La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
Cet après-midi, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.
La parole est à Mme Amélie de Montchalin.
Monsieur le secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, chers collègues, c'est aujourd'hui la sixième fois que j'ai l'honneur de m'exprimer devant vous, au sujet d'un texte budgétaire soumis à notre examen. Le projet de loi de finances – PLF – , le projet de loi de programmation des finances publiques – PLPFP – puis le projet de loi de finances rectificative – PLFR – consacré à la taxe sur les dividendes m'ont donné plusieurs fois l'occasion d'expliciter les raisons pour lesquelles nous portons fièrement ce budget et nos orientations budgétaires.
Avec le début de l'examen de ce second PLFR pour 2017, également appelé collectif budgétaire de fin d'année, nous arrivons à la fin de ce premier processus budgétaire du quinquennat. Avec les textes précédents, nous avons oeuvré à la fois à inscrire notre action dans la durée et à traduire les engagements pris par le Président de la République et sa majorité.
Avec le PLFR « Taxe sur les dividendes », nous avons supprimé une taxe illégale, réparé une injustice, tout en garantissant que cela n'affecte pas la sortie de la France de la procédure pour déficit excessif.
Avec le PLPFP, nous avons inscrit sur cinq ans la trajectoire des finances publiques sur laquelle nous souhaitons mettre la France, qui devrait nous permettre de réduire la dette publique de 5 points de PIB, la dépense publique de 3 points de PIB, le déficit public de 2 points de PIB et les prélèvements obligatoires de 1 point de PIB d'ici 2022.
Avec le PLF, nous avons donné une incarnation concrète et politique aux idées portées pendant nos campagnes présidentielle et législative. Nous avons oeuvré à ce que le travail paie, à ce que l'investissement vienne faire grandir nos entreprises, à ce que nos priorités – l'éducation, la défense, la justice, l'enseignement supérieur et la recherche – soient financées, et à ce que les plus fragiles soient protégés. La majorité à laquelle j'appartiens assurera un suivi minutieux de ces mesures, car son travail, nous le savons, ne s'arrête pas avec le vote du budget.
Aujourd'hui, avec ce PLFR pour 2017, nous soldons le passé, afin d'avoir les mains libres pour l'avenir.
Ce collectif budgétaire, qui peut paraître comme une formalité, est extrêmement important, et ce à plusieurs titres. D'abord, il permet d'absorber près de 13 milliards d'euros qui n'avaient pas été inclus dans la loi de finances initiale. Ensuite, il conforte pleinement l'objectif de passer sous la barre des 3 % de déficit et permet de maintenir une prévision de déficit à 2,9 % du PIB en 2017 et 2,8 % du PIB en 2018. Cette trajectoire est également rendue possible grâce au premier PLFR voté ici il y a quelques jours, et désormais pleinement validé par le Conseil constitutionnel.
Enfin, ce PLFR est important car il nous permet de tenir nos engagements en couvrant des dépenses que nous avons déjà engagées pour mettre en oeuvre nos priorités politiques. La fin de gestion se traduit ainsi par des ouvertures de crédits à hauteur de 3,9 milliards d'euros. Les dépenses les plus urgentes, soit 843 millions, sont portées par le décret d'avance, qui a été examiné en commission.
Nous soldons le passé, non seulement en ouvrant des crédits pour répondre aux besoins qui n'avaient pas été couverts, mais également en mettant enfin en place des engagements de longue date, tel que le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu dès 2019, une réforme de justice fiscale dont bénéficieront notamment les classes moyennes qui, à la fin de chaque mois, connaîtront précisément l'argent dont elles disposent pour consommer, vivre et mener leurs projets.
Par ce PLFR, nous nous mettons également en conformité avec des décisions de justice et corrigeons des situations devenues injustifiées en divisant par deux les intérêts moratoires dus tant par l'État que par les contribuables.
Mais ce PLFR ne fait pas que cela : il prépare également l'avenir. Il répond non seulement à des sous-budgétisations identifiées par la Cour des comptes, mais aussi à de nouveaux besoins au coeur même des politiques que nous voulons mener : par exemple, pour financer la hausse de la prime d'activité, l'augmentation de l'allocation adultes handicapés, de nouveaux contrats aidés, l'hébergement d'urgence et les aides personnelles au logement. C'est également pourquoi il vise à moderniser et simplifier notre fiscalité, tout en renforçant nos moyens de lutte contre la fraude.
Ainsi, ce texte s'inscrit parfaitement dans le quadriptyque qu'il forme avec le PLF, le PLPFP et le PLFR « Taxe sur les dividendes ». Il permet de finir de préparer un terrain propice à la reprise économique solide que nous appelons de nos voeux.
C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite, avec notre majorité, à voter ce PLFR.
Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.
Monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, c'est peut-être le Haut conseil des finances publiques qui résume le mieux ce premier exercice budgétaire du quinquennat. Il pointe en effet du doigt un effort structurel « quasi inexistant en 2017 et très faible dans la prévision pour 2018 », alors qu'il souligne que « l'amélioration de la conjoncture économique crée des conditions plus favorables à la réalisation d'un tel effort ».
Le Gouvernement se félicite de faire passer le déficit sous la barre des 3 % ce qui permet à la France de sortir de la procédure européenne de déficit excessif. Ce qu'il dit moins, c'est que l'embellie provient presque exclusivement d'une conjoncture favorable, qui dope certaines recettes de l'État.
Celles-ci s'établiront à 304 milliards d'euros, en hausse de 2,1 milliards par rapport aux prévisions du premier PLFR. L'État profite en effet de la conjoncture pour enregistrer des rentrées fiscales plus importantes que prévu. La recette de la TVA devrait être supérieure de 900 millions à ce qui était prévu. La recette de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques – TICPE – devrait dépasser de 800 millions les précédentes prévisions. Par ailleurs, le Gouvernement bénéficiera d'une baisse de 1,5 milliard du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne.
Dans le même temps, cependant, les dépenses augmentent aussi plus vite que prévu. La dépense publique progresse de 1,9 % entre 2016 et 2017, ce qui n'a pas échappé à la Commission européenne, qui se montre toujours inquiète – la France reste championne des dépenses publiques des pays développés. Elle estime que le risque de dérapage budgétaire de la France reste à nouveau « significatif ». En effet, le niveau du déficit augmente de plus de 7 % par rapport à celui de 2016. La dette devrait atteindre 96,9 % du PIB en 2018.
Parmi les principales mesures de ce PLFR, il en est une que nous dénonçons : le prélèvement à la source. Après avoir repoussé sa mise en oeuvre d'un an, le Gouvernement confirme dans ce PLFR sa mise en place au 1er janvier 2019.
Le Gouvernement, tout comme son prédécesseur socialiste, nous vend cette mesure comme étant une grande mesure de simplification administrative. Il n'en est rien, bien au contraire. Le prélèvement à la source complexifiera le travail de nos entreprises, qui n'ont vraiment pas besoin d'une nouvelle charge administrative.
De fait, les entreprises seront conduites à collecter l'impôt sur le revenu de leurs employés. Cette charge de travail supplémentaire ne sera pas simple à encaisser pour nos TPE et nos PME, qui souffrent déjà de la complexité administrative à la française.
Et qu'en sera-t-il de la protection de la vie privée du salarié ? L'employeur, informé du taux d'imposition, pourra se faire une idée, bonne ou mauvaise, des revenus du couple au lieu de connaître uniquement la rémunération de son salarié. Cette information pourra dès lors influer sur les déroulements de carrière, l'avancement, les mutations, les promotions ou les rémunérations. Le prélèvement à la source modifie aussi le rapport entre les Français et l'État : la relation directe entre le contribuable et l'État, qui est au coeur du principe du consentement à l'impôt, va disparaître.
La retenue à la source présente aussi l'avantage pour un gouvernement, et c'est sans doute un motif inavoué de la réforme, de rendre l'impôt indolore, anesthésiant. Selon les audits commandés par Bercy à l'inspection générale des finances, cette réforme devrait coûter autour de 420 millions d'euros aux entreprises.
La mensualisation de l'impôt sur le revenu aurait été une mesure de bon sens, plus simple, plus efficace et plus prévisible pour les ressources de l'État.
Malheureusement, la complexification des normes semble être le maître mot de ce PLFR. La France compte encore 192 taxes qui rapportent moins de 150 millions d'euros. Dans une démarche de simplification, année après année, l'Assemblée nationale s'est appliquée à supprimer les petites taxes. Le Gouvernement a aussi multiplié les déclarations de principe, expliquant qu'il fallait continuer à être plus vertueux, mais force est de constater dans ce PLFR un foisonnement et une multiplication de ces petites taxes.
La commission des finances a ainsi eu le bon goût de supprimer l'article 22 du PLFR, portant sur la fiscalité relative à l'exploitation des gîtes géothermiques et par lequel le Gouvernement tentait d'instaurer une taxe qui ne devait rapporter que 40 000 euros !
D'une façon générale, nous sommes contre la création de toute nouvelle taxe, d'autant que cela n'a pas sa place dans un PLFR. Une loi de finances rectificative a pour vocation de modifier les dispositions de la loi de finances pour l'année en cours, non de changer la fiscalité au dernier moment et d'irriter un peu plus les contribuables exaspérés de ces basses manoeuvres.
Au-delà de la création de taxes, on peut réellement se poser la question de la cohérence du Gouvernement, qui veut augmenter la fiscalité des hydrocarbures, puis de l'exploitation des gîtes géothermiques !
De la cohérence, nous en demandons non seulement dans l'imposition mais aussi dans l'attribution des aides.
Nous n'avons cessé de le dire : le PLF s'en prenait farouchement aux territoires ruraux. Le PLFR est dans la même veine.
Alors que le décret du 27 juin 2017 donne de la souplesse aux communes pour la mise de place des rythmes scolaires, le Gouvernement décide de réserver les aides du fonds de soutien au développement des activités périscolaires aux seules communes qui ont décidé de rester à quatre jours et demi.
« Évidemment ! » sur les bancs du groupe REM.
Près de 30 % des écoles sont revenues à la semaine de quatre jours, un chiffre évidemment plus important dans les territoires ruraux. Le Gouvernement, en supprimant ces aides, fait abstraction des activités périscolaires qui resteront en place dans les communes ayant décidé de revenir à la semaine de quatre jours. Dommage pour ces communes qui réussissent à concilier organisation du temps scolaire et activités périscolaires !
La seule bonne mesure à souligner dans ce PLFR est la reprise d'une proposition faite par notre groupe Les Républicains. Il s'agit de faire passer les intérêts dus en cas de retard de paiement par le contribuable ou par l'État de 4,8 % à 2,4 % au 1er janvier 2018.
Aussi, pour toutes les raisons évoquées précédemment, le groupe Les Républicains s'opposera à ce texte.
Nous espérons que les prochains exercices budgétaires comprendront plus de réformes structurelles pour profiter de la reprise mondiale de la croissance, afin que la France ne soit plus considérée comme faisant partie des pays à la traîne en Europe.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Cette semaine qui débute est pour notre assemblée l'occasion d'examiner un nouveau projet de loi de finances rectificatives pour 2017 ; le deuxième, après celui, débattu en urgence, concernant la taxe exceptionnelle pour les entreprises. Le moins que l'on puisse dire c'est que vous n'avez pas le souci de la simplicité : il aurait suffi que nous débattions d'un seul et unique texte.
Si vous n'êtes pas simples, au moins êtes-vous cohérents puisque ce projet de loi vient confirmer les prévisions économiques sur lesquelles vous vous êtes fondés pour bâtir le budget pour 2018.
Malgré cela nous ne sommes pas dupes et la Commission européenne ne s'est pas non plus laissé endormir par vos déclarations d'intention : elle vient de classer la France parmi les six pays dont le budget 2018 présente un « risque de non-conformité » avec les objectifs européens. En clair, elle estime qu'il y a un risque que nos équilibres budgétaires soient durablement fragilisés, non pas à cause de la conjoncture mais bien à cause des choix qui ont été faits.
Ces choix se concrétisent dans le plan d'économies que vous vous êtes méticuleusement employés à mettre en oeuvre, presque en catimini, au milieu de la torpeur estivale. Son montant s'élève au total à 5 milliards d'euros, dont 4,2 milliards obtenus par des annulations de crédits.
Un décret d'avance ouvre 843 millions d'euros de crédits pour les dépenses les plus urgentes, notamment en matière de personnels. Le plus intéressant, ce sont les crédits que vous annulez : 212 millions au détriment la mission « Travail et emploi ». Heureusement qu'il s'agit de l'une de vos priorités ! Il faudra tout de même aller l'expliquer sur le terrain, par exemple aux professionnels qui oeuvrent dans les maisons de l'emploi.
Ne parlons pas des 48 millions que vous retirez à la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». La justification que vous en donnez pourrait passer pour de l'humour si la situation de nos territoires n'était pas si grave : selon vous, il y aurait une sous-consommation de la dotation de soutien à l'investissement local. Comment expliquez-vous alors que dans certains territoires les préfets annoncent aux élus que tous les crédits ont été consommés ?
Le PLFR que nous examinons ouvre 3,1 milliards d'euros de crédits au bénéfice d'un nombre de missions restreint, mais qui apparaissent très stratégiques compte tenu des coupes drastiques que vous leur faites supporter dans le budget de l'année prochaine.
Vous prévoyez une rallonge de 188 millions pour financer les contrats aidés mais cela ne fera pas oublier la réalité de votre politique. Ce sont notre tissu associatif et nos collectivités territoriales que vous frappez ! Je ne parle même pas de la philosophie qui sous-tend cette démarche. « Que ceux qui les défendent les prennent ! Ils n'en voudraient pas pour eux-mêmes ! » : c'est en ces termes que le Président de la République nous a répondu. Nous ne cesserons de le dire : les contrats aidés sont, pour nos communes et nos associations, la garantie de services de proximité et pour les titulaires de ces contrats l'assurance d'un maintien dans l'emploi, d'un salaire et d'une formation.
Par ailleurs, nous proposons de reculer l'entrée en vigueur de l'article 36, qui vise à exclure du bénéfice de fonds de soutien au développement des activités périscolaires – FSDAP – les communes et les établissements publics de coopération intercommunale dont les écoles reviennent, malheureusement, à l'organisation de la semaine scolaire sur quatre jours, au 1er janvier 2018 au lieu de la rentrée 2017. Sachez que ceux qui ont renoncé à la semaine de quatre jours et demi, en particulier dans les territoires ruraux, y ont été contraints par les difficultés d'organisation et de gestion des temps courts, par le manque de compétences et par le fait que le soutien du milieu associatif lui-même a été mis à mal par les coupes drastiques opérés dans le financement des emplois aidés. Les enfants de la ruralité ont pourtant droit autant que les autres aux activités culturelles et sportives. Comment comptez-vous assurer l'exercice de ce droit ?
Concernant l'article 13, je veux affirmer ici toute ma solidarité avec les gens du Nord et du Pas-de-Calais.
Ce territoire a besoin d'un levier puissant pour retrouver une croissance durable. Cependant, monsieur le secrétaire d'État, prenez garde aux « effets de zone », c'est-à-dire aux effets d'aubaine à l'intérieur de la zone qui ont des retombées négatives en périphérie. Il me semble que ce qu'on souhaite, dans ces territoires, c'est un dispositif progressif tenant compte des difficultés économiques et sociales. Ne laissons personne au bord du chemin.
Voilà quelques-unes des raisons pour lesquelles nous ne voterons pas ce texte.
Dans le cadre de l'examen de ce PLFR pour 2017, nous proposons de mettre en oeuvre le prélèvement à la source dès janvier 2019. Je voudrais axer mon intervention sur cette réforme qui paraît très rationnelle et suscite cependant beaucoup de passion.
Quoi de plus rationnel en effet que de payer au moment de percevoir ses revenus l'impôt y afférent, au niveau le plus juste possible, comme c'est le cas d'ailleurs des prélèvements sociaux ?
Ce dispositif permet au contribuable d'être soumis à une imposition directement corrélée aux fluctuations de ses revenus, qu'elles soient dues à un mariage, un changement de vie, l'entrée dans une carrière, un départ à la retraite, une période de chômage… Cela évite de dépenser l'argent qu'on doit et de jouer les Pierrette avec son pot au lait. En France ce sont près de sept millions de foyers qui chaque année connaissent une variation de revenus significative, c'est-à-dire supérieure à 30 % !
C'est également vrai pour l'État. N'est-il pas plus vertueux de toucher tout de suite une recette incrémentale liée à une amélioration de notre économie ou au contraire de pouvoir prendre les décisions rapidement en cas d'inversion de la conjoncture plutôt que d'attendre un an ?
Mais voilà que, alors même que cette réforme impulsée par le précédent gouvernement devrait rassembler ; mais voilà que, alors même que la révolution digitale s'impose à tous ; mais voilà que, alors même que la quasi-totalité des pays européens ont adopté une réforme similaire, les forces conservatrices, si vous me permettez ce mot, se sont réveillées
Vives exclamations sur les bancs du groupe LR et du groupe MODEM
oubliant au passage que Thierry Breton, ministre du gouvernement Villepin, avait aussi voulu la mettre en place !
Dans une organisation ou une entreprise, on appellerait ça les freins au changement !
Mêmes mouvements.
Je me suis contenté d'écouter ce qu'ont dit un certain nombre d'orateurs.
C'est honteux, de dire ça ! Nous ne sommes pas conservateurs, nous sommes modérés et réfléchis !
C'est une réforme logique et réfléchie, et que n'a-t-on entendu ! Confidentialité, coût, ruralité, refus des entreprises, « cheval de Troie », apocalypse, complexité…
… on réveille toutes les peurs, on agite tous les chiffons rouges !
Considérons ces objections une par une si vous le voulez bien. Est-ce complexe pour les entreprises ? Non, je suis désolé !
Elles jouent déjà ce rôle de collecte des prélèvements pour le compte de l'État, qu'il s'agisse de la CSG ou des cotisations Urssaf ! Certes, l'adaptation qui leur est demandée aura un coût, mais qui sera raisonnable. Ce sera surtout le coût de l'information et de l'accompagnement des collaborateurs, puisque les échanges entre l'administration et les collecteurs sont totalement dématérialisés.
Est-ce complexe pour les concitoyens ? Non ! Par défaut, ils n'auront absolument rien à faire.
Seulement dans le cas où ils voudraient individualiser leur taux, ils devront se connecter à un site en ligne, mais cela se fait très simplement et en deux clics, comme beaucoup d'entre nous ont pu le constater.
La complexité qui a été pointée par certains d'entre vous n'est pas celle du prélèvement à la source mais celle de notre impôt lui-même, ce qui est très différent.
Y a-t-il un risque pour la confidentialité ? Là encore je réponds non ! D'abord il est très compliqué de reconstituer les revenus à partir du taux de l'impôt.
Ensuite l'administration fiscale a prévu deux options importantes : un taux individualisé pour chaque membre du foyer fiscal, voire un taux neutre pour ceux qui voudraient masquer leur taux réel ; et la possibilité de déclarer directement au fisc les revenus autres que les salaires.
Y a-t-il un risque pour les habitants des communes rurales, comme on l'a aussi entendu ? Non ! Ah, cette ruralité systématiquement instrumentalisée par certains… Vous n'avez pas le monopole de la ruralité !
Elle produit, elle innove, elle est vivante. Une fois de plus, le contribuable n'aura rien à faire. C'est seulement s'il veut activer certaines options qu'il devra recourir à internet. Et je vous rappelle que l'État s'est engagé sur une couverture très haut débit avant la fin de l'année 2022 !
En outre un programme d'accompagnement est prévu dans les trésoreries et les maisons de services au public dans cette perspective.
Enfin, y a-t-il un risque dans la mise en oeuvre ? Non ! Le prélèvement a été longuement testé par de très nombreuses entreprises de toutes tailles, ce qui a permis de détecter quelques problèmes mineurs et de les corriger.
Bref, dans sa grande sagesse, le Gouvernement a repris à son compte une réforme logique de modernisation de l'impôt, en y ajoutant une évaluation et un test grandeur nature d'un an pour améliorer l'outil et permettre à tous de s'y préparer.
Applaudissements sur les bancs du groupe REM.
Je voudrais examiner avec vous deux articles de ce projet de loi de finances rectificative, avant de faire un petit rappel, un petit plaisir pour le dessert.
Sourires.
La grande nouveauté de ce projet de loi de finances rectificative pour 2017, c'est bien sûr le prélèvement à la source, véritable usine à gaz, applicable à compter du 1er janvier 2019 alors que cela devait être à l'origine dès janvier 2018.
Ce qu'il faut retenir c'est qu'en 2017, les contribuables ont payé l'impôt sur le revenu perçu en 2016 et qu'en 2019 ils paieront leur impôt sur le revenu de 2019. Qu'en sera-t-il de l'impôt dû au titre des revenus perçus en 2018 ? Désormais on n'appelle plus ça une année blanche, mais un avoir fiscal. C'est extraordinaire : bien sûr que si, que c'est une année blanche, il faut quand même le dire ! 2018 sera une année blanche – le cadeau du Père Noël.
Ce qui ne change pas, c'est que les contribuables devront toujours remplir une déclaration de revenus, chaque année, et qu'il faudra bien opérer des régularisations, alors qu'on nous dit que c'est une simplification.
Ce qui va changer c'est la notion de « contemporanéité ». Le mot est lâché. L'impôt sera prélevé sur le salaire, la pension ou le traitement au moment de leur versement par l'entreprise, la caisse de retraite ou l'administration. Il faudra donc informer l'employeur des revenus de son conjoint pour qu'il puisse appliquer le taux exact, et même si on ne donne pas de montant précis, le taux sera en lui-même une indication. Il y aura un taux neutre, mais si la somme réellement due est supérieure, le contribuable sera soumis à des pénalités.
Le problème c'est qu'on transfère aux employeurs le soin de collecter l'impôt. Mais cela n'a rien à voir avec leur mission d'origine ! Jusqu'ici, une entreprise était là pour produire, vendre, innover, investir. Et voilà qu'elle devient collecteur d'impôt ? C'est une nouveauté !
Cette réforme présente deux autres inconvénients : elle remet en cause la confidentialité et la sécurité des données fiscales.
L'impôt sur le revenu français a trois caractéristiques : il est progressif, familialisé et conjugalisé. On voit les difficultés qui ne vont pas manquer de surgir, s'agissant par exemple des indépendants ou des gérants majoritaires. On nous dit qu'ils continueront à payer l'impôt sous forme d'acompte : dans ces conditions, qu'est-ce qui change réellement pour ces catégories ?
Et puis allons au bout de la logique : le crédit d'impôt au titre des services à la personne devrait lui aussi être rendu « contemporain » !
On nous a dit tout à l'heure qu'en matière de prélèvement à la source, le problème de confidentialité n'existait pas. Dans ce cas, pourquoi le PLFR prévoit-il des sanctions pénales en cas de violation du secret fiscal ? Des amendements proposent d'aligner le régime de ces sanctions sur le droit commun, à savoir un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende pour le chef d'entreprise en cas de violation du secret fiscal. Quant aux pénalités en cas de défaillance, il s'agit là aussi d'une nouveauté.
Un autre article m'interpelle également, mais je souhaite terminer sur le prélèvement à la source, et plus précisément sur son coût pour les entreprises. Selon une estimation du Sénat, il serait bien supérieur à ce qu'imagine Bercy : 1,3 milliard à la charge de nos entreprises françaises. C'est vrai, elles se portent si bien, on peut leur demander ce sacrifice…
Ce collectif budgétaire n'est donc pas une formalité : il reporte une décision pour un motif politique, absolument pas technique. En effet, la CSG augmentera de 1,7 point le 1er janvier, avec un impact le 30. La vérité est que vous n'avez pas voulu assumer à la fois cette hausse et le prélèvement à la source sur un seul mois.
Et l'article 13, franchement… On y crée un dispositif d'exonération fiscale pour les entreprises qui se créent dans les bassins urbains à dynamiser… dans le seul Nord-Pas-de-Calais ! Les autres territoires s'en passeront.
Enfin, pour terminer, madame la présidente, l'article 24 prévoit la réduction du taux de l'intérêt de retard et de l'intérêt moratoire. C'est très exactement ce que demandait un amendement déposé dans le premier collectif budgétaire pour 2017 et que vous aviez rejeté. Il semble que c'était tout de même une bonne idée, puisque le Gouvernement y est revenu !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Nous commençons ce soir l'examen en première lecture du projet de loi de finances rectificative pour 2017.
Ce collectif budgétaire confirme l'engagement du Gouvernement de maintenir le déficit public en dessous du seuil des 3 %, permettant ainsi à la France une sortie de sa procédure de déficit excessif dès l'année prochaine. Malgré l'invalidation par le Conseil constitutionnel de la taxe sur les dividendes, les députés de la République en Marche se félicitent que le Gouvernement garde le cap de sa trajectoire budgétaire, permettant de libérer du pouvoir d'achat pour les Français et de diminuer les charges pour les entreprises, conditions intrinsèques d'une reprise soutenable de notre économie.
L'actualisation des indicateurs économiques pour la fin de l'année confirme les perspectives de croissance, avec une estimation du taux revue à 2,2 % pour la zone euro d'après la Banque centrale européenne et qui est de 1,7 % pour la France en 2017. Si cette embellie génère une hausse des recettes fiscales attendues, elle ne doit pas ralentir les efforts d'amélioration du déficit structurel et de maîtrise de la dette. Malgré des taux d'intérêt encore bas et le retour de l'inflation à un taux de 1,1 %, la prévision de charge de la dette est revue cette année à la hausse, de 0,3 milliard d'euros.
Une telle révision à la hausse, la première depuis 2011 dans un collectif budgétaire, témoigne de la vigilance dont nous devons faire preuve concernant l'évolution des emprunts de l'État. En tant que rapporteures spéciales de la mission « Engagements financiers de l'État », ma collègue Dominique David et moi-même y serons particulièrement attentives.
Je souhaiterais maintenant revenir sur un certain nombre de mesures fiscales figurant dans ce PLFR en matière de mise en conformité et de renforcement de nos dispositifs de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales, deux sujets plus que jamais d'actualité.
Plusieurs dispositions de ce texte portent sur la mise en conformité de notre droit à la suite de décisions de justice nationale et européenne. Seul l'article 11 prend un peu son indépendance en ne reprenant pas exactement les critères de déductibilité des retenues à la source prélevées à l'étranger fixés par la jurisprudence du Conseil d'État dans les arrêts Céline et LVMH. Il prévoit dans tous les cas que les retenues à la source prélevées à l'étranger conformément aux stipulations des conventions ne seront pas déductibles et que les crédits d'impôt tomberont en non-valeur.
Les articles 19 et 20, relatifs à la taxe sur la publicité et à la taxe sur les éditeurs de services de télévision, tirent les conséquences de décisions du Conseil constitutionnel. L'article 26 consolide le contrôle de l'épargne réglementée suite à l'invalidation par le Conseil d'État du contrôle réalisé par la direction générale des finances publiques – DGFIP.
Surtout, l'article 14 modifie les conditions d'application du régime spécial des fusions. Il supprime la procédure d'agrément préalable pour les opérations de restructuration impliquant une personne morale étrangère, jugée non conforme avec le droit de l'Union européenne dans l'affaire Euro Park. À cet égard, nous avons vu en commission que certaines améliorations pouvaient être apportées : notre rapporteur général les a présentées tout à l'heure.
Ces régularisations sont certes nécessaires, mais doivent néanmoins nous alerter, nous législateur, sur notre rôle de garant a priori de la conformité de la loi, particulièrement au regard du cadre européen. D'après le rapport annuel 2016 de la Commission européenne, la France comptait cette même année quatre-vingt-trois cas d'infractions pour transposition incorrecte ou mauvaise application des règles européennes et trente-cinq pour transposition tardive des directives, ce qui classe notre pays à la sixième place parmi les plus mauvais élèves.
L'effet direct et la primauté du droit de l'Union, consacrés par la jurisprudence européenne, sont des réalités que nous, parlementaires, devons être capables d'anticiper, de comprendre et d'articuler avec les mesures que nous votons dans cette enceinte.
Au sein du groupe La République en marche, nous tenons également à saluer dans ce projet de loi de finances rectificative les dispositions prises pour renforcer la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales. On a pu dénoncer encore ces dernières semaines les injustices que ces comportements mettent en exergue et la nécessité pour l'Union européenne et la communauté internationale de se mobiliser.
On peut souligner le renforcement de la clause de sauvegarde, à l'article 15, pour l'imposition des revenus réalisés par l'intermédiaire de structures établies en dehors du territoire et soumis à un régime fiscal privilégié, ainsi que les dispositions concernant les obligations des institutions financières, leur contrôle et les procédures de recouvrement forcés mises en oeuvre par les comptables publics et qui devront permettre de faciliter le travail de l'administration fiscale.
Pour finir, nous voyons que si la lutte contre la fraude fiscale nécessite des sanctions lourdes, elle implique aussi une forte coordination de nos dispositifs internes avec ceux prévus par les conventions fiscales et le droit de l'Union européenne. Même si la tentation est grande d'aller vite et seuls, nous devons garder à l'esprit qu'il n'y a que par la coopération que nous parviendrons à réduire comme peau de chagrin les schémas de fraude et d'évasion fiscales. Nous pouvons et nous devons être moteurs dans cette action collective.
Applaudissements sur les bancs du groupe REM.
Le projet de loi de finances rectificative prévoit d'accroître notamment les crédits de la mission « Égalité des territoires » de 135 millions d'euros. Si ce montant est jugé par notre excellent rapporteur général comme une augmentation de crédit « non significative », ces 135 millions concernent le remboursement de la Caisse nationale des allocations familiales de près de 20 millions pour le paiement de l'allocation de logement temporaire, lequel n'avait pas été prévu à cette hauteur. S'y ajoutent également 46 millions afin d'assurer l'équilibre financier du Fonds national d'aide au logement. C'est dire l'erreur de prévision initiale de la loi de finances : ce sont 166 millions d'euros qu'il aurait fallu ajouter en dépenses nouvelles si la baisse de 5 euros des APL n'était pas intervenue dès le mois d'octobre ! Je n'entre pas dans le fond du débat et je ne m'attache qu'à l'erreur de prévision. Enfin, sont ajoutés 70 millions d'euros destinés à financer les dispositifs d'hébergement d'urgence.
Je voudrais m'attarder sur l'évolution de ces crédits d'hébergement au fil de l'exécution de la loi de finances pour 2017.
Au mois de juillet, nous avons été saisis par le Gouvernement d'un décret d'avance prévoyant une augmentation de 122 millions en crédits de paiement pour cette même mission. L'ouverture de ces crédits a permis de faire face aux insuffisances des dotations inscrites en loi de finances initiale, comme l'avait établi la Cour des comptes.
Ces crédits ont financé l'ouverture des places d'hébergement d'urgence nécessaires à la mise à l'abri des migrants en transit, notamment sur le territoire parisien, compte tenu de la saturation des dispositifs existants et de l'aggravation de la situation liée à de nouvelles évacuations dans le nord parisien.
Enfin, ces crédits oubliés dans la loi de finances initiale ont permis de rembourser les opérateurs qui avaient pris à leur charge la mesure de pérennisation des 5 000 places hivernales afin d'éviter les remises à la rue à la sortie de l'hiver 2016-2017.
En novembre, le Gouvernement nous a saisis d'un nouveau décret d'avance, prévoyant une augmentation de 65 millions des crédits destinés au financement de l'hébergement d'urgence. Ces crédits visent là encore à financer les opérateurs qui assurent l'hébergement d'urgence notamment des personnes migrantes en Île-de-France, et en particulier les centres d'hébergement d'urgence ainsi que le Samu social à Paris. Il convient en effet de prévenir toute situation de rupture de trésorerie – nous dit-on dans le rapport de présentation du décret d'avance – qui pourrait fragiliser les opérateurs et remettre en cause le principe de continuité de l'accueil.
En six mois donc, les crédits de l'hébergement d'urgence ont augmenté de 257 millions. La loi de finances initiale prévoyait une enveloppe de 1,741 milliard et, après ces trois mesures, loi de finances et décrets d'avance compris, celle-ci sera portée à plus de 2 milliards. Dans notre projet de loi de finances pour 2018, d'ailleurs, le montant adopté par notre assemblée avoisine les 2 milliards mais ne les franchit pas.
Je me réjouis de la prise en compte de la nécessité d'accompagner dignement et humainement les personnes en situation de précarité. C'est un acte nécessaire de protection des populations. Or la protection constitue le deuxième pilier de notre triptyque bien connu : libérer, protéger, investir.
Je m'interroge toutefois sur les processus de décisions de l'État : 257 millions de dépenses nouvelles trouvées en moins de six mois ! Je me demande si cela ne masque pas des difficultés systémiques dans l'appareil qui prévoit le budget et qui l'exécute.
Mes chers collègues, si le budget est bien un marathon à l'Assemblée nationale, il semblerait que la préparation administrative et l'exécution du budget ne constituent pas un long fleuve tranquille pour l'administration.
Je sais l'attachement du ministre du budget et le vôtre, monsieur le secrétaire d'État qui êtes désormais à ses côtés, à la nécessité de disposer d'une vision globale de l'exécution des dépenses pour pouvoir anticiper. Je puis vous confier que les parlementaires souhaiteraient aussi bénéficier de cette vision globale, non parcellaire. Le suivi des crédits de l'hébergement en est un exemple parmi d'autres dans la loi de finances : le contrôle de l'action de l'État par le Parlement est bien difficile.
Je sais la volonté de transformer profondément le suivi de l'exécution budgétaire tout comme la phase de préparation de la loi de finances – pour la première qui relèvera vraiment du Gouvernement, c'est-à-dire celle de 2019, dans un temps normal.
Je sais aussi que le ministre du budget, et vous-même, monsieur le secrétaire d'État, avez fait du bruit afin que de nouveaux modes et de nouvelles méthodes de travail soient mis en oeuvre à Bercy et parmi les ministres fonctionnels qui vous entourent. Eh bien, ce bruit est arrivé jusqu'aux oreilles des parlementaires : sachez que votre majorité sera à vos côtés pour vous défendre !
Applaudissements sur les bancs du groupe REM.
La discussion générale est close.
La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics.
Monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, trois points simplement.
Le premier, pour vous prier de bien vouloir excuser l'absence momentanée du ministre de l'action et des comptes publics, qui est retenu par un engagement. Il vous rejoindra, nous rejoindra plus tard dans la soirée.
Le deuxième pour vous prier d'excuser le caractère nécessairement lacunaire de mes réponses puisque je n'ai pu assister au début de la discussion générale cet après-midi.
Le troisième, pour vous répondre sur deux sujets.
Sur la question du prélèvement à la source tout d'abord, je n'entrerai pas dans le fond des questions abordées pendant la discussion générale : le nombre d'amendements déposés à ce propos nous permettra d'examiner chaque point et de revenir sur chaque inquiétude qui a été formulée, et j'espère d'y répondre.
S'agissant de forme et de procédure ensuite, le Gouvernement a déposé un grand nombre d'amendements sous la forme d'articles additionnels. La plupart d'entre eux ont été déposés dans les mêmes délais que ceux imposés aux parlementaires, c'est-à-dire jeudi soir, parfois vendredi matin. Quelques-uns, il est vrai, ont complété le dispositif beaucoup plus tardivement. Nous vous prions de bien vouloir nous en excuser. Beaucoup d'entre eux, pour ne pas dire la plupart, ont un seul et même objectif : apurer un certain nombre de dossiers ou de contentieux, parfois extrêmement anciens, et solder ainsi un certain nombre de questions sur lesquelles nous aurons l'occasion de revenir lors de l'examen de ces articles additionnels.
Voilà les trois points que je souhaitais signaler à ce stade de la discussion. Je le répète : en ce qui concerne le prélèvement à la source, les amendements nous permettrons je l'espère de répondre aux inquiétudes qui ont été formulées.
Applaudissements sur les bancs du groupe REM.
La parole est à M. Jean-Louis Bricout, pour soutenir l'amendement no 414 .
Cet amendement fait suite au contre-budget présenté par notre groupe. Il vise à calibrer un objectif de solde structurel sur la base d'un calcul de croissance potentiel révisé qui tienne bien sûr compte des écueils mentionnés dans le mode de calcul actuel et qui ont été corrigés dès 2013 par le FMI.
Par ailleurs, il conviendrait peut-être, un de ces jours, de réexaminer la méthodologie de calcul de la croissance potentielle et de l'écart de production, qui consiste à apprécier ce que serait la croissance économique d'un pays si tous les facteurs de production étaient mobilisés à 100 %.
La parole est à M. Joël Giraud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l'avis de la commission.
L'avis de la commission est défavorable sur cet amendement qui a déjà été déposé sur plusieurs textes et qui est tout à fait à contraire à la position du Haut conseil pour les finances publiques. Je serai cohérent et maintiendrai mon avis défavorable à chaque fois que cet amendement sera déposé.
Même avis, madame la présidente.
Monsieur le secrétaire d'État, le Gouvernement a déposé trente-six amendements, dont certains représentent un coût de l'ordre de 100 millions d'euros, sans aucun examen en commission. À chaque fois que l'on procède ainsi, cela finit de la même manière : au Conseil constitutionnel, avec des annulations en rafale !
À quoi sert le Parlement, si le Gouvernement dépose des amendements de cette manière, au dernier moment ? Monsieur le président de la commission des finances, ne serait-il pas possible de réunir la commission, pour que nous les examinions ? Car chacun sait que les amendements du Gouvernement finissent toujours par être votés, même quand la majorité est réticente. Il importe donc que nous puissions les examiner. Je les ai fait imprimer tout à l'heure – ils ne l'étaient même pas ! – et j'y ai jeté un oeil, mais il faut s'y attarder un peu. On parle quand même de 100 millions pour dix-neuf départements en difficulté, par exemple, dont on n'a même pas la liste !
On ne peut pas travailler de cette manière, ce n'est pas possible. Du reste, réunir la commission vous protégera, monsieur le secrétaire d'État, vous et le Gouvernement. Le président de la commission des finances serait-il d'accord pour que nous examinions les amendements du Gouvernement en commission ?
Cher collègue, ce sont peut-être justement ces amendements qui permettent au secrétaire d'État Olivier Dussopt d'être aujourd'hui favorable au budget !
Exclamations sur les bancs du groupe REM.
Non, ce n'est pas inutile. Je ne fais qu'exprimer ce que beaucoup de gens pensent, y compris dans vos rangs.
Nous voterons l'amendement du groupe Nouvelle Gauche parce que nous estimons – peut-être qu'à force de le répéter, nous finirons par convaincre certains d'entre vous ? – que le solde structurel n'est qu'une invention de l'Union européenne pour juger du bien-fondé d'un budget. C'est une invention qui ne sert à rien, une référence purement théorique qui ne sert qu'à justifier des budgets d'austérité. Nous voterons donc en faveur de cet excellent amendement.
L'amendement no 414 n'est pas adopté.
L'article liminaire est adopté.
Nous aimerions que le président de la commission des finances réponde à la question que lui a posée Charles de Courson !
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à vingt-deux heures vingt, est reprise à vingt-deux heures vingt-cinq.
Nous abordons l'examen de la première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2017.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 329 .
L'amendement no 329 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 1er, amendé, est adopté.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 330 .
L'amendement no 330 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Par cet amendement, qui a déjà été examiné en commission, nous proposons d'augmenter la part de la TICPE qui sert à financer l'Agence de financement des infrastructures de transport de France – AFITF. Il s'agirait de la faire passer d'environ 700 millions à 1,1 milliard, pour qu'elle retrouve son niveau de 2015, qui avait baissé en 2016.
Nous avons pu voir ce week-end que les infrastructures de transport avaient plus que jamais besoin de moyens financiers pour être remises à niveau. Nous proposons donc d'augmenter le budget de l'Agence en prélevant 1,1 milliard sur la TICPE, afin de revenir au niveau de 2015.
Nous proposons par cet amendement de redonner des moyens à l'AFITF pour que l'État tienne tout simplement ses engagements en matière de transport, pour nos routes, pour nos voies navigables et pour nos trains.
L'Agence de financement se voit doter d'un budget de 2,15 milliards, alors que ses besoins s'élèvent à 3,2 milliards. Si nous laissons ce budget en l'état, il manquera 270 millions d'euros par an pour le réseau routier national, 70 millions par an pour le réseau fluvial et 50 millions par an pour les dragages portuaires. Et il ne faut pas oublier des financements supplémentaires à SNCF Réseau pour un total de 360 millions entre 2018 et 2022, conformément au contrat de performance conclu entre l'État et SNCF Réseau en avril dernier – contrat d'ailleurs signé par l'AFITF avec M. Alain Vidalies, le secrétaire d'État chargé des transports de l'époque, et Mme Florence Parly, qui était alors la directrice de SNCF Mobilités et qui est aujourd'hui ministre des armées. Il faut le faire, quand même !
Exclamations sur divers bancs.
Cet engagement a été pris et il doit être tenu. En outre, les régions de France ont rappelé dans un Livre blanc que les engagements de l'État concernant la reprise de dix-huit lignes de trains d'équilibre du territoire – TET – doivent s'accompagner d'une reprise partielle de leur déficit d'exploitation et du financement du renouvellement du matériel roulant, ce qui représente un coût de 4,5 à 15 millions d'euros par an. Voilà pourquoi nous demandons de doter l'AFITF du budget qui lui permettra de répondre aux engagements qui ont été pris.
La parole est à M. le secrétaire d'État, pour soutenir l'amendement no 564 .
Si vous le permettez, madame la présidente, je donnerai également mon avis sur les deux amendements qui viennent d'être présentés.
Ils proposent de faire passer de 785 millions à 1,139 milliard le plafond de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques affectée à l'AFITF. Nous tenons à souligner que si le montant de TICPE affecté à l'AFITF s'est élevé à 1,139 milliard d'euros en 2016, c'est parce que l'Agence avait pris en charge l'indemnité exceptionnelle due à la société Écomouv', à la suite de la résiliation du contrat conclu avec cette société.
En réalité, le niveau de dépenses opérationnelles de l'AFITF prévu en 2017, soit 2,2 milliards d'euros, permet normalement à l'établissement – sans préjuger des suites de ce qui s'est passé ce week-end à la gare Montparnasse, qu'a évoqué M. Pupponi – de faire face aux engagements qui ont été pris. Il faut aussi souligner que ce niveau de dépenses s'inscrit dans une dynamique de forte hausse – 300 millions supplémentaires par rapport à 2016, et 500 millions par rapport à 2015 et 2014. Je rappellerai, enfin, que cette hausse se poursuivra dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018, qui prévoit de porter le niveau des ressources à 2,4 milliards, soit une augmentation de 100 millions.
Le Gouvernement est donc défavorable à ces deux amendements. Il propose quant à lui, par son amendement no 564 , de réajuster à hauteur de 339 millions d'euros le montant de TICPE affectée à l'AFITF en 2017.
Pourquoi ce réajustement ? Pour permettre à l'AFITF de rembourser en une seule fois le montant dû à la société Écomouv' à la suite de la résiliation du contrat de partenariat relatif à l'écotaxe poids lourds. Le processus visant à solder l'arrêt de l'écotaxe arrive à son terme : après l'arrêt du contrat et le reclassement désormais achevé des personnels, cette société n'a plus de raison d'être, et sa liquidation est donc programmée.
Cela entraînera le paiement final des dettes dues aux banques et à la Caisse des dépôts et consignations. L'amendement vise à doter l'AFITF des moyens qui permettront de couvrir ce paiement, qui aurait dû être effectué en sept versements de 50 millions d'euros et sera ainsi acquitté en une seule fois, ce qui permettra de réaliser des économies sur les intérêts.
Par coordination et pour aller au bout de ce processus, un amendement sera déposé pour la nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2018 afin d'abaisser de 48 millions le plafond de la part de TICPE affectée à l'AFITF, cette somme correspondant à l'annuité de 2018 initialement budgétée. Le relèvement du plafond de 339 millions d'euros en 2017 correspond bien au solde de l'affaire Écomouv'.
La commission a donné un avis défavorable aux deux amendements identiques. L'amendement du Gouvernement a quant à lui été examiné dans le cadre de la procédure de l'article 88 du règlement. Son avantage par rapport aux deux autres, qui vont dans le même sens du point de vue financier, soyons clair, est d'affecter à l'AFITF la somme de 339 millions afin de solder la dette d'Écomouv'.
J'avais eu l'occasion de déclarer à cette tribune, il y a quelques années, que le scandale était non pas l'écotaxe, mais la façon dont avait été géré le dossier Écomouv'. Si nous pouvons solder définitivement le contentieux dès cette année, non seulement cela évitera des frais complémentaires, mais cela permettra aussi de passer à autre chose. Avis favorable à l'amendement no 564 .
Monsieur le secrétaire d'État, nous découvrons cet amendement en direct, ou peu s'en faut. Or cela représente beaucoup d'argent. Je voudrais savoir pourquoi le Gouvernement a décidé, tout d'un coup, de rembourser le solde en une seule fois, alors que l'on pouvait, si j'ai bien compris, étaler ce remboursement. Et comment transformez-vous la TICPE ? J'imagine que la part affectée à l'AFITF est plafonnée ?
Par ailleurs, vous dites que l'AFITF n'utilise pas toutes ces ressources. Or je pense que ce n'est pas vrai.
Je ne sais pas si ce qu'ont dit MM. Pupponi et Roussel en défendant leurs amendements est exact, mais, sur le terrain, nous constatons plutôt une sous-dotation de l'AFITF qu'une surdotation.
Enfin, quel regard portez vous sur la fin d'Écomouv' ? Par quoi allez-vous remplacer ce dispositif, si vous décidez de le remplacer à un moment donné ? Y a-t-il des projets dans les tuyaux, issus par exemple des assises nationales de la mobilité ?
En tout cas, on ne peut pas découvrir des amendements de cette nature au dernier moment. Un certain nombre de mes collègues demandent une réunion de la commission des finances. J'ignore si c'est préférable ou non. De toute façon, le Gouvernement dépose des pommes et des poires… L'amendement no 564 a été examiné à la vitesse…
… c'est-à-dire sans texte, sur la base des seuls numéros d'amendement, ce qui est évidemment toujours un peu particulier. Et outre ce problème de forme, il faut aller un peu plus loin dans les explications de fond. La part de TICPE qui sera prise va évidemment manquer cruellement ailleurs. Comment financerez-vous cela ? Par un supplément de dette, une augmentation du déficit ? Ou bien allez-vous prendre les recettes ailleurs ?
Je rappelle que l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements est défavorable, madame la présidente, et je vais essayer d'apporter quelques éléments de réponse à M. le président de la commission des finances.
La perte enregistré par l'État dans l'affaire Écomouv' a d'ores et déjà été comptabilisée au sens de Maastricht, dès l'annonce de la résiliation du contrat. L'État était amené à régler une annuité de 48 millions d'euros à la société en dédommagement du préjudice. Il s'agissait uniquement d'un déblocage de trésorerie, puisque, je le répète, la somme totale avait été enregistrée du point de vue communautaire.
Le Gouvernement souhaite aujourd'hui solder cette question, en agissant dans des délais rapides, vous l'avez souligné. Cela tient à une raison conjoncturelle : le reclassement des salariés est achevé et, dès lors, n'importe quel actionnaire de la société Écomouv' peut en demander la liquidation. Or, dans ce cas, les actionnaires sont fondés à demander le paiement intégral des indemnités restant dues, soit les 339 millions d'euros que nous vous proposons d'imputer sur la TICPE.
Dans la mesure où cette liquidation pourrait intervenir au cours de l'année 2018, il paraît plus prudent au Gouvernement d'inscrire dans ce PLFR le montant total de trésorerie nécessaire plutôt que d'avoir à trouver en gestion en cours d'année, de manière impromptue, une somme aussi considérable.
S'agissant de la compensation des recettes de TICPE manquantes, des crédits budgétaires seront trouvés. Mais le relèvement du plafond que nous proposons dans ce PLFR pour 2017 aura pour conséquence de régler la question en une fois, sans préjudice pour les années à venir.
Monsieur le secrétaire d'État, j'essaie de comprendre l'exposé sommaire de l'amendement du Gouvernement. On peut y lire que la liquidation de la société Écomouv' entraînera « le solde des encours de dettes aux banques commerciales et aux fonds d'épargne de la Caisse des dépôts et consignations, couverts par une cession Dailly acceptée par l'État ». Pourriez-vous nous expliquer ce que cela veut dire ? Je suppose que l'on rembourse le capital, soit 339 millions, mais qu'en est-il des intérêts ?
Il y est aussi question d'un deuxième amendement concernant les fameux 48 millions d'euros : « un amendement au projet de loi de finances pour 2018 sera déposé par coordination afin d'abaisser de 48 millions d'euros le plafond de la TICPE affectée à l'AFITF ».
En tout cas, monsieur le secrétaire d'État, l'amendement du Gouvernement dégrade le déficit budgétaire de l'État de 339 millions !
Non, le montant du produit de l'impôt ne change pas : seule son affectation est modifiée ! Donc on dégrade bien le déficit budgétaire de 339 millions, à quoi il faut encore ajouter les autres 48 millions, ce qui fait une petite dégradation de 380 millions !
L'étaient-ils ou ne l'étaient-ils pas ?
Pourriez-vous nous expliquer, monsieur le secrétaire d'État, ce que sont cette « cession Dailly » et ce remboursement aux fonds d'épargne de la Caisse des dépôts et consignations ? Rappelons que celle-ci était actionnaire d'Écomouv'. En outre, à quel tarif rembourse-t-on les détenteurs du capital ? Y a-t-il eu un intérêt garanti ? La Cour des comptes avait fait une observation assez sanglante sur cette affaire, estimant son coût à un peu plus de 800 millions – et je parle uniquement du coût, pas des pertes de recettes fiscales. Pourriez-vous nous expliquer comment tout cela s'articule ?
Je ne ferai pas une deuxième plaisanterie, monsieur le secrétaire d'État, mais je me demande si le Gouvernement ne vous a pas fait un sale coup en vous confiant le soin de défendre cet amendement.
La situation est tout de même assez rocambolesque : c'est le deuxième projet de loi de finances rectificative que nous examinons à vitesse grand V, et voilà – c'est une première – qu'un troisième PLFR se cache dans le deuxième – car c'est bien à cela qu'équivaut en réalité la liste des amendements proposés par le Gouvernement, à en juger par leur ampleur. Je pense que tous mes collègues, quelle que soit leur couleur politique, doivent trouver cette histoire on ne peut plus cavalière, d'autant plus que les amendements proposés initialement visaient à faire en sorte que l'AFITF reçoive les fonds nécessaires pour financer des infrastructures – chacun constate que c'est nécessaire – et que nous nous retrouvons finalement avec un contre-amendement qui servira uniquement à rembourser la société Écomouv', donc qui ne répond évidemment pas à la question et, d'une certaine manière, détourne le débat.
J'en profite pour indiquer que, pour notre part, nous sommes de toute façon opposés à la baisse de la contribution de solidarité territoriale payée par la SNCF, car nous sommes contre le transfert aux collectivités des compétences de gestion des trains d'équilibre du territoire. Pour nous, la SNCF doit rester un opérateur national. C'est à l'échelle nationale que l'on peut notamment envisager la question de la planification écologique et la bonne organisation du transport. En réalité, derrière tout cela, ne nous leurrons pas, l'État prépare l'ouverture à la concurrence imposée par le quatrième paquet ferroviaire que la plupart des partis représentés ici ont voté, malheureusement, au Parlement européen.
Monsieur le secrétaire d'État, nous sommes tout de même un peu surpris : nous avions déposé nos amendements en commission, on nous avait expliqué qu'il n'y avait pas les moyens ou les revenus nécessaires pour alimenter l'AFITF… et tout d'un coup, en quelques jours, on trouve les 339 millions que nous demandions ! Soit on ne nous a pas tout dit en commission, …
… soit on avait l'argent et on décide de l'utiliser à autre chose.
J'ai quelques questions sur l'amendement du Gouvernement, monsieur le secrétaire d'État. Quel est le montant du produit de la TICPE en 2017 ? Puisqu'on en prélève une part pour alimenter l'AFITF, cela fait une perte de recettes pour l'État de 339 millions. Vous aggravez donc le déficit de 339 millions d'euros. Or nous pourrions tout à fait régler cette question dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018, car j'ai du mal à croire que les actionnaires d'Écomouv' vont demander, entre le 4 et le 31 décembre, la liquidation de la société d'ici à la fin de l'année ! Je pense donc qu'il existe une autre raison que celle que vous invoquez, monsieur le secrétaire d'État. Une telle précipitation en fin d'année pour aggraver le déficit de l'État de 339 millions cache quelque chose.
Nous connaissons tous, les uns et les autres, le dossier Écomouv', en particulier M. Le Fur – parce que tout cela, c'est à cause de vous, tout de même !
Sourires.
Vous aviez raison, on ne vous fait pas de reproche !
En tout cas, pourrions-nous connaître les vraies raisons de la précipitation avec laquelle le Gouvernement aggrave de 339 millions d'euros le déficit budgétaire de l'État en 2017 ?
Monsieur le secrétaire d'État, nous ne pouvons pas entendre que l'AFITF n'aurait pas dépensé tout son budget : ce n'est pas possible ! Deux régions en particulier, les Hauts-de-France et le Centre-Val de Loire, attendent toujours que l'AFITF tienne ses engagements, la première pour une commande de trente-deux trains, la seconde pour une commande de dix-sept trains. Il s'agit des lignes Paris-Orléans-Tours, Paris-Nevers, Paris-Amiens et Paris-Saint-Quentin-Maubeuge. Trois cents millions d'euros devaient être engagés, et ces deux régions attendent les financements pour que ces trains soient commandés !
Par ailleurs, l'État a décidé de lancer un appel d'offres pour la réalisation de quarante-trois trains entièrement conçus d'après de nouvelles études d'ingénierie, alors qu'il suffirait de les commander à Alstom et à Bombardier dans le cadre d'un appel d'offres courant, celui des Régiolis et des Regio 2N. Cela ferait une économie de 300 millions pour l'État : le montant de l'appel d'offres s'élève à 1 milliard alors que le coût de la commande à Alstom et à Bombardier serait de 600 millions ! Les représentants de ces deux grands groupes disent eux-mêmes qu'il n'y a plus qu'à appuyer sur le bouton et qu'ils réaliseront les trains, il n'y a pas besoin d'appel d'offres pour cela. Si vous cherchez 300 millions d'euros, ils sont à trouver dans cet appel d'offres qui ne sert à rien.
Enfin, je ne comprendrais pas que l'on arrive à trouver 339 millions d'euros pour Écomouv' tout de suite, dès la première année, alors que des trains du quotidien doivent être commandés et que les usagers les attendent le plus vite possible.
Je me joins à mes collègues : nous nous étonnons de cet amendement du Gouvernement qui arrive ainsi, par surprise, alors que nous avions discuté de cette question en commission des finances sur la base des amendements déposés par nos collègues.
Je vous pose à mon tour quelques questions, monsieur le secrétaire d'État. Dans l'exposé général des motifs de ce PLFR, il est précisé que la prévision du produit de la TICPE a été revue à la hausse, de 800 millions d'euros. Avez-vous connaissance, aujourd'hui, d'un autre chiffre ? Lors de la séance de cet après-midi, le ministre de l'action et des comptes publics a indiqué que le Gouvernement avait été prudent en matière de prévisions. Ma question est donc simple : disposez-vous d'autres chiffres ? La révision à la hausse est-elle finalement supérieure aux 800 millions indiqués dans ce PLFR ? Si tel est le cas, est-ce cette situation qui vous conduit à prendre aujourd'hui la décision d'affecter 339 millions au financement de l'AFITF ?
D'autre part, pouvez-vous nous donner des éléments sur la situation budgétaire et financière de l'AFITF ? C'est un point important, car nous entendons régulièrement dire qu'il manque des crédits, que le budget est insuffisant pour réaliser tous les projets correspondant aux besoins évoqués par certains de mes collègues. Et aujourd'hui, on trouve d'un coup une solution pour tenir compte de la fin de l'écotaxe et de la fin d'Écomouv' ! Il importe que nous puissions comprendre la philosophie de cet amendement.
Je crains d'avoir été confus sur deux points : je vais donc essayer de m'exprimer plus clairement. Premièrement, à aucun moment je n'ai voulu dire que l'AFITF sous-consommait ses crédits. Nous savons qu'elle consomme les crédits dont elle dispose. En revanche, le travail conduit de manière interministérielle a montré qu'avec un budget de 2,2 milliards en 2017 et de 2,4 milliards en 2018, les engagements pris par l'Agence peuvent être couverts.
Deuxièmement, madame Louwagie, le PLFR ne prévoit pas de hausse des recettes de l'État, à une exception près, qui figure dans l'amendement d'équilibre : le Gouvernement inscrit en recettes une amende de 300 millions d'euros que paiera la société HSBC. Avec l'amendement no 564 , nous faisons simplement le choix de permettre à l'AFITF de solder l'affaire Écomouv'. Pour ce faire, l'État renonce à 339 millions de recettes de TICPE pour les affecter à l'AFITF.
Monsieur de Courson, sur ces 339 millions d'euros, environ 300 millions représentent le capital de la dette due, et 39 millions les intérêts et la prise en charge de certaines garanties apportées par l'État, y compris sur des montages fonciers. Si le Gouvernement choisit de défendre aujourd'hui cet amendement, et donc de dégrader son déficit budgétaire pour l'année 2017, de manière ponctuelle – j'ai précisé tout à l'heure que le solde maastrichtien ne serait pas affecté, dans la mesure où ce montant a déjà été pris en compte – c'est pour permettre à l'AFITF de régler le contentieux avec Écomouv' et lui éviter d'être confrontée en cours d'année à des demandes de dédommagements, capital et intérêts compris, puisque nous sommes désormais suspendus à une éventuelle décision de liquidation de la société de la part des actionnaires.
Nous voulons donc solder cette affaire Écomouv' en inscrivant 339 millions au budget de l'AFITF au titre de l'année 2017, de manière ponctuelle. Je le répète, c'est bien l'État qui renonce à 339 millions d'euros de recettes au titre de la TICPE pour que l'AFITF n'ait pas à gérer cette affaire en cours d'année. Si c'était le cas, elle risquerait de devoir renoncer, au cours de l'année 2018, à des projets ou à des engagements d'investissements.
Parmi les amendements déposés par le Gouvernement, d'autres s'inscrivent dans la même logique. Je pense notamment à un amendement visant à solder une dette envers Pôle emploi, qui a assuré au nom de l'État, pendant de nombreuses années, certaines prestations qui n'ont jamais été réglées.
Sur les amendements identiques nos 426 et 444 , je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Sur l'amendement no 564 , je suis également saisie par le groupe Nouvelle Gauche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean-Baptiste Djebbari.
Les assises de la mobilité vont s'achever, et un groupe de travail s'attache particulièrement aux questions de financement. Dans la mesure où nous examinerons un projet de loi d'orientation et de programmation des mobilités au premier trimestre de l'année prochaine, il me paraît plutôt sain de solder le passif d'Écomouv'.
En outre, le budget de l'AFITF a été porté de 2,2 à 2,4 milliards dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018, mais au vu de l'évaluation des besoins de financement pour les prochaines années, il reste peut-être encore déficitaire de 400 à 500 millions d'euros. C'est la ressource budgétaire qu'il nous faudra trouver chaque année pour l'AFITF, mais ce travail est en cours et nous pouvons appréhender l'avenir de manière confiante.
Concernant les trains, il y a une petite confusion. Certes, il existe deux appels d'offres, mais ils répondent à deux besoins différents et concernent deux territoires très différents. Le premier concerne les TER, et les Régiolis peuvent être une solution pour les territoires évoqués par M. Roussel. En revanche, les deux lignes supplémentaires, à savoir la ligne POLT – Paris, Orléans, Limoges, Toulouse – et la ligne POCL – Paris, Orléans, Clermont-Ferrand – seront desservies par des trains Intercités, qui ne correspondent pas à la typologie de trains qu'il a évoquée.
Je tiens à faire une remarque à caractère général. Nous sommes nombreux à être parlementaires depuis un certain temps, même si ce n'est pas forcément datable au carbone 14
Sourires
et nous sommes confrontés à ce type d'événements de manière quasi-systématique lors des collectifs budgétaires, quelles que soient les majorités. Parfois, des amendements sont débattus en séance sans avoir été examinés en commission des finances, même au titre de l'article 88 – procédure dont je regrette la célérité tout autant que vous, monsieur le président de la commission.
On a pris l'habitude, au moment des collectifs budgétaires, de sortir un certain nombre de choses des armoires de l'administration, parce qu'il y a une opportunité… ou simplement parce que c'est devenu une habitude. Je crois qu'à l'occasion de la réforme de la procédure budgétaire que nous avons entamée, il faudra une bonne fois pour toutes affirmer que les collectifs sont faits pour permettre d'assurer des équilibres en fin d'année, pas pour prendre de nouvelles mesures. Je souhaite vivement que la procédure budgétaire soit modifiée de sorte que ces situations, justifiées ou non, le sujet n'est pas là, ne se produisent plus de manière quasi-systématique.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR ainsi que sur plusieurs bancs des groupes REM et MODEM.
Je suis d'accord avec le rapporteur général. Ce ne sont pas de bonnes méthodes, et ce n'est pas parce qu'on y avait recours dans le passé qu'il faut continuer.
Je sais qu'on est en 2017 et qu'il faut solder des affaires du passé, je ne dis pas le contraire. Il faut certainement solder l'affaire Écomouv', et peut-être en une seule fois. Cela ne me pose pas de problème de principe, d'autant que cela s'est vu à d'autres occasions, lors de précédents collectifs budgétaires.
Simplement, il serait de bon ton que le Gouvernement fournisse quelques explications. Qu'il en reste à des pommes et des poires, mais que la représentation nationale puisse voter en toute connaissance de cause, je crois que chacun ici sera d'accord ! Bien sûr, on connaît le résultat du vote, il y a peu de surprises, mais c'est mieux que nous soyons informés !
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez choisi de faire financer Écomouv' par HSBC.
Vous utilisez une procédure pénale nouvelle, que je ne connais pas très bien : c'est une forme de transaction, mais qui doit avoir un autre nom, parce qu'en France, on n'aime pas les transactions. Dans ce cadre, le fisc a dû être consulté par la justice. Pourquoi n'avoir pas obtenu alors le financement de l'intégralité des besoins ? Aux États-Unis, l'amende aurait probablement été bien supérieure à 300 millions ! Au moment où la transaction a été conclue, vous disposiez d'une estimation de l'état des crédits à la fin de l'année et des besoins de financement. C'était une belle poire pour la soif, qui permettait d'éteindre un certain nombre d'incendies sans dégrader le déficit : pourquoi n'avez-vous pas obtenu davantage d'HSBC ?
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 69 |
Nombre de suffrages exprimés | 69 |
Majorité absolue | 35 |
Pour l'adoption | 8 |
contre | 61 |
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 70 |
Nombre de suffrages exprimés | 69 |
Majorité absolue | 35 |
Pour l'adoption | 57 |
contre | 12 |
L'amendement no 564 est adopté.
L'article 2, amendé, est adopté.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 331 .
L'amendement no 331 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 332 .
L'amendement no 332 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 3, amendé, est adopté.
Je suis saisie de trois amendements portant article additionnel après l'article 3, nos 480 rectifié, 333 et 279, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 333 et 279 sont identiques.
La parole est à M. le secrétaire d'État, pour soutenir l'amendement no 480 rectifié .
Cet amendement vise, en premier lieu, à augmenter le niveau des ressources allouées au Centre national pour le développement du sport – CNDS – afin d'assurer la couverture de ses restes à payer en 2018. Il est proposé de relever le plafond d'une des taxes affectées à l'établissement à hauteur de 27 millions d'euros. Le projet de loi de finances pour 2018 procède à une clarification entre les missions revenant à l'État, désormais responsable du portage des politiques nationales et internationales en matière de sport, et le CNDS, acteur principal des actions en faveur du « sport pour tous ». Pour autant, il résulte des engagements passés du CNDS des restes à payer au titre des dispositifs en faveur des équipements sportifs structurants nationaux, dont cet établissement doit s'acquitter. Le présent amendement vise à le doter des ressources nécessaires.
En second lieu, afin de ne pas dégrader davantage le déficit de l'État, le présent amendement prévoit un prélèvement sur les ressources accumulées de l'Agence française pour la biodiversité – AFB – à hauteur du même montant. L'AFB, créée cette année, a accumulé 97 millions d'euros de trésorerie en raison d'un décalage entre ses dépenses et ses recettes pendant sa première année. Ce prélèvement ne porte donc pas atteinte à ses capacités à assurer ses missions.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 333 .
Cet amendement s'inscrit dans la logique de celui du Gouvernement. Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2018, le ministre de l'action et des comptes publics, M. Darmanin, s'était engagé à affecter 27 millions d'euros au CNDS dans le cadre du PLFR, car les crédits de cet établissement diminueront l'année prochaine. Mon souci étant satisfait par l'amendement du Gouvernement, je propose que la commission retire son amendement, si elle en est d'accord.
L'amendement no 333 est retiré.
La parole est à M. Jean-Noël Barrot, pour soutenir l'amendement no 279 .
Dans la mesure où il est satisfait par l'amendement du Gouvernement, je le retire.
L'amendement no 279 est retiré.
Je suis favorable à l'amendement du Gouvernement, au profit duquel l'amendement de la commission a été retiré.
Monsieur le secrétaire d'État, est-il normal de prélever, pour financer les équipements sportifs nationaux, 27 millions sur les 97 millions de fonds de roulement de l'Agence française pour la biodiversité ? Et quand je dis 97 millions de fonds de roulement ! C'est le chiffre donné par la direction du budget au moment où nous parlons, alors même que ce montant est engagé pour couvrir des dépenses – mais 2018 sera une autre année… Bref, vous avouerez qu'il s'agit là d'une situation originale.
Il faut le faire ! D'autant plus que le débat sur le CNDS est le même depuis vingt-cinq ans que je fréquente cette assemblée. Les crédits du CNDS sont systématiquement dépensés pour réaliser les investissements nationaux destinés à accueillir les grandes manifestations sportives, et cela à chaque fois au détriment des petits clubs. Et chaque fois, nous hurlons et le Gouvernement réalise un petit prélèvement supplémentaire de façon à ne pas trop affecter les aides aux clubs sportifs. C'est comme ça depuis vingt-cinq ans ! Et je rassure nos jeunes collègues, cela ne fera qu'empirer les prochaines années, puisque le coût des investissements pour accueillir les grandes manifestations dérape toujours – sans atteindre le coefficient pi cher à la Cour des comptes. Et à la fin, chaque fois, il faut payer !
Pouvez-vous donc nous expliquer pourquoi vous souhaitez réaliser ce prélèvement sur les ressources de l'Agence française pour la biodiversité ?
Je partage cet étonnement, d'autant que je suis le rapporteur spécial du programme 113, dont relève l'AFB. Je suis vraiment très étonné qu'on arrive à écrire dans l'exposé sommaire « Cet amendement ne porte donc nullement atteinte aux capacités de l'Agence à assurer ses missions de service public, mais permet de la faire contribuer au redressement des comptes publics ». En effet, l'agence a été créée il y a quelques mois seulement, par le regroupement de plusieurs opérateurs. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il faudra du temps pour vérifier son fonctionnement et évaluer les ressources dont elle a besoin pour exercer ses missions, dont plusieurs sont nouvelles !
Je trouve stupéfiant qu'on assène, à vingt-trois heures, sans aucune humilité, une vérité de ce genre. Votre disposition pourrait affecter gravement non pas la trésorerie, je récuse ce terme, mais le fonds de roulement de l'Agence, lequel permet de réaliser des investissements. Et ces fonds de roulement sont spécifiques, puisque ce sont ceux de la fin d'une législature : chacun sait qu'ils peuvent évoluer en fonction de ce qui sera voté par la suite.
Je suis un nouveau député : peut-être le Gouvernement a-t-il de grandes compétences dans tout ce qui relève de l'Agence française pour la biodiversité ? Mais très franchement, lorsque j'ai rédigé mon rapport spécial, je n'ai pas eu l'impression que nous pouvions avoir autant de certitude. Je voterai donc contre cet amendement.
Tout à l'heure, nous avons appris que HSBC payait Écomouv' – il faudra que les banques versent davantage à l'AFITF ! Maintenant, nous apprenons qu'une partie de la trésorerie de l'Agence française pour la biodiversité servira à financer les restes à payer du CNDS. Mais dès lors que vous avez la volonté, vertueuse, de solder tous ces comptes, je tiens à vous rappeler que les reste à payer de l'État atteignent une centaine de milliards. C'est bien de s'attaquer à 27 millions, mais il reste encore notamment 50 milliards à payer sur les crédits de la défense, la Cour des comptes l'a récemment souligné, comme les rapporteurs lors de l'audition du ministre de la défense. Il est étrange de trouver dans un collectif budgétaire des crédits de cette nature, alors que l'enjeu est bien plus important ailleurs.
Quelles sont les raisons exactes de cette disposition relative au CNDS ? Pouvez-vous nous éclairer sur le sujet ?
M. le président de la commission des finances lie la recette liée à l'amende d'HSBC avec le fait que l'État affecte 339 millions de TICPE à l'AFITF, afin de pouvoir assurer le remboursement d'Écomouv'. Or je sais que le président de la commission des finances connaît parfaitement le principe d'universalité des recettes : le rapport qu'il fait n'est pas nécessairement celui qui a présidé à l'inscription et de la recette et de la dépense – je ne reviens pas sur le risque de liquidation de la société Écomouv'.
S'agissant du CNDS, deux aspects sont à prendre en considération. Le premier est l'arbitrage budgétaire, pur et assumé, permettant de solder les restes à payer sans dégrader le solde, en raison de fonds de roulement importants en première année de l'Agence française pour la biodiversité. Le second est, comme la ministre des sports l'a expliqué, le souhait du Gouvernement de voir le CNDS se concentrer sur le financement du sport pour tous plutôt que sur celui des équipements nationaux.
Il se trouve que les équipements nationaux ont fait l'objet de nombreux engagements : le PLFR permet de les solder au titre de l'exercice 2017, si bien que le CNDS pourra se consacrer intégralement, à compter de 2018, aux missions qui ont été définies par la ministre.
Monsieur le secrétaire d'État, vous n'avez pas répondu sur la situation de l'AFB. Votre amendement évoque en effet étrangement, au deuxième alinéa, les « ressources accumulées de l'Agence française pour la biodiversité ». Nous ignorions que cette agence « accumulait » !
Que signifie « accumulées » ? Vous opérez un prélèvement sur le fonds de roulement, en vous disant que l'Agence pourra toujours différer ses paiements, voire s'endetter, comme certains établissements publics l'ont déjà fait… Bref, que signifient les mots « ressources accumulées » ?
L'expression « prélèvement sur ressources accumulées » n'a pas été inventée par le Gouvernement : elle s'inscrit dans le cadre du dialogue entre le Gouvernement et la Cour des comptes et répond expressément à la demande de celle-ci d'une nouvelle définition du fonds de roulement ou de la trésorerie. Ces ressources accumulées de l'AFB s'expliquent, en 2017, par un décalage, en termes de montant, entre les recettes perçues et les programmes engagés.
L'amendement no 480 rectifié est adopté.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 334 .
L'amendement no 334 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. le secrétaire d'État, pour soutenir l'amendement no 575 .
C'est l'amendement d'équilibre, madame la présidente. Il a pour objet de traduire dans l'article d'équilibre l'incidence des votes intervenus lors de la discussion de la première partie du présent PLFR.
Les votes intervenus conduisent à réviser à la hausse de 39 millions d'euros le déficit budgétaire par rapport au texte qui vous a été soumis. En premier lieu, les recettes fiscales sont minorées de 366 millions d'euros, afin de tirer les conséquences d'une part de l'amendement no 564 , qui augmente de 339 millions pour le seul exercice 2017 la part du produit de la TICPE qui est affectée à l'AFITF afin d'assurer le remboursement en une fois de la dette de la société Écomouv', et d'autre part de l'amendement no 480 rectifié , qui relève de 27 millions, pour le seul exercice 2017, le plafond du prélèvement sur les jeux affecté au CNDS.
Par ailleurs, les recettes fiscales sont majorées de 327 millions d'euros afin de tenir compte d'une part de l'amendement du Gouvernement no 480 rectifié, déjà mentionné, qui introduit un prélèvement sur les ressources accumulées de l'AFB, et d'autre part d'une recette supplémentaire, à hauteur de 300 millions d'euros, due à la conclusion d'une convention judiciaire d'intérêt public entre une filiale de la banque HSBC et le parquet national financier.
Il résulte de l'ensemble de ces ajustements une dégradation du solde budgétaire de 39 millions par rapport au projet de loi de finances rectificative initial. Le déficit budgétaire provisionnel pour 2017 reste toutefois inchangé, à 74,1 milliard d'euros.
Je confirme que les additions et les soustractions sont justes ! Le solde est quasiment inchangé, 39 millions d'écart seulement, et j'émets un avis favorable.
Monsieur le secrétaire d'État, certes, c'est une petite somme : 300 millions, autant dire rien du tout… Mais pourriez-vous nous expliquer ce qu'est cette affaire de « conclusion d'une convention judiciaire d'intérêt public entre une filiale de la banque HSBC et le parquet national financier » ? S'agit-il d'une de ces filiales de grandes banques qui avaient organisé la fraude fiscale de leurs éminents clients, voire qui les avaient démarchés ? Et si tel était le cas, pensez-vous que, du point de l'éthique publique, passer une convention judiciaire était une bonne solution ? Quelle image donnons-nous ! Ainsi, la lutte contre la fraude se finit toujours entre quatre z'yeux ! C'est également tout le problème posé par le verrou de Bercy.
Vous représentez le Gouvernement ; quelle est votre position sur cette éthique ? Et d'ailleurs, pourquoi 300 millions ? Quel est le montant des pertes engendrées par cette fraude fiscale, y compris les intérêts de retard ? Pouvez-vous nous expliquer pourquoi le Gouvernement a accepté cette convention judiciaire ? Une convention ! Vous voyez bien le problème de fond. Vraiment, quelle image nous donnons !
J'avais exactement la même question que M. de Courson : inutile de m'étendre sur le sujet. Cette affaire a dû faire l'objet d'un plaider coupable et la convention a dû être signée récemment. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ? Pourquoi le Gouvernement a-t-il, à ma connaissance, si peu communiqué sur le sujet – ou alors j'ai mal suivi ? Quelles précisions pouvez-vous nous donner, monsieur le secrétaire d'État ?
Je peux répondre en partie à Valérie Rabault : il y a eu des cocoricos ! Un communiqué extraordinaire est venu nous présenter comme une victoire cette première convention judiciaire. Une « première » qui servira peut-être de modèle aux suivantes, alors qu'elle a consisté à récupérer 300 millions d'euros sur 1,6 milliard de tricherie ! Et encore, le mot est gentil : en réalité, il s'agit d'un vol organisé, d'un blanchiment.
J'ai rappelé tout à l'heure qu'en 2012, les États-Unis d'Amérique ont menacé de priver la même banque de licence : cela leur a permis de récupérer la totalité de l'argent qu'elle avait blanchi, soit 1,9 milliard. Et nous, nous sommes contents de récupérer 300 millions ! Non seulement, nous lui laissons le reste, mais encore nous l'autorisons à continuer ses activités en France, comme si de rien n'était !
J'admets que ces conventions judiciaires ont été créées sous le précédent gouvernement : à chacun ses responsabilités. Mais tout cela en dit long sur la volonté qu'on a de lutter réellement contre la fraude fiscale. HSBC, ce sont des voleurs. Et on les récompense en n'exigeant d'eux que l'équivalent d'une simple taxe et en leur laissant le solde ! Ce n'est rien d'autre qu'un encouragement à continuer.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LR.
Je tiens à rappeler le contexte. La loi Sapin 2 de 2016 a ouvert la possibilité, dans des cas de blanchiments et de fraude fiscale, de règlements entre les parties, si l'une des parties plaide coupable. Il s'agit donc d'une pure application de la loi.
La convention a été annoncée mi-novembre et nous ne faisons que régulariser un contentieux entre l'État et HSBC, à la suite, je le répète, d'une possibilité ouverte par la loi Sapin 2 de 2016. Si d'aucuns ici considèrent qu'un tel mécanisme ne fonctionne pas, nous pourrons de nouveau nous pencher sur les opportunités qu'ouvre la loi.
Je rappelle simplement que la loi a été appliquée. Se scandaliser ce soir que 300 millions entrent dans les caisses de l'État par le biais de ce mécanisme…
Oui, la nouvelle a été rendue publique le 14 novembre. Si la loi ne nous convient pas, nous ne pouvons pas pour autant ne pas l'appliquer. Mais nous pouvons la modifier. Si vous souhaitez présenter une proposition de loi en ce sens, nous pourrons l'étudier lors de votre prochaine niche.
Il s'agit encore une fois d'un de ces scandales financiers qui émaillent l'actualité. Dans le même registre, il y a le scandale UBS, cette banque suisse qui a démarché des milliardaires durant des années : la justice française a estimé entre 10 et 12 milliards le montant de l'évasion fiscale.
Là encore, le parquet national financier est en train de négocier avec UBS afin de déterminer quel montant la banque réglerait. Combien de temps cela va-t-il durer ? Avec HSBC, c'est exactement la même chose.
De même, McDonald's a échappé à l'impôt à hauteur de 1,3 milliard d'euros. Ce sont les syndicats qui ont demandé pourquoi le bénéfice n'était jamais redistribué dans les primes et les salaires ; la direction de McDonald's leur a répondu que l'entreprise ne réalisait pas de bénéfices en France. En fait, une partie du bénéfice était détournée à l'étranger et il a fallu que les syndicats portent plainte. McDonald's a été reconnu coupable d'avoir soustrait au fisc un peu plus de 1 milliard d'euros ; il a négocié avec le parquet national financier et a finalement payé, me semble-t-il, entre 300 et 400 millions d'euros.
Ainsi, les fraudeurs sortent toujours gagnants, et si nous ne changeons rien, nous les incitons à continuer de frauder. C'est la raison pour laquelle nous devons être d'une extrême sévérité. Aujourd'hui, il n'y a pas un seul fraudeur fiscal en prison ! Tous les fraudeurs ont réussi à négocier ou s'en sont sortis en payant quelques amendes – mais ils provisionnent pour cela. Je le répète, il faut être d'une extrême sévérité à leur égard. Nous ne devons pas payer à leur place.
Nous avons tous compris que l'amendement no 575 visait à régulariser, à l'état A, deux amendements du Gouvernement : l'amendement no 480 rectifié , de 27 millions d'euros, au profit du CNDS, et l'amendement no 564 , de 339 millions d'euros, au profit de l'AFITF afin de solder la dette d'Écoumouv'.
Pour financer ces minorations de recettes sans dégrader davantage le solde budgétaire, il fallait trouver une nouvelle recette ; cette recette a été trouvée grâce à une convention passée avec HSBC. Mme de Montchalin prétend que cette convention résulte de l'application de la loi. C'est faux ! Si la loi Sapin 2 a effectivement permis de traiter ces dossiers de manière conventionnelle, elle n'a en aucun cas défini un cadre de négociation. Comme l'a très bien dit M. de Courson, c'est Bercy qui, dans le cadre du fameux verrou de Bercy, a négocié en direct avec HSBC.
On peut considérer que ces 300 millions d'euros sont insuffisants. Le Gouvernement a dû prendre cette manne financière en se disant qu'elle lui permettrait de financer deux lignes dans son budget qu'il était nécessaire de boucler.
Je signale au passage que, s'agissant du CNDS, la commission avait adopté un amendement no 333 , qui a été retiré au profit de l'amendement no 480 rectifié puisque le Gouvernement a trouvé un autre financement. En revanche, des amendements relatifs à l'AFITF ont été rejetés par la commission parce qu'ils avaient été déposés par le groupe Nouvelle Gauche ; s'ils avaient émané du groupe La République en marche, ils auraient été adoptés par la commission puis retirés aujourd'hui en séance pour que le Gouvernement mette en place son propre financement. Voilà la réalité des débats budgétaires dans notre Parlement. C'est franchement dommage.
Sur l'amendement no 575 , je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
Je souhaite apporter quelques réponses aux différentes demandes de précisions. Comme Mme de Montchalin l'a rappelé tout à l'heure, nous sommes dans le cadre de la loi Sapin 2 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. J'espère pouvoir rassurer Mme Dalloz en précisant que le verrou de Bercy n'a pas été activé dans cette affaire.
En effet, le verrou de Bercy ne peut l'être qu'en l'absence de mise en examen et de poursuites pénales : l'administration fiscale a alors la possibilité de traiter avec un contribuable dont la situation est délicate – c'est le moins que l'on puisse dire ! – pour trouver un accord.
En l'espèce, l'établissement bancaire faisait l'objet de poursuites pour blanchiment de fraude fiscale, la procédure pénale était engagée et il y avait une mise en examen. L'établissement bancaire a fait le choix de plaider coupable, comme le prévoit la loi Sapin 2, ce qui a ouvert la voie à la conclusion d'une convention qui n'a pas été négociée par le contribuable indélicat – en l'occurrence la personne morale indélicate – avec les services du ministère de l'action et des comptes publics, mais avec le parquet national financier, créé il y a quelques années et évidemment indépendant. Ni le Gouvernement ni les administrations de l'État ne sont liés par cet accord ; ils n'ont pas participé à la discussion entre le parquet national financier et la personne morale. La convention a prévu le versement par HSBC de 300 millions d'euros, qui ont été encaissés par l'État.
Il convient d'ajouter une dernière précision : nous ne pouvons pas dire ni laisser dire que les 300 millions d'euros d'amende payés par cette filiale du groupe HSBC valent
Il convient d'ajouter une dernière précision : nous ne pouvons pas dire ni laisser dire que les 300 millions d'euros d'amende payés par cette filiale du groupe HSBC valent pour solde de tout compte en matière de fraude fiscale. Il s'agit d'une amende que la filiale bancaire en question a réglée à l'État, reconnaissant ainsi avoir participé à une opération frauduleuse, mais en aucun cas ce paiement ne suspend les poursuites intentées devant la justice française contre les contribuables, personnes privées ou personnes morales, qui ont bénéficié du système de fraude fiscale. Seul l'établissement bancaire est condamné, à hauteur de 300 millions d'euros, pour sa participation à l'entreprise de blanchiment. Les individus, les ménages et les personnes morales qui auraient profité du système pour se prêter eux-mêmes à de la fraude fiscale restent exposés à des poursuites. Par conséquent, ces 300 millions d'euros ne constituent pas un solde de tout compte dans cette affaire : ils ne correspondent qu'à la condamnation de la banque poursuivie pour blanchiment.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe REM.
Monsieur le secrétaire d'État, ce sont ces banques qui ont organisé la fraude fiscale.
Elles démarchaient les grosses fortunes françaises pour monter des systèmes frauduleux – d'ailleurs, elles ont reconnu l'accusation de complicité de blanchiment de fraude fiscale. Il convient de les sanctionner, par exemple en utilisant la méthode américaine qui va jusqu'à la suppression de la licence.
C'est ainsi que l'on a obtenu des Suisses la transparence sur ces questions : les autorités américaines ont menacé les banques suisses de se voir retirée leur licence aux États-Unis si elles ne leur communiquaient pas les sommes non déclarées en Suisse par des citoyens américains. Si cette menace avait été mise à exécution, toutes les banques suisses seraient mortes : elles ont donc supplié le gouvernement fédéral de faire voter une loi supprimant le secret bancaire suisse. Les députés ont été obligés de le faire, sous la pression des banques.
De même, en France, on encourage la canaille – je dis bien « la canaille », et je suis un homme de droite modérée.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.
Eh oui, mes chers amis ! Quelles sont les banques qui n'ont pas fait cela ? En connaissez-vous beaucoup, monsieur le secrétaire d'État ? Plusieurs contentieux sont en cours. Quelle image donnons-nous d'un État qui prétend, gouvernement après gouvernement, lutter contre la fraude tout en acceptant ce genre de procédures ?
En l'occurrence, nous devrions refuser la convention et donner au parquet national financier l'instruction de ne pas signer de convention judiciaire mais d'aller jusqu'au bout.
Monsieur le secrétaire d'État, vous nous dites que les contribuables restent passibles de poursuites. Bien sûr qu'ils ne vont pas être innocentés, car ils sont aussi responsables d'avoir accepté les montages frauduleux ! Mais c'est quand même la banque qui a monté ces derniers.
Allez, chers amis de La République en marche ! Faites donc un cadeau de 300 millions d'euros !
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 62 |
Nombre de suffrages exprimés | 60 |
Majorité absolue | 31 |
Pour l'adoption | 39 |
contre | 21 |
L'amendement no 575 est adopté.
L'article 4 et l'état A, modifiés, sont adoptés.
Je mets aux voix l'ensemble de la première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2017.
L'ensemble de la première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2017 est adopté.
Nous abordons l'examen de la seconde partie du projet de loi de finances rectificative pour 2017.
Ces deux amendements, complémentaires, visent à améliorer le schéma de redéploiement de crédits au sein du programme d'investissements d'avenir – PIA – , depuis les actions PIA portées par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie vers l'action PIA « Équipex » portée par l'Agence nationale de la recherche, afin de financer les projets « Microcarb » et « Polar Pod ». Pour ce faire, les crédits ouverts sur le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » sont minorés de 24,2 millions d'euros, tandis que les crédits annulés sur le programme 181 « Prévention des risques » sont minorés de ce même montant. Le soutien aux deux projets demeure complet puisque cette modification constitue un simple ajustement technique.
Ces deux amendements, examinés par la commission dans le cadre de l'article 88 du règlement, ont fait l'objet d'un avis favorable.
Je suis rapporteure spéciale de la commission des finances pour les crédits de la mission « Investissements d'avenir ». J'aimerais donc qu'il nous soit précisé quel PIA est affecté par ces amendements. S'agit-il du PIA 1, du PIA 2 ou du PIA 3 ? Je doute fort que nous parlions du PIA 3, mais j'aimerais en savoir un peu plus.
Seuls les PIA 1 et 2 sont concernés.
L'article 5 et l'état B, modifiés, sont adoptés.
L'article 6 et l'état C sont adoptés.
L'article 7 et l'état D sont adoptés.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 8.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.
L'article 8 fixe le plafond des autorisations d'emplois de l'État. Je veux juste rappeler que 358 équivalents temps plein vont être créés pour régler un réel problème : l'État a enfin pris conscience des difficultés rencontrées par le monde agricole. En effet, ces agents seront affectés au suivi des aides dans le secteur agricole. Je ne sais pas si vous vous rendez compte de la situation catastrophique dans laquelle se trouvent les agriculteurs, qui attendent des mois voire des années pour que leur soient versées les aides de la politique agricole commune, la PAC. Aujourd'hui, nous sommes donc obligés de créer 358 équivalents temps plein, dont 306 exclusivement dédiés à la politique agricole commune. C'est une vraie catastrophe !
Pour notre part, nous considérons que cette hausse du plafond des autorisations d'emplois du ministère de l'agriculture et de l'alimentation est absolument nécessaire. Cependant, pourquoi ce ministère est-il le seul concerné ? D'autres ministères comme ceux de la justice, de l'éducation nationale ou celui de la transition écologique et solidaire, qui met en oeuvre la planification écologique, ont des besoins tout aussi urgents. Si cette mesure est nécessaire, nous ne comprenons pas pourquoi elle se fait au détriment d'autres ministères qui mériteraient la même attention.
Tout d'abord, j'aimerais faire observer que le projet de loi de finances pour 2018 prévoit une baisse symbolique de quelque 300 emplois. Avec cette petite mesure, nous serons à zéro.
Deuxième observation : l'affaire soulevée par Mme Dalloz est une vieille affaire, car les mesures agroenvironnementales – MAE – de 2015 n'ont toujours pas été réglées, alors que le secteur est en extrême difficulté. Vous rendez-vous compte ?
Monsieur le secrétaire d'État, vous demandez la création de 306 emplois – pour être précis – , destinés, comme on le dit pudiquement, au paiement des aides de la PAC. Aura-t-on enfin soldé l'année 2015 à la fin de 2017 et les années 2016 et 2017 à la fin de 2018 ?
Cela me semble tout de même être un objectif minimum que l'on peut fixer aux services du ministère.
Je ne rappellerai pas, puisque vous étiez membre de la majorité à l'époque – vous l'êtes du reste redevenu –,
Sourires
ce que disait ministre de l'agriculture de l'époque, votre ami de l'époque, …
Il l'est toujours !
… qui promettait toujours que, dans trois mois, tout serait réglé.
Pouvez-vous donc vous engager sur ces deux objectifs d'un paiement intégral de 2015 pour la fin 2017 et de 2016 et 2017 pour la fin 2018 ?
Sur l'article 8, je suis saisi d'un amendement, no 427 .
La parole est à M. Jean-Louis Bricout, pour le soutenir.
Pour répondre aux interrogations de M. de Courson, cet amendement tend précisément à demander qu'un un rapport soit remis six mois après la promulgation de la loi. En effet, l'intention est affichée de résorber les retards de paiement de la PAC, alors que des MAE de 2015, 2016 et 2007 ne sont toujours pas en paiement et que nous avions mis en place des cellules d'urgence avec les préfectures et les chambres d'agriculture, tandis que les trésoreries sont largement dans le rouge. Des effectifs correspondant à 358 ETP sont donc en effet prévus dans les directions départementales des territoires – DDT – , où ils doivent arriver pour résorber tous ces retards.
Le rapport demandé doit permettre d'avoir une visibilité sur la situation de chaque département, afin que nous puissions également en tirer des leçons pour l'avenir, car le sujet est plus qu'important pour le secteur agricole.
Je rappelle qu'en commission des finances, nous avons longuement discuté de cet amendement, sur lequel j'avais émis, à titre personnel, un avis favorable, mais que je n'ai cependant pas été suivi par la majorité des membres de la commission, au motif essentiel qu'il y a des rapporteurs spéciaux qui ont pour rôle d'examiner la question du versement des aides de la politique agricole commune.
À l'instar des orateurs qui se sont exprimés à ce propos sur pratiquement tous les bancs, je souhaiterais obtenir du Gouvernement certains engagements. Élu d'un département de montagne, où la PAC a donc une certaine importance, je constate qu'à ce jour, au mois de décembre, tous les dossiers de la PAC 2015 n'ont pas été réglés. Des engagements ont en effet été pris par le ministre de l'agriculture depuis le 21 juin et une procédure de règlement de ce solde a été engagée, mais les engagements du Gouvernement doivent être très précis pour que tout soit effectivement réglé à la fin de ce mois pour 2015 et en 2018 pour 2016. La commission a émis un avis défavorable.
Pour faire écho aux interventions ont précédé la présentation de l'amendement par M. Bricout, je rappelle que l'article proposé dans le projet de loi de finances rectificative vise précisément à régulariser des créations d'emplois intervenues en 2017 pour résorber les retards pris dans le versement des aides prévues au titre de la politique agricole commune. L'objectif est donc bien que ces nouveaux emplois créés en 2017 permettent de solder toutes ces aides.
Il serait toutefois présomptueux de prendre l'engagement que tout soit réglé d'ici au 31 décembre. Je ne veux pas le prendre au nom du ministre de l'agriculture, car ce serait à la fois malvenu et insuffisamment renseigné.
Quant à la demande de rapport exprimée dans cet amendement présenté par M. Bricout et dont la première signataire est Mme Rabault, il serait certainement utile d'avoir une vision de la manière dont les fonds ont été versés département par département et année après année, notamment pour comprendre l'origine des retards. J'ai entendu l'avis de la commission et celui du rapporteur général. Celui du Gouvernement est un avis de sagesse.
Je rappelle, comme l'ont fait certains de nos collègues, que l'agriculture traverse une crise majeure, importante sur les plans à la fois économique, sanitaire et climatique. De surcroît, des versements prévus pour 2015 ne sont pas encore effectués : quelle catégorie professionnelle admettrait une telle situation et accepterait qu'au bout de trois ans, les sommes dues au titre d'un dispositif n'aient pas été réglées ? C'est inadmissible, anormal et insupportable.
Ce n'est du reste pas faute d'avoir alerté le Gouvernement de cette situation, car nous avons été très nombreux, sur tous les bancs, à lui adresser diverses demandes, exprimées notamment au ministre de l'agriculture. À chaque fois, des dates nous ont été indiquées, souvent à un horizon de trois mois. La dernière de ces dates, donnée par M. le ministre de l'agriculture, était celle de la fin novembre, où tous les versements prévus pour 2015 devaient être effectués, ce qui n'est pourtant pas le cas à ce jour.
Monsieur le secrétaire d'État, en réponse à la demande qui vous a été faite, vous avez déclaré que vous ne pouviez pas prendre d'engagement pour la fin de l'année. C'est tout à votre honneur de le reconnaître, même si c'est déplorable.
Je ne comprends pas, cependant, que vous n'acceptiez pas un amendement de cette nature, qui tend à faire dresser un état des lieux afin que nous puissions comprendre pourquoi cette situation s'est produite et quels sont les moyens à mettre en oeuvre pour éviter qu'elle ne se reproduise. Nous votons en effet la création de 358 équivalents temps plein supplémentaires, mais il importe de procéder à un état des lieux, à un diagnostic, car la situation est inadmissible.
L'amendement de nos collègues est donc tout à fait opportun, car il faut comprendre pour pouvoir apporter des solutions et il n'est pas admissible de ne pas apporter ces solutions ni des réponses précises.
Je profite de cette occasion de m'exprimer, car on m'a taxé de mépris pour le débat parlementaire, …
… auquel je contribue pourtant volontiers ici. C'est là un bel exemple de ce que je voulais dire lors de ma dernière intervention.
Il ne me semble pas très utile de demander un rapport sur cette question et il le serait en tout cas beaucoup plus que nous nous déplacions dans les locaux de FranceAgriMer, puisque le problème vient de la fusion des offices agricoles, qui est à peu près concomitante de la révision générale des politiques publiques.
De nombreux services d'État se sont trouvés en souffrance à la suite de la création de FranceAgriMer et de ce qu'elle est devenue. La part des études y a été réduite pour privilégier l'accompagnement et les gens qui y travaillent – on y trouve des personnalités remarquables – savent très bien ce qui s'y passe et à quoi tiennent ces délais de paiement des aides de la PAC.
Je serais ravi de me déplacer et d'aller là-bas auditionner des gens, de manière transpartisane, avec ceux d'entre nous qui sont intervenus sur le sujet. Nous saurions très bien qui interroger – pas forcément des chefs de département ou des membres de la direction, mais peut-être trouverions-nous, à un niveau inférieur, des gens que nous ne penserions peut-être pas à entendre si nous n'allions pas les voir. Nous saurions alors plus rapidement, plus finement et en plus grand détail qu'en demandant un rapport ce qui a fait que les délais soient si longs. Il faudrait pour cela que nous ayons plus de temps et, pour ce faire, que nous en passions peut-être un peu moins dans l'hémicycle !
Nous avons entendu dans cet hémicycle de nombreuses promesses qui n'ont pas été tenues, assorties de dates pour des engagements qui n'ont pas non plus été tenus. Monsieur le secrétaire d'État, j'entends vos propos et je sais bien que vous ne pouvez pas prendre d'engagements pour le ministre de l'agriculture, mais vous représentez tout de même le Gouvernement, qui doit parler d'une seule voix.
Dans cinq mois, nous examinerons le projet de loi de règlement. Prenez-vous l'engagement qu'à cette occasion, FranceAgriMer – à propos duquel je souscris à l'intervention de M. Descrozaille – mette sur la table l'ensemble des données, et le fasse par département ? En effet, pour obtenir ces données par département – je parle sous le contrôle du rapporteur général – , il nous faut parfois procéder à des saisies sur pièces et sur place. Je m'étais ainsi rendue, lorsque j'étais rapporteure générale, au ministère de l'agriculture à propos d'une autre question, à savoir l'indemnité compensatoire de handicaps naturels – ICHN.
A l'occasion de la loi de règlement, FranceAgriMer pourra-t-il nous fournir, par département, les données correspondant aux années 2015, 2016 et 2017, afin que nous puissions comprendre ? Le millésime 2015 sera-t-il payé en 2017 ou en 2018 ? Il faudrait pouvoir disposer de ces données par type d'aide – comme les aides bio, qui ne sont pas encore payées pour 2015.
Un peu d'histoire : quand l'État existait et que les choses se tenaient, le versement des primes de la PAC était simple. C'était, bien évidemment, avant 2012.
Rires.
C'était simple : on exigeait des ministres de l'agriculture que les primes de la PAC soient versées immédiatement et, quand elles n'étaient pas versées en octobre, mais en novembre, des questions d'actualité étaient posées ici-même pour exiger du ministre un versement immédiat.
Exclamations sur quelques bancs du groupe REM.
Mais nous avons eu un ministre de l'agriculture qui s'est désintéressé de l'affaire. Je ne mets personne en accusation, mais on a pris deux ans de retard sur le versement des primes de la PAC et sur les MAE, de telle sorte que les aides environnementales, qu'on prétend soutenir, ne sont pas versées.
Comme je me demandais si cette situation existait dans les pays étrangers, j'ai demandé à un syndicaliste belge – un vrai syndicaliste agricole belge que nous avions chez nous – s'il y avait eu du retard dans son pays. Il m'a répondu, avec cet inimitable accent de nos amis belges, qu'il y avait effectivement eu cette année un retard de… deux ou trois jours ! Chez nous, ce sont deux ans. C'est inadmissible. Alors que nous sommes en pleine crise agricole, des montants gigantesques de trésorerie ne sont pas parvenus dans les exploitations.
Bravo donc pour les 300 emplois, qui doivent entrer très vite en action, mais nous exigeons qu'on talonne l'administration. C'est la raison pour laquelle nous exigeons qu'un rapport puisse nous dire très précisément ce qui se passe.
Je précise qu'il est question davantage d'un bilan que d'un rapport. Des moyens – 358 ETP – seront en effet déployés dans les DDT pour régler les problèmes. On sait que les problèmes de l'agriculture ne sont pas toujours les mêmes d'un département à l'autre et nous souhaitons donc que ce rapport permette de s'assurer que les moyens sont bien déployés au bon endroit et de voir s'il faut les renforcer. Cela nous permettra d'analyser la situation et, si nécessaire, de la rectifier, en espérant, bien sûr, que les engagements seront tenus.
Je tiens à expliquer ce qui s'est passé en commission des finances. Deux excellents rapporteurs spéciaux, Émilie Cariou et Hervé Pellois, dans leur rapport spécial, ont décrit, décliné et explicité le calendrier des versements des aides de 2015, 2016 et 2017, ainsi que les moyens que le Gouvernement met déjà en oeuvre pour que nous en revenions à une situation où les aides versées au titre d'une année soient effectivement payées l'année afférente.
Dans ce cadre, et notamment pour préserver le travail des rapporteurs spéciaux et la valeur de leurs rapports, nous avions tenu à dire que, tout en étant tout aussi concernés par le problème, nous considérions qu'il n'était pas forcément nécessaire de demander un rapport de plus au Gouvernement et que les parlementaires disposaient de tous les pouvoirs nécessaires pour tenir informée la représentation nationale des avancées en la matière.
Comprenant ce soir que le Gouvernement pourrait apporter des éléments supplémentaires plus chiffrés, plus détaillés et plus granulaires – puisque c'est ce que vous nous laissez entendre, monsieur le secrétaire d'État, et ce que semble indiquer l'avis de sagesse que vous avez formulé – , nous sommes prêts à vous suivre.
Nous considérons cependant comme essentiel que les parlementaires puissent continuer à jouer leur rôle et c'est du reste la raison pour laquelle la commission avait voté contre cet amendement. Ce soir, le rapporteur général et le secrétaire d'État semblent indiquer que des informations supplémentaires pourraient être fournies par ce rapport. Nous soutenons donc l'idée d'un ajout de données supplémentaires précises et très locales, complétant ainsi l'action des parlementaires.
Je souscris aux propos de Mme de Montchalin. Il y avait à la commission des lois, dont j'étais membre, une forme de jurisprudence consistant à privilégier toujours les rapports d'information et les missions d'information parlementaires plutôt que de demander des renseignements au Gouvernement. En l'espèce, pour ce qui concerne la question des aides agricoles, l'avis de sagesse consiste aussi à dire que ce rapport permettra de poser un certain nombre de constats et, nous l'espérons, d'avancer pour éviter d'avoir à connaître à nouveau de telles difficultés.
L'engagement que Mme Rabault me demande de prendre est plus facile à tenir que celui que me demande M. de Courson. Je ne peux en effet, pour les raisons que j'indiquais tout à l'heure, prendre devant vous l'engagement que l'intégralité des aides en retard sera versée au 31 décembre, car seul le ministre de l'agriculture pourrait disposer d'informations suffisantes à cet effet et je n'aurai pas la prétention de le faire à sa place.
En revanche, la demande de Mme Rabault que la loi de règlement soit accompagnée de l'intégralité des données disponibles, notamment auprès de FranceAgriMer, est un engagement que nous pouvons prendre et que je prends devant vous. Cela n'empêche du reste pas que se fasse le travail qui vient d'être évoqué et que les rapporteurs spéciaux puissent y procéder, y compris, s'ils en ont le désir, en convoquant les responsables de cet organisme afin de pouvoir les auditionner et, en même temps, obtenir directement les informations.
L'amendement no 427 est adopté.
L'article 8, amendé, est adopté.
La parole est à M. le secrétaire d'État, pour soutenir l'amendement no 549 , portant article additionnel après l'article 8.
Cet amendement a pour objet la ratification d'un décret d'avance qui a été publié après le dépôt du présent projet de loi de finances rectificative.
Avis favorable à cet amendement, que la commission a examiné au titre de l'article 88 du règlement, et qui vise en effet à ratifier le décret d'avance pris le 30 novembre 2017.
Rappelons tout de même que ce décret d'avance opère plusieurs coupes budgétaires dans les crédits 2017, au détriment des communes et des communautés de communes qui voient leur DETR – dotation d'équipement des territoires ruraux – et le FSIL – Fonds de soutien à l'investissement local – réduits encore de 48 millions d'euros après l'amputation de 316 millions déjà pratiquée cet été. Nous voterons contre cet amendement.
L'amendement no 549 est adopté.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article.
La parole est à M. Jean-Louis Bourlanges.
Nous abordons le sujet du prélèvement à la source. Le prélèvement à la source est le meilleur système qui soit, dès lors que l'impôt est individuel, proportionnel et universel.
Or, l'impôt sur le revenu n'est ni individuel, ni proportionnel, ni universel. Seuls 42 % des foyers fiscaux le paient. Il est familial, en ce que son montant dépend de l'agrégation des revenus perçus par chaque membre du foyer fiscal. Enfin, il est progressif, son taux étant fonction de l'agrégation des différents revenus.
Résultat : ce système ne saurait fonctionner ! C'est pourquoi, à titre personnel, je voterai contre. Ce n'est pas là nécessairement la position de mon groupe où M. Jean-Noël Barrot par exemple se montre beaucoup plus favorable que moi à ce dispositif. Cela étant, j'ai beau y être foncièrement hostile, j'ai conscience qu'il est nécessaire de faire des compromis, et trois mesures permettraient d'atténuer la nocivité de ce dispositif.
Tout d'abord, il faut suivre la proposition de M. Woerth et évacuer les entreprises. Le prélèvement doit être opéré par l'administration et les banques, ce qui éviterait un grand nombre d'inconvénients, relatifs notamment à la confidentialité des informations.
Par ailleurs, il faut surmonter les difficultés de l'année blanche en trouvant le moyen de ne pas pénaliser le secteur du bâtiment qui pourrait souffrir d'une baisse des commandes. Le bénéfice des avantages fiscaux liés aux travaux réalisés cette année-là doit absolument être reporté sur les années ultérieures.
Enfin, le seul taux à même de fonctionner est le taux historique de l'année n-1. Il est possible de l'appliquer dès lors que ce ne sont pas les entreprises mais l'État et les banques qui assurent le prélèvement, car il n'y a plus alors de problème de confidentialité.
Le prélèvement à la source est une promesse du précédent Gouvernement que nous avons choisi de maintenir. Pourquoi ?
Lorsqu'une mesure est sensée, nous n'avons aucune raison de ne pas la prendre.
Si en juin dernier, le Gouvernement a annoncé le report d'un an de la mise en oeuvre du prélèvement à la source, c'était pour attendre un audit de l'inspection générale des finances ainsi que le résultat des expérimentations menées afin d'évaluer la robustesse du nouveau dispositif et la réalité de la charge induite pour les collecteurs, en particulier les entreprises. Il fallait se donner le temps de tirer les enseignements de ces travaux et de procéder à divers ajustements nécessaires du dispositif, mais aussi de rassurer l'ensemble des acteurs, en particulier les collecteurs, inquiets de la possibilité de mettre en oeuvre dans les meilleures conditions une réforme d'une telle ampleur.
Plusieurs adaptations apportées au dispositif à la suite des propositions de l'IGF faciliteront la mise en oeuvre du prélèvement à la source. En effet, les contribuables connaîtront leur taux de prélèvement dès la déclaration de leurs revenus en ligne au printemps 2018, ou par leur avis d'imposition papier à l'été 2018. Une simulation du taux de prélèvement sera effectuée sur les feuilles de paie dès octobre 2018 et les sanctions en cas de modulation à la baisse erronée du taux par les contribuables ont été allégées.
Parce qu'il rendra l'impôt plus lisible, qu'il lèvera les difficultés financières potentielles créées par le décalage d'un an, le prélèvement à la source constituera un progrès pour les Français.
Ici, tout le monde connaît un citoyen confronté à des difficultés nées de la non-contemporanéité de l'impôt : le retraité l'année où il part en retraite, un salarié l'année où il perd son emploi, la veuve ou le veuf l'année du décès de son conjoint.
D'autres pays ont mis en place avec succès le prélèvement à la source depuis longtemps. Pourquoi pas chez nous ?
En quoi serions-nous différents des autres ? Ceux qui, comme moi, ont pris la peine de se déplacer la semaine dernière pour assister à la présentation effectuée par la DGFIP sont rassurés quant à la simplicité du système, l'accompagnement prévu pour les contribuables et, quoi que vous en disiez, la confidentialité vis-à-vis des employeurs.
C'est pour toutes ces raisons que nous mettrons en place le prélèvement à la source dès le 1er janvier 2019.
Je me suis largement exprimé en défendant la motion de rejet préalable, mais je voudrais ajouter quelques mots.
Vous avez simplement décalé d'un an la mise en oeuvre de ce dispositif, vous n'avez rien fait d'autre. On nous a parlé de technicité, de la nécessité de s'assurer de la robustesse du dispositif, que nenni ! Le seul objectif de ce décalage était d'éviter qu'au 1er janvier 2018 ne se télescopent la hausse de la CSG et le prélèvement à la source, au risque de provoquer une méga-explosion !
Pour éviter ce télescopage, vous avez décalé d'un an l'entrée en vigueur du prélèvement à la source, mais vous n'avez supprimé aucun des aspects les plus scandaleux du dispositif. Je pense en particulier au gigantesque arsenal dont vous entourez les contribuables et les entreprises, lesquelles prélèveront dorénavant les impôts de leurs salariés.
L'insécurité juridique sera à son comble puisque l'administration se réserve un droit de contrôle dérogatoire du droit commun, d'une durée de quatre ans au lieu de trois, sur les revenus de l'année 2018, la fameuse année de transition. Cela signifie qu'en application du droit commun, les pires voyous sont libérés de tout contrôle au bout de trois ans. Pour nous, en revanche, le délai de prescription sera de quatre ans. C'est incroyable ! Nous avons évoqué tout à l'heure la grande fraude, avec un certain nombre d'affaires pendantes. Eh bien là, pour traquer les revenus de cette année blanche, vous vous débrouillez pour mettre à la disposition de l'administration des moyens bien plus colossaux que ceux du droit commun.
Voilà autant de mesures sur lesquelles il faut revenir.
J'espère que, même si le prélèvement à la source est adopté, nous saurons échapper aux excès les plus graves de cette funeste réforme.
Avec cet article, le prélèvement à la source, imaginé par vos prédécesseurs, entrerait en vigueur le 1er janvier 2019. Vous choisissez d'en garantir la mise en oeuvre, alors même que tous les voyants sont au rouge. La situation actuelle appellerait la suspension, voire l'annulation pure et simple de cette réforme, car contrairement à la présentation qui en est faite, elle n'a rien de fiscal. Soyons clairs : il n'est pas question d'améliorer la progressivité de l'impôt, ni d'en rééquilibrer l'architecture générale. Il ne s'agit en rien d'une réforme fiscale.
En revanche, le rapport à l'impôt s'en trouvera profondément modifié.
Bien évidemment, il serait nécessaire d'améliorer et de simplifier les relations entre l'administration fiscale et les contribuables, de rapprocher le moment où l'impôt est payé de celui où le revenu afférent est perçu.
Or, votre projet ne répond à aucune de ces deux exigences. D'une part, nous sommes loin du fantasme du prélèvement à la source en direct, en temps réel, car le contribuable devra toujours effectuer des démarches administratives, remplir une déclaration. Un décalage persistera entre le moment de perception des revenus et celui du règlement de l'impôt. Ce décalage sera particulièrement perceptible pour les crédits d'impôt. Les contribuables feront une avance de trésorerie à l'État.
D'autre part, M. Le Fur y a insisté, c'est l'employeur qui désormais collectera l'impôt. Or, ce n'est pas son rôle. En le plaçant au coeur de la relation entre le contribuable et l'administration fiscale, on ajoute un rouage, un surcroît de complexité à notre système fiscal qui n'en a pas besoin. Surtout, après la réforme en profondeur de notre code du travail, où l'on a tant mis en exergue le dialogue social, comment se dérouleront concrètement, au sein des PME, les négociations annuelles obligatoires – NAO – , lorsque les entreprises connaîtront parfaitement le patrimoine de chaque salarié ?
Rappelons deux chiffres. Tout d'abord, seuls 42 % des foyers fiscaux paient l'impôt sur le revenu. Par ailleurs, le taux de rendement de cet impôt est de 98 %.
En l'espèce, recouvrement et rendement sont la même chose.
Croyez-vous que le nouveau dispositif permettra d'améliorer encore ce taux, en allant chercher ces 2 % manquants ? C'est impossible.
En réalité, votre décision de repousser d'un an le prélèvement à la source est purement politique. Aucune amélioration technique n'a été apportée. Les mêmes questions restent en suspens. En revanche, en janvier 2018, il aurait été difficile d'assumer à la fois la hausse de la CSG de 1,7 point pour tous et l'instauration du prélèvement à la source. Le pouvoir d'achat aurait subi un tel choc que vous ne vous sentiez pas capables d'en assumer les conséquences politiques. C'est la première raison de votre décision, nous n'hésitons pas à vous le dire.
Le vrai courage, chers collègues de la majorité, aurait été de réformer notre système fiscal. Si vous instituez le prélèvement à la source, vous vous interdisez pour l'avenir de simplifier notre impôt sur le revenu des personnes physiques, particulièrement complexe. Instaurez une flat tax, ce sera beaucoup plus simple ! Prenez des mesures cohérentes, modernes, puisque vous vous réclamez de la modernité !
Le report d'un an du prélèvement à la source est une ineptie. Assumez-le ! En janvier 2019, les Français vous rendront responsables de la baisse de leur pouvoir d'achat.
Ma collègue de La République en marche nous expliquait à l'instant que ce projet ne faisait que reprendre une mesure que le Gouvernement précédent avait prévue sans parvenir à l'appliquer. Mais est-il bien nécessaire de faire aboutir les plus mauvaises idées du Gouvernement précédent ? Ce n'est pas là un argument.
D'autres avancent l'argument de la modernité et nous accusent de conservatisme. En quoi est-il moderne de casser un système qui fonctionne ? En quoi est-il moderne d'alourdir le coût pour l'État et les entreprises, comme en attestent de nombreuses études – surtout vous, qui n'avez de cesse de nous faire la leçon sur la nécessité de réduire les dépenses ? En quoi est-il moderne de copier un système instauré en 1920 en Allemagne, en 1943 aux États-Unis, en 1944 en Grande-Bretagne, en 1962 en Belgique ?
Je comprends que les déclinistes nous poussent à suivre les autres, mais si le législateur, depuis près de cinquante ans, a considéré qu'il n'était pas nécessaire de reproduire les erreurs commises ailleurs, dans des États moins administrés et gérés différemment, c'est sans doute parce que notre système était meilleur.
Comparons. En Allemagne, la complexité de l'impôt sur le revenu est telle que de nombreux contribuables sont obligés de s'adresser à des conseillers privés, ce qui leur coûte cher.
Autre exemple, toujours en Allemagne : le surcoût lié à la retenue à la source de l'impôt sur le revenu est évalué à près de 10 euros par déclaration et par an, soit un surcoût total de 230 millions d'euros par an. Selon l'inspection générale des finances, en France, cette charge pourrait atteindre 310 à 420 millions d'euros pour les entreprises.
Et il existe bien d'autres exemples montrant que la réforme va coûter de l'argent, mais aussi qu'elle est complexe, qu'elle menace la confidentialité et qu'au bout du compte, je l'ai dit, vous allez fragiliser une administration que le monde entier nous envie, …
Rires sur quelques bancs du groupe REM.
Je ne plaisante pas ! Il n'y a pas de quoi rire ! C'est des fonctionnaires de l'administration fiscale dont vous riez ?
Protestations sur les bancs du groupe REM.
S'il vous plaît, monsieur Coquerel. Votre intervention est terminée.
La parole est à Mme Véronique Louwagie.
Mes chers collègues de la majorité, vous vantez le prélèvement à la source pour plusieurs raisons, en particulier la simplicité et la contemporanéité. Sur ces principes, nous pourrions être d'accord avec vous. Mais, en définitive, ce n'est absolument pas ce que vous nous proposez, et c'est là tout le problème.
Si nous pouvons approuver le prélèvement à la source, il n'en va pas de même de la méthodologie de votre réforme. Vous introduisez un dispositif complexe, à la charge des entreprises, et pour les travailleurs non salariés, pour les indépendants, comme je l'ai dit en défendant la motion de renvoi en commission, vous recréez un système équivalent à celui du RSI : de janvier à août seront payés des acomptes calculés sur les résultats de l'année n – 2, puis une régularisation fondée sur les résultats en n – 1 interviendra de septembre à décembre. Ce sera une véritable usine à gaz, qui suscitera l'incompréhension des chefs d'entreprise.
Voilà pour le prélèvement à la source en vitesse de croisière. Concernant l'année blanche, c'est-à-dire 2018, il va être très difficile de distinguer les revenus exceptionnels des revenus non exceptionnels, ce qui va entraîner d'importants contentieux, car aucune réponse précise n'a été apportée sur ce point.
À cela s'ajoute la situation du bâtiment : l'impossibilité d'imputer sur les revenus fonciers le coût des travaux réalisés va créer un véritable marasme dans le secteur, et vous serez pour partie responsables de ces difficultés.
Murmures sur divers bancs.
Tout d'abord, mes chers collègues, savez-vous que ce que l'on est en train de mettre en place va accroître la pression fiscale ?
Pourquoi donc ? C'est tout simple : on passe de n – 1 à n ; à moins de réévaluer le barème de deux années en 2019, et si, comme d'habitude, on ne le réévalue que d'une année, cela créera 2 milliards supplémentaires d'impôt sur le revenu.
Le but de cette réforme est de tenir compte du cas de ceux qui, d'une année sur l'autre, subissent une forte chute de leurs revenus, soit 20 à 25 % de nos concitoyens. Mais on ne parle pas de ceux, au moins deux fois plus nombreux, qui voient leurs revenus augmenter. La réforme va donc arranger 20 à 25 % de nos concitoyens, mais en pénaliser au moins les deux tiers ! Je me permets de vous dire cela…
Oui, par sagesse : il ne faut jamais dire qu'une disposition est formidable ; c'est toujours plus compliqué que cela.
Ensuite, si je n'ai personnellement jamais été hostile au prélèvement à la source, celui-ci pose, c'est vrai, des problèmes considérables, qui sont liés, comme l'a dit Jean-Louis Bourlanges, à la spécificité de l'impôt français sur le revenu. En connaissez-vous d'autres qui soient aussi complexes et à ce point minés par la dépense fiscale ? Quand celle-ci intéresse plus de 50 % de l'impôt, on comprend que l'année neutre pose de gros problèmes. De nombreux amendements vont nous donner l'occasion de le vérifier.
Ne croyez donc pas que la réforme sera simple. Il y aura des plantages et des effets pervers. N'écoutez pas ceux qui vous disent : « Tout va bien, bonnes gens ; dormez, le guet veille ! »
Sourires.
Il n'en est rien. Moi, je vous aurai avertis ! Encore une fois, je n'y suis pas hostile, mais des problèmes considérables demeurent non résolus.
Le débat n'est pas clos, car nous avons beaucoup d'amendements à discuter, mais une conclusion provisoire permettra d'introduire leur examen.
Cette réforme, tout le monde le sait bien, n'est pas seulement technique, mais aussi et surtout politique, …
… politique et sociale. Elle aura pour effet de modifier profondément le rapport entre les salariés et leur salaire. Elle créera une pression fiscale. Elle contribuera à l'incompréhension du revenu net, de la différence de revenu avant et après la perception de l'impôt. Ce n'est pas la même chose de payer un impôt et de le voir prélevé à la source. Prenons deux collègues dont l'un touchait jusqu'à présent un salaire plus élevé que l'autre pour des raisons de qualité du travail ou d'ancienneté : en net, leur situation pourra s'inverser parce que l'un ne paiera pas d'impôt sur le revenu quand l'autre en sera redevable. M. Bourlanges et d'autres l'ont dit : il n'est pas négligeable en l'espèce que plus de la moitié des Français ne soient pas imposables sur le revenu.
N'opposons donc pas les progressistes qui auraient découvert tout à coup l'impôt et le prélèvement à la source aux conservateurs qui n'y auraient rien compris. Je crois que la situation est un peu plus compliquée et un peu plus difficile à accepter.
En outre, la réforme nécessite une grande énergie, qui passe aussi par les entreprises. Or celles-ci ont besoin de mobiliser leur énergie pour autre chose : nous devons réformer le pays. Et la collecte de l'impôt ne se passe pas si mal que cela en France.
Une bonne question est posée : comment éviter le décalage entre le revenu et l'impôt, dès lors qu'il existe des baisses de revenu et des incertitudes sur le revenu futur ? Mais, à cette bonne question, le prélèvement à la source apporte une mauvaise réponse.
Certes, il est pratiqué à l'étranger, mais il l'est dans des contextes fiscaux différents et l'a été à des époques également différentes. De grandes disparités culturelles affectent le rapport qu'entretient un peuple à l'argent et à l'impôt ; en France, il est assez vif.
Nous avons formulé des propositions qui permettent de résoudre ce problème de décalage sans faire jouer aux entreprises le rôle d'intermédiaire, et de continuer de faire payer l'impôt aux contribuables au lieu de les en désolidariser, comme vous le faites avec l'impôt sur le revenu, qui se confondra avec le salaire, comme avec la taxe d'habitation, qu'il faudra bien payer sous une autre forme quand il n'y en aura plus.
Cela produira des effets bien plus importants que les modalités techniques du dispositif.
Le débat sur le prélèvement à la source a eu lieu il y a quelques mois, dans les mêmes termes ou presque, et à d'autres reprises dans cet hémicycle comme en commission.
Je soulignerai simplement que la quasi-totalité des pays développés pratiquent aujourd'hui le prélèvement à la source, et certains depuis plusieurs décennies, depuis les années 1940 ou même 1920.
Avec le développement de la déclaration sociale nominative, qui a eu lieu indépendamment de la réflexion sur le prélèvement à la source, les évolutions additionnelles liées à ce dernier sont limitées pour les entreprises. C'est moins le prélèvement à la source qui est complexe que la structure et le fonctionnement de l'impôt sur le revenu tel que nous le connaissons.
Le système du prélèvement à la source est, lui, relativement simple. L'administration transmet, par l'intermédiaire de la déclaration sociale nominative, donc par flux informatique, sans intervention humaine, le taux de prélèvement de chaque contribuable. Il faut avoir en mémoire le fait que, pour 90 % d'entre eux, ce taux est compris entre 0 et 10 % ; qu'il s'agit d'un taux synthétique qui dépend de la situation fiscale de chacun ; qu'il est fourni par l'administration ; et que, dans plusieurs cas, le contribuable peut tout simplement choisir de lui préférer un taux neutre ou un taux individualisé – par opposition au taux du foyer.
Les entreprises collectent déjà des cotisations, la CSG, la TVA. Elles seront amenées à opérer le prélèvement de l'impôt selon le taux qui leur sera transmis par flux informatique et via la DSN.
Enfin, pour répondre à plusieurs interventions, je rappelle que trois modes de collecte sont possibles pour atteindre l'objectif de contemporanéité de l'impôt, dont tous reconnaissent les bienfaits. Premièrement, la collecte par le verseur du revenu, qui garantit une véritable contemporanéité du prélèvement, lequel s'applique parfaitement à l'assiette. Deuxièmement, le prélèvement par la DGFIP, qui soulage le verseur du revenu de la charge de la collecte mais implique un décalage d'au moins deux mois entre le versement du revenu et le prélèvement. Troisièmement, la mensualisation généralisée sur la base d'une assiette contemporaine ; il appartient alors à chaque contribuable d'ajuster lui-même ses mensualités en fonction de l'évolution de son revenu.
Avec le système retenu, nous choisissons le bénéfice maximal pour le contribuable, sachant que les coûts pour les collecteurs, tels qu'identifiés par l'inspection générale des finances, sont plus raisonnables que certaines études antérieures ont bien voulu le dire, …
… puisqu'ils sont estimés à 300 à 400 millions d'euros pour l'année de mise en place, et à 60 à 70 millions pour l'intégralité des entreprises situées sur le territoire.
Il conviendrait d'ajouter quelques éléments à votre propos, monsieur le secrétaire d'État.
Ainsi, vous n'avez pas parlé des conséquences du prélèvement à la source sur l'année 2018. Les dons aux associations, aux oeuvres, aux partis politiques – vous verrez ce qu'il en sera pour votre formation, mes chers collègues – seront intégrés à la fameuse année blanche, de sorte que les gens n'auront aucun intérêt à en effectuer pour bénéficier d'une déduction fiscale, puisque cela ne sera pas pris en compte.
Un autre élément me paraît fondamental : le coût pour les entreprises. J'ai assisté la semaine dernière à la présentation de M. Parent, directeur général des finances publiques, qui estimait ce coût à 420 à 480 millions d'euros. Il s'agit du coût officiel estimé par Bercy. Une commission sénatoriale qui a travaillé sur le sujet aboutit à une tout autre fourchette : 1,3 milliard d'euros ! Sincèrement, les entreprises peuvent-elles s'offrir aujourd'hui le luxe de financer vos mesures dans ces proportions ?
Un motif que vous ne cessez d'invoquer – vous l'avez encore fait à l'instant, monsieur le secrétaire d'État – est la contemporanéité de l'impôt. Eh bien, rendons l'impôt contemporain : donnons-nous la possibilité de le réformer ultérieurement, et contentons-nous d'un prélèvement mensuel sur le compte du contribuable. C'est simple.
Supprimons donc ce dispositif compliqué.
Cet amendement tend également à supprimer l'article 9.
L'administration fiscale française est l'une des meilleures au monde s'agissant du recouvrement de l'impôt. Selon plusieurs sources, le taux de recouvrement de l'impôt sur le revenu s'élève en France à plus de 98 %, si l'on prend en compte son paiement spontané, et culmine à plus de 99,4 % l'année suivante. À titre de comparaison, il se situe en moyenne entre 95 et 99 % dans les pays de l'OCDE. En clair, l'État ne saurait mieux recouvrer l'impôt qu'il ne le fait aujourd'hui.
Le prélèvement à la source n'améliorera donc pas l'existant. Peut-il le dégrader ? Tout porte à le croire. Le système actuel repose sur une relation unique entre le contribuable et les services fiscaux. Avec la mise en oeuvre du prélèvement à la source, l'employeur va s'insérer dans cette relation, et des erreurs quant au montant dû à l'administration fiscale sont à craindre. Vous l'avouez d'ailleurs à demi-mot, en reconnaissant dans cet article un droit à l'erreur pour l'entreprise.
Nous ne rejetons pas la responsabilité sur les entreprises, mais sur le choix que vous faites de leur imposer la collecte. On le voit bien avec la TVA, collectée par les entreprises puis reversée à l'État : les montants dus à l'État ne sont pas intégralement reversés par les entreprises.
Plus généralement, la réforme proposée fait fi des spécificités de notre système fiscal : du concept de foyer fiscal, qui prend en compte l'ensemble des revenus de la famille ; de l'existence de multiples dispositifs de crédit et réduction d'impôt, dont vient de parler Mme Dalloz – aux partis politiques, l'on pourrait ajouter les associations caritatives, dont les donateurs bénéficient d'une défiscalisation et qui pourraient pâtir du nouveau dispositif dès la première année de sa mise en oeuvre.
L'exposé sommaire de ces amendements laisse entendre qu'ils tendent à supprimer le prélèvement à la source ; or tel n'est pas le cas. En supprimant l'article 9, vous ne feriez que supprimer les améliorations apportées au système du prélèvement à la source à la suite du rapport de l'inspection générale des finances. Si vous avez envie de les supprimer, mes chers collègues, dites-le, mais je pense que vous faites une lourde erreur. Avis défavorable.
Pour répondre à certaines interventions, je tiens à rappeler que tous les crédits et réductions d'impôt seront intégrés au crédit d'impôt modernisation du recouvrement – CIMR – , lequel est destiné à annuler l'impôt dû en 2019 sur les revenus de 2018. Ce faisant, il pourra impliquer une restitution d'impôt aux contribuables bénéficiant de crédits d'impôt, alors même qu'ils ne paieront aucun impôt sur leurs revenus de 2018. Le mécanisme du CIMR est protecteur, puisqu'il préserve les effets incitatifs des dispositifs en 2018, de manière qu'il n'y ait pas de conséquences, par exemple, sur l'enveloppe des dons aux oeuvres caritatives. S'agissant du prélèvement à la source, le débat a déjà eu lieu. Avis défavorable donc, cela ne vous surprendre pas.
Les meilleurs amendements sont les amendements de suppression. Le rapporteur général nous fait remarquer qu'en supprimant l'article, nous supprimons les aménagements et non pas le dispositif ; mais le Gouvernement a suffisamment de bon sens pour supprimer le dispositif, si les conditions de sa mise en oeuvre n'existent plus.
S'agissant de l'estimation financière, je peux vous garantir, sur le fondement d'innombrables expériences, que c'est toujours l'enveloppe la plus élevée qui prévaut. Ceux qui nous disent que tel ou tel dispositif ne coûtera pas cher ont toujours tort par rapport à ceux qui nous assurent que cela coûtera plus.
Je vous mets donc en garde contre le syndrome du porte-avions pas coûteux. Cela n'existe pas !
Bien évidemment, cela coûtera cher, et pas seulement durant l'année de transition : ce sera un coût permanent, comme je l'ai démontré dans mes explications. C'est plusieurs fois dans l'année que le taux va changer, car il ne s'agit pas d'une ligne dotée une fois pour toutes d'un certain taux. Concernant l'organisation, nous avons assurément une administration fiscale de qualité, capable de vous répondre sur un cas précis de manière extrêmement précise et pointue. Mais elle s'interroge. Désormais, l'impôt sur le revenu sera prélevé par les chefs d'entreprise, comme la CSG et les cotisations sociales qui sont collectées puis reversées aux URSSAF. Les entreprises continueront donc de traiter avec les URSSAF mais devront dorénavant traiter également avec la direction générale des finances publiques. Quel sens cela a-t-il ? Monsieur le ministre de l'action et des comptes publics, je souhaiterais que vous m'écoutiez à défaut de m'entendre…
On ne fait que vous écouter !
Qu'allez-vous faire en termes d'organisation administrative ? Je souhaite que vous répondiez à une question que se posent les fonctionnaires de la direction générale des finances publiques. Quelle sera la répartition des rôles entre les URSSAF, spécialisées dans les relations avec les entreprises auprès desquelles elles collectent aujourd'hui la CSG et les cotisations sociales, et la DGFIP qui jusqu'à présent ne collectait que les impôts versés directement par les ménages ?
Je vous écoute, mes chers collègues, avec beaucoup d'attention depuis un certain temps et je demeure surpris par vos propos. Ce que nous proposons est assez simple : quelqu'un qui gagne de l'argent au mois de janvier paie en janvier l'impôt dû sur la somme gagnée. Voilà qui est simple, intuitif et sain !
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
C'est le système que vous défendez qui est ubuesque. Un Martien ne comprendrait pas qu'il faille payer en février – pourquoi ce mois-là ? – un tiers – pourquoi une telle part ? – d'un impôt sur les revenus de l'année précédente.
Par ailleurs, vous nous dites que ça ne marchera pas, que les entreprises ne seront pas capables de mettre en oeuvre un dispositif que vous jugez compliqué et complexe.
Mais cela fonctionne déjà dans des centaines d'entreprises qui ont fait le test cet été. Ça marche !
Enfin, les entreprises collectent des taxes tous les jours ! Elles collectent la TVA en particulier, les cotisations pour le compte des URSSAF…
Si c'était aussi simple et intelligent, elles pourraient aussi payer la TVA avec dix-huit mois de retard ! On pourrait en effet dire que ça ne sert à rien de payer la TVA tout de suite et qu'il vaut mieux attendre dix-huit mois pour la reverser à l'État…
Payer l'impôt que vous devez au moment où vous touchez votre argent me paraît beaucoup plus simple.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe REM.
Le secret et la confidentialité sont des fondements importants pour tout système fiscal démocratique. Avec le prélèvement à la source, ces principes élémentaires seront bousculés. En effet, l'administration fiscale transmettra à l'employeur le taux d'imposition à appliquer à la fiche de paie pour chaque contribuable, lequel reflétera sa situation patrimoniale et financière – donnée qui pourrait être instrumentalisée au moment des négociations salariales. Le risque est donc grand. Plus généralement, dans certaines entreprises, à salaire égal, deux salariés pourraient ne pas se voir appliquer le même taux de retenue à la source, ce qui, très concrètement, donne un indice sur la situation de chacun d'entre eux.
Vous prévoyez la possibilité pour les contribuables d'opter pour un taux neutre – nous avons bien compris, n'est-ce pas ? C'est là que l'usine à gaz se met en route… Il y aura pour ces contribuables, d'un côté, la retenue effectuée sur la fiche de paie et calculée au taux neutre et, de l'autre côté, le prélèvement effectué par le fisc, sur leur compte en banque, du reste à charge. Avec cette double opération, on est loin d'une simplification ! In fine, pour tous les contribuables qui voudront garantir la confidentialité de leur situation, il faudra faire coup double.
Par ailleurs, en commission des finances, le ministre a dit – je le cite – : « non, non et trois fois non » à toute velléité de fusion de l'impôt sur le revenu avec la CSG. Soit ! Mais nous ne sommes pas complètement rassurés à moyen et long termes. Enfin, comment réagiront les entreprises, que l'on place devant une nouvelle responsabilité ? Ne vont-elles pas réclamer demain une indemnisation, vu qu'elles mettent déjà en avant le coût de prise en charge du prélèvement à la source ?
Je vais reprendre plusieurs arguments qui ont été déjà avancés, parce que nous ne doutons pas de pouvoir vous convaincre, d'autant que nous ne sommes pas les derniers, à la France insoumise, à être pour l'impôt. Nous pensons qu'il est l'un des fondements de notre République et d'ailleurs qu'il faudrait instaurer un meilleur impôt, plus progressif. Il ne s'agit donc pas de refuser de nous donner les moyens les plus simples de prélever ce qui est dû à l'État. En revanche, nous ne croyons pas à cette fable de la simplicité, de la praticité et de la facilité que nous a récitée le collègue de La République en marche. En effet, la proportionnalisation de l'impôt sur le revenu en France pose problème, tout comme la prévalence du concept de foyer fiscal sur celui d'individu.
Aujourd'hui, le taux de recouvrement de l'impôt sur le revenu est de 99,4 % au 31 décembre de l'année n+1. Certes, on peut chercher à améliorer le système et tenter de combler ces 0,6 % manquants ; mais, en tout état de cause, il marche – et cela devrait vous faire plaisir ! Il y aurait un peu de zèle à vouloir l'améliorer à la marge.
Au problème de la confidentialité, la majorité a répondu que le salarié pourrait choisir un taux neutre avant de verser au fisc le complément. Quel serait alors l'intérêt de passer à un prélèvement à la source si chaque salarié doit, quoi qu'il en soit, compléter les versements auprès de l'administration fiscale ? Cela n'est pas si simple. Par ailleurs, ce mécanisme est coûteux pour les finances publiques. De quels moyens disposeront l'administration fiscale et les agents ? Enfin, le système pourrait se révéler risqué pour les recettes fiscales en cas d'optimisation fiscale massive en 2018. C'est pourquoi il nous semble incompréhensible que la majorité s'arc-boute sur une mesure qui n'a ni utilité, ni efficacité, et qui posera plutôt des problèmes.
Cet amendement vise à faire abandonner les dispositions relatives au prélèvement à la source adoptées à la toute fin de la législature précédente. Monsieur le ministre, écoutez votre opposition ! Nous vous rendons service en vous suggérant de renoncer à cette idée. J'ai d'ailleurs cru, l'été dernier, que vous envisagiez une telle hypothèse, lorsque vous avez décidé de décaler le projet pour y réfléchir. Mais en fait, chacun a maintenant compris que ce décalage cherchait seulement à éviter une concomitance d'effets entre l'augmentation de la CSG et le prélèvement à la source.
Et puis un conseil personnel, monsieur le ministre… Qui a été associé à ce prélèvement à la source ? Sapin ! Il n'est plus parmi nous… Eckert ! Il a été battu par le suffrage universel… Dominique Lefebvre, vice-président de la commission des finances !
Monsieur le ministre, ce prélèvement à la source promet d'être extrêmement coûteux en termes politiques. En janvier et février 2019, quand les gens n'y comprendront rien, qu'ils verront leur feuille de paie diminuée par rapport au mois précédent et que leur situation, par rapport à un collègue qui gagnait le même salaire, a sensiblement évolué, ils se poseront beaucoup de questions sur leur direction des ressources humaines et leur employeur, mais aussi en termes politiques.
Monsieur le ministre, entendez le conseil de votre opposition : abandonnez ce funeste projet !
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 87 .
Pourquoi n'avez-vous pas rendu obligatoire le système aujourd'hui optionnel du paiement de l'impôt par prélèvement mensuel et apporté ainsi une réponse de simplification à la question de la contemporanéité de son paiement ? Le système est relativement simple : le contribuable paie, au 15 de chaque de mois, le même montant pendant dix mois, avec la possibilité d'augmenter ou de diminuer les prélèvements en cours d'année, voire de les suspendre si le montant payé a atteint celui dont il est redevable.
Avec ce système, nous n'avions pas à mettre les entreprises dans la boucle et nous évitions de leur faire supporter la charge de la collecte. Il aurait suffi d'adapter un système existant qui fonctionne et dont l'administration fiscale fait d'ailleurs la promotion, puisque les personnes qui ne sont pas mensualisées aujourd'hui reçoivent régulièrement des messages pour les inciter à choisir le prélèvement mensuel. Cet amendement vise donc à supprimer le prélèvement à la source pour lui substituer, éventuellement, un autre dispositif.
La parole est à Mme Valérie Lacroute, pour soutenir l'amendement no 474 .
Mon amendement va dans le même sens que celui de ma collègue Véronique Louwagie. Celle-ci a énuméré tous les avantages de la mensualisation ; je vais, pour ma part, rappeler à nouveau tous les inconvénients du prélèvement à la source. Vous ne cessez de nous dire que ce système va simplifier la vie des entreprises, mais on voit bien que ce sera au contraire, notamment pour les PME et les TPE, une charge administrative et un coût financier supplémentaires – que le Conseil des prélèvements obligatoires a estimé à environ 2 milliards d'euros. Le prélèvement à la source ne simplifiera rien non plus pour les contribuables, qui devront toujours établir une déclaration annuelle ; en revanche, ils perdront la confidentialité et la possibilité de formuler des demandes de remise gracieuse, mais verront les systèmes d'acompte maintenus. Où donc sera la simplification pour eux ? Enfin, ce prélèvement à la source donnera au Gouvernement la possibilité de noyer l'impôt sur le revenu dans la fiche de paie, donc de camoufler une éventuelle augmentation des impôts pour le contribuable. Bienvenue dans le nouveau monde !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
J'ai déjà présenté cet amendement ; je serai donc très bref. Je pense qu'on pouvait faire autrement. Le Gouvernement a hérité de cette réforme, qui avait été proposée par le président Hollande et défendue par Michel Sapin et Christian Eckert, et n'a pas su s'en dépatouiller. Cette réforme était également promue par l'administration fiscale qui s'y était engagée et ne voulait plus faire marche arrière. On pouvait éviter le prélèvement à la source, et l'IGF a d'ailleurs examiné nos propositions. Celles-ci sont parfaitement valides : deux mois de décalage, recours à la déclaration sociale nominative, administration fiscale seule en face du contribuable – ce qui permet, entre autres avantages, de conjugaliser l'impôt.
Ce système a beaucoup d'avantages. L'impôt est payé par le contribuable – il n'y a pas de prélèvement à la source – mais le paiement est bien contemporain, à deux mois près, à la perception du revenu. La contemporanéité est peut-être un peu moins pure que lors d'une actualisation au mois près, mais au fond cela ne change pas grand-chose : ce dispositif correspond à la volonté de compenser les aléas de revenu ou de vie durant l'année. Commencer l'année avec deux mois plutôt qu'un an de dette vis-à-vis des impôts, cela change véritablement les choses. De plus, on laisse bien seule l'administration fiscale en face du contribuable. L'intermédiation de l'entreprise, elle, ne va pas dans le sens de la réduction des charges des entreprises et de la simplification – objectifs que vous dites poursuivre. Vous tenez donc un langage totalement contradictoire. Vous n'avez pas voulu du système que nous proposions, on ne peut que le regretter ; vous passez à côté d'une bonne réforme.
Au-delà de la date à laquelle nous proposons de reporter ce projet, de façon à pouvoir l'examiner plus attentivement et, si possible – car nous espérons qu'entre-temps la lucidité viendra à tout le monde – , y renoncer définitivement, je voudrais m'adresser à mes collègues du groupe La République en marche. Une fois de plus – et je m'étonne que cela ne vous titille pas davantage, vous qui vantez de nouvelles manières de faire de la politique – , vous avez aujourd'hui face à vous des groupes habituellement opposés sur le fond, qui vous disent quasiment la même chose. Ils pointent notamment, avec force arguments, qu'il y a déjà un système qui fonctionne. Vous dites que le conserver serait « ubuesque » ; mais qu'y a-t-il d'ubuesque à vouloir préserver un système qui marche ? Vous n'avez pas répondu à cette question. Aujourd'hui, le système assure un taux de recouvrement absolument exceptionnel, supérieur à celui de certains pays qui pratiquent le prélèvement à la source.
Vous nous dites – et cela vient d'être démontré avec brio par plusieurs de mes collègues – qu'on ne saurait revenir à un système où l'on va payer par tiers provisionnels ; mais chacun sait que la mensualisation, en plein développement, fonctionne de mieux en mieux. Si vous voulez, pourquoi ne pas la rendre tout de suite obligatoire ? Vous avez donc quelque chose qui marche, mais vous nous dites : hors de question de le garder, on veut absolument changer. Je m'interroge du coup sur les raisons qui vous y poussent. Vous nous rassurez sans arrêt en promettant que la réforme ne vise pas à revenir sur la progressivité de l'impôt, mais voilà qu'un collègue avance que la TVA, elle, est bien prélevée directement. Justement, la TVA n'est pas un impôt progressif, pas plus que la CSG ! Et je crains fort qu'en réalité, derrière cette usine à gaz, se cache quelque chose qui permettra… ,
… au fur et à mesure, au nom de la simplification, de revenir sur la progressivité de l'impôt, et donc sur la caractéristique de l'impôt sur le revenu en France. Tous les arguments ont été présentés. J'espère que vous allez réfléchir et voter ces amendements.
Dans cette série d'amendements, dont la plupart ont d'ailleurs déjà été examinés au mois de juillet, certains veulent supprimer le prélèvement à la source ; d'autres, comme le président Woerth, souhaitent lui substituer un autre système – lequel a d'ailleurs été évoqué par l'IGF dans son rapport, pour être écarté. Certains suppriment accessoirement d'autres dispositions : ainsi, j'inviterais M. Roussel à retirer son amendement puisqu'il supprime aussi l'article 82 de la loi de finances pour 2017 relatif au crédit d'impôt pour les salariés à domicile – ce qui ne devait pas être son intention ! D'autres encore reportent le prélèvement à la source d'une année de plus. Quelques-uns, tout en supprimant l'article 60 de la loi de finances pour 2017, suppriment également le régime du micro-bénéfice agricole, ce qui est embêtant…
On a déjà eu cette discussion en juillet, puis à nouveau en commission, et je donnerai un avis défavorable à l'ensemble de ces amendements. Je tiens toutefois à dire une chose. Mme Obono a évoqué le problème du risque de détournement d'usage des taux ; bien que ce ne soit pas du tout la volonté du Gouvernement ni du législateur, les choses ne sont peut-être pas assez explicites. Pour clarifier le dispositif, je proposerai donc ultérieurement, à l'occasion d'une série importante d'amendements, un sous-amendement qui permet de sanctionner ce détournement.
Je constate pour commencer que vous n'êtes pas d'accord. M. Le Fur nous demande de respecter et d'écouter l'opposition ; je la respecte et je l'écoute, mais elle est polyphonique ! Il y a ceux qui, comme vous, monsieur Le Fur, disent qu'il ne faut surtout toucher à rien, que tout est formidable et qu'on va embêter tout le monde à changer quelque chose. Il y a ceux qui disent que l'impôt est déjà bien recouvré ; mais je vous rassure, monsieur le député, l'objet de la réforme n'est pas d'améliorer le recouvrement : on peut aussi faire des réformes pour aider les gens, et pas seulement pour les amener à payer l'impôt, même si c'est évidemment important. Et puis il y a ceux qui, comme le président Woerth ou d'autres – par exemple M. Carrez cet été – se disent favorables à un paiement de l'impôt contemporain à la perception des revenus, mais critiquent la façon dont la réforme est conduite. Mme Louwagie nous a même demandé pourquoi nous n'avions pas choisi de passer par les banques. Il y a donc plusieurs types d'opposition.
Si on ne fait pas appel aux banques, c'est parce que – et vous auriez été les premiers à nous le reprocher – les banques risqueraient de le facturer aux usagers. Vos propositions sont donc contradictoires.
Deuxièmement, je voudrais dire au président Woerth – mais c'était sans doute un argument de tribune – qu'il ne faut pas s'inquiéter : l'administration fiscale est bien commandée par un ministre et plus largement par un Gouvernement. Elle ne crée pas ses propres lois dans un coin, qui viendraient s'imposer aux ministres.
S'il y a eu des ministres faibles, ce n'est ni vous, monsieur Woerth, ni un autre qui allez me contredire sur le fait que cette belle administration est commandée, et j'ai l'honneur aujourd'hui d'assumer cette tâche.
Troisièmement, il y a quelque chose d'intéressant dans vos arguments, et je suis très étonné d'y voir se ranger les députés de la France insoumise ou encore M. Roussel : vous défendez les positions de ceux qui vont bien, dont la rémunération ne varie pas ! Quand le président Woerth estime qu'un décalage de deux mois n'est pas grave, il évoque le monde idéal de ceux qui, comme vous et moi – et plus encore vous que moi puisque vous avez un mandat d'au moins cinq ans, alors que pour moi tout est incertain, à tout moment – ont une rémunération à peu près fixe chaque mois. Mais je suis désolé de vous dire que dans ma commune, comme chez beaucoup d'entre vous, monsieur le député de Saint-Amand-les-Eaux, on voit des gens – ouvrier d'usine, caissière de supermarché… – qui enchaînent les CDD et les contrats d'intérim ou qui qui bénéficient en fin d'année d'un treizième mois. Pour eux, payer l'impôt sur ce treizième mois deux mois plus tard, alors que Noël est passé par là, ce n'est bien sûr pas la même chose que pour les gens qui ont une rémunération fixe qui tombe chaque mois. Comment pouvons-nous faire fi de toutes ces difficultés ? Certes, monsieur Rousssel, vous avez le droit de défendre les arguments du président Woerth, ce n'est pas une insulte, c'est même plutôt intéressant…
Mais enfin ces gens ne sont pas imposables ! La caissière ne paie pas l'impôt sur le revenu !
Je ne sais pas où vous vivez, monsieur le député, mais les caissières de chez moi paient l'impôt sur le revenu parce qu'elles se lèvent tôt et travaillent beaucoup.
Les caissières ne paieraient pas l'impôt sur le revenu ? En effet, la droite a manifestement cessé d'être populaire depuis longtemps !
Dire que les caissières ne paient pas l'impôt sur le revenu traduit un mépris étonnant.
C'est assez désolant ! N'insistez pas sur ce point car vous vous enfoncez, monsieur le député.
Combien gagne une caissière ? Elles ne font pas trente-cinq heures, elles travaillent vingt heures par semaine !
Indépendamment de cette question, un argument très important en faveur du prélèvement à la source, c'est que celui-ci permet la contemporanéité de l'impôt. On pourrait élargir la mensualisation, comme vous le proposez : en effet, quelque 60 % des gens qui paient l'impôt sur le revenu ont choisi cette option et on pourrait la généraliser, même si, soit dit au passage, cela ne change rien au décalage d'un an. Ce serait un débat intéressant. Mais les arguments que vous avancez se contredisent mutuellement ; je donne donc un avis défavorable à l'ensemble de ces amendements. On a déjà abordé ce point cet après-midi : le système actuel pose problème aux personnes qui connaissent des baisses de rémunération, lorsqu'elles partent en retraite ou qu'elles perdent leur emploi. On a dit tout à l'heure qu'il s'agissait d'une mesure anti-jeunes, mais je pense que c'est l'inverse : comme on ne paie pas l'impôt sur le revenu l'année où on entre dans la vie active, il y a des personnes – y compris aux revenus confortables – qui ne le découvrent que l'année suivante et qui, s'ils n'ont pas papa et maman pour les aider, prennent des crédits à la consommation dès leur vingt-troisième ou vingt-quatrième année pour payer cet impôt. S'il a été décidé de reporter la réforme d'un an, c'est pour mesurer les choses ; pour toutes ces raisons, monsieur Le Fur, je donne un avis défavorable à tous ces amendements. Ce sera un service rendu à la population.
Applaudissements sur les bancs du groupe REM.
La caissière ne paie pas d'impôt… C'est d'un ridicule…
Mon cher ministre, il est normal que dans une assemblée, il y ait une pluralité d'opinions, même contradictoires !
Parmi les gens hostiles à cette réforme du prélèvement à la source, certains savent qu'on n'obtiendra pas tout et présentent des amendements de repli. C'est quand même une technique parlementaire classique ! Par exemple, bien qu'hostile au dispositif proposé, je soutiens la position du président Woerth car je crois qu'elle limite les dégâts.
Pour ce qui est de la caissière, monsieur le ministre, vous avez beaucoup de talent, mais ne mettez pas de l'opprobre là où il n'y en a pas. L'impôt sur le revenu n'est acquitté que par 42 % des Français. Je ne sache pas que les caissières fassent partie des 42 % des plus favorisés en matière de revenus ; il s'agit simplement de constater que les gens ayant des revenus limités ne paient pas cet impôt.
On ne va pas reprendre ce débat ; je limiterai donc mon propos à une seule observation. J'ai été choqué par la désinvolture avec laquelle M. Cazeneuve envisageait le problème de la confidentialité.
Dire que l'on peut faire confiance aux entreprises parce qu'elles collectent la TVA est risible ! Collecter la TVA, et avoir intimement connaissance des revenus d'une famille, cela n'a rien à voir !
Je vous rappelle simplement, mes chers collègues, le caractère irremplaçable du rôle de l'État. Seul l'État est impartial, seul l'État est neutre, seul l'État est capable de veiller à la confidentialité. Mes maîtres m'enseignaient cette phrase de Georges Burdeau : « L'homme a inventé l'État pour ne pas obéir à l'homme » mais à des principes.
Or les relations qui se nouent au sein des entreprises sont particulières : il s'agit à la fois de relations de confrontation, de coopération et de commandement vis-à-vis des salariés. Dire que ce n'est pas le rôle des entreprises que de participer, à ce stade, à la collecte de l'impôt, ce n'est pas leur faire insulte !
De ce point de vue le système proposé par M. Woerth présente beaucoup d'avantages, notamment celui de concilier contemporanéité et monopole de l'État dans la perception de l'impôt – principe auquel nous sommes attachés.
Ce dispositif – comme beaucoup d'autres – comporte beaucoup d'effets de bord. Il y a beaucoup d'occasions de commettre des erreurs – c'est le propre des dispositifs très complexes comme celui-ci. Ce n'est pas pour rien que notre collègue Marc Le Fur nous propose à peu près une centaine d'amendements sur ce seul sujet !
Vous avez beaucoup travaillé, mon cher collègue : tout cela montre l'ampleur des problèmes que nous abordons par ce biais.
Pour ma part, je n'ai jamais considéré le prélèvement à la source comme une réforme fiscale d'importance décisive ; aussi ai-je surtout écouté et peu parlé sur cette question. Concernant le coût de cette réforme pour les entreprises, le responsable d'une PME me disait hier que ce nouveau système lui coûtera 6 euros par feuille de paie mensuelle. Je pense que nous constaterons progressivement que ce ne sera pas le cas. De la même façon, il n'y aura probablement pas autant de problèmes de confidentialité qu'on le laisse entendre.
Il faut remettre ce débat en ordre, car au fond, à ce sujet, seule une question d'importance se pose, au milieu de cent questions annexes. Cette question est la suivante : comment pouvons-nous faciliter la vie de nos concitoyens en prélevant l'impôt simultanément à la perception des revenus afférents ?
On nous oppose le dispositif de la mensualisation. Mais la mensualisation, ce n'est jamais qu'un étalement ; cela ne change rien au fait que les contribuables paient leur impôt sur les revenus perçus l'année précédente. Si, pour quelque raison que ce soit, votre situation se modifie d'une année sur l'autre, ou si vos revenus baissent, vous pouvez étaler vos mensualités sur plusieurs mois ; il n'empêche qu'il vous faudra bien payer l'impôt sur les revenus supérieurs que vous avez perçus l'année précédente !
Pour surmonter cette difficulté, la seule solution est de payer l'impôt sur les revenus de l'année en cours et, pour cela, de gommer l'année de transition, en faire une année blanche. Il faut comprendre que c'est là un avantage décisif ; quant aux différents inconvénients de ce système, nous y remédierons progressivement.
Je voudrais répondre à la remarque de M. le ministre, qui s'étonnait du fait que nous arrivions tous et toutes, dans l'opposition, aux mêmes conclusions, quoique nous n'ayons pas la même approche. Cette polyphonie, cet accord entre groupes très différents, devrait vous interpeller.
Les propos de M. Bourlanges sur le sens de l'impôt et le rôle de l'État dans son recouvrement devraient vous marquer. Il ne s'agit pas seulement d'une question technique : l'État est au fondement de la société française, entre autres car il prélève l'impôt de façon neutre. Le consentement à l'impôt en dépend, et partant, la solidité de la société. Les députés de la majorité devraient donc s'interroger sur les conséquences de l'intrusion d'une tierce partie, qui décrédibilise – en partie – le rôle de l'État.
Vous avez fait référence à nos concitoyens et concitoyennes qui ne paient pas d'impôts. Nous, nous avons des propositions à ce sujet : nous voulons par exemple – je l'ai déjà dit tout à l'heure – une véritable progressivité de l'impôt, qui permettrait d'éviter que certaines personnes n'aient tout à coup à en payer un gros montant. Avec nos propositions, l'impôt sur le revenu serait étalé non sur cinq mais sur quatorze tranches, si bien que même les personnes n'ayant que très peu de revenus contribueraient, à la mesure de leurs moyens, à l'effort national, de façon digne et sans être écrasées par les impôts.
Si vous examinez attentivement les propositions de l'opposition, vous verrez qu'il y a d'autres solutions que celle que vous proposez – sachant que nous ne sommes pas d'accord avec celles que préconisent nos collègues du groupe Les Républicains. Quoi qu'il en soit, il existe des solutions plus modernes et efficaces que celle que vous proposez, des solutions qui respectent le rôle central de l'État, fondement de la citoyenneté, dans la perception de l'impôt.
Mes chers collègues, en tant qu'ancienne responsable des ressources humaines, chargée de la paye, je dois dire que j'ai entendu ce soir un paquet de bêtises ! Certains ont soutenu qu'aujourd'hui, les employeurs ne gèrent pas de données confidentielles des salariés. Je tiens à leur dire que les responsables des ressources humaines ne font que cela !
Mais il y en a certaines dont ils aimeraient bien ne plus avoir à s'occuper : celles relatives aux saisies-arrêts sur salaire.
Certains disent que l'État est le seul qui peut prélever l'impôt ; mais l'administration fiscale elle-même demande parfois aux entreprises d'opérer une saisie-arrêt sur salaire pour régler les montants qui lui sont dus. Et cela, très honnêtement, on s'en passerait bien !
Les employeurs savent effectuer ces prélèvements sur salaire. Certes, ils ne le font pas avec plaisir, mais ils le font.
Concernant la confidentialité, la DGFIP a tout fait pour qu'elle soit préservée pour ceux qui le souhaitent. De toute façon, il n'est pas possible, aujourd'hui, d'évaluer avec certitude le patrimoine d'une personne à partir de son taux d'imposition.
Ce n'est pas la connaissance du patrimoine qui pose problème, mais celle du niveau de revenus !
Enfin j'ai entendu plusieurs arguments concernant les négociations salariales et d'éventuelles augmentations. Dites-vous bien que pour faire un budget de masse salariale, et pour déterminer les augmentations qui seront accordées, les responsables des ressources humaines doivent consulter des informations relatives à l'évolution des salaires sur environ cinq années, sans compter les primes qui ont été versées à la personne considérée, les objectifs qu'elle a atteints, les formations qu'elle a suivies, mais aussi l'organisation cible de l'entreprise… Toutes ces informations doivent être prises en considération.
Et les boulangers, et les garagistes, tous ceux qui n'ont pas de direction des ressources humaines, comment font-ils ?
Dans ce contexte, le taux d'imposition ne représente pas grand-chose, d'autant plus qu'il vaut pour le foyer fiscal. Et de toute façon, ce taux peut évoluer, parce que le salarié aura décidé de le faire évoluer. Pour toutes ces raisons, le taux d'imposition ne rentrera pas en ligne de compte lorsqu'il s'agira d'accorder – ou non – une augmentation à un salarié.
Applaudissements sur les bancs du groupe REM.
Les remarques formulées précédemment concernant la rémunération des caissières m'ont beaucoup étonnée. Je viens de lancer une requête sur Google : ses résultats m'indiquent que le salaire moyen d'un caissier de magasin en France en 2017 est de 1 456 euros net par mois.
Elle a raison ! Les ouvriers aussi payent des impôts, vous savez !
J'ai confronté ces résultats aux tranches de l'impôt sur le revenu. Une personne qui gagne 1 375 euros net par mois paye 400 euros d'impôt sur le revenu par an.
« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe REM.
Cela montre deux choses : premièrement, que l'on peut être caissier et payer l'impôt sur le revenu ; deuxièmement, que ceux qui prétendent défendre les classes populaires n'en connaissent ni les revenus, ni le mode de vie, ni les impôts qu'elles payent.
Ce n'est pas lamentable, madame, c'est la réalité : il y a aujourd'hui de très nombreux Français, qui ont des salaires moyens, paient l'impôt sur le revenu, et seront, grâce à cette réforme, très contents de le payer en même temps qu'ils reçoivent leur salaire.
Applaudissements sur les bancs du groupe REM.
Ma chère collègue, je vous invite à aller voir les caissières qui travaillent à proximité de chez vous.
Laissez-moi m'exprimer !
Combien d'heures par semaine travaillent-elles ?
Aucune ne travaille trente-cinq heures : on les embauche plutôt pour trente heures par semaine. Comme vous, j'ai vérifié en faisant une recherche sur Google : la rémunération nette mensuelle d'un caissier est de 998 euros. Sans doute le chiffre que vous nous avez donné se rapporte-t-il à un salaire brut, pour un contrat à plein temps.
Vous vous enfoncez !
Allez dans l'hypermarché le plus proche de chez vous, interrogez les caissières : vous apprendrez qu'il n'y en a que très peu qui qui travaillent à plein temps. Et je le répète : les montants que vous donnez sont bruts et non nets.
Je me tourne à présent vers vous, monsieur le ministre : quelle était votre opinion il y a encore deux ou trois ans, lorsque vous siégiez sur nos bancs ? On s'est inspiré du système allemand, lequel a été mis en place dans les années 1950 alors que le secteur bancaire n'était pas encore très développé et que les salaires étaient versés chaque mois en numéraire. Aujourd'hui, il est très facile de régler ses impôts par prélèvements : cela ne pose aucune difficulté en termes de trésorerie.
Je suis donc très étonné de vous voir reprendre cette idée aux députés socialistes de la précédente législature. D'ailleurs les députés socialistes de cette législature-ci ne sont pas très nombreux ce soir pour la défendre !
Je serai très bref. Monsieur le ministre, n'allez pas dire que les députés du groupe Les Républicains ne sont pas élus dans des circonscriptions populaires !
Pour ne pas savoir qu'une caissière aussi paye des impôts !
Je suis élu dans une circonscription où il y a deux abattoirs comptant chacun 3 000 salariés, qui sont pour la plupart au SMIC ou à peine au-dessus. Que les choses soient bien claires à ce sujet.
Par ailleurs, il faut arrêter avec cette histoire de caissière qui paye l'impôt sur le revenu : la plupart des caissières ne travaillent que vingt-huit heures par semaine ; sauf exception, il est donc impossible qu'elles soient assujetties à cet impôt. Il est temps que les porte-paroles du groupe La République en marche comprennent qu'il y a, dans ce pays, des gens très modestes !
Exclamations sur les bancs du groupe REM.
Justement !
Nous avons déjà entendu, à la radio, un porte-parole du groupe majoritaire ayant oublié ce que c'est que la prime de Noël. Madame de Montchalin, il serait bon que tous les porte-parole de votre groupe se renseignent !
Exclamations sur les bancs du groupe REM.
… je vais donc mettre aux voix les différents amendements en discussion commune.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2017.
La séance est levée.
La séance est levée, le mardi 5 décembre 2017, à une heure.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Catherine Joly