La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Ce matin, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.
La parole est à M. Jean-Claude Leclabart.
Monsieur le président, madame la ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur, madame la rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale, mes chers collègues, il est pertinent de vouloir assouplir les modalités d'exercice de la compétence de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations – GEMAPI – pour que le transfert de celle-ci aux EPCI – établissements publics de coopération intercommunale – en soit facilité et que son exploitation locale, à compter du 1er janvier 2020, soit plus efficiente. La proposition de loi cosignée par les groupes parlementaires du MODEM et de la République en Marche, sur laquelle nous nous penchons aujourd'hui, répond à cet objectif, ce dont je me félicite. Elle est le fruit d'un important travail d'échanges réalisé en commission. Cette proposition de loi a fait l'objet de 144 amendements, dont 61 ont été étudiés en commission des lois le 22 novembre dernier.
À ce stade, je tiens à souligner l'implication et l'investissement de mes collègues, Mme Jacquier-Laforge et Mme Kamowski, respectivement rapporteure et responsable du texte pour le groupe La République en marche sur cette proposition de loi. Notre travail a débouché sur un consensus qui privilégie l'intérêt général et répond aux objectifs fixés.
Premièrement, l'assouplissement entrevu doit permettre aux collectivités et aux établissements d'ores et déjà impliqués dans l'exercice au quotidien des missions de la GEMAPI de poursuivre leur engagement au-delà du 1er janvier 2020. Cet assouplissement ne devant pas conduire à une désorganisation, un cadre réglementaire a été instauré, qui prend le plus souvent la forme d'un conventionnement. Le principe de la « sécabilité interne » des missions attachées à la GEMAPI a en outre été acté, ce qui constitue une avancée notable.
Deuxièmement, une attention toute particulière devra être portée à la gestion des fleuves. Il est préconisé que les conséquences du transfert de la compétence GEMAPI vers les EPCI fassent l'objet, à cet égard, d'un rapport d'évaluation du Gouvernement au Parlement.
Troisièmement, durant la période transitoire allant du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2019, la responsabilité des EPCI à fiscalité propre compétents ne pourra être engagée qu'au regard de l'organisation de la compétence. Il en va de même pour les EPCI gestionnaires d'ouvrage, dont la responsabilité ne pourra être engagée en raison de dommages que l'ouvrage n'a pas permis de prévenir dès lors que ce dernier a toujours été entretenu dans les règles de l'art.
Quatrièmement, la proposition de loi étend à la prévention des inondations les missions d'animation et de concertation prévues par l'article L 211-7 du code de l'environnement, ainsi que l'assistance technique que les départements mettent à la disposition des EPCI ne disposant pas des moyens techniques suffisants pour exercer leurs compétences.
Il est important de souligner que cette proposition de loi revêt un indéniable caractère facilitateur pour les élus locaux, qui sont d'ores et déjà confrontés aux impératifs des missions de la GEMAPI. Cette évolution législative est garante d'un avenir meilleur. Il est tout aussi important de rappeler que le grand cycle de l'eau constitue un enjeu majeur de l'aménagement des territoires et représente, de ce fait, une priorité de l'action gouvernementale. Les évolutions législatives contenues dans cette proposition de loi, conjuguées à celles qui seront à terme proposées par le groupe de travail « eau et assainissement » participeront à la cohérence de l'action du Gouvernement.
Sur le bassin versant de la Somme, qui est le mien, 425 arrêtés de catastrophe naturelle au titre des inondations ont été pris depuis 1982, dont 50 % sont directement liés à des phénomènes importants de ruissellement des eaux pluviales et de coulée de boue. C'est pour répondre à cet objectif impératif de cohérence que la majorité parlementaire entend poursuivre son travail. Après avoir traité le sujet, à ses yeux prioritaire, de l'assouplissement des modalités de l'exercice de la compétence GEMAPI, il lui faut se pencher sur la redéfinition même de cette compétence. C'est tout le sens de l'amendement que j'aurai l'honneur de défendre devant vous dans quelques instants. Quoiqu'il advienne de ce dernier, les parlementaires des groupes MODEM et La République en marche entendent poursuivre leur travail et leur action au service du grand cycle de l'eau, de l'action gouvernementale, des élus locaux et de leurs concitoyens.
Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, chers collègues, notre assemblée est saisie aujourd'hui d'un texte qui vise à réintroduire du bon sens plutôt que des principes autoritaires dans l'exercice de la compétence GEMAPI, en permettant notamment aux départements exerçant une ou plusieurs des missions attachées à cette compétence de poursuivre leurs engagements au-delà du 1er janvier 2020. Il s'agit là d'une attente forte de nos territoires. Au nom du groupe Les Républicains, je me réjouis de cette initiative, qui est inspirée par la même philosophie que celle qui a présidé à la naissance de la proposition de loi « eau » et « assainissement », malheureusement renvoyée en commission le 12 octobre dernier, lors de la « niche » parlementaire de notre groupe.
Il s'agit ici, à nouveau, de corriger une disposition mal préparée des lois NOTRe – portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République – et MAPTAM – de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles. À nouveau, ce texte pose la question de notre conception de la subsidiarité, principe central qui doit organiser l'efficacité de la décentralisation. À nouveau, la réponse que je vous propose est de faire confiance à nos territoires, à nos élus locaux pour déterminer quelle collectivité est la mieux à même d'exercer la compétence, dans la poursuite d'un objectif d'efficacité. Je souhaite donc que ce texte puisse être adopté. J'espère également que nous pourrons le compléter et en étendre l'ambition à travers plusieurs contributions.
Nos travaux en commission des lois ont déjà permis des avancées ; je tiens à saluer le travail mené à cet égard par Mme la rapporteure. La conclusion d'une convention entre un département et les communes ou les EPCI situés sur son territoire, pour clarifier l'exercice de la compétence et le rôle de chacun, est une bonne disposition. Nous pouvons toutefois préciser et sécuriser ce dispositif en laissant aux communes, EPCI et départements la liberté de déterminer, dans le cadre de cette convention, les modalités de financement de l'exercice des missions GEMAPI lorsque ces dernières sont assumées par le département. La taxe GEMAPI, quant à elle, peut être instituée par le bloc communal pour financer l'exercice de cette compétence. Dans le cadre de cette proposition de loi, qui élargit l'exercice de la compétence aux départements, il semble logique de proposer à ceux-ci de collecter une partie de cette taxe. Je défendrai plusieurs amendements en ce sens.
Je me réjouis également de l'adoption en commission d'un amendement précisant le régime de responsabilité limitée qui s'appliquera aux communes et EPCI au titre des ouvrages de prévention des inondations dont ils deviendront gestionnaires à la suite de la réforme. Le dispositif ne me semble toutefois pas encore complet. Nous devons examiner plusieurs configurations pour être au plus proche des réalités de nos collectivités et des exigences techniques observées. Je pense notamment au cas où un ouvrage appartenant par exemple à VNF – Voies navigables de France – ou à la SNCF, servant de digue, bien que ce ne soit pas sa vocation première, n'est pas mis à la disposition d'un système d'endiguement : qu'en est-il de la responsabilité de la collectivité ?
Nous devons également être vigilants aux situations dans lesquelles une partie du territoire de la collectivité concernée n'est pas couverte par un ouvrage de prévention. Dans ce cas, une période transitoire doit pouvoir s'appliquer afin de laisser à la collectivité concernée le temps d'engager les études, les démarches et les travaux nécessaires à la protection de son territoire.
Ce texte constitue une opportunité d'améliorer le droit : sachons la saisir et ne commettons pas l'erreur de renvoyer ces éléments à une discussion ultérieure. Prenons pleinement nos responsabilités !
Je regrette par ailleurs que la question de la responsabilité de l'État du fait des digues domaniales ne puisse être réintroduite dans le cadre de nos discussions, en raison de la contrainte de l'article 40 de la Constitution. Je regrette également que le Gouvernement propose aujourd'hui de revenir sur l'autorisation de l'adhésion, au titre de la compétence GEMAPI, d'un syndicat mixte ouvert à un autre syndicat mixte ouvert, tel qu'un EPTB – établissement public territorial de bassin – ou un EPAGE – établissement public d'aménagement et de gestion des eaux. Cette mesure positive avait réuni en sa faveur une majorité de commissaires aux lois, la semaine dernière, qui avaient adopté un amendement de bon sens.
Le 12 octobre dernier, la majorité avait souhaité renvoyer en commission la proposition de loi portée par notre collègue Fabrice Brun, au motif que nos propositions sur les compétences « eau » et « assainissement » ne s'inscrivaient pas dans un texte plus global qui traiterait du grand cycle de l'eau et de sa gestion institutionnelle. Le texte qui nous occupe aujourd'hui répondra probablement à l'exigence que vous formuliez alors, ce qui va nous permettre d'examiner ces dispositions. Vous sembliez partager, le 12 octobre, nos préoccupations sur le fond tout en refusant l'examen en séance publique de notre proposition de loi. Madame la ministre, nous regrettons ce rendez-vous manqué mais, aujourd'hui, nous persévérons et espérons que le bon sens pourra enfin l'emporter.
Tout comme en matière de GEMAPI, il est important de rappeler que le transfert des compétences « eau » et « assainissement » appelle des réponses rapides. Je vous renvoie, sur cette question, à la brillante démonstration faite, lors de l'examen de notre proposition de loi, par notre ancien collègue et nouveau secrétaire d'État, Olivier Dussopt, qui a clairement expliqué pourquoi il fallait légiférer avant 2018.
Nous avons entendu les paroles du Premier ministre devant les maires de France, la semaine dernière. Oui, madame la ministre, oui, chers collègues, « on n'a jamais regretté de donner de la liberté aux élus ». Oui, « les solutions qui fonctionnent ne sont pas celles que l'on plaque sur les territoires, mais celles que les territoires construisent. » Ce sont les mots du Premier ministre devant le congrès des maires de France. Mettons ces mots en action aujourd'hui plutôt que de continuer avec de beaux discours.
Si nous partageons tous le constat selon lequel il convient de laisser aux communes et aux communautés de communes et d'agglomération le choix dans l'échelon le plus pertinent pour assumer les compétences « eau » et « assainissement », alors corrigeons dès à présent le dispositif de la loi NOTRe et cessons de reporter à demain, ou à après-demain, ce qui mérite d'être traité dès aujourd'hui. Comment les maires pourraient-ils comprendre, alors que tout le monde est d'accord sur cette question, que l'on refuse d'adopter des propositions parce qu'elles viennent du groupe Les Républicains alors même que le Président de la République et le Premier ministre ont personnellement exprimé leur soutien à une telle révision ? À titre personnel, je ne comprends pas ces postures de l'ancien monde.
Mais la qualité de nos travaux en commission des lois la semaine dernière me laisse espérer une attitude positive de la part de la majorité sur les amendements que nous défendrons aujourd'hui.
Mes chers collègues, ce texte semble technique, mais il est en réalité éminemment politique. Il met en jeu la vision que nous avons de la décentralisation et interroge notre conception de la subsidiarité. En matière de GEMAPI, comme pour les compétences relatives à l'eau et à l'assainissement, la géographie fait que le niveau de collectivité le plus efficace n'est pas nécessairement partout le même. Nous devons donc laisser la liberté aux élus locaux de déterminer qui doit exercer ces compétences dans le territoire. L'enjeu est non pas d'obliger toutes les collectivités à faire la même chose, mais de leur imposer de faire bien et le mieux possible en fonction de leurs moyens.
On parle souvent de subsidiarité à l'échelle européenne, mais ce principe doit être général dans notre organisation institutionnelle. Emparons-nous également de ce sujet et de ce principe au niveau national pour améliorer l'organisation de nos territoires sur certains aspects. Avec ce texte, nous sommes au coeur du sujet. Portons cette conception plutôt que le principe de cloisonnement mis en place par les lois NOTRe et MAPTAM, totalement contraires à la subsidiarité réelle et à l'efficacité des politiques publiques locales.
L'amendement du Gouvernement visant à élargir aux régions l'exercice de la compétence GEMAPI conforte cette vision de la subsidiarité. Ainsi, les articles 3 et 4 de cette proposition de loi, en autorisant une sécabilité interne pour les missions constitutives de la GEMAPI, marquent une rupture avec la segmentation des compétences par bloc voulue par les lois MAPTAM et NOTRe…
… et s'inscrivent dans un nouveau rapport à la décentralisation qu'il convient d'amplifier. Une décentralisation bâtie autour d'une notion : la confiance. Laisser davantage de liberté aux collectivités et à leurs élus dans l'exercice de leurs missions, tout en leur donnant les moyens de leurs compétences. Tel doit être le pacte fondateur de cette nouvelle ambition. Puisse ce texte constituer une première pierre sur laquelle nous bâtirons collectivement ce nouvel équilibre.
Nous ne débattons pas aujourd'hui d'un texte limité à des aspects techniques. Derrière ces dispositions effectivement techniques, il y a des réalités, des attentes, des exigences. Il y a des collectivités qui ont besoin de visibilité pour s'organiser et anticiper. Il y a également le quotidien des Français, leurs conditions de vie et leur protection face aux risques. Lorsque nous parlons des collectivités, nous parlons de tout cela. Nous touchons du doigt la vie de chacun, l'organisation de notre société, l'équilibre de notre République. C'est à la fois exigeant et éminemment passionnant.
Au nom du groupe Les Républicains, je réitère notre attitude positive sur ce texte que notre examen permettra, j'espère, de compléter et d'améliorer dans le prolongement de l'esprit qui a animé nos travaux en commission des lois. Soyez assurés de notre sens des responsabilités et de notre attachement viscéral à la libre administration des collectivités.
Mes chers collègues, permettez-moi de conclure mes propos, avec peut-être moins de poésie que notre collègue Chassaigne ce matin, par une citation de Philippe Séguin, …
… qui me semble tout à fait opportune : « Dans un monde de plus en plus virtuel, dans une économie qui s'abstrait de la distance et de la durée, c'est en retrouvant la réalité du territoire que nous retrouverons l'homme. ».
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, chers collègues, s'il est un domaine qui ressemble à un « casse-tête », pour reprendre l'expression de l'Association des maires de France, c'est bien cette compétence GEMAPI. Si tout le monde s'accorde sur la nécessité d'une réorganisation de cette compétence à l'échelle des bassins versants, il reste encore quelques points à préciser. Sans en dresser une liste exhaustive, je citerai les questions de financement – et en particulier le maintien du financement par l'État des digues domaniales – , ainsi que les évolutions institutionnelles à venir avec cette interrogation : la gestion des fleuves ne dépasse-t-elle pas le périmètre d'une communauté ?
Il nous faudra donc préciser un certain nombre de points pour rassurer et rendre opérationnelle cette gestion, qui appartenait jusqu'ici à des acteurs multiples, pour des domaines d'intervention tout aussi multiples. Reste que cette proposition de loi – même si elle doit être amendée sur tel ou tel point – va dans le bon sens. Elle a le mérite de tenter de mettre de l'ordre dans ce domaine. Et, j'en conviens, ce n'est pas chose aisée. J'y serai attentive, connaissant la sensibilité des élus locaux à ces problèmes.
Mais si je prends la parole aujourd'hui sur ce dossier GEMAPI, c'est aussi pour poser une question plus générale, celle du transfert des compétences. Une fois de plus, je ne conteste nullement la nécessité, dans ce dossier, de revoir l'architecture passée des responsabilités des uns et des autres. C'était nécessaire. Mais je veux le redire, ici, à cette tribune : on ne peut pas continuer à enlever des compétences à nos communes !
Les technocrates n'ont qu'un mot à la bouche : intercommunalité. Ils veulent en finir avec nos communes, nos bonnes vieilles communes, vestiges d'un temps que nos « élites » voudraient voir disparaître. Ils naviguent sans cesse entre paternalisme et mépris à l'égard de ces « petits élus », qui seraient incapables de penser par eux-mêmes ou de gérer par eux-mêmes. Je sais que je me fais ici la porte-parole d'un grand nombre, d'un très grand nombre d'élus locaux, qui finiront, s'ils n'y prennent garde, par n'être plus que les gardiens des registres de l'état civil. On décidera pour eux d'à peu près tout. Disons-le clairement : les maires vivent, aujourd'hui, sous les diktats de la loi NOTRe, qui les dépouillent, peu à peu, de leurs prérogatives. Si les maires sont persuadés qu'ils doivent se regrouper – et le transfert de la compétence GEMAPI devrait être une bonne chose à condition, je le répète, qu'on retravaille et qu'on précise certaines modalités d'organisation – , ils ne veulent plus qu'on le leur impose.
Il faut redonner aux maires et aux conseils municipaux nombre des compétences aujourd'hui accaparées par les intercommunalités. Ces dernières sont toujours plus vastes, toujours plus éloignées de la vie des Français, toujours plus déconnectées du pays réel. Chaque fois que cela est possible, il faut appliquer strictement le principe de subsidiarité, qui consiste, chacun le sait, à confier le maximum de pouvoir à l'échelon inférieur, pourvu qu'il ait les compétences et les moyens d'atteindre le bien commun à son niveau. Pour cela, il faut que soit rétablie la liberté de s'associer ou non à d'autres communes, afin de mutualiser au mieux les services qui peuvent l'être, dans le respect de chaque commune et de ses habitants.
C'est pourquoi, vous l'avez compris, je profite de cette tribune pour alerter une fois encore sur le grignotage quotidien du pouvoir communal. Pour que, soucieux de cette France des petites communes, trop souvent oubliée au profit de Paris et d'une poignée de métropoles régionales qui concentrent argent et pouvoir, nous soyons attentifs à ne plus les marginaliser, je dirais même, à ne plus les dépecer.
Cette proposition de loi témoigne qu'il est possible, malgré un certain flou que nous nous devons de lever, d'imaginer des réponses sans le faire au détriment de certains acteurs d'un dossier. C'est loin d'être toujours le cas ! Si cette proposition de loi très technique nous donnait l'occasion d'une prise de conscience de la nécessaire défense du pouvoir communal, je me réjouirais encore davantage de voter pour elle.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, chers collègues, nous sommes face à une triple obligation.
Une obligation vitale : 18 millions de nos concitoyens sont concernés, menacés par des risques d'inondation ou de submersion marine. Ces risques sont encore accrus par la crise écologique que nous connaissons, avec la montée du niveau des mers et des intempéries de plus en plus fortes, ainsi que nous l'ont rappelé nos collègues Brulebois et Leclabart.
Une obligation légale, ensuite : celle de la loi MAPTAM, qui pose le délai du 1er janvier 2018 et le principe de la compétence exclusive et obligatoire des établissements publics de coopération intercommunale – EPCI – à fiscalité propre.
Une obligation civique et législative, enfin : celle de faire respecter la loi en mettant à la disposition des EPCI toute la palette des solutions déjà existantes et en leur assurant la capacité d'en inventer de nouvelles. Il nous faut, à la fois, permettre l'innovation et garantir l'application des règles communes, grâce au rôle accru des préfets. J'étais, comme un certain nombre d'entre vous, au congrès des maires où les élus locaux, qui sont très souvent des élus intercommunaux, ont vu qu'ils avaient été entendus. À nous, élus de la nation, de les entendre aussi et d'apporter des réponses pratiques à leurs remarques et à leurs interrogations.
Il n'est pas question avec cette proposition de loi, présentée conjointement par les groupes MODEM et La République en marche, de revenir sur les dispositions initiales de la loi MAPTAM ; il s'agit d'assouplir ses conditions d'exercice et de mise en oeuvre afin que les élus locaux, dans l'exercice de leurs responsabilités, puissent adapter leurs décisions d'organisation ou de réorganisation à la réalité du terrain, dans l'intérêt vital des populations concernées.
Le groupe La République en marche souhaite avant tout rassurer les quelque 80 % des EPCI ayant attendu volens nolens le dernier moment pour prendre cette compétence, …
… et les inciter à faire preuve soit de raison, en conservant des modèles de mutualisation éprouvés, soit d'innovation, en créant de nouvelles formes de coopération. C'est là que l'intelligence des territoires trouvera à s'exprimer et à s'organiser au service de tous. C'est là que la confiance mutuelle, si nécessaire entre l'État et les élus locaux, pourra se nouer librement, et c'est à nous, élus de la nation, d'y concourir.
Néanmoins, la libre administration des collectivités n'exclut pas le respect des règles qui rendent notre organisation sociale cohérente. C'est cela aussi qui nous a guidés dans l'élaboration de cette proposition de loi, qui se concentre – je le souligne – sur l'organisation réaliste de la compétence GEMAPI, et non sur l'extension de son périmètre ou sur son financement, qui méritent d'autres débats et le temps d'une réflexion plus approfondie.
En revanche, il nous semble que la fixation d'aménagements temporels, à la fois précis et réalistes, pour le terme des différentes étapes d'une mutualisation nécessaire et utile à tous, serait grandement souhaitable.
Le texte proposé à votre sagacité garantit l'exercice d'une compétence difficile, exigeante dirais-je même. Oui, c'est une compétence exigeante, car elle touche au cycle de l'eau – que l'on peut envisager comme petit ou grand, mais là aussi ce sera un autre débat – , qui est un élément vital de notre existence à tous et pour lequel chacun pense qu'il porte la bonne solution. Je vous le dis tout net, je pense que « la » bonne solution n'existe pas : les contraintes géologiques, hydrologiques, géographiques, administratives, politiques, humaines même, suscitent autant de facteurs de blocage que de facteurs d'inventivité. Donc, à partir du principe de base, incontournable à nos yeux et édicté par la loi MAPTAM, nous souhaitons que la volonté de faire et de bien faire des collectivités locales et territoriales trouve suffisamment de souplesse et d'efficacité dans ce texte de précision, pour y puiser la force de se lancer dans cette nouvelle phase de mutualisation très pratique et très technique, tout le monde le reconnaît, et pas moins compliquée que les précédentes.
De ce point de vue, je me félicite du dialogue constructif que nous avons eu avec le Gouvernement, et tout particulièrement avec vous, madame la ministre, et vos services, et des échanges fructueux avec les différents groupes politiques en commission, qui nous ont permis d'apporter des modifications allant dans le sens de la souplesse et de l'efficacité.
Il reste à traiter la question de la participation des régions, qui fait l'objet d'un amendement que je porte au nom du groupe La République en marche. Le Gouvernement en a déposé un similaire, et nous trouverons évidemment à nous accorder.
Le groupe La République en marche souhaite aussi que nous trouvions un accord sur la question des adhésions entre syndicats mixtes ouverts. Je sais que cela n'est pas très orthodoxe au regard du code général des collectivités territoriales. Néanmoins, après en avoir parlé avec Mme la rapporteure, que je remercie chaleureusement pour son travail et son écoute, et à l'issue de nombreuses réunions et réécritures, j'ai bon espoir que nous arrivions ensemble à une solution qui devrait satisfaire à la fois l'État et les territoires.
À ces deux éléments près, nous avons devant nous un bon texte, équilibré, facilitateur pour les dynamiques territoriales. Un texte qui démontre dans son écriture et qui montrera dans son application que le sens du bien commun est la chose la mieux partagée par l'ensemble des collectivités et surtout par les élus de ces collectivités. Car quoi de plus commun à nos concitoyens que le besoin de protection contre les éléments ? C'est une mission exigeante, qui oblige à mettre en commun toutes nos forces pour protéger les nôtres. Et c'est un texte que La République en marche votera, tout naturellement.
Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
Les dispositions de l'article 1er et, plus largement, de la proposition de loi tout entière de nos collègues du MODEM vont dans le bon sens. Je suis donc ici pour soutenir ce texte. Il répond en effet à une demande exprimée par de nombreux élus de nos territoires, et cela vaut d'être souligné, car de telles demandes ne sont pas toujours entendues.
La compétence GEMAPI est ô combien importante pour nos collectivités, tant les conséquences d'une mauvaise gestion de celle-ci peuvent être funestes pour nos populations. Compte tenu du besoin d'ingénierie technique très soutenu qu'elle implique, cette compétence ne peut relever du seul bloc local, communal et intercommunal, et le partage que l'on permettra ici est de nature à rassurer de nombreux élus locaux. C'est déjà le cas en Corse, où la collectivité de Corse, ses offices, le comité de bassin et le comité de massif sont largement impliqués pour accompagner les intercommunalités.
Deux éléments restent néanmoins en suspens, et il faudra à mon sens en débattre tôt ou tard. Le premier, bien sûr, c'est la question du financement : l'instauration d'une nouvelle taxe ne règle en rien la problématique financière. Il est difficile de créer une nouvelle charge sur le dos de nos administrés. Nous devons donc mener une réflexion sur des logiques de financement plus globales au niveau des bassins en amont et en aval.
Je profiterai de cette discussion pour mettre sur la table un sujet essentiel : le dispositif de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. Ne faut-il pas remettre totalement à plat les critères et abandonner la reconnaissance par arrêté ministériel pour aller vers une reconnaissance automatique, comme le font d'autres pays ? Ce serait une reconnaissance plus scientifique, fondée sur une liste de phénomènes éligibles et sur une méthode d'appréciation de l'intensité anormale des phénomènes. On éviterait ainsi certaines reconnaissances complaisantes, et on instaurerait beaucoup plus d'équité.
Je terminerai néanmoins sur un bémol : en tant qu'élu de montagne, j'aurais été satisfait, à l'instar d'autres interlocuteurs, si le consensus qui semble se profiler sur ce texte avait été le même sur la question des compétences eau et assainissement du mois dernier. Je demande donc à Mme la ministre de nous indiquer à quel moment elle compte reprendre les discussions. J'aurai bien sûr l'occasion d'y revenir.
Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, je vais vous parler des wateringues, que peu de gens connaissent. Les wateringues sont un espace situé entre Calais, Saint-Omer et Dunkerque sous le niveau de la mer. Depuis des siècles, ils sont gérés par 1 500 kilomètres de fossés, de canaux, et une centaine de stations de relevage. Ce sont 100 mètres cubes par seconde qui sont rejetés à la mer. L'espace compte 450 000 habitants et correspond au territoire de six intercommunalités. Vous comprendrez donc qu'il faille beaucoup de coordination pour gérer tout cet espace.
Ce sont aussi des digues, qu'il faut sans cesse relever pour suivre l'élévation du niveau de la mer. J'ai été témoin personnellement des grandes marées d'août 2014 à Wimereux, où la digue a cédé. Cet incident a coûté 2,4 millions d'euros en réparations.
Je voulais m'appuyer sur cet exemple pour démontrer que la gestion des risques d'inondations concerne non seulement les fleuves et les rivières, mais aussi les bords de mer. Il y a donc des polders en France, on n'en trouve pas seulement aux Pays-Bas. Pouvoir gérer un tel espace à un niveau supérieur à celui des intercommunalités est très important ; donner la possibilité au département d'y contribuer est essentiel. C'est la raison pour laquelle je voterai l'article 1er de la présente proposition de loi.
La loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles – MAPTAM – a confié à titre exclusif et obligatoire aux EPCI à fiscalité propre la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations.
La rigidité de cette disposition ne peut qu'être contestée, comme cela a été rappelé par quasiment tous les groupes lors de la discussion générale. Il est regrettable que la majorité n'ait pas soutenu la même démarche pour l'eau et l'assainissement. En effet, les situations sont très hétérogènes et il eût mieux valu laisser chaque territoire trouver la solution la plus adaptée. Tel est l'objet de ce texte, que nous ne pouvons que soutenir.
Cela étant dit, madame la ministre, je tiens à souligner un autre point sur lequel la loi MAPTAM est inadaptée. La taxe pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations doit être instituée avant le 1er octobre d'une année pour être applicable à compter de l'année suivante. Or les communautés de communes ne seront compétentes qu'au 1er janvier 2018. Il faudrait donc que pour cette première année de fonctionnement la taxe GEMAPI puisse exceptionnellement être instituée jusqu'au 30 mars 2018, et non le 1er janvier 2018 comme prévu, afin de laisser aux communautés le temps de décider de cette taxe. Elles pourront mieux le faire en connaissance de cause, car l'impact financier n'est pas aisé à chiffrer, l'inventaire par l'État des digues et autres ouvrages de prévention des inondations étant plus que parcellaire. Je me fais ici l'écho de la demande d'élus locaux qui réclament à juste titre de la souplesse et du pragmatisme. Madame la ministre, pourriez-vous s'il vous plaît déposer un amendement allant dans ce sens ?
Mon collègue Acquaviva l'a dit : la question du financement de la compétence reste en suspens. La possibilité d'instituer une taxe additionnelle assise sur les impôts directs locaux n'a jamais constitué une réponse à la hauteur des enjeux. Le financement devrait pour l'essentiel être adossé à des logiques de bassins et reposer sur un principe de solidarité entre territoires amont et aval. Cette proposition de loi n'avait pas pour objet de traiter de cette question. Pour autant, une remise à plat complète du financement du cycle de l'eau devrait être engagée au plus vite.
Cette proposition de loi ne remet pas fondamentalement en cause le travail que nous avions effectué au travers de la mise en place de la compétence GEMAPI. C'est pourquoi je n'y suis pas opposé sur le principe, mais j'attends de voir comment se dérouleront nos travaux cet après-midi.
Ce texte permet d'opérer des ajustements en tenant compte de ce qui fonctionne, de ce qui est adapté et de ce qui l'est moins, sur un territoire national qui, par définition, n'est pas uniforme.
La compétence GEMAPI a été mise en place il y a quelques mois seulement. Si je suis député de la nation, madame la ministre, je suis aussi député de la Haute-Savoie et de la vallée de l'Arve, où le syndicat mixte compétent est le premier à avoir mis en place la taxe GEMAPI dans notre pays. C'est à ce titre que je souhaite saluer la possibilité donnée au département de poursuivre l'exercice de cette compétence. J'ai d'ailleurs déposé plusieurs amendements en ce sens.
Je rappelle en outre que la même loi a fait de la région le chef de fil du développement durable au travers du SRDEII – schéma régional de développement économique, d'innovation et d'internationalisation – et du SRADDET – schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires. Je souhaite donc comme beaucoup que les régions puissent également continuer à intervenir.
Je souhaite insister enfin sur le fait que si une rivière, un bassin versant se jette dans la mer à l'estuaire, les têtes de bassin sont extrêmement importantes, notamment les zones de montagne. Les erreurs qui seraient faites ou les insuffisances qui seraient produites sur les têtes de bassin auraient en effet une incidence sur l'ensemble des cours d'eau. C'est un oubli de ce texte, et ce fut également le cas du projet de loi qui a introduit la GEMAPI. Au travers de la défense de plusieurs amendements j'aurai donc l'occasion de rappeler l'importance de la prise en compte des têtes de bassin, en particulier des zones de montagne, qui sont le grand réservoir d'eau potable en qualité et en quantité encore présent dans notre pays.
Madame la ministre, il était indispensable de réviser la loi MAPTAM dans laquelle il avait été décidé, sans aucune concertation, d'inscrire le transfert de la compétence GEMAPI vers les seuls EPCI. Je me réjouis de l'initiative de nos collègues et de l'accueil que vous lui réservez.
L'article 1er va dans ce sens en permettant aux départements qui exerçaient cette compétence au 1er janvier 2018 de poursuivre cet exercice après 2020 sous réserve de conclure des conventions.
Comme l'ont dit nos collègues Acquaviva, Bazin et Saddier à l'instant, restera posée la question du financement. La création d'une taxe est une chose, mais la question des moyens attachés à l'exercice d'une compétence est récurrente. Le texte identifie des collectivités susceptibles de s'impliquer, les départements ou les régions, mais il faut se poser la question plus générale de la capacité contributive des collectivités que l'on identifie.
Nous en venons à présent aux amendements à l'article 1er.
La parole est à M. Loïc Prud'homme, pour soutenir l'amendement no 51 .
Au travers des lois MAPTAM en 2014 et NOTRe en 2015 a été autoritairement décidé un transfert non concerté et définitif des compétences en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations, les fameuses compétences GEMAPI.
Désormais, les collectivités territoriales, les communes et les départements ont jusqu'au 1er janvier 2018 pour transférer ces compétences aux intercommunalités. Sous l'apparence anodine d'un détail technique se cache en fait une véritable vision idéologique des territoires, celle qui consiste à consacrer comme seul niveau celui de l'intercommunalité, véritable superstructure qui n'a aucun sens géographique et qui signe l'arrêt de mort de la démocratie locale.
Non seulement nous nous opposons à cette logique de mise en concurrence des territoires, mais nous déplorons aussi cette volonté de nier la libre organisation des collectivités territoriales qui signe la mort du triptyque territorial républicain issu de la Révolution française : commune, département, État.
En application de ces principes fondamentaux auxquels nous sommes très attachés, cet amendement vise à abroger l'obligation de transfert de la compétence GEMAPI.
La parole est à Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement no 51 .
Votre amendement vise à revenir sur le transfert de la compétence GEMAPI aux EPCI. Nous avons débattu en commission de l'opportunité de cette réforme, qui a été adoptée dans le cadre de la loi MAPTAM. À défaut de vous convaincre, je vous rappelle que l'objet de la présente proposition de loi est d'apporter la souplesse nécessaire pour que le transfert de compétence se passe le mieux possible.
Vous avez pu le constater lors de nos travaux, ou du moins vos collègues : nous avons écouté tous les groupes et apporté des solutions de compromis qui ont permis d'aboutir à un large consensus. Nous n'opposons pas les territoires entre eux, bien au contraire. Nous favorisons la mise en oeuvre d'une coopération territoriale sur l'ensemble du territoire national, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent, puisque chacun pouvait exercer la compétence sans prendre en considération les actions qui étaient menées par ses voisins. L'avis est donc défavorable.
La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur, pour donner l'avis du Gouvernement.
Le Gouvernement est naturellement défavorable à votre amendement, monsieur le député.
Premièrement, comme certains l'ont rappelé, il est important de laisser l'exercice de la compétence GEMAPI aux intercommunalités. Il serait incompréhensible que la lutte contre les inondations ou la gestion des rivières, notamment, soient de la compétence des communes. L'idéologie est donc bien plutôt de votre côté.
Deuxièmement, pour réagir à des propos qui ont été tenus sur plusieurs bancs, et sans vouloir particulièrement défendre le gouvernement précédent, je souhaiterais rappeler l'historique de notre sujet de discussion. La compétence GEMAPI a été introduite dans la loi MATPAM par un amendement parlementaire au Sénat à la suite des inondations de Vaison-la-Romaine. Le sénateur qui en fut à l'initiative se nomme Pierre-Yves Collombat, aujourd'hui rattaché au groupe communiste républicain citoyen et écologiste. Certes, la disposition est une réaction à une situation difficile, et ce mode d'action est toujours délicat, mais bien d'autres l'ont fait dans de multiples circonstances.
On ne peut pas sans arrêt affirmer que le Gouvernement a voulu imposer sa volonté par idéologie sans mener d'étude d'impact. En l'occurrence, concernant les inondations de Vaison-la-Romaine, des élus qui se sont trouvés démunis pour agir ont proposé d'introduire une disposition dans un texte de loi. Il est en effet nécessaire aujourd'hui de revenir sur cette disposition pour l'assouplir, mais il est inutile d'accuser ainsi les anciens gouvernements.
Il me semble que le fait de défendre les communes par rapport à l'intercommunalité relève de la même logique, et je voudrais m'y arrêter ici quelques instants pour ne pas avoir à y revenir ensuite. Je rappelle que c'est dans la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, sous le gouvernement de M. Fillon et sous la présidence de M. Sarkozy, qu'a été rendue obligatoire l'appartenance des communes à une intercommunalité. Rappelez-vous : cette loi faisait suite à la suppression de la taxe professionnelle. Le vent de réforme qui soufflait alors était nécessaire. Depuis cette loi, d'autres textes votés sous la précédente législature ont contribué à développer l'échelon intercommunal.
Au fond, depuis une dizaine d'années, l'évolution imprimée par loi est celle d'un transfert de compétences des communes vers l'intercommunalité pour les domaines d'action pertinents.
Nous reviendrons sur le sujet de l'eau et de l'assainissement – j'y reviens même dès maintenant, car je pressens qu'il sera le leitmotiv de nombreux amendements !
La proposition de loi pour le maintien des compétences « eau » et « assainissement » dans les compétences optionnelles des communautés de communes et des communautés d'agglomération a été renvoyée en commission. Par ailleurs, nous avons institué un groupe de travail composé de huit sénateurs et de huit députés issus de tous les bancs. À l'issue de débats intéressants, nous sommes en mesure d'annoncer le dépôt, en début d'année prochaine, d'un projet de loi visant à assouplir la règle du transfert aux EPCI des compétences « eau » et « assainissement ».
J'ai participé ce matin même à une réunion tenue à Matignon rassemblant les représentants des associations locales afin de préparer la prochaine Conférence nationale des territoires. Les interventions que j'y ai entendues ont confirmé que nous avons bien fait de procéder ainsi : certains sont opposés au transfert des compétences, d'autres y tiennent absolument, d'autres encore penchent pour des arrangements et des amodiations.
Le point d'équilibre auquel nous sommes parvenus avec les représentants du Parlement et ceux des associations locales, qui ont été entendues, permettra de sortir par le haut du problème et de satisfaire tout le monde. J'ai entendu de jeunes parlementaires…
… et d'autres plus aguerris. Parfois, le temps aide à régler certains problèmes. Il faut savoir être patient, …
… d'autant plus qu'il s'agit ici de faire preuve d'une patience limitée. Le Gouvernement a été formé il y a six mois. Nous sommes sur le point de régler les problèmes soulevés par l'entrée en vigueur de la compétence GEMAPI et nous aurons réglé ceux découlant du transfert aux EPCI de la compétence « eau » et « assainissement » dans deux ou trois mois.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Ce n'est pas parce qu'on vous fournit des explications qu'il faut vous mettre à crier, messieurs les députés du groupe Les Républicains !
Vifs applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.
Madame la ministre, si vous souhaitez – comme nous tous – que le débat se déroule bien, il faut éviter de caricaturer les amendements que nous examinons. Celui-ci, proposé par nos collègues du groupe La France insoumise, ne procède pas d'une volonté de s'arc-bouter sur un repli des compétences vers la commune.
Il est tout simplement question de ne pas rendre obligatoire le transfert aux EPCI des compétences « eau » et « assainissement », autrement dit de considérer qu'une commune peut faire preuve de souveraineté et que ses élus sont capables de prendre conscience de la nécessité de se regrouper à l'échelle d'un territoire plus important. Les élus, même dans les petites communes, sont responsables. Il ne s'agit donc pas ici d'un repli sur soi.
Cet amendement me semble contraire à la volonté de respecter le travail des élus qui nous anime tous ici. Nous tâchons de résoudre des problèmes. Le transfert des compétences aura lieu à partir du 1er janvier prochain : ne croyez-vous pas que les élus ont assez attendu, chers collègues du groupe La France insoumise ? Modifier aujourd'hui les dispositions prévues ajouterait du trouble à une situation déjà complexe. Si on respecte les élus, alors on respecte le travail qu'ils ont mené avec les services de l'État et avec les leurs au sein des collectivités locales !
Les collectivités territoriales tâchent à toute force de s'organiser – vous et nous connaissons les mêmes territoires – à l'approche d'un transfert de compétences dont la mise en oeuvre est complexe. Leur annoncer qu'il sera peut-être optionnel à un mois et demi de l'échéance, après que toutes les délibérations ont été menées et que les syndicats de communes y travaillent, ne me semble ni raisonnable ni respectueux du travail mené par les élus dans les territoires.
Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM et sur plusieurs bancs du groupe REM.
L'amendement no 51 n'est pas adopté.
Cet amendement vise à clarifier la rédaction du troisième alinéa de l'article 1er en supprimant la mention, devenue inutile, des « autres personnes morales de droit public ». Certes, cette référence figure dans l'article 59 de la loi MAPTAM, ce qui permet d'y inclure les structures distinctes des régions et des départements assurant l'exercice de missions découlant de la compétence GEMAPI.
Toutefois, la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages lui ôte tout objet, car elle assure la pérennité de tous les syndicats de communes existants grâce à l'application d'un mécanisme de représentation-substitution – que vous connaissez bien, mesdames, messieurs les députés – lors de la prise de compétence GEMAPI par une communauté de communes, une communauté d'agglomération, une communauté urbaine ou une métropole.
Comme vient de l'indiquer Mme la ministre, cet amendement a pour but de clarifier la rédaction des dispositions du texte modifiant l'article 59 de la loi MAPTAM prévoyant une période transitoire. Il n'appelle aucun commentaire particulier. Avis favorable.
Cet amendement donne une suite au précédent. Dans le département de l'Allier où je suis élu, l'organisation de la distribution de l'eau est particulièrement exemplaire. Elle repose sur l'adhésion de quinze syndicats de communes à un syndicat mixte départemental et fonctionne très bien. C'est pourquoi nous insistons à nouveau sur la nécessité de donner un caractère optionnel au transfert des compétences « eau » et « assainissement ».
Pourquoi défaire ce qui fonctionne bien ? Il existe une solution plus simple que celle évoquée tout à l'heure consistant à substituer l'intercommunalité aux communes au sein des syndicats mixtes. Il suffit de donner un caractère optionnel au transfert des compétences afin d'éviter de défaire ce qui fonctionne bien.
Il s'agit véritablement de mettre de l'intelligence à la disposition des territoires. Je conçois tout à fait que certaines situations obligent l'intercommunalité à prendre les choses en main. Mais là où ce n'est pas nécessaire, maintenons ce qui existe !
L'amendement no 78 est adopté.
La parole est à Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure, pour soutenir l'amendement no 84 .
L'amendement no 84 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Cet amendement vise à permettre aux départements et aux régions qui le souhaitent de poursuivre leurs interventions relevant du domaine de la compétence GEMAPI après le 1er janvier 2020. Les départements et les régions devront alors conclure une convention avec les EPCI concernés afin de préciser leurs rôles respectifs et les éventuelles conditions d'exercice de la compétence.
Il tend en outre à faire en sorte que les communes ne soient plus parties à ces conventions. Dès lors que les EPCI seront seuls compétents dans le domaine de la compétence GEMAPI au sein du bloc communal à compter du 1er janvier 2018, il n'y a pas lieu de prévoir que les communes soient signataires de ces conventions.
La parole est à Mme Catherine Kamowski, pour soutenir l'amendement no 23 .
Cet amendement vise à autoriser les régions assurant au moins une des missions découlant de la compétence GEMAPI à poursuivre leurs engagements en la matière après le 1er janvier 2020 si elles le souhaitent. L'amendement du Gouvernement va dans le même sens et semble mieux rédigé que le nôtre, car il prend aussi en compte la conclusion d'une convention entre la région et l'EPCI concerné, sur le modèle de celles conclues entre EPCI et départements. Nous retirons donc notre amendement.
L'amendement no 23 est retiré.
L'amendement prévoit de permettre aux régions actuellement compétentes en matière de GEMAPI de le rester à l'issue de la période transitoire s'achevant au 1er janvier 2020. Nous avons abordé ce sujet en commission. Il est vrai que certaines régions gèrent actuellement d'importants ouvrages en matière de prévention des inondations.
À défaut de continuer à gérer directement ces ouvrages, elles pourront continuer à participer à la gestion de la compétence GEMAPI, notamment grâce au financement qu'elles apportent au titre des contrats État-région et des fonds européens. Les régions jouent donc bien leur rôle de chef de filât de l'aménagement du territoire et de financeur des grands investissements territoriaux.
Le Gouvernement propose d'aller plus loin et de conserver la compétence des régions concernées à l'issue de la période transitoire. La commission est favorable à cette proposition qui témoigne de l'écoute attentive de la majorité des demandes pressantes des territoires.
En effet, le plus souvent, ceux-ci se sont organisés pour assurer la protection de leurs populations. En fonction des besoins constatés localement, ils souhaitent – et c'est légitime – conserver cette organisation dès lors qu'elle a fait la preuve de son efficacité. La commission est donc favorable à cet amendement.
« Écoute attentive de la majorité des demandes pressantes des territoires » : je ne m'aventurerais pas à tenir des propos aussi extrêmes, madame la rapporteure ! Il importe de rappeler la logique dont procède cet amendement, qui d'ailleurs n'est pas pour nous déplaire et que nous soutiendrons, d'autant plus que certains membres de notre groupe en ont déposé un similaire. Celle-ci revient clairement sur la logique dont procèdent les lois MAPTAM et NOTRe consistant à attribuer des blocs exclusifs de compétences à certains niveaux de collectivités.
La compétence GEMAPI est une compétence partagée entre tous les niveaux de collectivités, ce à quoi nous sommes particulièrement favorables. Nous sortons clairement de la logique dont procède la loi NOTRe pour entrer dans une véritable logique de subsidiarité. Espérons que nous voterons à l'avenir d'autres textes portant sur d'autres compétences qu'il est également nécessaire de partager entre plusieurs niveaux de collectivités !
Au risque de vous décevoir, monsieur le député, il faut distinguer l'exercice d'une compétence du fait de contribuer à son exercice. Je me suis bien mis d'accord avec le président de l'Assemblée des départements de France, venu un jour me demander d'inclure les départements dans le système du transfert de compétences. Il m'a dit : « Je ne demande pas la compétence mais la possibilité de poursuivre le travail entamé » ; « Je ne demande même pas d'argent ! », m'a-t-il précisé.
Sourires.
Les compétences ne sont donc pas partagées ; elles sont bien transférées aux intercommunalités, les départements et dorénavant les régions bénéficiant de la possibilité de contribuer à l'exercice de la compétence sur la base du volontariat.
L'amendement no 79 est adopté.
Cette proposition de loi vise à rendre aux départements la possibilité d'intervenir sur le financement du grand cycle de l'eau et sur la gestion du trait de côte. Je me félicite, comme tous nos collègues, du consensus dont cette idée issue de l'expérience du terrain fait l'objet, car il permettra une meilleure prise en compte des réalités. Le dispositif conventionnel introduit en commission est équilibré. Il permet d'organiser de façon concertée l'action des différentes parties prenantes.
Pour autant, il me semble utile d'inclure dans les délibérations une définition claire du niveau d'intervention, c'est-à-dire de l'échelle à laquelle doit s'exercer l'action publique. En effet, les phénomènes hydrographiques tels que le trait de côte ou les fleuves ignorent les divisions administratives. Ils doivent être appréhendés de façon cohérente, à l'échelle de l'unité hydro-sédimentaire pour l'un et du bassin versant pour l'autre.
C'est la raison pour laquelle le présent amendement vise à faire en sorte que la convention conclue entre le département et les EPCI pour cinq ans détermine, en sus de leurs missions, de leurs modalités de financement et de la coordination de leurs actions, l'échelle d'action adaptée au phénomène hydrographique à prendre en compte.
L'amendement prévoit que la convention détermine l'échelle d'action adaptée au phénomène hydrographique. Sur la forme, il serait préférable de faire référence au bassin hydrographique. Sur le fond, il ne semble pas pertinent de définir de façon trop précise le contenu de la convention, celle-ci étant conçue comme un outil souple, à disposition des élus et des collectivités, pour définir leur collaboration et la mise en oeuvre de la compétence. Mais ces derniers ont la liberté de reprendre cette définition.
Nous partageons votre souhait que cette réforme se fasse de façon collaborative et permette de mettre en place les solidarités territoriales nécessaires, mais souhaitons le retrait de cet amendement.
Même avis.
Nous touchons au coeur du sujet : il est nécessaire de maintenir les solidarités à l'échelle des territoires et de conserver la cohérence de l'action publique.
Je suis pour ma part très investi dans la gestion du trait de côte, et signataire d'un programme d'actions de prévention des inondations – PAPI. Sans cohérence, les ouvrages que nous créerons manqueront de pertinence. Le littoral picard est impacté par ce qui s'est passé sur la côte normande. Il faut que la future convention, qui dépassera l'échelle du département, permette une certaine cohérence.
Je ne suis pas contre le fait de retirer mon amendement, mais nous devons trouver des réponses dans ces conventions. Et comment les trouver si les fonds des départements ne sont pas fléchés sur la cohérence territoriale et la solidarité ?
L'amendement no 32 est retiré.
La parole est à M. Raphaël Schellenberger, pour soutenir l'amendement no 3 .
Je veux d'abord saluer le travail réalisé en commission, qui a abouti à l'introduction de la notion de « convention », essentielle dans le partage de l'exercice de cette compétence. Mais une fois les différents acteurs réunis autour de la table, c'est la question du financement de la compétence qui se pose.
En matière d'aménagement des bassins-versants, des territoires hydrographiques, la solidarité territoriale est importante : les recettes fiscales ne sont pas forcément là où les besoins d'investissement sont les plus grands. Cet amendement vise à permettre au département de prévoir des clauses de financement dans la convention. Celle-ci deviendrait alors un outil de solidarité territoriale, puisque le département pourrait y organiser les flux financiers.
Cet amendement permettrait au département de se substituer aux EPCI pour mettre en oeuvre la taxe GEMAPI. Votre souci, si je comprends bien, est d'assurer aux départements les moyens financiers d'exercer leur compétence en matière de GEMAPI, compte tenu des efforts financiers qui leur seront demandés dans les années à venir.
Je ne pense pas que le recours à cette taxe soit la meilleure solution. Les modalités de son calcul et son recouvrement la rattachent fortement au bloc communal ; sa mise en oeuvre par le département pourrait poser des difficultés importantes. Par ailleurs, les départements disposent de moyens de financement bien plus efficaces, parfois sous-utilisés : le fonds Barnier, les subventions régionales, et surtout les fonds européens.
De façon plus générale, les collectivités compétentes en matière de GEMAPI devront prévoir des investissements importants pour voir l'ouvrage autorisé par le préfet. La question des financements disponibles étant décisive, nous devrons être vigilants à ce que les moyens soient à la hauteur des obligations qui pèseront sur les intercommunalités. La question du financement est très importante : c'est le sens de l'article 2 et de la demande d'un rapport au Gouvernement. Avis défavorable.
Défavorable, pour deux raisons : il n'y a pas de transfert de compétence aux départements ; la taxe GEMAPI est facultative. On ne peut pas réinscrire une taxe dans la loi.
Cet amendement permet la substitution du département aux EPCI, ce qui est intéressant du point de vue de la solidarité territoriale. Imaginons un département où les territoires qui nécessitent les plus gros investissements sont gérés par des EPCI de montagne de moins de 15 000 habitants, et où la taxe d'habitation, sur laquelle est calculé le montant de la taxe GEMAPI, est principalement collectée dans les villes, en vallée. La substitution du département aux EPCI permettra d'organiser une solidarité territoriale pour le financement d'aménagements en amont, essentiels pour la protection des populations en aval.
L'amendement no 3 n'est pas adopté.
La parole est à M. Raphaël Schellenberger, pour soutenir l'amendement no 5 .
Avec cet amendement, la convention peut prévoir le reversement d'une partie de la taxe GEMAPI au profit du département, toujours dans la logique d'aménagement du territoire.
Cet amendement prévoit que l'EPCI peut reverser une partie de la taxe GEMAPI au département. La commission a prévu que la convention entre le département et les EPCI porterait notamment sur le financement de l'exercice de la compétence. Il me semble préférable de laisser les collectivités s'organiser avec toute la souplesse dont elles ont besoin. C'est ainsi que nous répondrons le mieux à leurs attentes. Par ailleurs, prévoir de telles obligations dans la loi dénaturerait l'outil même de la convention, qui repose sur une démarche collaborative. Avis défavorable.
L'amendement no 5 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Raphaël Schellenberger, pour soutenir l'amendement no 4 .
Pourquoi insister autant pour que les départements puissent dégager des recettes au moyen de la convention ? La situation financière des départements – pression sur l'augmentation de la dépense sociale, contraction de la dotation globale de fonctionnement – est telle qu'il leur est difficile d'assumer cette compétence qui nécessite parfois de gros investissements.
Il s'agit donc de se baser sur des mécanismes dédiés et de permettre que la convention définisse non pas seulement la mise en place du financement des opérations, mais aussi les recettes qui peuvent être dégagées. Autrement, l'on suppose que le département peut financer sur ses fonds propres sa participation à des ouvrages réalisés par des EPCI ou par des syndicats de bassin ; or cela n'est pas forcément le cas !
C'est la raison pour laquelle cet amendement prévoit une répartition de la taxe entre le département et l'EPCI qui l'a instituée.
Je le répète, ce sont les départements qui ont demandé à pouvoir poursuivre au-delà du 1er janvier 2020 les travaux qu'ils avaient commencés. Par ailleurs, cette possibilité est facultative. Pourquoi irait-on encore inventer des taxes ? On ne peut d'un côté dénoncer le fait que les citoyens soient trop taxés et de l'autre inventer sans cesse de nouvelles taxes !
Je connais la situation financière des départements, et je suis d'accord avec vous, monsieur le député. Mais il est parfaitement clair que les représentants des départements n'ont pas demandé la création d'une taxe. Avis défavorable.
Pour rassurer notre collègue Raphaël Schellenberger, je rappelle que les départements disposent de la taxe d'aménagement, qui s'est substituée à la taxe départementale des espaces naturels sensibles – TDENS. Ils peuvent ainsi coopérer à la protection des zones humides ou des milieux aquatiques.
Je crois que nous nous égarons ! J'ai déposé un amendement – retoqué au titre de l'article 40 de la Constitution, au motif qu'il créait une charge nouvelle pour les collectivités – qui aurait permis au département de financer sur la taxe d'aménagement les dépenses liées par nature à la GEMAPI.
Ces dépenses ne peuvent être financées par la taxe d'aménagement, notamment les plus importantes, celles liées à la prévention des inondations – PI. Or c'est précisément dans ce domaine que les départements peuvent intervenir et mettre en oeuvre la solidarité territoriale.
Sans solidarité territoriale, on collecte dans de petits territoires de l'argent pour financer de gros équipements, tandis que les territoires très peuplés ne participent quasiment pas au financement des équipements de protection contre les inondations. C'est le problème de la GEMAPI et du mode de calcul de la taxe. C'est la raison pour laquelle mes amendements proposent des mécanismes qui, loin de créer une taxe, madame la ministre, sont fondés sur l'existant. Il s'agit d'organiser un système de solidarité territoriale pour financer cette compétence.
L'amendement no 4 n'est pas adopté.
La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l'amendement no 80 rectifié .
Cet amendement vise à préciser les conditions de responsabilité de la collectivité compétente dans le domaine de la GEMAPI à la date de prise de compétence.
L'article L. 562-8-1 du code de l'environnement vise d'ores et déjà à encadrer la responsabilité des gestionnaires ayant correctement entretenu leurs digues. Il prévoit que la responsabilité du gestionnaire de l'ouvrage ne peut être engagée à raison des dommages que l'ouvrage n'a pas permis de prévenir, dès lors que les obligations légales et réglementaires applicables à sa conception, son exploitation et son entretien ont été respectées. Les collectivités et EPCI gestionnaires de digues sont donc responsables des performances des systèmes d'endiguement.
De plus, la réglementation subordonne cette exonération de responsabilité à l'inclusion de la digue concernée dans un système d'endiguement. L'autorisation du système d'endiguement doit être faite au plus tard le 1er janvier 2021, lorsque ces digues relèvent de la classe A ou de la classe B, et au plus tard le 1er janvier 2023, lorsqu'elles relèvent de la classe C. Au-delà de ces dates, les digues non encore intégrées dans un système d'endiguement perdent automatiquement leur statut de digue, et l'EPCI son statut de gestionnaire de digue.
Or la loi ne prévoit pas expressément les principes applicables à l'engagement de la responsabilité des EPCI qui deviendront les principaux gestionnaires de digues, notamment via des mises à disposition d'ouvrages, pendant la période transitoire courant entre le moment où les digues existantes sont officiellement de leur responsabilité et le moment où ces digues ont pu être effectivement régularisées en système d'endiguement, opération qui se conclut par une autorisation délivrée par l'État.
Le présent amendement prévoit donc que, si un dommage survient postérieurement au transfert de la compétence GEMAPI aux EPCI, mais antérieurement à l'expiration du délai accordé pour la délivrance des autorisations de système d'endiguement, alors la responsabilité du gestionnaire de l'ouvrage ne peut être engagée, pendant cette période transitoire, à raison des dommages que cet ouvrage n'a pas permis de prévenir, dès lors que ce dommage n'est pas imputable à un défaut d'entretien de l'ouvrage par l'établissement sur la période considérée.
Si le système d'endiguement est déclaré apte, sous le contrôle de l'État, pour la protection de la zone inondable contre la crue décennale, les dommages qui surviendraient à raison d'une brèche dans les digues suite à une crue centennale ne sont pas de la responsabilité du gestionnaire. Excusez-moi pour cette explication très technique, mais c'est une protection pour ceux qui ont la compétence entre le moment du transfert et celui où il est possible de faire les travaux.
Merci, madame la ministre, d'avoir pris le temps d'exposer ce dispositif qui peut sembler complexe à première vue. Fort attendu, il était au coeur de la proposition de loi déposée par Marc Fesneau, et répondait à la problématique de cette responsabilité.
Ce sujet est essentiel. Je suis d'autant plus favorable à votre amendement, madame la ministre, qu'il tend à renforcer la solution, trouvée en commission, d'une responsabilité limitée. Je vous remercie par ailleurs pour vos précisions, qui sont les bienvenues. Avis favorable.
Madame la ministre, merci beaucoup pour cet amendement. Nous sortons du congrès des maires, et je peux vous affirmer que ces derniers attendaient avec impatience la clarification de cette problématique. Ils se voyaient en effet confier dans quelques semaines une lourde responsabilité, sans avoir reçu les moyens de l'assumer, sur le plan tant financier que technique. Ils se retrouvaient responsables, mais sans pouvoir agir !
Beaucoup n'en sont encore qu'à la phase des études, à l'agglomération des intercommunalités, à la dimension des bassins-versants. Il était grand temps de répondre à leurs inquiétudes. Je vous en remercie très sincèrement, ainsi que les personnes à l'initiative de cette proposition de loi, qui enlèvera quelques épines du pied aux élus.
Je remercie à mon tour Mme la ministre pour ses explications car, à mon sens, les principales difficultés liées à la prise en charge de la compétence GEMAPI ont deux origines. La première tient à l'organisation, que l'on essaie de régler dans ce texte. Plusieurs amendements ont d'ailleurs été déposés, notamment pour répondre à l'enchevêtrement des compétences entre les différents syndicats qui géraient les EPCI.
La seconde origine de ces difficultés est liée au transfert de responsabilité, prévu au 1erjanvier 2018. Rien n'empêche que des phénomènes climatiques provoquent des inondations dès le 2 janvier. C'est une source d'inquiétude pour les collectivités et les élus qui se demandent comment traiter cette question.
Il me semble que cet amendement y répond avec clarté en ce qu'il tend à préciser la responsabilité de démarrage, la responsabilité transitoire et le moment auquel les EPCI seront pleinement responsables.
La rapporteure l'a très bien expliqué dans son rapport, de nombreux ouvrages accusent un sérieux retard. Il s'écoulera donc un temps assez long entre le moment où nous exercerons juridiquement notre compétence et celui où nous pourrons réellement répondre aux risques d'inondation.
Madame la ministre, si nous en sommes là, c'est que les gouvernements successifs, toutes majorités confondues, n'ont pas fait le nécessaire pour entretenir les rivières, lorsque l'État était compétent.
J'assume ma part de responsabilité, puisque j'étais député dans la majorité, dans l'opposition, et que je le suis encore aujourd'hui, face à une nouvelle majorité.
Je ferai comme tout le monde, madame la ministre : vous remercier, mais aussi vous appeler à revoir les dates à l'occasion de la fin de la procédure d'élaboration de ce texte.
Rendez-vous compte, nous sommes demain le 1er décembre 2017, et vous voudriez que des territoires, qui ne sont pas encore complètement organisés à cette fin, réalisent avant décembre 2019, ce que l'État n'a pas fait en trente ou quarante ans. Il est prévu à l'article 2 de cette proposition de loi que le Gouvernement remette un rapport d'évaluation au Parlement, dans un délai de six mois à compter de l'entrée en vigueur de la loi, sur les conséquences pour la gestion des fleuves du transfert de cette compétence aux EPCI au 1er janvier 2018. Ce rapport devra, en particulier, étudier les innovations institutionnelles et financières souhaitables.
Ce rapport devrait donc nous être remis en juillet ou en septembre de l'année prochaine. Il ne restera alors, avant décembre 2019, que dix-huit mois aux élus qui ont sur leur territoire des digues en catégorie B et un peu plus à ceux qui en ont en catégorie C, pour se couvrir en cas de risque, là où l'État n'a pas été capable de faire son travail en trente ou quarante ans.
Je salue cette avancée, madame la ministre, mais, chers collègues de la majorité, je vous invite à profiter du processus d'élaboration de la loi pour rallonger ce délai, qui est bien trop court.
Dans l'attente de ce texte, l'État avait pris des engagements financiers. Il avait ainsi avancé des aides en faveur des programmes d'actions de prévention des inondations – PAPI – à hauteur de 40 % pour les travaux de protection de type digue et de 50 % pour les travaux de prévention type champs d'expansion.
Par ailleurs, les agences de l'eau devaient apporter une aide à hauteur de 50 % aux projets de restauration des milieux aquatiques. Or, ces agences ont été siphonnées de 500 millions d'euros. Les aides promises seront-elles versées ? Surtout, la proportion des aides ne risque-t-elle pas de varier d'une agence de l'eau à l'autre selon sa richesse et ses priorités ? L'État maintiendra-t-il ses objectifs d'aide, à hauteur de 40 %, en faveur des travaux de protection type digue ?
Le fonds Barnier est mobilisé pour financer l'entretien des digues des grands fleuves, avant leur transfert. S'agissant du rapport, je n'ai pas évoqué la date de janvier, qui est celle de l'entrée en vigueur de la mesure. Cette date concerne la loi.
Revenons-en aux digues. Il existe aujourd'hui un plafonnement de 15 millions par an et par bassin. Il est envisagé de déplafonner ce fonds, dans le projet de loi de finances pour 2019, afin que le maximum de travaux puisse être réalisé avant le transfert, si transfert il y a, en fonction des conclusions du rapport et de l'évaluation des charges.
L'amendement no 80 rectifié est adopté et les amendements nos 7 et 6 tombent.
La parole est à Mme Élodie Jacquier-Laforge pour soutenir l'amendement no 89 .
Cet amendement est issu des travaux de la commission. Nous avons voté la possibilité de déléguer la compétence GEMAPI à un syndicat. C'est une dérogation au droit commun des syndicats qui existe déjà pour les EPAGE – établissements publics d'aménagement et de gestion des eaux – et les EPTB – établissement public territorial de bassin – depuis la loi MAPTAM. Cela répond à une forte demande, pour permettre la délégation de cette compétence, ou de certaines parties de cette compétence, à des syndicats mixtes non labellisés.
Pour convaincre chacun ici des attentes exprimées en audition, je donnerai quelques exemples. La métropole de Grenoble souhaitait privilégier la délégation mais ne pouvait pas le faire, le syndicat mixte des bassins hydrauliques de l'Isère, le Symbhi, n'ayant ni le label EPAGE ni le label EPTB.
En Camargue, le syndicat mixte interrégional d'aménagement des digues du delta du Rhône et de la mer, le SYMADREM, est un syndicat non labellisé mais pour autant très compétent pour gérer les ouvrages de protection. Sa situation ne permettra donc pas, au 1er janvier 2018, aux EPCI de lui déléguer cette compétence et de travailler en étroite collaboration avec lui. M'ont également été rapportés les exemples de la communauté d'agglomération du Valparisis, dans le Val-d'Oise, qui souhaite déléguer la compétence GEMAPI le plus tôt possible au SMSO – le syndicat mixte d'aménagement, de gestion et d'entretien des berges de la Seine et de l'Oise – , ainsi que de la communauté d'agglomération Saint-Germain Boucles de Seine, dans les Yvelines, dont le bureau des maires s'est exprimé de la même manière.
Nous pourrions citer beaucoup d'exemples encore, les syndicats non labellisés étant encore fort nombreux. Voilà pourquoi je souhaite que nous maintenions cette possibilité de délégation aux syndicats de droit commun en la limitant cependant dans le temps, pour marquer notre volonté de favoriser, à terme, les regroupements en EPTB ou en EPAGE.
À cette fin, nous avons déposé avec Mme Kamowski un amendement qui tend à inscrire la délégation à l'article 1er, au lieu de l'article 3, et à la limiter à deux ans. Nous espérons que Mme la ministre acceptera ce compromis.
Avis favorable. Mme la rapporteure a bien expliqué la nécessité de favoriser les regroupements, dans les deux années, en EPAGE ou en EPTB.
Je salue le travail du président Marc Fesneau et de Mme la rapporteure. Ce texte est bon, car il consacre le principe du bon sens et de la subsidiarité qui consiste à éviter autant que possible de multiplier les structures lorsque certaines fonctionnent déjà. Parmi ces dernières, nous comptons notamment les parcs naturels régionaux – PNR – qui ont choisi de mettre en commun des patrimoines naturels et culturels fragiles, pour mieux les valoriser.
Les limites de ces parcs dépassent parfois largement les périmètres des EPCI et des départements. Certains sont déjà tenus, par leur charte, d'oeuvrer dans les domaines de GEMAPI – je pense en particulier aux PNR de Brière, de la Haute Vallée de Chevreuse, du Haut-Jura, du Gâtinais français, du Livradois-Forez, des Marais du Cotentin et du Bessin, du Marais-Poitevin, du Morvan, du Périgord-Limousin, de la Côte d'Emeraude, du Vercors et du Verdon.
En l'état, la loi MAPTAM empêche les EPCI de déléguer aux PNR les compétences qu'ils exercent déjà en vertu de la charte signée avec les collectivités dont ils émanent. Au nom de l'efficacité et de la subsidiarité, j'appelle l'ensemble des députés à voter cet amendement qui permettra aux collectivités de déléguer aux syndicats « ouverts » dont font partie les PNR, certaines des compétences du domaine GEMAPI.
Si cet amendement n'était pas voté, j'ai déposé un amendement alternatif no 22.
Nous soutiendrons cet amendement de bon sens, mais nous devrons tout de même nous poser la question au cas par cas. J'aimerais, d'ailleurs, madame la ministre, en savoir davantage sur ce délai de deux ans. Je crains que la mise en place des EPTB ne soit pas si simple dans certains territoires. Si le découpage géographique d'un bassin-versant est théoriquement simple, il peut arriver que la discussion des schémas d'organisation régionaux soit relativement complexe et n'avance que lentement. Celle-ci sera, un jour ou l'autre, confrontée à des logiques institutionnelles locales susceptibles de freiner l'élargissement d'un syndicat qui aurait vocation à devenir un EPTB sur l'ensemble de son bassin, du fait par exemple de la répartition d'un EPCI sur différents bassins en bout de course. Ce ne sera pas simple à régler. Je suis donc très favorable à l'amendement, mais je crains que, dans certains cas, deux ans ne suffisent pas.
La question sera traitée au cas par cas, dans les deux ans. Plus on laisse de temps, plus les choses se diluent. Si l'on veut être efficace, il faudra faire preuve d'une vraie volonté politique pour favoriser la transformation des syndicats en établissements publics de bassin ou en EPAGE. Le Gouvernement demandera aux préfets de se montrer extrêmement vigilants et d'accompagner cette transformation. Nous en prenons l'engagement.
L'amendement no 89 est adopté.
La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l'amendement no 81 rectifié .
Cet amendement permet aux EPCI à fiscalité propre de décider, par délibération prise avant le 1er janvier 2018, de transférer l'ensemble des missions rattachées à la compétence GEMAPI ou certaines d'entre elles, en totalité ou partiellement, à un syndicat de communes ou à un syndicat mixte.
Cet amendement précise la rédaction de la disposition adoptée en commission permettant aux EPCI qui n'auraient pas encore la compétence GEMAPI de délibérer sur le transfert de celle-ci à un syndicat mixte, à la condition qu'à la date de cet événement, le syndicat exerce bien la compétence. Il apporte une souplesse qui nous a été demandée à plusieurs reprises au cours des auditions. Avis favorable.
L'amendement no 81 rectifié est adopté.
Cet amendement vise à s'assurer que la souplesse que nous souhaitons tous voir introduite ne remette pas en cause la cohérence globale des actions dans le domaine de la GEMAPI.
Madame la ministre, le Gouvernement est libre de répondre ou pas – je vous le dis avec le plus grand respect. J'ai posé une question, qui semble préoccuper nombre d'entre nous, sur la brièveté du délai de transfert de responsabilité s'agissant de l'entretien des digues. Vous n'y avez pas répondu. Je me permets d'appeler de nouveau votre attention sur le fait que la date de 2019 paraît très proche.
Ces amendements ont pour objet d'inciter toutes les collectivités à s'investir dans le grand cycle de l'eau. Je comprends votre préoccupation, mais elle est déjà prise en compte. En effet, les EPCI seront compétents en matière de GEMAPI et de gestion de l'eau et assainissement, mais de nombreuses souplesses permettront aux autres échelons de continuer à intervenir, sous certaines conditions et avec l'accord des EPCI. Les autres missions relevant de la politique de l'eau peuvent être exercées par les autres échelons, comme le prévoit actuellement l'article L. 211-7 du code de l'environnement. Je vous demande donc le retrait de ces amendements.
Avis défavorable.
La parole est à M. Jean-Noël Barrot, pour soutenir l'amendement no 22 .
L'amendement no 22 est retiré.
L'article 1er, amendé, est adopté.
L'article 1er bis fera, je l'espère, d'un problème complexe une belle histoire. Problème complexe, car il confronte deux droits : d'un côté, le droit et la logique des EPTB qui fédèrent l'ensemble des acteurs d'un même bassin ; de l'autre, le droit qui, pour éviter un grand bazar territorial, interdit à un syndicat mixte ouvert d'adhérer à un autre syndicat mixte ouvert.
Dans certains territoires – dans l'Aube, dans le Bas-Rhin, en Alsace en particulier – , le syndicat qui aujourd'hui exerce les compétences GEMAPI est un syndicat mixte ouvert ; il ne peut donc pas adhérer à l'EPTB et être l'un des acteurs clés de cette nouvelle politique. De nombreuses solutions ont été envisagées pour résoudre cette difficulté.
La solution, qui a été élaborée main dans la main avec les services déconcentrés de l'État et avec les préfets compétents, permet d'une part d'affirmer la confiance placée dans les acteurs de terrain, et d'autre part d'outrepasser la rigidité des principes théoriques tout en évitant le grand bazar territorial qui pourrait advenir si tout le monde faisait n'importe quoi sur le terrain. Un bon équilibre a donc été trouvé.
Je veux saluer le travail de la commission ainsi que de la ministre et de ses équipes pour aboutir à cette solution – ce sera une belle histoire si nous adoptons cet article et l'amendement n° 90 du Gouvernement. Cela permettra la mise en oeuvre de solutions innovantes sur le terrain, qui laissent de la liberté tout en respectant l'organisation territoriale.
Je poursuis les explications de M. Waserman, dans lesquelles nous nous retrouvons complètement. La logique est la suivante : la GEMAPI est une compétence spéciale car elle est liée à un risque spécial – l'organisation de cette compétence témoigne de cette spécificité. Pour gérer ce risque particulier, il faut se doter d'outils particuliers que sont les EPAGE et les EPTB – logiquement, un EPTB recouvre plusieurs EPAGE. Mais lorsque cette organisation a été décidée, on n'a pas réfléchi à la forme juridique des EPAGE et des EPTB. Pour les EPTB, elle semble évidente, surtout au regard du texte que nous examinons : il s'agit dans la plupart des cas d'un syndicat mixte ouvert. Pour les EPAGE, les choses sont plus compliquées : le plus souvent, il s'agira d'un syndicat mixte fermé entre des EPCI. Mais imaginons que sur un territoire donné, une retenue d'eau particulièrement importante, propriété du département, soit intégrée dans l'EPAGE dans un souci de cohérence de la gestion de l'eau ; le département deviendrait alors membre de l'EPAGE, ce qui signifie que celui-ci deviendrait un syndicat mixte ouvert. Il ne pourrait donc pas, de ce fait, être membre de l'EPTB.
Les circonstances particulières commandent de prévoir un texte particulier autorisant l'adhésion d'un syndicat mixte ouvert à un autre syndicat mixte ouvert. Ce n'est pas rendre moins lisible la responsabilité des élus, comme vous l'avez dit, madame la ministre, dans votre intervention liminaire.
En réponse à M. Saddier, le délai dépend de la catégorie à laquelle appartiennent les digues – A, B ou C. Le régime de responsabilité que vous venez de voter couvre la responsabilité de l'EPCI à partir du transfert jusqu'à l'approbation du schéma d'endiguement, soit, pour les digues de catégorie B, jusqu'en 2023.
S'agissant de l'amendement, qui a été abondamment discuté, il répond à l'ensemble des préoccupations qui viennent d'être exprimées.
En effet, il est destiné à faciliter l'exercice de la compétence GEMAPI de manière transitoire en permettant à des syndicats mixtes ouverts d'adhérer temporairement à un autre syndicat mixte ouvert, par dérogation aux principes du code général des collectivités territoriales régissant l'organisation des syndicats. À compter du 1er janvier 2020, cette possibilité restera ouverte, mais pour les seuls EPAGE.
Cette disposition permet donc de laisser du temps aux différents acteurs pour déterminer l'organisation la plus adaptée à leur territoire. Elle donnera également tout le temps nécessaire pour faire aboutir les procédures de labellisation en EPAGE ou en EPTB des structures qui se sont engagées dans cette voie. Travailler à la mise en oeuvre de ces procédures sera l'une des priorités des services de l'État, ainsi que je l'ai déjà indiqué. Nicolas Hulot et moi le rappellerons dans une instruction aux préfets. Le délai de deux ans nous semble amplement suffisant pour faire aboutir ces procédures.
Je vous remercie, madame la ministre, d'avoir entendu les demandes d'assouplissement et de permettre l'adhésion d'un syndicat mixte ouvert à un autre syndicat mixte ouvert pendant une période transitoire allant jusqu'au 31 décembre 2019. Cela laissera aux structures le temps de demander leur labellisation.
Après 2020, le droit commun sera de nouveau applicable. Des souplesses spécifiques sont autorisées pour l'exercice de la compétence GEMAPI pendant cette fameuse période transitoire ; au-delà, on revient au droit commun.
Je vous remercie également d'avoir confirmé l'engagement des services de l'État pour qu'une réponse, qu'elle soit positive ou négative, soit apportée aux demandes de labellisation des syndicats.
Nous avons vraiment travaillé de façon collaborative sur la question de la responsabilité, qui sera donc organisée dans le temps, sur l'adhésion des syndicats mixtes ouverts à d'autres syndicats, de façon également bornée dans le temps, ainsi que sur la délégation aux syndicats mixtes. Nous avons abouti à une position commune pertinente et intéressante, fixant une borne claire en 2020. Avis favorable.
Cet amendement s'inscrit dans le droit fil des souhaits exprimés par le groupe REM dans ses différentes interventions lors de la discussion générale.
La clarification et la simplification, bornée dans le temps ainsi que nous l'avions demandé, qu'il opère montre également le sens dans lequel nous souhaitons aller, celui d'une mutualisation, mais marquée par la souplesse afin de prendre en compte la réalité des territoires et de permettre à chacun de trouver sa place, dans l'esprit de la loi MAPTAM.
Le groupe REM votera cet amendement.
Il est, à mon sens, très symbolique que le Gouvernement soit l'auteur de cet amendement. Cette façon de concevoir l'innovation et la liberté au plus proche des territoires, tout en conservant une cohérence d'ensemble, traduit un refus de l'uniformité absolue, rigoureuse et stricte qui s'appliquerait depuis Paris à l'ensemble du territoire. Cet amendement est le signe de la reconnaissance de l'intelligence territoriale. Il est le fruit du travail main dans la main avec les services déconcentrés de l'État et les acteurs locaux.
Je vous remercie, madame la ministre, car la portée de cet amendement dépasse, par le symbole qu'il représente, son seul objet immédiat.
L'amendement no 90 est adopté.
La parole est à Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure, pour soutenir l'amendement no 87 .
L'amendement no 87 est retiré.
L'article 1erbis, amendé, est adopté.
Nous en venons aux amendements portant articles additionnels après l'article 1er bis. La parole est à M. Jean-Claude Leclabart, pour soutenir l'amendement no 77 .
S'il convient d'assouplir les modalités d'exercice de la compétence GEMAPI, il apparaît nécessaire de compléter sa définition pour y intégrer la maîtrise des eaux pluviales et de ruissellement ou encore la lutte contre l'érosion des sols.
En effet, cette compétence ne peut rester une compétence partagée pour plusieurs raisons. D'un point de vue juridique, la compétence assainissement devenant obligatoire à compter du 1er janvier 2020 en vertu de la loi NOTRe, une partie de la mission définie à l'article L. 211-7 du code de l'environnement entrera de facto dans le giron des EPCI : il s'agit de l'assainissement des eaux pluviales et de ruissellement, compte tenu de l'avis rendu par le Conseil d'État le 4 décembre 2013.
Du point de vue de la pertinence territoriale, la lutte contre l'érosion et le ruissellement ne peut s'appréhender qu'à une échelle de bassin ou de sous-bassin versant. Il est donc indispensable de mettre en place une solidarité à ce type d'échelle. Pour ce faire, il est impératif que cette mission soit aussi intégrée à une compétence obligatoire, en l'occurrence la GEMAPI.
D'un point de vue budgétaire, l'inclure dans la compétence GEMAPI permettrait de mobiliser les ressources de la taxe pour réaliser les études et surtout les travaux de lutte contre le ruissellement, que les petites et moyennes communes ne sont aujourd'hui pas en mesure de financer seules.
Enfin, en termes de cohérence, redéfinir la compétence comme je propose de le faire offrirait aux EPCI une maîtrise totale des différentes missions du grand cycle de l'eau. Légiférer dès maintenant sur cette compétence étendue leur laisserait en outre le temps de s'organiser d'ici à 2020. Le ruissellement constitue une des problématiques auxquelles sont confrontées les communes en milieu rural, qui attendent des solutions.
Je précise que l'adoption de l'amendement ne remettrait aucunement en cause la proposition de loi en discussion.
J'entends bien votre désir d'intégrer la maîtrise des eaux fluviales et du ruissellement dans la compétence GEMAPI. Le sujet a été débattu lors de l'examen en commission de la proposition de loi Retailleau.
La solution que vous proposez ne me semble cependant pas nécessaire, dès lors que les EPCI seront compétents en matière de GEMAPI et d'assainissement. Une gouvernance unifiée permettra d'aborder ces thématiques. En revanche, les financements de la compétence GEMAPI seront bien fléchés sur l'exercice de la compétence.
Vous l'avez compris, compte tenu de nos échanges : la réforme impliquerait d'importants chantiers. Je vous propose donc de retirer l'amendement, bien qu'il porte sur un vrai sujet. Mme la ministre a déjà indiqué qu'un travail était en cours à cet égard. Sans doute vous le confirmera-t-elle.
La jurisprudence du Conseil d'État assimile le service public de gestion des eaux pluviales urbaines à un service public relevant de la compétence assainissement, lorsque cette dernière est exercée de plein droit par un EPCI. Par la gestion des eaux pluviales, on désigne le service public défini à l'article L. 2226-1 du code général des collectivités territoriales, aux termes duquel « la gestion des eaux pluviales urbaines » correspond « à la collecte, au transport, au stockage et au traitement des eaux pluviales des aires urbaines ».
La définition à donner aux eaux pluviales urbaines a été éclairée par une circulaire récente, datée de septembre 2017, par référence aux dispositions législatives aujourd'hui abrogées relatives à la taxe pour la gestion des eaux pluviales urbaines. Il en ressort que les autorités compétentes en matière d'assainissement sont tenues d'assurer la gestion des eaux pluviales dans les zones urbanisées ou à urbaniser du fait de leur classement dans un plan local d'urbanisme ou dans un autre document d'urbanisme, ou dans une zone constructible délimitée par une carte communale.
On a donc précisé que la question relève de l'assainissement. La gestion des eaux pluviales, dont j'entends souvent parler, suscite un débat. Peut-être celui-ci mérite-t-il d'être approfondi. Quoi qu'il en soit, je ne peux émettre aujourd'hui un avis favorable sur cet amendement, que je vous demande de retirer, compte tenu de la définition claire des eaux pluviales urbaines contenue dans la circulaire.
J'entends bien votre réponse, madame la ministre, mais elle n'apporte pas de solution pour les eaux de ruissellement ni les coulées de boue. Dans nos territoires ruraux, des études ont été réalisées ; les travaux pourraient démarrer. Or rien n'est fait. Je retire l'amendement, mais j'y insiste : on ne traite nulle part des eaux de ruissellement ni des coulées de boue.
L'amendement no 77 est retiré.
Il est défendu. Je saisis l'occasion pour remercier Mme la ministre pour la réponse complémentaire qu'elle nous a apportée tout à l'heure. Je suis sûr que nos échanges aiguiseront l'appétit d'une maison qu'elle connaît bien : le Sénat. Nos collègues sénateurs, qu'elle connaît bien, eux aussi, ne manqueront pas de revenir sur la question des délais.
Avis défavorable. Ces amendements prévoient que les collectivités compétentes en matière de GEMAPI exercent cette compétence dans le cadre d'un projet d'aménagement d'intérêt commun. Cette faculté est déjà prévue pour les EPTB. Il vaudrait mieux encourager les EPCI à participer à ce type de structure que de leur imposer de définir un projet qui n'est pas pertinent pour eux, puisque leurs limites administratives ne sont pas liées à la situation géographique des bassins.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article.
La parole est à M. Matthieu Orphelin.
J'interviens au nom de ma collègue Frédérique Tuffnell, députée de Charente-Maritime. Nous apportons évidemment un soutien total aux orientations de la proposition de loi. À notre sens, ce texte répond positivement à la responsabilité nouvelle des intercommunalités, très lourde d'incidences et nécessitant d'importantes réorganisations institutionnelles. Il permettra un traitement spécifique des littoraux et une progressivité de la prise en compétence. Reste la délicate question des plans de prévention des risques naturels littoraux et de leur financement.
Face à l'augmentation de la récurrence des tempêtes hivernales dévastatrices, communes et intercommunalités ont lancé des plans de prévention des risques naturels littoraux prévisibles. À ce jour, toutes les communes ou intercommunalités n'ont pas pu mener à terme la réalisation de leurs plans. Il faut en moyenne vingt-quatre mois pour qu'ils soient approuvés, faute de quoi ils sont simplement prescrits. Or seul un plan approuvé permet de mobiliser le fonds Barnier pour financer les travaux de prévention contre les risques de submersion marine et la gestion des digues, avec un taux de prise en charge plafonné à 40 %.
Sans intervention de ce fonds, il est peu probable que certaines collectivités locales puissent assumer leurs travaux de mise en sécurité, que la taxe de 40 euros par habitant ne leur permettra évidemment pas de payer en totalité. Il faut donc trouver un moyen de les financer sans attendre de nouvelles tempêtes. Compte tenu de l'accroissement du rythme et de l'intensité des événements extrêmes, nous devons avancer : l'inaction coûtera toujours plus cher que l'action.
Le transfert de compétences prévu par la loi MAPTAM a des conséquences importantes pour les EPCI non seulement en termes d'organisation et de responsabilité, mais aussi, on l'a dit, en termes financiers.
En matière de prévention des inondations et de gestion des fleuves, il me semble important d'observer les réalités de la mise en place de cette compétence au niveau des EPCI. La protection contre les inondations et la submersion marine me préoccupe particulièrement. Jusqu'alors, la protection contre les inondations était assurée par différents acteurs publics ou privés : les collectivités, les associations de propriétaires, mais aussi l'État. Celui-ci joue un rôle majeur. Il est par exemple propriétaire de 550 kilomètres de digues de Loire, soit la majorité des digues les plus importantes, sur le plan de la sécurité, en termes de population concernée à l'échelle nationale.
Je rappelle que plus de 17 millions de personnes sont exposées au risque d'inondation et un peu plus de 1,5 million au risque de submersion marine. Dans ma circonscription, sur l'axe Loire moyenne, la plus longue digue domaniale de France s'étire sur 80 kilomètres, dans la vallée de l'Authion, affluent de la Loire. Elle dépasse naturellement les limites des communes et des EPCI, et s'étend sur deux départements et deux régions.
Le Val d'Authion est le territoire inondable le plus vaste de la Loire. L'aménagement et l'entretien de ce type de zone sont évalués à plusieurs centaines de millions d'euros. Leur financement est difficilement soutenable pour les seuls EPCI, comme le confirment les études de danger réalisées sur les levées telles que celle-ci ou sur des barrages, comme celui d'Arzal, dans le Morbihan.
Il est donc pertinent de définir les périmètres adaptés, grâce aux syndicats, aux EPTB, aux EPAGE, à l'échelle de bassins versants ou de surfaces financières suffisantes…
… pour permettre d'assumer les travaux d'entretien. C'est justement ce que préconisent les études : des surfaces financières suffisantes…
Merci, chère collègue. Les deux minutes qui vous sont imparties sont écoulées.
La parole est à M. Vincent Descoeur.
Madame la ministre, l'article 2 prévoit qu'un rapport évalue l'efficience du transfert de compétence que nous sommes en train d'organiser, notamment de la protection contre les inondations ou les risques de submersion. Nous pouvons nous en réjouir, compte tenu des incertitudes qui demeurent à cet égard.
Il est important qu'à l'occasion de ce rapport, on fasse le point sur le financement de cette compétence et sur les moyens qui lui sont accordés. Les premières évaluations des services de l'État se montaient à un peu plus de 300 millions d'euros par an, mais elles ne concernaient que les risques d'inondation, sans intégrer le coût de la gestion des milieux aquatiques.
Compte tenu des capacités contributives des EPCI – notamment s'ils ont une taille modeste – situés en amont des bassins-versants, et bien qu'ils puissent eux-mêmes prélever une taxe, il conviendra de s'assurer de leur capacité à remplir cette mission.
Il faudra aussi s'inquiéter des cofinancements dont ils auraient pu bénéficier, d'abord, vous le savez, parce que les capacités contributives des départements vont évoluer et que ces cofinancements deviendront facultatifs, ensuite parce que les concours des agences de l'eau pourraient être remis en cause par les arbitrages consécutifs aux restrictions budgétaires dont elles ont fait l'objet. Ces éléments méritent toute notre attention.
Dans la continuité de l'intervention de M. Descoeur, je salue l'article 2, qui prévoit qu'un rapport sera remis dans un délai très court – six mois – après nos débats. Je regrette cependant que son sujet ait été défini de manière trop restrictive : il traitera en effet des fleuves, des zones côtières et des digues domaniales, à l'exclusion de ce secteur important de notre pays que sont les zones de montagne, et plus largement de toutes les têtes de bassin.
« C'est juste ! » sur les bancs du groupe LR.
Tout à l'heure, madame la ministre, vous avez rappelé la catastrophe de Vaison-la-Romaine. Il faut saluer la mémoire de celles et ceux qui ont perdu la vie. Mais, dans l'ère moderne – si je peux m'exprimer ainsi – , il y avait eu auparavant la catastrophe du Grand-Bornand, le 14 juillet 1987, qui fut la première de la période du réchauffement climatique.
Si nous remontons un peu plus loin, les deux plus grandes catastrophes liées à la GEMAPI restent celle des Thermes de Saint-Gervais, en 1892, qui fit près de 200 morts, et celle du plateau d'Assy, près d'un siècle plus tard, qui laissa soixante et onze victimes. Ces trois événements figurent parmi les plus grandes catastrophes survenues dans un territoire de montagne, notamment dans le département de la Haute-Savoie, que j'ai l'honneur de représenter.
La GEMAPI représente donc un enjeu très important en zone de montagne. Tout à l'heure, notre collègue Mme Dupont a évoqué la Loire. Peu de gens savent que beaucoup de rivières de montagne sont domaniales et qu'elles ont apporté une richesse colossale à notre pays, puisqu'elles constituent la première source d'hydroélectricité. D'où la nécessité que le Gouvernement inclue les zones de montagne dans son analyse. Tel est l'objet d'un amendement que je défendrai dans un instant.
Madame la ministre, nous avançons en matière de GEMAPI et c'est tant mieux ! Le souci d'évaluer, comme le propose cet article 2, va dans le bon sens.
Permettez-moi toutefois de revenir à froid sur la surréaction qui fut la vôtre tout à l'heure : ce n'est pas parce que l'on est jeune que l'on n'est pas aguerri.
Je ne l'ai jamais prétendu !
Les Français ont cru à ce nouveau monde capable de travailler au-delà des clivages traditionnels. Malheureusement, les manoeuvres politiciennes de l'ancien monde ont la peau dure ! Le 12 octobre dernier, nous avons proposé que les compétences en matière d'eau potable et d'assainissement redeviennent facultatives. Cela faisait consensus dans les groupes de l'ancien monde. Or pour le coup, ce ne fut pas « en marche », mais le surplace.
Je vous le répète, madame la ministre, n'y voyez aucune impatience : comme nous l'avons fait le 12 octobre, c'est le cri de nombreux maires que nous relayons aujourd'hui. Je vous le dis très calmement, afin de conserver leur sérénité à nos débats : il est légitime, alors que nous abordons les compétences des collectivités territoriales, qui plus est en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations, de traiter de l'eau potable et de l'assainissement. Tout est lié : l'eau potable provient des milieux aquatiques, l'urbanisation et l'imperméabilisation des sols peuvent avoir un impact sur l'écoulement des eaux pluviales, donc la prévention des inondations.
Voilà une occasion manquée de répondre à une attente légitime et justifiée. Nous le disons tout simplement, il est inutile de s'énerver. Afin de conserver sa sérénité à ce débat, je vous propose d'en convenir sans polémiquer sur notre jeunesse ou notre impatience – d'autant plus que nous soutenons cette proposition de loi du MODEM.
La jeunesse est une vertu !
Je craignais que mon collègue Bazin ne chauffe trop les bancs du Gouvernement, mais je vais tout de même pouvoir exposer quelques éléments techniques.
Les inquiétudes et les interrogations qui entourent la mise en oeuvre opérationnelle de la compétence GEMAPI justifient pleinement la remise du rapport d'évaluation que prévoit cet article 2. Son champ pourrait d'ailleurs être étendu afin de tenir compte de la complexité des territoires et de la diversité de gestion qui résultera de la possibilité de cet exercice partagé entre les différents niveaux de collectivités ou de syndicats.
Dans un souci de défense du contribuable et d'anticipation sur une meilleure gestion de la compétence, je souhaite revenir plus précisément sur le volet des financements. Dans l'hypothèse où un EPCI a pris la compétence ou choisirait de la prendre le 1er janvier prochain, la loi MAPTAM a remplacé le mécanisme de redevance pour service rendu par une taxe facultative. Cet impôt dit de répartition sera réparti sur les taxes du bloc local au prorata de leur poids dans les recettes des collectivités, et permettra donc un financement plus homogène de la compétence ; mais c'est rendre encore plus illisible une fiscalité locale déjà complexe.
Je souhaite vous faire part des deux difficultés que j'ai identifiées à la mise en place de ce financement. Je m'appuie pour ce faire sur un document pédagogique récent produit par la préfecture de la région Île-de-France.
Tout d'abord, une potentielle augmentation d'impôt, au-delà du prétendu plafonnement à 40 euros promis par le Gouvernement puisque, en creusant un peu, on comprend que le plafonnement concerne en réalité le produit qui est retiré de la taxe – qui serait donc au maximum de 40 euros par habitant – et que cela ne préjuge en rien de l'impôt finalement payé par le contribuable, qui pourrait être assujetti bien au-delà des 40 euros en cumulé, surtout s'il a la malchance de contribuer à la fois à la taxe d'habitation, à la taxe foncière et, pourquoi pas, s'il est artisan, à la cotisation foncière des entreprises, la CFE.
Ensuite, dans l'hypothèse où un EPCI déciderait de mettre en place la taxe GEMAPI à partir de l'année prochaine, l'augmentation créée sur l'avis de taxe d'habitation des contribuables ne serait pas prise en compte dans le dégrèvement de cet impôt local prévu par le PLF– sur la base de 2016 pour la taxe d'habitation. Cela se traduira par le paiement de la taxe d'habitation pour tous les ménages. Les habitants paieront d'ailleurs deux fois, puisque les impôts prélevés par la précédente collectivité compétente dans ce domaine ne diminueront sans doute pas.
Ce rapport doit donc dresser le bilan exhaustif de ce quatrième impôt local déguisé.
Permettez-moi de dire quelques mots en complément.
Je rappelle tout d'abord ce qui était dans la loi et ce qui y est. À partir du 1er janvier 2018, les EPCI sont compétents sur l'ensemble de la GEMAPI. Simplement, nous avions décidé que s'agissant des fleuves, jusqu'en 2024, par voie de conventionnement, l'État continuait d'exercer la compétence – d'une certaine façon, par délégation, au nom des EPCI.
Tout cela soulève trois niveaux de questions et de problèmes que ma collègue Stella Dupont a bien soulignés puisque, si j'ose dire, nous sommes élus du même fleuve – en ce qui me concerne, plutôt dans le Loir-et-Cher, et ce n'est pas la peine de chanter la chanson que tout le monde connaît !
Sourires
Tout d'abord, il existe un problème financier – et ce n'est pas le moindre des défauts du texte et de la façon dont il a été adopté. On n'avait pas examiné les conséquences financières de la GEMAPI, et c'est ce que nous nous efforçons de faire. Selon l'évaluation d'un certain nombre d'organismes, le coût pour l'ensemble des digues est estimé à 5 milliards d'euros, ce qui n'est pas rien.
Ensuite, il y a un problème d'organisation : autant la gestion des compétences s'agissant des cours d'eau moyens ou des rivières peut se faire à l'échelle des EPCI, autant, s'agissant d'un fleuve, les dimensions et les enjeux sont assez importants pour mériter d'être regardés à plusieurs reprises.
Enfin, quid de la place de l'État ? Sur les grands fleuves ou les phénomènes côtiers, l'État ne peut laisser seules les collectivités.
Je crois que c'est notre collègue Martial Saddier qui, à juste titre, l'a dit tout à l'heure : cela fait quarante ans que l'État ne s'est pas préoccupé de ces affaires-là. Nous sommes donc collectivement responsables, mais maintenant, nous devons réparer. L'État ne peut pas nous laisser face à des problèmes de financement et d'organisation, ni face aux populations, pour expliquer les mesures à prendre.
Jacqueline Gourault s'en souvient certainement : des mesures d'anticipation remarquables avaient jadis été prises à Blois s'agissant du déversoir de la Bouillie, mais cela nécessitait un accompagnement de la part des services de l'État. Il ne faut donc pas nous laisser seuls.
Dernier point : je tiens à dire à Martial Saddier que je découvre les problèmes liés à la montagne, et qu'il faudra en effet se pencher sur la question. Nous allons voir ce que dit la rapporteure.
Je vous remercie. Je vais être obligé de reconnaître que je vous suis redevable !
Je souhaite intervenir suite aux propos du président Fesneau concernant les financements. Députée d'Indre-et-Loire, je sais ce qu'il en est s'agissant notamment des travaux réalisés sur les digues ou liés à la prévention des risques d'inondation. Les dotations et les moyens étant de plus en plus contraints, nous devons nous tourner vers le Fonds européen de développement régional, le FEDER – Mme la rapporteure en a parlé – ou le Fonds européen agricole pour le développement rural, le FEADER. C'est un vrai sujet.
Aujourd'hui, près de 30 milliards d'euros sont disponibles pour des programmes de sept ans. Après quatre ans, nous n'avons consommé qu'environ 15 % de ces fonds européens et n'en avons engagé que 30 % : la France ne les consomme pas correctement. Ils sont aujourd'hui gérés par les régions, ce sont elles qui instruisent les dossiers. Je considère que nous devons tout mettre en oeuvre pour financer la prévention des risques, mais aussi l'économie de nos territoires.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes REM et MODEM.
Il est défendu. J'interviendrai plus longuement sur mon amendement no 39 concernant la montagne.
Cet amendement change le maître d'ouvrage du rapport d'évaluation, en fléchant le Parlement au titre de sa mission de contrôle de l'application des lois et de l'évaluation de la législation ainsi que des politiques publiques. Il vise également à s'assurer d'une implication des gestionnaires dans l'élaboration du rapport.
Avis défavorable.
Le Parlement peut se saisir d'une telle mission mais, en l'occurrence, c'est l'administration de l'État qui dispose des chiffres et des informations. Il paraît donc plus logique que ce soit lui qui nous assure de ce retour d'information, lequel est extrêmement attendu et sera utile.
Sagesse sur ces deux amendements.
Je remercie Mme Auconie pour son intervention concernant la consommation des crédits européens.
Applaudissements sur quelques bancs
Nous ne voterons pas cet amendement. Nous avons évoqué tout à l'heure la compétence de l'État, et nous avons dit que nous ne savions pas trop quelle avait été son action en la matière. Je suis quant à moi plutôt favorable à ce que ce soit l'État qui nous dise ce qu'il en est de l'état des réseaux et des engagements financiers. Je trouve que c'est plus sain et que, d'une certaine façon, cela fera foi.
J'ai rédigé cet amendement extrêmement important avec mes collègues Virginie Duby-Muller, Mme Bonnivard et M. Rolland, députés de Haute-Savoie et de Savoie. J'y associe mes collègues Schellenberger et Descoeur ici présents.
Je l'ai dit lors de la discussion générale, et je remercie les collègues qui l'ont reconnu avec moi : la zone de montagne, dans notre pays, est reconnue par la loi. Il existe une spécificité des territoires de montagne, que le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne a d'ailleurs reprise. En France, cette zone représente entre 20 % et 25 % du territoire.
Lorsqu'il y a des cours d'eau, nous nous retrouvons par définition dans ces zones dans ce que l'on appelle les têtes de bassin. Cela signifie que les conséquences d'une erreur ou d'une absence de réparation se retrouvent tout le long du cours d'eau. Vous aussi, mes chers collègues, qui êtes situés en aval, vous êtes donc concernés par l'absolue nécessité de la mise en oeuvre et du financement de la GEMAPI jusqu'aux zones de montagne, c'est-à-dire dans vos têtes de bassin.
Cet amendement vise donc à ajouter les mots « ainsi que dans les zones de montagne » après le mot « domaniales » parce que, comme je l'ai dit tout à l'heure – notre collègue de la Loire l'a d'ailleurs rappelé – nous avons aussi besoin que le Gouvernement se penche sur la spécificité de l'application de la GEMAPI et de son financement dans les zones de montagne, où de nombreux kilomètres de cours d'eau relèvent du domaine fluvial. Tel est donc le sens de cet amendement.
Je vous fais un clin d'oeil, mes chers collègues. Alors que toutes et tous avez vu à la télévision, ce matin, que les montagnes se parent de leur blanc manteau et qu'elles s'apprêtent à vous accueillir, ne les regardez pas comme le lieu d'une simple villégiature. Je vous demande du fond du coeur de les regarder comme une terre où des gens vivent toute l'année. Ils ont besoin de l'écoute de la République.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LR et UAI.
Ce n'est pas parce que je suis élue de l'Isère que je donnerai un avis favorable à votre amendement, mais parce que la solidarité en amont et en aval est absolument nécessaire.
Sagesse.
« Ah ! » sur les bancs du groupe LR.
Je soutiens l'amendement de bon sens de notre collègue Saddier. Permettez-moi par ailleurs, madame la ministre, de revenir sur votre réponse à notre collègue Jean-Claude Leclabart. Vous avez répondu sur les eaux de ruissellement liées à l'urbanisation. Or son interrogation ne portait pas sur ce sujet, mais bien plutôt sur les eaux de ruissellement dans des territoires ruraux non urbanisés. Malheureusement, l'amendement de notre collègue Saddier ne couvrira pas ces zones-là, puisque s'il peut s'agir souvent, c'est vrai, de zones de montagne, des ruissellements se produisent aussi dans des zones de vallées ou de plateaux, comme c'est le cas dans un département comme la Somme. La GEMAPI ne les couvrira pas, et il n'y aura pas de financement, alors qu'une succession de collectivités peuvent être concernées, chacune, en amont ou en aval, se renvoyant la responsabilité.
Je comprends qu'il est trop tard pour proposer un sous-amendement au très bon amendement de notre collègue Saddier, mais il aurait été bienvenu d'intégrer ce type de zone. En quelque sorte, il y aura un trou dans la raquette.
Notre groupe soutient cet amendement – c'est un élu beauceron qui vous le dit !
C'est dire si, entre l'opposition et la majorité et entre la plaine et la montagne, il est aussi possible de trouver des voies de convergence.
Je soutiens également l'amendement de notre collègue. Je vous invite toutes et tous à lire les études de danger concernant les fleuves de vos départements. Vous vous rendrez compte que le diagnostic est assez éloquent, puisque très régulièrement, elles concluent que les EPCI ne peuvent pas soutenir financièrement de tels investissements.
L'on nous invite donc à rechercher les « surfaces financières suffisantes ».
Et je crois que nous aurons quelques difficultés à convaincre des collègues qui ne sont pas directement confrontés à ce risque de participer au cofinancement. Je me réjouis donc de la publication de ce rapport. Il faut qu'il soit exhaustif et qu'il rassure les collectivités concernées dans la mesure du possible ou, à défaut, qu'il propose des solutions reposant sur la solidarité nationale, dont je pense que nous avons besoin.
Applaudissements sur les bancs du groupe REM.
Notre collègue Stella Dupont a déjà exprimé la position de notre groupe, et nous invitons en effet nos collègues à voter cet amendement.
Je suis entièrement d'accord avec notre collègue Martial Saddier et je pense, comme lui, que ce rapport doit être exhaustif. En tant qu'élue de la montagne, qui milite pour toutes les causes de toutes les montagnes, il me semble en effet que la solidarité entre l'amont et l'aval est impérative. Mes chers collègues, nous ne pourrons pas faire fonctionner la GEMAPI si cette solidarité ne s'exprime pas, notamment sur le plan financier.
Il faudra évidemment prendre des précautions, car les communes de montagne sont souvent des petites communes – et ce terme n'a rien de péjoratif dans ma bouche. Nous devrons nous montrer solidaires, et ce travail de solidarité devra commencer par la publication d'un rapport exhaustif. J'encourage donc tous mes collègues à voter cet amendement.
L'amendement no 39 est adopté.
L'article 2, amendé, est adopté.
Je suis saisi de plusieurs amendements portant articles additionnels après l'article 2, à commencer par deux amendements, nos 33 et 60 rectifié , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Emmanuel Maquet, pour soutenir l'amendement no 33 .
Le rapport demandé à l'article 2 permettra, je pense, d'évaluer l'efficience de ce transfert de compétences. Il assurera une meilleure communication entre les différents acteurs et une plus grande cohérence de la politique de l'eau, en général. Toutefois, par le présent amendement, nous entendons nous attarder sur l'aspect financier de ce dispositif. Une nouvelle taxe n'est jamais, vous le savez, ressentie positivement par nos concitoyens. Ceux-ci seront d'autant plus demandeurs de clarté et, certainement, de transparence. Par conséquent, nous devons être très attentifs à l'utilisation des fonds départementaux mobilisés.
L'esprit de la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, dite loi MAPTAM, qui a été votée en 2014, était de mettre en oeuvre une solidarité plus effective à l'échelle de l'ensemble des territoires. Ce rapport devra faire le bilan de cet effort de solidarité. Tel est l'objet de cet amendement.
La parole est à M. Loïc Prud'homme, pour soutenir l'amendement no 60 rectifié .
Cet amendement vise à la production d'un rapport d'information sur la ventilation et les modalités de mise en oeuvre de la taxe GEMAPI après l'annonce, par le Gouvernement, de la suppression de la taxe d'habitation.
L'État comptait en effet fixer et répartir le produit de la taxe GEMAPI, qui est plafonné à 40 euros par habitant et par an, entre toutes les personnes physiques ou morales assujetties aux taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties, à la taxe d'habitation et à la cotisation foncière des entreprises, proportionnellement aux recettes que chacune de ces taxes a procurées l'année précédente. Aujourd'hui, la taxe GEMAPI s'appuie sur environ 60 à 70 % de la population. Comme le Président Emmanuel Macron prévoit que 80 % des gens seront exonérés de la taxe d'habitation, cette taxe reposera demain sur 20 à 25 % de la population. Cela va donc renforcer l'iniquité des contributions des acteurs d'un territoire à la taxe.
Au titre du contrôle parlementaire, le groupe La France insoumise demande la production d'un rapport d'information visant à établir l'impact de la suppression de la taxe d'habitation sur le calcul de la taxe GEMAPI et, le cas échéant, de proposer des modalités nouvelles de mise en oeuvre de cette taxe.
Sur l'amendement no 33 , l'avis de la commission est défavorable. Vous demandez un rapport sur la taxe GEMAPI. Or vous savez certainement qu'à ce jour, seuls trente-quatre EPCI ont mis en oeuvre cette taxe. Nous allons très certainement assister à une montée en charge très progressive au cours de la période transitoire 2018-2020. Il paraît donc vraiment prématuré de faire un rapport à ce stade, et nous aurons davantage de recul en 2020.
C'est vrai mais, à l'heure actuelle, nous n'avons pas suffisamment de matière pour faire une telle analyse. Avis défavorable.
J'ai compris, monsieur Maquet, que vous vouliez faire un bilan, mais je ne suis pas certaine qu'il y ait matière à cela. Je m'en remettrai donc à la sagesse de l'Assemblée.
Quant à vous, monsieur Prudhomme, vous avez soulevé une question qui m'avait déjà été posée, celle de la relation entre la taxe GEMAPI, qui se fonde sur la taxe d'habitation, et la réforme de cette dernière. La réponse est assez simple et ne nécessite pas la production d'un rapport : il s'agira d'un dégrèvement. Le dégrèvement s'appliquera à l'ensemble de la taxe d'habitation, y compris sur la GEMAPI, pendant trois ans. Il faudra, dès l'année prochaine, préparer une réforme de la fiscalité locale, et nous engagerons cette réflexion. Mais, pour les trois années à venir, il n'y a aucun souci à se faire, puisque cela fera partie du dégrèvement.
Les amendements nos 33 et 60 rectifié , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.
Nous nous interrogeons sur l'adéquation entre le budget des agences de l'eau et leur participation au financement de la compétence GEMAPI. Et nous voulons vérifier que cette adéquation est une réalité.
Les ressources des six agences de l'eau servent régulièrement de variable d'ajustement dans le budget de l'État, alors que ces agences assurent un rôle essentiel en matière de sécurité, par la lutte contre les inondations, la pollution, l'érosion et l'effondrement des digues – nous avons déjà longuement évoqué ces questions. Les agences de l'eau sont censées soutenir les actions par le biais de la réalisation d'études et de travaux, mais elles accompagnent également les collectivités dans la prise de compétence GEMAPI par des études préfiguratrices.
Les six agences de l'eau nous ont toutes alertés : elles sont aujourd'hui soumises à une trop grande contrainte budgétaire, alors même que leurs responsabilités et leurs missions ne font que s'accroître. Le groupe La France insoumise s'interroge donc sur la capacité des agences de l'eau à continuer de financer les travaux relatifs à la protection des milieux aquatiques et d'assister les collectivités dans le cadre de la compétence GEMAPI. Nous souhaitons le vérifier par la production d'un rapport sur le sujet.
L'avis de la commission est défavorable. Je pense que nous pourrons ouvrir ce débat à l'occasion de l'examen du prochain projet de loi de finances, au cours duquel nous pourrons regarder si les agences de l'eau ont effectivement rencontré des difficultés de financement. Par ailleurs, un rapport est annexé chaque année au projet de loi de finances, ce qui nous donne les moyens de nous informer.
Le Gouvernement est lui aussi défavorable à cet amendement, dans la mesure où cette question doit effectivement être examinée dans le cadre du projet de loi de finances.
Je vous donne raison, lorsque vous dites que le budget des agences de l'eau a régulièrement fait l'objet d'ajustements. Vous avez rappelé celui qui a eu lieu cette année et, comme parlementaire, je me souviens – et j'ai fait des vérifications – de ceux qui ont eu lieu en 2014, 2015 et 2016. Au total, ce sont 180 millions d'euros qui ont été prélevés sur les agences de l'eau au cours de ces trois années. Vous me direz que cela ne justifie pas que l'on continue à faire de même cette année…
Cette question me fait penser à la discussion que nous avons eue tout à l'heure au sujet des fonds européens. Il y a, dans les agences de l'eau, des fonds qui ne sont pas consommés, des matelas. Je me pose donc des questions sur la gestion des agences de l'eau et sur les raisons pour lesquelles elles se sont un peu éloignées des collectivités territoriales. Élue locale pendant de longues années, j'ai noté qu'il y avait autrefois une plus grande proximité avec les agences de l'eau.
En tant que ministre, je vais évidemment me rapprocher de mon collègue Nicolas Hulot pour voir avec lui, au-delà des ajustements financiers qui tiennent à l'équilibre d'un budget, comment on peut mieux maîtriser les budgets des agences de l'eau et, surtout, faire en sorte que ces agences accompagnent mieux les travaux qui s'imposent dans nos territoires – je pense notamment aux nombreuses fuites d'eau que l'on constate sur nos réseaux.
La question des agences de l'eau est, en soi, un vrai sujet.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes REM et MODEM.
Je suis un peu surpris par vos propos, madame la ministre, qui ne sont qu'un écran de fumée pour faire oublier que vous avez sévèrement fait baisser les budgets des agences de l'eau. Or cette baisse sévère intervient après que le gouvernement précédent a déjà fait le choix de ponctionner sévèrement leurs ressources.
Je viens de le dire !
Dans ces circonstances, comment voulez-vous que les agences de l'eau se projettent dans l'avenir et soutiennent les collectivités territoriales ? Il se peut que certaines d'entre elles fonctionnent mal, mais est-ce une raison pour tailler à la hache dans les budgets opérationnels…
Je n'ai pas dit cela !
… qui servent à financer des investissements d'avenir en matière de gestion de l'eau et de l'environnement dans nos territoires ? Je n'en suis pas sûr, madame la ministre.
Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse longue et argumentée. Cela étant, je réfute le terme de « matelas », que vous avez employé à propos des finances des agences de l'eau, et je pense que les agences de l'eau le réfuteront aussi. Elles doivent faire face à de nombreux engagements, qu'elles ont besoin de financer. Contribuer à la préservation de la biodiversité n'est pas le moindre de ceux-ci. Je ne pense pas que le terme de « matelas » soit adapté, puisque nous parlons ici de fonds qui leur sont nécessaires pour engager des dépenses utiles au bien commun.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Si le mot « matelas » vous a choqué, je peux employer le terme « réserves ».
L'amendement no 57 n'est pas adopté.
Cet amendement vise à la production d'un rapport d'information procédant d'un état des lieux de l'effectivité des missions d'appui technique avant l'entrée en vigueur de la compétence GEMAPI.
Comme chacun sait, on compte 9 000 kilomètres de digues en France métropolitaine, qui sont gérées par des personnes privées ou publiques et, parfois, par personne. Le rôle de l'État devient d'autant plus crucial que s'accélèrent et s'accentuent les bouleversements climatiques. Le terrible drame de la tempête Xynthia, survenue les 27 et 28 février 2010, nous rappelle l'impératif de gestion des digues maritimes.
Compte tenu des changements apportés par la nouvelle réglementation, il resterait environ 6 000 kilomètres de digues à entretenir par les autorités compétentes en matière de GEMAPI. Pour le groupe La France insoumise, le pouvoir de police de l'État l'enjoint d'identifier les digues dont la rupture pourrait mettre en danger des vies humaines, de recenser les maîtres d'ouvrage et de contrôler la sécurité des digues, sans parler des digues « orphelines », pour lesquelles aucun propriétaire n'est identifié.
Cet état des lieux, demandé par les élus depuis plusieurs années, aurait dû être réalisé par les missions d'appui technique de bassin, instituées par le décret du 28 juillet 2014. Force est de constater que cet objectif est encore loin d'être atteint sur tous les territoires.
Tel est le sens de cet amendement et c'est pourquoi, madame la ministre, nous vous demandons de lui donner un avis favorable.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe FI.
Je pense que le rapport demandé au Gouvernement à l'article 2 présentera des éléments relatifs aux missions d'appui technique de bassin et que votre demande sera donc satisfaite. En tout cas, je le souhaite. Il ressort des auditions que ces missions sont plus efficaces que les stratégies d'organisation des compétences locales de l'eau, les fameuses SOCLE, qui ont également été mises en oeuvre. On a effectivement pu regretter que l'ensemble des informations recueillies n'aient pas été plus largement diffusées. Je vous invite à retirer l'amendement.
Avis défavorable.
Je vous remercie, madame la rapporteure, de votre réponse un peu plus argumentée que celle de Mme la ministre.
Certes !
Nous espérons nous aussi que le rapport demandé au Gouvernement apportera les réponses que nous sollicitons, mais compte tenu du caractère succinct de la réponse de Mme la ministre, nous avons des doutes, et nous maintenons donc – à regret – cet amendement.
Fort bien !
L'amendement no 58 n'est pas adopté.
Les propositions formulées à l'article 3 apportent de la cohérence dans notre débat et respectent la volonté de notre majorité et du Gouvernement de développer une logique de confiance avec les collectivités et de privilégier l'intelligence des territoires. Je tiens à souligner que plus de 18 millions de Français sont concernés par les risques d'inondation ou de submersion marine et leurs conséquences. Je peux en témoigner en tant que député de l'Hérault, département régulièrement et gravement touché par ces fléaux. Je me fais en outre le relais des demandes répétées des élus locaux : ils souhaitent exercer leur mandat et leurs compétences dans le cadre d'une loi qui leur apporte la souplesse nécessaire pour tenir compte des caractéristiques de leur territoire.
En même temps, les élus attendent une vraie stabilité législative, afin de pouvoir prendre des décisions de long terme, mais aussi de disposer d'une marge de manoeuvre budgétaire et technique, indispensable en termes d'ingénierie. Je suis convaincu que, dès lors que le fond n'est pas remis en question, toute démarche d'assouplissement apporte en définitive les garanties d'une constance dans l'action publique locale.
L'article 3, tel que l'a rédigé la commission des lois, procède totalement de cet état d'esprit. Il s'agit en l'espèce de permettre aux EPCI de se saisir rapidement et sereinement de leurs nouvelles compétences, en s'appuyant sur les partenaires déjà existants. Je précise que ces mesures concernent uniquement les compétences en matière de GEMAPI et qu'il ne s'agit donc pas d'un détricotage de la loi MAPTAM.
De plus, l'article 3 permet aux EPCI d'appliquer une logique de bassin-versant, dans la mesure où ils ont la possibilité d'exercer leurs compétences dans le sens de l'intérêt de l'ensemble des territoires, qu'ils soient situés en amont ou en aval. Cette approche me semble cohérente, tant sur le plan de la gestion administrative que sur le plan hydraulique, les bassins ne connaissant pas, par nature, les frontières entre collectivités.
Cet article, de même que l'ensemble du texte, ménage des espaces de décision et de bonne gestion aux collectivités et à nos collègues élus locaux qui les dirigent.
À l'article 1er, vous avez adopté l'amendement no 89 , qui autorise les EPCI à déléguer les compétences en matière de GEMAPI à des syndicats mixtes de droit commun jusqu'au 1er janvier 2020. Par cohérence, le Gouvernement propose de supprimer les dispositions permanentes qui étaient prévues à l'article 3.
Avis favorable, à titre personnel. Cet amendement fait suite au compromis qui a été trouvé à l'article 1er et va tout à fait dans le bon sens.
Avant de le mettre aux voix, je précise que l'adoption de cet amendement ferait tomber les deux amendements suivants, nos 34 et 43.
La parole est à M. Martial Saddier.
Il me semblait bien que tel était le cas, monsieur le président, mais j'attendais cette précision de votre part. L'amendement no 34 que j'ai déposé allait dans le même sens que celui du Gouvernement, madame la ministre, tout en apportant un peu de souplesse, dans la mesure où il laissait un délai de deux ans pour parvenir au même résultat. Il va tomber puisque l'amendement du Gouvernement sera, je suppose, adopté.
N'ayant pas pu reprendre la parole tout à l'heure, je profite de cette intervention pour vous remercier, mes chers collègues, d'avoir adopté à l'unanimité l'amendement no 39 , qui a inclus les zones de montagne dans le champ du rapport prévu à l'article 2. Je remercie Mme la ministre de s'en être remise à la sagesse de l'Assemblée, Mme la rapporteure d'avoir donné un avis favorable à l'amendement, et les présidents Chassaigne et Fesneau ainsi que les députés du groupe La République en marche de lui avoir apporté leur soutien.
La parole est à M. Bastien Lachaud, pour une explication de vote sur l'article 3.
Je rappelle que l'article 3 propose une sorte de sécabilité interne des compétences en matière de GEMAPI, en autorisant le transfert de certaines d'entre elles seulement. Nous regrettons le recours aux syndicats mixtes, qui constitue, nous semble-t-il, la première étape d'un processus de privatisation des activités rentables relevant de la GEMAPI. Nous voterons donc contre cet article.
L'article 3, amendé, est adopté.
L'article 4 est adopté.
Cet amendement, que j'ai déposé avec mes collègues Patrick Hetzel, Frédéric Reiss et Antoine Herth, vise à permettre aux régions de continuer à agir en matière de GEMAPI. La réforme qui nous est proposée risque en effet d'exclure les régions, alors qu'elles jouent un rôle important dans ce domaine. Un texte spécifique s'impose, puisque les régions ont perdu leur clause de compétence générale en application de la loi NOTRe du 7 août 2015.
Les régions jouent un rôle en matière de financement et de gestion d'ouvrages hydrauliques. Elles sont également présentes au sein des syndicats mixtes, en raison notamment de leur compétence en matière d'espaces naturels sensibles. La difficulté provient précisément de la perte de la compétence générale, alors même que certaines régions sont historiquement propriétaires et gestionnaires d'ouvrages hydrauliques structurants, qui contribuent à la protection contre les inondations et au maintien des fonctionnalités des milieux aquatiques. Par exemple, la région Grand Est est, depuis 2010, à la suite d'un transfert de l'État, propriétaire et gestionnaire des ouvrages hydrauliques de l'Ill domaniale, à savoir 78 barrages répartis sur 220 kilomètres de cours d'eau. L'assemblée de la région Grand Est a d'ailleurs validé un plan ambitieux d'investissement pour ce cours d'eau.
Les régions soutiennent également, par l'ingénierie et le financement, des travaux structurants de gestion des inondations et de restauration des milieux aquatiques, y compris hors du cadre des contrats de plan État-région et des fonds européens, ce qui permet une intervention plus souple.
Par ailleurs, la loi NOTRe a ouvert aux régions la possibilité de se saisir de la mission d'animation et de concertation dans le domaine des eaux souterraines et de surface, leur conférant un rôle accru en matière de politique de l'eau, dans l'objectif d'apporter de la cohérence de bassin-versant, y compris à l'échelle transrégionale ou transfrontalière dans le cas des bassins-versants partagés. La région Bretagne s'est vu attribuer cette compétence le 6 mai dernier, et des décrets analogues sont en cours d'élaboration pour les régions Provence-Alpes-Côte d'Azur et Grand Est.
Eu égard à leur qualité de chef de file en matière de biodiversité et d'aménagement du territoire ainsi qu'à la mise en oeuvre des futurs schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires – SRADDET – , les régions ont pleinement vocation à intervenir dans le domaine de la GEMAPI.
Il s'agit donc, par cet amendement, de leur permettre d'intervenir en la matière.
Selon moi, votre demande a été satisfaite par l'adoption de l'amendement no 79 à l'article 1er, qui réintègre les régions dans le jeu en prévoyant la possibilité pour elles de conclure une convention. Je vous invite à retirer l'amendement.
L'amendement no 48 est retiré.
L'article 5 est adopté.
Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l'article 5.
La parole est à M. Raphaël Schellenberger, pour soutenir l'amendement no 17 .
De même que la série d'amendements qui suit, cet amendement soulève la question du financement des compétences en matière de GEMAPI. Depuis le début de l'examen de cette proposition de loi, madame la ministre, vous nous expliquez qu'elle ne porte pas sur la question du financement, mais nos échanges montrent bien que celle-ci est au coeur du débat sur la GEMAPI. Actuellement, nous n'avons pas les moyens de financer la GEMAPI ; nous avons même du mal à évaluer ce qu'elle va coûter. Certes, une taxe dédiée à été créée, mais son mode de calcul et son mode de collecte ne sont pas du tout appropriés au regard de la nécessaire logique de solidarité territoriale, entre bassins-versants, permettant de concilier le financement des infrastructures en amont et la protection des populations en aval. L'objet de cet amendement est donc de supprimer la taxe GEMAPI.
Avis défavorable, de même qu'en commission. Vous proposez de supprimer la taxe GEMAPI pour les EPCI. Comme vous le savez, je n'y suis pas favorable pour trois raisons. Sur la forme, la présente proposition de loi n'a pas pour objet de rouvrir le débat sur la taxe GEMAPI, comme l'ont indiqué plusieurs intervenants. Sur le fond, je veux rassurer nos concitoyens : cette taxe n'est qu'un mode de financement subsidiaire. D'autres ressources peuvent être mobilisées : le budget général des collectivités, les cofinancements publics, les subventions des agences de l'eau, les contrats de plan État-région, les fonds européens – comme l'a rappelé Mme Auconie – et le Fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit « fonds Barnier ». Enfin, s'agissant plus précisément des relations financières avec les départements, je souligne que les conventions prévues à l'article 1er tel qu'il a été modifié par la commission des lois permettront non seulement de préciser les rôles respectifs des EPCI et des départements, mais comporteront aussi un volet financier.
Avis défavorable également. Premièrement, la taxe GEMAPI existe et sa mise en place a déjà été votée par anticipation par un certain nombre d'intercommunalités. Deuxièmement, avant de la supprimer, il faudrait savoir par quoi la remplacer. Troisièmement, vous revenez toujours sur le rôle du département, monsieur Schellenberger – peut-être êtes-vous conseiller départemental, je vous prie de m'excuser de ne pas le savoir. Je rappelle que nous avons de nouveau donné aux départements la possibilité d'agir en concluant une convention avec les intercommunalités. Toutefois, je rappelle également que le département ne dispose pas de compétence en matière de GEMAPI. J'espère que je me fais bien comprendre.
Nous ne voterons pas cet amendement. On l'a dit clairement : l'objet de ce texte n'est pas de rouvrir le débat sur les principes fondamentaux de la GEMAPI, parmi lesquels figurait la création de cette taxe. Celle-ci apparaît d'ailleurs déjà sur les avis d'imposition à la taxe d'habitation.
La taxe est à zéro – seul un territoire, je crois, l'a activée – , mais elle existe déjà. De mon point de vue, il n'est donc pas question de revenir dessus. Je rappelle, comme l'a indiqué Mme la rapporteure, que les communes sont libres d'activer ou non cette taxe, en fonction des moyens qu'elles entendent déployer, sachant que ce n'est pas forcément nécessaire, car d'autres moyens existent. Par ailleurs, au regard des enjeux financiers très importants que nous avons évoqués précédemment, il convient, me semble-t-il, de chercher des moyens complémentaires plutôt que d'activer un processus qui reviendrait à disposer d'une compétence sans se donner les moyens de l'exercer.
Je tiens à rappeler la position du groupe La République en marche exprimée en commission. Nous sommes complètement défavorables à tout travail sur le financement de la GEMAPI dans le cadre de cette proposition de loi. Cette question et celle de la liberté des communes doivent être abordés autrement que par voie d'amendement dans le cadre d'une proposition de loi. Le groupe La République en marche votera contre tous les amendements visant à modifier ou à rectifier la taxe GEMAPI.
L'amendement no 17 n'est pas adopté.
Je suis déçu avant même d'avoir commencé mon propos, parce que notre collègue du groupe La République en marche vient d'annoncer qu'elle allait voter contre tous les amendements, avant même d'avoir entendu leur défense.
Je vais quand même essayer de la convaincre, car je ne désespère pas que cela soit possible.
La loi MAPTAM, que nous avons évoquée à plusieurs reprises, a ouvert la possibilité de créer une taxe additionnelle facultative pour couvrir les charges de la GEMAPI. Or, l'annonce de la suppression de la taxe d'habitation par le Gouvernement vient bouleverser la ventilation de cette taxe et renforcer l'iniquité des contributions des acteurs d'un territoire.
Afin que le Gouvernement dote la France de nouveaux moyens permettant d'enclencher une véritable planification écologique, nous souhaitons modifier le fonctionnement de la taxe GEMAPI. J'espère vous convaincre du bien-fondé de cette démarche, chers collègues. Nous estimons qu'une taxe nationale permettrait d'éviter une mise en concurrence fiscale entre les territoires, qui pourrait dissuader de nombreuses collectivités territoriales d'instaurer la taxe GEMAPI. En outre, de nombreuses collectivités territoriales pourraient demander à créer une telle taxe pour des motivations autres que l'exercice de la compétence GEMAPI. Nous estimons qu'un exercice sérieux du contrôle de légalité par le préfet, après avis de l'autorité environnementale, permettra d'éviter ce type d'effets d'aubaine.
Nous proposons donc de revoir les modalités d'établissement de la taxe en limitant son assiette aux seules cotisations foncières des entreprises. Toutes ces mesures permettront une véritable efficience de la taxe additionnelle destinée à financer les compétences GEMAPI.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Vous proposez d'adosser la taxe GEMAPI à la cotisation foncière des entreprises – CFE. Je n'y suis pas favorable, pour la raison évoquée précédemment : tel n'est pas l'objet de la proposition de loi. Ensuite, la taxe GEMAPI sera un impôt de répartition dans les territoires où elle sera instituée : la collectivité votera un produit, non un taux, et celui-ci sera ensuite réparti sur une assiette très large – occupants d'un logement, propriétaires, entreprises. Ce mécanisme, couramment utilisé en matière de taxe spéciale d'équipement, permet de faire contribuer tous les publics. Il s'agit donc d'un dispositif garantissant une certaine équité.
Toutefois, vous soulevez une question importante : l'allégement de la taxe d'habitation sur les trois prochaines années conduira-t-il à concentrer davantage la taxe GEMAPI sur les ménages ? Mme la ministre nous a déjà donné des éléments de réponse. Pour les collectivités ayant déjà institué la taxe, l'article 3 du projet de loi de finances pour 2018 adopté par notre assemblée règle la question, puisqu'il prend en compte cette taxe dans le calcul du dégrèvement et de sa compensation aux collectivités, ce qui neutralise tout éventuel report.
L'avis du Gouvernement est aussi défavorable.
Non ! Je me suis exprimée tout à l'heure une fois pour toutes pour ne pas prolonger de façon indue les débats. Mais, puisque vous m'interpellez, je vous réponds. Vous ne nous avez pas convaincus en commission. À quoi servent les commissions, s'il faut répéter en séance publique tout ce qui s'y est dit ? Je vous le répète, vous ne nous avez pas convaincus, …
… et nous ne le serons pas davantage en séance publique, car vous présentez exactement les mêmes arguments.
Pour autant, je tiens à vous rappeler que la taxe est affectée, et que son produit ne peut pas être utilisé à autre chose que le financement de la GEMAPI. À cet égard, votre crainte n'est pas fondée. Une bonne fois pour toutes, je répète que nous avons entendu vos arguments en commission, et que nous n'avons pas été convaincus. Nous ne changerons pas d'avis.
L'amendement no 59 n'est pas adopté.
On m'objectera que ces amendements ont déjà été déposés en commission, mais l'importance de la question du financement de la compétence GEMAPI est telle qu'elle nécessite d'être abordée en séance publique. Ensuite, madame la ministre, pourquoi s'intéresser autant à la capacité des départements à contribuer à l'exercice de la compétence GEMAPI ? Parce que je considère que le département est l'échelon administratif le plus à même d'organiser une forme de solidarité territoriale dans le financement des infrastructures nécessaires pour la GEMAPI : il répond à des logiques de bassins-versants et comporte des territoires urbains et ruraux constitués, d'un côté, d'espaces de collecte de la taxe et, de l'autre, d'espaces d'investissements en matière d'infrastructures de protection.
Les départements sont dans une situation financière très délicate qui obère leur capacité à intervenir, en raison notamment de l'augmentation des dépenses sociales non compensées par l'État et de la baisse de la dotation globale de fonctionnement au cours des cinq dernières années. Or, c'est le seul échelon administratif à même d'organiser une forme de solidarité territoriale.
Les amendements nos 12 et 13 visent donc à instaurer un transfert de 5 % ou de 10 % de la taxe arrêtée par les EPCI au bénéfice du département.
Il n'est pas possible d'affecter une recette – le produit de la taxe GEMAPI – à une dépense – la participation obligatoire versée aux départements. La convention qui pourra être signée par l'EPCI et le département comprendra un volet financier. Celui-ci sera donc en capacité de fixer les contributions de chaque partie. J'émets donc un avis défavorable sur les deux amendements.
J'y suis aussi défavorable, puisqu'il s'agit d'une disposition facultative, dont les modalités seront définies par une convention.
Les amendements nos 14 , 15 et 16 prévoient la possibilité pour le département de collecter directement une partie de la taxe GEMAPI. Le plafond de collecte par habitant ne serait pas modifié, mais il serait réparti entre le département et l'EPCI, qui pourront percevoir soit 20 euros chacun, soit respectivement 30 euros et 10 euros, ou 35 euros et 5 euros. Cette disposition aurait pour effet d'introduire la notion de solidarité territoriale dans le financement des infrastructures de protection de la population.
Je rappelle qu'il s'agit d'une taxe facultative, instituée pour l'heure par trente-quatre collectivités. Son plafond maximal par habitant est de 40 euros. En outre, il ne s'agit pas du montant qui devra être acquitté par les contribuables, car, une fois voté, cet impôt de répartition sera levé auprès de l'ensemble des contribuables du territoire – ménages, entreprises, propriétaires, personnes morales. Avis défavorable.
Avis défavorable. Vous m'excuserez de ne pas vous en dire plus.
La parole est à M. Raphaël Schellenberger, pour soutenir l'amendement no 9 .
Je retire cet amendement, parce que nous en avons déjà discuté à l'occasion de l'examen de l'article 1er. Néanmoins, je profite de cette intervention pour exprimer un regret à propos de l'affectation de la taxe d'aménagement. C'est typiquement le genre de recettes que les départements devraient pouvoir affecter aux dépenses GEMAPI. J'avais d'ailleurs déposé un amendement en ce sens.
Les dépenses GEMAPI ne sont pas, par nature, imputables sur la taxe d'aménagement. Seules certaines le sont, et ce ne sont pas les dépenses importantes, comme les dépenses d'infrastructures. Les territoires où la taxe d'aménagement est dynamique sont souvent ceux qui ont de grands besoins d'infrastructures en matière de protection des populations contre le risque d'inondation, ce qui est assez logique. Il serait donc intéressant de pouvoir affecter la taxe d'aménagement aux infrastructures de protection de lutte contre les inondations.
Malheureusement, mon amendement a été refusé au titre de l'article 40, mais je ne doute pas que la jurisprudence des services du Sénat sera plus clémente avec ce genre de propositions.
L'amendement no 9 est retiré.
La parole est à M. Raphaël Schellenberger, pour soutenir l'amendement no 46 .
Par cet amendement, nous demandons la remise d'un rapport sur les conséquences de la suppression progressive de la taxe d'habitation sur les modalités de calcul de la taxe GEMAPI. La situation est assez invraisemblable : la taxe d'habitation, figée à son niveau de 2017, sera supprimée sur trois ans pour 80 % des ménages, et en 2018, les EPCI commenceront à collecter une nouvelle taxe, assise sur la taxe d'habitation. On organise donc la création d'une nouvelle taxe d'habitation.
C'est d'autant plus incompréhensible que, dans certains territoires – et c'est pour cela que cet amendement a été cosigné par Pierre-Henri Dumont, député du Pas-de-Calais – des EPCI appartenant à un même EPAGE ou EPTB ont commencé de façon coordonnée à collecter la taxe un an plus tôt que les autres EPCI. Ainsi, dans un même territoire, pour le même syndicat, le même EPAGE ou le même EPTB, et pour le même niveau de services, certains contribuables seront dégrevés de la taxe GEMAPI tandis que d'autres devront la financer.
Avis défavorable. Nous avons déjà évoqué ce sujet dans le cadre de l'examen de l'article 3 du projet de loi de finances pour 2018. En outre, s'agissant des différences entre les EPCI qui ont instauré la taxe et ceux qui ne l'ont pas fait, la modification de la taxe d'habitation ne change rien, puisque les ressources resteront les mêmes.
J'ai répondu tout à l'heure à cette question. Avis défavorable.
L'amendement no 46 n'est pas adopté.
Nous en avons terminé avec les amendements portant articles additionnels après l'article 5. Avant d'examiner les amendements à l'article 6, je vais suspendre la séance pour cinq minutes à la demande de Mme la ministre.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-huit heures, est reprise à dix-huit heures quinze.
Avant de soutenir l'amendement, je tiens à revenir sur les agences de l'eau, dont je défends particulièrement le modèle. Elles ont en effet la réputation d'être riches. Ce modèle de gestion des équipements, qui repose sur le principe selon lequel « l'eau paie l'eau », relève de la directive-cadre sur l'eau et s'applique à l'ensemble des États membres de l'Union européenne. Si, aujourd'hui, ces agences sont moins présentes dans les territoires, c'est que le nombre de leurs salariés a déjà diminué de 15 %, tendance qui se poursuit et qui explique la baisse du nombre des collaborateurs des agences présents aux côtés des élus locaux. Nous aurons l'occasion de revenir sur le sujet.
L'amendement no 42 vise à renforcer la mise en synergie des missions d'assistance dans le domaine du grand cycle de l'eau à l'échelle adaptée du bassin versant.
Défavorable. Au plan juridique, tout d'abord, que signifie « prioritairement » ? De plus, l'intervention des départements sera évidemment déterminante, en particulier dans les premières années d'exercice de la compétence GEMAPI. Il est impensable d'en réserver le bénéfice aux collectivités qui ont transféré la compétence à un EPTB. Comme je l'ai déjà souligné, les EPTB conservent leur pertinence et ont vocation à prendre à terme le relais des syndicats de plus petite taille, ne serait-ce que parce que le préfet de bassin pourra ordonner leur création lorsque cela lui semblera pertinent.
Avis défavorable. Nous sommes dans le cadre d'une contractualisation qui repose sur la volonté des départements. Ceux-ci doivent demeurer libres de déterminer eux-mêmes le contenu de leur convention, son étendue ainsi que ses considérations financières.
Rien n'interdit par ailleurs aux départements qui participent aux EPTB d'exercer leur mission d'assistance technique via les syndicats mixtes. Ces deux amendements ne me semblant pas utiles, je demande leur retrait.
Compte tenu des explications de Mme la rapporteure et de Mme la ministre, je retire l'amendement.
L'article 6 est adopté.
« L'eau fait partie du patrimoine commun de la nation » : cette phrase, qui pourrait vous paraître étrange, figure à l'article L. 210-1 du code de l'environnement. Et l'article de poursuivre : « l'usage de l'eau appartient à tous et chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le droit d'accéder à l'eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous. »
Cet amendement a pour objet de rendre réel, au-delà des textes, le droit à l'eau pour toute personne physique. L'eau est nécessaire à la vie et à la dignité humaine, pour l'hydratation, bien sûr, mais aussi pour l'alimentation et l'hygiène.
Cet amendement vise à supprimer la TVA pour l'usage domestique, afin de baisser le coût de l'eau qui reste encore trop élevé pour de trop nombreuses personnes. L'eau n'a pas la même valeur vitale selon qu'elle est utilisée pour la dignité ou pour un usage industriel. Il est immoral de taxer cette ressource qui est pourtant un bien commun. Taxer les besoins primaires en eau, c'est comme si nous nous mettions à taxer l'air que nous respirons. Faute de gratuité sur les premiers mètres cubes, cet amendement vise a minima à les exonérer de TVA.
À Aubervilliers, dans ma circonscription, les habitants de l'office public d'HLM se retrouvent avec des factures d'eau si élevées qu'ils doivent les étaler sur plusieurs années pour réussir à les acquitter. La suppression de la TVA sur les premiers mètres cubes d'eau correspondant à la consommation individuelle et domestique est une mesure d'humanité et de justice sociale.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Vous proposez d'exonérer de TVA les usages domestiques de l'eau pour les personnes physiques : je n'y suis pas favorable pour deux raisons.
La première tient à la forme : cette disposition devrait viser l'article 256 B du code général des impôts qui prévoit les cas d'exonération de TVA pour les personnes morales de droit public, plutôt que l'article 291 qui concerne les importations.
La seconde raison est de fond : il existe déjà une exonération de TVA pour la fourniture d'eau dans les communes de moins de 3 000 habitants ou pour les établissements publics de coopération intercommunale dont le champ d'action s'exerce sur un territoire de moins de 3 000 habitants.
Dans ce cas, en effet, il est admis que leur non-assujettissement n'entraîne pas de distorsion de concurrence et qu'il est compatible – c'est important – avec les textes européens.
L'avis du Gouvernement est identique à celui de la rapporteure. Adopter une telle mesure exposerait la France à un risque certain de condamnation par les instances de l'Union européenne.
Je trouve regrettable que, dans notre enceinte, ce soit au nom du respect de la concurrence libre et non faussée et des sacro-saints traités européens qu'on décide de refuser la mesure d'humanité et de justice sociale qu'est l'exonération de TVA sur l'eau potable.
Je vois bien là une raison supplémentaire de proclamer qu'il faut désobéir aux traités de l'Union européenne…
À chacun ses méthodes.
… et refuser le diktat bruxellois qui, sous couvert de respecter la concurrence libre et non faussée, conduit à laisser des Français sans eau potable.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
L'amendement no 61 n'est pas adopté.
Puisque vous avez refusé en commission l'exonération totale de TVA sur l'usage domestique de l'eau, nous défendons cet amendement de repli qui vise à exonérer de TVA les 14,6 premiers mètres cubes d'eau de consommation immédiate pour les personnes physiques. La France insoumise est une force de proposition : tel est l'esprit dans lequel nous présentons cet amendement.
Ces 14,6 mètres cubes correspondent à la quantité d'eau nécessaire chaque année à tout être humain. C'est l'Organisation mondiale de la santé – OMS – qui a fixé cette consommation à vingt litres par jour et par personne. Pourtant, en matière d'accès à l'eau, des inégalités sont importantes. Le coût, qui est en constante augmentation, contraint de nombreuses familles à réduire leur consommation de manière draconienne, tandis que les ménages les plus aisés et les grandes entreprises peuvent consommer sans crainte. De plus, ce coût n'est pas près de baisser : la gestion du réseau par des sociétés privées tend à le pousser à la hausse.
Cette tendance ne s'inversera pas, notamment à cause des traitements à réaliser pour dépolluer l'eau. L'utilisation intensive de pesticides et d'herbicides, tels que le glyphosate, pollue les sols et a des conséquences directes sur la santé et le portefeuille des Français. Le manque d'eau ou l'accès à une eau de mauvaise qualité sont des fléaux connus et subis par beaucoup.
Notre proposition s'inscrit donc pleinement dans le respect de la dignité humaine selon les normes de l'OMS et représente un enjeu politique fort. Il s'agit non pas de proposer une tarification sociale de l'eau telle que des collectivités l'expérimentent, mais de garantir l'accès gratuit ou le moins cher aux besoins fondamentaux en eau des personnes.
La commission a émis un avis défavorable, fondé sur le même argumentaire que pour l'amendement précédent.
Défavorable.
L'amendement no 62 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Clémentine Autain, pour soutenir l'amendement no 50 .
Cet amendement vise à réduire de 10 % à 5,5 % le taux de TVA pour les prestations de services qui concourent au bon fonctionnement des réseaux de distribution ou d'évacuation d'eau ainsi qu'aux prestations d'assainissement. À cette fin, l'amendement propose d'inclure ces prestations de services essentielles à l'eau pour tous dans la liste figurant à l'article 278-0 bis du code général des impôts. Cette disposition générale du code général des impôts vise la vente ou la fourniture d'eau, quelle que soit la personne qui la réalise.
Par ailleurs, l'article 98 de la directive TVA de 2006 précise que les livraisons de biens et prestations de service des catégories figurant à son Annexe III peuvent faire l'objet de taux réduits de TVA. Elle mentionne notamment les denrées alimentaires, la distribution d'eau et certaines prestations de services.
Cet amendement, pour notre groupe, semble aller de soi ou, du moins, dans le bon sens, en permettant de favoriser l'accès à l'eau pour un plus grand nombre de personnes.
L'amendement vise à appliquer un taux réduit de TVA sur l'eau. La directive européenne du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée encadre la possibilité pour les États membres d'établir des taux réduits, en veillant à ne pas fausser les conditions de la concurrence, tant au plan national qu'au plan européen.
Il en découle que le seul service qui puisse bénéficier du taux réduit à 5,5 % est la distribution de l'eau. Le service d'assainissement ne peut pas bénéficier de ce taux minimal dans le respect des textes européens. Il fait donc l'objet, depuis le 1er janvier 2014, d'un taux de TVA de 10 %. Avis défavorable à l'amendement.
Même avis.
Vous savez combien nous sommes attachés à la possibilité de mener des politiques progressistes dans notre pays en dépit des injonctions européennes. De nouveau est posée une question de souveraineté.
Madame la ministre, êtes-vous, sur le fond, en accord ou en désaccord avec cette disposition européenne ? Le Gouvernement s'engage-t-il à se battre à l'échelle européenne pour obtenir la possibilité de baisser le taux de TVA afin de favoriser l'accès à l'eau pour tous en France et ailleurs ?
Ce n'est pas le sujet du texte et je n'entrerai pas dans une discussion de niveau européen.
L'amendement no 50 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l'amendement no 55 .
Considérant les arguments développés par mes collègues et compte tenu du fait que l'eau devient une ressource de plus en plus rare sur la planète alors qu'elle est un élément vital pour chaque personne, nous défendons l'idée que les premiers mètres cubes d'eau potable essentiels à la vie soient gratuits pour tous, car l'eau n'est pas un bien de consommation comme un autre du fait même de son caractère indispensable à la vie.
De la même façon que les autorités publiques doivent garantir la gratuité de l'accès à l'eau pour son usage vital, nous considérons que la tarification des usages de l'eau doit être différenciée. Nous voulons distinguer une consommation nécessaire aux ménages, qui participe de la satisfaction des besoins universels, d'un usage administratif, industriel ou commercial.
Dans une situation d'urgence écologique où les ressources se font rares et précieuses, ce tarif différencié introduit des degrés de priorité et d'importance dans l'usage de l'eau comme bien commun.
On me répondra peut-être que cette tarification différenciée pourra entraîner une baisse de recettes. Je devance cette critique en précisant que nous proposons de mettre en place cette mesure à recettes constantes, l'évolution des prix pour un usage industriel et commercial compensant une baisse du tarif applicable à l'usage vital.
Il s'agit donc d'un amendement de bon sens visant à instaurer une tarification différenciée de l'eau selon les usages.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Cet amendement propose de moduler les tarifs de l'eau potable. Actuellement, les communes peuvent déjà déterminer des tarifs de l'eau par catégorie d'usagers ; toutefois, ces différenciations tarifaires sont admises dans les limites définies par la jurisprudence relative au principe d'égalité des usagers devant le service public.
Absolument !
La différence de situation doit être appréciable ou répondre à un motif d'intérêt général. Outre la catégorie des ménages, reconnue à l'article L. 2224-12-1 du code général des collectivités territoriales, les catégories des usagers professionnels ou industriels et commerciaux et des administrations publiques font communément l'objet d'une différenciation de la part des collectivités compétentes.
En tout état de cause, la définition de ces catégories appartient à la collectivité compétente en fonction de la situation locale. C'est elle qui doit en justifier le bien-fondé, sous le contrôle du juge. La différence de tarif est alors appliquée sans distinction à l'ensemble des usagers d'une même catégorie.
Par conséquent, si je comprends bien l'objet de l'amendement no 55 , il me semble que cette liberté d'appréciation doit être laissée aux communes. Avis défavorable.
La réponse de Mme la rapporteure est très complète – j'avais à peu près la même. La loi permet déjà de telles différenciations. Avis défavorable.
Madame la rapporteure, votre réponse n'est pas tout à fait adaptée. En effet, l'article du code général des collectivités territoriales auquel vous vous référez permet de différencier le tarif de l'eau potable selon les usagers. Ce n'est pas ce que nous proposons : nous ciblons les différences d'usages, et non les différences d'usagers. Dès lors, nous vous demandons de bien vouloir revoir votre avis.
L'amendement no 55 n'est pas adopté.
En 2010, l'ONU a reconnu « le droit à une eau potable propre et de qualité et à des installations sanitaires » comme « un droit de l'homme, indispensable à la pleine jouissance du droit à la vie ». Cette déclaration est très importante. Or chacun sait que, pour vivre de manière décente, l'homme a besoin de 20 à 50 litres d'eau par jour, ce qui représente une consommation annuelle de 14,6 mètres cubes d'eau.
L'amendement no 54 vise à transposer dans le droit français cette décision de l'ONU…
Vous êtes contre l'Europe, mais pour l'ONU !
… en instaurant la gratuité des 14,6 premiers mètres cubes d'eau consommés par une personne physique au cours d'une année, afin de garantir le respect de ce droit humain.
Cette proposition n'a rien de révolutionnaire. En effet, la ville de Dax a mis en place une tarification solidaire qui prévoit la gratuité des 30 premiers mètres cubes d'eau et une tarification progressive pour les mètres cubes suivants. Cette décision a entraîné une baisse des factures des deux tiers des usagers.
Nous vous demandons d'étendre le dispositif instauré par la ville de Dax à l'ensemble du territoire et d'assurer l'égalité de tous les Français devant l'accès à l'eau et, pour reprendre l'expression utilisée par l'ONU, « la pleine jouissance du droit à la vie ».
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Cet amendement sort vraiment du sujet de la proposition de loi. Avis défavorable.
Dans vos propos, monsieur Lachaud, je remarque que l'ONU a plus de succès que l'Europe.
Par ailleurs, ce qui est possible quelque part est possible ailleurs.
Au nom de la libre administration des collectivités locales et notamment des communes, dont vous vous êtes recommandé cet après-midi, il faut laisser les municipalités décider elles-mêmes.
Il y a donc les Français qui ont la chance d'habiter dans une bonne commune et ceux qui n'ont pas cette chance !
Je comprends bien vos préoccupations sociales et humanitaires, dont vous n'avez d'ailleurs pas le monopole. Je vous rappelle que la loi Brottes a permis d'améliorer l'accès à l'eau pour tous les usagers, y compris ceux qui connaissent des difficultés financières.
En outre, votre amendement est éloigné de l'objet de cette proposition de loi.
Vous présentez les choses d'une manière qui laisse à penser que vous avez certaines préoccupations que les autres n'ont pas.
Permettez-moi de vous le dire très simplement et très gentiment : il y a aussi des personnes préoccupées par les questions sociales en dehors de votre groupe politique.
Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et REM.
L'amendement no 54 n'est pas adopté.
Je ne peux m'empêcher de vous répondre, madame la ministre : nous sommes là pour faire des propositions, et il ne tient qu'à vous de les approuver si vous les partagez. Nous ne mettons personne en cause : encore heureux que nous puissions, dans cette assemblée, défendre nos idées ou notre vision des choses ! Nous ne doutons pas que vous partagez un certain nombre d'entre elles – encore faut-il que nous nous mettions d'accord sur les modalités de leur mise en oeuvre. Je ne comprends pas la fausse polémique que vous essayez de créer.
Quoi qu'il en soit, nous allons continuer à défendre nos amendements et à vous expliquer pourquoi nous les avons déposés dans le cadre de l'examen de cette proposition de loi – ils n'ont pas été déclarés irrecevables, ils doivent donc être débattus.
L'amendement no 56 vise à supprimer les coûts fixes sur les factures d'eau. Nous proposons en effet d'instaurer la gratuité des compteurs au domicile principal des personnes physiques et de supprimer les abonnements et les parts fixes pour la fourniture d'eau et l'assainissement. En effet, les personnes âgées ou les familles en habitat collectif consomment généralement moins de 100 mètres cubes d'eau par an : ces usagers sont donc pénalisés par ces parts fixes. À cause de ces dernières, les usages de confort et de luxe ainsi que les mésusages reviennent, en moyenne, moins chers que les usages vitaux et d'hygiène.
Cet amendement entraîne donc une progressivité de la facturation selon la consommation, qui devra être mise en oeuvre par les gestionnaires. Il n'induit aucune baisse de recettes. Toutefois, afin de parer à tout risque d'irrecevabilité, un gage a été posé, bien qu'il soit probablement simplement formel.
Il n'est pas nécessaire de garantir avec des parts fixes le financement des dépenses récurrentes – cette pratique n'a cours dans aucune collectivité locale. Le taux de recouvrement des factures d'eau est supérieur à celui des impôts locaux.
En cohérence avec notre volonté, que vous partagez sûrement, de garantir à tous les Français des conditions de vie dignes et de leur permettre d'accéder à une eau de qualité en quantité suffisante pour couvrir leurs besoins vitaux, nous soumettons cet amendement à votre approbation. Son adoption enverrait un bon signal à nos concitoyens les plus fragiles.
Défavorable.
Chers collègues du groupe La France insoumise, Mme la ministre et Mme la rapporteure ont dit des choses très justes : une grande majorité des communes françaises offrent déjà tous les systèmes que vous proposez.
De nombreuses communes proposent des prix sociaux de l'eau pour les personnes en difficulté.
Pour avoir un peu travaillé sur des sujets de coopération décentralisée, je peux vous dire qu'en faisant appel à une déclaration de l'ONU, vous comparez des choses qui ne sont pas comparables.
C'est vrai !
Exclamations sur les bancs du groupe FI
Mêmes mouvements.
Vous parliez tout à l'heure des 14 mètres cubes d'eau par an dont une personne a besoin pour vivre – nous connaissons tous ce chiffre. Le prix de l'eau varie selon les communes et les situations, mais je crois qu'un mètre cube d'eau coûte en moyenne entre 2 et 4 euros – je n'ai pas le chiffre précis en tête. Ainsi, une consommation de 14 mètres cubes d'eau à 2 euros l'unité coûte 28 euros par an : ce n'est pas grand-chose !
En France aussi, l'eau est précieuse, et je ne considère pas qu'il soit scandaleux de sensibiliser un minimum les usagers au coût environnemental et social de cette ressource. Aussi, il n'est pas approprié de mettre sur le même plan la situation de la France et celle des pays où l'accès à l'eau est difficile.
L'amendement no 56 n'est pas adopté.
Cet amendement vise à permettre à une minorité de blocage, au sein d'un EPCI, de maintenir les compétences eau et assainissement au niveau des communes. Il s'agit d'une version dégradée, un peu moins ambitieuse, d'autres amendements que nous examinerons plus tard, qui s'inscrivent dans l'état d'esprit de la proposition de loi sur la GEMAPI et qui consistent à mieux s'adapter aux circonstances locales en matière de gestion de l'eau – on peut même parler du grand cycle de l'eau, puisqu'il s'agit à la fois de la distribution de l'eau et de l'assainissement.
Cet amendement reprend une proposition formulée par le Premier ministre et le Président de la République devant le congrès de l'Association des maires de France. Cependant, il convient de faire en sorte que la mesure soit opérationnelle avant le 1er janvier 2018. J'ai bien entendu que vous entendiez nous proposer ce mécanisme au début de l'année 2018, mais le débat sera alors biaisé car de nombreuses communautés de communes auront modifié leurs statuts en fin d'année afin de bénéficier d'une dotation globale de fonctionnement – DGF – bonifiée. C'est pourquoi il est urgent de traiter cette question : il faut le faire, en tout cas, avant le 1er janvier 2018.
Certes, votre mesure est moins ambitieuse que celle que nous avions proposée dans le cadre de la proposition de loi pour le maintien des compétences eau et assainissement dans les compétences optionnelles des communautés de communes et des communautés d'agglomération, dont nous avons débattu le 12 octobre dernier. L'amendement no 26 se cale sur la proposition formulée par l'exécutif, qui consiste à prévoir une minorité de blocage au sein des EPCI.
Mes chers collègues, je souhaite vous donner lecture d'une délibération du conseil municipal d'une commune de ma circonscription. Je pense d'ailleurs qu'un grand nombre de parlementaires ont reçu des délibérations comparables, provenant d'élus de toutes sensibilités.
« En rendant obligatoire, à partir du 1er janvier 2020, le transfert des compétences "eau et assainissement" aux communautés de communes, la loi NOTRe introduit une uniformité inquiétante pour la gestion future de l'eau et de l'assainissement. Le 12 octobre dernier, les députés ont rejeté une proposition de loi dont le but était de maintenir son caractère optionnel. Ce vote est d'autant plus incompréhensible que ce texte, soutenu par la quasi-totalité des élus locaux et de leurs associations, avait été adopté à l'unanimité par le Sénat en février dernier.
« Jusqu'à aujourd'hui, chacun a judicieusement composé avec la réalité locale. Ainsi, les réseaux existants épousent davantage les logiques de bassins versants que les découpages administratifs. De plus, la gestion de proximité, détachée des critères de rentabilité, a permis un entretien efficace de ces réseaux. Cette réalité est une marque de fabrique sur le territoire de notre communauté de communes et les élus locaux y sont légitimement attachés.
« Dans ces conditions, le transfert obligatoire de cette compétence est vécu comme une forme de mépris à l'égard du travail effectué durant des décennies par plusieurs générations d'élus locaux qui ont su construire un service public local performant.
« Ce transfert interpelle aussi les EPCI au vu des charges financières et matérielles qu'il va engendrer. Quant au personnel actuellement dédié à cette compétence, au sein des syndicats et des communes, il manifeste une inquiétude bien légitime.
« C'est aux communes qu'il appartient de choisir souverainement.
« Forts de l'expérience accumulée depuis de longues années, le conseil municipal :
« - exige que le caractère obligatoire du transfert de compétence "eau et assainissement" soit abandonné au bénéfice du caractère optionnel ;
« - interpelle le Gouvernement, les députés et sénateurs pour qu'un nouveau projet de loi soit débattu afin de permettre la libre organisation pour la gestion de la compétence "eau et assainissement". »
C'est le sens de mon amendement no 68 . Je souhaiterais, madame la ministre, que vous puissiez profiter de ces différents amendements pour nous éclairer : jusqu'où peut-on aller, en termes de délégation ou de conventions, en l'état actuel de la loi NOTRe ?
Les amendements suivants sont des amendements de repli par rapport au premier, qui propose que la compétence demeure optionnelle et que, si elles le souhaitent, les communes puissent la conserver. Ces amendements réduisent en effet la demande du caractère optionnel à la seule compétence eau, puis introduisent d'autres possibilités, comme le recours à une convention ou à une délégation adoptée par délibération de la communauté de communes, voire la possibilité que cette compétence, si elle n'est pas assumée par une commune, continue à l'être, par exemple, par un syndicat des eaux, car certains de ces syndicats sont aujourd'hui très efficaces.
Comme vous l'avez indiqué, monsieur Schellenberger, en proposant l'instauration d'une minorité de blocage pour le transfert des compétences en matière d'eau et d'assainissement aux intercommunalités, vous vous référez aux annonces faites par le Premier ministre lors du Congrès des maires. Je note donc que vous êtes d'accord avec cette proposition. Cependant, dans le cadre qui nous réunit aujourd'hui, je n'y suis pas favorable.
Cette question rejoint celles que soulèvent les amendements déposés par M. Chassaigne, compte tenu du fait que cette proposition de loi porte sur la compétence GEMAPI et que les calendriers diffèrent, le transfert de la compétence eau et assainissement devant intervenir au 1er janvier 2020. Avis défavorable.
Ces amendements prouvent que, quelle que soit leur provenance, les idées peuvent se retrouver et, finalement, être bonnes. Faisons très précisément le point, sans mépris d'aucune sorte pour les élus, mais, bien au contraire, avec respect.
Vous savez que, à la suite du renvoi en commission de la proposition de loi, nous avons créé, dans le cadre de la Conférence nationale des territoires, une commission composée de huit députés et huit sénateurs de toutes les sensibilités politiques. Nous avons réalisé un travail important, écoutant toutes les associations d'élus, les agences de bassin et les représentants des professionnels – tous ceux que concernait la compétence eau et assainissement.
Nous sommes ainsi parvenus à un rapport d'étape, dont le Premier ministre a fait état au Congrès des maires, évoquant la possibilité d'adopter une position comparable à la disposition de la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi ALUR, qui permet de ne pas procéder à un transfert de compétence en cas d'opposition de 25 % des communes représentant au moins 20 % de la population. Cette position a reçu un accord unanime de tous les membres présents de cette commission.
Ce rapport d'étape doit encore être affiné. Nous avons le temps de le faire, car le transfert obligatoire de compétence n'interviendra qu'en 2020.
En, outre, nous avons déjà voté – j'y ai veillé personnellement et c'est moi-même qui l'ai proposé – une réduction de neuf à huit du nombre des compétences obligatoires pour que les communautés de communes puissent toucher la DGF bonifiée, réduction qui était du reste d'autant plus nécessaire que l'une de ces compétences est la politique de la ville. C'est donc aujourd'hui chose faite.
Cependant, j'entends les arguments de M. Chassaigne, qui se demande pourquoi l'on modifierait les syndicats existants, s'ils fonctionnent efficacement ? C'est la question même que nous nous sommes posée tout à l'heure à propos de la compétence GEMAPI. Actuellement, la loi dispose que, pour que ces syndicats efficaces soient maintenus, ils doivent couvrir trois intercommunalités.
Je prends aussi l'engagement – ce qui impose donc d'affiner encore la proposition de loi – de ramener à deux le nombre d'intercommunalités nécessaires et suffisantes, de telle sorte qu'un syndicat qui se trouve à cheval sur deux intercommunalités seulement puisse perdurer après le transfert de la compétence. Ce mécanisme est d'autant plus légitime que, d'une manière générale, les intercommunalités se sont agrandies. On ne voit donc pas pourquoi il en faudrait trois : il suffit qu'il y ait deux grandes intercommunalités et un syndicat.
D'autres points doivent encore être affinés. L'avis du Gouvernement est donc, je le répète, défavorable à tous ces amendements. Il faut en effet, en premier lieu, respecter le groupe de travail actuellement saisi de ces questions. En deuxième lieu, le texte que je prévois de proposer à l'ensemble des membres du groupe doit permettre à tous les groupes de se retrouver sur la proposition. Elle devra certes être portée par un groupe particulier, mais j'ai moi-même, lorsque j'étais parlementaire, souvent signé des propositions de loi issues d'autres groupes, parce que je les trouvais intelligentes.
En effet. J'attendais que vous le rappeliez.
D'autre part, il faut prendre le temps de faire les choses une fois pour toutes. Comme je le disais tout à l'heure, j'ai assisté ce matin à Matignon à la réception de toutes les associations d'élus, qui ont remis la question sur le tapis : on voit que cette proposition rassemblera un véritable consensus contre celles qui visent à ne rien toucher de la loi NOTRe et à laisser les transferts s'opérer ou qui émanent, au contraire, de ceux qui ne veulent pas entendre parler du passage à l'intercommunalité et souhaitent remettre en cause son caractère obligatoire.
Nous avons donc trouvé une position majoritaire et, même s'il est prévisible qu'elle ne satisfera pas tout le monde, nous aurons au moins écouté tout le monde. Cela me semble sage, car nous n'allons pas nous envoyer à la figure pendant des mois encore cette question de l'eau et l'assainissement. C'est d'autant plus vrai que la proposition de loi que vous ne cessez d'évoquer comportait des éléments qui n'étaient pas acceptables et que je n'ai, pour ma part, pas votés au Sénat – je tiens à le préciser.
Il faut donc attendre un mois ou deux pour nous permettre d'affiner la question et d'aborder tous les problèmes. Certains devaient être réglés dans la loi de finances et d'autres doivent l'être dans une proposition de loi. Comme Mme Auconie, j'attache beaucoup d'importance aux agences de l'eau, mais il faut revoir leur fonctionnement et le soutien qu'elles doivent apporter aux collectivités locales, pas seulement sur le plan financier, mais également sur le plan technique. Il y a là tout un problème à examiner.
Je vous demande donc de retirer vos amendements. Vous aurez compris que nous avons l'intention d'aller au bout de la démarche, dans le respect du groupe de travail et de tous les élus qui demandent un assouplissement du transfert de la compétence eau et assainissement.
Merci, madame la ministre, pour cette explication longue et précise, qui ne calme cependant pas ma colère et qui, au contraire, l'accentue.
Ce que vous nous demandez, en définitive, c'est de privilégier le travail d'un groupe de travail, si respectable soit-il, par rapport à celui de notre assemblée. Je tiens en effet à rappeler que, le 12 octobre, vous avez demandé à votre majorité de renvoyer en commission un texte sur lequel nous aurions pu travailler depuis longtemps.
Tout ce travail d'audit, d'expertise, d'échanges et d'amendements que vous semblez mener avec un groupe de travail – qui rassemble certes l'ensemble des sensibilités politiques – , nous aurions pu et dû le faire dans cette assemblée, autour de la proposition de loi, car elle en était le support et parce que c'est ainsi que l'on fait la loi. On ne prive pas la représentation nationale du débat parlementaire en séance publique avec une initiative introduite au motif qu'une proposition de loi ne coïncide pas tout à fait avec le calendrier du Gouvernement.
Les parlementaires ont considéré que ce sujet était assez important pour être inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Vous avez bafoué cette volonté, et vous essayez aujourd'hui de nous expliquer que les contraintes de calendrier ne sont pas tout à fait ce qu'elles sont, puisque vous avez supprimé l'une des compétences obligatoires pour permettre aux communautés de communes et communautés d'agglomérations de continuer à bénéficier de la dotation globale de fonctionnement bonifiée après le 1er janvier. Or des changements et des décisions irréversibles interviendront tout de même, puisque la décision n'aura pas été prise avant le 1er janvier 2018.
Madame la ministre, je vous remercie pour la précision de votre réponse. Vous avez apporté des explications sur le déroulement des mesures qui devraient permettre de faire évoluer la législation actuelle, issue de la loi NOTRe. Vous avez d'ailleurs apporté aussi des réponses à certains amendements qui figurent dans la liasse que j'ai déposée. Par correction envers le travail en cours, je retire mes amendement, car je ne suis pas ici pour faire des effets de manches.
Il faudra certes que nous nous remettions au travail sur le projet de loi qui sera déposé : il nous donnera l'occasion de retravailler son contenu en commission et de nous exprimer. Ce qui est essentiel, c'est que les décisions puissent être prises avant la date-butoir du 1er janvier 2020.
Oui.
C'est en effet à cette date, à la différence de ce qui est prévu pour la GEMAPI, que doit intervenir le transfert de compétence. Il faut vraiment prendre en compte les remontées du terrain. Je prends acte, pour ma part, des propos que vous avez tenus et je retire les amendements que j'ai déposés.
L'amendement no 26 n'est pas adopté.
L'amendement no 72 est retiré.
L'amendement no 73 est retiré.
La parole est à M. Raphaël Schellenberger, pour soutenir l'amendement no 20 .
Il s'agit d'un amendement de cohérence. On a évoqué, à propos de la GEMAPI, la « sécabilité interne », et la question se pose en des termes comparables pour la compétence assainissement. En effet, les problèmes rencontrés sont les mêmes, à savoir que, sur des sujets techniques comme celui-ci, il est parfois préférable que ce soit la commune qui intervienne, et parfois la communauté de communes. La compétence assainissement étant très large, il convient de pouvoir la subdiviser.
Cet amendement a déjà été rejeté en commission. Je suis désolée de me répéter, mais je n'y suis pas favorable, pour les raisons déjà exposées : l'objet de la proposition de loi n'est pas l'eau et l'assainissement. La proposition de loi examinée en commission en octobre dernier a été rejetée et le groupe de travail fera des propositions. L'avis est donc à nouveau défavorable.
Avis défavorable.
Pour répondre à M. Schellenberger, la sécabilité existe : vous pouvez aujourd'hui transférer l'eau et pas l'assainissement, et vice-versa. J'ai vu que votre amendement concernait les eaux pluviales, mais nous avons déjà donné des explications sur d'autres amendements un peu plus tôt et nous reviendrons sur tout cela. La réponse est la même.
L'amendement no 20 n'est pas adopté.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement no 74 .
Mme la ministre m'a répondu par anticipation, s'engageant à une évolution sur le maintien des compétences dans les syndicats intercommunaux. Jusqu'à maintenant, le maintien de la compétence d'un syndicat intercommunal est possible dans le cadre de la loi NOTRe, si le syndicat intercommunal dessert des communes présentes sur trois communautés de communes différentes. Mme la ministre vient de prendre l'engagement que ce nombre sera réduit à deux : comme il ne s'agit pas de soumettre au vote un amendement qui sera inscrit plus tard dans une proposition de loi, je le retire.
L'amendement no 74 est retiré.
Le présent amendement a pour but de prolonger, au-delà du 1er janvier 2018, les travaux entrepris par les missions d'appui technique de bassin, créées par la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles du 27 janvier 2014. Ces missions ont l'avantage de réunir tous les acteurs au niveau des bassins. Dans la plupart des régions et collectivités territoriales, ces missions n'ont malheureusement pas pu mener à bien l'accompagnement prévu à destination des communautés de communes dans le cadre de cette prise de compétence.
Comme il s'agit d'une compétence importante et très spécialisée, de nombreux élus ont fait part de leurs inquiétudes concernant le manque de moyens pour l'assurer correctement. Le besoin en ingénierie est prégnant. Aussi les élus souhaitent-ils pouvoir encore bénéficier d'une assistance en ingénierie juridique – gouvernance, modalités d'intervention et coordination – , technique et financière – notamment l'appui à la recherche de financement et la mise en place de la fameuse taxe GEMAPI.
Dans l'esprit de cet amendement, la mission peut d'ailleurs être pilotée par un autre acteur public que l'État. Il s'agit donc de proroger cette mission au-delà du 1er janvier 2018.
La parole est à Mme la rapporteure, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement et soutenir le sous-amendement no 85 .
Je reviens sur ce qui a été présenté, à savoir la prolongation des travaux entrepris par les missions d'appui technique de bassin. Ces missions sont constituées dans chaque bassin hydrographique par le préfet coordonnateur de bassin ; elles sont chargées d'émettre des recommandations sur les outils utiles à l'exercice de la nouvelle compétence, établir des états des lieux des linéaires des cours d'eau, ainsi qu'un état des lieux technique, administratif et économique des ouvrages et des installations.
Le décret d'application de l'article 59 de la loi MAPTAM fixe leur terme au 1er janvier 2018. Vous souhaitez prolonger au-delà. Le présent sous-amendement propose de fixer un nouveau terme au 1er janvier 2020, car, contrairement à ce qui est indiqué, l'objet de ces missions n'est pas d'offrir une assistance technique ou juridique. Ce besoin en ingénierie pourrait être comblé par l'intervention du département au-delà de la période transitoire, comme le prévoit l'article 1er de la proposition de loi.
L'avis de la commission est donc favorable à l'amendement, sous réserve de l'adoption du sous-amendement.
Vous proposez de donner aux missions d'appui technique de bassin la possibilité de poursuivre leur action au-delà du 1er janvier 2018 : le Gouvernement y est favorable. Cela ne relève pas directement du ministère que je représente, mais le ministère de la transition écologique m'a confirmé son accord.
Nous donnons un avis de sagesse au sous-amendement de la rapporteure.
Le sous-amendement no 85 est adopté.
L'amendement no 75 , sous-amendé, est adopté.
L'amendement a déjà été défendu dans la discussion. Il s'agit de rendre à nouveau optionnelles les compétences eau et assainissement pour les communautés de communes et les communautés d'agglomération.
Le présent amendement vise à ne pas obliger les communes à déléguer la compétence de gestion de l'eau à leur intercommunalité.
Je profite de la défense de cet amendement pour répondre à Erwan Balanant, qui a dit tout à l'heure que, dans tous les foyers, l'eau courante arrivait par les robinets. Nous n'avons peut-être pas le monopole de la question sociale, mais, quand les ONG alertent sur les 2 millions de personnes qui n'ont pas un accès suffisant à l'eau dans notre pays, quand un récent rapport du Secours populaire alerte sur l'augmentation de la pauvreté, rappelant que 18 % des gens éprouvent des difficultés à régler leur facture d'énergie ou d'eau, on se doit de considérer qu'il faudrait inscrire certaines dispositions dans la loi.
Concernant le prix de l'eau, vous avez dit que le mètre cube coûtait 3 ou 4 euros. Or, selon les communes, cela peut être bien différent : le prix peut monter jusqu'à 10 euros. Il est donc important de différencier les usages et de ne pas négliger cette question extrêmement importante de vie quotidienne et de survie pour beaucoup de nos concitoyens et concitoyennes.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement no 67 .
L'amendement no 67 est retiré.
La parole est à M. Jean-Félix Acquaviva, pour soutenir l'amendement no 76 .
J'ai bien entendu Mme la ministre faire acte de témoignage sur le fait qu'il y a urgence. Qu'importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse : le présent amendement a pour objet de supprimer le caractère obligatoire du transfert de l'eau et de l'assainissement, mais nous attendrons les conclusions du groupe de travail avec vigilance.
Sur l'ensemble de la proposition de loi, je suis saisi par le groupe du Mouvement démocrate et apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Mathilde Panot, pour soutenir l'amendement no 53 .
Le présent amendement entend permettre aux gens qui n'ont pas l'eau courante chez eux et à ceux de nos concitoyens qui n'ont pas de logement de se réapproprier l'eau comme bien commun.
Nous voudrions ainsi renforcer le droit d'accès à l'eau potable pour les besoins d'hydratation et à l'eau pour les besoins d'hygiène, en rendant gratuits tous les points publics d'eau potable, installations sanitaires et bains douches publics. Il s'agit donc d'inscrire dans le droit français l'accès à des points publics d'eau potable et à des installations d'hygiène à usage gratuit.
Pour répondre à la question du financement de cette mesure, je rappellerai que, en vertu du principe constitutionnel de libre administration, les collectivités peuvent compenser cette dépense par une autre recette locale. Les élus locaux sont attachés à ce principe, que le Gouvernement s'apprête à piétiner avec la suppression de la taxe d'habitation. Nous proposons que cette mesure entre en vigueur le plus vite possible étant donné l'urgence de consacrer le droit à l'accès à l'eau pour tous les êtres humains.
Défavorable.
Oui, je vais tenter de répondre sur l'amendement !
J'interviendrai sur deux points, concernant votre proposition de gratuité de l'eau et la mise en cause de mes propos. Vous avez comparé l'eau et l'énergie : sur l'énergie, je suis entièrement d'accord avec vous, beaucoup de foyers en France sont en précarité énergétique. Certaines personnes peuvent aussi avoir des difficultés d'accès à l'eau : je ne l'ignore pas, car j'ai travaillé pendant six mois, l'année dernière, avec des femmes en très grande précarité, qui n'avaient pas de robinet du tout.
Mais dès lors qu'il y a un abonnement d'eau dans les maisons, …
La plupart des communes mettent en place des tarifications sociales. Puisque cette possibilité existe, il faut qu'elles se saisissent toutes de ce droit. Mais nous n'allons pas adopter une disposition qui irait à l'encontre des communes, alors qu'on nous répète qu'il faut leur laisser de la liberté.
J'ai revérifié les chiffres : l'eau coûte 2,30 euros en moyenne et l'assainissement 1,89 euro, ce qui fait, en moyenne, un coût de moins de 4 euros. Le véritable problème, en France, n'est donc pas l'accès à l'eau ; mais, je vous l'accorde, l'énergie en est un bien réel.
Ce qui coûte cher, dans l'accès à l'eau, c'est le coût d'installation, d'abonnement. Vous dites que la précarité n'est qu'énergétique.
Je vous rappelle le chiffre que j'ai déjà cité : 2 millions de personnes n'ont pas un accès suffisant à l'eau. Vous disiez vous-même que vous en étiez conscient puisque vous avez vu souffrir des personnes vivant sans aucun robinet. Il ne faut pas balayer cette idée d'un revers de main : le droit à l'eau est un droit basique, et chaque être humain doit en bénéficier, pour vivre dignement. C'est pourquoi il importe de l'inscrire dans la loi, afin d'assurer l'égalité sur ce point.
L'amendement no 53 n'est pas adopté.
Dans les explications de vote, la parole est à M. Raphaël Schellenberger, pour le groupe Les Républicains.
Le groupe Les Républicains adoptera ce texte qui revient à une notion qui nous est chère en matière d'organisation territoriale et à une vision plus subsidiaire de la décentralisation. J'ai bien entendu les jeux de sémantique, madame la ministre, …
Ce n'est pas sémantique, mais juridique !
… mais toujours est-il que l'on sort du cloisonnement des blocs de compétences dans lequel les lois NOTRe et MAPTAM nous enfermaient, enfermaient nos territoires et bridaient notre capacité à réagir.
Je suis élu d'une collectivité, le Haut-Rhin, qui gère les rivières, les cours d'eau et la prévention des inondations depuis plus de 200 ans. Dans les territoires comme ceux-là, on n'a pas attendu la GEMAPI pour s'intéresser à la question ; on n'a pas attendu que quelqu'un à Paris nous dise comment faire. Cette proposition de loi permet de remettre un peu d'huile dans les rouages…
De l'eau !
… et nous la soutiendrons.
Seul un des amendements présentés par les députés de notre groupe a été adopté en séance publique, mais il était important, car il réaffirmait le rôle de la montagne dans la sécurisation des différents bassins versants et des têtes de bassin.
Des questions demeurent en suspens sur le financement – vous n'avez pas accepté de l'aborder au cours de ce débat, alors que le financement pose de vraies questions de solidarité territoriale – , sur la responsabilité pour des ouvrages jouant un rôle essentiel en marge des systèmes d'endiguement, et surtout sur la compétence eau et assainissement, que vous refusez toujours de traiter.
Nous avons entendu vos annonces : nous attendons maintenant qu'elles se transforment en actes, car il y a urgence pour nos territoires, sclérosés par des décisions technocratiques.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à M. Marc Fesneau, pour le groupe du Mouvement démocrate et apparentés.
Nous sommes heureux d'avoir pu débattre d'un texte qui traite des collectivités locales dans un climat apaisé, ce qui prouve que c'est possible !
Sur la loi GEMAPI, le temps des explications et des précisions était venue, et je voudrais vous remercier, madame la ministre, de les avoir apportées dans un certain nombre de domaines, parce que c'est ce qui manquait depuis l'adoption de cette loi. Il me reste à vous demander d'expliquer aux préfets le sens de ce que nous allons voter tout à l'heure, je l'espère, pour que la compétence GEMAPI puisse être mise en oeuvre dans les meilleures conditions possibles. Cela sera utile aux élus qui seront chargés de cette compétence très importante puisqu'elle est au coeur de sujets qui risquent malheureusement de concerner de plus en plus les habitants de nos territoires.
Le travail commun que nous avons accompli doit nous éclairer aussi sur la manière dont nous devons concevoir la loi. Ce qui s'est exprimé aujourd'hui, c'est la volonté de tenir compte de la diversité des territoires et de leurs approches des problèmes, de leur capacité à coopérer, bref, d'appliquer le principe de subsidiarité tout en maintenant des objectifs d'intérêt général. C'est ce qu'ont rappelé et le Premier ministre et le Président de la République lors du Congrès des maires.
C'est le rôle du législateur, me semble-t-il, s'agissant du moins des collectivités locales, de concilier intérêt général et adaptation aux territoires.
Liberté, confiance dans les capacités du terrain à trouver des solutions adaptées, intérêt général : voilà ce qui nous a guidés dans l'élaboration de cette proposition de loi. Vous me permettrez, chers collègues, de vous adresser les remerciements de mon groupe, à vous toutes et tous pour avoir participé à ces débats de manière très constructive ; à vous, madame la ministre, pour nous avoir éclairés, et à vous, madame la rapporteure et madame Kamowski, pour votre travail.
Nous avons, je crois, servi l'intérêt général et celui des collectivités locales.
Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et REM.
La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
J'ai déjà dit ce matin que le vote du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, et en particulier celui des députés communistes, serait favorable. Nous allons donc voter ce texte, malgré toutes les insuffisances que nous avons pointées.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes REM et MODEM.
Je voudrais vous remercier à mon tour, madame la ministre – je n'ai pas souvent l'occasion de le faire ! – pour les explications que vous nous avez données sur les indispensables évolutions appelées par les conséquences désastreuses de la loi NOTRe, pour nos territoires en particulier. Je crois que vous avez été suffisamment claire sur ce point.
Évidemment, il reste beaucoup à faire. Que pourrais-je vous souhaiter d'autre, sinon que ces propos de René Char se révèlent justes : « L'inaccompli bourdonne d'essentiel. »
Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.
La parole est à Mme Catherine Kamowski, pour le groupe La République en marche.
Nous voterons bien évidemment ce texte, comme nous l'avions nous aussi annoncé ce matin, ne serait-ce que parce que nous avons cosigné ce proposition de loi, mais surtout parce qu'elle nous permet de réaffirmer le principe, arrêté par la loi MAPTAM, de la compétence exclusive des EPCI dans le cadre de la GEMAPI, à laquelle s'ajoutent, grâce au principe de subsidiarité, la souplesse et l'efficacité dans l'application de la loi.
Cette confiance renouvelée permettra aux élus locaux de déployer une fois de plus l'intelligence des territoires, dont Mme Gourault, dans un rapport de 2008, je crois, disait combien elle lui était chère.
Au nom des 18 millions de personnes qui vont pouvoir compter sur les collectivités locales pour assurer leur protection, je tiens à vous remercier tous.
Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 69 |
Nombre de suffrages exprimés | 69 |
Majorité absolue | 35 |
Pour l'adoption | 69 |
contre | 0 |
La proposition de loi est adoptée.
Je constate que la proposition de loi relative à l'exercice des compétences des collectivités territoriales dans le domaine de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations a été adoptée à l'unanimité.
Mmes et MM. les députés des groupes REM et MODEM se lèvent et applaudissent vivement.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à dix-neuf heures trente.
L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative à la résidence de l'enfant en cas de séparation des parents (no 416).
La parole est à M. Vincent Bru, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Monsieur le président, madame la ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur, monsieur le vice-président de la commission des lois, mes chers collègues, en guise de propos liminaire, je voudrais rappeler l'esprit dans lequel j'ai souhaité mener mes travaux de rapporteur : sans aucun a priori ni parti-pris.
La proposition de loi que nous examinons ce soir suscite les passions, voire des pressions, s'agissant d'un problème de société qui pose la question essentielle des relations entre l'enfant et ses parents. Certains estiment que nous n'allons pas assez loin ; d'autres, au contraire, que nous touchons à quelque chose d'essentiel qu'il convient de ne pas modifier.
En tout état de cause, j'espère que la discussion va permettre d'apaiser les inquiétudes qui ont pu naître dans le débat public sur certaines des dispositions proposées et que chacun est bien conscient que le seul objectif est l'intérêt de l'enfant.
Je voudrais tout d'abord souligner que la proposition de loi que nous examinons s'inscrit pour une large part dans un mouvement, lancé il y a plus de quarante ans, en faveur de l'égalité de chacun des parents en matière d'exercice de l'autorité parentale. L'égalité entre le père et la mère mariés avait été affirmée par la loi de 1970, qui a remplacé la « puissance paternelle » par l' « autorité parentale ». Puis l'égalité entre les parents séparés, qu'ils soient ou non mariés, a été affirmée par les lois de 1987 et de 1993, qui ont séparé la résidence de l'enfant de l'exercice de l'autorité parentale et généralisé l'exercice en commun de cette autorité. Le principe de coparentalité, selon lequel il est dans l'intérêt de l'enfant d'être élevé par les deux parents, a enfin été affirmé par la loi du 4 mars 2002, qui a notamment offert le choix entre la résidence alternée et la résidence au domicile de l'un des deux parents.
La proposition de loi prolonge cette évolution en posant, à l'article 373-2-9 du code civil, le principe de la double résidence de l'enfant, sans impliquer nécessairement un partage égal du temps passé chez chacun des deux parents. Elle consacre ainsi le droit de l'enfant à maintenir le lien avec ses deux parents.
Je souhaiterais ensuite souligner que cette proposition de loi est discutée au moment où notre société connaît de profondes mutations. Les séparations parentales concernent ainsi de plus en plus de familles : un couple sur trois se sépare avec, dans la moitié des cas, un enfant à charge. Par ailleurs, l'évolution des modes de vie familiaux témoigne de la volonté croissante de chacun des parents de s'investir davantage dans la relation avec son enfant. Aussi, en posant le principe de la double résidence de l'enfant en cas de séparation des parents, sans obliger à une répartition égale du temps entre les deux domiciles, la réforme proposée poursuit un triple objectif.
Premier objectif : préserver l'intérêt de l'enfant, en consacrant son droit à maintenir le lien avec les deux parents. La préservation des liens avec chaque parent est en effet essentielle à l'enfant. De nombreux pédopsychiatres, psychologues et professeurs de sciences de l'éducation ont souligné, au cours de nos auditions, la nécessaire présence des deux parents au quotidien, afin de préserver l'équilibre de l'enfant. L'enfant doit se sentir chez lui aussi bien chez son père que chez sa mère. En posant le principe de la double résidence, la proposition de loi permet donc d'appliquer pleinement la Convention internationale des droits de l'enfant, adoptée en 1989 et ratifiée par la France en 1990, qui reconnaît le droit des enfants à être élevés par leurs parents de manière à favoriser leur développement.
Deuxième objectif : mieux traduire la symbolique de l'égalité des parents. La réforme proposée s'inscrit dans la continuité de la loi de 2002, qui, je le rappelle, pose le principe de la coparentalité, en vertu duquel il ne faut pas qu'un parent se considère comme supérieur à l'autre, ou exclue l'autre. La double résidence permet en effet aux parents de prendre conscience qu'ils ont la même responsabilité et les mêmes devoirs vis-à-vis de leur enfant ; elle confirme l'égalité de chacun des parents quant à leurs droits et à leurs devoirs. Le partage de l'hébergement de l'enfant est de nature à favoriser une prise en charge plus égalitaire de celui-ci et un réel maintien de ses liens avec ses deux parents. Aux termes de l'article 373-2, alinéa 2, du code civil, « Chacun des père et mère doit maintenir des relations personnelles avec l'enfant et respecter les liens de celui-ci avec l'autre parent. »
Troisième objectif : faire évoluer la perception du rôle social de chacun des parents. Malgré une augmentation constante, quoique lente, des hypothèses de résidence alternée – 17 % des décisions de justice – et de résidence chez le père – 12 % des décisions de justice – , la charge quotidienne des enfants pèse encore très majoritairement sur les femmes. Certains choix, comme le fait, pour la mère, de renoncer à la demande de la garde majoritaire, sont encore difficiles à assumer ou à faire accepter par la société. Aussi, en posant le principe de la double résidence, la proposition de loi a pour objectif de faire évoluer la perception du rôle social de chacun des parents.
Avant d'en venir plus précisément au dispositif proposé, je voudrais rappeler que l'on souhaite faire disparaître l'actuel choix binaire entre résidence alternée et résidence au domicile de l'un des parents, au profit du principe selon lequel la résidence de l'enfant est fixée au domicile de chacun des parents, sans toutefois imposer une répartition égale du temps de présence chez chacun d'eux.
Plusieurs améliorations ont été apportées au texte initial par la commission des lois, en particulier à l'initiative de Caroline Abadie – que je remercie pour sa très grande implication lors des auditions et des travaux de la commission – , mais aussi sur ma proposition. Elles ont pour objet, d'une part, de laisser une plus grande liberté au juge dans sa décision et, ainsi, de permettre une appréciation au cas par cas dans l'intérêt de l'enfant ; et, d'autre part, de présenter les garanties nécessaires en cas de violences exercées par l'un des parents sur la personne de l'enfant ou de l'autre parent – on vise ici, en particulier, la violence faite à la mère.
La commission des lois a tout d'abord modifié la rédaction de l'article 373-2-9 du code civil : elle a ainsi prévu que la résidence de l'enfant est fixée au domicile de chacun des parents selon des modalités de « fréquence et de durée » déterminées par accord entre les parents ou par le juge. Il s'agit de poser le principe de la double résidence, qui n'implique pas nécessairement, je le répète, un partage égalitaire.
La commission a également défini les exceptions à ce principe. À titre exceptionnel, le juge peut fixer la résidence de l'enfant au domicile de l'un des parents. Dans ce cas, il statue sur les modalités du droit de visite de l'autre parent. Lorsque l'intérêt de l'enfant le commande, ce droit de visite peut, par décision spécialement motivée du juge, être exercé dans un espace de rencontre désigné par le juge.
La commission a, en outre, introduit des dispositions pour lutter contre le comportement violent de l'un des parents. Dans cet objectif, elle a maintenu les dispositions de l'actuel alinéa 4 de l'article 373-2-9 du code civil, qui visent à encadrer la remise de l'enfant, communément appelée « passage de bras », lorsque l'un des parents présente un danger pour l'enfant ou, surtout, pour l'autre parent – on vise ici évidemment le cas de violences faites à la mère.
La commission a par ailleurs utilement précisé, à l'article 373-2-1 du code civil, relatif à l'exercice unilatéral de l'autorité parentale, que, lorsque le juge confie l'exercice de l'autorité parentale à l'un des parents, il fixe la résidence de l'enfant au domicile de ce parent.
Afin de permettre aux parents d'adopter la nouvelle terminologie issue de la proposition de loi dans leurs conventions et pour permettre aux juges de tenir compte, dans leurs décisions, de la nouvelle rédaction de l'article 373-2-9 du code civil, la commission a également prévu une date d'entrée en vigueur différée de la loi, qui pourrait être fixée au 1er janvier 2019.
Tirant les conclusions de ses travaux, la commission des lois a enfin clarifié l'intitulé de la proposition de loi, l'expression « garde alternée » étant rayée du code civil depuis la loi du 22 juillet 1987 sur l'exercice de l'autorité parentale. Aussi a-t-elle fait le choix de la qualifier de proposition de loi « relative à la résidence de l'enfant en cas de séparation des parents ».
Pour conclure, je vous invite évidemment à adopter cette proposition de loi qui, loin de bouleverser le droit actuel, apporte une contribution intéressante au principe de coparentalité dans l'intérêt de l'enfant.
Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et REM.
La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur.
Monsieur le président, monsieur le vice-président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, je voudrais au préalable vous prier d'excuser Mme Belloubet, garde des sceaux, qui ne peut être présente aujourd'hui au banc du Gouvernement en raison du déplacement qu'elle effectue en Nouvelle-Calédonie avec le Premier ministre en vue des échéances importantes de 2018.
Dans un avis de 2014, le Défenseur des droits indiquait, sur la question importante de la résidence des enfants, qu' « un équilibre devait être trouvé entre la non-automaticité de la résidence alternée, dans l'intérêt de l'enfant, et l'exercice effectif de l'autorité parentale conjointe. De ce point de vue, l'affirmation d'une double résidence par principe, qui ne signifie en aucun cas le principe d'une résidence alternée paritaire, peut être perçue comme une évolution positive, en permettant de considérer chaque parent comme un parent à part entière. »
Le texte qui vous est soumis entend proposer cette évolution, que l'on peut qualifier de « positive ». C'est une initiative du groupe MODEM, et plus particulièrement de M. Philippe Latombe, qui a souhaité porter cette question devant la représentation nationale. Un travail de fond a été mené par la commission des lois, comme cela vient d'être exposé. Le rapporteur Vincent Bru n'a ménagé ni son temps ni ses efforts, épaulé en cela, en particulier, par Caroline Abadie qui a présenté et fait adopter des amendements qui ont permis de clarifier la rédaction de cette proposition de loi. Je souhaite ici les en remercier.
Le Gouvernement a porté un regard attentif et ouvert sur cette démarche, en s'assurant que soient respectés quelques principes et levées d'éventuelles ambiguïtés. De fait, en ces matières sensibles, qui concernent des millions de Français, où l'intérêt des enfants est en jeu, il faut faire preuve de clarté et de précision juridique.
Le titre initial a pu laisser entendre qu'il s'agissait d'ériger en principe la garde alternée. Les travaux de la commission des lois ont démontré que ce titre ne correspondait ni au contenu de ce texte ni à l'intention de ses auteurs. En tout état de cause, le Gouvernement a été très clair avec tous ses interlocuteurs sur ce point : il ne peut s'agir ici de généraliser la garde alternée, de la rendre obligatoire ou même de l'ériger en modèle positif. En effet, ce n'est ni souhaitable ni réaliste. Ce n'est pas souhaitable, car l'intérêt de l'enfant, qui doit être notre obsession dans ces dossiers, peut très souvent conduire à écarter la solution de la garde alternée, surtout quand les enfants sont très jeunes. Ce n'est pas réaliste non plus, car, dans la majeure partie des cas, les parents eux-mêmes ne le souhaitent pas.
L'objet de la proposition de loi n'est donc pas d'instaurer la garde alternée comme principe. Elle entend simplement prévoir qu'un enfant dont les parents sont séparés aura désormais deux résidences. Cela ne veut pas dire qu'il partagera son temps à parts égales entre les domiciles de ses deux parents. Encore une fois, ce texte ne consacre pas la résidence alternée parfaitement paritaire, mais la double résidence de l'enfant dont les parents sont séparés.
Je le répète, la résidence alternée paritaire ne peut être un modèle. Dans certains cas, elle est adaptée ; dans d'autres, elle ne l'est pas, notamment quand l'éloignement géographique est très important ou quand il existe un contexte de violences au sein de la famille. Or il s'agit avant tout de respecter l'intérêt de l'enfant. C'est la priorité absolue réaffirmée avec force par le Gouvernement.
Le texte issu de la commission des lois n'impose donc, à juste titre, aucun modèle, puisque chaque situation familiale est différente. Il laisse le choix aux parents, qui peuvent définir par eux-mêmes l'organisation la plus adaptée à leur enfant. En cas d'accord, s'ils veulent que cet accord ait la même force qu'une décision de justice, ils se soumettront au contrôle du juge auquel ils demanderont d'homologuer leur convention. Et ce contrôle judiciaire, encore, garantira que l'intérêt de l'enfant est préservé, comme cela est déjà prévu à l'article 373-2-8 du code civil. Ainsi, le juge homologue la convention, sauf s'il constate qu'elle ne préserve pas suffisamment l'intérêt de l'enfant ou que le consentement des parents n'a pas été donné librement.
De même, ce texte ne porte aucune atteinte à l'office actuel du juge en cas de désaccord entre les parents. Pour fixer les modalités concrètes d'organisation du temps de présence de l'enfant auprès de chacun de ses parents, le juge déterminera la fréquence et la durée du temps passé chez chacun des parents, en considération de l'intérêt de l'enfant, eu égard, comme aujourd'hui, aux informations dont il disposera sur la capacité de chaque parent à prendre en charge l'enfant sur le plan matériel et éducatif, et à respecter les droits de l'autre parent.
L'intérêt du texte est alors essentiellement symbolique, mais, en la matière, les symboles ne sont pas négligeables. Il tient dans une formule : L'enfant a deux parents avant la séparation ; il a deux parents après cette séparation. Le texte qui vous est aujourd'hui soumis est donc un texte d'équilibre et d'égalité, qui rappelle simplement ce principe.
Il est proposé ainsi de supprimer toute référence à une « résidence principale » de l'enfant chez l'un des parents avec un « droit de visite et d'hébergement » chez l'autre. Ces termes sont fortement critiqués. Il importe d'éviter qu'un parent, au détour de l'organisation de la vie de l'enfant déterminée par le juge, soit perçu comme gagnant ou perdant.
L'enfant aura donc une double résidence, fixée au domicile de chacun de ses parents, afin de traduire l'égalité entre eux. L'alternance des temps de résidence, et non le partage paritaire, sera le principe. Le parent disposant de moins de temps avec son enfant ne verra pas son rapport à son enfant réduit à un « hébergement » ou à une « visite », comme c'est le cas aujourd'hui.
Concrètement, l'enfant aura, par exemple, deux adresses inscrites sur ses pièces d'identité.
Ce principe de double résidence sera écarté en cas de circonstances exceptionnelles, comme des violences, des problèmes psychiatriques ou tout autre élément de nature à empêcher que l'enfant soit confié plus de quelques heures en journée à l'un de ses parents. Les violences constituent un point d'attention auquel le Gouvernement est spécialement sensible. Il ne saurait être question de revenir en la matière sur des acquis juridiques, qui protègent les femmes qui ont subi des violences de la part de leur conjoint et qui peuvent encore, après la séparation, faire l'objet de pressions inacceptables.
Dans un tel cas, par exception au principe affirmé par le texte dans son premier alinéa, le juge fixera la résidence de l'enfant au domicile de l'un de ses parents. Dans cette seule hypothèse, il fixera le « droit de visite », sans hébergement donc, de l'autre parent.
Ce droit de visite pourra être exercé au domicile du parent qui en bénéficie, si la situation le permet, ou, si nécessaire, notamment s'il y a un risque pour la sécurité de l'enfant, dans un espace de rencontre.
Le Gouvernement était à ce titre particulièrement attentif à ce que les dispositions relatives à ce que l'on appelle communément « le passage de bras » ne soient pas supprimées par cette proposition de loi. En effet, ces mesures d'accompagnement protégé, déjà prévues par le code civil, assurent un dispositif sécurisant pour tous.
Le Gouvernement a également été attentif à ce qu'il ne soit pas opéré de distinction entre les couples mariés et les couples non mariés. L'article 1er de la proposition de loi modifie un article du code civil, qui traite de façon indifférenciée de l'intervention du juge aux affaires familiales en matière d'autorité parentale, indépendamment du statut matrimonial des parents.
Ainsi, comme aujourd'hui, l'intérêt de l'enfant demeurera donc le seul critère de fixation des modalités de la responsabilité parentale.
Des points demeurent à parfaire. Le Gouvernement proposera des coordinations dans le code de la Sécurité sociale s'agissant de la désignation de l'allocataire pour l'attribution des allocations familiales, afin de neutraliser les effets de l'instauration de cette double résidence.
Un travail doit encore être mené avec la direction générale des finances publiques pour faire de même sur le plan fiscal, s'agissant de la détermination du quotient familial applicable au foyer fiscal. Une première approche est proposée par des amendements, mais il faut, de ce point de vue, creuser un peu plus encore pour éviter tout « effet de bord » et, là encore, proposer toute coordination pour sécuriser et neutraliser le dispositif. Le Gouvernement y veillera, mais cela suppose encore d'affiner les dispositifs juridiques de coordination nécessaires.
Le débat va donc se poursuivre, mais je considère d'ores et déjà que cette proposition de loi accompagne les évolutions de la société, sans bouleverser l'économie générale du droit de la famille. Je sais cette considération partagée par la ministre de la justice, qui n'a pu être présente aujourd'hui, mais dont l'action est guidée par le souci constant d'une législation permettant aux parents d'appréhender pleinement la portée de leurs droits et devoirs, a fortiori en cas de séparation du couple, auquel cas l'intérêt de l'enfant doit être tout particulièrement préservé.
Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et REM.
La parole est à Mme Marie-Pierre Rixain, présidente de la délégation de l'Assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes aujourd'hui toutes et tous réunis pour examiner une proposition de loi qui pose le principe de la double résidence de l'enfant, en cas de séparation des parents, sans que cela implique nécessairement un partage égal du temps passé chez chacun d'eux.
Je vous le dis clairement, je ne souhaite pas, ici et maintenant, ouvrir une polémique qui n'aurait qu'un effet contre-productif pour nous tous. Je me devais, toutefois, madame la ministre, mes chers collègues, de m'exprimer sur ce texte, parce que, en ma qualité de présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les femmes et les hommes de cette assemblée, les considérations auxquelles elle m'oblige ne me quittent jamais, même si la délégation n'a pas été saisie du texte.
De tous les liens du droit, les liens familiaux sont sans doute les plus importants, et ce, qu'elles qu'en soient la composition et la configuration. L'intérêt supérieur de l'enfant doit être l'objectif qui préside à l'élaboration de la règle de droit. Et c'est cet objectif commun qui doit nous animer.
Mais, au-delà de l'intérêt de l'enfant, ce texte porte aussi des enjeux d'égalité entre les femmes et les hommes. Comme l'écrivait Françoise Héritier : « Il reste deux bastions à conquérir : celui des esprits et celui de la sphère domestique. Le futur grand combat qui devra être mené doit porter non seulement sur le partage réel des tâches domestiques et parentales, mais aussi sur l'éducation et la culture transmises à nos enfants, qui justifient l'inégalité en ces domaines. »
Aujourd'hui encore, le partage des tâches domestiques et parentales reste inégalitaire en France. Elles sont respectivement effectuées à 71 % et à 65 % par les femmes. Par répercussion, l'augmentation des séparations cumulée aux inégalités de carrière et aux plus faibles salaires des femmes engendrent la précarité des mères seules et des familles monoparentales.
Aussi, dans ce contexte, favoriser l'implication des pères dans l'éducation quotidienne des enfants, est un premier pas en matière d'égalité des fonctions parentales et donc, in fine, en matière d'égalité entre les femmes et les hommes.
Sur la base de quels principes d'instinct maternel ou de naturalisme devrions-nous poser que l'enfant aurait plus besoin de l'un de ses parents ? Dans le même temps, être père ne peut plus être « où je veux et si je veux ». Les pères doivent s'engager dans les soins donnés aux enfants dès leur naissance et partager, séparés ou non, toutes les charges liées à la parentalité. C'est la réflexion que propose ce texte, et je constate que le débat existe et à quel point il est nécessaire.
Une société égalitaire doit promouvoir la libération des femmes du carcan du foyer dans lequel elles ont été autrefois strictement enfermées. Favoriser l'égale implication des femmes et des hommes dans l'éducation des enfants, c'est faire progresser toute la société. Ainsi, il serait bon de ne pas restreindre ce débat à une lecture trop simpliste de ce texte – les droits des pères contre ceux des mères – , mais, à l'inverse, d'envisager très largement les enjeux transversaux qui s'y attachent.
Cette proposition de loi, telle que modifiée en commission des lois, permet de poser le principe de la double résidence de l'enfant, en sortant de l'actuel choix binaire entre résidence alternée et résidence au domicile de l'un des parents, tout en soulignant qu'elle n'implique pas nécessairement un partage égalitaire du temps passé par l'enfant chez chacun de ses parents. Il s'agit d'impulser un changement des pratiques et des mentalités dans l'éducation des enfants, afin que les pères, encore insuffisamment investis, puissent prendre toute leur part de responsabilité dans l'éducation des enfants.
Néanmoins, il est absolument nécessaire d'exclure de ce dispositif les situations de pressions ou de violences intrafamiliales. Comme le rappellent Ernestine Ronai et Édouard Durand, « la violence dans le couple se heurte aux fondamentaux de la coparentalité ». On estime chaque année que 223 000 femmes sont victimes de violences conjugales et que 143 000 enfants vivent dans un foyer où une femme a déclaré être victime de violence de la part de son conjoint ou de son ancien conjoint ; 42 % de ces enfants ont moins de six ans.
Or cette proposition de loi ne mentionne pas expressément les pressions ou les violences physiques ou psychologiques que l'un des parents exerce sur l'autre ou sur l'enfant comme l'un des éléments que le juge doit prendre en compte pour déroger à la résidence des enfants au domicile des deux parents, qui s'exerce dans un esprit de coparentalité.
Rappelons-le : un mari violent ne saurait être un bon père, le continuum des violences familiales et intraconjugales a été longuement démontré. Les enfants sont des témoins des violences conjugales, quand ils n'en sont pas directement les victimes. La protection contre les violences exercées tant sur l'un des parents que sur l'enfant, devrait figurer explicitement dans ce texte.
Enfin, je souhaite évoquer un dernier point sur lequel je serai particulièrement attentive : l'impact économique de cette disposition pour les familles monoparentales. Jusqu'à aujourd'hui, en cas de résidence alternée, avec ou sans partage égal du temps, les droits aux prestations sociales sont partagés entre les deux parents au prorata du temps que l'enfant passe chez chacun d'eux. Il ne faut pas amoindrir la part des aides sociales qui devrait revenir au parent le plus démuni, qui est encore, bien trop souvent, la mère.
Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion de la proposition de loi relative à la résidence de l'enfant en cas de séparation des parents.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Catherine Joly