La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Ce matin, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles, s'arrêtant à l'amendement no 46 à l'article 3.
Cet amendement tend à préciser que la trajectoire financière du projet de loi de programmation militaire pour les années 2019 à 2025 se fera hors contribution du ministère des armées au Service national universel.
Cet amendement de précision vise à conforter notre opinion quant à la réelle remontée des ressources de votre ministère, madame la ministre.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 85 .
Il n'y a pas de malentendu : j'ai bien entendu Mme la ministre des armées nous dire, lors de la discussion générale, que le financement du Service national universel n'aurait pas d'impact sur la loi de programmation militaire mais, comme mon collègue, il me paraît important de l'écrire noir sur blanc.
Lors de ses voeux aux armées, le Président de la République a dit que le Service national universel serait conduit par l'ensemble des ministères concernés, et pas simplement par celui des armées, et qu'il recevrait un financement ad hoc qui ne viendra en rien impacter la loi de programmation militaire.
Je sais bien que Mme la ministre a pris des engagements, mais sans vouloir lui manquer de respect, il me semble important de graver dans la loi cet engagement présidentiel, parce que les ministres passent mais la loi reste. J'imagine donc que cet amendement sera accueilli favorablement.
La parole est à M. Jean-Jacques Bridey, président et rapporteur de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour donner l'avis de la commission sur ces amendements.
Nous n'allons pas reprendre le débat que nous avons eu hier soir. Je ne sais pas quel sera l'avis du Gouvernement, mais il ne fait aucun doute que vos amendements sont satisfaits. Nous l'avons répété, écrit même dans le texte et nous ne referons pas le débat pour ceux qui n'étaient pas là hier soir. J'émets un avis très défavorable, et je ferai de même à chaque fois que vous me poserez cette question. Relisez bien le texte et vous verrez que c'est écrit dedans.
La parole est à Mme la ministre des armées, pour donner l'avis du Gouvernement.
Même avis.
Si vous m'y autorisez, monsieur le président, je voudrais informer l'Assemblée nationale que ce matin, pendant que nous débattions, une attaque a eu lieu à Kidal, au Mali, dirigée contre le camp de la force « Barkhane » et de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali – la Minusma. Des tirs de mortiers ont eu lieu et il y a des blessés. Je ne peux pas encore vous donner un diagnostic précis de l'état de ces blessés, mais je voulais informer la représentation nationale : pendant que nous légiférons, nos soldats continuent à mener à bien leur mission, qui est une mission utile.
Il est fort probable que cette attaque soit liée à l'intention du Premier ministre malien de se rendre à Kidal pour réinvestir une partie du territoire malien abandonnée, pour ainsi dire, par les autorités.
L'intervention des forces françaises est on ne peut plus utile, même si nous devons parfois déplorer des accidents. La France continue à faire oeuvre utile en appui des initiatives du gouvernement malien.
Applaudissements sur tous les bancs
Par ailleurs, je pense avoir déjà répondu aux amendements.
Cet amendement tend à coordonner l'article avec la place du tableau des crédits courant sur l'intégralité de la période de la loi de programmation militaire 2019 à 2025, en substituant à l'année « 2023 », l'année « 2025 », à la fin du premier alinéa.
Même avis qu'hier soir. Ce projet de loi de programmation comporte plusieurs périodes. La première, visée par ces tableaux, correspond à celle du quinquennat, aussi est-il normal d'engager des inscriptions budgétaires sur cette période, sans déborder sur les années ultérieures. Avis défavorable.
L'amendement no 45 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La loi de programmation militaire est censée être le guide budgétaire de 2019 à 2025. Et qui dit loi de programmation militaire, dit ressources budgétaires consacrées. Or, le rapporteur a beau prétendre le contraire, nous savons tous, par expérience, que les engagements pris en matière de ressources budgétaires votées en loi de programmation militaire n'ont pas toujours été respectés. Et quand je dis « pas toujours », c'est un euphémisme !
Si, de surcroît, les dernières années de programmation, celles qui sont le plus susceptibles de faire dévier la trajectoire, disparaissent du texte dès le vote de la loi, on commence mal !
Par ailleurs, l'article 6 prévoit une actualisation en 2021 : pourquoi, madame la ministre, le Gouvernement ne joue-t-il pas carte sur table en inscrivant dans la loi la totalité des engagements du Président de la République ?
J'imagine que vous n'êtes pas responsable de l'absence des années 2024 et 2025 du tableau. Il ne faut pas être sorti de la cuisse de Jupiter pour comprendre que derrière ce vide se cache Bercy, et que derrière Bercy, se cache la Commission européenne.
Or, nous refusons que notre outil de défense soit laissé entre les mains des technocrates de Bruxelles. La règle des 3 %, qui sous-tend l'absence de chiffres pour les années 2024 et 2025, n'a jamais protégé personne contre les attaques, qu'elles soient terroristes ou étatiques. Si vis pacem para bellum : si, comme nous, vous voulez la paix, nous devons préparer la guerre, ce qui impose un important effort budgétaire. C'est l'effort pour les années 2024 et 2025 que nous vous proposons de graver dans la loi avec cet amendement.
Je présenterai cet amendement en l'absence de Mme Rabault.
Le Président de la République a défini les objectifs budgétaires de la défense en utilisant comme indicateur le produit intérieur brut. Afin d'assurer une cohérence entre ce projet de loi de programmation militaire et l'objectif du Président de la République, cet amendement tend à ce que le même indicateur soit utilisé pour les deux.
Mes chers collègues, nous voici arrivés au point névralgique de ce projet de loi de programmation militaire, sa raison d'être : la programmation des crédits, qui est sans doute aussi sa faille, à savoir la crédibilité et la sincérité de la trajectoire budgétaire proposée.
Madame la ministre, cet amendement a été rédigé collectivement pour vous aider à atteindre votre objectif des 2 % des crédits de la nation consacrés à la défense. En effet, il prévoit une hausse de 2,3 milliards d'euros par an. Cette trajectoire sur les prochaines années permet de viser de manière linéaire l'objectif de 50 milliards.
Vous me répondrez que cet amendement ne respecte pas la loi de programmation des finances publiques, mais dans la mesure où votre programmation la reprend stricto sensu, on peut s'interroger quant à l'utilité réelle d'une loi de programmation militaire.
De surcroît, la trajectoire que vous avez décidée, qui est un véritable carcan, se révèle particulièrement inadaptée pour parvenir à l'objectif des 2 %, créant ainsi un mur budgétaire à l'horizon 2022.
Admettons que vous ayez perdu une bataille avec Bercy en 2017, mauvaise année budgétaire pour nos armées. Espérons que nous n'avons pas perdu, pour autant, la guerre !
Vous avez évoqué un effort inédit et exceptionnel. Pour mesurer cette hausse, il faudrait raisonner à périmètre constant. Or, l'intégration des surcoûts liés aux opérations extérieures – OPEX – nuance l'intensité de cette hausse. À périmètre 2025, on part d'un point plus haut que celui affiché en raisonnant au niveau global du budget, ce qui affaisse quelque peu le décollage.
Et la situation se corse car la cible a mal été évaluée, sauf à estimer que la croissance sera quasi atone durant les sept prochaines années, ce qui serait d'ailleurs une très mauvaise nouvelle pour l'économie française.
En réalité, l'objectif de 2 % se situera vraisemblablement au-delà de 50 milliards d'euros. Le mur budgétaire sera d'autant plus haut pour vos successeurs. Espérons que le Mirage français aura prévu suffisamment d'essence pour parvenir à destination. Ou bien, révisez vos ambitions. Cet amendement traduit une trajectoire plus crédible, plus sincère. Choisissons-la ensemble. En la votant, mes chers collègues, vous permettrez une mise en cohérence avec l'ambition affichée.
Cet amendement poursuit deux objectifs : proposer des engagements de dépenses fermes sur l'ensemble des années 2019-2025 et favoriser une augmentation moins brutale des crédits de la mission « Défense » pour les années 2023, 2024 et 2025. Tout cela s'effectuera en respectant l'objectif d'atteindre 2 % du PIB consacré à la défense en 2025.
En proposant une augmentation annuelle sensiblement supérieure aux montants figurant dans la loi de programmation militaire entre 2019 et 2023, elle opère un lissage sur l'ensemble de la période 2019-2025 et évite, en répartissant l'effort plus durablement, la très forte augmentation hasardeuse envisagée pour les années 2023, 2024 et 2025.
Pourquoi, dès lors, ne pas assurer l'ensemble des financements de manière ferme sur la période en évitant de faire peser d'inutiles incertitudes sur le paiement des programmes d'armement ? Cette nouvelle répartition des crédits permet de concrétiser l'engagement dans la durée et d'éviter les hypothèques qui pèseraient notamment sur le programme 146 relatif aux équipements.
Les prévisions de croissance actuelles permettent ce passage de 1,7 milliard à 2,2 milliards puis à 2,4 milliards. Pourquoi ne pas accepter une augmentation supplémentaire de 0,5 milliard d'euros par an, pour les périodes précitées ?
Si les prévisions macroéconomiques s'avéraient plus basses, l'article 6 de la loi de programmation militaire prévoit une révision pour adapter ce schéma aux aléas.
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l'amendement no 134 .
Comme l'a dit Thibault Bazin, nous en arrivons au point central de ce projet de loi de programmation militaire, qui peut affecter sa crédibilité. La répartition des efforts sur ces six années en témoigne puisque ceux-ci ne sont que de 1,7 milliard par an jusqu'à la fin du quinquennat, l'essentiel étant repoussé à après, ce qui est difficilement compréhensible pour nous et nos armées.
Parce que pour vous ce sont des broutilles ! On ne vous rappellera pas vos chiffres !
Vous connaissez les fortes réserves que nous avons exprimées lors du vote du budget pour 2018. Entre les gels budgétaires et l'intégration d'éventuels surcoûts liés aux opérations extérieures, qui peuvent toujours déraper car, comme en témoignent les incidents de ce matin, nous ne sommes pas à la merci d'une intensification des efforts budgétaires, l'augmentation des ressources sera peut-être plutôt de l'ordre de 600 millions que de 1,8 milliard pour cette année 2018 !
Derrière cette hypocrisie se cachent deux vrais risques : ne pas atteindre les 2 % du PIB et se retrouver face à des efforts intenables en 2024 et 2025, ce qui posera de vrais problèmes budgétaires en loi de finances.
La trajectoire ne devrait pas passer de 1,7 à 3 milliards. Elle devrait être lisse, étale. C'est pourquoi cet amendement tend à porter l'effort à 2,3 milliards d'euros par an. Si la loi de finances y fait obstacle, votons une loi de finances rectificative ! Ce serait loin d'être une première !
Cet amendement a pour objet de compléter le tableau de l'alinéa 2 par trois colonnes afférentes aux années 2024 et 2025 et au total des années 2019-2025.
Il vise à mettre en conformité les ressources budgétaires avec la période de la LPM qui s'étend de 2019 à 2025, tout en sachant que le tableau de l'évolution des effectifs à l'article 5 est construit sur la même période. Il serait donc logique de faire de même s'agissant des ressources budgétaires, d'autant que l'alinéa 3 stipule que « les crédits budgétaires pour 2024 et 2025 seront précisés à la suite d'arbitrages complémentaires dans le cadre des actualisations prévues à l'article 6, prenant en compte la situation macroéconomique ». Alors que nous sommes tous convaincus que la défense est une de nos priorités pour assurer la sécurité de nos concitoyens, j'espère que nous sommes également tous d'accord pour reconnaître que les crédits alloués à nos armées ne doivent pas dépendre de la situation macroéconomique.
Si nous ne doutons ni de la détermination du rapporteur ni des ministres à défendre le budget de nos armées, en revanche, comme cela a déjà été souligné avant moi, nous ignorons qui sera ministre des armées en 2021 – j'espère que Mme la ministre sera encore là – et encore plus en 2023, année qui suivra les échéances électorales. C'est pourquoi, madame la ministre, il convient de compléter le tableau de l'alinéa 2 afin d'aller dans le sens de vos propositions.
Que répondre de nouveau à des questions anciennes et inlassablement répétées ? Dans l'expression « loi de programmation militaire », il y a les mots « programmation » et « militaire », ce qui signifie que la programmation militaire ne se réduit pas à la programmation budgétaire. Comme l'a rappelé Mme la ministre en présentant le texte, la loi prévoit deux temps : un temps de réparation et un temps de préparation. Comme son nom l'indique, le premier vise à réparer ce qui n'a pas été réalisé ou ce qui a été insuffisamment réalisé. Ce temps mobilise plus d'énergies et moins de ressources budgétaires que le temps de la préparation.
C'est la raison pour laquelle la trajectoire budgétaire prévoit deux temps. Le premier correspond à celui du quinquennat, le temps de préparation de l'avenir étant, quant à lui, tourné vers l'ambition à l'horizon de 2030, sur laquelle je n'ai entendu aucune critique : elle est de parvenir à un format équilibré de nos armées leur permettant d'exercer de manière soutenable et durable les missions qui leur seront confiées.
Je tiens, madame la ministre, à appeler plus particulièrement votre attention sur l'amendement no 233 : je vous souhaite bon courage, lorsque vous aurez à informer les responsables militaires qu'ils auront 1,7 % ou 1,8 % du PIB pour recettes budgétaires. Ce sera extraordinairement drôle ! Je savais qu'il y avait des monnaies virtuelles. Il y aura peut-être maintenant des budgets « PIBesques », se référant à un pourcentage du PIB. Soyons sérieux. La trajectoire budgétaire va effectivement vers l'horizon des 2 % : nous les quantifierons après l'actualisation. Aujourd'hui, il convient de raisonner non pas en pourcentage du PIB, mais en termes d'augmentations budgétaires sonnantes et trébuchantes de 1,7 milliard d'euros supplémentaires tous les ans.
Avis très défavorable à tous ces amendements.
Permettez-moi de me réjouir que chacun, sur les bancs de cette assemblée, s'efforce d'améliorer encore un texte qui, je crois, se démarque nettement des précédentes lois de programmation militaire. Je m'étonne toutefois que, sur certains bancs, on préconise d'augmenter de plus de 5 milliards d'euros la programmation proposée par le Gouvernement sur les années 2019 à 2022, alors que les lois de programmation militaires adoptées par le groupe Les Républicains étaient marquées du signe moins plutôt que du signe plus.
Permettez-moi également de m'étonner que le président de la commission des finances, d'ordinaire très scrupuleusement attaché au respect du principe de maîtrise des dépenses publiques, ait pu accepter des amendements visant à augmenter de plus de 5 milliards la programmation proposée par le Gouvernement.
Tout cela relève, à mes yeux, d'une forme de posture. Je le regrette parce que nous cherchons tous ici sérieusement à réparer l'état de nos forces armées. La programmation repose sur une séquence temporelle qui vise, dans un premier temps, à concentrer nos efforts sur la réparation et, dans un second temps, à nous consacrer à la préparation de l'avenir.
Nous avons en outre prévu une clause de revoyure en 2021, en vue de préciser les conditions dans lesquelles sera atteint en 2024 et en 2025 l'objectif, souhaité par nous tous comme par le Président de la République, de porter l'effort de défense à 2 % du PIB.
Pour toutes ces raisons, je ne peux pas être favorable à ces amendements. Je vous demande instamment de reconnaître l'ampleur de l'effort prévu en faveur de nos armées pour les années 2019 à 2023 et de convenir que nous avons un rendez-vous avant la fin du quinquennat pour déterminer les étapes qui resteront à franchir.
Il n'est pas non plus sérieux de prévoir, comme le fait un amendement, une marche de 7,2 milliards d'euros entre 2024 et 2025. Soyons raisonnables !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Nous traitons ces sujets quasiment en boucle depuis plus de vingt heures. Il est vrai que, comme Mme Le Pen vient d'arriver, il était peut-être nécessaire de revenir dessus.
Nous le savons tous, revoir le lissage reviendrait à trouver des milliards d'euros supplémentaires : or personne ne dit où les prendre. Quant aux deux dernières années, qui, chacun le reconnaît, constituent des marches importantes, je rappellerai tout d'abord qu'elles portent en grande partie sur des commandes de matériels qui auront été passées au cours des premières années de la LPM : il est donc peu probable que ces commandes ne seront pas honorées à leur échéance, en 2024 et 2025. Ensuite, il apparaît clairement depuis deux jours que nous voulons de manière unanime renforcer les moyens de la défense. C'est pourquoi, sauf s'il devait y avoir en 2024 une majorité totalement nouvelle, à laquelle aucun des députés ici présents n'appartiendrait, …
Pas autant qu'on le croit : de nombreuses têtes étaient déjà connues !
… nous avons la conviction que cette LPM sera finalement honorée et que les crédits seront bien dépensés comme elle le prévoit.
Certains de ces amendements tentent d'accréditer l'idée selon laquelle le texte repousserait l'effort budgétaire principal au-delà des limites électorales de l'actuel quinquennat. Or rien, mes chers collègues, ne permet de vérifier une telle hypothèse.
J'ai fait mes additions : grâce à un effort annuel de 1,7 milliard d'euros, 5,1 milliards supplémentaires auront été affectés à la défense entre 2019 et 2021, auxquels il convient d'ajouter 1,8 milliard du PLF 2018, si bien que nous arriverons en 2021 à 6,9 milliards supplémentaires. Or ces 6,9 milliards représentent 70 % du montant global de l'effort prévu à l'horizon budgétaire de la LPM, à savoir 9,8 milliards d'euros. Cela signifie que les responsables politiques de l'actuel quinquennat réaliseront 70 % de l'effort supplémentaire consacré à la défense dans l'horizon budgétaire fixé.
Comme j'en ai assez de recevoir des leçons, je vous invite à comparer l'actuel projet de loi avec la LPM pour les années 2009 à 2013. Après des crédits à peu près stables en 2009, nous avons assisté en 2011 à une forte baisse de 800 millions d'euros, avant une remontée en 2012 et 2013.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Sur l'amendement no 47 , je suis saisi par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Patrice Verchère.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Mais il y a une marge entre l'effort extraordinaire que vous annoncez et la réalité de celui-ci.
Je tiens à revenir sur l'objectif des 2 %, qui est important : cet objectif est calculé en prenant en compte les pensions, et non pas hors pensions, ce qui n'est pas la même chose. En effet, si je m'appuie sur les hypothèses de taux de croissance annuels du PIB retenues dans la loi de programmation des finances publiques – 1,7 % jusqu'en 2021, puis 1,8 % de 2022 à 2025 – et si je prends également en compte le fait que les charges de pensions représentent un surcoût moyen sur les onze dernières années de 21,7 % par rapport au budget de la mission « Défense », celui-ci atteindra, si j'intègre les pensions à mon calcul, 2 % du PIB en 2022 – quel miracle ! – , alors que, si je ne les intègre pas, il n'atteindra pas ces mêmes 2 % en 2025.
L'objectif des 2 % du PIB n'est donc pas le même, avec pensions ou hors pensions. Il est évidemment beaucoup plus ambitieux hors pensions qu'avec pensions. Or, comme par miracle, c'est en 2022, à la veille de l'élection présidentielle, qu'on nous annoncera que les 2 % ont été atteints bien avant l'heure !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Je croyais que la ficelle consistant à renvoyer l'effort au-delà du quinquennat était seulement un peu trop grosse. Je me trompais : elle est bel et bien assumée. Le général de Villiers que, certes, vous n'appréciez pas beaucoup, mais qui est très compétent et crédible, avait dit que si, en 2018, nous n'atteignions pas au moins 34,8 milliards, c'est qu'aucun effort concret n'aurait été consenti. Or nous en sommes à 34,2 milliards. Une bonne partie de l'effort est donc largement en trompe-l'oeil.
Je vous annonce dès aujourd'hui que le coût des opérations extérieures, que vous avez intégré au budget des armées, dérivera. Il sera bien supérieur à vos prévisions, rognant d'autant l'augmentation prévue. De plus, les slogans « réparer » et « préparer » ne résoudront pas les problèmes existants en matière d'équipements de nos armées.
Nous souhaitons lisser l'augmentation des crédits et la porter de 1,7 à 2,3 milliards d'euros par an. Vous pensez bien que ces 600 millions d'euros supplémentaires seront très utiles, dès aujourd'hui, pour remettre à niveau l'équipement de nos armées.
Peut-on vous rappeler ce que prévoyait la loi de programmation militaire 2003-2008 ?
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
L'évolution budgétaire devrait être inverse : il faudrait réaliser l'essentiel de l'effort en début de période et ensuite, peut-être, décélérer un peu l'augmentation des crédits.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Mes chers collègues, j'ai bien noté que MM. Bazin, Gouffier-Cha et Pueyo souhaitaient s'exprimer.
Monsieur le président, à combien d'orateurs par groupe avez-vous l'intention de donner la parole ?
Monsieur le rapporteur, laissez-moi présider ! Nous sommes au coeur du sujet.
Nous allons donc écouter les orateurs qui se sont inscrits sur ces amendements,
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM
à moins que nous nous arrêtions après M. Bazin, à qui je vais donner la parole.
Un seul orateur par groupe ! Respectez le règlement, monsieur le président !
Je vous remercie de me donner la parole, monsieur le président : lorsque l'on porte des amendements, c'est quand même la moindre des choses que de pouvoir répondre au rapporteur ! Pour ma part, je respecte le président.
Monsieur le rapporteur, vous avez affirmé qu'on ne pouvait pas investir davantage parce qu'il fallait effectuer des réparations. Justement, des réparations sont nécessaires…
… sur les infrastructures de soutien – je pense aux centres de restauration et aux logements. Nous avons 3 à 4 milliards d'euros de retard : rien ne nous empêche de les engager au cours des trois prochaines années.
Vous n'avez pas répondu à nos questions sur la façon de traduire concrètement l'objectif de porter l'effort national de défense à 2 % du PIB en 2025. Vous n'arrêtez pas, dans vos éléments de langage, d'évoquer ces 2 % comme l'horizon et vous les traduisez par un effort budgétaire annuel de 50 milliards d'euros. Or il y a une tromperie sur cette évaluation à l'horizon 2025.
Vous évoquez une augmentation budgétaire de 1,7 milliard d'euros tous les ans. Cependant, l'État finance déjà les OPEX. Certes, la dépense ne porte pas sur le budget de la défense, même si ce dernier y participe dans le cadre du financement interministériel. On ne peut donc pas évaluer l'augmentation des crédits à 1,7 milliard d'euros : elle s'élève plutôt à 1,5 milliard. En outre, le report de charges sera davantage intégré dans les dépenses.
Madame la ministre, vous dites qu'avec nous, cela a toujours été moins.
Sourires.
Nous imaginions une baisse importante, mais elle était finalement minime.
Parce que vous aviez mal pris en compte l'évolution des charges de personnel !
Quant à vous, lorsque vous prévoyiez des hausses importantes, elles n'ont jamais été réalisées.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Sur cette question, il est important d'être sincère. Nous avons vu ce que vous avez fait en 2017 : une enveloppe de 850 millions d'euros de dépenses a été annulée. Avec vous, le régalien a trinqué.
Et la loi de programmation militaire 2003-2008 ? Vous avez la mémoire courte !
Aujourd'hui, vous voulez que l'on reconnaisse l'ampleur de votre effort inédit.
Nous n'allons pas le reconnaître, parce qu'il n'est pas si important. La grande muette n'est pas aveugle.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Décidément, cher collègue Bazin, nous n'avons pas assisté aux mêmes auditions à la commission de la défense.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
En effet, nous avons entendu peu de critiques sur cette LPM de la part de nos responsables militaires.
Vu ce qui est arrivé au Général de Villiers, tout le monde est prudent !
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je voulais juste rebondir sur un mot que vous avez utilisé tout à l'heure : l'année 2017 serait « un échec ». Vous avez dû vous arrêter au mois de juillet.
Vous n'êtes pas allé jusqu'au mois de décembre. L'année 2017 a été exécutée conformément aux prévisions initiales, comme cela a été démontré dans le rapport d'information rédigé par nos collègues François André et Joaquim Pueyo.
Aucun député de l'opposition n'a participé à la rédaction de ce rapport ! Les deux rapporteurs étaient socialistes !
Que voulez-vous dire, monsieur Verchère ? Que les rapporteurs ne sont pas compétents ?
Il convient de permettre une exécution de la loi de programmation militaire actuelle dans son ensemble et d'assurer un tuilage parfait avec la prochaine loi de programmation militaire, celle que nous examinons actuellement.
Le rapport d'information a été rédigé par deux députés appartenant à l'ancienne majorité ! C'est scandaleux !
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Vous minimisez en permanence l'effort consenti dans ce projet de loi de programmation militaire. Ce n'est pas un simple effort, c'est un effort important qui s'inscrit dans un cadre budgétaire général d'assainissement de nos finances publiques. Comment pouvez-vous expliquer qu'une augmentation annuelle de 1,7 milliard d'euros de 2019 à 2023 est un effort minimaliste ? Nous ne pouvons pas l'entendre.
Enfin, cette LPM est sincère et crédible, notamment parce que l'actualisation de 2021 est prévue à l'avance, ce qui n'était pas le cas dans la précédente loi de programmation militaire. Cela permettra aux parlementaires que nous sommes d'effectuer, durant les prochaines années, notre travail de contrôle et de préparation de cette actualisation.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Monsieur le rapporteur, lorsqu'un groupe parlementaire dépose un amendement, je pense que celui-ci se veut positif. Nous soutenons bien sûr l'effort réalisé, mais nous préférerions que cet effort soit mieux réparti sur la durée. Mme la ministre nous a indiqué que les hausses de 1,7 milliard d'euros représenteraient une augmentation de 5 % entre 2019 et 2022 et que les hausses de 3 milliards d'euros correspondraient à une augmentation de 7 % entre 2023 et 2025. Cette différence de deux points de pourcentage paraît faible ; pourtant, l'effort réalisé sur une année entre 2023 à 2025 sera quasiment le double de celui réalisé chaque année entre 2019 et 2022.
Par ailleurs, certains collègues du groupe majoritaire nous ont fait savoir que ces augmentations devraient être soutenables. J'en conviens : nos amendements visent justement à améliorer la répartition et donc la soutenabilité de l'effort.
Pour toutes ces raisons, il me semble que les amendements déposés par le groupe Nouvelle Gauche offrent des garanties supplémentaires qui permettront de mieux appréhender ce lissage.
J'ai été très longtemps à la tête d'une collectivité et je n'ai jamais engagé de crédits au-delà du mandat que je pouvais assumer.
Certains investissements nécessitent pourtant d'aller un peu plus loin que le terme de son mandat !
Nous devons donc rester raisonnables. Je pense sincèrement que le passage de 1,7 à 3 milliards d'euros représente un fossé relativement important.
Nous avons eu un débat digne et serein, pendant lequel chacun a pu s'exprimer. Il serait souhaitable que nous puissions continuer ainsi.
Je vous rappelle que nos militaires nous regardent. Dans une journée comme celle-ci, nous leur devons un débat digne où chacun puisse s'exprimer. Nous avons déjà eu vingt heures de débats sur cette question budgétaire.
Nous pouvons ne pas être d'accord, mais chacun a le droit de s'exprimer et doit le faire dans le plus grand respect des uns et des autres. J'entends bien que les temps de parole soient à peu près respectés, notamment eu égard au règlement, monsieur le président.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.
Hier, cela ne vous dérangeait pas de passer du temps sur chaque amendement !
Hier était un autre jour, monsieur Boucard ! Nous regardons vers l'avenir !
La parole est à M. Olivier Gaillard, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Je tiens à rappeler que l'amendement no 233 de Mme Rabault a été examiné par la commission des finances. Si les autres amendements de cette série l'avaient été également, ils auraient été repoussés, tout simplement parce que cette LPM est en adéquation avec la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022. En cohérence, il est donc tout à fait logique de rejeter ces amendements.
Avant le déjeuner, on a dit que nous avions passé onze heures pour examiner deux articles. Maintenant, cela fait trois quarts d'heure que nous discutons de cinq amendements.
Allez-y, continuez comme ça… Mon prochain rendez-vous est prévu dimanche midi, je ne suis donc pas pressé.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Mon prochain rendez-vous est prévu dimanche soir ! J'ai tout mon temps !
Respectons les arguments des uns et des autres, essayons d'en trouver d'autres, mais surtout, pas d'invectives, s'il vous plaît !
Vous avez remis en cause le rapport d'information sur l'exécution de la loi de programmation militaire 2014-2019, sous prétexte que les deux rapporteurs étaient d'anciens ou d'actuels socialistes.
L'un de vous a dit qu'aucun membre de son groupe ne participait à cette mission d'information – M. Verchère se reconnaîtra. Je tiens à dire, comme président de la commission de la défense, que tous les groupes sont représentés dans toutes les missions d'information
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM
et que les rapporteurs sont, à tour de rôle, des députés de la majorité et des députés de l'opposition. S'agissant de cette mission d'information, le représentant du groupe Les Républicains était M. Thibault Bazin.
Alors ne dites pas que vous n'avez pas été associés ! Les conclusions de ce rapport d'information ont été adoptées à l'unanimité par les membres de la commission. Alors, un peu de respect pour le travail de la commission !
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 74 |
Nombre de suffrages exprimés | 73 |
Majorité absolue | 37 |
Pour l'adoption | 14 |
contre | 59 |
L'amendement no 162 n'est pas adopté.
L'amendement no 134 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 73 |
Nombre de suffrages exprimés | 72 |
Majorité absolue | 37 |
Pour l'adoption | 13 |
contre | 59 |
L'amendement no 47 n'est pas adopté.
Il s'agit d'un amendement de cohérence avec un amendement rejeté. L'avis de la commission est donc défavorable.
L'amendement no 234 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour soutenir l'amendement no 202 .
Cet amendement a pour objectif de servir à la fois nos armées et la nation.
Je reviens sur la question des 2 % de PIB consacrés à l'effort national de défense, puisqu'ils sont inscrits à l'article 3. Plutôt que de réécrire cet article en faisant à nouveau référence aux 2 %, le présent amendement prévoit que les crédits budgétaires pour 2024 et 2025 seront réévalués non pas en fonction de ce carcan inutile, mais en fonction de plusieurs critères objectifs d'observation de la marche du monde. La géopolitique, la géostratégie et la situation militaire mondiale seront de bien meilleures boussoles que ces 2 % imposés par Trump et par l'OTAN !
La réévaluation du niveau de crédits nécessaires à l'aune de critères objectifs de la situation mondiale permettra peut-être – qui sait ? – de diminuer le montant de ces crédits si la paix s'est imposée – il faut toujours considérer que la diplomatie sera plus puissante – ou d'aller au-delà des 2 % si les horreurs de la guerre se sont étendues.
Je souhaite donc que nous adoptions cet amendement qui permettra d'aller plus loin dans la réflexion sur le suivi de la loi de programmation militaire.
Défavorable. De toute manière, à l'horizon dont vous parlez, monsieur Lecoq, il est prévu d'effectuer cette actualisation, qui prendra en compte tous les éléments qui pourraient modifier le niveau des crédits consacrés à la défense. Nous avons bien entendu cité la situation macroéconomique, puisque nous parlons d'une trajectoire budgétaire, mais il faudra sûrement tenir compte d'autres facteurs qu'il n'est pas utile de préciser.
L'amendement no 202 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 48 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 3 est adopté.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 4.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.
Le financement des opérations extérieures fait couler de l'encre depuis quelques années. La bataille entre le ministère des armées et Bercy rend la gestion du budget parfois digne d'un dilemme kafkaïen. Comme l'explique le tout récent rapport d'information de François André et Joaquim Pueyo, la sous-budgétisation chronique du budget des OPEX révèle l'existence de deux visions antagonistes traditionnelles : la première consiste à faire supporter par les forces armées le coût des opérations extérieures, au nom des principes de sincérité budgétaire et de responsabilisation, tandis que la seconde prône une exonération partielle de ces mêmes dépenses au motif que le financement des aléas, d'une part, et des choix stratégiques pouvant revêtir une importance vitale et relevant du Président de la République, d'autre part, doit être interministériel afin d'éviter que des impasses budgétaires ou des tentations de compromis financiers ne mettent en péril la sécurité de la nation ou de ses soldats.
Quoi qu'il en soit, qu'il s'agisse de l'une ou de l'autre de ces stratégies, ce qui s'est passé en 2017 ne doit plus se reproduire. Il n'est plus possible de sacrifier, en raison d'une mauvaise appréciation de déploiement ou de retrait de nos forces ou encore d'une querelle entre Brienne et Bercy, des programmes militaires, notamment ceux relatifs aux équipements, dans le but de payer l'addition des OPEX.
Voter un budget OPEX insincère, comme l'a déjà qualifié le Sénat, c'est ignorer la réalité des missions. Rogner sur ces programmes d'équipements, c'est ignorer l'usure prématurée des matériels liée à la suractivité militaire et c'est mettre en danger nos militaires. Nos militaires engagent leur vie tous les jours et nous ne pouvons, sur fond de bataille ministérielle, continuer à sous-budgétiser notre armée au risque de la mettre en danger et, par la même occasion, de mettre en danger le peuple français.
Pour être efficace, notre appareil de défense, dans son ensemble, doit être crédible. La sincérité budgétaire des opérations extérieures doit être un des éléments constitutifs de cette crédibilité. Nous le devons à nos armées, aux familles de nos militaires, aux Françaises et aux Français, ainsi qu'à nos partenaires.
Il n'est plus possible de continuer à fonctionner dans un système souvent opaque qui, au nom de l'interministérialité, fait peser chaque année des inquiétudes sur le bon financement de nos opérations extérieures et les rend otages de négociations permanentes, tout au long de l'année et ce jusqu'au dernier jour. Cette philosophie pouvait peut-être se défendre en temps de paix, de stabilité, l'engagement de nos armées étant réduit. Mais cela n'est plus le cas aujourd'hui : depuis 2013 et encore plus depuis les attentats de 2015, le coût de nos OPEX est en hausse de manière régulière.
Enfin, celles-ci coûtent beaucoup plus que la provision budgétaire prévue à cet effet. Pour cette raison, il est important d'adapter cette provision à la réalité budgétaire de nos opérations extérieures. C'est une question de responsabilité, de sincérité et de crédibilité. Dans le cas où cette enveloppe serait dépassée – au regard de la réalité du monde dans lequel nous vivons, cela est tout à fait imaginable – , les surcoûts feraient l'objet d'un financement interministériel comme le prévoit l'article 4 : c'est une bonne chose.
Concernant les OPEX, nous considérons que, philosophiquement, la paix est un objectif. Dès lors, inscrire dans le dur un financement pour des OPEX nous pose problème parce que cela acte un certain nombre de choses. L'enlisement de la situation au Mali nous laisse entendre que nous serons encore présents en 2025, certes. Mais en Irak, en Syrie, nous sommes en train de retirer nos troupes, ce qui occasionnera une diminution du budget de ces OPEX. Dès lors, pourquoi planifier jusqu'en 2025 un niveau de crédits équivalent à celui dont nous avons besoin aujourd'hui, en nous expliquant que le dépassement fera l'objet d'un financement interministériel ? D'autres guerres sont-elles d'ores et déjà prévues ? Je ne le pense pas et je ne l'espère pas mais, dans ce cas, pourquoi ne pas conserver le principe du financement interministériel ?
Nous savons bien que, de toute façon, les opérations extérieures sont toujours financées : il n'y a pas de crainte à avoir à cet égard. Mais procéder comme vous le faites revient à assumer le fait que la France est et sera en guerre, ce qui est plus problématique car il faut bien se rappeler que notre objectif doit être de faire la paix.
La parole est à Mme Laetitia Saint-Paul, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères.
La commission des affaires étrangères est traditionnellement chargée de quatre missions, que l'on appelle les « 4 D » : développement, diplomatie, droits humains et défense. Je tiens à mettre l'accent sur l'alinéa 4 de l'article 4, selon lequel « Les opérations extérieures et les missions intérieures en cours font, chaque année, au plus tard le 30 juin, l'objet d'une information au Parlement. À ce titre, le Gouvernement communique aux commissions permanentes compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat un bilan opérationnel et financier relatif à ces opérations extérieures et missions intérieures. »
Nous avons évoqué notre compétence sur le sujet lors de nos débats en commission des affaires étrangères et je me réjouis que la présidente Marielle de Sarnez ait proposé que nous profitions de cette compétence. Nous devons être consultés, donner un avis et être en mesure d'apporter des propositions.
La commission des affaires étrangères s'est montrée favorable à cet article.
Madame la ministre, votre prédécesseur et actuel collègue, Jean-Yves Le Drian, qui était ministre de la défense de François Hollande, a expliqué pendant des années, ici même, que la ligne « financement des OPEX » du budget de la défense devait être la plus basse possible pour faire payer par l'interministériel la plus grosse partie des sommes à décaisser. Les militaires étaient souvent eux-mêmes tout aussi conscients de l'importance de cette façon de procéder. Nous continuons d'ailleurs à partager avec eux l'idée qu'il est, sur le principe, totalement surréaliste de demander à nos armées d'intervenir et, en plus, d'amputer une partie de leur budget, bien souvent au détriment de leur équipement, pour financer ces mêmes engagements.
Pour mémoire, Emmanuel Macron s'était formellement engagé, lors de la campagne présidentielle, à ne plus faire payer par les armées le coût des OPEX, reprenant ainsi nos arguments. La LPM que vous présentez prévoit tout simplement le contraire !
Nous en venons aux amendements à l'article 4.
La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir l'amendement no 32 .
Dans la logique de mon intervention liminaire, le présent amendement vise à porter à 650 millions d'euros par an le financement des OPEX, répondant ainsi à la demande de sincérisation de la Cour des comptes sans pour autant avaliser des interventions futures. Cela conforterait l'idée que la France n'a pas vocation à multiplier les opérations extérieures, ces dernières ayant vocation à rester exceptionnelles, en s'inscrivant dans le cadre de l'ONU.
Pour rassurer tout le monde sur le financement du reste à payer des OPEX, nous précisons que les dépenses imprévues relèveront du programme 552 rattaché à Bercy. C'est ce programme qu'il convient d'abonder pour assurer la sincérisation car, de toute manière, faire la guerre relève de l'imprévu. Un tel dispositif vous servirait, madame la ministre, car il renforcerait le dialogue avec Bercy qui serait chargé de payer les dépassements de budget des OPEX.
J'ai entendu les différentes interventions sur le niveau de provision budgétaire concernant les opérations extérieures. Il y a un mot que l'on n'a pas beaucoup entendu dans ce débat, alors que Mme la ministre l'avait mis en exergue dans son propos introductif : la sincérisation.
Je me souviens d'avoir siégé avec vous, monsieur Verchère, à la commission de la défense : à chaque fois, les questions venant de vos rangs portaient sur le manque de sincérité du budget parce que l'on provisionnait, à l'époque, 430 millions d'euros pour des dépenses qui dépassaient le milliard. Quand le prédécesseur de la ministre actuelle, Jean-Yves Le Drian, répondait que cela serait réglé en interministériel, vous étiez les premiers à demander : « Êtes-vous sûrs que l'interministériel marchera ? » Voilà ce que vous disiez, monsieur ! Et cela était dit sur de nombreux bancs, à gauche comme à droite !
Aujourd'hui, dans cette loi de programmation militaire, le Gouvernement vous propose de faire le choix de la sincérisation.
Nous sommes passés, dans le budget 2018, de 450 à 650 millions ; l'an prochain, cela montera à 850 millions, et à 1,1 milliard à partir de 2020. Ça c'est de la sincérisation !
Mais cette provision est assortie de deux conditions, monsieur Lachaud : si, parce que la paix s'installe partout et que nos troupes n'ont plus besoin d'intervenir, les dépenses atteignent non pas 1,1 milliard mais seulement 500 millions ou 300 millions, voire rien du tout, alors la loi de programmation militaire spécifie que les crédits non dépensés resteront dans le budget du ministère. En revanche, si nous sommes obligés d'intervenir plus que nous le faisons aujourd'hui et si nous dépassons 1,1 milliard, cela fera l'objet d'un financement interministériel.
D'un côté, il y a sincérisation et, de l'autre, soit l'argent reste dans le budget du ministère, soit le financement est interministériel. Analysez cela de près et vous verrez que vous avez toutes les réponses aux questions que vous posez. Les tableaux présentés dans l'amendement de M. Lachaud ou dans d'autres ne sont pas conformes à la réalité ou, du moins, à l'esprit de cette loi de programmation militaire. Avis défavorable.
À cette heure de l'après-midi, il faut être sérieux et rappeler que nous parlons d'une provision. Les mots ont un sens : une provision permet de se préparer à faire face à une dépense dont on ne sait pas exactement, à l'heure où l'on parle, à quel niveau elle se situera.
Cette provision, M. le rapporteur l'a rappelé – je n'étais pas moi-même en responsabilité à l'époque – , a fait l'objet de très nombreux débats sur les différents bancs de cette assemblée. J'ai lu dans les rapports de la Cour des comptes que les crédits inscrits dans cette provision ont été, pendant de longues années, très en deçà du niveau effectif des dépenses. Il en est résulté, à juste titre, une critique assez unanime selon laquelle les lois de finances initiales n'étaient pas sincères. Cette critique, le Gouvernement l'a entendue. C'est la raison pour laquelle il a prévu une montée en puissance progressive du niveau de cette provision.
Cela ne signifie pas pour autant qu'il renonce au principe du financement interministériel. Il y renonce d'autant moins que nous prévoyons, dans le texte même de cette loi de programmation, les règles qui s'appliqueront si cette provision se révélait insuffisante : il serait alors fait appel au financement interministériel. Nous prévoyons aussi les règles au cas où cette provision serait excessivement élevée par rapport au niveau réel des dépenses : le bénéfice en serait alors conservé par le ministère des armées.
Enfin, cette provision, portée de 450 millions à 650 millions d'euros dans la loi de finances initiale de 2018, et qui atteindra 1,1 milliard d'euros en 2020, représente 6 % de la croissance totale des moyens du budget du ministère des armées dont nous discutons aujourd'hui dans cette loi de programmation. Je ne peux bien sûr pas dire que cela n'a pas d'impact sur la croissance des moyens, mais vous avouerez que cet impact est minime.
Cette loi de programmation permet donc de redonner à la mission « Défense » les moyens de son action et de son ambition, tout en améliorant la sincérité.
Et ce texte ne se place pas simplement sur le terrain de la provision des OPEX : j'ai eu l'occasion de rappeler que nous n'inscrivons que des crédits budgétaires dans les ressources que nous programmons, sans recourir à des recettes exceptionnelles hypothétiques, lesquelles avaient également nourri un procès en insincérité.
Je suis fière de pouvoir présenter à la représentation nationale un texte sincère, qui définit les règles de conduite en matière de provision pour les OPEX et qui permet de répondre aux besoins de nos forces.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Cette mesure s'opposerait au principe de sincérité budgétaire que nous soutenons et qui vise à intégrer un maximum de surcoûts OPEX au sein de la LPM.
Plafonner le surcoût des OPEX confronte à la réalité de celles-ci. Les surcoûts réels sont déjà supérieurs, comme cela a été dit, au montant de 1,1 milliard d'euros prévu et ne semblent pas devoir baisser dans un proche avenir. Abaisser les surcoûts provisionnés ne réduira pas les OPEX, mais augmentera seulement l'insincérité et le financement interministériel.
A contrario, si le financement interministériel et la mise en valeur de l'imprévisibilité sont votre objectif, comme votre exposé sommaire le laisse entendre, pourquoi ne pas proposer directement la suppression de la provision pour surcoûts OPEX pour tout imputer à l'interministériel ?
L'écart entre la provision OPEX et les dépenses constatées annuellement est devenu, au fil du temps, un problème structurel, et c'est ce caractère structurel qui a d'ailleurs conduit à plusieurs reprises la Cour des comptes à considérer qu'il s'agissait d'un manquement au principe de sincérité budgétaire et qu'il convenait d'y remédier.
Jean-Pierre Raffarin lui-même – vous voyez que j'ai des références très éclectiques et sérieuses – , dans un rapport sénatorial de mai 2017, considérait qu'il est devenu légitime que les dotations OPEX soient fixées « à due proportion des besoins raisonnablement estimables », ajoutant que « cela implique de réviser à la hausse, à due concurrence, la trajectoire financière de la programmation militaire ». C'est très exactement ce qui est proposé, ni plus ni moins, dans ce texte.
Du reste, mes chers collègues, vous ne procédiez pas autrement lorsque vous étiez aux responsabilités. En effet, le taux de couverture de la provision OPEX, que nous avons d'ailleurs analysé dans le rapport que Joaquim Pueyo et moi-même avons commis, comme M. Bazin s'en souvient très bien, car il était présent à ces réunions, …
Je parle du rapport récent. Le taux de couverture de la provision OPEX est passé, de 2003 à 2012, de 4 % à 72 %. Si donc je comprends bien, ce qui était vertueux hier ne le serait plus aujourd'hui.
Plus sérieusement, le coût des OPEX a fortement augmenté ces dernières années, compte tenu de l'éloignement et de la profondeur des théâtres. Comme on nous l'a dit lors des auditions récentes, le milliard d'euros annuel est devenu tendanciel et il convient donc de mieux le couvrir budgétairement.
Madame la ministre, je me contenterai de tempérer d'une phrase l'enthousiasme – qui fait chaud au coeur – avec lequel vous repoussez cet amendement. De deux choses l'une, en effet : vous ne pouvez pas avoir une parfaite sincérité et une parfaite prise en compte des surcoûts. Soit, comme l'a très bien expliqué notre collègue, la sincérité n'est pas parfaite, parce qu'on minimise les surcoûts, soit on les fera porter sur le budget de la défense, auquel cas l'augmentation de l'effort de 1,7 milliard d'euros, dont vous vous prévalez, ne sera pas au rendez-vous.
De deux choses l'une, donc : soit on fait prendre en charge autrement le surcoût, parce que vous l'avez minimisé, soit vous ne serez pas au rendez-vous de l'augmentation des moyens. C'est très simple et, surtout, mathématique.
Je ne sais pas si chacun a lu précisément notre amendement, qui est très sourcilleux pour ce qui concerne la sincérisation. Nous proposons d'établir à 650 millions d'euros la provision OPEX dans le cadre de la LPM et du budget des armées, parce que – personne ne le nie – la France mène des opérations extérieures et, même si nous n'étions pas engagés dans ces opérations-là, nous pourrions très bien devoir participer à une opération extérieure au titre des résolutions de l'ONU. Cela ne nous pose pas de problème.
Pour nous, le surcoût OPEX doit être intégré au budget, mais pas imputé au budget de la défense : il devrait être inscrit au programme 552, précisément consacré aux « dépenses accidentelles et imprévisibles » de la mission « Crédits non répartis ». Il s'agirait alors d'un financement interministériel budgétisé et sincère, mais qui ne porterait pas sur le budget de la défense et ne remettrait donc pas en question le principe philosophique selon lequel toute la nation contribue à la guerre. En effet, ce budget ne dépend pas uniquement des armées, car ce ne sont pas les armées qui décident de faire la guerre.
Cet amendement est donc sincère budgétairement. Il ne pose pas la question de savoir si le surcoût a une incidence sur l'augmentation budgétaire de 1,7 milliards d'euros, mais se limite au principe selon lequel ce ne sont pas les armées qui décident de faire la guerre.
L'amendement no 32 n'est pas adopté.
Il s'agit d'un amendement d'harmonisation et de coordination. On vient de nous appeler à la sincérisation et c'est la raison pour laquelle vous réintégrez le montant des OPEX dans le budget des armées – contrairement, du reste, à l'engagement pris par Emmanuel Macron durant sa campagne électorale, comme l'a rappelé mon collègue Verchère – , mais vous n'allez pas au bout de cette démarche sur l'ensemble de la loi de programmation militaire.
Cet amendement déposé par le groupe Les Républicains vous invite donc à étendre cet effort de sensibilisation – auquel tous ne souscrivent pas nécessairement, mais du moins suivons-nous votre logique – pour les années 2024 et 2025, afin de disposer d'une véritable vision du budget des OPEX et d'éviter que le budget de la défense fasse l'objet d'ajustements malheureux, comme cela a malheureusement été déjà trop souvent le cas et comme nous pouvons le craindre. Ce point a fait l'objet de nombreuses discussions au cours des dernières heures et cet amendement est donc de coordination, compte tenu des échanges que nous avons eus cette nuit.
Comme c'était le cas pour l'article 3, cet amendement tend à améliorer la cohérence de ce texte en inscrivant dans la loi la trajectoire budgétaire pour les OPEX jusqu'en 2025. Nous défendons exactement la même logique, qui est celle d'une loi de programmation.
En outre, la question de la provision des opérations extérieures et des missions intérieures est pour le moins sensible. Je note une augmentation de cette provision. Dans le cas où aucun nouveau théâtre ne nécessiterait l'intervention des armées françaises, la part du ministère des armées dans le budget des OPEX augmenterait ainsi passablement.
Cette augmentation des provisions OPEX diminue d'autant – c'est une évidence – l'augmentation nette des crédits de la mission « Défense ». Avec la part plus importante pour les OPEX sur l'enveloppe de la mission « Défense », l'effort budgétaire n'est donc que de 1,5 milliard d'euros par an jusqu'en 2023. C'est mathématique.
Sur le plan du symbole, les OPEX et les MISSINT doivent être en partie financées par l'interministériel, car les armées françaises ne sont pas seulement celles du ministère des armées, mais bien celles de la nation, pour reprendre les mots du chef d'état-major des armées. De par leur mission, les armées permettent à tous les autres ministères d'assurer les leurs. Il est donc normal que tous participent à cet effort budgétaire.
Madame la ministre, je sais que, malheureusement, votre parole est parfois moins puissante que les lignes budgétaires de Bercy, mais pouvez-vous vous engager devant la représentation nationale à ce que ce partage du coût des OPEX reste dans ces lignes pour les années à venir, afin que nous ne revivions pas l'épisode douloureux de l'été dernier ?
Avec cet amendement, qui nous tient à coeur, nous souhaitons préciser le dispositif en insérant les mots : « , dont le ministère des armées est exclu. ». Il importe en effet d'exclure ce ministère du financement interministériel du surcoût des OPEX.
Par ailleurs, on ne cesse de nous opposer l'histoire des LPM, en citant surtout l'avant-dernière. Soyons donc complets, et permettez-moi, à cette fin, d'évoquer la préhistoire : selon le Livre blanc de 2008, « les ressources effectivement disponibles sur la période 1997-2002 ont été notablement inférieures à la programmation, tant du fait d'un niveau de crédits en loi de finances initiale en retrait par rapport aux enveloppes initiales prévues qu'en raison de l'exécution budgétaire ».
Comme vous le savez, madame le ministre, jusqu'en 2003, la règle voulait que les surcoûts des OPEX soient gagés par des annulations de crédits d'un montant équivalent en dépenses d'équipement. Soyons donc complets en évoquant l'exercice des responsabilités : je n'y étais pas, car je n'avais pas l'âge, mais d'autres, ici, y étaient.
Je ne peux donner qu'un avis défavorable, cher collègue. Nous avons déjà eu ce débat et pouvons l'avoir continuellement, mais le sens du terme « interministériel » est clair : cela concerne tous les ministères. Si je voulais faire un mot d'humour, je dirais que nous défendons la mission « Défense », où les budgets augmentent tous les ans de 1,7 milliard d'euros supplémentaires. Passer de zéro à 1,7, c'est comme passer de 1,7 à 3 : l'effort est encore plus conséquent. Dans cette mission « Défense » dont les crédits augmentent – ce que personne ne peut nier – , nous faisons, au titre de la sincérisation, l'effort de participer davantage à la provision du financement des OPEX.
D'autres missions du budget de la nation aimeraient sans doute connaître des augmentations budgétaires de 1,7 milliard d'euros. Les questions seraient peut-être alors plus réjouissantes et les débats plus courts. Avis défavorable.
L'amendement no 50 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Olivier Gaillard, rapporteur pour avis, pour soutenir l'amendement no 142 .
Cet amendement vise à préciser que les commissions de la défense et des finances seront destinataires d'un bilan opérationnel et financier des OPEX et des missions intérieures. Il serait bon de le rectifier en ajoutant la commission des affaires étrangères.
Il est un mot que je n'ai pas employé depuis longtemps, mais que j'ai beaucoup utilisé en commission.
« Superfératoire ! » sur de nombreux bancs.
Sourires.
Monsieur le rapporteur pour avis, cet amendement étant superfétatoire, je vous propose de le retirer.
L'amendement no 142 n'est pas adopté.
Cet amendement vise à préciser la nature du bilan des opérations extérieures et des missions intérieures présenté chaque année par le Gouvernement à la représentation nationale, en lui ajoutant une dimension spécifiquement politique. Il s'agit ainsi de rétablir la nature complète – opérationnelle et financière, mais également politique – du bilan des OPEX et des MISSINT, prévu dans la LPM précédente, portant sur la période 2014-2019.
Sur le fond, il s'agit de rappeler la nécessité d'une mise en perspective politique des engagements militaires de la nation.
Monsieur Lainé, je comprends ce que vous voulez dire, mais je ne sais pas si c'est le rôle de la ministre des armées que de faire un bilan politique. Ce serait plutôt à l'ensemble du Gouvernement de le faire. Lorsque nous recevrons Mme la ministre ou les responsables des opérations pour s'exprimer sur le bilan des OPEX, il s'agira d'un bilan factuel, opérationnel et financier. Pour ce qui est du bilan politique, je ne sais pas. J'aurais donc tendance à émettre un avis défavorable à cet amendement.
« Tendance ? » sur plusieurs bancs du groupe LR.
L'amendement no 242 est retiré.
Cet amendement vise à prévoir qu'un débat en séance publique puisse être initié au Parlement, à l'issu duquel les commissions compétentes émettent un avis qui pourra être transmis au Premier ministre sur la poursuite ou l'arrêt des opérations extérieures et missions intérieures en question.
Aucune instance n'est habilitée à dresser le bilan de nos interventions militaires alors que beaucoup d'entre elles ont bouleversé certaines régions. Nul besoin d'épiloguer davantage : à l'heure où un ancien Président de la République se voit sommé de s'expliquer sur un certain nombre de choses qui auraient pu avoir une influence sur la décision d'intervenir militairement en Libye et sans préjuger de l'issue de cette affaire, il me semble bon que les parlementaires que nous sommes puissent disposer d'éléments leur permettant de juger du bien-fondé de ces interventions, des raisons qui les ont motivées et de leurs conséquences.
Cet amendement vise, dans la continuité de beaucoup d'autres, à rendre au Parlement la plénitude de son pouvoir de contrôle parce que c'est ici qu'est la représentation nationale, et pas ailleurs.
« Qui contrôle le passé contrôle l'avenir » selon l'inspirant Huxley. Cet amendement vise à renforcer le suivi parlementaire des opérations extérieures et des missions intérieures conduites par le ministère des armées. C'est quelque chose d'extrêmement important pour nous.
Nous demandons que le Gouvernement nous communique un bilan des OPEX et des missions intérieures et que cette communication soit suivie d'un débat au sein des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat, qui nous semblent les plus aptes à l'assurer.
L'avis sera défavorable sur ces trois amendements, mais pas pour les mêmes raisons.
Monsieur Corbière, si nous donnions satisfaction à votre demande, que je comprends, il faudrait modifier l'article 35 de la Constitution. Cela n'est pas possible dans le cadre de cette loi de programmation militaire mais vos collègues et vous-même pourrez faire des propositions en ce sens à l'occasion de la révision constitutionnelle actuellement en préparation.
Par ailleurs, monsieur Lainé, monsieur Becht, rien n'interdit aux commissions de provoquer ce débat – c'est prévu par l'article 40 de notre règlement – en demandant au Gouvernement des précisions sur les OPEX.
Lors de la dernière audition de Mme la ministre par la commission de la défense, nous avons eu le plaisir d'entendre un compte rendu passionnant sur les OPEX. Il serait particulièrement pertinent de graver dans le marbre de la loi un tel contrôle parlementaire et un tel débat au sein des commissions des affaires étrangères et de la défense. C'est pourquoi nous maintenons l'amendement 244 .
L'amendement no 153 est retiré.
Nous avons quand même là trois groupes qui ont déposé des amendements similaires demandant un tel bilan, madame la ministre. Je vous avais interpellée sur ce point en commission et vous étiez d'ailleurs revenue devant la commission pour permettre ce débat.
Je n'ai pas la même lecture de la Constitution que vous, monsieur le rapporteur : je ne vois pas en quoi notre amendement, qui prévoit la tenue d'un tel débat dans le cadre de la mission de contrôle de l'Assemblée, modifie l'article 35 de la Constitution. Mais c'est un détail.
Pour ma part je voterai également l'amendement défendu par M. Lainé parce que nous avons besoin de ce débat démocratique. Puisque cela ne pose de problème à personne, vous l'avez dit vous-même, nous nous grandirions en adoptant une telle disposition.
Si vous n'êtes pas satisfait de la rédaction de ces amendements, libre à vous d'en proposer une autre. Vous savez que nous aurons ce débat puisque nous allons le demander en commission et qu'en tant que président de la commission vous l'accepterez. Assumons-le et permettons qu'il ait lieu en séance plénière parce que sa portée dépasse les commissions, tant de la défense que des affaires étrangères : il concerne l'ensemble de la représentation nationale.
Quel beau symbole ce serait que d'affirmer unanimement que les opérations extérieures concernent aussi le Parlement.
Je suis content que l'amendement no 244 soit maintenu. Nous le voterons avec plaisir et conviction, contrairement à l'autre, dans la mesure où vous souhaitez renforcer le rôle de contrôle du Parlement et les prérogatives des commissions.
Nous sommes favorables à ce qu'un tel débat ait lieu au sein de cette assemblée, y compris sur les raisons politiques des OPEX, mais pas en séance publique. En effet, certains sujets classés « Secret défense » ne peuvent pas être abordés de manière sereine en séance publique alors que cela pourrait être tout à fait acceptable dans le huis clos des commissions.
Un tel débat en commission des affaires étrangères et en commission de la défense permettrait de dresser un bilan de nos opérations extérieures.
L'article 4 est adopté.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 5.
La parole est à Mme Séverine Gipson.
Cet article a été unanimement salué lors des nombreuses auditions menées par la commission de la défense, et pour cause : il met fin à la baisse des effectifs de nos armées, qui ont perdu près de 60 000 postes entre 2005 et 2015.
Ce projet de loi de programmation militaire prévoit la création de 6 000 postes supplémentaires afin de répondre à l'ambition opérationnelle et aux priorités présidentielles de renforcement des services de renseignement et de la cyberdéfense, soit une trajectoire de 3 000 emplois supplémentaires sur la seule période 2019-2023.
Il apparaît urgent et indispensable de poursuivre la montée en puissance de notre défense dans le domaine du renseignement et de la cyberdéfense. C'est pourquoi la moitié des créations prévues par le projet de loi de programmation militaire pour les années 2019 à 2025 armera ces domaines du renseignement et du numérique, y compris pour assurer le développement des compétences en matière de technologies innovantes.
Par ailleurs, ce projet de loi de programmation militaire n'oublie pas les priorités suivantes : la réduction des vulnérabilités en matière de sécurité, de protection des emprises, de contre-terrorisme maritime, de renseignement militaire et de commandement et de conduite des opérations, le renforcement de la capacité à assumer des missions nouvelles autour du soutien aux exportations.
Nous ne pouvons que soutenir cet article qui met fin à des décennies de baisse des effectifs et qui répond à un modèle de défense moderne à la hauteur des enjeux.
Je compléterai l'intervention de ma collègue en insistant sur le fait que l'augmentation des effectifs prévue par l'article 5 participe notamment à la montée en puissance dans le domaine du renseignement et de la défense. Il est vrai que le ministère des armées a perdu quelques dizaines de milliers de postes entre 2005 et 2015, et cela dans un contexte sécuritaire et géostratégique particulièrement tendu.
Nous devons être clairs à ce sujet : il ne s'agit pas d'une mesure belliqueuse. Il ne s'agit pas de se préparer à une guerre imminente : il s'agit de prévenir et de se perfectionner dans les secteurs clé. Il s'agit aussi de répondre à des besoins d'effectifs réels, par exemple pour améliorer la sécurité et la protection des sites sensibles, pour le commandement et la conduite des opérations, pour soutenir les exportations d'armements, pour renforcer les services de soutien opérationnel.
L'article 5 vise à permettre à nos forces armées de s'adapter et de rester efficaces. Nous leur devons de les soutenir en votant cet article.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Je souscris pleinement aux propos qui viennent d'être tenus : nous ne pouvons que nous réjouir de cette augmentation des effectifs. Celle-ci doit répondre à une nouvelle ambition opérationnelle. Il est également demandé au ministère des armées de continuer à se moderniser, de simplifier ses processus et de redéployer ses effectifs pour être encore plus efficace.
Cet article prévoit également une actualisation de la présente loi en 2021 visant à préciser l'évolution des effectifs pour les années 2024 et 2025. Soyez assurés que nous serons vigilants, tant sur le nombre que sur la priorisation de ces emplois.
Comment ne pas se féliciter d'une augmentation des effectifs ? C'est la base.
Comment aussi ne pas regretter que 4 500 des 6 000 créations de postes prévues le soient pour les années 2023, 2024 et 2025, d'autant que ces créations visent à assurer des missions aussi centrales que le renseignement ou la cyberdéfense ? C'est maintenant que nous avons besoin de ces postes.
On nous expliquait encore tout récemment que d'ici à trois ans les Allemands, qui sont derrière nous en matière de cyberdéfense, nous auront rattrapés et même dépassés. Puisque l'Allemagne est un modèle pour cette majorité, pourquoi ne pas la suivre dans ce domaine aussi ? Pourquoi attendre et ne pas consacrer tout de suite les moyens nécessaires à ces questions centrales ? J'ose espérer que les 400 postes prévus pour l'aide à l'export ne seront pas priorisés.
La commission des affaires étrangères salue cet effort budgétaire en faveur des effectifs.
J'invite ceux qui déplorent une progression trop lente des effectifs à faire preuve de réalisme. Avant de compter un soldat supplémentaire, il faut d'abord le recruter puis le former. Les écoles militaires de Saumur y ont été confrontées puisqu'elles ont dû organiser ce que l'on appelle le « surge ».
Pour reconstruire ce qui a été minutieusement détruit pendant des années, il faut du temps.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Madame la ministre, je profite de la discussion de cet article 5, qui programme l'évolution des effectifs des armées sur la période, pour vous interroger sur une initiative que vous avez prise récemment.
En effet, vous avez annoncé vendredi dernier la création d'une agence pour l'innovation de la défense. Forte de cinquante spécialistes, dotée d'un budget d'une centaine de millions d'euros, elle se consacrerait à l'intégration de l'intelligence artificielle dans nos capacités militaires.
Pourquoi créer une agence chargée de concevoir les capacités militaires de l'avenir, celles qui nous permettront de vaincre sur les champs de bataille de demain, alors que vous disposez déjà de la direction générale de l'armement ? La DGA est le maître d'oeuvre respecté de nos programmes d'armement depuis plus de quarante ans ; elle a su concevoir, piloter et mettre en oeuvre tous les grands programmes depuis sa création, malgré les difficultés budgétaires et les contraintes que l'on connaît.
Constamment force de proposition, elle a su s'adapter aux ruptures techniques et à l'évolution de ses missions. La création récente de « DGA Lab », dont l'objectif est d'être un espace d'expérimentation et de démonstration de briques technologiques innovantes, illustre à quel point elle s'attache à rester dans la course.
Pourquoi donc, madame la ministre, diviser les effectifs et les crédits de l'innovation ? Pourquoi ne pas plutôt étendre les attributions et les moyens du centre de la DGA « Maîtrise de l'information » de Bruz ? Est-il pertinent de diviser nos capacités de recherche ?
Vous savez combien les à-coups sont dommageables en matière de ressources humaines. C'est pourquoi cet amendement vise à lisser l'évolution des effectifs au lieu de prévoir une nette hausse des recrutements à partir de 2023. Il convient en effet d'éviter l'effet « mur RH » de 2023.
Une telle progression est aussi plus réaliste compte tenu des difficultés de recrutement que l'on risque de rencontrer dans les années de fort recrutement, et cela permettrait aussi un lissage de la formation des nouvelles recrues. L'objectif de 6 000 équivalents temps plein correspond à 857 ETP par an sur sept ans alors que nous sommes cette année aux alentours de 550, si je ne me trompe, madame la ministre.
Si on veut atteindre cet objectif, il ne faut pas reporter les trois quarts des recrutements sur les trois dernières années. Il s'agit de prévoir une programmation crédible des recrutements supplémentaires.
Par ailleurs, la concentration des formations en cyberdéfense dans l'Ouest – dans une région chère à notre président de séance ! – peut être aussi un handicap en matière de recrutement. La concurrence avec les entreprises, qui cherchent également à recruter dans ce domaine-là, créera des difficultés. C'est pourquoi l'étalement dans le temps paraît plus opportun.
La loi de programmation des finances publiques comprend un plafond ministériel d'emploi concernant la fonction publique pour l'ensemble des ministères et si nous adoptions un tel amendement, ce plafond serait dépassé. Donc, avis défavorable.
Une simple remarque : je me demande si cette loi de programmation militaire est utile, car si la loi de programmation des finances publiques intègre les recrutements, tout est déjà écrit à l'avance !
L'amendement no 57 n'est pas adopté.
Je veux commencer en saluant le ministère des armées, qui compte parmi les très bons élèves en termes d'emploi des personnes handicapées. Outre que le taux d'emploi de ces dernières y est de 7,3 % contre 5,7 % dans le reste de la fonction publique d'État, son service des ressources humaines comporte une délégation nationale du handicap et, depuis 1999, il dispose d'un réseau de correspondants sur le handicap.
Malgré tout, rappelons que l'emploi des personnes handicapées demeure un problème dans notre pays puisque celles-ci sont deux fois plus touchées par le chômage que le reste de la population. Et les personnes autistes, notamment de haut potentiel, sont encore plus touchées par le chômage. Or, se priver de personnes en situation de handicap et, en l'occurrence, d'autistes de haut potentiel, c'est se priver de compétences que l'on ne retrouve parfois pas chez d'autres individus.
D'autres forces armées l'ont bien compris avant nous puisque depuis 2008 – je pense que vous le savez, madame la ministre – le ministère de la défense israélien, dans le cadre du programme « Voir loin », a recruté des autistes de haut potentiel au sein de son unité d'élite 9 900, en particulier pour analyser les photos aériennes.
Par cet amendement, je vous propose de reconnaître dans la loi la richesse et la plus-value que peut représenter l'intégration de personnes en situation de handicap au sein de nos armées, notamment de personnes autistes à haut potentiel dans nos services de renseignement. Ce serait là non seulement un acte fort, symbolique – mais pas uniquement – de votre part, madame la ministre, et de celle du ministère des armées, mais aussi un signal fort à l'attention des millions de personnes en situation de handicap dans notre pays.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et LR.
Monsieur Taquet, je comprends tout à fait l'importance de cet amendement, mais j'ai un petit problème. Comme je l'ai dit hier soir lors de certaines discussions, je ne voudrais pas que la loi de programmation militaire se transforme en un empilement de contraintes qui corsèteraient et brideraient l'action du ministère et de nos armées. Nos militaires, nos industriels, notre Direction générale de l'armement font déjà ce genre de remarques et nous demandent de faire attention. Nous essayons donc, au contraire, de fluidifier la situation.
Vous avez souligné tout l'intérêt que le ministère et les armées portent à l'emploi de personnes en situation de handicap – dont l'autisme, vous en avez parlé – dans cette politique de recrutement et de formation. Il est toujours possible d'aller plus loin. Les responsables du recrutement dans le renseignement et le cyber pensent à cette piste, mais n'en faisons pas une contrainte législative. Que l'on facilite de tels recrutements, que l'on facilite un certain nombre d'initiatives en discutant avec les responsables, oui, mais ne rendons pas la loi contraignante sur ce plan-là ! Une trop lourde contrainte, en fin de compte, nous éloignerait du but recherché par cet amendement, que je vous invite à retirer. Nous pourrons de surcroît approfondir ce dossier en commission avec les responsables concernés.
Je vous remercie, monsieur le député, d'avoir appelé l'attention sur la situation des personnes handicapées et sur l'action que mène le ministère des armées en faveur de leur intégration et de la pleine utilisation de tous leurs talents.
Je ne dirais pas mieux que le rapporteur, mais je souhaite compléter ses observations en vous rappelant l'alinéa 219 du rapport annexé à l'article 2 – dont nous avons fort longuement débattu : « Par ailleurs, pour le personnel civil, des efforts seront consacrés à la prise en compte de toutes les formes de handicap. » Votre préoccupation est donc satisfaite.
Je vous remercie pour ces explications, sur le fondement desquelles je retire mon amendement, non sans faire une petite remarque au rapporteur, mais qui, plus globalement, concerne nos débats : ne parlons plus de contraintes mais plutôt d'investissement s'agissant des personnes en situation de handicap dans notre pays.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et LR.
L'amendement no 243 est retiré.
La parole est à Mme Marianne Dubois, pour soutenir l'amendement no 373 .
Cet amendement vise à permettre au service industriel de l'aéronautique – SIAé – d'augmenter ses effectifs sans que cela oblige le reste du ministère des armées à réduire les siens pour respecter le plafond des emplois autorisés du ministère des armées.
Les effectifs du service industriel de l'aéronautique étant financés non par le titre II du ministère des armées mais par son compte de commerce, les éventuelles augmentations d'effectifs du SIAé n'auraient aucun impact financier pour le ministère.
Madame la députée, je ne comprends pas : l'exposé sommaire de votre amendement, que vous venez de lire, montre que celui-ci est satisfait. Je comprends votre volonté de bien vérifier que la croissance des effectifs au titre II du ministère des armées n'impacte pas celle qui serait éventuellement prévue dans le SIAé, mais le texte le confirme, comme vos propos et sans doute ceux de Mme la ministre. Je vous propose donc de retirer cet amendement.
L'amendement no 373 est retiré.
L'article 5 est adopté.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement no 58 portant article additionnel après l'article 5.
Depuis 2017, il n'y a plus de programmation pluriannuelle alors qu'auparavant elle se faisait avec une visibilité de trois à cinq ans pour les infrastructures dites de l'« entretien domaine infra ». Il en découle un manque de visibilité alors que cela impacte directement les conditions de vie de nos militaires – peut-être nous rassurerez-vous pour la suite, après le vote de la LPM ?
Nous savons qu'il existe un retard de 3 à 4 milliards d'euros pour l'entretien courant et qu'il y a encore 300 points noirs, comme la mission sur la consommation des crédits de la LPM l'a mis en évidence – 80 centres de restauration sur 350 ne seraient pas aux normes, des logements n'offrent pas des conditions acceptables.
Pour s'assurer que les crédits d'infrastructure – en hausse dans cette LPM, nous ne le nions pas – ne viennent pas seulement accompagner les grands programmes, il convient de chiffrer les investissements annuels pour ces crédits d'entretien.
Afin d'assurer un équilibre entre le soutien et la modernisation, avec un objectif de 5 milliards pour combler le retard et assurer l'entretien courant, il convient d'établir une programmation annuelle des crédits d'entretien pour affecter les ressources par rapport aux besoins.
Cela n'étant pas calé dans la loi de programmation des finances publiques, il me semble intéressant de décliner nos objectifs. Un tel amendement est à hauteur d'homme.
Sourires
Sourires
Il n'y a jamais eu de loi de programmation sur les budgets d'entretien des infrastructures. Cherchez-en, vous n'en trouverez pas ! En revanche, trois engagements chiffrés concernent une dépense globale sur l'ensemble de la durée de la loi de programmation militaire : 1,3 milliard pour l'amélioration des infrastructures de conditions de vie ; 3 milliards pour les infrastructures d'entretien des immeubles, la maintenance, etc. ; 7,9 milliards pour les infrastructures accueillant les grands programmes à effet majeur. Vous le voyez, ce sont des sommes considérables.
Pourquoi ne pas faire une programmation annuelle ? En tant qu'élu local, vous savez très bien qu'entre l'écriture du cahier des charges, la passation des marchés publics, le choix des entreprises, le suivi des chantiers, etc. , les programmations doivent être pluriannuelles. Il n'est pas possible de contraindre budgétairement l'exécution des trois sommes que je viens de citer entre 2019, 2020, 2021, 2023… Il y aura un programme d'exécution en fonction des dépenses.
J'ai dit tout à l'heure que mon amendement no 280 à l'article 6 contiendra des propositions concernant le suivi des programmes relatifs aux infrastructures. Nous disposerons d'un bilan détaillé, semestriel, de la part du ministère à partir duquel il sera possible de suivre la bonne exécution de la remise à niveau ou de l'amélioration de ces infrastructures – ce dont nous avons grandement besoin puisque depuis quinze, vingt ou vingt-cinq ans, elles furent une variable d'ajustement de plus.
Avis défavorable.
Cela n'a jamais été fait dans la loi de programmation puisque c'était le ministère qui envoyait aux bases de défense un certain nombre de tableaux où figuraient des dotations sur trois ou cinq ans. Cela n'a pas été le cas en 2017. Cela se fera-t-il à l'avenir ? Reviendra-t-on à ces tableaux ? Lorsqu'une base de défense sait qu'elle disposera de x millions, elle peut programmer et dire aux hommes que tels logements, tel centre de restauration ne pourront pas être réhabilités cette année ni l'année prochaine, mais qu'ils le seront dans deux ans. Cela peut rassurer. Les hommes peuvent le comprendre sans problème.
Vous parliez des élus locaux, mais vous savez bien que nous avons parfois besoin d'autorisations de programmes et de crédits de paiement pour avoir une visibilité rassurante. En l'occurrence, cela répondrait aux inquiétudes des hommes quant à leurs conditions de vie.
L'amendement no 58 n'est pas adopté.
Cette LPM est responsable et sincère ; elle répare le passé et prépare l'avenir, nous l'avons dit à de multiples reprises. Le phasage de la construction et de l'évolution de cette programmation budgétaire participe de la crédibilité. Cela avait-il déjà été fait ? Non. Cela participe-t-il d'une nouvelle relation de travail entre les différents ministères, notamment entre celui des armées et Bercy ? Oui, nous le pensons. On a tiré les conséquences du passé et de batailles incessantes et contre-productives.
Par ailleurs, pourquoi un phasage étalé, notamment au-delà de cinq ans ? Tout simplement parce que le temps politique ne correspond pas forcément au temps de nos armées et de leurs besoins.
Cela est fait dans un objectif de bonne gestion. Dans ce cadre-là, le Parlement prendra toute sa responsabilité, notamment dans le contrôle de l'exécution de cette loi de programmation militaire et de la préparation des différentes périodes d'actualisation.
Cela est également fait dans un objectif de sincérité, de transparence, à travers le dispositif d'évolution de cette trajectoire, de ses investissements et de ses évolutions en termes d'effectifs.
Cela, enfin, est fait dans un objectif de sécurité, de sécurisation, en posant les jalons des futures progressions de crédits budgétaires.
Madame la ministre, cet article a été plébiscité au sein de la commission des affaires étrangères parce que cette actualisation est nécessaire. Il n'est pas possible de prédire les évolutions géopolitiques des années à venir, qu'il s'agisse de l'intégration européenne en matière de défense, du contexte économique ou de l'évolution des conflits à nos frontières.
La parole est à M. Olivier Gaillard, rapporteur pour avis, pour soutenir l'amendement no 143 .
Cet article dispose que la présente programmation fera l'objet d'actualisations – j'insiste sur le pluriel – « dont l'une sera mise en oeuvre avant la fin de l'année 2021 ». Cela signifie qu'il y aura au moins une actualisation avant la fin de l'année 2021, c'est-à-dire avant la fin du quinquennat, pour veiller à la bonne exécution de cette loi de programmation militaire. C'est un gage de transparence entre le Gouvernement et le Parlement.
Si nous préférons la rédaction actuelle, c'est parce qu'elle n'exclut pas qu'une actualisation ait lieu avant la fin de l'année 2021, si des circonstances exceptionnelles l'exigent. C'est la raison pour laquelle, après en avoir longuement discuté avec vous et en avoir débattu en commission, j'émets un avis défavorable sur votre amendement, mon cher collègue.
Je le maintiens, monsieur le président, au nom de la commission des finances. Je finirai par y arriver !
Sourires.
L'amendement no 143 n'est pas adopté.
La parole est à M. Philippe Dunoyer, pour soutenir l'amendement no 154 .
L'objectif de cet amendement est très simple. M. le rapporteur vient de rappeler que la première actualisation de la LPM aurait lieu avant la fin de l'année 2021. Nous proposons de l'avancer très légèrement et de la fixer à la fin du premier semestre 2021. En fonction des informations qui nous auront été transmises, de l'évolution de la trajectoire et des modifications qu'il semblera utile d'y apporter, nous aurons ainsi le temps, à un an des échéances électorales, d'en tirer toutes les conséquences.
Je ne suis pas d'accord avec vous, cher collègue. Six mois d'écart, ce n'est pas rien, surtout lorsqu'on parle d'examiner l'exécution d'une loi de programmation pluriannuelle.
Dire, comme vous le suggérez, que l'activité du Parlement risque de s'arrêter un an avant les échéances électorales de 2022, c'est tout de même problématique : à ce compte-là, le quinquennat ne durera bientôt plus que trois ans et demi, voire trois ans, s'il faut un an pour se mettre en route et un an pour préparer les élections ! Il faut que le Parlement joue son rôle jusqu'au bout. Si nous procédons à l'actualisation à la fin de l'année 2021, nous aurons une idée exacte de l'exécution pour les années 2019 et 2020. En revanche, si cette actualisation a lieu au premier semestre 2021, nous ne disposerons pas de toutes les informations utiles sur l'exécution de l'année 2020. Pour avoir la vision la plus complète des choses, il convient, selon moi, de ne pas modifier cet alinéa.
Je vous suggère donc de retirer votre amendement, avec le sourire que vous affichez en ce moment même.
Avec le sourire, je vais maintenir cet amendement, d'abord parce que je n'en suis que le corédacteur. Je comprends les arguments que vous avancez et je reconnais qu'un semestre, ce n'est pas rien. Mais cet amendement, dont je regrette qu'il n'ait pas fait florès, devait aussi nous permettre de réagir à cette actualisation dans le cadre du projet de loi de finances pour 2022, s'il s'avère par exemple que des moyens budgétaires accrus s'imposent.
Si cette actualisation a lieu le 31 décembre 2021, ce dont on peut douter, puisque nous ne sommes pas certains que les délais seront parfaitement respectés, nous ne pourrons apporter aucune correction budgétaire. Notre proposition aurait apporté une marge de sécurité.
L'amendement no 154 n'est pas adopté.
Nos armées travaillent sur plusieurs types de fronts, physiques et virtuels, et nous voulons les doter des moyens nécessaires à leur succès. Je profite d'ailleurs de cette intervention pour saluer la création de l'Agence de l'innovation de défense, qui se consacrera essentiellement à la question de l'intelligence artificielle.
Mon amendement vise à souligner l'importance cruciale de l'innovation. Nous sommes au coeur d'une compétition internationale, et des pays comme les États-Unis et la Russie consacrent des moyens considérables à la préparation d'un nouveau type de guerre, la guerre virtuelle. Au moment de l'actualisation de la LPM, je souhaiterais que l'on prête une attention particulière au budget de l'innovation et que l'on ne privilégie pas le court terme au détriment du long terme. Il faut éviter de prendre des décisions à la hâte sur ces questions qui représentent un enjeu capital pour l'avenir de notre armée.
Sur le fond, je suis d'accord avec vous, et je le suis tellement que je considère que votre amendement est déjà satisfait – du reste, vous l'avez presque admis. À la fin de la semaine dernière, Mme la ministre a annoncé la création d'un fonds destiné à développer les recherches sur l'intelligence artificielle. Tout à l'heure, nous avons également adopté un amendement qui va dans le même sens. Les armées ont besoin de recherche, de développement et d'innovations pour être toujours plus efficaces.
Mais je réitérerai la remarque que j'ai faite ce matin : la politique de notre pays, en matière d'innovation de rupture et de recherche technologique innovante, ne doit pas reposer sur le seul ministère des armées : il importe que d'autres ministères s'y engagent. Il faut pour cela une vraie volonté politique, non pas pour courir derrière les États-Unis ou la Chine, mais pour rester dans la compétition. Et cela doit se faire avec nos partenaires européens. Je vous invite donc à retirer votre amendement. À défaut, je lui donnerai un avis défavorable.
Monsieur le député, ce qui se joue dans le domaine de l'innovation est fondamental, à la fois pour notre pays et pour la supériorité technologique et opérationnelle de nos forces. C'est le sens de l'action que j'ai décidé de conduire au sein du ministère des armées.
Pour répondre à votre préoccupation, qui me paraît parfaitement légitime, je vous dirai d'abord que nous aurons, quoi qu'il arrive, un rendez-vous annuel. Avant l'actualisation de 2021, nous aurons en effet rendez-vous tous les ans, au moment de l'examen du projet de loi de finances, et je ne doute pas que de nombreux parlementaires auront à coeur de veiller à ce que le ministère fournisse les efforts nécessaires en matière de recherche, de développement et d'innovation.
Compte tenu du fait que chacun semble avoir pris conscience qu'il s'agit là d'un enjeu capital, je retire mon amendement. Mais vous pouvez compter sur moi pour vous rappeler, chaque année, l'importance de l'innovation.
L'amendement no 165 est retiré.
Contrairement au rapporteur, j'aime les rapports ! C'est la raison pour laquelle je propose que le Gouvernement remette au Parlement, avant le 30 juin 2021, un rapport sur les engagements en effectifs des opérations militaires extérieures en 2019 et 2020, afin d'évaluer la concordance entre les effectifs recrutés et les crédits consommés par rapport à ceux prévus dans le rapport annexé.
Il est important de pouvoir disposer de ces informations en vue de la clause de « revoyure » et des arbitrages complémentaires annoncés en 2021 pour une actualisation de la LPM.
Cher collègue, vous connaissez mon avis sur les rapports. J'émettrai donc un avis défavorable sur cet amendement, d'autant plus que vous avez vous-même rappelé que l'actualisation de la loi de programmation militaire aura lieu peu de temps après la date que vous avez fixée pour la remise de ce rapport. Il est inutile de demander au Gouvernement de produire deux rapports, l'un à la fin du mois de juin, et l'autre au cours du dernier trimestre de l'année 2021. Je demande donc que les points que vous soulevez soient intégrés dans l'actualisation de la loi de programmation, qui aura lieu à la fin de 2021. Puisque vous avez l'air convaincu, j'espère que vous allez retirer votre amendement.
Je suis prêt à faire un geste et j'aimerais vous faire confiance. Je vais donc retirer cet amendement.
L'amendement no 59 est retiré.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
L'article 6 est adopté.
Je suis saisi de plusieurs amendements tendant à introduire un article additionnel après l'article 6.
La parole est à Mme Émilie Cariou, pour soutenir l'amendement no 364 .
À travers cet amendement, je souhaite, madame la ministre, aborder la question de l'aménagement du territoire.
La loi de programmation militaire annonce un investissement humain et matériel, mais encore faut-il qu'il soit harmonieusement réparti sur notre territoire. La région Grand Est, et plus particulièrement le département de la Meuse, a été largement touchée par la contraction violente de nos moyens militaires au cours des dernières années. Un rapport sénatorial paru en 2012 a même fait état d'un « traumatisme lorrain ». La LPM est attendue de pied ferme et elle est perçue comme un signal positif dans des territoires où l'armée est implantée de longue date.
J'espère que la position de principe du rapporteur n'est pas trop rigide, puisque cet amendement demande la remise d'un rapport détaillant : les politiques de déploiement territorial des moyens humains et financiers de la défense ; les politiques de concertation préalables que pourraient mener les acteurs civils locaux, publics et privés, afin d'optimiser les redéploiements ; enfin, les politiques d'accompagnement pour les services publics et le secteur privé, en cas de suppression ou de regroupement de régiments.
Si nous demandons ce rapport, c'est parce que nous sommes très préoccupés, dans la région Grand Est, par d'éventuelles réorganisations à venir. Nous tenons à ce que toutes les décisions soient prises de manière transparente et nous voulons en être informés, car nous avons besoin de visibilité.
Ma position, s'agissant de ces demandes de rapports, est très ferme. Je crains en effet, comme je l'ai expliqué ce matin, que le ministère se consacre essentiellement à la rédaction de rapports…
… que nous aurons d'ailleurs du mal à lire dans leur intégralité. Mme la ministre pourra apporter des précisions sur la politique territoriale, mais je tiens à souligner que cette loi de programmation militaire, contrairement à ce que l'on a pu observer par le passé, ne prévoit aucune réduction d'effectifs, pas plus que de fermeture de régiments ou de bases. Votre territoire n'aura donc pas à revivre les chocs qu'il a subis par le passé. Je ne donnerai pas d'avis sur votre amendement, mais je vous inviterai peut-être à le retirer, après avoir entendu les explications de Mme la ministre.
Madame la députée, je prends votre amendement comme un amendement d'appel. Je comprends que certains territoires gardent un souvenir cuisant des déflations d'effectifs très importantes qui ont marqué les dernières décennies. Par conséquent, j'entends votre besoin de transparence et de compréhension des évolutions à venir, et je puis dès à présent vous dire que ces déflations massives sont derrière nous – vous l'avez vous-même noté.
Je m'engage à produire tous les bilans que vous voudrez, afin que vous puissiez avoir une appréciation, du point de vue des territoires, de la mise en oeuvre de la loi de programmation militaire que nous discutons aujourd'hui. Je pense en revanche que votre amendement est contestable sur la forme, puisqu'il ne nous revient pas, dans le cadre de la loi de programmation militaire, de déterminer à qui doivent être adressés les rapports, en particulier lorsqu'il s'agit du Président de la République.
J'ai parfaitement compris le sens de votre démarche : vous souhaitez être informée et éclairée sur les évolutions qui pourraient advenir dans l'organisation territoriale, mais je rappelle une fois encore, devant la représentation nationale, que nous sommes sortis de la période de déflation d'effectifs lourde et que, par conséquent, nous ne devrions pas être confrontés à de nouvelles restructurations massives, comme celles que certains départements ou certaines régions ont pu connaître par le passé.
Des réorganisations, il peut toujours y en avoir, et je comprends parfaitement que vous souhaitiez en être informée.
Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. J'ai entendu l'engagement que vous venez de prendre, et je vais retirer mon amendement.
Je tiens toutefois à vous rappeler que, en raison des restructurations dues aux réformes des collectivités territoriales, et notamment à la régionalisation, les villes moyennes éloignées des métropoles se trouvent petit à petit vidées de toute substance. Or les places fortes de l'armée étaient autrefois situées dans ces mêmes villes, notamment dans le Grand Est. Je vous alerte donc sur toute décision qui viendrait fragiliser encore des territoires qui ont subi la désindustrialisation, puis la démilitarisation.
L'amendement no 364 est retiré.
C'est parce que les échecs servent de répétition au succès que, le coeur plein d'espoir, je reviens sur la question des stratégies intégrales et de la réactualisation de la Revue stratégique de défense et de sécurité nationale.
Sourires.
Celle-ci et le rapport annexé dénoncent la volonté de puissance de certains acteurs, notamment de certains pays émergents. Sans en appeler de nouveau à Sun Tzu, nous savons que la meilleure façon de s'opposer à ces expansions agressives est de s'attaquer aux plans et à la stratégie de l'adversaire.
Pour contrer la stratégie adverse, il faut d'abord l'identifier précisément. Or ces stratégies ne se résument pas à une compétition, mais plutôt à une combinaison et à une articulation des domaines dans lesquels elle s'exerce : il s'agit de la stratégie intégrale.
Comparaison n'est certes pas raison, mais tout de même, ne faisons pas de l'ouvrage La guerre hors limites le nouveau Achtung Panzer ! , essai qui, je le rappelle, était à la disposition de nos prédécesseurs à la veille de la Seconde guerre mondiale. S'il traitait de la Blitzkrieg, la France, faute de l'avoir assimilée à temps, l'a bel et bien subie : évitons donc une nouvelle étrange défaite.
Nous souhaitons donc, à travers cet amendement, aller au bout de la réflexion de la Revue stratégique. Nous demandons que celle-ci puisse être approfondie et densifiée afin de permettre, au-delà des évolutions macroéconomiques, de mieux co-construire la « revoyure » prévue en 2021.
Si je reconnais votre constance, cher collègue, la mienne m'oblige à dire que je ne vois pas pourquoi et comment nous inscririons dans la loi la nécessité d'actualiser notre Revue stratégique à une date bien précise.
Vous avez souligné les incertitudes ainsi que les inquiétudes existant au plan international. Nous n'allons pas attendre le 1er janvier 2021 pour une telle actualisation : peut-être s'imposera-t-elle avant cette date, ou peut-être ne s'avérera-t-elle pas nécessaire.
Pourquoi, dans ces conditions, se contraindre ? La Revue stratégique, que nous avons actualisée puisqu'elle avait été précédée par un Livre blanc, nous a conduits à constater que les évolutions identifiées par ce même Livre blanc étaient soit conformes à son analyse, soit avaient connu une accélération, ou encore un renforcement, les déstabilisations ayant été plus importantes que prévu.
Lorsqu'il nous faudra actualiser la Revue stratégique, nous le ferons, si le contexte nous y contraint. Mais ne nous lions pas les mains avec une date. Mon argumentaire est valable, cher collègue Lainé, pour cet amendement comme pour le suivant, no 246. Si vous ne le retirez pas, je donnerai donc un avis défavorable aux deux.
Je vais abonder dans le sens de notre collègue Fabien Lainé, puisque nous partageons le même concept, à savoir celui de stratégie intégrale, dont il vient de parler.
Qu'est-ce que la stratégie intégrale ? C'est une articulation de moyens et une approche globale, systémique et multifactorielle de la guerre. En quoi, me direz-vous, un tel concept nous permet-il de nous interroger utilement ?
Envisageons par exemple une attaque informatique entraînant la chute des réseaux énergétiques : s'ensuivrait la neutralisation des opérateurs d'importance vitale – les OIV – qui en dépendent.
S'ensuivrait également la neutralisation des transports, des moyens de communication comme des services de santé, l'ensemble provoquant une instabilité sociale que viendraient alors exploiter des manoeuvres militaires.
Vous le voyez, le rôle des moyens militaires est, dans cet exemple, équivalent à celui joué par d'autres moyens, et ils pourraient se conjuguer à d'autres facteurs, comme la manipulation de masses financières.
C'est afin de mieux articuler ces différents risques et de s'en garder que nous demandons solennellement une actualisation de la Revue stratégique de défense et de sécurité nationale avant le 1er janvier 2021, pour une stratégie française et européenne renforcée.
Permettez-moi d'insister et d'appuyer la demande formulée par notre groupe d'actualiser la Revue stratégique : elle touche en effet au rôle de la représentation nationale dans la définition de notre stratégie nationale et européenne.
La Revue stratégique sert en effet de base à cette loi de programmation militaire. Nous saluons sa rare qualité, alors même qu'elle a été élaborée dans un temps très contraint.
C'est donc dans le plus grand respect du travail effectué que nous demandons que son actualisation soit prévue afin de préparer, en 2021, l'actualisation de la loi de programmation militaire. Si la Revue stratégique a servi de base à cette même loi, il est d'autant plus naturel que son actualisation serve de base à l'actualisation de 2021.
Par ailleurs, nous souhaiterions, comme le rapporteur et comme d'autres collègues siégeant sur tous les bancs l'ont déjà fait, en commission ou en séance publique, que la co-construction de la Revue stratégique soit plus ouverte aux parlementaires.
C'est pour cette raison que nous appuyons une nouvelle fois, et aussi clairement que possible, la demande d'une actualisation de la Revue stratégique, en vue de préparer celle de la loi de programmation militaire en 2021.
Il me semble que, avec ces amendements, nous nous trompons de débat. Un Livre blanc ou une revue stratégique visent en effet à déterminer les fins, les cibles, les enjeux, les risques et les menaces. Or nous débattons d'une loi de programmation militaire dont l'objet principal est de déterminer les moyens : nous ne discutons pas des fins, mais bien des moyens.
Il me paraît donc opportun de disjoindre le projet de loi dont nous discutons aujourd'hui, et qui porte essentiellement sur l'étalement des moyens, de la réflexion sur les finalités, les menaces et les enjeux qui, comme le dit le rapporteur, doit pouvoir être adaptée à tout moment, en fonction de l'évolution du contexte.
C'est pour ces raisons que je ne suis favorable ni à cet amendement ni au suivant.
Chers collègues, j'entends ce que vous dites. Ne faites cependant pas semblant de croire que le contexte international n'est pas évoqué dans ce projet de programmation : c'est le contraire, et à bien des égards. Nous ne souhaitions que compléter ce projet de loi par une disposition utile.
J'ai bien compris par ailleurs que les stratégies intégrales vous posaient problème : nous n'insisterons donc pas. Je retire mon amendement, compte tenu du fait que nous allons débattre juste après, mais rapidement, de l'amendement no 246 .
L'amendement no 248 est retiré.
La parole est à M. Fabien Lainé, pour soutenir rapidement l'amendement no 246 .
Il s'agit en réalité du même amendement que le précédent, à ce détail près que n'y figurent plus les stratégies intégrales, qui sont sous-entendues.
Une fois de plus, il nous paraît indispensable et pertinent de réactualiser, à la veille de la « revoyure », la Revue stratégique, et, le contexte mondial évoluant très rapidement, de nettoyer et d'actualiser la loi de programmation militaire.
Qui peut le plus peut le moins : voilà pourquoi nous maintiendrons cet amendement no 246 .
Vous venez de dire, cher collègue, que qui peut le plus peut le moins. Ne nous donnons donc pas de contraintes calendaires pour actualiser la Revue stratégique si cela s'avère nécessaire. Laissons-nous toute liberté en la matière : si le contexte l'impose et que, à la veille de l'actualisation de la loi de programmation militaire, il apparaît que nous devons également réactualiser notre Revue stratégique, le Gouvernement le fera.
Il est inutile d'insérer une telle disposition dans la loi : cela coule de source.
L'amendement no 246 , repoussé le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 6 bis est adopté.
Deux orateurs sont inscrits sur l'article 6 ter.
La parole est à M. François André.
L'importance de la notion de contrôle par le Parlement de l'exécution annuelle de la loi de programmation militaire, comme de sa trajectoire, a été soulignée à plusieurs reprises depuis le début de nos débats. C'est d'ailleurs ce qui a conduit la commission à souhaiter inscrire, non pas dans le rapport annexé mais dans le dur de la loi, si je puis me permettre cette expression, les nouvelles prérogatives des commissions parlementaires chargées de la défense et des forces armées. Tel est précisément l'objet de cet article 6 ter.
Ce contrôle devra bien évidemment s'exercer sur la trajectoire générale de l'exécution, car on sait – je rejoins Thibault Bazin sur ce point – que par le passé, et sous toutes les majorités, elle n'a pas été respectée.
Quoi qu'il en soit, ce contrôle devra également, à mon sens, s'exercer de façon particulière sur certains postes précis : je pense en particulier à la masse salariale, qui, si elle est aujourd'hui correctement pilotée, ne l'était pas dans un passé encore récent.
Autre point de vigilance : le programme des équipements majeurs, qui doit également être suivi de très près, tant on sait que le non-respect des cibles ou des calendriers peut avoir des conséquences budgétaires fâcheuses.
À ce sujet, en augmentant comme nous l'avons fait tout à l'heure la provision dédiée aux opérations extérieures, c'est-à-dire aux OPEX, nous sécurisons indirectement le respect de cette trajectoire, et en particulier celle du programme no 146.
Enfin, dernier exemple parmi d'autres : le maintien en condition opérationnelle, le MCO, dont le coût complet représente environ 15 % du budget total de la défense. Notre regard devra se faire plus attentif encore quant à l'évolution du MCO aéronautique, qui, avec près de 2,5 milliards d'euros, va faire l'objet d'une réorganisation attendue afin d'améliorer la disponibilité des avions.
Cet article 6 ter nous conforte donc dans notre mission de contrôle : sachons nous en emparer collectivement.
Je me réjouis également que ce projet de loi de programmation militaire accorde, dans sa rédaction adoptée par la commission, une importance toute nouvelle au contrôle parlementaire.
Je précise que, si l'alinéa 2 exclut les services de renseignement, il ne rendra pas pour autant le contrôle inexistant dans ce domaine. Ayant l'honneur de participer aux travaux de la Délégation parlementaire au renseignement et de présider la commission de vérification des fonds spéciaux, il me semblait important de préciser que ce champ est également couvert, quoique de manière quelque peu différente.
L'amendement no 326 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement no 328 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement no 327 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 6 ter, amendé, est adopté.
L'examen de cet amendement est attendu depuis longtemps par notre assemblée. Il formule en effet plusieurs propositions visant à renforcer le dialogue avec le Gouvernement sur l'exécution de la loi de programmation.
La semaine dernière en commission, nous avions adopté un autre amendement qui reprenait certaines des dispositions de la loi de programmation pour les années 2009 à 2014, qui restera en vigueur jusqu'à la fin de l'année. Celui-ci entend renforcer le contrôle du Parlement : j'espère qu'il sera très largement adopté, sur tous les bancs, car il est le fruit d'un travail important avec votre cabinet, madame la ministre, et donc d'une co-construction entre le Gouvernement et le Parlement, animés par le souci de la transparence et de la bonne exécution de cette loi de programmation.
Nous proposons que le Gouvernement communique aux commissions permanentes de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées de la défense nationale un bilan de l'exécution des crédits programmés par la loi de programmation pour la mission « Défense ». Ces bilans seront établis sur un rythme semestriel, avant le 15 avril pour le premier semestre, et avant le 15 septembre pour le second.
D'autre part, le ministre chargé des armées doit remettre au Parlement un « bilan de la mise en oeuvre de la politique d'équipement des forces ». Dans ce cadre seront recensées « les commandes passées et les livraisons reçues depuis la présentation du précédent bilan », pour trois types de programmes : les « programmes à effet majeur dont le coût est supérieur à soixante-dix millions d'euros » ; les « autres opérations d'armement dont le coût est supérieur à vingt millions d'euros » ; « les programmes d'infrastructures dont le coût est supérieur à quinze millions d'euros » – nous en avons parlé tout à l'heure.
Ce bilan indiquera « les livraisons prévues, dans les six mois suivant sa présentation, au titre des mêmes opérations et des mêmes programmes ». Il comportera « un exposé de l'état d'avancement des opérations d'armement dont le coût est supérieur à soixante-dix millions d'euros, fournissant le cas échéant des éléments d'explication des évolutions de leur calendrier de commandes et de livraisons ou du nombre de matériels concernés ».
Il comportera également « une présentation synthétique des investissements en équipements d'accompagnement et de cohérence réalisés au cours du semestre écoulé ainsi que des prévisions d'investissement dans ces mêmes équipements pour les six mois suivants ».
L'amendement précise que le premier bilan qui sera présenté en application de ces dispositions portera « sur les commandes passées, les livraisons reçues et les investissements consentis depuis la promulgation » de la loi de programmation militaire.
J'ai été un peu long, mais il fallait être précis, car nous avons consacré beaucoup de temps, en commission, à préparer cet amendement.
Nous souhaitons renforcer le rôle de contrôle et d'évaluation du Parlement : je crois que vous pouvez être le premier à rentrer dans cette logique politique. Les membres de la commission des finances ont défendu le même amendement que le vôtre : …
… nous sommes en effet convaincus, comme vous, que nous avons besoin d'un certain nombre de bilans pour contrôler et évaluer notre politique de défense.
Ce sous-amendement vise, très modestement, à faire en sorte que les commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat soient elles aussi destinataires du bilan de l'exécution de la programmation militaire, afin que nous puissions assurer notre mission de contrôle en bonne intelligence.
La parole est à M. Patrice Verchère, pour soutenir l'amendement no 52 .
Charles de la Verpillière vous a dit tout à l'heure qu'il maintenait ses amendements, dans l'attente du vôtre. Par l'amendement no 281 , vous reprenez certaines dispositions de l'ancienne loi de programmation militaire. C'est précisément ce que nous voulions faire. Puisque votre amendement reprend la grande majorité de nos propositions, nous le voterons.
Cet amendement fait écho à l'amendement no 321 , qui portait sur le rapport annexé. Il vise à renforcer le contrôle parlementaire sur l'exécution des crédits de la loi de programmation militaire.
Par cet amendement, nous demandons au Gouvernement de remettre chaque année au Parlement un rapport sur l'exécution de la loi de programmation militaire, rapport qui serait débattu au Parlement. Ce dispositif figurait déjà dans la loi de programmation précédente, qui portait sur la période 2014-2019 ; il était néanmoins très mal appliqué en raison de l'encombrement de l'ordre du jour du Parlement.
Cela ne nous semble pas satisfaisant. Nous proposons tout de même de rétablir ce dispositif afin d'insister sur la nécessité d'un débat annuel au sein du Parlement sur l'exécution des crédits de la loi de programmation militaire.
La parole est à M. Patrice Verchère, pour soutenir l'amendement no 51 .
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
Je voudrais d'abord répondre à M. Lainé. L'amendement no 281 comprend un alinéa aux termes duquel le Gouvernement doit présenter un bilan de l'exécution des crédits programmés par la présente loi pour la mission « Défense », et ce deux fois par an, avant le 15 avril et avant le 15 septembre. Par votre amendement no 323 , vous demandez un rapport similaire, qui ne serait rendu qu'une fois par an. Je pense que votre demande est doublement satisfaite !
Concernant le sous-amendement no 375 , je présente mes excuses à la commission des finances : nous aurions dû la mentionner dans notre rédaction. Je donne un avis favorable à ce sous-amendement.
Avant que vous n'adoptiez – comme je l'espère – le sous-amendement no 375 et l'amendement no 281 , je voudrais dire que ce projet de loi de programmation militaire, qui a été préparé par le ministère des armées pour le ministère des armées, est devenu, grâce à ces nombreuses heures de débat devant les représentants de tous les Français, celui de la Nation tout entière. C'est une très bonne chose que la représentation nationale puisse s'assurer de la bonne exécution de cette programmation. Je me réjouis que nous ayons trouvé sur ce point un accord constructif.
Grâce à ce contrôle accru, la représentation sera éclairée. Je remercie le président de la commission de la défense d'avoir pris en compte certaines préoccupations, grâce auxquelles son amendement représente un bon point d'équilibre. Il permet d'éviter que le ministère des armées consacre l'essentiel de son énergie à rédiger des rapports. Je donne donc un avis très favorable à cet amendement no 281 et au sous-amendement no 375 .
Au nom du groupe La République en marche, je soutiens totalement cet amendement présenté par le président de notre commission.
Je reconnais que notre demande est satisfaite par l'amendement de M. le rapporteur. Je souhaitais simplement, en défendant l'amendement no 323 , marquer notre insatisfaction quant à l'application de la loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019.
Nous soutenons l'amendement no 281 , que nous considérons comme très positif. Je retire donc l'amendement no 323 .
L'amendement no 323 est retiré.
Le sous-amendement no 375 est adopté.
Les petites et moyennes entreprises ont un rôle majeur dans l'emploi et le dynamisme économique de la France. C'est pourquoi, par cet amendement déposé par mon collègue et ami Pierre Cordier, député des Ardennes, nous demandons au Gouvernement un rapport afin d'examiner les mesures qui pourraient être mises en oeuvre pour aider les PME à accéder aux marchés de la défense.
Nous avons pu, en commission, lors de l'audition du comité Richelieu, ainsi que dans le cadre des travaux de la mission d'information sur l'exécution de la loi de programmation militaire 2014-2019, mesurer les difficultés que rencontrent pour l'instant les PME.
Je crois avoir déjà répondu sur ce point, monsieur Bazin. Par ailleurs vous savez ce que je pense des demandes de rapport au Gouvernement.
Votre amendement mentionne les « marchés de l'industrie de défense ». S'il s'agit de vérifier les marchés industriels, alors je ne suis pas sûr que le ministère des armées soit le mieux placé pour cela. Dans tous les cas, cette formule n'est pas claire : s'agit-il des marchés que passe la Délégation générale à l'armement ? Visez-vous les relations entre les PME et les grands groupes ?
Comme je vous l'ai déjà dit, au lieu de demander un rapport au Gouvernement sur cette question, nous ferions mieux de l'aborder en commission – sans parler de mission d'information. Je vous propose de retirer cet amendement au bénéfice d'une discussion en commission.
Monsieur le rapporteur, pour ma part, j'aime vraiment les rapports. Du reste, je ne vois pas en quoi cette demande de rapport serait exclusive d'une discussion en commission. À la limite, j'accepterais que vous le sous-amendiez, mais je sais bien que vous ne le ferez pas : aussi, monsieur le président, pouvez-vous le mettre aux voix.
L'amendement no 6 n'est pas adopté.
Je vois, monsieur le rapporteur, que vous aimez les demandes de rapport. Cet amendement a précisément pour objet de demander au Gouvernement un rapport sur les exportations d'armements, afin de compléter les dispositions du rapport annexé relatives au dialogue avec le Parlement.
Aux termes de cet amendement, « le Gouvernement présente au Parlement un rapport annuel sur les exportations d'armement de la France ». Surtout, « ce rapport peut faire l'objet d'un débat au sein des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées de la défense et des forces armées ».
Je vais vous étonner : je suis d'accord avec votre demande. Mais ce rapport existe déjà ! Le dernier rapport de ce type a été présenté au Parlement au mois de juin 2017, et nous recevrons le prochain au mois de juin 2018 : Mme la ministre peut le confirmer. Je vous invite donc à retirer votre amendement.
L'amendement est retiré. Nous avons hâte de débattre de ce prochain rapport.
L'amendement no 245 est retiré.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 7.
La parole est à Mme Séverine Gipson.
L'armée doit disposer de ressources humaines qui répondent, en nombre et en compétence, aux besoins liés aux opérations et à leur soutien. Cela requiert un effort d'attractivité, de fidélisation des compétences et de réalisation des effectifs.
La fidélisation revêt ici un intérêt majeur. Combien de militaires renoncent à l'engagement quand la gestion de la vie de famille devient trop compliquée ? Combien de militaires aux qualifications précieuses avons-nous perdus parce que notre modèle d'armée était trop rigide ?
La fidélisation des compétences nécessite une gestion dynamique des recrutements et des parcours professionnels, une politique de rémunération attractive et une meilleure prise en compte des vies de famille. Cet article permet une avancée majeure à cet égard, en ouvrant aux militaires placés en congé pour élever un enfant de moins de huit ans la possibilité de souscrire un engagement à servir dans la réserve opérationnelle.
Les militaires qui bénéficieront de ce dispositif percevront une solde au titre de la réserve opérationnelle. Ils bénéficieront d'un avancement au prorata du nombre de jours d'activité réalisés dans le cadre d'un engagement à servir dans la réserve. Ils continueront également à bénéficier de leurs droits à pension.
Les militaires pourront ainsi mieux concilier vie professionnelle et vie privée, tout en maintenant leurs compétences. Ce dispositif facilitera leur fidélisation, en permettant leur retour en fonction dans leur spécialité à l'issue de leur congé.
Ce dispositif répond à deux difficultés matérielles que rencontrent les militaires placés en congé pour convenance personnelle. La première tient au risque que leur absence durable soit préjudiciable à leur service. Ce risque est d'autant plus élevé si les militaires en question ont des compétences rares. La deuxième tient au risque qu'ils ne réintègrent pas les armées à l'issue du congé, faute d'avoir pu maintenir leurs compétences.
Or les compétences rares s'acquièrent par des formations longues dont le coût pour les armées, qui investissent ainsi sur l'avenir, est élevé. L'absence et la non-réintégration de ces militaires sont d'autant plus préjudiciables lorsqu'il s'agit de spécialités qui sont à la fois féminisées et déficitaires en personnels – par exemple, les contrôleurs de bases aéronavales. L'enjeu, pour les armées, est de conserver le plus longtemps possible les personnes disposant de compétences spécifiques, ou ayant un potentiel particulier.
L'article 7 répond à cet enjeu de façon pragmatique, en facilitant l'exercice temporaire d'une activité réduite permettant d'entretenir et de pratiquer la spécialité concernée, dans l'optique de la réintégration en position d'activité.
Ce premier article consacré aux ressources humaines, madame la ministre, ne me pose bien entendu aucun problème, bien au contraire. Vous avez en effet appelé notre vigilance, constante et partagée sur tous les bancs, sur l'amélioration des conditions de travail de nos militaires.
J'appelle toutefois votre attention sur des dispositions inéquitables pour certains militaires, notamment ceux qui viennent d'outre-mer, et en particulier du Pacifique. Les hommes et les femmes de Nouvelle-Calédonie, de Polynésie française et de Wallis-et-Futuna s'engagent avec la même ferveur, le même courage et le même dévouement que tous les militaires, bien entendu ; mais, pour des raisons historiques, conjoncturelles ou juridiques, certaines de leurs primes de déplacement, en particulier en cas de mutation en métropole, n'incluent pas les mêmes avantages. J'en veux pour preuve la prime spécifique d'installation qui, versée à tous les militaires de rang domiciliés en outre-mer et affectés en métropole, ne l'est pas aux militaires issus de Nouvelle-Calédonie ou de Polynésie française. Il en va de même pour les fonctionnaires civils, qui ne bénéficient pas des congés bonifiés.
En Nouvelle-Calédonie, madame la ministre, l'armée revêt une importance toute particulière, comme vous le savez. Le service militaire adapté – SMA – est une réussite de tous les jours ; avec votre soutien et celui de l'ensemble du Gouvernement, nous pourrons l'étendre, ce qui fait aussi écho à la perspective de créer le même service volontaire en métropole. Beaucoup de jeunes filles et de jeunes gens, au sortir du lycée, décident en effet de s'engager. En Nouvelle-Calédonie, l'armée fait recette !
Le texte ne contient malheureusement aucun article consacré à ce sujet, mais il me semble important que vous confirmiez que les hommes et les femmes dont je viens de parler auront la même attention de votre part, et que les correctifs nécessaires seront apportés.
Je tenais à saluer à titre personnel, madame la ministre, l'esprit ingénieux et brillant dans lequel a germé l'idée dont nous parlons. De fait, mes collègues ont décrit un vrai casse-tête.
Je tiens à citer ici le code du soldat, que chaque collègue gagnerait à lire au moins une fois dans sa vie : « Au service de la France, le soldat lui est entièrement dévoué, en tout temps et en tout lieu. » Dans ces conditions il est presque impossible, pour nos soldats, de conjuguer les impératifs de disponibilité et de parentalité, sachant qu'il est inconcevable de leur appliquer un temps partiel.
Des talents sont ainsi perdus, problème auquel le présent article permet de remédier. Encore bravo !
Au-delà de ses aspects très positifs, cet article – qui permet le maintien des compétences des bénéficiaires de congés pour convenances personnelles – constitue une véritable avancée sociale. Dans la continuité du plan « famille » d'octobre 2017, il facilitera grandement la conciliation entre vie militaire et vie familiale pour les parents dans nos armées. Il représente surtout un vrai progrès pour l'égalité entre femmes et hommes, puisque les contraintes particulières de certains métiers éloignent des talents ou freinent des déroulements de carrière, en particulier pour l'accession de jeunes femmes à des grades supérieurs.
L'effet positif de l'article est donc double : celui-ci rendra plus attractifs les métiers militaires en facilitant la réintégration par le maintien des compétences grâce au contrat d'engagement à servir dans la réserve ; il améliorera aussi le taux de féminisation dans les armées, qui n'est aujourd'hui que de 16 %.
Merci, madame la ministre, de nous permettre de soutenir cette réelle avancée sociale.
Nous en venons aux amendements à l'article.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement no 60 .
Il convient d'évaluer ce dispositif unanimement salué après quelques années de mise en oeuvre. C'est le sens du présent amendement, qui tend à demander au Gouvernement de remettre un rapport avant le 30 juin 2022, c'est-à-dire avant, peut-être, que chacun s'envole vers d'autres cieux.
Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe LR.
En s'apprêtant, comme je l'espère, à adopter l'article 7, votre assemblée répond à une attente forte de la part des militaires, confrontés, dans leurs missions, à une exigence de disponibilité totale qui rend très difficile la conciliation avec la vie familiale, à laquelle ils aspirent bien légitimement.
Vous avez salué l'ingéniosité de ceux qui ont conçu le dispositif, madame la rapporteure pour avis ; moi-même, je remercie les services du ministère des armées – direction des ressources humaines et direction des affaires juridiques – de l'avoir échafaudé. Il permettra, j'en suis sûre, d'améliorer la vie quotidienne de nombre de nos militaires et de fidéliser certains de nos talents.
Je vous remercie donc par avance d'adopter cet article important. Pour ce qui concerne l'amendement no 60 , l'avis est le même que celui de la commission.
L'amendement no 60 n'est pas adopté.
L'article 7 est adopté.
L'article 8 est adopté.
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour soutenir l'amendement no 196 , tendant à la suppression de l'article 9.
Cet article s'inscrit dans une logique d'abolition des régimes spéciaux de retraite des armées, plus favorables que le régime général. Il aligne la limite d'âge de certaines professions médicales dans l'armée, comme les infirmiers, sur le statut moins favorable de la fonction publique hospitalière. Cela annonce la future réforme des retraites, qui vise à abolir les régimes spéciaux.
Nous nous opposons à ce jeu de chamboule-tout qui a pour seul objectif de niveler par le bas les conditions de retraite. Cette course aux économies finira par détruire dans son intégralité le statut de la fonction publique hospitalière comme celui de l'armée. Aligner les régimes spéciaux de retraite des armées sur le régime général de la fonction publique hospitalière ressemble dangereusement à la première phase de la réforme du système des retraites annoncée par le Gouvernement. Cela n'est pas acceptable pour les députés du groupe GDR.
J'entends ce que nous dit M. Lecoq, notamment sur ses inquiétudes quant à la future réforme des retraites. Mais nous parlons ici du présent, non du futur. Une réforme est intervenue pour la fonction publique hospitalière ; or les militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées ont un statut particulier, l'évolution de leur carrière étant liée à celle des agents de la fonction publique hospitalière. Nous sommes obligés d'harmoniser leur statut : c'est l'objet du présent article.
Celui-ci ne touche en rien aux statuts, qu'il s'agisse du statut militaire ou du statut hospitalier ; il se borne à transposer certaines dispositions au statut d'agents militaires qui travaillent dans les hôpitaux des armées. Je ne vois pas pourquoi l'on devrait s'opposer à cet article d'harmonisation, dès lors que celle-ci est nécessaire. Avis défavorable.
Même avis, défavorable. Si l'article n'était pas adopté, les personnels concernés – infirmiers militaires et techniciens des hôpitaux des armées – seraient privés du bénéfice d'évolutions statutaires qui seront mises en oeuvre dans les hôpitaux civils. Tel n'est pas, je suppose, votre intention, monsieur Lecoq. Si votre remarque porte sur l'évolution de l'âge de départ à la retraite, cet article tient compte, pour la transposition visée, de la spécificité du statut militaire, aux termes duquel les limites d'âge ne sont pas les mêmes que pour les personnels civils.
Rien n'est donc remis en cause, au contraire : il s'agit de transposer à des personnels sous statut militaire des dispositions dont bénéficient les personnels des hôpitaux civils.
Sur l'amendement no 196 , je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Bastien Lachaud.
On aurait pu admettre un alignement de l'âge de départ à la retraite des officiers de l'armée de l'air sur celui des autres armes. Cela n'aurait pas été à proprement parler une régression sociale, compte tenu du nombre restreint de personnes concernées et des implications sur la carrière.
Mais, avec le présent article, on nous demande d'entériner un recul social sous prétexte d'aligner la condition des personnels de santé militaires sur celle des personnels civils. Nous ne l'acceptons pas. Si vous croyez vraiment à la force de cet argument, alors n'hésitez pas : ramenez l'âge légal du départ à la retraite à taux plein à soixante ans ! De fait, il est temps de revenir sur les réformes de ces dernières années. Les chiffres de l'espérance de vie, qui servaient d'argument à ceux qui prônaient de repousser l'âge de départ à la retraite, ont déjà évolué. L'espérance de vie en bonne santé a chuté, et à présent c'est l'espérance de vie tout court qui est en baisse.
Il ne fallait pas être un aigle pour comprendre que la hausse de l'espérance de vie était justement liée à la baisse du temps de travail. Les personnels de santé militaires ont pu éviter de subir les régressions de ces dernières années ; aucun argument ne plaide pour qu'ils les subissent aujourd'hui. Nous voterons donc pour cet amendement de suppression.
J'ai une demande d'information tout à fait naïve sur le sujet, madame la ministre. Les pompiers de Paris, qui ont le statut de militaire, sont-ils d'une façon ou d'une autre concernés par les dispositions de l'article ?
Pour vous répondre à brûle-pourpoint, monsieur le député, l'article 9 vise les personnels infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées, et eux seuls.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 55 |
Nombre de suffrages exprimés | 45 |
Majorité absolue | 23 |
Pour l'adoption | 6 |
contre | 39 |
L'amendement no 196 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Jacques Bridey, rapporteur, pour soutenir l'amendement no 320 .
L'amendement no 320 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 9, amendé, est adopté.
Deux orateurs sont inscrits sur l'article 10.
La parole est à M. Fabien Gouttefarde.
Cet article prévoit une montée en puissance de la réserve opérationnelle, qui préexistait à cette législature, puisqu'elle a commencé par la création de la garde nationale et l'augmentation du nombre de réservistes.
Le dispositif retenu vise à porter à 60 jours la durée annuelle d'activité à accomplir au titre d'un engagement à servir dans la réserve, une durée qui est actuellement fixée à 30 jours. Grâce à ce mécanisme, les commandements d'unité, c'est-à-dire les employeurs militaires, non civils, du réserviste pourront offrir aux réservistes qui le peuvent jusqu'à 60 jours d'engagement à servir dans la réserve. Cette durée sera plus conforme à l'objectif d'une moyenne d'environ 37 jours, que fixe cette LPM pour chaque réserviste.
Enfin, les dérogations à ce seuil, qui existaient déjà, sont maintenues. La durée pourra aller jusqu'à 150, voire, exceptionnellement, 210 jours, notamment pour partir en OPEX. Je vous rappelle en effet, chers collègues, que des réservistes accompagnent nos forces actives en OPEX.
Je suis donc tout à fait satisfait que cet article figure dans le projet de loi de programmation militaire.
Le groupe du Mouvement démocrate et apparentés tient à réaffirmer toute l'importance qu'il accorde à l'engagement de nos concitoyens dans la vie publique. Nous nous réjouissons de la volonté affichée par le Gouvernement d'encadrer et d'accompagner la montée en puissance des réserves dans les prochaines années.
Notre groupe est donc satisfait des amendements que la commission de la défense a apportés à l'article 10 du projet de loi de programmation militaire, en élargissant la durée annuelle maximale d'engagement des réservistes, de 30 à 60 jours. Accompagner la montée en puissance de réserves opérationnelles, c'est doter ces dernières de moyens adaptés.
Néanmoins, nous pensons qu'il est possible d'aller plus loin, s'agissant notamment du plan de formation des réservistes. En effet, il apparaîtrait opportun de leur offrir par exemple des modalités de spécialisation, allant plus loin que ce qui est proposé aujourd'hui.
En étant mieux formés, davantage spécialisés et plus nombreux, les réservistes pourraient accroître leurs capacités d'emploi dans les opérations intérieures comme extérieures, s'ils étaient effectivement dotés des compétences théoriques propres à leurs unités. Un soutien accru des réserves aux armées professionnelles serait le bienvenu.
L'article 10 est adopté.
Cet amendement vise à élargir la réserve de la sécurité nationale, et à lui donner une nouvelle dimension. S'agissant du nombre de jours d'autorisation d'absence, il substitue le mot « vingt » au mot « cinq » afin de permettre à ceux qui s'engagent dans la réserve nationale de le faire avec davantage de confort matériel. On sait qu'il est parfois fort difficile d'être réserviste vis-à-vis de son employeur. Ces difficultés ne doivent pas être sous-estimées.
Cette disposition encouragerait nombre de nos concitoyens à s'engager dans la réserve nationale. Elle nous paraît utile et à la hauteur des enjeux que nous nous fixons. Enfin, elle semble aller dans le sens de cette réaffirmation de l'importance de la réserve nationale.
La parole est à M. Fabien Gouttefarde, pour soutenir l'amendement no 76 .
Cet amendement, en cohérence avec ce qui vient d'être dit sur l'article 10, vise à augmenter le droit commun relatif à la période d'engagement à servir dans la réserve – ESR.
On peut cependant se demander, comme M. Corbière, comment un réserviste employé dans le privé parvient à servir au-delà des 5 jours autorisés par le code du travail. Bien souvent, il prend sur ses week-ends, ses congés payés, voire sur ses congés sans solde.
Moins radicaux que nos collègues du groupe La France insoumise, à qui j'adresse ce clin d'oeil, nous proposons une durée de 10 jours, qui paraît tout à fait soutenable pour les acteurs privés.
Par ailleurs, près de 250 conventions ont été signées entre de grands groupes privés et le délégué aux réserves. Celles-ci, souvent des coquilles vides, contiennent cependant un article important, qui, en permettant de déroger au code du travail, offre davantage de jours à nos réservistes. Mettons donc cette durée en conformité avec ces conventions.
Je partage l'argumentation de mon collègue Fabien Gouttefarde. Cet amendement de cohérence, qui remplace le mot « cinq » par le mot « dix », vise à permettre aux réservistes de bénéficier de davantage de jours et d'éviter qu'ils ne prennent sur leurs jours de congé, voire de congé sans solde.
Nous connaissons en effet tous des personnes dans notre entourage qui font cet effort : cet amendement a pour objet de leur permettre de participer à notre sécurité de manière efficace, sans obérer leurs jours de congé.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 91 .
Dans le contexte d'insécurité que nous connaissons, cinq jours ne sont en effet pas suffisants. Nous devons soutenir, et même encourager, tous ceux qui veulent s'engager en plus de leur activité civile à servir plus étroitement leur pays. C'est pourquoi je propose également que ces cinq jours soient portés à dix jours.
La parole est à M. Jean-Pierre Cubertafon, pour soutenir l'amendement no 249 .
Cet amendement vise à accroître la durée du congé de réserve de 5 à 10 jours, afin d'appuyer les besoins croissants de la garde nationale. Les réservistes de la police nationale disposent d'ores et déjà de ce délai légal de 10 jours. Il est donc question d'apporter une égalité de droit aux réservistes opérant actuellement au sein des autres réserves.
Dans un souci d'égalité, le groupe du Mouvement démocrate et apparentés prend donc position afin d'uniformiser ce droit au congé. L'impact économique sur les entreprises est plus que proportionné à l'ambition du chef de l'État de procéder au renforcement de la réserve militaire et de son employabilité, afin de faire face aux besoins opérationnels des forces armées.
Les organisations patronales ont accueilli favorablement cette idée. Ainsi, le conseil exécutif du MEDEF a considéré le 13 avril 2015 qu'il était citoyen que les entreprises contribuent de cette manière à assumer les enjeux de la sécurité. Une plus grande disponibilité des réservistes permettra une meilleure montée en puissance des réserves, en vue d'atteindre l'objectif opérationnel de 37 jours par an, par réserviste, contre une moyenne actuelle de 15 à 20 jours.
La parole est à M. Jean-Pierre Cubertafon, pour soutenir l'amendement no 253 .
Nous avons longuement discuté de ces questions en commission et dans les couloirs. L'idée qui inspire ces amendements est tout à fait louable. Je partage votre sentiment : il faut renforcer l'attractivité des réserves, car nous en avons besoin.
Pour cela, est-il utile ou nécessaire de modifier un des articles du code du travail ? Ce serait trop facile.
Méfions-nous aussi de l'effet pervers d'une disposition qui renforcerait les obligations des entreprises : ne conduirait-elle pas les entreprises, par retour de bâton, à limiter l'octroi des autorisations demandées par les réservistes ?
Comme vous l'avez rappelé, monsieur Gouttefarde, ce n'est pas de 5, 10 ou 20 jours que nous avons besoin pour les réservistes, mais de 36,5 jours, en moyenne, afin de remplir toutes les missions qui leur sont données. Pour atteindre une telle moyenne, certains réservistes donnent 10 jours, mais d'autres 50 ou 60 jours.
Ainsi, depuis une quinzaine d'années au moins, le ministère des armées, conscient de cette problématique, s'est engagé dans une démarche partenariale avec l'ensemble des entreprises, pour signer les conventions que M. Gouttefarde a citées.
Celles-ci ne sont peut-être pas toutes parfaites. Dans nos départements, il faut peut-être davantage sensibiliser les entreprises, avec les délégués départementaux à la réserve, afin d'inciter celles-ci à signer de tels documents.
Mais, parmi les avantages que peuvent retirer tant l'employeur que l'employé de la signature de ces conventions, l'employeur peut inscrire les employés réservistes à des formations conduites par le ministère et par les forces armées ou assimiler certaines périodes de réserve à la formation professionnelle continue, ce qui a une incidence sur les charges et les coûts salariaux payés par ces entreprises.
Je serai donc plutôt favorable à ce que le Gouvernement incite plus fortement les entreprises à signer des conventions. Certaines conventions exemplaires ont été signées par de grands groupes. Il faut en faire la publicité.
L'un d'entre vous faisait allusion à la prise de conscience du MEDEF dans ce domaine : il faut aller dans ce sens, et renforcer ces conventions.
Pour ma part, je préfère toujours la concertation et le partenariat à la contrainte. Je donnerai donc un avis défavorable à l'ensemble de ces amendements, même si je comprends leur finalité et suis en accord avec celle-ci.
Nous devons réussir le pari de la réserve, car nos armées ont besoin des réservistes.
Avis défavorable. Comme l'a indiqué le rapporteur à l'instant, le mieux est l'ennemi du bien.
Nous avons besoin des réservistes, mais, pour que les forces armées disposent d'un plus grand nombre de réservistes, nous avons aussi besoin du soutien et de la bienveillance des employeurs. C'est un point d'équilibre qui n'est pas facile à tracer.
Aujourd'hui, les obligations légales font que les employeurs ne peuvent pas refuser une disponibilité à hauteur de 5 jours à un salarié qui souhaiterait se consacrer à la réserve. Au-delà, il faudrait que l'employeur se justifie.
On peut vouloir changer la loi. Si le résultat de cette élévation du niveau de contrainte pour les employeurs devait être de rendre plus difficile l'embauche de salariés réservistes, nous n'aurions pas atteint l'objectif que nous visons.
M. le rapporteur a rappelé que le ministère était engagé dans une politique partenariale avec les entreprises et les associations d'employeurs, afin de développer les conventions entre le ministère, la réserve nationale et les entreprises.
Nous ne sommes en effet pas encore au but : il y a matière à progresser. Je signerai le mois prochain de nouvelles conventions avec de nouvelles entreprises. Nous savons qu'un effort doit être mené, en particulier en direction des petites et moyennes entreprises. Car, si les grands groupes sont en général au rendez-vous, il nous faut étendre le champ des entreprises favorables à la réserve et qui l'encouragent.
Pour toutes ces raisons, je ne suis pas favorable à l'adoption de ces amendements, même si je partage votre préoccupation de voir s'accroître le nombre de réservistes.
Je voudrai revenir sur l'amendement de repli, no 253, dont les dispositions étaient identiques à celles de mon collègue Fabien Gouttefarde, mais le dispositif beaucoup plus souple, moins contraignant et plus consensuel.
Afin de minimiser l'impact négatif de cette augmentation de la durée de congé de réserve sur l'activité économique des petites et moyennes entreprises, cet amendement prévoit de limiter cette nouvelle obligation aux seules entreprises de plus de 200 salariés, seuil en deçà duquel l'augmentation de la durée de congé de réserve est facultative, et donc laissée à la discrétion de l'employeur.
Aujourd'hui, la réserve citoyenne est indispensable. Elle doit être favorisée, amplifiée. C'est une évidence !
Dans le même temps, nous devons garantir l'égalité entre tous les réservistes. Vous l'avez dit, madame la ministre, ce sont essentiellement les grandes entreprises qui répondent présent et qui signent des conventions avec le Gouvernement. Comment accepter qu'il y ait des inégalités entre les réservistes qui sont salariés de petites et moyennes entreprises, et les réservistes salariés de grandes entreprises ?
Si mon collègue Corbière, dans son amendement, a proposé 20 jours, c'est parce qu'aujourd'hui la durée moyenne d'absence s'approche plutôt des 30 jours, soit 25 jours de plus que les 5 jours autorisés – 25 jours qu'il faut prendre sur ses congés, sur son temps libre : cela représente un gros sacrifice, consenti par de nombreuses personnes.
Nous maintiendrons donc bien évidemment notre amendement, et j'espère que M. Gouttefarde maintiendra le sien, car nous sommes prêts à le voter même s'il est moins ambitieux que le nôtre.
Je comprends tout à fait les amendements qui ont été défendus. Parmi eux, je suis plutôt favorable à l'amendement de repli.
Les pompiers volontaires peuvent quitter leur service, comme les réservistes, pour se rendre sur les lieux d'un sinistre. Or, dans les services départementaux d'incendie et de secours, les SDIS, des conventions sont passées entre les collectivités territoriales et les entreprises privées. Ce système fonctionne relativement bien lorsqu'il existe un accord, lorsque la volonté est là.
Je suis favorable à l'objectif poursuivi ici, mais beaucoup de petites entreprises sont réticentes à cause des nécessités de leur activité économique, et il est délicat de leur imposer des obligations s'agissant d'une réserve qui n'est pas la réserve citoyenne, mais la réserve opérationnelle.
C'est pourquoi je préfère l'amendement de repli, qui facilite l'octroi de jours d'absence par l'entreprise, même si ces jours doivent évidemment être compensés financièrement.
Pour une fois, la seule sans doute cette semaine, je vais reprendre à mon compte les paroles de la ministre : le mieux est l'ennemi du bien.
Quand on a connu des entreprises, petites ou grandes, on mesure que 20 jours correspondent au nombre de jours ouvrés – qui sont entre 20 et 22 – en un mois.
Ce ne sont pas les entreprises qui définissent la politique de défense du pays !
Les plus petites entreprises n'ont absolument pas la capacité financière d'absorber un mois d'absence et de se réorganiser en conséquence, et cela pourrait même mettre certaines d'entre elles en péril ; quant aux grandes entreprises, les réservistes qui font état sur leur CV de leur appartenance à la réserve risquent d'y subir les effets pervers de leur engagement, en devenant moins attractifs sur le marché de l'emploi.
Il faut donc que la volonté vienne des entreprises et que des conventions soient conclues.
L'enjeu est le coût financier : on ne peut pas imposer une charge supplémentaire aux entreprises, sans quoi elles se détourneront naturellement des employés qui font partie de la réserve opérationnelle, et cela créera plus de problèmes que cela n'en résoudra.
Je comprends la démarche de nos collègues, mais elle risque effectivement de faire obstacle au recrutement des réservistes dans les petites entreprises – je pense à tous nos artisans. Des obligations trop exigeantes seront un frein au recrutement.
Mieux vaut privilégier la valorisation de la réserve et la conclusion de conventions. C'est un travail que nous devons faire, peut-être collectivement, que nous soyons de gauche ou de droite, sur le terrain, lorsque nous visitons des entreprises en circonscription.
D'autant qu'un allongement de la durée d'absence autorisée ne permettrait pas de satisfaire le besoin d'une réserve opérationnelle pour plus de 30 jours : de toute façon, il ne résoudrait pas le problème.
Je partage le point de vue de la ministre et du rapporteur. Je formulerai néanmoins trois remarques.
Premièrement, il nous faut manifestement faire en permanence de la pédagogie. Au pays de Lorient comme ailleurs, je constate en effet que la réserve opérationnelle reste mal connue.
Deuxièmement, un chantier est devant nous : convaincre les collectivités locales de s'engager davantage en faveur de la réserve opérationnelle. Je sais que c'est facile à dire, et difficile de bâtir des stratégies avec les collectivités locales, mais nous pouvons et devons progresser sur cette voie.
Troisièmement, je salue la signature par le ministère des conventions avec les organisations d'employeurs, mais, au pays de Lorient comme ailleurs, j'observe que nous avons du mal à territorialiser les conventions. Or les parlementaires que nous sommes peuvent apporter leur concours à cette territorialisation. C'est en tout cas, à mes yeux, un enjeu important pour les prochains mois.
Je suis heureux que le sujet fasse débat et que cette question ait été mise en lumière.
J'invite mes collègues à se demander également pourquoi, alors que le droit du travail est relativement restrictif – 5 jours d'autorisation d'absence seulement – , la durée moyenne de l'ESR atteint presque 37 jours. C'est que, malheureusement, s'il existe une seule réserve opérationnelle, plusieurs coexistent du point de vue sociologique.
Avant d'être élu, j'étais moi-même réserviste. Quand je me rendais dans un service avec les autres réservistes, nous y retrouvions des collègues qui étaient des anciens d'active. Je ne veux absolument pas les mettre de côté ; mais c'est du fait de ce type de personnel que l'on peut atteindre des moyennes aussi élevées. En augmentant le nombre de jours d'absence autorisés, on accroîtrait le nombre de réservistes citoyens, qui sont dans la vie active, dans la société.
Mais je serais tout à fait prêt à me rallier à l'amendement de repli de M. Cubertafon s'il faisait davantage consensus que le mien.
L'amendement no 76 est retiré.
Je soutiens totalement l'amendement de M. Cubertafon. Voici pourquoi. Je rejoins entièrement notre collègue Pueyo au sujet du modèle, de l'exemple à suivre – j'ai été moi-même présidente de SDIS. Il faut ici la même volonté incitative, vis-à-vis des collectivités locales, qui ont un rôle à jouer et peuvent montrer la voie, du MEDEF, dont M. Cubertafon a parlé, ou encore des chambres de commerce. Il est possible de faire du lobbying auprès d'eux. Je suis sûre que nous pouvons ainsi réussir à développer la réserve et à atteindre les objectifs que nous visons.
L'amendement no 34 n'est pas adopté.
L'amendement no 253 est adopté.
Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM.
Deux orateurs sont inscrits sur l'article 11.
La parole est à Mme Séverine Gipson.
Nous venons de voir avec l'article 10 que le Président de la République et le Gouvernement souhaitent le renforcement de la réserve militaire. Quatre autres mesures indispensables sont aussi prévues ici.
La limite d'âge pour les réservistes spécialistes et ceux relevant des corps des médecins, des pharmaciens, des vétérinaires et des chirurgiens sera portée à soixante-douze ans.
Le dispositif d'avancement des réservistes sera revu afin de permettre l'avancement d'officiers ou de sous-officiers de réserve en l'absence de promotion d'officiers ou de sous-officiers de carrière du même corps ou du même grade la même année.
La couverture sociale du réserviste sera améliorée afin de mettre le code de la défense en conformité avec le code de la sécurité sociale, qui a été modifié en 2016.
À l'image de ce qui est appliqué aux militaires d'active, pour tout dommage subi par un réserviste à l'occasion ou en raison de son service, une responsabilité sans faute de l'État sera systématiquement reconnue. Ainsi, les réservistes blessés au cours de leur service pourront bénéficier d'une réparation intégrale et rapide des dommages subis.
Nous ne pouvons que défendre cette ambition, qui vise à soutenir celles et ceux qui s'engagent au service de la France et de la sécurité de nos compatriotes.
L'article 11 fait partie des mesures visant à promouvoir la réserve militaire. Devenir réserviste, c'est choisir de consacrer une partie de son temps à la défense de la France, sans faire du métier des armes sa seule profession. Pour valoriser cet engagement, l'article vise à fidéliser les réservistes et à reconnaître leur investissement au service de la Nation par diverses dispositions incitatives.
L'une d'entre elles facilite l'avancement de grade de ceux qui appartiennent à des corps de spécialistes, où les réservistes sont parfois majoritaires. L'article porte la limite d'âge qui leur est applicable à dix ans au-delà de celle de l'active, afin de permettre au ministère de conserver plus longtemps des compétences et des capacités d'expertise rares et sensibles.
L'article permet également de faire appel aux réservistes, sur demande de l'autorité, moyennant un préavis de quinze jours, dans des situations dans lesquelles les ressources militaires disponibles apparaissent insuffisantes pour réagir à des nécessités ponctuelles et urgentes.
Enfin, en inscrivant dans la loi l'obligation faite à l'État de prendre en charge la réparation des préjudices subis par un réserviste en activité, l'article apporte une véritable garantie à même de les fidéliser.
Je vous invite à voter cet article qui assure l'attractivité de la réserve opérationnelle, l'adapte aux besoins du ministère et permet une meilleure reconnaissance du précieux engagement des réservistes.
Nous en venons aux amendements.
Je suis saisi de l'amendement no 261 du rapporteur, un amendement de cohérence.
L'amendement no 261 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement no 260 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Jean-Pierre Cubertafon, pour soutenir l'amendement no 278 .
Cet amendement vise à pérenniser et à optimiser la mise à jour du fichier national de recensement des militaires retraités opérant au sein de la réserve opérationnelle de niveau 2, qui fait aujourd'hui défaut. Cette mesure permettra un usage plus adapté, plus efficace et surtout plus performant de la réserve. Le fichier retranscrira et actualisera régulièrement les informations relatives à l'identité, au lieu du domicile ainsi qu'à la spécialisation du militaire retraité réserviste. L'expérience et les compétences des réservistes de niveau 2 sont aujourd'hui sous-exploitées, ce qui est très dommageable.
Les membres de la réserve seront tenus de tenir ces informations à jour et de prévenir de tout changement de situation. Conformément au droit en vigueur, la Commission nationale de let des libertés, la CNIL, disposera d'une copie du registre.
Je ne sais pas s'il faut établir un fichier et inscrire cette proposition dans le cadre législatif. Depuis 2016 – une date récente – , chaque force armée, chaque direction et chaque service organisent régulièrement des exercices de rappel de ses réservistes opérationnels de niveau 2 afin d'assurer un meilleur suivi de la disponibilité de sa réserve.
Je préférerais que vous retiriez votre amendement : le dispositif existe ; pourquoi, du reste, l'inscrire dans la loi ?
Vous m'avez convaincu, monsieur le rapporteur. Je retire mon amendement.
L'amendement no 278 est retiré.
La parole est à M. Philippe Chalumeau, pour soutenir l'amendement no 296 .
Le présent amendement a pour objet de valoriser l'engagement dans la réserve opérationnelle pour l'accès à certains concours d'entrée dans la fonction publique.
Il s'agit de permettre aux réservistes opérationnels de faire valoir cet engagement – uniquement la durée des activités effectivement accomplies – pour le calcul de la durée de service exigée pour l'accès aux concours internes de la fonction publique d'État, territoriale et hospitalière, ainsi que pour l'accès aux troisièmes concours des mêmes fonctions publiques. En cas de réussite au concours, cette durée pourra également être prise en compte pour l'avancement.
Monsieur Chalumeau, votre amendement correspond à une intention louable et mériterait un avis favorable. Toutes celles et tous ceux qui effectuent un service civique ou un volontariat international peuvent déjà bénéficier de ce dispositif. Pourquoi ne pas l'élargir encore ? Cependant, comme je ne connais pas bien le dossier, je préférerais, avant d'émettre un avis formel, entendre celui de la ministre.
Le Gouvernement travaille sur ce sujet en lien avec la direction générale de l'administration et de la fonction publique. Je souhaiterais donc que vous retiriez votre amendement au bénéfice des travaux en cours, dont nous vous rendrons compte dès que possible.
La réponse de Mme la ministre me satisfaisant complètement, je retire mon amendement.
L'amendement no 296 est retiré.
Je vais retirer l'amendement no 255 pour défendre le no 345, qui a été endossé par le groupe La République en marche.
L'amendement no 255 est retiré.
Cet amendement porte sur la réserve citoyenne de défense et de sécurité, et le handicap. Cette réserve est constituée de volontaires agréés auprès d'autorités militaires en raison de leurs compétences, de leur expérience, mais aussi de leur intérêt pour les questions de défense. Un réserviste peut donc être sollicité pour des missions qui ne sont pas exclusivement opérationnelles afin de participer aux actions d'information ou de sensibilisation, de contribuer au devoir de mémoire ou de fournir une expertise professionnelle de haut niveau. À diversité de missions, diversité de profils : cet amendement a pour objet de réaffirmer la richesse des différences en favorisant l'admission dans la réserve citoyenne et de défense des citoyens souffrant de limitations fonctionnelles et cognitives, mais néanmoins compétents et talentueux.
Monsieur Taquet, je vous ferai la même réponse que tout à l'heure : il y a déjà beaucoup de choses qui sont faites par le ministère. Lors de notre échange, vous avez réagi au mot « contrainte » que j'avais employé, mais je parlais d'une contrainte administrative ou organisationnelle, non du handicap qui serait une contrainte pour les armées. Comme vous l'avez souligné dans votre première intervention, elles traitent déjà le problème ; donnons-leur des instructions pour les y sensibiliser davantage encore, mais ne les soumettons pas à un cadre trop rigide. Je vous suggère de retirer votre amendement.
L'amendement no 345 est retiré.
L'article 11, amendé, est adopté.
Je suis saisi de deux amendements portant articles additionnels après l'article 11.
La parole est à Mme Marianne Dubois, pour soutenir l'amendement no 357 .
Mes chers collègues, je pense avoir une réponse partielle au problème de la réserve. Cet amendement a pour objet de contribuer à la montée en puissance de la réserve opérationnelle. Il permet à tout salarié de donner de manière anonyme et sans contrepartie certains de ses jours de congé à l'un de ses collègues engagé dans la réserve opérationnelle, pour lui permettre d'effectuer ses activités de réserviste.
Cet amendement présente de multiples avantages. Il permet à tout salarié de participer, même indirectement, à l'effort de défense en offrant du temps de congé à un réserviste. Il est cohérent avec l'objectif de montée en puissance de la garde nationale, alors que la durée d'engagement de droit commun est augmentée de trente à soixante jours par le projet de loi de programmation militaire. Il permet de matérialiser l'engagement de salariés qui n'auraient pas été déclarés aptes à servir dans la réserve opérationnelle ou qui n'en auraient pas la possibilité pour des raisons d'âge, de disponibilité ou de handicap, mais qui souhaiteraient faire don de leur temps. Il repose sur une démarche volontaire et désintéressée, à l'inverse des initiatives tendant à renforcer les contraintes pesant sur les employeurs via un allongement de la durée de mise à disposition obligatoire des réservistes. Il contribue au renforcement du lien entre l'armée et la Nation. Enfin, il propose un dispositif simple et robuste juridiquement, qui s'inspire de ceux créés par les lois de 2014, permettant le don de jours de repos à un parent d'un enfant gravement malade, et de 2018, créant un dispositif de don de jours de repos non pris au bénéfice des proches aidants de personnes en perte d'autonomie ou présentant un handicap.
Sur l'amendement no 357 , je suis saisi par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission ?
Madame Dubois, c'est une belle idée, mais je reste dubitatif. Tout à l'heure, nous avons débattu des jours à accorder aux réservistes dans le code du travail ; mais comment va se faire ce don de jours que vous envisagez ? S'agira-t-il d'une obligation ?
L'employeur sera-t-il obligé de libérer son employé réserviste parce que celui-ci aura reçu une journée de congé de la part d'un collègue ? Je comprends le mécanisme de solidarité que vous voulez créer et je souscris à l'idée ; mais, après le débat qui a conduit à l'adoption de l'amendement de repli de Jean-Pierre Cubertafon, je me pose la question de la faisabilité du dispositif. Comment contraindre une entreprise à accepter qu'un de ses salariés parte en période de réserve grâce à un don de jours de congé ? Je ne sais quel avis donner, car je m'interroge sur la réalisation opérationnelle de la chose. Ne sachant quelle sera la position du Gouvernement, j'émets un avis très réservé.
Madame Dubois, nous comprenons et soutenons votre intention de faciliter autant que possible l'accroissement de la disponibilité des réservistes. Néanmoins, s'il était adopté, cet amendement ferait peser sur l'employeur du salarié bénéficiaire des jours transférés une contrainte, non tant financière mais d'organisation ou de réorganisation de la charge de travail. Nous changeons là de perspective et, pour rendre votre proposition effective, il faut examiner la question en lien avec le ministère du travail – tâche inenvisageable aujourd'hui en séance.
Je m'en tiendrai donc à la même formule que tout à l'heure : à ce stade, le mieux est l'ennemi du bien, ce qui ne veut pas dire que votre proposition n'est pas utile. Je me propose de l'évoquer avec ma collègue ministre du travail pour voir comment nous pouvons avancer dans cette voie.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 47 |
Nombre de suffrages exprimés | 44 |
Majorité absolue | 23 |
Pour l'adoption | 18 |
contre | 26 |
L'amendement no 357 n'est pas adopté.
Cet amendement propose que le Gouvernement remette au Parlement, avant le 30 juin 2019, un rapport visant à examiner les moyens de rendre la réserve opérationnelle plus attractive et de favoriser la fongibilité entre cette réserve et l'entreprise, en particulier pour les métiers en tension comme l'informatique, les professions juridiques et la cyberdéfense.
En effet, les recrutements sont d'ores et déjà difficiles à réaliser et on envisage d'ouvrir 6 000 postes supplémentaires dans des métiers où l'armée est peu attractive, sachant que les entreprises ont et auront dans les prochaines années des besoins importants. Cela est particulièrement vrai dans les secteurs très concurrentiels avec le privé comme la cyber ou la mécanique aéronautique.
S'agissant des ressources rares, ne pourrait-on envisager un partage du temps ou considérer que toute activité de réserviste représente une contribution de l'entreprise à la formation de ses salariés ? Cet amendement vise à intégrer cette réflexion dans la réforme à venir de la formation professionnelle.
Le développement d'expertises serait de surcroît un atout pour l'entreprise qui serait ainsi incitée à faciliter le partage de ses talents avec l'armée à travers la réserve opérationnelle. Je compte sur vous, chers collègues !
Monsieur Bazin, vous demandez un rapport ; vous devinez mon avis.
Vous parlez de certains métiers en tension comme l'informatique, les professions juridiques et la cyber. Je ne parlerai que de cette dernière pour essayer de vous convaincre de retirer votre amendement. En matière de cyber, les liens entre le monde de l'entreprise et la garde nationale sont de plus en plus resserrés. Ainsi, on a créé une réserve citoyenne cyberdéfense, constituée de bénévoles compétents, dont l'objectif est de sensibiliser la Nation aux enjeux de la cyberdéfense.
Il existe en outre une réserve opérationnelle de cyberdéfense, prévue par le Pacte défense cyber de 2014, qui représente un véritable réservoir de forces mobilisable en cas de crise majeure sur le territoire national. L'objectif à atteindre pour 2019 – c'est-à-dire demain – est de porter cette réserve de cyberdéfense à 4 440 personnes, réparties comme suit : 40 postes permanents dans vingt régions, y compris d'outre-mer ; 400 réservistes opérationnels, dont 200 en régions d'outre-mer ; et 4 000 citoyens mobilisables sur l'ensemble du territoire national, tous ces réservistes étant liés à la cyberdéfense dans leur vie professionnelle.
Si l'on met de côté l'idée de rapport, la volonté qu'exprime votre amendement est satisfaite. Je vous invite donc à retirer votre amendement.
Je comprends vos arguments, mais le problème, pour les entreprises, demeure. Pour que leurs salariés puissent s'engager dans la réserve, il faut qu'il s'agisse d'une relation gagnant-gagnant. Or, aujourd'hui, le système n'est pas assez incitatif. L'effort – bienvenu – de cartographier les besoins de nos régiments, qui répond à la volonté de régulation et d'aménagement du territoire, montre que, dans certaines zones, il existe des pénuries. Ce n'est pas le cas en Île-de-France ni en Bretagne – et cela se comprend par rapport au nombre des centres de formation – , mais là où les ressources sont rares, notamment dans les territoires périphériques, il faut pouvoir les apporter à la fois aux entreprises et aux régiments.
Il s'agirait d'une relation gagnant-gagnant, puisque les cyberacteurs reviendraient dans leur entreprise dotés d'une plus grande expertise ; l'entreprise serait elle aussi gagnante, notamment en matière de protection des données. Avec le règlement européen en cours d'approbation, cela permettrait une avancée notable.
Je pense que c'est une piste de travail qu'il convient de creuser. Je maintiens donc l'amendement.
L'amendement no 67 n'est pas adopté.
L'article L. 4261-1 du code de la défense prévoit qu'un décret définira la composition du conseil supérieur de la réserve militaire. La participation de parlementaires à ce dernier est prévue à l'article D. 4261-2 du même code.
Le conseil est composé de plusieurs collèges, notamment celui des représentants du Parlement et celui des représentants de l'administration. Au total, soixante-dix-neuf membres sont répartis dans sept collèges. Il s'agit d'un organisme de réflexion et de proposition dont la mission majeure est de contribuer à l'évolution du rôle des réserves militaires au service de la défense, de la sécurité et de la cohésion nationale. Il apparaît comme l'organe de consultation des réservistes militaires et un lieu d'échanges sur toutes les questions d'ordre général relatives à la mise en oeuvre de la loi portant organisation de la réserve.
Je souhaite rappeler à la représentation nationale que, depuis le 13 octobre 2016 et la création de la garde nationale à la suite des vagues d'attentats terroristes, le secrétaire général du conseil supérieur de la réserve militaire occupe également les fonctions de secrétaire général de la garde nationale. La loi pour la confiance dans la vie politique, que nous avons adoptée en août dernier, a modifié l'article L. O. 145 du code électoral. Or cette loi organique dispose qu'un parlementaire ne peut être désigné en cette qualité dans une institution ou un organisme extérieur qu'en vertu d'une disposition législative qui détermine les conditions de sa désignation. Aussi cet article vient-il répondre à cette nouvelle disposition. Il a pour but de définir un nouveau cadre légal pour les nominations de parlementaires, tant pour l'Assemblée nationale que pour le Sénat, concernant le conseil supérieur de la réserve militaire.
L'article 11 bis est adopté.
Cet article est dans le même esprit que le précédent. Il mérite notre attention, car il souligne lui aussi l'importance des organismes extraparlementaires, comme le conseil supérieur de la réserve militaire ou, en l'occurrence, le conseil consultatif de la garde nationale.
Ce conseil consultatif a été créé en octobre 2016 à la suite des attaques terroristes sans précédent qu'a connu notre pays. La garde nationale s'appuie aussi bien sur un pilier défense, regroupant les réserves opérationnelles des armées, que sur un pilier intérieur, constitué des réservistes de la police nationale et de la gendarmerie nationale. Dotée d'un budget de 311 millions d'euros relevant du ministère de la défense et du ministère de l'intérieur, la garde nationale sera confortée par des mesures visant à en renforcer l'attractivité, comme l'encouragement à l'engagement de la jeunesse, l'incitation des employeurs à l'engagement de leurs salariés et la fidélisation des réservistes ayant déjà intégré la garde nationale.
À l'instar du précédent, s'agissant du conseil supérieur de la réserve militaire, cet article donne un nouveau cadre légal à la désignation par le président de l'Assemblée nationale et par le président du Sénat d'un député et d'un sénateur pour siéger au conseil consultatif de la garde nationale.
L'article 11 ter est adopté.
La parole est à M. Philippe Dunoyer, pour soutenir l'amendement no 157 , portant article additionnel après l'article 11 ter.
À la suite d'un échange avec mon collègue Jean-Christophe Lagarde, qui avait évoqué longuement le sujet dans l'hémicycle hier et en avait discuté avec le rapporteur, il a été décidé de retirer l'amendement.
L'amendement no 157 est retiré.
La parole est à Mme Josy Poueyto, pour soutenir l'amendement no 256 , portant article additionnel avant l'article 12.
Cet amendement est le corollaire de l'amendement no 185 , présenté à l'article 2. Il vise à préciser le souhait du législateur d'équiper et de protéger au mieux les personnels militaires combattants. Il s'agit de prévoir que le Gouvernement remettra au Parlement, dans un délai de six mois après la publication de la présente loi, un rapport examinant la mise en oeuvre d'un plan de réduction du traumatisme sonore des personnels combattants sur la période 2019-2025. Le choix de la remise d'un rapport par le Gouvernement nous est imposé par la rigueur du filtre de l'article 40 de la Constitution, mais il s'agit bien évidemment d'établir un véritable plan de réduction du traumatisme sonore, qui passerait notamment, comme c'est déjà le cas pour les armées américaine et suédoise, par l'équipement des personnels combattants en instruments de protection auditive active.
Une prise de position de Mme la ministre sur ce sujet sensible, qui touche à la santé de milliers de jeunes gens, âgés de vingt-quatre ans en moyenne, serait particulièrement bienvenue. D'ici 2025, ce sont en effet près de 6 000 jeunes qui seraient concernés, avec les conséquences traumatiques et invalidantes que l'on connaît, associées aux difficultés de reconversion dans le civil en tant que travailleurs handicapés. Selon le rapport Audibert Troin sur la prise en charge des blessés, les traumatismes sonores constituent la première cause de blessure militaire, avec plus de 1 100 nouveaux cas par an – suivant les chiffres du service de santé des armées, en liaison avec la direction générale de l'armement – , pour un coût de 25 millions d'euros par an, alors que l'achat des équipements de protection ne représenterait que 5 millions d'euros.
Je précise que j'ai présenté cet amendement au nom de M. Jean-Paul Mattei, qui a dû partir.
Nous avions abordé le sujet avec M. Mattei hier soir. L'intérêt que vous lui portez est compréhensible : il est nécessaire de réduire le traumatisme auditif chez nos jeunes soldats. Néanmoins, je ne sais pas si un rapport supplémentaire permettra de résoudre cette difficulté-là.
Comme je l'ai déjà dit hier soir, je propose que ce soit dans le cadre de la commission de la défense que nous réfléchissions à la question, en liaison avec le service de santé des armées, afin de voir comment mettre en oeuvre, dans le cadre de la loi de programmation militaire, un plan ou tout au moins des mesures visant à la réduction des traumatismes auditifs chez nos soldats.
Je vous propose donc de retirer l'amendement.
Madame la députée, vous appelez notre attention sur un réel problème, auquel le ministère des armées est très sensible. Vous avez raison de souligner le coût financier de ces traumatismes sonores, au-delà de leur coût humain. C'est la raison pour laquelle un plan de prévention des acouphènes et de la surdité est en cours d'élaboration. Je serai ravie de vous en présenter les grandes lignes dès qu'il sera finalisé. En attendant, je souhaiterais que vous retiriez votre amendement.
L'amendement est retiré. Cela m'intéresserait de participer à ce travail en commission, monsieur le rapporteur.
L'amendement no 256 est retiré.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 12.
La parole est d'abord à Mme Émilie Guerel.
L'article 12 rend éligible au congé de reconversion et au congé complémentaire de reconversion qui en découle, sans condition d'ancienneté de service, tout militaire blessé en service ou victime d'une affection survenue lors de l'exercice de ses fonctions.
En l'état actuel du droit, le code de la défense prévoit que le militaire, lorsqu'il a accompli au moins quatre années de service, peut bénéficier d'un congé de reconversion d'une durée maximale de cent vingt jours ouvrés. Ce droit est aussi ouvert, sans condition d'ancienneté de service, aux militaires blessés en opération de guerre, en opération qualifiée d'opération extérieure ou en opération de sécurité publique ou de sécurité civile définie par décret. Dès lors, les militaires ayant moins de quatre ans de service n'ont pas droit au congé de reconversion prévu dans le code de la défense. Il en va de même pour les militaires blessés en service hors des opérations susmentionnées.
La présente mesure vise à accompagner dignement dans son retour sur le marché de l'emploi tout militaire blessé en service ou victime d'une affection survenue du fait ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, et cela sans condition d'ancienneté de service.
Merci, monsieur le président, de me donner la parole sur un sujet qui me tient particulièrement à coeur : celui des blessés de guerre.
Le présent projet de loi de programmation militaire veut être à hauteur d'homme. De fait, si l'accompagnement quotidien des soldats déployés et de leurs familles est essentiel, en amont avec la préparation opérationnelle, la gestion du retour se doit d'être considérée à sa juste importance. Le retour n'est jamais évident à gérer, surtout s'il s'accompagne de séquelles physiques ou psychologiques. Nos blessés doivent être suivis dans la durée, même lorsqu'ils ont quitté l'institution militaire. La reconversion réussie d'un soldat blessé s'apparente parfois à une bataille, mais ce texte, et particulièrement cet article, qui étend le congé de reconversion à tout militaire blessé en service, nous donne des armes efficaces pour la mener.
La bataille de la réinsertion n'est pas anodine. À nous de la mener sur plusieurs fronts : l'amélioration continue du service de santé des armées, engagé dans une réforme importante que notre commission suit avec attention ; le développement des partenariats avec les grandes entreprises et des relations de proximité avec les petites et moyennes entreprises ; les missions confiées à l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre. Beaucoup reste à faire ; il y va de notre responsabilité.
Comme le souligne le général Bosser : « Soutenir nos blessés, c'est vouloir faire triompher avec eux le courage sur la peur, la détermination sur la souffrance et la fraternité sur la solitude. »
J'associe ma collègue Annie Genevard à mon intervention.
Au cours des trente dernières années, nos forces armées ont été de plus en plus sollicitées, et le nombre de blessés parmi les militaires et les gendarmes est en augmentation régulière. Cela pose la question du reclassement des membres de nos forces armées qui sont blessés dans le cadre de leurs missions. Ne répondant plus aux critères d'aptitude médicale exigés, ils sont souvent reclassés dans des unités opérationnelles où le travail n'est pas adapté à leur condition physique ou, de manière regrettable, ils se retrouvent au chômage. Jusqu'alors, l'armée les orientait vers des postes dits d'environnement, nécessitant moins d'engagement opérationnel. Or le nombre de ces postes est en baisse constante. Cela s'explique notamment par la substitution de civils aux militaires dans les postes de soutien ou d'administration des armées et de la gendarmerie nationale, aux dépens des professionnels de l'armée qui servent leur pays avec un investissement admirable et dont les compétences et l'expérience professionnelle restent inexploitées.
Aussi, bien que le ministre de l'intérieur, lors de la présentation de la police de sécurité du quotidien, ait précisé que les substitutions seraient multipliées dans les prochaines années, j'appelle votre attention sur la possibilité d'ouvrir à ces militaires le reclassement dans des postes de soutien et d'administration de l'armée et de la gendarmerie nationale. Il s'agirait de donner suite à une pratique ancienne et logique, en créant un dispositif légal sur ce sujet d'une importance primordiale. Il s'agirait, surtout, de reconnaître le travail des membres de nos forces armées et de leur assurer une carrière plus longue et digne de leur engagement.
L'article 12 est adopté.
Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l'article 12.
La parole est à M. Philippe Chalumeau, pour soutenir l'amendement no 294 .
Cet amendement tend à permettre à un militaire de faire don de jours de permissions ou de congés de fin de campagne non utilisés en faveur d'un autre militaire soutenant son conjoint, son concubin ou son partenaire ou un enfant à charge de plus de vingt ans, malade, gravement accidenté ou handicapé. La gravité de la maladie, du handicap ou de l'accident de la personne, nécessitant une présence indispensable, devrait être attestée par un certificat médical détaillé.
Un tel article compléterait le dispositif existant, ouvert à l'ensemble des agents publics, y compris aux militaires, mais réservé à ceux assumant la charge d'un enfant de moins de vingt ans malade, gravement accidenté ou handicapé.
Votre amendement, monsieur Chalumeau, vise à traduire dans les faits, pour les militaires, la loi du 13 février 2018 – qui est donc très récente. Le Gouvernement travaille à un décret d'application de cette loi. Attendons sa publication ! On ne va pas inscrire dans la loi un dispositif qui figure déjà dans une autre loi et qui doit faire l'objet d'un décret d'application. Un peu de patience !
Je vous propose donc de retirer l'amendement.
L'amendement no 294 est retiré.
La parole est à M. Philippe Chalumeau, pour soutenir l'amendement no 295 .
Cet amendement vise à clarifier le droit en vigueur, source potentielle d'une rupture d'égalité entre les militaires et les personnels civils du ministère des armées, s'agissant du don de jours de permissions ou de jours de repos.
Cette possibilité a été ouverte à la fonction publique par deux décrets du 28 mai 2015. Le décret permettant à un agent public civil le don de jours de repos à un autre agent public parent d'un enfant gravement malade autorise ainsi un agent public civil à renoncer anonymement et sans contrepartie à tout ou partie de ses jours de repos non pris.
Afin de clarifier les dispositions en vigueur, il est proposé, par cet amendement, d'élever au niveau législatif les dispositions actuelles relatives au don, par un militaire, de jours de permissions à un autre militaire ou à tout agent public civil relevant du même employeur, d'indiquer clairement que les militaires peuvent être bénéficiaires d'un don de jours de repos par un agent public civil relevant du même employeur, et de renvoyer à un décret en Conseil d'État la fixation des modalités d'application du présent article, afin de préciser la rédaction du décret no 2015-573 du 28 mai 2015.
Ce ne sera pas exactement la même réponse que précédemment, mais comme vous rappelez ici que l'état du droit est fixé par un décret du 28 mai 2015, cela veut dire que vous voulez placer au niveau législatif ce qui relève actuellement du niveau réglementaire. Je me pose donc encore la même question : ne tourne-t-on pas un peu en rond en complexifiant des textes de loi que nous jugerons après trop complexes ? Je ne sais pas ce qu'en pense le Gouvernement, mais mon avis est réservé.
Nous travaillons sur un projet de décret. Je puis d'ores et déjà vous promettre, monsieur le député, qu'il prévoira la possibilité pour un agent public civil de transférer ses jours de repos non pris à un agent public militaire. Par conséquent, j'aimerais que vous nous laissiez finir notre travail et que vous retiriez votre amendement.
L'amendement no 295 est retiré.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement no 53 rectifié .
La mise en place d'un compte épargne permission pour les militaires sur la base du compte épargne temps correspond à une réelle attente. Cela contribuerait à mieux organiser le régime des permissions, à proposer des mesures de fidélisation et d'intéressement, tout en tenant compte des impératifs militaires. D'où la demande d'un rapport du Gouvernement
« Ah ! » sur les bancs du groupe LaREM
Monsieur Bazin, je ne vais pas encore vous satisfaire, j'en suis désolé. Ce n'est pas en raison du rapport, mais de l'idée qui le sous-tend : je me demande si la mise en place d'un tel compte ne contreviendrait pas au statut des militaires, qui prévoit une obligation de disponibilité en tout temps et à toute heure. Je vous rappellerai que les permissions ne constituent en aucun cas un droit opposable comme le droit à congé des salariés du privé. Ce n'est donc pas une très bonne idée, et le rapport me paraît moins justifié que le retrait de votre amendement.
Monsieur le député, il me semble que l'important, c'est que les militaires puissent prendre leurs permissions. Je serai en mesure, si vous le demandez, de vous fournir un certain nombre d'éléments qui montrent que la capacité de nos militaires à les prendre s'améliore. Le droit à permission n'est pas encore exercé à 100 %, mais ce taux est en train de s'élever. Nous allons dans la bonne direction et, plutôt que de vouloir monétiser du temps, je pense qu'il est important que nos militaires puissent vraiment prendre leurs jours de permission.
… et j'aimerais qu'on puisse échanger sur le sujet lors de votre prochaine audition ou dans un autre cadre.
La parole est à Mme Fannette Charvier, pour soutenir l'amendement no 356 .
Depuis une trentaine d'années, les forces armées de notre pays sont engagées de manière croissante, ce qui se traduit par un nombre de tués qui double tous les dix ans depuis 1970 et par un nombre de blessés en augmentation régulière, en particulier lorsqu'on y inclut la gendarmerie nationale, confrontée au développement important et rapide d'une violence contre ses membres sur le territoire national. En parallèle, dans un souci de recentrage sur le coeur de métier et de meilleure gestion, les gouvernements successifs ont souhaité procéder à des substitutions de postes de militaires par des civils dans les fonctions de soutien et d'administration des armées et de la gendarmerie nationale. Conséquence : d'un côté, plus de blessés sur le terrain, et, de l'autre, moins de militaires dans l'administration. Le commandement dispose de moins en moins de postes d'environnement lui permettant de reclasser ses subordonnés souffrant d'inaptitudes. Comment reclasser aujourd'hui ces militaires ? Faute de solution satisfaisante, certains reclassements s'opèrent dans les unités opérationnelles, limitant la capacité opérationnelle de l'unité et aggravant la charge de travail des autres militaires. Pour d'autres, et malgré les dispositifs existants, la réforme conduit au chômage en raison des difficultés de reclassement. Pouvons-nous considérer de la sorte ces femmes et ces hommes qui ont payé de leur personne et risqué leur vie afin de protéger la nôtre ? Ne peut-on pas exploiter leur riche expérience et leurs compétences professionnelles directement en les reclassant dans des postes de soutien et d'administration des forces armées ?
Mon amendement demande un rapport du Gouvernement sur ma proposition, car celui que j'avais déposé initialement a été jugé irrecevable au titre de l'article 40. Il visait à compléter l'article 4139-2 du code de la défense en prévoyant la possibilité pour les militaires réformés pour raisons de santé d'un reclassement dans un emploi civil de leur armée d'appartenance et précisait que ce reclassement serait de droit si le militaire était réformé à la suite d'une blessure reçue dans l'accomplissement de sa mission opérationnelle. Je rappelle que le texte propose, à l'article 15, d'habiliter le Gouvernement à modifier entre autres les articles 4139-2 et 4139-3 du code de la défense. Aussi, madame la ministre, s'agit-il d'un amendement d'appel afin d'attirer votre attention sur ce réel sujet d'inquiétude pour les femmes et les hommes qui composent nos forces armées.
Madame Charvier, au-delà du fait que vous demandez un rapport – et vous connaissez mon opinion sur les rapports – , je souligne que les personnels de santé, comme ses collègues et sa hiérarchie, sont en pleine solidarité active avec le militaire blessé. Je dois dire qu'il ne peut y avoir de solution unique : chaque militaire blessé doit recevoir une réponse individualisée et appropriée par rapport à sa blessure et aux possibilités de retour à son poste, de maintien dans son arme ou de reconversion. Et je sais qu'au sein de l'agence de reconversion de la défense, des personnels spécialement formés et nombreux – je pense à ceux qui exercent des fonctions de conseil – agissent au quotidien auprès de nos soldats blessés pour trouver des solutions satisfaisantes, pour nos armées bien entendu, mais surtout pour les intéressés. Je ne suis pas sûr qu'en encadrant leur activité par une loi nous répondrions à la difficulté que vous évoquez. Je pense que Mme la ministre apportera des précisions sur l'action menée par son ministère auprès de ces militaires blessés. Il faut continuer à agir en ce sens et au plus près de l'individualisation de la reconversion quand celle-ci est indispensable. C'est à ces conditions que nous trouverons les réponses les plus adéquates possible. Cette problématique est déjà prise en compte par le ministère, et je souhaite donc que vous retiriez votre amendement.
Pour aller dans le sens de ce que vient de dire M. le rapporteur, je souligne qu'il y a une vraie action au sein du ministère en direction des blessés, y compris bien sûr s'agissant de leur reconversion, car c'est un but essentiel pour les armées, qui intègrent dans d'autres services de nombreux militaires blessés, il faut le savoir, y compris avec des handicaps lourds. Il convient également de mentionner l'action de l'ONAC – l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre – qui prend en charge des validations des acquis de l'expérience et des formations professionnelles spécifiques avec les organismes idoines. Le suivi est très personnalisé. Les services du ministère accompagnent et essaient de trouver une solution pour chaque blessé qui ne peut reprendre son métier dans l'armée d'active, la difficulté la plus importante touchant les blessés psychologiques, dont l'évolution de la maladie est parfois compliquée, raison pour laquelle ils font l'objet d'une attention toute particulière.
Si vous souhaitez travailler le sujet dans le cadre de la commission, Mme la ministre et moi-même sommes bien sûr à votre disposition. Cela étant, à défaut d'un retrait, l'avis serait défavorable.
Le ministère s'engageant à poursuivre ses efforts, je retire mon amendement, monsieur le président.
L'amendement no 356 est retiré.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement no 72 rectifié .
L'article 12 de la loi du 28 juillet 2015 avait prévu, dans un délai de dix-huit mois à compter de sa promulgation, un rapport sur la concertation – notion qui me tient particulièrement à coeur – et le dialogue social au sein de nos armées. Ce rapport n'a jamais été publié ou diffusé.
Sourires.
Or il serait intéressant de faire un bilan de l'existant et de proposer de nouvelles pistes pour répondre aux attentes. Vous m'avez dit en commission, monsieur le rapporteur, que ce rapport était au Palais-Bourbon : l'avez-vous retrouvé ? Si ce n'est pas le cas, je vous propose d'émettre un avis favorable sur cet amendement.
Sourires
Oui, monsieur le député, je vous l'ai effectivement dit en commission la semaine dernière, car il a été remis à notre assemblée dans le cadre de l'exécution de la loi que vous avez mentionnée. Et je vous en ferai parvenir un exemplaire dès que je l'aurai trouvé, si vous retirez l'amendement – sinon, pas d'exemplaire !
Sourires.
Je ne vois pas cela comme du chantage, mais comme une preuve de co-construction, et donc je le retire. Je vais surveiller le courrier tous les jours.
Sourires.
Pour une fois, j'ai dit une bêtise : le rapport est sur mon bureau, mais…
Sourires.
… je sais qu'il a été envoyé il y a quelques jours à l'ensemble des collaborateurs des groupes politiques de l'Assemblée nationale. Vous avez donc reçu ce rapport par ailleurs pas très épais – il fait une dizaine de pages.
Par souci d'équité, serait-il possible de l'envoyer à tous les membres de la commission de la défense, et même au-delà, pour que les non inscrits puissent y avoir accès ?
Si vous pouviez aussi m'en envoyer un exemplaire personnel, je suis preneur.
L'amendement no 72 rectifié est retiré.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 13.
La parole est à Mme Patricia Mirallès.
Cet article insère à l'article L. 12 ter du code des pensions civiles et militaires de retraite les mots : « et les militaires », après le mot : « fonctionnaires ». Il est ainsi rappelé que celles et ceux de nos soldats qui éduquent à leur domicile un enfant handicapé peuvent, eu égard au temps qu'ils lui consacrent, bénéficier d'une majoration allant jusqu'à quatre trimestres de leur durée d'assurance nécessaire pour percevoir une retraite à taux plein. Par ce dispositif, nous nous honorerons en tenant compte des difficultés rencontrées par les familles de militaires touchées par le handicap et qui doivent concilier celui-ci avec les fortes sujétions du statut.
J'interviens pour conforter ce que vient de dire ma collègue. L'article 13 obéit à une logique d'harmonisation du dispositif existant, car ce dernier prévoit à ce jour – uniquement pour les fonctionnaires – une majoration de durée d'assurance pour avoir élevé au domicile familial un enfant de moins de vingt ans atteint d'une invalidité égale ou supérieure à 80 %. Comme nous le savons, élever un enfant handicapé n'est pas aisé. Aussi, afin de tenir compte des difficultés à la fois personnelles et professionnelles qu'ils peuvent rencontrer, le législateur a prévu de les faire bénéficier de ce régime dérogatoire. Or les militaires sont exclus du champ du dispositif en raison de la référence aux seuls fonctionnaires dans le texte en vigueur. De surcroît, non seulement cette nouvelle mesure harmonisera le statut des militaires par rapport à celui des fonctionnaires, mais elle aura pour effet de lutter contre la précarisation des femmes, souvent plus concernées par l'arrêt d'une activité professionnelle pour élever un enfant handicapé.
La lecture de cet amendement pourrait vous faire croire que nous demandons la simple remise d'un rapport, mais il n'en est rien. L'octroi d'une majoration de durée d'assurance pour l'éducation d'enfant handicapé s'est appliqué depuis 2004 aux militaires. Or, depuis l'été 2017, le service des retraites de l'État en refuse le bénéfice aux militaires, à l'occasion du calcul de leur pension, au prétexte que le texte a utilisé le terme de « fonctionnaires ».
L'article 13 du projet de loi de programmation militaire est écrit comme la création d'un nouveau droit, au lieu de préciser la lecture à faire d'un droit déjà existant. Cette formulation complique l'application de ce droit aux militaires. Il est important que les militaires concernés puissent bénéficier de cette mesure sans discontinuer depuis 2004.
Monsieur le député, nous avons tout à l'heure parlé des sous, mais vous, vous êtes un filou.
Vous faites mine de demander un rapport pour échapper aux fourches caudines de l'article 40.
C'est justement parce que je n'y ai pas échappé que j'ai demandé un rapport !
Je suis par conséquent opposé à la remise de ce rapport, et c'est pourquoi je me permets de vous dire que vous êtes un filou !
Sourires
La remise d'un rapport avant le 30 juin 2019 sur l'application de l'article L. 12 ter du code des pensions civiles et militaires de retraite aux militaires de 2004 à 2018 ne présentera qu'un intérêt extrêmement limité. Ce dispositif a été utilisé sur une base réglementaire jusqu'au moment où il a été constaté que la disposition ne bénéficiait juridiquement pas aux militaires, le texte de loi ne le précisant pas – ce à quoi l'article 12 ter remédie.
Au titre du passé, le Gouvernement a évalué le nombre de militaires qui n'ont pas pu bénéficier de cette mesure : il n'en existe qu'un seul.
Dans ces conditions, vous avez toutes les informations et le rapport ne me semble pas nécessaire. Par ailleurs, le projet de loi de programmation militaire, au travers de l'article 12 ter que nous venons d'adopter, me semble répondre aux diverses situations auxquelles nous pourrions être confrontés, et que j'espère aussi peu nombreuses.
Je retire mon amendement, en espérant que l'économie dégagée par cette renonciation au rapport puisse être offerte à cette charmante personne.
Sourires
L'amendement no 61 est retiré.
L'article 13 est adopté.
L'article 13 bis est adopté.
La parole est à M. Jean-Marie Fiévet, premier orateur inscrit sur l'article.
L'entrée en vigueur de la loi no 2016-483 du 20 avril 2016, relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, a créé un vide juridique pour les personnels à statut d'ouvrier des établissements industriels de l'État. Cet article propose de rétablir le cadre juridique qui leur était applicable en matière de cumul d'activités et de reconduire l'indemnité volontaire de départ à leur profit.
Je vous propose, chers collègues, d'adopter cet article afin de protéger le statut de 20 000 agents dont plus de 16 000 travaillent au ministère des armées.
Lors de la discussion des amendements en commission, on m'a demandé de retirer certains d'entre eux, au prétexte qu'une mission était en cours et que le projet de loi relatif aux données personnelles était en navette entre les deux chambres. Je tiens donc à vous rappeler les engagements exprimés, à savoir la prise en compte dans le cadre du règlement général sur la protection des données des demandes des associations professionnelles nationales de militaires. Je proposais en effet que les dispositions du code de la défense leur soient étendues, notamment par rapport aux fichiers de militaires adhérents. Il est en effet important d'intégrer cette problématique liée aux fichiers au niveau de nos armées, avec la protection que nous leur devons. Il convient donc de leur garantir ce droit et je viens, madame la ministre, relayer cette nécessité.
L'article 14 est adopté.
Cet amendement tend à ouvrir l'accès aux instances de concertation du niveau d'une force armée ou d'une formation rattachée dans des proportions identiques à celui de l'accès au conseil supérieur de la fonction militaire.
Vous avez donné un avis défavorable à cet amendement, mais j'insiste sur ce point qui nous semble important.
Vous soulevez un sujet important, en effet, monsieur le député, mais je vous répéterai ce que je vous ai dit en commission : les associations professionnelles nationales de militaires, les APNM, constituent un nouveau dispositif que nous n'avons pas eu le temps d'évaluer. Nous avons reçu toutes les APNM en octobre, puis les trois APNM représentatives et homologuées par le ministère dans le cadre de l'examen de ce texte. Aujourd'hui, nous devons conforter ces créations d'APNM, et les fédérations entre elles, pour qu'elles soient encore plus représentatives et répondent aux critères fixés par la loi.
La solution que vous proposez avait été envisagée dans la loi de 2015, mais nous lui avions préféré le dispositif actuel. Donnons-nous un peu de temps pour l'évaluer, voyons comment les APNM existantes ou celles qui sont agréées peuvent répondre aux critères de la loi, et de quelle manière la fédération de quelques-unes pourrait intégrer le conseil supérieur de la fonction militaire. C'est pour ces raisons que nous avons besoin d'évaluer.
Parce que vous êtes un homme patient, je vous propose de retirer votre amendement.
Patient et filou tel une Tunique bleue, j'accepte de le retirer pour donner plus de chances à l'amendement suivant.
L'amendement no 63 est retiré.
Aujourd'hui, peuvent siéger au conseil supérieur de la fonction militaire les associations professionnelles nationales de militaires. Toutefois, les seize sièges ouverts au CSFM à ce titre – soit un quart des sièges de cette instance de concertation – restent aujourd'hui vacants.
En effet, l'obligation de représenter trois forces armées apparaît difficile à remplir en pratique, à court terme, pour des associations ou des unions naissantes, compte tenu des très forts effectifs que cette addition représente.
Afin de rendre l'objectif plus accessible et de créer un effet d'entraînement, cet amendement tend à ouvrir une période transitoire, durant laquelle la représentation de deux forces armées et de deux services suffira pour accéder au conseil supérieur de la fonction militaire.
Monsieur le député, vous venez d'inventer un nouveau genre, en nous présentant en une seule fois l'amendement et l'amendement de repli. Dans le premier paragraphe de l'amendement, vous demandez de passer de trois à deux le nombre de forces armées représentées pour pouvoir siéger au CSFM. Dans le second, vous proposez d'instaurer une période transitoire. De manière quelque peu contradictoire, vous présentez à la fois la disposition et la disposition de repli. Je ne peux donc que donner un avis défavorable à cet amendement.
Je compte sur votre sagacité pour trouver le moyen de faire siéger au plus vite les APNM au sein du CSFM. Je retire mon amendement.
L'amendement no 62 est retiré.
L'article 14 bis souligne utilement la liberté de nos soldats d'appartenir à une association professionnelle nationale en modifiant les dispositifs de l'article L. 4123-8 du code de la défense.
Cette insertion s'inscrit dans la continuité de la loi du 28 juillet 2015 et rappelle la liberté pour nos militaires de s'organiser en toute indépendance, afin de préserver et promouvoir leurs intérêts.
L'article 14 bis est adopté.
L'article 14 ter est adopté.
La parole est à Mme Pascale Fontenel-Personne, première oratrice inscrite sur l'article.
Ce projet de loi de programmation repose sur des femmes et des hommes formés, entraînés et pleinement intégrés à la nation. À hauteur d'homme, ce texte dote les armées des moyens nécessaires pour exercer leurs missions et accompagner chaque militaire au cours de sa carrière.
L'article 15 permettra au Gouvernement de mettre en oeuvre rapidement son programme, et notamment d'actualiser des dispositions essentielles dans le domaine des ressources humaines.
Cette habilitation permettra à des militaires blessés de bénéficier d'un congé de blessé pour certaines opérations. Elle simplifiera les procédures de reconversion des militaires dans la fonction publique et prolongera le dispositif de l'indemnité de départ volontaire accordé.
Elle donnera plus de souplesse à ces dispositifs, garantira aux militaires plus de sécurité professionnelle et offrira davantage de visibilité aux employeurs. Les armées pourront anticiper et inciter les départs de militaires pour des métiers prioritaires. Elles s'adapteront ainsi aux nouveaux besoins auxquels elles sont confrontées.
Cet article 15, qui a pour objectif de permettre au Gouvernement d'ajuster ses mesures et d'améliorer leur efficience, est bienvenu.
Madame la ministre, permettez-moi de vous rappeler une nouvelle fois les engagements pris en commission. Cet article 15 vise à proroger des mesures qui ont été prévues dans la loi de programmation militaire pour 2014-2019, créant des dispositifs pour inciter au départ ou anticiper un départ.
Compte tenu de la volonté de conserver une armée jeune, il conviendrait d'inscrire ces dispositifs dans le statut général des militaires puisqu'il s'agit d'une réponse durable aux problématiques qui se posent à nos militaires.
Or, j'ai dû retirer l'un de mes amendements car une mission conjointe à l'inspection générale des finances et au contrôle général des armées était en cours.
Par ailleurs, un autre de mes amendements, discuté pourtant en commission, n'a pas passé les fourches caudines des services de la séance. Je vous ai épargné, chers collègues, une nouvelle demande de rapport. Pourtant, ma demande était légitime : ouvrir la possibilité d'engagement à servir dans la réserve à tous les militaires qui bénéficient d'une aide au départ ou à la reconversion. Or, aujourd'hui, le cumul entre une pension afférente au grade supérieur – PAGS – et la souscription d'un engagement à servir dans la réserve opérationnelle n'est pas permis par la loi de 2013. Il conviendrait de mettre un terme à cette anomalie.
L'article 15 invite le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures visant à rénover le dispositif de reconversion des militaires dans la fonction publique en simplifiant les procédures de reconversion existantes.
Qu'ils soient en fin de contrat, en limite d'âge ou en réorientation de carrière, les personnels militaires ou civils du ministère des armées ayant à opérer une transition professionnelle ont besoin d'être accompagnés.
Je voudrais tout de même appeler l'attention du Gouvernement sur une situation qui découle de l'empilement de nos statuts – je pense à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française en particulier. La séparation de nos compétences fait obstacle au bon déroulement des processus de reconversion.
J'ai pu rencontrer certains militaires calédoniens, affectés en métropole, qui souhaitent bénéficier d'une reconversion professionnelle dans la perspective d'un retour en Nouvelle-Calédonie. Or, étant basés en métropole, ils ont accès à l'antenne Défense mobilité de la métropole, mais celle-ci ignore les dispositifs calédoniens et la législation locale. Et lorsqu'ils s'adressent à l'antenne Défense mobilité basée en Nouvelle-Calédonie, ils ne peuvent être davantage renseignés car ils ne dépendent pas de cette base.
Cette situation malheureuse porte préjudice aux militaires calédoniens et polynésiens. Dès lors que vous envisagez de simplifier le dispositif, j'espère que vous pourrez assouplir la réglementation pour répondre à ce problème.
Cet article reconduit un dispositif, inscrit dans la LPM précédente, qui permet un départ anticipé à la retraite, tout en l'améliorant puisqu'il était interdit, jusqu'à présent, à un officier supérieur de cumuler la pension de retraite avec une activité d'enseignement dans un établissement public. L'article l'autorise.
Cette mesure visait à limiter le cumul avec d'autres activités – réserve, commissaire-enquêteur – pour éviter des effets d'aubaine. Or enseigner est du domaine de la culture et de la pensée. Il s'agit de corriger par là même les différences de situation entre les personnels d'active autorisés à enseigner et les mêmes, devenus bénéficiaires des modalités de départ anticipé. L'objectif est également de gommer les disparités avec les généraux qui, eux, n'étaient pas entravés dans leur capacité à enseigner. Il n'est évidemment pas question de remettre en cause cette faculté.
Adopter cet article, c'est mettre en valeur un vivier d'expériences et de connaissances culturelles et techniques dont les établissements publics sont demandeurs. C'est aussi favoriser la recherche et la pensée militaires dans l'armée en faisant le lien entre la fin de carrière et une reconversion, après la retraite, dans l'enseignement. Je suis persuadée que cet article trouvera auprès de vous l'écho que ces personnels en attendent.
L'article 15 est adopté.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 16.
La parole est à Mme Séverine Gipson.
Les armées représentent un cadre de recrutement vraiment spécifique. L'impératif de jeunesse résultant des exigences propres à l'exécution des missions opérationnelles impose un renouvellement important des forces vives et donc le maintien d'un niveau suffisant de recrutement grâce à des mesures incitatives.
S'agissant du personnel civil, des procédures de recrutement dérogatoires et pionnières dans la fonction publique sont expérimentées afin de faciliter et de simplifier le recrutement dans les filières de haute technicité ou sous tension. En effet, en France, en 2017, le déficit de recrutement dans les spécialités visées par l'article 16 était supérieur à 20 %, soit une sous-réalisation de cinquante-huit postes sur les 277 proposés au recrutement. Cette situation ne peut plus durer.
Ces expérimentations permises par l'article visent notamment le recrutement sans concours de fonctionnaires du premier grade du corps des techniciens supérieurs d'études et de fabrication. En outre, le recrutement de contractuels dans les spécialités sous tension « renseignement », « génie civil », « systèmes d'information et de communication » et « santé et sécurité au travail » sera simplifié avec la possibilité de recruter des agents contractuels, pour une durée de trois ans maximum, dans l'attente du recrutement d'un fonctionnaire, afin de faire face à une vacance temporaire d'emploi d'au moins six mois.
Ces deux expérimentations concernent les régions Bourgogne-Franche-Comté, Grand Est, Centre-Val-de-Loire, Île-de-France, Hauts-de-France et PACA – Provence-Alpes-Côte d'Azur – , dans lesquelles les besoins sont particulièrement insatisfaits.
Je compléterai le propos de Mme Gipson en insistant sur la pertinence de la deuxième disposition de l'article 16. Le ministère des armées rencontre de façon récurrente, on le sait, des difficultés de recrutement de fonctionnaires et d'agents contractuels dans plusieurs zones géographiques et dans les secteurs d'activités sous tension visés par l'article. En 2017, le déficit de recrutement sur les cinq spécialités concernées était supérieur à 20 % au niveau national, ce qui a représenté une sous-réalisation de cinquante-huit postes sur les 277 proposés au recrutement.
Ces difficultés trouvent leur origine dans le manque d'attractivité des emplois concernés en raison, d'une part, d'un marché du travail très concurrentiel dans les secteurs visés, et, d'autre part, de la procédure des concours de recrutement – qui sont souvent perçus comme un obstacle, en particulier par de jeunes candidats détenant pourtant le niveau de diplôme requis.
En permettant aux intéressés de bénéficier d'emblée d'un contrat pouvant aller jusqu'à trois ans, cette expérimentation offre des perspectives professionnelles beaucoup plus satisfaisantes, ce dont nous pouvons nous réjouir.
Cet article prend comme prétexte des difficultés de recrutement pour enfoncer un coin supplémentaire dans les statuts de la fonction publique. On sait très bien qu'une expérimentation a vocation à être généralisée. D'ailleurs, alors que le dispositif prévoyait initialement 20 % de dérogations, en dix minutes de commission, le pourcentage est passé à 30 % et le champ des postes concernés a été élargi : c'est bien la confirmation de la volonté d'élargir l'expérimentation avant même que son bien-fondé n'ait pu être vérifié.
La disparition des concours pose un véritable problème démocratique, puisque l'accès aux emplois de l'État se fera de moins en moins sur des critères objectifs vérifiables et éventuellement contestables. Aujourd'hui, le concours est le mode de recrutement privilégié pour oeuvrer à l'égalité républicaine.
De plus, cette expérimentation augmentera la rotation du personnel, ce qui est un problème tant du point de vue de la continuité de l'action de l'État et de la conduite des projets que de celui de la sécurité, puisque le nombre des nouveaux agents dont le profil devra être vérifié croîtra tandis que les services compétents affectés à cette tâche ne travailleront pas à d'autres tâches.
Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas cet article qui a toutes les caractéristiques de la fausse bonne idée.
Lors de l'examen du texte en commission, j'avais déposé des amendements, que j'ai retirés, visant à renforcer le contrôle du Parlement sur la loi de programmation militaire, comme le prévoit l'article 24 de la Constitution, en proposant que l'évaluation des expérimentations prévues soit réalisée tous les six mois, et non un an avant terme. Il me semblait par ailleurs important d'organiser une mission d'information qui aurait permis d'évaluer la pérennisation de ces dispositifs et leur élargissement.
Ces dispositions auraient permis au Parlement de décider en toute connaissance de cause, en fonction des résultats de l'évaluation et de la mission d'information, s'il convenait de pérenniser ces expérimentations qui visent à instaurer deux procédures de recrutement dérogatoires.
Nous en venons aux amendements. La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l'amendement no 35 qui vise à supprimer l'article.
Cet amendement vise en effet à supprimer l'article 16, qui instaure des procédures dérogatoires au recrutement sur concours des personnels civils de la défense. Nous considérons que ces dérogations constitueront rapidement des précédents fâcheux, qui serviraient d'argument à la disparition progressive de la procédure ordinaire du recrutement sur concours. Il existe depuis plusieurs années une tendance politique générale, dans laquelle s'inscrit l'actuelle majorité. C'est pourquoi nous regardons avec un oeil défavorable de telles expérimentations dérogatoires.
Nous sommes attachés au recrutement sur concours, lequel garantit l'égalité et la transparence de l'accès aux emplois publics, deux principes aux fondements du modèle républicain. Toute remise en cause de ces fondements – ce que sont ces expérimentations – , même présentée comme modérée, contribue à la mise en danger et au délitement de ce modèle.
Comme l'a souligné Bastien Lachaud, ces dispositifs provoqueront une rotation importante des personnels, tandis que l'investissement dans la formation des contractuels sera de plus en plus souvent consenti en vain et sans retour satisfaisant. Plutôt que de participer à la déstabilisation de l'emploi public, il nous paraîtrait plus pertinent que le ministère mette en place un réel système de fidélisation de son personnel.
L'amendement no 35 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Compte tenu de l'ampleur des besoins et du nombre des vacances de poste, il ne convient pas de limiter les recrutements à certaines régions. Tel est l'objet de l'amendement.
Monsieur Bazin, à la suite du débat en commission, qui a été assez long et important sur cet article, j'ai proposé une amélioration de sa rédaction, visant à élargir le nombre des régions concernées par l'expérimentation tout en augmentant le pourcentage du nombre de postes offerts.
La rédaction de l'article 16 issue des travaux de la commission pouvant rassembler l'ensemble des députés, à l'exception de M. Lachaud, …
… je vous propose de retirer cet amendement, ainsi que le suivant. Je sais que telle était votre position initiale, mais je vous demande de vous rallier au texte de la commission – vous avez du reste voté l'amendement que j'y ai présenté et qui fait la synthèse de nos travaux.
Les Tuniques bleues résistent. Je ne le retirerai pas, parce que si les travaux en commission ont permis d'ajouter deux régions et de relever le pourcentage du nombre des postes offerts de 20 % à 30 %, je tiens à rappeler que selon l'étude d'impact, cette expérimentation, qui est la bienvenue, ne provoquera que quelques dizaines de recrutements alors qu'il convient, compte tenu du nombre de postes vacants, de se donner plus de chances.
Soit ! Monsieur le rapporteur, je retire l'amendement, mais c'est dans le dessein que vous acceptiez le suivant.
L'amendement no 65 est retiré.
Alors que le débat en commission a déjà permis de relever le pourcentage de 20 % à 30 %, l'objet de cet amendement est de le relever de nouveau, jusqu'à 40 %.
Toujours plus, monsieur Lachaud : quand on est généreux, on ne compte pas !
Monsieur le député, je ne suis pas d'accord avec cette méthode qui consiste, alors que nous avons travaillé en commission pour améliorer la rédaction de l'article et réussi à dégager un consensus, à présenter en séance publique un amendement visant à aller plus loin encore.
Je ne saurais pas davantage accepter cet amendement que le précédent. Nous avons travaillé ensemble à l'amélioration de cet article, parce que, selon l'étude d'impact, le dispositif initialement prévu était insuffisant ; nous avons ajouté deux régions importantes – les Hauts-de-France et PACA – et relevé le pourcentage de 20 % à 30 %.
Je vous demande donc de retirer votre amendement, faute de quoi j'émettrai un avis très défavorable.
L'amendement no 66 n'est pas adopté.
La parole est à M. Philippe Chalumeau, pour soutenir l'amendement no 339 rectifié .
La liste initiale exclut des spécialités telles que la gestion de la paie ou de la solde, pour lesquelles il existe actuellement une forte tension en matière de recrutement. L'objet de l'amendement est de compléter la liste en conséquence.
L'amendement no 339 rectifié , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
Cet amendement devient un amendement de synthèse. Pourquoi ne pas rassurer M. Lachaud tout en allant dans le sens de M. Bazin ? L'alinéa 6 ne prévoit en effet une évaluation des expérimentations qu'un an avant leur terme, soit en 2021. Cet amendement ne demande pas un rapport, mais propose une évaluation chaque année, au plus tard le 30 juin, dans le cadre de la discussion sur l'exécution de la LPM. Cela permettrait de savoir si l'expérimentation a eu un impact négatif dans les régions où elle a été autorisée – M. Lachaud pourra alors réagir fortement dans l'hémicycle – ou, au contraire, un impact très positif, comme Thibault Bazin et moi-même le pensons. Cela nous permettrait alors d'élargir ces expérimentations à l'ensemble du territoire français, y compris les outre-mer, et pourquoi pas de relever le pourcentage à 40 % si cela se révélait nécessaire.
Cet amendement de synthèse est bienvenu à la fin de l'examen de l'article 16, monsieur le rapporteur.
J'ignore, monsieur le député, s'il s'agit d'un amendement de synthèse. Toute expérimentation a un terme : il est, en l'occurrence, celui de la période couverte par la LPM. Il ne me paraît donc pas choquant d'évaluer, un an avant leur terme, ces expérimentations qui portent sur des recrutements. Il faut laisser le temps à ce texte, qui ne sera pas adopté avant la fin du mois de juin et dont les décrets d'application devront ensuite être pris, d'être mis en oeuvre – à la fin de l'année je pense. Une évaluation annuelle ne laisserait pas le temps nécessaire aux expérimentations pour donner tous leurs fruits.
Soyez patient et ralliez-vous à la rédaction de l'article 16, qui prévoit une évaluation des expérimentations un an avant leur terme. Avis défavorable.
L'amendement no 119 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 16, amendé, est adopté.
L'article 17 pérennise, à compter du 1er janvier 2019, le dispositif du service militaire volontaire, destiné à favoriser l'insertion sociale et professionnelle des jeunes. Les Françaises et les Français âgés de 18 à 26 ans peuvent souscrire un engagement d'une durée de six à douze mois, renouvelable pour une durée de deux à six mois, dans la limite d'une durée totale de douze mois. Dans le cadre de ce dispositif, les volontaires servent au premier grade de militaire du rang et sont considérés comme des militaires d'active au sens de l'article L. 4132-5 du code de la défense. Ils reçoivent une formation militaire élémentaire ainsi que diverses formations à caractère civique ou scolaire, notamment une formation aux premiers secours, une remise à niveau scolaire et la possibilité de passer leur permis de conduire. Ils bénéficient également d'une formation professionnelle, effectuée en partenariat avec les entreprises et les collectivités locales, dans des secteurs où il existe de réelles perspectives d'emploi. Les volontaires sont soumis au statut général des militaires, à l'exclusion des dispositions relatives aux allocations de chômage, et ont également la qualité de stagiaires de la formation professionnelle. En tant que stagiaires, ils bénéficient pendant toute la durée de leur formation des conditions de travail et de rémunération définies par le code du travail. Enfin, le service du ministère des armées chargé du service militaire volontaire, bien qu'il s'appuie sur un encadrement militaire, est considéré comme un organisme de formation, au sens du code du travail. Il peut donc prévoir, par convention, la participation d'intervenants extérieurs au ministère.
Cet amendement vise à permettre à l'ensemble des jeunes Français, y compris ceux résidant à l'étranger, de demander à accomplir le service militaire volontaire – SMV. En effet, ce dispositif, qui vise à favoriser l'insertion professionnelle des jeunes, ne saurait bénéficier aux seuls jeunes Français résidant en métropole. Les Français de 18 à 26 ans vivant à l'étranger connaissent, eux aussi, des difficultés d'insertion dans le milieu professionnel. Leur permettre d'accéder au dispositif du SMV rappellerait leur appartenance pleine et entière à notre nation.
La parole est à M. M'jid El Guerrab, pour soutenir l'amendement identique no 350 .
Je suis à l'origine de cet amendement, que j'avais déposé en commission. Je suis très heureux de le voir repris par la majorité. Il s'agit d'ouvrir le service militaire volontaire aux jeunes Français établis hors de France. La rédaction actuelle de l'article 17 est pour le moins perfectible, puisqu'elle exclut de facto les Français résidant à l'étranger. Seuls sont évoqués les jeunes Français qui ont leur résidence habituelle en métropole, ce qui est extrêmement restrictif. Avec M. Chalumeau, nous proposons que nos jeunes compatriotes établis hors de France ne soient plus oubliés. Ils pourraient ainsi apporter leur concours et bénéficier d'une expérience formatrice à maints égards.
Je vais me livrer, pour ainsi dire, à un exercice de style ! En effet, depuis quinze jours, on parle beaucoup de cette proposition ; j'essaie, depuis lors, de trouver un accord entre les uns et les autres, mais je n'y suis toujours pas parvenu. Je me trouve au centre du débat, que je vais m'efforcer de synthétiser. Premièrement, je comprends la demande que vous avez portée, monsieur El Guerrab, devant la commission de la défense. Nous en avions discuté aussi avec M. Chalumeau, qui a repris cette idée intéressante avec un certain nombre de membres de son groupe. Cette mesure concerne des jeunes dont les parents vivent, pour la majorité d'entre eux, à l'étranger. D'un côté, on me dit que cette disposition pourrait leur être favorable. D'un autre côté, on me prévient que son impact serait très limité, plus faible en tout cas que ce que certains pourraient penser, dans la mesure où ces jeunes Français peuvent, pour une part d'entre eux, justifier d'une domiciliation sur le territoire national même s'il ne s'agit pas de leur résidence habituelle.
Deuxièmement, j'ai dit dès le départ que, s'agissant de tous ces dispositifs – outre le SMV, je citerai par exemple les cadets de la défense – , je ne souhaitais pas qu'il y ait un changement de périmètre. C'est ainsi que j'ai demandé le retrait des amendements portant sur le SMV, pour ne citer que ce cas. Je maintiens cette position et je vous demande de retirer cet amendement. Ce n'est pas nécessairement un enjeu au regard du service militaire volontaire. Nous examinerons bientôt le projet de refonte du service national universel ; à cette occasion, nous pourrons revoir cette problématique et réfléchir au moyen d'intégrer les jeunes vivant à l'étranger dans le service national universel. Je vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement dans l'attente du texte du Gouvernement.
Nous avons souhaité, dans cette loi de programmation militaire, prolonger les dispositifs existants, pour montrer la volonté du ministère de poursuivre les actions en direction de la jeunesse, qui nous paraissent importantes. Nous ne souhaitons pas changer le périmètre actuel. J'irai dans le sens de M. le rapporteur et émets un avis défavorable, sachant que très peu de jeunes sont, semble-t-il, concernés par ce sujet. Vous dites, et je comprends votre préoccupation, que nous introduirions une différence entre des jeunes vivant en métropole et d'autres jeunes ayant suivi leurs parents à l'étranger. Mais le périmètre du SMV devait être préservé, et nous l'avons fait. Nous ne souhaitons pas, à présent, modifier le format de ce dispositif.
Je vous ai bien entendue, madame la secrétaire d'État. Je suis un peu surpris de la réponse de M. le rapporteur. Je pensais qu'à titre personnel, il serait favorable à cette petite modification, qui n'aurait, comme il l'a dit, qu'un effet limité. À l'heure actuelle, 2,5 millions de nos compatriotes vivent à l'étranger. Ils sont pleinement français et, s'agissant d'un grand nombre de mesures – telles que, par exemple, la CSG ou la CRDS – , ils ont bien conscience de ne pas être considérés comme des citoyens à part. Nous vous proposons d'introduire un petit changement dans votre dispositif, qui ne concernera peut-être que quelques dizaines d'entre eux – ce qui serait déjà très bien – , voire quelques centaines, ce qui m'étonnerait. Si quelques enfants de Français résidant à l'étranger souhaitent être intégrés dans ce dispositif, il me semblerait regrettable de ne pas leur permettre de le faire, au moyen de cette modification modeste. Nous nous efforçons, encore une fois, d'être inclusifs à l'égard de toutes celles et ceux que le Président de la République nomme régulièrement, à la fin de ses discours, les « ambassadeurs de la France », ceux qui font rayonner notre culture à l'étranger, qui permettent à nos entreprises d'aller conquérir des marchés. Je ne vous demande que ce petit geste inclusif. Je voudrais faire aboutir cette initiative ; je retire mes amendements à chaque fois qu'on me le demande, mais en la circonstance, j'espère que l'on concrétisera cet objectif et que le vote sera positif.
Pour ma part, les explications de Mme la secrétaire d'État et de M. le rapporteur m'ont convaincu. Ce sujet est très important et fera l'objet d'une grande réflexion collective dans un autre temps. Il s'agissait avant tout d'un amendement d'appel, sur lequel un certain nombre de membres de notre groupe ont travaillé – je salue notamment Pieyre-Alexandre Anglade, qui en est cosignataire. Pour ma part, et au nom de notre groupe, je le retire. Nous aurons l'occasion d'y retravailler par la suite ; chaque chose en son temps.
L'amendement no 293 est retiré.
Nous soutiendrons l'amendement de M. El Guerrab, en vertu du principe d'égalité. Ce dispositif est en effet accessible à tous nos jeunes compatriotes, à l'exception de ceux qui vivent hors de France et qui sont pourtant des citoyens français à part entière – rappelons que le nombre de Français vivant à l'étranger est supérieur à 2 millions. Dans un esprit d'équité, surtout si cela ne représente pas grand chose pour nos armées, il faut voter cet amendement.
L'amendement no 350 n'est pas adopté.
La parole est à M. M'jid El Guerrab, pour soutenir l'amendement no 351 .
L'amendement no 351 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 17 est adopté.
Madame la ministre, quand un militaire est muté, il n'arrive pas toujours à vendre rapidement son logement, avant son départ, à des conditions acceptables. Il faut donc faire en sorte que ce logement ne soit pas considéré comme une résidence secondaire, ce qui entraînerait l'imposition de la plus-value lorsqu'il parviendra à le vendre. Compte tenu des distances et de la durée de certaines missions, qui peuvent influer sur les délais, il convient de prévoir un laps de temps de dix-huit mois pour lui épargner cette taxation, eu égard aux contingences de mobilité liées à sa condition de militaire. Vous me direz peut-être que s'il est difficile de vendre le logement en question, il sera difficile de réaliser une plus-value. Ce n'est pas nécessairement vrai, car les militaires sont souvent très travailleurs et s'emploient à rénover leur logement, auquel cas ils en attendent une valorisation. Ce serait donc un signe positif pour nos militaires que de voter cet amendement.
Monsieur le député, je ne suis pas certain que ce soit dans le cadre d'une loi de programmation militaire que l'on doive résoudre ce problème. Au demeurant, il n'est pas spécifique aux militaires : il peut concerner beaucoup de salariés ou de personnes résidant sur le territoire, puisqu'on est de plus en plus sujet à la mobilité professionnelle, en tout cas dans certains métiers. C'est une question que nous aurons à traiter, mais pas dans le présent texte. Elle pourra faire l'objet de dispositions fiscales dans une loi de finances initiale à l'initiative de votre groupe. Si nous introduisons ces dispositions dans une loi de programmation militaire pour les seuls militaires, nous risquons de créer une rupture d'égalité entre nos concitoyens.
L'avis est donc défavorable, monsieur le député, comme je l'avais dit en commission avec les mêmes arguments.
Je retire mon amendement, mais je tiens à rappeler que les militaires ne sont pas des concitoyens comme les autres, puisqu'ils risquent leur vie pour nous.
L'amendement no 68 est retiré.
En l'état actuel du droit, les régimes d'inéligibilités et d'incompatibilités en matière de droits civils et politiques pour les militaires se caractérisent par leur rigueur. Ces régimes, qui se justifient par la nécessité de protéger la liberté de choix de l'électeur et l'indépendance de l'élu, ont été jugés inconstitutionnels il y a trois ans.
Après de longs débats en commission, nous sommes parvenus à un texte équilibré, conciliant bien les obligations spécifiques à l'état militaire – la neutralité, la disponibilité, la discipline, le loyalisme – et celles qui pèsent sur le législateur, découlant de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
En un peu plus de deux siècles d'histoire, la République a gravé dans son être le lien entre la condition d'homme libre et la qualité de soldat de France. Cette liberté donne toute sa valeur à l'engagement et au sacrifice de ces femmes et de ces hommes au service de la nation – liberté et engagement qu'il nous semble important de mettre au service de nos concitoyens dans l'exercice de la démocratie locale. C'est tout le sens de cet article 18.
Pour compléter les propos de notre collègue, j'ajoute que l'article 18 ouvre aux militaires en position d'activité la possibilité d'accepter un mandat de conseiller municipal dans les communes de moins de 9 000 habitants et de conseiller communautaire dans les communautés de communes regroupant moins de 15 000 habitants.
Le militaire conseiller municipal ou communautaire a ainsi droit aux garanties accordées aux titulaires d'un de ces mandats et bénéficie du droit à la formation des élus locaux mentionné dans le code général des collectivités territoriales.
L'article maintient toutefois des cas d'inéligibilité et d'incompatibilité avec les fonctions de maire et d'adjoint au maire. Ainsi, un militaire ne peut prétendre aux fonctions de membre d'un établissement public à caractère industriel et commercial – EPIC – et ne sera pas non plus grand électeur.
Cet article participe au renforcement du lien armée-nation, car il fait du militaire un citoyen moderne et pleinement intégré dans la société, capable de prendre part à la vie démocratique et citoyenne locale, en lui permettant d'intégrer les conseils municipaux et communautaires à taille humaine.
En tant que rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, j'ai fait le choix de me saisir de cet article car, jusqu'à présent, les Européens avaient sur notre sol des droits politiques supérieurs à ceux de nos militaires français. Cet article, excellemment amendé par la commission de la défense, permet d'y remédier. L'avis de la commission des affaires étrangères est très favorable.
Monsieur le président, cette intervention me permettra de défendre l'amendement que nous avons déposé.
Notre groupe ne parvient pas à comprendre le sens de cet article. Nous apprécions le fait qu'un militaire soit reconnu comme un citoyen, ce qui est plutôt une très bonne avancée pour la démocratie et la citoyenneté. En revanche, nous ne voyons pas, ou très peu, pour quelle raison cette disposition ne prendrait effet que dans les villes de moins de 9 000 habitants. Citoyenneté partout sur le territoire ! Pourquoi serait-elle limitée aux villes de moins de 9 000 habitants ?
J'ai compris, en entendant les interventions précédentes, que le statut de grand électeur pose problème. Dans des villes de plus de 9 000 habitants, c'est en effet l'ensemble du conseil municipal qui a le statut de grand électeur, et peut-être est-ce la raison pour laquelle vous avez posé cette limite. Il convient donc d'envisager l'idée qu'un militaire puisse être conseiller municipal dans toutes les villes de France et d'outre-mer, mais que le statut de militaire ne permette pas d'être grand électeur, du fait même de ce statut, car on ne peut pas être juge et partie dans la gestion de l'État.
Comme dans toutes les villes de plus de 9 000 habitants, où tout le conseil municipal est grand électeur, lorsqu'un grand électeur ne peut pas se déplacer, il peut désigner parmi la population un suppléant qui ira voter en lieu et place du titulaire. Cette disposition doit obligatoirement accompagner l'article, qui est plutôt un progrès, mais qui instaure une discrimination inacceptable pour la citoyenneté – il y aurait pour les militaires une citoyenneté dans les villes de moins de 9 000 habitants et une citoyenneté non reconnue dans les villes de plus de 9 000 habitants : je ne suis même pas certain que cela soit constitutionnel.
Nous défendrons donc un amendement visant à ce que tout le monde puisse être éligible, et peut-être faudra-t-il adopter une disposition spéciale pour le statut de grand électeur.
Sur l'article 18, je suis saisi de plusieurs amendements.
La parole est à M. Pierre-Henri Dumont, pour soutenir l'amendement no 135 .
Dans l'exposé sommaire qui accompagne l'amendement, on lit : « Aussi, il est souhaitable que les militaires soient tenus dans une situation qui leur enjoigne de choisir entre les deux engagements ». Je m'y oppose fondamentalement, car je suis intimement convaincue que les militaires sont des citoyens à part entière – pas des « citoyens comme les autres » : j'ai bien choisi mes mots.
Madame la rapporteure pour avis, vous aurez compris que, lorsque je reste assis et dis : « Défendu », ce n'est pas seulement pour accélérer les débats. Je suis certes cosignataire de cet amendement, mais c'est avant tout pour ne pas le laisser tomber, au nom de son premier signataire. Je suppose que cela ne nécessite pas davantage d'explications.
L'amendement no 135 n'est pas adopté.
La parole est à M. M'jid El Guerrab, pour soutenir l'amendement no 347 .
Cet amendement vise à renouer avec la tradition révolutionnaire du pays, inaugurée à partir de 1789 et dont découle la Ve République. L'article 9 de la Constitution de l'an III disposait en effet que « sont citoyens, sans aucune condition de contribution, les Français qui auront fait une ou plusieurs campagnes pour l'établissement de la République ». Cette disposition était vraiment remarquable : le suffrage n'était plus censitaire lorsque l'on s'était battu pour l'instauration du régime. En d'autres termes, il s'agissait d'une dérogation au principe général inscrit à l'article 8 de la Constitution du Directoire : les militaires pouvaient voter sans payer le cens.
Cet amendement permettrait de rapprocher encore davantage la condition du militaire de celle des citoyens ordinaires. À cet égard, on notera que des facilités ont progressivement été garanties aux militaires en matière de droit de vote. La liberté syndicale leur est reconnue depuis peu. Il s'agit donc de poursuivre ce mouvement s'inscrivant dans le temps long, par-delà les changements de régime, en garantissant aux militaires ce que Maurice Hauriou appelait le droit d'éligibilité.
Comme je l'avais dit en commission, monsieur El Guerrab, c'est un avis défavorable. À côté du principe révolutionnaire que vous avez cité, il en existe en effet un autre : celui de la neutralité politique des armées, principe essentiel dans les débats qui nous animent.
Puisque j'ai la parole, je reviendrai sur cet article 18 pour répondre en amont à tous les amendements qui seront déposés et à différentes questions que vous avez posées, monsieur Lecoq.
En effet, l'article qui figure dans le texte de la commission n'est pas celui qui figurait dans le texte déposé par le Gouvernement. De fait, les travaux de la commission et les discussions que j'ai eues avec les uns les autres m'ont fait réaliser que toutes les positions étaient représentées dans l'hémicycle. Pour certains – et c'est la position que vous avez défendue, monsieur Lecoq – , il n'y avait pas besoin de seuil : dans toutes les collectivités, les militaires peuvent être élus et représentants des citoyens. D'autres considéraient que le seuil de 3 500 habitants proposé initialement par le Gouvernement était déjà trop élevé et voulaient le ramener à 1 000, voire interdire cette possibilité aux militaires, contrairement à l'avis du Conseil constitutionnel – car la réflexion que nous menons aujourd'hui et qui, je l'espère, aboutira, procède de cette décision du Conseil constitutionnel.
C'est donc en travaillant à définir une position partagée par le plus grand nombre possible de représentants de la nation que j'ai formulé cette double proposition de relever le seuil à 9 000 habitants, chiffre au-delà duquel les élus municipaux des communes concernées sont automatiquement grands électeurs, et d'ajouter l'éligibilité aux fonctions de conseiller communautaire, qui ne figure pas dans le texte gouvernemental.
Après une petite étude menée avec les services de la commission, j'ai proposé de circonscrire ce droit aux seules communautés de communes – où s'applique l'autre principe qui doit prévaloir : celui de la neutralité politique – et de fixer le seuil, dans ce cas, à 15 000 habitants.
C'est cette position, discutée et approuvée par la commission, que je présente dans l'hémicycle et que je défendrai. En qualité de rapporteur, j'émettrai donc un avis défavorable sur toutes les autres propositions qui pourront être défendues dans les différents amendements qui vont suivre. Je n'interviendrai donc plus sur ces amendements, car je viens d'exposer la position de la commission et du rapporteur. Je m'en tiens à ce texte et n'émettrai donc aucun avis favorable aux amendements qui traiteront de la mobilité du seuil ou proposeront de le supprimer ou de l'élargir.
Cet article 18 était un bel article, mais il va devenir difficile à vivre. Vous considérez en effet que la neutralité politique sera respectée dans des communes de moins de 9 000 habitants et avez donc un a priori selon lequel il n'y a pas de listes politiques dans ces communes. De fait, s'il en existait une, la neutralité politique interdirait à un militaire d'y figurer en tant que candidat.
Vous considérez donc qu'un militaire ne peut être candidat que sur une liste déclarée apolitique et, avec cette disposition, vous empêchez les militaires de choisir la liste sur laquelle ils souhaitent être candidats en fonction des projets qu'elle propose – car les listes présentent souvent un programme pour les six années du mandat, avec des projets pour la commune. Les militaires ne pourraient donc, par obligation, pas choisir le meilleur projet. Compte tenu des arguments que vous exposez à l'appui de ce choix restrictif et ségrégatif, la disposition que vous imposez est inacceptable.
Nous allons vérifier la constitutionnalité de cette mesure. Il faut aussi tenir compte du débat car, à côté de la loi, il y a l'esprit de la loi. Or, si la loi peut encore s'entendre, l'esprit qui guide cette disposition est politiquement inacceptable en termes de citoyenneté. Mieux vaudrait ne pas donner le droit d'éligibilité aux militaires que de les mettre dans une telle situation en créant ce dispositif.
Monsieur le rapporteur, je suis un peu surpris de vous entendre parler de neutralité politique. Je connais bien les collectivités, pour avoir été élu d'une petite commune rurale avant d'être élu d'une ville : même dans les communes de 200 habitants, il n'y a pas nécessairement de neutralité politique. On y connaît très bien la sensibilité politique des maires et si un conseiller municipal militaire vote pour un maire appartenant à une certaine sensibilité, on saura qu'il souscrit à cette option politique.
Compte tenu de ce que j'observe, c'est un leurre que de dire qu'un militaire conseiller municipal doit être neutre politiquement, car il ne le sera pas. Du reste, les militaires ne sont pas forcément neutres : ils ont leurs idées et votent pour des listes. Cela ne me semble donc pas être une bonne chose que de parler de cette neutralité.
Si on accepte qu'un militaire soit conseiller municipal, il doit pouvoir l'être sur toutes les listes, quel que soit le nombre d'habitants. On peut cependant prévoir des exclusions pour les grands électeurs, et voir si c'est possible juridiquement. Cette situation s'apparente un peu à celle des ressortissants de la Communauté européenne, qui peuvent se présenter sur des listes municipales, mais pas exercer de fonctions exécutives. C'est prévu dans le texte de loi.
En tout cas, je ne pense pas qu'il y ait de neutralité politique.
Je partage totalement les interventions de mes collègues Lecoq et Pueyo. Depuis le début – je me suis exprimée sur ce sujet en commission – , je n'arrive pas à comprendre l'esprit de cette restriction à 3 500 habitants, portée ensuite à 9 000 habitants. Selon moi, un militaire est un citoyen à part entière : un militaire envoyé au Mali ou ailleurs pour nous défendre a tout à fait sa place dans une collectivité locale en tant qu'élu. Peut-être cela pose-t-il problème s'il est grand électeur – et encore ! Pour ma part, je n'irai même pas jusque-là, mais l'on peut à la rigueur prévoir ce type de dispositif.
Deux raisons m'ont été opposées : tout d'abord, il faudrait protéger les militaires parce que cela concerne l'armée et notre défense. Je pense que les militaires sont assez grands, majeurs et matures pour être candidats s'ils le souhaitent. C'est à eux de choisir le rôle qu'ils souhaitent jouer dans la collectivité locale dans laquelle ils vivent et payent des impôts. Totalement intégrés dans la vie locale, ce sont des parents d'élèves qui scolarisent leurs enfants, et l'on sait très bien qu'un parent d'élève peut être de tendance FCPE – Fédération des conseils de parents d'élèves – ou PEEP – Fédération des Parents d'élèves de l'enseignement public : les tendances politiques peuvent se traduire de diverses façons. Je ne peux donc pas entendre cet argument.
Ensuite, concernant les gendarmes, je rappelle que les militaires, quel que soit leur grade, ne sont pas éligibles dans le territoire dans lequel ils interviennent.
Pour aller à l'essentiel, avec notre collègue Lachaud, nous avons écouté attentivement les débats et notre conviction est faite : soit l'on donne la totalité de la citoyenneté aux militaires, soit on ne la donne pas en raison de leur statut. Mais l'explication apportée par le président Bridey pose problème : il ne peut y avoir une sorte de demi-citoyenneté, qui permettrait à un militaire de se présenter mais pas de représenter l'intérêt général, n'ayant pas d'opinion politique. Quels intérêts politiques pourrait-il alors représenter ? Ceux de l'armée ? C'est encore plus préoccupant ! Je préfère un militaire ayant des convictions politiques à un militaire représentant uniquement les intérêts de son métier, de sa caserne ! Cela devient vraiment préoccupant !
Poussons le raisonnement jusqu'au bout : soit la citoyenneté est totale et les militaires ont le droit de se présenter aux élections de manière tout à fait normale, comme d'autres citoyens, soit nous en restons à la situation actuelle. Mais cette demi-mesure nous semble assez préoccupante, inquiétante et presque non républicaine, du moins dans la conception exigeante qui est la nôtre.
Je souhaite réagir aux propos de M. le rapporteur. Envisager tous les amendements d'un bloc, cela me semble un peu fort de café ! Les situations sont extrêmement complexes, comme nous l'avons évoqué pour les seuils de taille des communes.
J'appelle votre attention sur la situation des communautés de communes : un seuil de 15 000 habitants ne se justifie nullement. Cela n'a aucun sens ! Un petit village de 500 habitants peut se trouver dans une agglomération de 150 000 habitants, tout comme une ville de 8 900 habitants peut appartenir à une communauté de communes de moins de 15 000 habitants.
De plus, la loi relative à la nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, a pour conséquence de diminuer le nombre de communautés de communes et de faire disparaître ce seuil de 15 000 habitants, qui ne devrait plus exister du tout. En réalité, s'il y a un seuil à faire sauter, à mon sens, c'est celui de la communauté de communes à 15 000, qui n'a aucune raison d'être dans le présent texte.
Je ne comprends pas votre position consistant à refuser de discuter les amendements et à émettre un avis défavorable définitif sur tous ces amendements : il y a, à mon sens, matière à discussion.
Monsieur Balanant, j'ai reçu quinze demandes de parole : je ne peux les satisfaire toutes ! Je donne la parole à un orateur par groupe avant de passer au vote. Vous aurez ensuite toute la soirée pour poursuivre la discussion.
La parole est à M. Olivier Becht.
La question n'est pas de savoir, monsieur Corbière, si les militaires sont des citoyens à demi ou à part entière : les militaires sont des citoyens à part entière. Toutefois, ils ont des sujétions particulières : être militaire signifie contribuer à la défense de la nation, laquelle doit forcément être permanente.
Dès lors, le problème n'est pas de savoir ce que nous pensons ici, à l'Assemblée, mais de savoir ce que pensent les hautes juridictions, puisque c'est de là que sont venues les complications, tant sur le droit d'association, qui remplace en quelque sorte le droit syndical, que sur le droit d'éligibilité. J'espère que demain, nous n'examinerons pas des questions de droit du travail, avec des repos compensateurs obligatoires entre deux services, etc. , car cela finira par provoquer un blocage en raison des sujétions indispensables pour maintenir la pérennité de la défense de notre nation.
Je trouve que la proposition du Gouvernement, telle qu'amendée par la commission, est raisonnable dans le cadre de ce que nous demandent les hautes juridictions. Nous nous rallierons donc à la position de la commission.
Je souhaite revenir sur le métier de militaire et son statut. Le métier de militaire est tout de même particulier : on peut donner sa vie ou prendre celle des autres sur ordre.
C'est la raison de l'existence du statut du militaire, qui est très particulier. Ce statut précise que le militaire doit discipline, loyauté, dévouement et neutralité. En conséquence, un militaire ne peut pas adhérer à un parti politique ; toutefois, cela ne l'empêche pas de faire de la politique publique. J'ai été maire d'une petite commune de 1 500 habitants : avec les conseillers de gauche comme de droite, nous faisions de la politique publique.
Je souhaite également vous ramener à vos contradictions. Les choses ne sont pas si simples : vous proposez de retenir le seuil de 9 000 habitants afin que les militaires n'élisent pas les sénateurs, ce qui les amènerait à rejoindre un groupe politique. Or, dans une grande ville, on finit par faire de la politique, avec une étiquette bien prononcée : il y a là une contradiction.
Ce n'est pas un gros mot, la politique ! Il y a des gens très bien qui font de la politique !
Avec tout le respect que je dois au président de la commission, sa position soulève une question de cohérence politique. Je ne comprends pas : je veux bien entendre, à la rigueur, la volonté de ne pas faire de politique partisane. Mais j'ai grandi dans le Cantal, où l'on fait de la politique dans des villages de 500 comme de 5 000 habitants. La politique est consubstantielle à l'engagement.
En revanche, dire que l'on ne fait pas de politique partisane est une chose différente.
Les listes, dans les villes de 9 000 habitants, sont étiquetées. Je ne sais pas combien il y a de communes de 9 000 habitants sur les 36 000 communes existantes, mais je suis convaincu que, dans une communauté de communes de 15 000 habitants, les étiquettes sont politiques, donc partisanes. Il y a donc une incohérence dans votre position, monsieur le président de la commission.
Ni de gauche, ni de droite : ils ont seulement le droit d'être sur des listes soutenant La République en marche !
Rires et applaudissements sur les bancs des groupes FI et LR.
L'amendement no 347 n'est pas adopté.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi de programmation militaire pour les années 2019 à 2025.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures dix.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Catherine Joly