La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures.
Cet après-midi, l'Assemblée a commencé l'examen des crédits relatifs à la santé (no 3399, annexe 38 ; no 3488, tome I), s'arrêtant à l'amendement no 2012 .
Dans la lignée du précédent, l'amendement no 2012 concerne les leçons à tirer de la crise sanitaire, mais cette fois à propos du budget de l'Agence nationale de santé publique, aussi appelée Santé publique France. Elle n'était peut-être pas connue de tous, mais avec la crise, chacun a pu constater qu'elle jouait un rôle déterminant pour les stratégies de prévention et de promotion de la santé, et y compris dans le domaine des inégalités.
Or, le budget qui lui est consacré a connu une nette diminution ces dernières années, à tel point que François Bourdillon, son ex-directeur général, a expliqué aux membres de la mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de Coronavirus-Covid 19 en France : « Nous avons subi, depuis 2010, une baisse de 20 % de nos effectifs. » La suite de sa déclaration est citée dans l'exposé sommaire de l'amendement.
Celui-ci vise donc à commencer à rétablir la situation, en abondant le budget de Santé publique France de 10 millions d'euros. Nous proposons de prélever ces crédits à l'action 11 « Pilotage de la politique de santé publique » mais le Gouvernement peut évidemment lever le gage.
L'amendement no 2000 concerne l'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires – EPRUS. Il avait l'importante mission de gérer les stocks stratégiques de produits de santé, laquelle a été récupérée par Santé publique France. Or, certains produits se sont trouvés en rupture, comme les surchaussures, les masques ou les blouses. L'amendement vise à créer un nouveau programme « Stocks stratégiques en produits de santé », doté de 10 millions d'euros, pour commencer à résoudre les problèmes survenus pendant la crise du covid-19. Cette fois encore, nous appelons le Gouvernement à lever le gage.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l'avis de la commission.
Ces amendements n'ayant pas été examinés par la commission, j'émettrai un avis à titre personnel. Le premier vise à augmenter de 10 millions d'euros le budget de Santé publique France ; le second tend à créer un programme « Stocks stratégiques en produits de santé », doté également de 10 millions. Mon avis est défavorable dans les deux cas, pour les mêmes raisons.
Vous soulignez le rôle important joué par Santé publique France, en quoi je vous approuve. Néanmoins elle n'est plus financée par le budget de l'État et sa mission « Santé », depuis le 1er janvier 2020 : elle dépend désormais du projet de loi de financement de la sécurité sociale – PLFSS. Or, il ne me semble pas opportun de multiplier les financements croisés entre le projet de loi de finances – PLF – et le PLFSS, qui prévoit par ailleurs une dotation de 4,8 milliards d'euros pour Santé publique France en 2021.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'autonomie, pour donner l'avis du Gouvernement.
Même avis.
L'amendement no 2002 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 1978 de Mme Chantal Jourdan est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Il vise à revenir sur la baisse de 200 000 euros des crédits alloués dans le PLF pour 2021 aux actions en santé mentale. Il les augmente de 300 000 euros, notamment afin de soutenir les associations. L'amendement n'a pas été examiné par la commission et je me prononce donc à titre personnel.
Cet amendement diffère du no 1977 de Mme Rabault, à la fois par son montant – 300 000 euros, et non plus 60 millions – et par sa nature : il ne s'agit plus de mettre en oeuvre les dispositions du Ségur de la santé, mais de revenir sur la réduction opérée dans le PLF des crédits consacrés aux actions concernant la santé mentale, dans le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins ».
J'émets un avis favorable, en soulignant qu'il y a un paradoxe à, d'un côté, investir dans la santé mentale avec le Ségur, et, de l'autre côté, à diminuer encore dans le PLF le peu de moyens consacrés à ce domaine. Dans nos territoires, et notamment dans l'Orne, que Mme Jourdan et moi connaissons bien, il est impératif de maintenir l'action des associations en santé mentale.
Il s'agit d'un domaine relevant plutôt de l'assurance maladie ; les crédits ressortissent au PLFSS. L'avis est donc défavorable.
L'amendement no 1978 n'est pas adopté.
Il s'agit du contrôle et de la transparence relatifs à la production des médicaments, c'est-à-dire d'une question à la fois sanitaire et démocratique. Le premier amendement vise à créer un nouveau programme, « Transparence santé », afin de donner à tous les citoyens les informations qui les concernent, par l'accès des associations aux bases de données, par une information sur les négociations entre États et industriels, et par une déclaration d'intérêts des experts et des membres des organismes gouvernementaux en charge de la régulation du médicament.
C'est toujours pareil : le problème vient de la mainmise du marché sur le médicament. On est passé de la production de médicaments destinés au plus grand nombre et vendus à un prix modéré à des médicaments réservés à un très petit nombre de malades, susceptibles de payer très cher pour les obtenir. Plusieurs scandales récents, comme ceux de la Dépakine ou du Lévothyrox, ont illustré cette déviance de l'industrie pharmaceutique. En tant que législateurs, nous devrions instituer un contrôle des usagers sur l'élaboration et la commercialisation de ces médicaments.
Le second amendement vise à créer un programme « Transparence de la recherche » ; il concerne la commercialisation et le renouvellement des brevets.
L'amendement no 1933 tend à créer un programme « Transparence santé » ; il n'a pas été examiné en commission. Les progrès en matière de transparence dans le domaine de la santé sont bien trop lents. La base de données Transparence-santé ne rend pas complètement le service souhaité. Sur la Dépakine, que vous avez citée, les associations de victimes peinent à obtenir les informations utiles. Le tribunal administratif de Paris a récemment rendu un arrêt autorisant le journal Le Monde à accéder à des informations concernant des certifications données à des produits sanitaires.
Bref, des progrès ont certes été accomplis, mais beaucoup reste à faire et les auteurs de l'amendement mettent le doigt sur un véritable problème. Un programme budgétaire ne constitue peut-être pas la solution idoine au manque de transparence, mais en dépit de cette faiblesse, parce que les choses avancent trop lentement à mon goût, j'émets un avis favorable, à titre personnel. Quant à l'amendement no 1938 , pour les mêmes raisons, j'émets également un avis favorable, à titre personnel puisqu'il n'a pas été examiné en commission.
À mon sens, il s'agit bien d'un sujet budgétaire. Néanmoins, un travail a déjà été effectué. Une base de données publique existe, Transparence-santé ; elle délivre des renseignements sur les conventions, les rémunérations, les avantages versés par les entreprises du secteur de la santé aux professionnels de santé, aux étudiants et aux associations.
Un amendement a récemment été adopté lors de l'examen du PLFSS ; il vise à améliorer la transparence des aides accordées aux entreprises du médicament, par l'intermédiaire du comité économique des produits de santé. Nous partageons tous les mêmes objectifs de transparence, tout particulièrement dans ce domaine, comme dans celui de la recherche, que vise le deuxième amendement. Néanmoins, les moyens de la transparence ont déjà été renforcés. Avis défavorable.
Je remercie à nouveau Mme la rapporteure spéciale pour son avis : elle sait passer par-dessus les clivages politiques au nom de l'intérêt général, comme je l'avais déjà remarqué.
En revanche, je regrette l'avis du Gouvernement. Je ne suis pas certain, madame la ministre déléguée, que vous-même soyez complètement persuadée que les mesures déjà adoptées suffisent, au regard des problèmes rencontrés. Je pense notamment à la Dépakine. J'ai rencontré plusieurs de ses victimes dans ma circonscription – comme vous, j'en suis certain : je ne dresse aucun mauvais procès – et j'estime que les solutions n'arrivent pas assez vite.
Peut-être l'amendement n'est-il pas parfait ; je dis au nom de Caroline Fiat, qui l'a déposé, que nous sommes prêts à le retravailler avec Mme la rapporteure spéciale pour l'améliorer et le faire adopter en deuxième lecture. Mais s'agissant des médicaments concernés, le contrôle de l'industrie pharmaceutique constitue un enjeu démocratique et sanitaire, et il faut vraiment que nous allions plus loin.
J'aimerais beaucoup vous convaincre de sa pertinence. Il y a quelques mois, des ambulanciers ont manifesté devant l'Assemblée nationale, pour faire connaître leur sort et les difficultés de leur métier. La crise du covid-19 a encore aggravé la situation, notamment en matière de manque d'équipements. En effet, ils ne font pas partie de la liste des professionnels prioritaires pour l'accès aux masques FFP2, aux surblouses et autres. Leur agrément est délivré par le directeur de l'Agence régionale de santé, pourtant ils ne bénéficient pas des mêmes précautions et assurances que le personnel de santé – même si elles sont souvent insuffisantes pour ces derniers également.
La raison en est qu'ils dépendent du ministère des transports. Ils souhaitent être rattachés à celui des solidarités et de la santé. Chacun peut avoir besoin d'une ambulance pour le transporter en cas de maladie, en particulier en ce moment, et vous conviendrez qu'il s'agit d'une anormalité qui demande rectification. L'amendement vise donc à faire dépendre les ambulanciers et les entreprises de transports sanitaires du ministre chargé de la santé.
Cet amendement d'appel n'ayant pas été examiné par la commission, je ne peux me prononcer qu'à titre personnel. J'émets un avis défavorable, la proposition n'étant pas budgétaire et ne relevant donc pas du projet de loi de finances. Sur le fond, je confirme simplement que la profession est sous la double tutelle du ministère de la santé et de celui des transports.
Même avis. Monsieur Coquerel, je partage votre préoccupation pour cette profession qu'il faut reconsidérer, ce à quoi le ministère de la santé et des transports vont retravailler, compte tenu de la situation que nous avons connue pendant la crise sanitaire et du caractère légitime de la revendication formulée par les ambulanciers.
L'amendement no 2003 n'est pas adopté.
Philippe Naillet est le premier signataire de ces deux amendements d'appel.
Depuis près de deux ans, les parlementaires et les acteurs concernés demandent la revalorisation du coefficient géographique des établissements de santé de la Réunion. Cette revendication a été exprimée dans un courrier du 8 janvier 2019, puis répétée lors d'un entretien du 16 septembre 2019 avec la ministre des outre-mer et encore dans un courrier de la délégation aux outre-mer en date du 3 octobre 2019. Elle a également été rappelée lors de l'examen des PLFSS pour 2020 et pour 2021, notamment après la présentation du rapport du 19 septembre 2019 rédigé par les députés Olivier Serva et David Lorion sur la situation des CHU – centres hospitaliers universitaires – de la Guadeloupe et de la Réunion.
Nous cherchons à connaître, par l'amendement no 2009 , la stratégie du Gouvernement concernant le coefficient géographique qui s'applique à la Réunion et, par l'amendement no 2021 , les raisons pour lesquels ce département est sous-doté – son taux d'équipement en hospitalisation complète et les sommes qui lui sont allouées pour la prévention et pour l'accompagnement des personnes sont inférieurs à la moyenne nationale, ce dont pâtissent, outre les professionnels, l'ensemble des Réunionnaises et des Réunionnais.
Les amendements n'ont pas été examinés en commission, et j'émettrai donc un avis à titre personnel. Celui-ci sera défavorable, les sujets abordés n'ayant rien de budgétaire : l'amendement no 2009 , qui concerne le coefficient géographique, relève à ce titre d'un article du PLFSS, tandis que l'amendement no 2021 pourrait faire l'objet d'une question orale ou écrite au Gouvernement.
Les crédits de la mission « Santé », modifiés, sont adoptés.
Le budget alloué à l'AME – aide médicale d'État – , qui représente près d'un milliard d'euros, permet aujourd'hui à 316 000 étrangers en situation irrégulière d'être soignés en France. Le nombre trimestriel moyen de ses bénéficiaires a augmenté de 50 % entre 2009 et 2020, puisqu'il était alors de 210 000. Cet amendement de Mme Trastour-Isnart propose donc de conditionner l'accès à ce dispositif par le paiement d'un droit annuel de 200 euros pour les majeurs ou, en d'autres termes, de réintroduire la contribution d'entrée supprimée en 2012.
La parole est à Mme la rapporteure spéciale, pour soutenir l'amendement no 1876 .
Il repose sur la même logique et vise à rétablir un droit de timbre de 30 euros pour les bénéficiaires majeurs de l'aide médicale d'État. Je sais que le rapport de l'IGF – inspection générale des finances – et de l'IGAS – inspection générale des affaires sociales – sur l'AME ne recommande pas le rétablissement d'un droit de timbre similaire à celui qui avait été instauré entre 2011 et 2012. Trois arguments plaident néanmoins en sa faveur.
D'une part, comme l'indique le rapport, ce droit d'accès se pratique déjà dans d'autres pays, notamment le Danemark, l'Italie, Espagne, le Royaume-Uni, la Suède et la Suisse. Ensuite, faire participer les étrangers en situation irrégulière au paiement de leurs soins se pratique déjà en France, plus précisément à Mayotte, où, en application de l'article L. 6416-5 du code de la santé publique, les intéressés sont tenus d'acquitter une provision financière avant d'être soignés. Pourquoi ne pas étendre cette disposition à la métropole ? Enfin, l'acceptation sociale de l'AME est de moins en moins forte : beaucoup de nos citoyens contestent aujourd'hui, plus fortement qu'il y a dix ans, la gratuité des soins dont bénéficient les étrangers en situation irrégulière, contestation que nous devons impérativement prendre en compte.
Ce second amendement de Mme Trastour-Isnart est de repli. Il vise à rétablir un droit de timbre annuel qui devra être acquitté par tous les demandeurs de l'AME de droit commun pour pouvoir bénéficier du dispositif. Ce droit de timbre, introduit en loi de finances pour 2011, a été supprimé en loi de finances rectificative pour 2012. Son montant correspondrait à celui prévu à l'article 960 du code général des impôts, d'une valeur actuelle de 55 euros.
Depuis la suppression du droit de timbre, force est de constater que la dépense d'AME n'est pas maîtrisée. Le nombre trimestriel moyen de bénéficiaires a augmenté de 50 % entre 2009 et 2020, passant, on l'a dit, de 210 000 à 316 000. Son budget représente aujourd'hui près d'un milliard d'euros. Ce rythme de progression n'est pas soutenable d'un point de vue financier. En l'absence d'une réelle gestion des flux migratoires, une réforme de l'AME est donc indispensable pour assurer la soutenabilité des dépenses.
Le rétablissement d'un droit annuel forfaitaire constituerait une première avancée dans ce sens. Elle présenterait deux avantages majeurs : il s'agirait d'une mesure symbolique forte, garantissant que les personnes en situation irrégulière participent à leur couverture sociale, même de façon forfaitaire et modique ; en outre, le droit de timbre constituerait une recette financière non négligeable dans un contexte où les crédits dévolus aux autres programmes de la mission « Santé » sont contraints.
Les trois amendements vont dans le même sens, avec des montants différents, respectivement de 200 euros, 30 euros et 55 euros. Un montant de 200 euros me paraît trop élevé. Celui de 30 euros, proche du droit de timbre en cours en 2011 et 2012, me semble préférable. À titre personnel, puisque ces amendements n'ont pas été examinés en commission, je propose le retrait, au bénéfice de mon amendement no 1876 , des amendements nos 1885 et 1884 . À défaut, j'émettrai sur ces deux amendements un avis défavorable.
Pardon de rompre ce joli échange en émettant sur les trois amendements un avis défavorable. L'expérience montre que, loin d'être facteur d'économies, l'instauration d'un droit de timbre contribue à augmenter les dépenses publiques. Quand, en 2011, un droit annuel de 30 euros a été instauré, les dépenses d'AME ont augmenté de 5 %, tandis que le budget des soins urgents s'envolait de 18 %. En effet, dès lors que les personnes ne peuvent acquitter le droit d'entrée, elles renoncent à se soigner dans l'immédiat. De ce fait, elles ne se présentent à l'hôpital que quand elles n'ont plus d'autre choix, avec des pathologies aggravées, qui sont plus chères à soigner et engendrent en outre plus de risques pour la santé publique. Une telle situation entraîne un transfert de charges vers les hôpitaux, ce qui serait particulièrement malvenu dans la période actuelle.
J'entends vos arguments, madame la ministre déléguée. Vous invoquez la hausse de l'AME consécutive à l'instauration du droit de timbre, mais je vous rappelle que, durant les cinq dernières années, le montant de l'AME est passé de 825 à 1 061 millions, soit une hausse de 28,6 %. Autant dire que l'augmentation se produit même en l'absence d'un droit de timbre. D'autres pays ont instauré cette mesure. Nous devons faire de même face à la hausse continue des dépenses et de bénéficiaires de l'AME, et au fort rejet de nos concitoyens.
La parole est à Mme la rapporteure spéciale, pour soutenir l'amendement no 1874 .
Cet amendement qui vise à recentrer l'AME sur les soins vitaux n'a pas été examiné par la commission. Alors qu'il existe aujourd'hui une sorte d'exception française, je vous propose d'aligner la législation de notre pays sur celle de nos voisins, notamment des huit autres pays européens étudiés dans le rapport de l'IGF et de l'IGAS. La réforme réduirait les coûts de ce dispositif, mettrait un terme à l'immigration pour soins et supprimerait une exception française peu justifiable. J'insiste sur l'importance d'évoluer sur ce sujet.
Avis défavorable. J'essaie de comprendre votre objectif, madame la rapporteure spéciale, mais je crains qu'en limitant l'AME aux soins vitaux, on ne retarde la prise en charge médicale des personnes, qui deviendrait de ce fait plus lourde et plus onéreuse. Nous avons choisi une voie différente. Il est impératif de préserver ce dispositif essentiel pour soigner ces publics, tout en en limitant les abus et les détournements. Les mesures prises en 2019 et 2020 par le Gouvernement reposent sur cet équilibre nécessaire entre santé, protection et régulation. Votre proposition n'apporte pas, à cet égard, de réponse satisfaisante.
L'amendement no 1874 n'est pas adopté.
La parole est à Mme la rapporteure spéciale, pour soutenir l'amendement no 995 .
Si vous me le permettez, madame la présidente, je vais prendre un peu de temps pour présenter cet amendement, qui me tient très à coeur. Il vise à préciser la finalité du traitement de données utilisé en matière d'AME, en vue de connaître la nationalité des demandeurs et des bénéficiaires ainsi que la nature des soins qui leur sont dispensés.
Nous venons d'évoquer la transparence dans le domaine de la santé. À mon sens, celle-ci doit impérativement s'appliquer à tous les aspects de la santé, y compris à l'AME. On ne peut pas être favorable à la transparence à certains moments et y être opposé à d'autres, pour d'autres questions.
Je pars d'un constat simple : actuellement, personne, je dis bien personne, ne connaît la nationalité des demandeurs et des bénéficiaires de l'AME, ni la nature des soins qui leur sont dispensés. De temps à autre, un rapport étudie un panel de bénéficiaires et apporte des précisions utiles. L'an passé, par exemple, l'IGAS et l'IGF ont étudié les nationalités des bénéficiaires et les soins dispensés dans trois ensembles hospitaliers. Mais, selon moi, il est indispensable que nous disposions régulièrement de données objectives portant sur l'ensemble du territoire, et non de données parcellaires, une fois de temps en temps.
Si nous voulons sortir des préjugés sur l'AME, nous devons disposer de données fiables et objectives. Ensuite, il reviendra à chacun d'interpréter ces données selon ses convictions ou ses orientations. Mais, pour cela, encore faut-il que nous sortions du brouillard statistique dans lequel nous sommes.
Je rappelle que le recueil de données sur la nationalité et sur les soins accordés à des étrangers est légal, puisque cela se fait depuis plusieurs années en matière de procédure d'admission au séjour pour soins : chaque année, l'OFII – Office français de l'immigration et de l'intégration – remet au Parlement un rapport précisant le nombre de personnes soignées dans ce cadre, leur nationalité et les pathologies traitées. Si nous connaissons ces données pour la procédure d'admission au séjour pour soins, dont bénéficient environ 5 000 personnes par an, nous pouvons et devons disposer de données analogues pour l'AME, qui concerne 350 000 personnes par an.
Tel est le cadre dans lequel je présente cet amendement. Je précise que, pour le rédiger, j'ai contacté la Commission nationale de l'informatique et des libertés – CNIL – et ai tenu compte de ses observations afin de bien respecter le RGPD – règlement général sur la protection des données.
Le 7 novembre 2019, dans cet hémicycle, Mme Fiat a déclaré : « En ce qui concerne le tourisme médical, [… ] il peut effectivement arriver que des princes du Qatar ou des chercheurs en Suisse viennent se faire soigner en France et profitent de l'AME. » Est-ce vraiment le cas ? Je l'ignore. Personne ne sait si Mme Fiat a raison ou non. Or nous devrions le savoir ; c'est même notre devoir. Grâce à l'amendement que je vous soumets, nous pourrons connaître la réponse à cette question et disposer enfin de données objectives. C'est très important. Nous ne pouvons pas rester, je le répète, dans un tel brouillard statistique au sujet de l'AME.
Je précise que cet amendement que j'ai déposé a été examiné et rejeté par la commission. Je vous invite à l'adopter.
Sourires.
Je comprends votre objectif, madame la rapporteure spéciale, mais un tel fichier risque d'être contraire au RGPD. En effet, les traitements de données peuvent être utilisés uniquement pour des finalités ayant un lien avec la prestation concernée. Or le recueil de la nationalité n'est pas nécessaire pour la gestion du droit à l'AME.
Nous allons demander aux services compétents d'expertiser votre proposition du point de vue juridique. Dans l'attente de leurs conclusions, je suis défavorable à l'amendement.
La parole est à M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
… au regard de la crise sanitaire que nous vivons. Ils visaient à remettre en question l'AME, à la recentrer ou à prélever un droit de timbre sur les plus démunis avant qu'ils n'aient accès aux soins, ce qui me paraissait franchement déplacé.
En revanche, le présent amendement soulève une question intéressante : quelles finalités pourrions-nous chercher à atteindre et que pourrions-nous améliorer si nous disposions de données relatives à la nationalité ? Après réflexion, il me semble que vous n'abordez pas le problème de la bonne manière, madame la rapporteure spéciale. Vous cherchez à savoir si l'AME permet à des personnes qui n'en ont pas besoin de se faire soigner, par exemple des princes de tel ou tel pays. Or cela nous importe peu : l'exception française consiste précisément à ne se préoccuper ni de la nationalité ni de la situation des étrangers qui viennent se faire soigner en France. C'est ce qui fait, selon moi, la force et la qualité de notre système de santé vis-à-vis des étrangers. Nous ne devons donc pas nous engager dans la voie que vous préconisez.
Nonobstant, vous avez raison de relever que l'OFII produit de telles statistiques à des fins de régulation et d'amélioration de la gestion. S'il était démontré que, grâce à des données relatives la nationalité, nous pourrions mieux lutter contre certaines filières, certaines maltraitances, phénomènes réels liés au recours à l'AME, alors votre amendement pourrait avoir une finalité positive. Néanmoins, je n'ai pas la réponse à cette question, et vous n'y avez pas répondu non plus lorsque vous avez présenté l'amendement. Je ne suis donc pas certain, à titre personnel, qu'il serait opportun de l'adopter, mais je reconnais qu'il ouvre une piste de réflexion intéressante.
Je regrette bien évidemment que le Gouvernement ait donné un avis défavorable, mais je crois comprendre qu'il y a une ouverture et qu'une réflexion sera engagée.
Vous indiquez, madame la ministre déléguée, que mon amendement ne serait pas conforme au RGPD. Celui-ci prévoit effectivement que le recueil des données doit avoir pour seule finalité la gestion des dossiers, et la connaissance de la nationalité n'apporte rien à cet égard. Mais c'est pour cela que mon amendement propose d'étendre la finalité du recueil des données à la lutte contre la fraude. De cette manière, nous satisferions à l'exigence posée par le RGPD. Comme je l'ai indiqué, j'ai contacté la CNIL pour rédiger mon amendement.
Dans leur rapport de 2019, je le rappelle, l'IGAS et l'IGF ont considéré que la migration pour soins n'était clairement pas un phénomène marginal. Autrement dit, le tourisme médical existe bel et bien. Si nous voulons le combattre, nous devons disposer de données objectives, ce qui n'est pas le cas actuellement. J'espère que le Gouvernement réfléchira aux moyens d'y parvenir.
L'amendement no 995 n'est pas adopté.
Vous gardez la parole, madame la rapporteure spéciale, pour soutenir l'amendement no 1030 .
Il porte sur un sujet tout autre, qui me tient très à coeur. Par cet amendement, nous proposons de modifier deux articles du code de la santé public relatifs au dispositif d'indemnisation des victimes de la Dépakine.
S'agissant de la Dépakine, en cas de contentieux engagé par une victime ou par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales – ONIAM – le juge peut, dans certaines circonstances, infliger à la personne morale responsable du dommage ou à son assureur une pénalité représentant, au maximum, 30 % de l'indemnité allouée à la victime. Ce taux de 30 % se retrouve également dans d'autres dispositifs d'indemnisation, notamment celui des victimes du Mediator. En revanche, il est de 15 % dans le dispositif d'indemnisation des accidents médicaux de droit commun.
En pratique, alors qu'il avait été adopté à l'unanimité par l'Assemblée en 2016 pour venir en aide aux victimes, ce dispositif d'indemnisation fonctionne très mal, notamment en raison du refus du laboratoire Sanofi d'y participer : Sanofi rejette toutes les décisions du collège de l'ONIAM, mettant celui-ci en cause, et engage contentieux sur contentieux. L'attitude de Sanofi contraste avec celle observée pour d'autres types d'accidents médicaux. Dans le cas du Mediator, notamment, il n'y a pas du tout de contestation de la part du laboratoire. Le choix de Sanofi pénalise les victimes et contraint l'ONIAM à se subroger à lui, c'est-à-dire à avancer les frais d'indemnisation avant de se retourner contre lui.
L'amendement vise à relever de 30 à 50 % le pourcentage de la pénalité maximale pouvant être infligée par le juge dans le cadre du contentieux de la Dépakine lorsque la procédure est engagée par la victime ou par l'ONIAM. L'objectif est d'inciter Sanofi à participer au dispositif d'indemnisation des victimes de la Dépakine, de limiter le coût de ce dispositif pour les finances publiques et, surtout, d'accélérer l'indemnisation des victimes.
L'amendement a été examiné mais, hélas, rejeté par la commission. À titre personnel, je vous invite bien sûr à l'adopter.
Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.
Je soutiens l'amendement de Mme la rapporteure spéciale. L'attitude du groupe pharmaceutique Sanofi dans cette affaire dépasse vraiment toutes les bornes : il conteste non seulement les décisions de l'ONIAM, cela a été rappelé, mais aussi les jugements des tribunaux qui le condamnent en première instance ou en appel, en saisissant la Cour de cassation. Rappelons que les victimes de la Dépakine sont des enfants devenus adultes qui souffrent de polyhandicap. Et même dans des cas de cette gravité, Sanofi pousse jusqu'au bout du bout !
L'adoption de cet amendement serait un premier signe envoyé à Sanofi, sans doute insuffisant pour le ramener à la table des négociations, mais nécessaire.
Je remercie Mme la rapporteure spéciale d'avoir présenté cet amendement qui vise à relever le taux de la pénalité maximale de 30 % à 50 % de l'indemnité allouée. Bien évidemment, le groupe La République en marche le votera. Nous en convenons tous, cette situation ne peut pas perdurer, et cette revalorisation est très importante, au-delà même du symbole.
L'amendement no 1030 est adopté.
Applaudissements.
Il vise à préciser le contenu du jaune budgétaire « Prévention et promotion de la santé », afin de permettre à la représentation nationale de mesurer les actions entreprises pour lutter réellement contre les inégalités territoriales constatées.
Nous avons adopté l'année dernière un amendement au projet de loi de finances prévoyant l'élaboration de ce document budgétaire. Aussi particulier qu'ait été l'exercice budgétaire sur le plan sanitaire, ce document constitue un réel progrès : les parlementaires disposent ainsi d'un outil d'information retraçant les financements de l'État, de l'assurance maladie, des collectivités locales et des organismes complémentaires et permettant d'apprécier les moyens d'intervention réellement mobilisables.
Toutefois, ce document ne comprend aucun élément relatif à la répartition territoriale des mesures appliquées, ni aucun indicateur local permettant d'en mesurer l'efficience – à l'instar de mon prédécesseur, Francis Vercamer, je fais preuve d'une certaine ténacité à ce sujet. Pourtant, la présentation stratégique de la mission « Santé » affiche l'ambition de réduire les inégalités territoriales et sociales en matière de santé, la prévention étant présentée comme la pierre angulaire en la matière. Il convient donc de remédier aux défauts que j'ai relevés pour que nous soyons enfin capables d'intensifier notre action là où l'on vit en moins bonne santé. Je rappelle que, dans les Hauts-de-France, la mortalité générale est supérieure de 20 % à la moyenne nationale.
Vu le contexte sanitaire, il ne serait pas raisonnable de demander aux services du ministère de la santé d'enrichir le jaune en question dans la perspective du projet de loi de finances pour 2022, sachant qu'ils travaillent sur les documents budgétaires relativement tôt dans l'année, dès le premier semestre. En effet, ces services sont très accaparés par la gestion de l'épidémie et le seront encore pendant quelques mois. Donc, bien que je trouve votre amendement intéressant sur le fond, je vous invite à le retirer, quitte à le déposer de nouveau l'année prochaine. À défaut, j'émettrai un avis défavorable – à titre personnel, la commission ne l'ayant pas examiné.
Même avis.
Je précise que j'ai bien présenté cet amendement en commission. Il avait reçu un avis défavorable.
L'amendement no 1959 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Catherine Pujol, pour soutenir l'amendement no 1801 .
Ce soir, nous parlons d'argent et de budget, mais aussi d'humanité. Je rappelle à cet égard que les députés du Rassemblement national ne sont pas opposés au fait de soigner des étrangers en situation irrégulière. C'est vrai, l'AME permet de sauver des vies et de limiter la propagation des épidémies.
Cependant, le budget de l'AME représente une charge particulièrement importante pour les finances publiques. Je rappelle qu'un nombre trop élevé de nos concitoyens font l'impasse sur des soins dentaires ou d'optique. En pleine crise sanitaire, le Gouvernement entend faire passer une augmentation de 100 millions d'euros des crédits de l'AME. Il apparaît donc indispensable que le Parlement puisse contrôler l'évolution du coût de ce dispositif.
Avant de répondre, je souhaite confirmer à Mme Six que son amendement no 1959 n'a pas été examiné par la commission des finances. Mais peut-être l'a-t-il été par la commission des affaires sociales ?
S'agissant du présent l'amendement, qui, lui non plus, n'a pas été examiné par la commission des finances, je lui donnerai un avis favorable à titre personnel. Il me paraît important de connaître le coût total des dépenses de soins relatives aux étrangers en situation irrégulière, qui ne se limitent pas à la seule AME. Il convient en effet de comptabiliser également le coût des soins dispensés en centre de rétention ; des créances de soin, difficilement recouvrables ; d'une partie de la procédure d'admission au séjour temporaire pour soins ; ou encore de la protection universelle maladie accordée aux étrangers pendant les six mois suivant l'expiration de leur titre de séjour. Je regrette que nous ne connaissions pas le coût cumulé de l'ensemble de ces dispositifs, et c'est pourquoi je suis favorable à votre amendement.
L'amendement no 1801 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il vise à demander un rapport au Gouvernement sur le coût, pour les finances publiques, des dépenses de santé relatives aux étrangers en situation irrégulière à Mayotte. L'amendement n'a pas été examiné par la commission et, l'ayant moi-même déposé, j'y suis logiquement favorable.
La prise en charge des soins des étrangers en situation irrégulière sur le territoire de Mayotte s'effectue principalement au centre hospitalier du département. En l'absence de distinction possible au sein des non-assurés sociaux et de comptabilité analytique médicalisée de l'hôpital de Mayotte, il est malaisé d'établir le montant de ces dépenses.
Néanmoins, la part dans le total des soins de santé des dépenses relatives aux non-assurés sociaux, parmi lesquelles figurent principalement des personnes en situation irrégulière, mais aussi des personnes en situation régulière mais qui ne remplissent pas les critères d'affiliation au régime de sécurité sociale, a été évaluée au cours des dernières années. Cette part représenterait un tiers du budget du centre hospitalier de Mayotte, soit environ 83 millions d'euros.
Le montant est donc d'ores et déjà évalué et, surtout, ces dépenses répondent largement à un besoin de santé publique. Lorsqu'un malade requiert des soins, c'est l'honneur de la France que de lui porter secours. Et cela n'est évidemment pas exclusif de la stratégie de lutte contre la fraude aux soins de santé engagée par le Gouvernement.
Pour toutes ces raisons, j'émets un avis défavorable.
Cet amendement de Bruno Bilde va dans le sens de ce que vient de dire Mme la ministre déléguée.
Au cours des trente dernières années, Mayotte est devenue une terre d'immigration importante pour les habitants des autres îles de l'archipel des Comores. Il s'agit d'une migration principalement économique, familiale et sanitaire. Par exemple, selon un rapport d'information rendu en 2015 par les députés Claude Goasguen et Christophe Sirugue, le centre pédiatrique de Médecins du monde ne reçoit que 20 % d'enfants affiliés à la sécurité sociale. À Mayotte encore plus qu'ailleurs, il est donc urgent de mener avec fermeté une politique dissuasive vis-à-vis de l'immigration sanitaire.
Ces aides restent très lourdes financièrement. En l'absence d'ouverture de dossiers personnels, le nombre précis de patients non-assurés demeure inconnu. Cependant, comme vient de le dire Mme la ministre déléguée, il peut être évalué en comparaison des prises en charge recensées dans les établissements de santé de l'île. Le coût de la prise en charge des non-assurés sociaux a été évalué à environ 77 millions d'euros en 2014 et ils représenteraient environ 50 % des séjours hospitaliers.
Le présent amendement a donc pour objet d'évaluer avec plus de précision, par le biais d'un rapport remis au Parlement, le coût total, pour les finances publiques, des dépenses de santé relatives aux étrangers en situation irrégulière à Mayotte.
Quel est l'avis du Gouvernement sur ce deuxième amendement de la discussion commune ?
Défavorable.
Il vise à demander au Gouvernement de remettre un rapport au Parlement sur le coût et l'opportunité sociale d'intégrer l'aide médicale d'État et ses bénéficiaires dans le régime général de sécurité sociale.
Nous en sommes à plusieurs amendements sur le même sujet. Je rappelle tout de même que certains partis ici ont largement participé à l'affaiblissement de l'hôpital public, depuis des années, à coups de baisses de dépenses qui se chiffrent en dizaines de milliards d'euros. Alors laisser, même une seconde, penser que la situation actuelle de l'hôpital serait due au fait qu'on met trop d'argent dans l'AME est tout de même fort de café.
Remettez votre chemise dans votre pantalon ! Nous au moins on porte une veste et une cravate !
C'est le signe d'une méconnaissance de la situation. D'abord, les personnes qui bénéficient de l'AME ne sont pas venues dans notre pays pour se faire soigner.
Cette idée relève du fantasme. L'AME ne donne pas droit à des soins de confort, ou superflus, mais à des soins absolument nécessaires. Il s'agit de donner à un être humain un droit fondamental qu'aucun médecin, ne serait-ce que par déontologie, ne lui refuserait, même en l'absence de l'AME.
Et croire à cette idée, c'est aussi ignorer le fait que les bénéficiaires de l'AME côtoient la plupart du temps des Français qui subissent déjà une dégradation terrible de l'offre de soins, en raison des politiques qui ont été menées. Si vous soignez moins bien les personnes qui ont accès à l'AME, cela aura inévitablement des répercussions sur les résidents en règle qui vivent dans le même département – je pense, entre autres, à la Seine-Saint-Denis – et qui pâtissent déjà d'une dégradation de la santé publique.
Il s'agit donc d'un choix triplement mauvais, du point de vue humanitaire bien sûr, mais qui ne résoudra en rien la question migratoire et sera par ricochet néfaste pour le reste de la population.
Le groupe de La France insoumise vous propose de réfléchir aux moyens d'améliorer les choses. Il se trouve que dans tous les pays où l'AME a été intégrée au régime général de sécurité sociale, les coûts de gestion ont été réduits. Faire de même en France serait donc de nature à plaire aux personnes souhaitant réduire la dépense publique.
Je termine, madame la présidente, en disant que partout, à l'instar de l'Espagne, où on a restreint aux seules urgences l'accès aux soins des personnes sans papiers, les pays sont revenus sur cette décision, car la situation sanitaire globale s'était détériorée.
Cet amendement n'ayant pas été examiné par la commission, je lui rends un avis à titre personnel, qui est défavorable pour trois raisons.
La première est que le régime général est financé par des cotisations. S'il est vrai que certains étrangers en situation irrégulière ont un emploi, ce n'est pas la règle.
Deuxièmement, l'accès de ces personnes au régime général contribuerait à élargir le panier de soins et donc à renchérir le coût des soins dispensés.
Enfin, intégrer l'AME au régime général nuirait à la transparence du dispositif, car on ne pourrait plus isoler le coût des soins dispensés aux étrangers en situation irrégulière. Dans la mesure où l'on ne dispose que de peu d'informations sur l'AME, il ne faudrait pas se priver de celles que nous possédons.
Nous ne sommes pas favorables à l'intégration de l'AME à l'assurance maladie, car nous sommes attachés à la séparation entre ce qui relève de la solidarité nationale, comme l'AME, et ce qui relève du risque assurantiel, comme la sécurité sociale, qui est majoritairement couvert par les cotisations des assurés sociaux.
Il est effectivement faux de dire que les migrants viennent principalement en France pour se faire soigner. D'après l'enquête « Premiers pas » de l'IRDES – Institut de recherche et documentation en économie de la santé – et de l'université de Bordeaux, menée auprès 1 200 personnes sans papiers à Paris et à Bordeaux, seules 24 % des personnes éligibles à l'AME vivant en France depuis moins d'un an y ont recouru. L'étude démontre donc qu'il n'y a pas de recours massif à l'AME à l'arrivée en France et que l'accès aux soins ne constitue pas un motif important de migration. Au total, seules 51 % des personnes éligibles à l'AME en sont bénéficiaires.
Je partage donc votre constat, monsieur Coquerel. C'est pourquoi nous insistons pour maintenir la dimension de solidarité attachée à l'AME.
Regardez la structure du PLFSS pour 2021 : une partie de la solidarité nationale en matière de santé ne dépend déjà plus des cotisations. Si je ne me trompe pas, les ressources fiscales l'emportent même pour la première fois sur les cotisations. Je le regrette, mais c'est une réalité. On ne peut donc retenir l'argument des cotisations pour rejeter l'intégration de l'AME au régime général.
Par ailleurs, dès lors que l'on reconnaît, comme vous l'avez fait madame la ministre déléguée – et je vous en remercie – que l'appel d'air sanitaire que certains imaginent n'existe pas, il convient de constater que l'AME répond tout simplement à un besoin de soins. À cet égard, si les crédits de cette aide augmentent, c'est parce que les hausses précédentes n'avaient pas été suffisantes.
Enfin, l'idée selon laquelle il nous faudrait des informations et préserver la transparence de l'AME ne tient pas non plus. Les étrangers en situation irrégulière doivent, de toute façon, être soignés, pour les raisons que j'ai expliquées précédemment et auxquelles vous adhérez, madame la ministre déléguée.
J'estime donc que les arguments que j'ai entendus ne sont pas bons. Lisez donc l'exposé sommaire de notre amendement et vous verrez que dans les pays où cette mesure a été appliquée, les frais de gestion ont été considérablement réduits.
En entendant ces échanges, on pourrait penser qu'il n'y a pas de tourisme médical en France. Or cela existe.
L'IGAS et l'IGF le disent : la migration pour soins « n'est clairement pas un phénomène marginal ». À cet égard, je ferai à mon tour référence à l'étude de l'Institut de recherche et de documentation en économie de la santé, qui indique que 10 % des bénéficiaires de l'AME interrogés citent un motif lié à la santé pour justifier leur migration en France. Cela me paraît important de le noter.
L'amendement no 2010 n'est pas adopté.
Il demande un autre rapport au Gouvernement, cette fois sur l'ensemble des stocks disponibles en produits de santé, ainsi que sur leur coût et les moyens alloués à Santé publique France pour pouvoir répondre à la demande des professionnels et du grand public dans les plus brefs délais.
Je ne répéterai pas les arguments que j'ai évoqués tout à l'heure s'agissant de l'augmentation du budget de Santé publique France ou de la question des stocks de médicaments ; mes amendements ont été rejetés. Je vous propose désormais d'obtenir un rapport qui dresserait un état des lieux en la matière.
La commission n'ayant pas examiné cet amendement, c'est à titre personnel que je formule un avis défavorable. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, les mesures qui concernent Santé publique France ne relèvent plus du PLF, mais du PLFSS depuis le 1er janvier 2020.
Il est défavorable.
Nous demandons ici un rapport ponctuel, mais à mon avis, c'est chaque semaine, voire chaque jour que cette assemblée devrait recevoir un compte rendu de l'état des stocks de médicaments, de gants, de blouses et de surblouses ! Les informations devraient être partagées le plus possible avec les députés et avec nos concitoyens. À mon avis, cela contribuerait à établir une confiance et une conscience communes.
L'amendement no 2008 n'est pas adopté.
C'est encore un amendement de Caroline Fiat, qui ne pouvait pas être présente ce soir. Il demande un rapport évaluant le montant actuellement alloué par l'État à la rémunération des infirmières en pratique avancée, ainsi que le coût et l'opportunité d'une revalorisation de leurs grilles indiciaires et statutaires.
Une analyse plus exacte de la situation et de leur rémunération permettrait de pallier les problèmes constatés.
Puisque cet amendement n'a pas été examiné par la commission, c'est à titre personnel que j'émets un avis défavorable, ceci pour deux raisons. Premièrement, il a déjà été prévu, à l'issue du Ségur de la santé, d'engager une concertation cet automne sur la formation des infirmiers et l'extension du champ de leurs compétences. Deuxièmement, le rapport que vous demandez relève du PLFSS plutôt que du projet de loi de finances.
L'amendement no 2011 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je vous informe qu'en une heure, nous n'avons examiné que vingt-deux amendements. Si nous poursuivons au même rythme, nous ne pourrons pas achever l'examen des missions prévues dans les délais impartis. En termes diplomatiques : que chacun en tire les conclusions nécessaires.
J'appelle les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », inscrits à l'état B (no 3399, annexe 41 ; no 3488, tome II).
La parole est à M. Raphaël Gérard, pour soutenir l'amendement no 1849 .
Durant l'état d'urgence sanitaire, l'État a veillé à ce que les jeunes ayant bénéficié de l'aide sociale à l'enfance ne soient pas mis à la rue à la date de leurs 18 ans, ce qui aurait fait vraiment trop de difficultés d'un coup.
Mme Mörch propose que cette mesure exceptionnelle devienne la norme. Cet amendement vise ainsi à donner aux départements qui en ont la charge les moyens d'accompagner ces jeunes vulnérables jusqu'à leur entrée sécurisée dans la société, avec un toit, un métier et une formation. À défaut, beaucoup grossiront les rangs des sans-domiciles fixes. Actuellement 40 % des moins de 25 ans ayant bénéficié de l'aide sociale à l'enfance vivent à la rue.
On ne peut se satisfaire d'un tel constat. Les collectifs et associations ont chiffré l'investissement nécessaire à cette mesure à 1,8 milliard d'euros. Si la somme semble impressionnante, elle permettrait de poursuivre et d'achever l'accompagnement de plus de 60 000 jeunes majeurs vers l'autonomie de façon individualisée et dégressive.
Alors que le coût du décrochage d'un jeune est estimé à 230 000 euros, la mesure coûterait 26 780 euros par jeune chaque année – soit 1,8 milliard d'euros divisé par 66 000, le nombre de jeunes majeurs concernés.
Il est grand temps de mettre fin au gâchis humain, social et économique actuel, et de leur offrir les mêmes chances qu'aux autres jeunes, ni plus ni moins.
Merci, monsieur Gérard. Nous sommes heureux de vous voir à nouveau dans l'hémicycle.
Applaudissements.
La parole est à Mme Stella Dupont, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l'avis de la commission.
Madame la présidente, vous avez raison de rappeler que nous n'avons examiné que vingt-deux amendements et qu'il en reste une soixantaine, avec beaucoup d'arguments à présenter : je m'inquiète moi aussi de notre capacité à en achever l'examen ce soir.
Monsieur Gérard, votre amendement vise à transférer 1,8 milliard d'euros vers un nouveau programme, pour éviter les sorties sèches de l'ASE– aide sociale à l'enfance.
Les crédits seraient pris sur le programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes », qui finance notamment la prime d'activité, ce qui ne me semble pas une bonne mesure – mais enfin, c'est le jeu du gage !
Vous posez néanmoins une question de fond, d'une grande importance. Gardons à l'esprit que l'aide sociale à l'enfance est une compétence départementale et qu'il est donc aussi de la responsabilité des départements de préparer la sortie de l'ASE.
De nombreux dispositifs ont été instaurés pour éviter les sorties sèches. Dans le cadre de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, notamment, 12 millions d'euros de crédits sont consacrés à cette question, l'État ayant décidé d'accompagner les départements.
Plus de 50 millions d'euros de crédits ont en outre été ouverts dans la troisième loi de finances rectificative pour 2020, pour garantir qu'aucune sortie sèche n'ait lieu pendant l'état d'urgence sanitaire, ce qui est une bonne chose.
La lutte contre ces sorties sèches est complexe. Elle nécessite un diagnostic territorial sur le nombre de jeunes concernés dans chaque département, et sur les carences spécifiques à chaque territoire concernant l'accès au droit, le logement, la formation et ainsi de suite. C'est un sujet vaste, qui doit reposer sur un accompagnement global, avec la désignation d'une personne-ressource.
Je pense qu'il convient d'aller plus loin, en renforçant l'accompagnement des jeunes majeurs, notamment à travers le contrat jeune majeur. C'est d'ailleurs l'esprit de la proposition de loi, présentée par Mme Bourguignon lorsqu'elle était députée, visant à renforcer l'accompagnement des jeunes majeurs vulnérables vers l'autonomie, adoptée en première lecture à l'Assemblée en 2019.
Il convient d'articuler les politiques publiques sur le terrain, avec l'ensemble des acteurs publics, dont les départements. Oui, nous pouvons faire mieux. Mais nous ne réglerons pas la question par un amendement de crédits. La commission n'ayant pas examiné cet amendement, c'est à titre personnel que je vous demande de le retirer, en vue d'un travail à venir. À défaut, avis défavorable.
Madame la rapporteure spéciale, votre intervention a duré près de trois minutes… À ce rythme, il est sûr que nous n'arriverons pas à terminer ce soir !
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Je demande le retrait ; cette proposition doit être retravaillée.
Connaissant l'engagement de Mme la ministre déléguée et d'Adrien Taquet à ce sujet, je ne pense pas trahir la volonté de Mme Mörch en retirant cet amendement.
L'amendement no 1849 est retiré.
Sur l'amendement no 1984 , je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Gisèle Biémouret, pour le soutenir.
Afin d'amortir le choc social considérable de la crise, les députés du groupe Socialistes et apparentés proposent d'instaurer un revenu de base, qui servirait de revenu socle pour les personnes dépourvues de ressources, et de complément de revenu, accordé sans condition de ressources, pour ceux qui travaillent.
Dès 2018, après que dix-neuf départements de gauche ont exprimé leur disponibilité pour expérimenter un tel dispositif, les groupes socialistes de l'Assemblée nationale et du Sénat ont déposé une proposition de loi d'expérimentation territoriale visant à instaurer un revenu de base, qui aurait du être débattue à l'Assemblée nationale en janvier 2019 si la majorité parlementaire ne s'y était pas opposée.
Le dispositif que nous proposons simplifierait le système de prestations sociales, grâce au remplacement de plusieurs dispositifs existants. Le revenu de base serait automatique, alors qu'actuellement un tiers des bénéficiaires potentiels du RSA – revenu de solidarité active – ne le demandent pas. Le revenu de base serait ouvert aux 18-24 ans, alors que le RSA n'est ouvert qu'à partir de 25 ans, sauf exception. Le revenu de base serait versé de manière inconditionnelle à ses bénéficiaires, et ne serait pas la contrepartie d'une recherche active d'emploi.
Son montant de base serait celui du RSA actuellement, soit 550,93 euros par mois. Ce montant serait dégressif en fonction des revenus, afin de ne pas poursuivre la désincitation au travail.
Le coût moyen de l'expérimentation ayant été estimé à 6,15 millions d'euros en moyenne pour un échantillon de 20 000 personnes, cet amendement propose de mobiliser 1,2 milliard, correspondant à l'extension du dispositif à 4 millions de personnes.
Votre amendement prévoit donc de transférer 1,2 milliard d'euros vers un nouveau programme, pour créer un revenu de base, qui serait versé automatiquement ; son montant serait égal à celui du RSA.
Bien que vous ne l'indiquiez pas dans l'exposé sommaire, il semble que le revenu que vous proposez vise à fusionner le RSA, les APL – aides personnalisées au logement – et la prime d'activité. Or le RSA et la prime d'activité sont déjà bien articulés, puisqu'un bénéficiaire du RSA retrouvant un emploi a droit automatiquement à la prime d'activité.
Par ailleurs, votre proposition rejoint dans ses objectifs celle formulée par le Président de la République, visant à créer un revenu universel d'activité – RUA. Elle ne règle néanmoins pas la question de l'articulation du RUA avec les allocations de solidarités spécifiques.
De nombreuses concertations sur le RUA ont eu lieu en 2019 et 2020. Elles ont été suspendues du fait de la crise. Plutôt que de créer un revenu de base moins ambitieux que les projets en cours de discussion, je propose que nous travaillions à l'instauration du RUA en 2021. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Même avis.
Non. Le revenu de base n'est pas du tout comme le RUA. Il bénéficierait aux 18-25 ans, c'est-à-dire aux étudiants, aux apprentis, à tous les jeunes qui sont touchés de plein fouet par la crise. Ce n'est quand même pas tout à fait pareil.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 85
Nombre de suffrages exprimés 81
Majorité absolue 41
Pour l'adoption 10
Contre 71
L'amendement no 1984 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Albane Gaillot, pour soutenir l'amendement no 1888 .
Avec la crise sanitaire, près de 800 000 emplois seront détruits d'ici à la fin de l'année. Le pouvoir d'achat des plus démunis est en chute libre ; le nombre de bénéficiaires de l'aide alimentaire a augmenté de 30 %, celui des bénéficiaires du RSA de plus de 10 % ; 1 million de pauvres supplémentaires s'ajoutent aux 9,3 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté, dont font partie les bénéficiaires du RSA.
Le présent amendement vise à relever le montant du RSA pour l'aligner sur celui du seuil de pauvreté, soit une augmentation de 285,22 euros par mois à compter du 1er décembre 2021.
J'estime également que le montant actuel du RSA, soit 564 euros pour une personne seule, est trop faible. La probable hausse du taux de pauvreté et de l'intensité de la pauvreté dans les mois à venir m'inquiète également.
Néanmoins, je rappelle que le RSA est financé par les départements : une revalorisation nécessiterait d'engager une réflexion d'ensemble sur les circuits de financement de ce dispositif.
Par ailleurs, dans le cas où nous souhaiterions que l'État reprenne la main et finance intégralement le dispositif, nous devrions faire attention à ne pas porter atteinte au dispositif d'accompagnement, d'orientation et d'insertion des bénéficiaires, qui relève des compétences des départements.
Je pense que nous devons investir davantage dans la stratégie de lutte contre la pauvreté, notamment dans son volet consacré à l'accompagnement global des bénéficiaires du RSA, ainsi que dans la garantie d'activité départementale dont la montée en charge est encourageante.
Je pense également que nous devons adapter les dispositifs pour lutter davantage contre la pauvreté. À titre personnel, je suis favorable à l'octroi d'une allocation temporaire mensuelle pour les bénéficiaires de minima sociaux, qui viendrait compléter leurs revenus, dans la perspective de la création du RUA dont nous venons de parler.
L'avis de la commission est défavorable.
L'amendement no 1888 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Sur l'amendement no 1987 , je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisie de quatre amendements, nos 1987 , 1892 , 1910 et 1923 , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Gisèle Biémouret, pour soutenir l'amendement no 1987 .
Cet amendement vise à instaurer un minimum jeunesse en ouvrant le RSA aux jeunes dès l'âge de 18 ans, qu'ils soient jeunes diplômés sans emploi, étudiants à la recherche d'un job alimentaire ou dans une situation de grande exclusion.
Le nombre de jeunes sans ressources connaît une explosion sans précédent. La crise actuelle a fait exploser le chômage des jeunes et, au mois d'août, la France, hors Mayotte, comptait 543 000 inscrits à Pôle emploi âgés de moins de 25 ans, un chiffre en hausse d'environ 15 % par rapport au mois de février.
Les nouvelles mesures sanitaires ne vont faire qu'aggraver cette situation dans les mois à venir. Les députés socialistes et apparentés appellent donc à la création urgente d'un minimum jeunesse, à l'instar du minimum vieillesse, qui passerait par l'ouverture du RSA dès l'âge de 18 ans et constituerait la première étape de l'instauration d'un revenu de base tel que proposé, dès 2018, par le groupe socialiste à l'Assemblée et au Sénat.
Cet amendement propose la mobilisation de 500 millions d'euros supplémentaires en faveur de la création d'un tel minimum jeunesse. Ce chiffre correspond à un arrondi du montant de base actuel du RSA multiplié par 800 000 – le nombre approximatif de jeunes qui ne sont ni en formation ni en emploi – soit 444 744 000 euros.
La parole est à Mme Delphine Bagarry, pour soutenir l'amendement no 1892 .
C'est effectivement parmi les jeunes qu'on trouve le plus fort taux de pauvreté et ce sont eux qui souffrent le plus de la conjoncture économique actuelle car ce sont eux qui pâtissent le plus lourdement du déficit d'embauches.
Avant de connaître les conclusions de la commission d'enquête sur les effets du covid sur la jeunesse, dont je présume qu'elles seront catastrophiques, nous proposons par cet amendement de financer la suppression de la condition d'âge de 25 ans pour les 800 000 jeunes ayant bénéficié de l'aide de 200 euros en juin dernier.
Calculé à partir du montant du RSA pour une personne seule, le coût de cette mesure est estimé à plus de 5 milliards d'euros en année pleine. Cet amendement propose une première étape en affectant 451 824 000 euros à un nouveau programme « Revenu de solidarité active » qui permettrait son versement pendant un mois.
La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour soutenir l'amendement no 1910 .
Cet amendement a pour objet l'ouverture du revenu de solidarité active aux jeunes de 18 à 25 ans. Avec l'épidémie de covid-19 et ses conséquences économiques et sociales, la crainte d'une explosion du chômage est réelle et, avec elle, celle d'une explosion de la pauvreté, notamment chez les jeunes de moins de 25 ans, qui figurent parmi les catégories les plus touchées.
En effet, plus que jamais, cette crise est synonyme d'incertitude et souvent de précarité, les perspectives d'entrée sur le marché du travail s'éloignant. Je rappelle que, depuis janvier 2019 et la suppression de l'aide à la recherche du premier emploi, il n'y a plus aucune aide pour les jeunes à la recherche de leur premier emploi.
L'objet de cet amendement est de donc créer un programme, doté de 400 millions d'euros, pris sur l'action 17 « Financement des agences régionales de santé ». Je précise cependant qu'il n'est pas question de supprimer des crédits aux agences régionales de santé : le Gouvernement a la possibilité de lever le gage.
La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l'amendement no 1923 .
Dans quel contexte examine-t-on ce budget ? Il s'est ouvert avec une éclaircie ; depuis, il y a eu le retour du couvre-feu, du confinement, la fermeture des cafés, des restaurants, des théâtres et des cinémas ; aujourd'hui, l'économie tourne au ralenti.
Or ce que vous nous proposez depuis trois semaines, c'est business as usual : « on va s'en sortir par la croissance, par la baisse des charges, par un regain de compétitivité… » Mais, à situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles ! Quand on annonce sans doute un million de pauvres supplémentaires, quand le RSA est en hausse de 10 % dans les départements, quand le nombre de personnes faisant appel aux Restos du coeur bondit de 50 %, il faut des ruptures. Or, depuis que nous examinons ce budget, nous n'en voyons pas.
Comme nos collègues, nous en proposons une : l'attribution du RSA aux personnes qui sont les premières touchées, c'est-à-dire les jeunes de 18 à 25 ans. D'après un sondage de la FAGE chez les étudiants, ils seraient 54 % à connaître des problèmes pour payer leur loyer, 53 % à ne pas avoir une alimentation saine et équilibrée, 40 % à avoir subi une perte de leurs revenus, tandis que 32 % des jeunes femmes avouent avoir des difficultés à acheter des protections hygiéniques.
Puisqu'il existe un minimum vieillesse, pourquoi ne pas avoir un minimum jeunesse ? C'est dans des temps difficiles comme ceux que nous traversons qu'il faut allumer une lumière dans le tunnel. Vous, la seule offre que vous avez faite, c'est un versement de 150 euros, et circulez, il n'y a plus rien à voir !
Notre jeunesse est en grande difficulté. Elle a besoin d'un signe. Puisqu'à 18 ans on est majeur pénalement et civiquement, puisqu'on peut aller en prison et voter, on doit aussi être majeur socialement et pouvoir percevoir des aides.
Si un certain nombre de ces amendements ont été rejetés par la commission, je vous rejoins sur la nécessité de mieux soutenir les jeunes, qui sont particulièrement frappés par la crise. Or les crédits du programme 304 consacrés au RSA jeune sont en baisse : au vu du contexte, cela peut sembler paradoxal. Cela montre en réalité que le dispositif actuel est inadapté, car trop restrictif.
J'ai par conséquent moi-même réfléchi à l'opportunité de leur ouvrir un plus large accès au RSA, mais il m'a paru que d'autres dispositifs efficaces existaient pour les jeunes. Dans le cadre du plan de relance, 2,7 milliards seront consacrés au développement de l'apprentissage et des contrats de professionnalisation et 1,1 milliard sera dédié à l'aide à l'embauche des jeunes de moins de 26 ans, tandis que des efforts particuliers sont également faits sur la garantie jeunes, avec 150 000 jeunes éligibles.
Il y a quelques jours, le Premier ministre a renforcé les moyens alloués à la lutte contre la pauvreté : 1,8 milliard d'euros supplémentaires vont être engagés pour financer les nouvelles aides exceptionnelles – 30 000 nouvelles aides aux postes dans le secteur de l'insertion par l'activité économique et doublement des parcours emploi compétence dans les quartiers de la politique de la ville.
Nous faisons donc beaucoup, ce qui n'empêche pas que nous devions travailler à la mise en oeuvre du revenu universel d'activité, dont je souhaite pour ma part qu'il soit ouvert aux jeunes. Je propose donc que nous accélérions nos travaux sur ce sujet, puisque nous en aurons besoin dans les toutes prochaines semaines et dans les prochains mois. Avis défavorable.
Au-delà de réserves d'ordre budgétaire, je considère, d'un point de vue philosophique, qu'un jeune ne doit pas d'emblée entrer à 18 ans dans le système des minima sociaux mais qu'il faut tout faire pour essayer de l'émanciper socialement et professionnellement, grâce aux dispositifs existants.
Eh bien, j'y crois, moi.
Je crois à la garantie jeunes renforcée pour accompagner des jeunes vers l'emploi, je crois à l'apprentissage – ça marche ! – je crois aussi aux dispositifs de service civique qui parfois peuvent donner le goût d'un métier – il y a des métiers vers lesquels il faut accompagner la jeunesse. Entrer dans la logique des minima sociaux dès 18 ans est dévastateur pour le reste de votre vie.
La crise frappe tout le monde aujourd'hui, et nous ne laissons personne au bord du chemin.
Nous accompagnons aussi bien les étudiants boursiers et en difficulté que les jeunes qui cherchent des solutions d'insertion sociale et professionnelle. Mais nous ne voulons pas qu'ils en soient réduits d'emblée à la solution des minima sociaux.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et LR.
Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et LR.
Mais si ! Nous parlons de personnes qui sont dans la galère, qui ont du mal à se nourrir et à se loger. Je vous ai donné les statistiques, je peux vous donner des noms !
Votre raisonnement consiste à servir les entreprises, qui embaucheront des jeunes et des apprentis, en espérant que cela ruisselle… Mais, en temps normal, le ruissellement est déjà bien compliqué : par temps de crise, c'est une hypothèse totalement inappropriée ! Vous faites aujourd'hui le choix d'écraser la jeunesse !
« Oh ! » sur les bancs du groupe LaREM.
Vous nous parlez du RUA, madame la rapporteure spéciale, mais la société française est en feu ! La jeunesse est en feu !
Agitation sur les bancs du groupe LaREM.
Vous proposez de réfléchir en 2021 à un projet d'architecture qui pourrait être élaboré en 2022 et peut-être faire l'objet d'une proposition dans le prochain programme électoral d'Emmanuel Macron… Quand il s'agit d'éteindre le feu dans les entreprises, vous n'hésitez pas à y aller, à coup de milliards, mais lorsque c'est la jeunesse qui brûle, vous ne faites rien !
Non, on ne fait pas rien !
Sur le plan philosophique, madame la ministre déléguée, je peux vous rejoindre : les minima sociaux, ne sont pas un idéal et, au-delà de l'urgence, il faut des propositions pour l'avenir. Mais pour l'heure, il faut éteindre le feu.
Ça ne sera jamais l'idéal de personne de vivre avec 563 euros, mais si certains peuvent compter sur la solidarité familiale, d'autres non. Certains parents n'ont pas les moyens d'aider leurs enfants. De même qu'avec la retraite on est passé, pour les personnes âgées, d'une solidarité familiale à une solidarité nationale, il est temps de faire pareil pour notre jeunesse.
Oui, les jeunes sont les premières victimes en temps de crise ; oui, les nouveaux diplômés arrivent sur un marché de l'emploi dégradé, mais ils finiront par trouver du travail. Les plus touchés, ce sont les jeunes les moins agiles, peu ou pas qualifiés.
Pour tous ces jeunes, nous avons une autre ambition que les minima sociaux.
Elle s'incarne par toutes les mesures qu'a annoncées le Premier ministre, qu'il s'agisse du plan « Un jeune, une solution », des soutiens financiers versés ou en passe de l'être ou de tous les dispositifs que nous avons réactivés.
Nous n'avons pas essayé de réinventer l'eau chaude…
… mais nous avons renforcé et amélioré ce qui existait : nous avons augmenté le nombre de jeunes en parcours contractualisé d'accompagnement adapté vers l'emploi et l'autonomie, de jeunes éligibles à la garantie jeunes, de jeunes en service civique, de jeunes en contrats aidés.
Nous parions aussi que les entreprises vont s'engager en faveur de la jeunesse. Nous voulons surtout lutter contre la déscolarisation, qui est un véritable risque.
Sur le terrain, il appartient aux missions locales de relever ce défi de l'accompagnement des jeunes vers la formation et l'emploi, en les incitant et les aidant à mieux se former et à se qualifier.
Car nous avons une ambition pour la jeunesse, qui ne peut certainement pas se régler à coups d'allocations. C'est en comptant sur les missions locales, avec lesquelles je travaille depuis des années, que nous réussirons l'intégration sociale et professionnelle des jeunes.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 86
Nombre de suffrages exprimés 86
Majorité absolue 44
Pour l'adoption 11
Contre 75
L'amendement no 1987 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Gisèle Biémouret, pour soutenir l'amendement no 1989 .
Cet amendement vise à annuler la baisse prévue des crédits de l'action 11 « Prime d'activité et autres dispositifs », qui atteint plus de 120 millions d'euros. Cette action finance la prime d'activité, mais aussi d'autres mesures d'inclusion sociale comme le RSA jeune actif. Si les prévisions pour la prime d'activité sont en légère hausse, à 9,7 milliards d'euros contre 9,5 milliards dans la loi de finances pour 2020, la diminution des crédits de cette action s'explique par la prévision à la baisse des dépenses liées à la composante socle du RSA jeune actif, estimée à 3,8 milliards d'euros pour 2021 contre 4,5 milliards pour 2020.
Je ne développerai pas davantage, afin d'économiser du temps. Je précise simplement que nous avons gagé cet amendement pour en assurer la recevabilité financière mais que, dans les faits, nous demandons au Gouvernement de lever le gage.
Sourires.
Premièrement, il est vrai que le budget alloué au RSA jeune actif connaîtra une légère diminution en 2021, comme je l'indiquais précédemment, ce qui soulève la question de la pertinence de cette aide dans son format actuel. La baisse des crédits du programme 304 résulte du contexte économique ainsi que, malheureusement, de la hausse à venir du taux de chômage, que l'on peut déjà observer. De fait, lorsque l'on se trouve au chômage, donc sans activité professionnelle, on ne peut pas prétendre à la prime d'activité. La prévision budgétaire a naturellement été faite en tenant compte de ce contexte et de la baisse du nombre de bénéficiaires. Je considère pour ma part que nous devons néanmoins mobiliser cette prime pour soutenir les ménages affectés par la crise ; je défendrai d'ailleurs des amendements en ce sens tout à l'heure.
Néanmoins, il me semble important de souligner aussi que l'ensemble des dépenses discrétionnaires entrant dans le cadre du programme 304 augmentent, qu'elles soient destinées à la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté ou à la stratégie de prévention et de protection de l'enfance – sans oublier les crédits votés dans le cadre de la troisième loi de finances rectificative, auxquels s'ajoutent les crédits supplémentaires pour l'aide alimentaire. Un effort massif est donc consenti.
En réponse aux propos précédents concernant l'ouverture du RSA aux jeunes, je rappellerai que plus de 4 milliards d'euros sont spécifiquement dédiés aux jeunes, sans compter les aides généralistes auxquelles ils ont droit comme le reste de la population : l'effort est conséquent.
À défaut de son retrait, j'émettrai un avis défavorable à cet amendement.
Même avis.
Madame la rapporteure spéciale, chaque fois que vous direz que 4 milliards d'euros sont consacrés à la jeunesse, je prendrai le micro pour vous dire que je ne suis pas d'accord avec vous. Ces 4 milliards d'euros sont en réalité destinés aux entreprises, dans l'espoir que celles-ci les fassent ruisseler sur la jeunesse. Ce raisonnement ne me convainc pas, il ne me convient pas. Chaque fois que vous le répéterez, je vous dirai que c'est faux et que c'est en fait aux entreprises que vous donnez cette somme, en espérant qu'elles les consacreront au recrutement de jeunes.
De la même façon, lorsque vous allouez aux entreprises 10 milliards d'euros au titre de la baisse des impôts dits « de production » – une notion que je conteste – , en affirmant qu'il s'agit d'améliorer leur compétitivité et d'en faire bénéficier, in fine, les salariés, je conteste que cette disposition soit favorable aux salariés. Ces sommes iront en fait aux entreprises. Il existe aujourd'hui d'autres façons, pour construire un avenir pour les jeunes, que de faire des dons aux entreprises ! Et c'est toute une vision de la société qui s'exprime là. Une expression connue prétend que lorsque l'on n'a qu'un marteau, on voit tous les problèmes sous forme de clou ! Or il semblerait que La République en marche réponde à tous les problèmes, quels qu'ils soient, en allouant des aides aux entreprises : les jeunes ont des problèmes, on donne des aides aux entreprises ! Il existe pourtant de très nombreuses autres façons d'envisager les choses.
Vous avez tort, monsieur Ruffin, de voir les choses de façon caricaturale. La crise actuelle crée des inégalités qui n'ont probablement pas d'équivalent dans l'histoire, et qui sont très ciblées. Ce que vous appelez la jeunesse, comme s'il s'agissait d'un tout, n'existe pas dans cette crise. Une partie de la jeunesse a souffert et s'est paupérisée ; il faut l'aider directement. Une autre partie ne s'est pas appauvrie mais se retrouve en difficulté au moment d'arriver sur le marché de l'emploi. Or ce ne sont pas les mêmes problèmes : pour une partie des jeunes, les difficultés sont quotidiennes et concernent leur pouvoir d'achat ; l'autre partie est confrontée à des obstacles en matière de perspectives d'emploi et de carrière, à long terme.
Or leurs problèmes ne peuvent pas être réglés de la même façon. Comme vous l'indique Mme la rapporteure spéciale, toutes les aides sociales imaginables, comme le RSA, ne régleront pas le problème de l'emploi. Pour cette partie du problème, ce sont bien les entreprises qu'il faut inciter à recruter ou à accueillir des jeunes en apprentissage ; nous assumons notre position à ce sujet. En revanche, les jeunes qui se sont paupérisés ont bénéficié de la cantine à 1 euro, du prolongement des bourses cet été et du paiement des loyers des CROUS lorsqu'ils n'étaient pas en mesure de le faire. Ceux qui perçoivent l'APL recevront aussi l'aide annoncée de 150 euros.
La distinction que nous instaurons entre les réponses répond à la distinction que la crise opère elle-même, en provoquant deux types d'inégalités. Vous avez tort, monsieur Ruffin, de caricaturer le sujet en affirmant que nous aiderions les entreprises au détriment d'une jeunesse qui se paupérise. Ce n'est pas vrai ! Le vrai courage politique consiste à mesurer les inégalités sociales et les inégalités liées à l'emploi, et à les corriger.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Une partie de la jeunesse était tout de même déjà très éloignée de l'emploi avant la crise. Les jeunes concernés ont un besoin urgent d'accompagnement ; il faut tout leur réapprendre, les prendre par la main et réaliser, avec eux, un travail en profondeur. C'est pour leur venir en aide pendant plusieurs années, afin de les remettre au travail et de leur apprendre un nouveau savoir-être, que nous proposons un revenu de base ou un RSA pour les jeunes. Or ces jeunes sont encore plus exclus depuis la crise. D'autres jeunes, plus aptes à prendre un emploi immédiatement, passeront en effet devant eux, et ceux qui sont les plus éloignés de l'emploi verront leurs difficultés s'aggraver encore.
Certains jeunes ont effectivement besoin d'être pris par la main. Il existe pour eux les écoles de la deuxième chance, les missions locales ou encore les parcours emploi compétences. Je vous invite aussi à constater le nombre de nouvelles formations et de nouveaux parcours qui leur sont proposés dans le cadre du plan de relance.
Si vous avez confiance, votez le RSA pour les jeunes, puisqu'on ne le donnera qu'à très peu de gens !
Le fait de leur allouer un RSA ne les conduira jamais vers une école de la deuxième de la chance, une mission locale ou dans un parcours emploi compétences !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, Dem et UDI-I.
En refusant le RSA pour les jeunes, vous démontrez que vous avez très peu confiance dans les dispositifs que vous évoquez, censés permettre aux jeunes de trouver un emploi ! Le fonctionnement du RSA est le même pour les jeunes que pour le reste de la population : quelqu'un qui travaille ne le perçoit pas, puisqu'il perçoit un revenu qui lui permet de vivre. Les bénéficiaires du RSA sont ceux qui sont dans une situation telle que seule la solidarité leur permet de ne pas crever de faim. Il en va de même pour les jeunes ! Vous dites que vous avez pris de nombreuses dispositions permettant aux jeunes d'accéder à l'emploi ; or si vous êtes confiants quant à leur efficacité, le RSA pour les jeunes que nous vous proposerons ne concernera qu'un nombre limité d'entre eux, ceux qui aujourd'hui – vous le savez bien – n'ont plus de quoi manger à la fin du mois. Ces situations sont d'autant plus graves lorsque les familles ne soutiennent pas les jeunes.
Il suffit d'observer ce qui se passe depuis plusieurs mois en France pour constater que nous n'inventons rien ! C'est vous qui décrivez une situation qui n'existe pas ! Vous dites vouloir faciliter le retour à l'emploi. Mais vous savez sans doute que le chômage explose en France.
Comment, dès lors, proposer à ces jeunes des emplois qui n'existent pas ? Nous sommes dans une situation effroyable et vous répondez à des jeunes qui ont besoin d'un revenu minimum pour vivre, quel que soit le niveau social de leurs parents, qu'ils n'ont pas à s'inquiéter car votre politique créera de l'emploi. Si vous y croyez, votez le RSA pour les jeunes, il servira dans très peu de cas ! Mais vous savez très bien que cela ne se passera pas ainsi.
L'amendement no 1989 n'est pas adopté.
Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 536 , 1869 et 1954 .
Sur ces amendements, je suis saisie par le groupe Libertés et territoires d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Yves Daniel, pour soutenir l'amendement no 536 .
Cet amendement concerne l'allocation aux adultes handicapés, l'AAH, qui est une garantie de ressources pour les adultes atteint d'un certain niveau d'incapacité dû à un handicap ou à une maladie chronique. Le montant de cette allocation s'élève actuellement à 902,70 euros par mois. Cette aide est attribuée sous réserve du respect de critères d'incapacité, d'âge, de résidence et de ressources. Son montant complète les éventuelles autres ressources de la personne en situation de handicap.
Or les revenus de la conjointe ou du conjoint du bénéficiaire sont pris en compte dans la base de calcul de l'AAH, dont le montant devient dégressif à partir de 19 505 € de revenu net catégoriel annuel pour un couple, ce qui engendre de nombreuses difficultés morales et financières ; c'est aussi contraire au principe même de l'allocation, qui consiste à garantir l'autonomie du bénéficiaire, puisqu'en prenant en compte les ressources du conjoint, on instaure une relation de dépendance financière de l'allocataire vis-à-vis de son partenaire. Il convient donc d'individualiser cette allocation. Il est impératif que l'AAH garantisse l'autonomie de la personne, quelle que soit sa situation familiale.
La plupart des associations soulignent plus particulièrement la situation extrêmement préoccupante des femmes en situation de handicap, qui se retrouvent dans une situation de dépendance vis-à-vis de leur conjoint. Cette situation est tragique pour celles qui subissent des violences conjugales, et elle est accentuée lorsque la victime est moins autonome financièrement que son conjoint. Pour pouvoir être mise à l'abri, une femme doit pouvoir quitter son logement. Or la dépendance financière dans laquelle elle se trouve vis-à-vis de son conjoint lorsque son AAH est réduite ou supprimée, du fait des ressources de son conjoint, constitue un obstacle à cette mise en sécurité.
De plus, la prise en compte des revenus du conjoint aboutit à des situations ubuesques, dans lesquelles les bénéficiaires renoncent à se marier pour ne pas perdre leur allocation. Ce n'est pas acceptable, car cela constitue une discrimination et une difficulté de plus pour les personnes en situation de handicap. La mesure proposée par cet amendement permettrait aux 250 000 bénéficiaires de l'AAH…
… vivant en couple de recouvrer leur autonomie financière et de bénéficier pleinement de l'augmentation de l'AAH.
Je vous invite à respecter les temps de parole, chers collègues, sans quoi nous ne parviendrons pas à examiner l'ensemble des amendements portant sur les crédits de cette mission.
La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour soutenir l'amendement no 1869 .
Cet amendement vise également à revenir sur la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de l'AAH et à décorréler ainsi cette allocation de la situation conjugale.
En effet, le 13 février dernier, dans le cadre de l'examen de la proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale, déposée par le groupe Libertés et territoires, nous avions adopté en séance publique la disposition visant à individualiser le calcul et l'attribution de l'AAH. Le présent amendement a pour objet de consacrer financièrement cette décision en augmentant de 360 millions d'euros les crédits de l'action 12 « Allocations et aides en faveur des personnes handicapées », en partant du principe que cette individualisation est nécessaire à l'autonomie.
Nous avons un différend sur ce point, madame la secrétaire d'État, car vous considérez que cette allocation fait partie des minima sociaux alors que nous estimons qu'elle est attribuée à une personne en raison de son incapacité à exercer une activité professionnelle.
M. François Ruffin applaudit.
À cet égard, je veux vous rappeler le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, selon lequel « tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence. »
C'est ce principe que nous entendons défendre avec notre amendement.
Mon amendement est identique à ceux que viennent de défendre M. Daniel et Mme Dubié et, pour ma part, je souhaite souligner que l'AAH, d'un montant à taux plein de 902,70 euros, décroît en fonction des revenus du conjoint : dès lors que ceux-ci atteignent 2 275 euros par mois, la personne handicapée ne percevra aucune allocation. Comment les personnes concernées vont-elles pouvoir vivre dans ces conditions ? On en arrive au seuil de pauvreté. Il s'agit avec cet amendement de consacrer le principe d'une allocation individualisée, permettant l'autonomie de la personne adulte handicapée.
Je considère qu'il s'agit là d'un amendement d'appel, puisque l'augmentation des crédits du programme 157 « Handicap et dépendance » n'aurait pas d'effet direct sur les modalités de calcul de l'AAH, qui sont régies par le code de la sécurité sociale. Vous soulignez les uns et les autres que la prise en compte des revenus du conjoint ou de la conjointe affecte le montant de l'allocation du bénéficiaire de l'AAH, ce qui porte atteinte à l'autonomie et à l'indépendance des personnes en situation de handicap.
Je suis très attentive à la situation des couples dans lesquels un conjoint perçoit l'AAH, et j'ai auditionné à ce sujet l'association APF France handicap. Il me semble utile de rappeler que le taux plein de l'AAH a été revalorisé et porté à 902,70 euros par mois au 1er novembre 2019 : de ce fait, 60 % des bénéficiaires en couple ont vu leur allocation augmenter. Actuellement, 11,1 milliards d'euros sont consacrés à cette allocation.
Il me semble important de rappeler la spécificité de l'AAH qui, à la différence des autres prestations sociales, n'est pas une allocation familialisée : les revenus du conjoint font notamment l'objet d'un abattement de 20 %, ce qui est favorable aux allocataires. J'entends que vous souhaitez aller plus loin.
Je n'irai pas plus loin dans mes explications puisque nous avons déjà évoqué cette question lors de précédents débats et, laissant le soin à Mme la secrétaire d'État de faire part de sa position, je demanderai à titre personnel le retrait de ces amendements que la commission n'a pas examinés – à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées, pour donner l'avis du Gouvernement, pour donner l'avis du Gouvernement.
L'allocation aux adultes handicapés est fondée sur la solidarité nationale et sur la solidarité entre conjoints, partenaires et concubins. C'est à ce titre que le calcul de l'AAH – tout comme celui des autres minima sociaux – tient compte de l'ensemble des ressources du foyer bénéficiaire. Comme l'a dit Mme la rapporteure spéciale, les règles de calcul de l'AAH tiennent compte des besoins spécifiques des bénéficiaires, avec un abattement de 20 % sur les revenus du conjoint et un plafond de ressources supérieur à celui des autres minima sociaux.
Vous avez aussi appelé l'attention du Gouvernement sur la situation des femmes handicapées victimes de violences de la part de leur conjoint. La séparation de fait, notamment en cas de violences conjugales, entraîne une individualisation de l'AAH. Il est déjà possible de prendre en compte une séparation, même lorsque les deux ex-conjoints résident encore sous le même toit, à la condition de justifier de démarches en vue de trouver un logement. Nous menons actuellement des travaux en vue d'assurer une plus grande rapidité de prise en compte du changement de situation. Il pourrait ainsi être envisagé que l'individualisation de l'AAH s'applique dès le dépôt par la victime d'une main courante ou d'une plainte, ou par l'obtention d'une ordonnance de protection, même sans séparation du couple.
Pour les raisons que je viens de vous indiquer, je suis défavorable à ces amendements.
La question soulevée par ces amendements nous est très fréquemment posée en circonscription, et je trouve dommage que la revalorisation de l'AAH n'ait pas bénéficié à tous, contrairement à ce qui était initialement prévu, et très attendu. Le but de cette mesure était de renforcer l'autonomie de la personne handicapée, ce qui passe bien évidemment par son indépendance financière. Prendre en compte le revenu du conjoint pénalise les personnes handicapées, dont une partie se voit ainsi privée du bénéfice de la revalorisation de l'AAH. Pour cette raison, je suis tout à fait favorable à une déconjugalisation de cette prestation qui n'est pas une prestation sociale, mais une allocation liée à un handicap entraînant une impossibilité de travailler.
Quand j'ai vu que cet amendement avait été déposé, j'ai été étonné. Mais bon sang, je m'en souviens, on l'a déjà votée, cette mesure ! Eh oui, vérification faite, cela a bien été voté dans le cadre d'une niche réservée aux propositions du groupe Libertés et territoires le 13 février 2020. Tous les groupes s'étaient déclarés favorables à cette mesure, à l'exception de La République en marche – mais l'hésitation de certains membres de ce groupe au moment du vote avait permis l'adoption de la disposition.
Aujourd'hui, il ne s'agit que de la confirmer budgétairement et, naïf que je suis, je ne comprends plus !
Je m'imaginais que ce n'était qu'une formalité, puisque nous avons déjà voté cette mesure – et c'est l'une des rares fois où je me suis senti fier d'une décision prise au sein de cette assemblée, où j'ai eu le sentiment que nous avions permis à la société d'accomplir un véritable progrès !
Ce qui est en jeu ici, c'est une véritable question philosophique – à laquelle Mme la secrétaire d'État n'a jamais répondu, alors qu'elle lui a été posée à plusieurs reprises : l'AAH fait-elle partie des minima sociaux, ce qui justifie qu'elle diminue en fonction des revenus du conjoint, ou s'agit-il d'une allocation d'autonomie liée au handicap du bénéficiaire, ce qui devrait exclure qu'elle puisse dépendre des revenus du conjoint ? Vous devez répondre clairement à cette question, madame la secrétaire d'État !
Je viens de le faire ! Il faut écouter !
En tout état de cause, je ne comprendrais pas que nous ne votions pas de façon unanime en faveur de cette mesure de progrès.
J'irai dans le même sens, d'autant que ces amendements ont pour objet la défense d'un principe pour lequel notre collègue Marie-George Buffet a engagé un combat dès la fin de l'année 2017.
Elle a déposé une première proposition de loi, puis une seconde le 21 mars 2018, que nous avons inscrite dans la niche du groupe de la Gauche démocrate et républicaine en 2019, et je vous invite à lire son rapport, rendu public le 13 février 2019, qui explique parfaitement tous les tenants et aboutissants du problème.
Il y est notamment question de la dignité des personnes en situation de handicap, qui doivent pouvoir disposer de leurs propres revenus pour assurer leur indépendance ; leurs revenus ne doivent pas être soumis à ceux de leur conjoint. Ce combat pour la dignité des personnes en situation de handicap – un combat qui est aussi le vôtre, madame la secrétaire d'État – doit nécessairement porter sur la question des revenus.
Il y a une inéquité ! Une personne salariée qui se retrouve en invalidité, c'est-à-dire dans l'incapacité d'exercer une activité professionnelle, perçoit une pension d'invalidité pour le calcul de laquelle on ne prend pas en compte les revenus du conjoint. Il devrait en être de même pour une personne bénéficiaire de l'AAH, dans la mesure où elle perçoit cette allocation précisément en raison du fait qu'elle ne peut exercer une activité professionnelle.
L'AAH, bien distincte de la PCH, c'est-à-dire de la prestation de compensation du handicap…
… est attribuée sur décision de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées – CDAPH. On reconnaît un taux d'incapacité…
… et j'estime que son montant doit être calculé sans tenir compte des revenus du conjoint, afin de ne pas induire une inégalité de traitement entre les personnes salariées et celles qui ne le sont pas.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 83
Nombre de suffrages exprimés 78
Majorité absolue 40
Pour l'adoption 28
Contre 50
Et personne n'a osé prendre la parole contre les amendements ! Quel courage !
La parole est à Mme Gisèle Biémouret, pour soutenir l'amendement no 1990 .
Cet amendement du groupe Socialistes et apparentés vise à annuler la baisse de plus de 11 millions d'euros prévue pour les allocations et aides en faveur des personnes handicapées. Les crédits de l'action 12 de ce programme couvrent très majoritairement les dépenses liées au versement de l'allocation aux adultes handicapés. Ils portent également sur le financement de la part de rémunération et de cotisations compensée par l'État aux établissements et services d'aide par le travail – ESAT – au titre de l'aide au poste, dans le cadre de la garantie de rémunération des travailleurs handicapés – GRTH.
Toute baisse des dépenses liées à l'aide des personnes en situation de handicap enverrait un très mauvais signal, alors qu'une nouvelle période de confinement est instaurée. Même si des « souplesses » sont annoncées pour tenir compte de leur situation, il convient de rappeler que les personnes en situation de handicap ont connu une aggravation de leurs difficultés quotidiennes et de leur isolement pendant la première période de confinement.
Cet amendement vise à augmenter de 11 millions d'euros les crédits de l'action 12 qui, selon vous, sont en diminution cette année. Or, ce n'est pas le cas, cette action faisant l'objet d'une mesure de périmètre : le financement de l'allocation supplémentaire d'invalidité – ASI – assuré par cette action jusqu'en 2020 est désormais transféré à la sécurité sociale, avec un transfert sortant qui s'établit à 269 millions d'euros. En réalité, à périmètre constant, les crédits de cette action continuent de progresser : en l'occurrence, les dépenses consacrées à l'AAH augmentent de 500 millions d'euros en 2021.
Je vous demande donc de retirer cet amendement, et émettrai à défaut un avis défavorable.
L'amendement no 1990 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement vise à favoriser l'accès aux professions médicales et paramédicales des personnes handicapées : celles-ci doivent disposer d'appareils spécifiques et adaptés, ce qui constitue une difficulté. Toute nouvelle technologie peut ainsi se révéler source d'exclusion pour certaines catégories de la population, notamment pour les personnes handicapées ; adapter les appareils peut entraîner un surcoût important. Je pense notamment aux kinésithérapeutes malvoyants ou non voyants – environ 2 000 des 80 000 kinésithérapeutes exerçant en Franc. Il faut tenir compte des spécificités du handicap de ces personnes au moment de leur installation et au cours de leur carrière.
Vous avez raison d'évoquer ce sujet ; je souhaite vous apporter quelques précisions. Premièrement, le vecteur que vous utilisez n'est pas le bon, car le programme 157 porte les crédits consacrés aux personnes adultes handicapées, mais pas la prestation de compensation du handicap, qui est financée par les départements et la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie – CNSA.
Sur le fond, je souhaite rappeler les avancées relatives à la PCH. Le 6 mars 2020 a été promulguée la loi relative à l'accès à la PCH. L'accès à cette dernière est simplifié, puisque cette prestation peut désormais être octroyée à vie si le handicap n'est pas susceptible d'évoluer ; en outre, la limite d'âge de 75 ans a été supprimée. Dans le cadre du PLFSS, nous avons voté la création d'une cinquième branche de la sécurité sociale, consacrée à l'autonomie. La CNSA a été dotée de nouvelles ressources propres, et une meilleure articulation de la PCH avec l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé – AEEH – a été rendue possible.
Je tiens également à signaler que ces progrès ne sont qu'un début. Les travaux ouverts en février lors de la conférence nationale du handicap vont reprendre afin de redéfinir les lignes de partage entre l'aide due aux familles, la compensation apportée à l'enfant handicapé et la prise en charge par l'assurance maladie d'actes aujourd'hui mal remboursés.
Je vous demanderai donc, madame Six, de bien vouloir retirer votre amendement, que la commission, je le précise, n'a pas examiné.
Un complément : des crédits sont déjà affectés au développement de nouvelles solutions d'accessibilité. Ainsi, le Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, le FIPHFP, travaille dans le cadre d'une convention nationale avec la Fédération hospitalière de France pour promouvoir l'emploi des personnes en situation de handicap dans les établissements hospitaliers. Un centre de ressources en ligne est dédié à l'expertise en matière d'accessibilité. Des adaptations de postes spécifiques sont financées par ce fonds pour favoriser l'embauche et le maintien dans l'emploi des praticiens en situation de handicap. Votre amendement est, je crois, satisfait. Demande de retrait.
L'amendement no 1955 n'est pas adopté.
Les difficultés économiques liées à la crise sanitaire entraînent des difficultés sociales. Je vous propose par ces amendements, qui concernent tous les deux la prime d'activité, de trouver des solutions pour enrayer cette dynamique de précarisation.
L'amendement no 1936 vise à modifier le seuil d'éligibilité à la bonification individuelle afin de procéder à une augmentation de la prime au profit de personnes percevant des revenus compris entre 250 et 1 100 euros. Pour un célibataire percevant un revenu d'activité s'élevant à 530 euros par mois, le montant de la prime versée pourrait ainsi passer de 284 à 325 euros par mois.
L'amendement no 1943 entend ménager une sortie plus progressive du dispositif de la prime d'activité. Les personnes perdant leur emploi perdent aussi le bénéfice de cette prime. Une personne seule voit ainsi son revenu diminuer de 300 euros et une personne n'ayant pas droit à l'allocation de retour à l'emploi peut perdre jusqu'à 600 euros. Ces montants sont conséquents. Je vous propose donc d'étendre de trois à six mois la période durant laquelle cette prime est perçue après la perte de l'emploi.
Vous connaissez mon attachement à la prime d'activité, qui vient conforter les revenus des personnes ayant une activité. Elle a déjà fait l'objet, dans des conditions que vous connaissez, d'une revalorisation exceptionnelle, le 1er janvier 2019 ; elle a en outre été étendue à de nouveaux bénéficiaires. Aujourd'hui, plus de neuf bénéficiaires sur dix perçoivent déjà la bonification individuelle. Modifier son seuil d'éligibilité aurait donc un intérêt restreint.
Sur le second amendement, je suis d'accord avec vous, il nous faut être extrêmement vigilants quant à l'évolution de la situation sociale et économique dans les mois à venir. Toutefois, retarder la sortie du dispositif ne me paraît pas adapté. Je crains qu'une telle évolution ne fragilise la prime elle-même en la détournant de son objectif premier, qui est d'encourager la reprise et le maintien en activité. Ce n'est pas l'outil le plus adéquat pour atteindre le but qui nous est commun.
Pour ces raisons, avis défavorable aux deux amendements.
Madame la rapporteure spéciale, la commission a-t-elle examiné ces deux amendements ?
Non, madame la présidente, sauf erreur de ma part – j'étais souffrante.
Vous avez donc la parole, monsieur Ruffin, pour soutenir l'amendement no 1925 .
Aujourd'hui, tout devient automatique : il y a les caisses automatiques, les bornes automatiques, les prélèvements automatiques et même les impôts automatiques. Mais il y a un truc qui n'est pas automatique, …
Sourires.
… ce sont les aides. Pour en bénéficier, il reste plein de dossiers à remplir, des temps d'attente à subir, des connexions à faire sur internet, ce qui ne fait que peser sur les personnes souffrant d'illectronisme. Et que produisent ces obstacles ? Un taux de non-recours tout à fait considérable : 36 % pour le RSA, 31 % au minimum pour l'allocation de solidarité aux personnes âgées et 70 % pour l'aide au paiement d'une complémentaire santé – ACS.
Pourtant, il y a des solutions. Ce non-recours n'est pas une fatalité. Avec le passage du RSA activité à la prime d'activité, le taux de non-recours est passé de 68 % à 10 %, ce qui est énorme. Ça a marché, peut-être même trop bien quand on entend l'ancien ministre du budget Gérald Darmanin qui semblait le regretter : « En 2016, quand la prime d'activité a été créée, c'était 4 milliards d'euros. Aujourd'hui, c'est 6 milliards ». Pour 2019, nous était annoncée une automatisation, plus ou moins reportée à 2020, selon un article du Monde. Nous sommes en 2020, et même en novembre 2020 : par cet amendement, nous demandons que le versement des aides sociales devienne automatique.
Les gens souffrent suffisamment de l'informatique, qui les tient à distance. Là, l'informatique pourrait aboutir à quelque chose de positif, une chose promise par le Gouvernement en 2019 et repoussée à 2020. Allons-y !
La commission n'a pas examiné cet amendement. Nous sommes tous d'accord pour dire que la lutte contre le non-recours doit être une priorité. Néanmoins, je ne pense pas qu'il suffise de décréter que le versement des aides doit être automatique pour régler le problème. En premier lieu, il est difficile d'évaluer le taux de non-recours car certaines personnes ne sont tout simplement pas connues de la sécurité sociale, des services des départements ou de l'État. Pour pouvoir verser automatiquement les aides, encore faudrait-il connaître les bénéficiaires potentiels. De plus, la lutte contre le non-recours constitue aussi un défi technique quand il s'agit d'apprécier en temps réel les changements de situation. À ce titre, de nombreuses évolutions ont eu lieu : dans le cadre du plan de lutte contre la bascule dans la pauvreté, annoncé il y a quelques jours par le Premier ministre, les travaux menés depuis quelque temps avec la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF, sur le data mining vont être mobilisés pour cibler les allocataires potentiels. Des démarches de simplification administrative seront aussi menées.
Signalons aussi les progrès réalisés en matière de recours à la prime d'activité, dont 4,3 millions de foyers bénéficient désormais. Et je regrette, cher collègue, que vous n'ayez pas voté mes amendements précédents…
J'en suis ravie. Ne vous énervez pas…
Bref, sous cet aspect, la prime d'activité est plutôt un succès. Pour toutes ces raisons, demande de retrait ou avis défavorable.
Même avis.
Je suis désolé, madame la rapporteure spéciale, mais je ne comprends pas. Si on a réussi à prélever automatiquement l'impôt sur le revenu, pourquoi ne réussirait-on pas à verser automatiquement les aides sociales ?
C'est en cours, c'est en cours, mais vous voyez bien que plusieurs propositions ont été faites sur différents bancs depuis le début du budget pour inscrire dans la loi une transformation, en cette période de crise profonde. Excusez-moi, madame la rapporteure spéciale, mais vos amendements, même si j'ai voté pour, c'était du raccommodage ! Chaque fois que nous proposons un changement, on nous dit que ce n'est pas possible : sur l'AAH, sur l'extension du RSA aux plus jeunes, sur les minima jeunesse, sur l'automatisation du versement des aides. Cette année, on annonce un million de pauvres supplémentaires et aucun effort puissant n'est consenti en une seule direction.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 75
Nombre de suffrages exprimés 74
Majorité absolue 38
Pour l'adoption 9
Contre 65
L'amendement no 1925 n'est pas adopté.
La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l'amendement no 1919 .
Exclamations sur divers bancs.
… « J'ai terminé mes études en juillet de cette année. J'ai fait un stage de fin d'année puis j'ai lancé une demande de RSA avant même la fin du stage, car je savais qu'avec la crise économique, il allait être difficile de trouver un emploi. Je n'avais plus de bourse, plus d'APL, plus de rémunération de stage. Je me rends donc sur un site de la CAF et je lance une demande de RSA deux jours avant la fin de mon stage. Le site m'annonce qu'encore stagiaire, je n'ai pas le droit au RSA : c'était une erreur de faire la démarche à l'avance. Je recommence plus d'une semaine après la fin du stage. Le site bogue, me dit qu'une demande est en cours. J'appelle une conseillère qui me dit d'attendre, que c'est à cause de ma première demande faite en avance et qu'une mise à jour sera faite. Je recommence quelques jours après mais rien à faire : Une demande est en cours , affiche le site. Je rappelle et un conseiller me dit d'envoyer un dossier papier. Nous sommes déjà à la mi-juillet. Un mois plus tard, mi-août, je n'ai aucune nouvelle, alors je rappelle. La personne au bout du fil me dit qu'aucun dossier papier n'a été reçu. Retour à la case départ. Je prends contact avec le centre communal d'action sociale de ma ville … »
Ces récits, nous les entendons tous les jours dans nos circonscriptions : complications, temps d'attente dans les locaux des caisses d'allocations familiales, temps d'attente sur les sites internet, temps d'attente au téléphone. Automatiser le versement du RSA serait une solution pour mettre fin au non-recours, qui atteint 36 %. Autrement dit, 500 000 personnes en France, faute de bénéficier de ce filet de sécurité minimale, ont encore plus de difficultés pour se loger et pour se nourrir. On peut se demander s'il n'y a pas là une volonté de décourager l'accès à ces aides. Je parle toujours du temps des riches et du temps des pauvres. Dans les magasins pour les riches – il m'arrive d'y entrer – , quelqu'un se précipite tout de suite vers vous pour vous servir. Au Lidl ou à la CAF, il y a toujours une queue infernale. Toute cette complexité et toute cette attente contribuent à décourager les gens.
Ces difficultés sont réelles, nous rencontrons tous sur nos territoires des gens qui les connaissent. Il n'empêche, cher collègue, que décréter l'automatisation ne revient pas à la rendre possible. Encore une fois, c'est un processus en cours : il était engagé avant nous, il se poursuit aujourd'hui. La prime d'activité a montré comment le non-recours pouvait être réduit.
Dans le cadre de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, des crédits supplémentaires sont prévus pour des prises de contact avec les bénéficiaires potentiels : les travailleurs sociaux iront davantage à la rencontre des personnes en difficulté, quitte à se rendre à leur domicile, afin qu'elles perçoivent les aides auxquelles elles ont droit. Ce travail est en cours, mais le traitement de données qu'il nécessite demande un peu de temps. Les choses avancent dans le bon sens ; à ce stade, toutefois, je ne peux pas voter les mesures que vous proposez. Avis défavorable.
Même avis. J'ajoute que l'automaticité fait disparaître l'aspect humain. Je rencontre beaucoup de monde, et vous en avez peut-être vous-même fait l'expérience : quand on instruit un dossier de RSA, on échange avec le bénéficiaire, on l'accompagne et on peut même élaborer un projet pour la suite. L'automaticité nous priverait de cet échange humain.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Vous pourriez parfaitement allier l'automaticité et l'humain – même si, actuellement, l'aspect humain se traduit surtout par des heures d'attente dans les caisses d'allocations familiales ! Vous expliquez que le travail est en cours, madame la rapporteure spéciale. Cette mesure était prévue pour 2019, puis pour 2020… Nous la verrons peut-être en 2021, à moins qu'elle ne figure dans le programme d'Emmanuel Macron en 2022 !
C'est tout de même paradoxal : quand il s'agit de donner des aides aux riches et aux entreprises, quand vous accordez 10 milliards de baisse d'impôts de production, c'est sans contreparties, sans conditions et sans dossier à remplir.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Quand vous transformez le CICE – crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi – en baisse de cotisations, c'est sans contreparties, sans conditions et sans dossier à remplir. Quand vous supprimez l'impôt de solidarité sur la fortune, c'est sans contreparties, sans conditions et sans dossier à remplir. Quand vous créez la flat tax, c'est sans contreparties, sans conditions et sans dossier à remplir. Mais pour les pauvres, pour leur santé, pour leur logement et pour leurs enfants, il y a des papiers à photocopier et à scanner, et on refuse l'automaticité ! Je réclame la même automaticité pour les uns et les autres.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 75
Nombre de suffrages exprimés 74
Majorité absolue 38
Pour l'adoption 9
Contre 65
L'amendement no 1919 n'est pas adopté.
La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l'amendement no 1920 .
L'an dernier, la complémentaire santé solidaire – CSS – a remplacé la couverture maladie universelle complémentaire – CMU-C – et l'aide au paiement d'une complémentaire santé – ACS. Cette dernière affichait un taux de non-recours de 50 à 70 %, auquel la complémentaire santé solidaire devait remédier. Or, au lieu de la hausse des recours attendue, c'est une baisse supplémentaire des bénéficiaires qui a été constatée. Selon le bulletin du Fonds de la complémentaire santé solidaire, cette diminution atteint 3,7 %. En d'autres termes, 260 000 bénéficiaires se sont auto-exclus du dispositif ; ils se sont auto-exclus du recours aux dentistes, aux kinésithérapeutes ou aux pharmaciens. Ça n'a pas fonctionné – ou peut-être que ça a trop bien fonctionné…
Pour lutter contre cette exclusion des soins invisible, nous proposons une automaticité de l'aide. Prenons un exemple : une étudiante souffre d'une gastro-entérite mais ne va pas chez le médecin, de peur de devoir payer 25 euros d'honoraires.
Sourires et exclamations.
Toute la semaine, elle se rend à l'université, où le risque de contagion est évident. Il nous semble que face à la maladie, tout le monde doit être couvert. L'automatisation des aides est une façon d'y parvenir.
En 2019, il a été décidé de créer la complémentaire santé solidaire, en fusionnant la CMU-C et l'ACS. Cette réforme a permis de simplifier les démarches administratives.
« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
La CSS profite à un plus grand nombre de personnes, soit 10 millions actuellement contre 7 millions auparavant. Pour sa part, la CMU est devenue la protection universelle maladie – PUMA – en 2016, ce qui a également contribué à faciliter l'accès aux soins, notamment en cas de changement de situation, puisqu'il y a alors automaticité.
Votre amendement est donc presque totalement satisfait : le travail est engagé depuis 2016. Avis défavorable.
Même avis.
La satisfaction n'est pas au rendez-vous, madame la rapporteure spéciale, quand La lettre du Fonds de la complémentaire santé solidaire fait état d'une surprenante baisse des bénéficiaires de la CMU-C. On estime que 267 000 personnes sont éligibles mais ne recourent pas à cette aide. Il y a donc un problème. Quelle est la réponse du Gouvernement ? Cette statistique est-elle une fiction, ou avez-vous une solution pour y répondre ? Alors que la création de la CSS était supposée pallier le non-recours à la CMU-C, le phénomène s'aggrave !
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 76
Nombre de suffrages exprimés 76
Majorité absolue 39
Pour l'adoption 8
Contre 68
L'amendement no 1920 n'est pas adopté.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à vingt-trois heures vingt, est reprise à vingt-trois heures vingt-cinq.
La séance est reprise.
La parole est à Mme Emmanuelle Anthoine, pour soutenir l'amendement no 1797 .
Il a pour objet de revaloriser la rémunération des mandataires judiciaires, en augmentant de 130 millions d'euros le budget de la protection juridique des majeurs, par rapport aux 688 millions inscrits au budget en 2020.
La profession des mandataires judiciaires se sent méconnue et mal considérée. Pourtant, les actions des mandataires judiciaires à la protection des majeurs généreraient plus de 1 milliard d'euros de gains socio-économiques par an. En l'absence de mesures de protection, 27 657 personnes n'auraient pas recours aux droits auxquels elles sont éligibles, tandis que 93 326 personnes perdraient leurs droits en raison des difficultés associées aux demandes de renouvellement. Au total, le maintien de ces publics hors de la zone rouge induirait, pour les finances publiques, une économie de 359 millions d'euros sur les prises en charges liées à la pauvreté.
Une hausse de 130 millions d'euros du budget de la protection juridique des majeurs permettrait de recruter 2 000 professionnels dans les associations, et d'augmenter la rémunération des mandataires de 300 euros bruts par mois – elle est actuellement de 1 350 euros nets par mois en début de carrière, et la charge de travail devient de plus en plus lourde. Cela permettrait en particulier de confier quarante-cinq majeurs protégés à chaque mandataire judiciaire au lieu de cinquante-cinq à soixante actuellement.
C'est un sujet important. Le financement des mandataires judiciaires repose en premier lieu sur la participation des majeurs protégés. Plusieurs réflexions sont en cours à ce sujet. Une étude relative au coût des mesures a été confiée à l'Inspection générale des affaires sociales, afin de fournir des éléments de comparaison objectifs des coûts des mandataires et d'éclairer le pilotage budgétaire de la protection juridique. Un groupe de travail interministériel a également été constitué pour proposer des pistes de réforme concernant les formations initiale et continue des mandataires judiciaires.
Le temps me manque pour développer tous mes arguments, mais j'estime qu'avant de décider d'augmenter de près de 18 % le budget de la protection juridique des majeurs, nous devons attendre les conclusions de ces études. Je vous demande donc de retirer votre amendement ; à défaut, mon avis sera défavorable.
Même avis.
La question des mandataires judiciaires à la protection des majeurs se pose depuis de nombreuses années. Votre réponse est engageante, madame la rapporteure spéciale. Quelques pistes semblent enfin se dégager, et il faut maintenant les concrétiser. En réalité, le problème dépasse largement la rémunération des mandataires judiciaires ; il tient aussi à leur formation, à leur reconnaissance et à leur statut. Alors que persistent bien des ambiguïtés et des non-dits, il est urgent de reconnaître l'apport des mandataires judiciaires, qui exercent un rôle ingrat.
Je reconnais que certaines affaires ont défrayé la chronique et jeté l'opprobre sur l'ensemble de la profession, mais nous connaissons tous des mandataires judiciaires et nous savons qu'ils sont compétents, dévoués, et qu'ils apportent beaucoup à ceux qui ont besoin de leurs services. Il faut vraiment mieux les reconnaître et améliorer leur formation, comme cela a été dit. J'espère que les rapports évoqués trouveront rapidement une traduction concrète.
L'amendement no 1797 n'est pas adopté.
La parole est à Mme la rapporteure spéciale, pour soutenir l'amendement no 2030 .
Je considère moi aussi qu'il est urgent d'agir en faveur des mandataires. Cet amendement d'appel, que je ne présenterai pas en détail, fait suite à une décision du Conseil d'État remettant en cause le barème de participation des majeurs protégés au financement des mandataires. Il nous donne l'occasion de souligner l'importance de concilier l'objectif de financement des mesures de protection avec le principe d'équité de traitement des personnes protégées. Par ailleurs, il nous semble nécessaire d'obtenir davantage de précisions sur les futures modifications qui seront apportées au barème et sur les conséquences induites par la décision du Conseil d'État en matière de financement des mandataires.
J'ai bien compris qu'il s'agissait d'un amendement d'appel. Je précise qu'un nouveau décret est en cours d'élaboration et que les crédits consacrés aux mandataires financiers augmentent de 16 millions d'euros dans le budget pour 2021. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
L'amendement no 2030 est retiré.
La parole est à Mme la rapporteure spéciale, pour soutenir l'amendement no 2035 .
Il concerne les mineurs non accompagnés ; il aborde différents points et formule des propositions – là aussi, j'irai à l'essentiel.
Je rappelle mon désaccord quant à la réduction des aides apportées aux départements, qui ont désormais l'obligation d'utiliser le fichier d'appui à l'évaluation de la minorité, dit AEM.
Je propose deux évolutions s'agissant de l'accueil des mineurs non accompagnés.
Tout d'abord, j'en appelle à une meilleure prise en charge des jeunes dont la minorité est contestée par les départements. Aujourd'hui, lorsqu'un département conteste la minorité décidée par un autre département, le jeune est mis à la rue et se retrouve dans une grande précarité. Nous devons accueillir ces jeunes comme il se doit : c'est une question de dignité.
Par ailleurs, les jeunes reconnus comme majeurs n'en restent pas moins de très jeunes personnes. Ils sont de plus en plus nombreux dans nos villes, désoeuvrés et souvent sans toit. Puisqu'ils ne relèvent plus de la compétence des départements, l'État devrait imaginer et développer un dispositif d'accompagnement de ces jeunes majeurs arrivés sur notre territoire : il s'agit, là encore, d'un enjeu social essentiel et d'une question de dignité.
L'amendement no 2035 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Delphine Bagarry, pour soutenir l'amendement no 1792 .
Je fais le même constat que Mme la rapporteure spéciale ; aussi mon amendement vise-t-il à reconduire en 2021 le niveau d'engagement de l'État prévu en 2020 pour le soutien aux départements dans la mise à l'abri et l'évaluation des mineurs non accompagnés.
C'est un vrai cri d'alarme que nous lançons ici sur le niveau d'implication de l'État et les conséquences qu'il entraîne pour les mineurs. Or, le 25 août 2017, le Conseil d'État a admis la responsabilité de l'État concernant la prise en charge de ces mineurs ; statuant en faveur des départements, il a reconnu qu'il incombait à l'État d'intervenir de façon supplétive lorsque les départements ne pouvaient pas les prendre en charge.
La baisse des autorisations d'engagement de l'État en 2021 ne peut que nous inquiéter : elle est liée à une sous-consommation des crédits en 2020, mais cette tendance s'explique par le refus de certains départements d'utiliser le fichier AEM pour l'évaluation des mineurs.
Nous proposons donc de maintenir l'engagement de l'État au même niveau que l'année dernière. Il s'agit d'intervenir dans l'intérêt supérieur de l'enfant, mais également de tous les Français : laisser des mineurs livrés à eux-mêmes, alors qu'ils ont pu connaître des violences ou des traumatismes graves, sans évaluation de leur santé physique et mentale, dans des conditions de vie très dégradées, présente un risque dont l'État doit se préserver. Si le nombre de mineurs à accompagner baisse réellement, il convient d'utiliser ces crédits pour améliorer leurs conditions d'accueil.
L'amendement no 1792 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Albane Gaillot, pour soutenir l'amendement no 1681 .
Il vise à augmenter le budget alloué à la lutte contre les violences conjugales. En dépit de la mobilisation importante du Gouvernement autour du Grenelle des violences conjugales, ce budget reste largement en deçà des attentes des associations, qui évaluent les crédits nécessaires à au moins 506 millions d'euros.
Si le budget dédié à l'égalité entre les femmes et les hommes est en hausse de 11,5 millions d'euros, cette augmentation bénéficie d'abord à la prévention de la récidive, c'est-à-dire à la prise en charge des conjoints violents. À cet égard, le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes recommande, dans son rapport d'octobre 2020, de veiller à ce que les financements consacrés à la prise en charge des conjoints violents ne soient pas pris sur le budget dédié à l'égalité femmes-hommes, mais sur celui du ministère de la justice. Si la convention d'Istanbul demande aux États parties d'intervenir auprès des auteurs de violences, la priorité doit être donnée à la sécurité, au soutien et aux droits fondamentaux des femmes victimes de violences. Les conclusions du Grenelle sont sans appel : les moyens ne sont pas suffisants pour appliquer les lois existantes.
Il s'agit évidemment d'un amendement d'appel, aucune action du programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes » ne devant faire l'objet d'une réduction de crédits.
Merci, chère collègue, pour vos propositions. Comme vous le savez, le budget consacré à l'égalité entre les femmes et les hommes augmente de 40 % ; le programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes » sera doté de 41,5 millions d'euros. Je n'ai malheureusement pas le temps de détailler l'ensemble des mesures prises, mais je vous ferai parvenir ma fiche avec grand plaisir. Au-delà du programme 137, c'est un milliard d'euros supplémentaires qui sera consacré à l'égalité entre les femmes et les hommes dans les budgets de l'ensemble des ministères : il s'agit donc d'un effort conséquent, et je pense qu'il faut persévérer dans ce sens. Je laisserai le Gouvernement développer son argumentation. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances, pour donner l'avis du Gouvernement sur cet amendement.
En 2021, le budget du programme 137 s'élèvera à 48,7 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 41,5 millions d'euros en crédits de paiement, soit une augmentation de 40 % ou 11,3 millions d'euros par rapport à 2020 – vous l'avez dit vous-même, madame Gaillot.
Ces crédits nous permettront de répondre aux besoins d'écoute et d'orientation des femmes victimes de violences, et d'assurer le financement des lieux d'information et d'accueil de proximité sur l'ensemble du territoire, y compris dans les outre-mer. Ils nous permettront également de soutenir les associations qui interviennent auprès des femmes et de leurs enfants, ainsi que de prévenir les actes de violence conjugale et la récidive, grâce à la création, en 2021, de quinze centres de prise en charge des auteurs de violences conjugales – je tiens à préciser que ces centres sont conçus pour protéger les femmes, puisque 38 % des féminicides sont aujourd'hui commis par des hommes souffrant d'une addiction à l'alcool, à la drogue ou à des produits du même genre.
Vous voyez donc que le budget pour 2021 témoigne d'une mobilisation sans précédent en faveur de l'égalité entre les hommes et les femmes. Je vous confirme que notre priorité est bien la protection des femmes.
Enfin, il convient de rappeler qu'au sein du projet de loi de finances, plusieurs programmes participent au financement des actions retenues à l'issue du Grenelle des violences conjugales. C'est en particulier le cas de certains programmes gérés par les ministères du logement, de l'intérieur, de la justice et de la santé.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement donne à votre amendement un avis défavorable.
L'amendement no 1681 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Albane Gaillot, pour soutenir l'amendement no 1682 .
Beaucoup de députés ont salué tout à l'heure l'action du 3919, le numéro d'écoute Violences Femmes Info. Or, le marché public lancé afin de déployer vingt-quatre heures sur vingt-quatre une plateforme d'écoute téléphonique pour les femmes victimes de violences met en danger le 3919 : le réseau organisé entre le 3919, la Fédération nationale Solidarité Femmes – FNSF – et l'ensemble des associations nationales ou locales partenaires risque d'être anéanti par la mise en concurrence liée à ce marché public.
Je propose, pour ma part, d'augmenter le financement du 3919 de 1 million d'euros pour permettre à la FNSF d'étendre ses horaires de fonctionnement et d'écoute. Cette enveloppe serait d'ailleurs largement insuffisante, car les associations m'ont écrit aujourd'hui pour me dire qu'elles estimaient plutôt leurs besoins à 3,5 millions d'euros. Je pense que nos collègues qui ont salué l'action du 3919 voteront cet amendement.
Dans la mesure où l'État financera 100 % du coût de la plateforme et fixera ses modalités de fonctionnement, le marché public constitue une obligation juridique. La FNSF peut bien entendu soumettre une offre ; compte tenu de son histoire et de son expérience dans le cadre de la gestion du 3919, je pense qu'elle apparaît tout à fait légitime pour assurer ce service, mais je le répète, le passage par le marché public est nécessaire. Avis défavorable.
À la suite du Grenelle des violences conjugales, l'État a annoncé sa volonté de mettre au service des femmes victimes de violences une ligne d'écoute, d'information et d'orientation qui soit accessible sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Cette ligne sera accessible aux personnes sourdes, aux personnes aphasiques ainsi qu'à toutes les personnes résidant dans les territoires ultramarins et qui, du fait du décalage horaire, ne pouvaient pas toujours accéder au 3919.
Dès lors que l'État endosse le pilotage et la responsabilité d'un dispositif d'écoute des femmes victimes de violences, qu'il définit les besoins à satisfaire ainsi que les modalités de son fonctionnement, nous devons recourir à un marché public. J'ajoute que l'État financera la totalité de ce service public. Cela ne remet évidemment absolument pas en question la qualité du travail de la FNSF, qui est à l'origine de ce numéro d'écoute des femmes victimes de violences. On peut d'ailleurs noter que plusieurs dispositifs d'écoute téléphonique dans le domaine des services sociaux relèvent déjà de marchés publics pilotés par l'État ; c'est notamment le cas du 116 000 Enfants disparus et de la plateforme 360 dédiée aux personnes en situation de handicap.
Comme vous le savez, cette procédure est strictement encadrée par le droit des marchés publics. Elle garantira la qualité des projets qui seront présentés. Les candidats devront tous se conformer à un cahier des charges extrêmement exigeant, qui est en cours de rédaction et qui sera publié d'ici à la fin de l'année. Le ministère et ses services seront particulièrement vigilants quant à la qualité des projets présentés, notamment en ce qui concerne la formation des écoutantes et des écoutants en matière de violences faites aux femmes, afin de renforcer l'écoute et l'accompagnement des victimes de violences conjugales.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement donne un avis défavorable à cet amendement.
L'amendement no 1682 n'est pas adopté.
L'amendement no 1198 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Raphaël Gérard, pour soutenir l'amendement no 1803 .
Je souhaite que nous nous penchions un instant sur la question des violences conjugales dans les territoires ultramarins. Comme l'a souligné la rapporteure spéciale, les crédits du programme 137 sont en forte augmentation. Pourtant, en dépit des annonces de Mme Schiappa en 2019 selon lesquelles 800 000 euros supplémentaires seraient consacrés à la lutte contre les violences conjugales outre-mer, la ligne budgétaire dédiée à cette action diminue en 2021 de 164 000 euros, après avoir déjà connu une baisse de 800 000 euros en 2020.
J'insiste sur le caractère particulier de la lutte contre les violences conjugales dans ces territoires. J'ai le sentiment que le ministère chargé de l'égalité entre les femmes et les hommes s'en désengage ou, plutôt, se défausse en s'en remettant au budget de la mission « Outre-mer » – dont l'enveloppe est pourtant en état de surconsommation chronique.
Je connais l'engagement de Mme la ministre déléguée en faveur de la lutte contre les violences conjugales comme de l'outre-mer ; je vous fais donc confiance pour rectifier le tir. Je ne prendrai qu'un exemple, celui des appels aux numéros locaux – un mécanisme que j'ai activement défendu lors du Grenelle. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : pendant la période de confinement, le numéro de SOS Kriz à la Martinique a reçu 1 200 appels tandis que le 3919 n'en a reçu que 111. Il est donc urgent de réorienter les crédits, et nul n'est mieux placé que votre ministère pour piloter ces opérations.
Dans la mesure où les crédits surexécutés – auxquels vous faites référence – au profit des associations ultramarines relèvent du programme 123 « Conditions de vie outre-mer » de la mission « Outre-mer », je suggère, par souci de lisibilité du budget, que vous déposiez à nouveau cet amendement lors de l'examen des crédits de la mission en question. J'en demande donc le retrait ; à défaut, avis défavorable.
Je vous remercie, monsieur Gérard, d'avoir souligné combien je suis sensible à la situation des violences conjugales outre-mer. L'enquête Virage qu'a conduite l'Institut national d'études démographiques – INED – sur les violences conjugales outre-mer fait apparaître un taux de violences conjugales beaucoup plus élevé qu'en métropole. De plus, la situation isolée de certains territoires complique la prise en charge des victimes.
Toutefois, compte tenu de l'évolution du dispositif national d'écoute des femmes victimes de violences, qui sera déployé en 2021 et qui fonctionnera vingt-quatre heures sur vingt-quatre, il me paraît prématuré de prévoir la création de nouveaux numéros ultramarins. Je vous garantis que mon ministère et tous ceux avec lesquels nous travaillons allons accorder une attention tout à fait particulière aux inquiétudes que vous soulevez. Avis défavorable.
J'ai pleinement confiance en votre action dans ce domaine et en votre capacité à animer le volet ultramarin de cette politique. Je retire l'amendement.
L'amendement no 1803 est retiré.
L'amendement no 1029 de M. Philippe Naillet est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Même avis.
Je serai bref car je sais que le temps nous est compté. Au fond, nous approuvons tous ici la priorité donnée par le Président de la République et des membres du Gouvernement, mais il ne faut pas relâcher l'effort. Des signaux apparaissent çà et là – tantôt des baisses de crédits, tantôt des difficultés voire une absence de marchés publics ; je n'ajoute pas à ce qui a déjà été dit en la matière. La lutte contre les violences conjugales doit être une priorité, en France continentale comme dans les outre-mer ; il ne faut céder à aucune tergiversation sur ce point. Je sais, madame la ministre déléguée, que l'on peut compter sur vous : il faut que vous soyez à la barre !
L'amendement no 1029 n'est pas adopté.
La parole est à M. Raphaël Gérard, pour soutenir l'amendement no 1188 .
On parle beaucoup des violences au sein des couples mais on oublie souvent – c'est même un impensé des politiques publiques depuis de trop nombreuses années – les violences au sein des couples de même sexe. Je me réjouis, madame la ministre déléguée, que vous ayez annoncé voici quinze jours un plan de lutte contre les discriminations dans lequel figure enfin cette question. Je vous fais grâce des chiffres et ne citerai que celui-ci : l'an dernier, 5 % des victimes de violences conjugales étaient dans un couple homosexuel.
L'amendement vise à flécher des crédits vers la lutte contre ces violences particulières afin de mettre en oeuvre le plan que vous avez proposé. Dans cette période de reconfinement, certaines applications pourraient être facilement déployées à très court terme, par exemple en adaptant les onglets – encore très genrés – sur la plateforme Arrêtons les violences, en intégrant l'application de l'association Flag! dans les dispositifs de communication – je sais que vous et vos services communiquez beaucoup à ce sujet, mais c'est une démarche à amplifier – et en mentionnant les numéros d'écoute susceptibles d'assurer la prise en charge des hommes victimes de violences tels que le 116 006 de France Victimes.
En 2020, le Gouvernement a lancé un plan d'urgence essentiel – vous l'avez évoqué – pour aider les personnes LGBT+ victimes de violences. En ce qui concerne le numéro d'appel, je ne crois pas opportun d'en créer un second ; plutôt qu'une nouvelle plateforme dédiée, mieux vaut renforcer la formation des écoutants aux besoins de ces publics spécifiques. Je propose le retrait de l'amendement ; à défaut, avis défavorable.
Je vous remercie, monsieur le député, d'avoir mentionné le plan national lancé le 14 octobre car il est très important. Il a pour principal objectif la lutte contre les violences au sein des couples de même sexe. Cette lutte passe évidemment par la sensibilisation des écoutants des numéros d'urgence au cas des victimes LGBT+. Je m'entretenais ce matin encore avec des associations ultramarines qui m'ont dit combien cette communication est importante. Certains agents du portail de signalement des violences sexuelles et sexistes sont d'ores et déjà formés à la prise en charge des personnes LGBT+, dont les victimes au sein d'un couple de même sexe.
Je suis d'accord avec vous : l'application mobile Flag! permet de signaler les violences commises au sein des couples LGBT+ partout sur le territoire. Dans le cadre du soutien qu'elle apporte aux associations LGBT+, la DILCRAH – délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT – participe également au financement des formations dispensées en la matière. Le plan d'action prévoit la mise en oeuvre de plans d'hébergement d'urgence pour les victimes au sein de couples LGBT+ en assurant un maillage territorial beaucoup plus équilibré.
Nous sommes évidemment attentifs à la question des violences conjugales au sein des couples gays. L'écoute est assurée non par la permanence téléphonique dédiée aux femmes victimes de violences, mais par France Victimes.
Avis défavorable.
Le plan national ayant été lancé il y a quinze jours, il faut laisser le temps de sa mise en place ; je retire l'amendement.
L'amendement no 1188 est retiré.
La parole est à Mme Claire Pitollat, pour soutenir l'amendement no 1195 .
La prévention auprès du grand public permettrait de lutter avec efficacité contre les violences sexistes et sexuelles en déjouant les préjugés, en informant et en levant les tabous persistants malgré la libération récente de la parole et de l'écoute. C'est pourquoi cet amendement proposé par Alexandra Louis vise à augmenter le montant des crédits de l'action 23 « Soutien du programme égalité entre les femmes et les hommes » afin de lancer une campagne nationale sur la notion de consentement. Le montant demandé – 80 000 euros – est modeste.
Le service d'information du Gouvernement – SIG – avait prévu d'organiser des actions de communication sur les violences faites aux femmes en 2020 mais, en raison de la crise sanitaire, une seule campagne a pu être menée. La commission n'ayant pas examiné l'amendement, j'émets à titre personnel un avis favorable.
Les crédits du programme 137 vont fortement augmenter en 2021 et nous avons prévu d'en consacrer une partie aux actions de communication tant elles sont importantes – on ne parlera jamais assez de ce sujet. Des crédits de communication pourront être sollicités auprès du SIG, comme cela s'est fait en 2018 lors du lancement de la grande cause du quinquennat. Ils permettront de financer des actions de sensibilisation, notamment sur la question du consentement. Votre amendement est donc satisfait ; j'en demande le retrait.
L'amendement no 1195 est retiré.
Tout à l'heure, un amendement sur l'autonomie des personnes en situation de handicap a été rejeté, ôtant les moyens de donner suite à un vote de principe de l'Assemblée quelques mois auparavant. Avec cet amendement, je propose de procéder dans le sens inverse, en quelque sorte, sur la question plus que sensible des violences intrafamiliales que subissent les enfants. On sait qu'un enfant meurt tous les cinq jours sous les coups d'un membre de sa famille. On sait aussi que dans la situation sanitaire actuelle et du fait du confinement, ces violences intrafamiliales n'ont fait qu'augmenter.
Un plan de lutte contre les violences commises à l'égard des enfants devrait être annoncé par Adrien Taquet à la fin novembre, et j'espère qu'il englobera tous les éléments permettant d'améliorer cette situation insupportable. Je propose néanmoins d'anticiper en affectant par cet amendement d'appel un budget de 10 millions d'euros à un nouveau programme intitulé « Protection des enfants victimes de violence ». En levant le gage prévu, le Gouvernement permettrait que le plan à venir s'appuie dès son déploiement sur un début de budget correspondant.
De nombreuses mesures sont prévues dans ce plan : comités locaux d'aide aux victimes, cinq centres régionaux spécialisés dans la prise en charge des psychotraumatismes, actions de prévention à l'école, pédiatrie en région, équipes référentes et ainsi de suite. Les moyens budgétaires sont d'ores et déjà déployés dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de protection de l'enfance : 115 millions d'euros sont prévus en 2021, dont 2,5 millions abonderont directement le groupe d'intérêt public Enfance en danger. Autrement dit, même si le plan n'est pas encore présenté, l'action est engagée. Je vous propose de retirer l'amendement ; à défaut, avis défavorable.
Même avis. La rapporteure spéciale a très bien résumé la situation. Il va de soi, monsieur Coquerel, que cette question suscite l'inquiétude des députés de tous bords et que le Gouvernement la partage. La prise en considération globale de la situation des enfants victimes de violences implique la mobilisation de dispositifs interministériels et transversaux : cohésion sociale, santé, justice, éducation nationale et d'autres. Isoler les moyens consacrés à la prévention et à la lutte contre les violences faites aux enfants dans un nouveau programme qui relèverait du seul champ de la cohésion sociale ne permettrait pas d'atteindre ces objectifs ambitieux. Je rappelle que des crédits supplémentaires ont été alloués mais j'en conviens, nous ne ferons jamais assez dans ce domaine. Quoi qu'il en soit, sachez que nous partageons les mêmes objectifs et la même philosophie.
Avis défavorable.
L'amendement no 1947 n'est pas adopté.
La parole est à M. Raphaël Gérard, pour soutenir l'amendement no 1850 .
Cet amendement de ma collègue Sandrine Mörch a pour premier objectif de rétablir la visibilité des crédits du programme 137 destinés à l'accompagnement social des personnes en situation de prostitution. La refonte du programme engagée en 2019 ne nous permet plus de mesurer précisément l'effort financier en ce domaine.
Son second objectif est de rétablir le niveau de crédits de l'année 2018. Je rappelle qu'en 2016 l'État s'était engagé à mettre en place à moyen terme un fonds interministériel doté de près de 15 millions d'euros qui aurait pu profiter de la complémentarité des approches associatives et couvrir l'ensemble des besoins de ces publics vulnérables. Au lieu de cela, les crédits consacrés aux personnes en situation de prostitution dans le cadre de ce programme ont diminué de près de 23 % entre 2017 et 2020, et les crédits qui n'avaient pas été consommés au titre de l'aide financière à l'insertion sociale et professionnelle – AFIS – ont été redéployés vers le financement de dispositifs plus médiatiques tels que le fonds Catherine. Cela s'est fait à rebours des objectifs de la réforme de 2011, aux termes de laquelle l'accompagnement des personnes en situation de prostitution dépend du ministère chargé des droits des femmes et non plus de celui de la cohésion des territoires, jugé trop généraliste pour tenir compte de la spécificité de ces publics.
À l'heure actuelle, les crédits destinés à l'accompagnement social des prostitués continuent d'être détournés de leur cible, mettant les travailleuses du sexe en concurrence avec les victimes de violences conjugales, ce qui n'est pas acceptable du point de vue des victimes. Le champ de l'intervention de l'État s'est rétréci, les crédits n'étant plus alloués qu'aux parcours de sortie ou de prévention de la prostitution, engendrant les drames que j'ai évoqués tout à l'heure.
L'amendement vise à rassembler ces crédits dans le même jaune budgétaire.
Les crédits de l'action 21 « Politiques publiques-Accès au droit » ne financent pas uniquement le parcours de sortie de la prostitution ; ils financent aussi les associations qui accompagnent les personnes en situation de prostitution, à hauteur de 2,1 millions d'euros au niveau local pour celles qui réalisent des maraudes, un accueil, une prise en charge… Des crédits sont également alloués aux associations têtes de réseau. Vous trouverez le détail de ces subventions en annexe de mon rapport.
Le soutien de l'État à ces associations dépasse le cadre du parcours de sortie de la prostitution – PSP – mais je partage votre analyse de fond : l'action sociale comme l'accompagnement des personnes en situation de prostitution – je défendrai un amendement sur ce sujet – doivent être renforcés et les acteurs associatifs, quelle que soit leur vision, doivent davantage travailler ensemble.
La commission n'ayant pas examiné cet amendement, c'est à titre personnel que je vous en demande le retrait ; à défaut, avis défavorable.
Les crédits alloués à la politique de prévention et de lutte contre la prostitution et l'exploitation sexuelle permettent d'apporter un soutien financier à plusieurs types d'intervenants. Il y a d'abord l'allocation AFIS dont bénéficient les personnes s'inscrivant dans un parcours de sortie de la prostitution. Des subventions sont allouées aux associations têtes de réseau spécialisées nationales ou aux associations locales afin qu'elles mènent des actions de sensibilisation des jeunes et de formation des professionnels, d'accueil et d'écoute des personnes prostituées et d'accompagnement des PSP. Je citerai par exemple le Mouvement du nid. Des subventions existent également pour les associations intervenant auprès de publics vulnérables, notamment auprès des personnes prostituées en grande difficulté sociale.
Après une montée en charge progressive – nous aurions tous aimé que cela aille plus vite – le dispositif de l'AFIS repose aujourd'hui sur une meilleure estimation des besoins et des crédits correspondants. À ces crédits s'ajoute depuis deux ans une contribution de l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués, l'AGRASC, qui augmente très fortement cette année, passant de 500 000 euros en 2019 à 1,9 million en 2020. Elle permettra de financer des projets associatifs liés à la situation exceptionnelle due à la crise sanitaire et à ses conséquences à plus long terme sur les personnes prostituées.
Nous serons évidemment très attentifs au déploiement des parcours de sortie de la prostitution ainsi qu'à l'évolution de l'impact sanitaire. Je sais que vous y êtes très sensible. Dans les prochains mois, je réunirai le comité de suivi interministériel de l'application de la loi de 2016, qui était un peu révolutionnaire mais dont nous devons suivre l'exécution. Pour toutes ces raisons, j'émets un avis défavorable sur votre amendement.
Le PSP, je le répète, n'est qu'un des éléments du dispositif. Avant d'entrer dans un parcours de sortie, une personne en situation de prostitution peut suivre un cheminement de plusieurs années. Aujourd'hui l'entrée dans le parcours de sortie nécessite un arrêt total et souvent brutal de la prostitution. Il me paraît important de se concentrer sur cette période. Les associations telles que le Nid, plutôt abolitionnistes, reconnaissent elle-mêmes un défaut de financements en amont du parcours de sortie pris en charge par l'AFIS. L'AFIS est une réponse, mais seulement partielle, et ce qui me préoccupe, c'est ce qui se passe avant et j'aimerais pouvoir suivre les transferts de crédits qui ont eu lieu ces dernières années.
L'amendement no 1850 n'est pas adopté.
La parole est à Mme la rapporteure spéciale, pour soutenir l'amendement no 1940 .
Cet amendement d'appel vise à souligner la difficulté de la montée en charge des parcours de sortie de la prostitution. Mes travaux sur la réalité concrète de ces parcours m'ont convaincu de la nécessité de leur donner une nouvelle impulsion. Nous avons besoin de cet engagement, madame la ministre déléguée, pour sortir un nombre conséquent d'hommes et de femmes de la prostitution.
La commission n'a pas examiné cet amendement.
Avis défavorable.
L'amendement no 1940 n'est pas adopté.
Je ne reviendrai pas sur ce qui a été développé par Raphaël Gérard et Stella Dupont sur la spécificité du parcours de sortie de la prostitution.
Ces trois amendements ont été travaillés avec le Mouvement du nid. Ils font écho au rapport d'évaluation de la loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel, dans lequel l'IGAS pointe que seul un quart des départements ont installé une commission départementale de lutte contre la prostitution, le proxénétisme et la traite des êtres humains aux fins d'exploitation sexuelle. Ce n'est pas assez. Il faut augmenter les moyens des directions départementales aux droits des femmes de 1,6 million d'euros. C'est l'objectif du premier amendement, no 1679 .
L'IGAS relève également l'absence de pilotage de la politique de formation et nous avions souligné la nécessité d'axer notre action sur ce sujet. Nous demandons donc par mon deuxième amendement qu'elle soit abondée de 1 million d'euros supplémentaires.
Enfin le troisième amendement tend à revaloriser l'AFIS afin de la porter au niveau du RSA, ce qui représenterait 564 euros par mois par parcours de sortie de la prostitution. Son montant actuel est en effet trop faible pour être incitatif. Ce coup de pouce coûterait 850 000 euros.
Je suis en phase avec vous, madame la députée. Il serait intéressant, madame la ministre déléguée, d'organiser un temps d'échange avec tous les députés qui se sont exprimés ce soir sur l'application de cette loi, qui est un vrai problème. Nous avons intérêt à travailler tous ensemble pour apporter des réponses concrètes, en nous fondant sur le rapport de l'IGAS et les travaux des uns et des autres.
Je vous demande de retirer ces amendements, faute de quoi l'avis sera défavorable ; et je serai très attentive à la réponse de Mme la ministre.
J'entends toutes ces remarques, et c'est pourquoi j'ai précisé tout à l'heure que je réunirai dans les prochains mois un comité de suivi de cette loi, de manière à rechercher comment améliorer ce qui peut l'être. Je vous demanderai pour l'instant de bien vouloir retirer vos amendements.
Je salue votre engagement de nous réunir pour faire le point sur l'application de la loi de 2016. Les femmes en ont besoin et les associations qui travaillent sur ces sujets attendent des gestes forts. Je maintiendrai cependant mes amendements parce qu'il faut marquer le coup.
L'amendement no 1185 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Madame la rapporteure spéciale, vous avez la parole pour soutenir deux amendements identiques, nos 1257 , au nom de la commission des finances, et 1983, déposé en votre nom propre.
Cet amendement de la commission des finances vise à ouvrir l'aide exceptionnelle de 150 euros annoncée récemment par le Premier ministre aux bénéficiaires de l'AFIS, qui sont en général dans des situations extrêmement précaires.
Il est tout à fait légitime que ces allocataires puissent bénéficier de la solidarité nationale, particulièrement dans le contexte économique et social actuel. Je suis par conséquent favorable à l'extension des dispositifs d'aide exceptionnels liés à la crise sanitaire aux personnes engagées dans un parcours de sortie de la prostitution qui bénéficient de l'AFIS.
Le Gouvernement s'engage à créer un dispositif ad hoc en direction de ce public, calqué sur l'aide exceptionnelle déjà mise en oeuvre pour les bénéficiaires des minima sociaux. Son versement interviendra donc ultérieurement, très probablement au mois de janvier ; cet amendement a donc parfaitement sa place dans le PLF pour 2021.
Par conséquent, je donne un avis favorable sur votre amendement.
La parole est à Mme Delphine Bagarry, pour soutenir l'amendement no 1791 .
Je propose de créer un nouveau programme intitulé « Éducation à la sexualité et à la vie affective ». Les travaux menés avant l'adoption en première lecture de la proposition de loi d'Albane Gaillot visant à renforcer le droit à l'avortement, mais aussi le rapport de la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale, ont fait ressortir de graves carences en la matière dans les établissements scolaires, malgré l'article L. 312-16 du code de l'éducation.
C'est pourquoi cet amendement est primordial. Il vise à déployer 5 millions d'euros supplémentaires où ils sont nécessaires, c'est-à-dire où les infections sexuellement transmissibles – IST – , les grossesses non désirées et les violences faites aux femmes sont les plus nombreuses, où l'école de la République doit manifestement agir dans l'intérêt des enfants, ces adultes en devenir.
Surtout, il vise à orienter cette politique publique vers le ministère de la santé et des solidarités plutôt que vers celui de l'éducation. En effet, elle traite à la fois les germes de violences conjugales, les grossesses non désirées, l'absence d'accès à des informations de santé. Cette transversalité et la nécessité d'aller vers les jeunes, même hors les murs de l'école, rendent nécessaire de changer d'administration pilote. La création d'un programme distinct à la fois de « Inclusion sociale et protection des personnes » et de « Égalité entre les femmes et les hommes » permettrait une plus grande implication des administrations déconcentrées, hors rectorats.
L'éducation et la prévention doivent être renforcées : en cela, je partage votre point de vue. En revanche, je ne suis pas favorable à votre proposition, car elle risquerait de disperser des crédits du programme 137 destinés au financement d'associations. Avis défavorable, donc.
L'éducation à la sexualité, et plus généralement aux questions d'égalité entre les filles et les garçons, a déjà été renforcée à la suite du Grenelle des violences conjugales. Il est prévu que le budget du ministère de l'éducation nationale prenne en charge un module de formation initiale et continue portant sur l'égalité, et obligatoire pour tous les personnels de l'éducation nationale. Chaque année, dorénavant, un conseil de la vie collégienne ou un conseil des délégués pour la vie lycéenne donnera lieu à un diagnostic concernant l'égalité entre filles et garçons au sein de l'établissement. Jean-Michel Blanquer et moi-même allons très prochainement lancer une mission d'évaluation de l'éducation à la sexualité, du cours préparatoire au lycée. Par conséquent, avis défavorable.
L'amendement no 1791 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Delphine Bagarry, pour soutenir l'amendement no 1794 .
L'année dernière, dans le cadre du rapport pour avis sur cette même mission, votre servante s'inquiétait de ce que, parmi les crédits alloués à la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, rien n'était prévu pour permettre l'accès des enfants et des familles à la culture, au sport et aux loisirs. J'avais appelé à ce que cette stratégie intègre davantage d'actions relevant de ces domaines.
Ce serait d'autant plus opportun que la culture, le sport sont de véritables outils d'ingénierie sociale, cassant les assignations à résidence, des instruments d'émancipation qui contribuent à la déconstruction des barrières sociales, qui permettent de sortir de son milieu, de fabriquer du commun. En faisant prendre conscience d'une culture commune, ils participent à notre pacte social et justifient donc des politiques publiques ambitieuses.
Lutter contre la pauvreté, c'est aussi lutter contre les différentes formes de ghettoïsation, de séparatisme, par des actions qui aident à « aller vers » la culture, le sport, les loisirs, qui pourraient être menées dans les territoires les plus en difficulté. À ce titre, je propose que des crédits supplémentaires soient destinés spécifiquement au financement de ces politiques au sein de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté.
Votre proposition est intéressante, même s'il est faux de dire que la lutte contre la pauvreté ne donne pas lieu à des actions culturelles. À ce stade, même si la stratégie nationale ne comprend pas de crédits fléchés dans ce but, la dimension culturelle apparaît bien dans les documents de cadrage. À titre personnel, avis favorable : la question du renforcement des actions culturelles mérite d'être posée.
Je demanderai plutôt le retrait de cet amendement ; à défaut, avis défavorable. L'accès à la culture, au sport et aux loisirs est pris en considération dans la stratégie nationale, notamment sous l'angle de la réforme structurelle des politiques d'insertion. À l'inverse, le programme 124, que vous évoquez, ne doit surtout pas être minoré : le Gouvernement a besoin de ces crédits pour conduire des politiques sanitaires et sociales.
L'amendement no 1794 n'est pas adopté.
La parole est à Mme la rapporteure spéciale, pour soutenir l'amendement no 2033 .
Je me permets de défendre cet amendement de Philippe Chassaing, qui vise à renforcer et accélérer le déploiement du nouveau dispositif « Points conseils budget » en proposant 100 nouvelles structures, ainsi qu'à porter la participation de l'État de 15 000 euros à 20 000 euros par point conseil budget. Au cas où l'amendement ne pourrait être retenu dans son intégralité, cette dernière mesure, du moins, serait très pertinente et coûterait seulement, si je puis dire, 2 millions d'euros.
Avis défavorable, car les moyens alloués à ces points conseil budget ont été renforcés de 1,5 million, afin de pouvoir passer de 400 à 500 structures.
L'amendement no 2033 n'est pas adopté.
Cet amendement vise à annuler la baisse de plus de 8 millions d'euros des crédits alloués à l'aide alimentaire. De nombreuses familles se trouvent en situation de précarité, ayant à la fois perdu une partie de leurs revenus et subi le coût de la fermeture des restaurants scolaires.
La parole est à Mme Josiane Corneloup, pour soutenir l'amendement no 2040 .
La période de crise sanitaire que traverse notre pays a entraîné une explosion de la précarité, voire de la grande pauvreté pour nombre de nos concitoyens. Elle fragilise notamment l'accès à la nourriture : plus d'1 million de pauvres supplémentaires, en France, pourraient se retrouver dans une situation d'insécurité alimentaire grave ou souffrir de malnutrition sévère.
Le Gouvernement prévoit de procéder en 2021 à une diminution des crédits alloués à l'aide alimentaire, qui baissent de 11,18 % par rapport à 2020. Il convient à tout le moins de rétablir ce niveau de 2020. Le présent amendement vise donc à alimenter l'action 14 « Aide alimentaire » du programme « Inclusion sociale et protection des personnes ».
Il convient de souligner que cette baisse ne résulte pas d'une minoration des crédits de l'aide alimentaire, mais du moindre besoin de compensation de la trésorerie de FranceAgriMer en 2021. C'est un peu technique ; je l'explique dans mon rapport. L'aide alimentaire n'en constitue pas moins un sujet essentiel : je présenterai tout à l'heure un amendement en ce sens.
Les crédits inscrits au programme 304 s'élèvent à près de 65 millions d'euros. En 2020, 27 millions ont été consacrés à la compensation des refus d'apurement pour redresser la trésorerie de FranceAgriMer ; ces besoins seront moindres en 2021, d'où l'inscription de 15,6 millions seulement. C'est une question de trésorerie, une mesure conjoncturelle. Encore une fois, la baisse ne traduit pas un retrait de l'État en matière d'aide alimentaire : non seulement celle-ci ne diminue pas, mais près de 90 millions lui seront consacrés, à quoi s'ajoutent les crédits ouverts pour 94 millions par la troisième loi de finances rectificative. L'effort consacré à l'aide alimentaire a donc plus que doublé depuis le début de la crise. Avis défavorable, à titre personnel.
La parole est à Mme la rapporteure spéciale, pour soutenir l'amendement no 1932 .
Depuis plusieurs années, je regarde de près le fonctionnement du FEAD, le Fonds européen d'aide aux plus démunis. Force est de constater qu'il est susceptible d'améliorations : je donne plus de précisions dans l'exposé sommaire de cet amendement.
Il serait souhaitable de réunir autour d'une table la direction générale de la cohésion sociale, FranceAgriMer, et la commission interministérielle de coordination des contrôles, afin qu'ils poursuivent leur concertation. Une nouvelle programmation européenne va entrer en vigueur ; l'actuelle est à parfaire. Il y a donc un bilan à établir avant de s'engager, sans quoi nous risquons de ne pas optimiser notre utilisation des fonds européens consacrés à l'aide alimentaire. Il faut se pencher davantage sur cette question que nous ne l'avons fait jusqu'ici, d'où ma proposition d'une équipe dédiée aux futurs programmes européens : les enjeux se chiffrent en millions d'euros.
L'aide alimentaire est un sujet qui m'est également cher, et que je suis de près. Je veux vous rassurer : le budget de l'action 14 se situe à son juste niveau ; il doit être analysé au regard du plan de soutien aux associations de lutte contre la pauvreté, de 100 millions d'euros, prévu dans la mission « Plan de relance ».
Les améliorations apportées à la gestion du FEAD permettent de réduire le coût des corrections financières pour la France sans conséquence pour les structures associatives. Les crédits européens de l'initiative REACT-EU – Recovery Assistance for Cohesion and the Territories of Europe – vont permettre de lancer, au mois de novembre, un marché complémentaire pour faire face à la crise actuelle. Ce nouveau marché sera couvert par une nouvelle opération de trésorerie, avec l'agence France Trésor.
En outre, le programme 124 ne saurait être minoré, car le Gouvernement a besoin de ces crédits pour conduire les politiques sanitaires et sociales.
Avis défavorable.
Il s'agissait de vous alerter, madame la ministre déléguée. Je retire l'amendement.
L'amendement no 1932 est retiré.
L'amendement no 1911 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il concerne l'allocation de rentrée scolaire – ARS – et a un impact de 5 000 euros : qui dit mieux, mes chers collègues ?
Il vise à accroître l'équité, au bénéfice des familles qui perçoivent l'ARS. Cette allocation est versée sous conditions de ressources aux familles ayant au moins un enfant entre 6 et 18 ans scolarisé. Son montant varie en fonction de l'âge de l'enfant, selon trois tranches allant de 6 à 10 ans, de 11 à 14 ans et de 15 à 18 ans.
L'objectif de cet amendement est de pondérer le montant de l'ARS en fonction du coût moyen de la scolarité selon les cycles, afin de prendre en compte les différences. Sur cette base, il diminue le montant de l'allocation pour les enfants âgés de 6 à 10 ans et l'augmente pour les autres. Le montant total de l'ARS pour l'ensemble des trois tranches d'âge resterait identique.
L'allocation de rentrée scolaire est financée par la branche famille de la sécurité sociale. Votre question pourrait être plus utilement posée dans le cadre de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Je demande le retrait de l'amendement ; à défaut, j'émettrais, à titre personnel, un avis défavorable.
L'amendement no 537 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », modifiés, sont adoptés.
La parole est à Mme la secrétaire d'État, pour soutenir l'amendement no 2414 portant article additionnel après l'article 58.
Le présent amendement a pour objet d'harmoniser les conditions d'attribution de l'AAH à Mayotte avec celles applicables dans le reste du territoire, en y étendant le dispositif de l'AAH 2.
En effet, perdurait à Mayotte, où n'existe que l'AAH 1, créée par l'ordonnance du 27 mars 2002, une différenciation difficilement justifiable au regard du principe d'égalité. Actuellement, seules les personnes présentant un taux d'incapacité permanente égal ou supérieur à 80 % sont éligibles à l'AAH à Mayotte. Contrairement à la situation en métropole et dans les autres départements d'outre-mer, les personnes présentant un taux d'incapacité permanente égal ou supérieur à 50 % et inférieur à 80 % et une restriction substantielle et durable pour l'accès à un emploi ne peuvent percevoir l'AAH.
Le Gouvernement propose, en application des engagements réaffirmés dans le cadre du plan d'action pour l'avenir de Mayotte du printemps 2018, arbitré par le Premier ministre le 9 mai 2018, d'aligner strictement les dispositions sur celles applicables dans le reste du pays. Dès 2021, environ 600 personnes connaîtront une hausse de leur revenu. Cette mesure répond à l'objectif d'amélioration de la vie quotidienne des citoyens mahorais, plus particulièrement celle des personnes en situation de handicap.
L'amendement no 2414 est adopté.
La parole est à M. Thierry Michels, pour soutenir l'amendement no 1979 .
Par cet amendement, je souhaite aborder la question de l'inclusion par l'emploi des personnes handicapées.
Il s'agit, par la demande d'un rapport, d'assurer la pleine information du Parlement sur ce sujet, en lui présentant un tableau général des différents dispositifs existants et une évaluation de leur pertinence et de leur efficacité.
L'emploi des personnes handicapées est un vrai sujet de préoccupation, car, malgré tous les efforts consentis et des progrès certains, leur taux de chômage reste le double de la moyenne nationale. Les obligations directes d'emploi ne sont satisfaites ni dans le public ni dans le privé, ce qui constitue un obstacle significatif sur le chemin de la société inclusive que nous appelons de nos voeux.
La commission n'a pas examiné l'amendement.
Je ne vais pas revenir sur le doublement des crédits consacrés à l'inclusion dans l'emploi des personnes en situation de handicap, qu'un amendement a abondés de 15 millions d'euros dans le cadre du plan de relance.
Je considère que votre amendement est satisfait, d'autant que le rapport de l'IGAS sur les années 2019 et 2020 contient beaucoup de données, et vous demande de le retirer.
L'emploi est un enjeu essentiel. De nombreuses dispositions soutiennent l'emploi des personnes en situation de handicap, à commencer par la transformation du modèle des ESAT, avec des passerelles ou des ESAT hors les murs. Le dispositif d'emploi accompagné a également fait ses preuves, puisque 60 % des personnes qui en ont bénéficié occupent un emploi durable. En outre, une aide au recrutement de 4 000 euros est déployée.
Le rapport demandé ne pourrait pas mesurer, dans un délai aussi bref, les effets de cette mobilisation sans précédent au bénéfice de l'insertion et du maintien dans l'emploi. Je vous propose de retirer votre amendement, auquel je ne suis pas favorable.
L'amendement no 1979 est retiré.
La parole est à Mme Perrine Goulet, pour soutenir l'amendement no 2019 .
Mes propos vont surtout porter sur l'amendement no 2015 , qui viendra peu après, les amendements nos 2019 et 2017 étant des amendements de repli.
Dans le cadre des contractualisations, 314 millions d'euros vont être alloués aux départements : 114 millions d'euros pour la stratégie de prévention et de protection de l'enfance et 200 millions d'euros dans le cadre du plan pauvreté.
À mes yeux, le Parlement n'est pas assez informé de la distribution financière de ces crédits. En effet, nous ne connaissons pas la répartition financière exacte des actions dans les différents plans, pas plus que la répartition entre les départements. En outre, nous ignorons les indicateurs dans les départements pour suivre les contractualisations et leur efficacité.
C'est pourquoi je demande la rédaction d'un rapport budgétaire, annexé au projet de loi de finances, afin que le Parlement puisse s'assurer que les contractualisations servent bien à ce à quoi l'argent est destiné. L'État pourra ainsi valoriser l'argent qu'il consacre à ces politiques de solidarité, normalement dévolues aux départements.
L'amendement no 2015 vise à ce qu'un rapport budgétaire soit annexé au PLF. Il présentera les dispositifs de contractualisation que sont le plan pauvreté et la stratégie nationale de prévention et de protection de l'enfance. Il pourra aussi faire état d'éventuelles contractualisations à venir.
L'amendement no 2019 est un amendement de repli portant uniquement sur la stratégie nationale de prévention et de protection de l'enfance. L'amendement no 2017 , également de repli, se focalise sur le plan pauvreté.
Je suis favorable à l'amendement sur la stratégie de lutte contre la pauvreté, puisque nous avons besoin d'une évaluation fine. Le rapport d'étape qui nous a été présenté n'offre pas d'évaluation suffisamment précise des mesures déployées.
En revanche, s'agissant de la stratégie nationale de prévention et de protection de l'enfance, il est trop tôt d'en demander une évaluation, car sa mise en oeuvre vient juste de débuter.
Je donne donc un avis défavorable à l'amendement no 2019 . Je serai également défavorable au no 2015, et favorable au no 2017.
Au nom du Gouvernement, j'émets un avis défavorable ou demande le retrait de ces trois amendements, pour des raisons comparables à celles évoquées par Mme la rapporteure spéciale, à savoir un manque de recul pour procéder à des évaluations.
La contractualisation concerne trente départements en 2020, puis en comptera quarante supplémentaires en 2021. Elle se construit à partir des réalités locales, comme vous le savez. Je partage votre envie de disposer d'une vision approfondie des stratégies et de leur efficience.
Nous préférons ne pas inscrire ces demandes dans la loi, tout en vous garantissant une pleine association des parlementaires à cette évaluation commune.
L'amendement no 2019 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Perrine Goulet, pour soutenir l'amendement no 2018 .
Depuis plusieurs semaines, les mineurs non accompagnés font l'objet de fantasmes en tout genre dans la population, notamment sur leur comportement. Cela est dû au manque de données consolidées et fiables sur leur parcours et sur leur insertion.
L'amendement vise à demander au Gouvernement la rédaction d'un rapport informant le Parlement sur les parcours et sur l'insertion des mineurs non accompagnés. Il permettrait de lutter contre les idées reçues sur ces mineurs qui susciteraient plus de problèmes que de réussites. Je sais que ce n'est pas le cas, et ce rapport en fournirait la preuve au grand public.
Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.
L'amendement no 2018 est adopté.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
L'amendement no 2015 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 2017 , accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Delphine Bagarry, pour soutenir l'amendement no 1793 .
Il demande au Gouvernement la rédaction d'un rapport sur le déploiement de la tarification sociale des cantines, qui s'attacherait notamment à évaluer la pertinence des critères retenus pour cibler les territoires éligibles à ce dispositif, en particulier à la dotation de solidarité rurale cible. Dans le rapport sur la mission « Solidarités, insertion et égalité des chances » du PLF pour 2020, je m'inquiétais déjà de la pertinence de ce critère, sachant que les situations de pauvreté dans les communes ne les rendent pas toujours éligibles à la dotation de solidarité rurale cible. Des territoires sont ainsi exclus du dispositif alors que la pauvreté y est élevée.
L'amendement vise à ce que le Gouvernement éclaire le Parlement, dans un rapport approfondi, sur la pertinence de ce critère. Il pourrait se prononcer sur l'éventuelle nécessité de choisir d'autres critères d'éligibilité.
En 2019, des freins au développement de la tarification sociale des cantines sont apparus. Depuis, il y a eu les élections municipales, puis la crise sanitaire… Dans ma circonscription, des maires pourraient s'engager, mais leur commune n'est pas éligible à l'aide de l'État pour cette tarification sociale. Nous pourrions réfléchir à des solutions permettant de généraliser au plus vite la tarification sociale des cantines.
Le constat sur la nécessité de faire évoluer certains aspects de ce dispositif est partagé. Dans mon rapport, j'indique d'ailleurs que les critères d'éligibilité des communes sont trop restrictifs et devraient être révisés. Pour autant, un rapport est inutile. J'ai avancé un certain nombre de préconisations visant à revoir utilement le dispositif et à l'adapter pour qu'il réponde davantage aux besoins des familles. À titre personnel, j'émets un avis défavorable.
L'amendement no 1793 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Gisèle Biémouret, pour soutenir l'amendement no 1992 .
Il vise à demander au Gouvernement un rapport sur l'avenir de la ligne d'écoute nationale « Violences femmes info » – le numéro 3919 – , sérieusement fragilisée par l'annonce gouvernementale du lancement d'un marché public. Alors que ce numéro est la propriété de la fédération nationale Solidarité femmes, l'annonce d'un marché public paraît sans justification, le 3919 n'entrant pas dans le champ de la concurrence. Il suffirait, au travers d'un plan pluriannuel d'objectifs et de moyens, de lui attribuer une subvention supplémentaire pour qu'il puisse fonctionner vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Ce numéro d'appel n'est pas une activité économique de marché.
J'ai été questionnée à ce sujet et j'ai donc cherché à comprendre la décision du Gouvernement. Il apparaît qu'il est juridiquement nécessaire de passer par un marché public, en raison du fonctionnement vingt-quatre heures sur vingt-quatre, du cadrage national et du financement à 100 % par l'État. Je suis moi aussi préoccupée par la situation de la fédération nationale Solidarité femmes ; il sera nécessaire de l'accompagner, qu'elle remporte ou non ce marché. Demande de retrait ou avis défavorable.
L'amendement no 1992 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Nous avons terminé l'examen des crédits des missions « Santé » et « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.
Prochaine séance cet après-midi, à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Élection d'un juge suppléant à la Cour de justice de la République ;
Discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire.
La séance est levée.
La séance est levée le mardi 3 novembre 2020 à zéro heure cinquante.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra