La commission spéciale poursuit l'examen du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (n° 3875 rect.) (M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général, M. Damien Adam, M. Erwan Balanant, Mme Aurore Bergé, M. Lionel Causse, Mme Célia de Lavergne, Mme Cendra Motin, M. Mickaël Nogal et M. Jean-Marc Zulesi, rapporteurs).
Mes chers collègues, nous poursuivons l'examen du titre V du projet de loi, dont la rapporteure est Mme Célia de Lavergne, en présence de M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
À ce stade, nous avons examiné 3 474 amendements, au rythme de 40 amendements à l'heure. Il nous en 380 à examiner sur les titres V et VI.
Article 60 (suite) (articles L. 230-5-1, L. 230-5-2, L. 230-5-3 et L. 230-5-4 du code rural et de la pêche maritime) : Extension à la restauration collective privée de l'obligation d'améliorer la qualité des repas servis
Amendements CS854 de M. Antoine Herth, CS894 de M. Julien Aubert, CS2913 de M. Dominique Potier et amendement identiques CS5303 de la rapporteure, CS193 de M. Patrice Anato, CS448 de M. Pierre Vatin, CS843 de M. Antoine Herth, CS1393 de M. Mohamed Laqhila, CS1512 de Mme Emmanuelle Anthoine, CS2067 de M. Dominique Potier, CS2256 de Mme Laurence Trastour-Isnart et CS2674 de M. Gérard Leseul (discussion commune).
Je propose que les produits du commerce équitable puissent rejoindre la liste de ceux qui, depuis la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (ÉGALIM), sont éligibles aux 50 % de produits durables et de qualité servis dans la restauration collective.
Je propose d'ajouter à cette liste les produits issus de projets alimentaires territoriaux (PAT), même s'il ne s'agit pas de les considérer comme équivalents aux produits certifiés haute valeur environnementale (HVE) de niveau 3 ou aux produits issus de l'agriculture biologique (AB).
Je défends par ailleurs, comme Antoine Herth, le commerce équitable : c'est l'objet de mon amendement CS2067. Ces deux combats sont liés : la relocalisation par les PAT dans des écosystèmes locaux et le commerce équitable sont deux outils qui doivent nous permettre de réaliser notre ambition alimentaire et sociale.
Je propose d'inclure les produits du commerce équitable dans les 50 % de produits durables et locaux définis dans la loi ÉGALIM.
Cette série d'amendements soulève trois questions distinctes.
La première, qui fait l'unanimité, consiste à inclure les produits issus du commerce équitable dans la liste des produits éligibles aux 50 % de produits durables et de qualité, définis dans la loi ÉGALIM. J'émettrai donc un avis favorable sur tous les amendements identiques à mon amendement CS5303.
La deuxième proposition est d'intégrer à cette liste les produits issus des projets alimentaires territoriaux. J'y travaille et je recherche actuellement, avec le ministre, la meilleure rédaction possible ; nous vous ferons des propositions en séance. J'invite donc les auteurs des amendements CS894 et CS2913 à les retirer. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
L'amendement CS854 d'Antoine Herth, enfin, propose d'ajouter une liste de produits beaucoup trop large. J'y suis défavorable.
Je suis favorable à l'amendement CS5303 de la rapporteure et aux amendements identiques, qui concernent les produits du commerce équitable. J'ai la même position que la rapporteure à propos de l'amendement CS854.
S'agissant des amendements CS894 et CS2913, je suis très favorable à l'introduction des produits issus des PAT dans les critères de la loi ÉGALIM mais cela pose des problèmes juridiques que nous avons déjà évoqués ce matin, puisqu'il est difficile d'introduire des critères relatifs à une zone géographique dans les règles de la commande publique. Nous sommes en train de rechercher la meilleure solution. Par ailleurs, il nous faudra aussi trancher une autre question : les produits issus des PAT devront-ils être inclus dans les 50 %, ou bien s'y ajouteront-ils ? Nous en débattrons en séance publique.
J'aimerais avoir un avis plus détaillé de la rapporteure et du ministre sur l'amendement CS854 de M. Antoine Herth.
Vous l'avez dit, madame la rapporteure, cette série d'amendements concerne trois sujets distincts.
Le premier, c'est le commerce équitable, que l'on associe aux notions de solidarité et de durabilité.
Le deuxième, ce sont les projets alimentaires territoriaux, qui touchent à la nutrition, la qualité, la sécurité sanitaire, la proximité et les circuits courts.
Le troisième volet, c'est tout ce qui touche au climat, et seul l'amendement d'Antoine Herth l'aborde. Dans son exposé sommaire, il fait référence à la démarche Bleu‑Blanc-Cœur, qui vise à réduire les émissions de méthane, mais aussi les importations de soja, puisqu'elle promeut les protéines végétales produites en France et en Europe. On ne peut pas mettre tous ces amendements sur un pied d'égalité : celui d'Antoine Herth doit faire l'objet d'un avis spécifique de la part de la rapporteure et du ministre.
Je souscris totalement aux propos de notre collègue Thierry Benoit. L'intégration des PAT dans les 50 % de produits de la loi ÉGALIM me semble être une évidence : cela n'aurait pas de sens de développer des productions locales et de ne pas les valoriser. Mais ce projet de loi a surtout vocation à diminuer notre impact sur le climat. J'ai découvert, en tant que député, la démarche Bleu-Blanc-Cœur, que je ne connaissais pas en tant qu'agriculteur, et je l'ai expertisée. Elle mériterait peut-être d'être validée par la puissance publique, mais elle intègre en tout cas dans son cahier des charges l'impact environnemental et la substitution des protéines d'origine extra-européenne par des protéines produites localement. Quand on connaît l'énergie – c'est-à-dire les gaz à effet de serre – nécessaire pour produire des protéines, on ne peut que saluer une telle initiative : elle semble tout à fait en phase avec l'objet de ce projet de loi. Je suis donc tout à fait favorable à l'amendement de notre collègue Antoine Herth.
J'ai indiqué, dans mon amendement CS854, un certain nombre de pistes qui sont encore en cours d'exploration. Je propose par exemple d'intégrer les exploitations en cours de conversion à l'agriculture biologique, avant l'obtention du label. C'est du « work in progress », comme on dit en Alsace.
Sur le commerce équitable, en revanche, on travaille depuis longtemps : en 2005, déjà, j'avais participé à une mission parlementaire, qui a débouché sur plusieurs travaux législatifs. Je veux bien retirer mon amendement CS854, compte tenu des explications du ministre, mais je maintiens mon amendement CS843.
Nous avons tous des aspirations nobles mais le diable est souvent dans les détails. La loi ÉGALIM avait retenu les certifications HVE3, AB et signes de l'identification de la qualité et de l'origine (SIQO) : on savait à quoi s'en tenir. D'autres candidats frappent aujourd'hui à la porte : même s'ils sont tout à fait estimables, ils n'ont pas forcément le même niveau d'exigence et cela peut créer une confusion dans la taxonomie.
Deux chantiers nous attendent, monsieur le ministre. Il conviendra, à terme, de réviser les labels AB et HVE pour y intégrer le carbone et le commerce équitable : il vaut mieux réviser les labels existants que les multiplier. Sur le commerce équitable, ensuite, il faut réfléchir de façon globale, en s'appuyant à la fois sur la loi dite « Hamon » et la loi de 2005, à ce qui pourrait être stabilisé : les acteurs du commerce équitable attendent une certification publique, tout en s'en méfiant. Une clarification est nécessaire.
On progresse, mais je voudrais revenir sur la question du vrac, dont nous avons débattu au début de l'examen de ce projet de loi. En imposant une surface minimale dédiée au vrac dans les commerces, le risque est de voir les grands groupes évincer les autres acteurs : il faudrait qu'une part du vrac que nous installons dans les supermarchés leur soit réservée.
Lors de l'examen de la loi ÉGALIM, nous avions insisté sur le fait que les labels privés devaient absolument faire l'objet d'une certification extérieure, ce qui n'est pas toujours le cas. Qu'ils rentrent dans les 50 % de productions biologiques et locales, je n'y vois pas d'inconvénient a priori, mais il faut s'assurer qu'ils ont reçu une vraie certification.
La difficulté, c'est de trouver une définition claire, compte tenu de la multiplicité des textes et des règles. J'ai notamment recensé : le règlement (CE) n° 834-2007 relatif à la production biologique et à l'étiquetage des produits biologiques ; les mentions prévues à l'article L. 640-2 du code rural et de la pêche maritime ; l'écolabel prévu à l'article L. 644-15 du même code ; le symbole graphique prévu à l'article 21 du règlement (UE) 228/2013 ; les différentes certifications ; l'article L. 611-6 du code rural qui définit la « haute valeur environnementale » ; la directive 2014/24/UE ; le fait que 80 % des productions doivent être réalisées en autonomie sur une exploitation ; le fait que les animaux doivent accéder à un pâturage pendant une période d'au moins cinq mois. On se perd dans cette jungle…
Je vais revenir en détail sur l'amendement CS854 de M. Antoine Herth.
La référence à des « critères de développement durable » est satisfaite par le premier alinéa de l'article L. 230-5-1 du code rural et de la pêche maritime, qui mentionne les « produits acquis selon des modalités prenant en compte les coûts imputés aux externalités environnementales liées au produit pendant son cycle de vie ».
Sur le projet alimentaire territorial, nous vous avons déjà répondu et nous pourrons poursuivre notre discussion en vue de la séance.
La mention des « animaux nés, élevés, abattus, découpés sur un même territoire » risque de porter atteinte au marché européen. Il existe aujourd'hui des outils qui permettent aux acheteurs publics de s'orienter : je pense notamment au guide d'achat Localim ; il indique par exemple la race des viandes, ce qui facilite les achats de proximité.
La question des démarches collectives, comme la démarche Bleu-Blanc-Cœur, pose celle des labels privés, face auxquels nous devons être très vigilants, comme Mme Le Feur l'a rappelé. Si nous intégrons le commerce équitable dans cet article, c'est parce que nous ferons un pas en avant, à l'article 66, sur la labellisation du commerce équitable. Nous devons avoir une vraie réflexion sur les autres labels privés et je défendrai d'ailleurs, après l'article 66, l'amendement CS5477, relatif à l'encadrement des labels privés.
Ce débat est essentiel. Le choix fait dans la loi ÉGALIM a été de miser sur des produits issus de labels publics, qu'ils soient européens – SIQO, bio – ou nationaux, avec la certification HVE. Ces labels sont un gage de qualité – même si l'on peut débattre pour savoir s'ils prennent suffisamment en compte la donnée climatique.
Nous voulons aussi valoriser les produits du territoire. Mais le problème, c'est qu'il n'y a pas d'équivalence entre les produits du territoire et les produits issus d'une labellisation publique. En Normandie, par exemple, il existe plusieurs labels privés de viande issue de vache normande qui ne rentrent pas dans les dispositifs ÉGALIM. La démarche Bleu‑Blanc‑Cœur, que vous avez évoquée, ne rentre pas non plus dans le dispositif ÉGALIM, parce qu'elle est privée.
La question qui se pose est la suivante : si l'on veut promouvoir les produits du territoire dans le dispositif ÉGALIM, doit-on passer uniquement par des labellisations publiques, ou par une transformation des labellisations privées ? Vous voyez que nous faisons le grand écart entre deux objectifs. Si nous voulons faire du « tout label », alors nous excluons les produits du territoire ; il faudrait trouver un moyen de concilier les deux, mais cela pose un vrai problème d'écriture, car les deux objectifs ne sont pas totalement conciliables. Nous en débattrons en séance.
Je retire mon amendement mais j'aimerais que nous ayons ce débat dans le cadre de l'article 1er.
Les amendements CS854, CS2913 et CS448 sont retirés.
La commission rejette l'amendement CS894 et adopte les amendements CS5303 et identiques.
Amendement CS4345 de Mme Aina Kuric et amendements identiques CS725 de Mme Delphine Batho et CS4866 de Mme Sandrine Le Feur (discussion commune).
Nous proposons de ne retenir que les produits de niveau HVE3 parmi les 50 % de produits de qualité et durables.
Ces amendements tendent à exclure dès maintenant du dispositif ÉGALIM, et non en 2030, les exploitations qui bénéficient d'une certification HVE de niveau 2 et qui s'orientent vers le niveau 3. Or l'idée est de créer un appel d'air pour nos filières agricoles et de leur donner accès à ces marchés. Nous voulons accompagner cette transition et il nous semble qu'un changement du jour au lendemain serait contre-productif, compte tenu des efforts déjà réalisés.
Même avis. Le fait de retenir des producteurs bénéficiant d'une certification de niveau 2 permet d'inclure des productions et des entreprises du territoire. Il importe maintenant de transformer l'essai et c'est la raison pour laquelle nous avons créé un crédit d'impôt HVE, pour accélérer le passage du HVE2 au HVE3. Sur cette question également, il convient de trouver le juste équilibre.
Il importe effectivement de ne pas décourager les producteurs qui sont engagés dans cette conversion. Il faut que les productions qui bénéficient d'une certification de niveau 2 restent éligibles.
Je pense exactement l'inverse. Ne retenir que les productions de niveau HVE3 inciterait les producteurs à passer à ce niveau de certification plus rapidement.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS2064 de M. Dominique Potier.
Je crois, madame la rapporteure, que mon amendement propose la solution équilibrée que vous recherchez. Dans nos territoires, la dynamique est plus rapide que la loi : les grandes filières, les coopératives agricoles les plus traditionnelles, sont engagées dans la transition vers la haute valeur environnementale. Les territoires qui ont des contrats de transition écologique ont un objectif de deux tiers d'ici à 2030, en incluant le carbone, grâce à une collaboration avec l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE). Il ne faudrait pas que la loi soit en retard sur les réalités du terrain. Nous avons été très prudents au moment de la loi ÉGALIM, avec le ministre M. Stéphane Travert, parce que la certification HVE était une nouveauté, mais la graine HVE est en train d'éclore et tout le monde s'en saisit. Il ne faut pas que la loi soit en retard par rapport au marché. Avançons de cinq ans la date de conversion à la norme HVE, tout le monde sera prêt.
Je pense comme vous qu'il faut accélérer les choses, et nous avons entamé des concertations pour trouver la bonne échéance. Mais je ne suis pas certaine que celle que vous proposez soit la bonne : je vous propose donc de retirer votre amendement pour que nous puissions y travailler ensemble d'ici à la séance.
Je vous invite également à retirer votre amendement. La dynamique est lancée, c'est vrai, mais il n'y a pas, à l'heure actuelle, plus de 5 % d'exploitations certifiées HVE3. Beaucoup sont dans la phase de transition et toute la question est de savoir s'il faut pousser ou tirer. Pour ma part, je crois davantage à la deuxième solution et le crédit d'impôt est un outil essentiel. Les certifications HVE2 et HVE3, ce n'est pas zéro ou un ; les certifications HVE2 présentent déjà des garanties et il faut les accompagner vers le niveau supérieur.
Les socio-démocrates sont des hommes et des femmes de compromis. J'accepte donc de retirer mon amendement.
L'amendement est retiré.
Amendements identiques CS432 de Mme Valérie Beauvais, CS650 de M. Vincent Descoeur, CS830 de M. Julien Dive et CS1077 de M. Jean-Yves Bony.
Le critère d'accès au pâturage est l'un des principaux indicateurs de la durabilité des systèmes d'élevage.
Les viandes d'importation représentent encore 48 % des approvisionnements en restauration collective. Je propose une disposition qui devrait permettre d'atteindre l'objectif de 50 % d'approvisionnement en produits durables.
Vous posez la question de l'importation, mais le critère que vous introduisez – l'accès de l'animal au pâturage pendant une période d'au moins cinq mois – ne règle pas la question, puisqu'un animal ayant été élevé dans ces conditions peut très bien être importé depuis l'autre bout de la planète. Surtout, ce critère de l'accès au pâturage pendant au moins cinq mois paraît difficile à contrôler pour un gestionnaire de restauration collective. Il faut plutôt encourager les démarches de qualité garantissant cet accès au pâturage. Avis défavorable.
De surcroît, il y aurait une contradiction entre ces amendements, qui me conviennent sur le fond, et la décision qui a été prise à l'article 1er – à mon grand regret – de ne pas corriger le système « analyse du cycle de vie » pour l'adapter aux animaux en pâturage.
La commission rejette les amendements.
Amendements CS1287 de M. Loïc Dombreval et CS3368 de M. Cédric Villani (discussion commune).
L'amendement CS3368 concerne la qualité des volailles consommées : il vise à exclure celles qui ne satisfont pas certaines caractéristiques du règlement européen.
Avis défavorable. Vous renvoyez au niveau européen, alors que la législation française est exigeante en la matière.
Vous posez la question de la qualité des volailles dans la restauration hors domicile (RHD). Je caricature un peu, mais il est vrai qu'il y a beaucoup de volailles issues de l'élevage français dans la grande distribution et les commerces et beaucoup de volailles importées dans la RHD. Et ces importations proviennent en grande partie de pays extra-européens : je pense en particulier à l'Ukraine et au Brésil, qui n'ont pas du tout les mêmes normes que nous. Pour faire face à cela, des règles s'appliquent au niveau européen. Ces règles sont ce qu'elles sont, il faut faire bouger les lignes en introduisant des clauses miroir : ce sera la priorité de la présidence française dans le domaine agricole.
Par ailleurs, à partir de cet été, un décret imposera d'indiquer l'origine des viandes, notamment des volailles, dans la restauration hors domicile. Il faudra indiquer si la volaille vient de France, d'Europe, ou d'un pays extérieur à l'Union européenne. Nous attendions l'aval de la Commission européenne et nous l'avons obtenu : le décret devrait donc être pris d'ici à l'été.
Mon amendement CS2215, qui avait le même objet, a été déclaré irrecevable, au titre de l'article 45 – comme nombre de mes amendements, du reste. Je ne l'avais peut-être pas déposé au bon endroit, mais j'aimerais savoir précisément pourquoi il a été jugé irrecevable.
Monsieur Chassaigne, on m'indique que votre amendement a été jugé irrecevable au titre de l'article 40 : c'est donc à M. Éric Woerth, président de la commission des finances, qu'il faut demander des explications.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements identiques CS431 de Mme Valérie Beauvais, CS649 de M. Vincent Descoeur, CS829 de M. Julien Dive et CS1075 de M. Jean-Yves Bony.
Les professionnels de la filière de l'élevage et des viandes françaises et les organisations non gouvernementales (ONG) environnementales avec lesquelles ils travaillent en concertation depuis plusieurs années, partagent plusieurs consensus en matière de durabilité du système de production des viandes rouges en France. Ils considèrent notamment que l'un des principaux critères de durabilité d'une exploitation d'élevage est sa capacité à fonctionner en autonomie, donc à limiter au maximum les achats d'intrants, notamment pour l'alimentation du troupeau.
En France, 60 % de l'alimentation fournie aux bovins est produite par l'éleveur, sur son exploitation. Ce taux s'élève même à 80 % pour les cheptels allaitants. C'est donc pour valoriser cet atout du modèle d'élevage français, mais aussi pour engager largement les éleveurs dans une amélioration de leurs pratiques sur ce plan, et dans une logique de transition agroécologique, que le présent amendement vise à intégrer ce critère d'autonomie des exploitations dans la liste des critères d'éligibilité aux 50 % d'approvisionnement en produits durables des restaurants collectifs publics, fixés par la loi ÉGALIM.
J'aimerais revenir sur la question de la qualité de l'alimentation de nos élevages, notamment bovins, que nous avons déjà évoquée ce matin. À l'importation de protéines végétales destinées à l'alimentation animale, comme le soja, il faudrait privilégier les protéines végétales produites en France ; il existe d'ailleurs un plan « protéines végétales », qui concerne à la fois l'alimentation humaine et animale.
Je partage votre préoccupation de soutenir les filières d'élevage françaises. Toutefois, je ne suis pas certaine que votre proposition favoriserait les exploitations nationales. Sur le fond, la définition de l'autonomie me semble poser un problème, puisqu'elle recouvre à la fois la question du fourrage, de l'alimentation des animaux, des intrants, mais aussi du personnel. Le caractère imprécis de cette définition risque de poser un problème juridique. Par ailleurs, je me demande comment les responsables de la restauration collective pourront évaluer ce critère. Pour toutes ces raisons, je vous invite à retirer votre amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Amendements identiques CS433 de Mme Valérie Beauvais, CS651 de M. Vincent Descoeur, CS831 de M. Julien Dive, CS1078 de M. Jean-Yves Bony, amendements identiques CS1746 de M. Thibault Bazin et CS4983 de M. Jean-Marie Sermier (discussion commune).
Il s'agit de concrétiser la proposition de la Convention citoyenne pour le climat qui consiste à intégrer un nouveau critère d'attribution dans les règles de la commande publique, relatif au nombre de kilomètres parcourus par le produit.
Monsieur le ministre, vous avez rappelé que la majorité des volailles consommées en restauration hors domicile – leur proportion oscille entre 60 et 80 % selon les années – sont importées. Nous nous battons tous, depuis plusieurs années, pour valoriser la production française. J'ai repris l'exemple de la production de volailles, mais je pourrais parler aussi de la viande bovine ou des plats végétariens, dont il a été question ce matin. Les critères d'attribution des marchés publics sont très nombreux – ils concernent le prix, la qualité, etc. – mais il est très difficile de valoriser les produits français. Le critère du nombre de kilomètres parcourus permettrait de valoriser les productions nationales et locales.
Il convient aussi de considérer la part que représente le transport dans le prix d'un produit – pour le Kiri, fromage fabriqué dans le Jura, elle est de 20 % ! – ainsi que les conditions dans lesquelles il a été acheminé.
Vous le savez, le critère de distance maximale parcourue porterait atteinte au droit de la concurrence et au marché unique européen. Toutefois, l'ancrage territorial de l'alimentation est une préoccupation partagée, au fondement des PAT ; par ailleurs, la distance et le mode de transport entrent en ligne de compte dans l'analyse du cycle de vie (ACV), qui figure au 1° de la liste des produits durables et de qualité visés par la loi ÉGALIM.
De telles dispositions devraient passer sous les fourches caudines de la réglementation européenne et, si elles venaient à être appliquées, introduiraient de la complexité : faut-il priver les petits métropolitains de bananes ou les écoliers des Hauts-de-France de côtes d'agneau du Quercy ? Ce sont de fausses bonnes idées. La proximité est prise en compte dans les PAT ainsi que dans le cahier des charges des gestionnaires des cantines.
Je rappelle que l'article 15 impose aux acheteurs publics de prendre en compte dans les marchés publics les critères environnementaux, qui incluent l'analyse du cycle de vie des produits. Le prix n'est plus le seul critère et je suis heureuse que cela s'applique aussi à la restauration collective.
Cela renvoie à un sujet dont nous débattrons dans l'hémicycle : l'étiquetage des produits finis, notamment agro-alimentaires, en sortie du centre de production, peut être trompeur sur l'origine.
Il est certain que l'Union européenne ne nous permettrait pas de distinguer entre les produits selon leur provenance. En revanche, il faut que le consommateur soit informé.
Ces amendements relèvent de démarches positives pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et préserver la biodiversité. Il serait bon que le Gouvernement accompagne ces initiatives et que nous progressions sur ces sujets !
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS3367 de M. Cédric Villani.
Compte tenu du coût plus élevé des produits d'origine animale, il est fort probable que, pour atteindre les 50 % de produits durables et de qualité, les produits d'origine végétale seront privilégiés. M. Villani propose qu'un décret fixe la part minimale en volume que les produits d'origine animale devront représenter.
La rédaction pose problème : d'une part, elle précise que le décret fixe la part minimale en volume et non en valeur d'achat, comme le prévoit l'article L. 230-5-1 ; d'autre part, elle ne vise que les produits transformés d'origine animale. Plus généralement, cet amendement renvoie au débat sur la qualité et la provenance de la viande servie dans les cantines, sujet qui pourrait faire l'objet d'un amendement collectif en séance. Retrait.
Le diagnostic est exact : on nous alerte sur le fait que les gestionnaires ont déjà tendance à rechercher des coûts moindres pour les 50 % de produits restants afin de compenser le prix des produits durables et de qualité. Il faudra un jour prévoir une qualité minimum pour 100 % des produits servis en restauration collective.
Pour notre part, nous ne suivrons pas les amendements qui pourraient conduire à dégrader l'exigence de produits certifiés HVE de niveau 3, SIQO ou bio ; la banalisation des 50 % ne doit pas faire oublier que la RHD ne représente qu'un petit segment de l'alimentation. Les 50 % de produits durables et de qualité doivent être achetés auprès des petits producteurs qui ont fait le choix de la transition.
Je remercie la rapporteure de sa réponse : elle plaide pour l'adoption de l'amendement CS724, que je défendrai ultérieurement ! Il n'y a, dans cet amendement, aucune intention de dégrader la commande ; il s'agit au contraire de préciser que dans les 50 % de produits durables et de qualité, il doit y avoir de la viande et des laitages. Il est vrai que la part fixée par décret devrait être en valeur et que le terme « transformé » est peut-être inapproprié, mais l'intention de l'amendement est bonne : il s'agit d'encourager des menus comportant de la viande en moindre quantité, mais de meilleure qualité et produite localement. Tant mieux si cette idée peut progresser lors de l'examen en séance.
Le mieux est parfois l'ennemi du bien. C'est déjà un défi pour les gestionnaires que de mettre en place les 50 % de produits durables et de qualité, dont 20 % de produits bios, n'imposons pas une nouvelle part dans cette catégorie !
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'amendement de conséquence CS5312 de la rapporteure.
Amendement CS801 de M. Julien Dive.
On se souvient que le premier confinement en 2020 a provoqué un phénomène de surstockage des denrées alimentaires, certaines filières de production se retrouvant sans débouchés. Pour éviter ce gaspillage, nous proposons que les restaurants collectifs prennent en compte des considérations relatives à l'environnement, notamment sur l'approvisionnement et le délai de livraison, de façon à promouvoir les acteurs locaux.
Votre amendement est satisfait par l'article 15, tel qu'il a été adopté par votre commission.
L'amendement est retiré.
Amendements CS724 de Mme Delphine Batho et CS2373 de M. Pierre-Alain Raphan (discussion commune).
Il s'agit de porter à 100 % la part des produits locaux, dont 50 % de produits bios. Je suis consciente de la charge que représente déjà l'application de l'article L. 230-5-1 pour les gestionnaires des cantines et je comprendrais que la date limite fixée par l'amendement, le 1er janvier 2025, soit repoussée. Je demeure cependant convaincue que c'est le sens de l'histoire.
Certes, l'ambition du 100 % doit nous guider, mais gardons à l'esprit qu'en 2019, la part des produits durables et locaux servis dans les cantines n'était que de 15 %, dont 7 % de produits bios. Même si l'épidémie de covid‑19 a provoqué une prise de conscience chez les Français et les gestionnaires des cantines, la situation économique a freiné la progression vers l'objectif, déjà ambitieux, que nous avons fixé. Attendons les bilans statistiques prévus en 2023 pour légiférer plus avant.
J'appelle votre attention sur le fait que l'article L. 230-5-1 ne vise pas les produits locaux, mais les produits sous certification européenne ou française. Nous allons travailler sur les PAT mais je sais déjà que votre assemblée se divisera sur cette question : certains considéreront qu'il faut ouvrir aux produits locaux, d'autres que cela entraîne une dégradation de la qualité car ils ne sont pas forcément certifiés.
En effet, le piège serait que, sans exigence de certification, on ouvre le marché à des producteurs locaux irrespectueux de l'environnement, ou prédateurs fonciers. Cependant, l'exigence de certification ne doit pas nous conduire à ignorer l'enjeu de la proximité. Dans les marchés publics, les critères liés à l'environnement et aux transports doivent être insérés pour privilégier, après les produits certifiés, les produits locaux.
La commission rejette successivement les amendements.
Suivant l'avis de la rapporteure, elle rejette l'amendement CS1289 de M. Loïc Dombreval.
Amendements CS4783 de Mme Liliana Tanguy, CS 4079 de Mme Frédérique Tuffnell, amendements identiques CS1522 de Mme Marie Silin et CS2065 de M. Dominique Potier, amendements CS2996 de Mme Fiona Lazaar, CS1523 de Mme Marie Silin (discussion commune).
Il s'agit d'avancer à 2024 l'harmonisation des régimes applicables aux personnes morales ayant la charge d'un restaurant collectif, beaucoup de gestionnaires privés y étant déjà prêts.
La dynamique est heureuse, pourquoi attendre encore, au‑delà de 2023 ? Le marché, la société évoluent, ne soyons pas en retard sur eux !
En effet, cela fait déjà quelque temps que la restauration collective privée a engagé des travaux sur la question de l'approvisionnement en produits durables et locaux, notamment parce que certaines entreprises travaillent à la fois pour la restauration collective publique et pour la restauration collective privée. L'extension du champ d'application de l'article L. 230-5-1, prévue en 2025, semble donc un peu éloignée ; il convient de ne pas trop l'avancer non plus, afin de tenir compte des difficultés économiques du secteur, qui a vu son chiffre d'affaires réduit de 30 % l'année passée.
J'émets donc un avis favorable à l'amendement CS4079 et suggère le retrait des autres amendements.
Je m'en remets pour ma part à la sagesse de votre assemblée sur l'amendement CS4079.
Nous voterons avec plaisir en faveur de cet amendement. Monsieur le ministre, afin d'éclairer nos débats et de remettre les choses en perspective, pourriez-vous faire un point sur la part exacte de la RHD dans le secteur de l'alimentation ?
L'amendement CS2065 est retiré.
La commission rejette l'amendement CS4783.
Elle adopte l'amendement CS4079.
En conséquence, les amendements CS1522, CS2996 et CS1523 tombent.
Amendement CS1918 de M. Thibault Bazin.
Si le surcoût entraîné par les dispositions prévues à l'article L. 230-5-1 sera pris en charge par les collectivités pour la restauration publique, les parents des enfants scolarisés dans les établissements privés sous contrat devront payer la différence. Pour que tous les élèves soient concernés par l'amélioration de l'alimentation, je propose que ces dispositions ne s'appliquent que si les établissements d'enseignement privé bénéficient d'une aide de l'État.
Par principe, je suis défavorable à un amendement visant à créer une dérogation pour les établissements d'enseignement privé, car il introduirait une inégalité.
L'amendement conditionne la mise en œuvre d'une disposition à l'apport d'une aide financière. Si l'on devait faire de même pour toutes les obligations qui incombent aux établissements publics et privés, il faudrait revoir intégralement le modèle économique de l'enseignement privé. Avis défavorable.
Je rappelle que les deux tiers des établissements d'enseignement agricole sont privés. Les agriculteurs, s'ils veulent leur transmettre leur exploitation, n'ont souvent d'autre choix que de placer leurs enfants dans le privé. Au-delà de la question du modèle économique, il existe bien un problème d'équité. Lorsque je l'avais soulevé, dans le cadre de l'examen de la loi ÉGALIM, M. Travert m'avait indiqué qu'il y réfléchirait. Je ne désespère pas !
La commission rejette l'amendement.
Amendements CS1577 de Mme Nicole Le Peih et CS4658 de M. Jean-Charles Colas‑Roy (discussion commune).
La cantine d'un des collèges de Pontivy réussit à s'approvionner toute l'année en denrées fraiches, produites dans un rayon correspondant à une heure trente de route. C'est donc possible ! Je propose par cet amendement de fixer comme nouvel objectif, à horizon 2030, une part de 70 % de produits durables et de qualité.
C'est vrai, il faudra aller plus loin. Mais je rappelle que la part de ces produits était encore de 15 % en 2019, et que cette moyenne recouvre des disparités régionales. Nous manquons de données statistiques pour fixer de nouveaux objectifs. J'espère que nous disposerons bientôt d'un bilan – j'ai déposé un amendement en ce sens. Je vous suggère de retirer les amendements.
Même avis. Nous pourrons en rediscuter en séance, notamment lorsque nous aborderons la question des PAT.
Les amendements sont retirés.
Amendement CS965 de Mme Jennifer de Temmerman.
Le Conseil national de l'alimentation doit être chargé de veiller au respect de l'article L. 230‑5‑1.
C'est précisément l'objet du Conseil national de la restauration collective, créé dans la continuité de la loi ÉGALIM.
L'amendement est retiré.
Suivant l'avis de la rapporteure, la commission rejette l'amendement CS2995 de Mme Jennifer de Temmerman.
Amendement CS2101 de M. Guillaume Garot.
Conformément à la préconisation formulée par le Conseil économique, social et environnemental (CESE), nous proposons de créer, à destination des restaurants, une mention « qualité durable » qui s'ajouterait à la mention « fait maison », née en 2014. Cette nouvelle mention protégée par les pouvoirs publics introduirait cohérence et visibilité dans le paysage des nombreux labels privés et réseaux de restaurants qui ont émergé ces dernières années.
Vous souhaitez lier ce label à l'utilisation des produits listés dans la loi ÉGALIM. Je ne pense pas qu'un tel mélange des genres soit souhaitable. En outre, il convient d'encourager la démarche des restaurateurs qui sont nombreux à utiliser le « fait maison » ou la certification « bio » et à mettre en avant des labels privés.
Il ne s'agit pas de rajouter encore un label mais au contraire de clarifier les choses, car la profusion de labels peut introduire une confusion dans l'esprit du consommateur. Il serait bienvenu que l'État garantisse ce label comme il l'a fait avec le « fait maison », désormais reconnu. Je vous recommande la lecture du rapport passionnant du CESE sur l'alimentation durable, dont est issue cette proposition. Adopter cet amendement serait une façon de faire confiance aux acteurs de la société civile, lesquels nous encouragent à aller de l'avant.
L'amendement de Mme de Temmerman relevait de la même logique. Créer un tel label permettrait d'éviter la profusion de labels sans grande signification.
Plutôt que de créer une nouvelle mention « qualité durable », efforçons-nous de faire connaître des labels existants, comme la certification HVE, créée en 2015 et pourtant ignorée de beaucoup de consommateurs.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CS2218 de M. André Chassaigne.
C'est ce que j'appellerais l'amendement puissance 365. Il est question d'un affichage une fois par an. Mais encore faut-il aller prendre son repas le bon jour ! Quelles sont les informations que l'on doit afficher une fois par an ? La part des produits définis au I de l'article L. 230-5-1, soit les produits labellisés, certifiés ou de proximité, et les démarches que les personnes morales en charge des restaurants collectifs ont entreprises pour développer l'acquisition de produits issus du commerce équitable. On peut concevoir qu'il y ait une affiche annuelle, qui reste plusieurs jours. On pourrait concevoir aussi qu'il y en ait une déclinaison quotidienne, pour savoir un peu mieux ce qui est consommé.
Une fois par an, des données sur la quantité de produits durables doivent être rendues accessibles. Votre amendement est ambigu, puisque nous ne savons pas si vous voulez qu'on affiche la composition quotidienne du repas ou sa moyenne annualisée. Je vous suggère de le retirer, afin d'en proposer une nouvelle rédaction en séance.
Demande de retrait. Je suis favorable à votre amendement mais je pense que, dans sa rédaction actuelle, il revient à faire le calcul tous les jours. Ce n'est donc pas tant l'amendement 365 que l'amendement 1/365e... Il faut faire la moyenne de l'année et l'afficher tous les jours. C'est impossible de demander aux gestionnaires de refaire le calcul tous les jours sur la base de ce qui a été consommé depuis le premier jour de l'année.
J'étais persuadé qu'il allait y avoir cette ambiguïté, que j'ai moi-même ressentie en lisant l'amendement… Cela étant, je me demande quand même si en plus de cet affichage quotidien d'une moyenne annuelle, il ne pourrait pas y avoir une information relative au repas du jour.
C'est tout l'objet du fameux décret que j'évoquais tout à l'heure et que je souhaite prendre d'ici à l'été, pour que l'origine de la viande dans la RHD soit affichée. Ce serait une sacrée avancée.
L'amendement est retiré.
La commission adopte l'amendement rédactionnel CS5295 de la rapporteure.
Suivant l'avis de la rapporteure, elle rejette l'amendement CS2112 de Mme Michèle Crouzet.
Amendement CS5446 de la rapporteure.
Il est important de disposer d'un bilan statistique régulier sur la mise en œuvre de l'article, aussi bien pour la restauration publique que privée. C'est pourquoi je demande que le Gouvernement transmette au Parlement ce document et le rende public.
J'ai eu l'occasion de travailler, il y a pas mal de temps, sur l'agriculture biologique et toutes ces questions. Je voudrais rendre hommage à M. Philippe Vasseur, qui restera le premier des ministres de l'agriculture à avoir travaillé sur ces sujets. Depuis lors, tous les ministres se sont engagés dans cette voie. J'appelle l'attention du législateur et du Gouvernement : peut-être pourrait-on ajouter dans le rapport un bilan annuel sur l'évolution des moyens de production au regard de ce que nous exigeons dans les cantines. Par le passé, quand le législateur a voulu tirer trop vite la charrette, comme la nature a horreur du vide et qu'il faut bien mettre quelque chose dans les assiettes, cela a parfois eu pour conséquence de favoriser les importations.
La commission adopte l'amendement.
Elle adopte l'article 60 ainsi modifié.
Après l'article 60
Amendement CS4871 de Mme Sandrine Le Feur.
Il vise à doter la stratégie « protéines végétales » d'un volet alimentaire. Cela est notamment important dans le cadre de la promotion de menus végétariens composés de produits locaux.
Il me semble que la mise en œuvre du plan « protéines végétales » est conforme à votre souhait et ne nécessite pas une inscription dans la loi. En outre, la référence à France Relance pose question, notamment pour ce qui est du financement et des moyens financiers. Demande de retrait.
Même avis. Le programme national pour l'alimentation, qui est codifié, fait déjà référence à cette stratégie nationale « protéines végétales » à laquelle vous me savez attaché.
L'amendement est retiré.
Amendement CS4157 de M. Philippe Naillet.
Demande de retrait. Il est satisfait, puisque les consultations relatives au décret concerné viennent de s'achever.
La commission rejette l'amendement.
Amendements CS4730 de M. Mounir Mahjoubi et CS3660 de Mme Yolaine de Courson (discussion commune).
Le chèque alimentation durable, c'est pour maintenant ! Depuis la proposition de la Convention citoyenne pour le climat et l'annonce du Président de la République, nous avons été très nombreux sur tous les bancs à travailler sur ce sujet. Je défends cet amendement au nom de tous les collègues du groupe de La République en Marche.
Ce chèque est d'abord un outil de relance économique et de souveraineté agricole. Il permettra de soutenir nos agriculteurs, tout en stimulant la demande en produits frais et locaux. C'est aussi un accélérateur de la transformation environnementale, qui produira de véritables changements dans les habitudes de consommation des familles. Mais c'est également un outil de solidarité, qui permettra aux jeunes et aux plus modestes d'accéder à une alimentation plus qualitative et meilleure pour la santé.
Ce dispositif viendra en complément du travail exceptionnel réalisé par les associations d'aide alimentaire et leurs bénévoles. Il sera au bénéfice de très nombreuses personnes. Nous avons envisagé de nombreux scénarios. Nous avons fait émerger des solutions opérationnelles très diverses, parmi lesquelles il ne reste maintenant plus qu'à choisir. Il faut agir vite, parce que de nombreuses personnes, des agriculteurs, des jeunes nous attendent. C'est pourquoi nous demandons au Gouvernement de s'engager et lui offrons l'occasion de présenter les modalités de la création de ce chèque alimentaire.
Le chèque alimentaire, c'est maintenant, comme l'a dit mon collègue, même si mon approche est un peu différente. Pour moi, le chèque alimentaire n'est pas une question d'aide alimentaire ni de conjoncture de crise. En soixante‑quinze ans, nous avons révolutionné notre agriculture, qui est devenue plus intensive, plus spécialisée, plus industrielle et plus chimique. Cela a été très dur pour la profession. La mutation de notre agriculture vers une agriculture régénératrice et réparatrice peut énormément contribuer à la baisse des émissions de gaz à effet de serre. Pour cela, il faut un levier puissant, et le chèque alimentaire en est un.
C'est pourquoi je propose que ce soit un chèque universel pour tous les Français, en fonction de leur quotient familial, de sorte à créer un grand marché pour nos agriculteurs, soit une bonne raison de s'adapter à de nouvelles pratiques. Nous devenons ainsi, par notre consommation, solidaires et acteurs du nécessaire changement. C'est une idée anti‑ agribashing, pour une ruralité beaucoup plus inclusive. La mauvaise alimentation coûte chaque année environ 27 milliards d'euros à la sécurité sociale, sans compter les obésités enfantines. Le rapport que nous demandons viendrait présenter les voies et moyens pour établir un calendrier.
Devant le plaidoyer de mon collègue M. Mahjoubi, je reconnais l'importance de la question, qui devra faire l'objet de travaux parlementaires puis de débats. Il me semble important que nous donnions suite à sa demande de rapport. Son amendement CS4730 crante deux délais, à deux mois et six mois, pour montrer l'urgence de ce dispositif permettant de structurer les filières agricoles mais aussi d'offrir aux ménages modestes un accès à des produits de qualité. Il me semble plus exigeant que l'amendement CS3660 sur lequel j'émets un avis défavorable.
Avis favorable à l'amendement CS4730, qui est la conclusion d'un énorme travail, incroyablement utile, notamment mené par les rapporteurs, M. Mounir Mahjoubi, Mme Sandrine Le Feur, Mme Yolaine de Courson et tant d'autres. Vous connaissez mon attachement au chèque alimentation. Cela fait des mois et des mois que nous travaillons à vos côtés pour essayer de proposer le meilleur dispositif possible. Il faut avoir une approche nutritionnelle, en effet, mais l'un n'empêche pas l'autre. Le Président de la République s'est engagé très fortement en faveur de la mise en œuvre de ce dispositif, dont les critères sont en cours de définition au sein du Gouvernement.
Ce rapport est une bonne chose. Il permettra de répondre à plusieurs questions, notamment à celles que pose la fédération française des banques alimentaires. Comment définir et choisir les produits ciblés par les chèques alimentaires ? Quels seront les bénéficiaires ciblés par le dispositif ? Comment pourrait-on utiliser un chèque alimentaire pour acheter des produits agricoles en milieu urbain ? Comment assurer la distribution entre l'exploitation agricole et le bénéficiaire du chèque alimentaire ? Est-ce qu'en zone rurale le bénéficiaire osera utiliser son chèque alimentaire chez l'agriculteur voisin ou ne préférera-t-il pas, par discrétion, aller le dépenser au supermarché ? Quelle sera l'assurance que le chèque alimentaire sera utilisé pour des aliments dits de qualité ? Autant de questions auxquelles il faut apporter des réponses.
Tout à l'heure, nous vous proposions un amendement, balayé d'un revers de main, sur les « territoires zéro faim », qui suggérait l'idée d'un chèque d'accompagnement pour les personnes les plus en difficulté. Mais, formidable, lorsque c'est un député de la majorité qui le propose, l'amendement trouve grâce à vos yeux. Il faudrait un peu de cohérence… Je partage les propos d'André Chassaigne : le sujet mérite un débat de fond. Quels publics sont concernés ? Quels produits seront délivrés ? Quelle utilisation sera possible ? Avec quels partenaires économiques et commerciaux ? C'est à ces questions qu'il faut commencer par répondre avant d'envisager la mise en œuvre de ces chèques.
Monsieur Garot, vous abordiez la question du chèque alimentaire sous l'angle d'une aide alimentaire augmentée, c'est-à-dire une sorte de bon, qui pourrait d'ailleurs être stigmatisante. Mounir Mahjoubi l'aborde d'une autre façon. Ce chèque alimentaire pourrait, par exemple, vous être donné par votre entreprise. Il pourrait également être acheté par n'importe quel citoyen. C'est un dispositif plus large que celui de la seule aide alimentaire.
La commission adopte l'amendement CS4730.
En conséquence, l'amendement CS3660 tombe.
Amendement CS1153 de Mme Danielle Brulebois.
Il reprend l'article 26 de la loi ÉGALIM, qui avait instauré une expérimentation de trois ans, autorisée par l'État, pour les collectivités territoriales volontaires, visant à rendre transparents les menus en restauration collective, grâce à un affichage d'icônes correspondant à des catégories simples : « fait maison », « produit surgelé », « produit en boîte », « origine biologique », par exemple. De nombreux cuisiniers sont engagés dans cette démarche dans la restauration collective, mais de grands chefs la soutiennent également, comme les Cuisiniers de la République française ou Euro‑Toques. Cet affichage existe déjà dans de nombreux établissements, en particulier dans le Jura. C'est une réponse forte à la demande des parents qui veulent savoir ce que mangent leurs enfants et comment leurs repas sont fabriqués. C'est aussi une manière de reconnaître le travail des cuisiniers, qui se donnent beaucoup plus de mal en épluchant des carottes qu'en ouvrant une boîte de conserve. C'est enfin une éducation quotidienne pour les enfants. Les bonnes habitudes alimentaires se prennent dès le plus jeune âge. N'oublions que ce seront eux les futurs consommateurs des bons produits de nos agriculteurs.
Nous avons déjà partiellement répondu à votre amendement, qui est légitime sur le fond. Mais il y a déjà une obligation d'affichage annuel. Le ministre vient également de prendre à l'instant des engagements concernant la publication d'un décret sur la provenance des viandes. Avis défavorable.
Ce n'est pas du tout la même chose ! Il s'agit, dans mon amendement, de la fabrication des repas. L'amendement reprend un article de la loi ÉGALIM, disposant qu'un rapport devait être publié au mois de janvier 2020. Or il n'en a rien été.
Ne voyez dans mon intervention aucune solidarité jurassienne, mais ma collègue a raison ! Nous avons pu faire progresser un certain nombre de restaurateurs sur cette question. Mais il me semble que, si nous ne leur en donnons pas les moyens et que nous n'apportons pas de précisions, cela enrayerait la mécanique. Nous voterons l'amendement.
Je vous propose, madame Brulebois, d'être favorable à votre amendement, si le rapport prévu par la loi ÉGALIM n'est pas publié avant la séance.
L'amendement est retiré.
Article 61 (article L. 1 du code rural et de la pêche maritime et article L. 3231-1 du code de la santé publique) : Codification d'une stratégie nationale pour l'alimentation, la nutrition et le climat
Amendement CS5332 de la rapporteure, sous‑amendements identiques CS5453 de Mme Yolaine de Courson et CS5482 de Mme Valérie Petit, et sous‑amendements CS5490 et CS5491 de M. Guillaume Garot et CS5492 de M. Dominique Potier.
Cet amendement a une double portée : de clarification rédactionnelle, en reformulant la rédaction de l'article, et sur le fond, puisqu'il ajoute l'enjeu de la souveraineté alimentaire à la stratégie nationale pour l'alimentation, la nutrition et le climat et au programme national pour l'alimentation (PNA). Par ailleurs, les auditions ont montré qu'on avait besoin de voir plus clair dans la gouvernance de cette stratégie qui se développera à partir de 2023.
Le sous‑amendement CS5490 vise à intégrer à la stratégie nationale, pour plus d'efficacité, l'approche « Une seule santé » : la santé de la planète, la santé humaine et la santé animale sont intimement liées.
Quant au sous-amendement CS5491, nous souhaitons mettre en cohérence la stratégie nationale et les stratégies régionales et, partant, locales, dans le même souci d'efficacité.
Le sous-amendement CS5492 vise à rappeler qu'on ne lutte pas contre le climat sans lutter contre la pauvreté.
Par ailleurs, je résiste à la pensée commune sur les chèques alimentaires, qui me semblent être typiquement une fausse bonne idée. Pour en avoir parlé avec ATD Quart Monde et pour travailler avec les agriculteurs, c'est une double stigmatisation. La justice sociale est un combat qui doit rejoindre la lutte pour la transition écologique. Mélanger les deux par le biais d'un artifice ne me paraît cependant pas la meilleure voie. Je peux changer d'avis, mais je ne peux pas ne pas dire qu'il s'agit d'une fausse bonne idée. Un chèque alimentaire universel me semblerait beaucoup plus intéressant, et forcément moins stigmatisant.
Avis favorable aux sous-amendements identiques CS5453 et CS5482 : la meilleure protection de la biodiversité est à prendre en compte. Sagesse, concernant le sous‑amendement CS5490. Avis défavorable au sous‑amendement CS5491. Quant au sous-amendement CS5492, la lutte contre la pauvreté est déjà intégrée dans les thématiques du programme national pour l'alimentation : demande de retrait.
Avis favorable à l'amendement CS5332. Avis favorable aux sous-amendements identiques. Je suis très gêné, en revanche, par le sous‑amendement CS5490 du ministre M. Garot, parce que, si je suis un fervent défenseur de l'approche One Health, nous avons deux stratégies différentes : celle dédiée à l'alimentation, à la nutrition et au climat, qui reprend le PNA et le programme national nutrition santé (PNNS) et celle relative à l'environnement et à la santé. Pour moi, l'approche One Health relève de cette dernière, même s'il existe des ramifications avec la stratégie alimentaire. Il faudrait, en réalité, presque monter d'un cran et dire qu'il n'y a plus qu'une seule stratégie alimentation, nutrition, environnement et santé. Je vous propose, monsieur le ministre, de vous donner tous les éléments d'ici à la séance pour que nous puissions en reparler en détail. L'approche One Health est en effet un guide précieux, mais il faut l'intégrer à la bonne stratégie. Avis défavorable aux sous-amendements CS5491 et CS5492.
Je suis complètement d'accord avec les propos de Dominique Potier sur le chèque alimentaire. Soit il est une assistance et relève de la charité, soit il est un droit à une alimentation saine et durable pour tous les Français en fonction de leurs moyens. C'est cette deuxième conception qui est la moins stigmatisante et la plus solidaire envers nos agriculteurs.
Je ne suis pas d'accord avec M. le ministre, parce que je pense que l'approche One Health doit inspirer l'ensemble de nos politiques publiques, en particulier en matière alimentaire. Il faut indispensablement inscrire cette stratégie sous l'égide de ce paradigme, ce qui ne s'oppose d'ailleurs pas à ce que vous avez dit, monsieur le ministre. Ce n'est pas parce qu'on l'intègre au volet alimentation que cela nous empêche de le mettre « en même temps » dans la stratégie environnement et santé. Les deux se confortent.
One Health reviendra plus loin dans le texte. On peut l'intégrer aux deux stratégies, la nourriture étant aussi l'un des media de cette approche. Il n'y a pas de contradiction.
Je retire mon sous-amendement, ce qui me permet de corriger mes propos. J'ai parlé de chèque alimentaire universel, alors que je pensais aux tickets restaurant. Une réforme du ticket restaurant me paraît une voie beaucoup plus heureuse que la création d'un objet spécifique.
Le sous-amendement CS5492 est retiré.
La commission adopte les sous-amendements identiques CS5453 et CS5482.
Elle rejette successivement les sous-amendements CS5490 et CS5491.
Elle adopte l'amendement CS5332 ainsi sous-amendé.
En conséquence, tous les amendements portant sur les alinéas 1 à 4 tombent.
Amendement CS4084 de Mme Frédérique Tuffnell.
Il s'agit d'assigner aux PAT un objectif de soutien des produits locaux issus de l'agroécologie. L'amendement vise à insérer, après l'alinéa 4, l'alinéa suivant : « 3° À la fin de la dernière phrase du quatrième alinéa, les mots : « l'agriculture sur les territoires et la qualité de l'alimentation » sont remplacés par les mots : « l'agroécologie sur les territoires pour favoriser des approvisionnements en alimentation saine, durable, régionale et accessible » ».
L'inscription dans la loi de la notion d'accessibilité vise à favoriser un approvisionnement direct, afin de garantir l'acceptabilité du PAT, ainsi que la solidarité locale et régionale. Compte tenu des débats qui précèdent, ne faut-il pas retravailler la notion de territoire utilisée pour les PAT ? Dans la rédaction de l'amendement, je ne suis pas opposée, si nécessaire, au remplacement du mot « régionale » par le mot « territoriale ».
Chère collègue, je partage votre ambition. Toutefois, je suggère le retrait de votre amendement et émets à défaut un avis défavorable.
Vous proposez de modifier la définition des PAT au moment où nous les structurons. Ils viennent de répondre à un appel à projets dans le cadre de France relance. Nous avons besoin de continuité. Par ailleurs, le mot « régionale » induit une régionalisation de l'approche adoptée dans le cadre des PAT, qui n'est pas souhaitable.
Je suggère le retrait de l'amendement en vue de le retravailler et émets à défaut un avis défavorable. Nous avons eu le débat tout à l'heure : faut-il promouvoir les produits locaux ou s'engager dans une démarche de certification ? Le point d'équilibre ne sera pas facile à trouver. Nous devons y travailler d'ici à l'examen du texte en séance publique. En tout état de cause, l'amendement tel qu'il est rédigé ne peut être adopté, car il donne aux PAT une dimension régionale, alors même qu'ils peuvent être intercommunaux et départementaux, selon les réalités territoriales.
L'amendement est retiré.
Suivant l'avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements CS2078 de M. Dominique Potier et CS1314 de M. Loïc Dombreval.
Amendement CS3369 de M. Cédric Villani.
Il reprend la proposition SN 5.2.1 de la Convention citoyenne pour le climat, qui vise à assurer la cohérence entre le programme national de l'alimentation et de la nutrition (PNAN) et la stratégie nationale bas-carbone (SNBC). Il s'agit de faire en sorte que le programme national nutrition santé (PNNS) tienne compte du climat.
Je remercie Mme Batho, qui m'offre l'occasion de mettre en avant l'effort consenti par cette majorité pour aller au-delà des propositions de la Convention citoyenne pour le climat. L'amendement vise à inclure le climat dans le PNNS. Le Gouvernement propose de fusionner le PNA et le PNNS en y ajoutant l'objectif « climat », dans le cadre d'une stratégie globale intégrant l'alimentation, la nutrition, la santé et le climat. Une telle vision d'ensemble est plus ambitieuse que celle dont procède l'amendement, auquel j'émets un avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
La commission adopte successivement l'amendement rédactionnel CS5296 de la rapporteure et les amendements rédactionnels identiques CS5313 de la rapporteure et CS290 de Mme Emmanuelle Anthoine.
Amendement CS4875 de Mme Sandrine Le Feur.
Dans le cadre de l'approche « One Health » défendue par M. le ministre, je propose, par le biais de cet amendement, de demander au Gouvernement de s'exprimer sur le caractère opportun d'une sécurité sociale de l'alimentation. Les mesures de confinement ont fortement aggravé la précarité alimentaire. Les associations auxquelles a été déléguée l'aide alimentaire ont fourni des efforts colossaux, et le soutien public a été massif.
Nous devons dès à présent articuler des réponses structurelles pour assurer la mise en œuvre du droit à l'alimentation, qui ne se réduit pas à l'assurance d'être à l'abri de la faim, mais inclut un accès régulier, permanent et non restrictif à une alimentation saine, durable et choisie. À l'autre bout de la chaîne, une crise profonde affecte, depuis de longues années, le monde agricole.
Cette double crise, agricole et alimentaire, invite à remettre en question le modèle agricole hérité de l'après-guerre, qui ne permet pas aux agriculteurs de vivre dignement, n'est pas soutenable écologiquement, et dont l'inadéquation avec les attentes des consommateurs va croissant. On ne peut pas envisager une réforme agricole sans véritable politique alimentaire. Comme nos collègues le savent, j'ai longuement travaillé sur la « sécurité sociale de l'alimentation », qui me semble répondre à ces enjeux.
Chère collègue, je salue le travail considérable que vous avez mené à ce sujet. Je ne suis pas certaine que demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur une idée qui est la vôtre soit la bonne façon de progresser. De surcroît, l'exposé sommaire de l'amendement s'inscrit dans une réflexion sur l'aide alimentaire, alors que votre ambition va au-delà. Le principe de la sécurité sociale, c'est de cotiser selon ses moyens et de recevoir selon ses besoins.
J'émets donc un avis défavorable, d'autant plus que vous seriez sans doute très déçue par le rapport demandé. Je vous invite à trouver d'autres voies et moyens pour faire progresser l'idée d'une sécurité sociale de l'alimentation, qui trouve un écho assez large parmi les députés.
Même avis. Madame Le Feur, je salue votre travail et votre engagement, mais je doute qu'un rapport du Gouvernement en soit le prolongement adéquat.
Ce débat m'offre l'occasion d'en évoquer un autre, plus large, sur la redistribution des richesses destinée à accompagner la transition écologique. Il doit s'inscrire dans le cadre des réflexions sur la fiscalité environnementale, qui est anti‑redistributive par principe. Il s'agit d'une réflexion très générale pour les dix ou vingt prochaines années. Le Parlement doit y travailler. Recettes et redistribution doivent être pensées en même temps.
Monsieur le ministre, il s'agit d'une attente forte des associations d'aide alimentaire, qui voient dans un tel rapport le moyen d'institutionnaliser le débat. Je retire l'amendement pour déterminer avec vous comment progresser en la matière.
L'amendement est retiré.
Amendement CS3750 de Mme Frédérique Tuffnell.
Par le biais de cet amendement, nous prenons acte de l'alerte générale lancée par le Haut Conseil pour le climat, selon laquelle le rythme de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre n'est pas à la hauteur de nos engagements. Nous proposons d'avancer l'entrée en vigueur de la stratégie nationale pour l'alimentation, la nutrition et le climat (SNANC) au 1er juillet 2022.
L'idée est séduisante. Le programme national pour l'alimentation 2019-2023 (PNA3) et le PNNS ont été rassemblés au sein du PNAN lors du comité interministériel du 25 mars 2019. La SNANC prendra le relais de ces deux programmes en 2023. L'inscription de cette échéance dans la loi ne vise pas à lui faire perdre du temps, mais à la rendre cohérente avec ce calendrier. Demande de retrait ou avis défavorable.
Même avis. J'ajoute que l'échéance de 2023 figure dans le rapport final de la Convention citoyenne pour le climat.
L'amendement est retiré.
Amendements CS4876 de Mme Sandrine Le Feur et CS2111 de M. Guillaume Garot (discussion commune).
Il s'agit d'ouvrir une concertation territoriale au sujet de la sécurité sociale de l'alimentation, comme le demandent les associations travaillant depuis longtemps sur ce sujet. Les réflexions progressent. Il serait intéressant d'ouvrir une concertation, en vue de procéder à une expérimentation sur un territoire donné.
L'amendement de Guillaume Garot prévoit que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur la mise en œuvre d'une couverture alimentaire universelle. Cette notion présente l'intérêt d'élargir le débat. Je connais les milieux intellectuels, plutôt marqués à gauche, où a été élaboré le projet de sécurité sociale alimentaire, ainsi que ceux, d'inspiration libérale, qui sont à l'origine du chèque alimentaire. À mes yeux, l'un et l'autre sont des impasses.
Nous disposons d'instruments de justice sociale, au premier rang desquels la redistribution des revenus, qu'il faut renforcer. Je souscris pleinement aux propos tenus à l'instant par Mme Peyrol à ce sujet. Par ailleurs, nous devons œuvrer à la montée en gamme, pour tous, de l'alimentation. Confondre les deux, c'est faire des gadgets ou jouer les dames patronnesses. Nous devons mener des réformes sociales, démocrates permettant la transition écologique. Le reste est de la distraction.
Nous proposerons en séance publique d'expérimenter des tickets-restaurants universels, sur des bases de ressources innovantes, afin de ne pas stigmatiser leurs bénéficiaires et de leur permettre, ainsi qu'au monde agricole, de progresser. Je me méfie des fausses bonnes idées, qui nous distraient de l'essentiel.
J'émets un avis défavorable à l'amendement CS4876, relatif à la sécurité sociale de l'alimentation, pour les raisons précédemment avancées. S'agissant de l'amendement CS2111, nous avons prévu la remise au Parlement d'un rapport sur la création d'un chèque alimentaire. Je suggère donc son retrait et émets à défaut un avis défavorable.
Même avis. Monsieur Potier, je ne considère vraiment pas le chèque alimentaire comme une fausse bonne idée. Adopter une approche nutritionnelle permet de concilier tous les aspects de la question.
Le produit frais, local et de qualité est le meilleur du point de vue nutritionnel comme du point de vue environnemental. Il constitue aussi un moyen de lutter contre les inégalités sociales, qui sont également d'ordre nutritionnel. La démarche du groupe majoritaire, inspirée du travail de M. Mounir Mahjoubi sur le chèque alimentaire, consiste à adopter cette approche nutritionnelle pour emporter le tout sans produire aucun effet stigmatisant, tout en satisfaisant les objectifs des uns et des autres. Nous en reparlerons dans l'hémicycle.
Les acteurs du secteur, que j'ai réunis dans le cadre du travail mené sur la sécurité sociale de l'alimentation, demandent avec insistance une expérimentation nationale en la matière. Monsieur le ministre, je retire l'amendement à ce stade. Je vais poursuivre ma réflexion sur cette question, essentielle à mes yeux, de la précarité alimentaire.
L'amendement CS4876 est retiré.
La commission rejette l'amendement CS2111.
La commission adopte l'article 61 ainsi modifié.
Afin de prévenir tout malentendu et toute interprétation, j'indique que, pour une raison personnelle imprévue, je suis obligée de m'absenter. J'espère revenir dans les meilleurs délais.
Après l'article 61
Amendements CS2127 et CS2128 de M. Guillaume Garot (discussion commune).
Afin d'assurer la montée en puissance des PAT, qui sont polymorphes et visent des objectifs divers, dans des périmètres géographiques et sous le contrôle d'autorités distincts, l'amendement CS2127 prévoit la formation d'un comité scientifique chargé d'étudier la possibilité de confier aux comités régionaux de l'alimentation (CRALIM) l'animation du réseau des PAT, non pour les uniformiser, mais pour les tirer vers le haut, notamment en les incluant dans les cahiers des charges de la commande publique.
L'amendement CS2128 vise à intégrer les plans régionaux de l'agriculture durable (PRAD) au sein des schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET), dans une logique de planification stratégique permettant d'articuler entre eux les divers programmes et d'inscrire les objectifs que nous visons dans le champ du droit.
Les CRALIM, qui sont les parlements régionaux de l'alimentation, ne me semblent pas être l'instance la plus indiquée pour animer un collectif de PAT. Surtout, ces derniers s'inscrivent dans une démarche ascendante et de long terme. Faire évoluer leur structuration et leur organisation territoriale me semble prématuré. Nous pourrons peut-être avancer autrement, en examinant d'autres amendements, rédigés autrement. S'agissant de l'amendement CS2128, je laisse M. le ministre répondre précisément. J'émets un avis défavorable aux amendements.
Même avis. S'agissant de l'organisation des PAT par les CRALIM, je rappelle que les PAT ne sont pas nécessairement élaborés à l'échelle régionale, et qu'ils disposent de leurs propres réseaux d'animation. Faire des CRALIM le lieu de définition de la gouvernance des PAT, qui est parfois exercée à l'échelle des intercommunalités, lui ajoute un maillon supplémentaire qui n'est pas nécessaire, et qui aurait pour effet de la rigidifier.
L'amendement CS2128, qui vise à associer PRAD et SRADDET, pose problème. Même si ces deux objets ont des liens, ils sont bien distincts. Les SRADDET sont des plans d'aménagement, les PRAD des plans d'alimentation durable. De surcroît, les SRADDET sont juridiquement opposables, contrairement aux PRAD. Ces documents n'ont ni le même objet ni la même valeur juridique ; ils ne peuvent être associés.
Les amendements sont retirés.
L'amendement CS4782 de Mme Liliana Tanguy est retiré.
Amendement CS2104 de M. Guillaume Garot.
Il reprend une idée que nous développons de projets de loi de finances en véhicules législatifs divers : généraliser les PAT. Cette démarche ascendante et facultative, visant à donner à cette généralisation un horizon, consiste à confier leur pilotage aux communautés de communes, aux pays, aux intercommunalités et pourquoi pas aux départements, sur le modèle de l'évolution des schémas de cohérence territoriale (SCOT) dont nous avons débattu il y a deux jours.
À terme, les collectivités territoriales entameront un processus plus directif et moins ascendant. Pour l'heure, il semble intéressant de favoriser le bouillonnement des idées et la recherche de solutions, tout en leur donnant un horizon s'agissant d'une compétence relative à la santé du sol et des gens, exercée au nom de l'intérêt général.
Choisir une option de gouvernance des PAT plutôt qu'une autre, dans le cadre de leur éventuelle généralisation, me semble prématuré. Avis défavorable.
La généralisation des PAT, je suis à fond pour. Au cours des quatre dernières années, le Gouvernement a investi 6 millions d'euros dans les PAT. Dans le cadre de France relance, j'ai obtenu que nous investissions 80 millions d'euros en deux ans, pour atteindre l'objectif d'au moins un PAT par département, voire plusieurs. Je suis un immense défenseur des PAT. Si je ne suis pas toujours à l'aise avec le déploiement de nouveaux plans dans les territoires, je n'ai jamais entendu quiconque décrier les PAT, au contraire : la structuration locale des filières est systématiquement saluée. Un appel à projets est en cours, à l'issue duquel 85 % des départements devraient être couverts.
Toutefois, les définir dans un cadre régional pose problème. Cela équivaut à les figer dans un cadre géographique et un mode de gouvernance, alors même qu'ils fonctionnent diablement bien lorsqu'ils partent des initiatives locales – agriculteurs, restauration hors domicile, élus locaux –, à diverses échelles. Il faut laisser cette liberté aux PAT.
La commission rejette l'amendement.
Amendements identiques CS2094 de M. Guillaume Garot et CS2359 de Mme Graziella Melchior.
Guillaume Garot demande la remise au Parlement d'un rapport sur l'impact des dates de durabilité minimale (DDM) sur le gaspillage alimentaire.
L'impact des DDM sur le gaspillage alimentaire est régi par le droit européen, par le biais de l'étiquetage obligatoire des denrées prévu par le règlement INCO. Par ailleurs, la stratégie « De la ferme à la table » de la Commission européenne prévoit une révision des règles de consommation, notamment une mention complémentaire à la DDM. Demande de retrait ou avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Amendement CS3772 de Mme Anne-France Brunet.
Il tend à réserver 15 % de la surface de vente des grandes et moyennes surfaces aux produits issus des PAT. Il s'inspire des dispositions de l'article 11 relatives aux produits vendus en vrac dans les grandes surfaces. Il vise deux objectifs : favoriser les produits de proximité, les circuits courts et la qualité des produits pour les consommateurs ; garantir localement le débouché de notre agriculture et les revenus des agriculteurs.
L'amendement vise à développer la vente des produits issus des territoires. Toutefois, comme l'indique l'échéance de 2030 qu'il propose, nous manquons encore de visibilité sur les produits issus des PAT, qui sont en construction. Il n'existe ni label spécifique ni moyen de les identifier précisément. L'idée est bonne, mais il est prématuré de l'inscrire dans la loi. Demande de retrait ou avis défavorable.
L'amendement est retiré.
Amendements identiques CS1594 de Mme Nicole Le Peih et CS4887 de Mme Sandrine Le Feur, amendement CS3681 de M. Cédric Villani (discussion commune).
Les villes concentrent 80 % de la population française. Leur densification pose des problèmes d'équilibre territorial et de complexité des systèmes logistiques, à l'heure où nous recherchons toujours plus de proximité et d'autonomie dans nos organisations. La crise de la covid-19 a mis en évidence l'importance du tissu associatif local et la résilience de ses réseaux en cas de crise, s'agissant notamment de la fourniture de biens alimentaires.
Dans ce contexte, la réhabilitation des terres entourant les villes en ceintures maraîchères aurait des conséquences positives à plusieurs niveaux. Elle permettrait de rééquilibrer l'organisation de nos villes au profit des espaces verts et naturels, qui pourraient contribuer au développement d'une agriculture urbaine. Ces travaux pourraient être menés en réseau avec les acteurs éducatifs, au profit de l'éducation alimentaire de nos enfants dans les cantines scolaires et d'une économie locale et durable, en nourrissant l'ambition de limiter les fractures territoriales.
Le présent amendement prévoit la remise au Parlement d'un rapport pour approfondir les réflexions à ce sujet, leur donner de la cohérence et en accélérer la diffusion.
Pour développer les circuits courts et l'agroécologie, ce qui favorise l'économie locale et la réduction de l'empreinte carbone, nous devons travailler à l'installation de ceintures maraîchères agroécologiques autour des pôles urbains, qui concentrent emplois et population. L'amendement CS3681 ne s'en tient pas à la remise d'un rapport. Il prévoit également une expérimentation, en définit le protocole et énumère les acteurs associés à sa gouvernance. Il a été travaillé avec les experts du « Shift Project » et avec les membres de la Convention citoyenne pour le climat.
Certes, favoriser les approvisionnements locaux suppose le développement de ceintures maraîchères autour des villes. Les amendements prévoient un rapport de l'ADEME à ce sujet.
J'ai travaillé dans une collectivité locale : en pareil cas, on fait appel à une agence d'urbanisme, au conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) ou à un bureau d'études, afin d'évaluer le potentiel de la ceinture maraîchère envisagée dans le cadre des projets d'urbanisme et d'aménagement du territoire. Au demeurant, l'amendement CS3681 détaille par avance la gouvernance de l'expérimentation proposée. J'invite les auteurs des amendements à se mettre en rapport avec les collectivités locales afin d'identifier les expérimentations possibles, sachant que les potentiels en la matière sont plutôt territorialisés et non nationaux.
Je vois bien l'objet politique et l'intérêt sociétal des ceintures maraîchères. Ces initiatives me semblent néanmoins relever des acteurs locaux. Si la loi prévoit la détermination à l'échelon national, par l'ADEME, du potentiel des ceintures maraîchères à l'échelle du pays sans tenir compte de la volonté des acteurs locaux, il s'agira d'une planification, que les élus locaux ne s'approprieront pas.
L'inscription à l'ordre du jour du conseil d'administration de l'ADEME, par les représentants des élus locaux qui y siègent, de l'accompagnement des études menées par les collectivités territoriales en vue de développer des ceintures maraîchères, dont il existe des exemples très réussis, me semble être une meilleure approche. Je propose aux auteurs des amendements de les retirer pour les retravailler en ce sens et émets à défaut un avis défavorable.
Il s'agit d'un sujet politique majeur, sur lequel il serait bon que l'État tienne un discours fort, qui puisse être entendu dans tous les territoires. Disposer d'un rapport de l'ADEME, qui donne une vision globale, tout en menant des expérimentations dans quelques territoires sélectionnés – pourquoi pas ceux des représentants des élus siégeant au conseil d'administration de l'agence – permettra de donner un coup d'accélérateur.
Il y a urgence. À un moment donné, nous devons dire tous ensemble : « Réveillons‑nous ! ». Le sujet a beau être consensuel, il faut que la puissance politique donne un véritable top départ. Depuis le temps qu'on parle de ces ceintures maraîchères agroécologiques, il faut maintenant s'y mettre !
Je souscris aux propos de notre collègue M. Villani. Monsieur le ministre, il ne suffit pas d'afficher une volonté politique, encore faut-il déterminer le véhicule pour la mettre en œuvre. L'amendement vaut ce qu'il vaut, mais il a au moins le mérite d'indiquer une direction pour s'attaquer au problème.
Tout ce qui est relatif au maraîchage de proximité des villes doit être pris en considération. De nombreux pays de l'Union européenne en ont d'ailleurs fait une priorité. J'ai eu l'occasion, dans le cadre d'un déplacement à Copenhague pour la préparation d'un rapport de la commission des affaires européennes, de voir le film Demain et d'en débattre avec des responsables danois, ce qui m'a démontré que leur pays, comme bien d'autres, en fait une priorité.
Je reste persuadée qu'une information à l'échelle nationale est nécessaire avant de territorialiser les mesures, notamment pour diffuser les bonnes pratiques et les rassembler dans un guide national. À défaut, nous risquons de procéder à un essaimage trop lent à l'aune de l'urgence climatique. Nous risquons également de laisser patauger les territoires, qui ont besoin d'un socle commun de connaissances et d'une direction. L'ADEME possède l'expertise nécessaire et pourrait les inspirer en la matière. Je maintiens mon amendement.
Je comprends l'esprit des amendements et prends note des réponses de Mme la rapporteure et de M. le ministre, qui considèrent que les outils d'aménagement du territoire dont nous disposons permettent de les satisfaire.
Surtout, j'appelle l'attention de nos collègues sur un point : l'artificialisation des sols et les ceintures maraîchères sont un peu des « tartes à la crème », produisant un effet lampadaire terrible. Ces sujets nous distraient de l'essentiel du problème, qui est l'accaparement du foncier agricole dépourvu de repreneur. Nous parlons abondamment des ceintures maraîchères et des associations pour le maintien d'une agriculture paysanne (AMAP), ce qui nous distrait de l'essentiel, qui est le maintien du foncier agricole. La loi foncière est l'horizon qui doit nous réunir.
Cette discussion me surprend un peu, comme si nous tentions d'apprendre à ceux qui savent faire comment ils doivent faire. Les élus locaux n'ont pas attendu qu'on leur demande de rédiger des documents de planification stratégique pour le faire. La plupart de ces documents, notamment les SCOT et les plans locaux d'urbanisme (PLU), tiennent compte de ces enjeux.
Par ailleurs, les amendements manquent leur cible. Développer des ceintures écologiques autour des pôles urbains, oui, trois fois oui ! Le maraîchage est-il l'unique possibilité pour ce faire ? Pas nécessairement. Ces amendements sont hors-sol. Seuls peuvent les voter des gens qui n'ont jamais mis les pieds à la campagne, ni constaté par eux-mêmes à quoi ressemble un pourtour urbain compatible avec les enjeux de la biodiversité !
J'aimerais proposer une motion susceptible de rassembler tout le monde. Lorsque j'étais ministre chargé de la ville et du logement, peut-être mû par mes amours déjà prégnantes pour le monde agricole, j'ai lancé, dans le cadre de l'Agence de la rénovation urbaine (ANRU), un appel à projets intitulé « Quartiers fertiles », pour développer l'agriculture urbaine. Ce programme cartonne. Ses financements ont d'ailleurs été renforcés dans le cadre de France relance.
Nous lançons plus de cent fermes consacrées aux cultures maraîchères, parmi lesquelles une bergerie dans les quartiers nord de Marseille et une champignonnière dans les parkings desaffectés de certains quartiers. Nous y sommes parvenus grâce aux importants financements apportés par l'ANRU, en lien avec les collectivités locales. Je soutiens pleinement cette démarche, que nous renforçons. En revanche, je suis moins convaincu de l'efficacité d'une planification confiée à l'ADEME. Il faut laisser leur liberté aux collectivités locales.
La commission rejette successivement les amendements.
Suivant l'avis de la rapporteure, la commission rejette l'amendement CS2388 de Mme Justine Benin.
Je vais devoir vous quitter : je préside demain matin une réunion du comité de bassin Rhône Méditerranée. Je ne voudrais pas partir sans vous avoir remerciée, madame la présidente, ainsi que l'ensemble de nos collègues et les membres du Gouvernement : la qualité de nos travaux, marqués par des échanges extrêmement techniques, a fait honneur au Parlement.
Il est dommage que cela ne se reflète pas sur certains sites internet. Je pense en particulier à ceux qui prétendent informer le public sur notre présence et nos interventions en commission et dans l'hémicycle. Il est tout à fait normal que nous rendions des comptes. Toutefois, cela suppose aussi que ces sites internet fassent correctement leur travail. Or, depuis un an, les travaux des membres de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire ne sont plus du tout pris en compte. Ces sites internet doivent se garder de publier seulement les statistiques de certains commissaires ou de certaines commissions. J'espère que nous ferons collectivement, au-delà des sensibilités, les démarches nécessaires dans ce sens.
Depuis un an, du fait de la crise sanitaire, les travaux de contrôle de la commission du développement durable, que je préside, s'organisent uniquement par visioconférence. Or la participation des députés sous cette forme n'est absolument pas prise en compte par les sites internet établissant un « scoring » des députés, selon des méthodes d'ailleurs très controversées. Le public doit en avoir conscience.
Chers collègues, nous nous sommes mis d'accord pour finir le titre V en accélérant quelque peu le rythme. Pour ce faire, nous adopterons la méthode qui prévaut dans l'hémicycle : après la présentation de l'amendement par l'un de ses auteurs et l'avis de la rapporteure et du ministre, je ne donnerai la parole qu'à un orateur pour et un orateur contre, après quoi nous passerons au vote. Nous reprendrons nos habitudes lors de l'examen du titre VI.
Chapitre II Développer l'agroécologie
Section 1 Dispositions de programmation
Avant l'article 62
Amendement CS2069 de M. Dominique Potier.
Il s'agit d'indiquer que le « relèvement du niveau de l'ambition écologique de la politique agricole commune dans le cadre de sa mise en œuvre à partir de 2023, ainsi que l'harmonisation des standards environnementaux de l'agriculture au niveau européen, figurent parmi les principaux objectifs de la présidence française de l'Union européenne », au premier semestre 2022. Considérer que l'harmonisation écologique peut être source de performance, c'est aussi une manière indirecte d'ouvrir le débat sur les engrais azotés, et plus largement sur le plan stratégique national (PSN). Il n'y a pas d'agroécologie sans harmonisation et sans justice.
Nous défendrons par ailleurs l'idée selon laquelle le produit de toute nouvelle taxe environnementale doit être recyclé dans les filières concernées afin d'encourager les mutations nécessaires tout en maintenant le pouvoir d'achat et en veillant à ce que le niveau de charges reste constant.
Votre amendement vise plutôt à interpeller le Gouvernement sur les enjeux de la présidence française de l'Union européenne qu'à insérer des dispositions dans le projet de loi ; je laisse donc à M. le ministre le soin de vous répondre. Dans cette attente, je demande le retrait de l'amendement ; à défaut, avis défavorable.
En effet, ces propositions ne relèvent pas du domaine de la loi.
L'ambition écologique et la transition agroécologique font l'objet de discussions régulières au niveau du Conseil européen des ministres de l'agriculture, en particulier dans le cadre de l'élaboration du Pacte vert et de la stratégie « Farm to Fork » – « De la ferme à la table ». La question de l'agroécologie est abordée notamment sous l'angle des émissions de gaz à effet de serre liées à l'utilisation d'un certain nombre de produits. Ces enjeux sont donc traités au niveau européen. Lundi prochain, je participerai d'ailleurs à une nouvelle réunion du Conseil.
L'Assemblée nationale a adopté en juillet 2018, sur l'initiative d'Alexandre Freschi et moi-même, une résolution européenne prenant clairement position contre la proposition de règlement créant des plans stratégiques nationaux. Le projet « confère aux États membres des compétences en matière de PAC dont le volume et la substance contreviennent à la marge d'adaptation nationale que permettent les traités », notamment l'article 39 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. L'un des considérants de la proposition de résolution était libellé de la manière suivante : « Considérant qu'une telle réforme pourrait entraîner une distorsion de concurrence entre les États membres et une compétition intra-européenne en matière agricole ». Nous avions donc décidé à l'unanimité qu'il fallait s'opposer aux plans stratégiques nationaux, qui sont contraires au principe de subsidiarité.
La commission rejette l'amendement.
Article 62 : Présentation d'un rapport relatif à l'instauration d'une redevance sur les engrais azotés minéraux conditionnée à la trajectoire de réduction des émissions de protoxyde d'azote (N2O) et d'ammoniac (NH3)
Amendements de suppression CS1738 de M. Thibault Bazin, CS2165 de M. Julien Dive, CS2836 de M. Dino Cinieri, CS3032 de M. Vincent Descoeur et CS4775 de M. Jean‑Baptiste Moreau.
Le groupe LR s'oppose à une écologie punitive, et donc à la création de toute nouvelle taxe qui aurait notamment pour effet de créer une distorsion de compétitivité entre nos agriculteurs et ceux des autres États membres. Il faut réfléchir au niveau européen pour faire avancer ensemble les propositions en matière d'environnement.
L'article 62 ne met pas en place une écologie punitive : il dessine le chemin que nous devons parcourir pour réduire l'utilisation d'engrais azotés minéraux. Le protoxyde d'azote libéré par ces engrais représente 42 % des émissions de gaz à effet de serre liées à l'agriculture. Il s'agit donc d'un enjeu considérable pour le climat. Les agriculteurs eux-mêmes en sont conscients, comme nous l'avons constaté lors des auditions. Il existe des outils pour opérer la transformation – M. le ministre s'exprimera certainement sur ce point.
Si la trajectoire de réduction de l'ammoniac et du protoxyde d'azote n'est pas respectée deux années de suite, une redevance pourra être mise en place. Nous ouvrirons alors le débat sur la question. Nous laissons donc deux ans aux agriculteurs pour réduire leur utilisation de ces produits, voire transformer leurs pratiques culturales.
Je partage les propos de Mme la rapporteure et suis donc moi aussi défavorable à ces amendements. Un travail important a été fait pour parvenir à l'équilibre qu'elle vient de décrire : nous commençons par inciter les agriculteurs à réduire leurs émissions d'ammoniac et de protoxyde d'azote, l'instauration de la redevance n'étant envisagée que si la dynamique n'est pas respectée. Du reste, nous sommes d'ores et déjà engagés dans cette dynamique au niveau européen.
Je regrette que vous vouliez passer aussi rapidement sur cette partie du texte, consacrée à la production agricole, laquelle est trop souvent assimilée aux émissions de gaz à effet de serre. C'est un très mauvais signal.
Je comprends la logique de l'article 62, mais l'outil n'est pas adapté. En effet, vous voulez envoyer un signal prix sur l'azote. Or, on observe une hyperconcentration du foncier agricole – dans mon département, certaines fermes avoisinent les 2 000 hectares, en exploitation directe ou en travail à façon. L'augmentation à la marge d'une taxe n'aura aucun effet sur ce modèle d'exploitation, qui s'appuie sur un écrasement des charges de structure. En revanche, elle viendra accroître les difficultés que rencontrent déjà les fermes moyennes. Les agriculteurs qui les exploitent, âgés en moyenne de 50 à 55 ans, ne changeront pas leurs pratiques : ils préféreront confier leur ferme à leur voisin, ce qui accélérera la concentration. On choisit donc un mauvais système de régulation, alors même que l'agriculture est en souffrance.
Monsieur Turquois, les responsables de groupe et moi-même avons décidé par consensus d'accélérer pour finir le titre V. Nous n'en sommes pas moins tous extrêmement concernés par les enjeux liés à l'agriculture.
La commission rejette les amendements.
Amendement CS3372 de M. Cédric Villani, amendement CS4491 de M. Loïc Prud'homme, amendements identiques CS1312 de Mme Nathalie Bassire et CS3021 de Mme Jennifer de Temmerman (discussion commune).
Les effets néfastes de la surutilisation de l'azote ne sont plus à démontrer : pollution, acidification des sols ou encore émissions de gaz à effet de serre. La France a été rappelée à l'ordre à plusieurs reprises par la Commission européenne pour non‑respect de la directive « nitrates ».
L'article 62 fait donc bien d'aborder le problème, sauf qu'il le fait d'une façon étrange : « il est envisagé de mettre en place », y lit-on. Face à un problème aussi sérieux et urgent, il faut agir dès maintenant. L'amendement CS3372 vous propose ainsi de créer une redevance de 27 centimes d'euro par kilogramme d'azote. La date d'entrée en vigueur du dispositif paraît raisonnable. Pour déterminer son montant, nous nous sommes fondés sur des modèles économétriques et sur une étude réalisée par des chercheurs de l'INRAE. Il faut se bouger : les citoyens nous y engagent – du reste, nous avons travaillé avec eux sur cet amendement.
L'article 62 traduit un renoncement inacceptable au regard de ce que demandait la Convention citoyenne pour le climat et de ce que l'on sait des risques que présentent les engrais azotés.
Mme la rapporteure le rappelait : l'utilisation massive des solutions azotées fait de l'agriculture industrielle le premier secteur d'émissions de protoxyde d'azote, gaz à effet de serre au pouvoir réchauffant 298 fois supérieur à celui du dioxyde de carbone, dont la durée de vie est plus longue de cent vingt ans et qui participe à la destruction de la couche d'ozone. En outre, il faut 1 tonne de pétrole pour obtenir et acheminer 1 tonne d'azote : sa production est donc fortement consommatrice d'énergie fossile. Le protoxyde d'azote a de multiples effets néfastes sur l'environnement : recours accru aux pesticides, pollution aux nitrates de la ressource en eau, pollution de l'air. Ses conséquences sur le plan sanitaire sont tout aussi désastreuses : suspicions de cancers – en particulier de la thyroïde – et malformations congénitales. Enfin, il provoque des accidents mortels : chacun se souvient de l'explosion d'AZF et de celle qui s'est produite l'été dernier dans le port de Beyrouth.
Quant au nitrate d'ammonium, les plus petits stocks se trouvent chez les agriculteurs. Comme ils sont en dessous du seuil, il y a peu de contrôles. C'est extrêmement dangereux pour les agriculteurs : au contact du produit, un incendie peut provoquer une détonation. C'est ce qui s'est passé le 2 octobre 2003 à Saint-Romain-en-Jarez, quand l'incendie d'un entrepôt frigorifique dans une ferme a provoqué l'explosion de 35 tonnes de nitrate d'ammonium, blessant dix-sept pompiers, dont trois grièvement. C'est la raison pour laquelle l'Irlande a interdit ce produit. Par ailleurs, l'exemple de l'Autriche a montré qu'une taxe sur les engrais azotés fonctionnait.
Je ne souhaite pas que nous mettions en place immédiatement une redevance : cela reviendrait à punir d'emblée les agriculteurs. Je crois dans leur capacité à changer leurs pratiques. Je crois également dans les outils dont nous disposons – j'interrogerai tout à l'heure M. le ministre, à travers un amendement, sur ceux que nous pouvons mettre à la disposition des agriculteurs pour les aider à réduire les intrants. Je pense notamment à l'agriculture de précision et au séquençage des apports. Il existe donc un certain nombre de moyens relativement abordables pour les deux premières années de la trajectoire ; sur le temps long, on peut envisager des changements de pratiques culturales, avec l'introduction de légumineuses ou encore des rotations de cultures.
Il vaut mieux définir une trajectoire descendante plutôt qu'instaurer immédiatement une redevance punitive. Avis défavorable.
Je partage totalement la position exprimée par Mme la rapporteure. Surtout, il ne faut pas laisser croire que l'on découvre le problème : cela fait des années, Madame Panot, que le monde agricole connaît les difficultés liées à l'utilisation de ces produits. C'est d'autant plus vrai que ce sont les agriculteurs qui habitent à côté des stocks que vous évoquiez.
Mes prédécesseurs, y compris d'autres sensibilités politiques, ont d'ailleurs pris des engagements au niveau européen : les émissions de protoxyde d'azote doivent diminuer de 15 % d'ici à 2030 par rapport à 2015, celles d'ammoniac de 13 % d'ici à 2030 par rapport à 2005. Ces objectifs sont inscrits dans le plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques (PREPA) – en ce qui concerne l'ammoniac – et dans la stratégie nationale bas-carbone (SNBC), pour le protoxyde d'azote.
M. Turquois a mille fois raison : si l'on imposait une taxation dès maintenant, on pourrait même observer l'effet inverse de celui qui est visé. C'est la raison pour laquelle il vaut mieux accompagner les agriculteurs. C'est ce que nous faisons au niveau national avec France Relance. Nous agissons aussi au niveau européen, à travers la négociation de la politique agricole commune (PAC), pour éviter toute distorsion de concurrence entre États membres, ainsi qu'au niveau international, au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), car on ne changera rien au problème si l'on ne met pas en œuvre un système interdisant l'entrée de produits issus de modes d'exploitation trop éloignés des nôtres.
Nous agissons donc avec force et méthode, en privilégiant les incitations et en évitant la stigmatisation. Ne caricaturez pas le monde agricole : il est le premier concerné par ces difficultés. L'azote est aussi une charge ; on n'en met pas pour se faire plaisir.
Faisons un peu d'agronomie : quel que soit le mode de culture – bio ou traditionnel –, il faut trois unités d'azote pour produire 100 kilos de blé. L'apport en azote peut se faire sous forme minérale ou sous forme d'effluents. Tous les apports produisent du nitrate et celui-ci se transforme en protoxyde d'azote. C'est particulièrement sensible avec le lisier : l'odeur qu'il dégage est liée à l'évaporation, lors de laquelle est produit le protoxyde d'azote. Ce qu'il faut juger, ce n'est pas la quantité d'azote apportée, c'est le bilan de la production de protoxyde d'azote.
Il reste 300 000 fermes en France, et toutes stockent des ammonitrates – c'est le cas de la mienne. Or il n'y a pas 300 000 explosions par an ! L'utilisation de ces produits est raisonnée. Certaines pratiques peuvent se révéler dangereuses et doivent donc évoluer, mais arrêtons de diaboliser les agriculteurs : ce n'est pas ainsi qu'il faut s'y prendre.
Monsieur le ministre, Monsieur Turquois, vos réponses étaient parfaitement caricaturales.
J'ai pris la peine de dire que les agriculteurs étaient les premiers concernés par le danger. Par ailleurs, je n'ai jamais prétendu que l'on venait de découvrir le problème. Au contraire, j'ai dit que l'on connaissait les risques depuis longtemps. Il ne s'agit pas non plus de stigmatiser les agriculteurs : je souhaite qu'ils soient accompagnés. Si l'on instaurait une taxe assortie d'un fonds, on pourrait utiliser celui-ci pour proposer un accompagnement.
Vous considérez qu'il faut procéder par incitation. On en connaît le résultat. La stratégie nationale bas-carbone, à laquelle vous vous êtes référé, requiert une réduction de 30 kilos d'engrais synthétiques par hectare sur les terres agricoles entre 2010 et 2035. Or, entre 2007 et 2017, on a observé un accroissement de l'usage des produits visés : il est passé de 80,6 kilos à 83,9 kilos d'azote par hectare. L'incitation n'est donc pas la bonne solution. L'Autriche, qui a créé une taxe et a dédié l'ensemble du fonds abondé par ce moyen à l'accompagnement des agriculteurs, a obtenu des résultats bien plus probants. Il ne s'agit pas de stigmatiser les agriculteurs : il y va de la maîtrise du risque et de la capacité à faire bifurquer le modèle agricole, ce qui est absolument impératif.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS857 de M. Antoine Herth et amendement CS4882 de Mme Sandrine Le Feur (discussion commune).
Je ne suis pas d'accord avec l'un des chiffres que vous avez cités, madame la rapporteure : d'après une étude de l'Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI), la part du protoxyde d'azote dans les 109 millions de tonnes équivalent CO2 qui résultent de l'activité agricole est de 34 %. Ce chiffre inclut d'ailleurs l'élevage – je note au passage qu'en ciblant les engrais minéraux, on ne s'attaque donc qu'à une partie du problème.
L'amendement CS857 vise à changer de logique. À la suite du Grenelle de l'environnement, il a été décidé de réduire de 50 % l'utilisation des produits phytosanitaires ; j'ai passé beaucoup de temps à chercher un moyen d'y arriver – Dominique Potier également. Lors de la précédente législature, il a été décidé de supprimer les néonicotinoïdes ; cette décision a eu des effets collatéraux et nous avons été obligés récemment de légiférer de nouveau. De la même façon, il a été décidé de supprimer le glyphosate, et nous avons mis quatre ans pour trouver une solution. Je propose donc, cette fois, de mettre les bœufs avant la charrue, c'est-à-dire de commencer par mobiliser la recherche fondamentale, les instituts techniques et les fermes du réseau de démonstration, d'expérimentation et de production de références de systèmes économes en phytosanitaires (DEPHY) pour trouver un moyen d'améliorer les pratiques, plutôt que de créer une taxe ex nihilo. Cet amendement modifie fondamentalement la logique de l'article 62, je l'avoue.
L'amendement CS4882 est un amendement de repli par rapport au CS4884, déclaré irrecevable – j'y retravaillerai en vue de la séance. Il s'agit ici d'intégrer les engrais azotés minéraux à la liste des produits phytosanitaires soumis à la redevance pour pollutions diffuses.
L'utilisation d'engrais azotés minéraux est un mal sanitaire, climatique et environnemental. Comme vous l'avez souligné, Monsieur le ministre, on le sait depuis longtemps. C'est la raison pour laquelle l'Union européenne a voté la directive « nitrates » en 1991, puis celle relative aux plafonds d'émission nationaux en 2001. C'est également pour cela que la France a inclus la question dans sa stratégie nationale bas-carbone – aussi bien dans la première, en 2015, que dans la seconde, en 2020 – ainsi que dans le volet agricole du plan « économie circulaire ». Par ailleurs, nous avons mis en place une réduction de TVA pour les engrais organiques. Enfin, l'enjeu figure dans le plan « protéines végétales ».
Or, tout cela ne fonctionne pas. C'est la raison pour laquelle mes collègues et moi-même avons travaillé à l'élaboration d'une redevance équitable qui, sans acculer les producteurs, permette de répondre à l'urgence climatique avec fermeté. Au nom de cette urgence, je vous demande de bien vouloir étudier ces amendements avec le sérieux qu'ils méritent.
Au fond, nous partageons le même objectif – c'est celui qui est inscrit dans le projet de loi ainsi que dans le PREPA et dans la SNBC. Nos avis divergent en revanche quant aux moyens pour y arriver. En ce qui me concerne, je suis persuadée que le chemin pévu par le Gouvernement est le bon.
Monsieur Herth, vous proposez une expérimentation supplémentaire. On mène une expérimentation quand on considère qu'un sujet n'est pas mûr, qu'il faut se donner deux ans pour tester un dispositif avant de le généraliser. Or nous avons déjà des outils pour réduire les intrants azotés de synthèse dans l'agriculture, par exemple l'agriculture de précision et le séquençage des apports d'azote dans les champs. Certes, des outils de plus long terme restent à mettre en place – notamment une évolution des pratiques culturales –, mais nous sommes prêts à commencer la réduction. Je crains donc que votre amendement ne soit interprété comme une manière de vouloir gagner du temps, ce qui n'est pas notre intention. Le délai de deux ans qui est prévu paraît peut-être long à certains de nos collègues, mais il est en réalité très court pour enclencher un changement des pratiques. Je pense que nous avons trouvé le bon rythme et le bon chemin, et suis donc défavorable à cet amendement.
En ce qui concerne la nature de la redevance, Madame Le Feur, c'est tout l'objet du rapport que le Gouvernement doit remettre au Parlement. Je proposerai également des amendements pour en préciser le contenu : le rapport devra nous dire quel sera le montant de la redevance, si celle-ci peut être différenciée suivant l'émissivité de l'engrais utilisé et quels seront les outils mis à disposition des agriculteurs pour réduire leur consommation, de manière à ce qu'ils ne la paient pas.
Avis défavorable.
Le débat porte effectivement sur les moyens, pas sur les finalités. L'article 62 fixe les objectifs et le rythme de la diminution, tout en prévoyant que, si la trajectoire définie n'est pas respectée deux années de suite, et sous réserve que la Commission européenne n'ait pas elle-même mis en place un tel dispositif, la question de la redevance serait posée. Cette approche me paraît très vertueuse. On n'opère vraiment une transition que si l'on accompagne les personnes concernées. S'il suffisait pour le faire de taxer, beaucoup de transitions auraient déjà été accomplies dans notre pays ; or ce n'est pas ce que l'on constate.
La démarche proposée ouvre toutes les options, de manière méthodique, tout en posant la nécessité d'accompagner les agriculteurs. Il faut également prendre en compte le fait que nous appartenons à un marché commun : introduire une taxation suppose de se battre au niveau européen pour que les autres États membres fassent de même, faute de quoi on créerait des distorsions considérables dans les coûts de production. Ce sont les agriculteurs qui en seraient victimes : ils verraient leur compte de résultat se dégrader. Cela mettrait en péril notre souveraineté agricole.
Je regrette que, dans ces débats autour de la fiscalité environnementale, on ne regarde pas le tableau d'ensemble, en particulier en prenant en considération la totalité des charges fiscales qui pèsent sur une exploitation.
Par ailleurs, nous avons voté une augmentation de la trajectoire de la redevance pour pollutions diffuses dans le projet de loi de finances pour 2019. Il faudra vérifier si l'argent est bien arrivé jusqu'aux agriculteurs, à travers les agences de l'eau. C'est l'objet du travail des rapporteurs de la commission des finances.
S'agissant de la méthode, celle qui est proposée est la même que celle qui a été retenue pour les hydrofluorocarbures (HFC). Or il s'avère que la réforme en question, votée en loi finances pour 2018, a porté ses fruits : la taxe n'a pas été appliquée car un travail considérable a été fait avec la profession. J'espère qu'il en ira de même. Reste la question de la mise en œuvre du dispositif à l'échelon européen, car nous ne pouvons imposer une taxe à nos agriculteurs si les autres Européens agissent différemment.
Quoi qu'il en soit, comme nous l'avons fait avec la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), il faut fixer des objectifs si l'on veut transformer vraiment les comportements.
Je conçois que l'on ait choisi ce chemin. Toutefois, je répète que, pour produire 1 kilo de blé, il faut ajouter exactement la même quantité d'azote, quel que soit le mode de production, soit en le puisant dans le sol, soit sous forme d'effluents, soit à travers des engrais.
Indiquer un chemin suppose d'offrir des solutions alternatives aux engrais azotés. Or, sur le plan agronomique, il n'y a que les légumineuses : ce sont les seules plantes capables d'absorber l'azote de l'air grâce aux rhizobiums, des bactéries situées dans leurs racines. Quant aux effluents, on les trouve en Bretagne et en Normandie, alors que les plaines céréalières sont dans le Poitou et dans la Beauce. Faire du bio, chez moi, c'est donc transporter par camion de l'eau récupérée à 300 kilomètres.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements CS2855 de Mme Cécile Delpirou, CS1381 de M. Sylvain Templier (discussion commune).
L'article 62 n'est pas contraignant. Aucune obligation n'est prévue dans la loi d'ici à deux ans, contrairement à ce qui a prévalu pour la stratégie relative aux hydrofluorocarbures, évoquée par Mme Peyrol, puisqu'une taxe avait été inscrite dans le projet de loi de finances pour 2019, avant d'être retirée dans le PLF pour 2021 en raison des efforts réalisés. Je vous propose aujourd'hui d'inscrire dans la loi le principe de la redevance, quitte à la retirer dans deux ans si les acteurs ont consenti des efforts significatifs.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS4900 de M. Buon Tan.
L'article 62 prévoit de créer une redevance ou taxe si les objectifs annuels de réduction des émissions ne sont pas respectés deux années de suite. Or, cela peut se produire en 2026 et 2027, ce qui imposerait de créer cette taxe en 2028. Votre amendement, en imposant une date, empêcherait de le faire. Je vous invite à le retirer.
L'amendement est retiré.
Amendements identiques CS855 de M. Antoine Herth, CS1208 de M. Stéphane Travert et CS3036 de M. Vincent Descoeur.
Nous débattons d'un sujet essentiel pour lequel je me battrai, jusque dans l'hémicycle. Mme Peyrol vient de nous parler des hydrofluorocarbures. Une personne de Bercy m'a raconté le même scénario. J'attends que le Gouvernement nous apporte des garanties pour l'avenir de l'industrie des engrais en France. M. Turquois l'a dit, la production céréalière, en particulier celle du blé, est particulièrement sensible aux engrais azotés, tant en termes de quantité que de qualité – je pense à la qualité boulangère. En lançant un tel message, nous pourrions perdre les marchés à l'export, notamment en direction des pays du Maghreb. Les enjeux géopolitiques sont cruciaux. Attention à ce que nous faisons ! Je serais à Alger, je pourrais croire que la France a décidé de saborder sa production de blé et je me retournerais alors illico vers M. Poutine pour garantir mon approvisionnement. Le sujet n'est pas mince et les conséquences seraient terribles. D'ici à la séance, je souhaite que nous approfondissions la question avant de prendre quelque décision que ce soit.
Je partage les préoccupations des auteurs des amendements de suppression, notamment M. Jean-Baptiste Moreau. Une fois de plus, une taxation franco‑française des engrais azotés minéraux ne permettrait pas d'atteindre notre objectif. J'espère que nous saurons actionner d'autres leviers, notamment au niveau européen, et que nous mesurerons les conséquences d'une taxation des engrais azotés minéraux avant de prendre une décision, ce qui impose de consulter l'ensemble de nos partenaires.
Une taxation uniquement française serait néfaste pour nos agriculteurs, notre balance commerciale mais aussi pour l'environnement car nous devrions alors faire véhiculer d'un lieu à un autre des quantités importantes de céréales, ce qui augmenterait nos émissions de gaz à effet de serre. Beaucoup de contre-vérités ont été dites, hélas, en particulier par Mme Panot. Quand on produit des céréales, les quantités d'azote doivent correspondre aux besoins de la plante. Les agriculteurs ont travaillé au niveau des quantités mais aussi des apports, pour ne donner de l'azote à la plante que lorsqu'elle en a besoin, ce qui permet de réduire la pollution. Les agriculteurs ont fourni beaucoup d'efforts, ne leur donnons pas l'impression de les punir. Au contraire, aidons-les.
Vous posez la question essentielle d'un taux différencié en fonction de l'émissivité des différentes formes d'engrais puisque l'urée est sept fois plus émissive que l'ammonitrate, par exemple. Cela devrait faire partie des éléments sur lesquels portera le rapport que le Gouvernement est invité à remettre au Parlement.
Vous proposez par ailleurs d'inverser la logique de l'article 62 en conditionnant la mise en place d'une telle taxe à une harmonisation fiscale au niveau européen. Sur ce point, nous sommes en désaccord. En effet, nous sommes en retard au niveau des émissions d'ammoniac puisque la France a réduit ses émissions de 2 % entre 2005 et 2018 contre 5 % en moyenne dans l'Union européenne. Ce mauvais résultat s'explique par l'utilisation croissante d'urée, que nous importons, par rapport à l'ammonitrate. Nous devrons relever ce défi.
Enfin, Monsieur Herth, les solutions alternatives d'avenir sont dans les produits de biocontrôle et toutes les nouvelles substances qui doivent permettre aux agriculteurs de se transformer. Ils l'ont bien compris. De nouveaux marchés plus vertueux s'ouvrent à eux.
Je vous invite à retirer ces amendements.
Il faut affronter avec courage la réalité agronomique. Quoi qu'on en pense, on nourrit la plante avec de l'engrais mais au bout d'un moment, le système sature. Ce n'est pas parce que vous apporterez dix fois plus d'engrais à une plante qu'elle sera dix fois plus grande. Nous devons donc nous demander comment accompagner les agriculteurs dans cette transition. Tout d'abord, il faut donner à la plante exactement ce dont elle a besoin. Ainsi, le plan de relance finance des matériaux et des agroéquipements qui permettent d'atteindre cet objectif. Ils donnent de très bons résultats mais on en arrive parfois à se demander s'il ne faudrait pas plutôt financer des matériaux de substitution. En l'espèce, le financement de ces matériaux de précision vaut la peine. Il est important de donner à la plante ce dont elle a exactement besoin, même si cela à un coût en termes d'argent et d'accompagnement.
Par ailleurs, M. Turquois a raison, il faut réfléchir aux pratiques agricoles.
Enfin, le plan « protéines » doit s'élaborer en fonction de ce que les plantes captent ou rétrocèdent. Ainsi, certaines légumineuses, comme la luzerne, parviennent à fixer l'azote. Nous devrons adopter une approche globale, comme le préconise d'ailleurs la Convention citoyenne pour le climat.
Pour avoir vécu en Égypte, j'ai eu l'occasion de travailler sur ces sujets. Si les Égyptiens nous achètent du blé, c'est parce que notre blé leur permet de préparer le pain d'une certaine façon, contrairement au leur. Si nous cessons de leur vendre du blé, les Ukrainiens prendront notre place, ce qui n'améliorera pas forcément le bilan carbone. Le sujet est complexe et nous devons procéder avec méthode.
M. Herth avait proposé d'agir ensemble avec méthode. C'était un jeu de mots.
Pour ce qui est des enjeux, je vous renvoie à l'histoire de France. Jusqu'au Moyen‑âge, notre pays a alterné périodes de disette et de prospérité du fait des variations de la production. Au XVIIIe siècle, révolution agronomique, les légumineuses ont été introduites dans la rotation. Elles ont permis de fixer l'azote et de nourrir les plantes qui suivaient. Elles ont été largement cultivées en France. Mais, après la guerre, la France et l'Europe ont massivement importé des États-Unis des céréales et des légumineuses, comme le soja américain. À la fin des années 1950, l'Europe décide de mettre en place la politique agricole commune. Les Américains sont d'accord, à condition que nous produisions les céréales et eux, les légumineuses, à savoir le soja. Ce sont les accords du Dillon round, qui a soixante ans cette année. Depuis, nous avons arrêté de produire des légumineuses et nous avons besoin d'apporter massivement des engrais azotés.
Je vous demande de ne pas intervenir plus d'une minute, monsieur le député, sinon je ne vous donne plus la parole.
La commission rejette les amendements.
Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CS5298 et CS5299 de la rapporteure.
Suivant l'avis de la rapporteure, elle rejette l'amendement CS3243 de M. Julien Dive.
Amendements CS5297 de la rapporteure et CS4901 de M. Buon Tan (discussion commune).
Cet amendement prévoit que le rapport relatif aux conditions dans lesquelles la redevance sur les engrais azotés peut être mise en œuvre, doit être remis au Parlement par le Gouvernement dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi. Avis défavorable à l'amendement CS4901 car le mien est mieux-disant.
La commission adopte l'amendement de la rapporteure.
En conséquence, l'amendement CS4901 tombe.
Amendement CS4331 de M. Jean-Luc Fugit.
Cet amendement tend à s'assurer que les recettes d'une éventuelle redevance sur les engrais azotés soient bien affectées à l'accompagnement des agriculteurs dans la transition agroécologique. Autrement dit, la redevance doit être pensée pour ne pas pénaliser les agriculteurs mais pour les accompagner dans leur transition vers une agriculture moins consommatrice d'engrais azotés.
Je partage votre préoccupation. S'il existe une solution technique qui permette, sans contrevenir à la Constitution et aux principes généraux qui régissent notre droit fiscal, en particulier les principes d'universalité budgétaire et de non-affectation des recettes, de flécher ces recettes pour s'assurer qu'elles reviennent bien aux agriculteurs pour accompagner la transition agroécologique, il faut le faire. Le rapport me paraît le moyen idéal d'approfondir cette question. Avis favorable.
Dès lors qu'il sera constaté que, malgré les efforts réalisés pour promouvoir les bonnes pratiques et si aucun dispositif équivalent n'est mis en place au niveau européen, la redevance s'avère nécessaire, le Gouvernement devra accompagner les agriculteurs dans leur changement de pratique afin de lutter contre les pollutions. Je vous invite à retirer l'amendement, sinon avis défavorable.
J'avais déposé un amendement, qui a été déclaré irrecevable, pour que l'intégralité des recettes résultant de cette redevance soit affectée à un programme de soutien à la recherche, à la diffusion et à la mise en pratique par les agriculteurs de méthodes et de techniques qui permettent de limiter le recours aux engrais azotés minéraux.
Un accord politique avait été conclu en 2019 pour que cet argent soit versé aux agriculteurs. Le dispositif n'est pas très transparent, il faut s'adresser aux agences de l'eau. Par ailleurs, il convient de s'assurer que cette redevance ne représente pas une charge supplémentaire pour les agriculteurs, quitte à en supprimer une autre si l'on considère que la priorité est bien de réduire les engrais azotés.
La commission adopte l'amendement.
Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CS5301 et CS5300 de la rapporteure.
Amendement CS814 de M. Julien Dive.
Je laisserai le ministre répondre à cette invitation. Pour ma part, je vous invite à le retirer.
Vous connaissez mon attachement à la souveraineté agricole, qui vise en premier lieu à mettre fin à toute distorsion de concurrence au sein du marché commun. Rien ne ressemble plus à un concombre qu'un autre concombre sur nos étals, mais celui dont la production fut la plus vertueuse est souvent pénalisé. Nous devons porter ces sujets au niveau européen, voire à celui de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).
M. Turquois nous a résumé l'organisation du système international commercial des légumineuses et des céréales. Il dure depuis cinquante ans, et c'est pour cette raison que nous avons élaboré le plan « protéines », mené certaines négociations au niveau de la PAC, et que je négocierai prochainement les clauses miroir au niveau international.
On compte sur le ministre pour qu'il agisse au niveau européen, tout en prenant garde aux clauses des traités internationaux.
L'amendement est retiré.
Amendement CS2081 de M. Dominique Potier.
Vous aurez remarqué, madame la présidente, la sobriété de mon propos dans nombre de domaines qui, pourtant, me passionnent et pour lesquels j'aurais beaucoup à dire : plan « protéines », agroécologie, politique d'installation, régulation du foncier, etc…
En l'espèce, je vous propose de nous inspirer d'un mécanisme innovant, celui des certificats d'économies d'énergie, dont les résultats sont très bons et qui sont hors budget – je le signale à Mme Peyrol. Ils permettent de récompenser les efforts des uns par rapport au retard des autres, par le jeu du « B to B » – business to business : la loi fixe un objectif aux entreprises, elles l'atteignent. Nous l'avions expérimenté, lors de la dernière mandature, sur les certificats d'économies de produits phytopharmaceutiques. Malheureusement, ce n'est pas l'option que le Président de la République a choisi de retenir. J'ai perdu, à mon grand regret, le recours déposé devant le Conseil d'État en ma qualité de député, pour des raisons non de fond mais de forme.
Je vous invite à utiliser cet outil pour offrir aux paysans une alternative qui ne se traduise pas par des charges supplémentaires.
La création d'un mécanisme inspiré des certificats d'économies de produits phytopharmaceutiques fait partie des pistes envisagées par le Gouvernement, comme en témoigne l'étude d'impact, et figurera dans le rapport qu'il remettra au Parlement. Il ne me semble pas nécessaire, par conséquent, de prévoir un rapport spécifique, visant à déterminer l'impact économique de la mise en œuvre de certificats de réduction d'émissions d'ammoniac et de protoxyde d'azote et de leur conformité avec la trajectoire de réduction de ces émissions. Je vous invite à retirer l'amendement.
Je prends bonne note de votre recommandation, d'autant plus que je connais votre attachement à ce mécanisme. Je me tiens à votre disposition pour en discuter. La liste des sujets sur lesquels le Gouvernement se penchera n'est pas figée.
Je le maintiens. S'il n'est pas adopté, je le transformerai en sous-amendement pour que ce mécanisme figure dans le rapport. Le sujet de la réversibilité des taxes qui peuvent peser sur le monde paysan et celui de leur efficacité sont majeurs. Cette voie mérite d'être explorée. En tout cas, l'INRAE y est très favorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CS5448 de la rapporteure.
Il s'agit de préciser que le rapport remis par le Gouvernement au Parlement étudie l'opportunité de fixer des taux différenciés pour tenir compte de l'émissivité des engrais minéraux. L'urée et la solution azotée ont, en effet, un potentiel émissif d'ammoniac très supérieur à celui de l'ammonitrate, avec un facteur de 1 à 7.
Monsieur Turquois, je vous donne la parole à condition que vous respectiez votre temps et que vous vous adressiez à moi sur un ton correct.
Passer en cinquième vitesse le titre V, qui s'adresse aux agriculteurs, n'est pas respectueux.
Les enjeux pour le climat, en matière agricole, sont cruciaux. Nous devons prendre le temps d'y réfléchir. Prenons le cas de l'urée : Mme la rapporteure a raison mais les effluents d'élevage, comme le lisier, sont apportés sous forme uréique. On ne pourra donc pas distinguer un apport d'engrais minéral sous forme d'urée d'un apport de lisier sous forme uréique. L'impact sera le même. Je voulais juste appeler votre attention sur cette incohérence agronomique.
Je ne supporte pas que certains laissent entendre que nous examinons ce titre dédié à l'agriculture en cinquième vitesse. C'est ridicule. Chacun est maître de ses propos et nous travaillons dans des conditions conformes au règlement de l'Assemblée nationale. Mme la rapporteure et le M. le ministre répondent à nos questions et nous nous exprimons normalement.
Je vous confirme que nous ne bâclons aucun sujet. Par consensus, nous nous sommes tous mis d'accord sur notre manière de travailler. Rien n'est laissé à l'abandon dans ce domaine essentiel.
La commission adopte l'amendement.
Amendement CS5467 de la rapporteure.
L'amendement tend à préciser que le rapport prévu au deuxième alinéa de l'article 65 éclaire le Parlement sur les financements publics et les outils d'aide à la décision permettant de favoriser une réduction et une utilisation plus raisonnée des engrais azotés minéraux. L'accompagnement des agriculteurs est la condition essentielle à l'atteinte des objectifs fixés aux articles 62 et 63 et, plus largement, à la transition écologique.
La commission adopte l'amendement.
Amendement CS2457 de M. Raphaël Schellenberger .
Il s'agit de compléter l'amendement de la rapporteure que nous venons d'adopter car, s'il élargit le champ du rapport aux aides accordées aux agriculteurs, il fait l'impasse sur les technologies qui existent déjà pour réduire les émissions d'ammoniac et de protoxyde d'azote. Je pense en particulier aux inhibiteurs de la nitrification ou d'uréase, qui sont mis en avant par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES). Notre amendement vise à réparer cet oubli. Il est peut être envisagé de mettre fin à l'usage de ces procédés à terme mais, en attendant, il serait intéressant de se pencher sur les technologies intermédiaires susceptibles de réduire les conséquences de ces épandages, qui font l'objet de recherches approfondies en France, et qui peuvent produire de très bons résultats rapidement.
L'amendement que nous avons adopté est similaire puisqu'il permet d'élargir le rapport du Gouvernement aux travaux de recherche, investissements publics et aides à la décision qui permettent de réduire l'utilisation des engrais azotés. Ce serait le meilleur moyen de marcher sur nos deux jambes : réfléchir à la redevance qui devrait être mise en place si, au bout de deux ans, nous n'avions pas tenu notre trajectoire, mais aussi aux moyens de court terme, comme les outils d'aide à l'exploitation, de moyen terme, comme les outils d'aide à la décision, ou de long terme, comme le soutien à la recherche publique, que nous pouvons mobiliser pour aider nos agriculteurs. Ce rapport doit remettre l'agriculteur au cœur de l'enjeu de la transformation. Avis défavorable car il est satisfait.
Je reconnais que votre amendement a permis certaines avancées mais je voudrais que, d'ici à la séance, nous fassions en sorte de ne pas oublier ces technologies, d'autant plus que la recherche publique n'est pas la seule à s'y intéresser. Nous devons aussi encourager les initiatives privées.
La commission rejette l'amendement.
Suivant l'avis de la rapporteure, la commission rejette l'amendement CS3120 de M. Philippe Naillet.
La commission adopte l'article 62 ainsi modifié.
Après l'article 62
Suivant l'avis de la rapporteure, la commission rejette l'amendement CS2073 de M. Dominique Potier.
Section 2 Autres dispositions
Article 63 : Définition par décret d'une trajectoire annuelle de réduction des émissions de protoxyde d'azote et d'ammoniac du secteur agricole
Amendement CS856 de M. Antoine Herth.
Afin de permettre la mise en oeuvre des dispositions de l'article 62, je voulais proposer qu'un décret définisse une trajectoire annuelle. Que la rapporteure se rassure, je ne cherche ni à gagner du temps ni à m'opposer au principe, mais simplement à changer de méthode. Je le retire.
L'amendement est retiré.
Amendement CS5468 de la rapporteure.
Cet amendement, essentiel pour assurer le contrôle du Parlement sur l'action du Gouvernement, vise à ce que nous disposions, chaque année, de l'état d'avancement de la trajectoire de réduction des émissions d'ammoniac et de protoxyde d'azote. Ainsi pourrons-nous, chaque année, débattre de notre capacité à tenir cette trajectoire et des outils susceptibles de nous y aider – redevances, budgets dédiés à la recherche ou aux plans de transformation agricole. Il s'agit d'un élément fondamental de l'équilibre que nous avons trouvé à ces deux articles.
La commission adopte l'amendement.
Amendement CS3121 de M. Philippe Naillet.
Il demande simplement une approche adaptée et progressive de la diminution de l'importation d'intrants chimiques, notamment pour les départements d'outre-mer.
Les objectifs de réduction sont nationaux : il ne paraît pas évident de prévoir une déclinaison différente selon les territoires. Je ne suis d'ailleurs pas certaine que le décret précise nécessairement les objectifs fixés par région. En outre, sur un plan plus formel, cet amendement ajoute un décret à l'article 63 qui en prévoit déjà un, ce qui ne me semble pas approprié. Avis défavorable.
Effectivement, les objectifs ne sont absolument pas territorialisés. L'objectif est national et à ce titre les spécificités des territoires pourront de facto être prises en compte.
La commission rejette l'amendement.
La commission adopte l'article 63 ainsi modifié.
Article 63 bis (nouveau) (article L. 110‑5 [nouveau] du code de l'environnement) : Codification de la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée
Amendement CS5469 de la rapporteure.
Je vous propose de codifier la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée, qui est une grande avancée de cette majorité, fruit d'un travail qui a duré plusieurs mois et qui doit nous permettre de porter des exigences similaires au niveau européen : une loi est en cours de préparation qui pourrait aboutir lors de la présidence française de l'Union européenne. Nous avons besoin de donner corps à cette stratégie dans nos codes, cet amendement y pourvoit.
Nous reviendrons sur cette stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée. Je suis favorable à cette proposition de l'intégrer dans le code de l'environnement.
Je n'ai cessé ces derniers jours de rappeler qu'un massacre est en train de commencer sur nos propres côtes, de la frontière espagnole à la frontière italienne, avec un projet de mégacentrale biomasse de 800 000 tonnes dans ma ville, à Gardanne, qui centralisera tout le bois disponible sur cette étendue pour un rendement énergétique extrêmement faible. En attendant, on importe énormément de bois de l'étranger, sans se demander si c'est soutenable. Il va falloir trouver une cohérence dans nos travaux, du premier article au dernier. Pour ce qui est de cet amendement, je remercie Mme la rapporteure de l'avoir déposé.
J'appelle la secrétaire d'État et le ministre de l'agriculture à se coordonner avec M. Jean-Yves Le Drian, qui a refusé un amendement allant dans le même sens alors qu'il était conforme à ce qu'Édouard Philippe disait en matière de stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée. Cette situation était pour moi assez incongrue. Votre amendement, que je soutiens mille fois, mériterait d'être intégré au Sénat. Vu son ampleur et sa portée, il serait dommage qu'il n'y ait pas de coordination.
La commission adopte l'amendement.
Après l'article 63
Amendement CS4081 de M. Nicolas Turquois.
Je le dis posément, mais j'aurais aimé que la séance se déroule autrement. Ce sont des sujets complexes, sur lesquels il aurait mieux valu une seule explication longue, et pas d'interventions par la suite.
Prenez ma place, Monsieur Turquois, si vous voulez organiser la séance. Vous ne parlez pas si posément que cela. Présentez votre amendement, s'il vous plaît.
La seule façon de diminuer les apports azotés est de cultiver des légumineuses. Ce sont les seules plantes qui captent l'azote. Selon le cycle de l'azote, ce sont des cultures, les effluents d'élevage, les effluents de la population qui font la fertilisation, donc à un niveau très bas. Pour réduire l'utilisation des engrais azotés, cet amendement propose un minimum de 10 % de cultures en légumineuses pour chaque exploitation. J'ai évoqué, voilà un instant, la raison historique qui explique qu'il n'y a pas de légumineuses dans les exploitations céréalières. Mais il est impossible d'aller au fond d'un sujet pareil en si peu de temps.
Il sera en effet essentiel sur le plan environnemental et nutritionnel d'accroître les légumineuses dans les assolements. Néanmoins je trouve contraignante l'idée d'imposer uniformément un minimum de 10 % de surface. Notre objectif dans le cadre du plan « protéines » est de 8 % à l'horizon 2030. Nous voyons bien que votre amendement demanderait une étude d'impact très aboutie avant d'être imposé à l'ensemble des exploitations françaises. Avis défavorable.
Pour ce qui est de la réalité agronomique, nous sommes d'accord. Nous avons eu cinquante années de scandale dans l'organisation du commerce international. Les Américains ont clairement dit au moment du traité de Rome que l'Europe pouvait bien faire ce qu'elle voulait, mais qu'elle devait être dépendante de leurs protéines. Tout ce qui est fait au niveau national, avec le plan « protéines », ou au niveau européen va donc dans le bon sens. C'est autant de déforestation importée qu'on arrête, autant de lutte pour la biodiversité qu'on mène.
Cela étant dit, il faut trouver, d'un point de vue agronomique, comment soutenir la production de légumineuses. Le plan de relance consacre 100 millions d'euros à la stratégie protéines végétales, dont une grosse partie tournée vers la production de légumineuses. Il y a des exemples magnifiques, comme celui du département de la Marne qui s'est tourné tout entier il y a trente ans vers les légumineuses. Reste que tout dépend évidemment des sols : certains par exemple n'acceptent pas la luzerne, qui est pourtant une plante fabuleuse. C'est pourquoi je pense que cet amendement est principalement un amendement d'appel : il serait difficile d'imposer 10 % de légumineuses à tous les agriculteurs. En revanche, la question qu'il pose doit être résolue dans les toutes prochaines semaines : faut-il, dans le cadre de la politique agricole commune et du plan stratégique national, des aides couplées « protéines » pour accompagner les agriculteurs dans le financement et le développement des assolements en légumineuses ?
Je trouve cet amendement très intéressant. Ce qui me gêne, c'est de poser une obligation de 10 % pour toutes les exploitations. Mais l'amendement devrait être retravaillé pour la séance, car il présente des avantages du point de vue à la fois de la production de protéines à destination de l'alimentation humaine et du point de vue des engrais azotés. Par ailleurs, des rotations beaucoup plus longues sont nécessaires pour les fermes en grandes cultures, ce qui fait aussi le lien avec la problématique des néonicotinoïdes pour les betteraves.
C'est en effet un excellent amendement, quoi qu'on pense de cette obligation des 10 %. Il est urgent de développer les protéines végétales. Je sais que c'est une priorité nationale, et que cela va en devenir une au niveau européen. Il y a cependant un dysfonctionnement : l'Europe ne donne pas d'aides pour les mélanges entre légumineuses et graminées alors que chez nous, ces mélanges sont indispensables dans beaucoup de sols. Ces cultures couplées devraient être aidées, comme la culture des graminées seules.
C'est en effet un sujet très important que soulève M. Chassaigne. J'ai obtenu cette modification des aides au Conseil, au niveau des ministres donc. J'ai maintenant bon espoir que le trilogue valide la position exprimée par le Conseil.
Il me semblait, madame la présidente, que selon nos règles, la personne qui présentait un amendement avait le droit de reprendre la parole pour le défendre.
Pas nécessairement : après la présentation, il y a un orateur pour et un orateur contre.
Chacun doit rester dans le cadre de nos débats. S'il vous plaît, revenez à un état d'esprit dépassionné : vous aurez tout le loisir de prendre la parole, il y aura un pour et un contre pour chaque amendement. Il y a d'autres agriculteurs dans cette commission spéciale, et la question tient à cœur aussi à tous ceux qui ne le sont pas. Je vous demande de bien vouloir calmer vos propos.
Je suis franchement scandalisé de la façon dont les choses se passent. Il s'agit d'un enjeu majeur, et vous envoyez au monde agricole un signal lamentable. Qu'on prenne le temps nécessaire, quelques minutes auraient suffi ! Vous prétendez que la commission a rejeté l'amendement, mais je n'ai même pas eu le temps de lever la main.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CS1835 de M. François-Michel Lambert.
Il est vrai que les conditions du débat sont difficiles sur ce sujet majeur qui met en jeu non seulement les personnes mais aussi les grands équilibres, qu'il s'agisse de souveraineté alimentaire, d'enjeux géopolitiques, de climat ou de fertilité des sols. Nous nous sommes donné tout à l'heure des contraintes qui auraient pu être évitées. Je les ai acceptées, et j'ai peut-être eu tort.
Cet amendement demande à l'État de remettre un rapport sur la fertilité des sols, car la souveraineté commence par là.
Il existe de nombreux dispositifs pour étudier ce sujet de la fertilité, ainsi que des réseaux de suivi. Je citerai le réseau d'expérimentation et de veille à l'innovation agricole, l'INRAE ou encore l'observatoire européen qui a permis à des comités d'agriculteurs et de producteurs d'améliorer la qualité des sols au moyen de capteurs, d'une application et de données satellitaires. Je ne prétends pas à l'exhaustivité mais j'ai le sentiment que ce sujet bien suivi ne nécessite pas de rapport. Demande de retrait ou avis défavorable.
Avis défavorable. Plus qu'un rapport, vous demandez la création d'un observatoire. Déjà beaucoup de monde s'essaye à analyser la fertilité du sol. La réalité est que c'est très complexe, et encore plus de disposer de données précises parcelle par parcelle, de les collecter et d'en faire une utilisation agronomique. Cela a été fait sur le sous-jacent géologique, ce qui a été une grande force de notre pays. Sur la fertilité des sols, qui se modifie de surcroît dans un temps court, c'est beaucoup plus complexe. Nos agences travaillent déjà sur le sujet, un observatoire me paraît inopportun.
D'abord, pour diminuer la déforestation importée, il faut limiter l'importation de palme et de soja. Pour compenser, il faut développer des cultures riches en protéines : la luzerne, le soja, car on peut en produire sur notre territoire, le lupin, qui sont toutes des légumineuses.
Ensuite, nous souhaitons remplacer certaines protéines animales par des protéines végétales. Là encore, ce sera par des légumineuses.
Voilà toute la cohérence de la démarche. Ma proposition de 10 % des cultures en légumineuses était évidemment un amendement d'appel, et je recourais au décret parce que cela doit se planifier, pas s'imposer du jour au lendemain. Mais il y a une vraie réflexion à mener pour développer les légumineuses, qui sont les premières à restaurer la fertilité des sols à laquelle M. Lambert est attaché.
Vous avez bien compris le sens de mon amendement, Monsieur le ministre. Je vais le réécrire pour la séance. Mme la rapporteure nous a très justement rappelé tous les outils existants, mais je permets de signaler que nous sommes la représentation nationale, qu'il est question de souveraineté alimentaire et qu'ici personne n'est en mesure de savoir où en est la France dans ce domaine. En séance, je vous demanderai de nous présenter l'état de cette souveraineté fertile de la France, les outils qui permettent de la connaître et ceux qui seraient éventuellement nécessaires. Tout le sens de notre commission est de dialoguer pour être beaucoup plus constructifs dans l'hémicycle, je le constate encore aujourd'hui. Je retire mon amendement.
L'amendement est retiré.
Amendement CS3931 de Mme Valérie Petit.
Il me semble que cet amendement est en partie satisfait par le CS5468 de la rapporteure qui demande un rapport sur le même sujet, mais il précise cependant que nous devrons en tirer les conséquences par un acte législatif.
Oui, la moitié de cet amendement est satisfaite. Le reste pose un problème de formulation puisque vous proposez une clause de revoyure par le biais d'un projet de loi ou d'une proposition de loi, laquelle relève d'une initiative parlementaire et non gouvernementale. Je vous demande de retirer cet amendement.
L'amendement est retiré.
Article 64 (article 59 quindecies [nouveau] du code des douanes) : Instauration d'un partage des données sur la politique nationale de lutte contre la déforestation importée
Amendement CS5470 de la rapporteure.
C'est un amendement de coordination consécutif à la codification de la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée.
La commission adopte l'amendement.
Amendement CS4339 de Mme Frédérique Tuffnell.
Dans le cadre de la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée, cet amendement propose de compléter l'article 64 afin de permettre l'échange des données d'importation sur les matières premières à risque entre les agents de la direction des douanes et ceux du ministère chargé de l'environnement, dans la perspective d'un mécanisme d'alerte au sein de la plateforme nationale de lutte contre la déforestation importée.
La France est particulièrement dépendante de certains pays pour son approvisionnement en produits de base. Suivre les flux de ces importations présentant un risque pour les forêts tropicales et les écosystèmes naturels, depuis l'origine en passant par les intermédiaires jusqu'aux pays consommateurs, permettra de réaliser des analyses de risques et opportunités des chaînes d'approvisionnement.
L'objectif de cet article est bien d'instaurer ce mécanisme d'alerte, mais l'inscrire en tant que tel dans la loi n'est pas la bonne solution, car cela deviendrait trop rigide. Ce mécanisme est une des actions de la stratégie. Or chaque action n'a pas à figurer dans la loi, seulement les grands principes.
Cet amendement vise à faciliter l'échange de données que nous sommes en train d'organiser pour éclairer les choix en matière d'importation, mais il serait trop restrictif. La liste que vous proposez n'est pas exhaustive compte tenu des différentes sources auxquelles nous sommes susceptibles d'avoir recours. Demande de retrait ou avis défavorable.
L'amendement précise bien que c'est un décret qui détermine la liste des matières premières concernées, il ne donne aucune liste exhaustive.
La commission rejette l'amendement.
La commission adopte l'article 64 ainsi modifié.
Article 64 bis (nouveau) : Exemplarité des approvisionnements de l'État en matière de lutte contre la déforestation importée
Amendement CS5452 de la rapporteure.
La persévérance paye ! Nous avions, à l'article 49 de la loi ÉGALIM, demandé à l'État d'être exemplaire en prévoyant que « L'État se donne pour objectif, à compter de 2022, de n'acheter que des produits n'ayant pas contribué à la déforestation importée, dans des conditions définies par décret. » Cet article avait été censuré par le Conseil constitutionnel. Je vous propose de le voter de nouveau aujourd'hui, sachant que l'objet de l'article 64 le sécurise.
Le guide de l'achat public « zéro déforestation » est paru. Il faut se rendre compte qu'il concerne potentiellement 10 % du PIB, au travers des acheteurs publics. C'est donc une saine lecture à mettre en toutes les mains, sachant que cet engagement sera renforcé dans le cadre du partenariat de la déclaration d'Amsterdam. La France, lors de sa présidence au deuxième semestre de cette année, pourra promouvoir cet outil bien au-delà de ses frontières. Avis très favorable.
La commission adopte l'amendement.
Article 64 ter (nouveau) : Rapport du Gouvernement sur la mise en place d'une plateforme nationale de lutte contre la déforestation importée
Amendements identiques CS4731 de Mme Nicole Le Peih et CS4741 de Mme Frédérique Tuffnell.
Cet amendement du groupe LaREM complète l'article 64, qui permet un échange de données entre les agents de la direction des douanes et ceux du ministère chargé de l'environnement pour lutter contre la déforestation importée. Il demande au Gouvernement un rapport sur les modalités de mise en œuvre d'une plateforme nationale de lutte contre la déforestation importée à destination des entreprises.
Cette plateforme aura plusieurs objectifs : fournir des connaissances sur les importations à risque et sur leurs flux ainsi que sur l'évolution du couvert forestier, favoriser le partage d'informations, notamment entre pairs, encourager et assurer le suivi des engagements « zéro déforestation » des acteurs privés, et enfin faciliter le travail de traçabilité et d'analyse de risque des chaînes d'approvisionnement.
Cette plateforme va devenir un outil essentiel de notre stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée : d'où l'importance d'en évaluer rapidement la bonne mise en œuvre.
Avis favorable. Il serait intéressant, je le dis au Gouvernement, que ce mécanisme d'alerte s'adresse aux acheteurs publics à terme. Cela pourra se préciser en séance, ce qui permettra de répondre à l'inquiétude de Mme Tuffnell sur l'effectivité réelle du mécanisme.
Nous sommes très favorables à cet effort de transparence quant à la mise en œuvre de la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée.
Cet article 64 est nécessaire, mais pas suffisant pour atteindre l'objectif. Il est essentiel de nous inscrire dans un esprit de convergence avec les politiques menées par l'Union européenne. Les représentants de la direction générale des douanes que nous avons auditionnés ont signalé que l'échelon européen serait le plus pertinent pour ce mécanisme. Les pérégrinations que connaissent la palme ou la viande bovine à travers les pays de l'Europe avant d'arriver en France rendent leur traçabilité très difficile pour nos autorités douanières. Pour qu'un mécanisme visant à limiter la déforestation ait une efficacité réelle, un dispositif européen est indispensable. Le contexte y est particulièrement favorable, puisque l'Union a annoncé une révision de sa politique commerciale. Il faut également garantir un cadre de concurrence équitable aux ports français. Le but est d'éviter que les importateurs finissent par délocaliser leurs activités dans d'autres pays européens dont les normes en matière de déforestation importée seraient moins contraignantes.
La commission adopte les amendements.
Article 65 (article L. 4 du code rural et de la pêche maritime) : Compatibilité du plan stratégique national avec les stratégies nationales en matière d'environnement
Amendements CS1778 de Mme Anne-Laurence Petel et CS3934 de Mme Valérie Petit (discussion commune).
L'amendement CS3934 vise à ajouter la stratégie nationale des aires protégées à l'énumération des documents auxquels le futur plan stratégique national découlant de la PAC doit être compatible.
L'esprit de cet article, qui est très puissant, est que la déclinaison nationale de la PAC sera compatible avec quatre grandes stratégies structurantes : la SNBC et les stratégies biodiversité, santé et environnement, et lutte contre la déforestation importée. Notre volonté est de conserver ces quatre axes majeurs et de ne pas démultiplier les références. Beaucoup d'amendements visent à inclure divers plans et stratégies proposés à raison par les députés chacun dans son domaine, mais je pense que l'équilibre a été trouvé. C'est celui que les conventionnels nous ont proposé, et qui me semble d'autant plus judicieux depuis la codification de la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée. Avis défavorable.
Même avis. La stratégie nationale des aires protégées est d'ailleurs incluse dans la stratégie nationale pour la biodiversité, l'une des quatre évoquées par Mme la rapporteure. Ces amendements sont donc presque satisfaits.
Connaissant l'attachement de Valérie Petit à la biodiversité, je considère cet amendement comme satisfait et je le retire.
L'amendement CS3934 est retiré.
La commission rejette l'amendement CS1778.
Amendement CS1875 de M. François-Michel Lambert.
Il s'agit d'ajouter la stratégie nationale sur les protéines végétales dans le futur plan stratégique national.
La stratégie nationale protéines n'est en outre pas codifiée : il n'est donc pas possible juridiquement d'y faire référence. Mais je ne saurais assez répéter mon attachement à produire plus de protéines dans notre pays. C'est un combat pour lequel vous pouvez être assuré de mon plein engagement.
L'amendement est retiré.
Amendements CS1874 de M. François-Michel Lambert et CS2923 de M. Dominique Potier (discussion commune).
Mon amendement visait à ajouter le prochain plan Ambition bio, mais il présente le même problème de construction.
Mon amendement associe la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée avec le plan Ambition bio. Je ne reviens pas sur l'enjeu de l'autonomie en matière de protéines, c'est pour moi un très vieux combat et une réalité personnelle et professionnelle.
Avis défavorable : ce plan non seulement n'est pas codifié, mais sera défini en 2022, ce qui n'est pas compatible avec le calendrier du PSN qui doit être transmis à Commission fin 2021 pour être validé en 2022.
Non seulement le plan n'est pas codifié, mais le PSN prend déjà en compte la perspective bio, puisqu'une de ses conditionnalités est qu'il fixe l'objectif de surface agricole utile en bio d'ici à 2027. Demande de retrait.
Les amendements sont retirés.
Amendement CS1887 de M. François-Michel Lambert.
Nous avons très peu parlé de la stratégie « 4 pour 1 000 », ou 4 ‰ de croissance des stocks de carbone dans le sol par an. L'objectif de cette stratégie, issue de la COP21 et défendue par le ministre de l'agriculture de l'époque Stéphane Le Foll, est que l'agriculture prenne en charge la captation et la fixation dans le sol d'une partie du CO2 aérien. Les ministres successifs ne m'ont pas semblé s'engager pleinement en la matière, et je présente cet amendement d'appel pour que nous réfléchissions à un moyen d'encourager un peu cette stratégie en séance.
Demande de retrait ou avis défavorable. Il s'agit d'une stratégie internationale qui n'est pas codifiée en droit français.
J'ai la profonde conviction qu'il y a quinze ans, le monde agricole a subi une OPA de la forêt. Et c'est un amoureux des forêts qui le dit ! Si vous demandez où est capté le CO2 dans la nature, tout le monde vous répond : dans la forêt. La réalité est que le premier réservoir de carbone est la mer, le deuxième est le sol. Dans les mécanismes de compensation carbone, volontaires ou obligatoires, aucune création de valeur n'est prévue pour la captation de carbone dans le sol de nos agriculteurs, alors que c'est le cas pour la forêt ou l'agroforesterie.
La stratégie « quatre pour mille » est née d'une intuition et d'une volonté politique fabuleuse, lancée par la COP21 et reprise par Stéphane Le Foll, qui est aujourd'hui président de cette initiative. Je le félicite ; il faut continuer et je suis un ardent défenseur de cette cause. Nous avançons rapidement. La labellisation carbone permettra de déposer des certificats de compensation carbone pour créer de la valeur par la captation de carbone et accélérer massivement ce processus. Il s'agit de sujets agronomiques, comme en attestent nos propos sur la luzerne et les protéines.
Les jeunes agriculteurs ont par ailleurs la volonté de travailler ardemment sur cette question. Dans le cadre de France relance, nous consacrons précisément 10 millions d'euros pour financer des bilans carbone à l'échelle des exploitations. Nous pourrons ainsi identifier les moyens de captation.
C'est un sujet essentiel sur lequel je suis pleinement mobilisé. Il n'est pas codifié dans l'article 65, mais je vous remercie de l'évoquer.
Il s'agit d'un enjeu important, qui n'est pas visible. L'adaptation des pratiques agronomiques permettrait en effet de réaliser une part substantielle de l'effort nécessaire. Je soutiens cette démarche, sachant qu'il s'agit d'un amendement d'appel qui n'a pas vocation à se traduire en obligation réglementaire.
Nous ne pouvons pas nous contenter de cet entre‑deux, Monsieur le ministre. Il serait judicieux de présenter en séance des propositions fortes et visibles. Tout le monde partage le souhait que la stratégie « quatre pour mille » trouve sa place dans la loi qui sera votée après les allers-retours avec le Sénat, pour permettre un retour vers les agriculteurs, une quinzaine d'années après la bataille perdue par le monde agricole face à la forêt.
L'amendement est retiré.
Amendement CS2916 de M. Dominique Potier.
Il porte sur la lutte contre la déforestation importée. Puisque le sujet a été traité, je le retire.
L'amendement est retiré.
Amendement CS4886 de Mme Sandrine Le Feur.
Il est proposé de mettre en conformité le plan stratégique national (PSN) avec les stratégies environnementales européennes et françaises.
L'équilibre trouvé avec les quatre grandes stratégies est bon. La conformité de la PAC avec le Pacte Vert a été confirmée lors des auditions. Votre amendement est satisfait, je propose le retrait, sinon avis défavorable.
Même avis.
Pour en revenir à la stratégie « quatre pour mille », si vous relisez les débats sur la compensation carbone dans le secteur aérien, c'est toujours le domaine forestier qui est évoqué. Introduire les compensations dans le domaine agricole est probablement le meilleur moyen d'accélérer cette transition.
L'amendement est retiré.
Amendement CS2074 de M. Dominique Potier.
Nous proposons d'ajouter que les objectifs du futur plan stratégique national favorisent une meilleure structuration des filières, notamment par le renforcement des organisations de producteurs et de leurs associations. Les conditions de réalisation du PSN doivent inclure une dimension sociologique.
Nous savons l'importance de l'équilibre trouvé dans la loi ÉGALIM entre le titre Ier, portant sur la rémunération, et le titre II, portant sur la transition écologique. Votre amendement est satisfait, car le document programmatique national devra se structurer autour de neuf objectifs spécifiques, dont deux portent sur la structuration des filières : l'objectif tendant à assurer un revenu équitable aux agriculteurs, et celui de rééquilibrer les pouvoirs dans la chaîne d'approvisionnement alimentaire.
Par nature, le PSN répondra aux questions que vous soulevez. Je demande le retrait de votre amendement.
Votre amendement revient à savoir si les nouveaux dispositifs que nous appelons « programmes opérationnels » seront intégrés dans le PSN. Les discussions sont en cours. Je suis convaincu que dans la branche agricole, de la valeur est créée au sein des filières.
Au sein des filières, et aussi au sein des territoires quand les paysans s'organisent, mutualisent et économisent ensemble.
Je reviendrai en séance sur la question de l'agriculture de groupe et les appellations d'origine protégée (AOP). J'en parlais ce matin avec François Purseigle ; la rénovation de l'actif agricole et des organisations de producteurs – groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC), coopératives d'utilisation du matériel agricole (CUMA) – doit être à l'ordre du jour d'une réforme systémique adaptée aux temps modernes. Il faut retrouver l'esprit des pionniers des années soixante et l'adapter aux défis contemporains.
Sur le « quatre pour mille » et « One health », je propose qu'avec François-Michel Lambert et tous ceux qui le souhaitent, nous préparions en vue de la séance un court chapitre qui donne une perspective, au-delà de l'échelle territoriale ou nationale, afin de donner du corps au PSN.
L'amendement est retiré.
Amendements CS2075 et CS2077 de M. Dominique Potier, amendement CS2139 de M. Guillaume Garot.
Nous proposons que les objectifs du PSN favorisent la structuration de filières contribuant de manière positive à la lutte contre le changement climatique et à la protection de la biodiversité – nous en revenons à la logique des filières coopératives et d'innovation.
L'amendement CS2077 évoque la déclinaison des stratégies nationales dans le cadre des plans de structuration et d'accompagnement des filières, à l'instar du plan sur les filières protéines végétales, dont je suis un défenseur de longue date.
L'amendement CS2139 vise à valoriser le don des pertes agricoles, notamment grâce aux conventions de glanage.
Je me suis déjà exprimée sur la structuration des filières, Monsieur Potier. Je suis donc défavorable aux amendements CS2075 et CS2077.
Quant aux conventions de glanage, il s'agit d'un mécanisme vertueux qui doit être encouragé. Mais ce niveau de détail n'a pas sa place dans cet article stratégique. Les mesures d'aides mises en œuvre dans le cadre de la PAC font l'objet d'une liste restrictive dans le projet de règlement européen, il n'est pas possible de favoriser les conventions de glanage ou les dons de pertes agricoles sans y contrevenir. Avis défavorable.
Même avis. Le PSN est en cours de discussion, la première ébauche doit être élaborée d'ici à l'été, et le document définitif sera finalisé avant la fin de l'année. Tous ces sujets sont pris en compte pour établir ce document stratégique.
Ma question porte sur l'organisation de nos futurs débats en séance. Allons-nous déposer un catalogue d'amendements sur tous les sujets, ou déciderons-nous d'une discipline commune pour que les parlementaires soient vraiment entendus ? Nous pourrions trouver un accord amiable pour éviter d'y passer deux heures en séance, alors que quelques prises de parole fortes permettraient à chacun de faire savoir ce qu'il attend du PSN.
Il y a un déficit démocratique sur le PSN. Ce projet de loi nous donne l'opportunité d'y remédier à condition que nous évitions le verbiage au profit de prises de paroles structurées, et que la réponse du ministre en séance soit forte
J'aimerais savoir comment nous allons procéder avant de déposer mes amendements.
On ne peut pas dire qu'il y ait de déficit démocratique sur le PSN : une énorme consultation citoyenne a été organisée, et un travail colossal est encore en cours. Il est très important que le Parlement n'en discute pas en isolant chaque sujet, la PAC est trop souvent appréhendée comme un ensemble d'outils alors que c'est d'abord une vision politique. La question posée est celle de l'agriculture que nous voulons en 2027.
Les amendements sont retirés.
Amendement CS3700 de Mme Yolaine de Courson et amendement CS5302 (3e rectification) de la rapporteure.
L'objectif de l'amendement CS3700 est de permettre le débat démocratique autour du PSN, notamment au sein du Parlement, et sa mise à disposition du public.
Nous ne connaissons pas encore la liste des documents du PSN, mais nous savons qu'il comprendra un document de programmation, un plan d'action et des indicateurs de performance. La Commission prévoit la transmission du document de programmation et de ses modifications, ainsi que du plan d'action, tous les deux ans. Nous demandons sa transmission au Parlement, ainsi que la mise à disposition du grand public. S'agissant des indicateurs de performance et du rapport annuel de performances, nous en demandons la transmission chaque année au Parlement et sa mise à disposition du grand public.
C'est l'objet de l'amendement CS5302 (3e rectification), qui précise la rédaction de l'amendement CS3700, dont je demande le retrait.
L'amendement CS3700 est retiré.
Puis la commission adopte l'amendement CS5302 (3e rectification).
Amendement CS2920 de M. Dominique Potier.
Il s'agit pratiquement de la même demande qu'à l'amendement précédent, pour permettre un vrai suivi de la politique majeure de l'agriculture.
En 2013, une mission d'information a travaillé pendant six mois. Antoine Herth et Germinal Peyro avaient réalisé un travail de fond qui a alimenté le débat parlementaire. Nous n'avons rien d'équivalent cette année. Je n'ai pas été convié au débat citoyen sur le foncier, ni aucun des collègues qui ont travaillé sur ce sujet. Je n'idéalise pas les débats citoyens, et je considère que le Parlement est sous-équipé pour aborder la PAC. Mon amendement aurait pu faire l'objet d'un consensus.
Je ne vous avais pas cité, mais je sais que vous avez fait cette proposition et que vous souhaitez que nous débattions de ces sujets. Nous connaissons votre engagement. Votre amendement est satisfait par l'adoption du CS530 (3e rectification), j'espère que vous ne nous en tiendrez pas rigueur.
Le texte impose déjà de transmettre un rapport au Conseil économique, social et environnemental (CESE) et au Parlement. Je soutiens votre demande, mais elle ne porte pas sur le rapport, elle concerne l'organisation du débat parlementaire en amont de la finalisation du PSN. Je ne peux m'engager sur ce point, mais je me tiens à l'entière disposition des parlementaires pour répondre à toutes les questions et organiser tous les travaux nécessaires. Le PSN est une vision politique, les parlementaires doivent en discuter, et le Gouvernement est à votre entière disposition pour en débattre.
L'amendement est retiré.
La commission adopte l'article 65 ainsi modifié.
Après l'article 65
Suivant l'avis de la rapporteure, la commission rejette l'amendement CS3703 de Mme Yolaine de Courson.
Amendement CS4082 de M. Nicolas Turquois.
Sur des sujets agricoles, comme l'interdiction du glyphosate ou des néonicotinoïdes, j'ai souvent appelé à tenir compte des pratiques existantes pour tracer le chemin vers l'interdiction. On m'a reproché de promouvoir une agriculture productiviste. Quand nous replaçons l'agronomie au centre du débat, qu'il s'agisse des légumineuses ou de la plantation des haies, nous dégageons des marges aux agriculteurs.
Je propose que pour toute surface de cent hectares, un kilomètre de haies bocagères soit planté. Leur intérêt pour la biodiversité et l'infiltration de l'eau dans les nappes phréatiques est attesté. Or nos plaines en sont trop dépourvues.
Il faut en effet encourager la plantation de haies. Nous avons d'ores et déjà prévu, d'ici à 2022, dans le cadre du plan France relance, 7 000 kilomètres de haies, pour une surface agricole utile de 29 millions d'hectares. Une étude d'impact me semble nécessaire avant d'imposer d'en planter un kilomètre pour cent hectares. Retrait ou avis défavorable.
Je suis un fervent défenseur de la plantation de haies. Je me suis battu pour que le plan France relance consacre 50 millions d'euros pour créer 7 000 kilomètres de haies. Mais restons modestes : depuis le début du remembrement, la France a détruit 700 000 kilomètres de haies. Aujourd'hui, la PAC interdit toute destruction de haies, et les haies qui sont détruites ne sont plus celles des agriculteurs.
Vous souhaitez aller plus vite pour le replantage. Je propose une solution dans le cadre du plan France relance. La difficulté vient du fait que, dans certaines exploitations, il n'y a jamais eu de haies. Faut-il prévoir une obligation de cette nature ? Je suis défavorable à votre amendement, tout en étant très volontaire sur le sujet.
Un kilomètre de haies pour cent hectares, ce n'est pas grand‑chose. C'est très facile à faire. Pour avoir planté des haies, je sais que cela représente quelques heures de travail la première année, et qu'ensuite ce n'est pas une charge. Il faut évidemment anticiper l'application de cette mesure, c'est pourquoi je prévois un décret d'application.
Nos concitoyens sont sensibles à leur environnement visuel. Planter une haie est d'ailleurs un facteur de pacification très fort dans les relations avec les habitants des villages qui ne travaillent pas dans le domaine agricole. Sans créer de multiples petites parcelles, l'objectif que je propose est tout à fait accessible d'ici à 2030.
C'est une bonne mesure. Un kilomètre pour cent hectares est effectivement un objectif atteignable. En Bretagne, des programmes comme Breizh bocage accompagnent la plantation de haies. La région fait un travail important, sous l'impulsion du vice-président Olivier Allain. Je voterai cet amendement.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CS3068 de M. Julien Dive.
Il s'agit d'une demande de rapport pour attribuer un label bas-carbone à l'agriculture de conservation des sols. Ce type d'agriculture ne pratique pas le labourage, et n'utilise donc pas de carburant pour retourner le sol avec des tracteurs. Alors qu'elle commence à avoir de l'importance, lui attribuer ce label lui donnerait un coup de pouce utile.
Je partage votre volonté de soutenir l'agriculture de conservation des sols, mais le label bas-carbone est attribué à des projets, et non à des acteurs. Avis défavorable.
Le label bas-carbone pour l'agriculture de conservation est en cours de validation. L'amendement est en partie satisfait.
L'amendement est retiré.
Article 66 (article 60 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises) : Réforme du fonctionnement du label « équitable »
Amendement CS2070 de M. Dominique Potier.
Nous proposons d'engager une réforme des labels « agriculture biologique » (AB) et « haute valeur environnementale » (HVE). Ils ont été conçus à une époque où la consommation de carbone n'était pas essentielle. Et la question sociale n'était pas un sujet : les pionniers étaient imprégnés de l'esprit coopératif et de l'éthique du partage de la valeur.
Aujourd'hui, des dérives menacent ces labels. Les transports d'intrants ou le chauffage des serres montrent que la sobriété en carbone n'est plus une évidence pour l'agriculture biologique. Il peut même devenir indispensable de la mesurer. Il en va de même pour la haute valeur environnementale : on mesure – mal – le recours aux produits phytosanitaires, mais on ne dit rien du carbone.
Plutôt que de faire des labels sur le carbone sans prendre en compte les enjeux de biodiversité ou de maîtrise de la phytopharmacie, il serait bon de rénover ces deux cahiers des charges. L'existence d'un cahier des charges AB propre à la France ouvre la possibilité d'adopter une réforme nationale qui puisse inspirer l'Europe. Quant au label HVE, il est à notre main.
Je ne crois pas que ce projet de loi soit approprié pour cette mesure. Le label agriculture biologique est européen. Par ailleurs, un audit de la certification environnementale est en cours, notamment HVE. Il pourra alimenter nos travaux. Retrait ou avis défavorable.
Beaucoup de travaux sont menés sur le label agriculture biologique. Il est très important de mener la revue de ce label au niveau européen, notamment pour nous assurer qu'il n'y ait pas de concurrence entre des labels bio de différents pays.
Le label HVE est défini, quant à lui, au niveau national. Nous venons de finaliser toutes les actions du plan écophyto, et nous y avons inscrit un point d'étape sur HVE. Je suis prêt à vous communiquer le cahier des charges de l'étude pour que vous y apportiez des modifications si vous le souhaitez.
Près de 90 % des consommateurs français connaissent le label bio français, mais pas le label européen. Il existe une marge d'expérimentation, et les acteurs de la filière le réclament, notamment l'Agence française pour le développement et la promotion de l'agriculture biologique.
Quant au label HVE, si une demande de rapport sur ce que fait le Gouvernement n'a plus de place dans la loi, nous aurons été de vagues lanceurs d'alerte. C'est un peu décevant.
La commission rejette l'amendement.
La commission adopte l'article 66 non modifié.
Après l'article 66
Amendement CS2043 de M. Gérard Leseul.
Nous souhaitons proposer une TVA à taux réduit pour les biens issus du commerce équitable ainsi que l'ensemble des biens composés à 100 % de matériaux recyclés ou biosourcés.
Cette mesure a plutôt sa place dans un projet de loi de finances.
Favoriser le commerce équitable – et d'autres modes de production très éloignés des sujets qui nous occupent – sans étude d'impact n'est pas la bonne démarche. Retrait, sinon avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Article 66 bis (nouveau) (article L. 640-2-1 du code rural et de la pêche maritime) : Définition des labels privés pour les produits agricoles, forestiers ou alimentaires et les produits de la mer
Amendement CS5477 de la rapporteure.
Les membres de la Convention citoyenne ont proposé de supprimer les labels privés, avant de reconnaître qu'il ne s'agissait sans doute pas de la bonne façon de procéder car ces labels sont souvent des engagements de qualité volontaires.
Nous nous sommes penchés sur la définition d'un label agricole et alimentaire, qui n'existe pas aujourd'hui. Je propose de donner une définition de la notion de label, afin de bien distinguer les signes de qualité et les allégations commerciales, qui ne sont pas certifiées.
Je pense que cet amendement doit encore être travaillé. La qualité peut passer par la labellisation mais il ne faut surtout pas décourager les bonnes volontés et ralentir une dynamique. Nous devons nous assurer que les labels privés sont bien certifiés – ils pourraient être inclus dans ÉGALIM, par exemple. Avis de sagesse.
L'amendement devrait préciser qu'il est nécessaire de passer par une tierce certification. C'est ce qui a permis d'assurer la robustesse des démarches s'agissant du commerce équitable.
La commission adopte l'amendement.
Après l'article 66
Amendements CS3749 de Mme Frédérique Tuffnell et CS1025 de M. Loïc Dombreval (discussion commune).
Les signes de qualité existants devraient inclure des critères spécifiques portant sur l'empreinte écologique et le bien-être animal. Ces éléments sont facultatifs dans le cahier des charges, il faudrait qu'ils fassent partie de l'instruction de la candidature.
Avis défavorable. Nous avons voté le renforcement des exigences environnementales des signes d'identification de qualité et d'origine (SIQO) à l'article 48 de la loi ÉGALIM. Le décret d'application n'a pas encore été publié, mais il me semble que c'est le meilleur moyen de progresser sur ce sujet.
Même avis. Je vous apporterai toutes les informations sur le décret d'ici à la séance publique.
Les amendements sont retirés.
Amendement CS3771 de Mme Anne-France Brunet.
Tous les établissements de plus de quatre cents mètres carrés qui pratiquent la vente alimentaire au détail devraient afficher la signification des différents labels alimentaires. Cela permettrait d'améliorer l'information du consommateur, qui se pose souvent des questions, et de valoriser les produits labellisés.
L'idée est vertueuse mais votre proposition ne porte que sur les SIQO. Or nous commençons à définir les labels. Il n'est donc pas possible, à ce stade, de voter votre amendement. Je vous propose d'en discuter, et de réfléchir à l'enjeu de l'affichage. Si celui-ci est apposé en caisse, le consommateur aura déjà mis dans son panier les produits. Nous devons réfléchir à un dispositif plus déterminant sur l'acte d'achat.
En effet, placer l'affichage à la sortie des caisses n'est pas la meilleure solution. Mais nous devons au moins prévoir un affichage. La demande en a été faite par les douze participants à la convention citoyenne que j'ai organisée dans ma circonscription. Je suis prête à retravailler à cet amendement d'ici à la séance.
Je soutiens cet amendement de bon sens, peut-être faudrait-il simplement prévoir l'affichage à l'entrée des caisses.
La commission rejette l'amendement.
Amendements identiques CS2080 de M. Dominique Potier et CS2258 de Mme Laurence Trastour-Isnart, amendement CS1385 de M. Mohamed Laqhila et amendement CS447 de M. Pierre Vatin (discussion commune).
Nous souhaitons renforcer la structuration du commerce équitable. Beaucoup d'initiatives sur le partage de la valeur ont été proposées par des consommateurs, et la rapporteure a émis l'idée d'un « rémunéra-score », qui a suscité l'intérêt du ministre. Je partage cet intérêt. Mais faut-il multiplier les allégations, ou devrions-nous faire du commerce équitable ou de l'économie sociale et solidaire un indicateur de RSE permanent, comme l'ont proposé à de multiples reprises les députés socialistes ? Cela permettrait de clairement identifier les entreprises qui partagent la valeur à toutes les étapes, plutôt que de multiplier les indicateurs dans tous les sens. Le renforcement de l'économie sociale et solidaire est peut-être la vraie solution.
La structuration et le déploiement des filières françaises de commerce équitable ne bénéficient d'aucun soutien public. Des actions transversales structurées doivent être mises en place pour les aider.
Monsieur Potier, la question est davantage celle de la rémunération des producteurs et des efforts qui peuvent être faits à ce niveau. Nous connaissons l'engagement du ministre dans les négociations commerciales, pour faire progresser les rémunérations. Le « rémunéra-score » permettrait de donner une information immédiate et lisible au consommateur pour qu'il prenne ses responsabilités vis-à-vis du producteur lors de l'acte d'achat.
Monsieur Vatin, le collectif commerce équitable France s'organise tout seul. Je laisse le ministre s'exprimer sur l'opportunité d'un plan d'action.
L'inclusion des produits issus du commerce équitable dans les obligations ÉGALIM, que vous avez votée, va induire une restructuration très forte de la filière.
Monsieur Vatin, le plan France relance prévoit une dotation de 50 millions d'euros pour la structuration de la filière, et la production équitable peut répondre à l'appel à projets en cours.
Je ne suis pas favorable à ces amendements. Il faut réserver le concept de commerce équitable aux relations Nord-Sud, pour qu'il soutienne l'aide au développement. Je regrette qu'on l'ait appliqué à des produits issus de filières nationales, pour lesquelles nous disposons d'autres outils, comme les SIQO et les démarches de l'économie sociale et solidaire.
Cette généralisation affaiblit la notion de commerce équitable et brouille l'esprit du consommateur.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CS2071 de M. Dominique Potier.
Je propose de dresser le bilan de ce qui a été décidé dans l'article 66 pour nourrir la dimension sociale des labels HVE et AB.
Il faudrait que nous ayons peu de certifications, mais qu'elles soient globales. Par exemple, la rémunération ne concerne pas que les agriculteurs, Madame la rapporteure : je suis très sensible aux faibles salaires des travailleurs dans l'industrie agroalimentaire ou les services à l'agriculture. Si nous trouvions des modèles de construction du prix qui permettent de rémunérer justement à toutes les étapes de la filière, nous aurions un indicateur solide.
Avis défavorable. Le sujet mérite des heures de débat. Nous avons abordé la question des labels AB et HVE ; la rémunération est un enjeu très important et nous pourrons discuter en séance de l'opportunité d'aller au-delà des dispositions de la loi ÉGALIM.
Suivant l'avis de la rapporteure, la commission rejette l'amendement.