La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Nous avons pris connaissance avec consternation des fusillades meurtrières qui se sont produites en Allemagne. Au nom de la représentation nationale, j'exprime notre émotion et notre compassion face à cette tragédie. Je fais part de toutes nos condoléances aux familles des victimes.
En cette circonstance terrible, j'ai adressé un message de solidarité en notre nom à tous à mon homologue allemand, M. Wolfgang Schäuble.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi instituant un système universel de retraite (nos 2623 rectifié, 2683).
J'ai souhaité réunir, voilà quelques minutes, la conférence des présidents, pour faire le point sur l'état d'avancement de la discussion de ce texte.
S'agissant tout d'abord des temps de parole, nous avions, à l'ouverture de la séance de ce matin, consacré douze heures et quarante-quatre minutes à l'examen des articles et amendements, dont trois heures et quarante minutes en suspensions de séance ou rappels au règlement – avec dix-sept suspensions de séance et soixante et onze rappels au règlement. Hors discussion générale et rappels au règlement, les groupes Les Républicains, La France insoumise et Gauche démocrate et républicaine ont chacun parlé pendant 20 % du temps. Le groupe socialiste a quant à lui parlé pendant 9,5 % du temps.
Il ne me semble donc pas que l'opposition ait été bâillonnée, puisque, d'une manière générale, les temps de parole sont inversement proportionnels à la taille des groupes.
Pour ce qui est des amendements, 36 476 étaient encore en discussion ce matin à neuf heures, le rythme d'examen s'établissant à 22,2 amendements par heure. À cette vitesse, 1 643 heures de séance seront nécessaires pour terminer l'examen de la seule loi ordinaire, soit – si l'Assemblée siège du lundi au dimanche soir en respectant les horaires réglementaires – 150 jours de séance.
Sourires.
Nous avons examiné 283 amendements, dont 205 identiques à d'autres. En outre, 409 sous-amendements ont été déposés, ce qui signifie, en réalité, que le nombre d'amendements à examiner augmente en cours de débat.
Je relève que certains de ces sous-amendements sont purement rédactionnels…
… et n'ajoutent rien de substantiel au fond du texte de l'amendement concerné. Ils substituent par exemple le mot « jamais » au mot « pas », le mot « aucune » aux mots « pas une »,
Sourires
ou les mots « tous les » au mot « des ».
Globalement, 41 396 amendements, dont 30 544 identiques à d'autres, ont été déposés sur le texte. Le groupe GDR en a déposé 13 031, sous la forme de 715 séries d'amendements identiques et de 3 suites d'amendements sériels représentant 1 584 amendements – par exemple, 656 amendements déposés en 41 séries déclinent l'entrée en vigueur de dispositifs année après année, de 2023 à 2082. Le groupe La France insoumise a déposé 23 147 amendements sous forme de 1 360 séries d'amendements identiques.
Enfin, vous aurez noté le nombre très élevé de scrutins publics – à l'ouverture de la séance ce matin, il y en avait déjà eu trente.
Au vu du déroulement du débat, j'ai décidé de réunir la conférence des présidents aujourd'hui à quatorze heures trente. J'ai rappelé que la pratique consistant à considérer que les amendements ayant le même objet qu'un amendement déjà rejeté tombent, bien que contestée par certains groupes, a déjà été appliquée à plusieurs reprises – Mme Genevard en a donné quelques illustrations hier soir. Mardi matin, la proposition consistant à appliquer cette disposition n'avait suscité aucune remarque ni opposition et a de facto recueilli l'assentiment de la conférence des présidents.
J'ai eu l'occasion de rappeler à de nombreuses reprises, pendant les débats, que cette pratique est destinée à garantir la cohérence des votes de notre assemblée. Quand un amendement proposant de remplacer un mot par un autre ou bien d'ajouter un adjectif épithète après un nom a été rejeté, un amendement proposant la même substitution et ayant la même portée juridique – j'insiste sur ce point – tombe logiquement. Plusieurs collègues ont, par exemple, prétendu que le rejet d'un amendement prévoyant la prise d'un décret en Conseil d'État ferait tomber tous les amendements prévoyant la même formalité. C'est évidemment faux : de tels amendements n'ont naturellement pas la même portée. Ces prises de décrets intervenant dans des domaines différents, il n'y aura bien entendu pas de chute d'amendements du fait du rejet de l'un d'entre eux.
En revanche, lorsque vous souhaitez modifier, à plus de soixante-dix reprises, l'intitulé du système universel de retraite, la logique est toute autre : les votes sur chacun de ces amendements ayant le même objet et la même portée sont liés. L'Assemblée ne pourrait pas voter positivement sur certains et en rejeter d'autres sans se contredire. Or l'objet même de la procédure parlementaire est d'éviter que l'Assemblée, par ses votes, se contredise. Il y va de l'intelligibilité de la loi, dans le strict respect des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire rappelées par le Conseil constitutionnel, qui n'a jamais rien trouvé à redire à cette pratique.
Toutefois, constatant que certains présidents de groupe sont dans l'incapacité de faire appliquer cette règle, à laquelle ils ne se sont pourtant pas opposés ; et estimant qu'il convient – nous en sommes tous d'accord – qu'aucun prétexte d'obstruction ne subsiste ni ne porte atteinte à la dignité des débats, dont les présidents de séance sont les garants, j'ai proposé à la conférence des présidents que cette règle ne soit pas appliquée.
S'agissant des 35 amendements – sur les 41 396 déposés – qui sont tombés en application de ladite règle, soit 3 amendements du groupe Les Républicains, 16 amendements du groupe GDR et 16 amendements du groupe La France insoumise, ils portaient sur la partie du texte précédant l'article 1er. Il n'est donc pas possible de revenir en arrière. En revanche, ces amendements pourront faire l'objet d'une seconde délibération, une fois que tous les articles du projet de loi ordinaire auront été examinés.
Sourires sur les bancs des groupes SOC, GDR et LT.
Néanmoins, et afin que personne ici ne soit dupe, la présidence de séance sera attentive à ce que ne se multiplient pas les prétextes en vue de ralentir les débats en usant de manoeuvres dilatoires – un de ces prétextes vient en tout cas de disparaître. Sur la question très importante que constitue l'avenir de notre système de retraites, les Français attendent de nous des débats sérieux et dignes.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Rappels au règlement
« Ça faisait longtemps ! » sur les bancs du groupe LaREM.
Vous avez pris, monsieur le président, une décision que nous appelions de nos voeux depuis quelques heures et qui nous semble normale, puisque la règle à laquelle vous faisiez référence ne nous paraissait pas devoir ni pouvoir s'appliquer – sans compter qu'elle finissait par concerner quasi exclusivement le groupe GDR et que la dimension discriminatoire de la mesure s'ajoutait donc à son caractère discutable. Il est, par conséquent, de bon aloi que vous reveniez sur votre décision, d'autant que de telles conditions d'examen du texte aurait pu nourrir des procès en inconstitutionnalité. Nous en prenons acte et nous vous en remercions.
Vous vous êtes par ailleurs livré à l'analyse qualitative de certains des amendements déposés par notre groupe.
Or cette qualité, dont l'appréciation nous appartient, est aussi la manifestation des difficultés auxquelles nous nous heurtons pour formuler des propositions – notamment à cause de l'article 40 de la Constitution, mais également du fait du durcissement récent du règlement de l'Assemblée nationale, qui contraint encore davantage notre temps de parole et notre droit d'amendement. Vous avez d'ailleurs ajouté à ces difficultés, monsieur le président, en choisissant de repousser les demandes de rapports à la toute fin des débats, ce qui nous semble constituer un problème supplémentaire.
Je voulais apporter ces quelques précisions, en vous assurant que nous sommes attachés à mener un débat de fond, …
… qui nous paraît nécessaire pour lever le voile sur la réalité de cette réforme.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
Pour être précis, monsieur le député, c'est la conférence des présidents qui a pris la décision à laquelle vous faites référence, sur la base de ma proposition – comme elle l'avait fait en sens inverse le mardi précédent.
La parole est à M. Boris Vallaud, pour un autre rappel au règlement.
Il se fonde sur l'alinéa 5 de l'article 100. Nous prenons nous aussi acte de la décision que vous venez d'annoncer, mais je ne voudrais que vous laissiez entendre que revenir sur la règle que vous aviez fixée de façon unilatérale hier constituerait une indulgence de votre part.
La conférence des présidents ne pouvait pas prendre cette décision hier, pas plus qu'elle ne pouvait prendre la décision inverse aujourd'hui. En réalité, il s'agit simplement d'appliquer l'obligation constitutionnelle qui vous incombe de respecter le droit d'amendement – ni plus, ni moins.
J'ai bien compris, à travers vos énumérations statistiques et qualitatives, le contre-feu que vous prépariez en anticipation d'un recours devant le Conseil constitutionnel. Personne n'est dupe. Que vous appliquiez le droit, rien que le droit, tout le droit, nous ne pouvons que nous en féliciter, et vous en remercier.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LR, FI et GDR.
Je me fonde sur l'article 100, alinéa 5, du règlement, et m'inscris dans la continuité des propos de M. Vallaud. Il est très bon que la règle de droit s'applique aujourd'hui. Avec cette sage décision, vous avez tout simplement évité une censure du Conseil constitutionnel.
M. Patrick Hetzel applaudit.
Nous en sommes satisfaits, mais peut-être aurions-nous pu éviter hier ce psychodrame, cette attente et cette lenteur des débats.
Le groupe Les Républicains souhaite désormais pouvoir en revenir au fond, car nous avons déposé des amendements sur l'ensemble du texte et il est grand temps de débattre sereinement.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Je précise que je n'ai pas formulé une analyse qualitative, mais strictement quantitative.
Comme mes collègues, je me fonde sur l'article 100, alinéa 5, du règlement. Il est rassurant que le droit l'emporte sur la raison du plus fort et que le droit constitutionnel s'applique dans cette enceinte, qui est en quelque sorte le coeur de la démocratie. Il ne faisait pour moi aucun doute que nous finirions par emporter la conviction de la conférence des présidents et c'est la raison pour laquelle nous avons demandé à plusieurs reprises qu'elle se réunisse, avant de l'obtenir. Il n'y a donc pas là de cadeau de votre part ; nous prenons acte de cette décision.
Vous détournez les règles, alors que vous en demandez l'application ! Quelle est la nature de votre rappel au règlement ? Ce n'en est pas un !
Et vous, vous pouvez ne pas crier !
Monsieur Jumel, veuillez fonder votre rappel au règlement !
Nous venons d'être convoqués en commission spéciale au titre de l'article 91 du règlement pour examiner, au titre de l'article 88, une série de soixante-quatorze amendements dont nous n'avons pas connaissance ; nous apprenons qu'un avis favorable a été formulé par le rapporteur sur ces amendements, inconnus de nous, sans que nous soit communiquée non plus la motivation de cet avis, et donc sans que la commission spéciale ait pu se forger un avis. C'est inacceptable !
En effet, soit la commission spéciale ne sert à rien, et il faut alors la dissoudre sans attendre, soit son avis est inutile, et il faut alors démettre la palanquée de rapporteurs qui ont été désignés, soit encore, au moment où vous reconnaissez que la Constitution n'a pas été respectée et où vous nous donnez raison à ce titre, vous ne pouvez pas enfreindre cette autre règle qui commande d'informer les membres de la commission spéciale et de leur donner les éléments dont ils ont besoin pour être suffisamment éclairés.
Nous avons donc ici une liste de soixante-quatorze amendements, sans le texte de ces derniers, ainsi qu'un avis dont nous ne connaissons pas le fondement et une convocation qui contredit celle que nous avons reçue.
Monsieur le président, le groupe GDR demande, comme l'ensemble des autres groupes, que la commission spéciale puisse examiner ces amendements.
Il se fonde sur l'article 52, alinéa 1er, du règlement. Nous prenons acte du fait que l'Assemblée respectera la Constitution et le droit d'amendement. Cependant, monsieur le président, vous avez émis, dans votre propos liminaire, un jugement sur la qualité des amendements, et non pas seulement sur leur quantité. Ce n'est pas à vous que j'apprendrai la richesse de la langue française : les expressions « toutes les » et « des » n'ont évidemment pas la même signification ni le même sens juridique. Si donc nous voulons que les débats puissent se dérouler correctement, et avancer, chacun doit se garder de juger de la qualité des amendements des autres, et répondre sur le fond.
Ce matin, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'amendement no 23972 à l'article 1er.
Monsieur le secrétaire d'État, à la levée de la séance de ce matin, vous avez indiqué que vous souhaiteriez apporter des éléments de réponse complémentaire sur le débat qui s'était engagé en fin de matinée. Je vous donne donc la parole.
À quinze heures vingt, M. Sylvain Waserman remplace M. Richard Ferrand au fauteuil de la présidence.
Bien que M. Éric Coquerel m'ait indiqué qu'il ne pourrait pas être présent cet après-midi, je répondrai à la question qu'il a posée hier soir en fin de séance sans qu'il soit possible de lui répondre, et qui portait sur le calcul de la pension sur les vingt-cinq meilleures années, par rapport au calcul sur la carrière complète.
J'avais, sur ce point, expliqué hier en fin de journée qu'il fallait être très prudent en comparant les deux situations et éviter les analogies faciles relevant du niveau de mathématiques de l'école primaire. En effet, le calcul actuel de la pension est bien plus compliqué que ne l'ont dit les orateurs qui se sont exprimés à ce propos.
J'ai donc rappelé trois choses. Premièrement, dans le système actuel, pour les salariés du privé, la pension servie par le régime de base est calculée sur les vingt-cinq meilleures années mais elle est plafonnée à 1 PASS – plafond annuel de la sécurité sociale – , ce qu'ont étrangement oublié tous les intervenants. Deuxièmement, la pension se calcule sur la base des salaires portés au compte, eux-mêmes indexés sur l'inflation depuis 1993, ce qui se traduit par une perte très significative en valeur de capital, de l'ordre de 1 % par an, et minore donc le montant des pensions. Troisièmement – car les choses ne sont pas si simples – , on applique, lors de l'addition des pensions, un taux de 50 %, ce qui revient à dire qu'on prend en considération la moitié seulement des salaires portés au compte.
M. Coquerel a réagi à cette explication et je lui ai proposé, pour compléter cet échange, de se reporter aux travaux du Conseil d'orientation des retraites – COR – , dont le septième rapport, publié en 2010, explique que la règle des vingt-cinq meilleures années ne bénéficie pas aux petites pensions, et même pas du tout aux très petites, comme cela figure du reste à la page 117 de l'étude d'impact.
Nous montrons bien que le système que nous voulons mettre en place et que nous proposerons au vote de l'Assemblée nationale est très redistributif, comme l'avait déjà signalé le COR en 2010 et comme le confirme l'étude d'impact. Au-delà de leur aspect technique, ces éléments me semblent pouvoir éclairer la représentation nationale, et particulièrement M. Coquerel.
Madame Pires Beaune, vous m'avez interrogé sur la situation plus particulière des infirmiers, des infirmières et des aides-soignantes à l'hôpital ; c'est une bonne question, à laquelle je n'ai pas pu répondre hier soir.
Sans doute avez-vous suivi, madame la députée, la réunion multilatérale qui a eu lieu jeudi dernier et au cours de laquelle le Premier ministre a apporté des éclairages sur l'avancement des concertations et sur les engagements du Gouvernement en matière de fins de carrière à l'hôpital. Ces négociations avaient été menées par Agnès Buzyn et j'ajouterai quelques éléments à ce propos.
Je rappelle tout d'abord que, s'il est vrai que les catégories actives à l'hôpital peuvent partir à la retraite dès 57 ans, dans la réalité, compte tenu de la durée d'activité dans la mission, l'âge réel de départ est de 59,7 ans.
Je tiens par ailleurs à souligner que nous allons ouvrir la reconnaissance de la pénibilité à l'hôpital, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, …
… ni du reste pour l'ensemble des régimes spéciaux. Tous les fonctionnaires hospitaliers auront donc accès au compte professionnel de prévention, ce qui leur permettra de partir jusqu'à deux ans plus tôt.
Le projet de loi que nous soumettons à votre examen est également attentif aux seuils applicables en matière de pénibilité, en particulier à ceux, importants pour les métiers d'aide-soignant, aide-soignante, infirmier et infirmière à l'hôpital, qui s'appliquent au travail de nuit et aux horaires tournants, qui concernent particulièrement ces professions. Il existe donc une dynamique réelle entre la baisse des seuils, qui permet de cumuler des points, et la possibilité de partir plus tôt.
Je conclurai en rappelant les mesures principales qui ont été portées jeudi dernier à la connaissance des partenaires sociaux et des Français. Il s'agit d'abord de l'ouverture de la retraite progressive dès 60 ans à l'ensemble des fonctionnaires, ce qui est important, car ce dispositif permet de liquider une partie de sa retraite tout en restant en activité avec des horaires et un temps de travail plus adaptés. Il a également été proposé aux partenaires sociaux de créer un compte épargne temps qui permettrait de liquider les heures supplémentaires, nombreuses à l'hôpital, …
… voire les journées à récupérer, …
… de partir plus tôt et, au bout du compte, d'avoir une répartition différente du temps de travail en fin de carrière.
Voilà, madame la députée, les éléments que je voulais porter à votre connaissance.
Quant à M. Coquerel, qui m'avait prévenu qu'il ne serait pas présent, je sais que les réponses à ses questions lui seront transmises.
Merci, monsieur Hutin.
Je suis saisi d'un amendement no 23972 qui fait l'objet de très nombreux sous-amendements.
La parole est à M. Hervé Saulignac, pour soutenir l'amendement.
J'ai bien entendu les souhaits qui se sont exprimés pour que nous puissions aller au fond du débat. C'est ce que je vais m'employer à faire et j'espère que cela nous permettra d'obtenir des réponses plus précises que celles que nous venons d'obtenir du secrétaire d'État.
Toujours au titre du principe de non-régression, nous souhaitons appeler votre attention sur de grands perdants de cette réforme, une profession libérale dont on parle assez peu, même si M. Dharréville l'a évoquée tout à l'heure : il s'agit des orthophonistes. Certes, 24 000 praticiens, ce n'est peut-être pas beaucoup, c'est beaucoup moins que les enseignants ; mais ils méritent tout de même qu'on s'y attarde un moment, car ce sont à 97 % des femmes, avec des carrières hachées, qui ont fait au moins cinq ans d'études et dont les salaires sont aujourd'hui très modestes, ne dépassant parfois guère le SMIC.
C'est aussi, et surtout, une profession dont notre pays a grand besoin : nous manquons d'orthophonistes pour des enfants qui doivent être accompagnés par ces praticiens, ou pour des personnes plus âgées ou victimes d'accidents vasculaires cérébraux. On parle beaucoup des avocats et des médecins – et c'est légitime – , mais beaucoup moins des orthophonistes, alors que le bond que vous allez imposer à leurs cotisations, qui atteindront 28 %, les mettra dans des situations terribles. Je les ai rencontrés et écoutés : certains fermeront leur cabinet, tandis que d'autres songent au déconventionnement, qui entraînera inévitablement des hausses de tarifs et laissera sur le bord de la route une partie de leur patientèle.
Enfin, il est incontestable que cette hausse des cotisations représente un appauvrissement de la profession, et la nouvelle assiette de cotisations que vous proposez, vous le savez, n'y changera rien.
Monsieur le secrétaire d'État, que répondez-vous aux orthophonistes ?
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir le sous-amendement no 41945 .
Monsieur le secrétaire d'État, nous ne pouvons pas nous satisfaire de voir des personnels hospitaliers accumuler autant d'heures supplémentaires non payées, alors qu'il faut accroître leurs effectifs – c'est la première revendication de ces personnels. Il ne faut donc pas fonder des prévisions à long terme sur une continuation de la situation actuelle à l'hôpital et je ne comprends donc pas bien le sens de vos propos.
Je saisis cette occasion de dire que, si les infirmières et les personnels de l'hôpital sont aujourd'hui très en colère et manifestent à la fois pour leurs conditions de travail et pour leur retraite, c'est aussi le cas des infirmières libérales, profession que je n'ai pas eu l'occasion de citer tout à l'heure, mais dont j'ai rencontré des membres et qui exprime également son refus de se voir appliquer les mesures que vous proposez.
Enfin, j'ai déjà exprimé notre sentiment à l'égard des orthophonistes, qui font l'objet de l'amendement de M. Saulignac : il faut répondre à leur demande autrement qu'avec le système par points que vous proposez, qui n'apporte aucune véritable solution à leur situation.
La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir le sous-amendement no 42226 .
Ici encore, nous souhaitons que soit inscrit dans la loi que celle-ci a pour objectif d'être un progrès social, et non pas une grande régression. Or, au terme des débats en commission, vous n'avez pas réussi à nous démontrer comment vous pourrez financer les retraites en bloquant à 13 % le taux de richesse du pays qui leur sera consacré, alors que le nombre de retraités augmentera – c'est-à-dire comment nous réussirions, avec moins d'argent, à payer des pensions au moins équivalentes à un plus grand nombre de personnes.
Tant que vous n'aurez pas répondu à cette question simple – mais à laquelle, j'en ai peur, il est impossible de répondre – , nous ne pourrons pas soutenir un tel projet de régression sociale.
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir le sous-amendement no 41946 .
À la faveur d'un rapport de commission d'enquête que j'ai rédigé sur l'inclusion des enfants en situation de handicap, j'ai souligné le rôle déterminant des orthophonistes et la nécessité d'augmenter les dépistages précoces, notamment des troubles dys. D'ailleurs, lorsque le Président de la République s'est exprimé sur la question du handicap il y a quelques jours, il a été amené à proposer que le dépistage soit étendu aux enfants de douze ans, comme je l'avais préconisé dans mon rapport.
Or nous savons qu'il y a un problème de démographie…
Il s'interrompt.
Monsieur le président, il y a trop de bruit, c'est le bordel, je ne m'entends pas parler !
Chers collègues, nous avons la chance de discuter en ce moment du fond du sujet. Je vous demanderai donc toute votre attention et vous prie d'écouter M. Jumel.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
La question de la démographie médicale des orthophonistes, dont le rôle est pourtant reconnu, a été soulevée dans nos territoires de vie. Or, ces professionnels, qui ont suivi cinq ans d'études et passé des concours souvent difficiles, et qui sont à 97 % des femmes, seront doublement pénalisés. Ceux qui font partie de la fonction publique subiront la remise en cause de la règle des six derniers mois. Aux salaires peu élevés, s'ajoute donc une retraite rognée. Ceux qui exercent en libéral verront, eux, leur taux de cotisation passer de 16 % à 28 % : il leur sera plus difficile d'ouvrir un cabinet.
D'un côté, le Président de la République explique, sous la pression des associations qui oeuvrent dans le champ du handicap, et en s'appuyant sur le rapport de la commission d'enquête, qu'il faut renforcer la présence des orthophonistes auprès des enfants dans les écoles. De l'autre, la réforme pénalise ces praticiens en dégradant leurs conditions d'installation et en réduisant l'attractivité de ce beau métier. Nous proposons donc ce sous-amendement pour vous demander d'accorder une attention particulière à la profession d'orthophoniste. C'est une ardente obligation !
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir le sous-amendement no 41947 .
Au moment où nous entamons la discussion, je veux saluer les manifestations qui se déroulent aujourd'hui dans notre pays, en écho à nos débats. Comme vous le savez, la rue ne désemplit pas. Plusieurs dizaines de milliers de personnes défilaient ce matin dans les rues de Marseille, …
… on en compte au moins autant dans celles de Paris. Vous devriez ouvrir les yeux sur la réalité de la contestation, qui est profonde dans l'ensemble du pays. C'est le signe que votre réforme ne passe pas, même si vous avez passé deux ans à tenter, en vain, de préparer le terrain et l'opinion. Les 160 réunions que vous avez tenues ne suffisent pas à vous permettre d'affirmer que les gens sont d'accord avec vous et vous soutiennent. Ça n'est pas sérieux, toutes les enquêtes d'opinion montrent le contraire. Je vous invite à essayer d'écouter ce qui se passe en dehors de cet hémicycle et dont nous essayons de nous faire l'écho en nous heurtant, je dois le dire, à une fermeture problématique.
Rappel au règlement
Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 52, alinéa 1. M. Jumel a raison : le bruit et les invectives en permanence, c'est insupportable.
Je vous propose donc une solution simple : ouvrez davantage le débat en autorisant un plus grand nombre de députés de La République en marche à prendre la parole. Ils s'exprimeront ainsi dans le micro plutôt que par des invectives.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.
Je vous remercie pour ces conseils, monsieur Lachaud. Chers collègues, continuons nos débats dans le calme.
Article 1er
La parole est à M. Alain Bruneel, pour soutenir le sous-amendement no 41948 .
L'amendement proposé par nos collègues socialistes évoque la spécificité et la pénibilité de certains métiers. Je voudrais ici témoigner de la situation de milliers de travailleurs confrontés à un métier pénible. Je parle de ceux qui nettoient vos rues, enlèvent vos poubelles. Alors que vous dormez encore, ils courent après le camion en respirant les poussières des déchets, la Ventoline dans la poche, car beaucoup d'entre eux souffrent d'asthme ou d'autres maladies respiratoires. Toute la journée, qu'il pleuve, qu'il vente ou en pleine canicule, ils accomplissent les mêmes gestes difficiles et répétitifs. Il faut pousser et soulever des charges lourdes à une cadence rythmée par la pression des klaxons. Ce marathon quotidien usant est le prix à payer pour remplir une mission essentielle au service de la population. Les problèmes de dos et de genou accentuent déjà les risques de vivre en mauvaise santé au moment de la retraite, les troubles musculo-squelettiques font partie du métier, le tout pour un salaire de base de 1 300 euros dans le meilleur des cas, avec une espérance de vie réduite de sept ans par rapport à la moyenne nationale. C'est le travail jusqu'à la mort qui les attend si ce mauvais projet de loi est adopté. De nombreux éboueurs sont mobilisés, en grève, ils veulent que la pénibilité soit reconnue et refusent votre réforme. Ils manifestent encore aujourd'hui.
La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir le sous-amendement no 42267 .
L'amendement vise à éviter une régression des droits des assurés ; je propose avec ce sous-amendement d'affirmer le principe selon lequel on ne doit pas baisser le montant des pensions. Il faut certes s'intéresser à ce qui arrive aux assurés d'aujourd'hui mais ces derniers sont évidemment aussi les retraités de demain. La conférence de financement prévoit très clairement une augmentation des cotisations, un allongement de la durée de celles-ci mais aucune baisse des pensions actuelles. Cette dernière disposition doit s'appliquer aussi aux pensions de demain, d'autant plus que l'INSEE, l'Institut national des statistiques et des études économiques, n'a toujours pas été saisi de la question de ce fameux indicateur inconnu de tous, qui reste à créer, sur lequel la valeur du point sera indexée.
En outre, le Gouvernement n'a pas précisé si cet indicateur prendrait en compte les revenus de tous les Français ou seulement ceux des Français en activité, ce qui serait évidemment différent. Pour moi, cette réforme des retraites ne doit pas entraîner de rupture d'égalité entre les assurés en activité et les pensionnés. Tout le monde doit être traité de la même manière et se voir garantir une stabilité des montants des pensions afin d'éviter qu'à l'arrivée la population soit coupée en deux : d'un côté, ceux qui auront une retraite à points et de l'autre ceux qui n'auront point de retraite.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir le sous-amendement no 41949 .
Si nous nous permettons de nous appesantir sur le problème des orthophonistes, c'est parce que ces derniers ont eux-mêmes insisté pour être reçus ; afin d'être mieux entendus, ils ont formulé vingt propositions. Nous sommes inquiets parce que nous constatons dans nos circonscriptions que les personnes qui souhaitent prendre rendez-vous chez un orthophoniste se retrouvent souvent sur une longue liste d'attente alors même que nous savons à quel point le délai de prise en charge peut jouer un rôle décisif, notamment pour les tout jeunes enfants.
Nous remarquons aussi que la question du changement de système de retraite vient s'ajouter à d'autres inquiétudes : la pénurie de professionnels, le manque d'attractivité de certains métiers. Lors de l'examen des alinéas 14 et 15 de cet article, nous discuterons de la situation des personnels de l'éducation nationale. Si celle-ci souffre déjà, comme on le sait, d'un manque d'attractivité lié à une baisse du pouvoir d'achat, ce problème va s'accentuer en raison du nouveau système de retraite par points. Ces deux situations ne sont pas les mêmes, et les orthophonistes, qui doivent être entendus, formulent des demandes spécifiques. Mais cette réforme aggravera les problèmes d'attractivité qui touchent de très nombreux métiers sous-valorisés.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir le sous-amendement no 41951 .
Je veux vous faire part du témoignage d'étudiantes en orthophonie. « Nous faisons cinq ans d'études, parfois plus, car le concours d'entrée est très difficile ; et nous sommes pourtant payés à un niveau bac+3, c'est-à-dire à peine plus que le SMIC. Avec la retraite à points, nous perdrions le bénéfice du calcul effectué sur les six derniers mois en vigueur dans la fonction publique. Nos salaires évoluent très lentement. Nous serions de grands perdants », explique par exemple Lucie. Elle poursuit : « C'est une profession qui compte 97 % de femmes, dont beaucoup de carrières hachées, de reconversion. Là encore, nous sommes perdantes ». Pauline confie de son côté : « Sur l'exercice libéral, c'est pareil : les cotisations passeraient de 16 % à 28 % alors que nos tarifs conventionnés n'évoluent pas. Cela conduirait nombre d'entre nous à se déconventionner. »
J'ai dans les mains un communiqué de presse de la Fédération nationale des orthophonistes qui vous avait interpellés afin que vous preniez en considération la spécificité de leur métier même si, comme l'a justement souligné Elsa Faucillon, bien d'autres spécificités professionnelles sont à prendre en considération, ce que votre système ne permet pas puisqu'il fait table rase. J'aimerais savoir quelles réponses vous pouvez leur apporter.
Cet amendement vise à faire entrer la notion de dignité sociale dans le projet de loi. Par les temps qui courent, alors que trop de nos concitoyens ont le sentiment d'être maltraités, broyés, humiliés, méprisés, il me semble d'une impérieuse nécessité que le législateur se fixe comme objectif la dignité sociale. Je le dis en ayant à l'esprit le témoignage de Peggy, opératrice dans une usine de cosmétiques. Chaque port de charge se fait au-dessus du coeur. S'ajoutent le bruit, l'exposition au plastique, le roulement en cinq-huit. Autant de facteurs de pénibilité qui rendent insupportable la soustraction prévue par le projet de réforme des retraites.
J'aurais pu évidemment – et ce sera probablement l'objet de ma prochaine intervention – vous parler de cette infirmière de nuit, de Christian, qui manoeuvre le dernier pont Eiffel en fonctionnement à Dieppe, d'Arnaud, contrôleur d'une machine-outil ou de tous ceux qui, en définitive, nous rappellent que notre rôle est de défendre dans cet hémicycle la dignité des travailleurs, des salariés pour tenter de vous convaincre qu'elle mériterait d'être respectée.
Je vous remercie, monsieur Jumel. Vous aurez apprécié le calme qui a régné pendant votre intervention.
La parole est à Mme Mathilde Panot, pour soutenir le sous-amendement no 42228 .
Ce sous-amendement vise à prendre en compte l'espérance de vie en bonne santé. Cette précision est importante car un ancien ministre a dit, à propos de l'espérance de vie, qu'il fallait avoir « un QI de bulot » pour ne pas comprendre qu'il faut travailler plus longtemps puisque nous vivons plus longtemps.
Nous sommes totalement en désaccord avec cette formule, non pas parce que nous aurions un QI de bulot mais parce que, si on consulte les chiffres incontestables de l'INSEE, on constate que c'est parce que nous travaillons moins longtemps que nous vivons plus longtemps. Toujours d'après les chiffres de l'INSEE, aujourd'hui, en 2020, une personne pauvre sur quatre meurt avant 62 ans, l'âge légal de départ à la retraite, et ne touche donc pas un centime de retraite. Parmi les 30 % d'hommes qui vivent avec 900 à 1 200 euros par mois – des revenus extrêmement modestes – , un sur cinq meurt avant l'âge de la retraite. Lorsque vous parlez d'une réforme universelle, vous ne tenez donc aucunement compte de l'extrême diversité des situations et des fortes inégalités dont témoignent ces chiffres.
Pour vous montrer à quel point cette injustice perdure et à quel point vous allez l'aggraver, j'ajoute que, selon l'INSEE, à 62 ans, les hommes les plus riches sont 95 % à être encore en vie contre 76 % pour les plus pauvres. Concrètement, la conséquence de votre fameux âge pivot, ou âge d'équilibre, étant de repousser encore l'âge de départ à la retraite, les plus pauvres de notre pays mourront au travail sans avoir perçu un centime de leur retraite. C'est contre cela que nous nous battons. Tel est l'objet de notre amendement. La démonstration serait identique pour les femmes, avec un léger décalage des âges.
La parole est à M. Alain Bruneel, pour soutenir le sous-amendement no 41953 .
Toujours à propos de la spécificité et de la pénibilité de certains métiers, j'ai eu l'occasion de rencontrer des salariés de Renault qui m'ont expliqué à quoi ressemblait une journée de travail et quelles étaient les cadences qu'ils subissaient.
Ils commencent à sept heures du matin et s'arrêtent à quatorze heures cinquante-trois, avec une pause de dix minutes toutes les deux heures et une pause de vingt minutes le midi. Ils travaillent bien souvent à la chaîne et n'ont donc pas forcément le temps de boire un petit café ou de prendre leur pause. Durant cette journée de labeur, ils portent des chaussures de sécurité bas de gamme, parfois trop grandes, des gants dépareillés ; il manque souvent des bouchons d'oreilles. Pour Renault, il n'y a pas de petite économie… Je voudrais simplement vous alerter concernant le sort de ces salariés. D'après ce qu'ils m'ont rapporté, trois absences, même médicales, leur valent une convocation par l'encadrement. Le droit à se soigner est remis en cause, le profit passe avant tout.
Pourtant, à Douai, on compte plus de 700 salariés suivis par la maison départementale des personnes handicapées pour des troubles musculo-squelettiques. Ces derniers se développent dès l'âge de 30 ans – dès lors, imaginez ce qu'il en est à 64 ou 65 ans. Le voudriez-vous pour vos enfants ?
Notre industrie, ce n'est pas que des actions ou des dividendes, c'est surtout des vies humaines à respecter, des hommes et des femmes à considérer, et qui ont droit à une seconde vie après le travail.
La parole est à Mme Caroline Fiat, pour soutenir le sous-amendement no 42245 .
Sourires
présenté par notre collègue Saulignac, qui porte sur les orthophonistes, en insérant, après le mot « concernés », les mots « à leur garantir un départ à la retraite suffisamment tôt pour leur permettre de s'épanouir dans cette nouvelle partie de la vie que représentent les retraites ». En effet, en commission, nous avons longuement évoqué la transmission professionnelle, le fait qu'il fallait peut-être partir plus tard à la retraite pour former de nouvelles personnes. Je vous ai alors opposé la transmission familiale.
Hier, pendant nos débats, j'ai reçu une belle photo de mon fils en vacances chez ses grands-parents, qui lui apprennent à jouer à la pétanque. Il faut permettre aux gens de partir à un âge décent à la retraite pour qu'ils profitent de leur famille, de leurs petits-enfants. Si je n'avais pas pu passer mes vacances chez mes grands-parents, je n'aurais pas cette culture communiste que vous m'enviez tous
Sourires et exclamations sur les bancs du groupe LR ainsi que sur de nombreux autres bancs
et je n'aurais pas pu profiter de toutes ces belles choses qu'on m'a apprises. La transmission familiale est donc importante.
Mêmes mouvements.
Vous pouvez continuer à crier, ça ne me dérange pas.
Garantir aux gens un départ à la retraite suffisamment tôt pour leur permettre de s'épanouir au cours de cette nouvelle partie de la vie, c'est quelque chose d'important. Partir à la retraite, ce n'est pas un fardeau, c'est un plaisir, c'est une joie. D'ailleurs, généralement, on fête son départ à la retraite avec ses amis. Donc, non, je le répète, ce n'est pas un fardeau et, oui, nous avons le droit de partir jeune à la retraite, à 60 ans, pour pouvoir profiter des joies de la vie.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI. – Mme Elsa Faucillon applaudit également.
Je vous remercie, chers collègues, de ne pas multiplier les conversations particulières, le brouhaha contribuant à l'excitation générale, afin que nous puissions écouter M. Lachaud qui soutient le sous-amendement no 42247 .
Le présent sous-amendement vise à réaffirmer que cette réforme doit avoir pour but d'améliorer le niveau de vie des retraités. Aujourd'hui, le taux de pauvreté des retraités oscille, selon les estimations, entre 7,5 % et 10 % ; c'est déjà beaucoup trop, mais nous craignons que cette réforme ne fasse qu'empirer la situation. Et cette crainte ne vient pas de nulle part ! Elle ne vient pas seulement de votre absence de réponse à la question de savoir comment, avec moins d'argent et plus de retraités, vous allez maintenir le taux de pension. Elle vient simplement de l'exemple allemand.
En Allemagne, on a lancé une réforme similaire à la vôtre, instauré un système universel à points, fixé un taux de décote qui augmente tous les six mois si l'on part avant l'âge d'équilibre – un taux pouvant atteindre 14 % en cas de départ anticipé. Ce système prévoyait que si l'on cotisait pendant quarante-cinq ans et qu'on partait à l'âge légal, on pouvait espérer disposer d'une pension brute d'environ 1 487 euros par mois, soit 1 327 euros nets. Voilà ce qui était vendu aux Allemands. Or la réalité, ce sont des pensions moyennes de 864 euros mensuels avec une très forte disparité : 1 130 euros pour les hommes et 647 euros pour les femmes.
Monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, pouvez-vous nous garantir que ce qui s'est passé en Allemagne avec le même système que celui que vous voulez instaurer n'aura pas lieu en France ?
La parole est à Mme Mathilde Panot, pour soutenir le sous-amendement no 42249 .
Nous entendons inscrire dans la loi un principe qui nous semble essentiel : la réforme doit « garantir un niveau de vie au-dessus du seuil de pauvreté à tous les retraités ». La France a l'un des taux de retraités pauvres les plus bas en Europe – et Bastien Lachaud vient d'évoquer des systèmes étrangers de retraite par capitalisation et de retraite à points, où le taux de retraités pauvres est deux à trois fois supérieur à celui de la France.
En France, septième pays le plus riche au monde, il est absolument honteux que 7,5 % des retraités vivent sous le seuil de pauvreté. Nous l'affirmons et nous le répéterons tant qu'il faudra : nous sommes persuadés qu'avec votre réforme, le taux de retraités pauvres va augmenter. Il en ira ainsi des orthophonistes, qui sont à 97 % des femmes, les femmes étant les grandes perdantes de cette réforme puisqu'elles ont les carrières plus hachées, des salaires plus bas et sont plus touchées par le travail précaire que les hommes – elles vous le disent régulièrement.
Nous ne sommes pas d'accord pour que le septième pays le plus riche au monde compte des retraités dont la pension est inférieure au seuil de pauvreté. C'est pourquoi nous proposons le présent sous-amendement, qui reprend un objectif fixé par notre contre-projet. Celui-ci démontre qu'il est tout à fait possible de fixer l'âge du départ à la retraite à 60 ans, avec un taux plein pour une carrière complète, sans qu'aucune pension ne soit inférieure au seuil de pauvreté.
D'ailleurs, qu'aucune carrière complète au SMIC ne donne lieu à une pension inférieure au SMIC, ce serait cela, respecter la dignité des Françaises et des Français. Il est en effet intolérable qu'une personne qui a travaillé toute sa vie, parfois en rencontrant des difficultés, ne puisse avoir un niveau de vie digne, c'est-à-dire, encore une fois, au-dessus du seuil de pauvreté.
La parole est à Mme Caroline Fiat, pour soutenir le sous-amendement no 42251 .
Nous proposons de compléter l'alinéa 5 par la phrase suivante : « Ces réformes veillent à garantir un départ anticipé pour les personnes ayant exercé des métiers pénibles. » Monsieur le secrétaire d'État, je vous ai écouté attentivement ; vous avez parlé du compte professionnel de prévention. Or depuis que nous avons entamé l'examen du texte, je n'ai pas vu que nous en ayons traité. Nous souhaitons donc savoir où il en est question dans le projet de loi afin que nous puissions avancer et discuter sur le fond. Ce n'est pas que je ne veux pas vous faire confiance mais, dès que nous évoquons la pénibilité, on nous parle d'un compte professionnel de prévention sans qu'aucun élément à son sujet ne nous soit parvenu. Nous sommes députés et nous ne disposons pas des textes nécessaires pour avancer !
Vous êtes revenu, tout à l'heure, sur les annonces par le Premier ministre, jeudi dernier, concernant les catégories actives, la reconnaissance de la pénibilité et de la possibilité qui serait offerte de partir à la retraite deux ans plus tôt ; et vous avez également évoqué les seuils concernant le travail de nuit et le travail tournant – qui concernent en particulier les hôpitaux. Or, afin que nous puissions, j'y insiste, travailler sur le fond, pour savoir où mène ce projet de loi, est-il possible de connaître ces seuils ?
Mme Mathilde Panot applaudit.
La parole est à M. Adrien Quatennens, pour soutenir le sous-amendement no 42261 .
Pardonnez mon retard, monsieur le président, mais je suis allé prendre l'air auprès des manifestants toujours mobilisés contre ce projet de réforme des retraites
Exclamations sur de nombreux bancs des groupes LaREM et MODEM
… car on peut y observer que nos débats sont très suivis, que le pays s'intéresse de près aux travaux de l'Assemblée, et surtout que la démarche de la France insoumise est tout à fait soutenue. Je tenais à le souligner, c'est important, car voilà qui redonne de l'énergie.
Nous examinons l'alinéa 5, qu'on pourrait qualifier d'alinéa-slogan de ce projet de réforme des retraites : un euro cotisé offrirait les mêmes droits ! Voilà pourtant un slogan que le Conseil d'État s'est chargé de faire tomber, comme l'essentiel, finalement, des éléments de langage du texte.
Pour nous, s'il y a bien une certitude, c'est qu'avec votre projet, c'est la baisse du niveau des pensions qui est annoncée. Vous fixez en effet deux cadres très contraints : l'équilibre financier, mais sans consacrer plus de richesses aux retraites. Or, même si le texte est très complexe, très technique, s'agissant des retraites, il n'y a en fait jamais beaucoup de paramètres à discuter. En effet, veut-on une mesure d'âge, comme le propose la droite, veut-on augmenter la durée de cotisation ou veut-on, tout simplement, consacrer une part plus importante de la richesse produite aux retraites ?
Et c'est bien là le coeur de l'affaire. En effet, pour prolonger l'intervention de Mathilde Panot, oui, il est possible de financer la retraite à 60 ans, avec un bon niveau de pension. Nous vous l'avons dit : nous avons besoin pour cela de consacrer aux retraites seulement deux points de plus de la richesse nationale, c'est-à-dire de passer de 14 % 16 % du produit intérieur brut – PIB – consacrés aux retraites d'ici à 2040. Admettez franchement que ce n'est rien, comparé à la part des richesses passée, ces dernières années, des poches du travail à celles du capital. Oui, financer les retraites, c'est aussi et – en réalité – surtout mieux répartir la richesse produite par le seul fruit du travail.
M. François Ruffin applaudit.
La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir le sous-amendement no 42262 .
Je reprendrai l'exemple allemand. Il est assez intéressant de constater qu'en 2018, les Allemands partent en moyenne avec une retraite de 750 euros – 928 pour les hommes, 675 pour les femmes – , conséquence de l'instauration d'un système similaire à celui que vous appelez de vos voeux.
Un des effets du système allemand concerne le taux de pauvreté des retraités. En 2018, alors qu'il est, en France, de 7 % à 10 %, il atteint 19 % des Allemands de plus de 65 ans, taux en augmentation de trois points par rapport à 2009 et qui pourrait, dans les années à venir, dépasser 20 %.
On constate donc bien que l'exemple allemand montre la fragilité de plusieurs de vos arguments sur la retraite par points, notamment en ce qui concerne l'indexation de la valeur d'acquisition du point sur les salaires moyens, indexation qui n'offre aucune garantie dès lors que le marché du travail est flexibilisé et que la priorité est donnée à l'équilibre financier. Or c'est exactement la politique que vous appliquez.
Vous vous félicitez du fait que le nombre de chômeurs ait baissé de 200 000 depuis l'élection présidentielle ; mais c'est la conséquence de la précarisation, et de l'augmentation du nombre d'auto-entrepreneurs. Vous flexibilisez, vous précarisez le marché du travail, ce qui va fragiliser le système par points dont vous nous assurez qu'il sera fiable et pérenne. Donc, de fait, la totalité de la politique économique et sociale du Gouvernement augmentera la précarité pour les salariés et, en fin de compte, la pauvreté pour les retraités.
M. Adrien Quatennens applaudit.
La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir le sous-amendement no 42263 .
Il s'agit d'inscrire dans la loi que les réformes prévues garantissent un départ à la retraite « à un âge raisonnable ».
Brouhaha.
Rumeurs sur de nombreux bancs du groupe LaREM.
Monsieur Ruffin, l'hémicycle est serein ; je vous prie de défendre votre sous-amendement. Mes chers collègues, s'il vous plaît.
Bien. Que peut-on considérer comme un âge raisonnable ? L'espérance de vie en bonne santé. Il faut au minimum que quand les gens prennent leur retraite, ils puissent un peu en profiter en étant en bonne santé. Cette espérance de vie en bonne santé est d'environ 63 ans – ce serait la référence pour fixer l'âge raisonnable pour un départ à la retraite.
Un rapport de la Cour des comptes indique que le nombre de personnes de plus de 60 ans qui perçoivent aujourd'hui le revenu de solidarité active – RSA – a augmenté de 157 % en dix ans ! Leur nombre a donc plus que doublé. Cela pour une raison simple : ces personnes n'arrivent pas jusqu'à l'âge de la retraite en travaillant ; du coup, à la place, que font-elles ? Elles perçoivent le RSA. Ainsi, plus on recule l'âge de la retraite, plus on passe d'une retraite méritée à une allocation de pauvreté. C'est en train de se produire, notamment pour les classes populaires.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Il y a une autre raison : on sait que c'est en 1982 que l'âge de départ à la retraite est passé de 65 à 60 ans. Ce fut un moment décisif, le moment où bien des personnes des classes populaires ont cessé de mourir avant d'atteindre l'âge de la retraite.
Aujourd'hui s'opère le mouvement inverse : l'âge de la retraite recule, recule, recule, et quand les Français l'atteignent, ils sont de plus en plus nombreux à être soit en très mauvaise santé soit déjà décédés.
Il est nécessaire de garantir un départ à la retraite à un âge raisonnable, afin que les gens bénéficient de leur retraite en bonne santé.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
La parole est à Mme Mathilde Panot, pour soutenir le sous-amendement no 42255 .
Il vise à traduire dans la loi l'une de nos propositions, car, contrairement à ce que vous dites, nous ne nous contentons pas de nous opposer à votre texte : nous faisons des propositions inspirées par une vision du monde totalement différente de la vôtre.
Le sous-amendement tend à intégrer les trimestres pendant lesquels le RSA a été perçu au calcul de la retraite. François Ruffin vient de le rappeler : le nombre des personnes de plus de 60 ans au RSA a explosé – il a augmenté de 157 % en dix ans. Vous devez vous interroger sur un tel phénomène. Nous parlions des 400 000 personnes tombées sous le seuil de pauvreté en 2018 : cela montre qu'Emmanuel Macron n'est pas seulement le Président des riches, il est aussi une machine à fabriquer de la pauvreté.
Avec votre réforme, qui prend en compte l'ensemble de la carrière – au lieu des vingt-cinq meilleures années pour le privé, et des six derniers mois pour le public – et qui se fonde sur un système à points créant une sorte de retraite tombola, on ne sait ni combien on touchera, ni à quel âge on partira – ce sont tout de même des questions fondamentales. Dans tous les pays qui ont mis en place une retraite à points, la pauvreté a augmenté, et il y a eu une ouverture à la capitalisation – qui est en soi une façon d'appauvrir les gens.
Si vous reconnaissez que les précaires ne sont pas responsables de la pauvreté, que les chômeurs ne sont pas responsables du chômage, et qu'il est de la responsabilité de l'État de garantir le droit à un emploi de chacun et chacune – le fait que les chômeurs soient sans emploi relève de sa responsabilité – , alors il faut intégrer les périodes de RSA dans le calcul de la retraite. Sans cela, ceux qui le perçoivent seront victimes d'une double peine, sachant qu'aujourd'hui les plus pauvres sont ceux qui partent le plus tard à la retraite. Il ne faut pas prolonger cette dynamique et permettre que les choses empirent.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir le sous-amendement no 42264 .
Il vise à ce que les gens puissent partir à la retraite avec « une pension à taux plein à l'issue d'un nombre d'annuités raisonnable ». Ce n'est absolument pas ce qui est proposé par le projet de loi. La merveilleuse étude d'impact a beau nous expliquer que l'âge d'équilibre fixé à 65 ans n'augmentera jamais, c'est totalement faux et cela ne correspond pas à l'esprit de cet outil. L'âge d'équilibre ira crescendo jusqu'à 66 ou 67 ans. On imagine le nombre d'années de cotisations de ceux qui auront commencé à travailler à 16 ans et qui voudront bénéficier d'une retraite à taux plein sans décote ! Cet âge pivot est le symbole de la régression totale qu'implique le système par points : il crée une inégalité entre ceux qui auront commencé à travailler tôt et les autres.
Il y a quelque chose de profondément vicié dans le projet de loi. Il est nécessaire de revenir sur l'âge pivot et de s'en tenir à l'idée d'un nombre d'années raisonnable de cotisation. Ce pourrait être quarante années en prenant en compte les années d'études. En tout cas, il faut garantir qu'à 60 ans les Français pourront partir à la retraite avec une pension à taux plein.
La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir le sous-amendement no 42258 .
Il vise à « assurer une prise en compte des enfants dans le calcul des retraites ». Aujourd'hui, les femmes sont malheureusement pénalisées par la maternité qui contribue souvent à hacher leur carrière et, en conséquence, à diminuer leur retraite.
On peut changer pour faire mieux, mais ce n'est pas ce que vous proposez !
Nous ne disons pas qu'il ne faut rien changer, au contraire ! Nous vous demandons d'inscrire dans la loi que les enfants sont pris en compte dans le calcul de la retraite.
L'alternative consisterait à mettre en place un véritable congé parental, tel que l'avait proposé la députée européenne Maria Arena. Elle avait interpellé le Président de la République sur la position de la France concernant l'initiative de la Commission européenne relative à l'équilibre entre vie privée et vie professionnelle et aux congés parentaux. Ces congés, qui doivent enfin permettre aux pères et aux mères d'assumer leur vie professionnelle en même temps que leur vie familiale, garantiraient l'épanouissement maximal des enfants européens. Aujourd'hui, un travailleur qui choisit le congé parental perçoit un tiers du SMIC. On voit bien que ce n'est pas viable.
Sur ce sujet, Maria Arena a non seulement reçu une réponse positive de la part des ONG et des syndicats, mais elle a aussi recueilli le soutien de la Commission européenne qui a endossé son projet considérant qu'il s'agissait d'une excellente idée, également utile dans le cadre de la lutte contre le chômage.
Malheureusement, le Président de la République française lui a répondu qu'il « en approuvait totalement le principe » – sur le principe, on peut toujours dire qu'il n'y a pas de problème – , cependant, parce qu'il faut tout de même être un peu sérieux, il n'en est pas resté là, précisant « mais les congés parentaux payés au niveau de l'indemnité maladie journalière, c'est une belle idée qui peut coûter très cher et finir par être insoutenable », avant d'ajouter que « les modalités ainsi décrites, telles qu'elles sont analysées sur le système français, ont un coût qui est potentiellement explosif ».
C'est le choix de la régression alors qu'il s'agit d'une proposition de la Commission européenne. La France s'est opposée à une mesure d'élévation du niveau de l'accompagnement social en Europe…
L'amendement no 23972 évoque les orthophonistes. Il me semble que c'est l'occasion d'y ajouter d'autres catégories professionnelles que la réforme en cours inquiète très sérieusement – inquiétude qui a, à mon sens, des raisons réelles et objectives.
Mon sous-amendement permettrait de citer les avocats, qui sont depuis de longues semaines dans la rue. Leur mobilisation, qui bloque complètement les tribunaux, n'a pas d'équivalent dans l'histoire de la profession. Les avocats ressentent un véritable sentiment d'abandon, conjugué à l'impression que le Gouvernement ne les écoute pas assez. Inscrire, dès l'article 1er, qu'ils ne seront pas les perdants de la réforme m'apparaît comme une étape nécessaire.
Je rappelle que leurs réserves risquent d'être subtilisées pour compenser la hausse de leurs cotisations. Ceux dont les revenus se situent sous le revenu médian de la profession – c'est-à-dire ceux qui font vivre l'aide juridictionnelle – subiront une hausse des cotisations. Par ailleurs le maintien de leur caisse autonome n'est pas garanti dans le cadre global de la réforme.
L'adoption de mon sous-amendement montrerait que les avocats ne sont poursuivis par aucune vindicte et que des lignes rouges seront respectées.
La parole reste à M. Julien Aubert, pour soutenir le sous-amendement no 42281 , qui est de même nature…
De même nature, mais néanmoins différent puisqu'il est relatif aux agriculteurs et non plus aux avocats. Les agriculteurs ont souvent des carrières hachées, et il ne faut pas oublier le statut particulier des aidants familiaux agricoles. Ils relèvent d'un régime ayant une forte identité, celui de la MSA – Mutualité sociale agricole. Ils sont assez inquiets et craignent que les règles futures se retournent contre eux du fait de la nature particulière de leur activité.
En les citant expressément avec les orthophonistes et les avocats, nous montrerions notre attachement à cette profession dans un contexte difficile – M. Le Fur pourrait nous parler de l'agribashing qui se répand. L'adoption de ce sous-amendement aurait du sens pour les agriculteurs et pour leur régime particulier, car, que nous le voulions ou non, les spécificités de l'activité saisonnière justifient qu'ils soient traités différemment malgré votre volonté de grande homogénéisation.
La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir le sous-amendement no 42077 .
Pour vous être agréable, monsieur le président, car chacun, président compris, a su faire des efforts, je me propose de défendre en même temps mes huit amendements successifs nos 42077 à 42084 relatifs à des professions de santé : les infirmières et les infirmiers libéraux, les kinésithérapeutes, les psychomotriciens, les ostéopathes, les pédicures-podologues, les orthoptistes, les diététiciens et les ergothérapeutes.
Ces professions relèvent pour la retraite d'une caisse spécifique, la Carpimko – caisse autonome de retraite et de prévoyance des infirmiers, pédicures-podologues, masseurs-kinésithérapeutes, orthophonistes et orthoptistes – qui dispose de réserves. Alors que l'ensemble de ces professions libérales cotisent aujourd'hui au taux de 15 %, elles devraient demain, dans le cadre de la réforme, cotiser au taux de 28,12 %. Comment passer d'un taux à l'autre ?
Ces professionnels pourront-ils répercuter la hausse de cotisation sur leur patientèle ? Ce n'est pas du tout évident, car les taux de remboursement sont très différents. La sécurité sociale remboursera-t-elle la hausse éventuellement répercutée ? Quelles seront les conséquences sur les comptes de la sécurité sociale de vos mesures relatives aux retraites de ces professions ? Vous avez voulu faire du systémique, il faut en tirer toutes les conséquences !
Ces conséquences concernent les professionnels de santé, leur patientèle, et le budget de la sécurité sociale. Nous ne pouvons pas voter un dispositif aussi important sans avoir une vision claire des choses. Je note qu'une fois de plus, l'étude d'impact est totalement défaillante sur le sujet.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole reste à M. Marc Le Fur, pour soutenir le sous-amendement no 42129 .
Il concerne les patrons-pêcheurs et le monde des marins. Ils connaissent une situation très particulière en matière de retraite. Cette fois, mes chers collègues, ce n'est pas à la Libération qu'il faut chercher les origines de ce régime : il faut remonter à Louis XIV qui a créé le système de protection des marins.
En effet, Colbert était le ministre de Louis XIV. Il est vrai que l'instruction publique a davantage insisté sur Colbert ; c'est de bonne guerre. Le système est en tout cas très ancien. Il a des particularités auxquelles les marins tiennent, comme le départ à 55 ans ou le calcul des pensions fondé sur le salaire forfaitaire et non sur le revenu réel.
Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite qu'à un moment donné de nos travaux – le plus rapidement sera le mieux – , vous nous disiez très clairement que vous maintenez ces spécificités. Elles se justifient concernant un métier très particulier : vous embarquez pour plusieurs jours, vous partez au petit matin dans des conditions d'incertitude et d'insécurité pour aller pêcher dans les eaux britanniques – même si, avec le Brexit, ce ne sera bientôt plus possible – à partir des ports bretons…
Je rectifie bien sûr par amitié pour mes excellents collègues Gosselin et Jumel : à partir des ports bretons et normands.
Toutes ces contraintes ont été prises en compte sous l'Ancien Régime. Nous n'avons pas le droit de rompre comme cela avec une logique aussi ancienne sous prétexte qu'il y aurait une réforme générale, et de faire passer ces particularités par pertes et profits.
Monsieur le secrétaire d'État, nous devons rassurer ces professions et leur dire que la logique de leur organisation en matière de retraite, associée à des contraintes très singulières, sera préservée et maintenue.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir le sous-amendement no 42280 .
L'Assemblée a donné le nom de Colbert, dont nous parlions, à l'une de ses plus belles salles. Malheureusement, elle est affectée au groupe majoritaire !
Nous vous remercions pour ces précisions, monsieur Le Fur, mais la parole est à M. Aubert.
Je me joins à l'éloge du grand Colbert que vient de prononcer M. Le Fur. L'héritage de Colbert est fort riche et, malheureusement, nous avons oublié quelques-uns de ses préceptes.
M. Le Fur vient de présenter des sous-amendements relatifs à diverses professions médicales. Je propose que nous ajoutions les médecins à la liste. Ils sont inquiets de l'avenir des 7 milliards d'euros de leur réserve – ils partagent avec les avocats cette préoccupation relative aux réserves.
Les médecins s'inquiètent également du fait que le futur régime universel ira jusqu'à trois PASS ; ils préféreraient qu'il se limite à un seul PASS. Enfin, ils s'inquiètent aussi du flou qui perdure quant à l'avenir des aides de solidarité destinées aux membres de la profession en difficulté et assurées aujourd'hui par leur caisse autonome.
En réalité, toutes les professions libérales se sentent mal à l'aise à l'idée d'intégrer un régime universel qui a été pensé principalement pour un monde de salariés. Mentionner les médecins à côté des autres professions médicales et paramédicales qu'a citées avec talent Marc Le Fur permettra de leur envoyer un message fort : le passage au système universel ne se traduira pas par la vidange des réserves qu'ils ont accumulées ni par la remise en cause des droits qui y étaient attachés.
La parole est à Mme Mathilde Panot, pour soutenir le sous-amendement no 42248 .
Le présent sous-amendement demande la prise en compte de la pénibilité de certains métiers, notamment de celui des assistantes maternelles. Dans le système actuel, la prise en compte de la pénibilité n'est pas satisfaisante. Ainsi, les assistantes maternelles portent chaque jour des charges cumulées importantes et sont exposées a du bruit et à des virus, ce qui a des conséquences sur leur santé. Ces particularités devraient leur permettre de partir à la retraite plus tôt.
Nous allons revenir sur la question de la pénibilité à de multiples reprises car il s'agit d'un vrai problème dans votre projet de loi. Ce n'est pas étonnant lorsque l'on sait que cette majorité et ce gouvernement ont commencé le quinquennat en supprimant quatre critères de pénibilité, notamment le port de charges lourdes.
Pour les assistantes maternelles, la pénibilité représente un vrai enjeu. Elles s'étaient fortement mobilisées l'année dernière sur la question des conditions de travail, notamment en faisant grève. Elles gagnent en moyenne à peine 3,38 euros de l'heure hors frais d'entretien et de repas, et connaissent donc une précarisation forte. Le métier est dévalorisé, alors qu'il rend difficile la conciliation entre travail et vie privée puisque c'est à leur domicile que les assistantes maternelles travaillent. Enfin, l'activité des assistantes maternelles est réduite à certains moments.
Puisque vous menez une réforme des retraites, voici un élément qui devrait vous intéresser : aujourd'hui, sept enfants sur dix sont gardés par leurs grands-parents les mercredis, en vacances scolaires et dans le cadre des sorties scolaires – ma collègue Caroline Fiat en parlait tout à l'heure. Faire travailler les gens plus longtemps aura aussi un impact fort sur la garde des enfants et sur les temps familiaux, dont on connaît l'importance.
Je suis saisi de plusieurs demandes de scrutin public. Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine demande un scrutin sur les sous-amendements nos 41946 , 41947 , 41948 et 41949 ; le groupe de la France insoumise, sur les sous-amendements nos 42264 , 42258 et 42248 ; le groupe Les Républicains, sur le sous-amendement no 42129 .
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Nicolas Turquois, rapporteur de la commission spéciale pour le titre Ier, pour donner l'avis de la commission sur l'ensemble des sous-amendements à l'amendement no 23972 et sur l'amendement lui-même.
Vu le nombre de sujets abordés, je ne sais pas par où commencer mon propos. Si j'étais membre du groupe Socialistes et apparentés, je serais quelque peu vexé de voir mon amendement faire l'objet de trente-sept sous-amendements – la preuve qu'il ne devait pas être très bien rédigé !
Protestations sur les bancs du groupe FI.
S'il vous plaît, mes chers collègues. Monsieur Hutin, vous aurez la parole après l'avis du secrétaire d'État.
L'amendement et les sous-amendements reflètent la volonté manifeste de bloquer le fonctionnement de l'Assemblée et d'abîmer le rôle des parlementaires.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM ainsi que sur plusieurs bancs du groupe MODEM. – Protestations sur les bancs du groupe LR.
Cet après-midi, M. Mélenchon a déclaré : « Nous allons tenir la tranchée. » Pour ma part, je ne suis pas en guerre en venant à l'Assemblée. J'ai envie de travailler, de faire des constats, d'analyser, d'essayer des choses.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Ici aussi, certains cherchent peut-être, en parlant au micro, à profiter d'un moment de gloire ; mais ce faisant, ils abîment profondément notre fonction.
Je vais citer les éléments évoqués dans les sous-amendements. Alors que l'amendement no 23972 était consacré aux professions libérales et particulièrement aux orthophonistes, M. Bruneel, qui est parti aussitôt après son intervention…
Très vives protestations sur les bancs des groupe SOC, FI et GDR.
Très vives protestations sur les bancs des groupe SOC, FI et GDR. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Madame Fiat, au sous-amendement no 42251 , vous avez ajouté la notion de pénibilité…
Vives exclamations sur de nombreux bancs.
Mes chers collègues, s'il vous plaît, un peu de silence ! Monsieur Jumel, vous aurez la parole tout à l'heure. Vous avez demandé le calme pendant votre intervention ; je comprends que vous ayez envie de réagir, mais vous aurez l'occasion de le faire. M. le rapporteur va finir son propos, puis nous entendrons M. le secrétaire d'État, et ensuite je laisserai s'exprimer un orateur par groupe.
Monsieur Lachaud, vous nous avez interrogés sur la façon dont on pouvait financer les pensions d'un nombre croissant de retraités par une part plus faible du PIB. Vous aviez déjà fait cette remarque hier ; nous avons déjà apporté une réponse, mais je vais la redonner. Un de vos collègues a dit à plusieurs reprises que depuis les années 1970, la valeur produite par les salariés a été multipliée par quatre et le PIB a fortement augmenté : c'est cela qui permet d'assurer une hausse des pensions malgré l'augmentation du nombre de retraités.
Vous avez comparé le système proposé avec le système allemand. L'Allemagne possède un régime de base similaire au nôtre, mais également un régime complémentaire d'entreprise, ce qui n'est en aucun cas ce que nous proposons. On ne peut pas comparer des choses incomparables !
Madame Fiat, vous proposez d'ajouter, à l'alinéa 5, la notion de pénibilité, alors que l'amendement du groupe Socialistes et apparentés la mentionne déjà à l'alinéa 4.
Madame Panot, vous avez parlé des assistantes maternelles, alors qu'il est question de professions libérales.
Monsieur Le Fur, vous avez ajouté dans les professions libérales les patrons pêcheurs. J'en suis surpris : c'est jeter le filet très large !
Je reviens sur le fond de l'amendement.
Exclamations sur les bancs du groupe SOC.
Il portait sur les orthophonistes. Ceux-ci relèvent de la Carpimko. Un rapport sur l'évolution du ratio entre cotisants et retraités, rédigé à la demande de cette caisse, indique que pour conserver l'équilibre malgré le retournement du ratio démographique, il faudra augmenter la valeur d'achat du point actuelle – car c'est un système à points – de 4 %. Cela exige d'amener progressivement le taux de cotisation – actuellement de 17 % – à 21 % d'ici à 2040.
Nous proposons effectivement, à l'issue de la phase de transition, un taux de cotisation de 28 %. Toutefois, non seulement l'assurance maladie maintiendra sa participation financière, mais encore faut-il tenir compte de l'abattement de 30 % de l'assiette de CSG et de cotisations. Si on applique cet abattement aux 28 %, on arrive précisément à 21 %, soit le chiffre indiqué dans l'étude de la Carpimko. Le match est donc nul en matière d'évolution des cotisations.
Avis absolument défavorable sur l'amendement no 23972 et les trente-sept sous-amendements dont il fait l'objet.
Rappels au règlement
Je me fonde sur l'article 100, alinéa 7 du règlement. Nous déposons des amendements, nous les défendons ; le rapporteur est censé nous répondre sur le fond !
Nous commencions à bien travailler et à progresser, chacun faisait des efforts. Moi-même, comme vous avez pu le constater, je n'ai pas défendu tous mes sous-amendements, les regroupant pour nous permettre de gagner du temps. Mais le rapporteur, au lieu d'en prendre acte et d'essayer de répondre sur le fond, que fait-il ?
Ma question sur les patrons pêcheurs – une catégorie tout à fait digne de notre intérêt, monsieur le rapporteur ! – n'a reçu aucune réponse. Je sais que le secrétaire d'État répondra, car il est sérieux.
Exclamations sur les bancs du groupe MODEM.
Monsieur le rapporteur, votre tâche est, certes, délicate et difficile, mais vous devez l'assumer pleinement en répondant aux auteurs d'amendements sur le fond.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour un nouveau rappel au règlement.
J'interviens en vertu de l'article 100, alinéa 5 – et peut-être même alinéa 7.
Peut-être est-ce dû à votre charisme, monsieur le président, mais j'avais le sentiment que les débats s'étaient tranquillisés et que nous pouvions sereinement défendre notre point de vue. Et voilà que le rapporteur vient avec son briquet pour allumer des mèches en se montrant inutilement désobligeant et arrogant.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LR et FI.
Il prétend ainsi interdire à l'un de mes collègues, présent depuis le début de nos débats, d'aller prendre l'air trois minutes. Ce n'est respectueux ni de l'opposition ni du Parlement ; ce n'est pas à la hauteur de la mission qu'on vous a confiée. Si vous voulez rallumer la mèche, si la mission qu'on vous a donnée est de créer un bordel généralisé, alors faites-le, mais ne faites pas porter à l'opposition le poids de vos propres turpitudes !
Vous êtes, depuis le début, responsable de ce qui se passe mal, incapable de mener les débats sur le texte correctement. Assez ! Cela suffit maintenant.
Je me fonde sur l'article 100, alinéa 7. Nous avons déposé des sous-amendements, que nous avons expliqués et défendus ; nous attendons des réponses de la part de M. le rapporteur.
Puisqu'il m'a citée, je vais lui répondre. J'ai posé des questions claires à M. le secrétaire d'État. J'ai écouté très sérieusement les débats depuis trois jours, j'ai pris note des avancées et des réponses qui ont été apportées, et c'est là-dessus que je rebondis. C'est vous, monsieur le rapporteur, qui mettez le bazar dans cette assemblée, c'est vous qui allumez la mèche !
Protestations sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.
On ne peut pas nous demander de parler du fond si c'est pour nous le reprocher ensuite ! Par ailleurs, il est pénible de s'exprimer dans un brouhaha constant ; vous allez encore dire que c'est l'opposition qui le crée, mais depuis quinze heures, le brouhaha, c'est vous !
La parole est à M. Boris Vallaud, également pour un rappel au règlement.
J'interviens sur le fondement de l'article 100, alinéa 7. Je voudrais appuyer ce qui vient d'être dit. Nous avons été patients, nous avons défendu notre amendement et écouté avec beaucoup d'intérêt la présentation des sous-amendements ; ceux-ci soulèvent des questions qui méritent des réponses. Mais que rencontrons-nous en face ? De la morgue et du mépris !
Protestations sur les bancs du groupe MODEM.
Ce n'est pas possible. Vous réclamez avec insistance qu'on se concentre sur le fond ; dans ce cas, quand des questions de fond sont abordées, apportez-y des réponses de fond !
Applaudissements sur les bancs des groupes LR, SOC, GDR et FI. – Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
Ou alors, s'il n'a rien d'intéressant à dire, que le rapporteur garde le silence !
J'interviens également sur le fondement de l'article 100. Nous avons un vrai problème dans les débats, et la manière dont on traite les choses doit être examinée. Je parle bien du fond. Nous sommes nombreux à avoir déposé des amendements réclamant des rapports, et nous les avons évidemment placés à différents endroits du texte, pour que le débat reste cohérent.
Or le service de la séance a décidé, de manière unilatérale, que tous les amendements relatifs à des demandes de rapport seraient examinés après l'article 65, à un moment où cela n'aura plus de sens.
Vous prenez une lourde responsabilité : vous voudriez prouver que nos propositions n'ont pas de sens que vous ne vous y prendriez pas autrement, alors qu'elles ont un véritable sens.
Pour abonder dans le sens de M. Vallaud, je dirai que nous avons l'impression que c'est la majorité qui est en train de saboter l'intégralité de ce débat parlementaire.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LR, SOC, GDR et FI.
Mon rappel au règlement se fonde également sur l'article 100, alinéa 7 du règlement. Je suis très gêné de voir que, depuis quelques jours, les provocations se multiplient. Si je suis prêt à entendre que la majorité peut parfois y prendre sa part, je ne peux en aucun cas accepter les cris d'orfraie, les contestations venues à l'instant de la gauche et de la droite de l'hémicycle pour expliquer que ce serait la majorité qui ferait preuve de mépris et de morgue.
À aucun moment, je n'ai vu le rapporteur manifester une quelconque morgue.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir.
Mêmes mouvements.
Cela fait trois semaines qu'il répond sur le fond ! Cela fait trois semaines que vous essayez d'échapper au débat et que nous, nous voulons dire ce que nous voulons apporter aux Français ! Vous voulez réduire le rapporteur au silence ! Vous voulez nous réduire au silence, mais nous ne vous laisserons pas faire, car nous sommes ici par la volonté des électeurs !
De nombreux députés des groupes MODEM, LaREM et UDI-Agir se lèvent et applaudissent.
S'il vous plaît, essayons de retrouver le fil de nos débats. La parole est à M. François Ruffin.
Mon intervention se fonde sur l'article 100, alinéas 5 et 7 du règlement.
Le blocage, c'est vous !
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
Le blocage, c'est vous ! Écoutez l'un des élus de vos bancs, M. Éric Poulliat, qui se dit extrêmement opposé par principe à l'application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution. Cet élu du groupe LaREM déclare ceci : « C'est le Gouvernement qui avait le choix de déposer le texte à ce moment-là, juste avant les municipales. Quelle urgence y avait-il, alors qu'il faut se donner le temps sur une réforme aussi essentielle ? Je comprends que l'on oblige l'exécutif à recourir à une forme d'autorité, mais je ne cautionne pas plus l'agenda contraint que l'on nous impose que l'obstruction de l'opposition. »
Nous sommes dans une ornière : c'est évident ! Moi, je voudrais faire une proposition à la majorité. Ce texte concerne des millions de retraités et futurs retraités – à peu près tous les Français.
Comme le dit M. Poulliat, il faut se donner le temps. Voici ma proposition : suspendons les débats jusqu'aux élections municipales
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR. – M. Sébastien Jumel applaudit également
et adressons au Conseil d'État une étude d'impact qu'il n'estimera pas sommaire, mal faite…
Si le débat se déroule de cette manière, sur la base d'une étude d'impact fiable, sans procédure accélérée, en donnant du temps au Parlement, je suis convaincu que les oppositions sont prêtes à faire un travail tout à fait constructif.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI. – M. Sébastien Jumel applaudit aussi.
Mon intervention se fonde sur l'article 100 du règlement.
À texte chaotique, débat chaotique.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.
Ce texte étant très compliqué, le débat l'est aussi. Pour ma part, je propose de calculer les points sur les vingt-cinq meilleures années. La proposition oblige à faire un peu d'arithmétique, mais elle est assez simple et pourrait constituer une solution. En tout cas, elle peut être soumise au débat. Je demande donc un rapport sur ce sujet, car un amendement proposant ce mode de calcul serait déclaré irrecevable en application de l'article 40 de la Constitution.
Or ma proposition sera examinée en fin de débat, après l'article 65, ce qui n'a aucun sens.
M. Hetzel a parfaitement raison : il faut examiner les amendements demandant des rapports au moment où le sujet de fond auquel ils se réfèrent est traité.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Je n'avais pas forcément prévu d'intervenir, mais je vais le faire sur le fondement de l'article 100, comme nos collègues.
Je participe aux travaux sur ces textes depuis maintenant trois semaines ; deux semaines durant, j'ai suivi intégralement les débats en commission spéciale : soixante-quinze heures sur le projet de loi ordinaire et six heures sur le projet de loi organique.
Nous débattons dans l'hémicycle depuis lundi. Je considère que les membres du groupe UDI, Agir et indépendants n'ont pas abusé de leur droit de parole. Nous appartenons à un petit groupe, mais nous sommes témoins de ce qui se passe. Nous avons aussi quelques idées sur les différents sujets abordés dans ce projet de loi, que nous avons traduites sous forme d'amendements. Nos amendements passent à leur rythme, c'est-à-dire une fois tous les 1 000 amendements, puisque des dizaines de milliers d'amendements ont été déposées.
Ceci étant posé, j'estime sincèrement que s'il est une chose que l'on ne peut pas faire, c'est adresser des griefs aux rapporteurs Nicolas Turquois et Jacques Maire.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UDI-Agir, LaREM et MODEM.
Je le dis sincèrement, en regardant des députés pour lesquels j'ai beaucoup d'affection, y compris un député breton : s'il est un reproche que l'on ne peut pas adresser au rapporteur, c'est bien celui de ne pas répondre.
Comme je l'ai dit dans ma région, je trouve que le nombre d'amendements est déraisonnable et celui des sous-amendements excessif.
Mêmes mouvements.
Cela permet à des groupes qui comptent peu de députés de prendre la parole à tour de bras, pendant des heures et des heures, obligeant leurs collègues d'autres groupes à attendre trois heures avant de pouvoir s'exprimer.
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-Agir, LaREM et MODEM.
Ceci est inqualifiable ! Je vise des députés qui aspirent à prendre des responsabilités, y compris dans la région dans laquelle je vis !
De nombreux députés des groupes UDI-Agir, LaREM et MODEM se lèvent et applaudissent.
Les rappels au règlement sont de droit, mais je peux y mettre un terme s'ils sont trop répétitifs. Si c'est pour dire la même chose, cela ne sert à rien de prendre la parole. La parole est à M. Adrien Quatennens, à qui je demande d'être concis.
Vous savez que je n'en abuse pas, monsieur le président, et je vais essayer de faire au mieux. Mon intervention se fonde sur l'article 100 de notre règlement.
Vous semblez beaucoup vous inquiéter, à raison, de la manière dont nos débats sont observés à l'extérieur. J'ai l'avantage d'avoir pris le temps de la pause pour aller à l'extérieur, dans la manifestation…
Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM
… et je peux vous rassurer : nos débats sont très suivis et, globalement, la manière dont ils se déroulent plaît beaucoup aux gens, elle leur convient.
Mêmes mouvements.
Je ne vais pas vous faire l'injure de relire l'article 100 du règlement, mais je peux vous dire qu'il ne traite pas des manifestations ou des reportages de télévision sur nos travaux.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Je vais vous laisser finir votre intervention, en vous demandant d'être respectueux du règlement et de cet hémicycle et de vous concentrer sur votre rappel au règlement.
Évidemment, mais mon rappel au règlement porte sur le bon déroulement de nos débats et je veux rassurer nos collègues : à l'extérieur, les gens sont majoritairement opposés aux projets de réforme et ils sont contents de la manière dont les débats se passent.
Vives exclamations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Rappelant que M. Mélenchon avait utilisé l'expression de guerre de tranchées, le rapporteur nous a dit : c'est la guerre. Il s'agit d'une guerre démocratique, mais c'est vous qui l'avez déclarée parce que, nous vous l'avons répété, votre programme annonce l'inverse de ce que vous faites…
Merci, monsieur Quatennens. Nous en resterons là concernant votre rappel au règlement. Votre propos est clair mais il n'a pas de rapport avec l'article 100 du règlement, que je vous incite à relire.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. Bruno Fuchs, que j'invite à rester dans le cadre d'un rappel au règlement.
J'interviens aussi au titre de l'article 100 du règlement.
Mon collègue dit que les citoyens et spectateurs s'amusent et apprécient les débats, mais il se trompe de chaîne : ici, nous sommes au Parlement, un haut lieu de la démocratie. C'est bien de raconter des contrevérités en permanence…
… mais je voudrais que les personnes qui nous regardent sachent de quoi l'on parle.
Ces sous-amendements proposent, par exemple, de remplacer « contribuent »par « conduisent », ou « à aucune » par « pas une », ou « jamais » par « pas ». Voilà le type de sous-amendements qui sont proposés, et qui n'ont rien à voir avec le fond !
Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.
Vous tournez en rond pour nous accuser ensuite des choses que vous êtes vous-mêmes en train de commettre !
Je voudrais rappeler chacun à ses responsabilités dans ce débat. M. Mélenchon a eu l'occasion de saluer à plusieurs reprises les propos du rapporteur, qui apportait les précisions nécessaires à chaque moment du débat.
Vous pourrez consulter ses déclarations dans le rapport, comme peuvent le faire les députés de toutes les autres oppositions.
Le rapporteur n'est certes pas à l'abri d'un écart ou d'un énervement, assez légitime quand on se trouve en présence de trente-sept sous-amendements sur un amendement, qui demandent des précisions qui vont dans tous les sens et qui visent toutes les catégories professionnelles. Il faudrait qu'il réponde à la ligne près et au chiffre près !
Dans le cadre d'un débat digne de ce nom, deux choses doivent prévaloir : le débat a lieu à l'Assemblée nationale, et non pas sur les réseaux sociaux ou à l'extérieur ; le respect de chacun envers les autres. Quand cesseront les invectives et les noms d'oiseaux, peut-être pourrons-nous enfin parler du texte !
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir.
Article 1er
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement no 23972 et les sous-amendements ?
Les sous-amendements sont nombreux, en effet, et ils abordent beaucoup de sujets. Je vais essayer d'en traiter un maximum, en commençant par ceux de La France insoumise pour qu'Éric Coquerel, qui suit certainement nos travaux cet après-midi, ne pense pas que je les ai oubliés.
Monsieur Lachaud, vous m'avez interrogé à plusieurs reprises sur la part du PIB consacrée aux pensions de retraite. Je pense sincèrement vous avoir répondu à plusieurs reprises, sans éluder la question, mais j'ai bien compris que je ne vous avais pas convaincu.
Remettons les choses en perspective, en nous fondant sur les travaux du Conseil d'orientation des retraites – COR. Si l'on garde le système actuel, les pensions de retraite représenteront environ 13 % du PIB à l'horizon de 2050, soit un pourcentage inférieur à ce qu'il est actuellement, même si la pension moyenne continuera à progresser. Si l'on adopte la réforme, on se situera à 12,9 %. Les pourcentages sont donc très proches, et la baisse est due à une forte progression du PIB, ce qui devrait vous rassurer.
Madame Fiat, vous avez été attentive à mon propos précédent, comme vous l'êtes à chaque fois, ce dont je vous remercie. En plus des quelques éléments que je vais vous fournir sur les seuils, nous vous communiquerons le dossier de presse sur la réunion multilatérale qui s'est tenue jeudi dernier. Nous proposons d'abaisser de 120 à 110 nuits par an le seuil qui permet de bénéficier des points de pénibilité. Quant au nombre de nuits en horaires tournants nécessaires, il passera de 50 à 30 par an.
MM. Bernalicis et Vallaud – et peut-être d'autres qui me pardonneront de ne pas les citer – s'inquiétaient du temps que nous avions pu passer à échanger avec les représentants des professions libérales lors de la préparation de cette réforme. Soyez rassurés : depuis trois mois, le haut-commissaire Jean-Paul Delevoye puis moi-même avons vu à plusieurs reprises toutes les organisations professionnelles majoritaires représentatives des professions libérales. J'ai moi-même rencontré à plusieurs reprises les représentants des médecins, des notaires, des avocats… Je ne vais pas vous faire une liste à la Prévert.
Il était normal que nous le fassions, mais c'est une contrevérité de dire que nous ne l'avons pas fait. Je ne prétends pas que tout le monde était d'accord en sortant des réunions, mais nous pouvons au moins acter le fait qu'elles se sont tenues – et qu'elles ont souvent été fructueuses, car nous nous sommes compris.
Revenons à cet amendement no 23972 . Il s'intéresse aux orthophonistes, mais notre excellent rapporteur, Nicolas Turquois, vient de nous donner des explications plus globales sur l'ensemble des adhérents à la Carpimko, la caisse de ces auxiliaires médicaux.
Les auxiliaires médicaux se sont inquiétés de l'évolution de leur taux de cotisation. La cotisation vieillesse augmentera t-elle ? Si oui, les pensions s'amélioreront-elles ? Ces questions sont légitimes. Nous avons travaillé avec les représentants de ces professions et leur avons fourni des simulations, dont certaines sont librement accessibles en ligne.
Toutes les organisations professionnelles ont reçu de telles simulations. Les avocats ont diligenté un audit à un cabinet extérieur pour examiner les données fournies par le haut-commissaire aux retraites, et ce tiers indépendant a jugé qu'elles étaient exactes. C'est dire la qualité des travaux préalables qui ont été menés.
L'une de ces simulations, que tout le monde peut consulter en ligne, concerne les infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, orthophonistes et orthoptistes. On y apprend que la pension mensuelle brute se monte à 1 337 euros dans le système actuel et atteindra 1 899 euros dans le système universel, ou encore que le taux moyen des cotisations de retraite passera de 18,3 % aujourd'hui à 28,12 % à l'issue de la transition – laquelle s'étendra sur plus de quinze ans. Comme l'a excellemment expliqué Nicolas Turquois, la Carpimko avait déjà prévu des hausses de cotisations. Les caisses sont en effet attentives à leur équilibre, et la démographie de leurs assurés peut les conduire à augmenter leurs cotisations. Par ailleurs, les auxiliaires médicaux ayant des revenus relativement modestes, de l'ordre de 30 000 euros annuels, ne connaîtront aucune hausse de leurs cotisations, du fait du changement d'assiette de la CSG, mais bénéficieront d'une hausse de 42 % de leurs pensions de retraite. Ceux dont le revenu annuel avoisine 40 000 euros ne verront pas non plus leurs cotisations augmenter, mais leurs pensions croîtront de 45 %.
Quant aux auxiliaires médicaux ayant des revenus très importants, de l'ordre de 80 000 euros, leurs cotisations augmenteront d'un point et leurs pensions croîtront de 82 %.
Le travail a donc été fait en amont, et bien fait. Je comprends que la représentation nationale nous interpelle – vous-mêmes avez été interpellés, et il est normal que vous vous en fassiez écho dans l'hémicycle. Il est donc légitime que je vous apporte des explications de nature à vous rassurer.
Je partage l'attachement aux métiers de la mer de M. Le Fur et d'autres députés qui en ont fait part en commission spéciale. Nul besoin pour cela d'être un élu du littoral : tous les Français sont attachés à la mer et à la préservation des activités de pêche et de marine marchande.
Le statut des marins est assez large et ne s'adresse pas aux seuls pêcheurs. Je parle ici au connaisseur qu'est M. Le Fur : comme vous le savez, j'ai été sollicité à ce sujet, dans mes fonctions précédentes, par un député d'Ille-et-Vilaine membre de la commission des affaires sociales et de votre groupe parlementaire. Le 30 janvier dernier, j'ai personnellement adressé un courrier à l'ensemble des partenaires sociaux concernés par le régime des marins – régime dont l'antériorité, que vous avez rappelée, monsieur Le Fur, prouve combien l'activité maritime est ancrée en France. Nous devons actualiser ce régime et le faire évoluer, tout en étant extrêmement attentifs aux réalités économiques. Gardons-nous de perturber les équilibres économiques souvent fragiles de la marine marchande – lorsqu'elle peut battre pavillon français – et de pêcheurs qui s'inquiètent des conséquences du Brexit pour les zones de pêche. Nous devons prendre le temps de mener un travail pointu dans ce domaine. C'est la raison pour laquelle j'ai garanti à ces professionnels, noir sur blanc, l'ensemble des dispositions qui les concernent, tout en leur expliquant qu'ils seraient intégrés dans le système universel. Ce dernier traitera toutes leurs spécificités.
Monsieur Le Fur, je vous propose de traiter plus longuement ce sujet lorsque nous aborderons l'article 8. Je ne voulais toutefois pas l'éluder et souhaitais en donner aujourd'hui un premier éclairage.
J'en viens à l'évolution des pensions moyennes, au sujet de laquelle m'a interrogé M. Aubert. Comme l'indique l'étude d'impact en page 176, « la réforme conduit, après 2037, à augmenter les niveaux de pension tout en ralentissant la hausse de la durée passée à la retraite ». La notion d'âge d'équilibre se double ainsi d'une dynamique favorable des pensions. Cela traduit la volonté du Gouvernement de ne pas imposer un allongement d'activité, tout en permettant à ceux qui le souhaitent de travailler un peu plus longtemps afin de percevoir un niveau de retraite plus important.
Ayant reçu de nombreuses demandes de prise de parole, j'en accorderai une par groupe. La parole est à M. Éric Woerth.
Ce débat est compliqué, car chaque étape nous conduit à aborder de nombreux aspects. Je me concentrerai ici sur les professions libérales. En la matière, votre proposition est d'une complexité inouïe, monsieur le secrétaire d'État. À titre d'exemple, un abattement de 30 % sur l'assiette de la CSG vient contrebalancer – pour autant qu'il soit constitutionnel – une augmentation des cotisations : en d'autres termes, un trou vient en boucher un autre ! Verrons-nous resurgir la TVA pour combler encore un autre trou ? Tout cela me semble peu responsable. Votre tuyauterie est encore plus complexe que celle qu'elle est censée remplacer !
Les députés de La France insoumise évoquent constamment la souffrance au travail. Évidemment, le travail est difficile ; évidemment, certains travaux sont plus difficiles que d'autres.
Mais nous sommes en France ! Vous passez systématiquement sous silence les mesures globales de prévention et de rattrapage qui existent dans notre pays pour réduire la pénibilité – rémunération, jours de récupération… Peut-être ces mesures sont-elles insuffisantes, mais vous ne pouvez ni les nier, ni raisonner métier par métier.
Quant aux professions libérales, il fallait leur laisser leur régime, monsieur le secrétaire d'État.
Il fallait maintenir un régime de base jusqu'à un certain plafond de sécurité sociale et, pour le reste, laisser vivre les régimes autonomes, précisément parce qu'ils sont autonomes. Jusqu'à présent, lorsqu'ils voulaient rejoindre un régime plus universel, ils le faisaient, avec une soulte le cas échéant. Cette approche était bien plus moderne et efficace.
M. Patrick Hetzel applaudit.
Je souscris aux remarques de M. Woerth concernant la difficulté de répondre à la multitude de sujets abordés par la myriade de sous-amendements.
Je remercie M. Turquois et l'ensemble des rapporteurs qui se livreront à cet exercice tout au long de l'examen du texte, comme je remercie M. le secrétaire d'État, d'avoir la patience de répondre aussi exhaustivement que possible aux innombrables sous-amendements. Je note d'ailleurs que certains sont répétés presque systématiquement à tout bout de champ, notamment à propos du PIB.
Monsieur Lachaud, est-il si difficile de comprendre que le montant alloué aux retraites représente un pourcentage du PIB, mais n'est pas un pourcentage du PIB ? L'allocation destinée aux retraites ne se définit pas en proportion du PIB ; elle évolue avec le temps. Depuis 1947, le PIB n'a cessé d'augmenter, hormis en 1993. Nous payons les retraites qui doivent l'être ; or, comme le PIB croît plus vite que le montant destiné aux retraites, la part représentée par les retraites dans le PIB baisse mécaniquement. J'espère que vous l'aurez enfin compris, mais j'en doute. Vous avez un problème avec les mathématiques, mais qu'importe, je vous répondrai autant de fois qu'il le faudra !
Exclamations sur les bancs du groupe FI.
Les Français ne sont pas dupes de ce qui se passe actuellement au Parlement.
Mes chers collègues, après avoir déposé 40 000 amendements, vous déposez autant de sous-amendements. Si chacun donne lieu à deux minutes d'exposé, cela mobilisera le Parlement pendant vingt ans, matin, midi et soir !
M. Jean-René Cazeneuve poursuit sous les applaudissements des députés du groupe LaREM.
Qui ne respecte pas le Parlement ? Qui ne respecte pas les parlementaires ? Qui ne respecte pas l'opposition ? Qui veut paralyser nos institutions ? Vous, puisque nous ne pouvons répondre qu'aux amendements, et non aux sous-amendements !
Lorsque vous prenez la parole pour soutenir un sous-amendement, vous ne parlez jamais de l'amendement correspondant ! Vous ne parlez pas de l'article ! C'est bien vous qui créez un climat de chaos !
Vous entendez nous faire croire que le texte n'est pas clair. Mais c'est vous qui créez de la confusion avec vos amendements et vos sous-amendements !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
Si vous le permettez, monsieur le président, et si j'en ai le temps, je dirai quelques mots de l'article.
Je peine à comprendre vos arguments, mes chers collègues. Quand les régimes autonomes sont déficitaires, vous en appelez à la solidarité nationale – et vous avez raison. En revanche, quand les régimes autonomes sont bénéficiaires, vous estimez qu'ils doivent rester autonomes. Ce n'est pas notre conception de la solidarité ! La solidarité n'est pas à sens unique !
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Nous devons aussi tenir compte des évolutions démographiques et des transformations des métiers : les régimes qui sont bénéficiaires aujourd'hui ne le seront peut-être pas demain !
Mêmes mouvements.
Cet après-midi, en entrant dans l'hémicycle pour défendre la cause des orthophonistes, je ne m'attendais pas à m'y trouver encore deux heures plus tard.
C'était sans compter sur notre collègue Nicolas Turquois qui, je le dis très sincèrement, fut un excellent rapporteur dans le cadre de la commission spéciale, car il a tenu la barre.
Je suis d'autant plus choqué par le dérapage et la provocation qu'il a commis tout à l'heure, mais je les mets volontiers sur le compte de la fatigue nerveuse ; c'est parfaitement compréhensible.
Je lui demande amicalement de se garder, à l'avenir, de provocations de ce genre. Je m'étonne aussi que pour dénoncer ce qu'il considérait comme une obstruction, il ait assimilé les sous-amendements à l'amendement lui-même. Si vous pensez, monsieur le rapporteur, que défendre la cause des orthophonistes équivaut à faire de l'obstruction, vous faites injure aux inquiétudes et à la souffrance réelles et légitimes de ces professionnels !
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC, ainsi que sur quelques bancs du groupe GDR.
Je reconnais, monsieur le rapporteur et monsieur le secrétaire d'État, que vous avez tenté d'apporter une explication. Monsieur Turquois, vous avez indiqué à juste titre que la démographie de cette profession la conduirait à augmenter ses cotisations de retraite. Or vous les faites passer de 16 % en moyenne à 28 % ! Ce bond est bien supérieur à celui que la profession avait prévu, et il lui sera extrêmement difficile de le supporter.
Quant à vous, monsieur le secrétaire d'État, je voudrais que vous me confirmiez par écrit ce que vous avez dit à la fin de votre intervention, évoquant ces orthophonistes qui gagnent plus 80 000 euros – si vous en trouvez quelques centaines en France, faites-le moi savoir !
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
En plus, vous avez indiqué que ceux-ci bénéficieraient d'un niveau de pension de 82 % supérieur à ce qu'ils touchent aujourd'hui ! Écrivez-le !
Je vous rassure, nos débats font l'objet d'un compte rendu écrit.
La parole est à M. Sébastien Jumel, puis à M. Adrien Quatennens et à M. le rapporteur. Ensuite, nous passerons aux votes.
Je confirme qu'en commission, le rapporteur Turquois a été respectueux. J'espère qu'il n'a pas reçu de consignes pour changer de posture en cours de route.
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
Je confirme aussi que si les amendements de fond que nous avions déposés ne s'étaient pas vu opposer l'irrecevabilité, nous n'aurions pas été contraints, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues de la majorité, de déposer ces sous-amendements pour vous obliger à parler du fond,
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM
sans même parler des amendements que vous avez cherché à mettre à la poubelle et que nous avons dû récupérer de force.
J'en viens maintenant au fond, à savoir la question des marins pêcheurs. Vous avez tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'État, en réponse à l'intervention de notre excellent collègue Le Fur, fait une déclaration d'amour aux marins pêcheurs et aux marins d'une manière générale, en faisant l'impasse sur le fait que l'article 7 renvoie le règlement de cette question à des ordonnances et que l'âge pivot à vocation, selon votre texte, à s'appliquer aux marins alors même que ceux-ci, au regard de leurs conditions de travail, de leur accidentologie et de la pénibilité de leur profession, ne peuvent souffrir qu'on leur applique le mauvais régime que vous prévoyez. Vous avez évoqué un courrier adressé aux organisations syndicales : j'aimerais en avoir copie, monsieur le secrétaire d'État. J'espère que vous y proposez le maintien de la disposition, supprimée de facto dans votre projet, qui ouvre la possibilité aux marins de partir à 50 ans lorsqu'ils ont cotisé 25 ans, que ce courrier s'oppose à la mise en place de l'âge pivot pour eux, qu'il prévoit une bonification de points, à l'instar des militaires, qu'il exclut de l'assiette les cotisations forfaitaires sur la base des catégories, qu'il maintient le mode de calcul de la pension de réversion pour le régime de l'ENIM, l'Établissement national des invalides de la marine, soit 54 % pour le conjoint survivant, et qu'il maintient le système de majoration des pensions pour les enfants de marins – actuellement de 5 % pour deux enfants, de 10 % pour le troisième enfant et de 15 % pour le quatrième, prenant en compte la spécificité et les difficultés de leur profession. J'ai été rapporteur spécial pour la pêche, et j'insiste à ce titre sur un dernier point : le métier de marin pêcheur souffre d'un déficit d'attractivité majeur – il y a environ 200 000 pensionnés et 20 000 actifs. Or ce métier risque d'être bousculé par le Brexit et fragilisé par les problématiques de renouvellement de la flottille. Si à cela vous ajoutez une dégradation des conditions d'accès aux droits à la retraite, vous allez planter un coup de poignard mortel dans le dos de cette belle profession qui fait l'identité et la sève de nos ports, et aussi l'économie réelle de notre littoral.
Monsieur le secrétaire d'État, j'attends donc avec impatience une copie de votre courrier et j'espère qu'il y est précisé ce qui ne l'est pas dans votre texte, car l'article 7 n'est qu'un chèque en blanc qui renvoie à des ordonnances, sans apporter aucune réponse aux différents points que je viens d'aborder.
M. Marc Le Fur applaudit.
Monsieur le président, comme nos collègues de la majorité ont profité de leurs interventions pour aborder des questions de forme, je vais faire de même avant d'aborder le fond. On a connu dans cette auguste maison, en des temps où, comme beaucoup d'entre vous, je n'étais pas député, des heures d'obstruction, notamment lors de la privatisation de GDF, où plus de 130 000 amendements avaient été déposés.
Je veux bien qu'on parle maintenant d'obstruction et de montagnes d'amendements, mais nous en sommes tout de même très loin : nous ne faisons que la grève du zèle !
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Chers collègues, économisez vos nerfs. Je serai clair : le groupe La France insoumise n'a pas l'intention de coopérer avec vous.
Donc vous ne voulez pas coopérer avec le peuple, que nous représentons nous aussi !
Nous ne sommes pas là, contrairement à ce que vous dites à satiété, pour coconstruire avec vous un texte, mais pour représenter deux mots d'ordre majoritaires dans le pays selon les enquêtes d'opinion, à savoir le retrait ou le référendum, et vous rappeler que vous n'avez pas de mandat pour faire ce que vous faites, car votre projet de loi est en contradiction avec les engagements du Président de la République.
Mme Mathilde Panot applaudit. – Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Monsieur le président, ce n'est pas possible d'entendre ça sans réagir !
Par ailleurs, je tiens à rappeler que le président Ferrand nous a donné raison en début de séance, estimant qu'il faudrait quelque 150 jours de travail pour terminer l'examen de tous les articles. Pour notre part, nous y sommes prêts : nous avons tout le temps. Pourquoi s'en tenir à trois semaines de débats ? Pour faire plaisir à qui ?
J'en viens maintenant au fond, pour répondre notamment à la question centrale du PIB.
Mouvements divers.
En effet, monsieur le secrétaire d'État, vous posez deux conditions à votre texte : l'équilibre financier et l'absence d'augmentation de la part de la richesse nationale consacrée aux retraites. Vous instaurez donc un âge d'équilibre financier, qui va se décaler génération après génération puisque le niveau des pensions baissera tendanciellement. Nous, nous proposons un âge d'équilibre personnel : 60 ans. Il s'agit d'offrir aux gens la possibilité de partir à un âge décent, compte tenu de l'espérance de vie en bonne santé.
Et vous savez bien, monsieur le secrétaire d'État, que l'on peut financer cette mesure sans difficulté – nous avons déjà discuté ensemble d'autres sources de financement possibles. Ce ne sont pas vos options, mais c'est possible.
Mme Mathilde Panot applaudit.
Quand on m'a confié la mission de rapporteur sur le titre Ier, j'ai eu l'ambition de bien comprendre quels étaient ses tenants et ses aboutissants pour pouvoir répondre en éclairant au mieux les questions qui allaient m'être posées, sachant qu'il y a des sujets très techniques et qu'il est évidemment impossible à chacun des 577 députés de les appréhender toutes. J'ai eu la chance d'avoir à mes côtés des administrateurs qui ont fait un travail excellent pour m'expliquer et que je puisse vous retranscrire ce qu'il en est. J'ai essayé de m'y impliquer au mieux dans la phase du travail en commission.
Mais là, alors qu'il s'agit d'un amendement déposé par les membres du groupe Socialistes et apparentés et qui porte notamment sur le régime des orthophonistes, je dois donner un avis sur trente-sept sous-amendements qui vont des marins pêcheurs aux agriculteurs – qui ne sont pourtant pas des professions libérales – , en passant, après les éboueurs, par des questions sur le PIB.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Il y a un moment donné où, je le redis, on ne grandit pas le rôle du Parlement en fonctionnant de cette façon.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM.
Il faut structurer ses propos et argumenter. M. Saulignac a raison d'aborder dans son amendement la question des orthophonistes, …
En effet !
… dont les appréhensions sont bien compréhensibles, mais on répond au final presque à tout, sauf aux orthophonistes…
… et c'est dommage. Je redis à M. Saulignac que le passage du taux de cotisation de 16 % – plutôt 17 % – à 28 % inscrit dans ce projet de loi se fera selon une évolution prévue par la Carpimko elle-même et avec un abattement de 30 % de l'assiette de la CSG, ce qui revient au final à comparer le taux de 21 % prévu dans le système actuel avec le taux de 21 % du nouveau système pour les orthophonistes dont la rémunération tourne autour d'une fois le plafond annuel de la sécurité sociale. Pour ceux dont la rémunération est moindre – car beaucoup d'orthophonistes peuvent avoir des difficultés à gagner leur vie – , le gain sera encore meilleur parce que le système actuel de la Carpimko prévoit à la base une cotisation forfaitaire, proportionnellement plus importante par définition pour les bas revenus. Voilà l'explication de fond que je souhaitais apporter en réponse à cet amendement. Je crois qu'on ne gagne pas à aborder, par le biais de sous-amendements, l'ensemble des sujets soulevés par ce projet de réforme à l'occasion de chaque amendement déposé. Telle est l'attitude que je continuerai à adopter au cours de ces débats.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 131
Nombre de suffrages exprimés 121
Majorité absolue 61
Pour l'adoption 23
Contre 98
Le sous-amendement no 41946 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 125
Nombre de suffrages exprimés 121
Majorité absolue 61
Pour l'adoption 25
Contre 96
Le sous-amendement no 41947 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 133
Nombre de suffrages exprimés 127
Majorité absolue 64
Pour l'adoption 27
Contre 100
Le sous-amendement no 41948 n'est pas adopté.
Le sous-amendement no 42267 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 135
Nombre de suffrages exprimés 127
Majorité absolue 64
Pour l'adoption 24
Contre 103
Le sous-amendement no 41949 n'est pas adopté.
Le sous-amendement no 41951 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 134
Nombre de suffrages exprimés 121
Majorité absolue 61
Pour l'adoption 17
Contre 104
Le sous-amendement no 42264 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 132
Nombre de suffrages exprimés 120
Majorité absolue 61
Pour l'adoption 14
Contre 106
Le sous-amendement no 42258 n'est pas adopté.
« Ah ! » sur de nombreux bancs du groupe LaREM.
Sourires.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 130
Nombre de suffrages exprimés 128
Majorité absolue 65
Pour l'adoption 32
Contre 96
Le sous-amendement no 42129 n'est pas adopté.
Le sous-amendement no 42280 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 131
Nombre de suffrages exprimés 117
Majorité absolue 59
Pour l'adoption 15
Contre 102
Le sous-amendement no 42248 n'est pas adopté.
« Ah ! » sur de nombreux bancs du groupe LaREM.
L'amendement no 23972 n'est pas adopté.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix-sept heures trente.
La séance est reprise.
Je suis saisi d'un amendement no 23970 qui fait l'objet de plusieurs sous-amendements.
La parole est à M. Alain David, pour soutenir l'amendement.
Cet amendement du groupe Socialistes et apparentés, dont Mme Untermaier est la première signataire, vise à poser un principe général de non-régression applicable aux réformes des retraites.
S'il est loisible au législateur de modifier le système de retraite existant – vous ne vous en privez pas – , il est essentiel de garantir aux assurés le respect de leur sécurité matérielle. À l'occasion de telles réformes, il importe que le législateur ne compromette pas l'exercice de certaines professions.
Or la réforme portée par le présent projet de loi mettra en difficulté de nombreux cabinets d'avocat, ce qui aura des conséquences négatives en matière d'accès à la justice. En effet, elle conduira au doublement des cotisations – de 14 à 28 % – pour la moitié de la profession, celle qui gagne le moins. Le montant minimal des pensions sera ramené à 1 000 euros net par mois, contre 1 416 euros actuellement.
La réforme des retraites pour les avocats, c'est la fermeture de tous les petits cabinets qui ne pourront pas supporter l'augmentation des cotisations ; c'est un plan social pour plus de 20 000 avocats ; c'est la remise en cause de leur indépendance ; c'est un report des difficultés sur les justiciables les plus fragiles ; c'est enfin un véritable hold-up sur la caisse de retraite des avocats.
Les deux tiers de nos concitoyens contestent votre réforme, les avocats sont en grève, les Français sont dans la rue. Retirez votre réforme !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR.
La parole est à M. Alain Bruneel, pour soutenir le sous-amendement no 41823 .
Alain David vient d'évoquer la situation des avocats. Je rappelle qu'ils ont jeté leurs robes ou les ont accrochées à des ponts, ont interrompu des cérémonies de voeux de personnalités politiques, ont organisé des concours d'éloquence, ont distribué des roses aux magistrats et greffiers à la Saint-Valentin. Pourtant, ils ne sont toujours pas entendus.
Je vous invite, mes chers collègues, à regarder la vidéo réalisée par les avocats grévistes du barreau de Douai, disponible sur Twitter. En trois minutes chrono, ils résument les raisons de leur colère face à cette réforme ; ils vous expliquent que leur métier, qui est généralement une véritable passion, est sans cesse malmené.
Autonome, le régime de retraite des avocats est financé exclusivement par leurs cotisations. Il est en outre solidaire, puisqu'il reverse chaque année près de 100 millions d'euros au régime général, au titre de la solidarité nationale.
Le projet du Gouvernement prévoit un doublement des cotisations pour les avocats, ce qui sera insupportable pour de nombreux cabinets, qui devront mettre la clé sous la porte. Votre réforme n'a plus rien d'universel. Laissez les avocats tranquilles ! Laissez-les défendre les justiciables sereinement.
La parole est à Mme Caroline Fiat, pour soutenir le sous-amendement no 42253 .
Il vise à garantir qu'aucune réforme, ni celle-ci ni celles qui viendront, ne conduise à une régression des droits des assurés. Personne ne doit perdre de droits au moment de prendre sa retraite.
Vous ne cessez d'affirmer qu'il n'y aura pas de perdants et qu'il y aura des gagnants, en particulier les femmes. Notre assemblée ne peut donc que voter ce sous-amendement, qui ne fait qu'inscrire formellement dans la loi que personne ne perdra par rapport à la situation actuelle. C'est un sous-amendement de bon sens : vous dites sans arrêt que tel sera le cas ; nous, nous l'écrivons.
La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir le sous-amendement no 42259 .
Il faut veiller à ce qu'aucune réforme, présente ou future, ne constitue une régression. Tel est le sens de ce sous-amendement.
S'agissant des avocats, force est de constater que la réforme proposée entraînera une régression de leur statut. Aujourd'hui, un avocat qui touche 1 800 euros par mois cotise à hauteur de 300 euros et est appelé à percevoir une retraite de 1 400 euros. Dans votre système, il cotiserait à hauteur de 600 euros, soit le double, pour une pension de 1 000 euros, inférieure au niveau actuel.
Depuis le début du mouvement social, les avocats contestent massivement le doublement du taux de cotisation. Mme Belloubet a d'ailleurs reconnu le problème, puisqu'elle a annoncé une compensation jusqu'en 2029. S'il y a besoin d'une compensation, c'est bien qu'il y a une régression !
Dès lors, monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d'État, une question importante se pose : quel sera le système après 2029 ? La compensation prendra-t-elle fin à cette date, auquel cas la régression serait totale ? Ou bien les problèmes nés de votre réforme seront-ils résolus par miracle ?
Les avocats en colère ont organisé une vente de leurs robes sur Le Bon Coin, peut-être l'avez-vous vu. L'inquiétude est grande au sein de la profession. Il faut de vraies réponses.
La parole est à Mme Caroline Fiat, pour soutenir le sous-amendement no 42260 .
Il va un peu plus loin que celui que j'ai défendu précédemment : il vise à s'assurer non pas que les réformes ne conduiront pas à une régression des droits des assurés, mais qu'elles conduiront à une amélioration de ces droits.
La situation des avocats est assez inquiétante. Vous avez réussi à mettre tous les barreaux du pays en grève, fait assez impressionnant pour être souligné. Dès lors, plus aucun jugement ne peut être rendu.
Vous ne voulez pas entendre raison, alors que la profession vous explique par a + b qu'elle sera perdante avec votre réforme, que vous serez responsables de la fermeture de centaines, voire de milliers de cabinets. Nous évoquons souvent les déserts médicaux ; en l'espèce, vous allez créer des déserts judiciaires, faute d'avocats.
Pour aller dans le sens de ce que demandent les avocats, nous proposons de substituer, à l'alinéa 3 de l'article 1er, les mots « conduisent à une amélioration » aux mots « ne conduisent pas à une régression ».
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir le sous-amendement no 41825 .
L'amendement vise à établir le principe de non-régression sociale au coeur de votre projet de réforme.
L'article 1er, faut-il le rappeler, évoque un certain nombre de grands principes généraux. Vous auriez pu vous contenter de les indiquer dans l'exposé des motifs, mais vous avez voulu les inscrire dans la loi. Il est donc logique que nous débattions de ces principes généraux et de leurs implications, et que nous vérifiions, le cas échéant, s'ils sont suivis d'effet dans le texte. Certes, ce débat peut sembler parfois un peu débridé, …
… mais il reflète la manière dont vous avez voulu rédiger le texte.
J'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer au sujet de la situation des avocats. Nous constatons qu'il y a un fort mouvement de leur part, le Conseil national des barreaux, qui représente les 70 000 avocats de notre pays, étant lui-même mobilisé. Les avocats contestent votre réforme et ses effets. Or ils n'ont toujours pas obtenu, selon moi, de réponse satisfaisante de votre part.
Monsieur le secrétaire d'État, des discussions sont-elles en cours avec les avocats ? Si tel est le cas, avancent-elles ? Pouvez-vous nous apporter des éléments complémentaires concernant les mesures particulières que vous envisagez éventuellement de prendre pour rattraper les effets très négatifs et mal maîtrisés de votre dispositif, qui ne peut pas s'appliquer uniformément à toutes les situations ? Ma question est très claire. Nous souhaitons que les droits des avocats soient respectés.
Si vous me permettez d'ajouter une phrase, monsieur le président, …
… contrairement aux idées reçues, je l'ai souligné précédemment, un certain nombre d'avocats se trouvent dans une situation difficile. Et tout cela finit effectivement par peser sur la capacité de la justice à faire son travail au service de tout un chacun.
La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir le sous-amendement no 42254 .
Je poursuis la discussion sur la régression des droits des avocats.
Mme Belloubet a annoncé que l'État compenserait l'augmentation de leur cotisation retraite par une baisse des autres cotisations sociales. Autrement dit, on va prendre dans les autres caisses pour financer le système de retraite, ce qui ne manquera pas de créer un trou. Tout cela est-il bien sérieux ? Les annonces de Mme Belloubet ont-elles fait l'objet d'une étude d'impact ? Ou bien a-t-elle réagi comme cela, sans que l'on ait une idée de la manière dont ces mesures seront financées ? Il serait pourtant intéressant pour nous de le savoir. De plus, où précisément l'engagement pris par Mme Belloubet est-il retranscrit dans le texte qui nous est soumis ?
Par ailleurs, l'exécutif a affirmé nettement que les cotisations des avocats n'augmenteraient pas dans leur globalité, à l'échelle de la profession. En application du plafonnement à partir de trois fois le montant du PASS, les avocats et cabinets percevant de très hauts revenus verront leur cotisation baisser. Vous dites, monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d'État, qu'une solidarité est nécessaire entre les cabinets et avocats qui gagnent beaucoup et ceux qui gagnent peu. Nous aimerions donc savoir comment vous comptez organiser cette solidarité entre les perdants de la réforme – les avocats les plus modestes – et les gagnants – les grands cabinets qui réalisent les bénéfices les plus élevés.
Mme Caroline Fiat applaudit.
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir le sous-amendement no 41827 .
L'article 1er ressemble à un bulletin météorologique présenté par Alain Gillot-Pétré.
Demain, il fera beau, peut-être, s'il ne pleut pas : voilà l'article 1er ! Aucune valeur normative, aucune garantie inscrite dans la loi : des promesses qui n'engagent que ceux qui les croient. Voilà pourquoi nous soutenons et sous-amendons tout amendement visant à offrir un minimum de garanties. La première à offrir est l'assurance que la réforme n'aboutira pas à une dégradation du montant des pensions.
Ensuite, les avocats n'ont pas la réputation d'être incapables de lire la loi. J'ai entendu sur certains bancs de la majorité que le sujet était peut-être trop complexe pour les Français, voire que l'opposition était sans doute trop conne pour comprendre la subtilité du texte.
Les avocats ne peuvent être soupçonnés d'un tel manque d'intelligence ou de discernement. Le barreau de Dieppe par exemple, auquel je suis profondément attaché, est presque unanimement, pour ne pas dire unanimement, opposé à votre projet de réforme ; or, il se caractérise par sa grande pluralité politique – on y trouve des soutiens de M. Jacob – , qui reflète celle de notre hémicycle.
Je veux vous poser une dernière question : comment peut-on demeurer droit dans ses bottes tout en restant enfermé dans ses certitudes, quand tout le monde est contre soi ?
Comment peut-on laisser avancer le rouleau compresseur comme si de rien n'était, alors qu'on a le MEDEF, l'ensemble des organisations syndicales et l'ensemble des professions touchées par le projet en opposition ?
Comment peut-on dérouler le tapis rouge à la finance alors que cinq groupes de l'opposition, représentant une large pluralité politique, expriment leur hostilité ?
Répondre à cette question vous permettrait de sortir par le haut de la situation inextricable dans laquelle vous vous trouvez.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir le sous-amendement no 41829 .
Je voudrais ajouter un mot sur le sujet que j'évoquais tout à l'heure. Les avocats, notamment ceux des petits cabinets, dont les revenus sont parfois faibles, avertissent que l'application de votre réforme provoquerait la disparition de certains cabinets et amoindrirait donc leur capacité à défendre celles et ceux qui en ont besoin, en particulier ceux qui ont le moins de moyens.
Nous devons garantir l'accès à la justice pour tous, et ils sont nécessaires pour y parvenir. Leur préoccupation est certes personnelle, ils s'inquiètent pour leurs fonctions et leur avenir, mais elle concerne également les valeurs qu'ils représentent et le travail qu'ils accomplissent, qui est profondément utile à la société et au bon fonctionnement de la justice.
Il faut tenir compte de cette réalité et j'estime que la lettre qui leur a été adressée pour leur taper sur les doigts et leur demander de reprendre le travail n'apportera aucune réponse aux questions qu'ils se posent. Comme Sébastien Jumel le disait à l'instant, ils ont lu la loi dans le détail et parfaitement compris vos propositions.
Aujourd'hui encore, de grandes manifestations se sont déroulées dans tout le pays pour s'opposer à la réforme. Or, jusqu'à présent, je ne vous ai pas entendu prêter le moindre intérêt aux objections qu'elles expriment, ni apporter la moindre réponse aux questions posées. Cela soulève un problème grave : vous ne pouvez vous contenter d'affirmer que les opposants n'ont pas bien compris et que vous leur enverrez des éléments de langage. Le marketing ne suffira pas, ce n'est pas un problème de communication : depuis des mois, vous ne parvenez pas à convaincre les avocats – il faut vous rendre à l'évidence et discuter sérieusement avec eux.
La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir le sous-amendement no 42256 .
Je me trouvais tout à l'heure à la manifestation, où défilaient les avocats et le Syndicat des avocats de France, en compagnie des danseurs de l'Opéra et de tous les autres syndicats. Je vous renouvelle donc ma proposition de sortie. Éric Poulliat, du groupe La République en marche, le disait lui-même : c'est le Gouvernement qui a choisi de faire examiner le texte juste avant les élections municipales. Quelle urgence y avait-il ? Sur une réforme aussi essentielle, il faut se donner le temps.
Voici donc ce que je propose au Gouvernement : suspendez les débats jusqu'aux élections, publiez une étude d'impact que le Conseil d'État ne jugera pas insuffisante, à cause de projections financières lacunaires, et d'un flou concernant l'âge de départ à la retraite, le taux d'emploi des seniors et le montant des dépenses d'assurance chômage.
Renoncez à la procédure accélérée. Je suis convaincu que, sur des fondements ainsi assainis, un débat à la hauteur de l'enjeu s'engagera, sur les bancs de la majorité comme des oppositions.
Les retraites méritent mieux que ce travail bâclé – que ce soit durant les négociations, devant le Conseil d'État, ou à l'Assemblée. Comme le Conseil d'État le souligne, la situation est d'autant plus regrettable qu'il s'agit d'une réforme inédite depuis 1945 et destinée à transformer pour les décennies à venir une des composantes majeures du contrat social.
… en faisant participer les partenaires sociaux et les parlementaires, quelles que soient les opinions qu'ils professent sur la réforme, sans la pression d'un compte à rebours, qui agit comme un pistolet sur la tempe. Acceptez cette voie de sortie !
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir le sous-amendement no 41833 .
Le calendrier de la conférence de financement prévoit qu'elle finira début avril. Les discussions sur la pénibilité renvoient à des accords de branches, rendant difficile sa définition. Il faudra apparemment encore beaucoup de travail pour nous fournir quelque assurance qu'elle sera prise en considération. Les projections financières sont pour le moins lacunaires, le Conseil d'État l'a dit ; l'étude d'impact en témoigne.
Vous êtes enlisés, pour ne pas dire embourbés, pour ne pas dire enkystés, dans un débat parlementaire qui ne progresse pas. Pendant ce temps, le mouvement social prospère, …
… le mécontentement gronde et vous ne savez pas comment sortir de cette situation. Faites une pause ! Suspendez ! Laissez les discussions se poursuivre, reprenez langue avec l'ensemble des groupes parlementaires, tentez de renouer le dialogue avec les organisations syndicales que vous avez humiliées à chaque étape de la non-concertation. Après ce moment démocratique que constituent les élections municipales, nous ferons le point.
En prime, je pronostique que vous allez prendre une claque sans précédent, monumentale, à Paris comme ailleurs.
« Et alors ? » sur les bancs du groupe LaREM.
Cela devrait être de nature à vous faire réfléchir et à réorienter votre politique.
En effet, vous avez débuté en affirmant que vous aviez une jambe gauche et une jambe droite : vous avez désormais deux jambes droites et vous vous faites des croche-pieds chaque jour plus nombreux. Acceptez la proposition raisonnable de mon collègue Ruffin pour vous en sortir par le haut – voire vous en sortir tout court.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir le sous-amendement no 41835 .
Comme ils partagent une même philosophie, je défendrai également les sous-amendements nos 41837 et 41840 .
Je le répète : il n'est pas anodin que l'ensemble des professions, malgré leur diversité, soient mobilisées contre ce projet – y compris les avocats, auxquels vous n'avez toujours pas apporté de réponse convaincante. Je crois que vous avec effectivement besoin de renouer avec le pays, et que vous en êtes très loin.
Le choix de faire le gros dos en attendant que ça passe est de mauvaise politique : il ne permet pas à vos idées et à votre projet de faire des progrès dans l'opinion ; de plus, il engendre une défiance et provoque des fractures qui mettent en péril votre avenir, mais également celui de la République. Je le répète depuis plusieurs semaines : vous devriez entendre raison et retirer ce projet, d'ailleurs inachevé, pour les avocats comme pour les autres.
On observe en effet que la mobilisation des avocats demeure forte : ils étaient encore nombreux tout à l'heure dans les cortèges de la manifestation, et n'ont pas l'intention de s'arrêter. Ce ne sont pas des nantis : ils sont chargés de défendre les gens ; lorsqu'ils vont jusqu'à déposer leur robe – vous savez combien elle leur est chère – aux pieds de leur ministre de tutelle, ils lancent au Gouvernement un message de désespoir.
On ne comprend pas, en effet, pourquoi il faut absolument que ce débat aille vite. Que vous vouliez une réforme des retraites, admettons – même si, je le répéterai autant de fois que nécessaire, celle-ci est en contradiction avec le programme grâce auquel vous avez gagné les élections – , mais pourquoi avant les élections municipales ? Quel est l'objectif ? À qui voulez-vous faire plaisir ?
Tout à l'heure, le président Ferrand a dit qu'il nous faudrait 150 jours pour terminer l'examen du texte. Prenons-les ! Nous voyons bien que vous essayez de créer, à l'aide d'interruptions indignées à répétition, un climat favorable à l'usage de ce LBD parlementaire qu'est l'article 49, alinéa 3. C'est inacceptable.
Prenons le temps de conduire ce débat, d'autant qu'il existe effectivement des portes de sortie : suspendre les débats ou faire appel au référendum, pour offrir l'occasion d'une campagne électorale éclairée, dans laquelle chacun défendrait ses arguments ; vous seriez alors en mesure de vérifier si, oui ou non, le peuple français approuve cette réforme des retraites – je répète que votre programme annonçait l'inverse de ce que vous faites. C'est valable pour les avocats comme pour toutes les professions encore mobilisées. Nous avons atteint un point de blocage, et vous aggravez la situation en déclarant l'urgence. Répondez au moins à cette question : pourquoi avant les municipales ? Nous n'avons toujours pas compris !
La parole est à M. Alain Bruneel, pour soutenir le sous-amendement no 41843 .
Je défendrai en même temps le no 41846.
Il y a quelques heures, le président Ferrand a expliqué qu'il nous faudrait 150 jours pour examiner tous les amendements. Nous sommes d'accord avec l'idée de prendre le temps nécessaire pour discuter du système universel de retraite : vous balayez un système qui existe depuis plus de soixante-dix ans en disant qu'il ne convient pas, qu'il faut de la solidarité ; or, selon nous, la solidarité ne passe pas par votre réforme.
Il y a un débat de société, un véritable débat de rapport de classes, je le répète ; depuis que nous discutons en séance, nous nous sommes efforcés d'apporter des exemples de pénibilité issus de nombreux métiers – les infirmiers, les aides-soignants, les éboueurs, les salariés de chez Renault – , et nous évoquons maintenant le cas des avocats.
J'avoue ne pas comprendre : il existe déjà cinq dérogations à votre système universel – tant mieux pour ceux qui sont concernés. Vous êtes confrontés au sujet de la caisse des avocats. Elle est excédentaire, qui plus est solidaire avec le régime général, auquel elle reverse 100 millions chaque année.
Pourquoi voulez-vous supprimer cette caisse qui assure une solidarité entre les avocats et qui les autorise à exprimer complètement leurs opinions, en leur disant : c'est terminé, vous basculez dans le régime universel ? Je ne comprends pas cette manière brutale de répondre aux questions – en fait, vous n'y répondez même pas. Laissez-les faire ! Ce sont des avocats, ils savent quand même de quoi ils parlent ! Ils ont étudié le texte de A jusqu'à Z ! S'ils disent qu'ils ne sont pas d'accord, vous pouvez estimer que leur désaccord est fondé.
Nous nous interrogeons sur les conséquences de la réforme pour les avocats. Le Conseil national des barreaux a soumis à l'examen d'un célèbre cabinet d'études le cas d'un avocat débutant sa carrière à 23 000 euros annuels, avec une rémunération en augmentation de 1,3 % par an.
Dans ce cas type, le montant de la pension versée au titre du régime universel subirait une baisse de 14 % par rapport au montant versé dans le régime actuel. En d'autres termes, cet avocat percevrait 1 633 euros par mois après la réforme contre 1 892 aujourd'hui.
Vos services, monsieur le secrétaire d'État, nous expliquent que ce manque à gagner serait compensé par le futur minimum de retraite, qui permettrait d'élever cette somme à 1 899 euros, soit le niveau du montant actuel, afin que ledit avocat ne soit pas perdant.
C'est sans compter le fait que celui-ci aura cotisé sur la base de 28 % au lieu de 14 %. Autant dire qu'il aura cotisé deux fois plus qu'aux termes du système actuel pour toucher au mieux la même pension.
Votre cabinet s'est-il trompé, monsieur le secrétaire d'État ? Pouvez-vous nous rassurer sur ce cas type ? Ou le système de retraite que vous voulez mettre en place intègre-t-il trop de variables pour que vous puissiez garantir le niveau de pension des avocats ?
La parole est à Mme Caroline Fiat, pour soutenir le sous-amendement no 42042 .
Certaine que vous êtes désormais convaincus de la nécessité de voter l'amendement, et afin de gagner du temps, comme vous le réclamez, je propose de compléter le dernier alinéa de l'amendement par les mots « , les personnels de la Comédie française et de l'Opéra de Paris, les égoutiers, les marins et le régime des ports autonomes de Bordeaux et de Strasbourg ».
Nous vous avons déjà prouvé que ces professions méritent de garder leur régime actuel, mais, si vous préférez que je développe ce point, je le ferai bien volontiers.
Sur l'amendement no 23970 , je suis saisi par le groupe Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Sur les sous-amendements nos 42259 , 41835 , 41837 et 42042 , je suis saisi par le groupe La France insoumise d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement et les sous-amendements ?
M. Ruffin a quitté l'hémicycle.
Monsieur Jumel, au lieu de parler des élections municipales et de discuter politique, travaillons plutôt sur le fond du sujet !
Madame Fiat, à la différence de celui de Strasbourg, le port autonome de Bordeaux ne possède plus de régime de retraite spécifique. En outre, je vous rappelle que l'amendement porte sur les avocats. Je conviens que ceux-ci s'interrogent légitimement sur l'avenir de leur système de retraite, et que, notre réforme visant à intégrer tous nos concitoyens dans un système universel, la discussion doit aborder les problèmes spécifiques à chaque profession. Mais, sachant que l'on compte aujourd'hui 67 000 avocats en France, je comprends mal que vous annonciez la fermeture de centaines de milliers de cabinets !
M. Bruno Millienne et M. Erwan Balanant applaudissent.
J'ai dit que des centaines, voire des milliers de cabinets pourraient fermer !
Depuis dix ans, le nombre d'avocats a fortement augmenté et la rentabilité de leur activité pose parfois problème. Si les ténors du barreau gagnent bien leur vie, beaucoup d'avocats ont du mal à boucler leur fin de mois. L'aide juridictionnelle, qui fait l'objet d'une discussion avec la garde des sceaux, est probablement à revoir, mais ne mélangeons pas le débat sur les retraites et d'autres interrogations, très légitimes, inhérentes à cette profession.
Monsieur Lachaud, vous avez évoqué la situation d'un avocat qui percevrait 23 000 euros par an. J'ai travaillé sur un cas presque similaire : un avocat touchant 20 000 euros par an, soit un demi PASS, verse aujourd'hui 16,8 % de cotisation, et un avocat percevant un PASS, 13 % de cotisation. Si le taux de cotisation s'élevait demain à 28 %, le premier enregistrerait une augmentation de onze points, le second, de quinze points.
Ce serait effectivement insupportable, mais il faut intégrer dans ce calcul l'abattement de 30 % sur l'assiette de cotisation et sur la CSG, qui diminue de sept points…
Il faut considérer l'équilibre de l'ensemble. Laissez-moi finir, monsieur Hutin ! Ceux qui perçoivent un demi PASS enregistreront donc une baisse de cotisations de sept points.
Dans le cas cité par M. Lachaud, la réforme se traduira par une augmentation de cotisations de quatre points sur vingt ans, soit 200 euros par an. Il faut remettre les choses à leur niveau et les considérer dans le temps.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.
C'est parce que nous avons conscience des changements à apporter qu'il faut se donner le temps de la transition. À l'importance de la transformation correspond celle de la transition. Un délai de vingt ans nous semble suffisant pour lisser les choses afin de les rendre le plus indolores possible, tout en gardant en tête qu'une cotisation plus importante ouvrira aussi des droits plus importants. Avis défavorable sur l'amendement et les sous-amendements.
Le sujet a déjà été évoqué plusieurs fois dans cet hémicycle depuis lundi, comme il l'avait été en commission.
Nous l'avons aussi abordé lors de la séance de questions au Gouvernement. Le débat concerne les avocats, mais aussi les professions libérales, les indépendants, que chacun connaît plus ou moins bien en fonction de son histoire. Leur situation, en termes de protection vieillesse, est moins favorable qu'on ne le pense souvent.
Examinons quelques exemples. Si l'on considère le revenu médian, le nouveau système induira une baisse de cotisations des agents généraux pour un revenu de 80 000 ou 120 000 euros par an et une augmentation des prestations vieillesse de 9 % à 13 %. Les notaires ne devraient subir aucune augmentation de cotisations, tandis que leurs prestations vieillesse augmenteront de 30 % à 40 %. Les sages-femmes verront leurs cotisations augmenter de 0 % à 1 %, et leurs prestations vieillesse de 39 % à 50 %. Je ne détaillerai pas le cas de toutes les professions libérales, mais vous l'avez compris : pour ces professions, l'augmentation des charges sera minime, sinon nulle.
Le rapporteur en a très bien expliqué la raison. L'assiette de la CSG payée par ces professions n'est pas comparable à celle qui s'applique aux salariés. En les ramenant toutes deux au même niveau – et ce n'est que justice – , on absorbe la quasi-totalité de l'augmentation des cotisations vieillesse. Le texte est très clair sur ce point. Je vous renvoie à nos débats en commission sur l'article 21.
Le rapporteur l'a expliqué : les seuls avocats qui devront assumer un reliquat de charges après le changement d'assiette de la CSG sont les plus modestes : ceux dont le revenu est de 30 000 euros. Ce reliquat sur les charges globales est de 5 %, à lisser sur vingt ans, ce qui représente quelques dizaines d'euros par mois et quelques centaines d'euros par an.
Nous poursuivons un échange avec la profession, qui se pose à ce sujet des questions – moins dramatiques toutefois que ne le prétend Mme Fiat. Il est normal que les avocats, surtout les plus jeunes, s'interrogent sur la viabilité de leur cabinet. C'est pourquoi nous continuons à discuter avec leurs représentants.
Ceux-ci s'inquiétaient également sur leurs réserves. Nous les avons rassurés.
Il n'y a que vous pour le croire ! Partout, les avocats expriment leur crainte.
Il n'est pas question de croire, mais d'être objectif !
Sur l'utilisation de ces réserves, nous leur laissons le choix : il revient à ceux qui les ont constituées de fixer leur utilisation. En revanche, nous devons continuer à réfléchir avec la profession au moyen de lisser l'augmentation de charges qui s'appliquera aux avocats aux revenus modestes. Plusieurs intervenants ont suggéré qu'une péréquation pourrait être instaurée entre les gros cabinets, capables de supporter une hausse éventuelle des charges, et les plus petits. Mais je rappelle que l'augmentation ne correspond qu'à quelques dizaines d'euros par mois. Nous sommes donc relativement sereins.
Par dogmatisme ! Quand ils ont une idée en tête, ils foncent dans le mur et ils klaxonnent !
Je terminerai par un point qu'ont relevé les représentants des avocats quand nous les avons consultés. J'entends qu'il faut trouver une solution pour augmenter les charges de 5 % sur vingt ans, mais n'oublions pas de mettre dans la balance l'augmentation significative des pensions. Celles-ci augmenteront de 13 % pour un revenu annuel de 32 000 euros, de 24 % pour un revenu de 40 000 et de 11 % pour un revenu de 80 000.
Disons par conséquent les choses tranquillement. Même si les charges subissent une hausse de 5 %, une augmentation de 13 % des prestations est significative. Continuons de travailler avec les représentants des avocats. Nous trouverons avec eux une solution adaptée.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
L'augmentation de cotisations dont a parlé M. le rapporteur est-elle de 4 % ou de quatre points, ce qui n'est pas la même chose ? D'autre part, comment aboutit-on au montant de 200 euros qu'il a cité ? Compte tenu de l'évolution de leur carrière, les avocats verront nécessairement leur contribution augmenter.
Le régime d'assurance vieillesse des avocats, actuellement régi par l'article L. 651-1 du code de la sécurité sociale, est un régime spécifique. Ce matin, M. Woerth a rappelé que les avocats partaient généralement à la retraite à 65 ans, soit en moyenne deux ans plus tard que les membres des autres professions.
Les avocats ne sont pas de simples prestataires de services. Auxiliaires du service public de la justice, ils constituent l'unique vecteur d'accès au juge pour les citoyens.
Les avocats sont un rouage fondamental de l'État de droit. Il convient de préserver l'accès à cette profession. Le surcoût causé par votre système universel serait de nature à entraver l'accès à leur service, et menace l'indépendance des avocats.
De plus, le changement que vous proposez ne concerne pas les risques d'invalidité et de décès, pour lesquels même les générations nées après 1975 continueront à être couvertes par le régime actuel ; il concerne uniquement les retraites.
Les projections financières que vous donnez ne sont pas suffisamment éclairantes.
Enfin, il n'est pas juste de ponctionner les 2 milliards d'euros d'excédents de la Caisse nationale des barreaux français pour faire financer la transition aux avocats.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. Hutin applaudit également.
Élargissons le débat sur les cotisations à l'ensemble des professions libérales et indépendantes. Je connais bien ces professions, qui ont beaucoup évolué : elles peuvent être soumises au régime des bénéfices non commerciaux – BNC – ou s'organiser en sociétés d'exercice libéral, soumises à l'impôt sur les sociétés. De multiples règles, assez complexes, permettent de faire évoluer leurs statuts.
Il est intéressant que le texte prévoie une application pour partie progressive de la réforme, ce qui permettra d'avoir davantage de recul et de s'adapter aux circonstances.
La profession d'avocats a en outre besoin de retrouver son domaine d'activité, qui a été entamé, avec de sérieuses conséquences pour le chiffre d'affaires. Il faut s'intéresser à cette profession qui joue un rôle majeur dans notre société, et la protéger.
Il ne faut pas s'arrêter au problème des retraites ; bien d'autres sont plus importants. Le domaine de compétence des avocats, notamment, doit être préservé.
Parlons des statuts. De nombreuses professions libérales ont mal cotisé, faute de statuts adéquats. Ce texte va assurer une certaine sécurité.
Il instaure un compte, avec des points, donnant aux membres des professions libérales une certaine visibilité. Quand on discute avec eux, on s'aperçoit qu'ils ne comprennent pas forcément tous les enjeux et les bénéfices, pourtant fondamentaux, associés à ce système de points acquis au cours de la vie professionnelle, et à ce système par répartition. Nous instaurons un nouvel outil ; il ne faut pas s'en méfier et je suis certain qu'il peut fonctionner.
Enfin, nos débats, qui servent aussi à indiquer l'intention du législateur, ont une valeur juridique. Il me semble donc important de répéter que nous ne toucherons pas aux réserves de la Caisse nationale des barreaux français. D'autres mouvements ont moins de scrupules, si l'on en croit leurs programmes.
Il s'agit en vérité d'une bonne réforme, qui va dans le bon sens et sera très utile à la profession d'avocat.
Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.
Pour reprendre les mots du président du tribunal judiciaire de Paris lors de l'audience solennelle de rentrée, « la justice sans les juges, c'est la barbarie ; la justice sans les avocats, c'est la tyrannie ». Nous sommes tous d'accords dans cet hémicycle pour considérer que les avocats sont indispensables à l'oeuvre de justice.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
Et je pense que nous serons d'accord encore longtemps. Grâce à ce débat, chacun a rencontré le bâtonnier de sa circonscription. Ils ont été élus à la tête d'ordres qui peuvent compter dix, vingt, ou deux mille avocats. Nous avons tous conscience des difficultés que rencontre cette profession, du faible chiffre d'affaires de certains cabinets, et de ses inquiétudes.
Pour cette raison, nous rencontrons les avocats, discutons avec eux, essayons de les convaincre – nous ne désespérons pas d'y parvenir. Je sais que le Gouvernement, que la garde des sceaux – elle ne cesse de les rencontrer – ,…
… le secrétaire d'État chargé des retraites, le Premier ministre et les parlementaires sont à leur écoute.
Des propositions ont été faites en faveur des avocats, afin que cette réforme soit soutenable pour tous les cabinets. Le secrétaire d'État et le rapporteur vous les ont rappelées.
Cette réforme sera favorable aux avocats et leur ouvrira de nouveaux droits.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Actuellement, les jeunes avocates ne bénéficient pas de la prise en compte des grossesses dans le calcul des retraites et, quand elles quittent la profession – elles sont nombreuses à partir au bout de cinq ou dix ans – , elles perdent tous leurs droits à la retraite. C'est donc aussi pour elles qu'il faut intégrer les avocats au régime universel de retraite.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite aborder trois points.
Premièrement, vous doublez les cotisations pour tous ceux dont les revenus sont inférieurs ou égaux à 40 000 euros ; en revanche, vous laissez tranquilles les avocats qui ont plus de 120 000 euros de revenus.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Monsieur le secrétaire d'État, pourrez-vous préciser de nouveau ce point, puisque, manifestement, la majorité n'a pas lu le texte…
Vives exclamations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Mêmes mouvements.
Sur 67 000 avocats, la moitié a des revenus inférieurs à 40 000 euros et verra donc ses cotisations doubler. Pour les rassurer, vous annoncez que ce sera compensé par un abattement de l'assiette de la CSG ; cette mesure, pour l'instant, n'est inscrite nulle part.
Protestations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Laissez-moi finir ! Vous prétendez avoir raison, alors que cet abattement n'est pas inscrit dans le texte. Vous pouvez râler, vous pouvez hurler, ça ne changera rien à la réalité !
Peut-être la mesure sera-t-elle examinée à l'occasion du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale. Mais on connaît votre manière de procéder : une année vous sous-indexez les pensions, une autre vous les désindexez complètement, une autre encore vous augmentez la CSG pour les retraités. Vous pourriez faire de même avec les avocats ; ils n'ont aucune raison de vous croire. En tout cas, nous, nous ne vous croyons pas.
Par ailleurs, monsieur le secrétaire d'État, sur les 40 000 avocats qui risquent de voir leurs cotisations doubler, 20 000 pourraient mettre la clé sous la porte.
Vous serez responsables, Gouvernement et majorité, d'un plan social qui coûtera leur emploi à 20 000 membres des professions indépendantes.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LR et GDR. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
Le site du Conseil national des barreaux cite ce propos d'un ancien bâtonnier : « Aucun avocat en France ne peut accepter que le taux de cotisation à la retraite double pour une retraite plus faible. » Voilà où en est votre prétendue discussion avec les avocats.
Alors que nous examinons le texte en séance, il nous est demandé, à nous, députés, de prendre des décisions. Nous ne pouvons le faire, tant que les discussions avec les avocats ne sont pas parvenues à leur terme.
Monsieur le rapporteur, vous nous demandiez tout à l'heure de ne pas confondre ce débat sur les retraites avec d'autres débats. Or, pour trouver des solutions aux difficultés que vous rencontrez, vous-mêmes annoncez d'autres textes que celui qui nous est soumis. Ainsi, l'abattement de 30 % de l'assiette de la CSG que vous promettez – si j'ai bien compris – , n'est pas inscrit dans le projet de loi ; en outre, il ne satisfait pas vos interlocuteurs.
Voilà bien un des arrangements dont vous avez le secret. C'est un véritable jeu de bonneteau. À chaque examen du budget de l'État, à chaque examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, vous prenez d'une main ce que vous avez donné de l'autre. Au bout du compte, tout le monde comprend que c'est un enfumage.
Votre proposition pose un problème de pérennité. Nous gravons dans le marbre de la loi des dispositions qui auront des conséquences pour les décennies à venir. Qu'est ce qui nous prouve que l'abattement que vous envisagez sera tout aussi durable ?
Le tableau de financement de la réforme pose problème. Vous annoncez une longue période de transition, afin de permettre d'absorber le choc. C'est admettre qu'il y a un choc ! Vous dites, monsieur le rapporteur, que la mesure coûtera 200 euros aux avocats concernés ; c'est une somme non négligeable pour certains.
En conclusion, quand vous déclarez « prendre le temps », quand vous évoquez une « transition » pour absorber le choc, cela signifie que, au bout du compte, c'est une régression sociale qui se prépare.
Votre système ne fonctionne pas, pas plus pour les avocats que pour beaucoup d'autres professions.
M. Alain Bruneel applaudit.
Vous prétendez tenter de convaincre les avocats qui, massivement mobilisés depuis un mois et demi, fustigent le mépris du Gouvernement et un dialogue de sourds.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Or plusieurs questions restent sans réponse. Premièrement, vous avez promis que la hausse des cotisations serait compensée par un abattement. Le Premier ministre s'y est engagé, madame Belloubet aussi. Outre que vous déshabillez Paul pour habiller Pierre, où cette promesse est-elle inscrite dans le projet de loi ?
Deuxièmement, l'abattement est prévu pour ne durer que jusqu'en 2029. Que se passera-t-il ensuite ?
Enfin, comme l'a indiqué tout à l'heure Valérie Rabault, vous faites peser le poids de la hausse de cotisations sur les avocats les plus modestes. La présidente du Conseil national des barreaux craint que le Gouvernement ne « fasse porter l'effort sur ceux qui font de l'aide juridictionnelle ».
En somme, les avocats ne défendent pas seulement leurs revenus. La question n'est pas seulement de savoir combien de centaines, de milliers ou de dizaines de milliers d'entre eux devront fermer boutique – même si cet aspect est extrêmement grave.
La question est aussi celle de notre système de justice : si les avocats n'ont plus les moyens de fournir d'aide juridictionnelle à cause du doublement des cotisations, cela compromettra l'accès à la justice pour les plus pauvres.
À toutes ces questions, vous n'avez pas répondu. Vous avez parlé de droits nouveaux ; nous ne savons pas en quoi ils consisteront. L'étude du cabinet Ernst & Young, traitant du cas d'un avocat débutant sa carrière à 23 000 euros, indique qu'il lui faudra cotiser plus pour un niveau de retraites égal ou plus faible.
M. Christian Hutin applaudit.
Je souhaite apporter quelques précisions supplémentaires. Entre 2002 et 2012, le nombre d'avocats a augmenté de 42 % ; je ne pense pas que l'activité judiciaire ait cru d'autant. Cela explique une partie de leurs difficultés. En 2013, ils étaient 5 actifs pour chaque pensionné ; ils ne sont plus que 4,1 ; ils ont même dû prévoir une hausse des taux, pour financer leur caisse de retraite.
Madame Dalloz, il s'agit d'une hausse de 4 points, et non de 4 %. Vous avez évoqué les risques invalidité et décès : seuls ces deux risques restent directement assurés par la Caisse nationale des barreaux français ; pour le reste, les avocats ont été intégrés aux branches famille et maladie du régime général.
Je voulais surtout revenir sur les propos de Mme Rabault, qu'a repris M. Dharréville. Selon vous, madame, la majorité n'a pas examiné le texte. Vous dites en outre que l'abattement de l'assiette n'est inscrit nulle part. Or nous avons voté un amendement l'instituant en commission spéciale – vous devriez le savoir, madame Rabault, puisque vous en étiez membre, ainsi que M. Dharréville.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
L'amendement sera de nouveau défendu en séance publique ; vous ne pouvez pas faire comme s'il n'avait pas été voté.
Enfin, je reconnais que 200 euros, ce n'est pas rien, mais l'augmentation est étalée sur vingt ans : l'augmentation annuelle est donc d'environ 10 euros, en euros constants – on peut dire que la transition est douce.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 124
Nombre de suffrages exprimés 119
Majorité absolue 60
Pour l'adoption 25
Contre 94
Le sous-amendement no 42259 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 117
Nombre de suffrages exprimés 112
Majorité absolue 57
Pour l'adoption 23
Contre 89
Le sous-amendement no 41835 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 110
Nombre de suffrages exprimés 104
Majorité absolue 53
Pour l'adoption 17
Contre 87
Le sous-amendement no 41837 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 117
Nombre de suffrages exprimés 111
Majorité absolue 56
Pour l'adoption 19
Contre 92
Le sous-amendement no 42042 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 125
Nombre de suffrages exprimés 120
Majorité absolue 61
Pour l'adoption 28
Contre 92
L'amendement no 23970 n'est pas adopté.
Je suis saisi d'un amendement no 23860 qui fait l'objet de plusieurs sous-amendements.
La parole est à M. David Habib, pour soutenir l'amendement.
Cet amendement fait suite à la discussion que nous venons d'avoir sur le sort réservé aux avocats. La garde des sceaux les a assurés du maintien de leur situation : nous attendons encore le début du commencement d'un élément permettant d'y croire. Nous rappelons qu'il ne saurait y avoir de régression concernant les pensions de retraite des avocats. Je demande la suspension de nos travaux et de notre réflexion sur cette profession : il est nécessaire d'engager avec elle une discussion qui ne soit pas celle que vous avez évoquée, mais une discussion solide, permettant véritablement d'avancer. Le respect de la Nation pour cette profession et pour son rôle social mériterait un peu plus de sérieux…
Murmures sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Je n'ai aucun problème à le dire, il est non seulement mon ami, mais aussi mon notaire.
Sourires et exclamations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Il y a quelques années, lorsqu'un ministre de l'économie avait modifié le statut de leur profession, plusieurs notaires étaient venus me voir – j'étais déjà député à l'époque – pour me mettre en garde : il ne fallait pas abattre une profession dont le rôle en matière d'aménagement du territoire était systématiquement rappelé. Cher Jean-Paul Mattei, vous n'étiez pas le premier à me le dire, mais vous n'étiez pas non plus le dernier !
À l'époque, de nombreuses études de notaires étaient venues me voir. Aujourd'hui, je vous demande de faire confiance aux avocats, comme aux notaires, s'agissant de leur rôle en matière d'aménagement du territoire.
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir le sous-amendement no 41830 .
Il ne faut quand même pas être sorti de la cuisse de Jupiter pour comprendre certaines choses simples. Quand, il y a quelques années, il y avait un avocat pour quatre dossiers, il y a désormais quatre avocats pour un dossier ; le modèle économique de la profession s'est profondément dégradé. Par ailleurs, votre réforme pour une mauvaise justice a sorti plusieurs contentieux du périmètre des avocats, les privant d'autant d'interventions et dégradant là encore leur modèle économique. Vous parachevez cela en modifiant, d'une manière unilatérale non concertée, le niveau de cotisation ; cela fragilisera les avocats qui constituent la sève des villes moyennes. Ce faisant, vous les conduirez à abandonner leurs missions d'intérêt général, telles que la défense des plus modestes et des plus petits. Parmi ces missions d'intérêt général figurent aussi les permanences qu'ils tiennent dans les points d'accès au droit – PAD – , qui sont cofinancés par les conseils départementaux d'accès au droit – CDAD. Ces dernières seront donc fragilisées : par définition, un avocat qui ne fait plus de fric, qui est économiquement fragilisé, recentrera sa force de frappe sur ce qui est lucratif et se débarrassera des missions non lucratives. Votre mauvais projet a ainsi un « double effet Kiss Cool » : il fragilise l'économie de ces professionnels du droit, mais aussi l'accès au droit des populations les plus modestes. C'est la raison pour laquelle les députés communistes n'ont aucune difficulté à être aux côtés et au chevet des avocats.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir le sous-amendement no 41832 .
J'ai entendu la défense du rapporteur concernant l'amendement adopté en commission spéciale. Quelle conception avez-vous de la CSG et de l'architecture du financement de la protection sociale dans notre pays ? Vous prévoyez un abattement de 30 % sur l'assiette de la CSG pour les avocats, ce qui réduira d'autant le montant collecté par ce biais. Quelle est la cohérence du système que vous proposez en matière de financement de la protection sociale – et par conséquent de la retraite ?
Vous connaissez mon avis sur la CSG : nous n'avons jamais défendu cette fiscalisation du financement de la protection sociale ; celle-ci devrait selon nous être financée par la cotisation. En un sens, nous allons dans la même direction que vous. En tout état de cause, je voudrais connaître la cohérence, la durabilité et la robustesse du dispositif global que vous proposez.
Peut-on considérer que vous avez également défendu le sous-amendement no 41839 , monsieur Dharréville ?
La parole est à Mme Mathilde Panot, pour soutenir le sous-amendement no 42043 .
Je n'ai toujours pas eu de réponse concernant l'aide juridictionnelle. Si la mobilisation des avocats ces dernières semaines est exemplaire, c'est parce qu'on ne devient pas avocat par hasard. On devient avocat, nous disent beaucoup d'entre eux, parce qu'on est animé par une passion, celle d'assister ceux qui n'ont plus personne pour les défendre. À Avignon, à La Réunion, les avocats proposent des consultations gratuites, pour dire qu'ils sont au service de la population et qu'ils sont là pour défendre toutes les personnes qui en ont besoin. Outre la possibilité pour certains avocats d'effectuer ce métier, la réforme remet également en cause l'accès à la justice pour les plus pauvres. C'est ce que disent et répètent les avocats dans les différentes mobilisations, de toutes les manières possibles : en faisant un haka, en dansant, en offrant des consultations gratuites et en rappelant que la justice est un bien commun. J'aimerais avoir une réponse concernant l'aide juridictionnelle !
Une autre question est restée sans réponse : monsieur le rapporteur, vous avez parlé de droits nouveaux parallèlement aux cotisations supplémentaires. Quels sont ces droits nouveaux, lorsque l'on sait que les avocats les plus modestes seront les grands perdants de cette réforme ?
Je reviens sur la proposition de nos collègues socialistes de suspendre la réflexion sur les avocats. Des rencontres ont eu lieu entre la ministre de la justice et les avocats ; ils sont écoutés, mais peut-être pas entendus, puisque rien n'en sort. Une très grande majorité des barreaux sont en grève et les avocats continuent à maintenir la pression et à exprimer leur désaccord. Les avocats ont la particularité d'étudier, d'analyser et de défendre les dossiers pour le bon droit de tous. Dans votre proposition, ils ne trouvent pas d'écho concernant leurs propres droits. Suspendez les projets les concernant, allez au bout de la discussion en mettant noir sur blanc les propositions de chaque partie et essayez de vous en sortir ensemble !
Exclamations sur les bancs du groupe FI.
… il évoquait le divorce entre le pays légal – ici – , où vous êtes en extrême majorité, et un pays réel où vous êtes en petite minorité.
Protestations sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir.
Je pense que cela devrait vous alerter : vous n'êtes plus seulement fâchés avec les gilets jaunes…
… vous n'êtes pas seulement fâchés avec les cheminots, les électriciens, les gaziers et les deux tiers des Français – au moins – qui rejettent cette réforme…
Quand un voyant rouge s'allumera t-il enfin pour vous signifier que vous mettez trop le pays en tension ?
Dans ma ville d'Amiens, la grève des avocats est repartie de plus belle ! Ils ont rejoint les avocats des barreaux de Laon, entre autres, pour entrer dans une grève dure suite aux propos de Mme Belloubet. Quand réaliserez-vous enfin que vous mettez trop le pays en tension ? Quand ?
La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir le sous-amendement no 42311 .
Cet amendement relatif à la situation de l'ensemble des avocats me donne l'occasion d'interroger le rapporteur sur la réponse qu'il vient de faire, car je ne comprends pas le point suivant. Vous nous dites qu'avec la réforme et après application de l'abattement de 30 % sur l'assiette des cotisations des avocats, la hausse de ces cotisations se limitera à quatre points. Or de mémoire, vous avez cité l'exemple d'un avocat gagnant 20 000 euros pour qui cette hausse serait de 200 euros. Comment faites-vous ce calcul ? Pour moi, 4 % de 20 000 font 800 euros. En outre, cette hausse de quatre points ne s'entend pas brute mais en tant que solde, c'est-à-dire à l'issue de la réforme. Comment parvenez-vous à ce résultat ? Si je porte le taux de cotisations retraite des avocats de 14 % à 28 % tout en appliquant une baisse de 30 % du chiffre d'affaires, soit un revenu annuel de 17 000 euros, j'aboutis plutôt à une hausse des cotisations de l'ordre de 1 000 euros sur l'année – ce qui est très différent.
Comme l'a indiqué Mme Dalloz, on peut espérer qu'un avocat gagnant 20 000 euros en 2020 en gagne davantage en 2040, après vingt ans de carrière, et qu'il aura déployé son activité pour percevoir le double ou plus. La hausse de 200 euros que vous évoquez dans votre exemple vaut donc pour 2020 ; en 2040, cependant, la hausse des cotisations ne portera pas sur ce montant mais sur le chiffre d'affaires de l'époque, qui aura augmenté. Pour calculer le montant cumulé de cette hausse, il ne faut donc pas multiplier vingt années par un montant de 200 euros mais par un montant qui augmentera progressivement au cours de cette période pour devenir nettement supérieur. Pour la clarté des débats, il me semble utile que nous disposions de la formule qui permet d'aboutir au chiffre magique que vous nous donnez.
La parole est à Mme Mathilde Panot, pour soutenir le sous-amendement no 42276 .
Ce sous-amendement qui plaira à nos collègues de la majorité vise à répéter la question suivante : qu'en sera-t-il de la hausse des cotisations de retraite des avocats après 2029 suite à la promesse de Mme Belloubet ?
Plus globalement, nous parlons de négociations avec les avocats, qui sont en grève depuis plus de six semaines. Comment faut-il qu'ils vous disent qu'ils ne sont pas d'accord ? Ils vous l'ont dit en faisant un haka, en sautant en parachute, en jetant leurs robes, en chantant. Comment faut-il donc qu'ils vous disent qu'ils ne sont pas d'accord avec la réforme que vous conduisez ? Vous ne les convainquez pas de ses effets. Ce que vous répètent les avocats, notamment dans les manifestations, c'est que leur métier consiste à défendre les gens. Or, en plus de forcer des avocats à mettre la clé sous la porte et à abandonner leur métier en raison de problèmes financiers dus à la hausse de cotisations que vous leur imposez, vous allez concrètement les empêcher d'exercer de telle sorte que tout un chacun puisse saisir la justice.
Il ne vous a d'ailleurs pas échappé que la culture du recours à l'avocat n'existe pas chez les plus pauvres, qui s'adressent très rarement à un avocat. Vous allez accentuer ce processus, en réduisant le nombre de personnes impliquées dans l'aide juridictionnelle et les points d'accès au droit, qu'évoquait tout à l'heure M. Jumel. En clair, vous remettez en question jusqu'à la raison d'être de la profession d'avocat, qui consiste à défendre les gens – c'est-à-dire tout le monde. Avec votre réforme, il n'y aura plus d'avocats que pour les plus riches – et encore s'agira-t-il des avocats les plus riches !
Rappel au règlement
Au titre de l'article 70, alinéa 3, puisque j'ai été interpellé – certes gentiment – par M. David Habib. Permettez-moi donc de préciser mes propos. Le groupe MODEM a déposé un amendement visant à ce qu'un rapport soit établi sur la progressivité des charges sociales en fonction des PASS, notamment pour les professions libérales.
Nous sommes bien conscients que la question des cotisations pose problème, et il n'est pas question de la balayer d'un revers de la main. Une réflexion est indispensable en la matière. Il va de soi que les avocats jouent un rôle majeur en France. Il faut préserver et élargir leur domaine de compétence, et travailler sur le fond pour leur éviter des pertes de chiffre d'affaires.
Je vous remercie de bien vouloir cantonner les rappels au règlement au seul règlement, et non au fond du texte.
La parole est à Mme Valérie Rabault.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante, est reprise à dix-neuf heures cinq.
Rappel au règlement
Il se fonde sur l'article 100, alinéa 5. Nous proposons à nouveau une porte de sortie. Le Gouvernement a choisi de déposer le texte juste avant les élections municipales : quelle urgence y avait-il, alors qu'il faut se donner le temps pour une réforme aussi essentielle ? M. Éric Poulliat, député du groupe La République en marche, élu en Gironde, pose la même question que nous.
Je suis désolé, madame Fiat, mais l'alinéa 5 de l'article 100 a trait aux modalités d'examen des amendements. Je comprends votre propos, mais il ne s'inscrit pas dans un rappel au règlement fondé sur l'article 100, alinéa 5.
Je termine, monsieur le président, car on nous interroge beaucoup sur un bruit qui court prêtant à notre groupe le dépôt de 700 000 sous-amendements. Je sais que l'on pourrait faire peur, mais cette rumeur est fausse. J'aimerais que les choses soient claires, d'autant que nous proposons une porte de sortie à la situation présente.
Article 1er
Il vise à préciser que les retraites des avocats ne pourront pas être financées par les autres réserves de la protection sociale des avocats.
Ma collègue Mathilde Panot a décrit toutes les modalités utilisées par les avocats pour protester contre cette réforme, comme la vente de robes ou le haka. Dans ma ville d'Amiens, les avocats se sont cadenassés aux grilles du palais de justice. Dans un article récent du Courrier Picard, on peut lire la phrase suivante : « Entre les avocats et la garde des sceaux Nicole Belloubet, le divorce semble à ce point consommé qu'il a suffi que la ministre de la justice, le 8 février, publie un communiqué dans lequel elle en appelait « à la responsabilité de chaque avocat au sein de son barreau pour mettre fin à un mouvement de grève qui dessert la profession et le service public » pour que la protestation reprenne de plus belle ». Le barreau d'Amiens, trois cents avocats, s'est remis en grève, Jeunes Turcs comme aînés ; la justice se retrouve bloquée dans ma région, et les conséquences se feront sentir jusqu'en 2021. Le blocage ne concerne donc pas que cette assemblée : il touche le pays, notamment sa justice.
J'aimerais avoir une réponse du Gouvernement : le bruit d'un recours à l'article 49, alinéa 3 se fait de plus en plus fort. Qu'en est-il ? Il existe une alternative entre des mois de débat et un recours à cet article brutal : …
… demandée par votre collègue Éric Poulliat, député du groupe La République en marche, elle consisterait à suspendre l'examen de cette réforme jusqu'aux élections municipales. Le Gouvernement pourrait présenter une nouvelle étude d'impact, dont le Conseil d'État n'aurait pas à relever le grand flou, les lacunes et l'inexistence de projections financières. La majorité reviendrait avec un texte reposant sur un socle sérieux pour réformer le système de retraite, qui existe depuis 1945, soit plus de soixante-dix ans. Nous ne voyons pas la nécessité d'examiner sous le régime de la procédure accélérée, en toute urgence, une telle réforme. J'aimerais une réponse du Gouvernement sur ce point, monsieur le président.
Je vous remercie, monsieur Ruffin. C'est la troisième fois que vous nous proposez ce scénario : nous l'avons bien compris. Je suggère de revenir à l'examen des amendements.
La parole est à Mme Mathilde Panot, pour soutenir le sous-amendement no 42277 .
La question des avocats est symptomatique de l'ensemble de la réforme. Massivement mobilisés, ils soulèvent depuis des semaines des problèmes très importants, mais ils ne reçoivent aucune réponse précise. À quelle sauce seront-ils mangés et quel sera l'avenir de leur profession et celui de la justice ?
Vous êtes plusieurs, dans la majorité, à dire que vous êtes conscients des difficultés des avocats les plus précaires. C'est très bien, mais quelles réponses précises allez-vous leur apporter ? Nous ne pouvons pas délibérer en toute connaissance de cause sans ces réponses. La poursuite de la mobilisation des avocats montre que le Gouvernement ne leur a toujours pas répondu.
Dans La force d'une idée, Alain Supiot souligne à quel point il est dangereux de mettre à mal un bien commun comme celui de la justice. Je l'ai dit et le redirai, votre réforme, en remettant en cause l'accès des plus pauvres à la justice, soulève une question de justice sociale. Comme l'écrit Alain Supiot, « L'idée de faire disparaître la question de la justice sociale de l'horizon politique est aussi vaine que dangereuse. Lorsqu'elle est niée et bafouée, l'aspiration à la Justice ressurgit sous des formes qui sont rarement raisonnées et policées ».
Écoutez les alertes que vous envoient les avocats depuis maintenant plusieurs semaines et répondez précisément à leurs questions sur le régime de transition, …
… parce que, jusqu'à maintenant, les réponses n'ont été ni claires ni précises. Les problèmes que pointent les avocats, bien réels, se posent toujours !
La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir le sous-amendement no 42278 .
Il s'agit de préciser dans le texte que le niveau des cotisations des avocats doit être raisonnable, afin qu'il ne s'élève pas excessivement.
Votre réforme bloque Amiens, mais j'imagine qu'il en va de même dans vos villes. « À chaque fois, juges, procureurs et greffiers préparent les dossiers « comme si de rien n'était » et le font pour rien. Les dossiers renvoyés rejoignent ceux déjà programmés jusqu'à la fin de l'année [alors que la justice est déjà engorgée]. On dit que les audiences deviennent surnuméraires, ce qui signifie qu'il faudra les repousser, parfois jusqu'en 2021 », lit-on, toujours dans Le Courrier picard.
Voilà l'état dans lequel la présente réforme, ajoutée à celle de la justice, met notre justice. Elle la met à mal ! Au demeurant, le divorce entre Mme Belloubet, ministre de la justice, et les avocats – ainsi que le monde judiciaire en général – est tel qu'on entend dire qu'elle serait sur le point de quitter le Gouvernement.
Monsieur le président, vous avez dit que je présentais mon scénario pour la troisième fois. Je regrette : tant que je n'aurai pas obtenu de réponse, je continuerai à le présenter – une quatrième fois, une cinquième fois, une sixième fois, une dixième fois, une vingtième fois !
Monsieur le secrétaire d'État, le Gouvernement a-t-il l'intention de recourir à l'article 49, alinéa 3 ?
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Allons-nous débattre pendant des mois ? Ou envisagez-vous d'emprunter la porte de sortie qui vous est proposée, consistant à suspendre le débat afin de le reprendre après les élections municipales, comme le propose notre collègue de la majorité Éric Poulliat ?
Cela nous permettrait de disposer d'une étude d'impact fiable, contrairement à celle que nous avons, …
… qui est jugée insincère par le Conseil d'État, et de travailler sur un socle sain, afin d'avancer dans ce débat, s'agissant d'une réforme qui concerne des millions de Français et qui est très ambitieuse, j'en fais crédit au Gouvernement.
Sur les sous-amendements nos 42043 , 42276 , 42272 et 42277 , je suis saisi par le groupe La France insoumise d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement no 23860 et les différents sous-amendements ?
Je ne me permettrai pas de parler à la place du Gouvernement, mais il me semble que la véritable alternative au blocage… Je m'arrête là, car M. Ruffin ne m'écoute pas. Monsieur Ruffin, vous nous interrogez, mais vous n'écoutez pas notre réponse : il y a là une manifestation de votre mode de fonctionnement habituel.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
L'objectif est de débattre du fond du texte, en examinant ses dispositions au fur et à mesure. Alors, nous avancerons et sortirons du blocage. Il s'agit de la véritable solution pour sortir par le haut de cette situation, bien préférable aux postures.
Madame Panot, vous avez évoqué les difficultés soulevées par la situation des avocats. Nous les connaissons. Par ailleurs, vous avez rappelé – nous sommes d'accord sur ce point – leur importance dans le fonctionnement de la justice.
Toutes les professions qui ont été évoquées au cours de ce débat ou qui le seront, dont on peut dresser la liste, y ont leur place – tant les infirmières que les médecins, les agriculteurs, les ouvriers et les ouvrières chers à M. Jumel, ainsi que les salariés de l'industrie du verre. Chacune a sa place dans ce débat. Il importe de créer les meilleures conditions pour que chacune et chacun bénéficie des conditions de départ en retraite les plus honorables et les plus équitables possibles.
Monsieur Aubert, vous m'avez interrogé sur le mode de calcul de l'augmentation des cotisations des avocats. Vous avez raison sur un point : pour un revenu de 20 000 euros, une hausse de quatre points correspond à 800 euros.
L'exemple retenu dans l'étude d'impact prévoyait une hausse de 850 euros, mais l'abattement de CSG induit une baisse de 660 euros, soit une augmentation d'environ 200 euros. Vous pouvez vous reporter à la page 460 – de mémoire – de l'étude d'impact. Nous aurons l'occasion de débattre précisément de ce sujet.
Telles sont les précisions que je souhaitais apporter. Au reste, nous avons longuement débattu de la situation des avocats. La commission est défavorable aux sous-amendements ainsi qu'à l'amendement.
Rappel au règlement
Il se fonde sur l'article 58, alinéa 1, puisque je demande la parole pour fait personnel. Je peux être dur, dans cet hémicycle, à l'égard de la majorité, mais je le suis à l'encontre de sa dimension politique, incarnée notamment par les 300 membres du groupe La République en marche et par les quarante-six membres du groupe MODEM. Il ne m'arrive jamais d'attaquer quiconque ad hominem.
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
Je n'ai pas attaqué M. le rapporteur. Je trouve tout à fait déplacé qu'il caractérise mon comportement alors que je n'ai fait qu'échanger quelques mots avec mon collègue Adrien Quatennens. On peut être dur à l'égard des groupes de la majorité comme de l'opposition, sans pour autant recourir à des attaques ad hominem, d'autant que j'ai présenté une proposition constructive.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI et sur plusieurs bancs du groupe GDR.
Monsieur Ruffin, j'aimerais formuler une précision. Nous venons d'examiner une quinzaine de sous-amendements, après en avoir examiné trente-sept sur l'amendement précédent. Je m'efforce de me concentrer pour écouter chaque orateur. Si, en plus, je dois attendre pour répondre que chacun soit présent et attentif, l'exercice s'avère compliqué !
Je conçois que vous dialoguiez avec vos collègues. En tant que rapporteur, je dois – et c'est normal – me concentrer sur les questions posées par les divers orateurs. En retour, ceux-ci doivent se concentrer sur mes réponses. Il y a là, me semble-t-il, la base même du dialogue.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Monsieur Ruffin, cette partie de ping-pong peut durer indéfiniment. Nous avons compris votre rappel au règlement ; les propos de M. le rapporteur n'appellent pas de réponse particulière. Le point est clair.
Article 1er
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement no 23860 et les sous-amendements dont il fait l'objet ?
Nous avons longuement débattu de la situation des avocats tout à l'heure. Je reviendrai sur un point : la concertation qui a été menée avec eux, dont je rappellerai les étapes.
L'année dernière, du mois de janvier au mois de juin, six réunions préparatoires ont été organisées avec leurs représentants. Nous en avons tenu trois autres au mois de septembre, en présence des membres du Gouvernement concernés, Jean-Paul Delevoye puis moi-même.
Plusieurs réunions techniques se sont déroulées simultanément, dont certaines après que nous ayons retrouvé les voies du dialogue avec les avocats. Ils ont souhaité – et c'est très bien ainsi – avancer dans le cadre de réunions techniques, afin d'être véritablement au clair au sujet des simulations que nous leur communiquions. Ces réunions techniques ont été, me semble-t-il, de bon niveau.
Nous avons réexaminé tout à l'heure les propositions concrètes qui ont été faites aux avocats, reprises dans un premier courrier cosigné par Nicole Belloubet et moi-même, puis dans un second signé par elle seule. Tous deux leur ont été adressés après que nous ayons mené des concertations supplémentaires, sous l'égide de M. le Premier ministre, au cours des dernières semaines.
Je rappelle que la Caisse nationale des barreaux français prévoit des augmentations de cotisations, attentive qu'elle est à son équilibre financier et consciente du fait que les perspectives démographiques des avocats ne seront pas toujours aussi favorables qu'à l'heure actuelle, comme l'a expliqué précédemment M. le rapporteur. Elle prévoit donc des augmentations de cotisations significatives jusqu'en 2029.
Le Gouvernement a proposé de ne pas en ajouter d'autres au titre de la transition d'un régime à l'autre avant cette date, ce qui en facilitera la mise en place. Nous avons rappelé que ce lissage doit avoir lieu sur une durée très longue – M. le rapporteur l'a bien expliqué tout à l'heure, je n'y reviens pas.
S'ils le souhaitent – nous ne leur imposons aucune obligation en la matière – , ils peuvent utiliser une partie de leurs réserves financières. À ce sujet, il faut rappeler deux points très importants.
Tout d'abord, comme nous l'avons rappelé dans le courrier adressé aux représentants des avocats, le dispositif de solidarité entre les petits et les hauts revenus sera maintenu dans le nouveau système. Ensuite, la Caisse nationale des barreaux français, à laquelle ils sont particulièrement attachés, pourrait être maintenue dans le cadre d'une délégation de service public attribuée par la CNRU, la caisse nationale de retraite universelle.
Sur ces points – cela devrait rassurer la représentation nationale – , nous avons avancé. J'ai bon espoir que nous trouvions in fine, avec les avocats, les voies d'un compromis. Ils ont toute leur place dans le système universel de retraite. Nous trouverons avec eux les moyens de faire vivre leurs spécificités, notamment en matière de solidarité interprofessionnelle.
Monsieur le secrétaire d'État, nous sommes vraiment en droit de nous demander comment s'est déroulée la concertation que vous évoquez. J'aborderai non le cas des avocats, mais celui de la Caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires, évoqué tout à l'heure par mon collègue et ami David Habib.
Je parle sous le contrôle attentif de mon collègue – et également ami – Jean-Paul Mattei, dont je m'empresse de préciser qu'il n'est pas mon notaire…
Sourires.
S'agissant des salariés du notariat – et non des notaires – , le système de retraite est parfaitement équilibré. Il ne coûte pas un euro de subventions à l'État et assure une péréquation par le biais d'une cotisation assise sur le chiffre d'affaires des études.
Cela permet à ses bénéficiaires de partir en retraite dans des conditions qui ne sont absolument pas injustes. Leur moyenne d'âge de départ en retraite est légèrement supérieure à 63 ans, ce qui n'est pas comparable à celle des salariés de la RATP ou de la SNCF. Leur système fonctionne parfaitement.
Dans le cadre de la concertation menée par Jean-Paul Delevoye, on leur a assuré que ces conditions seraient maintenues et que la cotisation spécifique précitée, assise sur le chiffre d'affaires des études, le serait également. Nous découvrons à présent, en examinant le projet de loi, qu'elle ne l'est pas du tout : elle est affectée au régime général de la CNRU. Il y a là un nouvel exemple de l'hyperconcentration, de l'étatisation et de la bureaucratisation auxquelles mène la création du véritable monstre qu'est la CNRU, à rebours de la concertation préalablement menée.
Monsieur le secrétaire d'État, j'aimerais que vous indiquiez comment s'est déroulée la concertation, et pourquoi vous détruisez, de façon si méthodique, des régimes de retraite qui n'ont rien demandé à personne et fonctionnent parfaitement, en toute équité, sans aucune injustice par rapport aux autres professions.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LR, SOC et GDR. – M. Adrien Quatennens applaudit également.
J'aimerais revenir sur la mobilisation des avocats, qui aura au moins eu le mérite de faire parler d'eux dans cet hémicycle. Qu'ils soient unanimement vent debout contre la réforme m'intrigue.
Quand on demande à quelqu'un ce qu'il ne peut donner, c'est que l'on se trompe. En l'espèce, il me semble qu'on leur demande – que vous leur demandez, monsieur le secrétaire d'État – quelque chose qu'ils ne peuvent donner : leur accord. Il me semble donc que nous nous trompons.
Nous avons débattu de la durée de cotisation, de l'avenir de l'aide juridictionnelle, du risque que les petits cabinets ferment et de l'augmentation des cotisations. Je me demande quel est l'intérêt de changer ce qui fonctionne bien, si c'est pour aboutir à un système fonctionnant moins bien pour les premiers concernés.
Tandis que je m'efforçais de comprendre les raisons d'un tel choix, l'un de nos collègues a argué de la solidarité. Certes, il faut participer au pot commun. Toutefois, il me semble que les avocats contribuent d'ores et déjà à la solidarité nationale, à hauteur de 100 millions d'euros. Cet argument ne tient donc pas.
Enfin, je tiens fermement à l'indépendance de la justice. S'il existe une profession dont les membres doivent rester indépendants, autonomes – appelez cela comme vous voulez – , ce sont les avocats, qui sont, en France, les piliers de la justice et de son indépendance.
Je ne sais pas comment on peut être membre d'un groupe appelé « En marche ! » et passer son temps à casser ce qui marche. Quelque chose m'échappe : les membres du groupe La République en marche s'évertuent à casser tout ce qui marche, sans rien réparer. Il y a là un problème.
Deuxième problème : monsieur le secrétaire d'État, vous évoquez la concertation qui a été menée, et citez les nombreuses réunions de travail organisées avec les organisations représentatives des avocats. Après tant de réunions, comment se fait-il que l'on aboutisse à un tel point de crispation, de blocage de la négociation et d'incompréhension réciproque, qui nous occupe depuis plus de trois heures ?
Comment expliquez-vous votre incapacité à convaincre ? Comment pouvez-vous livrer à la représentation nationale les points de blocage des avocats, résultant de leur refus de laisser détruire ce qui marche, et contribue de surcroît à la solidarité nationale ainsi qu'à l'équilibre de leur caisse autonome de retraite ? Tout cela est préoccupant.
Peut-être serait-il utile de permettre à des observateurs extérieurs de participer à vos réunions de négociation, un peu comme on fait appel à des organisations non gouvernementales dans les zones de guerre, afin de déterminer si nous pouvons vous aider à élaborer des mécanismes de réconciliation avec la France.
Vous êtes fâchés avec tous ceux avec lesquels vous êtes censés négocier. Même votre principal allié, le MEDEF, est en train de quitter le navire des négociations.
Nous avons auditionné le secrétaire général de FO, celui de la CGT, le président de la CFTC, le secrétaire général de la FSU ; aucun de ces responsables syndicaux ne vous fait crédit de votre capacité à négocier, ce qui est particulièrement préoccupant.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 91
Nombre de suffrages exprimés 84
Majorité absolue 43
Pour l'adoption 12
Contre 72
Le sous-amendement no 42043 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 89
Nombre de suffrages exprimés 83
Majorité absolue 42
Pour l'adoption 14
Contre 69
Le sous-amendement no 42276 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 94
Nombre de suffrages exprimés 88
Majorité absolue 45
Pour l'adoption 19
Contre 69
Le sous-amendement no 42272 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 96
Nombre de suffrages exprimés 90
Majorité absolue 46
Pour l'adoption 18
Contre 72
Le sous-amendement no 42277 n'est pas adopté.
Le sous-amendement no 42278 n'est pas adopté.
L'amendement no 23860 n'est pas adopté.
Je suis saisi d'un amendement no 23859 qui fait l'objet de nombreux sous-amendements.
Sur cet amendement, je suis saisi par le groupe Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Gisèle Biémouret, pour soutenir l'amendement.
Cet amendement vise à appliquer aux professionnels de santé le même principe de non-régression des droits du fait de la réforme.
Pour l'illustrer, je prendrai l'exemple des aides-soignants. L'extension aux fonctionnaires du compte professionnel de prévention, que vous présentez comme une avancée, vient compenser la suppression de la catégorie active, laquelle permettait aux 500 000 aides-soignants qui en relevaient de partir à la retraite à 57 ans. En utilisant le compte professionnel de prévention, ils pourront partir non plus cinq ans avant l'âge mais deux ans avant l'âge d'équilibre – soit à 63 ans si l'âge d'équilibre est fixé à 65 ans.
Pourtant, les conditions de travail sont difficiles ; les postures et les rythmes de travail se caractérisent par une forte pénibilité, le taux d'accidents du travail et de maladies professionnelles est trois fois plus important que la moyenne ; comme les aides à domicile, les aides-soignants sont confrontés à la manutention de charges lourdes et exposés à des risques d'accidents sur les trajets qu'ils effectuent.
Myriam El Khomri, dans son rapport « Plan de mobilisation nationale en faveur de l'attractivité des métiers du grand âge 2020-2024 », recommandait de saisir l'occasion de la réforme des retraites pour approfondir la réflexion en la matière. Ce n'est malheureusement pas le cas.
Plus de 10 % des aides-soignants partent à la retraite pour invalidité avant l'âge légal de 57 ans. Un aide-soignant sur trois part en retraite avec une invalidité, soit trois fois plus que la moyenne nationale.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir le sous-amendement no 41802 .
Il aurait été utile de poser le principe de non-régression pour toutes les professions, mais nous voici réduits à examiner son application profession par profession. Je comprends le sens de la démarche qui vise à essayer de protéger le plus grand nombre de personnes des méfaits de votre réforme.
L'amendement concerne les professions médicales et paramédicales, celles et ceux qui exercent le métier du soin, essentiel dans notre société. Une récente étude a montré que celui-ci est responsable d'une souffrance au travail considérable, bien plus forte que dans d'autres professions, dont témoigne un nombre d'arrêts maladie plus élevé.
Il faut apporter des réponses à ce problème, en particulier à l'hôpital. Or les mesures qui ont été annoncées ne sont pas satisfaisantes – les personnels des hôpitaux restent mobilisés.
De manière plus générale, il faut prendre en compte la situation des professionnels de santé à toutes les étapes de leur carrière et prévoir les mesures de réparation qui s'imposent. Dans cet esprit, nous avons déposé plusieurs sous-amendements afin de renforcer la disposition proposée et d'y marquer notre attachement.
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir le sous-amendement no 41804 .
La crise hospitalière et le cri de colère qu'ont poussé les soignants en EHPAD, mais aussi les familles, ont placé au coeur de l'actualité la maltraitance institutionnelle dont sont victimes ceux qui prennent soin des autres.
Ayant présidé le conseil de surveillance d'un hôpital pendant une dizaine d'années et ayant eu la chance d'être maire, je sais trop bien que ces métiers sont trop souvent la variable d'ajustement des politiques publiques.
De par leur statut, les personnels, souvent à temps partiel, sont soumis à des horaires modulables. En outre, la pression de la tarification à l'activité à l'hôpital accentue la charge de travail.
Les corps s'abîment plus vite que d'ordinaire. Lorsque l'on s'occupe des aînés dans les EHPAD, la nuit et le jour, lorsqu'il faut les porter, faire leur toilette, assurer le lien avec la famille, on s'use.
Comment faire en sorte que votre mauvais projet ne renforce pas le mépris que ces personnels ressentent quotidiennement ? Comment faire en sorte que la société, en manifestant de la générosité, de la solidarité et de l'intérêt, rende à ces personnes ce qu'elles donnent au quotidien aux nôtres au travers des soins qu'elles leur prodiguent ? Tel est l'objet de l'amendement.
C'est ainsi que nous parviendrons à réconcilier la France avec ses valeurs fondamentales, au premier rang desquelles la solidarité.
La parole est à Mme Caroline Fiat, pour soutenir le sous-amendement no 42292 .
Nous souhaitons soutenir l'amendement et souligner le caractère très régressif des principes définis à l'article 1er.
Certaines activités professionnelles s'exercent dans des conditions plus pénibles que d'autres et doivent, par conséquent, bénéficier d'une compensation sous la forme de l'ouverture de droits supplémentaires.
La pénibilité doit être prise en compte pour les professionnels de santé, et ce dès l'article 1er, dès la déclinaison des principes du nouveau système de retraite.
Je n'ai que trop souvent rappelé les conditions de travail des soignants, ceux-là mêmes qui sont en grève depuis onze mois pour réclamer non pas des augmentations de salaire – même s'il est vrai qu'ils ne cracheraient pas dessus – , mais des moyens humains et financiers pour traiter dignement leurs patients, leurs résidents et les familles. Ils exigent les moyens de pouvoir faire correctement leur métier.
Alors qu'une toilette protocolaire requiert vingt ou vingt-cinq minutes, il leur est demandé de faire une toilette sur des corps meurtris en seulement cinq minutes. Voilà la situation actuelle ! Les corps ne tiennent plus, …
… et, au lieu de laisser les employés du secteur public partir à 57 ans, comme ils pouvaient le faire jusqu'à présent, vous leur demandez de partir à 62, 64 ou 66 ans. Comment peut-on accepter cela ?
Avant de se porter candidate aux élections municipales, Mme Buzyn a supprimé le concours d'aides-soignants au motif que les instituts de formations d'aides-soignants – IFAS – étaient désertés. Ce n'est pas le concours qui dissuade les candidats, c'est la pénibilité du métier !
J'entendais ce matin un député souligner le travail réalisé en matière de prévention. Mais, non, rien n'est fait. Voilà deux ans et demi que je vous alerte sur les conditions de travail et rien n'est fait. Quant à la loi sur le grand âge et l'autonomie qui devait être examinée prochainement, elle n'est pas inscrite dans le budget – aucun crédit dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
La parole est à M. Alain Bruneel, pour soutenir le sous-amendement no 41808 .
Nous devons bien réfléchir au devenir des professionnels de la santé. Au lieu de s'arrêter à 57 ans dans le secteur public ou 59 ans et sept mois, ils devront, du fait de la réforme, poursuivre leur activité jusqu'à 65 ans. Or, ils sont déjà épuisés, ils n'en peuvent plus. Cela fait onze mois qu'ils crient pour alerter le Gouvernement et réclamer des moyens.
Je vous serais reconnaissant de bien vouloir m'écouter. Si vous n'êtes pas d'accord, vous prendrez la parole et vous l'expliquerez. Nous sommes dans un débat, j'ai tout de même le droit de m'exprimer. C'est agaçant !
Sourires.
C'est une profession qui souffre et qui demande au Gouvernement des moyens humains et matériels.
Lors du tour de France des hôpitaux que le groupe GDR a effectué pour rencontrer les personnels, au terme duquel nous avons déposé une proposition de loi coécrite avec eux, j'ai discuté avec une infirmière âgée de 33 ans. Occupant un poste de nuit depuis dix ans, elle m'a dit : « je n'en peux plus ! Je n'arriverai jamais jusqu'à 57 ans ». C'est un témoignage poignant.
Il faut vraiment s'intéresser à cette corporation. L'amour du métier, c'est important. Les infirmières restaient au moins dix ans dans les hôpitaux ; maintenant, elles s'en vont après trois ans, car elles n'en peuvent plus. Elles sont pourtant un élément important du service public.
Comme pour les avocats, il faut prendre le temps de discuter afin de faire reconnaître la pénibilité et de permettre aux infirmières de partir en bonne santé.
La parole est à M. Adrien Quatennens, pour soutenir le sous-amendement no 42288 .
La crise de l'hôpital public vient s'ajouter à la réforme des retraites. Le plan d'urgence pour l'hôpital, prévoyant 1,5 milliard d'investissement sur trois ans pour l'ensemble des hôpitaux de France, n'est pas en mesure d'éteindre la colère du personnel hospitalier, soignant et non soignant. Ce montant correspond au budget annuel du seul centre hospitalier universitaire de Lille. Qui peut croire que ces mesures résoudront le problème pour l'ensemble des hôpitaux ?
Qui plus est, il faut pouvoir soulager le personnel. Or l'une des inquiétudes majeures que fait naître votre réforme des retraites concerne la fin du calcul sur les six derniers mois de salaire pour les fonctionnaires. En effet, cette référence, comme les vingt-cinq meilleures années dans le secteur privé, permet d'amortir les fluctuations de carrière et d'aboutir à une pension plus favorable.
Ce sujet a donné lieu en commission à une polémique avec le rapporteur, M. Turquois. J'avais pris l'exemple d'un bulletin scolaire. Si l'on demandait à un enfant à l'école primaire s'il préfère que soit pris en compte, pour calculer sa moyenne, son dernier trimestre favorable ou l'ensemble de sa scolarité, il saurait dire ce qui lui est le plus favorable.
Le rapporteur s'est laissé aller à une réplique que j'ai trouvée un peu douteuse, pour ne pas dire fumeuse, dans laquelle il soulignait la possibilité d'un divorce des parents.
Tout le monde comprend que la prise en compte de l'ensemble de la carrière fera, pour l'essentiel, des perdants. S'il y avait des gagnants dans l'affaire, ils ne seraient que très anecdotiques et temporaires.
Tout le monde le comprend. Réfléchissez un instant : le calcul sur les six derniers mois de la carrière des fonctionnaires qui sont graduelles est nécessairement plus favorable que celui sur l'ensemble de la carrière. Cela va de soi, chers collègues !
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir le sous-amendement no 41810 . Vous souhaitez remplacer le mot « régression » par le mot « baisse ».
Je vous remercie pour votre aide, monsieur le président, mais je connais mes amendements et sous-amendements par coeur.
Sourires.
Je souhaitais appeler votre attention sur le fait que le plan de Mme Buzyn, avant qu'elle ne s'envole pour de mauvaises aventures, est décliné par nos ARS – agence régionale de santé – respectives. Le plan de réduction de déficit, tel qu'il a été annoncé – vous savez que l'hôpital public est en banqueroute après des années de libéralisme – , se traduit par un dialogue entrepris par les ARS et les présidents de conseil d'administration et par une proposition simple : « On vous aide à réduire votre déficit si vous signez un plan de retour à l'équilibre. » Les experts des cabinets financiers qui siègent ici savent ce que signifie un plan de retour à l'équilibre. Cela revient à demander de présenter un plan d'économies sur le poste de dépense relatif au personnel.
Nous parlons ici de la pénibilité du travail des soignants, de la manière avec laquelle ils subissent une maltraitance institutionnelle permanente. Or, dans le même temps, tranquillou, les ARS engagent un dialogue avec les hôpitaux et leur disent : « On va encore vous serrer le kiki, on va encore réduire les moyens humains, on va encore renforcer les objectifs de productivité. »
Quand on parle comme les gens normaux, cela heurte toujours ! Chez moi, on parle normalement, on n'est pas né de la cuisse de Jupiter ; on parle simplement pour se faire comprendre. Pour ma part, je n'oublie pas mes origines et je parle comme cela me vient.
En définitive, on dit aux soignants : « On vous aime, mais on continue de vous flinguer, on continue de vous pressurer, car, dans le même temps, on va vous proposer de travailler plus longtemps. » C'est cela qui nous tord le ventre et c'est pour cette raison qu'il convient d'adopter ces amendements et sous-amendements.
La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir le sous-amendement no 42291 .
Ce sous-amendement vise à inscrire dans le texte de loi que nous refusons résolument que les soignants subissent une baisse de leur pension, qu'il s'agisse des aides-soignantes ou des infirmiers.
J'ai à ma disposition une dépêche de l'AFP qui annonce que : « Comme les enseignants, les aides-soignantes et infirmières ont beaucoup à perdre de la réforme des retraites, qui mettra fin au départ anticipé à 57 ans à l'hôpital public sans compensation dans la plupart des cas, malgré "l'attention particulière" que le Gouvernement dit leur porter. » L'amour nécessite de se traduire par des actes, par des preuves d'amour.
En l'espèce, on cherche à faire beaucoup de caresses aux soignants, à leur dire qu'ils sont formidables, mais il faudrait qu'ils le soient avec une crise endémique de l'hôpital, avec un mal-être dans les services de soins et, maintenant, avec une diminution de leur pension, dont la baisse est garantie et annoncée par une publicité d'Axa qui parle de la baisse programmée des futures pensions.
« Ah ! » sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Raillez, mais nous attendons une réponse sur ce point !
Alors que l'ANPERE – Association nationale pour la prévoyance, l'épargne et la retraite – , la principale association d'assurés, déclare qu'avec la loi PACTE – loi relative à la croissance et la transformation des entreprises – et le projet de réforme des retraites, il est certain que « se constituer à titre individuel un complément de retraite en vue de ses vieux jours va devenir inévitable pour compenser la baisse annoncée des pensions de retraite », nous aimerions que M. le secrétaire d'État et M. le rapporteur répondent aux députés de l'opposition, viennent rassurer les adhérents de l'ANPERE et corriger la publicité d'Axa.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir le sous-amendement no 41814 .
Je souhaiterais prolonger ces échanges relatifs aux personnels soignants, car il s'agit d'un bon exemple des craintes que nous nourrissons à l'égard des effets de cette réforme.
Nous avons d'abord évoqué le calcul des droits à la retraite qui, pour la fonction publique, ne sera plus fondé sur les six derniers mois d'activité, mais sur l'ensemble de la carrière, avec les effets que nous connaissons. Ce mode de calcul était structurellement adapté à la manière avec laquelle sont conçues les carrières de ces personnels ; vous le reconnaissez d'ailleurs vous-mêmes à la page 149 de l'étude d'impact, que j'ai déjà citée tout à l'heure.
Le deuxième élément est qu'il existe une mauvaise reconnaissance, sur le plan salarial, de ces personnels, qu'il s'agisse des infirmiers ou des aides-soignantes, ce qui se traduit d'ores et déjà sur les montants des pensions de retraite. Vous avez, en quelque sorte, admis qu'il existe un problème de cette nature s'agissant des enseignants – ce problème demeure, nous l'avons dit – , mais il existe également en ce qui concerne le personnel de l'hôpital public, qui va, lui aussi, subir largement les désagréments liés à l'instauration du système par points. Je ne crois pas que vous ayez apporté une réponse forte à ces préoccupations, y compris dans le cadre du mauvais système que vous proposez.
Or le personnel des hôpitaux publics est massivement mobilisé au sein des manifestations – y compris celle d'aujourd'hui – , à la fois pour ses conditions de travail, sa rémunération, sa reconnaissance, l'embauche de nouveaux personnels et ses droits à la retraite.
La parole est à Mme Mathilde Panot, pour soutenir le sous-amendement no 42289 .
Cela a été dit, depuis onze mois les soignants et les soignantes de notre pays crient leur souffrance et demandent des moyens, des lits supplémentaires, qui ne leur sont pas accordés. Élisabeth, infirmière au CHU de Toulouse dit : …
… « On traite les patients à la chaîne, voilà comment je me sens, une ouvrière à la chaîne. ». Marthe, aide-soignante, ajoute : « Au bout du compte, on devient maltraitant. Ce week-end, par exemple, j'ai eu cinq fiches d'incidents. Je l'ai signalé à ma cadre. On devait faire les toilettes au lit, très vite pour finir à midi, l'heure du repas. Je n'ai fait aucun rasage ni aucun soin de bouche, je n'ai mis aucun patient en fauteuil et je ne leur ai pas lavé les pieds non plus. Parce que je n'avais pas le temps. Puis on a pris nos repas, en dix minutes au lieu des vingt prévues. On a un travail technique, mais aussi relationnel : le patient veut vider son sac, mais on lui dit qu'on n'a pas le temps et on ferme la porte. On le laisse seul avec sa souffrance et puis c'est tout. »
Lorsque vous abordez avec eux cette question des soins relationnels qu'ils n'ont plus le temps d'accomplir, les soignants et les soignantes répètent qu'il est horrible de laisser une personne âgée vivant en EHPAD pleurer parce qu'ils n'ont pas le temps de s'occuper d'elle.
Or voilà que nous expliquons aux soignants que ce n'est pas jusqu'à 57, 60 ou 62 ans qu'ils vont travailler, mais jusqu'à 64 ans, malgré la pénibilité liée à leur métier ! Pourtant, déjà, 40 % des aides-soignants ne vont pas au bout de leur carrière, en raison de problèmes de santé liés à la dureté de leur travail. Écoutez donc la souffrance qu'ils expriment, donnons-leur des moyens et ne les faisons pas travailler jusqu'à ce qu'ils n'en puissent plus !
La parole est à M. Alain Bruneel, pour soutenir le sous-amendement no 41816 .
Permettez-moi de vous rappeler quelques chiffres révélateurs : l'espérance de vie d'une infirmière s'élève à 78 ans, contre 85 ans en moyenne pour les femmes en France, tandis que 30 % des aides-soignantes et 20 % des infirmières accèdent à la retraite avec un taux d'invalidité positif.
Il convient de prendre cette situation en considération. Nous ne pouvons pas discuter d'une réforme universelle des retraites sans parler des conditions de vie dans les établissements publics, que ce soient des hôpitaux ou des EHPAD. Nous devons régler ce problème, mais pas par le biais du projet de loi de financement de la sécurité sociale. On ne peut pas toujours se serrer la ceinture : depuis 2017, l'ONDAM prévoit 3 milliards d'euros d'économies par an. Il faut donner davantage de moyens aux hôpitaux pour qu'ils embauchent plus de personnels et rouvrent des lits. Si nous ne faisons rien, nous mettons en difficulté les patients et les soignants. Il est absolument nécessaire, avant de parler des retraites, de résoudre ces problèmes.
La parole est à Mme Caroline Fiat, pour soutenir le sous-amendement no 42290 .
Ma question sera très simple. Avant, une aide-soignante exerçant dans le secteur public accédait à la retraite à 57 ans et sa pension était calculée à partir de ses six derniers mois de salaire, soit environ 1 575 euros. Désormais, vous ferez la moyenne de la totalité de ses salaires, c'est-à-dire 1 290 euros. Elle perdra donc plus de 250 euros et accédera cinq, six, voire sept ans plus tard à la retraite. Étant donné que plus de 80 % des aides-soignants sont des femmes, où sont les grandes gagnantes de votre réforme ?
Parmi tous les exemples que vous avez cités, monsieur le secrétaire d'État, il y avait celui de Marie – qui a disparu du site internet – , une infirmière ayant touché 2 500 euros par mois tout au long de sa carrière. M. Véran, alors membre de la commission spéciale – il n'avait pas encore été nommé ministre – , m'avait expliqué que Marie était une infirmière libérale. Sauf que les infirmières libérales m'ont contactée : 2 500 euros par mois tout au long de leur carrière, elles en rêvent, mais avec les cotisations, les frais de cabinet ou d'essence, elles ne gagnent pas ce niveau de salaire. Vous avez donc écrit qu'elles gagnaient 2 500 euros par mois tout au long de leur carrière pour montrer qu'elles ne seraient pas perdantes avec votre système de retraite.
Mes deux questions sont donc claires : pourquoi avoir menti sur le salaire d'une infirmière, et comment justifier l'exemple de l'aide-soignante exerçant dans le secteur public qui sera perdante s'agissant du montant de sa pension tout en accédant six ans plus tard à la retraite, considérant que vous n'aurez donné aucun moyen, à aucune des deux, pour traiter ses patients dignement ?
La parole est à M. Adrien Quatennens, pour soutenir le sous-amendement no 42295 .
La question de l'espérance de vie inférieure des infirmières, en raison de la pénibilité de leur métier, montre, une nouvelle fois, que vous préparez une grande régression. Vous allez en effet abaisser le niveau des pensions, et il ne peut en être autrement dès lors que votre objectif est celui de l'équilibre financier sans que vous ne consacriez une part plus importante des richesses aux retraites. La variable sera bien le niveau des pensions et, comme vous ne l'assumez pas, vous préférez le cacher, le masquer.
Caroline Fiat a donc raison de vous alerter sur les cas types qui ont été présentés, notamment celui de l'infirmière : notez franchement à quel point ils ont été manipulés ! L'étude d'impact a bel et bien été truquée, ce qui témoigne d'un certain mépris pour le Parlement. Le présupposé de tous vos cas types, c'est que chacun démarre sa carrière à 22 ans – il s'agit certes de la moyenne, mais vous conviendrez qu'il s'agit d'une donnée favorable – et voit quatre trimestres validés chaque année. C'est ainsi qu'on a une infirmière rémunérée 2 500 euros par mois. En outre, vous avez gelé l'âge d'équilibre, alors qu'il se décale dans votre projet de loi. Le résultat est que les cas types présentés sont favorables, mais, dès qu'on leur applique les véritables dispositions du projet de loi, ils ne le sont plus !
J'attire votre attention sur le fait que ces manipulations sont répétées. En atteste la rumeur colportée depuis quelques heures selon laquelle La France insoumise aurait prévu de dégainer quelque 700 000 sous-amendements pour faire de l'obstruction parlementaire.
Nous ne l'avons jamais dit et il s'agit d'une fausse information émanant de députés de « la retraite en moins » en vue de créer un climat favorable à l'utilisation de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, que vous avez désormais l'intention de dégainer.
Protestations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir le sous-amendement no 42296 .
Dans votre étude d'impact figure en effet l'exemple d'une infirmière touchant 2 500 euros par mois. Vous surévaluez légèrement ses revenus, mais ce que vous ne mentionnez pas, c'est que les infirmières meurent en moyenne sept ans plus tôt que le reste des Françaises. Trente pour cent des aides-soignantes et 20 % des infirmières accèdent à la retraite en invalidité ou ne finissent pas leur carrière au travail, mais en arrêt maladie.
Telle est, déjà, la réalité. Or vous programmez d'une part la baisse des pensions – pour l'ensemble des salariés, mais notamment pour les aides-soignantes et les infirmières – et d'autre part le recul de l'âge de la retraite. Car ce sera bien la double peine : on aura ceinture et bretelles, on aura fromage et dessert, on aura les deux régressions en même temps, aussi bien pour les infirmières que pour les aides-soignantes.
Comment imaginer que cela ne conduira pas à augmenter la part de ces travailleuses – qui prennent soin des personnes âgées, des malades et de chacun de nous à l'hôpital – qui partiront en retraite avec un taux d'invalidité ? Comment imaginer que cela ne constituera pas, pour elles, un obstacle à une retraite heureuse ?
Mais il est vrai que ce mot ne figure pas dans votre projet de loi… Le mot « financier » y apparaît des dizaines et des dizaines de fois ; en revanche, les mots « heureux » ou « bonheur » en sont totalement absents, alors que tel devrait précisément être votre but : trouver comment assurer du bonheur aux Français, y compris passés 60, 62, 63 ou 64 ans ! C'est le bonheur qui devrait être au coeur de votre réflexion – et non pas des objectifs conçus pour satisfaire les financiers !
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi instituant un système universel de retraite.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra