La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures.
La parole est à M. Emmanuel Maquet, pour exposer sa question, no 842, relative aux frais bancaires.
Voici un an, les banques s'engageaient à geler les frais bancaires en 2019 et à plafonner à 25 euros par mois les frais d'incidents pour les clients les plus fragiles financièrement.
Tandis que la durée de validité de cet engagement touche à sa fin, une enquête conjointe du magazine 60 millions de consommateurs et de l'Union nationale des associations familiales – UNAF – a révélé que de nombreux clients en difficulté n'en ont jamais profité. Déjà, les grilles tarifaires des principales banques prévoient une reprise généralisée de la hausse des frais.
Le Gouvernement estime que leur plafonnement réglementaire ne constitue pas la solution la plus efficace, car les banques pourraient en compenser les effets en augmentant d'autres frais. Or c'est justement en pareil cas que les Français attendent des décisions politiques.
Les frais bancaires présentent une forte diversité, et certains sont plus injustes que d'autres. Si tout le monde est logé à la même enseigne s'agissant des frais de tenue de compte et des frais de carte bleue, d'autres frais, tels que les agios et les frais de rejet de chèque, constituent une sanction supplémentaire infligée à ceux qui sont déjà en difficulté.
Bien souvent, ces frais particulièrement punitifs sont imputés sans que les clients en aient conscience. L'enjeu est donc d'améliorer la prévention. Il serait normal que les banques préviennent leurs clients avant de satisfaire une demande susceptible de déclencher des pénalités, quitte à mettre en attente l'opération concernée.
Monsieur le secrétaire d'État, ma question est la suivante : dans un contexte de baisse durable des taux d'intérêt, le Gouvernement prévoit-il une hausse non moins durable des frais bancaires ? Si tel est le cas, comment le Gouvernement compte-t-il les rendre plus simples, plus compréhensibles et surtout plus équitables ?
Monsieur Maquet, je vous remercie de votre question, qui me permet d'apporter certaines précisions au sujet des frais bancaires, en présentant notamment le bilan du plafonnement des frais d'incidents – annoncé au mois de décembre dernier par les établissements bancaires – pour les 3,4 millions de Français considérés comme fragiles.
Au cours du premier semestre de cette année, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution – ACPR – et l'Observatoire de l'inclusion bancaire – OIB – ont mené auprès des principaux établissements de la place des contrôles ayant permis de constater que le plafonnement des frais d'incidents a bien été appliqué par les banques. Ceux-ci se sont élevés, pour les personnes financièrement fragiles qui en paient, à 17 euros par mois en moyenne.
Simultanément, 58 000 clients supplémentaires – soit 435 000 au total à la fin du mois de juin 2019 – ont bénéficié de l'offre spécifique et de son effet protecteur, avec des frais d'incidents s'élevant en moyenne à 8 euros par mois, soit un chiffre significativement inférieur au plafond de 20 euros par mois.
En fin de compte, plus d'un million de personnes ont constaté un plafonnement de leurs frais bancaires depuis les engagements pris au mois de décembre 2018. Il me semble que nous devons nous réjouir de ce bilan, même s'il demeure insuffisant.
Il ne doit pas occulter le fait que la mise en oeuvre technique des engagements pris par les banques a parfois entraîné des frictions transitoires, s'agissant notamment de l'application automatique du plafonnement des frais d'incidents à certains clients et du remboursement de frais excédant le plafond prélevés lorsque les établissements bancaires travaillaient à la mise en oeuvre de leurs engagements. Ces difficultés devraient être rapidement résorbées.
Nous attendons également des établissements bancaires qu'ils poursuivent leurs efforts visant à renforcer la détection des clients en situation de fragilité financière. À cet égard, les travaux menés au sein de l'OIB nous semblent particulièrement importants.
L'information sur les frais bancaires a été significativement renforcée au cours des dernières années. C'est pourquoi le Gouvernement a préféré mettre l'accent sur la limitation effective des frais d'incidents et le renforcement de la détection des situations de fragilité financière par les banques. La conjonction de ces actions permettra de soulager nos concitoyens les plus en difficulté.
Enfin, je rappelle que les banques ont respecté l'autre engagement qu'elles ont pris auprès du Président de la République voici un an, relatif au gel des tarifs bancaires pour 2019. En tout état de cause, nous devons être particulièrement attentifs à la situation globale du secteur bancaire, dans le contexte de taux bas, voire négatifs, que nous connaissons. Pour l'heure, nous estimons que rien ne laisse présager une hausse généralisée des frais bancaires, qui ont été – contrairement aux frais induits par d'autres services – relativement contenus au cours des dernières années.
Monsieur le secrétaire d'État, l'enquête menée par le magazine 60 millions de consommateurs et l'UNAF n'incite pas à partager votre optimisme. On y apprend que 78 % des clients interdits bancaires et surendettés n'ont bénéficié d'aucun plafonnement des frais d'incidents. Quant aux autres clients à faibles revenus, habitués aux incidents bancaires, 91 % d'entre eux ont vu leurs frais afférents excéder 25 euros par mois.
À présent, la durée de validité de l'engagement pris l'an dernier touche à sa fin. Que fait-on ? Quand mettra-t-on de l'ordre dans la jungle des frais bancaires, que leur diversité rend incompréhensibles ?
La parole est à M. Thomas Rudigoz, pour exposer sa question, no 832, relative à la création d'un barreau autoroutier dans la métropole de Lyon.
Ma question est particulièrement d'actualité, en ce jour de grève et de bouchons automobiles monstrueux. Elle porte sur la circulation automobile au coeur de l'agglomération lyonnaise.
Chaque jour, 113 000 véhicules empruntent les axes routiers traversant le coeur de notre ville de Lyon, en passant par le célèbre tunnel de Fourvière. Il faut en ajouter des dizaines de milliers d'autres qui empruntent les autres voies routières et autoroutières du coeur de l'agglomération lyonnaise.
Il résulte de cette situation un accroissement du nombre de pics de pollution, comme cela est le cas dans de nombreuses grandes villes françaises. Il s'agit d'un véritable problème de santé publique pour les populations riveraines.
Au demeurant, l'État en a conscience. Il y a trois ans exactement, au mois de décembre 2016, le gouvernement précédent a déclassé en voirie urbaine un tronçon de l'autoroute A6-A7 en vue de favoriser le contournement de notre agglomération par le trafic national et international.
À présent, que fait-on ? À ce jour, aucune décision opérationnelle n'a été prise. Il faut, me semble-t-il, mener deux chantiers.
Le premier consiste à introduire une tarification du trafic de transit. J'en ai défendu le principe dans l'hémicycle, lors de l'examen du projet de loi d'orientation des mobilités, ainsi qu'en commission des finances, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2020. Malheureusement, à ce jour, le Gouvernement n'a pas donné une suite favorable à ma proposition – mais je ne désespère pas de la voir acceptée d'ici la fin de la législature !
Sourires.
L'autre grand chantier – c'est l'objet de ma question – consiste à mener des travaux sur les infrastructures autoroutières, notamment sur le noeud autoroutier de Manissieux, dans le secteur de Saint-Priest, et sur le tronçon sud de l'A46 reliant l'A43 à l'A7, qu'il convient d'élargir de 2x2 voies à 2x3 voies, afin de mettre un terme à la thrombose complète du trafic que l'on y constate chaque jour.
Pour ce faire, l'État et la société ASF – Autoroutes du sud de la France – devront mener un grand chantier autoroutier. Je sais que ce projet est suivi par les services de l'État. Par ailleurs, il faudra veiller à affecter la troisième voie aux transports collectifs et au covoiturage, comme le souhaite David Kimelfeld, président de la métropole de Lyon.
Monsieur le secrétaire d'État, ma question est simple : quel est l'état d'avancement de la réflexion des services de l'État sur le grand chantier de l'A46 sud ?
Monsieur Rudigoz, vous appelez l'attention du Gouvernement sur le projet d'aménagement à 2x3 voies de l'A46 sud. Cet axe autoroutier, concédé à la société ASF, est une section libre de péage très fréquentée – le trafic moyen s'y élève à 65 000 véhicules par jour. Depuis plusieurs années, l'infrastructure est régulièrement congestionnée et présente une accidentologie en hausse, ce qui constitue un sujet de préoccupation pour les pouvoirs publics.
Conscient des attentes locales, l'État a demandé au concessionnaire, dans le cadre du plan de relance autoroutier, de produire un dossier synoptique relatif à l'aménagement à 2x3 voies de l'A46 sud et du noeud autoroutier de Manissieux. Le coût global de l'opération, qui doit encore être précisé, est estimé à environ 200 millions d'euros hors taxe, en valeur 2017.
Avant d'engager des travaux, une concertation est nécessaire, conformément à la loi. Dans ce cadre, le Gouvernement a demandé au concessionnaire de saisir la Commission nationale du débat public – CNDP – , en vue de définir les modalités de concertation avec les habitants et les associations concernés.
Cette phase de concertation aura lieu dès 2020 et constituera une étape importante dans la réalisation du projet, dont je vous confirme que le Gouvernement souhaite le mener à bien. M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État chargé des transports, rencontrera prochainement le préfet de région et ne manquera pas d'aborder avec lui ce sujet, important pour votre circonscription.
Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de ces bonnes nouvelles. La concertation est très importante pour les acteurs publics – collectivités territoriales et représentant de l'État dans la région – comme pour les populations concernées.
Il s'agit d'une première étape importante. J'espère qu'elle sera rapidement suivie de décisions permettant de mener à bien les travaux, grâce auxquels nous soulagerons enfin le coeur de l'agglomération lyonnaise du trafic national et international.
La parole est à Mme Aude Luquet, pour exposer sa question, no 848, relative au bien-être animal dans la filière porcine.
« On n'a pas deux coeurs, un pour les animaux et un pour les humains. On a un coeur ou on n'en a pas ». Ces mots de Lamartine ont une résonance accrue de nos jours, tandis que le respect de la condition animale s'impose de plus en plus parmi les exigences des consommateurs.
Je ne serai pas de celles et de ceux qui dénoncent le simple fait de manger de la viande. Toutefois, on ne peut se désintéresser de la condition animale, car bien manger, c'est avant tout bien produire.
Il importe de garantir le respect du bien-être animal dans toutes les filières. J'aimerais ici donner l'alerte au sujet de la filière porcine, sans la stigmatiser, mais en relevant sans détour des pratiques qui semblent choquantes et difficiles à justifier de nos jours.
En 2018, 24 millions de cochons ont été abattus en France – dans le cadre de l'élevage intensif pour 95 % d'entre eux. Or qui dit élevage intensif dit bien souvent rentabilité, promiscuité et – malheureusement – souffrance des porcelets dès les premiers jours de leur vie.
Citons par exemple la coupe de leurs testicules au scalpel, sans anesthésie et sans soin, pratiquée afin de prévenir l'odeur de verrat qui peut se dégager au moment de la cuisson de la viande, alors même que ce phénomène ne concerne que 3 % à 5 % des mâles. En France, 85 % des cochons mâles sont castrés. Pourtant, il existe des solutions alternatives fiables et économiquement viables, auxquelles recourent nos voisins européens.
La castration des cochons n'est pas la seule source de souffrance. Citons notamment la caudectomie, qui vise à éviter que les cochons ne se mordillent mutuellement la queue, ainsi que la coupe et le meulage de leurs dents, le tout sans aucune prise en charge de la douleur.
Citons enfin une pratique particulièrement cruelle, appelée « claquage », qui consiste à tuer les porcelets trop faibles en les projetant contre un mur. L'association Techniporc considère que cette technique est la plus efficace, tout en admettant qu'elle est « peu élégante ».
Dans ce contexte, l'Union européenne fait pression sur les États membres pour tenter de mettre un terme à ces pratiques répandues au sein de la filière porcine. Monsieur le secrétaire d'État, quelle est la position du Gouvernement à ce sujet ? Comment les services du ministère de l'agriculture et de l'alimentation ambitionnent-ils de lutter contre la souffrance animale en renforçant le bien-être animal ?
Madame Luquet, votre question porte sur les conditions de traitement des animaux dans la filière porcine, et plus généralement sur la prise en compte de la cause animale. En règle générale, nous devons admettre que la façon dont nous traitons les animaux cessera d'être un sujet confiné à des cercles philosophiques, tels que celui animé par Élisabeth de Fontenay, pour devenir un sujet d'importance au sein de la société.
Pour répondre précisément à votre question, le Gouvernement a pleinement conscience que certaines pratiques, en vigueur au sein des filières de production de la viande, ne sont pas acceptables et ne doivent pas perdurer. Au demeurant, elles sont de plus en plus contestées par les citoyens et par les associations de protection animale, mais aussi par les éleveurs eux-mêmes, qui sont les premiers garants du bien-être de leurs animaux, et qui sont souvent très soucieux de mettre au point des pratiques alternatives.
Voici quelques semaines, M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation – qui vous prie de bien vouloir excuser son absence ce matin – , a annoncé plusieurs mesures, parmi lesquelles l'interdiction de la castration à vif des porcelets, qui entrera en vigueur dès la fin de l'année 2021.
Nous comptons aller bien plus loin. C'est pourquoi M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation fera d'autres annonces au cours des semaines à venir, en vue d'assurer le bon traitement des animaux et l'amélioration des conditions d'élevage. Soyez assurés, mesdames, messieurs les députés, que le Gouvernement est très sensible à ce sujet.
Outre l'action du Gouvernement, il faut également évoquer celle du consommateur, qui peut lui aussi contribuer à l'évolution des pratiques de la filière. Il a d'ores et déjà le choix d'acheter du porc bio, ou « Label rouge », issu d'animaux élevés dans des conditions supérieures de bien-être.
Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse, ainsi que de votre présence dans l'hémicycle en lieu et place de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
Je ferai simplement observer que, s'il est vrai que nous devons agir à l'échelle de notre territoire, il faut également mener une politique cohérente à l'échelle européenne. Chez nos voisins européens, notamment en Allemagne, les producteurs portent un regard bien plus bienveillant que le nôtre sur les conditions de vie des animaux élevés dans le cadre d'une production intensive.
La parole est à M. Pierre Morel-À-L'Huissier, pour exposer sa question, no 854, relative au défrichement en Lozère.
Rappelons, sans entrer dans les détails, que le département de la Lozère a subi au cours du siècle dernier un fort exode rural et une importante baisse de sa population active, notamment agricole. Il compte de nos jours 76 000 habitants, et présente une densité de quinze habitants au kilomètre carré, qui tombe à deux dans les Causses. Les éleveurs lozériens comptent parmi leurs préoccupations la possibilité de nourrir leur cheptel en toute saison.
L'objectif est donc de tendre vers une autonomie fourragère, et la remise en valeur d'anciens terrains de culture, de pacages ou d'alpages envahis par une végétation spontanée peut à cet égard constituer une réponse.
En vertu du premier alinéa de l'article L. 341-6 du code forestier, la compensation financière ou le reboisement, à la suite d'un défrichement, repose sur la règle du 1 pour 1 : pour chaque hectare de terrain défriché, il faut reboiser 1 hectare de terrain – ce qui est très difficile dans le département de la Lozère – ou verser une indemnité minimale de 4 000 euros. Ce montant est calculé sur la base du coût de plantation d'un hectare et non sur la valeur du bois récolté. Celui-ci est identique pour toute la France mais tous les terrains français le sont-ils ? On ne peut pas comparer 1 hectare de forêt des Landes avec 1 hectare de forêt en Lozère.
Dans le département de la Lozère, de nombreuses forêts sont issues d'une végétation spontanée et le bois est vendu entre 1 000 à 1 500 euros par hectare, bien loin des 4 000 euros d'indemnité.
Les services de l'État en Lozère ont proposé une expérimentation visant à intégrer dans le calcul de l'indemnité la valeur du boisement défriché, à laquelle serait appliqué un coefficient multiplicateur pour tenir compte de sa valeur environnementale. La Lozère se porte volontaire pour cette expérimentation. Êtes-vous disposé à accompagner cette initiative locale ?
Je vous prie de bien vouloir excuser le ministre de l'agriculture et de l'alimentation qui ne peut pas être présent ce matin.
Votre question porte sur le calcul de la compensation des défrichements. Aujourd'hui, le montant est calculé sur la base d'un coût de plantation. Vous proposez, à titre expérimental, de calculer la compensation en fonction de la valeur du bois récolté.
Permettez-moi de revenir sur la situation actuelle : la compensation des défrichements répond à l'enjeu d'intérêt général qu'est la protection des forêts compte tenu des services économiques, climatiques, écologiques et sociaux qu'elle rend à la société. Aussi, la compensation vise à restaurer les fonctions supprimées par le défrichement, en prescrivant prioritairement des travaux d'amélioration des peuplements forestiers existants. Elle doit donc porter, au minimum, sur une surface équivalente à celle qui a été perdue.
La compensation financière sous forme d'indemnité constitue une solution alternative dans le cas où les porteurs d'un projet de défrichement ne peuvent ou ne veulent pas compenser par des travaux en nature. Par souci d'équivalence, la compensation financière est calculée en fonction des coûts d'un boisement ou d'un reboisement d'une surface au moins équivalente, assortis d'un coefficient multiplicateur selon la valeur économique, climatique et écologique de la forêt objet du défrichement.
Vous l'aurez compris, une compensation financière fondée uniquement sur le prix des bois récoltés ne permettrait pas de garantir une capacité suffisante de boisement ou reboisement, ni la compensation des services économiques, climatiques, écologiques et sociaux disparus avec le défrichement.
C'est pourquoi il ne nous apparaît pas opportun de lancer une expérimentation en ce sens.
Votre réponse est assez décevante. Venez en Lozère pour voir la réalité : la forêt a pris la place de terrains autrefois cultivés. Alors que la chambre d'agriculture cherche des terrains pour installer des jeunes exploitants, votre refus de l'expérimentation est bien regrettable pour le département.
La parole est à Mme Catherine Kamowski, pour exposer sa question, no 837, relative à l'équipement des véhicules en hiver.
En ce début de période hivernale, je souhaite vous interroger sur l'application de l'obligation d'équipement des véhicules. J'associe à cette question l'ensemble de mes collègues élus de la montagne.
L'article 27 de la loi du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne donne aux préfets de massif le pouvoir de déterminer les obligations d'équipement des véhicules en période hivernale. Les modalités d'application sont renvoyées à un décret, pris après consultation du Conseil national de la montagne. Un courrier adressé au printemps à son président, notre collègue Joël Giraud, présente une feuille de route qui aurait dû permettre, malgré le retard pris, une application dès cet hiver.
Or cela ne semble pas être le cas. L'hiver débute certes dans quelques jours, mais nos montagnes ont déjà connu leurs premières chutes de neige – tant mieux pour la montagne et les stations. Dans les régions de montagne, les équipements hivernaux sont une nécessité tant pour la sécurité des usagers que pour la fluidité d'un trafic automobile qui est parfois très dense sur des routes, notamment de station, que les conditions climatiques rendent parfois dangereuses, faute d'équipements appropriés.
Je n'ignore pas la complexité des décisions à prendre ni la diversité des véhicules concernés – l'un expliquant peut-être l'autre. Néanmoins, cette mesure est très attendue par les habitants et les acteurs de nos territoires. Près de trois ans après l'affirmation, dans la loi, du principe d'un équipement hivernal pour les véhicules automobiles, elle doit enfin entrer en vigueur.
La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur.
La loi du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne a créé l'article L. 314-1 du code de la route qui prévoit l'obligation d'équipement des véhicules en période hivernale dans les départements montagneux.
Un décret pris en Conseil d'État doit fixer les modalités d'application de cette disposition, et notamment les dispositifs inamovibles et amovibles antidérapants requis, dans le respect du règlement no 6612009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009.
Je suis convaincu, madame la députée, de l'utilité de cette mesure pour la sécurité routière mais aussi pour la fluidité du trafic en zone de montagne, en période hivernale. C'est pourquoi j'ai demandé aux services du ministère de l'intérieur de se mobiliser pour la publication de ce décret.
Les prescriptions techniques que le décret doit définir sont cependant complexes et nécessitent un important travail de consultation, interne à l'administration mais aussi externe. Il en est de même de la définition des zones dans lesquelles les dispositions trouveraient à s'appliquer.
En tout état de cause, l'ensemble de ces travaux devraient être achevés dans des délais compatibles avec une entrée en vigueur des nouvelles dispositions pour la prochaine saison hivernale 2020-2021.
Soyez assurée, madame la députée, de l'engagement et de la mobilisation des services pour une publication du décret dès que possible.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour exposer sa question, no 844, relative au recueil des données biométriques dans la Manche.
Je souhaite appeler votre attention sur la situation – en particulier dans la Manche – des dispositifs de recueil des données biométriques nécessaires à l'établissement des cartes nationales d'identité et des passeports.
Dans le cadre du plan « préfectures nouvelle génération », les modalités de délivrance des titres réglementaires – la carte nationale d'identité, le passeport, le permis de conduire et le certificat d'immatriculation, anciennement carte grise – , ont été dématérialisées. Cette évolution n'appelle pas de commentaire particulier, encore faut-il que l'intendance suive. Vivre avec son temps, c'est bien mais si cela se traduit par un recul pour les usagers, cela perd tout intérêt.
Depuis mars 2017, l'obtention ou le renouvellement d'un passeport requiert une prédemande sur internet. Ensuite, la demande doit être déposée auprès d'une mairie équipée d'un dispositif de recueil de données biométriques, pour les empreintes et les photos – et c'est là que cela se gâte.
Compte tenu des investissements importants qu'il exige, toutes les mairies n'ont pu être équipées de ce dispositif de recueil ; les préfectures ont, en toute logique, fait des choix.
Le département de la Manche, presqu'île de 150 kilomètres de long, compte 446 communes – dont de nombreuses communes nouvelles puisque les communes « historiques » étaient au nombre de 601 – et 500 000 habitants – ce n'est pas rien. Or seules 23 mairies sont équipées d'un dispositif de recueil des empreintes digitales, soit à peine 5 % du total. Dans ma circonscription, qui compte 120 000 habitants, elles ne sont que quatre.
Cette réforme administrative, initiée par les pouvoirs publics, aboutit à des délais de délivrance particulièrement excessifs. La dématérialisation devrait, si ce n'est accélérer le processus, ne pas le ralentir. Or, pour les passeports, la situation dans la Manche est pire qu'avant : plus de deux mois de délai !
La chaîne est totalement « embolisée », qu'il s'agisse du niveau local pour le dépôt des demandes ou du niveau national pour la fabrication. C'est inadmissible tant au regard de la qualité du service due à la population que des répercussions pour les administrés, qui anticipent pourtant les difficultés.
Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour améliorer la chaîne de production ? S'agissant des réseaux locaux, il serait souhaitable que chaque ancien chef-lieu de canton soit équipé pour assurer un maillage du territoire.
Dans un récent rapport, la Cour des comptes a jugé que le nombre total de dispositifs de recueil était adapté pour absorber les flux de demandes, d'autant que, pour répondre aux engagements pris auprès de l'Association des maires de France, 528 stations supplémentaires ont été déployées depuis trois ans, qui s'ajoutent aux 3 526 déjà utilisées pour le dépôt des demandes de passeports. Nous avons décidé par ailleurs du déploiement de cent dispositifs de recueil supplémentaires en 2019 et 2020. Dans ce cadre, un dispositif supplémentaire a d'ores et déjà été attribué au département de la Manche.
Le taux moyen national d'utilisation des dispositifs de recueil s'améliore. Le taux d'utilisation des vingt-quatre dispositifs implantés dans les vingt-trois communes de la Manche déjà équipées est en moyenne de 56 % et le délai moyen de rendez-vous, de dix-huit jours, légèrement en deçà du délai moyen national de dix-neuf jours et demi. Ce taux peut encore s'accroître pour offrir un meilleur service à l'usager sans augmenter le nombre total de dispositifs.
Les collectivités non équipées peuvent par ailleurs poursuivre leur mission en matière de délivrance de titres d'identité par l'usage ponctuel des dispositifs de recueil mobiles pouvant être mis à leur disposition par toutes les préfectures.
Les centres d'expertise et de ressource titres connaissent une forte progression de la demande de titres d'identité, raison pour laquelle de nouveaux renforts de vacataires leur ont été alloués à compter de septembre 2019, comme j'ai l'occasion de l'indiquer récemment en réponse à une question au Gouvernement. À ce jour, le délai moyen de mise à disposition des titres – comprenant l'instruction, la fabrication et le transport – est de vingt et un jours, dont douze pour l'instruction de la demande par les services de l'État.
Toutes ces mesures traduisent l'engagement de l'État à garantir un service de proximité et de qualité pour tous les usagers sur l'ensemble du territoire national et à maintenir sa vigilance sur ce point tout au long de l'application de la réforme.
Je ne conteste pas les chiffres à l'échelon national. Vous mentionnez un délai moyen de vingt et un jours – tant mieux pour les départements et les personnes qui en bénéficient – mais dans la Manche, celui-ci est de plus de deux mois. C'est inadmissible. Le délai d'attente pour un rendez-vous dépasse lui aussi largement les dix-huit jours.
Vous ne pouvez pas résumer à des statistiques la situation sur le terrain. Vous ne répondez pas aux questions pratiques, d'une part, sur l'embolie du processus de fabrication des passeports, ni, d'autre part, sur les délais d'attente insupportables dans le département de la Manche. Je le regrette et j'invite le ministère de l'intérieur à amplifier l'effort pour se doter des moyens nécessaires.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à neuf heures trente, est reprise à neuf heures quarante-cinq.
La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour exposer sa question, no 851, relative au parcours judiciaire des victimes de violences conjugales.
Je voudrais évoquer en particulier la prise en charge des frais de justice lorsque l'auteur est insolvable. J'ai rencontré, dans ma circonscription, la famille d'une victime décédée sous les coups de son conjoint. J'ai ainsi pu prendre la mesure du parcours judiciaire qui, pour la famille de la victime, s'apparente à une sorte de double peine. Malgré les conventions d'honoraires, elle doit consacrer des sommes importantes à la procédure, surtout l'auteur fait appel, bénéficiant pour cela de l'aide juridictionnelle.
Certes, dans le cas des crimes, l'aide juridictionnelle est ouverte à toutes les familles, quelles que soient leurs ressources ; mais, vous le savez comme moi, son niveau est faible, et il ne permet pas de recourir à l'avocat de son choix. En outre, cette information n'est pas connue des victimes ; je l'ai moi-même découverte à cette occasion. Il y a plus généralement un manque de lisibilité ; malgré tous leurs efforts, les associations ne sont pas en mesure d'accompagner convenablement les victimes.
Madame la garde des sceaux, ne faudrait-il pas augmenter le plafond de l'aide juridictionnelle, afin d'assurer un réel accès à la justice ? Par ailleurs, la déduction de son montant des honoraires de l'avocat est-elle possible ? C'est un renseignement que je n'ai pas trouvé.
Il faut surtout développer l'information par les associations : ces familles obligées de se rendre dans différents lieux en France pour défendre leur juste cause ne doivent pas subir en outre des frais de déplacement, d'hébergement… Eu égard à la gravité des faits, elles ne doivent pas avoir à rechercher l'information ; le tribunal ou les associations d'aide aux victimes doivent prendre l'initiative de la leur délivrer.
Vous connaissez l'engagement du Gouvernement, et le mien, en faveur de l'aide aux victimes de violences conjugales ; je partage avec vous le souci que l'aide juridictionnelle accélère, ou à tout le moins facilite, le recours à la justice.
L'article 9-2 de la loi de 1991 relative à l'aide juridique prévoit que les victimes des crimes les plus graves, ainsi que leurs ayants droit, ont droit à l'aide juridictionnelle sans condition de ressources. Dans le cas d'un meurtre, que vous évoquez, cet article trouve évidemment à s'appliquer : les difficultés que vous soulevez me semblent devoir être résolues de cette façon ; si tel n'était pas le cas, il faudrait regarder très précisément ce qui se passe.
Vous évoquez un déficit d'accompagnement, et un manque d'information au sujet de ces dispositions. Je peux l'entendre, et je rappellerai aux associations l'existence de ce dispositif.
Par ailleurs, la proposition de loi qui vient d'être déposée à la suite du Grenelle contre les violences conjugales prévoit de nouvelles mesures en matière d'aide juridictionnelle, qui s'appliqueraient dès 2020. Nous entendons ainsi favoriser le recours à l'aide juridictionnelle provisoire lorsque la victime demande à bénéficier d'une ordonnance de protection, afin que le traitement de cette demande soit accéléré ; nous allons également financer des permanences d'avocat destinées aux victimes de violences conjugales qui demandent une ordonnance de protection, afin qu'elles soient immédiatement accompagnées, conseillées et prises en charge.
Vous évoquez la revalorisation de l'aide juridictionnelle, ainsi que la possibilité de la déduire des honoraires des avocats. Ces questions venant de m'être présentées, je ne peux que vous promettre d'y réfléchir.
Croyez que nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour que les victimes, lorsqu'elles ne sont pas décédées, et leurs familles, soient accompagnées dans ce processus très long et très douloureux de reconstruction d'une cellule familiale.
Merci de votre réponse. Je sais pouvoir compter sur votre engagement. Je souhaitais insister sur la question particulière des familles des victimes de féminicides : elles ne doivent pas être obligées de requérir, de chercher les renseignements. L'information doit venir à elles. Les personnes concernées ne sont fort heureusement pas si nombreuses : nous nous devons de les accompagner de la manière la plus sérieuse.
Nous devons de surcroît, je crois, travailler sur la déduction de l'aide juridictionnelle et sur sa revalorisation dans des cas aussi tragiques que celui-ci.
La parole est à M. Gwendal Rouillard, pour exposer sa question, no 828, relative aux conséquences du Brexit sur la pêche bretonne.
La France est très engagée dans la négociation du Brexit ; le Président de la République a mis sur le haut de la pile le sujet de la pêche. Mais, à cette heure, nous demeurons inquiets.
J'aimerais rappeler ici quelques chiffres : la Bretagne compte 4 800 marins et 1 200 navires ; 10 % des bateaux bretons sont directement concernés par la question de l'accès aux zones de pêche britanniques, et parmi eux, la moitié réalisent plus de 50 % de leur chiffre d'affaires dans les eaux britanniques.
En ce qui concerne particulièrement le port de pêche de Lorient, ma propre terre, notre navire amiral, c'est la Scapêche : treize de ses bateaux travaillent dans les eaux britanniques, et la moitié du poisson mis aux enchères en provient. J'ajoute, car il faut prendre en considération l'ensemble de l'écosystème, que 60 % de l'activité de la vingtaine de mareyeurs lorientais est liée à l'activité dans les eaux britanniques.
J'arrête ici de donner des chiffres, mais chacun aura bien compris que pour Lorient, pour la Bretagne, pour la France, cette négociation est vitale ; l'inquiétude est donc vive, dans les ports de pêche comme dans toute la filière.
Les enjeux de la négociation sont connus : comment garantir l'accès aux zones de pêche britanniques et le maintien des droits historiques, négociés dans les années 1970 ? Quels seront demain les quotas de pêche ? Le Brexit, c'est potentiellement la fin des quotas de pêche pour nos amis britanniques. Quelles seront les conditions de débarquement des captures des navires français dans les ports britanniques, comme les conditions de transport en France ? Enfin, la question des droits de douane, qui ne concerne pas la seule pêche, est ouverte.
Quelles mesures peut-on envisager, à Bruxelles comme à Paris, pour accompagner la nouvelle stratégie de la pêche française ? Comment soutenir l'ensemble de nos entreprises ? Nous avons soulevé ces problèmes avec votre collègue Didier Guillaume, bien sûr, mais ils concernent également ce beau ministère de l'Europe et des affaires étrangères.
La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Je connais, monsieur le député, votre attachement à la cause des pêcheurs bretons – vous n'ignorez pas que le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, le partage.
La mobilisation du Gouvernement, notamment du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, du ministre de l'agriculture et de la secrétaire d'État aux affaires européennes, est totale : nous mesurons l'importance de la pêche pour l'activité économique française, et nous savons ce qu'elle représente pour de nombreuses familles.
La sortie ordonnée du Royaume-Uni de l'Union reste le scénario privilégié par le Gouvernement ; c'est pourquoi nous avons accepté une nouvelle extension de la période de négociation jusqu'au 31 janvier prochain, afin de permettre l'aboutissement du processus engagé au Royaume-Uni pour ratifier l'accord de retrait. Celui-ci prévoit une période de transition, jusqu'au 31 décembre 2020, pendant laquelle le droit européen continuera de s'appliquer au Royaume-Uni, y compris dans le domaine de la pêche, et qui sera mise à profit pour négocier le cadre de la relation future avec le Royaume-Uni.
Il faut le dire, le Brexit, c'est perdant-perdant : perdant pour le Royaume-Uni, perdant pour les États membres de l'Union européenne. Nous devrons rester proches dans de nombreux domaines, dans celui de la pêche notamment, mais aussi dans le domaine militaire, par exemple, parce que nous avons beaucoup à construire ensemble.
Le Gouvernement et l'Union se sont toutefois préparés à tous les scénarios, y compris à celui d'une sortie sans accord, dite « Brexit dur ». Des mesures d'urgence ont été adoptées pour limiter autant que faire se peut les effets négatifs d'une telle éventualité. Ainsi, dans le domaine de la pêche, des règlements européens ont été modifiés pour permettre aux navires européens de continuer leurs activités dans les eaux britanniques, et vice versa – si le gouvernement britannique y est ouvert, et sur la base d'une stricte réciprocité. Par ailleurs, le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche – FEAMP – pourra être mobilisé afin de permettre l'indemnisation de la cessation temporaire d'activité, si par malheur de telles situations devaient survenir.
Bien entendu, nous espérons ne pas devoir en arriver là. La sortie ordonnée du Royaume-Uni reste le scénario central.
Enfin, quelles que soient les modalités de sortie, il conviendra, après le Brexit, de négocier les conditions de la relation future à long terme avec le Royaume-Uni. L'une de nos priorités sera de préserver l'accès des pêcheurs français et européens aux eaux britanniques et aux stocks halieutiques car, les chiffres que vous avez donnés le montrent, c'est une question essentielle pour eux. Plus généralement, nous devrons maintenir des règles de concurrence loyale avec le Royaume-Uni.
La défense des intérêts de nos pêcheurs restera l'une des grandes priorités françaises dans les négociations du Brexit. Nous savons pouvoir compter sur vous et sur l'ensemble de la représentation nationale pour être à ce rendez-vous si crucial pour l'avenir de toute la profession.
Merci de cette réponse, monsieur le secrétaire d'État.
Je suis convaincu que les intérêts de la France et de la Grande-Bretagne continueront de converger dans de nombreux domaines ; j'espère que la négociation sera concluante.
Je me permets d'insister sur un point : si nous parlons à juste titre des pêcheurs, c'est bien toute la filière, de l'amont à l'aval, qu'il faut prendre en considération. En Bretagne, elle comprend 600 entreprises et 17 000 emplois : un emploi en mer, ce sont quatre emplois à terre. C'est un écosystème auquel je suis très attaché.
Enfin, Lorient dispose d'une station de l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer – l'Ifremer – qui participe de cet écosystème : les scientifiques travaillent à bord des navires pour collecter des données sur les traits de chalut, afin de bâtir une pêche durable qui respecte la biodiversité et les stocks halieutiques tout en permettant le développement de l'activité. C'est donc bien d'une approche globale qu'il est question.
Je vous fais bien évidemment confiance pour mener une négociation gagnant-gagnant à Bruxelles. Merci encore, monsieur le secrétaire d'État ; vous êtes le bienvenu à Lorient.
La parole est à Mme Brigitte Liso, pour exposer sa question, no 830, relative à l'évaluation de l'application de la convention d'Istanbul.
La France a ratifié en 2014 la convention d'Istanbul, qui vise à lutter contre toutes les formes de violence à l'égard des femmes en érigeant des standards minimaux en matière de prévention, de protection des victimes et de poursuite des auteurs. Comme vous le savez, cette convention est un texte majeur pour la poursuite de ce combat que nous voulons tous ici mener.
Aujourd'hui, cette convention est souvent évoquée dans le débat public lorsqu'il s'agit d'inciter nos voisins européens à la ratifier ; car, si quarante-six États l'ont signée, onze ne l'ont toujours pas ratifiée, et nous devons rester mobilisés.
Il me semble néanmoins nécessaire de soulever un autre sujet tout aussi important : l'évaluation de la mise en oeuvre de ces engagements. La convention impose aux parlements nationaux, et donc à l'Assemblée nationale, de participer au suivi de la mise en oeuvre des dispositions, avec l'aide du groupe d'experts sur la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique, le GREVIO. Ce groupe publie chaque année un rapport d'évaluation pour chaque pays ayant ratifié la convention et émet, le cas échéant, des recommandations générales sur des thèmes précis.
En ce qui concerne la France, le GREVIO a, fin novembre, publié un rapport très positif portant sur l'année 2019. Celui-ci salue en effet la détermination des autorités françaises à renforcer la prévention et la répression des violences faites aux femmes. Le Grenelle contre les violences conjugales est cité comme une avancée fondamentale ; nous nous en félicitons.
Le rapport contient néanmoins quelques recommandations : accroître le nombre de dispositifs d'hébergement spécialisé pour les femmes et leurs enfants ; améliorer la formation des professionnels ; ou encore créer des dispositifs juridiques afin de protéger les femmes des violences économiques. Par ailleurs, le GREVIO regrette l'application partielle de certaines dispositions, s'agissant notamment de la protection des enfants victimes de violences, ou de l'élimination des risques de violences après une séparation.
Depuis deux ans, le Gouvernement a accompli beaucoup en matière de lutte contre les violences faites aux femmes, faisant de l'évaluation des politiques publiques le fil rouge de son action. C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'État, je vous demande de nous éclairer sur les dispositions prises par le Gouvernement pour répondre aux préoccupations du GREVIO. Enfin, comment prévoyez-vous d'évaluer l'ensemble des dispositions prises depuis le début du quinquennat s'agissant de la lutte contre les violences faites aux femmes et à leurs enfants ?
La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Je vous remercie vivement, madame la députée, pour cette question portant sur un sujet extrêmement important que le Président de la République a souhaité, dès 2017, ériger en grande cause du quinquennat. J'ajoute que la logique d'évaluation est toujours une logique saine pour s'assurer que les résultats soient au rendez-vous. C'est pourquoi toutes les recommandations du GREVIO seront étudiées avec attention par le Gouvernement, et notamment Marlène Schiappa, la secrétaire d'État chargée de ces questions.
Plusieurs mesures ont été prises à la suite du Grenelle dédié à ce sujet. Annoncées par le Premier ministre il y a quelques jours, elles permettront d'apporter des réponses à certaines des recommandations du GREVIO. Parmi cette batterie de mesures figure l'audit des conditions d'accueil des femmes victimes de violences, qui a déjà concerné 130 services de police et brigades de gendarmerie. La grille d'évaluation du danger destinée aux brigades et commissariats a également été achevée, puis diffusée. Le Parlement a adopté à la quasi-unanimité la généralisation du bracelet anti-rapprochement. Les chambres d'urgence sont en cours de déploiement dans certains tribunaux, avec pour mission d'assurer le traitement le plus court possible des procédures judiciaires.
Par ailleurs, n'oublions pas qu'un appel à projets a été lancé concernant la prise en charge des auteurs de violences : 2 millions d'euros ont été débloqués, l'objectif étant de créer deux centres par régions. Il existe aussi une plateforme téléphonique, le 3919, dont nous étendrons les horaires de fonctionnement et que nous rendrons plus accessible aux personnes en situation de handicap. Plus de quatre-vingts postes d'intervenants sociaux vont également être créés dans des commissariats et gendarmeries. Enfin, un plan vise à développer les espaces de rencontre : 30 millions d'euros supplémentaires seront mobilisés d'ici 2022 afin de mieux mailler le territoire de ces lieux neutres protégeant les mères et leurs enfants en cas de séparation.
La détermination du Gouvernement à agir sur la question des violences faites aux femmes est donc intacte, tant pour améliorer notre système législatif que pour mettre en oeuvre des mesures concrètes sur le terrain.
Au-delà de ces dernières – et je parle au nom du ministère de l'Europe et des affaires étrangères – , le Gouvernement a également à coeur de faire de cet engagement féministe une priorité de notre diplomatie. Ainsi, la France a profité de sa position de présidente du G7 et du Comité des ministres du Conseil de l'Europe pour faire la promotion de la Convention d'Istanbul. Nous nous réjouissons à cet égard que l'Irlande ait ratifié le traité le 8 mars dernier. Nous menons par ailleurs auprès d'États non-membres du Conseil de l'Europe une campagne de ratification qui commence à porter ses fruits, la Tunisie ayant déposé une demande formelle d'adhésion à la Convention, alors que plusieurs autres États ont fait part de leur intérêt.
Voilà les éléments que je tenais, madame la députée, à porter à votre connaissance, montrant que la France entend rester à l'avant-garde pour le bien des femmes, aussi bien au niveau national qu'international.
Je vous remercie, monsieur le ministre. Mon propos visait effectivement à inciter la France – mais elle s'y emploie déjà – à convaincre les pays n'ayant pas encore ratifié cette convention de le faire. Compte tenu de la volonté dont le Gouvernement fait preuve, je ne doute pas que ce très bel outil nous permettra d'accomplir de grandes choses.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix heures cinq, est reprise à dix heures dix.
La parole est à M. Philippe Vigier, pour exposer sa question, no 845, relative à la création de réseaux d'initiative publique d'infrastructures télécom mobile.
Chacun sait que parmi les différentes fractures que connaît notre pays, certaines sont liées au numérique et à la téléphonie. S'agissant du numérique, je tiens à saluer les décisions prises par le Gouvernement et rappeler à l'Assemblée qu'elles ont permis une accélération du déploiement des réseaux numériques et de l'internet très haut débit, en particulier grâce à l'exonération, au bénéfice des opérateurs, de l'imposition forfaitaire pour les entreprises de réseaux fixes – IFER. Nous commençons, dans tous nos territoires, à mesurer leurs effets positifs.
Reste la question de la téléphonie mobile. Monsieur le ministre chargé de la ville et du logement, vous avez été un des ambassadeurs qui ont favorisé la conclusion du fameux « new deal mobile ». Un tel accord était indispensable compte tenu du retard que nous accusons en matière de déploiement de la 4G. Ainsi, au moment où le Gouvernement lance une consultation pour l'attribution des licences 5G, certains territoires ne sont toujours concernés que par la 2G ou la 3G, voire ne sont pas du tout desservis s'ils se trouvent éloignés des grandes voies de communication – comme les autoroutes ou les lignes à grande vitesse – où se concentrent les antennes relais.
Si je prends l'exemple de mon département, le new deal mobile y prévoit la construction de vingt et un pylônes au cours des cinq à huit années à venir afin d'améliorer la desserte. Or le compte n'y est pas : selon l'évaluation précise que nous avons effectuée avec le président du département d'Eure-et-Loir grâce à l'aide d'entreprises spécialisées, près d'une centaine de pylônes seraient en réalité nécessaires. La même situation peut être observée en de nombreux points du territoire national.
Nous ne pouvons pas expliquer à la population du département qu'elle devra attendre cinq, voire dix ans pour bénéficier de la 4G alors que d'autres territoires – en particulier les métropoles – vont bientôt accéder à la 5G !
Je souhaiterais donc savoir si le Gouvernement pourrait être favorable à la création de réseaux d'initiative publique d'infrastructures de télécommunications mobiles. Associant l'État, en tant que régulateur, à des opérateurs et des collectivités – départements, régions ou intercommunalités – , ils permettraient une mutualisation des moyens susceptible d'accélérer le déploiement des antennes relais et ainsi d'apporter une réponse rapide à nos concitoyens. La téléphonie, c'est la fin de l'isolement ; son développement permettra de réduire une de ces fractures tant redoutées dont souffre le pays et dont les effets sont de plus en plus visibles.
Monsieur le député, je vous remercie de vos propos : il est vrai que nous avons accéléré le déploiement des réseaux numériques. Songez qu'en 2019, nous en serons à 4 millions de prises raccordables supplémentaires, soit le double du chiffre réalisé il y a deux ans !
Le new deal mobile est l'un des principaux sujets que j'ai eu à traiter à mon entrée en fonctions. Qui peut accepter que dans certaines zones d'habitation, il soit encore nécessaire d'aller au fond du jardin et de lever le bras pour espérer capter un faible signal ? Personne ! Or pour y remédier, il fallait profondément changer la donne – c'est-à-dire changer les habitudes, y compris celles de l'État. En effet, jusqu'à présent, l'État octroyait les fréquences en les mettant aux enchères, ce qui conduisait évidemment les opérateurs de téléphonie à couvrir en priorité les zones les plus denses, le critère financier étant le seul pris en compte. C'est cela que nous avons changé.
J'ai signé ce new deal en janvier 2018. Au moment où je vous parle, un peu plus d'un an et demi après, 5 117 communes sont passées des anciennes technologies – 2G et 3G – à la 4G. À la fin de l'année 2020, 10 000 communes au total auront opéré ce basculement.
Par ailleurs, nous avons lancé un programme de couverture des « zones blanches », dont vous avez souligné la persistance. Plus de 1 170 zones blanches sont en cours de traitement. Chaque année, le traitement de 700 à 900 zones blanches supplémentaires sera engagé. Les principaux axes routiers et ferroviaires seront également traités. Dans votre département, la construction d'une vingtaine de pylônes a effectivement été jugée nécessaire. Certes, il en faudrait davantage encore.
J'insiste sur deux points. Premièrement, pour vous donner une idée de la portée du new deal, celui-ci débouchera sur l'installation de près de 12 000 pylônes supplémentaires. Ces installations s'ajouteront à celles qui résulteront de l'activité normale des opérateurs de téléphonie.
Deuxièmement, vous avez demandé très clairement, monsieur Vigier, si l'État soutiendrait d'autres initiatives, prises par exemple par le département, pour accélérer encore le processus d'accompagnement, au-delà du new deal. La réponse est mille fois oui. De mon côté, grâce au new deal, j'ai réussi à obtenir des opérateurs 12 000 pylônes supplémentaires. C'était nécessaire, et je m'en réjouis. Si d'autres acteurs obtiennent des opérateurs qu'ils aillent encore plus loin, je puis vous assurer que je serai à leurs côtés.
Vous avez fortement accéléré la mise en oeuvre de cette politique, monsieur le ministre, et je tiens à le saluer. Simplement, il nous faut désormais un véhicule législatif pour autoriser la création de réseaux d'initiative publique, car c'est le meilleur moyen de mutualiser l'action des opérateurs. Cela permettrait de passer de vingt à cent le nombre de pylônes pouvant être érigés en Eure-et-Loir. En outre, comme on ne pourra pas dire que le Gouvernement n'a pas agi, les collectivités seraient face à leurs responsabilités.
La couverture convenable du territoire et, surtout, l'accès de nos concitoyens à la téléphonie mobile sont-ils, oui ou non, une priorité absolue ? Il s'agit, je le répète, d'une des grandes fractures qui traversent notre pays. La mesure que je préconise serait un bon moyen d'avancer. Je vous remercie de votre réponse. Nous sommes à vos côtés pour accélérer le mouvement.
La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour exposer la question no 852 de M. David Habib, relative au projet de destruction, à Mourenx, de la tour dite des Célibataires.
En lieu et place de mon collègue David Habib, je souhaite vous interroger, monsieur le ministre chargé de la ville et du logement, sur le projet de destruction de la tour dite des Célibataires à Mourenx, dans les Pyrénées-Atlantiques, et, plus largement, sur le dossier du renouvellement urbain de cette ville.
Sous la pression de la mairie de Mourenx, la Société nationale immobilière souhaite détruire la tour dite des Célibataires, élément du patrimoine historique et symbole reconnu de la ville. Or ce projet n'a fait l'objet d'aucun débat ni d'aucune consultation de la population. Il n'est adossé à aucun financement connu, et aucune compensation n'est prévue pour les locataires habitant la tour. Un tel projet ne pourrait se concrétiser si la ville de Mourenx était encore éligible aux dispositifs de la politique de la ville.
Avant 2014, Mourenx avait pu engager un plan stratégique du patrimoine et mobiliser une enveloppe de 30 millions d'euros pour mettre en oeuvre un grand projet urbain.
À partir de 2008, en partenariat avec l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, ont été menées des opérations de rafraîchissement du parc de logements, de démolition de tours et d'immeubles, de rénovation et de reconstruction du bâti. Les crédits obtenus ont également contribué à financer la création d'une médiathèque et d'une maison de l'enfance. Ces réalisations ont permis de changer la nature d'une cité construite en 1958, qui fut l'une des premières villes nouvelles de notre pays.
Toutefois, en 2014, la ministre chargée de la ville a décidé de retenir, dans le cadre d'un nouveau zonage, une liste de 1 300 quartiers situés dans 700 communes. Depuis lors, Mourenx ne peut plus bénéficier des crédits alloués aux quartiers dits prioritaires. Elle fait ainsi partie des 300 communes qui ont été injustement exclues de ce dispositif, en raison d'un niveau de ressources par habitant légèrement supérieur au seuil défini. Elle ne pourra pas non plus bénéficier des dispositifs qui auraient pu naître du plan Borloo, tristement enterré par le Gouvernement.
Alors que la ville se paupérise et se dégrade, on ne peut se résoudre à ne pas poursuivre le travail de mutation structurelle engagé. C'est pourquoi je demande, au nom de mon collègue David Habib, l'arrêt du projet de destruction de la tour dite des Célibataires et le reclassement de la ville de Mourenx en zone prioritaire, dans la perspective du lancement d'un second plan de requalification urbaine. C'est, pour la ville, le seul moyen de bénéficier à nouveau d'aides à la rénovation du bâti et à la construction de nouveaux logements. C'est aussi l'un des seuls moyens de bénéficier de crédits de fonctionnement au profit du tissu associatif, notamment le centre social de Mourenx, et des différents dispositifs d'insertion professionnelle et d'aide aux familles.
Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, M. Habib vous demande de vous saisir de ce dossier et de lui indiquer quels dispositifs le Gouvernement compte mettre en oeuvre pour les villes qui, comme Mourenx, sont sorties du dispositif et ne bénéficient plus d'aides dont elles ont pourtant cruellement besoin aujourd'hui.
Vous avez évoqué, madame Pires Beaune, un cas général et une situation particulière.
Le cas général, c'est la sortie de plusieurs quartiers, en 2014, de la géographie prioritaire de la politique de la ville. La ministre de l'époque avait effectivement établi une nouvelle liste, fondée sur un certain nombre de critères. À compter de cette date, certaines villes et quartiers n'ont plus été considérés comme prioritaires. Tel a été le cas de Mourenx, qui incluait auparavant une zone urbaine sensible.
Je ne juge pas des raisons qui ont conduit à cette réforme, mais il est faux de dire qu'aucun accompagnement spécifique n'a été mis en place alors pour les quartiers qui sortaient du dispositif – je le dis avec d'autant plus de force que la décision a été prise non pas par moi, mais par l'un de mes prédécesseurs. En effet, il convient de préciser que ces quartiers ont fait l'objet d'une « veille active », dispositif qui a le mérite d'exister, même s'il n'est pas toujours suffisant. Au titre de cette veille active, le ministre chargé de la ville et du logement que je suis peut agir à tel ou tel endroit, de manière très précise, en mobilisant un certain nombre d'outils, mais certes pas autant que lorsqu'il s'agit d'une zone prioritaire.
Le cas particulier que vous avez évoqué, c'est la destruction de la tour dite des Célibataires, à Mourenx. À cet égard, je tiens à rappeler très clairement que, comme pour tout projet de démolition de logements sociaux, le propriétaire de l'immeuble est dans l'obligation d'obtenir l'autorisation du représentant de l'État dans le département. Or, à ce jour, aucune demande officielle n'a été formulée auprès de celui-ci. J'indique donc à M. Habib, par votre truchement, que le préfet est à sa disposition pour discuter avec lui et toutes les personnes qui contesteraient le projet.
Vous avez estimé qu'il était nécessaire de disposer d'un certain nombre d'outils d'accompagnement dans de telles opérations. À ce sujet, il faut avoir deux choses en tête.
Premièrement, en matière de logement, il convient d'étudier le projet territorial dans sa globalité, notamment les mesures prises pour lutter contre la vacance constatée dans certains immeubles, y compris, parfois, de logements sociaux.
Deuxièmement, nous avons considérablement renforcé les dispositifs destinés à accompagner les bailleurs sociaux dans leurs projets de réhabilitation et de rénovation, mais aussi de destruction. Je n'entre pas dans le détail ; je suis à votre disposition pour en discuter.
La parole est à M. Sébastien Huyghe, pour exposer sa question, no 841, relative à l'accueil des gens du voyage dans le sud de la métropole lilloise.
Monsieur le ministre chargé de la ville et du logement, le sud-ouest de la métropole européenne de Lille est touché, depuis de nombreuses années, par des occupations illégales de terrains publics ou privés par des communautés de gens du voyage. Ces occupations s'accompagnent trop souvent de dégradations, de menaces, voire de violences à l'égard des riverains, des propriétaires de terrains ou, même, des élus. Le territoire en question, qui est limitrophe du Pas-de-Calais, se voit parallèlement dans l'obligation d'aménager 300 places en aires de grand passage et 55 places en aires d'accueil.
Or le territoire d'une bonne partie de ces communes se trouve partiellement ou totalement sur les champs captants qui alimentent la métropole en eau. Afin de préserver cette ressource particulièrement fragile, le préfet de région a demandé, au début de l'année, la sanctuarisation de ces terres. Les communes concernées ont donc été contraintes de renoncer à tout projet de développement. Elles ont ainsi dû faire une croix sur des aménagements nouveaux au service de leur population, sur des contournements routiers, voire sur l'arrivée de nouvelles entreprises.
Il semble évident que les projets d'aire d'accueil ou de grand passage sont eux aussi concernés. Le schéma départemental d'accueil et d'habitat des gens du voyage pour les années 2019 à 2025 précise d'ailleurs : « L'État veillera, sur les secteurs concernés par la préservation des champs captants, à faire porter la prescription par défaut sur les communes les moins impactées ».
Les communes qui se trouvent dans cette situation ne peuvent se conformer aux obligations fixées par la loi dite Besson sans contrevenir à la prescription préfectorale. Dès lors, monsieur le ministre, devons-nous considérer qu'elles seront dispensées de ces obligations ? Si tel est le cas, pouvez-vous me confirmer qu'elles pourront bénéficier d'une procédure accélérée en cas de stationnement illicite de communautés de gens du voyage ?
Par ailleurs, l'absence de coordination entre les schémas départementaux du Nord et du Pas-de-Calais est source d'incohérences. La commune de La Bassée, située dans le Nord, qui est dans l'obligation de créer une aire de grand passage de 150 places, est de facto concernée par le projet d'aire d'accueil de la commune de Douvrin, située dans le Pas-de-Calais. En effet, cette aire d'accueil serait réalisée à proximité immédiate du centre-ville de La Bassée.
Le schéma départemental pour les années 2019 à 2025 rappelle que la coordination doit être assurée par les services de l'État. Pour indispensable qu'elle soit, cette coordination est inexistante à ce jour. Pouvez-vous m'indiquer, monsieur le ministre, quelles actions vous entendez engager afin de la favoriser ?
Je réponds aux différentes questions que vous avez posées, monsieur Huyghe.
Premièrement, le processus de révision du schéma départemental d'accueil et d'habitat des gens du voyage – ces schémas ont été prévus par la loi dite Besson, que vous avez mentionnée – a été engagé, dans le Nord, en janvier 2018. Il a donné lieu à une large concertation, à l'occasion de conférences territoriales qui se sont tenues dans plusieurs arrondissements du département – j'imagine que vous y avez participé. Je peux en tout cas vous rassurer sur un point : la question de la préservation des champs captants imposée à la métropole européenne de Lille a évidemment été prise en considération par le préfet du Nord dans le cadre de l'élaboration du futur schéma départemental.
Deuxièmement, il existe une différence entre les aires d'accueil et les aires de grand passage. Les premières ayant une vocation de longue durée, leur aménagement peut impliquer une imperméabilisation importante du site ; il n'en va pas de même pour les secondes. Je m'engage à ce que le futur schéma départemental comporte des préconisations et des prescriptions concernant les aires de grand passage. Je souhaite rassurer les élus locaux : le schéma intégrera l'ensemble des problématiques et ne laissera aucun établissement public de coopération intercommunale dans une situation de non-conformité avec ses obligations.
Troisièmement, s'agissant de la coordination interdépartementale, je tiens à vous indiquer que les préfets du Nord et du Pas-de-Calais ont engagé un travail de mise en cohérence des schémas départementaux. Le futur schéma départemental du Nord tiendra compte des caractéristiques géographiques des communes situées à proximité immédiate de communes du Pas-de-Calais et précisera, après échange avec le préfet du Pas-de-Calais, qu'une double solution pourra être recherchée, consistant à privilégier, d'une part, la notion de secteur dont relève la commune considérée et, d'autre part, une logique interdépartementale avec le Pas-de-Calais. Nous essaierons de faire preuve du plus grand pragmatisme. Dans le cas que vous avez cité, cela supposera, outre l'engagement de la commune concernée, un consensus avec les autres communes des deux départements situées dans le même secteur.
Les deux préfets de département sont mobilisés. Ils sont à votre disposition pour approfondir la question et répondre à vos inquiétudes.
Puissiez-vous être entendu, monsieur le ministre ! Je me dois de vous signaler le grand émoi ressenti par les maires du secteur en raison du télescopage, si je puis dire, entre les différentes obligations qui incombent aux territoires, en particulier lorsque ceux-ci sont limitrophes d'un autre département.
Cette question m'offre l'occasion d'élargir le propos : votre majorité a malheureusement vidé de sa substance une proposition de loi sénatoriale portant sur les gens du voyage. Je voudrais que nous examinions de nouveau ce sujet. En effet, les occupations illégales ne cessent de prendre de l'ampleur, et on constate une montée des tensions qui risque d'aboutir à des violences.
J'ai déjà appelé l'attention du Gouvernement sur le paroxysme que ces tensions atteignent : il est tel que nous aurons un jour un mort à déplorer, dans la communauté des gens du voyage ou parmi les riverains. Il est nécessaire d'approfondir la législation pour résoudre ces difficultés.
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour exposer la question no 827 de Mme Huguette Bello, relative à l'expropriation foncière sur le site du Cap la Houssaye-Éperon.
La question de ma collègue Huguette Bello porte sur le projet d'acquisition foncière par le Conservatoire du littoral d'environ 150 hectares, à Saint-Paul de La Réunion, sur le site du Cap la Houssaye-Éperon.
Il s'agit d'un paysage exceptionnel de savane, déjà classé « espace naturel remarquable du littoral » et comme tel déclaré inconstructible.
Par le passé, le Conservatoire a acquis à l'amiable près de 200 hectares ; il s'engage à présent dans une procédure d'expropriation.
Les propriétaires concernés, soit une centaine de familles, sont évidemment favorables à la préservation et à la valorisation de ce paysage exceptionnel de savane ; néanmoins ils remettent en cause le protocole d'expropriation, à l'instar de l'ensemble des élus.
Ils déplorent que le Conservatoire ne respecte pas les engagements pris en 2001 auprès de l'ensemble des socioprofessionnels de La Réunion : mener au préalable un débat approfondi et ne pas mener au même moment l'enquête d'utilité publique et l'enquête parcellaire. À l'époque déjà, l'absence de concertation avait suscité une forte inquiétude. Près de deux décennies plus tard, non seulement il n'existe toujours pas de concertation, mais de plus les enquêtes sont menées conjointement.
En outre, la déclaration d'utilité publique est assortie d'un dossier d'enquête sommaire, dépourvu d'avis qualifiés, des délibérations des conseils d'administration du Conservatoire du littoral, de cartographies ou encore de solutions alternatives.
Le délai très court imparti à la double enquête publique, qui s'est déroulée entre le 1er et le 24 octobre dernier, n'a évidemment permis ni débat public ni concertation, et donne à cette procédure un caractère d'urgence qui ne se justifie pas, puisque la quasi-totalité de ces espaces sont inhabités et qu'ils sont – répétons-le – strictement inconstructibles.
Face aux difficultés rencontrées pour faire entendre leurs positions et propositions, les propriétaires se sont constitués en un collectif, pour demander l'instauration d'un véritable dialogue.
Le collectif souhaite également qu'un débat public ait enfin lieu sur ce projet environnemental d'envergure, qui concerne l'ensemble des Réunionnais ; en un mot, que soient respectés les engagements de 2001.
Monsieur le ministre, la population réunionnaise veut être associée aux décisions concernant l'avenir de ce site, et attend vos propositions en ce sens.
La savane du Cap La Houssaye, comme plus généralement celle de La Réunion, est infiniment précieuse pour la France, et au-delà pour la planète. Nous devons prendre toutes les décisions susceptibles de la préserver.
Beaucoup d'actions ont été accomplies en ce sens par le passé, vous l'avez dit, notamment les décisions prises en 2016, mais force est de constater qu'elles n'ont pas été suffisantes. Notre responsabilité est désormais d'avancer rapidement, en établissant un plan de sauvegarde très précis.
Ce paysage est en effet fortement menacé, à la fois par la progression rapide de l'urbanisation et par celle d'espèces exotiques envahissantes. La savane a vu sa superficie divisée par trois ces cinquante dernières années, ce que personne ne peut accepter.
Le classement du site en « espace naturel remarquable du littoral » n'a pas empêché la destruction d'une partie de sa superficie, si bien que de nouvelles mesures s'imposent. Pour les définir, nous devons partir des difficultés rencontrées.
La première est la structure foncière morcelée entre plus de cent propriétaires, qui rend difficile une gestion éco-pastorale capable de préserver ou de restaurer ces paysages de savanes.
Le Conservatoire du littoral a donc souhaité engager, après avoir recueilli l'avis favorable de la commune de Saint-Paul, une démarche d'expropriation sur 150 hectares, pour compléter les 200 hectares déjà acquis à l'amiable il y a vingt ans.
Votre question vise à définir de quelle manière s'assurer que la consultation soit menée à bien et que l'ensemble des acteurs locaux s'approprient la démarche.
De nombreux contacts ont été pris auprès des propriétaires fonciers concernés. En 2016, ils ont tous été informés des termes du projet et de la proposition qui leur était faite d'une acquisition amiable.
Quant aux procédures prévues par le code de l'expropriation que vous mentionnez, les propriétaires ont largement pu faire valoir leur avis pendant l'enquête publique d'octobre sur la base d'une notice explicative comprenant les cartes nécessaires à la bonne compréhension du projet ; 120 observations ont d'ailleurs été recensées.
Le commissaire-enquêteur remet aujourd'hui son rapport. Je peux vous assurer que les services de l'État maintiendront dans les prochains mois les contacts avec les auteurs des observations formulées, afin de définir le meilleur chemin vers cet objectif partagé qu'est la préservation de la savane et de son écosystème. Il passe à mon sens nécessairement par l'acquisition de ces parcelles.
Monsieur le ministre, la question qui vous est posée concerne l'aspect démocratique de la démarche. Vingt années se sont écoulées, comme vous l'avez dit, sans que les personnes concernées aient l'impression que des mesures étaient prises ; aujourd'hui vous soulignez l'urgence écologique – à raison – : en matière d'écologie et de climat, la situation nous impose d'agir rapidement. Cela ne signifie pas qu'il faille agir n'importe comment.
Ces derniers mois ont mis au jour l'existence d'une autre urgence dans notre pays, de nature démocratique. Les démarches administratives, notamment les enquêtes publiques, doivent permettre l'expression démocratique. Un collectif des propriétaires est désormais constitué à la Réunion : nous vous demandons de considérer que vous disposez maintenant d'un interlocuteur représentatif, grâce auquel vous pourrez agir certes rapidement, mais aussi efficacement et démocratiquement.
La parole est à Mme Stella Dupont, pour exposer sa question, no 833, relative à l'hébergement d'urgence dans les territoires.
À l'approche de la trêve hivernale, le Gouvernement a annoncé la création de 14 000 places d'hébergement d'urgence supplémentaires, réparties dans l'ensemble du territoire français. Plus de 100 millions d'euros supplémentaires y sont consacrés, faisant passer à 2 milliards d'euros le budget de l'hébergement d'urgence. Ce dispositif d'ampleur est similaire à celui déployé l'an dernier, et doit atteindre son plein régime en cas de grand froid.
Le principe d'inconditionnalité de l'accueil impose que la recherche de solutions prenne en considération le nombre de places disponibles et la vulnérabilité des personnes concernées. Une attention toute particulière est portée aux publics prioritaires que sont les personnes vulnérables, comme les femmes victimes de violences ou les familles avec enfants en bas âge.
Le plan grand froid doit donc permettre d'augmenter le nombre de places et d'affronter les situations de tension que connaissent les services de l'État, les collectivités et les associations, qui font tout leur possible.
Les places supplémentaires sont donc ouvertes en cas de grand froid et sont « temporaires ». Elles s'ajoutent aux 146 000 places d'hébergement d'urgence disponibles toute l'année.
Il s'agit bien sûr d'un effort bénéfique, d'autant que le nombre de personnes qui se retrouvent à la rue croît sensiblement, selon les données recueillies par le 115.
Dans mon département du Maine-et-Loire, je constate que malgré les efforts des services de l'État et de l'ensemble des acteurs, on dénombre tous les soirs des appelants au 115 pour lesquels aucune solution n'est trouvée, dont parfois des familles, des enfants, des femmes enceintes.
Le Maine-et-Loire dispose de 524 places d'hébergement d'urgence et une centaine de places d'hôtel sont également mobilisées. Malgré ces moyens, une vingtaine de personnes chaque jour restent à la rue ; ce sont donc une vingtaine de places qui manquent chaque jour pour répondre aux besoins de la ville d'Angers.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer combien de ces 14 000 places prévues par le plan hivernal seront attribuées au Maine-et-Loire ? Le fléchage fait-il l'objet de concertations régulières avec les associations qui agissent sur le terrain ?
En outre, combien d'entre elles seront pérennisées après le 31 mars 2020 et comment seront-elles réparties ? Je rappelle que 6 000 places ont été pérennisées l'an dernier.
Enfin, et plus globalement, quelles solutions sont prévues pour les grands exclus, ces sans-abri qui ont renoncé à appeler le 115 pour demander un hébergement ?
J'ai visité tout récemment à Angers une pension de famille gérée par Adoma. Il s'agit d'un dispositif de logement accompagné extrêmement intéressant pour les personnes qui y vivent, et relativement peu coûteux pour l'État, même si des améliorations seraient certainement à apporter. Ces pensions de famille ont-elles vocation à se développer, en Anjou notamment ?
Madame la députée, vous évoquez un sujet d'une immense importance ; le manque de logement est malheureusement le reflet de nombreux maux de notre société. Personne n'est à la rue par choix ; la rue tue, beaucoup, l'été comme l'hiver. Personne ne peut accepter qu'au moment où je vous parle, des femmes et des enfants dorment dans la rue. Que faut-il faire pour y remédier ?
Premièrement, déployer un effort massif pour mettre à l'abri celles et ceux qui en ont besoin – c'est le rôle de l'hébergement d'urgence. Le dispositif dont j'ai la responsabilité ouvre en ce moment chaque soir, en lien avec les élus locaux et les associations, environ 150 000 places, soit l'équivalent de la ville du Mans. Tous les soirs, je gère l'équivalent de la ville du Mans pour accompagner celles et ceux qui en ont besoin.
Depuis deux ans que j'ai la charge de ce sujet dans le Gouvernement, j'ai pérennisé 15 000 places supplémentaires – c'est quasiment autant que durant l'ensemble du précédent quinquennat. Je ne m'en félicite aucunement ; je veux seulement souligner l'urgence de la situation.
Malgré cet effort, des milliers de personnes dorment encore dans la rue, parfois des enfants, parfois des femmes. Le combat doit donc continuer, avec une immense détermination, pour que les places qui manquent ouvrent. J'ai annoncé 14 000 places supplémentaires pour les périodes de grand froid.
Au 1er décembre, 7 400 places hivernales supplémentaires étaient ouvertes au niveau national, dont 2 900 en Île-de-France et un peu moins de 400 dans votre région, les Pays de la Loire.
Vous évoquez le formidable dispositif que constituent les pensions de famille, faisant le lien avec l'autre versant de notre politique. Face à l'urgence de la situation, des solutions pérennes doivent être apportées : il s'agit de sortir les gens de l'hébergement d'urgence pour leur proposer un vrai logement, une adresse, un toit.
C'est le sens de la politique du logement d'abord, à laquelle contribuent des associations et des élus locaux – une vingtaine de grandes villes participent à l'initiative que nous avons lancée. L'année dernière, ces mesures ont permis d'extraire 70 000 personnes de la rue ou d'un habitat précaire.
Les pensions de famille font partie des solutions : je veux mettre la même énergie dans le développement de la politique du logement d'abord, en lien avec les élus locaux et les associations, que dans l'ouverture d'un nombre toujours plus important de places d'hébergement d'urgence. Les deux sont nécessaires pour mettre fin à la spirale infernale que connaissent ceux qui entrent dans un hébergement d'urgence, y restent quelques jours, en sortent, et appellent à nouveau.
Je le répète : il faut agir sur ces deux leviers. Dans le budget que vous avez adopté, nous leur avons consacré 100 millions d'euros supplémentaires pour pouvoir accompagner et accélérer les projets, notamment en fléchant une partie des financements vers les pensions de famille.
Vous le voyez, nous faisons preuve d'autant de détermination que d'humilité, compte tenu de la gravité de la situation, mais nous ne lâcherons rien, car, chaque fois qu'une personne dort dans la rue, c'est, pour notre société, un échec que personne ne peut accepter. Nous agissons donc avec force sur ces deux leviers et nous continuerons à le faire toute l'année, sans nous limiter à la période hivernale, car, je le répète, la rue tue aussi pendant l'été.
Je vous remercie pour ces informations nationales, mais aussi régionales, puisque 400 places « grand froid » sont d'ores et déjà ouvertes dans les Pays de la Loire – ma question concernait en particulier la situation de l'Anjou.
Les pensions de famille répondent aux aspirations des personnes qui y vivent et que j'ai pu rencontrer. Elles apportent de la sérénité et donnent une place à chacun. Je souhaite donc leur développement et je vous accompagnerai en ce sens.
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour exposer la question no 825 de Mme Marie-George Buffet, relative au mal-logement en Seine-Saint-Denis.
Le fléau que représente le mal-logement dégrade considérablement les conditions de vie des habitants du département de Seine-Saint-Denis, et il ne cesse de croître. Ce département détient le triste record du nombre de logements indignes dans la région francilienne. Vous connaissez parfaitement le sujet : on estime qu'environ 30 000 logements privés, soit environ 7,5 % des résidences principales privées, seraient insalubres, dangereux ou trop petits.
Le Premier ministre a annoncé le 31 octobre dernier le recrutement de cinq inspecteurs chargés du logement indigne en renfort des deux inspecteurs déjà en poste. Si cette mesure permettra d'identifier plus rapidement les logements insalubres, elle devra s'accompagner de moyens supplémentaires pour rénover ou reloger rapidement les habitants concernés.
La Seine-Saint-Denis se trouve en zone tendue et cette situation profite aux marchands de sommeil qui se permettent de louer, dans des conditions inhumaines et au prix fort, des biens à celles et ceux qui n'arrivent pas se loger dans le parc social.
Pour endiguer le phénomène, les villes de Stains, de Saint-Denis et d'Aubervilliers ont instauré depuis le 1er janvier 2019, pour les propriétaires, un « permis de louer ». Il s'agit là d'un pas important, mais les collectivités ne peuvent agir seules. Elles doivent être accompagnées et confortées dans leurs pouvoirs.
Le mal-logement, ce sont aussi les pannes d'ascenseur à répétition que les bailleurs mettent parfois des mois à réparer. Ces pannes récurrentes entravent de nombreux habitants dans leur déplacement quotidien, quand elles n'empêchent certains de sortir de chez eux.
Les récentes mesures prises par le Gouvernement n'ont pas contribué à enrayer la situation. La baisse des cinq euros de l'aide personnalisée au logement, répercutée par les bailleurs, a affaibli leur trésorerie, alors qu'aucune économie n'a été demandée au parc locatif privé.
Monsieur le ministre, quels moyens allez-vous allouer concrètement aux collectivités territoriales et aux bailleurs pour lutter contre le mal-logement en Seine-Saint-Denis ?
Monsieur le député, je connais votre engagement, tout comme celui de Mme la ministre Marie-George Buffet dans la lutte contre les marchands de sommeil et le mal-logement, sujet compliqué, préoccupant et qui nécessite une mobilisation générale et transpartisane.
La présence de marchands de sommeil constitue, dans notre pays, un fléau en augmentation – ou du moins il l'était il y a deux ans et demi, lorsque j'ai pris mes fonctions. Depuis lors, grâce à la volonté et à la responsabilité de tous les groupes politiques – je me souviens des débats que nous avions eus ici même avec vos collègues Stéphane Peu et Marie-George Buffet, ainsi qu'avec les parlementaires de la majorité – , nous avons pris trois décisions essentielles.
La première a consisté à renforcer l'arsenal juridique permettant de lutter contre les marchands de sommeil. Ces criminels qui, forts d'un insolent sentiment d'impunité, utilisent la misère de certains pour s'enrichir, ne comprennent que les sanctions financières. C'est pourquoi, dans la loi ELAN – pour une évolution du logement, de l'aménagement et du numérique – votée il y a un peu plus d'un an, nous avons décidé que des dispositions juridiques identiques pourraient être prises contre eux et contre les trafiquants de drogue.
La présomption fiscale de revenus est un outil efficace. En outre, il est désormais possible de saisir des indemnités d'expropriation, pour mettre un terme à des schémas insensés que nous laissions perdurer jusqu'alors. Nous commençons à voir les premiers résultats de ces mesures. Plusieurs décisions de justice très fortes ont été prises contre les marchands de sommeil depuis le vote de la loi ELAN. Je salue le travail mené avec la chancellerie sur le sujet.
La deuxième décision concerne l'accompagnement de toutes celles et de tous ceux qui, se trouvant sous l'emprise des marchands de sommeil, craignent de les dénoncer. À cet égard, nous menons une double action. Tout d'abord, nous avons obligé les professionnels de l'immobilier, agents immobiliers ou syndics, à dénoncer – le mot dénonciation figure dans la loi ELAN – les marchands de sommeil. Ensuite, nous avons créé une plate-forme d'accompagnement, avec un réseau formidable, que vous connaissez : celui des ADIL ou agences départementales d'information sur le logement. Toute personne sous l'emprise d'un marchand de sommeil pourra joindre, en appelant le 0806 706 806, un interlocuteur qui l'accompagnera. En trois mois et demi, nous avons reçu plus de 3 000 appels, ce qui prouve l'ampleur du phénomène.
Les deux premiers piliers de notre stratégie consistent donc, d'une part, à traquer et à condamner les marchands de sommeil, et, d'autre part, à accompagner celles et ceux qui sont sous leur emprise, mais il y en a un troisième, que vous avez raison de souligner : la rénovation et l'accompagnement des travaux, auxquels il faut consacrer les moyens financiers.
Nous avons donc lancé un grand plan de lutte contre les copropriétés dégradées, où se retrouvent, nous le savons, beaucoup de marchands de sommeil – bien qu'aujourd'hui, ils pullulent également dans les pavillons divisés.
J'ai annoncé à Marseille un plan de 3 milliards d'euros, trois semaines avant le drame de la rue d'Aubagne. J'ai aussi demandé à l'ANAH – Agence nationale de l'habitat – de lutter en priorité contre l'habitat insalubre, ce à quoi nous consacrons plusieurs centaines de millions.
J'en viens à un dernier outil essentiel. Il existait un système complètement fou aux termes duquel les astreintes infligées par les élus locaux – qui étaient très difficiles à mettre en oeuvre et que nous avons par conséquent facilitées – étaient versées à mon budget, c'est-à-dire à celui de l'État. Ce n'était évidemment pas de bonne politique. Nous avons donc changé la loi. Depuis le 1er janvier, quand un élu local a le courage de prononcer une astreinte et que ses services vont frapper à la porte d'un marchand de sommeil, son montant est reversé à la municipalité, donc à la collectivité, ce qui lui permet de mener des travaux de rénovation ou d'accompagner et de renforcer son service de lutte contre l'habitat insalubre.
Tels sont les trois blocs sur lesquels je voulais insister. C'est avec beaucoup de détermination que nous menons la guerre – c'en est une – que nous avons déclarée de manière transpartisane aux marchands de sommeil.
Dans sa question, Mme la ministre Marie-George Buffet a insisté sur l'accompagnement des collectivités qui ont instauré des permis de louer.
C'est une mesure à laquelle je suis très favorable.
Cette disposition originale donne du sens au combat que vous avez décrit. Mme Buffet espère qu'en appui aux municipalités qui ont le courage de prendre ces dispositions, le Gouvernement complétera l'arsenal des mesures d'accompagnement qui existent déjà.
La parole est à M. Jean-Luc Lagleize, pour exposer sa question, no 846, relative à la réhabilitation des friches urbaines en logements.
Monsieur le ministre, j'ai remis le mois dernier un rapport portant sur la maîtrise des coûts du foncier dans les opérations de construction. Un des grands objectifs de ce rapport est d'optimiser le foncier disponible, notamment en requalifiant et en valorisant les friches en zones tendues.
Parmi mes préconisations figurent le recensement des friches et l'accélération de leur dépollution. Je sais que cet enjeu est une priorité du Gouvernement, qui l'a mis à l'ordre du jour du troisième conseil de défense écologique, lequel s'est réuni le 7 novembre dernier.
La réhabilitation des friches, qu'elles soient industrielles, commerciales, administratives, urbaines ou militaires, est un combat fondamental, notamment pour lutter contre l'artificialisation des sols, car optimiser des friches, c'est réutiliser du foncier déjà artificialisé plutôt que d'utiliser de nouvelles terres, et c'est créer des logements et de l'activité économique sans utiliser d'espaces nouveaux.
À la sortie du conseil de défense écologique, Mme Borne a annoncé un projet concret de réhabilitation de la friche Guillaumet – ex-CEAT, centre d'essais aéronautiques de Toulouse – et de l'ancienne école d'ingénieurs de l'ISAE, l'institut supérieur de l'aéronautique et de l'espace, à Toulouse.
Le CEAT appartient au ministère des armées depuis 1940 et il a conservé une activité dans le domaine de l'aérodynamique jusqu'en 2001, avant de se délocaliser vers des installations plus modernes à l'est de Toulouse. Ce site s'étend sur un espace total de plus de 16 hectares, à proximité du périphérique, à 1 kilomètre de la gare de Toulouse-Matabiau et il est desservi par deux stations de métro : Roseraie et Jolimont.
Depuis près de vingt ans, les collectivités territoriales souhaitent valoriser ce foncier considérable pour y réaliser un projet d'aménagement urbain conjuguant logements, commerces, bureaux et équipements de quartier.
Pourtant, plus de dix-huit ans après la cessation des activités militaires, et malgré de nombreuses délibérations de Toulouse Métropole, de réunions, d'ateliers publics et de phases de concertation, aucun logement n'a encore vu le jour.
Dans ce contexte, je souhaiterais connaître les intentions du Gouvernement pour faire aboutir ce projet toulousain dans les meilleurs délais, et plus généralement pour prendre à bras-le-corps l'enjeu majeur de la transformation des friches urbaines en logements.
Monsieur le député, vous avez mille fois raison de mettre en avant la question des friches, dont nous en avons parlé plusieurs fois, durant ces derniers mois. Ce n'est même pas le ministre du logement qui parle, mais l'ingénieur des eaux et forêts. On sait aujourd'hui que les friches sont un vecteur d'artificialisation des sols et que leur responsabilité est massive dans les drames que notre pays a connus, notamment ces dernières semaines, quand des écoulements d'eau ont provoqué des inondations.
Il faut absolument changer, et même changer de paradigme sur certaines questions d'aménagement du territoire. Au minimum, nous avons la responsabilité d'éviter que des friches qui, aujourd'hui, ne servent plus, n'aient un effet dévastateur sur le reste du territoire, du fait d'un écoulement des eaux sur des sols devenus imperméables.
J'ajoute que ces friches sont porteuses de désagréments écologiques massifs lorsqu'elles sont polluées. Nous avons évoqué ensemble, il y a quelques jours, ce problème que vous connaissez fort bien.
Enfin, elles constituent un défi en termes d'aménagement. J'ai demandé aux établissements publics d'aménagement de me présenter des propositions, pour savoir comment nous pourrions utiliser ces friches ou les parkings qui leur sont associés afin de transformer ces zones désertiques, aux effets néfastes bien connus, en zones utiles.
Je vous réponds donc mille fois oui, et soutiens mille fois l'action que vous menez, avec vos collègues, sur ce sujet. Je vous remercie enfin pour la qualité de votre rapport et pour la proposition de loi visant à réduire le coût du foncier et à augmenter l'offre de logements accessibles aux Français, qui a été adoptée à une immense majorité, il y a quelques jours, dans cet hémicycle.
En second lieu, vous avez évoqué plus particulièrement le site de Toulouse, qui a fait l'objet d'une annonce, de la part de ma collègue Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire, à l'issue du dernier conseil de défense écologique, pendant lequel le Président de la République lui-même a souhaité que la question des friches soit mise à l'ordre du jour.
Concernant l'ancien site militaire de Toulouse, je puis confirmer plusieurs points.
Tout d'abord, l'État cédera avant la fin de l'année le site de l'ancien centre d'essais aéronautiques à la métropole de Toulouse, qui a décidé d'y aménager un nouveau quartier conjuguant sur plus de 13 hectares logements, commerces, bureaux et équipements dans la nouvelle cité administrative de l'État.
D'autre part, comme celui-ci s'y était engagé en 2014, puis en 2017, en raison de la construction de logements sociaux dans ce programme mixte, la vente du terrain à la métropole bénéficiera d'une décote de quelque 12 millions, soit 45 % des 27 millions de la valeur vénale domaniale estimée par les services locaux du domaine. Vous le voyez : je suis capable de vous citer les chiffres, signe que le processus est engagé.
Le soutien de l'État au projet, en particulier celui du ministère des armées, qui supporte la décote, et celui de la politique d'aménagement de l'ancienne friche, permettra d'accompagner la métropole et d'implanter, côté État, la cité administrative que j'ai évoquée.
Enfin, dans l'intervalle – je parle sous votre contrôle – , la métropole a mis au point le projet avec l'aménageur, qu'elle a sélectionné et qui conduit actuellement les concertations pour concrétiser le plus rapidement possible le transfert de propriété de l'État à la collectivité.
Voilà ce que je tenais à vous dire sur ce sujet.
Effectivement, si l'échéance du 31 décembre était respectée, ce serait une très bonne nouvelle pour Toulouse et pour le quartier concerné. Ces quelque 1 200 logements en centre-ville sont attendus. Ils constitueraient une vraie manne, et apporteraient une bouffée d'air frais, dans un contexte d'inflation galopante des prix de l'immobilier toulousain.
La parole est à Mme Nathalie Bassire, pour exposer sa question, no 843, relative à la fusion de deux EPCI à La Réunion.
Le schéma départemental de coopération intercommunale a notamment pour objectif de renforcer la cohérence des périmètres des établissements publics de coopération intercommunale – EPCI – à fiscalité propre. La Réunion est le premier département au territoire entièrement couvert par des communautés d'agglomération ; elles sont au nombre de cinq.
Le schéma arrêté en 2016 par le préfet de La Réunion reprend pour l'essentiel les orientations fixées en 2011, et vise à renforcer la cohérence de l'intercommunalité dans la micro-région Sud. Dans ce cadre, la fusion de la communauté intercommunale des villes solidaires et de la communauté d'agglomération du Sud, qui est attendue depuis plus d'une douzaine d'années, est un objectif pertinent.
En effet, ces deux établissements publics s'inscrivent dans un même espace de vie et de solidarité. Toutefois, cette fusion est subordonnée à une nécessaire convergence des compétences de ces deux EPCI, particulièrement celles de l'eau et de l'assainissement – il s'agit d'une obligation à partir du 1er janvier 2020, en vertu des dispositions de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe.
Le projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique devrait faciliter le transfert de ces compétences, permettant à court terme une fusion des communautés précitées en une communauté d'agglomération, voire en une communauté urbaine. Les recettes seraient ainsi démultipliées et les moyens mutualisés, permettant de sensibles économies, de potentielles baisses des impôts locaux directs et indirects, ainsi que des redevances, au profit des familles du grand Sud de La Réunion.
Néanmoins, nous craignons que certains aillent à contre-courant de ce mouvement. Le repli sur soi et les retours en arrière contrediraient l'idée même d'intérêt général, empêchant la mutualisation des moyens, la rationalisation du service public et les économies d'échelle, gages d'une bonne gestion des deniers publics.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous assurer que le représentant de l'État dans le département de La Réunion veillera à empêcher que ces stratégies d'un autre temps ne fassent pas obstacle au progrès intercommunal, au détriment de l'intérêt général, évitant ainsi le gaspillage de l'argent public ?
Madame la députée, je vous prie tout d'abord d'excuser l'absence du ministre chargé des collectivités territoriales, M. Sébastien Lecornu, qui suit ce dossier avec attention.
Vous nous interrogez sur l'application du schéma départemental de coopération intercommunale de La Réunion, plus particulièrement sur le projet de fusion entre les deux EPCI que vous mentionnez dans votre question.
Je tiens en premier lieu à préciser que les articles 33 et 35 de la loi NOTRe prévoyaient la révision des schémas départementaux avant le 31 mars 2016, et leur application avant le 31 décembre 2016. Des procédures spécifiques avaient été prévues dans la loi, afin que ces délais soient respectés. Force est de constater que ce ne fut pas le cas. Que s'est-il passé ?
Le schéma départemental pour La Réunion préconisait que les deux communautés d'agglomération que vous mentionnez soient regroupées à l'horizon 2020. Aucune mesure n'ayant été prise au 31 décembre 2016, les règles de droit commun du code général des collectivités territoriales s'appliquent aujourd'hui à une éventuelle fusion des deux EPCI.
En vertu de ces règles, la fusion nécessite l'accord des deux tiers des conseils municipaux des communes membres des deux communautés d'agglomération, représentant soit plus de 50 % de leur population totale, soit 50 % au moins des conseils municipaux des communes représentant les deux tiers de la population totale. Par ailleurs, ces majorités doivent au moins comprendre un tiers des conseils municipaux des communes regroupées dans chacun des EPCI concernés par la fusion.
Dans ce contexte, l'aboutissement du projet de fusion est subordonné à un consensus entre les élus locaux. Là est la clé, puisqu'il faut obtenir la majorité. Cela étant, je suis tout à fait d'accord avec vous : le représentant de l'État doit accompagner l'émergence de ce consensus entre les collectivités.
En somme, je constate comme vous que la loi NOTRe n'avait pas été appliquée à l'époque, et que les règles de droit commun s'appliquent donc. Le consensus démocratique est important ; l'État sera là pour l'accompagner.
La parole est à M. Serge Letchimy, pour exposer sa question, no 850, relative aux finances des communes des collectivités d'outre-mer.
Monsieur le ministre chargé de la ville et du logement, les maires des communes d'outre-mer ne cessent de dénoncer la péréquation nationale qui leur est très défavorable, comme vous le savez. Le manque à gagner par rapport aux communes de l'Hexagone, dont le montant se situe entre 85 et 200 millions d'euros par an, explique les difficultés des collectivités d'outre-mer.
On estime ainsi que 84 % des communes de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Guyane sont en difficulté financière. J'en prends trois exemples. La commune de Basse-Pointe perd 300 000 euros de recettes, celle de Sainte-Marie, environ 900 000 euros, celle de Fort-de-France autour de 2 millions d'euros, alors que le taux de chômage global dans ces départements s'élève à environ 20 %, et celui des jeunes à environ 52 %.
Par ailleurs, l'absence de compensation de la contribution au redressement des finances publiques prélevée depuis 2012 a des effets catastrophiques ; elle représente une perte de recettes globale de 284 millions d'euros pour l'outre-mer.
Dans le même temps, paradoxalement, les dotations dont bénéficient les communes de l'Hexagone ont augmenté, de 600 millions d'euros pour la dotation de solidarité urbaine – DSU– et de 400 millions d'euros pour celle de solidarité rurale, accentuant l'écart avec les communes d'outre-mer.
Le Président de la République s'était engagé à prendre des mesures de rattrapage en faveur des outre-mer pour un montant de 85 millions d'euros d'ici à l'année 2020. Or le comité interministériel des outre-mer – CIOM – en a décidé autrement. Cet objectif ne sera donc finalement atteint qu'en cinq ans, et la somme affectée en 2020 ne sera que de 18 millions d'euros.
Monsieur le ministre, où est l'erreur ? Pourquoi ce traitement ? Les communes d'outre-mer et celles de l'Hexagone sont soumises aux mêmes règles comptables par les chambres régionales des comptes – ce que nous comprenons parfaitement – , pourtant, elles ne sont pas traitées de manière égale.
Je demande donc, premièrement, qu'un système de péréquation équitable soit rétabli, deuxièmement que le montant de la dotation d'aménagement des communes et circonscriptions territoriales d'outre-mer – DACOM – soit augmenté, en y intégrant le réajustement du montant du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales – FPIC.
Cela permettrait aux communes d'outre-mer de résoudre une double équation : celle du besoin de progrès et de développement, mais aussi celle de la lutte contre un sous-développement absolument insupportable.
Monsieur Letchimy, vous posez deux questions bien précises. Permettez-moi d'abord de vous répondre sur les propos du Président de la République que vous avez évoqués. Comme vous l'avez indiqué – je vous en remercie – , il a imposé le constat suivant : la péréquation ne permet pas de lutter contre les injustices ou les inégalités territoriales, dans un contexte où les dotations ne sont pas réparties de la même manière dans les territoires ultramarins et dans le territoire métropolitain.
Le Président a par ailleurs fixé une feuille de route afin qu'un rattrapage puisse avoir lieu à hauteur de 85 millions d'euros. Il peut y avoir des désaccords sur le chemin à parcourir pour parvenir à ce résultat ; l'essentiel est que votre propos ait été pris en compte, et au plus haut niveau de l'État, puisque le Président de la République lui-même partage ce constat, et a indiqué le chemin à suivre.
Aujourd'hui, les péréquations dont bénéficient les communes d'outre-mer dans le cadre de la dotation globale de fonctionnement – DGF – et du FPIC sont dérogatoires au droit commun, car elles sont calculées selon des critères très spécifiques. Je vous rappelle par exemple que les effets de la perception de la contribution au redressement des finances publiques n'ont pas été atténués de la même façon dans les communes de métropole et celles d'outre-mer.
Vous avez raison, en métropole, la péréquation est progressive, de manière à cibler les communes les plus fragiles, alors qu'en outre-mer, les règles de répartition, notamment de la DACOM ont conduit à attribuer les mêmes montants par habitant à toutes les communes. Cette différence, qui a ses justifications, explique que la péréquation ne s'applique pas de la même manière en métropole et en outre-mer, avec les conséquences que vous avez évoquées.
Quoi qu'il en soit, le Président de la République a pris un engagement : le niveau des dotations versées aux communes des départements d'outre-mer doit rattraper celui des autres communes. La démarche a été engagée dans le projet de loi de finances pour 2020, avec un objectif de versement de 85 millions d'euros sur cinq ans, fixé notamment à la suite des propositions du comité des finances locales.
En 2020, une première tranche d'un peu moins de 20 millions d'euros contribuera à ce rattrapage. Je souligne que les moyens nouveaux seront attribués dans leur intégralité à une dotation de péréquation ciblant prioritairement les communes les plus fragiles – car il faut qu'elles tirent en priorité les bénéfices du chemin que nous empruntons.
En outre, suite aux recommandations formulées par votre collègue Jean-René Cazeneuve et par le sénateur Georges Patient, dans le cadre de leur mission sur les finances des collectivités locales en outre-mer, cette dotation sera répartie en fonction d'indicateurs spécifiques de ressources, mais aussi de charges – tel que le nombre d'enfants par commune – , afin de prendre en compte au mieux les spécificités des besoins des communes d'outre-mer.
Le rapport que ces deux parlementaires remettront prochainement au Premier ministre contiendra d'autres propositions, nous permettant de poursuivre ce débat. Nous partageons les mêmes objectifs ; les divergences ne portent que sur le chemin pour y parvenir. Quoi qu'il en soit, nous voulons aller le plus vite possible.
Merci, monsieur le ministre, pour votre sincérité et la franchise de vos propos. Je demande simplement d'envisager d'étaler le versement sur deux ans et non sur cinq ans. Cela permettrait aux communes concernées de disposer de 20 millions d'euros immédiatement, puis de 60 millions d'euros l'an prochain. Vous respecteriez l'important engagement pris par le Président de la République.
La parole est à M. Pierre Cordier, pour exposer sa question, no 838, relative à la réduction de loyer de solidarité.
Depuis leur création, les sociétés HLM permettent à des millions de familles modestes de se loger. Or depuis 2018, le Gouvernement pioche près de 1,5 milliard d'euros par an dans les caisses des bailleurs sociaux. En effet, il a abaissé les allocations logement versées aux locataires du parc social, ce que les bailleurs sociaux ont été contraints de compenser en diminuant leurs loyers grâce au dispositif de réduction de loyer de solidarité – RLS. Cette réduction consentie par les bailleurs est attribuée sous conditions de ressources et dépend de la composition du foyer et de la zone dans laquelle le logement se trouve.
Avec la baisse généralisée de cinq euros des aides personnalisées au logement – APL – et la mise en place de la RLS, le Gouvernement a diminué les crédits du programme « Aide à l'accès au logement » de plus de 2 milliards d'euros entre les lois de finances initiales pour 2017 et 2019. Cette baisse se poursuivra en 2020, avec un effort supplémentaire de 1,4 milliard d'euros.
Le dispositif de réduction de loyer de solidarité a mis sous tension les finances des organismes HLM. Certains estiment l'impact à 1,7 milliard d'euros par an à terme, sachant que des dettes contractées dans le cadre des programmes menés à bien avec l'ANRU – l'Agence nationale pour la rénovation urbaine – n'ont pas encore été payées ou amorties.
En zone détendue, par exemple dans le département des Ardennes, pour entretenir les logements et assumer les frais de fonctionnement, les bailleurs sont obligés d'augmenter les loyers, afin de boucher les trous dans leur budget. Les locataires en sont les premières victimes, alors qu'ils doivent aussi faire face aux hausses des tarifs d'électricité, et de fioul pour le chauffage cet hiver. Je pense notamment aux habitants de Charleville-Mézières et de la Vallée de la Meuse, dans la circonscription où j'ai été élu.
Monsieur le ministre, cette politique étant in fine préjudiciable aux locataires, je souhaite savoir quelles mesures correctives sont envisagées par le Gouvernement, en particulier dans une zone détendue comme le département des Ardennes.
Monsieur Cordier, je vous remercie pour cette question qui me permet d'aborder un sujet majeur : la réforme du secteur du logement social que nous avons entreprise il y a deux ans et demi.
Cette réforme de fond a donné lieu à une extension des métiers des bailleurs sociaux, que ces derniers appelaient de leurs voeux depuis très longtemps, inscrite dans la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite loi ELAN. Elle a également introduit certaines facilités, en particulier dans le titre II de la loi relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée, dite loi MOP – sur laquelle vous avez beaucoup travaillé et au sujet de laquelle nous avons beaucoup échangé lors de l'examen du projet de loi ELAN.
Cette réforme traite en outre des regroupements – et non des fusions – , dont la dynamique est désormais enclenchée et qui commencent à porter leurs fruits. Comme vous le savez, de nombreux territoires avaient déjà lancé de telles expériences.
À cela s'est ajoutée une réforme financière comportant une réduction des loyers de solidarité. Souvenez-vous des débats que nous avons eus à cette occasion : certains, dans l'hémicycle – pas vous, monsieur Cordier – proposaient d'introduire un reste à charge minimal pour les locataires de logements sociaux et bénéficiaires de l'APL. Je m'y suis toujours opposé, dans le souci de préserver le pouvoir d'achat de ces locataires. Aussi fallait-il trouver d'autres solutions. La réduction du loyer de solidarité permettait de faire peser le poids de la réforme financière sur les bailleurs sociaux, tout en leur accordant des compensations, parfois très innovantes : je pense aux titres participatifs défendus par l'Union sociale pour l'habitat, en particulier la famille des OPH – offices publics de l'habitat – , et à d'autres soutiens financiers d'accompagnement visant à favoriser la rénovation et la construction.
Parallèlement à la réduction du loyer de solidarité, plus de 15 milliards d'euros – je dis bien 15 milliards – ont été apportés soit par la Banque des territoires de la Caisse des dépôts et consignations, soit par Action logement, au titre de l'accompagnement et de la compensation liés à la réforme.
Vous avez toutefois raison de souligner que cette réforme a suscité des interrogations, voire des inquiétudes, que j'ai reconnues. Plus encore, en septembre 2018, lors de l'avant-dernier congrès des bailleurs sociaux à Marseille, j'ai pris l'engagement d'instaurer une clause de revoyure. J'ai même admis – la chose n'est pas fréquente de la part d'un responsable politique – que la marche que nous demandions de franchir en 2020 était très certainement trop haute, ou en tout cas qu'elle engendrait trop d'inquiétudes au sein d'un secteur ô combien important pour nombre de nos concitoyens.
Pendant près de neuf mois, nous avons mené un travail considérable avec les bailleurs sociaux – que je tiens ici à saluer – pour aboutir, avant l'été dernier, à un accord capital. Il comprend une révision des dispositions prévues pour 2020 – que votre assemblée a d'ailleurs adoptée il y a quelques jours dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances – , ainsi qu'une augmentation des compensations attribuées aux bailleurs sociaux par la Banque des territoires et Action logement. Enfin, les acteurs du logement social se sont engagés à agréer au moins 110 000 constructions neuves par an et à accroître leur effort de rénovation de 25 %.
Sur le fond comme pour ce qui concerne la méthode, il me paraissait déterminant d'instaurer une clause de revoyure, fruit d'un travail commun et approfondi, et d'élaborer un accord qui satisfasse toutes les parties. Toutes les familles du logement social l'ont d'ailleurs signé il y a quelques mois. Nous relançons ainsi la dynamique et accompagnons les efforts de construction et de rénovation des bailleurs sociaux, au bénéfice de nos concitoyens. Le modèle du logement social en France est un trésor que nous devons préserver, accompagner et parfois modifier. L'accord signé avant l'été correspond très largement à cette ambition.
Monsieur le ministre, il me semble qu'il y a une confusion entre le fonctionnement et l'investissement. La diminution des loyers entraîne automatiquement une baisse des recettes des bailleurs. Un rattrapage doit donc nécessairement être effectué, ce qui oblige de nombreux bailleurs à augmenter les loyers en zones détendues.
Vous évoquez les investissements ou le rôle de la Caisse des dépôts. J'entends bien, mais ce dispositif ne contribue pas aux dépenses de fonctionnement. Dans le département des Ardennes, les deux bailleurs sociaux ont été contraints d'augmenter leurs loyers de plus de 1,5 % parce que l'État avait ponctionné de l'argent dans leurs caisses. C'est aussi simple que cela. Il est donc essentiel de faire la différence entre les secteurs où il y a des logements vacants et ceux qui n'en ont pas, et d'adapter la politique à la réalité des territoires.
Sachez aussi que les ponctions réalisées dans le cadre des missions de l'ANRU – Agence nationale pour la rénovation urbaine – depuis plusieurs années, et déjà sous de précédents gouvernements, ont gravement affecté les trésoreries et l'équilibre des budgets des bailleurs sociaux. Je peux en témoigner, étant administrateur d'un bailleur social depuis 2004.
La parole est à M. Meyer Habib, pour exposer sa question, no 853, relative aux rentes versées aux victimes de la Shoah.
Madame la secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, je regrette beaucoup que Mme Agnès Buzyn ne soit pas là ce matin. Je lui ai écrit, le 15 avril dernier, pour appeler son attention sur le régime juridique retenu par les départements s'agissant des rentes que l'État allemand verse aux victimes françaises du nazisme placées en EHPAD ou en établissement pour personnes handicapées. Huit mois plus tard, et malgré les relances effectuées par mes assistants parlementaires auprès de son cabinet, je n'ai toujours reçu aucune réponse. Je suis donc contraint de revenir aujourd'hui sur ce sujet qui, moralement, me tient très à coeur.
La fondation CASIP-COJASOR, qui est notamment chargée de répondre aux besoins sociaux des derniers survivants de la Shoah, m'a alerté sur ce que je peux appeler « un scandale ». Aujourd'hui, le département de Paris considère les indemnités versées par l'État allemand aux victimes françaises du nazisme comme des ressources classiques, au sens de l'article L. 132-3 du code de l'action sociale et des familles. Les bénéficiaires sont donc susceptibles d'être ponctionnés à hauteur de 90 % au titre du remboursement de leurs frais d'hébergement et d'entretien.
Le problème est d'abord juridique, la rédaction de cet article étant, volontairement, bien trop générale. À titre de comparaison, ces rentes sont explicitement exclues du champ de l'assiette de l'impôt sur le revenu. De même, le règlement municipal des prestations d'aide sociale facultative de la ville de Paris exclut spécifiquement les réparations et indemnités versées par un État étranger du champ des ressources du bénéficiaire.
Surtout, d'un point de vue moral, le fait de ponctionner 90 % des indemnités perçues par des victimes du nazisme heurte ma conscience, notre conscience. Nous parlons d'anciens déportés ou d'enfants dont les parents ont été assassinés par la barbarie nazie, d'hommes et de femmes souvent en situation de précarité, de santé fragile et isolés.
Quelles que soient les modalités de versement, le caractère indemnitaire de la rente ne fait aucun doute et l'exclut par principe de l'assiette des ressources. D'un point de vue financier, je doute que, soixante-quinze ans après la fin de la Shoah, une telle exclusion ait des conséquences significatives sur les ressources des départements. Sa portée symbolique serait en revanche majeure, alors que notre pays fait face à une explosion d'actes antisémites.
Dans ce contexte, par rigueur juridique et par respect pour les rescapés de la Shoah, je demande au Gouvernement d'exclure expressément ces rentes indemnitaires de l'assiette des ressources visées à l'article L. 132-3 du code de l'action sociale et des familles.
La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.
Monsieur le député, je suis parfaitement à même de répondre à votre question, et je vous prie d'excuser la ministre des solidarités et de la santé, Mme Agnès Buzyn, qui est retenue par une autre réunion.
Le versement de rentes par l'État allemand aux victimes françaises du nazisme est un sujet sensible qui suscite l'attention toute particulière du Gouvernement, a fortiori s'agissant de personnes âgées fragiles. Il s'inscrit cependant dans le contexte plus large de la contribution des personnes âgées au financement de leur dépendance et de la réduction de leur reste à charge.
L'article L. 132-3 du code de l'action sociale et des familles prévoit que les ressources de toute nature des personnes résidant dans un établissement accueillant des personnes âgées ou handicapées « sont affectées au remboursement de leurs frais d'hébergement et d'entretien dans la limite de 90 % ». Il existe toutefois d'importantes disparités territoriales en la matière : l'assiette relevant de l'action sociale de chaque département n'est pas totalement unifiée.
Dans une logique d'équité et d'égalité territoriale, le rapport issu de la concertation « grand âge et autonomie » rendu par M. Dominique Libault préconise des mesures visant à clarifier le régime des aides sociales – de l'aide sociale à l'hébergement en particulier – , afin de lutter contre les disparités et, surtout, de limiter le reste à charge payé mensuellement par les personnes en perte d'autonomie. Ces mesures sont en cours d'expertise et de paramétrage par les services du ministère des solidarités et de la santé. Elles seront examinées dans le cadre du futur projet de loi sur l'autonomie.
Je propose que le point que vous soulevez ce matin, et au sujet duquel vous avez interpellé la ministre à plusieurs reprises, soit analysé au cours des travaux de préparation de ce projet de loi, et que nous en reparlions lors des débats parlementaires.
Nous parlons de personnes âgées, et le temps presse. Nous pouvons cependant attendre encore quelques mois.
Je tiens néanmoins à souligner que lorsqu'ils écrivent à des ministres, les parlementaires attendent une réponse. Le Président de la République prend d'ailleurs souvent le temps de répondre, de même que les autres ministres. À plus forte raison sur ce sujet précis, j'aurais attendu une réponse de la fille d'Élie Buzyn, rescapé d'Auschwitz. Je vous ai toutefois entendue, madame la secrétaire d'État. Nous attendrons quelques mois, et je ne doute pas que les arbitrages seront favorables.
La parole est à Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, pour exposer sa question, no 834, relative au dysfonctionnement de l'interface Pajemploi.
Au mois de mai dernier, le calcul et le versement du complément du libre choix du mode de garde – CMG – ont été retirés aux caisses d'allocations familiales et à la Mutualité sociale agricole, pour être confiés au centre national Pajemploi. Dans ma circonscription, le collectif « Familles en lutte » m'a alertée de graves dysfonctionnements de Pajemploi, notamment causés par ce transfert.
À la suite d'un incident technique, les données de nombreux bénéficiaires semblent avoir été perdues, plaçant 30 000 familles dans une grande difficulté, voire dans la précarité. Concrètement, l'allongement considérable des délais de traitement va à l'encontre des ambitions de la réforme, et, plus grave encore, de nombreuses familles n'ont pas pu toucher le CMG ou ont été prélevées de cotisations sociales indues. Cela a eu des conséquences graves, provoquant des découverts, de l'endettement, et pour certaines familles, l'obligation de licencier des nourrices.
Ce dysfonctionnement me fait penser aux bugs qui ont touché le RSI – régime social des indépendants – il y a une dizaine d'années, dont chacun se souvient encore.
Au-delà d'incidents techniques, qui peuvent arriver, et que nous déplorons, la gestion assurée par Pajemploi nous paraît préoccupante. En pareil cas, les familles ont besoin d'informations claires et précises, mais aussi de bienveillance. Or 8 000 familles ignoreraient encore quand leur situation sera régularisée. Pajemploi et la Caisse nationale d'allocations familiales se sont engagés à faire un point de situation aujourd'hui même, le 10 décembre. Nous espérons que les problèmes seront résolus rapidement. Une cellule d'accompagnement a certes été créée, mais il est indispensable d'accélérer le rythme et d'aider concrètement les familles.
Madame la secrétaire d'État, avez-vous connaissance des causes précises ayant entraîné de tels dysfonctionnements ? Qu'en est-il des familles dont la situation n'est toujours pas résolue ? Comment seront-elles accompagnées, et dans quel délai ? Quelles mesures entendez-vous prendre pour remédier à cette situation et pour vous assurer, autant que possible, qu'elle ne se reproduise pas ?
La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.
Je vous remercie pour votre question, qui me permet de m'exprimer sur les dysfonctionnements du système de calcul des prestations pour la garde d'enfants. Le service Pajemploi + doit améliorer les conditions dans lesquelles les familles – en particulier les plus modestes – ont recours à une garde d'enfant, en leur évitant des avances de frais. En effet, le complément du libre choix du mode de garde est versé dès que la rémunération doit être payée à l'assistante maternelle ou à la garde d'enfant.
Désormais, pour toutes les familles qui le souhaitent et si leurs salariés en sont d'accord, c'est le centre Pajemploi qui verse cette rémunération pour le compte des parents, qui n'ont plus à s'en soucier. Plus de 100 000 parents ont eu recours à ce nouveau service.
Plus largement, grâce à cette réforme, les délais de versement du CMG ont été considérablement réduits pour les 800 000 familles qui emploient un assistant maternel ou recourent à une garde d'enfant pour un enfant âgé de moins de six ans.
Lors de l'installation de ces nouveaux services, des erreurs ont été détectées dans le calcul des prestations dues à 3 % des utilisateurs de Pajemploi. Pour une partie de ces familles, il n'a pas été possible d'assurer le versement du complément de libre choix du mode de garde et les cotisations sociales versées au titre de la garde d'enfant ont parfois été prélevées alors que ces familles en étaient exonérées.
J'ai conscience que ces erreurs ont eu des conséquences parfois graves pour certaines familles. Ma première préoccupation est que plus aucune famille ne connaisse des difficultés financières en raison de tels dysfonctionnements.
Dès le mois de juin, un plan d'action a été mis en place par la Caisse nationale d'allocations familiales et l'ACOSS, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, qui sont les responsables du dispositif. Des travaux ont été conduits pour corriger les anomalies informatiques ; ils ont permis de réduire le nombre de familles concernées. Les organismes empêchent les prélèvements de cotisations à tort et versent désormais des acomptes lorsque l'aide ne peut pas être calculée dans des conditions normales. Pour les familles pour lesquelles ces prestations représentent des montants importants ou qui sont en situation de fragilité financière, des aides exceptionnelles sont versées par le fonds d'action sociale de la branche famille.
La communication en direction des familles a en outre été renforcée : quarante personnes sont venues en renfort pour répondre individuellement aux questions posées par téléphone et traiter les demandes ; un numéro vert a été mis en place.
Enfin, le collectif « Familles en lutte », que vous mentionnez, a été reçu et des solutions ont été trouvées pour les familles concernées. Tous les cas mentionnés sont aujourd'hui pris en charge.
Je suis personnellement de près la situation. J'étais hier en réunion avec le directeur de l'ACOSS ; des chiffres relatifs à l'avancement du traitement des dossiers seront publiés aujourd'hui. Nous travaillons afin qu'aucune erreur ne subsiste. Les vérifications sont faites manuellement. Nous serons vigilants quant à la mise en place du prélèvement à la source, en faisant un point au 1er juin. Des points d'information seront régulièrement organisés.
Je vous remercie pour la précision de vos réponses, madame la secrétaire d'État. Je ne doute pas de la célérité de l'action des services de l'État pour résoudre ces difficultés.
Je voudrais insister sur le fait qu'à compter du 1er janvier 2020, Pajemploi devra mettre en place le prélèvement à la source pour les particuliers employeurs. Il faudrait que les erreurs soient autant que possible corrigées à cette date pour faire en sorte que cela se passe dans de bonnes conditions.
La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour exposer sa question, no 849, relative au régime de sécurité sociale minière.
En plein tumulte social, dans lequel notre pays est plongé depuis plusieurs jours, je voudrais, madame la secrétaire d'État, vous parler d'une profession qui n'existe presque plus, mais à qui notre pays doit tant. Je voudrais vous parler des mineurs, et de leurs veuves.
Toutes les fédérations syndicales représentantes des mineurs, sans exception, nous alertent depuis longtemps sur la déstructuration injuste de leur protection sociale particulière, déstructuration causée par les coups de rabot successifs qui ont été portés ces dernières années – je ne parle pas seulement des deux dernières – , érodant chaque fois un peu plus notre contrat social.
En effet, le budget de leur caisse autonome de sécurité sociale, plus particulièrement le montant des fonds en faveur de l'action sanitaire et sociale individuelle, est réduit tous les ans en raison de la baisse naturelle des bénéficiaires. Or, en 2018, ces fonds ont été exceptionnellement réduits de 10 %, au lieu des 5 % habituels. Cela représente la bagatelle de 2,7 millions d'euros !
L'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs, l'ANGDM, a été de ce fait obligée de stopper tout versement dès octobre 2018 et d'en reporter l'exécution sur le budget pour 2019, lui-même amputé de 5 %.
Cette année, le blocage des versements à partir de la fin octobre n'a été évité que grâce à une avance de 500 000 euros sur la section vieillesse de la dotation allouée par la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines pour 2020.
À quelques ajustements près, le défaut de crédits constaté en cette fin d'année 2019 correspond peu ou prou au coup de rabot trop important effectué en 2018. Ce déficit a donc été créé de toutes pièces et, si rien n'est fait, il se traduira chaque année par un défaut de crédits au dernier trimestre. C'est inadmissible, et c'est d'autant moins compréhensible que le régime est fermé à tout nouvel entrant depuis 2010.
De surcroît, la moyenne d'âge des mineurs retraités et de leurs épouses s'élevant à plus de 80 ans, leurs besoins grandissent, et risquent de ne pouvoir être satisfaits si rien n'est fait.
Cela suscite des interrogations quant à la reconnaissance de la nation et du Gouvernement envers les mineurs, qui ont travaillé dur et dans des conditions extrêmement difficiles. De fait, la pénibilité de leur travail risque de ne plus être prise en compte, car la prise en charge des atteintes polypathologiques causées par leurs conditions de travail pourrait être remise en question.
En somme, ce sont les acquis sociaux des mineurs et ceux de leurs épouses qui sont bradés. Où est passé l'engagement, pris au nom de l'État par les majorités successives, de garantir le régime spécial de sécurité sociale des mineurs jusqu'au dernier affilié, jusqu'à la dernière veuve, gage du respect de la nation envers les mineurs, qui ont contribué à relever la France après la guerre, au prix de leur santé, parfois de leur vie ? Comptez-vous compenser dès 2020 le défaut de dotation budgétaire afin que les prestations sociales en faveur des mineurs et de leurs veuves aux faibles pensions – ces dernières sont désormais majoritaires au sein du régime minier – puissent être rétablies à leur niveau d'avant 2018 et versées en temps et en heure ?
La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.
Madame la députée, comme vous l'avez rappelé, les gouvernements successifs se sont engagés à préserver, jusqu'au dernier affilié, les droits individuels et collectifs de la population minière. La loi leur garantit notamment la prise en charge de leurs soins de santé, sans franchise médicale ni participation forfaitaire, contrairement à tous les autres régimes d'assurance maladie. Ils bénéficient également d'un régime de retraite très favorable, tenant compte de leurs conditions de travail et du fait qu'ils ont des besoins particuliers. Il n'est aucunement question de revenir sur ces droits.
Les assurés du régime minier sont en outre éligibles à des prestations d'action sanitaire sociale extralégales, attribuées selon les conditions définies par le règlement national adopté par le conseil d'administration de l'ANGDM et dans le cadre des crédits alloués.
Vous vous alarmez de l'évolution du budget d'action sanitaire et sociale. Je tiens à vous rassurer : la pérennité du régime minier de sécurité sociale et les avantages sociaux dont bénéficient ses ressortissants en matière de maladie et de retraite ne sont nullement remis en question. La dotation des aides individuelles d'action sociale a été fortement majorée en 2011, à hauteur de 6 millions d'euros, pour une dépense s'élevant à 24 millions d'euros. Cela a permis d'améliorer de manière importante le niveau des prestations d'action sociale au profit des assurés. Le montant moyen du panier d'aide a ainsi augmenté de 20 % par bénéficiaire depuis 2011 et ces aides concernent une part croissante de bénéficiaires : quelque 20 % de l'effectif potentiel en 2018.
Il paraît néanmoins logique que cette dotation baisse corrélativement à l'évolution de la population minière. Il a donc été prévu une baisse de la dotation d'environ 5 % par an entre 2018 et 2021. Cependant, les dépenses d'action sociale pour les assurés du régime minier se sont élevées à 26,3 millions d'euros en 2018, soit un niveau proche de celui de l'année 2017, et cela bien que le nombre d'assurés ait dans le même temps diminué d'environ 7 %. Ainsi, la dotation d'action sociale, rapportée au nombre d'assurés, a-t-elle continué à croître.
L'adaptation du règlement d'action sociale intervenue à la mi-2019 traduit une volonté des administrateurs du régime de recentrer les aides sur les assurés les plus modestes.
Le Gouvernement reste attentif aux besoins des ressortissants du régime minier, qui me paraissent toutefois bien couverts par les moyens accordés dans le cadre de la convention d'objectifs et de gestion pour la période 2018-2021.
Certes, madame la secrétaire d'État, le montant des aides sociales a augmenté depuis 2011. Toutefois, depuis juillet 2019, ces aides ont été recentrées sur certaines populations. Cela signifie que les autres ont tout simplement vu leurs droits diminuer. J'ai reçu, la semaine dernière, dans ma circonscription, un responsable de la caisse, et je peux vous dire que le montant de la dotation du plan d'aide à domicile a diminué. C'est anormal, d'autant plus que cette population a de plus en plus besoin de cette aide en raison de son vieillissement ! Je vous invite donc à regarder cela de près. Je ne suis pas en train de réclamer plus ; je dis simplement qu'il convient de préserver les acquis obtenus en 2011.
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour exposer sa question, no 826, relative à la prise en charge des frais liés au cancer du sein.
Près de 60 000 cancers du sein – cancer le plus fréquent chez la femme – sont diagnostiqués chaque année dans notre pays. Malgré d'extraordinaires progrès, les traitements pour prévenir la récidive sont très lourds et provoquent de nombreux effets secondaires.
Fort heureusement, il existe des dispositifs médicaux et non médicaux permettant aux femmes de pallier ces effets, comme des perruques, des prothèses ou du maquillage spécifique. Cependant, si la prise en charge de la maladie en tant que telle est correcte, l'accès à ces dispositifs médicaux et non médicaux est limité, puisqu'ils ne sont pas pris intégralement en charge par la sécurité sociale.
L'aide à la lutte contre la maladie dépend donc de la complémentaire santé de la patiente et de son niveau de ressources. Depuis le 1er avril 2019, les perruques en fibres synthétiques sont remboursées à hauteur de 350 euros au maximum, et le remboursement des perruques en fibres naturelles est restreint à 250 euros pour un prix de vente maximal de 700 euros ; aucun remboursement n'est prévu au-delà de ce plafond. Or le prix d'une perruque en cheveux naturels varie entre 800 euros et 2 000 euros.
La perruque naturelle n'est en rien une coquetterie. Elle répond à un besoin réel. En outre, leur qualité et leur durée de vie sont largement supérieures aux perruques synthétiques. Le crâne, mis à rude épreuve par les chimiothérapies, supporte difficilement les perruques synthétiques bas de gamme.
D'autre part, certains traitements postprotocole, à prendre pendant une durée pouvant aller jusqu'à dix ans, entraînent des effets secondaires, comme des infections à répétition, des sécheresses intimes, des problèmes articulaires, des bouffées de chaleur, une prise de poids ou encore des migraines. Ainsi, au choc lié à l'ablation d'un ou deux seins, s'ajoutent, dans de nombreux cas, de multiples désagréments physiques, entraînant un risque élevé de perte d'estime de soi des patientes.
Il existe là encore des solutions, mais aucune d'elles n'est remboursée. Un gel contre la sécheresse intime coûte entre 10 euros et 15 euros, un ovule contre les infections vaginales entre 3 euros et 5 euros. L'atrophie vaginale liée à une ménopause provoquée par l'hormonothérapie peut être soignée par laser, mais la séance coûte environ 300 euros, non remboursés par la sécurité sociale.
Cet état de fait constitue une inégalité face à la maladie et limite la solidarité nationale aux dispositifs bas de gamme, comme le dénonce, parmi d'autres acteurs, la Ligue contre le cancer.
Madame la secrétaire d'État, les frais de santé restant à la charge des patientes atteintes du cancer du sein sont trop importants. Les dispositifs médicaux et non médicaux doivent être mieux remboursés. Or il n'appartient pas au législateur de le décider, puisque cela relève du règlement et de la direction de la sécurité sociale.
Comment le Gouvernement compte-t-il améliorer ces remboursements et permettre aux femmes atteintes d'un cancer du sein de mieux lutter au quotidien contre la maladie ?
La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.
Les frais de santé et ceux liés aux dispositifs médicaux qui restent à la charge des patientes atteintes d'un cancer du sein sont une préoccupation que nous partageons. Votre question me donne l'occasion de dresser un état des lieux de la prise en charge.
Tout comme l'ensemble des traitements du cancer du sein ou la prise en charge thérapeutique des séquelles, la reconstruction mammaire est prise en charge à 100 %, dans le cadre de l'affection de longue durée, sur la base du tarif de l'assurance maladie. Toutefois, il est vrai que cette exonération ne couvre pas les éventuels dépassements d'honoraires, ni la participation forfaitaire ou le forfait journalier hospitalier.
Il est donc indispensable que les patientes en soient informées avant de faire leur choix, notamment dans le cas où l'établissement pratique des dépassements d'honoraires. Le chirurgien doit proposer un devis détaillé avant l'intervention.
Plusieurs mesures ont été prises, dans le cadre du plan cancer 2014-2019, pour améliorer l'accès de toutes les femmes à la reconstruction mammaire après un cancer du sein, en agissant sur le reste à charge, d'un montant parfois élevé, qui pèse sur les malades et crée des inégalités.
De nouvelles techniques reconnues de reconstruction mammaire ont été inscrites dans la nomenclature des actes. Les tarifs de remboursement de six actes de reconstruction mammaire ont été revalorisés de 23 % entre 2013 et 2015. Depuis juin 2014, l'assurance maladie prend également en charge les actes de symétrisation mammaire quand ils sont réalisés après un traitement du cancer du sein par chirurgie. S'agissant des dispositifs médicaux, les prothèses mammaires internes sont prises en charge à 100 %.
Enfin, les alternatives à la reconstruction par prothèses mammaires internes sont elles aussi prises en charge, par exemple l'utilisation de tissus provenant d'autres parties du corps. La reconstruction du sein par lambeau a été intégrée au panier de soins remboursé par l'assurance maladie, dans la suite du plan cancer. Le tarif de responsabilité des prothèses mammaires externes est passé de 158 % à 244 % et a été assorti d'un prix limite de vente, permettant de limiter le reste à charge des patientes.
Plus largement, vous avez évoqué nombre d'autres prises en charge de la plus haute importance pour la vie quotidienne des patientes. Nous y travaillons dans le cadre du plan cancer. En outre, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 comporte une mesure attendue par beaucoup de patientes : la prise en charge post-cancer, qui inclura un accompagnement physique et psychologique et donnera accès à d'autres dispositifs. Ceux-ci constitueront une avancée majeure dans le quotidien des patientes, afin de leur permettre d'aller mieux dans ce contexte de santé très particulier auquel nous continuons de porter la plus grande attention.
Madame la secrétaire d'État, votre réponse portait sur un sujet que je n'ai pas vraiment abordé ; je ne vous en blâme pas, car ce sujet est important. En revanche, vous n'avez guère répondu à mes interrogations concernant tout ce qui peut paraître accessoire aux institutions, mais qui est loin de l'être pour les personnes et améliorerait réellement leurs conditions de vie, leur dignité, leur bien-être.
Je vous propose donc, avant que vous-même me le proposiez, de vous envoyer l'ensemble des éléments afin que vous puissiez me donner une réponse étayée et travaillée, voire prendre des décisions dans le cadre du budget de la sécurité sociale.
La parole est à M. Éric Coquerel, pour exposer sa question, no 823, relative à la fiscalité franco-luxembourgeoise.
Je me fais le porte-parole de Caroline Fiat, qui n'a pu être présente ce matin ; elle devait adresser cette question à Mme la secrétaire d'État chargée des affaires européennes.
Le 29 octobre, le Conseil de l'Europe, par l'intermédiaire de la Chambre des pouvoirs locaux, a adopté un rapport favorable à une meilleure répartition de la fiscalité frontalière. C'est la reconnaissance institutionnelle d'un combat de longue date pour l'instauration d'une compensation fiscale entre le Luxembourg et la France.
Un dispositif analogue existe depuis 1973 entre la Suisse et la France. Les cantons helvétiques, comme celui de Genève, où est employée une importante population active française reversent une partie de la fiscalité aux départements français frontaliers. Cette disposition est appréciée de part et d'autre pour ses effets vertueux en matière de prise en charge des travailleurs et d'amélioration des infrastructures nécessaires aux deux pays.
En septembre 2018, le Luxembourg a franchi le cap des 190 000 travailleurs frontaliers, dont plus de 100 000 Français, soit près de la moitié de la population active du grand-duché. Une rétrocession fiscale du Luxembourg à la France est indispensable pour créer entre les deux nations un cercle vertueux d'équité fiscale, ainsi que pour le codéveloppement des territoires.
Une motion en ce sens sera prochainement discutée par l'ensemble des ministres des affaires étrangères des États membres du Conseil de l'Europe, institution née du désir de paix et de diplomatie au lendemain de la seconde guerre mondiale. Il n'est pas possible de laisser plus longtemps un pays bénéficier d'une population d'actifs formés en France et vivant sur le sol français, sans compensation efficace et juste, à la fois fiscale et sociale.
D'aucuns diront que le Luxembourg, lorsque cela lui semble cohérent, finance déjà certaines politiques, certains projets. C'est le cas du transport ferroviaire transfrontalier. Mais les sommes en jeu sont dérisoires au regard de ce que pourrait représenter une véritable politique de rétrocession fiscale. De plus, ces financements s'apparentent à des aumônes : le Luxembourg décide seul quand, pourquoi, et surtout pour quel montant il souhaite participer à tel projet. Nous avons incontestablement besoin d'une règle fixe et équitable pour nos deux pays.
Madame la secrétaire d'État, pouvez-vous engager le Gouvernement dans le soutien à cette motion et à une rétrocession fiscale du Luxembourg vers la France, comme nos voisins suisses la pratiquent déjà depuis plus de trois décennies ?
La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.
Monsieur le député, permettez-moi de répondre à la question en lieu et place de ma collègue Amélie de Montchalin, secrétaire d'État chargée des affaires européennes.
Le sujet que vous évoquez est bien connu. Il a notamment été abordé lors du séminaire intergouvernemental bilatéral tenu en mars 2018, qui a posé un jalon important dans nos relations avec le Luxembourg. Depuis lors, nous continuons à soulever cette question à chacun de nos échanges avec le grand-duché.
Sensibles aux interpellations en faveur d'un partage plus équitable des ressources, nous ne demandons rien d'autre que la réciprocité.
Vous avez raison de le rappeler : il y a urgence à agir, notamment en faveur des territoires français proches du Luxembourg. Là encore, nous devons prendre la mesure des interdépendances créées en Europe, que ressentent avec acuité les territoires qui bordent les 3 000 kilomètres de frontières que nous partageons avec nos voisins. Nous avons mis en place la liberté de circulation, le marché unique, la monnaie unique, sans disposer d'un cadre juridique commun. Cela crée des dissymétries, qui provoquent des divergences socio-économiques. Il nous faut combattre ces dernières ; nous y sommes résolus.
Avec un partenaire comme le Luxembourg, cela ne passe pas par la concurrence, car notre intérêt commun réside dans un développement équilibré, et dès lors mutuellement avantageux. C'est aussi cela, l'Europe du concret ; vous connaissez l'engagement à cet égard de Mme Amélie de Montchalin.
Dans cette perspective, les enjeux que vous évoquez nous donnent l'occasion de franchir une nouvelle étape de la construction européenne, d'aller plus loin, en veillant à tirer le meilleur parti de ces zones où se nouent des partenariats au plus près du terrain. C'est tout l'objectif des travaux que nous conduisons dans le cadre de la commission intergouvernementale créée avec le Luxembourg, qui a déjà abouti à des avancées.
Comme vous le savez, cette enceinte a ainsi permis récemment la signature d'un premier accord majeur en matière de transports, avec le financement à parité, à hauteur de 240 millions d'euros, des infrastructures de transport nécessaires, de notre côté de la frontière, au déplacement des Français qui se rendent chaque jour au Luxembourg.
Il s'agit d'une première étape importante. Dans ce cadre, le Luxembourg a en effet accepté le principe d'un cofinancement des projets visant à faire progresser notre relation. Pour notre part, nous nous sommes engagés à favoriser l'émergence de ces projets, et par conséquent à appuyer l'ensemble des partenariats transfrontaliers qui pourraient voir le jour.
Ces travaux font écho à la mission actuellement conduite par le préfet de la région Grand Est, chargé par le Président de la République, en lien avec les autorités luxembourgeoises, de définir les grands axes d'une stratégie de codéveloppement tournée vers l'avenir et destinée à mieux répartir l'activité, l'emploi et la croissance, parce que véritablement inclusive.
Cette ambition sera confortée par la création, le 1er janvier prochain, de l'Agence nationale pour la cohésion des territoires. Elle sera notamment chargée de cette dimension transfrontalière de l'aménagement du territoire. Elle assurera en particulier la mise en oeuvre d'un projet territorial spécial concernant le Pays-Haut lorrain, comprenant des mesures propres à en renforcer l'attractivité et la compétitivité.
Il nous faut enfin, tant à l'échelon national qu'à l'échelon local, et en concertation avec le Luxembourg, à la fois mieux exploiter le potentiel des instruments européens dédiés au renforcement de la cohésion territoriale, et mobiliser ces outils de manière plus efficace. Tel est le but des efforts de ma collègue Amélie de Montchalin. En un mot, notre ambition est de faire de ces territoires de véritables laboratoires de l'intégration européenne.
Puisque vous vous exprimez au nom d'Amélie de Montchalin, comme moi au nom de Caroline Fiat, transmettez-lui le message : vous ne répondez pas à ma question. Vous parlez de codéveloppement, de compétitivité, quand je vous parle de justice fiscale.
Nous considérons le Luxembourg comme un paradis fiscal, à qui cette qualification n'est épargnée que parce qu'il appartient à l'Union européenne. Il profite de nombreux travailleurs français transfrontaliers sans que la France ne bénéficie en retour de la fiscalité qu'elle devrait en retirer. En effet, une partie des infrastructures françaises, de la formation française, sert à ces frontaliers qui rentrent en France une fois achevé leur travail au Luxembourg. Je regrette donc que vous ne preniez pas très clairement position en faveur d'une rétrocession fiscale du Luxembourg, à l'exemple de la Suisse.
La parole est à M. Lionel Causse, pour exposer sa question, no 831, relative aux aires marines protégées.
Ma question porte sur la stratégie nationale relative aux aires marines protégées. À la suite du colloque national des aires marines protégées qui s'est tenu en octobre à Biarritz, le Président de la République s'est engagé à protéger 30 % du territoire français, dont 10 % en « pleine naturalité », d'ici à 2022. La responsabilité de la France est à la mesure de son espace maritime, le deuxième au monde. Il faut saluer ces engagements, et la hausse de nos ambitions en matière de protection des aires marines pour les dix prochaines années.
Il me semble cependant qu'un point mérite d'être précisé. En effet, la notion de « pleine naturalité » ne correspond à aucune catégorie définissant les standards internationaux de protection recensés dans la classification de l'Union internationale pour la conservation de la nature. Elle laisse donc planer un doute sur l'efficacité de ces mesures en matière de préservation et de développement des écosystèmes marins. Monsieur le secrétaire d'État chargé des transports, pourriez-vous préciser ce que seront ces aires de pleine naturalité, en matière de réglementation ?
De manière plus générale, je souhaite connaître votre point de vue sur le dépassement de la logique de surface d'aires marines protégées afin de mieux intégrer une logique d'efficacité biologique.
Il y a dix ans, moins de 2 % des eaux marines françaises faisaient partie d'une aire marine protégée. Aujourd'hui, le réseau des aires marines protégées couvre plus de 23 % des eaux marines françaises, soit plus de 2 400 000 kilomètres carrés. Cela fait de la France, comme vous l'avez rappelé, l'un des États les plus actifs en matière de défense de la biodiversité marine.
Cependant, il est urgent d'aller plus loin, ainsi que l'a souligné le rapport sur l'état de la biodiversité de l'IPBES, la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques. C'est pourquoi le Président de la République a annoncé qu'en 2022, les aires protégées couvriraient 30 % du territoire, dont un tiers en protection forte.
Afin de mettre en oeuvre cette ambition, nous avons besoin d'une stratégie commune aux aires protégées terrestres et marines pour la décennie 2020-2030. La coconstruction de cette stratégie avec l'ensemble des parties prenantes a démarré lors des colloques qui se sont déroulés fin octobre à Biarritz. Elle sera présentée lors du congrès mondial de la nature, en juin 2020, à Marseille.
La notion de « protection forte » sera définie dans le cadre de cette stratégie. Il s'agit de garantir l'effectivité et l'efficacité des mesures afin de préserver et développer durablement les écosystèmes marins. D'ores et déjà, le Conseil de défense écologique a entériné deux vastes projets en ce sens.
Premièrement, la création d'une réserve naturelle nationale dans l'archipel des Glorieuses permettra de protéger efficacement des écosystèmes remarquables, soumis à des pressions croissantes.
Deuxièmement, nous avons lancé dans les Terres australes et antarctiques françaises un ambitieux processus de création d'aires à haut niveau de protection, qui concernera jusqu'à 1,6 million de kilomètres carrés.
Enfin, le renforcement de la protection de nos océans constitue un enjeu planétaire. Nous porterons donc cette ambition lors du congrès mondial de la nature et lors de la prochaine conférence des parties à la convention pour la diversité biologique, fin 2020, en Chine.
Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de ces informations, qui vont dans le bon sens et témoignent de l'engagement du Gouvernement. En tant qu'élu du littoral, je mesure les enjeux sur lesquels nous devons travailler collectivement. J'attends donc avec impatience les précisions que le Gouvernement nous fournira en 2020.
La parole est à M. Thomas Gassilloud, pour exposer sa question, no 835, relative au fret ferroviaire dans la vallée de la Brévenne.
Ma question porte sur la mobilité dans la vallée de la Brévenne, qui irrigue l'ouest lyonnais vers la Loire, en passant par le département du Rhône.
La mobilité dans cette vallée a historiquement été assurée par une voie ferrée. Aujourd'hui, le trafic de voyageurs est toujours possible, sur une grande partie de la ligne, depuis la gare de Lyon-Saint-Paul jusqu'à la commune de Sain-Bel, grâce à un tram-train fort utilisé et fort apprécié. Un autre tronçon de la ligne ne sert qu'au fret et permet de transporter la production de carrières ; les arrêtés d'exploitation pris par le préfet comportent d'ailleurs l'obligation qu'une partie de cette production transite par la voie ferrée. Un dernier tronçon, qui desservait autrefois la commune de Sainte-Foy-l'Argentière, n'est plus du tout utilisé.
En parallèle de cette voie ferrée se trouve l'ancienne RN89, largement congestionnée aux heures de pointe, qui traverse le centre-ville de L'Arbresle. C'est pourquoi de nombreux habitants, conscients de la nécessité d'une transition écologique, ont exprimé lors du grand débat national le souhait de voir une plus grande portion de cette ligne à nouveau accessible aux voyageurs, espérant même, à terme, un service jusqu'à Sainte-Foy-l'Argentière.
Or, tout au contraire, SNCF Réseau a annoncé la fermeture du tronçon utilisé pour le fret. Pour une dizaine de kilomètres de rail manquants, l'effet immédiat de cette mesure sera de jeter chaque année sur une route déjà surchargée environ 9 000 camions supplémentaires, qui devront souvent parcourir des centaines de kilomètres pour livrer leur chargement – car, évidemment le transport commencé par la route se terminera par la route. Ironie du sort, il s'agit de livrer du ballast destiné à la SNCF ! En outre, cette fermeture éloignerait encore plus la perspective d'une réouverture de la ligne aux voyageurs.
Les travaux à envisager afin d'éviter cette mesure sont estimés à environ 15 millions d'euros par SNCF Réseau. Celle-ci est prête à y contribuer, de même que la région et les exploitants des carrières : 50 % du financement est déjà assuré. Monsieur le secrétaire d'État, quel concours l'État pourrait-il apporter au maintien de ce tronçon ?
Plus généralement, ce cas concret révèle toute l'importance du projet de loi d'orientation des mobilités, que nous avons adopté, en lecture définitive, le mois dernier, et notamment de son article 51, qui prévoit la définition en 2020 d'une stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire. Pouvez-vous nous préciser la manière dont cette stratégie va être définie, et les montants qui seront investis, notamment pour la mise à niveau des « réseaux capillaires fret » ?
L'État consacre chaque année, à l'échelle nationale, une enveloppe de 10 millions d'euros aux lignes capillaires fret afin d'accompagner au cas par cas les différents acteurs dans le cadre de partenariats locaux. Il s'agit d'impulser une dynamique de soutien aux infrastructures ferroviaires dans l'organisation logistique des derniers kilomètres et de fédérer les acteurs locaux, institutionnels comme industriels, autour d'actions partagées.
L'État participe généralement aux travaux à hauteur de 1 à 1,5 million d'euros par opération, dans la limite de 30 % de leur coût. Des interventions prioritaires dans cette région ont ainsi été lancées en 2018 et 2019, sur les lignes Ambérieu-Lagnieu et Albertville-Ugine.
Le financement de la ligne de fret de la Brévenne n'est pas encore finalisé à ce stade, compte tenu notamment de son coût élevé par rapport à d'autres opérations similaires. Si la ligne restait uniquement destinée au fret, la participation de l'État au seul titre du programme en faveur des lignes capillaires fret pourrait être envisagée dans le cadre financier évoqué précédemment, c'est-à-dire dans la limite de 30 % des coûts et des disponibilités permises par l'enveloppe annuelle de 10 millions à l'échelle nationale.
Toutefois, dans l'hypothèse où les partenaires envisageraient d'étendre l'usage de la ligne aux voyageurs, par exemple avec une solution de type tram-train, il conviendrait de s'interroger plus largement quant au vecteur de financement le plus approprié, en impliquant les différentes collectivités locales concernées. En effet, l'État n'aurait pas vocation à financer une telle opération par des crédits alloués au seul fret ferroviaire.
Merci pour votre réponse, monsieur le secrétaire d'État. Les territoires attendent avec impatience cette stratégie ambitieuse pour le fret. Quant au problème de la mobilité dans la vallée de la Brévenne, je me permettrai de prendre rendez-vous avec votre cabinet dans les prochains jours afin de faire avancer ce dossier avec les élus locaux.
Avec plaisir.
La parole est à Mme Isabelle Valentin, pour exposer la question no 839 de Mme Emmanuelle Anthoine, relative aux intempéries de novembre 2019 dans la Drôme.
Je pose cette question au nom de Mme Anthoine, députée de la quatrième circonscription de la Drôme, où elle se trouve bloquée en raison des grèves.
Le 14 novembre dernier, la Drôme et plusieurs départements ont été durement frappés par un épisode neigeux aux conséquences graves. Les habitants du territoire se sont vus coupés des services essentiels d'approvisionnement en électricité et en eau, et de communication par téléphone et internet.
Ils se sont trouvés démunis face aux conséquences de cet épisode neigeux, sans aucune lisibilité sur les délais de rétablissement des services essentiels et dans l'incapacité de pouvoir joindre les numéros d'urgence. La population du département a alors ressenti un fort sentiment d'abandon, du fait de l'isolement total dans lequel elle s'est trouvée.
Ce sentiment était d'autant plus fort que, contrairement à ce que Mme la ministre de la transition écologique et solidaire affirmait lors de la séance de questions au Gouvernement du 19 novembre dernier, la situation n'était toujours pas rétablie, cinq jours après, pour de nombreux foyers.
Le niveau de réactivité de l'opérateur Enedis a suscité un sentiment de profonde insatisfaction. Le fait d'avoir dû attendre plusieurs jours avant que ne soient rétablis les approvisionnements vitaux en énergie pose question. Enedis a-t-il bien mesuré l'ampleur des conséquences de cet épisode neigeux ?
Pour éviter de revivre le chaos de novembre 2019, quelles solutions proposez-vous afin de mieux accompagner la population et d'améliorer la réactivité des opérateurs dans le rétablissement du réseau d'approvisionnement en électricité ? Concernant l'indemnisation, quels moyens le Gouvernement entend-il débloquer pour compenser les pertes subies par les habitants, les entreprises, les agriculteurs, et l'ensemble des forces vives du territoire de la Drôme ?
La coupure sur le réseau de distribution électrique provoquée par un épisode de neige dans le sud-est a concerné près de 330 000 clients la matinée du vendredi 15 novembre. Ce type d'épisode neigeux est exceptionnel par son intensité.
Les dégâts concernaient l'ensemble des infrastructures SNCF, RTE – Réseau de transport d'électricité – , Enedis mais le diagnostic fut difficile à établir en raison des problèmes de circulation. Pour rétablir l'alimentation, Enedis a mobilisé d'importants moyens puisque plus de 2 300 personnes ont travaillé au coeur de la crise en moins d'un jour. Là où le réseau ne pouvait être réparé, Enedis a installé des groupes électrogènes. Plusieurs dizaines de camions-citernes ont été réquisitionnés. La mobilisation a donc été forte pour rétablir l'électricité dans les zones sinistrées et la situation a finalement été rétablie pour l'ensemble de la population le 24 novembre.
Un retour d'expérience plus approfondi sera toutefois nécessaire afin d'analyser les circonstances de l'événement, les moyens mis en oeuvre pour rétablir l'alimentation et informer les élus et les populations. Ce sera également l'occasion de s'interroger quant à la résilience des réseaux électriques aux événements climatiques extrêmes.
À ce titre, sans attendre la conclusion de ce retour d'expérience, une subvention de 1,6 million d'euros sera octroyée avant la fin de l'année à la Drôme par le Gouvernement par l'intermédiaire du FACÉ, le fonds d'amortissement des charges d'électrification, pour aider les syndicats d'électrification à réaliser les investissements de reconstruction sur les réseaux.
Enfin, des dispositifs d'indemnisation pour les coupures d'électricités de plus de cinq heures consécutives existent déjà – elles permettent au client de bénéficier d'une réduction de son abonnement. Les foyers les plus touchés devraient être indemnisés à hauteur de 600 euros, sachant que la moyenne, pour l'ensemble des clients particuliers, s'élève à 110 euros. Par ailleurs, les assurances des personnes touchées peuvent prendre en charge certaines pertes liées à ces coupures.
M. Jean-Luc Mélenchon applaudit.
L'état de nos réseaux est déplorable, qu'il s'agisse du réseau électrique, du réseau téléphonique, des voies ferrées. La dépense augmente, la dette aussi, mais sans que cela serve à investir dans les réseaux. Votre réponse me laisse sceptique.
M. Jean-Luc Mélenchon applaudit de nouveau.
Ça s'appelle le néolibéralisme ! Moins d'État, plus de marché : voilà le résultat ! Le secrétaire d'État a tout dit lui-même en parlant de « clients » !
La parole est à Mme Marine Brenier, pour exposer sa question, no 840, relative à la gouvernance maritime en Méditerranée.
Ma question concerne la qualité de l'air dans les zones portuaires. Cet enjeu tient de la protection de l'environnement et de la salubrité publique. Il nécessite une action conjointe de tous les acteurs, en particulier de l'État.
La qualité de l'air et le niveau du bruit sont surveillés en continu dans le port de Nice depuis 2017, date à laquelle il a été repris par la métropole Nice-Côte d'Azur. Les prélèvements, opérés régulièrement, révèlent des pics ponctuels en dioxyde d'azote et particules. Les émissions par les navires touristiques et commerciaux sont préoccupantes.
C'est pourquoi la région PACA – Provence-Alpes-Côte d'Azur – vient d'annoncer un plan pour des escales « zéro fumée» afin de limiter les pollutions. Dès 2025, 30 millions d'euros seront investis pour électrifier les navires de croisières à quai afin que les moteurs ne tournent plus en permanence. De son côté, la métropole envisage d'installer une alimentation par un groupe à l'hydrogène ou au gaz naturel liquéfié.
S'agissant du bassin méditerranéen, la métropole soutient l'initiative de la France de créer une zone de réglementation des émissions de polluants. Avec des normes plus strictes, nous pourrions obliger les armateurs à utiliser des carburants maritimes à très faible teneur en soufre et les navires à s'équiper de moteurs moins polluants. Cette réglementation porte déjà ses fruits en mer du Nord et en mer Baltique.
L'étude comparée qui vous a été présentée en janvier dernier démontre l'impérieuse nécessité de renforcer ces normes. Où en est le projet porté par la France auprès de l'OMI, l'organisation maritime internationale ? Les collectivités ont choisi d'investir dans la qualité de l'air de nos concitoyens ; le Gouvernement en fera-t-il autant et dans quel délai ?
M. Jean-Luc Mélenchon applaudit.
La France porte le projet de création d'une zone spéciale de réduction des émissions polluantes des navires dans le bassin méditerranéen. Notre action pour la zone ECA – zone d'émission contrôlée – doit s'inscrire à la fois dans le temps diplomatique et dans le cadre réglementaire de l'OMI, mais nous devons au préalable sensibiliser et fédérer les États des deux rives de la Méditerranée.
Sur la base d'une étude comparée des coûts et des bénéfices, publiée en janvier 2019, la France mène activement les négociations depuis le début de l'année pour convaincre ses partenaires. Je me suis d'ailleurs déplacé à Londres, au siège de l'OMI, le 26 novembre dernier, afin de défendre le projet et l'ambition environnementale française pour le transport maritime.
Notre action s'inscrit aussi dans le cadre de la convention de Barcelone pour la protection du milieu marin et du littoral de la Méditerranée. Lors de la dernière conférence des parties, au début du mois de décembre, les États du pourtour ouest de la Méditerranée ont conclu un accord pour déposer un projet de zone à faibles émissions d'oxydes de soufre à l'OMI, dès 2022. En parallèle, des études scientifiques complémentaires seront menées pour analyser les effets d'une réglementation des émissions d'oxyde d'azote.
Face à l'ampleur de l'enjeu majeur pour les habitants en matière de santé publique, nous sommes déterminés à agir. Au-delà de ce projet, nous développons une stratégie de port sans fumée, grâce au développement de branchements électriques à quai, de services de fourniture d'énergie alternative et à la possibilité de prendre des mesures d'urgence en cas de pic de pollution.
Enfin, dès le 1er janvier 2020, la réglementation mondiale des carburants marins connaîtra un changement fondamental pour la transition écologique de la flotte mondiale : la teneur en soufre sera divisée par sept. Les contrôles menés dans les ports français permettront de garantir le respect de cette réglementation.
Je suis très heureuse que la France participe à relever ce défi essentiel pour nous mais aussi pour les autres pays du pourtour méditerranéen. Pour autant, ce sont les collectivités, en particulier la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, qui mènent et financent les actions. Il serait intéressant que l'État prenne sa part dans cet engagement très fort. La qualité de l'air est un enjeu primordial pour l'ensemble de nos concitoyens. De grandes villes très peuplées du bassin méditerranéen sont concernées. Nous attendons que l'État nous accompagne financièrement.
La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour exposer sa question, no 824, relative aux coupures d'énergie et de chauffage.
Monsieur le secrétaire d'État, voici l'hiver, il fait froid et la nuit tombe plus tôt. Je veux me faire le porte-parole de détresses muettes et souvent cachées. Des gens ont faim. Des gens vivent dans la rue et 2 000 d'entre eux y meurent chaque année. Cet hiver, parmi ceux qui ont un logement, sept Français sur dix retarderont le plus possible le moment où ils allumeront leur chauffage car ils redoutent de ne pas pouvoir payer leur facture. Je sonne l'alerte !
Sur les six premiers mois de l'année, les coupures d'électricité ont augmenté de 18 %, celles de gaz de 10 %. En 2018, 572 000 coupures ont été comptabilisées sur toute l'année ; en 2019, ce chiffre a été atteint dès le mois de septembre. Comment des centaines de milliers de familles vivront-elles, sans électricité ou sans gaz ?
Selon moi, ce recul social a commencé lorsque l'on a privatisé les compagnies qui fournissaient ces biens. En 2004, les marchés ont été ouverts à la concurrence, prétendument pour faire baisser les prix. Puis, nous avons vendu l'entreprise publique GDF à la multinationale Suez. Le résultat est là : les tarifs ont augmenté de 50 %, tant pour le gaz que pour l'électricité. L'accès à l'énergie n'est plus considéré comme un droit universel, mais comme une marchandise. D'ailleurs, monsieur le secrétaire d'État, vous venez vous-même de parler des usagers privés d'électricité comme de « clients ».
De consommateurs !
Non ! Jusqu'à présent, nous étions des usagers.
Pour un actionnaire, un retard de paiements sur des factures n'est pas un problème humain, mais une question comptable. Nous pensons le contraire.
L'urgence demeure. L'hiver est là. Les prix du gaz ont augmenté, de nouveau, en novembre. Les prix de l'électricité augmenteront, de nouveau, en janvier. Nous vous demandons de geler les tarifs réglementés pour l'année 2020, car si vous ne les bloquez pas, de la misère s'ajoutera à la misère. Il n'en résultera pas seulement un discrédit politique ; cela répandra aussi de la souffrance.
Geler les tarifs réglementés ne serait pas une réponse adaptée à la lutte contre la précarité énergétique. En effet, tous les consommateurs ne sont pas concernés par les tarifs réglementés : ils ont la liberté de choisir entre les tarifs réglementés et les offres de marché, qui peuvent être adaptées à leurs besoins. Le médiateur national de l'énergie propose un comparateur d'offres indépendant pour aider le consommateur à choisir celle qui est la mieux adaptée à ses critères et à ses besoins.
Par ailleurs, il est inscrit dans la loi que les tarifs doivent refléter la réalité des coûts supportés par les fournisseurs. Leur gel arbitraire serait inévitablement condamné par le juge et il faudrait refacturer par la suite le différentiel aux consommateurs. Cela s'est déjà produit.
La précarité énergétique est, en revanche, un sujet essentiel, contre laquelle le Gouvernement lutte par différents moyens. Je pense à la trêve hivernale, pendant laquelle toute coupure d'électricité ou de gaz est interdite par la loi Il y a aussi l'élargissement et la revalorisation du chèque énergie en 2019, qui aide désormais 5,7 millions de ménages modestes à payer les factures d'énergie de leur logement – près de 850 millions d'euros sont désormais consacrés à cette aide.
Citons encore le déploiement de dispositifs pour aider les ménages à s'inscrire dans la transition énergétique et à vivre dans des logements moins énergivores, comme le CITE, le crédit d'impôt pour la transition énergétique, qui sera transformé en prime pour les ménages aux revenus modestes au 1er janvier 2020 ; les certificats d'économie d'énergie, qui permettent aux ménages modestes de bénéficier d'une prime exceptionnelle pour financer certains travaux d'économie d'énergie ; les aides financières de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat ; l'écoprêt à taux zéro simplifié qui est prolongé jusqu'en 2021, ou encore la TVA à taux réduit sur les travaux de rénovation énergétique.
Monsieur le secrétaire d'État, c'est donc la loi sur la concurrence qui a fait augmenter les tarifs sous prétexte de multiplier les fournisseurs et qui nous empêche aujourd'hui de vous demander de bloquer les tarifs réglementés. Pour seule réponse aux gens qui ont froid et qui sont dans le noir, elle nous fait dire : allez voir le médiateur pour avoir un meilleur prix !
Vous avez bien voulu rappeler que les coûts réels de l'énergie devaient être répercutés sur les prix et que le juge condamnerait les fournisseurs qui ne respecteraient pas cette obligation. Or cela ne répond pas, à mon avis, à la question essentielle. Car ces coûts ne sont pas seulement ceux des matières premières : ils comprennent également les dividendes versés aux actionnaires, qui sont du pur parasitage, car nous n'avions pas eu besoin de capital privé pour faire fonctionner les réseaux auparavant ! C'est la raison pour laquelle je suis favorable à ce que l'on fournisse gratuitement les premiers mètres cubes de gaz et les premiers kilowattheures aux utilisateurs. Tous ces réseaux ont été payés par la collectivité, c'est-à-dire par les impôts de ceux qui nous ont précédés ; cela donne des droits à ceux qui y ont accès maintenant.
La parole est à Mme Valérie Gomez-Bassac, pour exposer sa question, no 836, relative aux décharges sauvages.
Partout sur notre territoire, les incivilités fleurissent. Les décharges sauvages sont parfois l'expression d'un désespoir ou de la volonté de faire des économies de bouts de chandelle ; elles sont parfois, aussi, le fait d'un système mafieux organisé. Ces incivilités ont fait un mort l'été dernier : Jean-Mathieu Michel, maire de Signes. Sa mort est malheureusement un indice de la difficulté qu'ont les édiles à combattre ce fléau.
Pour les particuliers comme pour les professionnels, les dépôts illégaux de déchets ne doivent plus être une solution de facilité. Nous devons relever le triple défi qu'ils constituent pour la sauvegarde de l'environnement, des paysages et de l'économie.
Pour l'environnement, tout d'abord, car les éléments déposés sont rarement inertes : on trouve ainsi des téléviseurs ou des congélateurs, autant de métaux et de fluides qui polluent les sols et abîment l'écosystème. Pour le maintien des paysages, ensuite, car je refuse que les abords de nos routes, les sentes de nos forêts et les périphéries de nos villes se transforment en dépotoirs ou en poubelles à ciel ouvert.
Enfin, nous devons répondre à ce désastre économique qui engendre des coûts de plusieurs millions d'euros pour la collectivité. L'an dernier, l'ADEME – Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie – estimait que ce coût pouvait atteindre 50 euros par habitant dans certaines communes. Il faut y mettre fin ! Par ailleurs, le coût du recyclage des produits, livrés à la nature, n'est pas considéré dans les devis, ce qui crée une distorsion réelle de concurrence entre professionnels.
Il faut prévenir, ce que nous faisons largement ; mais il faut aussi sévir, afin que les décharges sauvages et illégales ne soient plus une option. Dans le Var, elles remontent à des temps immémoriaux. Grâce à l'action du ministère, et notamment à l'action de Mme Poirson et de M. de Rugy lorsqu'il était en fonction, ce sujet commence à avancer. La décharge du Castellet, qui avait plus de 35 ans d'existence, a été mise sous scellés. Merci ! Oui, merci, car nos concitoyens en ont ras-le-bol de ces décennies d'immobilisme et de magouilles en tout genre dont ils payent le prix fort. Pourtant, une nouvelle décharge vient d'ouvrir dans le même secteur. Il est temps, pour le Var et pour la France, de retrouver une gestion saine des déchets afin que les décharges illégales ne soient plus une option.
Alors que nous débutons l'examen en séance du projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, quelle politique entendez-vous mener pour qu'il ne soit plus permis de salir de la sorte nos belles contrées ?
Madame la députée, vous appelez mon attention sur la lutte contre les décharges sauvages et les dépôts illégaux partout en France. Le ministère de la transition écologique et solidaire a constitué un groupe de travail qui s'est réuni pour la première fois le 22 mai 2018 afin de mettre à la disposition des collectivités des outils plus performants de lutte contre ces phénomènes. Il s'agit ici d'un engagement de la feuille de route pour une économie circulaire.
D'autre part, le projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, défendu par Mme Brune Poirson, actuellement en discussion au Parlement, prévoit plusieurs mesures visant à faciliter la sanction des dépôts illégaux. Il sera par exemple possible de confier aux agents de surveillance de la voie publique la mission de les contrôler. Le maire pourra également transférer sa compétence de police spéciale en matière de déchets au président du groupement de collectivités exerçant la compétence « collecte des déchets ». Une autre mesure vise à permettre que les communes récupèrent les sommes perçues au titre des amendes administratives décidées par le maire contre des dépôts sauvages.
De plus, grâce à la loi portant création de l'Office français de la biodiversité, le Gouvernement a permis le recours à la vidéoprotection pour prévenir l'abandon de déchets. Cette loi donne notamment aux inspecteurs de l'environnement et aux policiers municipaux l'accès au service d'immatriculation des véhicules pour lutter contre la mauvaise gestion des déchets. Enfin, les services du ministère rédigent un guide à destination des collectivités regroupant des outils pour aider les maires à sanctionner l'abandon de déchets. Ce guide devrait paraître début 2020.
Comme vous le voyez, de nombreux chantiers ont été engagés pour lutter contre l'abandon de déchets. Ces travaux se poursuivront en 2020 en collaboration avec les fédérations professionnelles et les collectivités afin que les contrevenants soient sanctionnés et que les déchets cessent d'être abandonnés.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, et je compte sur votre engagement, car je me fais la porte-parole des agriculteurs qui voient régulièrement leurs terres déclassées, et celle des riverains qui voient à longueur de journée des camions passer de façon dangereuse sur des routes inadaptées. Je connais l'ampleur du travail que vous menez actuellement, et je compte sur votre soutien.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour exposer sa question, no 856, relative au réseau TER à Béziers et Narbonne.
Ma question concerne la réorganisation prochaine du réseau TER en Occitanie, qui devrait amputer la ville de Béziers de dix emplois qualifiés. Il est question que ces employés aillent s'installer à Narbonne, située à une trentaine de kilomètres de Béziers. Pour le Biterrois, ce départ serait une très mauvaise nouvelle. Bien sûr, vu de Paris, ce transfert n'interpelle pas grand monde, mais, sur place, quand on mène une politique de terrain, il est évident que ce départ assène un coup supplémentaire à un territoire déjà très fragile en matière d'emplois, notamment d'emplois qualifiés.
Avec ce départ, tout un dynamisme, notamment économique, quitterait le Biterrois. Quand la ville de Béziers connaît un taux de chômage de 13,30 % alors que la moyenne nationale est à 8,4 %, c'est tout simplement incompréhensible. Alors que, sans cesse, on entend parler de cohésion des territoires, j'avoue avoir du mal à comprendre en quoi une réorganisation occasionnant le départ de dix personnes qualifiées contribuerait à cette pseudo-cohésion.
Il faudrait que l'État soit cohérent. D'un côté, vous signez au mois de juillet une convention de lutte contre la pauvreté et l'accès à l'emploi avec le département de l'Hérault pour la période 2019-2021 – ce dont je me félicite – , de l'autre, vous ne faites rien pour sauver les emplois et éviter une nouvelle hémorragie. En 2018, EDF Énergies nouvelles annonçait le regroupement et la délocalisation des sites de Colombiers et de Béziers – soit près de 200 emplois – vers Montpellier. Cette réorganisation n'aura finalement pas lieu – en tout cas pas dans l'immédiat – parce que nous nous sommes battus. En 2015, ce sont les Galeries Lafayette qui devaient fermer à Béziers ; là encore, parce que nous nous sommes battus, les emplois n'ont pas quitté la ville. En 2019, c'est au tour de la SNCF de menacer une dizaine d'emplois dans l'ouest de l'Hérault. Que comptez-vous faire concrètement pour nous aider à maintenir ces emplois ?
Madame la députée, vous m'avez fait part de vos interrogations concernant un projet d'évolution organisationnelle au sein de la direction régionale Occitanie de SNCF Mobilités qui se traduit, en particulier, par le transfert d'une dizaine d'emplois de Béziers vers Narbonne.
Le Gouvernement est sensible à la situation de l'emploi dans les régions et particulièrement attaché à ce que la SNCF préserve une présence territoriale équilibrée. Dans le cadre de son programme stratégique pour le développement des TER, SNCF Mobilités mène différents projets de transformation pour accroître la performance des services de transport ferroviaire. L'objectif est de mieux satisfaire les attentes des voyageurs et des autorités organisatrices, à savoir les régions.
Le contexte de transformation locale de l'offre TER a conduit la direction régionale Occitanie de SNCF Mobilités à faire évoluer son organisation territoriale. L'entreprise a assuré mes services que ces ajustements seraient limités. Enfin, je souhaite rappeler que l'État n'a pas vocation à intervenir s'agissant des choix organisationnels internes de SNCF Mobilités qui bénéficie d'une autonomie de gestion. De surcroît, les TER relèvent de la compétence des régions, qui contractualisent périodiquement avec la SNCF.
J'entends bien que l'État n'ait pas vocation à intervenir dans les décisions de la SNCF. Néanmoins, je crois que vous souhaitez mener une politique volontariste en faveur des villes moyennes. La commune de Béziers bénéficie du plan « action coeur de ville » destiné à revitaliser son centre-ville. Elle compte trois quartiers prioritaires de la ville, dans lesquels est menée une politique destinée à favoriser l'accès à l'emploi de populations parfois laissées de côté. La politique de cohésion des territoires prévoit en outre d'aider les territoires à développer leur potentiel en stimulant l'activité économique.
Les signaux sont donc contradictoires aux yeux de la population biterroise. D'un côté, on affiche une volonté de dynamiser et de sauvegarder l'emploi et on promeut une politique volontariste pour lutter contre la pauvreté et le chômage. De l'autre, l'État n'aurait pas son mot à dire quand la SNCF décide de délocaliser des emplois de manière totalement arbitraire.
Par ailleurs, même si je m'écarte du sujet, je tiens à revenir sur la question de la ligne ferroviaire reliant Montpellier, Béziers et Perpignan. Si des emplois qualifiés sont supprimés sur le réseau TER Occitanie, faisons tout pour que, dans un délai relativement court, des emplois soient créés dans le Biterrois grâce à la création de cette ligne que nous attendons depuis plus de trente ans avec une réelle impatience – même les journaux locaux s'interrogent sur le silence du Gouvernement à ce propos – ,…
Nous leur enverrons des invitations !
… et créons une nouvelle dynamique grâce à la gare TGV qui a vocation à s'installer à Béziers !
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Questions au Gouvernement.
Suite de la discussion du projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire.
La séance est levée.
La séance est levée à douze heures vingt-cinq.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra