères comme les mères peuvent être responsables de l'éducation des enfants, qui n'est pas réservée aux femmes.
Et pourquoi pas une « école du parent 1 » et une « école du parent 2 », tant que vous y êtes ?
Voilà pourquoi nous proposons cet amendement, qui est, je le pense, un amendement progressiste, mais avec lequel vous avez parfaitement le droit d'être en désaccord.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Mes chers collègues, il est vingt-trois heures quarante-cinq, nous sommes en train de refaire le débat d'hier et il reste 700 amendements à examiner. Voilà la question qui se pose : essayons-nous d'aller jusqu'au bout de l'examen de ce texte dans des conditions d'écoute, de compréhension et de dialogue convenables, ou continuons-nous à faire traîner les choses ?
Je demande, madame la présidente, une courte interruption de séance pour que nous essayions de mettre au point une organisation des débats qui permettrait à la fois à chacun de s'exprimer et à la raison de l'emporter.
Applaudissements sur divers bancs.
Avant de suspendre la séance, monsieur Vigier, je vais mettre aux voix l'amendement.
L'amendement no 900 n'est pas adopté.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à vingt-trois heures quarante-cinq, est reprise à vingt-trois heures cinquante.
La séance est reprise.
Chers collègues, il nous reste vingt-deux heures de débat. Si nous voulons terminer l'examen du texte dans le temps imparti, il faut que nous doublions le rythme d'examen des amendements. Nous en sommes à quinze à l'heure, il faudrait passer à trente à l'heure.
Rires et exclamations.
Je me contente de vous donner des éléments factuels, chacun en tirera les conclusions qu'il souhaitera !
La parole est à Mme Sylvie Tolmont, pour soutenir l'amendement no 628 .
Il s'agit à nouveau de la question de la comptabilisation des élèves.
L'article L. 113-1 du code de l'éducation indique que « les enfants de moins de trois ans sont comptabilisés dans les prévisions d'effectifs d'élèves pour la rentrée ». En revanche, ils ne sont généralement pas pris en compte pour l'élaboration de la carte scolaire, donc pour le calcul des créations ou maintiens de postes d'enseignants. Le présent amendement vise à inscrire explicitement dans la loi que les enfants de moins de 3 ans doivent être comptabilisés dans les effectifs pour l'élaboration de la carte scolaire.
Je profite de la présentation de cet amendement pour signaler à M. le ministre que je n'ai eu aucune réponse à mon intervention sur l'article 2, où je m'inquiétais de ne rien voir dans le texte concernant la scolarisation des enfants de moins de 3 ans.
Si, j'ai répondu !
« Ah bon ? » sur les bancs du groupe SOC.
Même avis. Je vous ai déjà répondu, madame la députée, et je reviendrai sur le sujet. Vous pouvez d'ores et déjà être rassurée.
Sourires.
L'amendement no 628 n'est pas adopté.
Cet amendement porte sur la nécessité de mettre en place un continuum au cours des six premières années de vie de l'enfant, dont on sait aujourd'hui combien elles sont importantes. Il s'agit d'une des préconisations du plan pauvreté dans le domaine de la petite enfance.
Entre 0 et 6 ans, beaucoup de choses se perdent dans le suivi de l'enfant, que ce soit dans le domaine de la santé, dans celui de la famille ou dans celui de la pédagogie. Trop souvent, ce qui a été construit au cours des trois premières années, notamment dans les crèches, par un personnel extrêmement compétent et bienveillant, se perd au moment de l'entrée à l'école, précisément du fait de l'absence de continuum.
Il s'agit, à travers cet amendement, d'aller vers la diffusion d'une culture commune à tous les personnels s'occupant des enfants de 0 à 6 ans, qu'ils dépendent du ministère de la santé, de celui de l'éducation nationale ou des collectivités territoriales. La construction d'une telle culture passe d'abord par des modules de formation communs.
Notre objectif est que tous les personnels partagent les mêmes références et les mêmes mots pour tout ce qui concerne les jeunes enfants : développement affectif, cognitif, langagier, etc. Cela implique la création de modules de formation communs, dont le contenu pourrait être défini par exemple par l'Institut Petite enfance Boris Cyrulnik, conjointement avec l'éducation nationale, puis diffusé à l'ensemble des organismes ou instituts qui dispensent des formations à destination des personnels de l'éducation nationale et de la petite enfance.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. le ministre, pour soutenir le sous-amendement no 1156 .
Il s'agit d'un sous-amendement rédactionnel, qui tend notamment à préciser les publics visés.
Ce que vient de dire la rapporteure est très important et s'inscrit dans la continuité de ce nous avons dit tout à l'heure sur la nécessité de disposer d'une vision complète de la petite enfance.
La parole est à M. Alexandre Freschi, pour soutenir le sous-amendement no 1135 .
Ce sous-amendement vise à préciser que les modules de formation continue communs organisés pour les professionnels de la petite enfance pourront faire l'objet d'une contractualisation entre le département, le rectorat et l'agence régionale de santé. Il s'agit de mettre en relation les acteurs intervenants dans le secteur éducatif, la santé et l'accueil des enfants par l'organisation d'une formation continue commune, qui leur permettra de bénéficier d'un socle commun de connaissances, d'un espace et d'un cadre de rencontres favorables à l'accompagnement global des enfants. L'objectif est de réduire le plus tôt possible les inégalités et, surtout, de prévenir les ruptures de parcours.
Favorable sur les deux.
Je vais maintenant mettre aux voix successivement les sous-amendements et l'amendement.
Le sous-amendement no 1156 est adopté.
J'avais demandé la parole avant. Il faut regarder, madame la présidente !
Le sous-amendement no 1135 est adopté.
L'amendement no 1121 , sous-amendé, est adopté.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement no 1123 de la commission.
Cet amendement concerne la prise en charge des enfants de 2 et 3 ans, question dont on a vu combien elle est déterminante pour lutter contre les inégalités et assurer le continuum entre 0 et 6 ans. Il vise à préciser dans la loi les missions des schémas départementaux des services aux familles prévus par une circulaire du 22 janvier 2015.
La prise en charge des jeunes enfants continue en effet de se heurter à la rupture institutionnelle qui existe entre le monde de la petite enfance et celui de l'école. Une meilleure coordination permettrait une prise en charge des enfants globale et pérenne, en tous domaines. De plus, la répartition territoriale de l'offre d'accueil des enfants de moins de 3 ans laisse apparaître de fortes inégalités.
Afin d'assurer une coordination satisfaisante entre les structures et les personnels relevant du secteur de la santé et de l'éducation, il conviendra de conclure un nouveau protocole d'accord entre le ministère de l'éducation nationale et celui de la santé. Cela permettra une réelle coordination de la réponse institutionnelle en ce domaine. Un tel protocole d'accord avait d'ailleurs été conclu en septembre 1990.
Cette meilleure coordination entre les deux ministères et le monde de la petite enfance et de la santé est, précisons-le, l'objectif no 4 de l'engagement no 1 du plan de lutte contre la pauvreté.
Sagesse.
Nous soutenons cette série d'amendements, qui répondent à notre souci d'un continuum entre 0 et 6 ans.
J'entends bien la volonté d'améliorer la coordination, mais la question, posée avec force, est celle de la scolarisation des enfants à partir de 2 ans, lorsque les parents le souhaitent. Cette possibilité de scolariser les enfants dès 2 ans doit en effet être maintenue et garantie, quelles que soient les dispositions du nouveau texte. Et pour ce faire, il faut mettre le nombre d'enseignants nécessaire en face.
Le ministre me dira sans doute que ce n'est pas vrai, mais les DASEN – directeurs académiques des services de l'éducation nationale – sont parfois à la recherche de postes. Dans les écoles pré-élémentaires – c'est comme cela qu'elles s'appellent, chez moi, depuis longtemps ! – on suggère aux directrices de ne pas accueillir les enfants âgés de 2 ans, faute de places et d'enseignants. Il faut donc que des garanties soient données à ce sujet.
Je profite de cet amendement, qui rejoint celui qui vient d'être adopté, pour évoquer le continuum éducatif de 0 à 6 ans.
On voit bien, en premier lieu, que la barrière des 3 ans n'a tenu qu'un moment, au regard de l'idée d'un contrôle direct sur les enfants dès la naissance. Et je suis très inquiet de constater, à ce sujet, qu'aucun des amendements en discussion ne mentionne la famille. On parle toujours des professionnels : on pourrait très bien envisager leur relation avec la famille, dans le respect de chacun, mais non ! Ce que l'on cherche à éviter, manifestement, ce sont des ruptures dans les méthodes, dans la philosophie qui imprègne ces dispositifs de mise sous tutelle des enfants par l'État.
Ce continuum éducatif, initialement proposé par le groupe socialiste et repris, une nouvelle fois, par le Gouvernement et la majorité, ne peut donc que nous inquiéter car il traduit une volonté d'écarter les familles. Vous vous méfiez des familles, vous voulez émanciper les enfants des familles.
L'amendement no 1123 est adopté.
La parole est à M. Jean François Mbaye, pour soutenir l'amendement no 262 .
Je profite de l'article 3 pour évoquer les jardins d'enfants. En commission, je le sais, un amendement, voté avec le soutien du président Studer et de Mme la rapporteure, a créé l'article 4 bis, que nous examinerons sous peu. Si cet article est adopté, les établissements qui accueillent des enfants de plus de 2 ans, dits « jardins d'enfants », bénéficieront d'un délai de deux années scolaires durant lesquelles ils pourront continuer à accueillir des enfants âgés de 3 à 6 ans.
Vous disiez, madame la rapporteure, que ce délai doit permettre aux jardins d'enfants de ne pas se voir imposer de fermeture dès le mois de septembre prochain, à charge pour ces établissements d'adapter leurs activités à l'abaissement de l'âge de scolarisation obligatoire à 3 ans.
Si la vocation de ces structures est d'accompagner les jeunes enfants vers la scolarisation, il est difficile, en vérité, de concevoir qu'elles survivront au-delà du délai prévu à l'article 4 bis. Nous parlons ici de 400 établissements qui, répartis sur l'ensemble du territoire, sont susceptibles d'accueillir 10 000 enfants et dont l'activité est assurée par des personnels qualifiés.
Mon objectif, en somme, est de pérenniser la dérogation temporaire que vous avez prévue. De fait, si la commission a voté cette dérogation, c'est qu'elle a conscience du sérieux et de la rigueur avec lesquels les jardins d'enfants accomplissent la tâche qui leur incombe. Permettez-moi donc, monsieur le ministre, madame la rapporteure, de m'appuyer sur ces arguments mêmes pour solliciter ici, de votre part, un avis que j'espère favorable.
Tel qu'il est rédigé, monsieur le député, l'amendement ne concerne pas que les jardins d'enfants, mais aussi les crèches et les haltes-garderies, ce qui pose un problème. Avis défavorable.
Même avis.
L'amendement no 262 n'est pas adopté.
Cet amendement est de repli. La cohérence, à nos yeux, serait d'opter pour l'âge de 5 ans plutôt que de 3 ans.
D'autre part, nous avions posé un certain nombre de questions sur les moyens et leur sécurisation, s'agissant du financement des postes d'ATSEM pour les communes et d'AESH pour les départements. Or nous n'avons pas eu de réponse sur ce point : il serait important de les obtenir à un moment ou à un autre.
L'amendement no 144 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement no 1113 de la commission.
Il s'agit de permettre aux communes d'organiser avec souplesse l'accueil des enfants de moins de 6 ans, sans les contraindre à créer une école maternelle pour cela. L'amendement vise donc à compléter l'alinéa 7 par la phrase suivante : « Toutefois, la scolarisation des enfants de moins de six ans peut être assurée dans des classes maternelles ouvertes dans une école élémentaire. »
Favorable.
Cet amendement est le troisième que Mme la rapporteure défend au nom de la commission des affaires culturelles et de l'éducation ; or, s'ils ont été adoptés en commission, ils auraient dû être intégrés au texte que nous examinons. S'agit-il donc d'amendements déposés par Mme Lang elle-même, en sa qualité de rapporteure de la commission ?
Le contenu du présent amendement ne me pose pas de problème particulier, mais les deux autres étaient d'une portée non négligeable puisqu'ils concernaient un plan départemental et la coordination à ce niveau : on ne sait qui fait quoi, et tout cela passe comme une fleur ! J'aimerais donc avoir quelques précisions.
M. Maxime Minot applaudit.
Passé un certain délai, on ne peut plus déposer d'amendements signés en son nom propre – en l'espèce, « Mme Anne-Christine Lang, rapporteure ». Il a donc fallu les déposer au nom de la commission.
Protestations sur les bancs du groupe LR.
Bien que commissaires aux affaires culturelles, nous n'avons jamais voté ces amendements !
Il s'agit en fait d'amendements qui ont été adoptés par la commission en article 88.
L'amendement no 1113 est adopté.
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour soutenir l'amendement no 602 .
Cet amendement a pour objectif de sortir les maternelles privées du champ des nouvelles dépenses obligatoires des communes. Ses cosignataires soutiennent l'obligation d'instruction dès 3 ans. En effet, une scolarisation précoce et bien encadrée permet de résorber une partie des inégalités entre élèves dans leur capacité à réussir à l'école. Seulement, le présent article doit permettre de renforcer les moyens des maternelles publiques, non devenir une aubaine financière pour les établissements privés en faisant peser leur coût sur les communes.
De plus, on l'a rappelé plusieurs fois, les maternelles privées ne favorisent pas la mixité sociale : elles deviennent, tout au contraire, un lieu de reproduction sociale, contrevenant ainsi, monsieur le ministre, aux objectifs que vous affichez avec la scolarisation dès 3 ans. C'est pourquoi nous proposons de concentrer les nouveaux moyens financiers sur les maternelles publiques.
L'amendement no 602 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Par cet amendement, nous souhaitons relayer une inquiétude exprimée par la plupart des communes. Avec l'article 2, vous souhaitez étendre leur obligation de prise en charge du secteur privé aux écoles pré-élémentaires, alors que celles-ci ne font pour le moment l'objet que d'une participation facultative des communes.
Cela soulève des difficultés que le Conseil d'État, dans son étude d'impact du texte, a formulées en ces termes : « L'accord de la commune était jusqu'à présent requis car la mise sous contrat concernait des classes préélémentaires dont les élèves ne relevaient pas, en raison de leur âge, de l'instruction obligatoire. »
L'article 4 du projet de loi instaure pour une année seulement la compensation de la hausse des dépenses des communes. Par ailleurs, celles-ci devront adresser à l'État un dossier de demande d'accompagnement financier, et les demandes ainsi déposées, s'agissant des dépenses de fonctionnement, seront instruites par les services académiques départementaux, après quoi l'attribution de l'aide à chaque commune éligible sera décidée par le préfet de département. Ces dispositions, un vrai cadeau caché à l'enseignement pré-élémentaire privé, ne présentent pas suffisamment de garanties pour la santé financière des communes.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Défavorable : il n'y a pas lieu de revenir sur le financement de l'école privée.
L'amendement no 337 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 3, amendé, est adopté.
Nous proposons ici de garantir dès à présent par la loi l'obligation de formation entre 16 et 18 ans. C'est une belle manière de compléter l'évolution de l'instruction obligatoire, et c'est une mesure du plan pauvreté présenté par le Président de la République en septembre 2018.
Nous promouvons de longue date l'instruction obligatoire de 3 à 18 ans, et il nous semble judicieux d'aborder la question par le biais de la formation. Le décrochage scolaire représente un fléau pour notre pays. L'éducation nationale et les missions locales doivent disposer des moyens de repérer et d'accompagner rapidement tous les jeunes adultes sortant de l'école à 16 ans sans perspective de formation, d'autant que, du fait des mutations de l'économie, nous avons de plus en plus besoin de personnes qualifiées dans tous les domaines. Aujourd'hui, 50 % des jeunes sans formation sont au chômage ; notre pays se prive de talents et de compétences en laissant des dizaines de milliers de jeunes adultes sans diplôme ni formation.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – Mme Fiona Lazaar applaudit également.
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l'amendement no 675 du Gouvernement.
Chacun l'aura compris, il s'agit d'un amendement très important, qui s'inscrit dans la suite logique du plan pauvreté. Je salue le travail préparatoire accompli sur ces sujets par Olivier Noblecourt ainsi que par la députée Fiona Lazaar.
Cet amendement, qui est donc le fruit d'une réflexion collective, est porteur d'un progrès majeur qui, après les enfants de 3 ans, concerne cette fois, à l'autre bout de la chaîne, les jeunes de 16 à 18 ans. Il ne s'agit pas d'étendre l'instruction obligatoire jusqu'à 18 ans, mais d'instaurer une obligation de formation pour ces jeunes.
C'est essentiel, car cela permet de mobiliser toutes les structures adéquates, c'est-à-dire l'ensemble des établissements du second degré – en particulier les lycées professionnels – mais aussi d'enseignement agricole, d'enseignement privé sous contrat, d'enseignement supérieur ou d'apprentissage, pour tout jeune qui ne serait pas en emploi, en service civique, ou en parcours d'accompagnement ou d'insertion sociale et professionnelle. En clair, il s'agit de ne laisser aucun jeune sur le bord de la route à un âge où il est primordial de ne pas déjà s'engager dans une logique d'exclusion. En rendant la formation obligatoire, nous serons assurés de lutter beaucoup plus efficacement contre le décrochage.
Nous attendons donc beaucoup de cette mesure, dont la mise en oeuvre aura un caractère interministériel très marqué : ce sera une nouvelle illustration de la capacité de travail en commun du ministère du travail, du ministère de l'éducation nationale, du ministère de l'enseignement supérieur et d'autres, dont le ministère de l'agriculture.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
.. et favorable à l'amendement no 675 , dont la rédaction semble préférable.
Ce n'est pas juste. Vous êtes députée, vous devez préférer le législatif à l'exécutif !
Sourires.
J'en demande le retrait au profit de l'amendement no 675 du Gouvernement – en me réjouissant de cette convergence !
Sur la forme, il est surprenant de voir ainsi arriver un amendement gouvernemental s'agissant d'un sujet aussi important. Vous avez dit vous-même, monsieur le ministre, que votre amendement était très important. Si tel est le cas, ne serait-ce pas la moindre des choses, pour la représentation nationale, que de pouvoir disposer de l'étude d'impact et de l'avis du Conseil d'État avant de se prononcer ? Or nous n'avons ni l'un ni l'autre !
Venons-en au fond : pensez-vous vraiment qu'il faille prendre une décision de cette nature maintenant, sans que nous ayons pu en débattre au préalable ? Monsieur le ministre, n'êtes-vous pas, en réalité, en train de vous moquer de la représentation nationale ? Si le sujet était si important, vous auriez dû prévoir la disposition au moment où vous l'avez abordé en conseil des ministres. Qu'une question aussi essentielle soit étudiée au détour d'un amendement gouvernemental, dont le numéro montre qu'il a été déposé très tardivement – sans doute vos services ont-ils travaillé très longuement, certes ! – voilà qui n'est guère sérieux. C'est dommage !
Je le répète, vous dites vouloir créer la confiance, mais tout ce que vous faites – nous en avons ici plusieurs exemples précis – relève de la défiance !
Vous auriez dû privilégier notre amendement sur le vôtre, monsieur le ministre !
S'agissant d'un amendement substantiel du Gouvernement, je ne sais s'il faut monter sur ses grands chevaux à l'heure qu'il est. Je rappellerai simplement que notre groupe a déposé sur un autre article un amendement comparable, qui a été défendu par Michèle Victory.
Nous ne partons pas de rien s'agissant des décrocheurs scolaires et du droit à la formation pour ceux qui, ayant atteint l'âge de 16 ans, sortent du système scolaire sans diplôme ni qualification. Ainsi, en 2013, la loi pour la refondation de l'école de la République posait déjà en principe la possibilité pour eux de poursuivre leurs études. Puis, en 2014, nous avons inclus dans la loi relative à la formation professionnelle, qui prévoyait l'entrée en vigueur au 1er janvier 2015 du compte personnel de formation – CPF – , un dispositif particulier destiné aux jeunes de 16 ans qui quittent le système scolaire sans qualification, permettant d'abonder leur CPF d'importants crédits par l'attribution de points supplémentaires en proportion inverse de leur niveau de qualification.
Globalement, nous considérons donc que les propositions du Gouvernement vont dans le bon sens. Par conséquent, nous voterons cet amendement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je crois moi aussi, contrairement à notre collègue Hetzel, que cet amendement est porteur d'une excellente nouvelle : l'inscription dans la loi de l'obligation de formation, décidée lors des travaux que nous avons conduits, avec Antoine Dulin, pour préparer la stratégie de lutte contre la pauvreté, particulièrement au sein du groupe de travail dédié à l'insertion des jeunes. Il y a urgence, avec encore 5 000 décrocheurs par an : nous devons agir pour faire accéder ces jeunes à des qualifications qui leur permettront de s'insérer professionnellement et socialement.
Quand on lâche l'école à 16 ou 17 ans, on se retrouve le plus souvent dans l'impasse. Le taux de chômage est cinq fois plus élevé chez les non-diplômés que chez les autres. Les deux millions de jeunes qui ne sont ni en emploi, ni étudiants, ni en formation sont le nouveau visage de la pauvreté.
La mesure dont nous parlons a déjà fait ses preuves dans d'autres pays. Elle va nous permettre d'adapter notre législation aux réalités du monde actuel, en complétant l'instruction obligatoire jusqu'à 16 ans – une disposition qui date de 1959, lorsque le pays et le marché du travail n'étaient pas les mêmes qu'aujourd'hui.
Grâce à cet amendement, nous allons pouvoir valoriser tous les parcours : dans les lycées, notamment professionnels, par l'apprentissage, le service civique, le travail d'insertion, en particulier dans les missions locales… Chaque jeune, en effet, doit pouvoir trouver sa voie et acquérir les compétences nécessaires à son insertion sociale et professionnelle. Nous avons là un excellent amendement qui va nous permettre d'avancer, pour notre jeunesse.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Nous saluons une mesure appropriée, susceptible d'apporter un élément de réponse aux jeunes concernés. Trop de jeunes, en effet, sortent du système scolaire sans diplôme, emploi ni formation et sans poursuivre leurs études. Il est indispensable que nous leur ouvrions des perspectives d'avenir.
Toutefois, nous nous interrogeons sur deux points. D'une part, monsieur le ministre, pouvez-vous nous éclairer quant à l'articulation concrète entre l'obligation de formation et le service national universel ? D'autre part, quels seront les moyens supplémentaires octroyés aux missions locales pour qu'elles puissent assurer leur mission de contrôle ?
Bien sûr, nous soutenons fermement la mesure quant au fond, même si le fait qu'elle soit introduite par voie d'amendement nous étonne nous aussi.
En effet, on ne peut que s'étonner de découvrir un amendement du Gouvernement d'une telle importance, déposé une fois achevé le travail en commission. Le plan pauvreté était connu, et nous aurions très bien pu discuter de cette mesure en commission.
Il s'agit de rendre la formation obligatoire ; nous avons bien compris la nuance qui sépare la formation de l'instruction, ainsi que la dispense accordée aux jeunes en emploi, en formation professionnelle ou en apprentissage.
Toutefois, Mme Descamps a posé les bonnes questions : qu'en est-il des missions locales, et des moyens qui leur sont accordés ? Est-ce que ce sont encore les collectivités locales qui vont payer ? Comment mettre à disposition les moyens humains nécessaires ?
En tout cas, sur le fond comme sur la forme, il n'est pas tout à fait normal d'introduire de la sorte un amendement aussi important dans un tel texte de loi.
J'aimerais simplement souligner que l'obligation de formation appelle une intervention publique, par le développement d'un service public de la formation,...
... du moins si l'on veut être vraiment à la hauteur de l'ambition affichée.
Or je constate que l'on est au contraire en train de démanteler l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes – AFPA – , dans toute une partie de nos territoires : trente-six centres sont ainsi menacés de fermeture.
Si je suis, vous l'aurez compris, très favorable à la mesure, celle-ci nécessite que le Gouvernement revoie sa copie concernant l'avenir de l'AFPA. Ce sujet majeur a été trop peu débattu à mon goût. Le développement d'un service public de la formation est un véritable enjeu.
L'amendement no 593 n'est pas adopté.
L'amendement no 675 est adopté.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement no 598 .
Il s'agit de garantir beaucoup plus clairement la possibilité de commencer sa scolarité dès l'âge de 2 ans.
Avis défavorable. Je tiens tout de même à préciser, monsieur le député, que, du fait de l'adoption d'un de mes amendements, les enfants de 2 et 3 ans seront vraiment pris en charge, grâce à une mutualisation des moyens de l'agence régionale de santé, du rectorat et du département. Les enfants de 2 et 3 ans sont en effet parfois à l'école ou à la crèche, ou encore dans des dispositifs passerelles qui pour l'instant ne sont pas toujours très bien identifiés – on en ignore les contenus précis. Grâce à cette coordination, nous disposerons d'une bonne visibilité sur la prise en charge de cette tranche d'âge dans les différentes structures, et nous nous assurerons, dans les zones défavorisées, je pense aux zones rurales et aux zones de montagne, de la meilleure offre possible.
Défavorable.
Notre but n'est pas ici de garantir des solutions d'accueil – c'était en effet l'objet de votre amendement – mais bien de garantir le droit à la scolarisation, ce qui n'est pas tout à fait la même chose. Nous entendons fixer des objectifs qualitatifs et quantitatifs, tels que le rapport que j'ai évoqué tout à l'heure les mentionnait également. Or, pour l'instant, nous ne voyons pas trace d'objectifs de ce type dans le texte et j'ai le sentiment que le dispositif que vous nous proposez pourrait aboutir à un certain nombre de reculs sur la scolarisation.
L'amendement no 598 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Béatrice Piron, pour soutenir l'amendement no 394 .
Nous avons déjà évoqué la question des apprentissages et l'importance de l'assiduité des enfants à l'école maternelle. Le présent amendement vise à adapter quelque peu l'article L. 131-1 du code de l'éducation et, en l'occurrence, à permettre au directeur d'école d'organiser une seconde entrée l'après-midi, pour les enfants qui déjeunent chez eux et qui se seraient endormis après le repas, puisqu'à l'âge de 3 ans on fait souvent la sieste. Ils retourneraient ainsi à l'école à quinze heures. Cette pratique est expérimentée depuis longtemps dans ma circonscription ; elle permet à la fois de respecter le rythme de l'enfant et de garantir l'assiduité pour les apprentissages.
Ce type d'aménagement est déjà possible aujourd'hui et le restera, mais n'a pas vocation à figurer dans la loi. Avis défavorable.
L'amendement no 394 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 1er du texte prévoit une nouvelle rédaction de l'article L. 111-3-1 du code de l'éducation qui disposera désormais que « les personnels de la communauté éducative contribuent à l'établissement du lien de confiance qui doit unir les élèves et leur famille au service public de l'éducation ». Ce lien de confiance suppose que l'information soit également diffusée entre la communauté éducative et les personnes responsables d'un enfant soumis à l'obligation scolaire, dont font partie les familles.
Il s'agit donc de compléter l'article L. 131-4 en spécifiant qu'il ne saurait être établi de hiérarchie entre les personnes. Cela contribuera, par incidence, à assurer l'égalité au sein du couple parental, tuteur ou responsable de l'enfant en situation de scolarité.
L'amendement est déjà satisfait puisque, en vertu de l'article 372 du code civil, l'autorité parentale ne connaît pas de hiérarchie. La séparation des parents est sans incidence sur ce principe. Avis défavorable.
L'amendement no 892 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Sandrine Mörch, pour soutenir l'amendement no 925 .
Il ne nous viendrait pas à l'idée, au sein de cet hémicycle, de priver nos propres enfants d'école, ce serait un drame. Pourtant, dans certaines villes, y compris des villes riches – c'est le cas à Toulouse – , nous passons tous les matins devant des bidonvilles, des tentes où l'on voit des enfants comme les nôtres se lever, sortir de leur cabane de fortune et ne pas aller à l'école. Quels adultes seront-ils dans dix ans ? Il n'est pas besoin d'être un expert pour répondre.
Or l'école est la seule issue, non seulement pour ces enfants mais pour nous tous, pour que la société soit riche plutôt que pauvre, instruite plutôt qu'inculte – une société dont les enfants ne soient pas des délinquants dès l'âge de 7 ou 8 ans. Malheureusement, pour ces familles, les imbroglios administratifs et les documents exigés pour s'inscrire à l'école sont autant d'obstacles. Trop d'enfants ne sont pas scolarisés à cause de toutes les pièces justificatives réclamées par les mairies de manière aléatoire. Ils faut donc uniformiser les procédures et simplifier les documents demandés afin de garantir l'égal accès à l'école républicaine.
En tant que journaliste, j'ai assisté à de nombreuses expulsions de familles vivant dans des bidonvilles. J'ai été frappée de voir que le papier le plus important, le mieux préservé des intempéries, le mieux rangé, c'est le bulletin de notes des enfants scolarisés. Ces bulletins, je les ai vus trôner dans les squats et dans les baraquements.
Je pense assez souvent à ce collégien syrien de quatorze ans, retrouvé mort sur une plage. C'est aussi son bulletin de notes, précautionneusement emballé dans une poche étanche, qu'on a retrouvé dans son blouson, contre son corps.
Cette image bouleversante en dit long sur l'école comme porte de salut. C'est l'objet de toutes les projections, de toutes les espérance d'un monde meilleur. Ce bulletin de notes, c'est presque mieux qu'un passeport parfois, ou que des papiers, parce qu'il signifie « Je veux être digne d'être Français. »
Ces enfants, je pense à ceux qui sont dans les squats, dans les hôtels sociaux, dans les bidonvilles, quand ils ne sont pas délogés tous les trois mois, apprennent à une vitesse prodigieuse. Ils ont une espèce de rage de gagner, comme cette Linda, une jeune Rom sans papiers qui est tout de même devenue la meilleure apprentie de France.
Ne cassons pas cette dynamique, mais favorisons-la.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et plusieurs bancs des groupes LR, UDI-Agir, LT, MODEM et SOC.
Merci, madame la députée, pour ce témoignage. Vous montrez bien pourquoi nous attachons autant d'importance à l'école et pourquoi nous avons voté l'article 2 rendant obligatoire l'instruction dès l'âge de 3 ans, qui concerne aussi les enfants dont vous avez parlé. Malheureusement, je vais donner un avis défavorable à votre amendement. En effet, la clarification, la simplification des documents que vous réclamez est en cours. Les pièces à fournir seront moins nombreuses et les procédures simplifiées.
Je vous remercie, madame la députée, pour vos propos, auxquels on ne peut qu'être sensible, et je suis assez favorable à votre proposition. Il se trouve néanmoins, cela vient d'être mentionné, que nous avons déjà entrepris la démarche que vous préconisez avec ce que nous appelons le processus de simplification. Je m'en remets donc à la sagesse de l'Assemblée.
Je tiens à dire moi aussi combien j'ai été sensible à la présentation de cet amendement : on ne peut que partager les propos qui viennent d'être tenus. Cela dit, il me pose quelque peu problème.
En effet, selon l'alinéa 2 de l'article L. 131-6 du code de l'éducation, « Les personnes responsables doivent y faire inscrire les enfants dont elles ont la garde », le « y » étant la liste ouverte par le maire. Or l'amendement vise à compléter cet alinéa par la phrase suivante : « La liste des pièces qui peuvent être demandées à l'appui de cette demande d'inscription est fixée par décret. » Cette liste sera-t-elle exhaustive, les pièces devront-elle impérativement être fournies ? Faute de pièces, l'inscription sera-t-elle tout de même valable ? Je comprends bien qu'il faille procéder à des harmonisations d'une commune à l'autre ou d'une ville à l'autre, mais la rédaction de l'amendement me semble poser problème.
En fin de compte, je me range à l'avis de la majorité de l'Assemblée et vais donner un avis favorable à l'amendement, même si je ne retire rien de ce que j'ai rappelé, à savoir que la simplification de la procédure est en cours. Parce qu'elle est en cours, je peux soit vous demander de retirer votre amendement, soit émettre un avis favorable. Je choisis la seconde solution !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Voilà qui me permet à mon tour de donner un avis favorable.
L'amendement no 925 est adopté.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Mme Constance Le Grip applaudit également.
La parole est à Mme Caroline Janvier, pour soutenir l'amendement no 1059 .
Le présent amendement s'inscrit dans la stratégie d'inclusion scolaire des enfants handicapés. Il vise notamment à harmoniser les informations détenues par les établissements médico-sociaux, donc par le secteur spécialisé d'accompagnement de ces enfants. Plus précisément, il s'agit de s'assurer que l'ensemble des enfants pris en charge au sein des établissements médico-sociaux soient effectivement inscrits sur les listes scolaires dressées par les maires et de s'assurer qu'ils bénéficient de façon systématique d'un numéro d'identification national des étudiants – INE – , comme tous les élèves en France.
On se rend compte en effet, et c'est l'un des résultats de la concertation « Ensemble pour une école inclusive », qu'un certain nombre d'enfants échappent à l'obligation scolaire, jusqu'à ne pas avoir de numéro INE, et que dans certains cas, les services de l'éducation nationale n'ont aucune information sur la déscolarisation d'un enfant en établissement médico-social, à cause du statut dérogatoire de l'élève. C'est notamment le cas de ceux qui sont à temps partiel dans l'école et dans l'établissement, ainsi que des enfants dits « sans solution » qui sont parfois scolarisés en Belgique où il y a davantage de places dans les établissements médico-sociaux.
L'amendement est satisfait puisque les enfants en question figurent sur la liste établie par le maire, comme tous les enfants âgés de 3 à 16 ans et résidant sur le territoire de la commune. Avis défavorable.
Même avis.
Le sujet est très important, et je ne suis pas certain que l'amendement soit véritablement satisfait. Cela mérite de faire l'objet d'une expertise d'ici à la prochaine lecture.
Lorsque les enfants dont nous parlons sont accueillis à l'école, il faut souvent faire appel à des intervenants extérieurs, comme des psychothérapeutes. Or, selon les académies, les inspecteurs d'académies ou les DASEN acceptent leur présence ou non. Selon le département où l'on se trouve, des psychothérapeutes ou autres peuvent donc être autorisés ou non à intervenir pendant le temps scolaire, dans une salle située à côté de la classe… Il faudrait que nous parvenions à unifier les règles en la matière. Si certains enfants ont besoin d'un accompagnement et que la mairie met une salle à disposition, il faudrait que les intervenants extérieurs puissent entrer dans l'école, avec l'autorisation du DASEN.
Je confirme les propos de M. Pupponi. Comme l'a dit Mme Janvier, l'amendement est issu des premières conclusions de la concertation « Ensemble pour une école inclusive ». Aujourd'hui, des enfants peuvent sortir d'un institut médico-éducatif sans être inscrits dans un établissement scolaire. Le simple fait de leur attribuer un numéro INE pourrait leur garantir d'avoir une place réservée dans une école à leur sortie de l'institut. Notez que j'ai bien dit « pourrait ». Mais en tout cas, l'attribution du numéro INE n'est pas un sujet anodin.
L'amendement no 1059 n'est pas adopté.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement no 599 .
Il apporte des précisions sur les missions et le fonctionnement de l'école maternelle en insistant sur la nécessaire spécificité de la prise en charge des jeunes enfants – dans notre esprit, je rappelle que cet accueil doit être possible dès l'âge de 2 ans.
L'école maternelle est une véritable école, qui ne se confond avec l'école élémentaire ni dans ses missions, ni dans son organisation. Elle constitue un temps spécifique de la scolarité. Les évaluations doivent permettent de détecter précocement les enfants en difficulté afin de mettre en oeuvre au plus tôt les aides adaptées, avec l'objectif de réduire des inégalités.
L'école maternelle est caractérisée par sa souplesse, tant dans les aménagements du temps scolaire que dans l'adaptation de ses enseignements au rythme des enfants. Les enfants de 2 ans inscrits dans les écoles maternelles font l'objet d'un suivi particulier. Ils sont accueillis dans des conditions spécifiques adaptées à leur âge, en particulier pour ce qui concerne les moyens matériels et humains, le taux d'encadrement en classe, l'enseignement dispensé, ainsi que l'adaptation de la journée d'école au rythme du très jeune enfant.
Avis défavorable. Monsieur le député, nous avons eu ce débat sur la souplesse et les adaptations nécessaires, et il vous a déjà été répondu très largement.
Même avis.
L'amendement no 599 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Cécile Muschotti, pour soutenir l'amendement no 1027 .
Il vise à élargir le périmètre de l'avis rendu par le médecin responsable du service départemental de protection maternelle et infantile pour l'accueil non plus seulement des enfants de moins de 6 ans mais, dorénavant, de tous les enfants scolarisés en primaire.
M. Benoit Potterie applaudit.
Avis défavorable. Il n'y a pas lieu de ne prévoir cette obligation que pour les seuls enfants scolarisés. C'est l'âge des enfants qui doit être pris en considération et non leur mode d'instruction.
L'amendement no 1027 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 1110 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Nous l'avons vu, rien ne doit venir amoindrir la portée de l'article 2, qui constitue une avancée importante, en France et en Europe, en matière d'accès de tous à l'éducation. Il ne faudrait donc pas que sa mise en oeuvre dans les territoires, qui sera délicate comme l'ont montré plusieurs interventions, détourne de l'essentiel et rouvre des débats certes respectables, mais encadrés par notre Constitution, en particulier son article 72-2.
Je pense aux relations entre l'école publique et l'école privée. Personne n'a oublié les mésaventures vécues par des hommes d'État aussi éminents que François Mitterrand, Pierre Mauroy ou Alain Savary il y a trente-cinq ans, en 1984, et je crois que personne ne souhaite emprunter le même chemin.
Les collectivités locales ne doivent être confrontées ni à une incertitude financière à très court terme, ni à l'obligation de financer des surcoûts non compensés. Sans compter que des inégalités de compensations difficilement justifiables créeraient un système à plusieurs vitesses.
Pourtant, en l'état, à la lecture de l'article 4 de nombreuses collectivités sont très inquiètes, et l'on peut craindre des écarts peu compréhensibles entre les unes et les autres.
Je peux citer le cas de ma commune, Évry, qui ne finançait pas l'école maternelle privée : elle bénéficiera de compensations. D'autres communes sont dans le même cas, comme Paris, Lyon, Brest, Saint-Étienne ou des communes plus petites, par exemple dans l'ouest de la France, et s'interrogent aussi. Par ailleurs, lorsque les collectivités qui ont contractualisé par anticipation se tournent vers les préfets ou la direction générale des collectivités locales, les portes se ferment.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous apporter des clarifications sur l'application de l'article 4 ?
Je souhaite aborder un problème de forme. Lors de la discussion générale, un certain nombre de questions ont été posées au Gouvernement. De façon assez étrange, monsieur le ministre, je constate que, alors que la représentation nationale n'a obtenu aucune réponse de la part du Gouvernement, votre directeur de cabinet, dans une interview au site internet « Café pédagogique », répond, lui, sur les mêmes sujets.
Une parole officielle est donc diffusée par l'intermédiaire de M. Christophe Kerrero, qui s'exprime par exemple sur la question des moyens. Il est parfaitement déplaisant de constater que vous préférez les médias à la représentation nationale. Nous aurions préféré qu'elle puisse obtenir des réponses avant les médias. Il s'agit sans doute d'une nouvelle manière de créer de la confiance !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
L'article 4 pose de nombreuses difficultés. Monsieur ministre, tout d'abord, il serait bon que nous puissions disposer de la liste des dépenses engagées par les communes qui seront prises en charge et compensées : c'est un peu plus complexe que ce que laisse penser le texte.
Ensuite, les communes devront avancer les fonds. Elles ne seront remboursées, pour celles qui le seront, qu'en année n+2. Autrement dit, pendant deux ans, elles devront financer les surcoûts entraînés par l'article 2 sur leurs propres deniers. Je ne pense pas que ce soit une bonne chose.
Enfin, je constate que ceux qui ont été vertueux, en accueillant les enfants de 3 ans et moins ou en finançant les écoles maternelles, seront pénalisés. En effet, les communes qui avaient voulu être exemplaires et donner plus de chances à leurs enfants ne recevront pas de compensation, ou très peu, alors que celles qui n'avaient jamais joué le jeu et qui ne s'occupaient pas de l'école maternelle recevront de l'argent pour appliquer l'article 2.
Cela me semble un peu anormal : soit on finance tout le monde, soit on ne compense pour personne. Je trouverais finalement normal que l'on oblige ceux qui n'ont jamais fait aucun effort à assurer l'accueil des enfants de 3 ans sans compensation de l'État.
Applaudissements sur les bancs du groupe LT.
Nous nous sommes déjà beaucoup exprimés en commission sur l'impact financier pour les collectivités territoriales de l'instruction obligatoire à partir de 3 ans. L'article 4 prévoit que l'État verse une compensation financière aux communes qui ne reconnaissaient pas les écoles maternelles privées par convention, c'est-à-dire celles qui ne versaient aucun forfait communal, soit environ un tiers des communes françaises. Celles qui versaient déjà une somme, même symbolique, ne seraient pas compensées – deux tiers des communes donc.
Sachant que surcoût global de la réforme est estimé à 150 millions d'euros – vous nous donnerez des précisions à ce sujet, monsieur le ministre – et que la compensation de l'État s'élève à seulement 40 millions, il y a un risque que la réforme pèse sur les budgets communaux. Les communes devront donc peut-être réaliser un certain nombre d'économies, en particulier sur le budget qu'elles consacrent aux écoles publiques, ce qui serait tout de même un comble.
Se pose aussi la question des collectivités territoriales qui ont contractualisé avec l'État dans le cadre des contrats de maîtrise de la dépense locale. Les collectivités concernées ont des dépenses de fonctionnement de plus 60 millions d'euros, et un taux d'évolution de leurs dépenses contraint, plafonné à 1,2 % par an. Si votre réforme provoque des surcoûts élevés, soit, par exemple, pour reprendre des cas précédemment évoqués, 2 millions d'euros pour Brest et Toulouse, ou 1 million pour Saint-Étienne, les collectivités territoriales concernées seront exposées à des pénalités financières prélevées par l'État.
Si l'on ajoute à cela, comme l'indiquait M. François Pupponi, la contribution financière pour les maternelles privées, la mobilisation d'ATSEM supplémentaires, le recrutement de vacataires pour l'accueil le matin et le soir et d'éventuelles dépenses de restauration supplémentaires, il y a bien un risque de dépasser mécaniquement le plafond d'évolution des dépenses réelles de fonctionnement. Si de surcroît la compensation n'est versée que deux ans plus tard, vous imaginez dans quelle situation nous allons placer les collectivités locales.
Nous souhaitons d'emblée affirmer que nous nous opposons au surcroît de subventions publiques en faveur de l'enseignement privé prévu à l'article 4.
L'enseignement privé relève d'un choix personnel des familles : il ne doit pas être financé avec l'argent de la collectivité. Nous savons tous que l'école privée peut être un vecteur d'inégalités. La question surtout des inégalités financières se pose. En plus du financement public, les établissements privés bénéficient d'un financement privé, issu des sommes versées par les parents, mais aussi par des associations ou diverses organisations.
Le coût d'inscription dans une école privée dresse souvent une barrière sociale entre les familles qui ont les moyens de payer et celles qui ne les ont pas. Par ailleurs, on se souvient de révélations fréquentes sur certains établissements privés – tous ne sont pas concernés – qui diffusent auprès des élèves des discours allant à l'encontre de l'égalité des droits. Bref, la liste des problèmes que peut poser l'enseignement privé est très longue, et je m'arrêterai là.
Nos écoles publiques manquent déjà de moyens : évitons de vider nos caisses en subventionnant des écoles privées ! Nous voterons contre l'article 4 en encourageant le Gouvernement à améliorer l'école publique.
L'article 4 pose beaucoup de questions. Monsieur le ministre, nous souhaitons que grâce à nos débats, vous puissiez rassurer les communes concernant le financement de l'instruction obligatoire à partir de 3 ans.
Ces communes nous questionnent. Qu'en sera-t-il de la compensation pour celles qui reconnaissent les écoles maternelles privées par voie de convention ? Qu'en sera-t-il de la temporalité du transfert de ressources ? Les communes ne comprendraient pas qu'on les contraigne à financer l'introduction de l'instruction obligatoire à partir de 3 ans. À vrai dire, ce serait même souvent tout simplement impossible pour elles.
Afin que l'école maternelle devienne un lieu fondamental dans la construction de l'enfant, il faut que vous rassuriez les communes qui mettront en oeuvre cette belle et grande mesure ambitieuse.
Monsieur le ministre, l'article 2 prévoit déjà l'abaissement à 3 ans de l'âge de la scolarisation obligatoire. Dans l'article 3, vous rendez obligatoire le forfait communal, et dans l'article 4, vous consacrez l'engagement de l'État à compenser ces nouvelles dépenses imposées aux communes. Sauf que la combinaison de ces trois termes donne naissance…
Monsieur le président de la commission ! Je comprends que vous trouviez l'heure bien tardive, mais je crois qu'il est important de s'arrêter là-dessus ne serait-ce que quelques instants, pour clarifier une situation que beaucoup de mes collègues viennent de pointer du doigt. M. Pupponi a parlé de sa circonscription, je peux moi vous parler de la commune d'Orly, où la combinaison de ces trois éléments crée un paradoxe à propos duquel nous attendons une clarification. J'en profite aussi pour… Monsieur le président de la commission ! Je vous parle ! Même quand on est prêt à discuter, vous balayez tout d'un revers de main ! Autant m'en aller.
Madame la présidente, j'allais vous féliciter une fois de plus pour votre présidence, mais je n'ose plus, depuis que notre collègue s'est mis en colère !
Je vous félicite un petit peu quand même.
Monsieur le ministre, je trouve que vous apportez à l'éducation nationale une forme d'élégance, dans votre attitude, par votre savoir et aussi par ce que vous exprimez.
Rires et exclamations.
J'ai entendu tout à l'heure la déclaration de notre collègue sur cet enfant qui, après avoir traversé mers et océans, avait été retrouvé mort, son carnet de notes sur le coeur. J'ai trouvé cela absolument exceptionnel. Et elle disait que si on laisse ces enfants tranquilles quelque temps, ils apprennent bien, parce que c'est leur manière de rendre hommage à la République française dans laquelle ils sont accueillis.
Cela étant, car je ne peux tout de même pas dire que du bien de vous, monsieur le ministre, il est dommage que vous continuiez à fermer des postes. Je sais que ce n'est pas de votre faute : c'est la politique générale de notre pays depuis trente ans, une politique qui laisse tant de possibilités aux riches et tellement peu aux faibles. Mais demain je dois manifester pour sauver quatre postes. Si vous pouviez en fermer moins, en tout cas dans ma circonscription, ce serait bien.
Rires.
Je voulais aussi vous dire que j'ai été saisi à propos des langues régionales.
Une fois de plus, elles se sentent menacées. Mais je sais que je peux faire confiance à votre éclectisme pour proposer une feuille de route.
Enfin, je pense à la commune de Larrau, dont tous les ministres de l'éducation successifs depuis Jules Ferry sauvent in extremis la classe unique. Allez-vous autoriser les enfants à y entrer à 3 ans ? Sinon, ils seront obligés de prendre un car et de faire une heure et demie de route !
Nous en venons aux amendements. Le no 665 est un amendement de suppression de l'article. Il n'est pas défendu.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, ce matin, à neuf heures trente :
Discussion de trois projets de loi d'approbation d'accords internationaux ;
Discussion du projet de loi autorisant l'approbation d'une convention fiscale entre la France et le Luxembourg ;
Suite de la discussion du projet de loi pour une école de la confiance.
La séance est levée.
La séance est levée, le jeudi 14 février 2019, à une heure cinq.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra