La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures.
Nous abordons l'examen des crédits relatifs aux relations avec les collectivités territoriales (no 3399, annexe 36 ; no 3404, tome VI) ainsi qu'au compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales » (no 3399, annexe 36).
La parole est à M. Christophe Jerretie, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
En premier lieu, j'observe que nous n'avons toujours pas eu de grand débat sur les collectivités locales dans cet hémicycle. En conséquence, si une partie de mon intervention portera bien évidemment sur les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », le compte de concours financier « Avances aux collectivités territoriales » et les articles rattachés, son périmètre englobera également la question de la fiscalité.
Explorons en premier lieu les crédits de la mission. Je relève qu'ils s'élèvent, en 2021, à 4,09 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 3,91 milliards en crédits de paiement. La hausse de 260 millions d'euros des autorisations d'engagement par rapport à 2020 s'explique par l'addition de trois mesures de périmètre, dont deux sont liées à des suppressions de fiscalité locale – que je commenterai ultérieurement, comme je viens de l'indiquer. Je me réjouis que le Gouvernement ait stabilisé le montant des actes d'engagement. Je remarque également que les crédits de paiement traduisent la maturité des dotations d'investissement et du cycle électoral. Les montants alloués à la DSID – dotation de soutien à l'investissement des départements – , créée plus récemment, progressent vigoureusement, tandis que ceux du bloc communal – la dotation « politique de la ville », DPV, la dotation de soutien à l'investissement local, DSIL, et la dotation d'équipement des territoires ruraux, DETR – diminuent légèrement. Je suis certain que nous aurons ici un débat proportionné et serré sur la DETR, laquelle a fait l'objet d'une mission d'information sur la refonte de ses critères d'attribution, en vue d'assurer un meilleur ciblage.
Enfin, s'agissant des investissements, je ne peux passer sous silence l'ouverture, dans le troisième PLFR – projet de loi de finances rectificative – , d'une DSIL exceptionnelle, avec 1 milliard d'euros en autorisations d'engagement. Je suis surpris de ne trouver inscrit dans le présent projet de loi de finances – PLF – pour 2021 qu'un montant de 100 millions d'euros seulement. Cela mérite quelques explications.
Auscultons ensuite le compte de concours financier « Avances aux collectivités territoriales », où transitent plus de 110 milliards d'euros. Nous avons redécouvert, pendant la crise, l'utilité de ce compte et sa faculté à faciliter l'action des collectivités. Il est en effet entré en scène pour soutenir les départements touchés par une baisse des recettes au titre des avances remboursables de DMTO – droits de mutation à titre onéreux : 2 milliards d'euros de crédits ont été débloqués en ce sens au mois de juillet. Qu'en sera-t-il en 2021, me demanderez-vous ? L'examen du PLF révèle qu'une nouvelle provision de 700 millions d'euros est prévue pour anticiper la future baisse du produit des DMTO.
J'en viens maintenant aux deux articles rattachés à la mission. Le premier traite, enfin, de la mise en oeuvre de l'automatisation du FCTVA – fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée – , qui avait déjà été reportée à deux reprises. C'est l'article 57 du PLF : nous devrons nous en souvenir ! Car nous y voilà : même si les dispositions prévues à cet article n'entreront en vigueur que de façon progressive, à partir du 1er janvier 2021, je suis très satisfait, car elles contribueront à faciliter la gestion du fonds. Je rappelle que le FCTVA, qui atteindra 6,5 milliards d'euros en 2021, représente la principale aide financière à l'investissement des collectivités.
Scrutons ensuite le deuxième article non rattaché, le traditionnel article de répartition de la DGF – dotation globale de fonctionnement – , qui porte notamment sur la péréquation verticale. Cette dernière atteindra, en 2021, un sommet historique, grâce à des majorations de la DSU – dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale – et de la DSR – dotation de solidarité rurale – de 90 millions chacune, ainsi qu'aux 30 millions supplémentaires destinés aux intercommunalités et aux 10 millions supplémentaires consacrés aux départements. Les montants faisant l'objet d'une péréquation au titre de la DGF atteignent ainsi des niveaux exceptionnels – 42,4 % pour les communes par exemple. Ce constat soulève une question importante : jusqu'où devons-nous aller en matière de péréquation verticale ? Parallèlement, je note que le même article prévoit de réduire les variables d'ajustement à 50 millions d'euros, un niveau exceptionnellement bas. Nous vous en remercions.
Au total, les concours financiers de l'État aux collectivités seront portés à 49 milliards d'euros en 2021, en progression de 1,7 %. Le soutien de l'État est donc très important dans le contexte actuel.
Sans transition, j'élargis le spectre d'analyse, comme je l'ai promis en début d'intervention, pour évoquer la fiscalité. La baisse de 10 milliards d'euros de la fiscalité économique locale à partir du 1er janvier 2021 représente une nouvelle modification d'ampleur, qui s'ajoute à celle de la fiscalité locale liée à la suppression de la taxe d'habitation. Je vous alerte sur le fait que, depuis 2017, nous sommes passés d'une refonte à une réforme, puis à des adaptations et enfin à des suppressions de fiscalité locale. Ces suppressions furent, je vous l'accorde, plutôt bien compensées par l'État, mais les mots ont un sens : nous n'avons pas achevé la réforme de la fiscalité locale ni la simplification des dispositifs de compensation ou de péréquation.
MM. Sébastien Jumel et Charles de Courson applaudissent.
La crise sanitaire que nous traversons met sous pression les finances de l'État, de la sécurité sociale et des collectivités et remet en cause nos certitudes sur les paniers fiscaux. Aussi, l'année 2021 doit nous amener à clarifier les relations financières entre l'État et les collectivités territoriales et à choisir nos politiques publiques avec justesse, sans nous disperser. À tous ces égards, l'année 2021 sera remplie d'incertitudes, mais nous avons toutes les cartes en main pour les surmonter.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, LT, SOC et GDR.
Sourires.
La parole est à Mme Émilie Guerel, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Je suis heureuse de présenter, pour la deuxième année consécutive, les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Je ne les détaillerai pas, car le rapporteur spécial vient de le faire.
L'usage, à la commission des lois, est que le rapporteur pour avis mette l'accent sur une politique publique particulière que les crédits qui viennent d'être présentés permettent de financer. Cette année, je me suis intéressée aux enjeux de la différenciation des compétences des collectivités territoriales. En effet, afin de répondre au besoin d'une plus grande proximité et d'une meilleure lisibilité de l'action publique – besoin exprimé notamment par les élus locaux et nos concitoyens lors du grand débat national – et dans le cadre de la crise sanitaire qui nous rappelle chaque jour l'impossibilité d'apporter des réponses uniformes sur l'ensemble du territoire national, il est grand temps, me semble-t-il, de faire un pas vers une meilleure adaptation des compétences aux spécificités et aux besoins des territoires. Selon votre propre constat, que je partage entièrement, madame la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, le vieux rêve du jardin à la française – une place pour chaque chose et chaque chose à sa place – a vécu.
Le cadre constitutionnel, qui consacre le principe d'égalité, s'il nous contraint en tant que législateur, permet tout de même de prendre en considération des situations différentes en attribuant des compétences différenciées aux collectivités territoriales. L'usage que nous faisons de cette possibilité demeure toutefois largement marginal. Ainsi, alors qu'il est possible, sans méconnaître le principe d'égalité, d'attribuer par des transferts limités et précisément identifiés des compétences différenciées à une collectivité si cela est justifié par des motifs d'intérêt général ou pour des motifs tirés d'une différence de situation, nous n'avons pour l'heure exploité cette possibilité qu'une seule fois, à travers la loi du 2 août 2019 relative aux compétences de la collectivité européenne d'Alsace, qui transfère notamment la compétence en matière d'exploitation et de gestion des routes nationales et des autoroutes non concédées.
Les délégations de compétences entre collectivités territoriales, inscrites depuis 2010 à l'article L. 1111-8 du code général des collectivités territoriales, constituent un dispositif intéressant, mais très peu utilisé par les élus locaux, du fait d'un mécanisme assez complexe à appliquer. Les délégations de compétences de l'État en direction des collectivités territoriales, autorisées par l'article L. 1111-8-1 sont encore plus rares. Il n'y en a qu'un exemple : en 2015, l'État a délégué à la région Bretagne quelques compétences en matière culturelle, dans le domaine du soutien aux filières du livre, du cinéma et du patrimoine culturel immatériel. Là aussi, la procédure est lourde et complexe, du fait notamment des conférences territoriales de l'action publique – CTAP.
Par ailleurs, dès le début du quinquennat, le Président de la République avait fait part de sa volonté d'ouvrir aux collectivités territoriales un droit à la différenciation. Il s'agit à la fois de permettre à des collectivités de disposer de compétences dont ne disposent pas toutes les collectivités de leur catégorie et de les autoriser à déroger de façon durable à certaines normes. La Constitution n'ayant pu être modifiée en 2018 pour desserrer la contrainte qui s'impose au législateur, vous avez engagé en début d'année 2020, madame la ministre, une grande concertation nationale sur la répartition et l'exercice des compétences, dans la perspective de la future loi dite 3D – décentralisation, différenciation et déconcentration. Sans préjuger des résultats de cette concertation ni du contenu de la future loi, avez-vous identifié des compétences de l'État qui pourraient n'être transférées qu'à quelques collectivités, du fait de situations différentes, comme nous l'avons fait pour l'Alsace en 2019 ? Par ailleurs, même si elles sont désormais installées dans le paysage institutionnel local, les CTAP font l'objet de nombreuses critiques de la part des élus locaux. Comment redynamiser ces outils, qui pourraient se révéler très utiles à l'avenir ?
La commission des lois a donné, le 14 octobre dernier, un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Je vous invite à faire de même et à voter ces crédits ô combien essentiels pour les territoires.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Nous en venons aux porte-parole des groupes. La parole est à M. Mohamed Laqhila.
La mission « Relations avec les collectivités territoriales » que nous examinons ce matin diffère des autres, en ce qu'elle ne prévoit pas de doter en crédits des politiques publiques définies par le Gouvernement et exécutées par l'administration. Elle règle une partie des relations financières entre l'État et les collectivités – une petite fraction toutefois : il faut, pour l'examiner, adopter un angle de vue beaucoup plus large. Comment comprendre, en effet, les crédits examinés aujourd'hui sans avoir à l'esprit d'autres dispositions comme la suppression de la part régionale de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises – CVAE – ou encore le mécanisme sans précédent de garantie des ressources des collectivités, créé en juillet dernier pour faire face aux conséquences de la crise sur les finances locales ?
Cette mission reste néanmoins le principal vecteur du soutien à l'investissement des collectivités. Chacun le sait, les collectivités locales sont les premiers investisseurs publics. Dans la crise que nous traversons, alors que l'incertitude constitue un frein puissant à l'investissement des ménages et surtout des entreprises, les collectivités locales doivent maintenir, voire accélérer, leurs projets d'investissement. En un mot, la résilience de l'économie passe en partie par les territoires et les élus locaux. Je salue ici l'engagement sans faille dont ces derniers ont fait preuve depuis le printemps et je les encourage à continuer dans cette voie. L'État doit leur faire confiance et s'appuyer sur eux pour assurer le succès du plan France relance : il doit jouer un rôle de facilitateur et d'accompagnateur pour diffuser et décliner le plan de relance au plus près des réalités du terrain.
Il me semble que le présent projet de loi de finances répond pleinement à cet impératif : jamais plan de relance ne se sera autant appuyé sur les territoires. En votant, au mois de juillet dernier, la DSIL exceptionnelle de 1 milliard d'euros, nous avons créé un formidable levier en faveur de la relance. Pensez que, pour 1 euro de dotation, les communes et leurs groupements engagent, en moyenne, près de 5 euros d'investissement ! En plus de cette DSIL exceptionnelle, le plan de relance prévoit plusieurs autres dispositifs de soutien aux collectivités, dont notamment le soutien à la rénovation énergétique des collectivités, que nous saluons.
S'agissant du champ plus restreint de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », les crédits alloués à la DTER, à la DPV et à la DSIL hors plan de relance restent stables. La DSID progresse quant à elle de 55 millions d'euros. Nous saluons ces dispositifs. L'augmentation des crédits de paiement prévue en 2021 traduit la maturité des dotations d'investissement.
Si nous soutenons pleinement les crédits proposés ce matin, nous formulons toutefois plusieurs interrogations et propositions. En premier lieu, nous craignons que la DSIL exceptionnelle conduise à une trop forte concentration des crédits dans les grandes métropoles. Nous aurions préféré une plus juste répartition des crédits entre DETR et DSIL.
En outre, le délai très court de dépôt des dossiers, alors que la situation sanitaire s'est dégradée, risque de renforcer encore ce déséquilibre. Les bénéficiaires pourraient en effet être les plus grandes collectivités, qui disposent des ressources humaines et techniques nécessaires et parfois de projets déjà bien avancés, ce qui laisserait de côté nos petites communes, pourtant indispensables à un projet de relance par les territoires. Je sais, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État chargé de la ruralité, que vous serez attentifs à ce risque et veux ici vous assurer de tout notre soutien.
Je souhaite aussi évoquer le FCTVA, en saluant tout d'abord l'article 57, qui prévoit l'entrée en vigueur progressive de son automatisation. Déjà reportée à deux reprises, cette mesure devrait faciliter sa gestion à tous les niveaux. Le FCTVA constitue l'une des principales aides aux collectivités territoriales en matière d'investissement et un solide levier qu'il convient d'exploiter dans le cadre de la relance économique. Pour soutenir l'investissement dans nos territoires, il serait judicieux que le remboursement de la TVA à travers le FCTVA s'opère en année n+1, et non plus en année n+2, pour l'ensemble des bénéficiaires – du moins ceux qui obtiennent le remboursement durant l'exercice en cours bien sûr. J'espère que nous pourrons engager ce chantier avec les ministres dans les prochains mois.
Tout en gardant à l'esprit ces perspectives, le groupe Mouvement démocrate et démocrates apparentés votera les crédits de cette mission, qui sont en mesure de contribuer à la relance et à la transformation de nos territoires.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem et LaREM.
Les collectivités locales ont constitué le premier rempart pour faire face aux conséquences de l'épidémie de covid-19. Elles furent nombreuses à distribuer des masques à leurs habitants, le plus souvent gratuitement, alors que l'État peinait à assumer ne serait-ce que l'équipement des établissements de santé. Elles se sont également souvent substituées à lui pour fournir aux EHPAD, aux infirmiers libéraux et aux médecins de ville quelques masques FFP2 et surblouses, dont ils manquaient pour se protéger et pour mener leurs activités.
Par nécessité, les communes les plus populaires sont souvent allées plus loin en organisant des distributions de denrées alimentaires ou encore en exonérant de loyer les locataires du parc social ou les petits commerçants – un effort financier significatif pour elles.
Dans le même temps, elles subissaient une baisse importante de leurs recettes fiscales, domaniales ou tarifaires, entre cantines scolaires et terrasses de café fermées et hôtels privés de touristes, une perte nette estimée pour l'ensemble des collectivités à 5 milliards d'euros par l'excellent rapport – quoique antérieur bien sûr au second confinement – de notre collègue Jean-René Cazeneuve.
À cet égard, nous regrettons vivement la faiblesse du dispositif de garantie des ressources des collectivités introduit à l'article 21 du PLFR3. Nous l'avions dénoncé, et l'examen du projet de décret d'application par le comité des finances locales l'a confirmé : seules 2 500 communes, sur les 12 000 à 14 000 annoncées par le Gouvernement, en bénéficieront, et pour des montants très modestes. C'est donc sans surprise que le Comité des finances locales – CFL – s'y est opposé.
En ne tenant pas compte des pertes de recettes tarifaires, estimées à 2,3 milliards d'euros, et en minorant les pertes de recettes de la progression de la fiscalité, vous avez omis le fait, madame et monsieur les ministres, qu'un budget primitif se construit en fonction des produits fiscaux attendus et non de ceux qui avaient été perçus précédemment. Comme les budgets doivent être à l'équilibre, la progression attendue de la fiscalité ne constitue pas une ressource supplémentaire mais couvre simplement les dépenses prévues. Vous avez donc mis à mal la trésorerie de certaines collectivités en grande tension. Leur contribution à la relance par l'investissement sera très incertaine.
Parallèlement à ces pertes de recettes, certaines collectivités territoriales font face à une explosion de leurs dépenses de fonctionnement, au-delà de celles qui sont directement liées au covid-19. C'est évidemment le cas des départements, avec une forte hausse du nombre de bénéficiaires du revenu de solidarité active – RSA – depuis le début de l'année. Au mois d'octobre 2020, l'augmentation s'élevait déjà à 9 % en moyenne, avec par exemple un pic à 12,3 % en Seine-Saint-Denis, soit une hausse de près de 60 millions d'euros dans un département pauvre qui assume déjà un reste à charge de 215 millions pour le financement de cette compétence. Nous prenons acte avec satisfaction du courrier envoyé par le Premier ministre aux élus du département, qui ouvre la porte à l'expérimentation d'une renationalisation du financement du RSA en 2022. Cela représente une réelle avancée.
Il nous faut cependant permettre à tous les départements de faire face à la vague d'allocataires supplémentaires apparus en 2020 et en 2021. Or si le PLFR4 prévoit enfin une enveloppe de 200 millions de crédits de paiement pour le financement du RSA pour 2020, rien n'est prévu à ce stade pour 2021 alors que l'essentiel de l'effort est devant nous, comme en témoigne malheureusement le sursaut du chômage au troisième trimestre, avec 9 % de demandeurs d'emplois supplémentaires. Comme en commission, nous déposerons un amendement à ce sujet.
Les crédits du PLF pour 2021 sont tout à fait insuffisants au regard du contexte que je viens de rappeler. S'agissant de la péréquation que l'on s'obstine à qualifier de verticale alors qu'elle est bien horizontale, nous soutenons bien entendu la progression de 90 millions d'euros de la DSU et de la DSR. Nous regrettons cependant, une fois encore, que son financement se fasse par écrêtement de la dotation forfaitaire, ce qui conduit nombre de communes à autofinancer tout ou partie de la progression de leur propre péréquation.
Pour cette raison, et au vu des conséquences financières de l'épidémie de covid-19, nous avons décidé cette année de ne pas déposer d'amendement visant à majorer la péréquation verticale comme la péréquation horizontale.
Comme nous l'avons évoqué en commission, notamment lors du débat sur la contribution des communes riches en DGF négative, et comme l'a rappelé tout à l'heure Christophe Jerretie, nous avons atteint la limite de ce qui pouvait être fait en l'absence de réforme profonde des dotations aux collectivités locales et de la fiscalité locale. Je regrette que la majorité actuelle ait commis la même erreur que la précédente en n'engageant pas ce chantier en début de mandat, ce qui risque de renvoyer de telles réformes au-delà de 2022.
À l'inverse, je me réjouis du travail que nous avons mené avec les rapporteurs sur les évolutions nécessaires de la DETR, dans la continuité du rapport que nous avons présenté. Même si nous ne sommes pas d'accord sur l'ensemble de ces évolutions, je me satisfais que nous puissions engager dès cette année une réforme de cette dotation.
Malgré nos travaux sur ces chantiers techniques, vous aurez compris que les crédits dévolus à la mission paraissent aujourd'hui trop insuffisants aux députés du groupe Socialistes et apparentés pour que nous puissions les voter en l'état. L'adoption de certains de nos amendements pourrait cependant faire évoluer la situation.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
C'est joliment dit !
La mission que nous examinons ce matin revêt une importance toute particulière au vu du rôle essentiel joué par les collectivités territoriales durant cette pandémie qui affecte fortement leur niveau de recettes comme de dépenses.
Le groupe Agir ensemble salue tout d'abord la hausse générale de 12,88 % des crédits de paiement alloués à cette mission, qui traduit la volonté claire du Gouvernement de soutenir les collectivités territoriales les plus fragiles, notamment à travers les dotations de péréquation. Le maintien en 2021 des crédits alloués à ces mécanismes au sein de la DGF était bien évidemment absolument nécessaire.
Cette augmentation de crédits illustre également le choix du Gouvernement de miser sur les collectivités territoriales pour accompagner et soutenir la relance. Car, nous le savons bien, elles sont le maillon fort qui permet de mener des projets structurants dans nos territoires. Nous nous félicitons donc de la pérennisation en 2021 du montant des crédits alloués l'an dernier aux deux puissants leviers d'investissement au niveau local que sont la DSIL et la DETR.
Permettez-moi toutefois, à ce stade, de formuler quelques regrets. S'agissant du milliard de la DSIL exceptionnelle votée en PLFR3, nous saluons bien sûr le fait que la totalité des autorisations d'engagement non consommées en 2020 soient bien reportées sur 2021. Nous nous étonnons toutefois que seuls 100 millions d'euros de crédits de paiement aient été prévus alors que de nombreux dossiers ont été déposés et que les travaux pourraient débuter très rapidement.
Nous regrettons ensuite l'irrecevabilité de certains de nos amendements visant à étendre l'éligibilité à la DSIL aux syndicats de communes et aux syndicats mixtes composés de communes et d'établissements publics de coopération intercommunale – EPCI – , alors même qu'ils sont éligibles à la DETR et qu'ils constituent des structures solides, porteuses d'investissement. Je pense notamment aux syndicats exerçant la compétence GEMAPI – gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations – ou aux syndicats intercommunaux de regroupement pédagogique.
Nous regrettons enfin que nos demandes d'uniformisation de la récupération de la TVA à travers le mécanisme du FCTVA soient restées lettre morte alors que, nous le savons, cette disposition aurait constitué un atout supplémentaire dans le soutien à l'investissement local.
Cette parenthèse refermée, la mission « Relations avec les collectivités territoriales » joue un rôle important dans le soutien auxdites collectivités, frappées par des calamités publiques. À cet égard, les crédits alloués dans le PLF aux subventions exceptionnelles, à hauteur de 40 millions en autorisations d'engagement et de 30 millions en crédits de paiement, nous paraissent insuffisants. La catastrophe qui a récemment touché la vallée de la Vésubie et la multiplication des phénomènes climatiques extrêmes doivent nous inviter à nous interroger dès à présent sur le renforcement de ces dispositifs, qui seront de plus en plus sollicités à l'avenir.
Enfin, la crise sanitaire et économique que nous traversons actuellement ne produit pas les mêmes effets partout, de façon uniforme. Le ralentissement voire l'arrêt de l'activité touristique dans de trop nombreux territoires obère de façon importante les finances de certaines communes et de certains EPCI. Ainsi, dans ma circonscription, une communauté d'agglomération qui tire 85 % de ses recettes fiscales et économiques du tourisme anticipe des pertes de recettes très élevées, de l'ordre de 10 millions en 2020 et bien davantage en 2021.
La situation pourrait donc être critique pour ces collectivités. Comme l'a dit Mme Pires Beaune il y a quelques instants, le filet de sécurité prévu ne permet sans doute pas d'y remédier de façon efficace. Elles devront donc être accompagnées si nous voulons éviter qu'elles soient mises sous tutelle. Nous avons ainsi proposé, à travers plusieurs amendements, de renforcer les subventions exceptionnelles aux communes en difficulté prévues par le programme 122 à hauteur de 10 millions, et non de 2 millions comme le prévoit ce PLF.
Je sais, madame la ministre, pouvoir compter sur votre bienveillante attention pour accompagner efficacement ces collectivités. À l'aube de 2021, les défis auxquels seront confrontées les collectivités territoriales se dessinent donc déjà. L'un d'entre eux, moins visible et pourtant au coeur de leurs préoccupations, porte sur notre modèle de fiscalité locale. En effet, même si les collectivités territoriales ont vu les effets des différentes réformes – notamment celle des impôts de production – compensés à l'euro près, c'est le principe de leur autonomie fiscale qui a été une nouvelle fois remis en cause.
Nous en sommes pour notre part totalement convaincus : nous ne pourrons faire l'économie d'une réforme si nous voulons faire converger les objectifs d'autonomie financière des collectivités avec les mécanismes de soutien dans nos territoires et la nécessaire rationalisation de la dépense publique.
Toutefois le groupe Agir ensemble votera sans réserve les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
L'examen des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » intervient évidemment dans un contexte extrêmement particulier. Les incertitudes qu'ils soulèvent sont encore plus nombreuses que les années précédentes.
Les collectivités territoriales, qu'il s'agisse des communes, des intercommunalités, des départements ou des régions, ont été en première ligne face à l'émergence de l'épidémie de covid-19, crise sanitaire sans précédent, que personne n'avait anticipée. Celle-ci se prolonge et rend en quelque sorte caduques les stratégies élaborées par l'État pour soutenir les collectivités territoriales dans leurs trajectoires budgétaires. Dans le rapport remis cet été par Jean-René Cazeneuve, les pertes de recettes des collectivités liées à la crise du covid-19 étaient estimées à environ 7 milliards, un chiffre qui n'est plus d'actualité en raison du second confinement, une situation nouvelle dont nous devons tenir compte.
J'en viens à votre stratégie. Le groupe UDI et indépendants comprend évidemment que le Gouvernement, en soutien des collectivités territoriales, fasse progresser les dotations de péréquation que sont la DSU et la DSR de 90 millions d'euros chacune, mais ceci se fait dans une enveloppe globale de la DGF qui reste stable. Il faudra sans doute, peut-être dans un prochain projet de loi de finances rectificative, que l'État abonde cette enveloppe de la DGF, parce que les mesures ciblées en matière de péréquation ne touchent qu'un nombre limité de collectivités. Certes, les collectivités concernées ont des charges de centralité. Elles ont donc dû supporter à la fois des pertes de recettes et des dépenses supplémentaires directement liées à la crise sanitaire et à la crise économique qui en découle, et leurs dépenses de fonctionnement vont à l'évidence progresser fortement. Mais c'est aussi le cas des collectivités qui n'ont pas ces charges de centralité et ne sont pas éligibles à la DSR ou à la DSU. Elles ont vu certains services publics fermer tandis que leurs dépenses de fonctionnement et leurs charges fixes n'ont pas, elles, baissé. L'écart entre le soutien de l'État et la réalité de leur budget va s'aggraver. Cela peut les mettre en difficulté.
Le second grand pilier de la stratégie de l'État, c'est le fort soutien à l'investissement local. Nous nous félicitons à cet égard de la progression de la DETR et de la DSIL, mais ce soutien n'a de sens que si les collectivités concernées peuvent continuer d'investir fortement. Elles ont pu le faire jusqu'à présent, mais qu'en sera-t-il demain si leurs capacités d'autofinancement, liées strictement au rapport entre leurs dépenses et leurs recettes, diminue fortement par l'effet de la crise économique ? Elles ne pourront plus investir et, du coup, l'effet levier que vous entendez provoquer, madame la ministre, ne sera pas aussi important que souhaité. D'où notre appel à rééquilibrer cette stratégie, entre le soutien au fonctionnement et le soutien à l'investissement des collectivités.
Autre exemple touchant au fonctionnement des collectivités, celui de la prime grand âge, attribuée par décret aux personnels soignants qui interviennent auprès des personnes âgées, y compris les agents territoriaux puisque certains centres communaux d'action sociale – CCAS – gèrent des EHPAD, ce dont nous nous félicitons. Aujourd'hui, il n'y a pas de certitude que l'État va compenser le versement de cette prime, qui représente pourtant 118 euros par mois et par agent et va donc peser très fortement sur le budget des collectivités. Nous demandons, là aussi, des garanties de compensation par l'État de cette mesure que nous soutenons.
Globalement, le groupe UDI et indépendants soutient votre stratégie, madame la ministre, en appelant cependant à des inflexions dans un prochain budget si ce n'est pas possible dès celui-ci. Nous voterons les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».
M. Rémy Rebeyrotte applaudit.
Comme chaque année, l'examen des crédits de la présente mission nous donne surtout l'occasion de débattre des relations financières entre l'État et les collectivités, sujet qui dépasse, nous le savons tous, très largement le cadre de cette mission, voire de ce budget. On se souvient ainsi des mesures à destination des collectivités décidées notamment dans les troisième et quatrième collectifs budgétaires pour faire face à l'urgence. Citons-en quelques-unes : avances de droits de mutation à titre onéreux pour les départements, déciles supplémentaires et clause de sauvegarde des recettes fiscales et domaniales du bloc communal. Il est vrai que certaines de ces initiatives budgétaires se sont un peu dégonflées : nous avons ainsi appris, fin octobre, que sur les 750 millions d'euros de clause de sauvegarde, seuls 250 à 300 millions seraient effectivement versés en 2020. Une baisse moins forte qu'attendu des recettes est mise en avant, mais ce différentiel interpelle, tout comme votre décision, madame la ministre, de n'ouvrir que 100 millions d'euros de crédits de paiement en 2021 au titre de la dotation exceptionnelle de soutien à l'investissement local alors que 1 milliard d'euros avait été ouvert dans la troisième loi de finances rectificative.
Je rappelle qu'au total, l'impact financier de la crise était estimé avant le second confinement, en particulier par le rapporteur spécial Cazeneuve, à au moins 6 milliards d'euros. Dans le PLF pour 2021, les compensations liées à l'impact de la crise du covid-19 étaient absentes. Elles ont été quelque peu renforcées en commission, via le fonds de soutien aux petites communes et la reconduction du fonds de solidarité des départements. Nous suivrons aussi avec attention la mise en oeuvre de l'accord trouvé le 28 septembre entre l'État et les régions sur la territorialisation du plan de relance. Car si le groupe Libertés et territoires salue bien entendu cet accord, il a la crainte que le copilotage promis de la politique d'investissement soit en fait surtout aux mains des préfets, ce que, bien sûr, nous contesterons si cela se produit.
Autre conséquence directe du plan de relance sur les finances des collectivités : la diminution des impôts de production. Cette réforme, qui vise à améliorer la compétitivité des entreprises, rogne encore un peu plus l'autonomie financière et fiscale des collectivités locales. Elle vient à la suite d'autres réformes – suppression de la taxe professionnelle en 2010, suppression progressive de la taxe d'habitation – et répond à la même logique. Parmi les différentes strates, c'est encore une fois les départements qui sont les plus mal lotis, leurs marges de manoeuvre s'amoindrissant alors qu'ils font face à l'explosion des dépenses de solidarité, au premier rang desquels le revenu de solidarité active. Le problème est ancien, mais il prend une tournure dramatique : en 2020, la hausse des bénéficiaires du RSA serait de 10 % au niveau national, de 12 % dans le Val-d'Oise, alors que les principales ressources fiscales des départements sont affectées par le contexte économique, dès 2020 pour les DMTO et en 2021 pour la CVAE, entraînant une diminution inédite de leur capacité d'autofinancement.
Dans ce contexte, les députés du groupe Libertés et territoires soutiendront des amendements créant un fonds d'urgence pour aider les départements. Nous avons pris connaissance du projet gouvernemental, que nous saluons, de recentralisation du RSA en Seine-Saint-Denis, mais pourriez-vous nous apporter quelques éléments d'information sur vos intentions, madame la ministre ? J'ai souvenir que lors du précédent quinquennat, une tentative de renationalisation du RSA avait échoué. Je voulais aussi vous signaler, madame la ministre, que s'il faut bien entendu aider le département de la Seine-Saint-Denis, les communes de l'est du Val-d'Oise sont maintenant confrontées à des situations sociales encore plus dramatiques. Or ce département ne bénéficie pas d'aides : comme il a aussi une partie rurale, ce fait est souvent oublié. Nous allons, nous les députés du Val-d'Oise, vous saisir collectivement de ce problème.
Je voulais également vous alerter, madame la ministre, sur la situation des intercommunalités situées à proximité des grands aéroports internationaux. Pour des raisons que l'on peut comprendre, l'activité de ces aéroports s'étant arrêtée, les recettes de ces intercommunalités vont chuter de manière drastique et jusqu'à présent, les fonds de compensation ne sont pas à la hauteur de ce qu'elles peuvent espérer.
J'ai aussi souvenir d'un autre chantier qui n'a pu être mené à terme dans la précédente législature : celui de la refonte des dotations. La dotation principale, la DGF, est à la fois illisible – ce n'est pas ma collègue Pires Beaune qui me contredira – complexe et injuste. Le Gouvernement s'en tient à son engagement de geler cette dotation, et c'est une bonne nouvelle dans la crise actuelle, mais il faudra bien entendu que l'on puisse enfin un jour engager cette réforme de la DGF, après la crise bien entendu, car elle est indispensable. Encore faudra-t-il que l'État soit en capacité d'accompagner les collectivités jusque-là.
Plus de trente-cinq ans après les grandes lois de décentralisation, les élus locaux ont confirmé leurs qualités de gestionnaires. La crise du coronavirus en a été la démonstration : qui a eu la capacité de réagir rapidement tout en adaptant les mesures aux spécificités du territoire ? Qui a eu la volonté de jouer pleinement son rôle, voire de pallier parfois les insuffisances de certains services de l'État ? Qui a fait remonter les demandes des entreprises et des indépendants face à la crise ? Qui travaille avec les associations pour aider nos compatriotes les plus touchés ? À chaque fois, les collectivités locales ont répondu présent.
C'est bien pourquoi nous estimons que donner aux élus locaux la possibilité d'actionner les leviers fiscaux est un impératif démocratique dans le cadre d'une république pleinement décentralisée. Cela suppose aussi une remise à plat des ressources fiscales des collectivités mais également des concours financiers de l'État.
Applaudissements sur les bancs du groupe LT.
Nous constatons d'année en année un affaiblissement des collectivités territoriales du fait de la diminution de leur budget, qui atteint aujourd'hui des proportions critiques. Le manque à gagner occasionné par les baisses de dotations successives s'élève à 50 milliards depuis 2014. La situation s'est particulièrement dégradée depuis le début du quinquennat, notamment à cause des contrats de maîtrise des dépenses locales. Ces contrats ont en effet imposé aux collectivités, sous peine de pénalités financières extrêmement importantes, de maintenir la hausse de leurs dépenses de fonctionnement en dessous de 1,2 %. En 2022, le manque à gagner cumulé dû à cette réforme s'élèverait à environ 40 milliards d'euros depuis 2018, non à 13 milliards comme le prétend le Gouvernement, et c'est sans compter la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales, y compris pour les 20 % les plus fortunés. À ce propos, les projections du Sénat montrent que les recettes de la taxe d'habitation auraient encore augmenté de 4 milliards d'euros en 2020 si elle avait été maintenue. Par conséquent, le manque à gagner pour les communes en 2023, année de sa suppression complète, risque d'être bien plus important que les 17 milliards d'euros prévus en compensation par le Gouvernement.
À ces problématiques budgétaires s'ajoute la crise sanitaire liée au covid. La perte de recettes est estimée grosso modo à 7,5 milliards d'euros pour 2020, soit 3,2 milliards pour le bloc communal, 3,4 milliards pour les départements et 1 milliard pour les régions. Les prévisions sont au mieux identiques pour 2021. Ces pertes représenteraient plus de 20 % de l'épargne nette des collectivités selon notre collègue Jean-René Cazeneuve. L'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité – AMF – estime que le coût de la crise sanitaire s'élèvera pour les communes à 8 milliards d'euros sur trois ans, dont près de 6 milliards pour l'année 2020. Quant aux départements, ils vont probablement enregistrer à court terme une forte progression de leurs dépenses sociales, que ce soit pour le financement du RSA, pour la contribution aux tarifs des EHPAD ou encore pour le soutien aux associations et aux entreprises.
Actuellement, les départements assument 38 milliards d'euros de dépenses sociales, dont 11 milliards dédiés au RSA. Ces dépenses devraient connaître une hausse allant de 9 % à 14 %. Dès lors, la question de la prise en charge du RSA par le Gouvernement se pose. Le Premier ministre Jean Castex a d'ailleurs annoncé une expérimentation de sa prise en charge par l'État en Seine-Saint-Denis, un département qui va compter 90 000 bénéficiaires du RSA fin 2020, soit un budget de 500 millions d'euros pour ce seul poste de dépenses. C'est plutôt une bonne chose. Le groupe La France insoumise considère que cette renationalisation est positive et devrait être étendue à l'ensemble du territoire, en préservant cependant la capacité de gestion des départements.
Le gouvernement communique, dans le cadre du PLF, sur une hausse des concours financiers de l'État aux collectivités à hauteur de 1,2 milliard d'euros l'année prochaine, dont une augmentation de 1 milliard des crédits pour la rénovation thermique des bâtiments communaux et départementaux. Mais la dotation d'équipement des territoires ruraux, la dotation de soutien à l'investissement des départements et la dotation politique de la ville resteront globalement constantes par rapport à 2020.
Les tensions sont comme d'habitude importantes quand il s'agit de calculer les compensations promises par l'État. L'AMF estime que, sous couvert de plan de relance, le Gouvernement a réactivé son ancien projet de remplacement des recettes fiscales locales par des dotations de l'État, ce qui est considéré comme une forme de tutelle sur les collectivités puisque leurs ressources dépendront alors de plus en plus de sa seule décision.
Nous savons que les conséquences de la crise sociale, sanitaire et économique seront malheureusement durables, mais aussi que nos collectivités territoriales, qui sont en lien direct avec nos concitoyens, doivent disposer des fonds nécessaires pour y faire face. Or selon l'AMF, rien n'est prévu dans le PLF pour compenser au bloc communal les pertes tarifaires et les nouvelles dépenses induites par la crise que nous traversons.
En juin, Christophe Castaner, interrogé par la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, reconnaissait que le binôme maire-préfet avait su montrer ses vertus et sortait renforcé de cette crise : « Les derniers mois ont montré au grand jour la complémentarité de nos actions et la pertinence du couple préfet maire pour répondre, au plus près du terrain, à la situation d'urgence » et pour faire face aux risques. Il sera désormais nécessaire de mettre en adéquation les paroles et les actes, notamment en matière budgétaire.
Depuis le mois de mars, les collectivités locales sont en première ligne dans cette crise sanitaire sans précédent : elles sont au four et au moulin pour prendre soin des habitants, aider l'État dans l'application des mesures de lutte contre la pandémie, fournir des masques quand ils manquent, accompagner sur le terrain l'hôpital et les soignants, appuyer le déploiement des campagnes de tests, assurer la tenue des marchés, imaginer des solutions pour poursuivre l'école, maintenir la prise en charge des enfants en accueil périscolaire et dans les crèches, quand les décisions prises au sommet de l'État sur l'activité économique pèchent. C'est vers elles, vers les maires, que les petits commerçants et artisans se tournent quand ils sont priés de fermer boutique bien qu'ils aient pris toutes les mesures de précaution sanitaire nécessaires à l'accueil de leurs clients ; ce sont leurs services publics de proximité qui demeurent souvent le seul ancrage de la République pour tous et partout, qui répondent aux besoins quotidiens des habitants. Ce sont les petites mains des CCAS et des services départementaux du RSA qui font vivre la solidarité pendant que la pauvreté explose en France.
La plus belle preuve du service rendu à la nation par les collectivités locales, par les communes, au coeur de cette crise, est venue des proclamations descendues du sommet de l'État sur le caractère indispensable du couple maire-préfet. Soudain, la main sur le coeur, dans une sorte de remake de Bourgtheroulde au moment de la crise des ronds-points, le pouvoir exécutif s'est souvenu des maires – délaissés, négligés, peu considérés – , affirmant au journal de 20 heures leur caractère indispensable et soulignant l'impérieux besoin de l'échelon de proximité, celui de la commune et de ses édiles, pour affronter la pandémie, pour confiner, pour prendre les décisions sanitaires les plus adaptées.
L'État a donc redécouvert cette année que la République marchait sur deux jambes : la sienne et celle des collectivités. On pouvait s'attendre, dans ces conditions, à ce que le budget pour 2021 tire d'une année 2020 unique et éprouvante la leçon simple mais cardinale qu'il était indispensable de fortifier cette deuxième jambe, pour lui donner les moyens de continuer à avancer. Las, les collectivités vont renouer l'année prochaine avec une forme d'État ingrat qui demande beaucoup, aide un peu et contrôle à l'excès – voire entrave – les mouvements de cette jambe indispensable, en bridant son autonomie.
Après l'échec aux élections municipales d'abord, aux sénatoriales ensuite, le Gouvernement aurait pu s'interroger sur sa relation difficile avec la France de la proximité, sur ce maillon de la démocratie qu'incarnent les collectivités. À la place, c'est leur mise sous tutelle qui se poursuit, l'étouffement progressif de leur autonomie financière. Après la suppression de la taxe d'habitation, y compris pour les plus riches, vous revenez à la charge cette année.
La facture s'allonge pour promouvoir votre politique fiscale de l'offre : 10 milliards par an de recettes économiques locales en moins avec des dégrèvements sur les impôts dits de production, la CVAE et la CFE. Et vous faites payer une nouvelle fois aux collectivités locales ces choix un peu unilatéraux. La facture s'allonge aussi des mesures contre leur autonomie : centralisation des 2,3 milliards de recettes de la taxe locale sur la consommation finale d'électricité, non-compensation intégrale, comme l'excellent rapport Cazeneuve l'a démontré, des 5 milliards de pertes de recettes pour les collectivités face à la crise.
C'est de ta faute, Jean-René !
Sourires.
La facture s'allonge avec la crise sanitaire, et pourtant l'État ne compensera pas la totalité des pertes : rien sur les pertes tarifaires, alors que des centaines de communes ont vu fermer les casinos – j'en ai trois chez moi – , les campings municipaux – j'en ai de nombreux – et les piscines, notamment celles gérées par délégation de service public. Rien non plus pour compenser la perte de pouvoir de taux des collectivités. La facture s'allonge et rien n'est prévu pour reconduire le filet de sécurité des finances locales : 250 millions d'euros seulement, alors que les pertes de 2020 n'ont pas toutes été épongées et que la crise continuera à faire mal aux budgets locaux en 2021.
Non contents de vous attaquer à l'autonomie fiscale, vous ne dites pas – le rapporteur spécial l'a souligné – toute la vérité sur les concours de l'État : avec une nouvelle légère baisse de 90 millions d'euros, la DGF reste gelée à son niveau de 2013 et n'intègre ni les effets négatifs de l'inflation ni ceux de l'augmentation de la population. En 2020 déjà, 14 200 communes avaient vu leur DGF baisser de plus de 1 %, dont 6 500 de plus de 5 %. Je dois souligner notre satisfaction devant le dopage de la DSIL et de la DETR, même si les inscriptions budgétaires devront le confirmer ; mais globalement nous assistons à une baisse des moyens. L'investissement des collectivités pourrait reculer de 5,8 % en 2020 et en 2021, la contractualisation des dépenses sera au rendez-vous, préfigurant le retour à l'austérité.
C'est un budget de combat qui aurait été nécessaire pour donner les moyens aux communes et aux autres collectivités de jouer leur rôle, celui de prendre soin, celui de mettre en oeuvre la solidarité, la justice sociale et la transition écologique. Il aurait fallu construire une péréquation qui assure la présence des services publics et de la République partout et pour tous. Voilà l'avis du groupe de la Gauche démocrate et républicaine sur le budget que vous nous présentez.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Pour 2021, le budget de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » s'établit à 4,1 milliards d'euros en autorisations d'engagement. Nous y trouvons des constantes depuis trois ans et des mesures spécifiques pour le soutien à l'action des collectivités territoriales face à la pandémie et pour le plan de relance, dans lequel les collectivités tiennent un rôle majeur aux côtés de l'État.
Rappelons que deux actions spécifiques ont été créées dès 2020 pour accompagner les collectivités locales face à la crise sanitaire : le concours exceptionnel pour l'achat de masques et l'abondement exceptionnel de la DSIL à hauteur de 1 milliard d'euros pour amorcer la territorialisation du plan de relance et soutenir la transition écologique. Rappelons également que la mission Cazeneuve a souligné l'effet ciseaux qui, une nouvelle fois, touche les départements avec la hausse des dépenses sociales, même s'il faudra regarder l'évolution des recettes de DMTO au cas par cas.
Pour le bloc communal, il faudra aussi tenir compte des écarts entre perte de recettes et dynamique des dépenses. La mission Cazeneuve estimait les possibles pertes nettes des collectivités territoriales à 5 milliards, mais dès 2020, nous avons voté une clause de sauvegarde des recettes fiscales et domaniales reposant sur une moyenne des années 2017-2019, ainsi qu'une avance remboursable de l'État sur les recettes de DMTO et une garantie de ressources pour les régions et les collectivités territoriales d'outre-mer. Parallèlement, le Gouvernement a institué un mécanisme d'étalement des charges et de recours à l'emprunt, dit compte covid, pour des dépenses de fonctionnement exceptionnelles liées à la crise. Enfin, au milliard de DSIL supplémentaires, il faut ajouter 4,2 milliards d'autres soutiens prévus dans le plan de relance. En tout, cette année, neuf des cinquante-deux articles du PLF intéressent directement les collectivités territoriales.
Le moins qu'on puisse dire, c'est que l'État est au rendez-vous.
Bien dit !
Cela relativise beaucoup notre débat sur l'autonomie fiscale des collectivités territoriales : autonomie fiscale, certes ; mais soutien déterminant de l'État, pour éviter que la crise, qui affecte directement et durement nos concitoyens, ne se traduise pas en plus par une envolée des impôts locaux.
M. le rapporteur spécial Jean-René Cazeneuve applaudit.
Le soutien de l'État est une très bonne nouvelle pour nos collectivités territoriales, mais surtout pour nos concitoyens. Aussi, la baisse de la fiscalité économique régionale, communale et intercommunale, due à l'allégement de 10 milliards des impôts de production, qui concourt au plan de relance, sera compensée par une fraction de TVA affectée aux régions pour la CVAE, qui fait partie de la CET – contribution économique territoriale – et par un nouveau prélèvement sur les recettes de l'État affecté aux communes et aux intercommunalités pour les impôts fonciers. Ainsi, les concours financiers de l'État aux collectivités territoriales pour 2021 seront maintenus à un niveau historique.
Les dotations de fonctionnement seront maintenues pour la quatrième année et les collectivités profiteront en outre du filet de sécurité, déjà évoqué, de la clause de sauvegarde liée à la crise. En matière d'investissement, elles bénéficieront de la DSIL exceptionnelle, de la DSID, de la DETR, dont les mécanismes sont fluidifiés à la demande des élus locaux, et de 546 millions de plus pour le FCTVA, dont le fonctionnement s'automatise. Enfin, les dotations de péréquation sont elles aussi soit stables, comme c'est le cas du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales – FPIC – soit en progression, comme la DSR, la DSU, les dotations d'intercommunalité ou les dotations de péréquation entre départements et sans doute entre régions ; nous y reviendrons.
Enfin, je parlais de constantes : il y a bien sûr la fin des coupes massives dans les dotations de fonctionnement des années 2013 à 2016, mais aussi les engagements tenus en matière de compensation de la baisse de la taxe d'habitation sur la résidence principale de nos concitoyens. Avec le maintien des zonages stratégiques, c'est un élément essentiel pour rétablir la confiance entre l'État et les élus des collectivités territoriales, qui se reconstruit pas à pas, au bénéfice de nos concitoyens.
Aussi, le groupe La République en marche votera favorablement les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Agir ens.
Voilà qui est clair !
Le projet de loi de finances pour 2021 s'inscrit dans un contexte d'incertitude pour les finances locales. Les élus locaux, dont nous sommes encore pour certains, s'inquiètent de la solitude financière dans laquelle nous laissons les exécutifs territoriaux de notre pays. L'instabilité chronique et la perte de visibilité sur les ressources des collectivités sont difficilement acceptables pour les élus et leurs administrations.
Nous pourrions reprendre à notre compte les propos d'André Laignel, président du Comité des finances locales : « Ce PLF pour 2021 est calamiteux pour les collectivités. Il acte un recul de leurs libertés, met en place une compensation fiscale insuffisante, poursuit le rationnement des dotations et ne compense pas la perte de recettes et de coûts induits par la crise de la covid-19 ».
Eh bien, bravo !
Nous le disions déjà avant la crise : la perte des 23 milliards d'euros de recettes de la taxe d'habitation, qu'une seconde phase va progressivement supprimer pour les 20 % des contribuables restants, est inopportune. Il nous est permis de douter de la sincérité d'une compensation à l'euro près, qui n'a jamais été qu'un supplétif temporaire à la baisse des ressources des collectivités. À cela s'ajoute la baisse des impôts dits de production : une bonne mesure, mais prise brutalement, hors de toute réforme globale des ressources des collectivités territoriales…
… particulièrement pour ce qui est de la cotisation foncière des entreprises et de la taxe foncière sur les propriétés bâties industrielles. Au total, le recul de l'autonomie fiscale se chiffre à plus de 3 milliards d'euros.
Enfin, n'oublions pas la nationalisation de 2,3 milliards d'euros de la taxe locale sur la consommation finale d'électricité. Cette mesure se traduira par un renchérissement du prix de l'électricité pour des centaines de milliers de contribuables puisque l'harmonisation tarifaire se fera par un alignement sur le plus haut tarif.
Au vu de l'ensemble de ces mesures, le groupe Les Républicains entend s'opposer à la tentation, voire à l'obsession recentralisatrice qui se fait jour dans les modalités de répartition des dotations. En effet, les différents budgets montrent un retour en force méthodique de l'État central. Certes, par rapport à l'année dernière, le projet de loi de finances annonce une hausse de 4,8 milliards d'euros, à périmètre constant, des concours financiers de l'État à destination des collectivités territoriales, mais pour compenser toutes les atteintes portées à l'autonomie fiscale des collectivités territoriales que je viens d'évoquer, le Gouvernement ne propose que des mécanismes de tuyauterie sans jamais présenter la grande réforme de la fiscalité locale promise, attendue et espérée. Nous regrettons cette logique qui se contente de supprimer des ressources propres aux collectivités locales et de les compenser par une fraction de TVA.
Au lieu d'une réforme ambitieuse, porteuse d'un projet d'avenir et d'espoir pour nos collectivités et leurs élus, vous présentez à la représentation nationale un simple bricolage – vaste jeu de dupes où le contribuable national se substitue sans cesse au contribuable local. J'ai évoqué la suppression de la CVAE et de la part départementale de la taxe foncière sur les propriétés battues…
Rires
pardon, bâties, qui sera transférée des départements aux communes : c'est un lapsus révélateur, puisque les ressources des départements seront battues en brèche !
« Oh ! » sur quelques bancs du groupe LaREM.
Il y a aussi les baisses de recettes liées à la suppression de la taxe d'habitation et la perte, par les régions, des frais de gestion de cette taxe.
Bref, ce texte poursuit et amplifie la mise sous tutelle financière des communes et des intercommunalités. Il contredit les déclarations du Gouvernement, en particulier les vôtres, madame la ministre, qui parlez régulièrement de différenciation territoriale. Comment ne pas voir une contradiction entre les paroles et les actes alors qu'on lie les mains des élus locaux ? À quand un partenariat fait d'un respect mutuel ? À quand la confiance envers les élus locaux ? À quand, pour l'élu francilien que je suis, une vraie clarification des échelons territoriaux, alors qu'à la métropole du Grand Paris vous laissez perdurer le chaos budgétaire ?
Le constat est cruel. L'atteinte aux capacités d'autofinancement des collectivités territoriales va les priver de leur énergie, de leur agilité.
Les communes et les intercommunalités qui, dans cette période de crise, pourraient participer au plan de relance vont en fait se montrer frileuses. En effet, sur le terrain, nous constatons que le ton monte, les élus locaux ne sachant plus à quelle sauce ils vont être mangés, …
… soumis qu'ils sont au bon vouloir des préfets, qui ont la mainmise sur les dotations, ignorant s'ils vont vraiment pouvoir investir, en tant qu'exécutifs, dépourvus qu'ils sont de l'assurance d'avoir les moyens, l'autonomie et les ressources nécessaires à la prise de décision.
Avec la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République – loi NOTRe – couplée aux baisses de dotations des années Hollande, qui ont paralysé l'investissement des collectivités territoriales, avec l'incertitude liée au covid-19 et celle liée au projet de loi 3D, avec la non-réforme des impôts locaux, nous entrons dans un nouveau cycle de craintes et d'apathie de l'investissement pour les collectivités territoriales.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Joël Giraud et moi-même sommes heureux d'être avec vous aujourd'hui pour examiner les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et les amendements qui y sont rattachés.
En vous écoutant, je me disais tout de même qu'en examinant des missions, il faudrait toujours garder à l'esprit le contexte général dans lequel a été élaboré le budget de la France. Ici, il s'agit du contexte difficile, exceptionnel, du covid-19. Il en résulte sans doute qu'on a brisé les barrières entre les différentes lois de finances et entre les diverses missions.
En ce qui concerne les finances locales, les équilibres définis dans la loi de finances pour 2020 ont déjà été sensiblement modifiés par la crise et par les mesures de soutien adoptées dans la troisième loi de finances rectificative. Je note que des aides complémentaires figurent aussi dans le collectif budgétaire de fin d'année.
En outre, la totalité du débat budgétaire est marquée par la discussion sur le plan de relance, évoqué par les uns et les autres, qui prévoit un rôle majeur pour les territoires. Ainsi, si des crédits au profit des collectivités figurent dans la mission « Plan de relance » et non dans la mission « Relations avec les collectivités territoriales », ils participent pleinement de la même ambition.
Je rappellerai également, en réponse aux inquiétudes formulées par certains orateurs, que ce que nous avons entrepris cette année et vous proposons à présent, ce n'est pas la fin de l'histoire : le Gouvernement continuera de surveiller attentivement la situation des finances locales.
Comme le préconisait Jean-René Cazeneuve dans son rapport, souvent cité et que je félicite à mon tour, …
… il faudra nous revoir début 2021 pour faire le bilan de 2020, en particulier pour tirer les conséquences du nouveau confinement. Je rappelle cependant que nous en sommes à 195 milliards d'euros de déficit pour l'instant.
En ce qui concerne la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et les prélèvements sur recettes qui y sont associés, je soulignerai plusieurs tendances.
Tout d'abord, le PLF pour 2021 confirme les orientations prises depuis plus de trois ans, au premier rang desquelles le renforcement des moyens accordés aux collectivités locales. En effet, depuis 2017, nous tenons nos engagements envers les élus locaux et d'abord celui de stabiliser leurs moyens après quatre années de baisse drastique des dotations.
L'année prochaine, les collectivités recevront même de l'État des moyens plus élevés qu'en 2020, avec une augmentation des concours financiers de 1,2 milliard d'euros en 2021, déduction faite des mesures de périmètre. Cette augmentation est d'abord rendue possible grâce à la stabilité des principales dotations depuis quatre ans. La DGF est fixée à 26,8 milliards d'euros en 2021, soit un montant stable par rapport à 2020. Ce sera aussi le cas des autorisations d'engagement mobilisées pour la DETR – 1,46 milliard d'euros – , pour la DSIL – 570 millions – , pour la DPV – 150 millions – et pour la DSID – 212 millions.
Le PLF donne également de nouveaux moyens aux collectivités : des crédits pour alimenter les mesures de soutien prévues par la loi de finances rectificative de juillet, les crédits de paiement associés à la DSIL exceptionnelle, les sommes nécessaires pour alimenter, en 2021, et le filet de sécurité sur les recettes fiscales et domaniales – je précise au passage, car j'ai entendu les critiques, qu'on peut se réjouir que les pertes de recettes et donc la compensation soient moins élevées que prévu : c'est plutôt une bonne nouvelle !
Les crédits du FCTVA devraient progresser de 546 millions l'année prochaine, du fait de la très bonne tenue des investissements locaux en 2019 et au début de 2020.
Au total, la loi ouvrira donc plus de 6,5 milliards d'euros de crédits sur cette ligne.
Je signale également l'effet positif d'une mesure adoptée en première partie, grâce à laquelle l'État soutiendra directement le fonds de péréquation des droits de mutation à titre onéreux entre départements, pour un coût estimé à 60 millions d'euros mais qui, naturellement, si les besoins sont plus importants, sera plus élevé.
Le Gouvernement proposera d'amender la première partie du PLF au Sénat pour garantir les fonds de garantie des fonds départementaux de répartition des DMTO des petites communes, celles de moins de 5 000 habitants, pour un coût estimé entre 15 et 50 millions d'euros.
Enfin, le quatrième projet de loi de finances rectificative ouvre 200 millions d'euros de crédits pour abonder le fonds de stabilisation des départements, fonds dont un amendement de Jean-René Cazeneuve propose la réactivation. Le Gouvernement donnera bien entendu un avis favorable à cet amendement.
En outre, des avances sont prévues au profit des autorités organisatrices de la mobilité – AOM : 750 millions pour les AOM de province, et en parallèle 1,2 milliard d'euros pour Île-de-France Mobilités.
Plus largement, s'ajouteront aux crédits de la présente mission des crédits de la mission « Plan de relance », par exemple 950 millions d'euros de nouveaux fonds pour la rénovation thermique des bâtiments communaux et départementaux.
Deuxième point : pour soutenir l'investissement, la procédure de versement du FCTVA sera automatisée à partir de 2021. Certains d'entre vous s'en sont réjouis, à commencer par Christophe Jerretie. Concrètement, à compter de 2021, nous passerons progressivement d'un système de remboursement sur la base de dossiers papier à un remboursement automatisé. La mise en oeuvre se fera de manière progressive, cela a été rappelé, afin de vérifier que la nouvelle procédure fonctionne correctement et n'entraîne pas de surcoût par rapport au régime actuel. Elle ne concernera donc dans un premier temps que les collectivités dont les dépenses sont éligibles au FCTVA l'année de leur réalisation. À l'heure de la relance, c'est une mesure que je crois bienvenue, notamment pour les petites communes qui n'auront plus à remplir ces papiers et auront donc moins de charges administratives.
Troisième point : en complément, nous proposons de renforcer la solidarité entre territoires dans la répartition de la DGF, une solidarité plus que jamais à l'ordre du jour avec la crise. Les chiffres ont déjà été évoqués : 220 millions d'euros, auxquels s'ajoutent 90 millions pour la DSU et autant pour la DSR, 30 millions pour la dotation d'intercommunalité et 10 millions pour la péréquation des départements.
Je souligne que cet approfondissement bénéficiera aussi largement aux communes d'outre-mer. Vous vous souvenez qu'un rattrapage a été décidé l'année dernière pour ajuster progressivement le montant insuffisant de la péréquation en outre-mer, versé par le biais d'une dotation appelée la DACOM – dotation d'aménagement des communes et circonscriptions territoriales d'outre-mer. Monsieur Reda, le Comité des finances locales, présidé par M. Laignel, avait élaboré un schéma de rattrapage en cinq ans, qui a permis d'attribuer l'année dernière aux communes des DOM – départements d'outre-mer – 11,5 millions d'euros de plus par rapport aux règles habituelles. Or nous proposons d'accélérer cette dynamique pour tenir compte des effets de la crise sur les finances déjà fragiles des communes des DOM, en réalisant, en 2021, le tiers du rattrapage restant. La DACOM augmentera donc de 17 millions d'euros.
En quatrième point, j'évoquerai un autre axe du PLF : adapter, comme chaque année, les mécanismes de répartition des concours financiers pour tenir compte des réformes. En l'occurrence, nous tenons notre engagement de rénover les modalités de calcul des indicateurs financiers pour tenir compte de la réforme de la fiscalité locale, afin que celle-ci ne produise aucun effet de bord sur les dotations.
Les modifications que le Gouvernement propose sont celles présentées devant le Comité des finances locales en juillet dernier et qui avaient reçu son assentiment. Elles sont de deux ordres. Une première reconstruit en fait des indicateurs fonctionnels en intégrant les nouvelles ressources de compensation – je pense bien sûr à la suppression de la taxe d'habitation. Une seconde neutralise les conséquences de la première sur le niveau des indicateurs, tout en laissant libre la dynamique.
Techniquement, l'article prévoit que soit retranchée de chaque indicateur une fraction de correction égale à l'écart entre les nouveaux et les anciens produits, c'est-à-dire le pur effet de bord lié à la réforme. Bien entendu, ces paramètres pourront tout à fait être rouverts. Je propose qu'ils le soient l'année prochaine, au CFL et au Parlement, avant l'entrée en vigueur du nouveau système en 2022.
C'est déjà fini ?
Sourires.
Alors je dirai simplement que je ne peux terminer sans évoquer les inquiétudes que vous avez formulées…
Sourires.
Mais j'y répondrai lors de l'examen des amendements, et serai ravie alors d'apporter des précisions.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.
Ma question porte sur la DSID pour 2021. Cette dotation a été créée en 2019 en remplacement de la dotation globale d'équipement – DGE – et couvre un champ plus large : la DGE visait en effet des points très spécifiques des dépenses d'équipement des départements.
Cette souplesse permet de soutenir la plupart des projets portés par les départements, par exemple les projets de rénovation de collèges ou de maisons de service public, et donc également d'éviter le saupoudrage constaté avec la DGE.
En 2021, le choix a été fait de renforcer les crédits de paiement ; nous saluons cette volonté. Toutefois, ne pensez-vous pas que cette réussite nous invite à poursuivre la montée en charge de la DSID en prenant peut-être en compte des critères environnementaux pour encourager la rénovation des bâtiments départementaux, tels que les collèges ? Plus largement, l'investissement des départements sera sous tension dans les prochains mois, du fait d'un effet de ciseau entre les recettes en baisse et les dépenses sociales en hausse. L'État compte-t-il encourager les départements dans ce défi ?
Merci de cette question sur la DSID. Comme vous le soulignez, sa création en 2019 a été un progrès considérable par rapport à la DGE, qui était répartie de manière assez inéquitable et sur des champs de dépenses très contraints. Vous dites à juste titre que la DSID est consacrée à des investissements importants dans les départements. L'option n'a pas été retenue d'amplifier l'effet de la DSID lui-même, puisqu'elle est toujours fixée à 212 millions d'euros en autorisations d'engagement en 2021. En revanche, sur les 950 millions d'euros relatifs à la rénovation thermique des bâtiments, 300 millions sont fléchés vers les départements. Sachant à quel point un certain nombre de collèges constituent des passoires thermiques, ces 300 millions seront les bienvenus.
La dotation, de fait, se trouve donc amplifiée, passant de 212 à 512 millions d'euros, avec certes un fléchage vers les crédits que je viens d'indiquer, mais ce sera très bénéfique aux départements.
La crise sanitaire actuelle est cataclysmique, pour les entreprises, les associations, les ménages, mais aussi pour les finances publiques et notamment celles des collectivités. Depuis le début de ce quinquennat, nous assistons, même avant la crise, à une mise à mal de la démocratie territoriale. À chaque loi de finances, nous nous sommes éloignés toujours plus de l'autonomie fiscale des collectivités, mais aussi de l'autonomie financière dont le principe a été consacré lors de la révision constitutionnelle de 2003. Les collectivités, d'année en année, collectent toujours moins de ressources propres et reçoivent toujours plus de dotations d'État, renforçant ainsi leur dépendance à l'égard de ce dernier.
Toutes les réformes entreprises vont pour l'instant dans ce sens : suppression de la taxe d'habitation, baisse de la taxe foncière sur les propriétés bâties et de la CFE, ou encore, cette année même, réduction de la moitié de la CVAE et recentralisation auprès de la DGFIP – direction générale des finances publiques – de taxes diverses comme celle sur l'électricité. À chaque fois, bien entendu, celles-ci sont compensées par des prélèvements sur les recettes d'État, par le transfert de fraction de TVA dont vous conviendrez qu'elle n'est en fait qu'une dotation annexée. Il n'est nullement question d'un impôt à base territoriale qui constituerait véritablement un début d'autonomie fiscale des collectivités.
Pour résumer, les seules taxes que les collectivités pouvaient décider de manière responsable par elles-mêmes, ce quinquennat les a purement et simplement supprimées. L'évolution à la hausse depuis 2003 du ratio d'autonomie financière des collectivités territoriales, annoncée par l'Observatoire des finances et de la gestion publique locales, n'est qu'illusoire : la définition même des ressources propres est bien trop large – Charles de Courson et Christophe Jerretie l'ont très bien montré dans leur rapport de 2018 – puisqu'elle inclut non seulement les ressources fiscales sur lesquelles les collectivités ont un certain pouvoir, mais aussi celles sur lesquelles elles n'ont aucune prise.
Les collectivités ne sont pour l'instant ni plus ni moins que des gestionnaires de dotations de l'État ; nous sommes bien loin de la responsabilisation mise en avant par le Président de la République et qui devrait se traduire dans le projet de loi 3D que nous attendons. La crise colossale que nous traversons n'est-elle pas l'occasion de réformer en profondeur les finances publiques des collectivités ? Pour éviter l'éparpillement de la discussion budgétaire des collectivités, nuisant à sa cohérence et à sa lisibilité, êtes-vous prête, madame la ministre, à instaurer une loi annuelle de financement des collectivités territoriales ?
Le Président de la République a annoncé dans sa campagne électorale qu'il supprimerait la taxe d'habitation, et il tient ses engagements. Si cette taxe a été supprimée, c'est pour les Français.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Et je n'ai pas vu beaucoup de maires faire campagne aux municipales en prônant le rétablissement de la taxe d'habitation.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Il y a eu une baisse des impôts de production, mais c'est dû à la crise !
Et tout cela est compensé, vous le savez puisque vous siégez dans une collectivité qui est à la fois un département et une région : compensé par de la TVA pour les impôts de production et par les taxes foncières pour la taxe d'habitation. Nous avons tiré les conséquences des défauts des systèmes passés, comme celui de la suppression de la taxe professionnelle – j'étais maire à l'époque – en prévoyant un mécanisme dynamique, qui s'adaptera aux évolutions des bases locales.
J'espère que cela va durer. Il faudra d'ailleurs élire la même majorité pour être sûr que ça dure !
Rires.
La meilleure preuve en est ce que nous faisons depuis quatre ans, puisque nous tenons toujours les engagements que nous avons pris.
Je suis d'accord pour que se tienne un débat annuel au Parlement sur les finances locales, en amont du PLF. Je l'ai toujours été, je le redis haut et fort. Il faut rendre plus clair et plus global tout ce que l'État fait avec les collectivités territoriales en termes financiers – et je ne pense que l'on nous reprochera ce que nous faisons.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Plusieurs députés l'ont évoqué dans la discussion, l'affaiblissement des finances des collectivités atteint des proportions critiques. La crise sanitaire aggrave cette situation et les dépenses sociales des départements, notamment celles liés au RSA, sont en forte progression. Je l'ai dit, la renationalisation de son financement en maintenant la gestion aux départements nous semble aller dans le bon sens.
Cette perte de recettes va compromettre à notre avis la capacité d'investissement des collectivités pour les prochaines années. Or il est urgent d'opérer une bifurcation écologique. Le Réseau action climat estime que les besoins en investissement public par les collectivités s'élèvent au moins à 1,7 milliard d'euros supplémentaires d'ici à 2023 pour les communes, rien que pour les secteurs du transport, de l'énergie et du bâtiment. D'après ces mêmes estimations, il faudrait porter les investissements à 3,1 milliards d'euros annuels sur la période de 2024 à 2028.
Pouvez-vous nous indiquer les moyens que vous allez mettre en oeuvre pour permettre aux collectivités, malgré leurs problèmes budgétaires, de répondre à l'urgence écologique à laquelle nous sommes confrontés ?
Je voudrais, madame la députée, vous rappeler une chose : si l'on regarde le niveau d'investissement des collectivités locales depuis 2016, il est passé de 53 à environ 67,5 milliards l'an dernier, ce qui signifie que le niveau d'investissement des collectivités locales a crû de manière importante et que la politique menée n'est donc pas forcément mauvaise puisqu'elle a permis de l'investissement dans des proportions considérables.
Pour soutenir les dépenses des collectivités, l'État va engager des moyens. Les futurs contrats avec les collectivités locales seront des contrats de relance et de transition écologique, et les contrats de ruralité, qui garderont ce nom, incluront néanmoins les mêmes obligations que les contrats classiques de relance et de transition écologique.
Je rappelle les moyens qui seront dégagés : 6,5 milliards d'euros de FCTVA en 2021, 2 milliards de DSIL, DETR, DSID et DPV, 950 millions d'euros de crédits de rénovation thermique dans le plan de relance, 600 millions pour les régions, 1 milliard de DSIL exceptionnelle, et les crédits du FNADT pour les investissements locaux seront de 2,5 milliards supérieurs aux années normales. Je crois que cela se voit bien sur le terrain, puisque, sur le milliard d'euros de DSIL exceptionnelle, 320 millions d'euros sont déjà engagés. Il s'agit à présent de vérifier que ces moyens sont bien équilibrés sur le territoire, entre urbain et rural, mais c'est un autre débat. Mais les crédits sont bien là, particulièrement pour la transition écologique.
Dans le contexte de la crise sanitaire, économique et sociale que traverse notre pays et qui affecte lourdement l'ensemble des territoires, le soutien de l'État aux collectivités est important. Les crédits qui sont alloués à la mission « Relations avec les collectivités territoriales » reflètent seulement une partie de cet effort. En réponse à cette crise et aux besoins de territoires, de nombreux outils de soutien sont mobilisés. Je ne les citerai pas tous, seulement la majoration significative de la DSIL, qui est unanimement saluée dans nos territoires.
Ma question porte sur les départements. Malgré, là aussi, un soutien spécifique et important – 200 millions, plus 50 millions pour les plus fragiles– un fort effet de ciseau est constaté depuis de nombreuses années. La dégradation du climat économique et social va conduire à l'augmentation des dépenses prises en charge par les départements. La hausse des dépenses du RSA et la baisse des recettes, des DMTO par exemple, viennent accentuer ce contexte difficile.
La recentralisation récente du RSA à Mayotte, en Guyane et à La Réunion a été une nouvelle modalité de financement pertinente pour ces collectivités, en vue de faire face aux difficultés qu'elles rencontrent du fait de la progression rapide de leurs dépenses sociales. L'expérimentation de la recentralisation du RSA en Seine-Saint-Denis, qui devrait débuter en 2022, poursuit le même objectif : prendre en charge une dépense de solidarité nationale conséquente dont la dynamique ne peut plus peser sur les seuls contribuables locaux.
Face à cet effet de ciseau des finances des départements, qui est très prégnant chez certains d'entre eux, quelle est votre analyse des perspectives financières des conseils départementaux ? Considérez-vous que de nouvelles modalités de soutien aux départements pourraient être envisagées, en lien avec la future loi 3D ?
Merci pour cette question. Tout le monde, je crois, a conscience des difficultés financières des départements, liées à l'effet de ciseau que vous avez évoqué. Je me permets tout de même de rappeler que, dans la troisième loi de finances rectificative, le Parlement a autorisé l'ouverture d'avances sur le produit des DMTO : ainsi 394 millions d'euros qui ont été décaissés en direction de quarante départements. Pourquoi seulement quarante ? Parce que les ressources ont été plus importantes qu'on ne l'imaginait dans d'autres départements, en raison d'un redémarrage des ventes.
Il y a deux semaines, vous avez également voté un amendement permettant à l'État d'abonder le fonds de péréquation des DMTO des départements. Cela devrait s'élever à 60 millions, je l'ai dit. J'insiste sur le fait que ces deux mécanismes profitent d'abord aux départements dont les dépenses sociales sont importantes. Avec Olivier Dussopt, nous avons par ailleurs autorisé les départements à étaler sur cinq exercices budgétaires les charges liées à la crise, dont les augmentations du RSA. C'est une souplesse très appréciée.
Nous sommes presque quotidiennement en relation avec les départements, avec des réunions de travail auxquelles participe d'ailleurs Jean-René Cazeneuve. À plus long terme le Gouvernement est prêt à étudier les conditions dans lesquelles la charge du RSA pourrait être reprise par l'État.
En réponse à M. Pupponi qui m'a posé la question, j'ai dit que nous passerions par l'expérimentation. Un certain nombre de départements sont partants, et ils sont même de plus en plus nombreux. On évoque souvent la Seine-Saint-Denis mais il y en a d'autres, y compris des départements ruraux.
J'appelle les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », inscrits à l'état B.
Chers collègues, nous devons examiner 150 amendements sur cette mission et près de 1 000 amendements sur les articles non rattachés d'ici à vendredi soir. Je vous invite donc à faire preuve de concision.
Effectivement.
Vous avez la parole, monsieur de Courson, pour soutenir l'amendement no 477 .
Sourires.
Le véritable objet de cet amendement n'est pas de réduire de 50 millions d'euros les crédits de paiement affectés à la DSIL, mais de revenir sur un problème qui a été soulevé par le rapporteur au fond et par la rapporteure pour avis.
Alors que la troisième loi de finances rectificative pour 2020 prévoyait un montant de 1 milliard d'autorisations d'engagement pour la DSIL, le PLF pour 2021 ouvre seulement 100 millions de crédits de paiement. Le Gouvernement incite pourtant les collectivités locales à accélérer la relance, ce qui sera proprement impossible avec des crédits de paiement représentant 10 % des autorisations d'engagement !
Madame la ministre, comment s'explique cette situation ? Avez-vous prévu des amendements pour augmenter les crédits de paiement de la DSIL, qui devraient se monter, au minimum, à 400 ou 500 millions ? Les collectivités locales seront en grande difficulté dans le cas contraire et protesteront à juste titre que les promesses qui leur ont été faites ne sont pas tenues. J'ajoute que les préfectures n'ont pas les moyens de payer.
Jean-René Cazeneuve et moi-même nous sommes posé la même question, qui figure d'ailleurs dans notre rapport d'information. Nous avons donc déposé l'amendement no 1525 , qui vient juste après, afin d'interroger nous aussi le Gouvernement sur l'écart entre les 100 millions de crédits de paiement du PLF pour 2021 et le milliard d'autorisations d'engagement du PLFR 3.
M. de Courson vient de le dire, les maires et les collectivités ont pris des engagements importants à la suite de l'annonce de la DSIL exceptionnelle. Notre intention n'est évidemment pas que des crédits de paiement soient retirés à un autre programme, mais d'alerter le Gouvernement sur cette situation et sur la nécessité, dans le prochain PLF, d'augmenter largement les crédits de paiement de la DSIL.
Comme l'a indiqué M. Giraud, compte tenu du grand plan d'investissement de 10 milliards, FCTVA compris, ce sont plus de 50 milliards qui seront versés au total aux collectivités pour soutenir l'investissement, ce qui permettra un « super-rebond » du secteur du bâtiment et des travaux publics et de l'activité économique en général.
Nous espérons néanmoins que le Gouvernement pourra nous rassurer sur l'augmentation des crédits de paiement de la DSIL, si ce n'est dans l'immédiat, tout du moins à moyen terme.
Ces deux amendements visent davantage à interroger le Gouvernement qu'à modifier le texte, je l'ai bien compris. La question du calibrage des crédits de paiement par rapport aux autorisations d'engagement est évidemment une question légitime. Sachez qu'à l'heure actuelle, la mission dispose des réserves nécessaires pour faire face aux dépenses engagées. Le Gouvernement prend toutefois l'engagement devant vous de procéder à des abondements de crédits de paiement dès la première loi de finances rectificative pour 2021 si nécessaire. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Cette réponse me satisfait, monsieur le secrétaire d'État. Le groupe Agir ensemble dresse le même constat que MM. de Courson et Jerretie s'agissant des crédits de paiement de la DSIL. Comme je l'ai souligné dans mon intervention liminaire, il nous paraît nécessaire de les abonder, sans doute lors du PLFR 1 pour 2021.
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, il faut absolument que les subventions soient versées rapidement aux collectivités territoriales – et pas huit mois ou un an après, comme c'est souvent le cas – si vous voulez qu'elles puissent accompagner la relance en 2021 et en 2022.
Je soutiens ces deux amendements. Les préfets invitent les maires à aller vite lorsqu'ils sollicitent la DSIL. Le rapporteur spécial Christophe Jerretie l'a souligné, celle-ci constitue un élément consubstantiel au rôle qu'ils joueront dans la relance puisqu'elle leur permettra d'injecter dans l'économie locale l'argent dont les acteurs ont besoin. Or la multiplication des outils de contractualisation – contrats de territoire avec les régions, les départements, les intercommunalités – place, au bout du compte, les communes dans la position de banquiers : elles sont obligées de faire des avances de trésorerie au bénéfice des collectivités de plus grande taille, ce qui les met dans des difficultés sans nom. Elles sont même parfois obligées de faire les banquiers pour l'État, qui pourtant a annoncé le versement de subventions sonnantes et trébuchantes. Il y a urgence à ce que les crédits de paiement correspondent bel et bien aux autorisations d'engagement. Il y va de la parole de l'État.
Mon but n'était évidemment pas, avec cet amendement, de réduire les crédits de paiement de la DSIL, déjà insuffisants, mais d'obtenir une réponse.
Monsieur le secrétaire d'État, 570 millions d'autorisations d'engagement avait été ouverts pour la DSIL en 2019. Vous avez expliqué que les 100 millions de crédits de paiement de cette année suffisaient parce qu'il subsiste des reliquats, mais l'argument ne tient pas : 1 milliard, c'est presque le double de 570 millions ! Vous ne tiendrez donc pas, même avec des reports.
Selon M. le rapporteur spécial, traditionnellement, les crédits de paiement représentent plutôt 20 % à 30 % des autorisations, et le Gouvernement demande aujourd'hui aux élus locaux d'accélérer ! C'est donc 30 % à 40 % de crédits de paiement qui devront être inscrits, soit environ 400 millions – 300 millions de plus que maintenant. Or vous ne disposez pas d'une marge de 300 millions sur les crédits de paiement antérieurs.
Monsieur Jumel, vous généralisez trop : c'est tout de même l'État qui met la main au pot. Par ailleurs, le compte d'avances aux collectivités territoriales intervient largement. Certes, les collectivités jouent un rôle important pour la maîtrise d'ouvrage et la maîtrise d'oeuvre, mais il est faux de dire que l'État emprunte aux collectivités territoriales ! Les compensations et les dotations d'investissement ont fait l'objet de crédits de paiement et d'autorisations d'engagement relativement élevés depuis trois ans. Les préfets s'organisent au mieux et, s'il y a parfois des couacs, nous estimons, avec Jean-René Cazeneuve, que le système fonctionne globalement de manière satisfaisante.
Je précise, après avoir entendu la réponse de M. le secrétaire d'État, que je retire mon amendement.
Quelques précisions me semblent nécessaires. Si j'ai parlé de réserves, c'est tout simplement parce que le programme 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements » ouvre 3,75 milliards en crédits de paiement. Je répète, et j'en prends l'engagement au banc du Gouvernement, que nous ouvrirons les crédits nécessaires pour répondre aux besoins, en fonction de la consommation des crédits, dans le cadre du premier ou du second PLFR pour 2021.
L'amendement no 477 est retiré.
L'amendement no 1525 est retiré.
La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour soutenir l'amendement no 1534 .
Plutôt que de doter la DSIL exceptionnelle de 1 milliard d'autorisations d'engagement et de seulement 100 millions de crédits de paiement, il aurait mieux valu abonder la DSIL classique, dont le calendrier diffère. Tel est le sens de cet amendement.
Je veux cependant revenir sur la discussion précédente et l'écart entre les autorisations de programme et les crédits de paiement. Jusqu'en 2015, ils étaient identiques, à 50 millions près, mais un écart s'est creusé par la suite, de 200 millions d'abord et plus important encore à partir de 2017.
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, si la mission parlementaire engagée cette année se poursuit à l'avenir, il serait bon qu'elle suive l'évolution de cet écart : il n'y a pas de raison que des crédits de DETR, et seulement de cette dotation, soient attendus depuis sept, huit, voire neuf ans !
Je vous invite à retirer votre amendement, madame Pires Beaune. Il porte sur un sujet récurrent, nous en avons déjà discuté l'année dernière.
Quant à la DETR, nous avons alerté le Gouvernement à ce sujet lors du printemps de l'évaluation. Il est nécessaire d'aller plus vite aujourd'hui car plus de 4,5 milliards de crédits de paiement traînent depuis quatre ou cinq ans dans des préfectures. Il faut accélérer la consommation des « restes à réaliser » au bénéfice des collectivités territoriales.
Demande de retrait ou avis défavorable.
La question que vous soulevez est pertinente, madame Pires Beaune. Il ne m'appartient pas de dire si la mission parlementaire se poursuivra, mais soyez certaine, si c'est le cas, qu'elle continuera de bénéficier de l'écoute attentive du Gouvernement.
Quant à l'amendement, sur un sujet un peu différent, je rappelle que le Gouvernement s'est engagé sur un montant stabilisé de DSIL de 570 millions pour le quinquennat. Cette année, 1 milliard supplémentaire est prévu en autorisations d'engagement. Je vous demande donc de retirer l'amendement. À défaut, avis défavorable.
L'amendement no 1534 est retiré.
Les collectivités locales jouent un rôle important pour accélérer la bifurcation écologique. Elles pourraient intervenir utilement dans un domaine en particulier : l'éclairage public. Celui-ci représente 41 % des consommations d'électricité des collectivités et 17 % de leurs dépenses d'énergie. Or 25 à 30 % de l'éclairage public a plus de vingt-cinq ans. Il y a donc du pain sur la planche pour aider les collectivités à assurer la transition !
D'après une étude spécialisée, les besoins d'investissement seraient de 9 à 10 milliards pour les 10 millions de points lumineux des communes françaises. Par ailleurs, les collectivités devront investir 1 milliard dans les années à venir pour se conformer aux réglementations française et européenne. Cet amendement est donc un amendement d'appel.
J'ai bien sûr noté l'augmentation de la DSIL, monsieur le rapporteur spécial, et je m'en réjouis, mais je maintiens que les communes servent quelquefois de banquiers à l'État ! C'est le cas pour les masques – nous n'avons toujours pas été remboursés. C'est le cas pour les opérations de renouvellement urbain, celles de l'Agence nationale de la rénovation urbaine – ANRU – et celles des offices publics de l'habitat – OPH – notamment : les collectivités locales sont souvent contraintes d'avancer le paiement des maîtres d'oeuvre, dans l'attente de crédits très longs à venir ! J'espère que l'ANRU 2 fonctionnera mieux de ce point de vue.
Bref, j'ai des exemples à la pelle pour illustrer mon point de vue, mais je ne généralise rien : il arrive effectivement que l'État paye argent comptant, il faut le reconnaître honnêtement.
Je reconnais moi aussi, monsieur Jumel, qu'il arrive que les choses soient plus difficiles dans certains cas…
S'agissant de l'éclairage public, il fait partie, avec l'eau, des sujets souvent oubliés, car ce sont des réseaux secondaires : les collectivités et l'État, à travers les aides qu'il alloue, préfèrent construire des ronds-points que de rénover l'éclairage public.
J'ai les mêmes chiffres que vous, monsieur Jumel, s'agissant des besoins. Je vous invite à retirer votre amendement car c'est un amendement d'appel, mais la transition écologique et la modernisation des réseaux sont au coeur des priorités d'un grand nombre de missions, des collectivités et de l'État, à travers la DSIL. En tout état de cause, la modernisation de l'éclairage public est nécessaire sur le plan énergétique. Demande de retrait, donc, ou avis défavorable.
Très honnêtement, monsieur Jumel, les priorités données à la DSIL permettent déjà de financer les investissements que vous évoquez en matière d'éclairage public. C'est également le cas s'agissant de la DETR, à condition que les commissions d'élus se prononcent de manière claire sur le sujet. Je vous rappelle qu'en 2019, la DETR et la DSIL ont financé respectivement 286 projets d'éclairage public pour 7,4 millions d'euros, et 120 projets pour 10 millions d'euros.
Il ne me semble donc pas nécessaire d'opérer un fléchage sur une thématique spécifique, d'autant qu'un tel système priverait les commissions d'élus de la DETR de leur pouvoir en la matière, qui est pourtant octroyé par la loi. Demande de retrait ou avis défavorable.
J'entends ces réponses. Je vous indique tout de même, monsieur le secrétaire d'État, que les préfets, par des circulaires d'instruction sur la DSIL et la DETR, ont réorienté très fortement l'utilisation de ces dotations de l'État pour faire face à la crise sanitaire, et que les prérogatives des commissions d'élus sont dans ce domaine, vous le savez, très marginales. Nous cherchons souvent le consensus mais, au bout du compte, lorsque le préfet cible par exemple les défenses incendie ou bien les extensions d'école et de réfectoires en réponse à la crise sanitaire, il ne reste plus beaucoup de marge pour accompagner les autres projets.
Quant aux chiffres que vous citez, j'en prends note, mais ils sont sans commune mesure avec le besoin de 10 milliards d'euros que j'évoquais dans mon intervention.
Je retire donc l'amendement, tout en espérant que vous prendrez en considération l'enjeu qu'il soulève.
L'amendement no 1389 est retiré.
Vous gardez la parole, monsieur Jumel, pour soutenir l'amendement no 1391 .
Dans le même état d'esprit, il vise à faire face à un autre enjeu écologique, celui des pertes en eau dues à des fuites sur le réseau qui, comme vous le savez, représentent 20 % du volume d'eau total. En 2015, une mission parlementaire rappelait qu'à l'échelle de la France entière, les pertes annuelles par fuites atteignaient près de 1 milliard de mètres cubes. En 2018, le taux de renouvellement des réseaux n'était que de 0,6 % par an en moyenne ; à ce rythme, il faudrait 167 ans pour mettre à jour l'ensemble !
On voit donc bien qu'il faut accompagner les collectivités plus étroitement, plus fermement et plus rapidement dans cet effort nécessaire. Ce n'est d'ailleurs pas seulement un enjeu national, puisqu'il s'agit aussi d'apporter notre contribution au problème de la raréfaction de l'eau sur l'ensemble de la planète.
S'agissant de l'eau, le problème est un peu différent. Il ne faut d'abord pas oublier que les budgets annexes permettent d'investir selon le principe « l'eau paie l'eau ». Les collectivités doivent donc aussi provisionner afin de financer le renouvellement des réseaux, mais nombre d'entre elles ont oublié de le faire, ce qui entraîne d'importantes difficultés. Il faut le souligner.
Ensuite, des évolutions ont eu lieu au cours des deux dernières législatures grâce à de nombreux appels à projets, lancés par exemple par l'ADEME – Agence de la transition écologique – pour permettre la rénovation et le renouvellement des réseaux. Des fonds supplémentaires ont en outre été alloués. La mesure du problème a donc été prise, mais il faut accélérer. Les assises de l'eau ont également permis de mettre de l'argent sur la table, je ne détaillerai pas, et la Caisse des dépôts et consignations développe des « aqua prêts » à des taux record, tel que celui de 30 millions d'euros dont nous avons bénéficié en Corrèze, ce qui n'est pas anodin.
Nous disposons donc d'outils efficaces, mais nous prenons acte du fait qu'il faut accélérer pour relever ce défi majeur. L'enjeu de l'eau est d'ailleurs également abordé dans la mission « Écologie, développement et mobilité durables », certainement plus appropriée pour traiter la question. N'oublions pas, cependant, que les budgets annexes sont aussi faits pour provisionner l'investissement, et, ayant été élu local, je sais que beaucoup oublient de le faire alors que cela leur permettrait de disposer de prix bas, grâce au principe « l'eau paie l'eau ».
Demande de retrait ou avis défavorable, comme tout à l'heure. Un retrait serait judicieux.
Monsieur Jumel, c'est en effet une question parallèle à la précédente. Je ne répéterai donc pas les arguments sur le fait que le champ d'application de la DSIL doit rester relativement large.
Je vous rappelle tout de même que les investissements dans le domaine de l'eau sont à très long terme. Les financer par les crédits des agences de l'eau et par des emprunts apparaît donc plus judicieux que de mobiliser la DETR et la DSIL. Cependant, les projets locaux et ruraux qui n'entrent pas dans les critères des agences de l'eau – qui varient d'ailleurs d'un département à l'autre – peuvent tout à fait être financés au titre de la DETR – 223 projets l'ont été l'an dernier, pour un total de près de 18 millions d'euros – et de la DSIL – qui en a financé 25 pour 6 millions d'euros.
Je crois aussi que le fait que la circulaire annuelle relative aux dotations d'investissement donne la priorité aux projets contribuant à la transition écologique favorise ceux qui portent sur les infrastructures d'eau et d'assainissement. Demande de retrait, ou avis défavorable.
Je prends note de vos réponses. Il ne m'a évidemment pas échappé que l'eau fait l'objet de budgets annexes : cela fait partie de mes quelques notions budgétaires concernant les collectivités locales.
C'est pour la compréhension générale !
Mais il ne m'a pas non plus échappé que les élus, lorsqu'ils doivent équilibrer leur budget annexe de l'eau, doivent aussi prendre en compte les capacités contributives des usagers de ce service public. L'eau n'est pas une marchandise comme une autre : c'est un bien précieux, un bien commun, de première nécessité, et l'égalité d'accès à cette ressource, notamment pour les populations les plus fragiles, est une question que les élus locaux doivent prendre en compte, y compris lorsqu'ils équilibrent leur budget annexe.
C'est la raison pour laquelle je considère que l'État, s'il veut jouer son rôle de protecteur et d'aménageur du territoire, censé veiller à ce que la République soit présente partout et pour tous en faisant appliquer un principe d'unicité de la péréquation tarifaire, doit se saisir de ce sujet. C'est le sens de cet amendement d'appel, que je retire.
L'amendement no 1391 est retiré.
La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l'amendement no 1617 du Gouvernement.
Il vise à majorer de 4,1 millions d'euros la DGD – dotation générale de décentralisation – au sein du programme 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements », afin de compenser le transfert à l'Eurométropole de Strasbourg des charges liées aux routes, effectué en application de la loi CEA – collectivité européenne d'Alsace – , laquelle transfère des compétences à la fois à la CEA et à l'Eurométropole.
Conformément aux dispositions de cette loi, la compensation est égale à la moyenne des dépenses constatées sur une période de cinq ans précédant le transfert de compétences pour les dépenses d'investissement, et de trois ans pour les dépenses de fonctionnement. Ces dépenses sont calculées hors taxe et actualisées en fonction du taux d'inflation hors tabac.
La compensation inscrite en projet de loi de finances pour 2021 est provisionnelle : elle est effectuée sur la base des périodes 2015-2019 pour les investissements, et 2017-2019 pour les charges de fonctionnement. Un ajustement financier sera effectué en loi de finances pour 2022 sur la base des périodes 2016-2020 et 2018-2020, pour déterminer le montant définitif de la compensation.
Nous n'avons pas examiné cet amendement en commission ; à titre personnel, je donne un avis favorable.
Je note bien que la compensation prévue par cet amendement est provisionnelle, comme l'était, à proprement parler, le prélèvement sur recettes de 15 millions d'euros organisé par un amendement adopté en première partie du projet de loi de finances au bénéfice de la collectivité européenne d'Alsace.
Néanmoins, la méthode est surprenante. Avec Rémy Rebeyrotte, nous avons publié il y a quelques semaines un rapport sur la mise en application de la loi Alsace ; il soulignait que les collectivités territoriales attendaient une somme budgétaire de l'ordre de 30 millions d'euros, CEA et Eurométropole de Strasbourg confondues. Or si l'on ajoute les 15 millions prévus en première partie du PLF au bénéfice des départements aux 4 millions ici prévus, en seconde partie, au bénéfice de l'Eurométropole de Strasbourg, le total n'atteint que 19 millions.
Les parlementaires de la majorité ont justifié cela en répétant dans la presse locale que le FCTVA interviendrait également. Mais le fait qu'une partie du transfert de compétences puisse être financé par le FCTVA pose problème eu égard au principe de libre administration des collectivités territoriales. En effet, toutes les dépenses ne sont pas forcément éligible au FCTVA, et on peut par ailleurs très bien imaginer que la gestion de la compétence par les collectivités soit susceptible de réorienter certains fonds de l'investissement vers le fonctionnement, et inversement.
Quoi qu'il en soit, les montants sont bien inférieurs à ceux dont ont besoin les collectivités et que l'État aurait dû depuis longtemps investir sur ce réseau routier.
Augmenter de 4 millions d'euros la dotation de décentralisation en faveur de la collectivité européenne d'Alsace ne nous semble pas une bonne idée.
Au temps pour moi. Cette dotation existe en application d'une loi votée en 2019, qui prévoit un transfert du réseau routier national non concédé de l'État à l'Eurométropole de Strasbourg. Nous nous étions opposés à ce texte, et nous sommes également opposés à cet amendement. En effet, nous considérons qu'un tel transfert de compétence n'est pas une bonne chose.
Le pire, c'est que l'argent est pris sur le programme 203 « Infrastructures et services de transports » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » alors qu'il y manque des millions, notamment pour renforcer le réseau ferré, entretenir les petites lignes et développer le train de nuit. Il s'agit d'une promesse du Président de la République et vous avez dit tout à l'heure, madame la ministre, en parlant de la taxe d'habitation, que les promesses seraient tenues : j'attends donc qu'elles le soient. Pour l'expérimenter semaine après semaine depuis le début de la législature, je dois dire que la situation des trains de nuit se dégrade, et nous attendons avec impatience que les lignes correspondantes se développent.
L'amendement no 1617 est adopté.
Il concerne une expérimentation pour ouvrir le RSA aux jeunes. Les chiffres dont nous disposons montrent qu'il faut s'attendre à une hausse de plus de 9 % du nombre de bénéficiaires du RSA en 2020 ; dans certains départements comme la Seine-Saint-Denis, l'accroissement est encore plus fort. L'INSEE prévoit que la France comptera plus de 1 million de chômeurs supplémentaires à la fin de l'année 2020, et le nombre de ménages ayant recours à l'aide alimentaire devrait augmenter de 30 % par rapport à l'année dernière. Un étudiant sur six doit travailler pour vivre, dans un contexte de chômage de masse.
La situation, madame la ministre, est donc alarmante. La crise sanitaire se décline désormais en une crise économique et bien évidemment sociale, et nous assistons à une explosion de la pauvreté. Au regard de cette situation, le présent amendement vise à accompagner une extension du RSA aux jeunes de 18 à 25 ans, à titre expérimental, en accordant les fonds nécessaires aux départements volontaires pour un montant de 3 milliards d'euros.
Soutenir les entreprises et une politique de l'offre, c'est bien, mais il est crucial de soutenir les jeunes dans la période de leur vie où ils doivent se former, et ce n'est pas uniquement par des contrats d'apprentissage qu'on le fera. Nous demandons donc ces fonds pour aider les jeunes de 18 à 25 ans : ils sont nombreux à se trouver dans une très grande précarité, ce qui provoque bien évidemment des inégalités sociales mais aussi des inégalités d'accès aux études et à la formation professionnelle. Aidons les entreprises, mais aidons aussi les Français.
Sur la forme, le présent amendement n'a à mon avis pas lieu d'être dans le cadre de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », et je pense que vous le savez très bien, madame Cariou. Je me permets de signaler que nous avons déjà évoqué ce sujet récemment, peut-être à l'occasion de l'examen du PLFR4 : 3 milliards d'euros, c'est bien évidemment bien plus que ce dont nous disposons pour cette mission, et c'est une dépense qui n'est pas acceptable.
Cela dit, le sujet du RSA pose déjà problème au niveau des départements. Nous devons nous en saisir collectivement pour le régler. Une expérimentation est en voie d'élaboration à ce sujet.
Ayant un peu suivi les débats que nous avons depuis trois semaines dans l'hémicycle, je peux ensuite rappeler que le plan de relance contient 28 dispositifs qui sont à la disposition des collectivités et qui représentent 30 % des crédits de la mission « Cohésion des territoires », soit environ 10 milliards d'euros. En cette matière, de nombreux éléments importants sont donc mis sur la table par l'État. Je ne dis pas que c'est suffisant, mais ce sont des premières réponses à ne pas négliger.
Je demande donc le retrait, d'abord parce que la présente mission n'est pas le lieu où débattre d'un RSA jeunes, même si nous devrons avoir un débat concernant la jeunesse, et ensuite parce que nous pourrons l'envisager plutôt dans le cadre d'une autre mission plus adaptée, peut-être la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », ou éventuellement dans le prochain PLFR, qui permettra d'aborder le RSA de manière plus générale. Pour notre part, nous prenons note de votre préoccupation. Nous aurons évidemment à discuter du RSA avec les départements, afin qu'il soit un jour recentralisé ou abondé, car nous savons que son financement pose problème.
Avis défavorable ou demande de retrait, étant entendu qu'il ne s'agit pas de la mission adéquate pour discuter d'une telle mesure.
Je donne moi aussi un avis défavorable.
Le problème que vous soulevez, madame Cariou, est bien réel. Je vous rappelle néanmoins que le Gouvernement a lancé un plan précis, intitulé « 1 jeune, 1 solution » et doté d'une enveloppe de 6,5 milliards d'euros, qui vise, premièrement, à faciliter l'entrée des jeunes dans la vie professionnelle, notamment grâce à un coup de pouce aux embauches, qu'il s'agit d'accélérer ; deuxièmement, à orienter et former 200 000 jeunes vers les secteurs et métiers d'avenir ; troisièmement, à accompagner les jeunes éloignés de l'emploi en construisant 300 000 parcours d'insertion sur mesure.
Je vous renvoie aux précisions que vient d'apporter le rapporteur spécial quant aux dispositions prévues en la matière dans le plan de relance et confirme que nous allons mener une expérimentation relative au RSA.
Conformément au règlement, j'accepterai deux prises de parole contradictoires, celle de Mme Cariou, puis celle de Mme Cloarec-Le Nabour.
Protestations sur divers bancs.
J'ai moi aussi demandé la parole, madame la présidente ! Si c'est comme cela, je demanderai une suspension de séance !
Je prendrai en considération vos demandes, mes chers collègues.
La parole est à Mme Émilie Cariou.
Qu'entendez-vous par « deux prises de paroles contradictoires », madame la présidente ? L'une visant à défendre l'amendement, l'autre à s'y opposer ? Si c'est le règlement !
Monsieur le rapporteur spécial, nous avons déposé, sur ce projet de loi de finances, des amendements plus généraux relatifs au RSA. Ils visaient notamment à augmenter les dotations aux départements, qui doivent faire face à une hausse de plus de 5 % du nombre d'allocataires. Or ils ont été rejetés. Nous nous servons donc de l'examen des crédits de cette mission pour revenir sur la question des jeunes.
Madame la ministre, les jeunes n'ont pas tous vocation à entrer en apprentissage, à rejoindre une entreprise dès 19 ans.
Les jeunes n'ont pas vocation non plus à entrer dans un système d'assistanat !
Dans la vie, il y a un temps pour la formation et les études. Un étudiant en mathématiques, en philosophie ou en physique nucléaire ne va pas forcément aller dans une entreprise pour y faire de l'apprentissage ; il doit faire ses études et, pour cela, il a besoin d'un toit et doit pouvoir se nourrir. Il est scandaleux que ce gouvernement ne mise pas sur la jeunesse ! En cette période de crise sanitaire sans précédent, il faut soutenir nos jeunes. Ils représentent l'avenir de la France, l'avenir d'une nation développée.
Je vous ai entendus, mes chers collègues. Je suis capable de souplesse.
Je donnerai donc la parole à un orateur par groupe.
La parole est à Mme Christine Cloarec-Le Nabour.
Chaque semaine, la question revient sur la table ; chaque semaine, j'interviens pour souligner que nous n'avons pas la même ambition que vous pour nos jeunes.
Mme Émilie Cariou proteste.
Laissez-moi m'exprimer, je vous prie, je ne vous ai pas interrompue.
Le plan « 1 jeune, 1 solution » comporte effectivement de nombreuses mesures, qui seront suivies et évaluées. Lors de l'examen des crédits de la mission « Travail et emploi » à la fin de la semaine dernière, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion a pris l'engagement de constituer à cette fin un groupe de travail en lien avec son cabinet. Si le plan n'apporte pas de réponse appropriée à certains jeunes, autrement dit s'il y a des trous dans la dans la raquette, nous pourrons le voir.
Je rappelle en outre que les missions locales, qui accompagnent chaque année 1,5 million de jeunes, ne mettent pas du tout en avant la question d'un RSA jeunes. Commencer avec un RSA, c'est une drôle de perspective d'avenir pour les jeunes !
Peut-être y a-t-il des trous dans la raquette. Il nous revient de déterminer si les mesures prévues sont appropriées et efficaces. Nous reverrons au besoin notre copie.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Nous vous remercions pour votre souplesse, madame la présidente.
Le constat est juste, mais la solution proposée par les auteurs de l'amendement est très mauvaise. Nous avons tous peur que la jeunesse ne soit sacrifiée à cause de la crise économique qui fait suite à la crise sanitaire. Toutefois, lorsqu'on commence à 18 ans sa vie d'adulte, lorsqu'on entre dans la vie active, il y a tout de même une autre perspective que l'aide sociale.
Lorsqu'on vient d'acquérir sa majorité, de conquérir sa liberté et son autonomie, il y a une autre perspective que d'être biberonné aux aides sociales !
Exclamations sur divers bancs.
En 2009, Nicolas Sarkozy avait eu le courage de créer le RSA jeune actif pour les jeunes qui perdraient leur activité ou décideraient de l'arrêter, notamment pour reprendre une formation. Voilà le sens du RSA : il est conçu pour compenser un accident de parcours dans l'emploi ; il est conçu pour les actifs, non pour ceux qui sont en train de se former ou débutent dans la vie active.
Puisque nous examinons les dotations allouées aux collectivités territoriales, j'ajoute qu'il serait bien plus opportun d'aider les collectivités à résorber la fracture numérique, à favoriser la mobilité des jeunes, notamment grâce aux aides au permis de conduire, et à financer des formations, …
… afin d'offrir des perspectives aux jeunes et d'éviter, comme le disait Martin Hirsch, qu'ils ne tombent dans la trappe de l'aide sociale, qui ne fait qu'amplifier la pauvreté des plus pauvres.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Ce qui est bien avec les réacs ou les libéraux que vous êtes, c'est que, quand on parle de ceux qui ont le ventre vide, qui crèvent de faim, cela réveille en vous de vieux réflexes : selon vous, on se complaît dans la pauvreté, on choisit même d'être pauvre !
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
La pauvreté est votre fonds de commerce électoral ! C'est pour ça que vous ne nous aidez pas à la résoudre !
La Fondation Abbé Pierre a fait la démonstration que 650 000 jeunes ne bénéficieront pas des aides annoncées par le Gouvernement. Toutes les études – Marie-George Buffet, rapporteure de la commission d'enquête relative aux effets de la crise sur les enfants et la jeunesse, remettra prochainement son rapport – montrent que les jeunes sont les premières victimes du coronavirus.
Des jeunes ont le ventre vide, et ce n'est pas un groupe de travail ni une commission qui répondra à cette urgence sociale. Le coût social sera d'ailleurs bien supérieur au montant prévu pour le dispositif expérimental que vous avez mentionné, monsieur le rapporteur spécial.
Pour notre part, nous sommes favorables à un revenu d'autonomie pour les jeunes, qui intègre toutes les dimensions que nous avons évoquées, …
C'est vous qui êtes réactionnaires ! En 1968, au moins, vous vous battiez pour la liberté ! Populistes !
… afin qu'ils puissent gagner en autonomie et s'insérer dans l'emploi.
Les jeunes sont les premières victimes des suppressions d'emplois dans l'hôtellerie et la restauration, de la destruction des emplois précaires. Nous proposons – c'est une question de dignité et de solidarité – qu'ils soient les premiers que l'on protège face à la crise.
Vous êtes dans le luxe, le calme et la volupté, et vous adorez cela. Nous sommes dans la réalité sociale des territoires, que nous voulons protéger. La jeunesse mérite que nous soyons au rendez-vous maintenant, et non demain ou après-demain.
Les départements sont aux avant-postes en matière de RSA, et nombre d'entre eux se préoccupent du sort des jeunes. En effet, la jeunesse française fait partie des oubliés. Mme Cloarec-Le Nabour a évoqué de possibles « trous dans la raquette ». En réalité, la raquette n'a même plus de tamis, elle n'est qu'un immense trou !
Si l'on s'intéresse à la façon dont les pays d'Europe traitent leur jeunesse, on constate que la France est bonne dernière, que vous le vouliez ou non.
Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
Vous ferez, je le sais, le procès des gouvernements précédents, mais c'est une réalité, et vous ne pouvez pas balayer d'un revers de main ces propositions, en disant que nous aurons à étudier la question ou que vous allez orienter les jeunes vers les missions locales.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.
Dans notre pays, je le rappelle, près d'un étudiant sur deux doit travailler pour financer ses études et, chez les jeunes de 18 à 25 ans, le taux de chômage s'élève à près de 25 % et le taux de pauvreté est trois fois supérieur à ce qu'il est chez les plus de 60 ans. Vous pouvez toujours nous renvoyer à telle ou telle étude et considérer que l'assistanat n'est pas la bonne solution.
La jeunesse demande du travail ! Pour vous, la solution, c'est toujours l'assistanat !
Pour nous, une chose est certaine : dans le contexte actuel, si nous ne traitons pas très rapidement la question, notre société aura tôt ou tard à payer la facture, et son montant sera extrêmement élevé.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR.
Je suis un peu étonné de la nature du débat. L'amendement présenté par Mme Cariou est plutôt un amendement d'appel. Depuis le début de la crise, le Gouvernement a évoqué à de nombreuses reprises les difficultés des jeunes et la nécessité de les prendre en considération.
Certains n'ont pas pu travailler cet été ou ne trouvent pas d'emploi pour financer leurs études et se retrouvent, dès lors, dans une situation catastrophique. L'amendement présente au moins un intérêt : ses auteurs proposent une solution, en préconisant d'aller plus loin pour tenir compte de ces difficultés.
S'agissant de la prise en charge du RSA, madame la ministre, y compris s'il s'agit de l'étendre aux jeunes davantage que cela n'a été fait, il ne faut pas qu'on en soit encore, en 2022, au stade de l'expérimentation ; c'est maintenant qu'il faut agir ! Le RSA sera de plus en plus sollicité, et les départements ne pourront pas payer.
Quant à l'expérimentation, elle doit être conduite dans la transparence : nous devons connaître les critères de sélection. Nous apprenons dans la presse que tel département a été retenu, mais nous ne savons pas comment ni pourquoi. Quels seront les critères de prise en charge ? La commission des finances devrait se saisir du sujet et formuler des propositions.
Sur tous les bancs, nous faisons le même constant : en France, la situation pour la jeunesse est grave et va s'aggraver encore à cause de la crise sanitaire et de la crise économique et sociale qui en découle.
Néanmoins, les jeunes de 18 à 25 ans sont dans des cas de figure très différents. S'ils vivent parfois une même situation de pauvreté, il convient de distinguer ceux qui ont déjà eu une expérience professionnelle et ceux qui n'en ont pas encore eu. À sa création, le RSA a été conçu comme un filet de sécurité pour les personnes éloignées, momentanément ou plus durablement, de l'emploi. Or le principal problème des jeunes de 18 à 25 ans est non pas celui-là, mais l'insertion professionnelle, l'insertion économique et sociale. Je ne pense donc pas que le RSA soit le bon outil.
Comme vient de le dire M. Pupponi, il s'agit d'un amendement d'appel, d'une proposition. Il faut effectivement trouver une solution, qui pourrait être de renforcer certains dispositifs, notamment la garantie jeunes gérée par les missions locales, qui favorise l'insertion des moins de 25 ans. Je ne pense pas que le RSA, dont la connotation peut d'ailleurs être dévalorisante pour les jeunes, soit la solution immédiate.
D'une manière générale, avec un RSA, on n'a pas de quoi vivre.
Toutefois, dans cette situation d'urgence pour la jeunesse, il est nécessaire de lui venir en aide. Vous le savez comme moi, les jeunes dont la situation est la plus précaire sont obligés de travailler pour financer leurs études, ce qui crée pour eux des difficultés supplémentaires et les conduit souvent à l'échec dans ces études. Il y a là une inégalité sociale.
Le groupe La France insoumise soutiendra donc cet amendement, même si nous considérons qu'il est nécessaire d'apporter d'autres solutions à la jeunesse.
Mes propos rejoindront ceux de Pascal Brindeau : nous constatons tous qu'il y a un problème pour nos jeunes, mais je ne pense pas que l'extension du RSA aux jeunes de 18 à 25 ans nous permettrait de le résoudre.
Il convient effectivement d'améliorer l'insertion professionnelle des jeunes. En la matière, le projet de loi de finances pour 2021 et le plan de relance offrent déjà des solutions qui, j'en suis certaine, porteront leurs fruits. La mesure proposée en l'espèce coûterait 3 milliards d'euros, qui seraient prélevés sur le budget prévu pour les collectivités territoriales. Ce ne serait pas faire un cadeau aux départements, dont certains rencontrent déjà de grandes difficultés ! Nous soutenons évidemment l'idée qu'il faut accompagner les jeunes, mais cette mesure n'est pas le bon outil.
Le RSA a été conçu non pas pour les jeunes, mais pour des personnes en difficulté. Ayez à l'esprit toutes les mesures adoptées par cette majorité en faveur des jeunes, ne serait-ce que le relèvement de l'aide pour les emplois francs, de 5 000 euros par an sur trois ans à 17 000 euros !
Il y a aujourd'hui des dispositifs pour accompagner les jeunes, et il convient d'insister sur la valeur travail : les jeunes ont besoin de commencer leur vie d'adulte en travaillant, non pas en attendant le versement d'une aide par le département, lequel a d'ailleurs autre chose à faire.
Sans prolonger le débat, je souhaite simplement dire à Mme Émilie Cariou que le plan « 1 jeune, 1 solution », auquel j'ai fait référence, ne se limite pas à l'apprentissage ; son spectre est beaucoup plus large.
Permettez-moi également de vous dire que l'apprentissage est un grand succès et qu'il concerne de nombreuses branches, de nombreuses formations et tous les niveaux d'étude. Et je ne suis pas du tout d'accord avec vous lorsque vous dites que certains jeunes veulent faire des études, et pas forcément de l'apprentissage. L'apprentissage, madame la députée, c'est une forme d'étude !
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, LR et Dem.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 120
Nombre de suffrages exprimés 114
Majorité absolue 58
Pour l'adoption 11
Contre 103
L'amendement no 938 n'est pas adopté.
Il concerne les départements, qui sont objectivement les collectivités les plus en difficulté, en raison, notamment, de l'explosion du nombre de demandeurs du RSA dans certains d'entre eux. Il vise ainsi à créer un fonds d'urgence de 200 millions d'euros afin de compenser une partie de cette charge financière supplémentaire.
J'avais présenté cet amendement en commission et l'avais retiré pour mener un travail commun sur cette question avec Jean-René Cazeneuve, lequel n'a malheureusement pas eu lieu. Je le présente donc à nouveau, après l'avoir un peu amélioré en vue d'éviter les effets d'aubaine. Il convient en effet que ce fonds ne puisse profiter qu'aux départements concernés par une augmentation substantielle du nombre de bénéficiaires du RSA et dans lesquels les dépenses liées à cette allocation de solidarité représentent une part significative du budget.
Cet amendement avait effectivement été présenté puis retiré au profit d'un éventuel travail commun ; c'était la chose à faire. Les 200 millions d'euros que vous souhaitez affecter à ce fonds d'urgence figurent en réalité dans le PLFR 4 pour 2020 et seront reportés sur l'année 2021. D'un point de vue formel, les crédits que vous demandez ont donc été déjà été accordés.
Sur le fond du sujet, le Gouvernement vous donnera certainement des éléments, mais je rappelle tout de même qu'il avait été décidé de compenser la suppression de la taxe d'habitation en octroyant aux départements une part de la TVA, à hauteur de 250 millions d'euros par an. Ce transfert de recettes fiscales était le signe de notre bonne compréhension des enjeux relatifs au RSA. En effet, cette somme de 250 millions d'euros n'était pas liée à un transfert compétences en tant que tel, mais destinée à compléter le financement de cette allocation.
Je vous demande donc le retrait de l'amendement.
Je considère que cet amendement est satisfait, car le PLFR 4 prévoit bien des crédits de 200 millions d'euros pour couvrir ces dépenses supplémentaires des départements. Sur le plan juridique, il nous faut toutefois réactiver le fonds de stabilisation créé en 2019 pour pouvoir affecter les crédits en question. C'est l'objet de l'amendement no 1627 de Jean-René Cazeneuve que nous examinerons tout à l'heure. Quand ce fonds aura ainsi été réactivé, nous pourrons, pour ainsi dire, boucler la boucle.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement au profit de celui de M. Cazeneuve.
J'accepte de le retirer au profit de l'amendement no 1627 , mais je vous signale que le surcoût de dépenses lié au RSA représente – me semble-t-il – 53 millions d'euros pour la seule Seine-Saint-Denis. La somme de 200 millions d'euros ne me paraît donc pas excessive pour venir en aide à des départements qui, que vous le vouliez ou non, verront leurs dépenses de RSA exploser – il suffit pour le constater de consulter les chiffres du chômage au troisième trimestre 2020.
L'amendement no 1531 est retiré.
Ces amendements ne portent pas sur le même sujet, mais ont la même finalité. Le premier concerne la prime « grand âge » qui, aux termes du premier décret d'application, n'a pas été versée aux personnels soignants de la fonction publique territoriale. Un deuxième décret a permis aux collectivités d'allouer cette prime aux personnels des CCAS – centres communaux d'action sociale – et de la fonction publique territoriale, mais sans qu'elles reçoivent de compensation de la part de l'État.
La logique est la même en ce qui concerne les revalorisations salariales issues du Ségur de la santé, objet de mon deuxième amendement. On a autorisé les collectivités à en faire bénéficier les personnels soignants de la fonction publique territoriale, mais sans leur verser de compensation.
Or la prime « grand âge » comme les revalorisations salariales pèseront sur le budget des collectivités. Afin de ne pas empiéter sur leurs fonds propres, ces amendements visent à garantir une compensation de la part de l'État.
Ces deux amendements ont une logique proche de ceux relatifs au RSA. Nous parlons ici d'une prime et de revalorisations salariales qui relèvent, à mon avis, plutôt du PLFSS pour 2021.
Cela étant, j'estime sincèrement qu'il revient aux collectivités de prendre en charge les statuts de leurs fonctionnaires. La prime « grand âge » a été créée en janvier 2020 pour les fonctionnaires hospitaliers. Le Conseil national de la fonction publique avait été consulté sur le projet de décret et il s'était prononcé en faveur de l'octroi de la prime aux personnels soignants territoriaux, à la charge des collectivités. Lorsque l'on verse une prime, il faut l'assumer ; j'estime que les collectivités doivent en prendre leur part.
Sur le second amendement, qui porte sur les revalorisations salariales issues du Ségur de la santé – là, nous ne parlons plus de primes – , j'aurai un avis légèrement différent. De premières revalorisations ont été décidées dans le cadre du PLFSS pour 2021 et des crédits de la mission « Santé » du PLF pour 2021. Les négociations, menées par Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé, sont toujours en cours – il les a lui-même évoquées au banc.
Je rends donc un avis défavorable sur le premier amendement et demande le retrait du second. Et je précise que je considère ces deux sujets très éloignés de la mission « Relations sur les collectivités territoriales » qui nous occupe ce matin.
J'adhère aux arguments de M. le rapporteur spécial et donne également un avis défavorable sur ces amendements.
S'agissant du premier, le Gouvernement ne souhaite pas rendre la prime « grand âge » obligatoire, afin que les collectivités décident de leur éventuelle institution en fonction de leur contexte local. Vous savez ce que c'est : on nous dit toujours qu'on ne donne pas assez de libertés à l'échelon local, mais quand on le fait, les collectivités demandent que l'on fasse autrement…
Exclamations sur les bancs des groupes LR et LT.
Si, c'est comme ça ! Et j'ajouterai que ce premier amendement n'est pas utile, car le Gouvernement a décidé d'assurer le financement de cette prime grâce au budget de l'assurance maladie, pour un montant d'environ 22 millions d'euros. Je considère donc que votre amendement est satisfait et vous demande de le retirer.
Je demande également le retrait de votre deuxième amendement, car la mission « Relations avec les collectivités territoriales », dont vous réduisez certains crédits, n'est pas le bon vecteur pour financer des dépenses supplémentaires dans le domaine de la santé ; c'est plutôt l'objet du PLFSS.
Je ne veux pas croire que vous n'ayez pas conscience que les collectivités territoriales ne pourront pas ne pas verser la prime « grand âge », même si elles en ont la liberté. Sous la pression des partenaires sociaux, par simple reconnaissance du métier exercé par les personnels soignants au sein des CCAS et pour défendre l'attractivité de ces professions, elles n'auront pas le choix : ce sera une nécessité.
Elles seront également obligées, même si le Ségur de la santé ne le rend pas formellement obligatoire, de revaloriser les salaires des personnels soignants des EHPAD, des FAS – foyers d'accueil spécialisés – , des FAM – foyers d'accueil médicalisés – , ainsi que des aides à domicile intervenant auprès des personnes âgées. Je le répète, elles ne pourront faire autrement.
Et lorsque vous dites que cette question relève de l'assurance maladie, donc du PLFSS, c'est complètement faux ! L'assurance maladie va-t-elle rembourser aux collectivités les 158 euros mensuels supplémentaires et, demain, les 300 euros mensuels supplémentaires ? Jamais de la vie ! Ce sera bien une charge nette pour les collectivités.
L'État a souhaité ce dispositif. Il le compense pour la fonction publique hospitalière ; il serait naturel qu'il en aille de même pour la fonction publique territoriale. Dans le cas contraire, vous créerez un effet de distorsion qui sera assez grave pour le budget des collectivités et très grave pour l'attractivité des métiers concernés au niveau territorial.
M. Christophe Naegelen applaudit.
Vous êtes nombreux à demander la parole et je vous l'accorderai. Je vous demande toutefois d'être concis, afin de permettre cette application souple de notre règlement.
La parole est à M. Thibault Bazin.
Vous dites que la revalorisation de ces métiers relève du PLFSS, mais lorsque nous l'avons examiné celui qui nous a été soumis pour l'année 2021, nous avons pointé le problème de la concurrence entre le médical et le médico-social et entre les établissements et les services d'aide à domicile. À cet égard, vous avez, madame la ministre, défendu un amendement pour l'allocation de 200 millions d'euros supplémentaires pour la revalorisation des services d'aide à domicile. Mais nous savons bien que cette somme ne correspond qu'au tiers de la promesse de revalorisation salariale de 15 % qui a été faite à leur endroit. Il reviendra aux conseils départementaux de financer les deux tiers restants. Le lien avec les crédits de cette mission « Relations avec les collectivités territoriales » est donc établi.
S'agissant de l'autonomie, il faut prendre garde à ce qu'il n'y ait pas deux vitesses dans notre pays. En ce qui concerne la solidarité, le grand âge et la dépendance, il convient que chaque conseil départemental dispose des mêmes moyens pour assurer la revalorisation des métiers. Les attentes sont très fortes : c'est une véritable bombe à retardement. Des annonces ont été faites, mais, je le répète, les conseils départementaux n'auront pas les moyens d'assurer ces revalorisations ; il faut les leur donner en ajustant les crédits de la mission que nous examinons.
Ces derniers temps, nous avons tous loué, à juste titre, le travail des soignants, mais ce n'est pas suffisant. Le groupe La France insoumise ne comprend pas pourquoi les personnels du secteur public territorial, qui travaillent notamment dans les EHPAD, ne pourraient pas bénéficier de la revalorisation salariale initiée par le Ségur de la santé. Nous avons été alertés par les services de soins infirmiers à domicile, qui en seraient également exclus. Pouvez-vous nous le confirmer et, si c'est le cas, comment peut-on y remédier ? Il n'est pas acceptable que certains personnels de santé, qui se sont pleinement investis pendant la crise, n'aient pas accès à cette revalorisation.
Dans une période de crise comme celle que nous connaissons, nous avons véritablement intérêt à ce que tous ceux, quel que soit leur employeur, qui sont au chevet des habitants de notre pays, soient au rendez-vous, et que cette unité ne soit pas brisée. Lors du Ségur de la santé, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine avait regretté que certains personnels soignants, comme ceux des SSIAD – services de soins infirmiers à domicile – ou encore des centres d'addictologie, soient exclus des revalorisations salariales envisagées. Et là, vous pilonnez les collectivités locales
Murmures sur les bancs du groupe LaREM
alors que toutes les lois les invitent à s'engager en matière de soins, que ce soit grâce aux conseils territoriaux de santé ou aux contrats locaux de santé. C'est un fait, dans ce domaine, les communes, les intercommunalités et les départements gagnent en compétences.
En enfonçant un coin dans l'égalité de traitement de ceux qui prennent soin des gens, vous accélérez le principe qui consiste à déshabiller Pierre pour habiller Paul. Les hôpitaux sont en train de lancer des recrutements pour combler leur déficit de personnel ; en refusant les primes aux collectivités territoriales, vous ne ferez qu'accentuer le phénomène.
Enfin, je pense qu'en période de crise – le Président de la République a même parlé d'une période de guerre – , l'ensemble des soldats qui prennent soin des gens doivent être traités à égalité. Pour cela, la moindre des choses serait de compenser aux collectivités l'argent versé. Le débat a donc toute sa place dans la discussion budgétaire.
Quand on exerce des fonctions dans un EHPAD, qu'il soit privé, public ou géré par un organisme mutualiste, on fait le même travail, on doit disposer des mêmes compétences et prodiguer la même bienveillance et les mêmes soins aux personnes âgées. Néanmoins, force est de constater que les collectivités territoriales qui ont un EHPAD sous leur responsabilité se trouvent dans une situation extrêmement inconfortable : elles peuvent attribuer la prime « grand âge », mais elles ne doivent pas nécessairement le faire, car le versement de la prime est laissé à leur appréciation. Sur le terrain, chacun fait souvent moins comme il veut que comme il peut : pour certaines collectivités, l'attribution de la prime « grand âge » pèse lourdement dans le budget de l'EHPAD.
L'amendement proposé par notre collègue Naegelen est un amendement de bon sens, attendu par un grand nombre de collectivités comme par le personnel soignant. Nous ne serions vraiment pas compris si nous ne lui donnions pas une suite favorable alors que nous avons été capables de financer des primes pour les soignants à l'hôpital public mais également, si j'ai bien compris, dans les cliniques privées. Nous devons accéder à cette demande pour que les EHPAD gérés par les CCAS, souvent en milieu rural, ne se sentent pas considérés comme des EHPAD de seconde zone.
MM. Christophe Naegelen et Pascal Brindeau applaudissent.
Je tiens à rappeler que le financement des services de soins à domicile et des EHPAD sont tripartites ; ils ne relèvent pas uniquement de la compétence du conseil départemental. J'ajoute qu'il y a deux ans, nous avons augmenté le forfait soins pour aider à créer des postes dans les EHPAD, en particulier des postes d'infirmières de nuit, mais que cela a provoqué un effet d'aubaine puisque la plupart des conseils départementaux en ont profité pour baisser leur forfait dépendance.
Il faut donc s'interroger sur la nécessité de contractualiser avec les départements pour éviter les effets d'aubaine quand l'État agit en leur faveur, et en faveur des soignants.
Nous aussi, nous reconnaissons le rôle des soignants : nous avons consacré une enveloppe à l'augmentation du budget consacré aux auxiliaires de vie à domicile. Quant aux services infirmiers de soins à domicile, les SIAD – on a tendance, dans l'hémicycle, à faire l'amalgame avec les auxiliaires de vie, ce qui n'améliore pas l'intelligibilité des discours – , je rappelle que leur attractivité majeure réside aux yeux des professionnels dans les conditions de travail. Le Ségur de la santé a d'ailleurs voulu provoquer un choc d'attractivité vers l'hôpital public, où les conditions de travail sont extrêmement dégradées. Il ne faut pas tout confondre. En tout cas, il n'y aura pas de départs de masse des SIAD, où les conditions de travail sont tout de même un peu meilleures qu'ailleurs.
La parole est à M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Ce matin la discussion budgétaire porte sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales », et il nous reste 150 amendements à examiner. Or nous voilà partis pour revoir l'intégralité du PLF et du PLFSS ! Je ne crois pas que ce soit l'objet de la mission.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Chers collègues, la prime « grand âge » versée à la fonction publique départementale est prise en charge par l'assurance maladie, donc par l'État, intégralement.
Protestations sur les bancs du groupe LR.
Si ! Autre point, l'ensemble du personnel soignant est évidemment concerné par les décisions du Ségur, qu'il travaille en EHPAD, à l'hôpital ou ailleurs. Par ailleurs, quand on commence à dire que l'État doit se substituer aux collectivités territoriales dans l'exercice de leurs compétences et de leurs responsabilités, on franchit une ligne rouge. Ce n'est pas là le souhait des collectivités, qui sont autonomes ; c'est même le contraire de ce qu'elles demandent.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – MM. Sébastien Jumel et Pascal Brindeau protestent.
Madame la présidente, quand des choses pareilles sont dites, je suppose que l'on peut intervenir une seconde fois ?
Ce n'est pas possible, nous avons déjà eu la réponse à la réponse.
Je mets aux voix l'amendement no 1326 .
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 125
Nombre de suffrages exprimés 125
Majorité absolue 63
Pour l'adoption 29
Contre 96
L'amendement no 1326 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 121
Nombre de suffrages exprimés 121
Majorité absolue 61
Pour l'adoption 29
Contre 92
L'amendement no 1327 n'est pas adopté.
La baisse des impôts de production, mesure en faveur des entreprises qu'il faut saluer, ne fait malheureusement pas l'objet d'une compensation dynamique pour les collectivités territoriales. Les amendements visent à prévoir un budget supplémentaire pour compenser l'éventuel manque à gagner des collectivités.
Ce sont des amendements d'appel, du moins je l'espère, car le mécanisme est déjà conçu pour être évolutif afin d'assurer une compensation à l'euro près. Cela vaut pour la taxe d'habitation comme pour la compensation que nous avons étudiée aux articles 3 et 4 du projet de loi de finances, laquelle sera assurée de manière dynamique par le transfert de fiscalité et les prélèvements sur recettes. Je vous demande donc de les retirer ; il me semble qu'il s'agit plus d'une alerte que d'une réelle demande de financement.
Je me permets d'ajouter qu'en une heure, nous avons examiné dix amendements ! Il en reste encore 150 à la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».
Nous avons demandé un débat sur les collectivités l'année prochaine, que nous espérons obtenir. Si nous n'accélérons pas, nous y passerons le week-end. Je suis prêt à rester, mais j'espère que tout le monde sera là.
M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général de la commission des finances, applaudit.
J'ai le sentiment, moi aussi, qu'il s'agit d'amendements d'appel. Si vous voulez l'engagement au banc que le Gouvernement compensera à l'euro près les pertes de ressources des collectivités territoriales dans le cadre de la réforme des impôts de production, vous l'avez. Je rappelle que les mesures qui impliquent des pertes de recettes pour les collectivités affectataires sont compensées : pour les régions, une partie de la TVA se substitue à la CVAE – cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises – , et pour les autres, un prélèvement sur recettes compense strictement les pertes de recettes qui résulteront de la modification des valeurs locatives des locaux professionnels, que le Gouvernement s'engage à maintenir à ce niveau. L'engagement est tenu et je vous invite à retirer vos amendements. À défaut, avis défavorable.
La parole est à M. Pascal Brindeau, pour soutenir l'amendement no 1328 .
C'est un amendement d'appel, monsieur Jerretie. Permettez-moi d'ajouter, monsieur le rapporteur spécial, que le principe élémentaire du travail parlementaire est tout de même de déposer des amendements. S'il n'est pas possible de les défendre dans le temps imparti, je recommande au Gouvernement de ne pas inscrire un PLFR 4 à l'ordre du jour un soir à 18 heures avec quatre heures ou cinq heures de débat pour 500 amendements.
Vous avez dit tout à l'heure, madame la ministre, que le Gouvernement tiendrait compte de l'évolution de la crise économique et adapterait son soutien aux collectivités en fonction de l'importance des pertes de recettes. J'entends cet engagement, mais je répète que la stratégie qui consiste à soutenir fortement l'investissement local ne réussira que si l'écart entre les dépenses supplémentaires des collectivités territoriales et la compensation de leurs pertes fiscales par l'État est suffisamment faible pour préserver l'épargne de gestion et les capacités d'autofinancement des collectivités. Sinon, les dettes locales exploseront, ce qui n'est une stratégie souhaitable ni pour le Gouvernement ni pour les collectivités.
Je ne serai pas long, car nous avons déjà évoqué le sujet avec les amendements précédents. Pour ne pas perdre de recettes, il faut respecter les mesures prises dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire afin de permettre à l'économie de repartir puisque, quand l'économie repart, les recettes de l'État gonflent. Je rappelle que nous avons voté cette année un projet de loi de finances avec un déficit quasiment égal aux recettes fiscales engrangées. C'est vraiment l'économie qui fait fonctionner le système.
Je ne citerai pas de nouveau les compensations votées, proposées et susceptibles d'être proposées dans les PLFR à venir.
Avis défavorable.
Je vous l'ai dit tout à l'heure, monsieur Brindeau : il y aura un second tour, ce n'est pas la fin de l'histoire.
Des décisions ont été prises en faveur du bloc communal dans le PLFR 3 Vous connaissez ces filets de sécurité.
Je veux vous dire, pour devancer les critiques éventuelles, que la différence entre les annonces de mai et les exécutions de novembre s'explique par le fait que les pertes de recettes ont été réévaluées dans un sens favorable ; c'est une bonne nouvelle pour tout le monde, pour les collectivités territoriales comme pour l'État. Par exemple, nous pensions que les DMTO baisseraient de 25 %, mais la réalité sera plutôt autour de 15 %. Autrement dit, si les collectivités territoriales sont moins compensées, c'est qu'elles résistent mieux que prévu à la crise. Nous sommes conscients qu'il y a une deuxième vague, qu'il y aura encore des difficultés, et qu'il y aura donc un deuxième tour ; nous serons là, comme nous avons été présents dès la première vague. Aujourd'hui, je crois pouvoir dire que, dans les territoires, le sentiment de reconnaissance pour ce que l'État a fait domine plutôt. Je vous donne ma parole que l'État continuera de le faire.
Je remercie Mme la ministre de sa réponse, mais ce qui est vrai pour les DMTO ne l'est pas pour les autres types de recettes.
Le respect des protocoles sanitaires est, en effet, la meilleure garantie d'un redressement rapide de l'économie, monsieur le rapporteur spécial, mais cela a un coût énorme pour les collectivités territoriales. Celles qui gèrent des écoles ou qui ont mis du matériel à disposition des entreprises et des petits commerces ont des dépenses supplémentaires bien supérieures aux prévisions du premier rapport de Jean-René Cazeneuve, et ce n'est pas fini. C'est pour insister sur ce sujet qui mérite que nous en débattions que je soutenais mon amendement. Je le retire.
L'amendement no 1328 est retiré.
Cela fait trois ans que j'alerte la majorité en disant que les efforts importants – que je salue chaque année – consentis dans le domaine de la politique de la ville et de l'aide aux collectivités locales des quartiers dits défavorisés ne sont pas à la hauteur de ce qu'il faudrait faire. Pour motiver ces deux amendements récurrents, je voudrais vous lire deux extraits d'un discours prononcé il y a peu de temps.
« Arrêtons de traiter une partie de notre jeunesse ou de nos citoyens comme des consommables, ou au fond des simples récipiendaires de politiques publiques. Ils veulent faire. Ils veulent l'excellence. Ils veulent qu'on leur laisse la chance de réussir. Et donc dans ce plan France Relance, il doit y avoir et il y aura, j'aurai l'occasion de les présenter dans les prochaines semaines, là aussi, des changements profonds pour permettre à nos quartiers et à nos quartiers les plus en difficulté de mener les projets éducatifs, culturels, entrepreneuriaux qui sont souhaités et de réussir la transition, à la fois numérique et environnementale. Là aussi, ces transitions doivent être conduites. Là aussi, nous devons aider à réussir. »
« Ce réveil républicain, il ne peut pas être le fait de quelques-uns. On n'administre pas des consciences. On gouverne un pays, on engage des citoyens. Et donc ce réveil, c'est celui des responsables politiques que nous sommes, des préfets, des policiers, des gendarmes, des professeurs, des fonctionnaires, des élus, des associations, des magistrats. De toutes celles et ceux qui, au quotidien, ont à faire vivre cette promesse. Ils ne m'ont pas attendu pour faire les constats que j'évoquais, mais nous voulons aujourd'hui leur donner les moyens de faire et un cadre clarifié et aussi des moyens en conséquence pour pouvoir agir. »
Ce discours, c'est celui tenu par le Président de la République, le 2 octobre dernier, aux Mureaux ; je l'ai salué et le partage.
J'essaierai de rationaliser la discussion sur la DPV puisque beaucoup d'amendements la concernent. Je ne prendrai donc pas la parole à chaque fois qu'il en est question.
Je connais votre point de vue, monsieur Pupponi. Même si vous avez sûrement raison sur de nombreux points, beaucoup de vos remarques sont déjà prises en compte, notamment dans le plan de relance. En outre, une ministre déléguée chargée de la ville – Nadia Hai – a été nommée dans ce Gouvernement, ce qui n'est quand même pas anodin ; celle-ci travaille sous la houlette de Mme Gourault.
Je ne citerai pas toutes les annonces faites, concernant par exemple les emplois francs, entre autres mesures pour l'emploi des jeunes. Des amendements ont en outre été adoptés mardi, concernant le SPIE – service public de l'insertion et de l'emploi – , abondant les crédits de la mission « Travail et emploi ». Beaucoup a déjà été fait – je ne rappellerai pas le volume des crédits.
Même si les amendements d'appel que vous soutenez sont intéressants, et ont le mérite de nous tenir en alerte, je vous demande de les retirer, puisqu'il existe déjà de nombreuses dotations d'investissement qui, même si elles ne sont pas spécifiques à la politique de la ville, peuvent servir celle-ci, comme la DSIL.
En effet, en analysant l'utilisation des dotations l'an dernier, Jean-René Cazeneuve et moi-même nous sommes rendus compte qu'une bonne part de la DSIL était attribuée aux départements comme le vôtre, en plus de la DPV.
Je vous demande donc, pour cette année, de retirer ces amendements. Entre le plan de relance, la DSIL, la DPV – dont les crédits sont maintenus à 150 millions – et le ciblage de la DSU et de la DPV au cours de ces dernières années – et vous n'y êtes pas pour rien – , nous disposons déjà de bonnes solutions.
S'agissant de la sécurité, de nombreuses mesures seront annoncées dans les jours et les semaines à venir. M. Gérald Darmanin, le ministre de l'intérieur, et Mme la ministre déléguée chargée de la ville seront partants, je pense, pour en discuter avec vous.
En tout cas, monsieur Pupponi, je n'ai pas oublié votre attachement à la DPV, et votre volonté de la conserver tout en l'amendant régulièrement.
Monsieur Pupponi, très honnêtement, c'est un peu comme si vous déclariez que les crédits du plan de relance ne vont pas à la ruralité, simplement parce qu'ils ne sont pas fléchés explicitement vers celle-ci.
Les crédits consacrés à la DPV ont été multipliés par trois depuis 2012, ceux alloués à la politique de la ville augmentent de 10 %, et le plan de relance prévoit 1 milliard d'euros pour la DSIL.
En outre, bien évidemment, il est possible de bénéficier à la fois de la DPV et de la DSIL, ou de la DETR et de la DSIL. Et si le cumul des dotations se révélait impossible dans certains départements – nous avons constaté le problème avec la DETR – , nous pourrions y remédier grâce à une circulaire.
Honnêtement, les augmentations de crédits des dotations actuellement prévues, dans le plan de relance ou en dehors de celui-ci, sont suffisantes. J'ai d'ailleurs parfois des doutes sur la possibilité de consommer tous les crédits supplémentaires attribués à ces dotations spécifiques. En tout cas, je préfère vraiment que celles-ci bénéficient à tout le monde, et je trouve que les mesures adoptées dans le plan de relance concernant la DSIL sont très bonnes.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Le Président de la République a prononcé un discours fondateur aux Mureaux le 2 octobre.
Ma question est simple. Je l'ai posée récemment à la ministre déléguée chargée de la ville, qui est restée vague. Je la repose donc aux membres du Gouvernement présents au banc : quelles dispositions financières le Gouvernement compte-t-il prendre – soit dans le budget de l'État, soit en faveur des collectivités locales – pour que tous les acteurs puissent agir dans le sens souhaité par le Président de la République ?
C'est donc une question très simple : quelle mesure supplémentaire proposez-vous ? Les événements récents démontrent que la situation est catastrophique et le Président de la République lui-même déclare qu'il faut en faire plus – ce que je salue. Quand et comment ?
Le Gouvernement me répond : « Ne vous inquiétez pas, tout ça c'était avant, c'était autre chose… ». Mais enfin, relisez le discours du Président !
Enfin, monsieur le rapporteur général, monsieur le secrétaire d'État, la DPV n'est pas une dotation d'investissement ; c'est souvent et principalement une dotation de fonctionnement. Je sais de quoi je parle, je l'ai en quelque sorte inventée. Les préfets l'attribuent aussi en fonctionnement, malgré tous vos propos sur l'investissement.
La DPV finance de plus en plus souvent du fonctionnement parce que dans ces quartiers, il faut financer les associations, pour aider les politiques sociales, éducatives, et ainsi de suite. La DPV n'a donc rien à voir avec la DSIL.
La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour soutenir l'amendement no 1532 .
Partant du constat que certaines des petites communes, celles de moins de 1 000 habitants, ne bénéficieront pas du filet de sécurité alors qu'elles aussi ont dû faire face à des achats exceptionnels liés à la crise sanitaire, David Habib, premier signataire de l'amendement, propose de créer un fonds de soutien d'un montant de 50 millions d'euros. Il permettrait de les aider, sous réserve, bien sûr, qu'elles produisent des justificatifs comptables attestant de la réalité des dépenses engagées.
Monsieur Brindeau, cet amendement me donne l'occasion de répondre aux questions que vous m'avez posées tout à l'heure. Je vous rappelle simplement qu'à chaque fois que l'on opère un prélèvement supplémentaire sur les finances de l'État pour aider les collectivités territoriales, on augmente la dette de l'État, alors que les collectivités ont leur propre trésorerie, et que leur endettement est globalement extrêmement faible.
J'en viens, madame Pires Beaune, à votre demande, légitime, concernant les petites collectivités territoriales. Tout d'abord, le filet de sécurité bénéficie à l'intégralité des collectivités ; celles, parmi les petites, qui sont le plus affectées toucheront donc une compensation de la part de l'État.
Ensuite, quand on discute avec les représentants de l'AMRF – l'Association des maires ruraux de France – , on s'aperçoit qu'ils ont du mal à fournir des chiffres précis concernant les petites collectivités. En effet, beaucoup d'entre elles, celles n'ayant pas d'école par exemple, ont été assez peu touchées par le covid-19. Sur l'ensemble des collectivités, c'est même probablement les petites communes qui ont été le moins affectées.
Enfin, je vous rappelle qu'elles ont, comme toutes les collectivités, la possibilité d'étaler sur cinq ans et de financer par emprunt à partir de la deuxième année l'intégralité des dépenses spécifiquement liées au covid-19.
Madame Pires Beaune, au-delà du propos du rapporteur spécial à l'instant, que je partage pleinement, je vous rappelle que la ministre a annoncé une mesure importante avant que nous ne commencions l'examen des amendements : le Gouvernement déposera au Sénat un amendement pour compenser en 2021 les pertes de DMTO que les communes de moins de 5 000 habitants qui ne sont pas des stations de tourisme subiront cette année-là. En effet, le fonds départemental de péréquation ne répartira les DMTO perçues en 2020 que l'an prochain.
Cette mesure complémentaire est extrêmement importante. Comme l'a dit la ministre tout à l'heure, nous nous sommes bien battus pour l'obtenir.
Comme le rapporteur spécial, je vous demande donc de retirer l'amendement ; à défaut, avis défavorable.
Je ne retire pas l'amendement. Si effectivement il n'y a pas de problème, il n'y aura pas de dépenses puisque le fonds ne les prendra en charge que sur production de justificatifs. Nous pouvons donc voter sa création.
Concernant l'étalement des charges, ceux qui connaissent la comptabilité publique savent que les petites communes n'y ont pas recours.
L'amendement no 1532 n'est pas adopté.
J'appelle l'attention de l'État sur les difficultés que rencontrent d'ores et déjà certaines communes et intercommunalités dont les recettes proviennent principalement de l'activité touristique.
Leurs pertes étant parfois extrêmement importantes, nous considérons que les 2 millions d'euros prévus à l'action 5 « Dotation générale de décentralisation des régions » du programme 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements » ne sont pas suffisants pour les accompagner. L'amendement no 669 vise donc à abonder cette ligne de 8 millions d'euros supplémentaires.
L'amendement no 680 , qui est de repli, vise à porter les crédits supplémentaires à 6 millions, et l'amendement no 681 à 3 millions.
Comme nous l'avons déjà fait en commission des finances, nous demandons le retrait de ces amendements.
Je signale, pour avoir étudié la question, que l'aide exceptionnelle versée cette année n'a pas dépassé le montant alloué initialement. En outre, alors que 2020 est une année difficile, la DGCL – direction générale des collectivités locales – indique qu'elle ne reçoit pas plus de demandes qu'avant.
Nous prenons en tout cas bonne note de votre alerte. Mme la ministre et M. le secrétaire d'État l'ont dit, un PLFR complémentaire nous sera sans doute bientôt soumis, notamment si l'on constate que certaines collectivités subissent trop de dégâts. Vous m'excuserez pour cette réponse brève ; c'est qu'il nous faut avancer.
Parce que j'ai été élue locale et que je suis aujourd'hui au poste que j'occupe, je peux vous dire que les réseaux de la DGFIP et de la DGCL sont extrêmement performants, et qu'ils permettent de suivre de très près la situation des communes, en particulier de celles qui sont en difficulté.
Je peux vous assurer qu'il n'y a pas eu d'augmentation des demandes. Je vous prie donc de retirer les amendements, tout en vous assurant que nous continuons à suivre attentivement la situation des communes et intercommunalités, pour agir en 2021, y compris en passant par les subventions exceptionnelles aux communes connaissant de graves difficultés financières, si nécessaire.
Nous sommes prêts à prendre le relais de certaines communes qui rencontreraient des difficultés transitoires – et pas seulement de celles dont la situation est la plus grave – en procédant, comme nous l'avons fait en mai, après la première crise liée au covid-19, à des avances de douzièmes de fiscalité. Nous pourrions le refaire dès janvier, le cas échéant.
Madame la ministre, puisque ces amendements étaient surtout d'appel, je les retire. Mais je peux vous assurer qu'en 2021, de nouvelles demandes vous parviendront, de la part d'EPCI notamment, car certains rencontreront de réelles difficultés.
Toutefois, je ne doute pas que vous pourrez leur apporter des réponses grâce à un PLFR, et je vous en remercie.
Il est impossible de s'exprimer sur des amendements retirés, monsieur Jumel.
Je n'ai pas de boule de cristal, monsieur Jumel.
La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour soutenir l'amendement no 1533 .
Il vise à accorder des crédits supplémentaires à l'action 01 « Aide exceptionnelle aux collectivités territoriales », du programme 122 « Concours spécifiques et administration », notamment pour tenir compte des événements climatiques et de la catastrophe survenue dans la vallée de la Vésubie.
C'est l'occasion, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, de vous demander de faire un point sur la consommation des crédits de cette action.
Je laisse les membres du Gouvernement au banc faire le bilan que vous demandez.
Nous avons déjà eu, lors de l'examen de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », un très long débat sur ce sujet, notamment pour ce qui concerne les Alpes-Maritimes, avec Éric Woerth et Éric Ciotti.
Je suis enclin à vous demander le retrait, ou, à défaut, à formuler un avis défavorable. Les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » – qu'il vaut mieux viser en la matière – , ont déjà été abondés de 50 millions d'euros pour faire face à ces difficultés, et de 160 millions d'euros pour la lutte contre les calamités et la prévention des risques.
En complément de la réponse apportée à l'instant par le rapporteur spécial, je précise que, dès le lendemain de la catastrophe survenue dans la vallée de la Vésubie, Jacqueline Gourault et moi-même avons signé une lettre, ensuite signée par Barbara Pompili, confiant au Conseil général de l'environnement et du développement durable et à l'IGA – l'Inspection générale de l'administration – une mission conjointe d'évaluation des dégâts.
Cette mission n'a pas encore rendu ses conclusions, notamment concernant le volume financier nécessaire. Abonder aujourd'hui le fonds de 50 millions d'euros me semblerait donc prématuré. Pour bien connaître le secteur, je crains d'ailleurs que cette somme ne soit très insuffisante.
Vous pouvez en tout cas être sûre que pour ce territoire, le Gouvernement mettra en l'oeuvre la même dynamique, et fera preuve de la même volonté de solidarité qu'en 2018, quand nous avons fait face à la catastrophe survenue dans l'Aude, en utilisant l'ensemble des fonds disponibles – ceux-ci devraient, je le répète, dépasser largement l'enveloppe que vous préconisez.
Eu égard à cet engagement fort du Gouvernement, je vous demande de retirer l'amendement.
Je le retire. Toutefois, je n'ai pas reçu de réponse sur la consommation des crédits. Je vous remercie de me la faire parvenir prochainement, sachant que vous avez évoqué d'autres événements climatiques ; il semblerait que la Martinique en subisse de graves en ce moment même.
L'amendement no 1533 est retiré.
La parole est à M. Stéphane Testé, pour soutenir l'amendement no 1390 .
Cet amendement vise à augmenter de 10 millions d'euros le financement de l'activité de domiciliation des personnes sans domicile par les centres communaux ou intercommunaux d'action sociale – CCAS et CIAS.
En effet, les personnes sans domicile ont souvent besoin de recourir à un service de domiciliation postale, notamment pour pouvoir recevoir leur courrier et effectuer les nombreuses démarches indispensables à leur réinsertion. C'est un outil nécessaire à leur accès au droit. Si elles peuvent justifier d'un lien avec une commune, elles ont de plein droit accès à une domiciliation gratuite auprès du CCAS de celle-ci ou d'un organisme agréé.
Ces ressources supplémentaires pourraient servir à des dépenses d'investissement nécessaires pour augmenter les capacités des services de domiciliation – réhabilitation de locaux adaptés ou achat de matériel dédié ; elles pourraient aussi financer le recrutement de personnels dédiés.
Madame Pires Beaune, je vous communiquerai les chiffres que vous venez de demander, car nous les avons.
En ce qui concerne cet amendement, nous ne sommes pas favorables à l'augmentation des crédits de cette action.
Une décentralisation historique a confié aux départements et aux communes la gestion des politiques sociales et médico-sociales, ce qui inclut la domiciliation des personnes sans domicile. Aux collectivités donc, de faire les arbitrages nécessaires pour en assurer le financement, et les CCAS et CIAS ont d'ailleurs globalement augmenté depuis quelques années les moyens consacrés à cette domiciliation.
Si les besoins devaient fortement augmenter, nous en serions informés, puisque nous avons demandé aux collectivités de nous transmettre toutes les hausses de dépenses liées au covid. Le cas échéant, je vous tiendrai informé.
À titre personnel, c'est une demande de retrait ou un avis défavorable sur cet amendement, qui n'a pas été examiné par la commission.
Vous financez votre proposition en prélevant des crédits sur le programme 122 dont l'action 01 finance notamment le soutien de l'État aux collectivités touchées par des catastrophes naturelles et l'aide exceptionnelle aux communes en graves difficultés financières, crédits que les deux précédents amendements souhaitaient abonder. Réduire ces crédits, qui sont le plus souvent intégralement consommés, pose évidemment problème, sans oublier les dotations légalement dues aux collectivités d'outre-mer, que le Gouvernement est tenu de verser et sur lesquelles nous n'avons pas beaucoup de marge de manoeuvre. Avis défavorable.
L'amendement no 1390 est retiré.
Les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », modifiés, sont adoptés.
La parole est à Mme Patricia Lemoine, pour soutenir l'amendement no 1420 .
Cet amendement de notre collègue Valérie Petit vise à étendre le bénéfice du FCTVA aux dépenses d'entretien des espaces verts qui appartiennent à l'espace public, au même titre que les bâtiments publics et la voirie. Cela semble judicieux sachant que la végétalisation des espaces publics contribue à lutter contre le réchauffement de la planète.
Le FCTVA est une dotation de soutien à l'investissement. Il atteindra, l'année prochaine, le niveau record d'environ 6,5 milliards d'euros, contre 6 milliards cette année, ce qui était déjà très élevé.
LE FCTVA n'a donc pas vocation à financer des dépenses de fonctionnement à quelques exceptions près, comme l'entretien de la voirie et des réseaux, dépenses auxquelles nous avons ajouté cet été les dépenses « cloud ». Il n'est pas souhaitable d'étendre ces exceptions sans quoi nous finirions par couvrir l'intégralité des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales.
J'en profite pour rappeler néanmoins que le FCTVA va enfin être automatisé, ce que beaucoup attendaient et ce que plusieurs d'entre vous ont réclamé. Cela simplifiera et fluidifiera sa gestion.
Le FCTVA est destiné à soutenir les dépenses d'investissement des collectivités. Je comprends que l'on soit tenté d'y réfléchir au moment de choisir entre la location longue durée ou l'acquisition nette de matériel, mais il n'a pas vocation à couvrir 100 % des dépenses des collectivités locales. Son principe est clair : c'est un remboursement forfaitaire de la TVA acquittée sur l'investissement.
En tout état de cause, ce que vous nous proposez correspond à des dépenses de fonctionnement. Par ailleurs, votre proposition n'est absolument pas chiffrée et nous ne connaissons rien de ses conséquences sur les finances de l'État. Je vous demande de bien vouloir le retirer. À défaut, mon avis sera défavorable.
Je le maintiens parce que je n'en suis pas la première signataire, mais j'entends bien les arguments présentés par M. le secrétaire d'État.
L'objet de l'article 57 est l'automatisation du FCTVA, reportée d'année en année depuis trois ans. Je voudrais cependant appeler votre attention sur l'alinéa 10, qui prévoit un certain nombre de dérogations à cette automaticité. Le problème est qu'il y en a beaucoup d'autres qui n'y figurent pas, notamment les travaux faits par des collectivités sur le bien d'autrui ou dans le cadre de délégations et de concessions.
Le lac du Der, par exemple, est propriété d'un établissement public territorial de bassin – EPTB – qui réunit les départements d'Île-de-France et a délégué à un syndicat le développement touristique. Selon les instructions ministérielles, les travaux entrepris sur ce bien – par exemple, la construction d'un port – étaient éligibles au FCTVA. Or, d'après nos deux rapporteurs spéciaux, ils ne sont pas visés par l'alinéa 10. Pourriez-vous nous confirmer que les critères d'éligibilité définis dans les circulaires du ministère de l'intérieur continueront de s'appliquer ?
La parole est à M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Il faut aussi regarder en miroir ce que nous avons adopté à l'article 23, où sont récapitulés tous les prélèvements sur recettes – PSR : le FCTVA est augmenté de 546 millions d'euros et passe de 6 à 6,546 milliards d'euros en 2021, ce qui est substantiel. La question du périmètre couvert par le FCTVA et de ce qui relève des dépenses de fonctionnement ou des dépenses d'investissement peut certes se poser, mais rappelons surtout qu'il dispose de moyens sans précédent.
L'amendement no 1420 n'est pas adopté.
L'article 57 est adopté.
Cet amendement demande, pour le début de l'année prochaine, la réalisation d'un rapport permettant aux départements d'estimer la baisse du produit de la cotisation sur la CVAE liée à la crise du covid. Ce rapport leur permettra d'anticiper la réactivation du mécanisme de garantie qui est couvert par la péréquation horizontale et de définir l'enveloppe nécessaire en vue d'intégrer une disposition ad hoc dans le projet de loi de finances rectificative pour 2021.
La deuxième vague, qui crée du vague à l'âme, pour reprendre les propos du président de la commission des finances, va aggraver l'impact de la crise sur les finances des collectivités locales, notamment celles des départements. Or le mécanisme de garantie ne pourra fonctionner à enveloppe constante, et il est donc urgent que, dès les premiers mois de l'année, on puisse anticiper les pertes de CVAE de manière à pouvoir les compenser très rapidement en particulier lorsqu'elles sont très importantes.
Le problème est que l'on raisonne toujours sur des moyennes, qui masquent la diversité des cas. D'où cet amendement d'appel pour interroger le Gouvernement sur la perte de recettes que subiront les départements en 2021. L'année 2020 ne pose pas de problème puisque les calculs se font avec un an de décalage à partir de l'année 2019. Il en sera autrement de 2021. Le rapport demandé permettra d'en savoir plus.
L'amendement no 1180 de M. Jean-Louis Thiériot est défendu.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques ?
Les ressources dont vont disposer les départements l'an prochain sont une vraie question. Le PLFR 4 y apporte déjà des réponses, tout comme l'engagement pris par la ministre de rester vigilante sur ce point.
Cela étant, je ne comprends pas bien votre demande de rapport sur la baisse de la CVAE et ses conséquences sur la péréquation. En effet, on connaît d'ores et déjà le montant des recettes de la CVAE pour l'année prochaine, puisque le second versement a lieu en ce moment. Nous n'avons pas besoin d'un rapport sur ce point.
Ensuite, les variations de CVAE n'affectent que très marginalement le mécanisme de péréquation dont les 50 millions d'euros sont essentiellement destinés à compenser les différences de croissance entre les départements. Seule une infime partie du fonds a vocation à compenser les écarts de CVAE, au-delà d'une baisse de 5 % des recettes.
D'ordinaire, c'est une situation tout à fait exceptionnelle, mais il se trouve que cela va concerner cette année une grande majorité des départements. Il est donc clair qu'on ne pourra pas, dans ces conditions, avoir recours à ce mécanisme, et c'est la raison pour laquelle nous avons déjà voté dans le PLF sa neutralisation – la somme « neutralisée » fera malgré tout l'objet d'une péréquation entre les départements.
Il est envisagé de réintroduire ce mécanisme dans le PLF pour 2022, mais il est clair qu'à ce stade, la demande de rapport n'a plus d'objet. Je vous demande en conséquence de retirer vos amendements.
J'ai bien entendu votre argument, mais je vais reprendre les propos du rapporteur spécial. Ces amendements identiques sont, à mon avis, largement satisfaits, puisque les conséquences de la diminution de la TVA des départements sont connues. Il a ainsi été estimé qu'une baisse de 11,4 % de la CVAE entre 2020 et 2021 impliquerait une garantie théorique de 294 millions d'euros, hors de toute proportion avec un fonds de péréquation dont le volume est d'environ 60 millions d'euros.
Le Gouvernement en a tiré toutes les conséquences en suspendant la garantie de baisse limitée l'année prochaine et en apportant une réponse plus ciblée à la situation des départements. Il a évidemment préféré retenir des mesures ciblées pour ceux-ci, qui prennent en compte leurs ressources et leurs charges, en abondant le fonds national de péréquation des DMTO, avec une réactivation du fonds de stabilisation et des avances de DMTO. Il a donc d'ores et déjà prévu les dispositifs nécessaires pour assurer la soutenabilité de la situation financière des départements en 2021.
Un rapport sur le fonds national de péréquation de la CVAE en 2021 ne me semble aucunement nécessaire, d'autant que le très complet rapport de présentation du PLF, rédigé par le rapporteur général du budget, donne toutes les informations.
Cela faisait longtemps que vous ne m'aviez pas donné la parole, madame la présidente.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Tout cela est relatif, madame la présidente.
Le confinement et la crise ne sont pas les mêmes pour tout le monde. J'ai bien compris que vous considérez que les personnes au RSA le choisissent, sont feignantes et se réfugient dans les trappes à inactivité. Dans mon beau département de la Seine-Maritime, le nombre de bénéficiaires du RSA va augmenter de 10 %, avec une nouvelle population composée d'étudiants âgés de plus de vingt-cinq ans qui entrent sur le marché du travail et qui ne trouvent pas d'emploi et de commerçants percutés de plein fouet par vos mesures inadaptées. En un mot, la pauvreté s'accentue.
Il est donc nécessaire, pour compenser les effets de cette situation, de majorer la progression de la DSU et de la DSR, afin de renforcer la péréquation verticale et de limiter les impacts inégalitaires de la crise, qui n'est pas ressentie, je l'imagine en tout cas, de la même manière à Neuilly-sur-Seine que chez moi, à Neufchâtel-en-Bray, au Tréport et à Forges-les-Eaux. Le soleil ne brille pas de la même façon pour tout le monde : certains se sont enrichis à la faveur de la crise quand d'autres se sont considérablement appauvris, et les communes n'échappent évidemment pas à cette règle.
Comme je n'ai pas eu la parole tout à l'heure, j'ajoute que, dans des départements aussi beaux que le mien, la Seine-Maritime, en Normandie, l'impact est double : la perte des recettes – celles des casinos, cela vous a fait rire, mais elles sont sonnantes et trébuchantes pour les communes, celles des campings municipaux, sonnantes et trébuchantes, celles de la taxe de séjour, sonnantes et trébuchantes – se conjugue avec l'explosion des demandes sociales, puisque le nombre de salariés précaires et victimes de la crise ne cesse de croître, en même temps que l'urgence sociale.
Vous posez la question, qui nous concerne tous, du rythme auquel il convient d'augmenter la DSU et la DSR. Depuis 2017, notre majorité a choisi de continuer à augmenter ces dotations pour accroître la péréquation et la solidarité des territoires les plus riches envers les plus pauvres.
Faut-il aller encore plus vite et n'avons-nous pas touché une limite ? Je le crois, car plus de 42 % de la dotation des communes provient de la péréquation : ce niveau est très élevé. À Sarcelles, ville que certains de nos collègues connaissent bien, la DGF est de 730 euros par habitant, alors que la moyenne nationale s'établit à 160 euros par habitant. L'effort de solidarité est extrêmement important.
Contrairement à ce que vous sous-entendez, il n'y a pas de correspondance entre l'impact du covid-19 sur telle ou telle collectivité territoriale et les critères de répartition de la DSU et de la DSR. Ce n'est pas en augmentant la DSU et la DSR que nous résoudrons les problèmes de certaines collectivités territoriales ; nous courrions même le risque de nous tromper et de ne pas affecter l'argent public au bon endroit. L'avis est donc défavorable.
Monsieur Jumel, je souscris à 100 %, à 200 % même, à ce que vient de dire le rapporteur spécial.
Rires de M. Sébastien Jumel.
J'ai également le droit de faire de l'humour.
Nous en avons l'un comme l'autre, il me semble.
La péréquation a été considérablement renforcée depuis 2014 : entre la DSU, la DSR, la DNP – dotation nationale de péréquation – et la DACOM, elle s'élève, en stock, à 4,9 milliards d'euros pour les communes sur un montant de DGF de 11,9 milliards d'euros ; en flux, la DSU et la DSR vont progresser de 90 millions d'euros en 2020. La péréquation est financée par le redéploiement interne de la DGF via le système d'écrêtement de la dotation forfaitaire des communes et la dotation de compensation des EPCI. L'effort demandé aux quelque 20 000 communes et 1 200 EPCI qui financent la hausse de ces dotations est important.
Je ne pense pas que vous allez retirer votre amendement, donc j'y donne un avis défavorable.
Je vous confirme son maintien, parce que le rapporteur spécial nous alerte sur le principe de libre administration des collectivités locales, auquel je suis très sensible, et de leur autonomie financière. Il aurait été opportun d'y penser lorsque vous avez supprimé les impôts de production, ce qui a considérablement affaibli l'autonomie financière des collectivités.
Par ailleurs, certains éléments de péréquation ont été considérablement affaiblis. En Seine-Maritime, il existait un fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle, qui transférait des dotations des communes riches vers les communes pauvres ayant à faire face à des dépenses sociales exorbitantes : la réforme de la taxe professionnelle et les réformes successives sur les impôts assis sur les cotisations économiques ont fait fondre ce fonds comme neige au soleil. De même, le fonds intercommunal de péréquation – FIP – dépend aussi des marges de manoeuvre dont disposent les intercommunalités pour assurer la péréquation à l'échelle d'un territoire homogène comme l'est celui d'une intercommunalité. Ces fonds fondent également comme neige au soleil avec l'ébranlement des finances des EPCI par la crise et les réformes fiscales du Gouvernement.
Je confirme que le soleil ne brille de la même façon pour tout le monde, que la crise ne percute pas tous les territoires de la même manière et qu'il importe que l'État prenne soin partout et protège partout. C'est cela, l'unicité de la République !
Je ne veux pas parler du soleil, car il fait apparemment plus beau en Seine-Maritime qu'en Corrèze, ce qui est à vérifier.
Je viens de relire l'amendement : la DSU est un outil structurel et durable, qui évolue chaque année, alors que vous évoquez un contexte conjoncturel de crise. Il n'est pas possible d'insérer une dimension conjoncturelle dans cet outil majeur et structurel.
À l'échelle de la péréquation horizontale, j'ai dit dans mon discours liminaire que nous devions travailler sur les divers fonds de péréquation comme le FPIC, car ce sont ceux-là qui fonctionnent. Votre réflexion doit porter sur la péréquation communale, intercommunale et départementale, parce que c'est elle qui répondra au problème que vous soulevez.
La parole est à Mme Caroline Abadie, pour soutenir l'amendement no 1485 .
Il a été cosigné par une trentaine de collègues, qui s'intéressent comme moi aux conditions carcérales, qui s'inquiètent de la surpopulation dans les prisons et qui souhaitent que les conditions de détention soient dignes dans notre pays.
L'amendement vise à accélérer le déploiement du plan pénitentiaire, en activant un levier incitatif pour les collectivités territoriales. De nombreux élus locaux regrettent que l'on ne mette pas suffisamment de personnes en prison, quand d'autres déplorent les conditions indignes de détention. L'amendement rappelle aux collectivités territoriales leurs responsabilités et propose d'activer le levier de la DGF.
J'avais déposé un autre amendement allant dans le même sens, mais il a été malheureusement frappé d'irrecevabilité. Il visait à actionner la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite SRU, qui me semble plus visible. Je regrette infiniment que la séance ait rejeté cet amendement.
Je comprends votre motivation. La population carcérale entre dans le calcul de la DGF, les communes bénéficiant d'une augmentation de la dotation lorsqu'elles accueillent un centre pénitentiaire. Il ne faut pas détourner la DGF de son but. Cette dotation sert à payer des frais de fonctionnement d'une collectivité, non de soutenir des politiques publiques. En adoptant votre amendement, nous mettrions le doigt dans un engrenage qui nous dépasserait.
L'objet de votre amendement est du ressort du ministère de la justice, car nous ne pouvons accepter de créer des incitations pour que les collectivités territoriales installent des centres pénitenciers. Pour les collectivités territoriales, un centre carcéral est une aubaine, …
… car il crée des emplois, stimule la consommation et génère de la taxe foncière. Il s'agit d'une vraie ressource. Il n'est pas opportun d'en rajouter : je vous propose donc de retirer votre amendement, à défaut l'avis sera défavorable.
Je ferai la même réponse que le rapporteur spécial. La population carcérale entre dans le recensement de la population pour le calcul de la DGF, comme les internes des lycées et des centres d'apprentissage. Nous n'allons pas modifier les règles de la DGF.
Avec l'implantation d'une prison, s'installent des personnels pénitentiaires, ce qui me semble suffisamment attractif, même si je comprends votre préoccupation. L'année dernière, un amendement, qui ne venait pas d'un membre de la commission des lois et que j'avais trouvé curieux, voulait augmenter le versement mobilité en fonction du nombre de prisonniers, …
… alors qu'il me semblait que les personnes incarcérées n'étaient, par définition, pas très mobiles.
Je comprends parfaitement l'esprit de votre amendement, mais nous n'allons pas transformer la DGF pour en faire un instrument d'incitation pour des politiques d'accueil. Si nous le faisions, on nous demanderait d'utiliser la dotation pour accroître, par exemple, le nombre de bâtiments touristiques dans une commune. Ce n'est pas une motivation en soi, donc je vous demande également de retirer l'amendement.
L'amendement no 1485 est retiré.
Il est dommage que Mme Abadie ait retiré son amendement, mais je n'aurai pas l'outrecuidance de vous dire ce que le groupe Les Républicains pense du fait que l'objectif de construction de places de prison n'est pas atteint.
L'amendement no 1262 vise à recalculer la majoration prise en compte pour la répartition de la DGF des communes touristiques. L'activité touristique augmente quelque peu artificiellement le potentiel fiscal de celles-ci, alors que leurs charges sont importantes, notamment, quand tout va bien, dans les périodes de haute saison lorsque la fréquentation est élevée. L'amendement porte sur le mécanisme de bonification de la DGF des communes touristiques.
Nous avons ce débat chaque année : d'habitude, c'est Mme Bonnivard qui défend ce type d'amendements.
Je vois avec plaisir qu'elle lève la main.
On a déjà fait un effort en 2009 en augmentant de 0,5 % la population DGF des communes touristiques, selon certaines conditions.
C'était un bon amendement !
C'était un très bon amendement de M. Joël Giraud. Vous dites que les communes touristiques ont plus de charges : certes, mais les rapports disent aussi, les uns après les autres, que le tourisme est une chance pour les territoires. C'est la raison pour laquelle ces derniers développent des activités touristiques. Les touristes sont surtout une ressource et le bilan est toujours très positif. Dans le cadre d'un jeu à somme nulle – puisque la DGF est normée – je ne crois pas qu'il faille en plus faire sauter le critère financier. Je ne veux pas opposer les territoires les uns aux autres, mais en schématisant, les communes touristiques riches percevraient plus de DGF, au détriment de communes plus pauvres. Je ne pense pas que cela aille dans la bonne direction. Avis défavorable.
Avis défavorable également. La DGF tient largement compte des charges des communes touristiques. Le niveau de DGF de celles-ci est supérieur de 11 % à la moyenne nationale. Par ailleurs, des mesures concernant les petites communes rurales touristiques ont été adoptées dans les PLF récents ; 1 201 communes en ont bénéficié cette année, pour un montant de 8 millions. Il ne faut pas accentuer les différences.
J'entends vos propos, mais ceux du rapporteur spécial illustrent un préjugé encore présent dans toutes les têtes : les communes touristiques seraient riches.
Non ! Ce préjugé nous amène à travestir la réalité et à considérer que certains territoires devraient systématiquement être contributeurs à l'effort national, et jamais bénéficiaires, alors qu'ils concourent à la richesse nationale, aux recettes de l'État et à la solidarité nationale.
Ces territoires aimeraient parfois avoir quelque chose en retour. Certes, il y a quelque temps, un très bon amendement du député Joël Giraud a permis de bonifier la DGF pour les petites et les moyennes communes, mais, aujourd'hui, je m'attends – je ne l'espère évidemment pas – à une saison hivernale catastrophique. Déjà, les acteurs du BTP et plus largement, les acteurs économiques des territoires touristiques nous alertent : ils vont au-devant de difficultés au cours des prochaines années, car les investissements ne pourront pas être effectués à cause de la crise. Le secteur touristique n'est pas le seul concerné ; plusieurs secteurs qui lui sont liés – notamment celui du BTP – le sont également.
Au-delà d'une non-bonification de la DGF rebonifiée, les communes touristiques continuent à contribuer largement et massivement au FPIC. En cinq ans, cette contribution est passée de 100 millions à 1 milliard d'euros ; certaines communes touristiques ne peuvent plus investir. Si on veut tirer vers le bas tous les territoires, soit, mais à un moment il faut donner les moyens aux « locomotives » de continuer ; si on continue à les étrangler, ils ne seront plus source d'emplois, d'activité et d'attractivité pour le pays.
J'ai toujours considéré que la mono-activité, y compris touristique, était fragilisante. Ce qui fait la richesse d'un territoire, c'est la diversité de son activité – industrielle, touristique, etc. Je suis élu d'un territoire doté d'une très belle station balnéaire, Dieppe : je vous invite à venir la découvrir quand vous aurez le droit de ressortir. On nous a longtemps dit, à l'instar de l'économiste Laurent Davezies, que le tourisme, c'était des emplois non délocalisables, stables et pérennes. Sauf que le tourisme a été frappé de plein fouet par la crise, dont je crains qu'elle ne soit durable et suivie d'autres. Dans mon territoire, l'activité transmanche est laminée, la plaisance est laminée ; la pêche est laminée, en raison à la fois du Brexit et de la fermeture des restaurants ; la taxe de séjour est laminée ; l'activité des casinos est laminée ; celle des campings, municipaux ou non, est laminée ; celle des hôtels, notamment ceux qui font la beauté du front de mer de Dieppe, est laminée. Il y a donc matière à réfléchir.
Je sais que la DGF prend en compte le label de station touristique : avec ce label, les stations balnéaires et touristiques bénéficient d'une DGF dopée, lorsque l'intercommunalité a fait le nécessaire – les résidences secondaires jouent également un certain rôle. Mais en période de crise comme celle que nous traversons, les dépenses restent les mêmes, les dépenses sociales explosent même lorsque le territoire est aussi industriel, alors que les recettes fondent comme neige au soleil, même quand il fait beau. C'est pourquoi je voterai en faveur de cet amendement : il faut prendre en compte la spécificité de l'économie réelle du tourisme.
Cet amendement est une mauvaise solution à un vrai problème. Je ne voterai pas en sa faveur, car il n'appartient pas à la DGF de jouer le rôle que vous entendez lui donner. Si le filet de sécurité avait intégré la perte des recettes tarifaires, comme nous étions nombreux à le demander, cela aurait permis de prendre en compte le problème des communes touristiques et des autres communes pouvant être dans la même situation.
Le filet de sécurité tient compte des taxes sur les remontées mécaniques et des taxes de jeux, ainsi que de l'occupation du domaine public ; ce sont autant de mesures relatives au tourisme. Une fois encore, comme l'a dit le rapporteur spécial Christophe Jerretie, ne répondons pas à un problème conjoncturel par une mesure structurelle.
Madame Bonnivard, je n'ai pas dit que toutes les communes touristiques étaient riches, mais qu'en moyenne, elles sont plus riches.
Elles sont plus riches parce qu'elles ont une DGF supérieure, parce qu'elles ont des ressources fiscales supérieures en moyenne et parce qu'elles sont contributrices au FPIC – vous l'avez dit vous-même – , ce qui signifie qu'elles sont plus riches que la moyenne.
L'amendement no 1262 n'est pas adopté.
À la demande du groupe Libertés et territoires, la séance est suspendue.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à douze heures quarante.
La séance est reprise.
La parole est à M. Hervé Saulignac, pour soutenir l'amendement no 1536 .
C'est un amendement très simple, mais qui peut se révéler très utile. Il vise à lisser la sortie du fonds de péréquation de la CVAE pour les départements concernés. Il apporte ainsi une solution aux quatre à cinq départements se trouvant à la limite de l'éligibilité du fonds ; les revenus par habitant y sont très faibles et ils font face à de grandes difficultés financières et budgétaires lorsque la sortie est impossible à anticiper. En effet, les notifications sont très tardives, quand elles n'interviennent pas après le vote du budget des départements.
Ce dispositif est identique à celui qui existe déjà pour le fonds de péréquation des DMTO. L'amendement est neutre pour les finances de l'État, puisque le lissage serait financé par un prélèvement sur les ressources du fonds et n'en mobiliserait que 3 % à 5 %, avec un impact très faible sur le montant global. J'ai fait une simulation sur les années 2015 à 2018. Cinq départements auraient été concernés : le Territoire de Belfort, les Côtes-d'Armor, la Charente-Maritime, l'Ardèche et les Hautes-Alpes. Ils ont tous des revenus par habitant inférieurs au revenu médian et auraient certainement apprécié de ne pas sortir trop abruptement du fonds.
Nous avons déjà parlé de ce fonds de péréquation. Il s'agit d'une petite somme : 50 millions. Compte tenu de la péréquation entre départements concernant les DMTO, de l'ordre de 1,6 milliard, il faut plutôt consacrer nos efforts à ce type d'outil. L'amendement créerait beaucoup de complexité et de développements alors qu'il ne concernerait qu'un seul département. Avis défavorable.
Le rapporteur spécial a raison : en 2020, seul le département de l'Ardèche a perdu un reversement de 700 000 euros, tout en gagnant dans le même temps 700 000 euros de CVAE. Le volume des CVAE – 60 millions au total – est assez limité ; il convient donc d'en assurer le ciblage vers les départements les plus fragiles. Si une partie des sommes mises en répartition est déviée vers des départements qui ne sont plus éligibles, tout cela n'a plus de sens. Je comprends bien la situation de l'Ardèche, dont vous avez présidé le conseil départemental durant quelques années, mais je ne peux donner une suite favorable à un amendement monodépartemental. De plus, l'Ardèche a objectivement gagné de la CVAE de manière considérable cette année.
L'amendement n'est pas monodépartemental : chaque année, plusieurs départements, qui se situent à la charnière de l'éligibilité, sont concernés. Cela les place en difficulté pour construire leur budget. Je suis surpris qu'on refuse un amendement au motif qu'il concerne peu de départements et de petites sommes, alors que quand un amendement vise beaucoup de départements et engage des sommes importantes, la dépense n'est pas acceptable. Selon moi, vous auriez pu accepter cet effort, qui ne vous engageait pas outre mesure.
L'amendement no 1536 n'est pas adopté.
Avec un peu de discipline, nous devrions être en mesure de finir l'examen de l'article 58 avant de lever la séance de la matinée.
Je suis saisie de neuf amendements, nos 246 , 434 , 1022 , 1465 , 1544 , 1579 , 1535 , 492 et 493 , pouvant être soumis à une discussion commune.
L'amendement no 1579 fait l'objet d'un sous-amendement, no 3579 .
Les amendements nos 246 , 434 , 1022 , 1465 et 1544 sont identiques, ainsi que les amendements nos 492 et 493 .
L'amendement no 246 de Mme Émilie Bonnivard, est défendu.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l'amendement no 434 .
Il vise à tirer les conséquences de l'adoption de l'article 3 de la première partie du projet de loi de finances. En effet, la suppression de la part régionale de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises – CVAE – payée par les entreprises sera compensée par le versement d'une fraction de TVA. Conformément au résultat des négociations menées avec les régions, il convient de supprimer le fonds de péréquation, qui sera obsolète dès le 1er janvier 2021, et d'inscrire dans la loi que l'ensemble des régions seront impliquées dans les négociations qui s'ensuivront pour le remplacer dans le PLF pour 2022, ainsi que l'apport d'une compensation grâce au versement d'une part de TVA. Il s'agit d'une demande motivée des régions ; il est important d'inscrire dans la loi les engagements pris oralement avec elles.
Je n'ajouterai qu'un point. Comme cela a été évoqué dans les propos liminaires, une forte inquiétude pèse quant à l'autonomie financière des collectivités territoriales, en particulier dans le domaine fiscal. Les collectivités, notamment les régions, veulent s'assurer que le Gouvernement respectera les accords. En effet, on constate au fil des examens budgétaires que ce n'est pas toujours le cas.
Les ressources du fonds de péréquation des régions ne sont aujourd'hui pas très élevées, puisqu'elles sont inférieures à 1 % des recettes réelles de fonctionnement de ces collectivités. Il faut effectivement faire mieux. Un accord a été conclu avec Régions de France : la moindre des choses est bien qu'il trouve sa traduction dans le PLF pour 2021. C'est l'objet de cet amendement.
La parole est à M. le rapporteur spécial, pour soutenir l'amendement no 1579 .
Il concerne un des points de l'accord, que nous saluons tous, auquel ont abouti les régions et le Gouvernement. Cet accord n'enlève évidemment rien au libre arbitre du Parlement, mais il semble important que nous en connaissions tous les termes. Je les ai repris dans l'exposé sommaire de mon amendement que je vous cite : « En conséquence, pour l'année 2021, les règles actuelles du système de péréquation restent inchangées et la répartition de la fraction de TVA perçue par les régions en substitution de la CVAE se fera sur la base des montants nets perçus en 2020, après application des prélèvements et reversements effectués au titre du fonds de péréquation des ressources des régions. » Mon amendement est la traduction littérale de l'accord, contrairement aux précédents, qui tendent à geler le fonds.
Comme l'a justement dit Mme Pires Beaune, le montant du fonds de péréquation entre les régions ne correspond aujourd'hui qu'à 0,6 ou 0,7 % de leurs recettes réelles de fonctionnement, ce qui est très faible. À l'inverse, celui des départements pourrait servir de modèle : doté de 1,6 milliard, il constitue 2,6 % de leurs recettes réelles de fonctionnement. Il faut amener les régions à réfléchir sur le mode de péréquation, ce que vise cet amendement. Ce n'est évidemment pas notre rôle ; c'est le travail des régions de définir les modes de péréquation, en fonction des critères qu'elles auront choisis, notamment au regard des richesses. Notre travail consistera l'année prochaine à transcrire le résultat dans la loi. Néanmoins, il est important de donner un horizon, car il n'est pas toujours facile pour les collectivités territoriales d'organiser horizontalement les péréquations. Je propose également, toujours dans l'esprit de l'« accord de méthode » signé en juillet, d'inscrire que les ressources du fonds atteindront au minimum 1 % des recettes en 2022. Les régions auront donc un an pour élaborer ce fonds.
Enfin, les pertes de recettes liées à la disparition de la CVAE seront intégralement compensées l'an prochain, par un effort de 1,2 milliard d'euros environ sur les fonds de l'État. Les régions métropolitaines seront davantage bénéficiaires que celles d'outre-mer, car leur part de CVAE est beaucoup plus importante. L'amendement donne donc un petit coup de boost en faveur de ces dernières.
La parole est à M. Rémy Rebeyrotte, pour soutenir le sous-amendement no 3579 .
Il s'agit d'ouvrir les perspectives du programme décrit par M. Cazeneuve en précisant qu'en 2023 le montant issu du dispositif de péréquation atteindra 1,35 % des recettes réelles de fonctionnement. En quelque sorte, nous jouons le rôle de M. Bahlsen – Monsieur Plus.
Sourires.
La parole est à M. Hervé Saulignac, pour soutenir l'amendement no 1535 .
Il est similaire à un amendement que j'avais déposé l'année dernière, auquel le Gouvernement avait répondu qu'il se laissait un an pour étudier la question. Comme l'année est écoulée, et que cet examen requiert quelques minutes d'attention seulement, l'avis devrait être favorable. Il s'agit de corriger les effets de bords liés au transfert de la CVAE. Le raisonnement est que les départements « riches » – le terme n'est pas forcément approprié – ont transféré à ce titre des montants correspondant à une grande part de leurs ressources, ce qui diminue fortement leur potentiel fiscal. À l'inverse, les départements « pauvres » – sans que le qualificatif soit plus approprié – ont transféré des montants de CVAE correspondant à une plus faible part de leurs ressources : l'appauvrissement de leur potentiel fiscal a été relativement moins important. J'insiste sur l'adverbe « relativement ».
En outre, les départements « riches » qui ont transféré aux régions un fort volume de CVAE reçoivent souvent une attribution de compensation en rétrocession, qui n'est pas comptabilisée dans leur potentiel fiscal. C'est-à-dire que les départements riches ont vu leur potentiel fiscal réduit d'un montant qu'ils n'ont, pour partie, jamais perdu, grâce à la rétrocession ; quant aux départements « pauvres », ils ont dû compléter un transfert insuffisant de CVAE par des dotations de compensation. Or, elles ne sont pas non plus comptabilisées dans le calcul de la perte de potentiel fiscal. Ce système est donc très injuste : les départements riches gagnent sans raison, tandis que les pauvres perdent injustement. L'amendement vise à y remédier par une correction technique, sur le modèle de ce qui existe déjà pour le calcul du potentiel fiscal du bloc communal.
La parole est à M. Jean-Félix Acquaviva, pour soutenir l'amendement no 492 .
Comme celui de M. Saulignac, il revient chaque année. Cependant, il revêt cette année une dimension particulière. Il vise à dispenser la collectivité de Corse du prélèvement opéré au titre du fonds de péréquation des ressources régionales, instauré consécutivement à la réforme de la taxe professionnelle.
Pour chaque région, on calcule le pourcentage de croissance entre 2011 et l'année n - 1 de l'ensemble des ressources issues du CVAE, de l'imposition forfaitaire des entreprises de réseaux – IFER – , de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle et du fonds national de garantie individuelle des ressources. Lorsque le pourcentage de croissance excède la moyenne, un écrêtement ramène de fait la région considérée dans la moyenne. Le produit ainsi collecté est servi aux régions qui se trouvent dans une configuration inverse. Les écarts constatés en 2011, qui était l'année de référence, sont figés, privant ainsi les territoires bénéficiant d'une croissance économique de l'intégralité du bonus fiscal induit. C'est la raison pour laquelle le code général des collectivités territoriales a exonéré les régions d'outre-mer de ce prélèvement.
Il est peu compréhensible que la Corse n'ait pas bénéficié de la même dispense, étant donné son indice de ressource fiscale, qui est de loin le plus bas de métropole. Le montant du prélèvement au titre de ce fonds de péréquation des ressources régionales a atteint en Corse 0,8 million d'euros en 2016 et 1,4 million en 2017, en vue d'abonder des régions presque toujours mieux dotées qu'elle. Dans un contexte de crise sanitaire et économique qui a induit une baisse sensible de la fréquentation touristique de l'île, il apparaît injuste et pénalisant que la Corse continue à contribuer à ce fonds.
L'amendement no 493 de M. François Pupponi est défendu.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune et sur le sous-amendement ?
Concernant la première série d'amendements identiques, relatifs au fonds de péréquation régionale, je demande leur retrait, au profit de celui que je défends, sinon l'avis sera défavorable. Je ne préfère pas mon amendement parce que c'est le mien, mais parce qu'il respecte mieux la lettre de l'accord conclu entre les régions et l'État. En effet, l'accord ne prévoit pas que les montants seront figés en 2021. En revanche le mécanisme est figé pour l'année prochaine : durant cette période, les régions seront libres d'élaborer leur propre dispositif.
Quant au sous-amendement de M. Rebeyrotte, il n'a pas été examiné en commission. À titre personnel, je donnerai un avis de sagesse. L'objectif est d'atteindre 1 % des recettes en 2022, c'est le minimum selon moi ; le sous-amendement vise à le porter à 1,35 % pour 2023. On peut trouver la méthode un peu agressive, puisqu'il s'agit du maximum envisagé : le fonds correspond à 0,65 % des recettes, en ajoutant 1,35 %, il atteindrait 2 %. Nous pouvons aussi nous laisser un an pour redéfinir la cible.
S'agissant de la Corse, monsieur Acquaviva, je comprends votre argument. Ma réponse ne vous satisfera pas : le mécanisme actuel ne perdurera que pendant un an, ce qui ne nous laisse pas le temps de changer les règles. Les régions devront intégrer les spécificités de la Corse à leur réflexion, afin que la nouvelle péréquation prenne en considération les éléments que vous avez évoqués.
L'amendement de M. Saulignac est assez technique, je propose qu'on en étudie plus précisément les effets. Il ne concerne pas la péréquation des régions. Il figure donc par accident dans cette discussion commune ; examinons-le néanmoins. Il s'agit des conséquences du transfert vers les régions, inscrit dans le PLF pour 2016, d'une part de la CVAE perçue par les départements, intégralement compensée pour ces derniers. Vos propositions paraissent judicieuses, elles méritent qu'un groupe de travail étudie le sujet. L'avis est défavorable.
Tout le monde a salué la perspective du développement du fonds de péréquation des régions : il existe déjà mais, comme tout le monde l'a souligné, sa portée est assez faible en comparaison avec celui des départements, qui ont fourni un effort important en la matière. J'ai participé à toutes ces négociations ; les régions ont elles-mêmes proposé le fonds de péréquation renforcé évoqué dans l'accord.
Le Gouvernement est favorable à l'amendement no 1579 du rapporteur spécial, et donc défavorable aux autres. L'amendement de M. Cazeneuve respecte les termes de l'accord signé ; en outre, les autres amendements ne tendent pas à renforcer le mécanisme de péréquation. Lors de l'examen de la première partie du PLF, vous avez décidé de compenser la suppression de la part régionale de la CVAE par une fraction de TVA, en intégrant les prélèvements et les versements effectués en 2020 au titre du fonds de péréquation des régions. Ce dernier ne sera pas obsolète en 2021 : il doit progresser de 38 millions environ. Cela est cohérent avec l'objectif de réguler la dynamique de la CVAE régionale.
L'amendement défendu par Jean-René Cazeneuve vise, pour 2021, à limiter la répartition du fonds de péréquation au seul montant correspondant à cette progression. Il tend en outre à prévoir dès à présent la création d'un nouveau fonds à compter de 2022. Il s'inscrit donc parfaitement dans le sens de l'accord passé avec les régions.
Pour la même raison, je vous demande monsieur Rebeyrotte, de retirer votre sous-amendement, même si je comprends parfaitement l'esprit qui le sous-tend et que je partage votre ambition. Le fond n'est pas en cause, mais, encore une fois, pour avoir participé à toutes les négociations, je peux témoigner du fait que nous étions convenus qu'il nous restait encore un an pour arrêter les modalités de financement du fonds. Il s'agit donc de respecter un engagement de forme plutôt que de fond. Les travaux sur la trajectoire du fonds de péréquation doivent être engagés très rapidement avec les régions.
Pour ce qui est de l'amendement ardéchois…
Excusez-moi, j'avais sauté une étape.
J'entends votre demande, monsieur Saulignac, mais je suis incapable de répondre techniquement à votre proposition, laquelle est, vous l'avez dit vous-même, très complexe. Je vous propose de l'intégrer aux travaux que nous conduirons en 2021 avec le CFL – comité des finances locales – sur la réforme des indicateurs financiers et à ceux que nous devons mener avec Régions de France sur la réforme de la péréquation. Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement.
S'agissant enfin de l'amendement no 492 , bien que vous fassiez souvent référence, monsieur Acquaviva, à l'exonération du prélèvement au titre du fonds de péréquation dont bénéficient les régions d'outre-mer, chacun sait que la Corse, même si elle est une île, n'est pas un territoire ultramarin. Le fait d'exonérer la Corse du prélèvement induirait bien évidemment un report sur les autres régions. L'accord de partenariat État-régions du 28 septembre, consécutif à l'« accord de méthode » du mois de juillet, prévoit que les règles de péréquation horizontale entre régions restent stables en 2021. À ce stade, je peux donc seulement vous assurer que nous traiterons du cas spécifique de la Corse dans le cadre de la réforme de la péréquation prévue pour 2022. Je demande, là encore, le retrait de l'amendement.
Deux choses, madame la ministre : d'abord, le cabinet Ressources Consultants Finance a produit un travail absolument remarquable sur les conséquences du transfert d'une part de CVAE aux régions. Tout est dit en quelques chiffres pour attester de ce que la situation actuelle est marquée du sceau de l'injustice : alors que les Hauts-de-Seine gagnent 12 millions d'euros et que les Yvelines bénéficient de la mesure à hauteur de 2,3 millions d'euros, le Pas-de-Calais, les Côtes-d'Armor et le Gard y perdent respectivement 4,5 millions, 2,5 millions et 2,3 millions d'euros.
Ensuite, nous sommes confrontés à un effet non souhaité du transfert de CVAE, dont chacun s'accorde à dire qu'il visait à compenser un transfert de compétences et devait être neutre pour les collectivités. Force est de constater que tel n'est pas le cas. Il est anormal que ce transfert, théoriquement neutre, ait un effet aussi important sur le principal indicateur de richesse des départements.
Chaque année, vous m'expliquez très aimablement que le problème sera traité dans le cadre d'un groupe de travail ou d'une commission, mais voilà maintenant trois ans que vous apportez la même réponse.
Je veux bien continuer à vous faire confiance, mais comprenez que cette confiance s'émousse ! Peut-être serais-je rassuré si vous vous engagiez par écrit. Je vous y invite, car j'estime que cette situation est réellement injuste et que nous aurions pu la corriger depuis longtemps déjà.
Merci pour votre réponse détaillée, madame la ministre. Je regrette qu'aucune décision ne soit prise cette année pour réviser le fonds de péréquation régional au profit de la Corse : il y a une anomalie à ce qu'une région pauvre, qui collecte les ressources fiscales les plus faibles des régions métropolitaines, doive contribuer pour des régions beaucoup plus riches qu'elle, fît-elle partie de l'ensemble métropolitain. Je rappelle à cet égard que même si elle n'est pas juridiquement comparable aux territoires d'outre-mer, la Corse possède un statut particulier…
Ça, on le sait !
… au titre de l'article 72 de la Constitution. C'est précisément en raison de cette spécificité que vous aviez décidé de la faire bénéficier du filet de sécurité adopté en juillet dans le cadre du PLFR 3 : avec les territoires ultramarins, il s'agit de la seule région percevant des taxes spécifiques liées à l'activité. Lorsqu'il y a une volonté, il y a un chemin – en l'occurrence, un chemin pleinement compatible à l'état actuel du droit : c'est une question de perception des réalités.
Je regrette donc qu'une région pauvre continue, en 2021, à contribuer pour des régions riches. Cela me paraît d'autant plus contradictoire dans le contexte de la crise sanitaire liée au covid-19. Je fais néanmoins, comme mon ami Saulignac, le pari de l'intelligence et du débat, en espérant que les travaux aboutiront en 2022 pour remédier à ce qui constitue une anomalie.
Puisque nous nous apprêtons, probablement, à adopter l'amendement no 1579 de Jean-René Cazeneuve, je veux évoquer un autre amendement du rapporteur spécial absolument décisif en matière de CVAE : il s'agit de l'amendement visant à reconduire la garantie de ressources du bloc communal en 2021. Cette garantie, que nous avons adoptée dans la troisième loi de finances rectificatives, a porté ses fruits. Nous avons constaté mardi, en examinant le PLFR 4, qu'une économie substantielle serait réalisée en 2020, puisque le coût s'élèverait probablement à 300 millions ou 400 millions d'euros, alors que 1 milliard d'euros de crédits étaient initialement prévus.
Le dispositif sera en revanche essentiel en 2021, car la CVAE – qui n'est pas un impôt de stock sur les valeurs locatives, comme l'est l'impôt foncier, mais un impôt de flux – est complètement corrélée à l'évolution du PIB, qui devrait reculer de 11 %. Malheureusement, de façon très surprenante, l'amendement visant à reconduire la garantie des ressources en 2021, déposé par Jean-René Cazeneuve n'a pas été adopté, alors même qu'il s'agit de la principale proposition figurant dans l'excellent rapport qu'il a remis, au Gouvernement, le 29 juillet dernier, sur l'impact de la crise du covid-19 sur les finances locales. Nous devons absolument prendre cette mesure, sans quoi certaines collectivités locales seront sinistrées du fait de la baisse de CVAE.
Avant que la séance soit levée je demande au ministère chargé de la protection des collectivités locales et notamment des finances locales de s'engager à accorder la plus grande importance à l'amendement de Jean-René Cazeneuve, que j'approuve totalement.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe LaREM.
Il est retiré. Madame la ministre, je voulais surtout souligner notre volonté d'engager la montée en puissance de la péréquation entre régions.
Le sous-amendement no 3579 est retiré.
Il vise à inclure les EPCI à fiscalité propre, et non uniquement les communes, dans le premier alinéa du IV de l'article 58 du texte. La formulation de cet alinéa ne précisant pas explicitement que la mesure s'applique bien aux EPCI à fiscalité propre, il s'agit d'apporter cette clarification, afin d'éviter une interprétation trop restrictive des modalités de répartition de la dotation globale de fonctionnement, notamment à Mayotte – puisque cet amendement a été rédigé par mon collègue Mansour Kamardine.
Votre demande est satisfaite : il va de soi que les EPCI sont concernés. Je vous propose donc de retirer votre amendement. À défaut, avis défavorable.
Même avis : les populations de Mayotte étant déjà incluses dans le dispositif d'ajustement, la demande est satisfaite.
L'amendement no 67 est retiré.
L'article 58, amendé, est adopté.
La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2021 :
Suite de l'examen des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » ;
Examen des articles non rattachés.
La séance est levée.
La séance est levée à treize heures dix.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra