La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Ce matin, l'Assemblée a commencé la discussion des articles de la proposition de loi, s'arrêtant à l'amendement no 15 portant article additionnel après l'article 1er.
Nous commençons par des amendements qui vous permettent d'aborder cette proposition de loi de façon assez sereine, madame la ministre déléguée chargée de l'autonomie. Ils visent en effet à élargir l'information délivrée aux patientes afin de répondre à une préoccupation très courante dans notre pays. Un sondage réalisé par l'IFOP très récemment, le 30 septembre et le 1er octobre, montre en effet que 84 % des Français, ce qui n'est pas rien, sont favorables à l'intégration, dans le livret officiel d'information remis aux femmes enceintes qui consultent en vue d'une IVG – interruption volontaire de grossesse – et aux jeunes mères, du détail des aides dont elles peuvent bénéficier, et notre amendement va dans ce sens. La lecture précise de ce sondage vous indiquera que cette préoccupation est partagée très largement, quels que soient l'âge, la catégorie socioprofessionnelle, la proximité politique des personnes interrogées – on constate même que les sympathisants de La France insoumise sont les plus favorables à cette mesure, qu'ils sont 92 % à soutenir. Il s'agit d'opter pour une vision de l'information délivrée en matière d'interruption de grossesse qui ne soit ni partielle ni partiale, mais au contraire la plus objective possible.
Comme vient de le dire mon collègue Xavier Breton, il faut que nous nous préoccupions de la bonne et juste information des femmes confrontées à cette situation de détresse. Nous pensons qu'il faut être le plus explicite possible et mentionner les conséquences. Ce matin, le débat avec le ministre des solidarités et de la santé a largement tourné autour du fait que l'IVG n'est pas quelque chose d'anodin et qu'elle nécessite un traitement spécifique, notamment une information en amont qui soit la plus complète et objective possible.
La parole est à Mme Albane Gaillot, rapporteure de la commission des affaires sociales, pour donner l'avis de la commission sur les deux amendements identiques.
Ils tendent à modifier l'article L. 2223-1 du code de la santé publique, dont l'objet est d'offrir aux associations de défense des droits des femmes à l'accès à la contraception et à l'IVG, la possibilité d'exercer les droits reconnus à la partie civile en cas de délit d'entrave. Plus exactement, vous proposez de modifier la liste des associations concernées, en ajoutant celles qui ont pour objet statutaire la défense de l'accès aux moyens d'information sur les conséquences d'une IVG.
Sur le fond, nous sommes bien d'accord : vos amendements ne visent qu'à culpabiliser les femmes qui souhaitent avoir recours à un avortement. Sur la forme, ils sont totalement inopérants, car vous visez la description des associations féministes qui voudraient se porter partie civile pour un cas de délit d'entrave. Derrière ce dispositif, dont on peine à comprendre la portée, chacun comprend en revanche que se cachent en réalité des velléités de régression des droits des femmes.
« Oh ! » sur les bancs du groupe LR.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'autonomie, pour donner l'avis du Gouvernement.
À mon grand regret, s'agissant d'amendements dont vous m'avez dit, monsieur Breton, qu'ils me permettraient d'entrer avec sérénité dans le débat – sachant que je l'ai suivi toute la matinée – , mon avis est défavorable, pour les mêmes raisons d'ailleurs que celles avancées ce matin par le ministre des solidarités et de la santé.
Madame la rapporteure, vous émettez un jugement de valeur sans présenter d'éléments factuels – nous y revenons toujours. Nous considérons qu'il faut donner un maximum d'informations. Or vous nous apportez des réponses qui montrent que votre démarche est à sens unique. Pourtant, ce matin, les débats ont bien montré que les choses étaient un peu plus complexes. C'est la raison pour laquelle nous continuerons à demander plus de transparence.
Oui à l'information – nous sommes tous d'accord – , mais non à la dissuasion et encore davantage à la culpabilisation ! Dissuasion et culpabilisation, c'est bien cela qui se cache derrière ces deux amendements.
Le guide pratique remis aux femmes qui viennent demander une IVG est très bien fait, le ministre nous l'a dit ce matin. Ce document donne en particulier des informations sur la possibilité du choix de pratiquer une IVG, sur les différentes méthodes – instrumentale ou médicamenteuse – et sur les conditions de remboursement.
Faisons attention à ce qu'il y a derrière ces amendements : ils visent plutôt à pointer les femmes du doigt, à les culpabiliser et à leur inspirer un sentiment de honte qu'à leur fournir une véritable information.
Mme Bagarry vient de le dire : les informations sont données. Il faut faire confiance aux soignants et aux personnels qui reçoivent ces femmes ; ils connaissent un minimum leur métier et savent donner toutes les informations nécessaires. Ce matin, Mme Ménard – je crois qu'il s'agit bien d'elle, j'espère ne pas me tromper – disait que certaines femmes poussent la porte de ces professionnels sans véritablement savoir ce qu'elles veulent, et nous n'avons jamais dit le contraire. Le rôle des soignants est précisément de savoir les accueillir et de leur apporter toutes les réponses.
On nous répète sans cesse depuis ce matin que ces réponses n'iraient jamais que dans un seul sens ; je peux vous dire que c'est faux. Poussez donc ces portes, rencontrez les soignants, demandez-leur ce qu'ils disent à ces femmes et quelles brochures ils distribuent : vous serez très étonnés de constater que vos demandes sont déjà satisfaites.
On nous ressert systématiquement le mot « culpabilisation », mais une information peut être donnée, écoutée et comprise de manière sereine.
Quelle vision avez-vous du discernement des femmes ? Au fond, de quoi avez-vous peur ? Il y a eu un moment très révélateur, ce matin : quand notre collègue Ménard a évoqué la possibilité de voir sur internet des foetus de quatorze semaines, on a entendu des cris exhortant à ne surtout pas parler de ça ! On peut cependant en parler tranquillement et sereinement. N'ayez pas peur d'aborder ce débat ! On voit bien que vous voulez que l'information soit contrôlée, à sens unique.
Mme Agnès Thill applaudit.
En effet, lorsqu'elle ne l'est pas, cela oblige à prendre en compte plusieurs éléments – notamment la liberté de la femme, qui lui appartient complètement, mais également la protection de la vie à naître – , et il faut alors trouver un équilibre. Vous voulez au contraire écarter tout ce qui va dans le sens de la protection de la vie à naître et ne considérer qu'une liberté absolue et inconditionnelle de la femme, ce qui vous amènera un jour à supprimer tout délai pour l'interruption volontaire de grossesse.
Mme Albane Gaillot proteste.
C'est déjà demandé par certains d'entre vous, mais aussi par le Planning familial. Or nous savons bien qu'en ce moment, ce sont les militants qui orientent les lois dans la majorité. Nous l'avons constaté avec la révision des lois de bioéthique : le Gouvernement est incapable de tenir ses troupes et se fait déborder par les plus militants. Nous sommes dans la même situation avec ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Je crois que ce n'est pas la peine d'en rajouter : lorsqu'une femme décide d'avorter, c'est déjà pour elle un acte terrible et elle doit prendre une décision incroyable. Comme le disait Caroline Fiat, elle peut accéder à l'information dans les services de soins des hôpitaux. Il est inutile d'insister : ces femmes ont bien conscience de ce qu'elles font.
Je rappelle que nous travaillons là sur un texte relatif à l'accès à l'IVG, et non à l'accompagnement des jeunes mamans : ne nous trompons pas de débat. Mes collègues l'ont dit, une femme qui envisage une IVG a besoin de disposer d'un maximum d'informations sur l'acte médical, lesquelles seront délivrées par les praticiens. Restons-en à notre sujet !
L'avortement est certes un acte intime, mais le droit de le pratiquer est un enjeu sociétal qu'il nous appartient de préserver pour l'ensemble des femmes de notre pays, où qu'elles vivent sur le territoire et quelle que soit leur condition sociale. Or encore trop de femmes ne sont pas accompagnées dans des délais corrects, ce qui les rapproche des dates limites et les contraint à subir des actes plus lourds.
Il est important de rappeler que le droit à l'avortement est avant tout une question de choix, nous en avons parlé ce matin : le choix du lieu, le choix du professionnel et également le choix de la méthode, inscrit dans la loi. Or ce choix tend de plus en plus à faire défaut, ce dont nous ne pouvons nous satisfaire. Autoriser un plus grand nombre de professionnels d'être habilités à pratiquer l'IVG chirurgicale ne peut que renforcer l'effectivité du droit à l'avortement pour les femmes, en garantissant la réduction des délais de prise en charge et donc des risques, et en renforçant le libre choix de la méthode.
L'IVG médicamenteuse, au même titre que certains gestes chirurgicaux, comme la révision utérine, la délivrance artificielle, le retrait d'implant ou encore la réfection d'épisiotomie, fait déjà partie du champ de compétence des sages-femmes. Celles-ci ont l'habitude des gestes endo-utérins, et la profession dans son ensemble appelle à l'ouverture de la pratique de l'IVG chirurgicale. Cette ouverture doit naturellement s'accompagner d'exigences en matière de formation théorique et pratique.
C'est pourquoi, après plus d'un an de concertation et de travail avec les membres de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, nous avons présenté un amendement portant article additionnel lors du débat en commission. Nous vous appelons à voter l'article 1er bis.
Je rappelle que la France est le pays qui pratique le plus grand nombre d'avortements en Europe : une femme y avorte pour trois naissances ; on a compté, en 2019, 232 200 avortements pour 753 000 naissances. Ces chiffres vous satisfont-ils ?
Mettez le paquet sur la prévention et la contraception, mais comprenez que l'IVG n'est pas un acte comme un autre ! Nous savons que 88 % des Français sont favorables à une étude des causes et conséquences de l'IVG pour favoriser la prévention, et que 73 % des Français estiment que « la société devrait davantage aider les femmes à éviter le recours à l'IVG ». Cependant rien de tel n'est prévu dans ce texte, qui conçoit l'avortement comme l'issue obligatoire de toute grossesse non désirée, réprimant ainsi le libre choix des femmes.
N'avez-vous donc rien d'autre à offrir ? Voilà donc quelle est votre humanité, votre fraternité si souvent proclamée ? Et, dans ce cas, pourquoi pas seize semaines ou plus ? Accueillir l'IVG comme un acte anodin, c'est déresponsabiliser les couples, les hommes et les femmes. Je vous tiens par conséquent pour responsables ou complices d'une déresponsabilisation générale.
Madame la rapporteure, vous avez fait adopter l'article 1er bis en commission, sans aucune étude d'impact. Il autoriserait les sages-femmes à pratiquer des IVG par voie chirurgicale jusqu'à la fin de la dixième semaine de grossesse, peut-être davantage si nous adoptions les amendements que vous allez nous proposer.
La limite de dix semaines, fixée par cet article, montre d'ailleurs l'importance du délai et de l'acte qui s'y rapporte. Il est ainsi démontré qu'une IVG à dix semaines – ce que prévoyait la loi Veil – , ce n'est pas la même chose qu'une IVG à quatorze semaines, voire davantage.
Des questions légitimes tenant à la charge de travail, à la formation et à la rémunération des sages-femmes appellent de notre part une réflexion aboutie pour des réponses adaptées. Or la proposition de loi et l'article 1er bis ne nous le permettent pas.
Les sages-femmes exercent un beau métier, celui de l'accueil de l'enfant, qui mériterait d'être mieux reconnu, comme cela a été dit sur tous les bancs en commission. C'est, selon moi, un préalable avant toute nouvelle mission supplémentaire. J'en profite pour saluer l'engagement de ces sages-femmes, si disponibles, qui assurent, dans nos territoires, la proximité auprès des femmes qui en ont besoin.
Cet article, adopté par amendement en commission, tend à autoriser les sages-femmes de faire des avortements chirurgicaux par aspiration jusqu'à la fin de la dixième semaine.
Pour commencer, il pose un problème de méthode : il faudrait engager une concertation avec les sages-femmes, une partie de la profession considérant que ce n'est pas sa mission, son coeur de métier, de provoquer des interruptions de grossesse – ce sont des réactions qu'il faut entendre.
Ensuite, ce geste, l'avortement chirurgical, peut entraîner des complications qu'il faut être capable de gérer. Or, manifestement, la formation des sages-femmes et le matériel dont elles disposent ne sont pas à la hauteur.
Au-delà des arguments idéologiques qui poussent à élargir l'accès à l'avortement de manière inconditionnelle, il y a des réalités pratiques qu'il faut prendre en compte. C'est pourquoi nous proposons la suppression de cet article.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 40 .
L'article 1er bis vise en effet à autoriser les sages-femmes à pratiquer les IVG jusqu'à la fin de la dixième semaine par voie chirurgicale. La formation et la qualification d'une sage-femme n'étant pas celle d'un médecin, une IVG chirurgicale ne devrait pouvoir être pratiquée que par un médecin, aussi bien pour des raisons de sécurité évidentes qu'eu égard à la nature même de la mission des sages-femmes. C'est pourquoi l'article 1er bis doit être supprimé.
Il vise à supprimer la disposition permettant aux sages-femmes de pratiquer l'IVG jusqu'à la dixième semaine de grossesse, sachant qu'elles assurent déjà une prise en charge dans le cadre des IVG médicamenteuses.
Pour des raisons de statut, et donc de responsabilité, il est difficile de les autoriser à pratiquer l'IVG chirurgicale. Avant de leur confier cette nouvelle compétence, il faut clarifier leur statut car il existe actuellement une confusion. C'est nécessaire pour assurer les professionnels et les femmes d'une prise en charge de qualité, en toute sécurité. Nous vous suggérons de procéder par étapes et donc de supprimer cette nouvelle disposition.
La formation et la qualification d'une sage-femme n'étant pas celle d'un médecin, il est totalement inconcevable qu'elle puisse accomplir un acte à caractère chirurgical. La rédaction de cet article, qui prévoit de limiter l'intervention de la sage-femme à la fin de la dixième semaine de grossesse, démontre, si besoin était, que l'allongement du délai à douze semaines rend l'IVG plus complexe sur le plan médical, compte tenu de la plus grande taille du foetus. Il convient donc de supprimer une telle disposition.
Je ne vous comprends pas. Ce matin, vous expliquiez que la disposition sur l'allongement des délais ne suffisait pas, qu'il fallait accroître l'offre, recourir à d'autres dispositifs, réduire les disparités territoriales. Or l'intérêt de la présente disposition, adoptée en commission des affaires sociales à l'instigation de la délégation aux droits des femmes, est de jouer sur les freins à l'effectivité du droit à l'avortement.
Vous évoquez le statut et la formation des sages-femmes. L'amendement no 94 à venir va nous permettre d'aborder la question du statut. S'agissant de la formation, je tiens à rappeler, comme Mme Rixain, que les sages-femmes pratiquent déjà des gestes intra-utérins, pour lesquels elles sont formées : il convient seulement d'ajouter une spécialisation à leur formation. Les sages-femmes, qui ont été auditionnées par la commission et par la délégation aux droits des femmes, sont désireuses d'accompagner les femmes dans leur parcours d'IVG instrumentale, comme elles le font déjà lors d'IVG médicamenteuses.
Sur ces amendements, l'avis est donc défavorable.
Je me permettrai d'être un peu longue pour ne pas avoir à revenir sur notre position plus tard dans le débat.
Les sages-femmes exercent une profession médicale qui occupe une place toute particulière dans la santé des femmes tout au long de leur vie, en assurant un suivi gynécologique de prévention et en prescrivant une contraception. La profession s'est adaptée aux besoins des femmes. Les sages-femmes s'investissent prioritairement dans la prévention et dans la santé sexuelle et reproductive, en ayant une approche globale des femmes, qui inclut l'accompagnement de celles ayant recours à une IVG.
À ce titre, elles peuvent, depuis 2016, réaliser des IVG médicamenteuses. Pour pouvoir exercer cette compétence, elles doivent justifier d'une pratique suffisante et régulière des IVG médicamenteuses dans un établissement de santé, attestée par le directeur de l'établissement, sur justificatifs présentés par le responsable médical concerné. Dans le cadre de cette convention avec l'établissement de santé, les sages-femmes doivent communiquer aux femmes le nom de l'établissement partenaire qui pourra les prendre en charge à tout moment en cas de complication. Il est en outre remis à la femme une fiche de liaison, définie conjointement avec l'établissement de santé signataire de la convention, concernant les éléments utiles de son dossier médical.
Ouvrir une pleine compétence en orthogénie à ces professionnels de santé, qui pratiquent déjà des gestes endo-utérins, peut représenter une vraie opportunité pour renforcer l'accès à l'IVG. Il s'agit de garantir une offre de proximité, en tout point du territoire, quel que soit le terme gestationnel, et de répondre à tous les besoins. Nombre de données montrent en effet que trop de départements sont sous-dotés en gynécologues-obstétriciens, alors que le maillage territorial est plutôt en voie d'amélioration et satisfaisant en ce qui concerne les sages-femmes.
L'implication de ces dernières en matière d'IVG médicamenteuse progresse mais reste à conforter et à approfondir. Tous les professionnels de santé, y compris les sages-femmes, qui ont pu mentionner ce point dans leur contribution au Ségur de la santé, reconnaissent qu'il y a des préalables incontournables avant de généraliser cette nouvelle compétence en l'attribuant à toutes les sages-femmes et en tout lieu.
Quatre prérequis me semblent indispensables pour assurer aux femmes une prise en charge sûre et de qualité, dans des conditions sécurisées pour les sages-femmes : une formation adaptée, comme dans le cas de l'IVG médicamenteuse ; une expérience en matière d'IVG, permettant d'évaluer si l'état de santé de la femme autorise une telle prise en charge ; l'élaboration de modalités de coopération avec les médecins en cas de survenue de complications ; un environnement permettant aux professionnels d'exercer en toute sécurité et de garantir aux femmes une prise en charge immédiate.
Dans quelques instants, Mme Goulet vous présentera un amendement no 94 proposant une expérimentation de trois ans qui permette de définir le cadre et les conditions de réalisation des IVG instrumentales par les sages-femmes. Cette expérimentation me semble répondre à des exigences sur lesquelles nous ne transigerons jamais : la qualité et la sécurité des soins. Une fois évaluée, cette expérimentation permettra de décider de manière éclairée s'il faut généraliser cette nouvelle compétence et, le cas échéant, dans quelles conditions. Cette expérimentation répond également à votre demande d'étude d'impact concernant l'amélioration de l'accès à l'IVG instrumentale de manière globale, en particulier dans les territoires où des inégalités ont été constatées.
Pour ces raisons, je vous demande de retirer vos amendements au profit de l'amendement no 94 de Mme Goulet.
Après avoir entendu beaucoup de choses, je demanderai un peu de cohérence dans les propos. Les sages-femmes recevront évidemment une formation. Si vous avez si peur de leurs actes, chers collègues qui siégez sur les bancs d'en face, nous allons avoir un problème de natalité dans le pays : il va falloir leur demander d'arrêter tout de suite de faire accoucher dans les maternités.
Mme la rapporteure applaudit.
Ne savez-vous pas, chers collègues, que les obstétriciens n'accompagnent pas les sages-femmes ? Elles font les accouchements, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, seules auprès des mamans.
L'obstétricien ne vient que très rarement.
Savez-vous que les sages-femmes pratiquent des actes chirurgicaux sur des mamans qui accouchent, chaque jour, 365 jours par an, dans notre pays, en France ? Et cela ne vous pose aucun problème !
Applaudissements sur les bancs du groupe FI et sur plusieurs bancs des groupes LaREM, SOC, GDR et EDS.
Quand nous demandons des moyens pour améliorer le statut des sages-femmes, pendant l'examen du PLFSS – le projet de loi de financement de la sécurité sociale – , on ne vous entend pas. En revanche, dès qu'il s'agit d'IVG, alors là, on vous entend : « Oh là là ! Le statut des sages-femmes ! »
Mme Catherine Fabre applaudit.
Nous aussi, on vous entend, et on n'apprécie pas forcément ce que vous dites !
Si le statut des sages-femmes pose problème, c'est tout le temps. Dans ce cas, allez jusqu'au bout de vos revendications et interdisez aux sages-femmes de faire accoucher et d'administrer des actes chirurgicaux. On aura alors un vrai problème de natalité dans notre pays.
Applaudissements sur les bancs des groupes FI et EDS ainsi que sur quelques bancs des groupes LaREM et SOC.
Permettez-moi de vous dire que les sages-femmes – femmes et hommes – sont des professionnels de la santé de la femme, qui n'interviennent pas uniquement au moment de la naissance et de l'accueil des enfants. Comme l'a dit Mme la ministre déléguée, ils prescrivent aussi des contraceptifs et pratiquent des actes gynécologiques, dont des actes endo-utérins.
La délégation aux droits des femmes, lors de la concertation, a rencontré des représentants du Collège national des sages-femmes de France et du Conseil national de l'Ordre des sages-femmes, et elle a constaté que ces instances sont très favorables à la mesure.
En outre, les sages-femmes ont déjà des compétences en matière d'orthogénie. Il s'agit seulement de compléter et de finaliser les gestes qu'elles accomplissent déjà dans ce domaine, et donc d'augmenter le nombre de professionnels de santé afin de permettre aux femmes, je le répète, d'avoir recours à des IVG dans des délais corrects.
Je vous ai entendu vous déclarer favorable à l'expérimentation proposée par l'amendement de notre collègue Perrine Goulet, madame la ministre déléguée. Or l'AP-HP – Assistance publique-Hôpitaux de Paris – conduit déjà une expérimentation dont nous avons des résultats, et la HAS – Haute Autorité de santé – s'en est saisie. Proposer une énième expérimentation pour une durée de trois ans, ce n'est que repousser éternellement le sujet. Nous pouvons accorder cette pleine compétence d'orthogénie aux sages-femmes, tout aussi compétentes en la matière que certains praticiens.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Merci, madame Rixain, d'avoir souligné dans votre intervention que les sages-femmes sont aussi bien des femmes que des hommes !
La parole est à M. Patrick Hetzel.
Une question se pose avec l'article 1er bis : celle de l'adhésion des professionnels de santé au nouvel acte qui leur sera demandé. Or il semblerait, d'après les réponses des sages-femmes interrogées, qu'elles sont nombreuses à ne pas y être favorables. Du reste, elles insistent sur les problèmes de responsabilité que pourrait leur poser l'avortement chirurgical.
Madame la ministre déléguée, quelle concertation avez-vous menée avec les organisations représentatives des sages-femmes ? Avez-vous dialogué avec elles pour connaître leur position ? Nous sommes nombreux à avoir constaté que la profession n'est pas unanime quant à cette nouvelle disposition, loin de là. Les sages-femmes ont pleinement conscience de la responsabilité très forte qui sera désormais la leur si nous allons dans ce sens. Le législateur ne peut évidemment pas se prononcer sans tenir compte de l'avis des professionnels.
Une autre limite de cette disposition, que vous avez évoquée, tient à la formation, qui devrait être préalable à son application. Vous ne pouvez pas imposer aux sages-femmes de pratiquer un acte auquel elles n'ont pas été formées, d'autant qu'il s'agit d'un acte chirurgical et plus seulement d'une prescription médicamenteuse.
M. Xavier Breton applaudit.
Il serait bon de cesser de caricaturer nos propos : en aucune manière nous ne mettons en cause le travail extraordinaire des sages-femmes de notre pays. Vous avez raison, la présence de cette profession sur tout le territoire est importante s'agissant de la question qui nous occupe aujourd'hui.
Je veux toutefois souligner, comme mon collègue Patrick Hetzel, que les sages-femmes ne demandent pas toutes à pouvoir accomplir l'IVG par voie chirurgicale. Soyons honnêtes, elles sont partagées : certaines souhaitent pouvoir aller au-delà de l'intervention médicamenteuse, d'autres non. Quoi qu'il en soit, toutes celles que j'ai rencontrées sur le territoire que je connais m'ont alertée sur deux points : la formation et la responsabilité.
Je souscris donc aux propos de Mme la ministre déléguée : sur un tel sujet, il convient d'agir pas à pas et non, comme le fait ce texte de manière générale, dans la précipitation.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Après avoir refusé d'allonger le délai maximal de recours à un avortement en le faisant passer de douze à quatorze semaines de grossesse, vous refusez maintenant d'autoriser les sages-femmes à pratiquer des IVG par voie chirurgicale. Alors je vous pose une question : comment, dans mon territoire, permettre aux femmes d'accéder à l'avortement puisque, comme je l'ai dit ce matin, un seul médecin pratique l'IVG par voie chirurgicale ? Inutile de préciser ce qui se passe quand il est en vacances !
Il me semble important d'autoriser les sages-femmes à pratiquer des IVG par voie chirurgicale car plus les professionnels de santé seront nombreux à les pratiquer, plus tôt dans leur grossesse les femmes pourront accéder à l'avortement, et éviter ainsi d'y recourir à quatorze semaines. Nous avons donc tous à gagner à ce que les sages-femmes pratiquent des avortements.
D'autant que le désengagement des médecins en matière d'avortement est important, ainsi que la désertification médicale dans certains territoires. Les femmes qui ont besoin de pratiquer un avortement et de bénéficier d'un accompagnement dans cette épreuve ne doivent pas être victimes de la désertification médicale engendrée par des décisions antérieures et des années de mauvaise gestion de la population des médecins. Une expérimentation est dès lors indispensable pour encadrer la pratique de l'avortement par les sages-femmes. Il y va de l'accès de toutes les Françaises à l'IVG et du recours le plus précoce possible à l'IVG.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
On nous dit que le Collège national des sages-femmes de France et le Conseil national de l'Ordre des sages-femmes ont été consultés, mais les sages-femmes que je connais bien…
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM
… et qu'elles ne sont pas forcément demandeuses. C'est pour le moins étonnant ! Le Collège national des gynécologues et obstétriciens français aurait consulté les organisations représentatives de sages-femmes il y a deux jours à peine. Celles-ci semblent d'ailleurs assez partagées quant à la proposition de loi. Elles souhaitent avant tout la revalorisation de leur profession et la création d'un statut médical de sages-femmes prenant en considération l'ensemble des gestes qu'elles pratiquent. Comme vous le savez, rares sont ceux qui se lancent dans des études de médecine ou de maïeutique pour pratiquer des IVG, un acte hyperspécialisé et pour le moins particulier…
De toute évidence, la proposition de loi se heurte à un problème de temporalité. Elle recouvre des enjeux très importants, dont nous ne pouvons pas discuter en un temps aussi restreint – je n'irai pas jusqu'à dire que nous sommes pris en otage. En outre, les attentes des praticiens concernent bien d'autres questions que l'IVG par voie chirurgicale. En tant que soignant, je suis sensible à leur demande légitime de revalorisation globale de leur profession. Il me semble donc nécessaire que leurs organisations syndicales représentatives mènent de réelles consultations, larges et ouvertes. De toute évidence, il y a des dissensions à l'heure actuelle dans les rangs de ces praticiens.
Il n'est plus possible, à ce stade du débat, de regretter les inégalités territoriales en matière d'accès à l'avortement – nous en avons suffisamment parlé ce matin – tout en s'opposant à l'extension de la compétence des sages-femmes en matière d'IVG, qui permettra d'augmenter cette offre médicale, voire de la créer, puisque certains territoires en sont totalement dépourvus.
Bien entendu, tout comme les médecins, les sages-femmes auront la possibilité de ne pas pratiquer d'IVG. Certains ont dit qu'elles le souhaitaient, d'autres qu'elles ne le souhaitaient pas : c'est un fait, elles ne sont pas toutes d'accord – nous l'avons constaté lors des auditions. Néanmoins, les médecins non plus n'étaient pas unanimes sur le droit à l'avortement lorsqu'il a été instauré ; ils ont le choix de pratiquer ou non des avortements, comme demain les sages-femmes.
Étant donné l'insuffisance de l'offre médicale dans certains territoires, autoriser les sages-femmes à pratiquer des IVG par voie chirurgicale constitue une opportunité que nous ne pouvons pas repousser. Les sages-femmes démontrent tous les jours leurs compétences, notre collègue Fiat a eu raison de le rappeler. Leur métier doit être revalorisé, leur statut modifié, leur rémunération mieux encadrée, et il faut surtout leur donner les moyens d'exercer cette nouvelle compétence.
Quant à l'expérimentation proposée, on ne peut qu'y être favorable, mais pourra-t-elle avoir lieu dans tous les territoires ? Rien n'est moins sûr. C'est pourquoi nous préconisons plutôt la généralisation de l'extension de la compétence des sages-femmes en matière d'IVG.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC, FI et EDS.
Je suis saisie de trois amendements, nos 64 rectifié , 88 rectifié et 94 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 64 rectifié et 188 rectifié sont identiques.
La parole est à Mme Agnès Thill, pour soutenir l'amendement no 64 rectifié .
Pour des raisons de sécurité évidentes et en raison de la nature même de la mission des sages-femmes, il est urgent de rétablir le principe selon lequel une interruption volontaire de grossesse ne peut être pratiquée que par un médecin.
Nulle part dans le référentiel métier et compétences des sages-femmes, il n'est fait allusion à une pratique éventuelle de l'avortement. La mission première d'une sage-femme est de prendre soin de la femme enceinte et de son enfant, avant et après la naissance. Prescrire l'IVG est contraire à l'essence du métier de sage-femme.
Cette profession doit être protégée : il n'est pas question que lui reviennent des tâches jugées ingrates, voire dévalorisantes, par les médecins. Selon un article de 2013 du Blog des soignants, les sages-femmes souffrent de « surbooking » : une véritable pénurie existe dans les services de maternité des grands établissements de santé. Or la mission des sages-femmes est d'accompagner, dans les meilleures conditions possibles, les 820 000 naissances annuelles en France. C'est pourquoi il convient de réserver la pratique de l'avortement aux seuls médecins.
La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l'amendement no 88 rectifié .
Notre collègue Perrine Goulet nous a expliqué tout à l'heure que, dans sa circonscription, un seul médecin pouvait pratiquer des IVG par voie chirurgicale, d'où la nécessité d'autoriser les sages-femmes à pratiquer ce geste. Mais que se passera-t-il si des complications surviennent lors d'une IVG par voie chirurgicale pratiquée par une sage-femme ?
Vous l'avez dit, madame Goulet, le seul médecin de votre territoire peut très bien être en vacances. Que se passera-t-il alors ? Il s'agit là d'une question concrète, qui ne vise nullement à mettre en cause la bonne volonté des sages-femmes, dont je ne doute pas. Toutefois, leur formation et les équipements dont elles disposent sont-ils à même de leur permettre de pratiquer des IVG par voie chirurgicale dans de bonnes conditions ? Une fois encore, je ne fais que poser des questions concrètes, loin de toute idéologie. Que se passera-t-il, dans votre département, si l'intervention pratiquée par une sage-femme se passe mal ?
Sans compétences et sans équipements adéquats, que pourra faire cette professionnelle ? Devra-t-elle se retourner vers le département voisin ?
Indubitablement, le problème n'est pas simple et demande réflexion. Le Gouvernement a proposé qu'un travail complémentaire soit mené : dont acte. Le sujet méritait en effet une approche pragmatique et non idéologique.
Pour lutter contre le non-recours à l'IVG et contre l'IVG tardive, nous pensons que permettre aux sages-femmes de pratiquer des IVG instrumentales constituerait une grande avancée, voire une réponse aux retraits des médecins sur ce sujet dans nos territoires. Comme l'ont rappelé plusieurs de nos collègues, les sages-femmes sont des professionnelles qui accompagnent chaque jour les femmes de notre pays dans leur rapport à la sexualité, à la contraception, à la maternité, à l'avortement médicamenteux et, en règle générale, à leur corps. Elles sont bien plus présentes dans nos territoires que les médecins et elles ont toute la confiance des femmes.
Toutefois, nombre d'interrogations subsistent, et des interrogations légitimes : les sages-femmes ont-elles toutes la volonté de pratiquer des IVG par voie chirurgicale ? comment doit-on encadrer la partie assurantielle ? comment doit-on former les sages-femmes à ce nouvel acte ? quelle sera leur rémunération si elles le pratiquent ? Car il faut bien sûr aborder le sujet de leur rémunération.
Je propose par conséquent une expérimentation de trois ans. Cela ne constitue pas, selon moi, un recul par rapport au texte de la commission. Il s'agit seulement d'accompagner les sages-femmes dans l'évolution de leurs compétences et à adapter le dispositif en fonction de leurs retours d'expérience. C'est donc par la voie législative et réglementaire que le groupe Dem vous propose de trouver un terrain d'entente et de compromis.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
Plutôt qu'un long discours et puisque plusieurs d'entre vous ont regretté que les sages-femmes n'aient pas été entendues, permettez-moi de vous donner lecture de quelques extraits d'une lettre que l'Association nationale des sages-femmes orthogénistes a envoyée aux députés le 5 octobre 2020. Cet extrait porte sur la pratique de l'IVG par voie chirurgicale : « Outre l'aspect technique relativement simple pour notre profession, déjà aguerrie à la pose des dispositifs intra-utérins, à la délivrance artificielle à la révision utérine, mais aussi à la pratique chirurgicale de l'épisiotomie et à sa réfection, nous sommes confrontés quotidiennement à des gestes beaucoup plus techniques et compliqués comme l'intubation ou même la pose de cathéter, chez un grand prématuré par exemple. Notre formation initiale comporte vingt heures d'enseignements théoriques dédiés à la contraception et à l'IVG, contre deux à quatre pour les médecins en médecine générale. [… ] Cette compétence est tout à fait reconnue par nos collègues obstétriciens puisque, concernant les interruptions médicales de grossesse, donc des grossesses de 16 SA – semaines d'aménorrhée – à 41 SA, ils nous confient, sans états d'âme l'ensemble du processus, excepté celui de la décision. »
Mon avis est donc défavorable sur les amendements de Mme Thill et de M. Breton.
Quant à l'expérimentation proposée par Mme Goulet, j'y suis également défavorable car l'amendement adopté par la commission qui prévoit la généralisation de la disposition représente, selon moi, une grande avancée.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Mme la ministre déléguée s'est déjà exprimée favorablement à propos de l'amendement no 94 .
Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux autres ?
Avis défavorable.
Nous sommes défavorables à l'amendement no 94 , qui conduirait à limiter dans le temps, par le biais d'une expérimentation, la pratique de l'IVG par voie chirurgicale par les sages-femmes et les maïeuticiens. Évitons d'ailleurs, dans cet hémicycle, d'utiliser la formule « sages-hommes » : même des hommes se revendiquent sages-femmes puisque la sagesse dont il est question concerne le corps des femmes. Cette précision est importante, me semble-t-il, pour que nous parlions tous de la même chose !
M. Erwan Balanant applaudit.
Sinon, nous pouvons aussi parler de « maïeuticiens et maïeuticiennes ».
Les sages-femmes ont une connaissance spécifique du corps des femmes. Ce sont donc, je crois, des personnels particulièrement habilités pour pratiquer les IVG par voie chirurgicale, des actes généralement simples à mener. Et, quand il y a complication – je réponds aux collègues de la droite – , un médecin est toujours appelé, et il a l'obligation de venir. C'est la même chose pour les accouchements, et les dangers sont au moins aussi importants, si ce n'est plus : certains sont réalisés intégralement par des sages-femmes et, en cas de complication, un médecin intervient.
Exclamations sur les bancs des groupes LR et UDI-I.
C'est ainsi que ça se passe : des accouchements sont réalisés par des sages-femmes, dans des hôpitaux, dans des cliniques, et l'on n'appelle un médecin qu'en cas de souci.
Je pense effectivement à des accouchements dans des hôpitaux ou dans des cliniques.
Nous devrions être les premiers, dans cet hémicycle, à reconnaître et valoriser le métier de sage-femme, y compris financièrement, car les salaires sont des salaires de misère, et je pèse mes mots. Nous avons là l'occasion de mieux reconnaître leurs compétences et d'apporter un plus pour les femmes souhaitant avorter.
Applaudissements sur les bancs des groupes FI, SOC, GDR et EDS ainsi que sur quelques bancs du groupe LaREM.
Merci pour votre petite leçon de sémantique, mais convenez tout de même que la formule surprend…
Les amendements identiques nos 64 rectifié et 88 rectifié ne sont pas adoptés.
L'amendement no 94 n'est pas adopté.
Je souhaite moi aussi appeler l'attention sur le statut des sages-femmes, profession médicale dans le code de la santé publique, non médicale dans le code de la fonction publique hospitalière. Au moment où nous voulons étendre leurs missions, li me semble nécessaire de rectifier cette incohérence, d'autant qu'elle entraîne une discrimination envers les sages-femmes hospitalières au regard des primes et des revalorisations.
Je regrette que l'amendement prévoyant une expérimentation proposé par Mme Goulet n'ait pas été adopté car cela nous aurait donné du temps pour mettre en cohérence ces deux codes. Je propose d'inscrire dans le texte qu'il s'agit de professions médicales à part entière, quel que soit le lieu d'exercice.
La parole est à Mme Véronique Hammerer, pour soutenir l'amendement no 106 .
Je tiens à saluer ce texte, qui met enfin à l'honneur une profession remarquable et extrêmement importante, notamment dans nos ruralités.
L'objectif de mon amendement est d'apporter une clarification quant au statut des sages-femmes car il existe une confusion. En effet, le titre IV du code de la fonction publique hospitalière classe les sages-femmes parmi les professions non médicales, avec un statut particulier depuis 1989. Or le code de la santé publique les définit comme profession médicale, à côté des médecins et chirurgiens-dentistes. Cette confusion n'est pas sans conséquences : par exemple, elles n'ont pas droit à la prime d'urgence. Pourquoi ? Je demande que soit réparée cette injustice aberrante.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je vous rejoins entièrement sur le statut des sages-femmes : il y a quelque chose à faire. Je me demande toutefois s'il ne convient pas plutôt d'agir au niveau réglementaire. C'est pourquoi je donne un avis de sagesse, tout en précisant que, lors de la réunion qui s'est tenue au titre de l'article 88, ce matin, la commission a rejeté ces deux amendements.
J'insiste sur le respect que nous éprouvons tous pour les sages-femmes : personne ne peut renvoyer la balle à ce propos ou intenter des procès d'intention. Le ministre des solidarités et de la santé a reçu la semaine dernière l'ordre des sages-femmes, a entendu leurs revendications légitimes et est en train de travailler avec elles sur la revalorisation qu'elles demandent.
S'agissant des amendements, la précision est superfétatoire car le code de la santé publique est très précis sur les missions des sages-femmes. L'avis est défavorable car ces amendements sont satisfaits.
Je soutiens ces amendements car la demande première des sages-femmes est d'être reconnues pour ce qu'elles accomplissent, ce qui n'est absolument pas le cas au vu de leur rémunération et de leur statut. C'est pourquoi nous proposions par amendement de nous appuyer sur une expérimentation : cela aurait été l'occasion de mettre à plat les questions de leur rémunération, de leur statut, de leurs responsabilités. Je ne sais pas si c'est le lieu mais c'est en tout cas toujours le moment de poser ces questions.
La question est importante et ne date pas d'aujourd'hui. Il y a eu des sages-femmes bien avant des obstétriciens, bien avant la médicalisation des accouchements.
La dissonance qui vient d'être soulignée a des répercussions concrètes sur le travail des sages-femmes et leur formation, dont on n'a pas beaucoup parlé jusqu'à présent. Les sages-femmes, en particulier celles exerçant en milieu hospitalier, passent pour un corps non médical et ne peuvent donc pas bénéficier des mêmes accès à la formation que le corps médical. Il est bon qu'elles puissent être reçues par le ministère, car il est important d'avancer sur ces questions statutaires. Même si ces amendements ne permettront pas d'y arriver, ils présentent l'intérêt de parler de cette injustice. Les sages-femmes ont un statut médical : il faut l'inscrire dans les faits et dans la loi.
Hier, lors de l'audition de M. le ministre Véran, à laquelle assistait d'ailleurs Mme la ministre déléguée Bourguignon, il m'a clairement répondu, au sujet du statut des sages-femmes – j'ai relu ses mots par la suite – , qu'il était prêt à engager un dialogue avec elles et avec leur ordre, et que la question de la modification du statut les concernait elles et elles seules. Or, si j'ai bien compris ce qu'elles me disent, leur profession est traversée par des dissensions au sujet de la modification de leur statut ; les choses ne sont pas aussi simples que l'on souhaiterait.
Notre groupe ne participera pas à ce vote, parce que nous souhaitons d'abord auditionner les sages-femmes. Celles de la fonction publique hospitalière ne veulent pas de ce statut.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LR.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Puisque les sages-femmes pourront pratiquer une IVG chirurgicale jusqu'à dix semaines, cet amendement de repli vise à s'assurer qu'elles la réaliseront dans un établissement de santé, public ou privé, afin de garantir une prise en charge de qualité et en toute sécurité.
L'amendement me semble déjà satisfait puisque les IVG instrumentales se pratiquent en établissement de santé. Je demande le retrait ; sinon, l'avis sera défavorable.
Avis de sagesse, par cohérence avec notre avis favorable sur l'amendement no 94 , qui prévoit que cela se passe dans un établissement de santé.
L'amendement no 60 n'est pas adopté.
Actuellement, seule la réalisation d'une IVG dans un établissement de santé garantit un véritable anonymat de l'intervention. Aussi, des problématiques liées à la confidentialité subsistent, notamment pour les jeunes majeures. Ces jeunes femmes de dix-huit à vingt-quatre ans ne sont pas protégées comme les mineures ; or beaucoup d'entre elles ne souhaitent pas révéler leur IVG à leur entourage. Dans ce cas, l'envoi des factures médicales au domicile familial peut conduire à des histoires dramatiques. Un accès libre à l'IVG passe nécessairement par la possibilité de garantir une confidentialité effective si la femme en fait la demande. C'est pourquoi je propose de clarifier la législation en garantissant le droit à l'anonymat et à la confidentialité de l'IVG pour toutes les femmes.
La parole est à Mme Michèle Victory, pour soutenir l'amendement no 52 .
Je veux redire l'importance – il en a beaucoup été question ce matin – de mieux accompagner les femmes dans ce parcours difficile de l'IVG. J'insiste sur le manque de moyens dédiés aux structures, centres d'IVG, plannings familiaux, ainsi que sur l'absence, depuis 1984, de gynécologues médicaux, cette spécialité ayant été absorbée dans celle plus vaste de l'obstétrique chirurgicale, ce qui ne facilite pas du tout une prise en charge satisfaisante de la santé du corps des femmes. Il a d'ailleurs été indiqué à plusieurs reprises dans la matinée que beaucoup d'associations féministes ne sont pas sur la même longueur d'ondes que le collège de ces praticiens, et loin de là, sur des sujets très importants comme les violences gynécologiques ; ce n'est pas directement lié à la présente discussion mais il me semblait important de le rappeler.
Pour en venir à l'amendement, il s'agit de combler le gap, que personne n'ignore, entre les textes en vigueur et la réalité, en particulier pour les mineures et les jeunes majeures. La protection de l'anonymat dont elles devraient bénéficier n'est pas toujours assurée, et nous savons les drames que cela peut produire dans leur famille ou leur entourage quand elles voulaient cacher leur grossesse et qu'elles se retrouvent confrontées à ce qu'elles voulaient garder pour elles et pour les praticiens. Il faut vraiment aller plus loin dans ce domaine en assurant réellement à toutes ces jeunes filles l'effectivité de ce qui existe déjà dans la loi mais qui fonctionne mal.
Je vous remercie pour ces deux amendements, qui rappellent que la confidentialité et l'anonymat constituent l'une des clefs de voûte et l'un des principes fondamentaux du respect du droit à l'avortement. Je comprends parfaitement votre intention, mais il me semble que la formulation de l'amendement no 120 rectifié , que nous allons examiner dans quelques instants, est plus appropriée. Il prévoit d'insérer dans le code de la santé publique un article L. 2212-10 ainsi rédigé : « La prise en charge de l'interruption volontaire de grossesse est protégée par le secret afin de pouvoir préserver, le cas échéant, l'anonymat de l'intéressée. » Je vous demande de retirer vos amendements au profit du no 120 rectifié, qui a été déposé par Mme Muschotti.
Ces amendements visent à garantir l'anonymat, et je souscris bien sûr pleinement à cette intention. Mais cela suppose comme préalable la mise en place du tiers payant obligatoire, dont nous allons parler dans un instant, sans quoi l'assurée se trouve contrainte d'avancer au moins des frais pour en obtenir le remboursement et a dès lors évidemment peine à maintenir la confidentialité de ces informations. Comme l'amendement no 119 rectifié de Mme Muschotti va exactement dans votre sens en généralisant le tiers payant, je vous demande de retirer les vôtres ; à défaut, j'émettrais un avis défavorable au profit de son amendement.
Je retire le mien, au profit de l'amendement no 119 rectifié , qui renforce le respect du choix de la confidentialité par la mise en place du tiers payant.
L'article 1er bis, amendé, est adopté.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM.
Je suis saisie de deux amendements portant article additionnel après l'article 1er bis, nos 119 rectifié et 120 rectifié, qui peuvent faire l'objet d'une présentation groupée.
La parole est à Mme Cécile Muschotti, pour les soutenir.
La ministre déléguée a commencé à en parler. Si l'IVG est prise en charge à 100 % par l'assurance maladie obligatoire, la dispense d'avance de frais n'est en revanche pas garantie dans tous les cas et pour toutes les assurées, aussi bien les mineures que les majeures. L'absence de pratique systématique du tiers payant intégral ne permet pas de garantir le respect du secret pour les assurées qui souhaiteraient, pour des raisons évidentes, maintenir la confidentialité de ce parcours médical. Pour cette raison, l'amendement no 119 rectifié tend à rendre obligatoire la pratique du tiers payant pour les actes en lien avec la pratique d'une IVG et de garantir dans tous les cas la confidentialité de l'IVG. Je précise que cet amendement reprend les préconisations nos 1 et 2 du rapport d'information sur l'accès à l'interruption volontaire de grossesse que Mme Battistel et moi-même avons rendu.
Le second amendement, issu de la recommandation no 2 du rapport d'information, vise à clarifier notre droit en inscrivant dans la loi : « La prise en charge de l'interruption volontaire de grossesse est protégée par le secret afin de pouvoir préserver, le cas échéant [donc si celle-ci souhaite le conserver], l'anonymat de l'intéressée. » Le secret permet de garantir une prise en charge sans que l'entourage en soit informé puisqu'elle n'apparaîtrait sur aucun document ni aucun relevé de prestations envoyé au domicile.
Favorable.
Je formulerai deux commentaires de nature très différente.
Le premier est d'ordre juridique : comment se fait-il que l'amendement no 119 rectifié , qui propose de créer des dépenses nouvelles, ait pu passer le filtre de la recevabilité financière ?
Deuxièmement, ces débats montrent bien que nous devrions être éclairés par l'avis du Conseil consultatif national d'éthique. Un quotidien a publié cet après-midi une information très étonnante : la saisine gouvernementale du CCNE n'est intervenue qu'il y a moins de quarante-huit heures. C'est un vrai problème, madame la ministre déléguée : comment se fait-il que cette saisine arrive aussi tardivement, alors que l'inscription à l'ordre du jour de la proposition de loi est programmée depuis un bon moment ? Votre collègue en charge des relations avec le Parlement est bien placé pour le savoir puisqu'il siège de droit à la conférence des présidents. L'avis du CCNE serait évidemment très précieux.
Mme Agnès Thill applaudit.
L'amendement no 119 rectifié est adopté ; en conséquence, l'amendement no 120 rectifié tombe.
À travers l'article 1er ter, nous proposons la suppression du délai de réflexion après l'entretien psychosocial qui peut être demandé par chaque femme lors d'un parcours d'IVG. Il est entendu que le groupe La République en marche votera pour. Au cours des dernières années ont été supprimés progressivement différents délais qui étaient imposés aux femmes et qui n'avaient au fond qu'un seul objectif : les infantiliser, les contraindre, les culpabiliser en alourdissant la procédure de l'IVG. Il reste un seul de ces délais, et il faut bien entendu y mettre fin. À la suite des travaux de la délégation aux droits des femmes, il est proposé ici de le supprimer afin que les femmes puissent exercer dans la plus grande liberté ce droit fondamental qu'est l'IVG. Cela sécurisera et renforcera l'accès et le parcours relatif à l'IVG.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Je suis encore très étonné par ce que révèle la question de mon collègue Hetzel. Si cette information est vérifiée, je me demande pourquoi nous sommes ici à débattre alors que la saisine du CCNE n'a eu lieu qu'il y a moins de quarante-huit heures. Les conditions ne sont pas réunies pour un débat apaisé. Je pense qu'il faudrait le reporter jusqu'à la transmission de cet avis pour pouvoir éclairer notre réflexion. J'attends votre réponse sur ce point, madame la ministre déléguée.
Mme Agnès Thill applaudit.
Un article visant à supprimer un délai de réflexion sur un acte aussi grave que celui dont nous parlons ne me semble pas frappé du coin du bon sens. Nous sommes en train de débattre d'un sujet sensible ; les discussions sont parfois dures, passionnées, parce qu'il touche à l'éthique, à la conception de la vie. Par conséquent, je comprends d'autant moins pourquoi le Gouvernement, qui semble finalement donner son aval à la proposition de loi – et la majorité s'y rallier – , n'a pas revu son contenu, s'il souhaitait faire évoluer un équilibre pourtant déjà extrêmement compliqué à trouver, comme l'avait montré en son temps l'examen de la loi Veil. Vous rendez-vous compte qu'on va modifier la loi Veil par une proposition de loi examinée dans le cadre d'une niche parlementaire, …
… et sans que le Gouvernement n'ait vraiment un positionnement très clair, …
Approbations sur les bancs des groupes UDI-I et LR
… puisque celui-ci varie d'un amendement à l'autre ; et il en va de même du côté de la majorité – ou du moins de ce qu'il en reste…
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-I et LR.
Madame la ministre déléguée, j'ai l'impression que vous ne voulez pas répondre à la question posée par mon collègue Hetzel, mais c'est votre liberté… Vous faites par ailleurs beaucoup appel à la sagesse. Je savais qu'il y avait la sagesse de l'Assemblée, mais on aimerait savoir ce que signifie la sagesse ministérielle sur tous ces sujets.
Madame la rapporteure, vous avez fait adopter en commission l'article 1er ter, qui supprime le délai de quarante-huit heures prévu entre l'entretien psychosocial préalable et le recueil du consentement. Certes, le ministre des solidarités et de la santé a rappelé que le délai de réflexion minimale entre la consultation d'informations et le recueil du consentement de la femme, mais faut-il pour autant supprimer tous les délais sous prétexte de « fluidifier le parcours de l'IVG », selon les termes de Mme Muschotti, l'auteure de l'amendement qui a abouti à cet article ?
Un délai de réflexion, généralement synonyme de plus de liberté, ne semble donc pas constituer une entrave au droit à l'IVG. Depuis 1975, les femmes ont droit à l'IVG et aussi à un délai de réflexion si elles le souhaitent ; quelles que soient leur inclination et leur décision finale, elles auront pu disposer d'un temps pour se dégager de toute pression immédiate dans un sens ou dans un autre – par exemple de leur père – , et qu'elles veuillent avorter ou s'y refusent, pour disposer librement de leur corps afin d'accueillir la vie. La liberté de penser doit aussi être respectée.
La parole est à Mme Nathalie Bassire, pour soutenir l'amendement no 18 .
Je ne sais pas si on infantilise les consommateurs, mais je rappelle que, depuis l'adoption de la loi Hamon, en 2014, le délai de rétractation pour tout achat sur internet a été porté de sept à quatorze jours ; cela leur permet de revenir sur leur décision pour quelque raison que ce soit.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Si un consommateur peut se tromper lors d'un achat, ne semble-t-il pas évident qu'une femme puisse, dans l'éventualité d'une IVG, se tromper, pour diverses raisons, et prendre une décision qu'elle pourrait éventuellement regretter ? Considérant que l'acte d'avortement est au moins aussi grave que l'acte d'achat et que c'est une décision difficile, ne pourrait-on pas maintenir le délai de réflexion de deux jours après l'entretien psychosocial ?
Rappel au règlement
Il se fonde sur l'article 49, alinéa 5, du règlement. Il est seize heures quinze, et nous en sommes toujours à l'examen de la première de nos propositions de loi. Dès lors, il nous semble justifié que, quand une série d'amendements identiques a été déposée par des députés du même groupe, le député qui soutient l'un d'entre eux soit considéré comme ayant également soutenu tous les autres, et de donner ensuite la parole à un représentant de chacun des autres groupes.
Protestations sur les bancs du groupe LR.
Il est seize heures quinze et il nous reste près de soixante-dix amendements à examiner sur ce texte. Comme vous le savez, nous ne disposons que d'une seule niche parlementaire par groupe pour toute la session.
Exclamations sur les bancs des groupes LR et UDI-I.
Je vous demande donc de faire respecter l'examen des textes qui vont suivre.
Même mouvements.
Mais le sujet mérite davantage d'heures de débat ! Il ne fallait pas inscrire ce texte dans la niche parlementaire de votre groupe !
Monsieur Orphelin, permettez-moi, d'une part, de vous rappeler que la défense d'amendements est une prérogative que chaque député tient à voir respectée et, d'autre part, qu'il n'y a tout de même pas cinquante amendements identiques.
Certes, mais on en a vu de plus nombreuses.
Enfin, je constate que c'est votre niche parlementaire et que vous avez choisi d'y présenter des textes nombreux et sur des sujets qui incitent au débat. Par conséquent, je ne peux pas museler les députés pour les motifs que vous invoquez.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et UDI-I.
En revanche, je serai vigilante quant au nombre d'interventions après les avis.
Article 1er ter
Un débat a eu lieu sur cette question en commission des affaires sociales le 18 mars 2015. L'une des participantes avait alors déclaré : « La suppression du délai de réflexion ne fait pas partie des mesures que j'ai proposées, et je ne suis pas sûre qu'elle soit de nature à faciliter l'accès au droit dont nous parlons. Certaines situations particulières, j'en ai conscience, peuvent exiger une accélération de la procédure ; ainsi, lorsque la grossesse est à un stade avancé, le délai est d'ores et déjà raccourci. On peut aussi envisager un raccourcissement du délai dans les cas d'IVG pratiquées par voie médicamenteuse, autorisée pendant les cinq premières semaines de la grossesse. Dans la plupart des cas, cependant, le délai de réflexion est utile. Doit-il rester fixé à sept jours ? La question peut être posée ; mais, en tout état de cause, je suis défavorable à sa suppression, car la décision qui est en jeu, si elle est un droit absolu, est évidemment tout sauf banale. »
Savez-vous qui a tenu ces propos ? Il s'agit de Marisol Touraine, alors ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Bien qu'elle n'appartienne pas à ma famille politique, je me permets de la citer, car elle a clairement indiqué qu'elle traçait une ligne rouge. Si nous défendons le même point de vue, ce n'est pas par pur fantasme, mais parce que, comme elle, nous considérons qu'il y a là une ligne rouge que l'on ne saurait franchir si facilement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 39 .
J'avoue être étonnée de constater, depuis ce matin, que chaque fois que nous évoquons la nécessité d'une réflexion, on nous oppose le mot « infantilisation ». En quoi le fait d'accorder un délai de réflexion à une femme qui veut pratiquer une IVG ou se pose la question serait-il synonyme d'infantilisation ? Je trouve même cette posture assez insultante pour les femmes, car elles ont tout à fait le droit de ne pas savoir. Je l'ai dit au ministre ce matin, juste avant la levée de la séance : j'ai été absolument sidérée – et admirative – de ses certitudes. M. Véran affirme que, quand une femme entre dans le cabinet d'un médecin ou d'un gynécologue pour demander des informations sur une IVG, c'est qu'elle sait déjà qu'elle veut y avoir recours. Eh non, les choses ne sont pas si simples : de nombreuses femmes – ou de nombreux couples, d'ailleurs, j'ai eu l'occasion d'insister sur ce point – ne savent pas. Elles se posent des questions, elles se demandent si c'est la bonne solution ou s'il y en a d'autres, elles souhaitent être informées et prendre le temps de réfléchir, et elles ne veulent pas qu'on les presse.
Pardon, mais un délai de quarante-huit heures ne me semble pas complètement déraisonnable pour une décision de cette importance, avec les conséquences qu'elle peut avoir, pour la vie du bébé, évidemment, mais aussi pour la vie future de la femme qui s'apprête à pratiquer une IVG. Que ce soit dit une fois pour toutes : non, réflexion n'est pas synonyme d'infantilisation, et ce serait faire preuve de respect envers les femmes que d'arrêter de prétendre que c'est le cas.
Je m'efforcerai d'être rapide, mais mon intervention montrera au moins que nous sommes plusieurs à partager cet avis.
Lors de l'examen du texte en commission des affaires sociales, une disposition visant à supprimer le délai de quarante-huit heures prévu entre l'entretien psychosocial et le recueil du consentement à l'IVG a été introduite. Vous la justifiez par la volonté de fluidifier le parcours des femmes, mais ce délai les protège précisément contre une décision précipitée. Comme cela a déjà été souligné, l'IVG n'est pas un acte anodin. Cessons de supprimer tous les délais qui garantissent une prise de décision réfléchie. Nous souhaitons maintenir ce délai de réflexion.
Si nous nous accordons sur le fait que l'IVG n'est pas un acte comme un autre, alors il mérite réflexion et discernement, et il justifie que la femme établisse ses certitudes et réponde à ses doutes. Prétendre le contraire reviendrait à considérer que c'est un acte comme un autre, qui ne nécessite pas davantage de discernement qu'un autre.
Par conséquent, l'article 1er ter, qui supprime le délai de deux jours – quarante-huit heures, ce n'est quand même pas énorme – pour que les femmes confirment leur demande, bafoue au demeurant leur droit à la réflexion de cette dernière. Son adoption aurait pour conséquence de biaiser et de précipiter le choix des femmes. Or un avortement à douze ou quatorze semaines est une intervention lourde, qui n'est pas sans conséquences psychologiques. Pour effectuer un choix aussi important en toute liberté, les femmes doivent bénéficier du délai nécessaire pour collecter toutes les informations utiles et surtout pour répondre à leurs doutes, puis leurs certitudes, puis à nouveau leurs doutes. C'est à cette condition que s'exerce la liberté de penser. Il convient donc de supprimer cette disposition attentatoire à la liberté de la femme.
La parole est à Mme Josiane Corneloup, pour soutenir l'amendement no 72 .
Le délai de réflexion de quarante-huit heures ne doit pas être considéré comme une entrave à l'IVG, mais plutôt comme une protection pour la patiente : cette dernière ne doit pas prendre une décision précipitée, qu'elle risquerait de regretter par la suite. Cela a été rappelé, l'IVG n'est pas un acte banal, loin de là. La bonne information des patientes est fondamentale et un délai de réflexion est tout à fait essentiel pour qu'elles puissent prendre une décision éclairée. Le présent amendement vise donc à maintenir le délai de réflexion en vigueur.
La parole est à Mme Aude Bono-Vandorme, pour soutenir l'amendement no 82 .
L'interruption volontaire de grossesse, nous le savons tous, n'est pas un acte médical anodin. J'ai beaucoup entendu parler des pressions exercées sur les femmes. N'est-il pas de notre responsabilité de leur laisser un peu de temps pour leur permettre de prendre du recul vis-à-vis de ces pressions, quelles qu'elles soient ? La décision leur appartient, et à elles seules. Par humanité et par respect, il me semble indispensable de maintenir le délai de réflexion de deux jours, eu égard à l'importance qu'une telle décision aura dans la vie des femmes concernées.
Mme Agnès Thill applaudit.
Nous voulons supprimer l'obligation de respecter un délai de quarante-huit heures. La femme pourra toujours prendre le temps qu'elle voudra pour réfléchir.
Une fois passé l'entretien psychosocial, elle pourra réfléchir vingt-quatre, quarante-huit ou soixante-douze heures : nous ne souhaitons supprimer que le caractère impératif de ce délai.
Nous respectons le choix des femmes : ce sont elles qui décident, lorsqu'elles sont prêtes.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EDS, LaREM et SOC.
Je suis donc défavorable aux amendements tendant à supprimer l'article 1er ter.
Il est défavorable, bien sûr, pour les raisons invoquées par la rapporteure : les femmes peuvent réfléchir jusqu'à douze semaines de grossesse, sans qu'il soit besoin d'inscrire un délai dans la loi. Prétendriez-vous protéger les femmes contre elles-mêmes ?
Jusqu'à la date de l'IVG, la femme peut changer son intention.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM, SOC et EDS.
J'ai voté ce matin en faveur de l'article 1er parce que j'estime qu'on peut porter de douze à quatorze semaines le délai pour pratiquer une IVG. Je ne voterai pas, en revanche, pour la proposition de loi, principalement en raison de ce que vous êtes en train de faire.
Mme Agnès Thill applaudit.
Je suis effaré d'entendre la ministre déléguée, qui s'en remet à la sagesse de l'Assemblée pour toutes les autres dispositions et qui ne projetait pas de revenir sur le délai de quarante-huit heures, se prononcer en faveur de sa suppression par la voix de Mme la ministre déléguée.
Vous avez donné un avis défavorable sur les amendements de suppression, ce qui signifie que vous voulez la fin du délai de quarante-huit heures : telle est la position du Gouvernement.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Nous aurions préféré que vous rendiez un avis de sagesse : en appeler à la sagesse pour les mesures qui vous gênent et faire preuve de suivisme pour celles qui vous gênent moins, voilà une attitude qui me paraît pour le moins discutable ! Passons…
La loi Veil – j'ai connu personnellement celle qui l'a défendue – assure un équilibre entre un droit inaliénable pour les femmes et la prise en considération des conséquences, pour leur vie et leur santé, d'une décision qui fait partie des plus graves qu'elles prendront dans leur vie. C'est pourquoi la nécessité d'un temps de réflexion avait été inscrite dans le texte : pour protéger la femme, parfois pour la protéger d'elle-même, c'est vrai. De très nombreuses lois protègent les gens d'eux-mêmes sans les infantiliser. Limiter les vitesses de circulation sur les routes, est-ce infantiliser les automobilistes ? Non : c'est les protéger, y compris d'eux-mêmes.
Ce délai protège aussi la femme des pressions qu'elle peut subir. Il laisse le temps à la réflexion – car si tout le monde semble convaincu qu'une IVG est toujours l'affaire d'une femme seule, elle est aussi parfois une décision de couple, cela vous a été expliqué ce matin.
Quarante-huit heures n'ont jamais empêché une femme d'accéder à son droit inaliénable à l'IVG. Jamais ! La fluidité que vous appelez de vos voeux ne s'en trouve pas entravée – ce sera d'autant plus vrai si le délai pour recourir à l'IVG est porté de douze à quatorze semaines. Bien sûr, une femme peut prendre le temps de la réflexion, mais elle peut aussi être paniquée ou sous pression, elle peut avoir besoin de s'échapper du foyer familial ! Les quarante-huit heures dont il est question lui sont aussi accordées comme un droit lui permettant d'échapper aux pressions dont elle ferait l'objet !
Supprimer ce délai reviendrait à déséquilibrer la loi. Je serai navré de ne pas pouvoir voter en faveur du texte, …
… dont j'estime que l'article 1er, qui était l'intention initiale de votre groupe, madame la rapporteure, était une décision sage.
De quoi parlons-nous ? D'un entretien psychosocial avec un psychologue ou un assistant social, à la demande de la femme. Cet entretien n'est nullement obligatoire. Il se trouve simplement qu'au cours de la procédure, une femme peut avoir besoin de mettre des mots sur ce qu'elle vit – l'entretien ne lui permettra pas nécessairement de faire son choix, qui peut déjà être arrêté – et d'en parler. Lui imposer un délai de réflexion de quarante-huit heures, c'est bien une manière de l'infantiliser,
Exclamations sur les bancs du groupe LR
disons-le. En effet, comme l'a souligné la rapporteure, si, à l'issue de cet entretien facultatif, la femme veut réfléchir vingt-quatre heures, trois jours ou une semaine et éventuellement revenir sur sa décision, elle le peut, jusqu'au jour même de l'intervention. Ce délai n'entrave pas la femme, ne lui fait subir aucune pression, mais il lui est imposé comme à une enfant : il revient à lui dire : « va réfléchir dans ton coin, et nous verrons ensuite si tu as pris la bonne décision ! »
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et EDS. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.
C'est une infantilisation. Encore une fois, les femmes, si elles le souhaitent, peuvent réfléchir le temps qu'elles veulent, jusqu'à l'issue du délai légal. L'entretien dont il est question est facultatif. Revenons clairement sur les différentes étapes qui composent la procédure d'IVG et cessons de faire croire aux Français que les délais imposés aux femmes sont des libertés, quand il s'agit uniquement de moyens de les infantiliser !
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et EDS.
Si le délai de réflexion de quarante-huit heures ne vous gêne pas, pourquoi voulez-vous le supprimer ?
Depuis ce matin, on entend tout et son contraire. Où est la cohérence dans votre texte ? Vous expliquez vouloir que les femmes soient libres et qu'elles aient un maximum d'informations, mais vous refusez que l'information qu'elles reçoivent soit libre. Vous assurez qu'un délai de réflexion de quarante-huit heures ne serait pas nécessaire parce qu'une femme peut, dans tous les cas, changer d'avis si elle le souhaite.
Vous invoquez depuis ce matin les droits de la femme. Or pardonnez-moi, madame la rapporteure : vous êtes une femme, mais j'en suis une également – nous sommes plusieurs dans cet hémicycle. Vous ne détenez pas la vérité : toutes les femmes sont différentes, nous avons chacune notre sensibilité. Mais le droit à l'avortement, ce n'est pas qu'un choix personnel de la femme, c'est aussi un choix de couple.
Exclamations sur les bancs des groupes LaREM, SOC et EDS.
Le rôle de l'homme compte dans la décision finale qui sera prise d'exercer ou non le droit d'avorter ! Le rôle de l'homme, vous l'instrumentalisez, dès lors que vous soutenez que la natalité est un choix purement et uniquement personnel.
Pouvez-vous nous expliquer où est la cohérence dans votre texte ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LR, UDI-I et Agir ens ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je tiens à remercier notre collègue M. Orphelin pour son rappel au règlement qui démontre que ce texte n'a pas sa place dans une niche parlementaire.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR, UDI-I et sur quelques bancs du groupe LaREM. – Mme Agnès Thill applaudit également.
Au cours de ce débat, j'ai été scandalisée par la comparaison qui a été faite entre le délai de réflexion pour une IVG et celui qui concerne un achat sur internet
Mme la rapporteure applaudit
mais je l'ai été également par l'affirmation selon laquelle ce délai constituerait une forme d'infantilisation. Chacun de nous doit tenir des propos modérés.
La parole est à M. Julien Aubert pour une dernière intervention avant le vote.
En huit ans, ce n'est pas la première fois que nous discutons d'un texte relatif à l'IVG. Malheureusement, j'ai à chaque fois l'impression d'être pris au piège, tout d'abord parce que certains instrumentalisent le débat en voulant faire de toute loi sur le sujet une avancée sociétale. D'autre part, lorsque des hommes prennent la parole au cours de ces débats, on leur explique que, même s'ils sont députés de la nation, ça n'est pas à eux d'avoir une opinion sur ce sujet.
Je maintiens que les hommes ne font pas la loi pour les hommes tandis que les femmes feraient la loi pour les femmes
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et UDI-I
même si, évidemment, hommes et femmes n'abordent pas une question comme l'IVG avec la même sensibilité.
Je reprendrai la comparaison – bien que celle-ci ait été critiquée par ma collègue Firmin Le Bodo – avec le délai de réflexion de quinze jours qui nous est imposé aujourd'hui pour le moindre achat. Je persiste à penser que l'IVG n'étant pas un acte anodin, le délai de réflexion de quarante-huit heures est essentiel, et ce alors qu'on nous accorde un délai pour le moindre aspirateur acheté dans une foire.
Exclamations sur les bancs du groupe EDS et sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Évidemment, vous considérez qu'à partir du moment où on se voit accorder une liberté, on ne devrait être soumis à une règle. Or il faut imposer des règles. Vous êtes mal à l'aise parce que vous avez inscrit ce sujet au programme d'une niche, …
… ce qui est choquant parce que nous aurions dû disposer de beaucoup plus de temps pour pouvoir en débattre réellement après avoir procédé à toute une série d'auditions préliminaires.
Par ailleurs, je ne vois pas du tout en quoi ce délai, selon moi nécessaire, constituerait une infantilisation. Malheureusement, en instrumentalisant cette question, vous empêchez que se tienne un débat apaisé. Il serait pourtant possible d'avoir une discussion de fond si on évitait de se lancer des anathèmes et de considérer que les défenseurs d'une loi plus équilibrée – d'ailleurs beaucoup plus proche de la loi Veil – sont forcément liberticides.
Mme Agnès Thill applaudit.
Sur l'article 1er ter, je suis saisie par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisie de quatre amendements identiques, nos 38 , 46 , 55 rectifié et 87 .
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 38 .
La loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a ramené à deux jours le délai de réflexion de la femme, consacrant en quelque sorte la fin de toute prévention de l'IVG. Je repose alors la question : pourquoi ignorer que beaucoup de femmes hésitent et ont besoin de réfléchir ? Pourquoi forcer la précipitation ? Pourquoi effacer à présent ce délai de deux jours – seulement – à propos d'un geste qui scelle le destin d'une existence humaine ?
Puisque la comparaison avec l'achat d'un aspirateur, faite par notre collègue Julien Aubert, ne vous plaît pas, je vous en propose une autre, qui illustre le problème de proportionnalité que poserait la suppression de ce délai : la loi impose deux semaines de réflexion pour un acte de chirurgie esthétique qui, lui, n'engage que vous-même et votre corps, personne d'autre. Je persiste à dire, même si cela déplaît à beaucoup d'entre vous, que, dans certains cas – pas tous, j'en conviens – , la décision du recours à l'IVG se pose parfois au sein d'un couple. D'aucuns refusent de l'entendre mais certains couples discutent des questions qui, comme l'avortement, les concernent, eux et leur famille – ce qui n'est pas forcément une mauvaise chose, ne vous en déplaise.
En outre, comme nous l'a appris la loi de bioéthique, cette décision met aussi en cause la vie de l'être que porte la future mère et qui, à quatorze semaines, est un bébé – j'ai déjà eu l'occasion de le rappeler.
Vous raisonnez toujours à partir de l'idée du « droit à », …
… comme on a pu le vérifier à l'occasion de la loi de bioéthique, lorsque vous parliez du « droit à l'enfant », de la satisfaction du désir d'enfant. Mais, bon sang, pensez de temps en temps à l'intérêt supérieur de l'enfant, sinon vous êtes complètement à côté de la plaque.
Mon amendement vise non seulement bien sûr au maintien du délai de deux jours mais aussi au rétablissement du délai de sept jours, comme c'était le cas avant 2016. Du point de vue de la proportionnalité, cela me semble le minimum, sachant que le moindre acte de chirurgie esthétique nécessite un délai de réflexion de quinze jours.
Il vise à porter le délai de réflexion à sept jours. J'ai d'ailleurs sous les yeux un amendement débattu lors de l'examen du projet de loi de modernisation de notre système de santé en 2015. Il y est écrit que, eu égard à l'importance de la décision qui devait être prise, « il apparaît indispensable, pour protéger la femme, de maintenir ce délai de réflexion ». En consultant la liste des cosignataires de cet amendement, madame la ministre déléguée, je note avec grand intérêt que votre collègue ministre de l'intérieur en fait partie. Peut-être aurez-vous donc matière à débattre au sein même du Gouvernement, tant il est vrai qu'une telle question ne doit pas être traitée à la légère.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à Mme Agnès Thill, pour soutenir l'amendement no 55 rectifié .
Puisque vous prétendez que la femme peut réfléchir aussi longtemps qu'elle le souhaite – sept jours voire davantage – , cet amendement vise à rétablir dans la loi le délai de réflexion de sept jours, qui avait été ramené à deux jours par la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, consacrant la fin de toute prévention de l'IVG.
L'IVG n'étant pas, nous le répétons, un acte anodin, il est indispensable de reconnaître que beaucoup de femmes hésitent et ont besoin de réfléchir – et tant mieux, il est bien normal que la certitude laisse place aux doutes. Il n'est aucunement nécessaire de se précipiter.
Je trouve incroyable qu'on puisse penser que cette décision ne concerne que les femmes. Eh bien, non, une femme enceinte, cela concerne un homme et une femme.
Murmures.
Je refuse d'exclure les hommes de cette histoire. Certains d'entre eux font pression sur leur conjointe pour qu'elle avorte – j'en connais. Ils disent que deux enfants, ça suffit, et refusent un petit troisième ou menacent même de quitter leur compagne parce qu'ils ne veulent pas du bébé.
Alors que la loi impose deux semaines de réflexion pour un acte de chirurgie esthétique, la restauration du délai de sept jours apparaît comme un minimum s'agissant d'un geste scellant le destin d'une existence humaine. Dans un sondage réalisé par l'IFOP en 2016, 89 % des Français estimaient que l'IVG laissait des traces psychologiques douloureuses pour les femmes. Il y va donc de notre responsabilité de trouver un équilibre en réinstaurant ce délai de sept jours.
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l'amendement no 87 .
Le présent amendement, qui vise à allonger le délai de réflexion, nous permet aussi de poursuivre le débat autour de la suppression de ce délai. Nous voyons bien que les atermoiements du Gouvernement sur certaines questions et ses dissensions avec sa majorité font de cette proposition de loi un texte brouillon, instable, inabouti. Je rappelle d'ailleurs, comme l'ont fait plusieurs de nos collègues avant moi, que nous ne disposons toujours pas de l'avis du Comité consultatif national d'éthique. Je tiens aussi à préciser que les mots « infantilisation » et « culpabilisation » de la femme n'ont jamais été prononcés de ce côté-ci de l'hémicycle et contribuent largement à polluer le débat.
L'avortement constitue un acte grave et spécifique parce qu'il est malheureusement définitif. Qu'on le veuille ou non, il va poursuivre toute leur vie les deux membres du couple, l'homme comme la femme. En 2016, le délai de réflexion avait été ramené à deux jours. Aujourd'hui, vous souhaitez carrément supprimer tout délai. Or si le recours à l'IVG apparaît comme la bonne décision au moment où la femme la prend, cela restera la bonne décision quarante-huit heures plus tard. Ce temps de réflexion n'entrave en rien la possibilité qu'a une femme d'avorter, surtout si vous allongez de douze à quatorze semaines le délai légal de l'IVG.
Un jour, j'ai croisé par hasard une femme qui m'a parlé de son regret d'avoir avorté au cours de sa jeunesse. Je ne porte aucun jugement sur cette femme car aucun d'entre nous ne peut prétendre qu'il arrivera au terme de sa vie sans nourrir de regret. Je ne dis pas non plus qu'il est possible d'éviter ou de réparer toutes nos erreurs. Cependant, si ce délai de quarante-huit heures pouvait permettre, ne serait-ce qu'à une femme – qui, par peur, aurait pris une décision dans la précipitation – , de ne pas commettre une erreur qui l'aurait poursuivie tout au long de son existence, il faut le maintenir, d'autant plus que, je le répète, il n'entrave nullement le droit à l'IVG.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Ayant déjà développé mes arguments précédemment à propos d'amendements similaires, je me contenterai de donner un avis défavorable.
Même avis.
Je ne suis pas favorable à un allongement du délai à sept jours mais cette discussion démontre que tout est une question d'équilibre. Ce qui pose problème, c'est en effet le déséquilibre que vous créez avec cet article. Si, en 2016, il a été décidé de ramener le délai à quarante-huit heures, c'est parce qu'avec le délai de sept jours, il existait un risque que la limite des douze semaines, soit le délai légal pour recourir à l'IVG à ce moment-là, soit dépassée. Voilà qui constituait une entrave au droit des femmes. En ramenant ce délai à quarante-huit heures, on a pris une décision raisonnable puisqu'elle assure le respect du délai légal actuel du recours à l'IVG, de douze semaines, et rappelle qu'il ne s'agit pas d'un acte banal.
Je n'établirai aucune comparaison avec quoi que ce soit. Mais tout se passe comme si on avait, d'un côté, ceux qui veulent tout libéraliser et, de l'autre, ceux qui ne veulent rien libéraliser. La loi Veil est une loi d'équilibre, qui respecte le droit de la femme au moment où elle est confrontée à la décision la plus grave de sa vie, qui ne peut être une décision comme une autre.
Par conséquent, si on maintenait le délai de deux jours – en rejetant l'article 1er ter – , nous pourrions retrouver cet équilibre. J'adjure nos collègues de réfléchir – comme ils le font à chaque fois – avant de supprimer cette garantie d'un temps de réflexion.
Enfin, il est difficile d'entendre l'argument selon lequel seule la femme serait concernée. Là encore, c'est une question d'équilibre. Certes, c'est la femme qui décide en dernière instance, c'est un droit inaliénable pour elle. Cependant, dans de nombreuses situations – nous en avons tous connu, j'en ai moi-même vécu – , le délai de réflexion à propos de ce projet parental, qui peut aussi concerner un couple parfaitement stable, ayant déjà un ou plusieurs enfants, fait l'objet d'une discussion entre l'homme et la femme. Le délai de quarante-huit heures peut donc se révéler utile, aussi bien pour une femme qui se retrouverait seule, violentée et sous pression, que pour un couple. Dans les deux cas, l'équilibre serait préservé. Je vous conjure donc de ne pas revenir sur un texte équilibré parce qu'il garantit un droit sans qu'on puisse en faire n'importe quoi.
M. Pascal Brindeau et Mme Agnès Thill applaudissent.
Sur un sujet aussi grave, l'absence de réponse – pas uniquement à mes questions – est regrettable. J'ai tenté de vous prouver factuellement que le maintien du délai de réflexion n'entravait aucunement la possibilité pour une femme de recourir à l'IVG.
Nous nous permettons d'insister car la possibilité qu'un texte comme celui-ci soit adopté sans que le Comité national consultatif d'éthique n'ait donné son avis constituerait une première – je ne conteste pas en revanche son inscription au programme d'une niche, lequel relève de la liberté de chaque groupe. Le CCNE ayant été saisi, nous aimerions savoir, madame la ministre déléguée, quand il se prononcera. Nous avons posé et reposé la question. Pour éclairer nos débats sur un sujet aussi grave, nous avons besoin que vous répondiez aux demandes formulées ici-même par la représentation nationale.
Je suis encore surpris par les arguments de nos collègues du groupe Les Républicains. J'ai l'impression de radoter mais nous ne sommes pas là pour débattre du droit à l'avortement puisque celui-ci existe, c'est un fait. Or, depuis le début de l'examen de cette proposition de loi, la discussion a tendance à glisser vers une remise en cause de ce droit.
Vives exclamations sur les bancs du groupe LR.
Vous prétendez ensuite que votre intention n'est pas d'infantiliser les femmes. Certes vous n'avez pas prononcé le mot mais c'est bien le sens de vos propos. Croyez-vous qu'une femme qui décide d'avoir recours à l'avortement n'a pas mûri sa réflexion ? Pensez-vous que cette réflexion soit de même nature que celle d'une personne ayant recours à une opération de chirurgie esthétique ? Je suis désolé mais elles n'ont pas la même teneur. Dans le premier cas, la réflexion est évidemment bien plus profonde.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Nous vous expliquons depuis le début du débat que si nous souhaitons allonger le délai de deux semaines, c'est pour rendre le droit à l'avortement effectif. Vous citez tous des exemples personnels mais, dans la réalité, lorsqu'une femme désire avorter, elle ne le fait pas dans la demi-heure suivant son arrivée chez le gynécologue ! Arrêtez de croire que le délai de quarante-huit heures est insuffisant.
Protestations sur les bancs du groupe LR.
Le processus laisse largement le temps aux femmes de réfléchir à ce qu'elles font.
Mêmes mouvements.
Merci, madame la présidente, car c'est un sujet essentiel. Vous allez finir par nous révéler la réalité de ce que vous pensez : vous avez encore des doutes sur la question de l'avortement.
Protestations sur les bancs du groupe LR.
Vous avez le droit de douter, mais nous ne sommes pas là pour ça. Nous sommes là pour rendre effectif un droit qui, aujourd'hui, dans notre société, ne l'est pas.
On peut avoir des points de vue différents, mais il faut savoir s'écouter les uns les autres. Je ne pense pas que sur un tel sujet, faire des procès d'intention nous permette d'avancer.
Madame la ministre déléguée, vous n'avez toujours pas répondu à notre question, et cela ne contribue pas à la sérénité des débats : à quel moment le Gouvernement a-t-il saisi officiellement le Comité consultatif national d'éthique ? Est-il vrai, comme le disait le journal La Croix ce matin, que le comité n'a été saisi par le Gouvernement que mardi, c'est-à-dire il y a moins de quarante-huit heures ? Cela démontrerait clairement l'amateurisme du Gouvernement.
Nous aimerions que vous répondiez. Je sais bien que cette majorité ressemble de plus en plus à un canard sans tête mais il serait bon que le Gouvernement n'en devienne pas un à son tour.
Protestations sur les bancs du groupe LaREM. – Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Je voulais tout de même préciser que le délai de réflexion n'existe plus depuis 2016. Il s'agit de supprimer le délai de réflexion prévu par l'article L. 2212-5 du code de la santé publique, pour les femmes qui ont effectué un entretien psychosocial préalable.
Imposer un délai – a fortiori de sept jours – risque finalement de dissuader les femmes de demander un entretien psychosocial, et donc d'entraver leur consentement.
Une femme a besoin d'un entretien psychosocial parce qu'elle le demande et parce que c'est son droit. Elle peut en avoir besoin avant mais aussi après.
Cela dit, il faut être cohérent avec la loi. La loi de 2016 a supprimé le délai de réflexion après l'entretien médico-social car le fait de recueillir le consentement écrit de la patiente n'a plus aucune justification.
Les amendements identiques nos 38 , 46 , 55 rectifié et 87 ne sont pas adoptés.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 132
Nombre de suffrages exprimés 130
Majorité absolue 66
Pour l'adoption 77
Contre 53
L'article 1er ter est adopté.
Applaudissements sur divers bancs.
L'existence d'une double clause de conscience – d'une part l'application de la clause générale réglementaire qui concerne tous les actes médicaux, d'autre part celle de la clause spécifique législative qui concerne uniquement l'IVG – conduit à faire de l'avortement un acte médical à part ; pire, elle induit à penser que l'IVG n'est pas un droit comme un autre. Vous le savez, la double clause a été pensée au moment de la dépénalisation de l'avortement, comme une restriction supplémentaire censée rassurer les professionnels de santé. Elle continue à exister dans notre droit alors qu'elle n'affecte en rien leur liberté de pratiquer ou non un avortement ; en revanche, elle contribue à faire de l'acte médical d'IVG un acte simplement toléré et non un droit à part entière, comme la loi le prévoit.
La clause de conscience comporte deux garanties essentielles à la bonne prise en charge des femmes souhaitant recourir à l'avortement. Elle garantit, d'une part, leur prise en charge par un médecin volontaire et, d'autre part, leur réorientation rapide si le professionnel de santé contacté n'accepte pas de le pratiquer. La suppression proposée est assortie de ces garanties. Supprimer la double clause de conscience est une mesure qui ne coûte rien, qui ne forcera jamais aucun professionnel à pratiquer un acte qu'il ne voudrait pas réaliser, mais qui vient mettre un terme à une forme de stigmatisation injuste et inutile. Une femme sur trois avorte en France ; il est temps d'inclure cet acte dans leur parcours de santé, et d'arrêter de les culpabiliser alors que les professionnels de santé sont dédouanés.
Je rappellerai pour finir ce que disait Agnès Varda, citant Annie Ernaux dans L'Événement : l'IVG doit permettre à chaque femme, en lui donnant la liberté de disposer de son corps, de vivre une féminité heureuse, en ayant la possibilité ou non de « devenir à [son] tour lieu de passage des générations ».
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Si nous ne souhaitons évidemment pas aller dans le sens de cet article, c'est parce qu'il supprime pour l'IVG la double clause de conscience, ce qui posera un certain nombre de problèmes. L'existence de cette clause spécifique est liée à la nature très particulière de l'interruption volontaire de grossesse. Il existe ainsi trois clauses de ce type dans le code de la santé publique, visant respectivement l'IVG, la stérilisation et la recherche sur les embryons. Le législateur a jusqu'à présent toujours considéré qu'il s'agissait d'actes d'une nature particulière. Je considère donc qu'il faut la maintenir.
Vous nous dites que la supprimer n'est pas très grave parce qu'il existe toujours une clause de conscience pour les professionnels de santé. Mais la nature de cette clause va changer ! Elle ne sera plus que réglementaire, alors qu'elle est pour le moment législative. Or vous connaissez la hiérarchie des normes.
En outre, actuellement, la clause de conscience relative à l'IVG s'étend à tous les auxiliaires médicaux, alors que ce n'est pas le cas de la clause générale. Vous allez donc les mettre en difficulté.
Enfin, comme je le disais tout à l'heure, Marisol Touraine avait en 2015, devant la commission des affaires sociales, émis un avis résolument défavorable à la suppression de la clause de conscience pour les IVG, parce que cela aurait selon elle constitué une régression pour les professionnels de santé. Voilà ce qu'elle disait. Elle ne fait pourtant pas vraiment partie de ma famille politique.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Nous sommes opposés à cet article, d'abord parce qu'il n'est jamais de bonne politique de transférer un pouvoir de l'Assemblée – le pouvoir législatif – au pouvoir réglementaire. On nous explique que cela ne change rien, mais ça change tout ! Aujourd'hui, nous sommes 577 députés, auxquels s'ajoutent les sénateurs, à en décider ; demain, un ministre pourra, d'un trait de plume, supprimer la clause de conscience générale ou faire en sorte qu'elle ne s'applique pas à tel ou tel acte.
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-I et LR.
Ensuite, la suppression de cette clause de conscience n'a – me semble-t-il – été demandée par aucun médecin, ni ceux qui pratiquent l'avortement – heureusement, il y en a – ni ceux qui refusent de le faire. Je ne vois donc pas à quoi cette mesure correspond, sinon à une dérive idéologique. L'idéologie est parfaitement respectable, mais elle doit faire l'objet d'un débat qui ne peut pas se limiter à quelques minutes, un après-midi, sans que la population en soit informée.
Récapitulons les différents arguments mobilisés : d'abord, vous dites que le délai n'est plus nécessaire ; pourtant, il était utile. Une femme qui effectue une consultation médico-psychologique le fait parce qu'avorter lui pose un problème, qu'elle n'a pas encore pris sa décision et qu'elle a besoin d'être accompagnée ; or vous venez de décider le contraire. Ensuite, vous voulez rayer de la loi la clause de conscience pour la remettre entre les mains d'un ministre. Comme vient de le dire notre collègue Patrick Hetzel, il n'y a que trois actes visés chacun par une clause de conscience spécifique. Vous considérez qu'un avortement ne mérite pas une telle clause, au contraire de la stérilisation, donc, d'une certaine façon, que l'un – la suppression d'une vie – est moins grave que l'autre. Excusez-moi, mais je pense que c'est une erreur de hiérarchie des normes législatives, morales et politiques qui doivent structurer une société.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I et sur de nombreux bancs du groupe LR.
C'est en effet un amendement de suppression de l'article 2, qui vise lui-même à supprimer deux alinéas de l'article L. 2212-8 du code de la santé publique, pourtant essentiels pour assurer la liberté de conscience en matière d'avortement.
Revenir sur un tel dispositif est tout simplement attentatoire à l'une des libertés les plus essentielles : la liberté de conscience. La clause générale existait bien avant la loi de 1975 sur l'avortement ; si le législateur a cru bon, en 1975, d'en introduire une qui soit spécifique à l'occasion du vote de cette loi, c'est bien qu'il fallait une protection supplémentaire pour le médecin, compte tenu de la portée de l'acte en cause.
Encore une fois, l'IVG – l'avortement – n'est pas un acte banal. Comme plusieurs de nos collègues viennent de le souligner, la clause générale n'est pas de nature législative mais réglementaire. La différence me semble fondamentale car une loi apporte une garantie de liberté bien meilleure qu'un décret ministériel – vous me l'accorderez. Une loi ne peut être modifiée autrement que par une autre loi discutée au Parlement, avec des débats – ou du moins ce qui y ressemble – , des amendements, des votes, une censure possible du Conseil constitutionnel ; un décret, lui, peut être modifié du jour au lendemain par le Gouvernement, sans contrainte particulière par rapport à l'opinion publique ou aux élus. Si on supprime la clause de conscience prévue à l'article L. 2212-8 du code de la santé publique – donc de nature législative – , il ne restera plus que l'autre, celle qui est réglementaire, moins protectrice.
Enfin, j'ajouterai que contraindre un médecin à pratiquer une IVG ne peut être que préjudiciable pour la femme. C'est pourquoi il est important de garder la double clause de conscience.
Par cet article 2, vous voulez supprimer la clause de conscience spécifique à l'IVG. D'après les auteurs de la présente proposition de loi, il y aurait deux clauses de conscience, l'une de nature générale et l'autre spécifique à l'IVG, cette dernière étant finalement de trop.
Ont-elles cependant la même portée ? Concernent-elles toutes deux le personnel soignant ? Y aurait-il vraiment une clause de trop, qu'il faudrait supprimer pour ne pas stigmatiser l'IVG par rapport aux autres actes médicaux ?
Cet argument est fallacieux pour quatre raisons.
La clause générale existait avant la loi de 1975 sur l'avortement ; si le législateur a cru bon d'en introduire une qui soit spécifique à l'occasion du vote de cette loi, c'est bien qu'il fallait une protection supplémentaire pour le médecin, compte tenu de la portée de l'acte en cause.
Ensuite, la clause générale du médecin est de portée plus restreinte que la clause spécifique. Elle commence par le principe suivant : « Quelles que soient les circonstances, la continuité des soins aux malades doit être assurée. » Ce principe limite le pouvoir d'appréciation du médecin dans au moins deux circonstances citées dans le texte : « le cas d'urgence » et « celui où il manquerait à ses devoirs d'humanité ». Vous le voyez bien, mes chers collègues : ce cadre juridique est plus restrictif et plus contraignant que l'affirmation solennelle selon laquelle « un médecin n'est jamais tenu de pratiquer une interruption volontaire de grossesse ».
Troisième raison, la clause générale n'est pas de nature législative – plusieurs collègues l'ont rappelé – mais réglementaire.
Enfin, quatrième raison : la clause générale n'existe pas pour tous les autres personnels soignants. Cela me semble important : la clause spécifique relative à l'IVG dispose clairement : « Aucune sage-femme, aucun infirmier ou infirmière, aucun auxiliaire médical, quel qu'il soit, n'est tenu de concourir à une interruption de grossesse. » Il s'agit d'un droit fondamental des soignants qui sont tenus d'agir de manière responsable et éclairée. Supprimer cette clause reviendrait à transformer les professionnels de santé en prestataires de services, ce qui remettrait en cause la spécificité de ces professions et irait à l'encontre de la déontologie médicale.
Le ministre des solidarités et de la santé a dit ce matin que cette clause de conscience spécifique ne mettait pas en danger l'accès à l'IVG ; c'est pourquoi le présent amendement en propose le maintien – et donc la suppression de l'article 2.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l'amendement no 19 .
L'article 2 prévoit la suppression de la clause de conscience spécifique pour les médecins. Il n'est plus du tout question de l'allongement des délais – mais cela fait déjà plusieurs heures que nous nous sommes largement éloignés de l'objet initial du texte.
Trois raisons nous poussent à vouloir supprimer l'article.
D'abord, comme M. Véran l'a lui-même souligné ce matin au banc, les études réalisées par l'ARS montrent qu'il n'existe pas, dans nos régions, de difficulté majeure ou spécifique dans l'accès à l'IVG du fait de l'exercice d'une clause de conscience par les médecins. Ce n'est donc pas, aux yeux de l'administration et du Gouvernement, un problème important qu'il faudrait traiter.
Ensuite, je ne reviendrai pas sur les arguments brillants des orateurs qui m'ont précédé quant au conflit entre la nature réglementaire d'une disposition et la nature législative d'une autre ; j'ajouterai simplement que le législateur a toujours considéré l'IVG comme un acte particulier ; l'existence d'une clause de conscience spécifique, sacralisée par la loi, paraît donc légitime.
Enfin, nous sommes les gardiens de toutes les libertés, sans idéologie. Mais, dans le cas qui nous occupe, différentes libertés entrent manifestement en conflit : d'un côté la liberté de la femme à disposer de son corps en recourant à l'IVG ; de l'autre, la liberté de conscience du médecin. En validant cet article, on porte atteinte à une liberté essentielle, la liberté de conscience, d'autant qu'avec l'allongement du délai de pratique de l'IVG de douze à quatorze semaines, cela devient un geste très différent et, comme de nombreux collègues vous l'ont expliqué, il posera problème à un nombre bien plus important de médecins.
Le sujet est en effet important. Les médecins sont nombreux à rappeler que le serment d'Hippocrate était à l'origine très clair : « Je ne remettrai pas à une femme un pessaire abortif. » Les choses ont évolué depuis…
… et on peut l'entendre. Ce matin, madame la présidente, vous évoquiez le fait que la loi Veil représentait un totem ; mais la question de la clause de conscience doit également être considérée avec prudence.
Je me permets de reprendre une nouvelle fois les propos de Mme Marisol Touraine, alors ministre de la santé, qui s'est exprimée sur cette question ici même, en commission, en 2015 : « Les médecins qui opposent une clause de conscience en ce domaine sont rares et, même si je ne méconnais pas le poids des symboles, [la supprimer] ne changera rien à l'effectivité du droit dont nous parlons. Ma responsabilité est aussi de vous faire part, sans détours, des réalités du contexte politique. » Mme Touraine préconisait donc le maintien de la double clause de conscience.
En l'espace de cinq ans, la situation aurait-elle tellement changé qu'il faudrait désormais procéder différemment ? Madame la ministre déléguée, pouvez-vous nous éclairer avec des éléments factuels ? Une réponse claire est le moins qu'on puisse attendre du Gouvernement. En effet, pour le moment, vous fuyez le débat – attitude particulièrement regrettable s'agissant d'un sujet éthique. Ce n'est pas digne !
L'article 2 supprime la clause de conscience légale spécifique à l'IVG. L'argument avancé consiste à dire qu'il existe déjà une clause réglementaire et que l'existence de la clause légale est vécue comme une humiliation par les femmes qui recourent à une IVG.
Nous sommes opposés à la suppression de cette clause. Depuis la décision du 27 juin 2001 du Conseil constitutionnel, la liberté de conscience est considérée comme un principe fondamental reconnu par les lois de la République sur le fondement de l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, et du cinquième alinéa du préambule de la Constitution de 1946. Autrement dit, la liberté de conscience a valeur constitutionnelle.
Afin de ne pas fragiliser la clause de conscience des médecins refusant de pratiquer une IVG – un acte réglementaire ne nécessite que la simple signature de son auteur là où la loi nécessite le vote de la représentation nationale – , le présent amendement propose de supprimer l'article 2.
Dans un rapport publié le 17 janvier 2017, le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes – HCE – considère que l'avortement ne sera pas un droit réel, « à part entière », tant que les médecins bénéficieront d'une clause de conscience spécifique pour l'IVG. D'après le même organisme, il y aurait une « double » clause de conscience, une spécifique à l'IVG et l'autre de nature générale. Les deux clauses auraient la même portée et concerneraient tout le personnel soignant. Il y aurait donc une clause de trop, celle de l'article L. 2212-8 du code la santé publique, qu'il faudrait supprimer pour ne pas « stigmatiser » l'IVG par rapport aux autres actes médicaux.
Cet argument est faux et trompeur. La clause générale pour les médecins existait avant la loi de 1975 sur l'avortement ; elle est de portée plus restreinte ; elle n'est pas de nature législative, mais réglementaire – ce qui change tout ; enfin, elle n'existe pas pour tous les autres personnels soignants.
La demande du HCE – supprimer la clause de conscience spécifique pour l'IVG – n'est donc pas recevable car basée sur une analyse inexacte des textes en vigueur. Elle relève davantage d'une approche idéologique que d'une nécessité pratique : il n'existe pas de vrai problème d'accès à l'IVG qui serait dû à un usage excessif de cette liberté.
En réalité, non seulement il ne faut pas supprimer cette clause de conscience, mais il faudrait presque la renforcer puisque de nombreux cas de discrimination ont été constatés à l'embauche, d'autant que l'article supprime toute possibilité de refus pour les infirmiers et les auxiliaires de santé.
Enfin – Mme la rapporteure l'a elle-même admis dans son intervention – , la clause de conscience est un symbole ; mais de quoi est-ce le symbole lorsqu'on affirme que la liberté de conscience n'est plus tolérée ?
La parole est à Mme Josiane Corneloup, pour soutenir l'amendement no 70 .
Cet article prévoit de supprimer la clause de conscience spécifique à l'IVG contenue dans le code de la santé publique, au motif qu'en plus d'être obsolète, elle serait de nature à entraver le recours à l'IVG. Pourtant, la plupart des ARS ne déclarent pas de difficulté majeure d'accès à l'IVG qui serait spécifiquement liée à l'exercice d'une clause de conscience.
L'autre argument consiste à pointer le fait que le code de la santé publique contient déjà une clause de conscience. Les professionnels de santé qui ne souhaitent pas pratiquer cet acte informent la patiente sans délai et lui communiquent le nom d'un autre professionnel de santé acceptant de pratiquer une IVG. Or le geste médical nécessaire pour une IVG après douze semaines n'est plus le même et le protocole doit être révisé compte tenu des risques importants pour la femme enceinte. Eu égard à la portée de cet acte, une clause de conscience spécifique, de nature législative, reste nécessaire – d'autant plus que les délais d'accès à l'IVG sont allongés.
Pour ces raisons, le présent amendement vise à supprimer l'article 2.
La parole est à Mme Aude Bono-Vandorme, pour soutenir l'amendement no 83 .
Le Conseil national de l'Ordre des médecins, dans un rapport de 2011, définit la clause de conscience comme « le droit de refuser la réalisation d'un acte médical pourtant autorisé par la loi mais que [le médecin] estimerait contraire à ses propres convictions personnelles, professionnelles ou éthiques. » Trois types d'actes sont visés par des clauses de conscience spécifiques et font donc l'objet d'une clause de conscience double : la recherche sur l'embryon et les cellules-souches, la stérilisation à visée contraceptive et l'IVG. Ces actes ne peuvent être considérés sans prendre en compte un aspect philosophique, religieux, spirituel ou personnel. La loi prévoit déjà que tout médecin ne souhaitant pas pratiquer une IVG doit obligatoirement réorienter la femme souhaitant avorter vers un autre praticien susceptible de réaliser l'intervention, afin de protéger le droit à l'avortement. Il ne semble pas contradictoire de vouloir également protéger les convictions personnelles des médecins. C'est par respect pour eux que je souhaite conserver leur double clause de conscience.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
J'essaierai d'être brève mais claire. Vous souhaitez à tout prix maintenir le statut à part de l'IVG. Pourtant une femme sur trois y a recours au cours de sa vie ; …
… c'est un acte de soin comme un autre et, à ce titre, il mérite un traitement identique.
C'est une forme de banalisation ! Si l'avortement était un acte banal, on le saurait.
Va-t-on contraindre des médecins à pratiquer un acte médical ? Non, puisqu'il existe la clause de conscience générale.
Monsieur Bazin, vous m'avez interpellée en commission sur la nature réglementaire et législative des deux clauses. Dans sa décision 2001-446 DC du 27 juin 2001, le Conseil constitutionnel a fait de la clause générale de conscience un principe à valeur constitutionnelle ; dès lors, il s'impose au législateur comme au pouvoir réglementaire. Votre requête est donc sans objet : non, on ne pourra pas défaire la clause de conscience générale, qui a valeur constitutionnelle, à moins de repasser devant le Parlement.
Avis défavorable sur tous les amendements de suppression.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
À ce stade de la discussion, je rappelle que ce n'est pas un texte du Gouvernement que nous examinons cet après-midi, mais une proposition de loi. Ce matin, le ministre des solidarités et de la santé s'est exprimé très clairement sur le sujet devant vous. L'article 2 revêt une portée symbolique et ce symbole – nous sommes tous d'accord – a de l'importance : il oblige le professionnel qui refuse de pratiquer une IVG d'orienter la femme vers un autre professionnel de santé. Je le redis : l'essentiel, c'est que chaque femme puisse exercer son droit à l'avortement et que l'offre d'IVG soit suffisante et bien répartie sur le territoire.
Le Gouvernement s'en remet donc à la sagesse de l'Assemblée.
Vous êtes sages…
Sourires.
J'avoue être perturbé à la fois par cet article et par le précédent qui évoquait également la conscience. Pour en revenir à celui-ci, je ne connais pas de conscience sans conscience du temps, et si on ne prévoit pas un délai de réflexion, je ne suis pas sûr que la conscience soit au rendez-vous.
Je suis tout aussi gêné par l'article 2 puisqu'on veut abolir la double clause de conscience tout en violant les consciences. C'est important de le dire : un médecin, en pratique, fait des choses en cohérence avec ce qu'il sait et veut faire. Peut-on obliger un obstétricien à faire de l'orthogénie – car c'est à cette notion que renvoie l'IVG, avec tout ce qu'elle peut impliquer comme difficultés, notamment à cause du passé historique ? Il ne faut pas vouloir tout bousculer ni trop imposer, en particulier dans ces domaines.
La clause de conscience va passer du niveau législatif, qui offre une certaine sécurité juridique, au niveau réglementaire. On ne nous fera pas croire que cela rendra les choses plus confortables, plus sûres et plus humaines !
Dans une approche humaniste, soyons prudents et tempérants. Ne bousculons pas un dispositif qu'il a fallu des années pour mettre en place – je ne rappellerai pas l'historique de l'adoption de la loi relative à l'IVG, ni la manière dont on l'a mise en oeuvre sur le terrain, parfois en bousculant les choses. Ne réveillons pas un combat d'arrière-garde, surtout si nous voulons avancer ! Ma conscience est perturbée par cette proposition de loi.
Applaudissements sur certains bancs du groupe Dem et sur les bancs du groupe LR. – Mmes Aude Bono-Vandorme et Florence Granjus applaudissent également.
Mes chers collègues, efforcez-vous, s'il vous plaît, de respecter la limitation du temps de parole à deux minutes.
La parole est à Mme Marine Le Pen.
Nous vous l'avons dit et vous le savez, il n'y a pas de problème d'accès à l'IVG en raison de la clause de conscience ; les ARS l'ont confirmé à plusieurs reprises. Quant à l'allongement du délai d'IVG de douze à quatorze semaines, il entraînera en réalité une inflation d'invocations de la clause de conscience. Le passage du délai de dix à douze semaines a produit le même effet : jusqu'à 30 % de médecins supplémentaires ont refusé de pratiquer l'IVG car, s'ils acceptaient de le faire jusqu'à dix semaines, ils s'y opposaient au-delà.
Il est donc probable, et vous le savez très bien, que de nombreux médecins refuseront de même de pratiquer l'IVG jusqu'à quatorze semaines. Pourquoi ? Parce que le geste est très différent, nous vous l'avons dit tout au long du débat. Le geste sur l'embryon n'est pas le même que celui sur le foetus et n'a pas du tout les mêmes conséquences psychologiques sur le personnel soignant, non seulement les médecins, mais aussi les infirmiers et les aides-soignants.
Notre discussion sur la suppression de la clause de conscience met en lumière un paradoxe : contrairement à ce que vous avancez, loin de faciliter l'accès à l'IVG, l'allongement du délai le rendra beaucoup plus difficile, voire impossible dans certains endroits. C'est ce qu'on appelle le pavé de l'ours !
La disparition de la clause de conscience risque même d'avoir des conséquences plus graves encore : un certain nombre de médecins ayant choisi la spécialité gynécologie-obstétrique pourraient renoncer à l'exercer. Le nombre de gynécologues pourrait s'effondrer, alors que nous en manquons. Ce serait alors, croyez-moi, un gigantesque recul pour le droit des femmes.
Applaudissements parmi les députés non inscrits.
Ne nous voilons pas la face, chers collègues : si la clause de conscience spécifique à l'IVG existe, c'est non pas pour protéger les médecins, mais parce qu'il s'agit d'un soin destiné aux femmes
Exclamations sur quelques bancs des groupes LR et UDI-I.
Elle est tout à fait emblématique de la considération conservatrice que l'on avait pour les femmes.
Les femmes ne demandent aucun traitement spécifique ; elles demandent simplement l'égalité devant les soins.
Vous l'avez rappelé, madame la ministre déléguée, le texte n'émane pas du Gouvernement. Certes, vous ne maîtrisez pas l'ordre du jour proposé par le groupe EDS, mais vous vous en remettez à la sagesse de l'Assemblée en ce qui concerne une ligne rouge. Comme l'a indiqué Mme la rapporteure, la clause de conscience spécifique est un symbole. Loin de traiter des questions pratiques, à savoir les moyens d'améliorer la situation des femmes qui souhaitent recourir à l'IVG, nous sommes dans un débat purement idéologique.
Le groupe qui a déposé la proposition de loi mène un combat idéologique.
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-I et LR ainsi que parmi les députés non inscrits.
Or votre responsabilité, madame la ministre déléguée, et celle de la majorité, c'est-à-dire des groupes LaREM et Dem, est de conserver les équilibres résultant de la loi en vigueur, d'éviter qu'ils ne soient rompus. À défaut, notre société en serait un peu plus facturée encore.
Mêmes mouvements.
Madame la ministre déléguée, votre réponse très sommaire d'il y a quelques instants présente deux lacunes majeures.
Premièrement, la clause de conscience générale invocable par les médecins à laquelle vous vous référez est de portée beaucoup plus restreinte que la clause de conscience spécifique. Au cas où vous ne vous en souviendriez pas, je vous rappelle que l'article dans lequel elle est énoncée commence par la disposition suivante : « Quelles que soient les circonstances, la continuité des soins aux malades doit être assurée. » Ce principe limite le pouvoir d'appréciation du médecin dans au moins deux circonstances citées ensuite : le « cas d'urgence » et « celui où il manquerait à ses devoirs d'humanité ». Ce cadre juridique est de facto plus restrictif et contraignant pour le médecin que l'affirmation solennelle selon laquelle « un médecin ou une sage-femme n'est jamais tenu de pratiquer une interruption volontaire de grossesse ».
Deuxièmement, qu'en est-il de tous les autres soignants ? Vous n'avez pas répondu à ce sujet. Certes, il existe une clause de conscience générale pour les sages-femmes et les infirmiers, similaire à celle prévue pour les médecins, mais elle est uniquement de nature réglementaire. En outre, elle est elle aussi soumise aux limites et conditions que je viens de rappeler.
Supprimer la clause de conscience spécifique reviendrait à transformer les professionnels de santé en simples prestataires de services, ce qui remettrait fondamentalement en cause la spécificité de leur métier et irait à l'encontre de toute déontologie médicale. Vous en rendez-vous compte ? Le Gouvernement veut-il vraiment laisser passer cela ? Pour notre part, nous considérons qu'il y a là une ligne rouge. Il y va de la déontologie et de l'éthique ; ce n'est pas rien !
M. Brahim Hammouche et Mme Agnès Thill applaudissent.
… je ne vais donc pas en rajouter. En tout cas, l'allongement du délai d'IVG de douze à quatorze semaines conjugué à la suppression de la clause de conscience spécifique est un geste politique conscient qui consiste à banaliser cet acte.
Le droit à l'avortement est un droit fondamental des femmes. Cependant, si vous forcez les médecins à le pratiquer, ce sera contre-productif. En supprimant la clause de conscience spécifique, vous entendez nier la gravité de cet acte, le banaliser.
Ce n'est pas servir la cause des femmes, bien au contraire.
En refusant de se prononcer sur ce point, le Gouvernement adopte selon moi une attitude tout à fait choquante, digne de Ponce Pilate.
M. Thibault Bazin applaudit.
En tant que membre du Gouvernement, madame la ministre déléguée, vous devriez nous exposer clairement votre position.
J'y insiste, les deux mesures cumulées – l'allongement du délai de douze à quatorze semaines et la suppression de la clause de conscience spécifique – auront des conséquences très graves. Je demande au Gouvernement de dire aux Français quelle est vraiment sa position.
Je me permets d'intervenir car plusieurs questions se posent. Premièrement, quel est l'avis des professionnels de santé sur la suppression de la clause de conscience spécifique, mesure qui les concerne ?
Deuxièmement, la grossesse n'est pas une maladie, et son interruption n'est pas un soin ; c'est un acte médical. Gardons-nous de tout glissement de sens.
Enfin, puisqu'il s'agit de protéger les femmes, quel est leur avis sur l'existence d'une double clause de conscience ? En ont-elles seulement connaissance ? Ont-elles été importunées de ce fait ? Je n'en suis pas sûre.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I.
Je vais mettre aux voix cette série d'amendements identiques, sur lesquels vous vous êtes longuement exprimés. Sur les amendements suivants, nous devrons veiller à restreindre le nombre de prises de parole.
Murmures sur divers bancs. – M. Matthieu Orphelin applaudit.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-cinq, est reprise à dix-sept heures trente-cinq.
Il vise à étendre la clause de conscience aux pharmaciens, qui sont de plus en plus souvent amenés à délivrer des produits abortifs en raison de l'accroissement du nombre d'interruptions de grossesse par voie médicamenteuse. Il est donc parfaitement logique que la clause de conscience, qui existe pour les autres professionnels, leur soit étendue. L'objection de conscience est reconnue par le Conseil constitutionnel ; elle trouve son fondement dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et dans le préambule de la Constitution de 1946, et elle est garantie par la Convention européenne des droits de l'homme.
Par ailleurs, j'ai été profondément choquée, tout à l'heure, d'entendre prononcer certains termes. Madame la rapporteure, vous avez dit que l'IVG était un acte de soin comme un autre, et j'ai entendu une députée de la majorité dire, elle aussi, que l'avortement était un soin. Les mots ont un sens ; or, si l'on va au bout de votre logique, si vous réclamez que l'IVG soit un acte de soin comme un autre, cela signifie que, dans votre esprit, la grossesse est une maladie.
J'aimerais qu'on utilise les bons termes et les bonnes idées car, sincèrement, je pense que nous dévions, et on commence à entendre n'importe quoi.
Les pharmaciens étant de plus en plus souvent appelés à délivrer des produits abortifs en raison de l'accroissement du nombre d'interruptions de grossesse par voie médicamenteuse, il est parfaitement logique que la clause de conscience, qui existe pour les autres professionnels, leur soit étendue. De même, il doit désormais être reconnu que ces professionnels ne sont pas tenus de se former à la pratique de ce type d'intervention, fût-ce par voie médicamenteuse.
L'objection de conscience est reconnue par le Conseil constitutionnel et appliquée en diverses occasions au profit des journalistes, des avocats, des appelés au service national refusant de porter une arme ou encore des médecins refusant de pratiquer une IVG. Elle trouve son fondement dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et dans le préambule de la Constitution de 1946 ; elle est également garantie par la Convention européenne des droits de l'homme. C'est-à-dire qu'elle est gravée dans les lois les plus fondamentales de la nation, de l'Europe et du monde, les plus élevées dans la hiérarchie des normes.
Refuser d'autoriser la clause de conscience pour les pharmaciens, c'est bafouer un droit essentiel reconnu par nos lois les plus profondes. Mais c'est aussi et surtout exposer les femmes à un mauvais accompagnement, effectué à reculons par un personnel soignant agissant contre lui-même. C'est pourquoi il apparaît nécessaire de donner aux pharmaciens la possibilité de faire jouer leur clause de conscience en matière d'avortement.
J'associe notre collègue Dino Cinieri à cet amendement, comme à tous ceux que j'ai présentés, puisque nous les avons travaillés ensemble. Il vise à étendre la clause de conscience aux pharmaciens avec les mêmes arguments que ceux qui viennent d'être développés.
Je souhaite réitérer la question posée par notre collègue Ménard. Madame la rapporteure, vous avez indiqué que l'avortement était un acte de soin : qu'entendez-vous par là ? Il est important que nous le sachions. Vous êtes rapporteure du texte ; vous l'avez donc particulièrement travaillé, et j'imagine que vous choisissez vos mots. Qui parle d'acte de soin dit, en effet, que la grossesse est une pathologie. Est-ce là votre conception de la maternité ? Sur des sujets aussi sensibles et aussi importants, le choix des mots peut blesser.
Mme Elsa Faucillon rit.
Nous devons donc les employer avec prudence. Sinon, ils révèlent une conception de la grossesse et de la maternité dans laquelle nous ne nous reconnaissons pas.
Ces amendements concernent les pharmaciens et les étudiants des professions de santé. Ils visent à réintroduire une clause de conscience spécifique pour l'IVG, alors que nous venons de supprimer cette clause dans les autres cas. Avis défavorable.
Il s'agit d'un amendement de précision. Conformément aux dispositions de l'article L. 2212-2 du code de la santé publique et à l'actuelle rédaction de l'article L. 2212-8 du code de la santé publique, l'obligation de réorientation figurant à l'article 2 devrait, pour plus de clarté, prévoir la communication du nom, non seulement de praticiens susceptibles de réaliser l'IVG, mais également de sages-femmes. L'amendement vise à préciser que les sages-femmes sont bien concernées.
Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.
L'amendement a-t-il été examiné par la commission, madame la rapporteure, ou s'agit-il d'un avis personnel ?
L'amendement a été adopté par la commission au titre de l'article 88 du règlement.
Je suis quelque peu étonné, madame la rapporteure : vous apportez des amendements à votre propre proposition de loi, lesquels ont pour effet de réécrire le texte sur des sujets loin d'être anodins, puisque nous parlons ici de la clause de conscience spécifique.
Je m'interroge donc sur les conditions d'examen de la proposition de loi. Vous dites que le texte doit être réécrit ou complété ; cela pose problème, sachant que nous n'avons toujours pas reçu l'avis du Comité consultatif national d'éthique, lequel, semble-t-il, n'a été saisi qu'il y a deux jours, ce qui soulève des interrogations quant au degré de préparation de son avis.
Je me demande si nous n'allons pas trop loin, puisque la rapporteure dépose elle-même des amendements de dernière minute. La commission n'a pas donné un avis favorable à l'issue de l'examen de cet amendement ; …
… elle l'a donné au titre de l'article 88. Cela mérite d'être précisé, surtout quand on sait comment s'est passée la réunion tenue au titre de l'article 88 ce matin, …
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mme Agnès Thill applaudit également.
L'amendement no 32 n'est pas adopté.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Sur l'article 2, je suis saisie par les groupes Les Républicains et UDI et Indépendants d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Cécile Muschotti, pour soutenir l'amendement no 118 rectifié .
Cet amendement de cohérence juridique vise à déplacer la disposition relative au répertoire des professionnels et structures pratiquant l'IVG dans l'article du code de la santé publique, consacré à l'information des femmes sur l'accès à l'IVG.
L'amendement no 118 rectifié , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté ; en conséquence, les amendements nos 36 , 33 et 114 tombent.
L'accès à l'IVG constitue un droit protégé par la loi, et sa prise en charge doit être assurée par l'ensemble des établissements assurant le service public hospitalier, lesquels sont financés par la collectivité. Il n'est plus concevable que, dans tel ou tel de ces établissements, à cause des convictions du chef de service, aucune offre d'orthogénie ne soit proposée, ou que l'on y refuse d'assurer des IVG entre dix et douze semaines de grossesse, alors que le délai légal n'est pas dépassé. Offrir une protection en la matière serait essentiel pour les femmes les plus vulnérables, les plus éloignées de l'offre de soin, qui se trouvent en situation de détresse, sans solution, et, évidemment, à la limite du délai autorisé.
C'est pourquoi cet amendement vise à supprimer la faculté des établissements privés habilités à assurer le service public hospitalier de refuser que des interruptions volontaires de grossesse soient pratiquées dans leurs locaux si d'autres établissements sont en mesure de répondre aux besoins locaux.
La parole est à M. Philippe Naillet, pour soutenir l'amendement no 53 .
La situation contrastée selon les territoires en matière d'offre de soins se traduit par un allongement des délais de rendez-vous et de prise en charge et par des trajets importants, pour les femmes ne pouvant pas être traitées au plus près de leur domicile.
Nous proposons donc de supprimer la faculté des établissements privés habilités à assurer le service public hospitalier à refuser que des interruptions volontaires de grossesse puissent être pratiquées dans leurs locaux si d'autres établissements sont en mesure de répondre aux besoins locaux.
La mesure ne serait pas sans effet : on constate que de plus en plus d'établissements privés habilités refusent de pratiquer l'IVG, remettant ainsi en cause l'accès à l'IVG.
Les moyennes statistiques concernant le délai d'accès à l'IVG ne montrent pas de dégradation récente qui justifierait de bouleverser l'exception ancienne instaurée pour les établissements privés.
En outre, les effets concrets d'une telle mesure seraient limités. C'est notamment la démographie des professionnels, gynécologues-obstétriciens, et anesthésistes-réanimateurs, qui explique les difficultés des établissements publics à proposer une offre d'IVG dans certains territoires. Elle pourrait limiter aussi l'offre privé.
En 2017, quatre-vingt-trois établissements autorisés à pratiquer l'activité de gynécologie-obstétrique, dont vingt-trois établissements publics, ne proposaient pas d'IVG : l'impact de cette mesure serait ainsi très faible, presque symbolique, compte tenu du petit nombre d'établissements privés, une soixantaine, ne pratiquant pas l'IVG.
En estimant que ces établissements pourraient prendre en charge chacun une soixantaine de parcours d'IVG par an, la mesure permettrait seulement de réaliser 6 000 IVG supplémentaires, tout au plus. Pour ces raisons, je vous demande de retirer votre amendement ; à défaut, avis défavorable.
Non, puisque la démonstration que vous venez de faire, madame la ministre déléguée, montre que la mesure aurait bien un effet, même si limité. Cela pourrait permettre d'empêcher au moins une partie des 3 000 ou 4 000 départs à l'étranger pour réaliser des IVG. La mesure contribuerait ainsi à élargir une offre trop restreinte, selon un constat réitéré tout au long de la journée. Nous maintenons donc l'amendement.
Une nouvelle fois, les mesures en discussion s'éloignent non seulement de l'objet général du texte, mais aussi de l'objet de l'article. Le débat, commencé sur la clause de conscience, dérive sur les établissements privés.
En outre, de nouvelles dissensions apparaissent au sein de la majorité et des groupes susceptibles de voter en faveur de ce texte, sur des points sensibles.
Vous en arrivez enfin au constat, que nous formulons pour notre part depuis trois ans, que l'offre de soin n'est pas équitablement répartie sur le territoire. La solution n'est peut-être pas de tordre le bras du secteur privé, mais plutôt de se poser la question de la répartition des hôpitaux publics et de l'accès aux soins sur l'ensemble du territoire, non pas seulement pour les femmes qui souhaitent recourir à l'IVG, mais pour tous les patients.
Par ailleurs, les cliniques privées se concentrent généralement dans les zones les plus densément peuplées, si bien qu'on trouve souvent des hôpitaux publics à proximité. Comme le soulignait fort justement la ministre déléguée, la portée de ces amendements serait donc très limitée.
En tout état de cause, chaque médecin et chaque établissement – surtout les cliniques privées – , doit gérer ses soins comme il le souhaite, et bénéficier d'une clause de conscience.
Tout à l'heure, vous nous avez accusés, de manière absolument fallacieuse, de remettre en cause le droit à l'IVG – cela n'a jamais été le cas sur les bancs du groupe LR.
Et maintenant, on sent bien que vous voulez insidieusement tordre le bras de toute une partie du corps médical, qui souhaiterait exercer sa liberté de conscience. Ce n'est pas plus acceptable !
Restons-en à l'objet initial du texte, que nous examinons déjà depuis neuf heures ce matin. Plus nous nous en éloignerons, moins il sera légitime – d'autant plus qu'il s'agit d'une niche parlementaire.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Depuis ce matin, je me suis bien gardé d'intervenir sur ce sujet grave, qui concerne essentiellement le droit des femmes ; en tant qu'homme, je ne me sentais pas légitime en la matière.
Si je comprends bien, cette proposition de loi a pour objet de rendre plus effective la possibilité donnée aux femmes de recourir à l'interruption volontaire de grossesse. Je partage cet objectif.
Mais plus nous avançons dans l'examen du texte, plus je m'aperçois avec horreur que vous voulez simplement faire de l'IVG une banale intervention chirurgicale. Or elle n'a rien de banal ! Certaines femmes souffrent à vie, après une IVG !
« Bravo ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR. – M. Nicolas Dupont-Aignan et Mme Agnès Thill applaudissent également.
Pourtant, vous banalisez cet acte en supprimant la clause de conscience et les deux jours de réflexion.
Comme M. Di Filippo l'indiquait tout à l'heure, un établissement privé n'est habilité à exercer une mission de service public que dans un groupement hospitalier de territoire – GHT – où aucun établissement public ne peut l'assurer, situation très fréquente, évidemment, pour les services de maternité et d'obstétrique.
Voter ces amendements, qui visent à imposer au secteur privé d'assurer les missions que n'assure pas le secteur public, causerait une véritable rupture d'égalité. On voit bien l'objectif sous-jacent : restreindre encore un peu plus, voire supprimer totalement la liberté fondamentale qu'est la clause de conscience des praticiens et des professionnels de santé en matière d'interruption temporaire de grossesse.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 142
Nombre de suffrages exprimés 139
Majorité absolue 70
Pour l'adoption 80
Contre 59
L'article 2, amendé, est adopté.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, FI, GDR et EDS, ainsi que sur certains bancs du groupe LaREM.
La parole est à Mme Aurore Bergé, pour soutenir l'amendement no 103 , portant article additionnel après l'article 2.
Si on nous alerte, depuis les territoires, concernant l'effectivité du droit d'accès à l'IVG, la question du droit d'accès à la contraception d'urgence et à la pilule du lendemain se pose aussi. Nous avons régulièrement été alertés sur le fait que des praticiens refuseraient de délivrer la pilule du lendemain, complexifiant encore le parcours de soins des femmes concernées. Si nous voulons leur éviter les situations d'urgence, de difficulté telles qu'elles doivent recourir à l'IVG, nous devons lever les entraves préalables dans leur parcours médical.
Le présent amendement, largement cosigné au sein du groupe de La République en marche, vise donc à préciser que le pharmacien qui refuse la délivrance d'un contraceptif en urgence méconnaît ses obligations professionnelles. Il faut éviter que le parcours des femmes concernées ne soit heurté. Cet amendement s'inscrit dans l'esprit de la présente proposition de loi, en permettant d'assurer un accès plus effectif des femmes à leurs droits fondamentaux.
L'amendement s'inscrit dans la droite ligne de l'objectif de la proposition de loi : garantir l'effectivité du droit à l'avortement, fluidifier le parcours des femmes concernées, les libérer des entraves, lever les différents freins.
Je donnerai un avis favorable à titre personnel, sachant que la commission, réunie en application de l'article 88 du règlement, a donné un avis défavorable sur cet amendement.
Votre amendement vise à rappeler que les pharmaciens ne peuvent refuser la délivrance d'une contraception d'urgence, à moins de s'exposer aux sanctions prévues.
Si le Gouvernement est attaché à garantir le libre accès à la contraception, le code de la santé publique prévoit déjà de sanctionner ces cas de refus de soin, si bien que le rappel solennel que vous proposez ne semble pas nécessaire. Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.
Je voterai contre cet amendement, qui me gêne, même si je peux concevoir que des ventes ou des délivrances aient déjà été refusées, dans certaines situations – ce n'est d'ailleurs peut-être pas ces refus eux-mêmes qui ont gêné, mais les mots qui les ont accompagnés. J'en suis navrée.
Tout à l'heure, j'ai demandé en vain la parole pour intervenir lors de la discussion sur la clause de conscience des pharmaciens. Nous ne pouvons pas, chers collègues, discuter de l'instauration d'une clause de conscience pour une profession, sans en avoir discuté au préalable avec ses représentants.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
C'est pourtant ce que vous proposiez de faire tout à l'heure, monsieur Hetzel, en défendant votre amendement.
Sourires sur certains bancs du groupe LaREM.
Vous ne pouvez pas reprocher à certains de supprimer une clause de conscience sans en avoir discuté avec les représentants des professions concernées, tout en prétendant en imposer une autre, sans plus de discussions.
Mme Valérie Bazin-Malgras et M. Maxime Minot applaudissent.
Madame Berger, il existe déjà une disposition visant à sanctionner les pharmaciens, votre amendement est donc sans objet. Il n'est pas nécessaire non plus de stigmatiser cette profession même si certains ne l'exercent pas comme vous le souhaiteriez. Des sanctions existent, que le conseil de l'ordre est là pour appliquer.
Cet amendement, stigmatisant pour le professionnel de santé, pénalise également la personne qu'il a en face de lui. Il faut préserver le rôle de conseil du pharmacien qui, pour la troisième ou quatrième fois, voit la même femme lui demander la pilule du lendemain. Il peut être amené à l'informer sur la contraception et lui indiquer que la pilule du lendemain est une médication d'urgence qui ne peut se substituer à un contraceptif.
Il me semble donc que cette proposition entretient les femmes qui risquent une grossesse non choisie dans une certaine forme de confusion.
Une nouvelle fois, le Gouvernement n'a pas d'avis ! Nous n'avons pas non plus d'avis du Conseil national d'éthique, ce qui complique la progression des débats.
En second lieu, encore une fois on oppose la liberté des uns et des autres. Même s'il n'y a pas de clause de conscience chez les pharmaciens, il nous faut néanmoins veiller à préserver leur liberté de conscience.
En troisième lieu, nous nous éloignons de plus en plus de l'objet du texte. Il ne s'agit plus d'allonger le délai légal de l'IVG pour en faire un droit effectif mais de tordre le bras de nos pharmaciens !
En quatrième lieu, ne pensez-vous pas que les moyens que vous défendez ne sont pas les meilleurs et qu'il vaudrait mieux renforcer non pas l'éducation sexuelle mais l'éducation à la contraception et la prévention.
En cinquième lieu, banaliser ce type de moyen contraceptif, chimiquement violent, c'est faire peser un risque sur la santé des femmes.
Enfin, je tiens à préciser qu'à ma connaissance Patrick Hetzel n'a pas défendu d'amendement concernant la clause de conscience des pharmaciens. Je tenais à rétablir la vérité.
Identifier des entraves n'a rien de stigmatisant. La très grande majorité des pharmaciens font très bien leur travail, et c'est précisément les soutenir que de pointer ceux qui ne le font pas correctement.
Il faut réaffirmer l'obligation qu'a la profession de délivrer aux jeunes femmes les traitements qu'elles demandent. Or des témoignages récurrents montrent que ce n'est pas toujours le cas. Pensez-vous qu'une très jeune femme de 16 ou 18 ans osera revenir chez un pharmacien qui l'a humiliée ? Les pharmaciens n'ont pas à juger du comportement de ces femmes ni à stigmatiser leur contraception anarchique. Il faut réaffirmer le droit des femmes.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, SOC, FI, GDR et EDS.
Je soutiens cet amendement, car j'ignore ce que disent les textes au sujet de l'obligation pour les pharmaciens de donner suite aux demandes de ces femmes ; mais nous avons rencontré, avec Mme Berger, une douzaine de sages-femmes qui nous ont unanimement fait part de leur effarement devant ces refus de délivrer la pilule contraceptive du lendemain.
J'ignore si la forme de l'amendement convient mais c'est un point sur lequel nous devons agir, qui est au coeur du sujet qui nous préoccupe aujourd'hui. On ne peut en effet vouloir supprimer les entraves à l'interruption volontaire de grossesse sans agir dans le même temps le plus en amont possible, au stade de la contraception et, notamment de la contraception du lendemain.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
L'amendement no 103 est adopté.
Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LaREM, FI, GDR et EDS.
Trois tables rondes organisées par la délégation aux droits des femmes dans la foulée du confinement ont permis d'évoquer les conditions d'accès à l'IVG au cours de cette période, ainsi que les enseignements à en tirer pour l'avenir.
Le ministre des solidarités et de la santé a rappelé ce matin plusieurs des mesures prises par le Gouvernement pendant le confinement, comme la généralisation de la téléconsultation ainsi que celle de l'IVG médicamenteuse hors hôpital, qui ont été considérées comme des avancées d'autant plus notables que le confinement rendait les choses plus difficiles.
La méthode médicamenteuse étant actuellement la plus utilisée, il est important de faciliter son emploi en permettant aux praticiens libéraux de la prescrire dans les mêmes conditions de délais que les établissements hospitaliers. Cette mesure serait d'autant plus pertinente qu'elle permettrait d'alléger la charge des établissements de santé, souvent submergés de demandes.
C'est pourquoi cet amendement, issu du rapport de la délégation aux droits des femmes, préconise de pérenniser l'allongement du délai de recours à l'IVG médicamenteuse en ville de cinq à sept semaines de grossesse – allongement, je le rappelle qui a été décidé pour faire face à la crise sanitaire.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour soutenir l'amendement no 54 .
Si nous déposons cet amendement en séance après l'avoir déposé en commission, c'est pour échanger avec le Gouvernement sur le retour d'expérience du confinement. À de nombreuses reprises, nous avions demandé un allongement des délais à la fois pour l'IVG médicamenteuse et l'IVG instrumentale, de manière à permettre aux femmes ayant dépassé les délais d'y avoir recours.
Cette dérogation ne nous a pas été accordée pour l'IVG chirurgicale, mais elle a été mise en place pour l'IVG médicamenteuse. Le retour d'expérience, notamment de la part des différents plannings familiaux, s'est avéré très positif. Nous demandons donc que cette mesure transitoire soit pérennisée.
Tout le monde s'accorde en effet sur l'aspect positif de cette mesure, qui s'inscrit parfaitement dans la démarche de la proposition de loi.
J'ajoute qu'en avril 2020 la Haute Autorité de santé a publié des « réponses rapides dans le cadre du covid-19 » et a donné un avis positif sur cet allongement des délais. Quant à l'Agence nationale de sécurité du médicament, elle a souscrit aux deux protocoles proposés par la Haute Autorité de santé durant la crise. Il faut donc pérenniser cette avancée. Avis favorable.
Ces amendements identiques proposent d'inscrire dans la loi la possibilité de réaliser des IVG médicamenteuses en ville jusqu'à sept semaines de grossesse. Des mesures dérogatoires concernant l'IVG ont en effet été mises en place durant la période d'état d'urgence sanitaire, afin de limiter les déplacements vers les établissements de santé et d'assurer la continuité d'accès à l'IVG. C'était une priorité pour le Gouvernement que de garantir à chaque femme, dans cette période de confinement, la possibilité de recourir à l'IVG.
Ces mesures ont permis, d'une part, la prolongation des IVG médicamenteuses en ville de cinq à sept semaines de grossesse et, d'autre part, la téléconsultation pour l'ensemble des consultations prévues en lien avec la possibilité de délivrance des médicaments abortifs directement par les pharmacies.
Dans un souci de qualité et de sécurité des soins, ces modalités de prise en charge ont exclusivement été mises en oeuvre par des professionnels de santé, médecins ou sages-femmes, déjà formés et conventionnés avec un établissement de santé.
Le ministre Olivier Véran a recueilli les éléments d'un premier bilan de ces mesures de la part tant des professionnels de santé prescripteurs que des pharmaciens ayant délivré ces médicaments, des femmes ayant traversé cette expérience ou encore des associations départementales du Mouvement français pour le planning familial.
Il a également saisi les autorités sanitaires compétentes dès le 23 septembre dernier, afin d'évaluer les possibilités de pérennisation de ces mesures ; leurs conclusions sont attendues pour février 2021. La Haute Autorité de santé se prononcera sur l'actualisation des protocoles de prise en charge de l'IVG médicamenteuse, en intégrant notamment la place de la téléconsultation, et l'Agence nationale de sécurité du médicament travaillera sur l'encadrement et la sécurisation de la prescription et des conditions de délivrance des médicaments abortifs.
Les mesures qui ont été prises pour faire face à l'urgence peuvent, c'est vrai, représenter une amélioration dans le parcours des femmes, mais elles ne nécessitent pas le recours à la loi et relèvent plutôt du domaine réglementaire. Je pense aussi que seuls les délais légaux pour recourir à une IVG doivent être inscrits dans la loi. Vouloir distinguer les délais gestationnels en fonction des méthodes abortives risque de nuire à la compréhension du cadre légal de l'IVG.
C'est pourquoi, en vous réitérant l'entière détermination du Gouvernement à pérenniser ces mesures qui accroissent l'offre et améliorent les modalités de prise en charge des femmes, je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement.
Ce matin, le ministre Véran a clairement indiqué qu'il avait demandé, le 23 septembre, un avis à la Haute Autorité de santé et à l'Agence nationale de sécurité du médicament. Nous sommes le 8 octobre, ce qui témoigne d'une forme de précipitation. Il me semble que, sur des sujets aussi sensibles, il serait important de pouvoir attendre cet avis prévu pour février 2021, ce qui n'est pas dans si longtemps.
Je vous inviterais plutôt à retravailler ces amendements qui vont bien au-delà de la crise sanitaire que vous évoquez et ont une portée générale.
Je n'y suis pas favorable. Je vous invite à retirer ces amendements et à les proposer à nouveau lorsque nous aurons connaissance des avis demandés, si ces derniers confirment l'intérêt et la pertinence de ces mesures.
L'IVG est un droit incontestable. Quarante-cinq ans après la loi Veil, il faut lever les freins pour faire en sorte qu'il soit un droit effectif et réel. Plus de 3 000 femmes sont contraintes d'avorter à l'étranger parce qu'elles ont dépassé le délai légal de douze semaines ; près de 225 000 IVG sont réalisées chaque année. Il est donc impératif que les femmes puissent accéder à l'IVG dans de bonnes conditions, sans que cela se transforme en parcours du combattant.
L'article 2 bis concerne la remise d'un rapport sur l'application du délit d'entrave à l'IVG. Des sites internet, sous une apparente neutralité, fournissent en réalité des informations biaisées et idéologiquement orientées. Malgré le lancement d'un site gouvernemental d'information, on trouve des sites très bien référencés, comme IVG. net. Que trouve-t-on sur ce genre de site ? Un témoignage intitulé « IVG médicamenteuse douleur » ; un onglet appelé « L'avortement et la fragilisation de la femme » ; un pseudo-numéro vert qui cache une pression pour ne pas avorter ; une femme enceinte qui est systématiquement appelée une future maman. Mais où sont ici les informations claires et neutres ? Cette propagande anti-IVG est extrêmement inquiétante.
Internet est une mine d'or, bien sûr ; on s'y rend dès qu'on se pose une question. Mais sur un sujet comme celui-ci, il est essentiel de pouvoir trouver des informations neutres et fiables. C'est pourquoi il me semble important de soutenir cet article, qui prévoit de dresser un bilan de l'application de la législation sur le délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse. Il importe également d'identifier des pistes d'amélioration. J'en resterai toujours convaincue : toutes les femmes doivent pouvoir décider librement, sans pression psychologique.
Mme Delphine Bagarry applaudit.
Nous arrivons quasiment au terme de l'examen du texte. Après une journée passée à examiner les différentes dispositions, je crois que nous avons bien compris votre philosophie, votre volonté et vos souhaits. Ce dernier article illustre parfaitement l'idéologie avec laquelle vous avez appréhendé le débat. Plutôt que de concilier le droit à l'avortement et le droit à la vie – le droit de naître d'un enfant – vous avez adopté des positions idéologiques : le refus de considérer que l'avortement peut avoir un impact, aussi bien sur les femmes que sur le personnel de santé, le refus du droit de réflexion de 48 heures, la disparition de la clause de conscience.
Vous passez aujourd'hui un cap dans votre posture. C'est malheureusement dommage pour les femmes, que vous avez décidé d'infantiliser. Il faut que vous preniez véritablement conscience d'abord que les femmes qui avortent n'ont pas toutes le choix, et aussi qu'il importe de raisonner avec les hommes, qui ont été totalement oubliés dans le débat. Certes, c'est un débat de femmes, mais c'est aussi une question qui concerne les hommes. Nous, députés, hommes et femmes, devons être ensemble.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Nous sommes parvenus au terme de cet important débat et je vais vous dire quelque chose qui me tient à coeur. Ceux parmi vous qui me connaissent savent que j'ai passé le meilleur de ma vie politique dans le sillage de Mme Simone Veil. Loin de moi l'idée de dire quelle serait sa position dans ce débat si elle était en vie. Certains peuvent penser qu'elle voterait pour le texte, d'autres qu'elle voterait contre. Ce que je sais, et ce au nom de quoi je parle, c'est qu'un grand nombre de ceux qui se sont alors engagés dans son combat n'approuveraient pas ce texte. C'est mon cas.
Le texte défendu par Simone Veil était un texte de nécessité : il fallait permettre aux femmes d'interrompre leur grossesse, leur en donner le droit. C'était nécessaire pour faire cesser des agissements absolument criminels.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem et LR.
La loi Veil était une loi d'équilibre : elle disait bien que l'avortement, l'interruption volontaire de grossesse était la pire des solutions à l'exception des autres, la vraie solution étant la contraception. C'était une loi de respect, avec des clauses de conscience qui sont remises en cause aujourd'hui.
Je le dis, la loi que vous proposez n'est pas nécessaire, car les femmes jouissent librement du droit d'interrompre leur grossesse.
« Non ! » sur les bancs des groupes EDS et FI.
La loi que vous proposez n'est pas une loi d'équilibre, elle ne favorise pas la contraception, la banalisation de l'interruption volontaire de grossesse y est la règle. Au bout du compte, elle ne respecte pas la conscience puisqu'elle supprime la clause qui y est attachée. Alors non, une grande partie de ceux qui voteront contre ce texte n'ont pas le sentiment d'être infidèles à l'engagement qui était le leur aux côtés de Simone Veil.
Vifs applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem, LR et UDI-I.
Je veux faire un rappel global de ce qui s'est passé aujourd'hui. Chers collègues de la majorité, en une journée de niche, encore plus rapidement qu'en temps législatif programmé, vous allez porter le délai de recours à l'IVG de douze à quatorze semaines. Vous touchez à la loi Veil sans consulter le CCNE. Vous retirez les délais de réflexion pour les femmes. Vous retirez la clause de conscience spécifique à l'IVG – ainsi, la liberté de conscience n'est plus tolérée. Vous prétendez que l'IVG est un acte comme un autre, alors qu'il s'agit d'écraser l'ossature du foetus.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Tiens, qu'est-ce qui vous dérange là-dedans ?
En 2001, l'allongement des délais a été suivi d'une chute vertigineuse – de 30 % – du nombre des professionnels réalisant les IVG. Que croyez-vous qu'il adviendra cette fois-ci ? Vous rendez encore plus difficile l'accès à l'IVG !
Monsieur Di Filippo, si vous voulez prendre ma place, faites-vous élire ! Mme O'Petit ne peut pas prendre la parole puisqu'une députée de son groupe s'est déjà exprimée.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 43 .
Cet amendement va mettre tout le monde d'accord, ce qui permettra de finir sur une note positive. Il propose que le Gouvernement remette au Parlement, dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport présentant les résultats d'une étude épidémiologique sur les vingt dernières années, qui analyserait les causes, les conditions et les conséquences de l'avortement. Ainsi, au lieu de légiférer de nouveau sur l'avortement, nous pourrions donner la priorité à une étude impartiale. Cela pourrait conduire à instaurer une réelle politique de la famille, qui prendrait en considération tous les éléments de la chaîne, de l'avortement à l'encouragement des naissances ; on pourrait tout poser à plat.
Plutôt qu'une proposition de loi examinée dans la précipitation avant même d'avoir obtenu l'avis du Comité consultatif national d'éthique – je le répète, car c'est important – je propose de lancer une grande étude impartiale, qui produira enfin des données objectives sur la douloureuse question de l'avortement et qui mettra tout le monde d'accord. Nous pourrons ainsi tous nous décider à partir de chiffres et de données vérifiables, tangibles et objectives.
Il y a un vrai paradoxe : dans cette niche parlementaire, on se retrouve à débattre d'un texte qui a des conséquences majeures et pour lequel on ne dispose pas des éléments suffisants pour se prononcer.
On voit bien qu'une étude épidémiologique sur l'IVG nous donnerait une analyse de la situation sur laquelle nous fonder pour légiférer. Nous ne pouvons pas nous décider sans remettre les choses dans leur contexte – et si nous demandons une étude sur vingt ans, c'est que le délai avait été changé en 2001. Cela permettrait de remettre ce débat en perspective.
Madame la ministre déléguée, vous ne répondez pas à la question que plusieurs d'entre nous vous ont posée. Le Gouvernement a-t-il saisi le CCNE, et quand l'a-t-il fait ? C'est une question cruciale, puisque nous parlons d'un sujet d'éthique. Nous aimerions savoir à quel moment le Gouvernement a saisi le CCNE et à quel moment il aura une réponse. C'est la moindre des choses que l'on puisse attendre du Gouvernement. Votre mutisme est particulièrement inquiétant : nous devrions avoir là une totale transparence et je ne comprends pas, madame la ministre déléguée, pourquoi vous ne vous exprimez pas sur le sujet. Cela fait maintenant plusieurs heures que nous vous demandons des précisions, pourquoi ne les donnez-vous pas ? Il est très surprenant que le Gouvernement ne soit pas transparent concernant cette question. Cet après-midi, des journalistes ont affirmé que le CCNE n'avait reçu la saisine du Gouvernement que mardi : est-ce vrai ?
Selon les derniers chiffres publiés par la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, le nombre d'avortements pratiqués en 2019 a atteint son plus haut niveau depuis 1990, avec 232 200 interventions ; nous sommes les premiers en Europe. Cela nous rappelle l'urgence de conduire une véritable étude épidémiologique impartiale qui analyse les causes, les conditions et les conséquences de l'avortement, afin d'instaurer une réelle politique de contraception et de prévention de l'avortement. Cela apparaît nécessaire pour que les femmes ne soient plus systématiquement acculées, je dis bien acculées à l'avortement, mais qu'elles puissent bénéficier de l'entière liberté de choix qu'elles devraient avoir.
Il s'agit toujours d'une étude épidémiologique sur les vingt dernières années, analysant les causes, les conditions et les conséquences de l'avortement.
Dans le sondage auquel nous faisions référence, réalisé par l'IFOP à la demande d'Alliance VITA, la question suivante était posée : si les pouvoirs publics lançaient une véritable prévention de l'avortement et conduisaient une étude pour analyser ses causes, ses conditions et ses conséquences, y seriez-vous personnellement favorable ? Les sondés ont répondu oui à 88 % et non à 12 % ; 88 % de nos concitoyens sont demandeurs de cette étude ! Cela me paraît donc un amendement de bon sens. De plus, cela permettrait de supprimer l'article 2 bis, qui prévoit un renforcement du délit d'entrave.
Nous sommes en train d'examiner une loi d'exception, qui vise à brider la liberté d'expression. On connaît tous la phrase « Je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu'au bout pour que vous puissiez le dire ». Qu'elle soit de Voltaire ou non, puisqu'il y a controverse, on peut y souscrire. La liberté d'expression ne se saucissonne pas et nous devons nous battre tous ensemble pour elle. Il y a actuellement des réflexions sur d'autres entraves à des activités légales – je pense notamment à la chasse, dont nous aurons l'occasion de parler dans les prochaines heures : dans tous les cas, il faut maintenir la liberté d'expression.
Ce sont les actions qui peuvent être proscrites : dès lors qu'une activité est légale, on n'a pas à interférer, à chercher à l'empêcher. Mais la liberté d'expression concernant la grossesse, la maternité et l'avortement doit être complète – sauf si elle présente des connotations sanctionnables, racistes par exemple. C'est pour cette raison que nous proposons à la fois de supprimer le renforcement du délit d'entrave et de mener l'étude à laquelle 88 % de nos concitoyens sont favorables.
Madame la rapporteure, votre groupe a fait le choix, que l'on respecte, d'inscrire à l'ordre du jour de nos travaux cette proposition de loi qui modifie la loi de 1975 et en bouleverse, à notre sens, l'équilibre. Mais est-ce une priorité pour les Français ?
Exclamations de Mme Marie-George Buffet, Mme Annie Chapelier et Mme Mathilde Panot.
Nous devrions plutôt nous concentrer sur les solutions à apporter à la crise sanitaire, économique et sociale.
Le nombre d'IVG a augmenté en 2019, signe que ce droit est bien effectif. Les dernières données interpellent et des questions légitimes se posent, car il y a des écarts territoriaux immenses – allant du simple au triple, notamment outre-mer comme vous l'avez souligné – mais également des écarts générationnels – ainsi, le nombre d'IVG augmente chez les femmes de plus de 30 ans, mais diminue chez celles de moins de 20. Votre proposition de loi n'apporte aucune réponse à ces questions.
Nous avons cherché, au cours des débats, à préserver l'équilibre de la loi Veil, sans remettre en cause le droit à l'IVG. Notre conviction profonde est qu'il y a besoin d'accompagnement et de prévention, mais vous n'apportez aucune réponse dans ce domaine, ce que je regrette. L'étude demandée par l'amendement permettrait d'approfondir ces sujets.
Vous demandez des rapports, vous dites que la proposition de loi ne se fonde sur rien, vous interpellez Mme la ministre déléguée de manière répétée pour lui demander quand elle a saisi le CCNE.
Laissez-moi terminer mon propos et vous allez comprendre mon mode de pensée. Je vous renvoie au rapport très intéressant de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, publié le 16 septembre : il s'agit d'une étude très approfondie, …
… résultat d'auditions menées pendant un an et demi et de rencontres sur le terrain. Il constitue une bonne base de travail. Si vous souhaitez un autre rapport, vous pouvez vous reporter à celui du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, qui date certes un petit peu mais qui est exploitable. Les statistiques de la DREES sont également à votre disposition : nous avons donc les informations pour travailler et proposer un texte de loi en conscience.
Un comité existe, pourquoi n'avons-nous pas le droit d'avoir un rapport ?
Sous prétexte de demander des rapports, vous refaites la discussion générale. Dix-huit demandes de rapport ont été déposées, alors que plusieurs études sont déjà disponibles. De nouveaux rapports ne serviraient à rien. L'avis est défavorable sur ces amendements.
Applaudissements sur les bancs du groupe EDS et plusieurs bancs des groupes LaREM et SOC.
Même avis.
Et donc, madame la rapporteure, il faut supprimer votre article 2 bis qui demande un rapport au Gouvernement.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UDI-I, LR et Dem, ainsi que parmi les députés non inscrits.
La rédaction de cet article, introduit en commission, montre bien que les orientations fondamentales du texte vont bien au-delà de l'objectif de traiter certaines situations et de faire évoluer le droit pour aider certaines de nos concitoyennes, placées dans des situations difficiles, à recourir à l'interruption volontaire de grossesse alors qu'elles n'y auraient actuellement pas accès. Je voudrais saluer l'intervention de Jean-Louis Bourlanges, qui contenait un mot, déjà prononcé mais balayé d'un revers de main lors de vos votes successifs sur les articles et les amendements : celui d'« équilibre ». Un tel équilibre avait été trouvé, avec difficulté et après de longs et âpres débats, dans la société puis au Parlement, par Simone Veil, à qui je souhaite rendre hommage en cet instant.
Au fur et à mesure que le débat avance, nous nous éloignons de son but originel. On vient de nous reprocher d'avoir répété la même question à plusieurs reprises : certes, mais il suffit d'y apporter une réponse pour que nous arrêtions !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Notre question n'est pas déplacée, elle ne vous prend pas en traître : nous demandons simplement quand le Comité consultatif national d'éthique a été saisi et quand son avis sera connu. Si vous ne le savez pas, madame la ministre déléguée, ce n'est pas grave, dites-le nous ! Votre réponse, quelle qu'elle soit, aura des conséquences sur la manière dont nous légiférons et sur la légitimité de nos débats. Elle montrera leur aspect précipité ou non.
On peut avoir le sentiment, après avoir entendu certaines interventions sur cet article, que se met progressivement en place une police de la pensée. Il y aurait une censure, …
… une hiérarchie entre les opinions. Nous avons même assisté à des tentatives de spoliation de l'héritage de Simone Veil. Heureusement que Jean-Louis Bourlanges a remis l'église au milieu du village – n'y voyez aucune connotation religieuse !
Sourires.
Enfin, il y a là une certaine hypocrisie : M. Brindeau l'a très bien dit, on nous reproche de demander des rapports précis sur des aspects graves, qui ont un impact sur la santé de nos concitoyennes et sur les familles, alors que cet article porte précisément sur une demande de rapport.
Dans ce texte, on a stigmatisé de très nombreux pans de notre population, notamment les médecins et les pharmaciens. Nous avons parfois entendu dire hors micro que les hommes, même pères de famille ou futurs pères de famille, n'étaient pas légitimes pour s'exprimer.
Cela pose des questions, et des problèmes.
À ce stade, il ne s'agit plus de nous lancer des anathèmes les uns aux autres, ni de nous donner des leçons de morale. Madame la ministre déléguée, nous avons essayé de rester calmes et mesurés tout au long de l'examen du texte, mais nous nous posons quelques questions essentielles à nos yeux et si nous les avons répétées, c'est dans l'espoir d'obtenir une réponse.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Ces questions sont simples : avez-vous saisi le CCNE, si oui quand, et avez-vous reçu une réponse ? Voilà l'une des dernières occasions, si cela est encore possible, de légitimer les débats que nous avons eus ; en l'absence de réponse, tous ceux qui nous regardent sauront que l'on a précipité cette discussion, réduite à un coup de communication plein d'idéologie. L'ensemble de l'hémicycle aura été pris toute une journée en otage…
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 41 .
Il a été question, au début de l'examen de cet article, de la notion d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse, qui peut porter gravement atteinte, quand elle n'est pas strictement interprétée, au droit et au devoir d'information en matière d'IVG.
Vous avez tout à l'heure refusé de faire figurer le détail des aides aux femmes enceintes dans le livret officiel d'information des consultations pour IVG. Depuis 2001, ce livret ne comporte que des indications sur les démarches pour avorter : il n'y a rien sur d'éventuelles alternatives.
Dans ces conditions, il est en effet difficile de croire en votre impartialité – je ne parle même pas de bienveillance. C'est regrettable, car la liberté des femmes, dont vous vous revendiquez, ne doit pas se mesurer au seul droit de recourir à l'avortement : les femmes peuvent également choisir, en totale liberté, de ne pas y recourir. Là est le principe même de la liberté d'expression, véritable fondement démocratique qu'il faut pouvoir respecter.
L'amendement no 41 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 2 bis est adopté.
Je suis saisie de plusieurs amendements portant article additionnel après l'article 2 bis. Les deux premiers, nos 12 et 22, sont identiques.
La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l'amendement no 12 .
Il vise à ce que le Gouvernement remette au Parlement un rapport annuel sur le nombre d'interruptions volontaires de grossesse pratiquées après la douzième semaine. Vous allez répondre que vous refusez les rapports, mais vous avez voté l'article 2 bis qui en prévoit un sur le renforcement du délit d'entrave ! Vous ne pouvez donc pas nous opposer cet argument – ou alors tout ne fonctionne qu'à sens unique, comme dans le reste de la proposition de loi : seuls les rapports que vous proposez vous-mêmes et visant à supprimer toutes les protections de la vie à naître seraient acceptables.
Pourquoi un rapport sur le nombre d'IVG pratiquées après la douzième semaine ? Mme la rapporteure, dans l'exposé des motifs de sa proposition de loi, indique qu'entre 3 000 et 5 000 femmes partiraient à l'étranger pour pratiquer une IVG après la douzième semaine de grossesse. Mais M. le ministre des solidarités et de la santé a lui-même mis en doute ces chiffres ce matin : d'après les éléments de la DREES, le nombre de femmes concernées serait de quelques centaines.
J'ignore qui a raison et qui a tort : nous avons justement besoin d'objectiver. Si ce texte devait malheureusement être adopté, des IVG pourraient être pratiquées entre douze et quatorze semaines de grossesse. Un tel rapport permettrait de connaître le nombre d'IVG concernées et de savoir si vos chiffres sont exacts.
Encore une fois, vous tirez toujours argument des législations étrangères, dans une logique de dumping et de moins-disant éthique : comme cela se fait aux Pays-Bas, et comme les femmes y vont, vous finirez par nous proposer d'allonger le délai de l'IVG à vingt-deux semaines !
On connaît cette logique, vous la suivez constamment dans les lois de bioéthique.
Il faut objectiver et savoir de quoi on parle, d'où notre demande d'un rapport annuel portant sur le nombre d'IVG pratiquées après la douzième semaine.
Pour poursuivre dans le même sens, je note que certains éléments n'ont pas été avancés dans ce débat. Vous avez cité quelques exemples étrangers, madame la rapporteure, comme ceux des Pays-Bas et de l'Espagne, mais on peut aussi évoquer l'Allemagne, qui est à 25 kilomètres de ma circonscription. Ce pays a réussi, grâce à une politique d'information et d'éducation menée depuis une dizaine d'années, à faire redescendre le nombre d'IVG pratiquées chaque année sous le seuil des 100 000 pour une population de 80 millions d'habitants. Ils ont attaqué le problème à bras-le-corps. En France, nous dépassons les 230 000 IVG par an, pour 66 millions d'habitants !
Il y a donc bien une question de fond, que l'on élude. Il faut objectiver la situation, mener un vrai débat sur le sujet et ne pas se laisser emporter. C'est la raison pour laquelle nous plaidons systématiquement pour bénéficier de données objectivées et contextualisées, y compris à l'échelle internationale, en s'appuyant sur l'expérience des pays qui ont agi pour développer l'information en amont.
Encore une fois, l'IVG peut être un véritable drame pour celles qui le vivent.
Les Allemands nous ont montré que l'on pouvait anticiper et conduire une politique publique fondée sur la transparence et l'information.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Même avis.
Madame la rapporteure, je vous interroge sur l'exposé des motifs de la proposition de loi que vous défendez.
Vous y faites valoir des chiffres, que le ministre a mis en question. Nous proposons une étude, parce que nous sommes dans une logique constructive, et vous vous levez à peine pour dire que vous y êtes défavorable. Nous avons un vrai problème. Travaillons-nous sérieusement ou cherchez-vous à faire passer en force un texte idéologique, comme le déroulement des débats depuis ce matin tend à le faire penser ?
Exclamations sur les bancs des groupes EDS et FI.
Ne pouvons-nous pas nous accorder au moins sur les études qui nous permettraient d'y voir clair ? Vous annoncez entre 3 000 et 5 000 femmes partant avorter à l'étranger chaque année. Personne n'authentifie ces chiffres, or ils vous servent de fondement pour faire adopter un texte. Vos arguments, complaisamment relayés dans les médias, ne reposent sur aucune réalité objective. Ces chiffres, je ne les ai vus que dans votre exposé des motifs : donnez-vous la peine d'en citer les sources !
Nous sommes en train de remettre en cause le fondement même de votre proposition de loi en dénonçant ces chiffres, et vous ne bougez même pas pour répondre ! La seule chose qui vous intéresse, c'est l'idéologie qui est derrière.
Il est important : il vise à demander un rapport annuel sur l'évolution du nombre d'IVG, les méthodes utilisées et les actions engagées pour assurer le libre choix des femmes. Je le répète : l'avortement suppose une conciliation entre la liberté des femmes et la protection de la vie à naître. Que vous soyez membres du Gouvernement ou de la majorité, vous êtes incapables de prononcer les mots « protection de la vie à naître ». Dont acte. Nous, nous assumons.
Examinons la question de la liberté des femmes, dont vous vous revendiquez. Elle consiste à supprimer les obstacles qui empêcheraient les femmes qui le souhaitent d'avorter. Nous sommes d'accord. Cependant, il faut aussi parler des femmes qu'on oblige à avorter alors qu'elles ne sont pas d'accord.
Madame la ministre déléguée, madame la rapporteure, j'aimerais vous entendre sur le sujet des femmes qui, sous la pression de leur compagnon, parfois violent, ou de leur belle-famille, sont contraintes à l'avortement. Ces cas existent-ils ? Si vous n'en connaissez pas, je peux vous en citer. Quelle place leur donnez-vous dans votre proposition de loi ? Quelle place ont-elles dans la législation ? Sur ce sujet aussi, vous défendez une vision unilatérale : vous ne voyez que la liberté d'avorter, sans faire respecter la liberté de ne pas avorter. Pour que le choix des femmes soit véritablement libre, la liberté doit s'exercer dans les deux sens. Sinon, ce n'est pas une vraie liberté.
Les sujets éthiques favorisent les interrogations. Au fil des débats, on s'aperçoit que les questions se font plus nombreuses, et qu'elles n'obtiennent pas toujours de réponses. Ce matin, Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé, a affirmé au nom du Gouvernement que le texte que nous examinons concerne 500 femmes par an. Madame la ministre déléguée, confirmez-vous ce chiffre ? Car Mme la rapporteure évoque un ordre de grandeur très différent – entre 3 000 et 5 000 femmes.
Certes, même s'il ne s'agit que de 500 femmes, la question demeure, mais justement, nous sommes frustrés à la fin de ce débat, parce que vous ne semblez pas vouloir vous attaquer aux causes du problème. Plutôt que de passer le délai de douze à quatorze semaines, une vraie politique publique consisterait à trouver des solutions pour éviter que des femmes soient amenées à partir avorter à l'étranger. Or, arrivés à la fin du débat, nous n'avons pas les éléments suffisants pour nous prononcer. Nous demander de voter dans un tel contexte, c'est incroyable ! On nous propose une vision abstraite mais aucune mesure pour remédier concrètement aux problèmes. N'avez-vous pas l'impression que c'est un peu ubuesque ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR et du groupe UDI-I.
Il est défavorable. Nous n'allons pas refaire tout le débat. Concernant la demande de rapport, je vous invite à lire celui rédigé par la délégation aux droits des femmes. Malheureusement, je ne l'ai pas avec moi, sans quoi je vous l'aurais donné. Quant à l'évolution du nombre d'IVG et aux méthodes utilisées, je vous propose de consulter le rapport annuel de la DREES, qui propose un état statistique et épidémiologique très complet du sujet.
Défavorable.
Murmures sur les bancs du groupe LR.
Il est vrai que le débat ne nous fournit pas les données dont nous avons besoin pour prendre position en conscience et de manière éclairée. J'ai été frappée par les chiffres cités par mon collègue Hetzel : 230 000 avortements en France en 2019, pour 66 millions d'habitants ; 95 000 avortements pour 80 millions d'habitants en Allemagne, où la législation est très proche de la nôtre.
Pourquoi ne nous interrogeons-nous pas sur les faillites de notre système de prévention, et les différences qui nous séparent de l'Allemagne dans ce domaine, plutôt que de choisir l'intervention en fin de processus, qui n'est pas satisfaisante ? Le débat est intéressant, parce qu'il nous amène à nous interroger sur notre échec en matière de prévention. Selon moi, nous devrions davantage et d'abord travailler sur ces sujets, avant de légiférer sur une extension du délai de l'avortement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Les dispositions adoptées étendent aux sages-femmes le droit de pratiquer des IVG chirurgicales. L'amendement vise à obtenir un rapport sur le sujet.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Le Gouvernement défendait une position plus prudente, tendant à instaurer une expérimentation, ce qui aurait objectivé les données du problème. Malheureusement, comme à de nombreuses autres occasions tout au long de la journée, il a été débordé par sa majorité militante sur ces questions éthiques – c'était déjà le cas pendant l'examen de la loi de bioéthique, et le phénomène s'est confirmé aujourd'hui : le Gouvernement ne contrôle rien du tout.
À défaut d'expérimentation, il est donc nécessaire qu'un rapport nous indique le nombre de sages-femmes pratiquant des IVG chirurgicales, les conditions dans lesquelles elles les exercent et les points pouvant faire l'objet d'une amélioration. On ne peut pas rester dans l'abstrait, dans l'idéologie et faire adopter des dispositions unilatérales sans prendre la réalité en considération. Une partie des sages-femmes expriment des interrogations et des réticences, qu'il faut entendre. Nous avons besoin d'éléments objectifs pour avancer, sauf, je le répète, à se cantonner dans une posture d'aveuglement idéologique, comme celle que vous avez adoptée depuis ce matin.
Pourquoi, madame la ministre déléguée, ne répondez-vous pas à nos questions ?
Elles sont un peu répétitives.
Le Gouvernement a-t-il saisi le CCNE, pouvez-vous nous le dire ? Confirmez-vous le chiffre de 500 femmes qu'a cité le ministre de la santé ?
Il l'a dit !
Nous voudrions aller au fond du débat, mais la manière dont vous l'esquivez montre soit que le Gouvernement est mal à l'aise, ce qui est gênant concernant des sujets de fond, soit que vous ne souhaitez pas débattre. Sur un sujet aussi important, qui touche à la déontologie dans le domaine médical, pourquoi un tel mutisme ?
Défavorable.
Pourrait-on arrêter, s'il vous plaît ?
Je vous en prie ! Nous en sommes là parce que des questions simples n'obtiennent pas de réponses simples ! Le groupe Les Républicains va discuter pour savoir si la situation mérite une suspension de séance – ce n'est pas à moi d'en décider – mais reconnaissez qu'à ce stade nous avons des raisons de nous sentir méprisés.
M. Pacôme Rupin s'exclame.
Depuis ce matin neuf heures, nous avons parfaitement joué le jeu : nous avons défendu honnêtement nos amendements, reconnu la valeur des arguments des uns et des autres, examiné chaque article avec attention, même lorsque nous étions loin de l'objet du texte initial.
Nos questions sont cruciales ; nous avons révélé des sujets qui méritent réflexion, comme la faillite du système de prévention que citait Émilie Bonnivard, les écarts entre les chiffres de la France et de l'Allemagne évoqués par Patrick Hetzel, ou les démarches que vous auriez entreprises auprès du Comité consultatif national d'éthique, sur lesquelles Xavier Breton vous a interrogées. Les réponses engagent la crédibilité du Gouvernement, et vous ne daignez même pas vous lever, ne serait-ce que pour répondre à des questions simples !
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Vous disposez de toutes les ressources nécessaires, d'un cabinet pléthorique, d'une administration pour vous fournir les chiffres et vous dire lesquels sont vrais ou faux. N'oubliez pas que ceux que vous avez donnés ont été abondamment relayés et ont largement influencé l'opinion de nos concitoyens. Ces derniers ont droit au moins à la vérité. Nous ne demandons rien d'autre, avant de voter : la vérité, l'honnêteté intellectuelle, la sincérité des valeurs. Aidez-nous, madame la ministre déléguée !
Claquements de pupitres sur divers bancs.
… n'oubliez pas votre dignité de parlementaires ! Le Gouvernement est responsable devant nous et doit nous rendre des comptes, et non l'inverse !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 42 .
Il vise à demander au Gouvernement de remettre au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport – encore un, tout à fait – sur la question du traumatisme post-avortement constaté chez certaines femmes. En effet, les langues se délient, même si le phénomène n'est pas absolument nouveau, et certaines femmes osent parler d'un tabou : leur mal-être après avoir eu recours à un avortement. Ces interrogations, voire ces regrets, qui peuvent entraîner de graves souffrances chez la femme comme chez l'homme – même si elles ne sont évidemment pas de même nature – ne peuvent pas être ignorées par le Gouvernement et le Parlement.
Vous ne pouvez pas les balayer d'un revers de main. Vous l'avez dit ce matin : pour vous, ces souffrances n'existent pas. Mais acceptez d'entendre que certaines femmes le vivent moins bien que vous. Je me souviens, parce que cela m'a marquée, que lorsque des débats de même nature sur l'allongement du délai de recours à l'avortement se sont déroulés en Belgique, pas très loin de chez nous, une femme expliquait que vingt-six ans plus tard, elle pensait toujours à cet enfant qui n'avait pas pu voir le jour. On ne peut pas évacuer ces souffrances en disant qu'on a soi-même avorté, ou quelqu'un que l'on connaît, et que tout s'est très bien passé. C'est vrai pour certaines femmes, nous ne nions pas cette réalité, mais ne niez pas le revers de la médaille : certaines femmes vivent mal cet événement, au point parfois de connaître des situations dramatiques. Cessons s'il vous plaît l'aveuglement, cela ne règle rien. Prenons les problèmes à bras-le-corps, posons-les sur la table, pour trouver tous ensemble des solutions.
Défavorable.
J'ai bien l'intention de ne pas galvauder un sujet aussi grave, de ne pas bâcler la discussion, de ne pas l'expédier. Mes collègues et moi demandons seulement une réponse quant à la réalité des chiffres, une réponse exprimée devant la représentation nationale, qui engage le Gouvernement, afin d'éclairer notre avis. Nous approchons tout doucement du vote. Aussi, madame la ministre déléguée, vais-je répéter ces questions qui vous déplaisent, en espérant que votre cabinet vous aide à trouver les réponses appropriées. Quand le comité d'éthique a-t-il été saisi par le Gouvernement ? L'a-t-il seulement été ? Quel avis a-t-il rendu, ou alors quand le fera-t-il ? Peut-être l'ignorez-vous.
Concernant le nombre de femmes qui doivent se rendre à l'étranger, les chiffres donnés dans l'exposé des motifs sont-ils exacts, ou alors les vrais chiffres sont-ils ceux cités par M. Véran ? Que pensez-vous du système de prévention, ou plutôt de sa faillite dans notre pays par rapport à ce qui se fait dans des pays étrangers ?
Ce sont des questions essentielles, et auxquelles vous devrez apporter des réponses avant la fin du débat. Je les rappellerai aussi souvent qu'il le faudra, même s'il ne reste qu'une dizaine d'amendements.
Il n'est plus question ici d'être pour ou contre l'allongement du délai d'IVG. Il y va du respect dû au Parlement. Quand on pose des questions sincères et simples, on a le droit à une réponse sincère et simple !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. Pascal Brindeau applaudit également.
L'amendement no 42 n'est pas adopté.
Eh oui, c'est encore une demande de rapport ! Il nous manque des chiffres, et nous nous posons des questions.
Nous parlons de l'IVG depuis ce matin ; j'aimerais que nous parlions aussi de la prévention et de l'information en matière de contraception et d'interruption volontaire de grossesse.
Cet amendement prévoit que le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport sur les politiques publiques en matière de prévention et d'information sur la contraception, avant et après le rapport sexuel, comme sur l'interruption volontaire de grossesse.
Nous avons besoin d'identifier les véritables freins à l'accès à l'IVG. C'est pourquoi nous devons redoubler d'efforts.
Je vais le redire : il existe un fabuleux rapport de la délégation aux droits des femmes, que je vous invite vraiment à consulter. Il est bourré de chiffres, que je n'ai même pas tous en tête. Je vous renvoie aussi au site de Santé publique France, qui publie des données sur la santé publique, et en particulier sur la contraception, sur les campagnes de santé publique en matière d'IVG… J'ai moi-même établi un rapport. Nous avons auditionné, réfléchi, travaillé.
Ces chiffres, nous ne les sortons pas du chapeau ; ils ont été objectivés. Vraiment, lisez ces rapports.
Les demandes de rapport ne servent en général à rien… Certes, j'en ai demandé un, à l'article 2 bis, sur le délai d'entrave, mais il s'agit à mon sens d'une question très spécifique.
Avis défavorable.
Loin de nous l'idée de nous désintéresser du rapport commis par la délégation aux droits des femmes ! Nous savons tous ici qu'un rapport représente un gros travail d'auditions et d'enquête – travail qui devrait d'ailleurs être davantage mis en valeur à l'extérieur. Certains ne regardent que les heures de présence dans l'hémicycle, mais nous savons bien que beaucoup de nos travaux sont faits en commission, en commission d'enquête, en mission d'information ou dans les délégations. J'appartiens moi-même à la délégation aux collectivités territoriales, et nous menons des études intéressantes.
Vous nous dites de regarder ces rapports parce qu'ils nous donneront les chiffres. Il est dommage que M. le ministre des solidarités et de la santé ne soit plus là, parce qu'il disait lui-même ce matin que nous manquions de chiffres. Vous évoquez 3 000 à 5 000 femmes qui partent à l'étranger : il estimait ce nombre plutôt à quelques centaines. De l'un à l'autre, il y a quand même un facteur dix ! Or cet argument du nombre de femmes qui partent à l'étranger avait déjà utilisé en 2001. Et nous avons vu qu'il n'y a eu, depuis, aucun changement.
Pour construire des arguments sur le fond, il nous faudrait donc des données fiables.
Je respecte le travail des délégations, mais dans un débat comme celui-ci, nous avons besoin de l'avis des organismes compétents comme la Haute Autorité de santé, comme l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, comme le Comité consultatif national d'éthique, l'une des spécificités françaises dont nous pouvons être fiers.
« Deux minutes ! » et claquements de pupitres sur les bancs du groupe LaREM.
Il y a des enjeux, en ce qui concerne la santé de la femme ou la complexité des actes réalisés. Ce sont des débats passionnants, et nous entendons les souffrances et les attentes. Mais pour pouvoir approfondir…
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
L'amendement no 62 n'est pas adopté.
Je demande une suspension de séance, d'un quart d'heure au moins, pour permettre à Mme la ministre déléguée de nous apporter les réponses que nous attendons.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Exclamations.
C'est moi, madame la présidente, et je demande formellement une suspension de séance de quinze minutes pour permettre au Gouvernement de nous apporter des réponses.
Exclamations.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-neuf heures cinq, est reprise à dix-neuf heures quinze.
La séance est reprise.
La parole est à Mme Nathalie Bassire, pour soutenir l'amendement no 93 .
Je le soutiens au nom de Mme Trastour-Isnart qui, si elle a voté pour l'article 1er qui prolonge de deux semaines le délai légal pour avorter, tient néanmoins à ce qu'il soit procédé à une enquête annuelle portant sur l'accès aux informations relatives aux différentes solutions ouvertes aux femmes enceintes qui s'interrogeraient sur la poursuite de leur grossesse. Cette enquête permettrait d'avoir une juste représentation des choses et d'envisager les améliorations à apporter en matière d'information.
Défavorable.
« Ah ! » sur les bancs du groupe LaREM.
Nous osions espérer, madame la ministre déléguée, que cette suspension de séance vous permettrait, avec vos équipes, de récolter les éléments nécessaires pour apporter des réponses aux questions que nous avons posées.
Je le répète, ce sont des questions relativement simples. Avez-vous sollicité le Comité consultatif national d'éthique ? Si oui, quand ? À quelle date vous a-t-il remis ses conclusions ? Que vous a-t-il répondu ? Les chiffres qui ont été évoqués tout au long de la journée sont-ils vrais ? Sur quelles sources vous appuyez-vous ? Mes chers collègues, nous faisons tout de même reposer la crédibilité de toute une journée de débats sur des éléments dont nous sommes en mesure de mettre en doute la véracité !
Face au mutisme que le Gouvernement nous oppose, je pense que même les députés qui siègent sur les bancs de la gauche, qui défendent des valeurs bien différentes des miennes, doivent se poser les mêmes questions. En effet, ce silence jette la suspicion sur la légitimité et la sincérité des débats et nous ne pouvons pas nous en contenter.
Je le répète, il s'agit de questions simples qui appellent des réponses simples. S'il vous plaît, madame la ministre déléguée, nous disposons encore de quelques minutes, donnez-nous ces réponses ! Je ne vois pas en quoi il est déplacé de poser ces questions, ni en quoi nous manquons de respect à qui que ce soit en faisant notre travail. Sur un sujet aussi grave, nous souhaitons aller au bout de nos interrogations pour être certains que la loi qui sera votée jouira d'un consentement inattaquable.
Je ne crois pas, cher collègue Di Filippo, que notre journée de travail parlementaire soit entachée d'une quelconque suspicion. Je crois même que la représentation nationale se grandit aujourd'hui en donnant la possibilité à l'ensemble des femmes de notre pays de recourir, dans un délai allongé, à une IVG.
Les chiffres, les faits, les analyses, les statistiques existent. Comme cela a été rappelé à de nombreuses reprises, ils se trouvent dans le rapport rédigé par la délégation aux droits des femmes. J'ajoute que cela fait plusieurs années qu'un ensemble d'organismes institutionnels, étatiques et associatifs met en lumière les difficultés d'accès à l'IVG. Je crois, cher collègue, que si vous êtes opposé à l'IVG, ou du moins à l'allongement du délai de recours, …
… il faut le dire clairement et sans subterfuge.
Concernant les avis du Comité consultatif national d'éthique, même lorsqu'il se prononce de manière étayée, comme ce fut le cas sur la question de l'élargissement de la procréation médicalement assistée à toutes les femmes lors du projet de loi relatif à la bioéthique, cela ne vous empêche pas de critiquer, de mettre en cause ses travaux scientifiques pour, in fine, vous y opposer au moment du vote. Aussi, j'estime qu'un avis du CCNE sur une pratique établie et qui n'a pas trait à l'éthique ou à la morale, puisqu'il s'agit d'un allongement du délai et des modalités d'accès à un soin médical, n'apporterait pas un éclairage décisif à la représentation nationale. Nous devons nous en remettre aux éléments objectifs préexistants, qui doivent nous amener à voter cette proposition de loi.
M. Matthieu Orphelin applaudit.
L'amendement no 93 n'est pas adopté.
Il porte sur la constitutionnalisation de l'interruption volontaire de grossesse, une mesure qui nous tient vraiment à coeur, au groupe de La France insoumise. Cette mesure figurait dans notre programme « L'Avenir en commun » que nous avions brillamment défendu en 2017 et que nous reprendrons en 2022. En effet, s'agissant des droits des femmes, nous ne sommes pas à l'abri d'un recul au gré des évolutions politiques. En attestent nos débats d'aujourd'hui : en effet, les Républicains se sentent « pris en otages » au moment d'évoquer le droit à l'avortement ! Alors que se déroule en ce moment même le procès de l'attentat de Charlie Hebdo, sachez que je suis choquée d'entendre que l'on puisse se sentir pris en otage ici !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Non, les mots ont leur importance ! J'ai déjà eu l'occasion de le dire.
« N'oubliez jamais qu'il suffirait d'une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant » : voici ce qu'affirmait Simone de Beauvoir, défendant ardemment le libre choix à une maternité heureuse.
Chaque fois que notre Assemblée évoque l'IVG lors d'une révision constitutionnelle, nous pouvons compter sur nos collègues des bancs de droite pour nous dire, comme aujourd'hui, qu'il leur manque des données. Je demande donc qu'un rapport gouvernemental soit rendu…
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
… sur la constitutionnalisation de l'IVG pour que, lors de la prochaine révision constitutionnelle, notre Assemblée soit éclairée.
Je vous invite donc ardemment à voter cet amendement pour que, le moment venu, personne ne puisse dire qu'il manque quoi que ce soit pour pouvoir voter l'inscription de ce droit essentiel dans notre Constitution.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI et quelques bancs du groupe SOC.
Madame Fiat, je connais votre volonté et votre engagement en faveur des droits des femmes, et je comprends votre souhait de réfléchir à la constitutionnalisation de l'IVG.
Cependant, je me demande pourquoi vous demandez ce rapport au Gouvernement. J'estime qu'il relève de notre rôle de parlementaires de travailler sur ce type de sujet, en organisant des auditions, en conduisant des enquêtes de terrain. Il me semble même qu'une proposition de loi est en préparation sur ce sujet.
C'est pour cette raison que je donne un avis défavorable à votre amendement, même si j'en comprends l'objet. Peut-être pourrions-nous constituer un groupe de travail transpartisan pour mener cette réflexion ; en toute hypothèse, je suis volontaire pour en faire partie.
Défavorable.
Madame la rapporteure, même si vous avez formulé d'autres arguments en l'occurrence, vous expliquez à chaque député qui demande un rapport que toutes les données sont déjà connues et disponibles, …
… à la fois dans les travaux de la délégation aux droits des femmes et dans ceux de la DREES, qu'il s'agisse du nombre d'avortements pratiqués ou de leur contexte. Je ne veux pas croire un seul instant que ni la délégation aux droits des femmes ni la DREES ne s'intéressent au délit d'entrave. Or c'est l'objet du seul rapport que vous ayez demandé à la commission de faire figurer dans la loi ! Le seul rapport, donc, dont nous aurions besoin pour débattre sereinement – ce fut compliqué… – et surtout pour poursuivre des travaux sur les réalités de l'interruption volontaire de grossesse en France en 2020.
Je le répète, je ne veux pas croire que ni la délégation aux droits des femmes ni la DREES ne se sont, à aucun moment, penchées sur le délit d'entrave. Les amendements que vous avez vous-même déposés sur cette question montrent d'ailleurs qu'elle intéresse depuis longtemps celles et ceux qui ont une position idéologique en la matière.
L'amendement de Mme Fiat qui évoque la constitutionnalisation de l'interruption volontaire de grossesse est très intéressant car il est le révélateur d'une logique. Pour l'instant, Mme la rapporteure lui donne un avis défavorable, mais la mesure est en préparation : c'est la prochaine étape. Ajouté à toutes les discussions que nous avons eues depuis ce matin, ce débat éclaire les choses. Pour notre part, nous disons que l'avortement est la conciliation de deux principes : la liberté de la femme et la protection de la vie à naître. Quant à vous, vous essayez d'éliminer la protection de la vie à naître. À aucun moment, ni le Gouvernement ni la rapporteure n'a voulu prononcer ces mots : vous ne voyez que la toute-puissance des adultes.
Or le Conseil constitutionnel, lui, fonde ses décisions relatives à l'IVG sur ces deux principes. Dans l'une d'elles, il parle de « l'équilibre que le respect de la Constitution impose entre, d'une part, la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme de dégradation et, d'autre part, la liberté de la femme qui découle de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ».
Le Conseil constitutionnel se place donc sur cette ligne de crête de la conciliation entre la liberté de la femme et la protection de la vie à naître.
Vous souhaitez revenir sur cet équilibre. C'est bien une entreprise idéologique qui est à l'oeuvre aujourd'hui, qui vise à éliminer la notion de protection de la vie à naître. Cela me paraît très révélateur : en arrivant au bout de l'examen du texte, Mme la rapporteure nous dit qu'il ne faut pas voter tout de suite la constitutionnalisation de l'IVG, mais que celle-ci est en train de se préparer, qu'on y travaille.
Quant au Gouvernement, il peut dire tout ce qu'il veut, il est complètement débordé, sur les questions éthiques, par les militants radicaux qui siègent dans cet hémicycle, ainsi que par les associations qui se trouvent derrière eux, à l'instar du Planning familial, qui veulent éliminer tout délai pour l'interruption de grossesse.
Et comme nous nous trouvons dans la chambre d'enregistrement de ces militants, vous verrez que cela arrivera ! Tout est déjà écrit !
Madame la ministre déléguée, réagissez ! Nous serions heureux d'entendre votre voix.
Je ne répondrai pas à cela…
Nos collègues sont nombreux à demander des rapports. Certes, celui que Cécile Muschotti et moi-même avons rédigé dans le cadre de la délégation aux droits des femmes ne vaut peut-être pas grand-chose, …
… mais nous avons tout de même mené des auditions, et nous sommes rendues à l'étranger. En Espagne, aux Pays-Bas, nous avons demandé aux ministères de la santé de nous donner des chiffres sur le nombre de Françaises étant venues pour avorter.
Comme en France, il est vrai que les données ne sont pas très identifiées. Néanmoins, aux Pays-Bas, il nous a été dit que 800 Françaises étaient venues en 2018. S'agissant de la Belgique ou du Royaume-Uni, nous ne disposons pas de chiffres mais en Espagne, le planning familial estime que le nombre dépasse 1 000. Avec une simple addition, on atteint assez vite les 3 000 femmes évoquées.
Non, nous ne pouvons pas annoncer un chiffre avec certitude, mais quand bien même seules 500 femmes seraient concernées, il relèverait de notre responsabilité d'agir pour rendre leur droit effectif. Cela fait quarante-cinq ans que nous n'avons pas trouvé la solution à ce problème. C'est pourquoi nous avons proposé cet allongement du délai : en effet, les femmes qui se rendent à l'étranger pour avorter le font généralement dans les deux semaines qui suivent l'expiration du délai légal en France. Nous considérons donc que cette disposition fait partie des mesures pouvant améliorer l'offre de soins.
Ce n'est pas avec ce texte que nous allons résoudre tous les problèmes, nous l'avons dit à de multiples reprises : c'est pourquoi le rapport propose un ensemble de mesures qui relèvent du pouvoir réglementaire. Nous avons invité le Gouvernement à les instaurer rapidement, ce à quoi il s'est engagé.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, GDR, EDS et LT.
Depuis ce matin, avant chacune de leurs prises de parole, les députés de droite nous assurent ne pas vouloir revenir sur le droit à l'avortement.
Et voilà qu'ils s'effraient que nous voulions inscrire le droit à l'avortement dans la Constitution.
Mais si vous ne souhaitez pas revenir sur le droit à l'avortement, rien ne devrait vous choquer là-dedans !
Je vous l'accorde, tous les députés de droite ne pensent pas la même chose : certains votent différemment. Mais ceux qui proclament qu'ils ne veulent pas revenir sur le droit à l'avortement, ils peuvent adhérer à « L'Avenir en commun » et sont favorables à son inscription dans la Constitution.
L'impôt sur le revenu existe, mais on ne veut pas l'inscrire dans la Constitution !
Je ne suis pas certaine qu'il y ait une révision constitutionnelle d'ici la fin de notre mandat. Je ne sais pas non plus si nous serons nombreux sur nos bancs à revenir à l'Assemblée pour la prochaine législature. Mais ce qui est sûr, c'est que si, à l'occasion d'une révision constitutionnelle, on entend quelqu'un dire que l'inscription du droit à l'avortement est impossible car on manque des informations nécessaires, vos oreilles siffleront car vous m'entendrez hurler de très loin !
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
L'amendement no 84 n'est pas adopté.
Il vise à ce qu'un débat public soit organisé avant toute modification de la législation relative à l'interruption volontaire de grossesse. N'ayons pas peur du débat : les échanges que nous avons eus aujourd'hui ont été très intéressants. Nous pouvons d'ailleurs remercier le groupe Écologie démocratie solidarité d'avoir inscrit cette proposition de loi dans sa niche parlementaire, car des échanges ont pu avoir lieu entre ceux qui considèrent que l'avortement doit être la conciliation entre deux principes et ceux qui ont une vision unilatérale. C'est la démocratie et c'est bien que nous ayons pu en débattre.
Il ne faut pas avoir peur du débat. Regardez les réponses aux questions du récent sondage IFOP que j'ai déjà évoqué. « Pensez-vous que l'avortement laisse des traces psychologiques difficiles à vivre pour les femmes ? » Au total, 92 % de nos concitoyens pensent que oui. « Pensez-vous que la société devrait davantage aider les femmes à éviter le recours à l'interruption volontaire de grossesse ? » Ils sont 73 % à répondre par l'affirmative.
Pourtant, votre proposition de loi nie l'existence des traces laissées par l'IVG sur la vie des femmes, et aucune aide n'est apportée à celles qui voudraient avoir la liberté de ne pas avorter. Nous avons décidément affaire à un texte unilatéral.
C'est pour cela que nous demandons un débat public. Lorsque nous interrogerons nos concitoyens, ils seront beaucoup moins militants, radicaux et idéologues que vous ne l'êtes ; et ils seront beaucoup plus près des réalités. Si vous n'avez pas peur du débat, organisons un débat public sur ces sujets : je crois qu'il sera intéressant d'entendre la voix de nos concitoyens et de nos concitoyennes.
Avis défavorable. Je me suis déjà exprimée sur un amendement qui allait dans le même sens. En bref, l'objectif de la proposition de loi est d'améliorer l'effectivité du droit à l'avortement et non d'aborder des sujets de bioéthique. Votre amendement vise à organiser un débat public comme pour les lois relatives à la bioéthique.
Défavorable.
Madame la ministre déléguée, je n'ai pas entendu votre avis. Peut-être vous avez-vous dit une nouvelle fois « sagesse »…
J'ai dit que j'étais défavorable à l'amendement.
Il faut écouter !
Madame la rapporteure, vous venez de nous expliquer que notre débat ne relève pas de la bioéthique. Franchement, alors, je n'y comprends plus rien !
Cher collègue Chiche, c'est le groupe EDS, votre groupe, qui a choisi d'inscrire ce texte à l'ordre du jour : nous n'y sommes pour rien. Vous nous dites que l'avis du Comité consultatif national d'éthique est inutile. Pourtant, il y a quelques mois, vous mettiez certains de ses avis en avant.
Mais si ! Vous prétendez que, parce que l'IVG est déjà pratiquée, il n'y aurait plus besoin de débat bioéthique.
Au contraire, la spécificité et l'honneur de notre pays, c'est que nous pouvons nous poser des questions et réfléchir !
Ce matin, le ministre Olivier Véran lui-même, un ancien de vos camarades socialistes, disait que cette extension du délai soulevait des questions de bioéthique, car il y avait des enjeux pour la santé de la femme. Ce ne sont pas mes paroles, ce sont les siennes. Il parle même de questions liées à la complexité des gestes techniques à accomplir. Voilà ce que nous dit le Gouvernement ! Pourquoi nier cette réalité ? La santé de la femme mérite la plus grande attention. Pourquoi caricaturer ce débat ?
Je vois le piège que vous voulez nous tendre : parce que nous sommes opposés à l'allongement des délais et à la suppression de la clause de conscience spécifique, nous remettrions en cause le droit à l'IVG. Soyons sérieux, ce n'est pas à la hauteur des débats ! Franchement !
« Deux minutes ! » sur plusieurs bancs.
Ce droit existe depuis 1975 et il est utilisé largement en France, plus qu'ailleurs, et de plus en plus fréquemment.
Madame la présidente, laissez-moi ajouter quelque chose d'important : j'ai l'impression que le Gouvernement n'est pas clair et n'a pas d'avis. Le Premier ministre est-il en phase avec sa majorité ?
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Monsieur Bazin, vous avez atteint vos deux minutes.
La parole est à Mme Agnès Thill.
On nous dit qu'il ne s'agit pas d'un débat éthique, et qu'il n'y a pas besoin de l'avis du Comité consultatif national d'éthique. Soit. Mais alors, pouvez-vous nous expliquer pourquoi le Gouvernement a saisi ce comité il y a quarante-huit heures ? S'agissant des lois de bioéthique, vous n'avez pas tenu compte de ses avis. Quel intérêt et quel sens cette saisine peut-elle bien avoir ? Pouvez-vous enfin répondre aux questions que nous vous posons depuis ce matin sur cette saisine ? À cette heure, nous n'avons toujours obtenu aucune réponse.
L'amendement no 96 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, pour soutenir l'amendement no 108 .
Faut-il le redire ? Personne, personne ici ne remet en cause le droit à l'avortement, acquis historique de notre assemblée, dont Simone Veil demeure l'emblématique ministre. Mais nombreux sont ceux qui s'interrogent parmi nous sur les réponses apportées par cette proposition de loi pour garantir à toutes les femmes l'accès à ce droit.
Le Conseil national de l'ordre des médecins a rendu un avis défavorable à cette proposition de loi, et le Collège national des gynécologues et obstétriciens français préférerait l'amélioration du parcours de soins, en écho aux arguments de M. le ministre de la santé. Je regrette que soient mis en porte-à-faux les droits de la femme et les droits des professionnels.
À vouloir le bien des femmes, le Parlement prendrait le risque de les desservir par une réponse précipitée, voire inadéquate, s'il ne disposait pas des bons leviers. Quid de la prévention, d'une politique de responsabilisation, du rôle des hommes dans la prévention des grossesses indésirées, ou d'une politique de recherche plus intensive sur la contraception, plus adaptée aux attentes des femmes ?
Mon amendement demande la création d'un comité de suivi, chargé de l'évaluation des politiques publiques en matière d'interruption volontaire de grossesse. Au-delà de la proposition de loi, il est nécessaire que ce comité puisse évaluer très régulièrement la politique de prévention et d'éducation pour la santé et la sexualité, aujourd'hui défaillante.
Le rapport de la délégation aux droits des femmes met d'ailleurs en évidence le manque de moyens et de formations en ce domaine. Plus généralement, le rapport de la Cour des comptes de mai 2020 sur les personnels de santé scolaire pointe le manque d'évaluation de la qualité de ces actions.
« Deux minutes, deux minutes ! » sur plusieurs bancs.
Ainsi le bricolage en matière d'éducation pour la santé et la sexualité et le manque de volonté plus général du ministère de l'éducation nationale de faire de la santé scolaire une priorité sont à déplorer. Le comité de suivi pourrait contribuer à promouvoir le développement d'une politique en amont pour lutter contre les grossesses non désirées.
M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit.
Pour en rester strictement à l'amendement, sans quoi on pourrait refaire tout le débat, je rappelle qu'il existe une délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes à l'Assemblée nationale comme au Sénat, ainsi qu'un Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, qui font déjà le travail que vous souhaitez confier au comité de suivi. Ce sont des vigies, très importantes en matière de santé des femmes. Ils produisent des études, des analyses et des rapports comme celui dont nous disposons aujourd'hui. Je pense que nous n'avons pas besoin de rapport supplémentaire. Avis défavorable.
Avis défavorable.
Madame la rapporteure, je ne comprends pas vos arguments. Je sais qu'il existe une délégation aux droits des femmes à l'Assemblée et au Sénat, mais en tant que parlementaires, nous savons tous ici que le Parlement ne dispose pas des mêmes moyens de contrôle et d'évaluation que le Gouvernement. À l'issue d'un débat aussi long, je ne vois pas quel problème pourrait bien poser la remise d'un tel rapport.
Tout le monde aujourd'hui a regretté que l'accès des femmes à l'IVG soit entravé en raison de la suppression d'un certain nombre de moyens et de postes – dans les écoles, au planning familial, dans les unités médicales. Nous nous fondions sur des chiffres communiqués par une délégation dont l'une des membres nous a informés tout à l'heure que les données qu'elle fournissait n'étaient pas garanties. On aurait au moins pu attendre de l'État qu'il établisse des chiffres dont le Parlement pourrait discuter ! Les délégations aux droits des femmes de l'Assemblée et du Sénat seraient alors en mesure de les évaluer, de les analyser, voire de les contredire.
À l'issue d'un débat dont vous êtes à l'origine, vous estimez qu'il est inutile que le Gouvernement fournisse des chiffres sûrs parce que le Parlement aurait les moyens de les produire. Vous savez parfaitement que ce n'est pas le cas. Et puisque le Parlement ne dispose pas des outils nécessaires, il serait dommage de se priver d'un acte de transparence du Gouvernement qui permettrait que l'on débatte régulièrement, au sein des délégations aux droits des femmes et dans l'hémicycle, de l'évolution du droit d'accès à l'IVG afin de savoir s'il dérive ou s'il connaît trop d'obstacles.
Madame la rapporteure, je vous ai bien écoutée, vous dites que nous n'avons pas besoin d'un rapport supplémentaire. J'ai aussi lu avec attention l'amendement de Mme Tamarelle-Verhaeghe, élue dans notre assemblée sous la même étiquette que vous : elle ne parle pas de rapport, elle veut créer un comité de suivi, avec des parlementaires !
À quoi servons-nous, si on ne veut plus nous associer à ce type de travaux ? Je ne comprends pas votre argumentation.
La crise sanitaire a montré que nous avions besoin d'un contrôle parlementaire local, d'autant qu'en l'espèce, il n'est pas tourné vers le passé mais vers le futur puisqu'il doit mesurer les effets de la proposition de loi dont nous débattons. Que l'on soit pour ou contre le texte, on devrait vouloir mesurer ses effets et voir s'il atteint ses objectifs louables. D'ailleurs, lorsque nous examinions le projet de loi relatif à la bioéthique, madame la présidente de la commission s'en souvient bien, vous souhaitiez systématiquement ajouter des rapports et des évaluations afin que l'on puisse mesurer les conséquences de vos choix.
Madame la ministre déléguée, à vrai dire, je n'ai toujours pas bien saisi ce qu'était l'avis du Gouvernement sur cet amendement de la majorité. J'ai l'impression que le Gouvernement n'a pas vraiment d'avis, qu'il n'est pas clair. Que pense le Premier ministre ?
Enfin, dans vos troupes, madame la rapporteure, un certain nombre ont candidaté par internet pour être recrutés par Emmanuel Macron et soutenir sa politique. Son projet, son programme comportait-il la suppression de la clause de conscience spécifique ? J'avoue ne rien avoir vu de cela dans ce que j'ai lu. Les Français étaient-ils au courant ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Merci monsieur Bazin. Avant que nous votions, la parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan.
Je ne comprends pas pourquoi nous ne pouvons pas avancer, sur un amendement aussi simple et consensuel. Est-il vraiment positif que notre pays enregistre 230 000 IVG par an ? Cela peut être un droit, mais cela reste un acte grave. Je crois qu'il y a beaucoup de choses à faire pour remédier aux lacunes dans les établissements scolaires et au planning familial, pallier le manque d'infirmières et d'aides, favoriser la contraception, ce qui éviterait d'aboutir à un tel nombre d'IVG. Je trouve ahurissant qu'on ne puisse pas créer ce comité de suivi.
L'amendement no 108 n'est pas adopté.
Mes chers collègues, je vous indique que nous terminerons l'examen des amendements, entendrons les explications de vote et voterons avant de lever la séance de l'après-midi. Mais quelle que soit l'heure de levée, la séance du soir commencera une heure et demie plus tard.
Madame Agnès Firmin Le Bodo vous avez la parole pour soutenir l'amendement no 98 .
Dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la proposition de loi, le Gouvernement doit remettre au Parlement un rapport d'évaluation du dispositif d'accès des femmes à l'interruption volontaire de grossesse.
Vous pensez que votre texte améliorera l'accès à l'IVG pour les femmes : je ne demande qu'à être convaincue. Aussi je souhaite que nous puissions évaluer le dispositif d'ici à un an, sachant que nous avons précédemment constaté que l'allongement du délai de dix à douze semaines n'avait produit aucun effet.
Défavorable.
J'informe l'Assemblée que, sur le vote de l'amendement no 98 , je suis saisie par le groupe UDI et indépendants d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Maxime Minot.
Si je ne suis pas en accord avec le vote final de Mme Firmin Le Bodo, je le suis avec cet amendement : le rapport qu'elle propose serait une bonne chose pour éclairer le Parlement. Ce n'est pas parce que ce débat suscite des passions, des controverses et des questions, que nous devons refuser d'y réagir froidement, et d'apporter une réponse réfléchie et conforme aux exigences de notre temps.
Puisqu'il n'y aura pas d'explications de vote personnelles, puisque nous ne sommes pas en temps programmé, cette intervention en fera office.
Comme nous l'avons dit à plusieurs reprises, ce n'est pas par plaisir que des femmes ont recours à des IVG tardives, à douze semaines ou plus : elles ont conscience de ce qu'elles font.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Erwan Balanant applaudit aussi.
Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LaREM et Dem.
À ces femmes, qu'allons-nous dire : économisez, et allez vous faire soigner à l'étranger ? Moi, je trouve que ce n'est pas la réponse que l'on doit leur apporter.
Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LaREM, Dem, EDS, SOC et FI.
Accordons à ces femmes la possibilité de prendre cette décision comme bon leur semble. Nous ne voulons pas les laisser sur le bord du chemin.
Alors oui, Valérie Bazin-Malgras et moi sommes favorables à ce prolongement. Nous respectons le choix des collègues qui siègent sur nos bancs et nous les remercions de respecter le nôtre. Peu importe les menaces et les pressions que nous subissons depuis quelques heures sur les réseaux sociaux, peu importe d'être stigmatisés ou marginalisés : toutes ces femmes ne peuvent rester sur le bord de la route. Donnons-leur la possibilité de disposer de leur corps, car elles sont, elles aussi, le visage de la France.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, Dem, EDS, SOC, GDR et FI.
Agnès Firmin Le Bodo fait ici une proposition tout à fait cohérente. Elle demande un comité de suivi en rappelant que, lors d'un précédent texte, le délai avait été porté de dix à douze semaines, sans rien changer. Alors qu'il est désormais question de passer à quatorze semaines, elle propose de vérifier l'effet de la mesure un an après son entrée en vigueur. Et, madame la ministre déléguée, madame la rapporteure, votre seule réponse est un « Défavorable » ?
N'avez-vous pas l'impression qu'il y a un décalage abyssal entre les enjeux véritables que notre collègue a mentionnés et la manière dont vous traitez cette question ?
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LR et UDI-I.
Pour ma part, je suis venu ce matin sans aucune idée préconçue. Mon opinion n'était pas faite. À la fin des débats, je dois avouer que je n'ai été convaincu ni par les arguments d'un côté, ni par ceux de l'autre.
Exclamations sur divers bancs.
À ce stade, je ne sais pas si cette prolongation de douze à quatorze semaines apportera l'effet escompté. Je vous le dis sincèrement, du fond du coeur.
En tout cas, il me semble bizarre de balayer d'un revers de main l'idée d'un comité de suivi alors que nous en avons créé d'autres pour des textes peut-être moins importants que celui-ci qui engage le droit des femmes à disposer de leur corps.
L'amendement de Mme Firmin Le Bodo permettrait de récupérer le coup. Qu'y a-t-il de gênant à demander au Gouvernement un rapport pour évaluer cette politique dont nous ne sommes pas sûrs des résultats ?
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem, LR et UDI-I et quelques bancs du groupe LaREM.
Puisque cinq minutes ne se sont pas encore écoulées depuis l'annonce du scrutin public, je peux vous donner la parole, monsieur Schellenberger.
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LaREM, SOC, FI et EDS.
Deux choses m'interpellent. Premièrement, que nous défendions le statu quo ou l'idée qu'il faille ajouter deux semaines de délai, il me semble que nous considérons tous que la décision que nous prendrons ce soir est importante. Dans ces conditions, pourquoi le Parlement se dessaisirait-il du contrôle de cette décision, de ses conséquences, de ses effets quels qu'ils soient – car l'amendement de notre collègue Firmin Le Bodo ne présume pas du résultat du travail de suivi ?
Deuxièmement, je suis étonné de l'avis de rapporteure sur l'amendement précédent, qui fait écho à celui-ci.
« Ah ! » sur divers bancs.
La rapporteure a renvoyé à la délégation aux droits des femmes. Or cette dernière a été créée sur la base du constat insupportable qu'il existe parfois un décalage d'égalité, ce qui est un registre bien différent du droit à l'avortement.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 128
Nombre de suffrages exprimés 117
Majorité absolue 59
Pour l'adoption 73
Contre 44
L'amendement no 98 est adopté.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Agir ens, Dem et UDI-I.
Exclamations sur divers bancs.
Cela faisait un moment, madame la ministre déléguée, que nous n'avions pas eu l'occasion, vous et moi, de revenir sur les sujets qui nous préoccupent. Comme c'est peut-être la dernière fois que je prends la parole, je vais vous redemander, avec tout le respect possible, de répondre à diverses questions factuelles que nous vous avons posées aujourd'hui. Qu'en est-il de la saisine du Comité consultatif national d'éthique ? À quelle date a-t-elle eu lieu, quelle réponse vous a-t-il apportée ? Connaîtrons-nous un jour sa position sur cette question que nous allons trancher ce soir sans aucun avis de sa part ? Et quelle est la fiabilité des chiffres concernant les avortements effectués chaque année à l'étranger par des ressortissantes françaises ?
Sans parler de radicalisme, je dirais qu'on a décidé ce soir de façon très autoritaire de quelle liberté devait prendre le pas sur quelle autre. Pour ma part, je voudrais revenir sur un point : la responsabilité des hommes dans le processus de l'IVG. La femme n'est jamais la seule responsable de se retrouver enceinte, loin de là. La prévention – un sujet sur lequel j'aurais aimé avoir davantage d'éléments – doit s'adresser aux femmes mais aussi aux hommes : ils sont concernés par tous les messages sur les rapports sexuels et la contraception.
Une telle politique de prévention permettrait une réduction notable du nombre d'IVG en France. Or, pour ma part, je continue à penser qu'une IVG est un grand traumatisme pour la femme et le couple. Si nous voulons obtenir des résultats, il faudra que nous menions cette politique avec vous, madame la ministre déléguée, avec M. Véran et d'autres.
Une fois encore, je vous le demande : pourriez-vous, s'il vous plaît, donner des réponses à toutes ces questions, étayées par des sources fiables et attestées par le Gouvernement, qui vous engagent devant la représentation nationale ?
Tout d'abord, je me réjouis de l'adoption de l'amendement déposé par Agnès Firmin Le Bodo, contre l'avis de la rapporteure.
Ce débat que vous avez souhaité, madame la rapporteure, vous auriez pu faire en sorte qu'il soit plus équilibré et qu'il serve davantage la cause que vous défendez – c'était votre responsabilité. Au lieu de cela, vous avez à peu près constamment balayé d'un revers de main toutes les demandes de rapport mais aussi les amendements qui cherchaient un point d'équilibre sans remettre aucunement en cause le droit des femmes à recourir à une IVG – équilibre auquel était parvenue la loi Veil.
Madame la ministre déléguée, vous aviez, vous aussi, la responsabilité de tenir cette ligne d'équilibre. Vous avez visiblement été dépassée par une partie de votre majorité.
C'est regrettable. Il ne faut pas renforcer les fractures de notre société sur des sujets aussi fondamentaux que ceux-là, qui touchent à la conception de la vie, à l'intime, à l'éthique. L'éthique : ce mot est au coeur du débat et des questions posées en permanence par nos collègues du groupe Les Républicains, notamment sur le CCNE, auxquelles vous n'avez apporté aucune réponse.
Cet équilibre n'a pas été trouvé à cause de vos orientations idéologiques très claires.
Le fait que Guillaume Chiche approuve mes propos le démontre avec certitude. Vous avez échoué à atteindre votre objectif.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes UDI-I et LR.
Sur l'ensemble de la proposition de loi, je suis saisie par les groupes Agir ensemble et UDI et indépendants d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
L'article 3 est adopté.
La parole est à Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, pour soutenir l'amendement no 110 .
Le titre de ce texte devrait être « proposition de loi visant à renforcer le droit à l'avortement et assurer une prévention effective et efficace ».
Au détour de nos débats, il ne me semble pas que ce texte renforce le droit à l'avortement des femmes. Mon avis rejoint celui de Marlène Schiappa, ministre chargée de la citoyenneté et ex-secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, qui me paraît avoir un certain crédit en la matière. De plus, à mon grand regret, la prévention n'y a aucune place, alors qu'elle devrait être le levier majeur pour protéger les femmes des grossesses non désirées.
Je regrette qu'un sujet d'une aussi grande importance, qui touche tant de femmes dans leur corps et dans leur âme, interpellant nombre de protagonistes qui n'ont pu être entendus, soit accueilli dans ces conditions au sein de notre assemblée. Je ne crois pas que nous aurions ici servi la cause des femmes.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LR, UDI-I et Agir ens. – M. Nicolas Dupont Aignan applaudit aussi
Je partage vos objectifs et vos constats sur la prévention et l'éducation à la sexualité et à la vie affective. Ces enseignements ne sont pas dispensés de la même manière sur le territoire national, et les collégiens et lycéens ne bénéficient pas tous des trois heures auxquelles ils ont droit.
Cela étant, cette proposition de loi vise à lever les freins à l'accès effectif au droit à l'avortement : elle ne traite pas de la prévention. Le titre que vous proposez ne correspond pas à ce texte, même si je rejoins votre ambition. Mais, comme je vous sais très impliquée dans l'éducation et la prévention en milieu scolaire, je vous invite à demander plus de moyens pour ces domaines à l'occasion du projet de loi de financement de la sécurité sociale que nous examinerons dans quelques jours. Avis défavorable.
Avis défavorable.
Exclamations sur divers bancs.
S'il vous plaît, pourrions-nous être bienveillants les uns vis-à-vis des autres, mêmes si nos opinions diffèrent ?
Applaudissements.
J'en appelle à la bienveillance de mon groupe, car je sais qu'elle est véritable. Le titre que j'ai cité n'ayant plus de raison d'être, je retire mon amendement.
L'amendement no 110 est retiré.
L'IVG restera toujours un sujet sensible : on n'y recourt jamais de gaieté de coeur, que ce soit en 1975 ou en 2020.
Mais grâce à Simone Veil, à son courage et à celui des députés, majoritairement des hommes, présents dans l'hémicycle en 1975, l'IVG est devenu un droit et a pu sortir enfin de l'illégalité. Je le répète, ce sont des hommes, à l'époque, qui ont voté en faveur du droit des femmes à disposer de leur corps. On nous a beaucoup reproché de ne pas associer les hommes à la nouvelle avancée proposée aujourd'hui. Rappelons que le droit à l'avortement a été acquis grâce à des hommes qui, en leur temps, ont fait preuve de courage.
En 2020, nous nous devons de protéger ce droit pour lequel tant de personnes se sont battues et de faire en sorte qu'il soit effectif. C'est cela, cette proposition de loi : avoir le courage de s'interroger sur l'effectivité du droit à l'avortement. Or force est de constater que le compte n'y est pas, que l'accès à l'avortement est malmené. Il est devenu difficile pour beaucoup trop de femmes. Combien sont-elles : 500 ? 3 000 ? 5 000 ? Au fond, peu importe. Des femmes sont contraintes d'aller avorter à l'étranger en raison de freins que personne ne peut nier, d'entraves et d'insuffisances. Tout cela a été parfaitement démontré dans le remarquable rapport d'information sur l'accès à l'IVG, déjà mentionné, de nos collègues Cécile Muschotti et Marie-Noëlle Battistel. Vous voulez des chiffres, chers collègues ? Tout est là !
Les mesures contenues dans la proposition de loi visent à lever ces freins. C'est la somme de toutes ces mesures, et non l'une plus que l'autre, qui permettra d'améliorer l'accès à l'IVG, même si certaines, bien sûr, sont plus emblématiques ou symboliques.
Les députés du groupe Écologie démocratie solidarité voteront, avec une très grande fierté, en faveur de la proposition de loi qu'ils ont présentée aujourd'hui à l'Assemblée.
Nous n'avons qu'un seul regret : que la liberté parlementaire n'ait pas pu s'exprimer pleinement et que notre groupe n'aie pas la possibilité de défendre ses trois autres propositions de loi, tout aussi importantes que celle-ci, sur des sujets qui tiennent à coeur à nos concitoyens.
Applaudissements sur les bancs du groupe EDS et quelques bancs des groupes SOC et LaREM.
Le groupe La République en marche apporte évidemment son soutien à cette proposition de loi que nous avons amendée en commission et en séance, dans le sens du rapport de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, adopté il y a quinze jours à l'unanimité.
Ainsi notre groupe a-t-il défendu la création d'un répertoire recensant les professionnels de santé qui pratiquent l'IVG, l'extension des compétences des sages-femmes aux IVG par voie chirurgicale afin d'améliorer l'offre de soins et de garantir aux femmes le libre choix de leur méthode d'IVG, l'institution du tiers payant intégral pour tous les actes relatifs à l'IVG, quel que soit l'âge des femmes, et la garantie de la confidentialité des IVG.
Au sein de notre groupe, chacun fera son choix en conscience sur ces différents sujets et votera le texte librement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
J'ai cru comprendre, chers collègues, que vous mainteniez votre soutien à ce texte, bien que, cela vient d'être indiqué, la liberté de vote soit respectée au sein de votre groupe. Je vous le dis avec gravité : vous faites une erreur monumentale.
Arrêtez, je vous en prie, de dire que nous sommes opposés au droit à l'avortement simplement parce que nous exprimons ce que nous ressentons, et ce que beaucoup ressentent sans doute sur tous les bancs. Nous avons le droit, en tant que parlementaires, d'exprimer ce que nous ressentons.
Au cours de cette journée, nous nous sommes efforcés de montrer que le sujet était bien trop important pour être traité dans le cadre d'une niche parlementaire.
Si vous ne voulez pas l'entendre de ma bouche, alors rappelez-vous les mots prononcés par le ministre Olivier Véran, ce matin à la tribune. Il a jugé le texte prématuré sans véritable concertation avec les praticiens et en l'absence de tout avis rendu par le Comité consultatif national d'éthique – dont nous avons appris qu'il aurait été saisi il y a peu, mais sans avoir de confirmation.
Si vous ne voulez pas l'entendre de ma bouche, écoutez aussi les mots de la ministre Marlène Schiappa, dont vous ne pouvez douter de l'engagement en faveur des droits des femmes.
Exclamations sur les bancs du groupe FI.
Elle a déclaré ce matin, à la télévision, partager l'avis du professeur Nisand.
Quand tant de voix s'élèvent dans vos rangs pour vous alerter, il est sage de prendre le temps. Il ne s'agit évidemment pas de revenir sur les droits acquis depuis 1975, mais trop de questions se posent sur les articles de la proposition de loi. Il serait sage aussi de prendre le sujet véritablement à bras le corps et de mettre autant d'énergie à trouver des dispositifs concrets pour donner réellement accès au droit à l'avortement mais fondés sur l'information, la prévention et l'accompagnement.
Je veux là encore reprendre les arguments du ministre de la santé : en portant le délai pour recourir à l'IVG à quatorze semaines, on risque de faire augmenter le nombre des médecins refusant d'en pratiquer une. Où iront alors les femmes ? Qui les prendra en charge ? La responsabilité que vous faites peser sur les sages-femmes est lourde. À ce propos, il est aisé et en apparence généreux de leur décréter une compétence chirurgicale alors que les conditions de l'acquisition de cette compétence ne sont et ne seront pas avant longtemps remplies. La proposition de loi constitue donc surtout une tromperie pour les sages-femmes et donne de faux espoirs aux femmes car elle n'aura aucun effet sur l'accès à l'IVG.
Ce que vous vous apprêtez à faire n'est pas un progrès pour les femmes, loin de là. Je souhaite toutefois rappeler qu'une totale liberté de vote est de mise au sein du groupe Les Républicains, sur tous les sujets mais particulièrement sur les sujets de société, qui touchent aux convictions intimes. Nous sommes trop respectueux de la liberté et des convictions de chacun pour y revenir. Quant à moi, je voterai contre la proposition de loi.
Applaudissements prolongés sur plusieurs bancs des groupes LR, UDI-I et Dem.
Le débat qui a eu lieu aujourd'hui doit nous pousser à nous interroger. Il a oscillé entre la remise en cause du droit des femmes à l'IVG, pour certains, et la chute des nombreuses barrières encadrant l'IVG, pour d'autres. Par moment, nous avons oublié ce qui nous animait : la volonté de garantir le droit des femmes à disposer de leur corps en tout lieu du territoire.
Nous partageons tous le constat de la difficulté de l'accès à l'IVG pour les femmes dans notre pays. C'est pourquoi nous pensons que la possibilité donnée aux sages-femmes de pratiquer des avortements par voie chirurgicale est une bonne chose. Nous aurions toutefois souhaité passer par l'expérimentation afin d'accompagner le développement de cette pratique. En effet, de nombreuses questions restent en suspens, qui concernent la formation des sages-femmes, leur couverture assurantielle, la clause de conscience, leur rémunération et leur statut.
Nous l'avons vu tout au long de la journée, ce texte touche chacun au plus intime, selon ses croyances religieuses, ses opinions, son histoire ou les réalités de son territoire. Lors du vote, il nous faudra répondre à une seule question : avec cette proposition de loi, permettrons-nous aux femmes d'exercer plus facilement leur droit à l'IVG ?
Pour ma part, je le crois, mais, comme je l'ai indiqué ce matin, les députés du groupe Mouvement démocrate et démocrates apparentés se prononceront sur ce texte, sur ce sujet de société, en leur âme et conscience.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Dem et quelques bancs du groupe LaREM.
Il y a quarante-cinq ans, l'adoption de la loi Veil a marqué une avancée sociétale, en instaurant un droit nouveau. Aujourd'hui, nous ne cherchons pas une avancée sociétale ni un droit nouveau, mais seulement à rendre ce droit effectif.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC, GDR, FI, EDS et Dem.
Les dix heures de débat qui viennent d'avoir lieu ont permis à chacune et à chacun d'entre nous de s'exprimer selon ses convictions profondes et de prendre position. Ensemble, nous avons essayé de faire progresser l'effectivité du droit.
La proposition de loi comporte trois ou quatre mesures d'ordre législatif, mais aussi, je le rappelle, des mesures d'ordre réglementaire. Il nous faudra donc veiller à ce qu'elles soient appliquées le plus rapidement possible afin que le droit à l'avortement soit effectif, que les dépassements de délai diminuent et que peut-être un jour plus aucune femme ne soit obligée de se rendre à l'étranger pour avorter.
Quant à la bataille de chiffres – 2 000 femmes concernées, 3 000, ou encore 5 000 ? – chacun a son idée et nous ne serons sans doute jamais d'accord, d'autant que nous dépendons de la bonne volonté de nos voisins européens pour obtenir des données. Mais ne seraient-elles que quelques dizaines, cela suffirait.
Au nom du groupe Socialistes et apparentés, je vous remercie, chers collègues, pour la qualité de ce débat. Merci aussi à Mme la rapporteure, qui l'a rendu possible, et à la délégation aux droits des femmes qui travaille depuis longtemps sur le droit à l'avortement.
Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes SOC, EDS, GDR, FI, LaREM et Dem.
Le groupe Agir ensemble rappelle son attachement inflexible au droit à l'IVG, ouvert et défendu par Simone Veil : l'instauration de ce droit a constitué un progrès social pour les femmes et pour la société dans son ensemble.
À titre personnel, je suis défavorable à ce texte, qui manque sa cible face à l'objectif, que nous sommes très nombreux à partager, d'un accès égal à l'IVG sur tout le territoire et pour toutes les femmes. Il faut enfin en finir avec le parcours du combattant décrit par certaines.
Il manque, dans ce texte, tout ce qui permettrait de lever les freins dont vous parlez, chers collègues : la prévention, une meilleure éducation à la sexualité à l'école, un moratoire sur la fermeture des plannings familiaux – et pourquoi pas des ouvertures ? – et un accès plus facile à la contraception pour les jeunes femmes. Nul doute que nous aurons l'occasion d'en reparler prochainement dans le cadre de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Les dix heures que nous venons de passer à débattre m'inspirent deux interrogations. D'abord : à une bonne, une vraie question, la proposition de loi permet-elle d'apporter une bonne réponse ? Je ne le crois pas, pour les raisons que j'ai expliquées à l'instant, mais le rapport d'évaluation dont nous venons de décider avec le dernier amendement montrera peut-être que j'avais tort. Et ensuite, j'ai rappelé ce matin la confiance que Simone Veil avait dans les générations futures : en votant la proposition de loi, nous montrerons-nous dignes de cette confiance ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR. – M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit aussi.
Le débat qui s'est déroulé au cours de ces deux séances a montré que si certains sujets méritent d'être débattus, la manière dont ils le sont peut poser problème.
Chers collègues du groupe Écologie démocratie solidarité, malheureusement, la Constitution n'accorde qu'une seule journée aux groupes minoritaires au cours de la session parlementaire. À cela, chacun doit réfléchir, car nous avons tous constaté aujourd'hui la difficulté pour un groupe minoritaire de faire pleinement usage de sa liberté d'expression dans un temps si restreint.
J'observe d'ailleurs, messieurs les présidents des groupes LaREM et Dem, qui êtes majoritaires, que ce dispositif n'existe pas au Sénat
M. Pascal Brindeau applaudit
et que des groupes ont plus de droits de tirage que nous. Je le dis car le groupe UDI et indépendants s'est parfois trouvé empêché de poursuivre un débat.
Si j'ai entendu l'un d'entre vous, ce matin, reprocher au Gouvernement de se faire déborder par sa majorité, au moins a eu lieu aujourd'hui un débat où les parlementaires, en liberté de conscience, ont fait des choix. Je ne les partage pas tous mais il me semble que cette journée devrait nous amener à réfléchir à notre façon de débattre, parce que, s'il est des sujets importants, il faut que nous soyons capables de les défendre malgré le Gouvernement. Nous avons vu, par le silence de la ministre déléguée, combien elle a souffert des positions de sa majorité, …
… mais cela arrive et ce n'est pas un drame. On veut faire croire, dans la logique de la Ve République, qu'il est un drame que le Parlement fasse des choix même si le Gouvernement n'est pas d'accord ; dans n'importe quelle autre démocratie, cela se passe normalement.
J'en viens au texte. Dans notre famille politique, nous tenons à la loi Veil. C'est le président Giscard d'Estaing, après une campagne présidentielle, donc après un débat nourri, c'est Mme Veil, contre une partie de la majorité de l'époque, avec l'appui d'ailleurs des groupes de gauche, qui ont réussi à créer ce droit imprescriptible pour les femmes et ont ainsi fait oeuvre de libération. Dans mon bureau de président de l'UDI, Jean-Louis Borloo a placé la carte de Simone Veil comme adhérente numéro un. Personne ici ne pourra nous faire le procès de ne pas tenir à ce droit. Mais, tel que vous l'avez abordé dans la proposition initiale et tel qu'il aboutit, cela n'a plus rien à voir.
Il existe dans la loi Veil un équilibre, et s'il peut être modifié, cela ne saurait être en le rompant. Or il nous semble que la proposition de loi crée un déséquilibre regrettable.
Mon groupe était très majoritairement opposé à l'allongement du délai légal, de douze à quatorze semaines de grossesse, pour recourir à l'avortement, ce qui n'était pas mon cas. Ce débat aurait dû être plus long, plus ouvert au public et se dérouler dans un autre cadre que celui d'une niche parlementaire. Il n'en reste pas moins que vous l'avez adopté. Cela peut se concevoir. En revanche, rien ne justifie, et certainement pas la demande sociale, que vous ayez décidé, en commission, de supprimer les quarante-huit heures de réflexion entre l'entretien psychosocial et la confirmation écrite de la demande d'IVG. Certes, une femme n'est pas obligée de recourir à une consultation psychosociale, mais, si elle y recourt, c'est qu'elle a besoin d'aide, de renseignements et peut-être d'un temps de réflexion.
Puis nous sommes subitement passés, tout en nous invectivant, de la garantie du droit des femmes à disposer de leur corps à une forme d'automaticité, de banalisation de l'IVG. J'ai entendu à plusieurs reprises, et je n'aime pas les propos excessifs, parler d'infantilisation. Non, c'est la possibilité de garantir un secours à une personne en détresse car si elle ne l'était pas elle ne se rendrait pas à une consultation psychosociale.
On y a encore ajouté une seconde mesure que personne ne demandait – aucun médecin – , par pure idéologie, à savoir la suppression de la clause de conscience.
Pire que cela : nous nous apprêtons dans quelques minutes à donner à un ministre le droit de supprimer sans débat cette clause de conscience, puisqu'elle relèvera du seul domaine réglementaire. Si demain un ministre idéologue décide de supprimer ce droit, vous aurez introduit une rupture terrible dans l'équilibre voulu par la loi Veil.
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-I et LR ainsi que sur quelques bancs du groupe Dem.
Je ne pense pas que la navette parlementaire permettra de régler les choses par le débat idéologique. Ce qui est nécessaire, c'est de retrouver l'équilibre. C'est la raison pour laquelle notre groupe votera contre votre texte, non pour priver les femmes d'un droit mais pour garantir que cet équilibre vienne au secours de l'ensemble des femmes quand elles en ont besoin. C'est ce que l'Assemblée aurait dû s'honorer de faire.
Mêmes mouvements.
Je me réjouis tout d'abord que nous ayons siégé dans cet hémicycle, pour un temps d'ailleurs bien plus long que ce qui avait été prévu, afin de débattre de cette proposition de loi de façon correcte, en conscience. Je remarque à quel point le débat a évolué, car, dans ce même hémicycle, en 1975, quand Simone Veil était à la tribune, le débat public était d'une tout autre nature et la violence des arguments contre les femmes et contre l'avortement, considérable. J'estime que c'est déjà une avancée que nous discutions aujourd'hui sereinement d'un nouveau progrès permettant de consolider le droit à l'avortement.
Si la loi a été adoptée en 1975, c'est parce qu'il y avait dans la rue des manifestations monstres, c'est parce qu'il y avait eu le manifeste des 343 femmes déclarant publiquement avoir avorté alors que c'était interdit,
Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes FI et GDR, et sur quelques bancs du groupe SOC
c'est parce que des mouvements féministes osaient penser ce qui était impensable et qui est devenu un progrès commun, au point que j'ai entendu de nombreuses personnes, à droite, dire aujourd'hui : « Nous ne remettons pas en cause le droit à l'avortement. »
Cependant, quand on vous écoute bien, chers collègues de droite, le grand nombre de « mais » dans vos propos laisse à penser que certains parmi vous sont en réalité opposés au droit à l'avortement.
Vives protestations sur les bancs du groupe LR.
Je n'ai pas dit que c'était le cas de tous mais d'un certain nombre, sur les bancs les plus à droite. C'est pourquoi j'appelle toutes celles et tous ceux qui sont attachés à l'émancipation des femmes à un devoir de vigilance collective. Nous sommes aujourd'hui, et c'est heureux, majoritaires dans le pays à défendre cette émancipation.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Nous avons été une dizaine, au sein du groupe La France insoumise, à voter la première mouture de la proposition présentée par Albane Gaillot, dont je salue le travail.
Applaudissements sur les bancs des groupes FI, GDR et EDS. – M. François-Michel Lambert applaudit également.
Elle était plus complète, et nous en votons donc aujourd'hui une plus ramassée. Elle propose un certain nombre de consolidations et de progrès, notamment l'allongement du délai légal de l'IVG de douze à quatorze semaines de grossesse, ce qui n'est pas seulement un progrès sociétal mais un progrès social, parce que cela signifie que des femmes qui habitent des déserts médicaux, qui n'ont pas les moyens financiers d'aller avorter en Espagne ou ailleurs, ne seront plus dans la détresse mais auront la possibilité concrète d'avorter.
Applaudissements sur les bancs des groupes FI, GDR et EDS.
Quant à la double clause de conscience, il y a quelque chose que je ne comprends pas.
Brouhaha.
Elle n'existe que pour l'avortement ; il s'agit donc simplement de faire entrer l'avortement dans une forme de droit commun qui permettra aux femmes de ne pas se retrouver face à des médecins refusant d'accepter le libre arbitre de celles qui décident de ne pas garder un enfant dans leur ventre.
Applaudissements sur les bancs des groupes FI, GDR et EDS. – Mme la rapporteure applaudit également.
Voilà la vérité, chers collègues.
Je suis également très heureuse que nous ayons un débat où chacune et chacun va voter en conscience et n'a pas cédé, par exemple, à l'injonction venant du sommet de l'État de ne pas avoir ce débat. Nous avons eu ce débat et c'est la liberté du Parlement de décider de son ordre du jour, de décider, s'il le veut, de faire avancer les droits des femmes.
Mêmes mouvements.
C'est donc aussi une belle leçon de démocratie.
Le débat existe dans la société. Avec la vague #MeToo, la conscience des nouvelles générations sur l'émancipation des femmes est devenue colossale. Voter cette loi, c'est y faire écho, même si elle n'est pas suffisante et qu'il faut consolider plus encore le droit des femmes. C'est être en résonance avec la réalité d'une société qui a été secouée par la vague #MeToo et qui est de plus en plus attachée à cette liberté que nous revendiquons pour les femmes – en réalité pour l'humanité tout entière.
Applaudissements sur les bancs des groupes FI, SOC, GDR et EDS. – Mme Marie Lebec et MM. François-Michel Lambert et Hugues Renson applaudissent également.
Il est difficile de prendre la parole après des mots tels que ceux que vient de prononcer Clémentine Autain, en tant que femme, et que j'ai largement applaudis.
Le premier sentiment qui me vient à l'esprit concerne ce qui se passe en dehors de nos frontières et qu'on n'imagine pas voir arriver un jour dans notre pays. Certes, certains me diront que c'est de l'autre côté de l'Atlantique que la place de la femme et le droit à l'avortement peuvent être remis en cause, …
… mais de ce côté-ci de l'Atlantique, au sein de l'Union européenne elle-même, il y a aussi des tensions. Nous ne devons donc jamais oublier que le débat est nécessaire et c'est en ce sens que je salue le groupe EDS et Albane Gaillot d'avoir eu le courage de présenter cette proposition de loi. Les membres de ce groupe entendaient en présenter d'autres, tout aussi importantes, je pense notamment à celle de mon ami Guillaume Chiche sur la parentalité et dont nous ne pourrons discuter aujourd'hui. Nous avons pris le temps d'examiner jusqu'à présent le seul texte sur le renforcement du droit à l'avortement car il s'agit d'un sujet de société important.
Je remercie Marie-Noëlle Battistel, Cécile Muschotti ainsi que l'ensemble de la délégation aux droits des femmes pour avoir enrichi nos réflexions et nous avoir éloigné de certains raccourcis, voire d'idéologies qui n'ont rien à faire dans l'Assemblée nationale d'un État laïque.
Les freins au droit à l'avortement doivent être levés davantage. Les dispositions que nous avons adoptées y contribuent : c'est le cas de l'allongement du délai de recours à l'IVG à quatorze semaines, de la suppression de la double clause de conscience spécifique, de l'extension de la compétence de l'IVG chirurgical aux sages-femmes. Quel débat nous avons eu tout à l'heure ! Nous avons failli déraper vis-à-vis de nos mères, celles qui nous ont permis de naître – ce moment si difficile pour elles – dans les meilleures conditions. J'ai ressenti un malaise devant la façon dont on a abordé la place et le rôle des sages-femmes.
Il sera nécessaire d'aller plus loin. Recourir à l'avortement est un parcours du combattant mais aussi une question pour chacune et, je le souhaite, pour chacun, même s'il ne faut jamais oublier qu'il s'agit d'un rendez-vous essentiellement féminin.
Les recommandations de la délégation aux droits des femmes présentent d'autres pistes d'amélioration. Nous continuerons d'y travailler.
Il faut agir en amont, sur la prévention : je rappelle la situation de la médecine dans les lycées, celle de l'accès des étudiants à un cadre médical structuré. Ce sont des enjeux majeurs sur lesquels nous attendons beaucoup de la part de ce gouvernement, et que nous saurons soutenir. Le plan de relance est tourné vers l'économie, je pense qu'il faudra également un plan de relance sur la capacité à redonner des bases de sécurité à nos concitoyens, notamment la sécurité d'accès aux soins et à l'information, où qu'ils soient.
Enfin, Jeanine Dubié, qui était ici au commencement du débat et n'a pu rester, fervente engagée, aurait dû être à ma place pour cette déclaration de notre groupe, un groupe où, comme dans tous les autres, chacun votera en son âme et conscience. Je suis pour ma part favorable à cette PPL, l'ayant cosignée, et je voterai pour, comme la plus grande partie du groupe Libertés et territoires.
Applaudissements sur les bancs du groupe EDS.
Tout d'abord, je tiens à dire combien il est important que nos niches parlementaires puissent être aussi riches. Je rappelle que les débats qui agitent l'opinion publique se retrouvent très souvent traduits ici dans des propositions de loi des différents groupes. Je pourrais citer en premier lieu mon groupe, la Gauche démocrate et républicaine, à propos, par exemple, de l'allocation adulte handicapé, mais aussi le groupe Les Républicains à propos des violences faites aux femmes ou encore le groupe La France insoumise s'agissant du droit à mourir dans la dignité, et bien d'autres exemples encore. À chaque fois, certains disent que de telles questions ne devraient pas être traitées dans le cadre des niches parlementaires… Pourtant, c'est souvent la seule occasion de les faire avancer. Je remercie donc ici le groupe Écologie démocratie solidarité de nous permettre non seulement de débattre de cette proposition de loi mais aussi, je l'espère vivement, chers collègues, de voter cette avancée qui serait ainsi un pas supplémentaire vers l'effectivité du droit à l'avortement.
J'ai conscience que le groupe EDS n'avait pas prévu que nous passerions presque toute la journée sur ce texte et que c'est une situation compliquée pour les rapporteurs des trois autres textes, mais je tiens à leur rappeler à quel point il est essentiel.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, FI, SOC et EDS. – Mme la rapporteure et M. François Michel Lambert applaudissent également.
En effet, le droit à l'IVG est central dans le droit des femmes à disposer de leur corps, condition primordiale de leur émancipation.
Nombre de membres de mon groupe ont signé la première mouture du texte d'Albane Gaillot et j'espère que nous pourrons ajouter un jour prochain ce qui en est encore absent. Je l'ai dit dans la discussion générale, nous ne sommes pas au bout des avancées de la loi Veil. Elle a été, Clémentine Autain vient de le rappeler, le fruit de très longues luttes féministes ; celles-ci connaissent aujourd'hui un nouvel essor qui nous appelle à sortir l'IVG de ce climat de honte qui persiste. Nous voyons combien les débats de ce matin et de cet après-midi continuent de placer bien trop souvent l'IVG dans un tel climat. Il reste évidemment à en sortir, mais ce texte propose déjà une meilleure effectivité du droit à l'IVG. Les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine voteront donc évidemment en faveur de cette proposition de loi.
Je ne vais évidemment pas répondre à la place de la ministre déléguée aux députés du groupe LR qui n'ont cessé de lui demander pourquoi le Gouvernement n'a saisi le Comité consultatif national d'éthique qu'il y a deux jours. Mais j'y vois un leurre destiné à écarter la possibilité de débattre de ce texte et de le voter aujourd'hui. Alors même que nous avons été nombreux, et nombreuses, au moment du confinement, à poser la question de l'allongement du délai de l'IVG, cette saisine tardive montre bel et bien qu'il y a au Gouvernement un refus de débattre et d'avancer sur cette question.
Il ne s'agit aucunement d'éthique et je ne vois pas ce que vient faire ici le CCNE. Il ne nous aidera pas à régler ce qui est un choix politique. Une belle chose nous reste à faire, chers collègues : jouer notre rôle de parlementaires, faire un choix politique en décidant si nous voulons, oui ou non, une meilleure effectivité du droit à l'avortement. Résolument, pour nous, c'est oui.
Vifs applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SOC, FI et EDS. – Mme Marie Lebec applaudit également.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 152
Nombre de suffrages exprimés 145
Majorité absolue 73
Pour l'adoption 86
Contre 59
La proposition de loi est adoptée.
De nombreux députés se lèvent et applaudissent longuement.
Prochaine séance, ce soir, à vingt-deux heures :
Examen de la proposition de loi relative à des premières mesures d'interdiction de certaines pratiques génératrices de souffrances chez les animaux et d'amélioration des conditions de vie de ces derniers ;
Examen de la proposition de loi visant à créer un congé de parenté égalitaire et effectif ;
Examen de la proposition de loi relative au parrainage citoyen pour les réfugiés, les apatrides et les personnes protégées.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures vingt-cinq.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra