La réunion débute à 14 heures 30.
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente.
La Commission poursuit l'examen de la proposition de loi visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerte (n° 4398) et la proposition de loi organique visant à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d'alerte (n° 4375) (M. Sylvain Waserman, rapporteur).
Titre II procédures de signalement
Article 3 (article 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique) : Procédures de signalement
Amendement CL79 de M. Ugo Bernalicis.
Cet amendement tend à proposer une nouvelle rédaction de l'article 3 en reprenant l'article 8 de la proposition de loi que j'avais déposée dans le cadre de notre journée d'initiative parlementaire pour transposer la directive du Parlement européen et du Conseil, en date du 23 octobre 2019. Il fait notamment référence à l'inspection générale de la protection des lanceuses et lanceurs d'alerte, que nous prévoyions de créer. Selon nous, pour aller au bout de la logique, il faudrait doter le Défenseur des droits de la capacité de caractériser les signalements externes.
S'agissant de la procédure du signalement interne, l'amendement précise certains délais et éléments, dont le détail sera repris dans des amendements ultérieurs.
Avis défavorable. Dans la proposition de loi que vous reprenez, vous avez choisi d'autres solutions que nous. En particulier, l'inspection générale de la protection des lanceuses et des lanceurs d'alerte ne figure pas parmi nos choix.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL142 du rapporteur.
Il tend à créer un article « chapeau » afin de rendre plus lisible l'articulation des différents canaux de signalement – voie interne, voie externe et divulgation publique –, en renvoyant aux dispositions plus détaillées de l'article 8. Il s'agit de répondre à des demandes de clarification du Conseil d'État et de certains experts, comme Nicole-Marie Meyer, qui avait contribué à la directive. La nouvelle rédaction, dont le sens est identique, est plus claire et lisible pour les citoyens.
La commission adopte l'amendement.
Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL109 et CL107 du rapporteur.
Amendement CL108 du rapporteur.
Amendement de précision. On peut aussi choisir de saisir le dispositif de traitement des signalements internes, lorsqu'il existe, au sein des personnes morales de droit public ou de droit privé de moins de 50 agents ou salariés.
La commission adopte l'amendement.
Amendement CL51 de Mme Cécile Untermaier.
Dans certains domaines à risque, notamment l'environnement et la santé publique, il pourrait être souhaitable d'imposer l'organisation d'un canal interne. Mais il faudrait que ce soit la loi qui le prévoie, pas un décret. Mais l'amendement ne convenant pas, je le retire.
L'amendement est retiré.
Amendement CL62 de M. Dominique Potier.
Nous avons pris le parti d'aller plus loin que l'information prévue par le droit du travail, puisque nous allons jusqu'à la consultation des instances représentatives du personnel, qui doivent donner un avis – il y a donc bien ce dialogue nécessaire. Nous n'allons toutefois pas jusqu'à l'accord obligatoire, qui nécessite tout un dispositif. On fait donc plus que le minimum, sans aller jusqu'au maximum. Avis défavorable.
Je défendrai un amendement à ce sujet. Il ne faut pas se tromper : obliger l'instance à rendre un avis conforme pourrait être dangereux, y compris pour les organisations syndicales elles-mêmes. Sans avis conforme, il n'y aurait pas de canal de signalement interne. Ce n'est pas le but recherché.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte successivement les amendements CL114 et CL110, rédactionnels, et CL112, de précision, du rapporteur.
Amendement CL82 de M. Ugo Bernalicis.
La consultation est préférable à l'information, encore faut-il qu'elle donne lieu à un avis de la part des organisations syndicales. Sans aller jusqu'à rendre celui-ci contraignant ou conforme, l'idée est d'obliger l'entreprise ou le service concerné à mettre le sujet à l'ordre du jour de son instance de dialogue social. D'où la proposition de substituer aux mots : « après consultation des instances de dialogue social », les mots : « en associant de manière étroite les instances de dialogue social dans l'élaboration et après avoir recueilli un avis simple ».
Au sens du droit du travail, la consultation suppose l'expression d'un avis formel, quel qu'il soit – pas nécessairement conforme. Elle oblige les partenaires sociaux à réfléchir au sujet et à donner une réponse. Dans mes souvenirs, lorsque je consultais le comité d'entreprise (CE), j'avais bien besoin d'un avis.
Il y a une nuance, me semble-t-il : on peut consulter des organisations syndicales sans pour autant passer par les organes de dialogue social, comme le comité social et économique. Mon souhait est qu'un avis puisse être rendu par les syndicats dans le cadre des discussions formelles de l'entreprise ou de l'administration. Il n'est pas certain que la formule retenue le satisfasse.
Pour moi, « consulter » signifie demander un avis, positif ou négatif. Nous sommes d'accord sur le fond. Je propose de vérifier pour la séance si, en droit, « consulter les instances représentatives du personnel » signifie bien « obtenir un avis » de leur part, quel qu'il soit.
L'amendement est retiré.
La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL113 et CL111 du rapporteur.
Amendement CL52 de Mme Cécile Untermaier.
Malgré la confiance que nous accordons à cette noble institution, confier au Conseil d'État le soin de préciser par décret les délais de retours à l'auteur du signalement ne nous paraît pas souhaitable. La notion de délai est du domaine de la loi ; elle est essentielle à la protection que nous cherchons à donner aux lanceurs d'alerte. C'est pourquoi nous proposons de préciser dans la loi, comme c'est d'ailleurs le cas dans la directive, le délai de sept jours pour l'accusé de réception du signalement et de trois mois suivant l'accusé de réception pour le retour d'informations.
Avis défavorable. Même si c'est par décret que ces obligations seront définies, y compris celles pesant sur les autorités externes, ce décret ne pourra pas déroger aux dispositions de la directive : les délais seront au moins aussi favorables que sept jours, trois mois et six mois. Il n'y a aucune inquiétude à avoir. Le décret nous semble préférable à la fois du point de vue organisationnel, car le cadre en sera affiné par amendements, et du point de vue juridique.
Ce dont a besoin le lanceur d'alerte, c'est un document unique où trouver l'ensemble des informations.
Qu'il s'agisse des délais ou des autorités externes et de toutes les obligations qui pèsent sur elles, toutes les indications se trouveront au même endroit. Il y aura une liste des interlocuteurs, qui fera état de ce que doivent faire les lanceurs d'alerte pour les saisir et voir leur signalement traité. Cela semble cohérent et lisible.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL84 de M. Ugo Bernalicis.
La procédure interne de recueil et de traitement des signalements doit présenter des conditions objectives d'indépendance et d'impartialité – cela tombe peut-être sous le sens, mais cela va mieux en le disant, et c'est la précision que je propose d'apporter. Les organisations syndicales pourraient y trouver un point d'appui légal pour dénoncer un circuit de signalement interne défaillant, par exemple une personne de la structure qui recueillerait l'alerte alors qu'elle est en lien avec la direction de l'entreprise.
C'est une précision que j'ai ajoutée dans le libellé de mon amendement relatif au décret, s'agissant du canal externe de signalement. Il serait bon de faire la même chose pour le canal interne, effectivement. J'en parlerai au Gouvernement.
Il n'y a pas de doute sur le fond, puisque la directive est claire sur ce point : c'est un impératif. Reste à savoir s'il faut le placer dans les dispositions qui encadre le décret ou directement dans ce dernier. En tout cas, en droit, cela ne change pas la nature des choses. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL40 de Mme Cécile Untermaier.
Nous avons cherché à rapprocher les référents déontologues et de lanceurs d'alerte, pour faire en sorte qu'ils ne coexistent pas de manière indépendante et parallèle dans le futur dispositif.
Je n'adhère pas à ce modèle. Il n'est pas souhaitable d'imposer le dispositif du référent déontologue, qui existe déjà dans la fonction publique, à de petites structures. Je parie sur la mise en concurrence directe du canal interne avec un canal externe. Plutôt que de chercher à réglementer le canal interne sous toutes les coutures, laissons faire l'entreprise. Si son canal interne est déficient, personne ne l'utilisera ; tous les signalements se feront à l'extérieur. Je préfère ne pas « surlégiférer », convaincu que c'est l'intérêt de l'entreprise d'avoir un canal interne performant. Avis défavorable.
Toute l'intelligence du dispositif est d'ailleurs de contraindre sans le dire, à travers une mise en concurrence qui fait que l'entreprise aura intérêt à développer le canal interne.
Notre propos était de rappeler, l'évaluation de la loi « Sapin 2 » ayant révélé un important déficit d'information, que les référents déontologues sont des organes d'information utiles. Ces référents suivent des formations, et se trouvent à un lieu de croisement de l'information. Il s'agissait, non de le surcharger ou de l'imposer lorsqu'il n'existe pas, mais de dire que, quand il existe, il doit prendre sa part d'information s'agissant des lanceurs d'alerte.
C'est un sujet de communication en effet très important, c'est pourquoi je donnerai un avis favorable à votre amendement visant à obliger l'entreprise à annexer à son règlement intérieur le texte de loi pour informer les salariés de leurs droits.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL66 de Mme Cécile Untermaier et sous-amendement CL152 du rapporteur.
Il s'agit de transposer en droit interne une disposition importante de la directive préconisant de faciliter l'organisation d'un service de recueil et de traitement des signalements commun à différents organismes, sans préjudice des obligations de préserver la confidentialité.
Permettre aux entités de mutualiser leurs canaux de signalement interneest une très bonne idée. Je propose d'étendre cette possibilité dès le premier salarié. Avis favorable, sous réserve de l'adoption du sous-amendement.
La commission adopte successivement le sous-amendement et l'amendement sous-amendé.
Amendement CL83 de M. Ugo Bernalicis.
La rédaction de cet amendement ne me satisfait pas mais je souhaite m'assurer que les ordres professionnels devront mettre en place un circuit de signalement interne.
Votre demande est satisfaite, puisque les ordres professionnels peuvent à la fois organiser leur circuit et être considérés comme des entités externes – ils figureront à ce titre dans le décret en Conseil d'État.
L'amendement est retiré.
La commission adopte l'amendement rédactionnel CL115 du rapporteur
Amendement CL67 de Mme Cécile Untermaier.
Il s'agit de préciser que les membres non exécutifs de l'organe d'administration, tels les bénévoles ou les stagiaires, peuvent effectuer un signalement.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL143 du rapporteur.
L'amendement précise la définition du canal externe. Il apparaissait nécessaire de rappeler, notamment, que ce peut être l'autorité judiciaire ou, suite à la suppression de l'alinéa 6 de l'article 2, un organe de l'Union européenne.
Les autorités externes compétentes, dont la liste est fixée par le décret en Conseil d'État, sont choisies parmi les autorités administratives, les autorités publiques indépendantes, les autorités administratives indépendantes, les ordres professionnels et les personnes morales chargées d'une mission de service public.
Ce même décret doit fixer les conditions d'indépendance et d'impartialité de la procédure et les délais du retour d'informations des autorités externes aux auteurs des signalements. Enfin, il doit encadrer la formation des personnes concernées – une omission que Mme Nicole-Marie Meyer nous a signalée lors de son audition –, la réévaluation des procédures et les informations qui devront être transmises au Défenseur des droits pour la rédaction de son rapport.
Les amendements suivants étant susceptibles de tomber avec l'adoption de cet amendement, j'invite leurs auteurs à prendre la parole.
Nous proposions que le décret précise le délai dans lequel les administrations doivent répondre aux autorités externes qui enquêtent sur un signalement.
Nous entendions aussi préciser que les autorités externes relèvent des autorités judiciaires, administratives et des ordres professionnels.
La demande de M. Orphelin, qui concerne le délai de réponse des administrations, n'est pas satisfaite par l'amendement du rapporteur : le décret fixe seulement les délais du retour d'informations fait par les autorités externes aux auteurs des signalements. Or, bien souvent, en raison des retards de l'administration, une organisation comme la CNDASPE ne parvient pas à tenir les délais qui lui sont imposés.
Nous fixons à l'autorité externe un objectif de résultat : elle est chargée de traiter l'alerte, selon sa complexité, en trois ou six mois. Prévoir des délais intermédiaires pour chaque administration, comme autant de sous-objectifs, serait contre-productif.
La commission adopte l'amendement.
En conséquence, les amendements CL54 et CL53 de Mme Cécile Untermaier, les amendements identiques CL12 de Mme Élisabeth Toutut-Picard et CL100 de M. Matthieu Orphelin, les amendements CL68 de Mme Cécile Untermaier et CL28 de Mme Marie-George Buffet tombent.
Amendements CL55 et CL56 de Mme Cécile Untermaier.
En cas de clôture d'une procédure de signalement par une autorité compétente externe, cette dernière doit notifier et motiver sa décision à l'auteur du signalement.
Je suis d'accord sur le fond, mais sur la forme, cette précision relève du décret en Conseil d'État prévu par l'amendement que nous venons d'adopter. Je m'efforcerai de trouver, d'ici à la séance, une rédaction qui convienne.
Les amendements sont retirés.
Amendement CL129 du rapporteur.
Lorsqu'il y a erreur d'aiguillage et que l'autorité saisie s'estime incompétente, l'alerte doit pouvoir être réorientée directement, sans passer par le Défenseur des droits.
La commission adopte l'amendement.
Amendement CL144 du rapporteur.
Sur suggestion du Conseil d'État, cet amendement vise à rappeler que la divulgation publique reste un droit, au titre de la liberté d'expression.
La commission adopte l'amendement.
Amendement CL116 du rapporteur.
Cet amendement reprend les critères fixés par la directive en matière de divulgation publique : en l'espèce, lorsque la personne a effectué un signalement interne et externe, ou directement externe, et qu'aucune mesure appropriée n'a été prise en réponse au signalement dans les délais fixés.
La commission adopte l'amendement.
Amendement CL117 du rapporteur.
Cet amendement reprend également les critères fixés par la directive en matière de divulgation publique, en précisant que le motif du danger imminent ou manifeste pour l'intérêt général peut consister en un « risque de préjudice irréversible ».
La commission adopte l'amendement.
Amendement CL118 du rapporteur.
Là encore, il s'agit de rétablir les critères de la directive pour définir les conditions dans lesquelles les dysfonctionnements de l'autorité externe justifient la divulgation publique.
La commission adopte l'amendement.
Elle adopte l'article 3 modifié.
Après l'article 3
Amendement CL61 de M. Dominique Potier et sous-amendement CL151 du rapporteur.
Il est important d'informer les salariés sur leurs droits. L'amendement propose de compléter le règlement intérieur avec un rappel des dispositions applicables aux lanceurs d'alerte. J'y suis favorable, sous réserve de l'adoption de mon sous-amendement qui prévoit de retirer du règlement intérieur la présentation de la procédure d'alerte interne à l'entreprise, celle-ci devant faire l'objet d'une procédure de consultation spécifique.
La commission adopte successivement le sous-amendement et l'amendement sous-amendé.
Amendement CL104 de M. Matthieu Orphelin.
Par cohérence avec le nouveau cadre législatif et réglementaire, la CNDASPE doit pouvoir être saisie par un lanceur d'alerte.
Nous avons beaucoup échangé avec le président de la CNDASPE. La commission est dans un entre-deux et il convient de clarifier sa position. Toutefois, ce texte n'a pas vocation à modifier ses compétences.
L'amendement est retiré.
L'amendement CL80 de M. Ugo Bernalicis est retiré.
Amendement CL81 de M. Ugo Bernalicis.
L'autorité judiciaire peut être amenée à rendre publics des éléments. Elle doit prévenir l'auteur du signalement et lui donner les raisons de cette divulgation qui pourrait lui être préjudiciable.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement.
Amendement CL63 de Mme Cécile Untermaier.
Dans de très nombreuses entreprises, la procédure d'alerte n'a pas été mise en place. Il convient de prévoir une sanction en cas d'absence de canal interne.
Avis défavorable. La commission des sanctions de l'Agence française anticorruption (AFA) peut sanctionner l'absence de canal de signalement interne. En outre, de même façon qu'il peut le faire lorsqu'une entreprise n'organise pas d'élection des représentants du personnel, tout salarié peut saisir le juge, qui constatera le défaut et prononcera une sanction.
La mise en concurrence du canal interne et du canal externe, c'est la réponse absolue. Ce serait pure folie pour une entreprise de ne pas se doter d'un canal de signalement interne. Faut-il prévoir une amende ? La sanction est immédiate : les gens passeront par le canal externe, ce qui nuira à la fluidité et à la rapidité des procédures. Il ne faut pas alourdir les contraintes pesant sur le canal interne.
Je suis d'accord qu'il faut un dispositif fluide mettant en responsabilité les chefs d'entreprise. Toutefois, si nous imposons un dispositif par la loi, nous ne pouvons pas laisser penser que sa mise en œuvre est à l'appréciation du chef d'entreprise. C'est une question de cohérence. Si cette mise en œuvre est impérative, il faut assortir son absence d'une sanction.
Nous demandons une sanction administrative, car il ne faut pas alourdir la charge de travail du juge judiciaire de cette question. J'ignore si l'AFA répond à cette exigence et peut sanctionner. Quoi qu'il en soit, nous ne pouvons plus renvoyer au juge les chefs d'entreprise qui ne se conforment pas à leurs obligations.
Le périmètre de l'AFA n'est pas exactement identique à celui qui exige la mise en œuvre d'un circuit interne pour les lanceurs d'alerte. Son objet est de prévenir les éventuelles dérives internes à l'entreprise en matière de corruption. Les deux sont proches mais ne se confondent pas. Par ailleurs, je ne rouvrirai pas le débat sur les moyens de l'AFA et sa capacité à mener des contrôles, mais il n'est pas clos. Prévoir une amende me semble une bonne idée, d'autant qu'elle est d'ordre symbolique pour les entreprises. Je voterai l'amendement.
L'amende me semble inopérante. Il n'y en aura quasiment aucune. Dans le cas des référents harcèlement, il n'y a pas de sanction, mais l'absence de désignation d'un référent harcèlement engage la responsabilité de l'entreprise en cas de problème, et des sanctions lourdes sont prévues en cas de représailles.
J'ai pris le parti de ne pas alourdir les contraintes pesant sur le canal interne. La meilleure sanction est le recours direct des salariés au canal externe, qui fera rapidement comprendre au patron de l'entreprise concernée qu'il a tout intérêt à disposer d'un canal interne performant, et qu'à défaut il se pénalise lui-même.
Par ailleurs, outre qu'une amende de 3 750 euros ne changera rien, qui l'inflige ? Sur la base de quels contrôles ? Nous avons demandé aux inspecteurs du travail s'ils souhaitaient ajouter cette sanction à leur liste ; ils ne le souhaitent pas. Il aurait fallu prévoir une amende dans la loi « Sapin 2 », qui a introduit l'obligation de recourir au canal interne. À présent, il est trop tard.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL85 de M. Ugo Bernalicis.
Cet amendement un peu particulier procède d'une bonne idée. Avant de le présenter, j'indique que, vérification faite, l'AFA se penche sur les faits de corruption, de trafic d'influence, de concussion, de prise illégale d'intérêts, de détournement de fonds publics et de favoritisme, qui certes sont ceux que peuvent dénoncer les lanceurs d'alerte, mais au sein d'un périmètre plus large.
La convention judiciaire d'intérêt public (CJIP) conclue entre une personne morale et une juridiction, qui est le plus souvent le parquet national financier (PNF), prévoit une peine de programme de mise en conformité (PPMC) pour éviter la répétition de l'infraction. Son application est contrôlée par l'AFA.
Nous pourrions faire en sorte que les PPMC soient prononcées en toutes matières, ce qui en fait est déjà le cas, mais tous les faits n'ont pas vocation à être présentés devant une juridiction. Il faut prévoir la possibilité de prononcer une PPMC pour toute alerte lancée, afin que le fait central sur lequel elle porte ne se reproduise pas. Nous renvoyons à un décret en conseil d'État la détermination des autorités compétentes par domaines et des délais. En somme, il s'agit d'appliquer aux lanceurs d'alerte la procédure de mise en conformité prévue par les CJIP.
Je confirme qu'il s'agit d'une idée particulière, et même compliquée. Monsieur Bernalicis, vous êtes peut-être trop visionnaire ! Peut-être pourrons-nous prendre cette mesure lorsque le système aura tourné deux ou trois ans. Une mise en conformité suppose l'existence de référentiels. L'amendement nous amènerait un cran plus loin dans leur normalisation. Il est trop compliqué de prévoir la saisine des autorités sur la base d'une mise en conformité à l'aune d'un référentiel qui n'existe pas. L'idée est bonne, mais elle vient trop tôt.
La commission rejette l'amendement.
Article 4 (article 9 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique) : Protection de la confidentialité des alertes
Amendement CL101 de M. Matthieu Orphelin et sous-amendement CL154 du rapporteur.
Dans le domaine des atteintes à la santé ou à l'environnement, certaines manifestations du danger peuvent se produire de manière très différée, voire à une échelle transgénérationnelle. Le présent amendement vise à préciser que des éléments de signalement dans le domaine de la santé et de l'environnement peuvent être conservés pendant trente ans au plus. Je remercie M. le rapporteur d'avoir déposé un sous-amendement, qui permettra de l'adopter.
Mme Toutut-Picard, qui est très impliquée dans la CNDASPE, avait déposé un amendement identique et regrette de ne pouvoir le défendre.
Il me semble tout à fait pertinent, ainsi qu'à la CNDASPE, de tenir compte de la spécificité des enjeux de santé et d'environnement. Le sous-amendement CL154, de coordination, ne modifie pas le cœur de l'amendement et assure sa cohérence avec l'amendement immédiatement suivant, CL153, que je rectifie en supprimant son dernier alinéa.
La commission adopte successivement le sous-amendement et l'amendement sous-amendé.
Elle adopte l'amendement 153 rectifié du rapporteur.
La commission adopte l'article 4 modifié.
Après l'article 4
Amendement CL57 de Mme Cécile Untermaier.
Cet amendement vise à faire en sorte que les autorités externes rendent publiques et accessibles les conditions pour bénéficier d'une protection, les coordonnées des canaux de signalement externe, les procédures applicables au signalement de violations, le régime de confidentialité applicable aux signalements et les recours et procédures relatifs à la protection des lanceurs d'alerte. Il s'agit de combler une lacune de la loi « Sapin 2 » : l'information.
Sur le fond, je suis tout à fait d'accord : l'information est fondamentale. Cependant, si la communication de ces informations est une obligation et un enjeu majeur, elle relève, me semble-t-il, du pouvoir réglementaire.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL89 de M.Ugo Bernalicis.
Lors de l'examen de l'article 1er, nous avons envisagé d'introduire dans le décret une obligation d'information en cas de refus d'accorder à quelqu'un le statut de lanceur d'alerte. Le présent amendement prévoit qu'une telle décision est susceptible de recours, dont nous renvoyons les modalités à un décret, afin d'éviter de dresser un inventaire à la Prévert des divers cas, instances et recours possibles. Nous pouvons nous demander s'il faut prévoir un recours devant l'autorité externe « hiérarchique » ou devant le tribunal administratif. Ce qui importe est qu'un recours soit possible.
Les recours de droit commun, applicables à toute décision prise par un juge, suffisent. Surtout n'en inventons pas de nouveaux pour les lanceurs d'alerte ! Avis défavorable.
L'amendement ne crée pas un recours, il prévoit sa possibilité et renvoie ses modalités à un décret. La possibilité d'un recours doit être précisée, fût-ce dans le décret.
Le recours de droit commun est d'ores et déjà prévu devant les tribunaux administratifs lorsqu'une décision administrative est cause de préjudice. Il ne semble pas nécessaire de créer une procédure spécifique qui alourdira le dispositif.
Ce qui m'importe, c'est qu'un recours soit possible et que le droit s'applique. Il peut être utile de rappeler dans le décret que la décision doit être motivée et que les voies et délais de recours contre la décision doivent être précisées. Certes, le droit prévoit que toute décision administrative doit le faire, sans quoi elle est attaquable ad vitam æternam. Toutefois, il arrive que tel ne soit pas le cas.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL93 de M. Ugo Bernalicis.
Cet amendement, qui reprend une disposition de la proposition de loi visant à la protection effective des lanceuses et des lanceurs d'alerte, me tient à cœur. Il s'agit notamment de recharger le compte personnel de formation (CPF) des lanceurs d'alerte pour leur permettre de se reconvertir lorsqu'ils sont blacklistés dans leur secteur d'activité. Il s'agit également de leur donner accès aux emplois réservés de la fonction publique, en s'inspirant des dispositions applicables aux sportifs de haut niveau, qui bénéficient de facilités pour entrer dans l'administration.
Retrouver du travail dans le secteur privé après avoir lancé une alerte peut être compliqué. L'amendement leur offre un filet de sécurité, pour intégrer la fonction publique s'ils le souhaitent, par le biais d'un emploi réservé, ou pour se former à un autre métier du secteur privé.
Avis défavorable. Contrairement au sportif de haut niveau, qui participe à des compétitions et se reconvertit, le lanceur d'alerte bénéficie de son statut pour une durée variable, de quelques semaines ou de quelques mois. Pendant combien de temps les dispositions proposées seraient-elles applicables ? Certes, la question se pose de savoir quoi faire après avoir lancé une alerte, surtout en cas de représailles, mais la solution proposée ne me semble pas bonne.
Concrètement, un lanceur d'alerte ne sait pas vraiment qu'il fait l'objet de représailles, qui ne sont jamais assumées comme telles. Il multipliera les entretiens d'embauche auprès d'entreprises qui lui diront « Désolé, nous avons pris quelqu'un d'autre ». Il ne saura jamais que sa candidature est refusée parce que les recruteurs ont constaté un trou dans son CV, appris qu'il a été lanceur d'alerte ou fait des recherches sur Google. Nous nous honorerions de prévoir une voie particulière pour lui permettre de retrouver du travail.
S'agissant des sportifs de haut niveau, ils ne bénéficient pas d'emplois réservés uniquement pour leur reconversion. Ils y ont accès d'emblée pour les aider à concilier leurs entraînements et leur vie professionnelle.
Le problème de cet amendement, dont je comprends la motivation, est qu'il crée un intéressement et va ainsi à l'encontre de ce que nous souhaitons. Nous sommes tous d'accord en effet sur la nécessité de faire en sorte que le lanceur d'alerte ne doit pas être intéressé, pour ne pas faire de lui un chasseur de primes. Je ne le voterai pas.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL99 de M. Ugo Bernalicis.
Il prévoit un rapport du Gouvernement sur l'effectivité de la protection des lanceuses et lanceurs d'alerte dans chacune des administrations de l'État, afin que nous puissions effectuer un suivi de ce que nous avons décidé.
J'émets un avis très défavorable, pour deux raisons. S'agissant d'une proposition de loi, il nous incombe d'en évaluer l'application. Nous n'allons certainement pas demander au Gouvernement de le faire, soit dit en forme de boutade !
Par ailleurs, le Défenseur des Droits, qui publie un rapport annuel, a la responsabilité de statuer sur le fonctionnement global du système, qu'il faut laisser tourner un ou deux ans. Chaque autorité devra rendre des comptes sur la façon dont elle traite les alertes. C'est à nous de demander des comptes au Gouvernement et de réfléchir à l'évaluation globale du dispositif. Demander au Gouvernement une évaluation des dispositions que nous adoptons ne vous ressemble pas, cher collègue !
Les deux ne sont pas incompatibles. Demander au Gouvernement un rapport ne nous empêche pas de mener des missions d'information et de rédiger des rapports d'application de la loi, et n'empêche pas le Défenseur des Droits de faire connaître son point de vue. Je crois à la multiplication des points de vue sur un objet pour se faire un avis totalement éclairé.
Surtout, je le dis une bonne fois pour toutes, l'Assemblée nationale n'a pas les moyens dont dispose un ministère. Et cela n'a rien d'anecdotique ! Si on me prête l'administration d'un ministère, je n'aurai aucun problème pour rédiger un rapport !
L'administration répond aux demandes d'information formulées par le Parlement dans le cadre de ses missions.
La commission rejette l'amendement.
Titre III mesures renforçant la protection des lanceurs d'alerte
Article 5 (article 10-1 [nouveau] de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique) : Renforcement des protections contre les représailles
La commission adopte l'amendement rédactionnel CL119 du rapporteur.
Amendement CL120 du rapporteur.
Cet amendement vise à améliorer la rédaction de l'article 10‑1 nouveau de la loi du 9 décembre 2016. Il tend à introduire la notion de mesures de représailles dès le début de celui-ci, dans la mesure où il y est fait référence par la suite.
La commission adopte l'amendement.
Amendement CL150 du rapporteur.
Cet amendement a pour objet de clarifier la liste des mesures de représailles contre lesquelles la loi protège les lanceurs d'alerte. Les quinze mesures qui figurent actuellement dans le texte sont reprises exactement de la directive. Nous avons eu des débats à ce sujet avec les différents ministères, et il y a deux écoles de pensée : certains souhaitent s'en tenir à cette liste ; le ministère du travail, pour sa part, préfère renvoyer aux dispositions pertinentes du code du travail.
Je privilégie cette seconde solution : par mon amendement, je propose de supprimer onze des quinze points de la liste et de faire référence aux articles pertinents du code du travail et de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. De la sorte, si le droit du travail et le statut des fonctionnaires sont amenés à évoluer, le régime des lanceurs d'alerte évoluera lui aussi. Par ailleurs, certaines notions issues de la directive, notamment la mise sur liste noire – qui correspond au cas que vous évoquiez précédemment, monsieur Bernalicis –, n'existent pas en droit français.
Pour être sûrs de ne rien oublier, nous avons dressé un tableau de correspondance entre les quinze mesures de représailles de la liste initiale et les dispositions existantes du droit français, notamment du code du travail. Je tiens ce tableau à votre disposition. Il en ressort que quatre mesures de représailles ne figurent pas dans notre droit. Nous avons donc décidé d'en conserver la mention dans le texte.
Je n'ai pas eu le temps d'analyser votre amendement, monsieur le rapporteur, mais je vous fais plutôt confiance. Je souhaite néanmoins appeler votre attention sur le fait que la dégradation des conditions de travail ne figure pas dans la liste initiale. Or les conditions de travail peuvent être dégradées de manière très lente mais très sûre. Cela correspond à des situations très simples telles que la mise au placard – qui peut être prise en considération au titre du harcèlement, mais ne l'est pas toujours – ou la suppression de la voiture de fonction. La dégradation des conditions de travail est-elle couverte par la rédaction que vous proposez ?
La suppression des avantages est clairement incluse. Je vous diffuserai à tous le tableau de correspondance. Si, d'ici à l'examen du texte en séance publique, l'un d'entre vous relève que l'une des quinze mesures de représailles n'est pas couverte par mon amendement, je proposerai de l'ajouter au texte.
La rédaction initiale pose en effet un problème, puisque la mise sur liste noire est envisagée à l'échelle d'un secteur ou d'une branche d'activité mais non à l'échelle d'un territoire, alors que cette pratique est tout aussi condamnable. Monsieur le rapporteur, je vous remercie d'avoir traité cette question, importante aux yeux de certains acteurs, notamment de la CNDASPE. Je retire mon amendement CL102 et vérifierai volontiers que rien n'a été oublié au vu du tableau que vous nous diffuserez.
Les amendements CL35 de Mme Alexandra Louis et CL102 de M. Matthieu Orphelin sont retirés.
La commission adopte l'amendement CL150.
En conséquence, les amendements CL6 de Mme Marie-France Lorho, CL17 de Mme Emmanuelle Ménard, CL7 et CL8 de Mme Marie-France Lorho, CL14 de Mme Élisabeth Toutut-Picard et CL76 de M. Jean-Félix Acquaviva tombent.
La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL121 et CL123 du rapporteur.
Amendement CL21 de Mme Alexandra Louis.
Je n'y suis pas favorable. La formule « au vu des éléments » est souvent utilisée dans le droit français. Je suis d'avis de la conserver.
La commission rejette l'amendement.
La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL122 et CL124 du rapporteur.
Amendement CL125 du rapporteur.
Il vise à préciser que l'irresponsabilité civile vaut uniquement pour les dommages ayant un lien avec l'alerte, et non de manière générale.
La commission adopte l'amendement.
Amendement CL98 de M. Ugo Bernalicis.
Il vise à insérer, à la fin de l'alinéa 20, la phrase suivante : « Le devoir de réserve n'est pas opposable aux agents publics ayant signalé ou divulgué des informations conformément aux articles 6 et 8 [de la loi du 9 décembre 2016]. » Il me semble que c'est le bon endroit pour le faire.
Le statut des fonctionnaires prévoit de nombreuses obligations, entre autres de neutralité, d'impartialité et de loyauté. L'administration peut reprocher à un fonctionnaire lanceur d'alerte d'avoir manqué à l'une de ces obligations et chercher à lui infliger une sanction. Nous proposons qu'elle ne puisse pas invoquer à cette fin le devoir de réserve, qui est la plus floue de ces notions, y compris dans la jurisprudence.
Certes, le texte dispose déjà qu'aucune personne ne peut faire l'objet d'une mesure disciplinaire pour avoir lancé une alerte. Mais il est possible de biaiser en invoquant ce fameux devoir de réserve. C'est un cas non pas hypothétique, mais concret : le policier Amar Benmohamed est mis en cause en ce moment pour manquement au devoir de réserve, en raison de l'alerte qu'il a lancée. C'est une pratique qui a cours et à laquelle il faut parer.
Je vous confirme que cela aurait été le bon endroit pour introduire cette disposition, mais j'y demeure défavorable. Il revient bien sûr au juge d'apprécier chaque cas d'espèce. Mais, si la personne a agi conformément aux articles 6 et 8 de la loi du 9 décembre 2016, qui fixent un cadre très précis, le juge ne lui déniera pas la qualité de lanceur d'alerte au motif qu'elle est soumise à un devoir de réserve. Il n'existe aucun fondement juridique en ce sens.
Permettez-moi d'insister, monsieur le rapporteur. En droit, c'est exact, l'administration n'est pas censée opposer le devoir de réserve à un agent en raison d'une alerte qu'il a lancée. Pourtant, elle le fait.
Je n'ai travaillé que quatre ans dans l'administration, mais cela m'a suffi pour voir un certain nombre de choses. Certaines administrations font une analyse coûts-avantages et engagent des procédures disciplinaires même si elles savent qu'elles risquent in fine de perdre devant le tribunal administratif. Je l'ai déjà vu et on continuera de le voir. Par cet amendement, nous entendons adresser un message clair aux administrations : n'essayez même pas d'emprunter cette voie ; sinon, vous perdrez en cas de contentieux.
Si vous avez été confronté à un cas où on s'est appuyé sur le devoir de réserve pour contester la qualité de lanceur d'alerte à une personne ayant procédé à un signalement dans les conditions prévues par la loi, veuillez m'en faire part, et nous l'examinerons d'ici à la discussion en séance publique. Je le dis clairement : le devoir de réserve n'est pas opposable à un lanceur d'alerte.
Selon moi, il n'y a pas lieu de rappeler qu'il n'est pas légal d'invoquer ainsi le devoir de réserve. En revanche, je pourrais admettre que le législateur remette en cause, à cet égard, une éventuelle jurisprudence avec laquelle il serait en désaccord.
Je suis de l'avis du rapporteur. On ne peut pas priver l'administration d'un moyen de défense qu'elle peut légitimement invoquer, étant entendu qu'il appartient in fine au juge de trancher. S'il s'avère que la personne n'est pas un lanceur d'alerte, elle pourra être sanctionnée pour manquement au devoir de réserve.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL149 du rapporteur.
L'article 122-9 du code pénal prévoit l'irresponsabilité pénale de la personne qui porte atteinte à un secret protégé par la loi pour lancer une alerte. Afin de tirer les conséquences de l'avis du Conseil d'État, l'amendement vise à étendre l'irresponsabilité pénale à la soustraction, à la révélation et au recel – c'est-à-dire à la dissimulation, à la détention ou à la transmission – de données soumises au secret ou de données confidentielles dès lors que ces faits sont commis dans le but de réaliser un signalement. Conformément à la rédaction actuelle de l'article 122-9, les éventuelles infractions commises devront être nécessaires et proportionnées à l'objectif visé. L'amendement tend en outre à préciser que l'article 122-9 s'applique aux facilitateurs, ce qui est un point très important.
Fort bien, mais cela me semble un peu étrange au regard du débat que nous avons eu sur l'article 1er de la proposition de loi, qui exclut du régime de l'alerte les faits, informations ou documents couverts par le secret de la défense nationale, le secret médical, le secret des délibérations judiciaires, le secret de l'enquête et de l'instruction ou le secret des relations entre un avocat et son client. Si le secret est observé, c'est notamment parce qu'il y a une sanction pénale en cas de manquement.
Il n'y a pas de contradiction. Le lanceur d'alerte doit avoir respecté l'article 6 de la loi du 9 décembre 2016, qui préserve effectivement ces cinq secrets. Mais il est question ici des autres secrets protégés par la loi, par exemple le secret des affaires.
La commission adopte l'amendement.
Amendement CL126 du rapporteur.
Il vise à établir une distinction entre les mesures de représailles et les procédures bâillons. En effet, si les procédures bâillons étaient considérées comme des mesures de représailles, les sanctions pénales qui s'y rattachentpourraient porter atteinte au droit au recours, qui est un principe constitutionnel.
La commission adopte l'amendement.
La commission adopte l'amendement rédactionnel CL127 du rapporteur.
Amendement CL71 de Mme Cécile Untermaier.
J'ai bien compris l'épure dans laquelle vous vous inscrivez, mais je suis persuadée qu'il faudra à un moment donné traiter la question très importante des personnes morales facilitatrices, notamment des associations. Je suis corapporteure d'une mission flash sur la capacité des associations à agir en justice, et nous voyons bien que la justice n'est pas uniquement l'œuvre des magistrats et des avocats. C'est un vaste champ de réflexion qui s'ouvre.
Indépendamment des associations, mon groupe politique s'est interrogé sur la manière de protéger les lanceurs d'alerte, voire d'inciter les personnes concernées – c'est bien l'objectif de la proposition de loi – à devenir des lanceurs d'alerte. Or la possibilité pour le lanceur d'alerte de trouver refuge dans une association est un élément essentiel. Certains lanceurs d'alerte souhaitant préserver leur anonymat, nous proposons que les associations bénéficient de la protection du secret de leurs sources. Certes, c'est une question très difficile, et une telle proposition relève de l'impertinence, voire de l'esprit d'aventure ! Précisons néanmoins qu'il s'agit de protéger non pas l'association, mais le lanceur d'alerte. L'obligation de préserver l'anonymat s'imposerait à l'association, si le lanceur d'alerte le demande.
C'est effectivement un point très important. Comme je l'ai dit à plusieurs reprises lors des auditions – auxquelles vous avez assisté, et je vous remercie de votre assiduité –, la protection du secret des sources est un régime propre au métier de journaliste et va de pair avec l'existence d'un conseil déontologique, d'une déontologie, d'une formation. De mon point de vue, les associations n'ont pas vocation à en bénéficier, même lorsqu'elles aident un lanceur d'alerte. Je ne suis pas favorable à son extension.
Je suis bien conscient que je n'apporte pas de réponse au problème que vous soulevez. Je rappelle néanmoins qu'il existe déjà un garde-fou : la divulgation de l'identité du lanceur d'alerte sans l'accord de celui-ci est constitutive d'un délit lourdement sanctionné. Cela protège fortement son anonymat, notamment vis-à-vis de son employeur, mais pas vis-à-vis du juge, ce qui me paraît relever de l'évidence. Pourtant, certaines associations voudraient ne pas avoir à communiquer cette identité au juge lorsque celui-ci la leur demande dans le cadre d'une enquête – elles me l'ont dit très clairement.
La commission rejette l'amendement.
La commission adopte l'article 5 modifié.
Article 6 (article L. 1132-3-3 du code du travail) : Extension de la protection des lanceurs d'alerte contre les représailles dans le champ professionnel
La commission adopte l'amendement de cohérence CL148 du rapporteur et l'article 6 est ainsi rédigé.
Article 7 (article 12, 12-1 [nouveau] et 12-2 [nouveau] de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique) : Facilitation de la réinsertion des lanceurs d'alerte du secteur privé, et saisine du juge administratif en référé-liberté
La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL135, CL136 et CL140 du rapporteur.
Elle adopte l'article 7 modifié.
Après l'article 7
Amendement CL91 de M. Ugo Bernalicis.
L'amendement demande au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport dans lequel il précise l'état de la jurisprudence, évalue les formations pour l'ensemble des acteurs judiciaires et formule des recommandations pour renforcer l'effectivité de cette procédure de référé.
Il a pu arriver, en effet, qu'une lanceuse d'alerte voie son affaire de licenciement renvoyée au fond par le conseil des prud'hommes saisi en référé, sans parler des procédures de référé plus classiques qui ne respectent pas les délais.
J'entends votre appel mais cette préoccupation s'intégrera dans le cadre de l'évaluation globale à laquelle nous devrons procéder. Un rapport supplémentaire n'est pas nécessaire.
L'amendement est retiré.
Article 8 (article 13 et 13-1 [nouveau] de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique) : Sanctions civiles et pénales en cas de procédures abusives ou dilatoires et de représailles
Amendement CL141 du rapporteur.
Il s'agit de préciser la nature des représailles pouvant conduire au prononcé d'une sanction pénale.
La commission adopte l'amendement.
Elle adopte l'article 8 modifié.
Article 9 (article 14-1 [nouveau] de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique) : Soutien psychologique et financier aux lanceurs d'alerte
Amendement CL137 du rapporteur.
L'amendement tend à assurer la constitutionnalité du dispositif en ouvrant la possibilité pour les autorités externes d'assurer un soutien psychologique et un secours financier temporaire, sans obligation. Le Conseil d'État a en effet relevé qu'en tant qu'elles s'appliquent au Défenseur des droits, les dispositions envisagées sont contraires à la Constitution.
Le dispositif le plus puissant, cependant, est celui qui consiste à faire porter le coût de la défense à l'attaque. Cela videra de sa substance la procédure-bâillon.
Malheureusement, il ressort des auditions que ces autorités n'ont pas les moyens d'apporter de soutien psychologique ou financier. Il est dommage que l'article 9 entache ainsi un dispositif très sérieux. La création d'un fonds financier serait une solution. Le Gouvernement pourrait-il nous y aider ?
Il faudrait confier à la commission d'indemnisation des victimes d'infraction (CIVI) ou au fond de garantie des victimes la compétence d'évaluer le préjudice et d'apporter un secours financier. Offrir un soutien psychologique devrait être une obligation et non une faculté. Pourquoi ne pas désigner la médecine du travail ? Il faut bien que quelqu'un s'en charge sinon le lanceur d'alerte se retrouvera seul !
La commission adopte l'amendement.
Elle adopte l'amendement rédactionnel CL138 du rapporteur.
La commission adopte l'article 9 modifié.
Article 10 (article L. 911-1-1 du code de justice administrative) : Réintégration des agents publics lanceurs d'alerte en cas de représailles
La commission adopte l'article 10 non modifié.
Article 11 (article L. 151-8 du code de commerce) : Alertes portant atteinte au secret des affaires
La commission adopte l'amendement rédactionnel CL139 du rapporteur.
Elle adopte l'article 11 modifié.
Après l'article 11
Amendement CL94 de M. Ugo Bernalicis.
Je profite de cet amendement pour regretter que celui relatif à la CIVI ait été déclaré irrecevable en vertu de l'article 40. J'adjure nos collègues de la majorité de trouver une solution pour que ce texte ne reste pas lettre morte. Le soutien psychologique est essentiel.
J'ai bien saisi l'importance du sujet mais vous ne pouvez pas dire qu'il ne restera rien de ce texte si cette disposition n'est pas prise. N'oublions pas que les frais de justice restent le principal obstacle. Nous y répondons. Par ailleurs, un préjudice appelle réparation. Reste cette période intermédiaire durant laquelle le lanceur d'alerte est fragilisé. Nous devrons trouver une solution.
Quid de la prise en charge des frais de justice pour engager une procédure en référé, pour laquelle il est préférable de faire appel à un avocat ?
La commission rejette l'amendement.
Titre IV Dispositions finales
Avant l'article 12
La commission adopte l'amendement de coordination CL128 du rapporteur.
Article 12 : Entrée en vigueur
La commission adopte l'article 12 non modifié.
Article 13 : Gage financier
La commission adopte l'amendement CL161 du Gouvernement qui lève le gage et l'article 13 est supprimé.
La commission adopte l'ensemble de la proposition de loi modifiée.
Nous en venons à l'examen des amendements à la proposition de loi organique visant à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d'alerte.
Article 1er (article 4 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits) : Extension de la compétence du Défenseur des droits en matière d'orientation et de protection des lanceurs d'alerte
Amendement CL12 du rapporteur.
Suite aux recommandations du Conseil d'État, cet amendement tend à définir précisément les missions du Défenseur des droits en matière d'orientation et de protection des lanceurs d'alerte. Il retire la mention du traitement des alertes qui se rattache à ses autres compétences. En revanche, il précise sa mission d'information et d'orientation des lanceurs d'alerte, prévue dans la directive et non mentionnée en l'état. Quant à la mention du rapport, elle est plus pertinente à l'article de la loi organique faisant référence au rapport annuel.
La commission adopte l'amendement et l'article 1er est ainsi rédigé.
En conséquence, l'amendement CL4 de Mme Cécile Untermaier tombe.
Article 2 (article 38-1 [nouveau] de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits) : Précision des missions du Défenseur des droits en matière d'orientation, de recueil et de traitement des alertes
La commission adopte l'amendement rédactionnel CL10 du rapporteur.
Amendement CL9 du rapporteur.
La commission adopte l'amendement.
Amendement CL7 du rapporteur.
L'amendement tend à clarifier la compétence du Défenseur des droits pour certifier la qualité de lanceur d'alerte d'une personne. Cette certification, qui ne s'imposera pas au juge, prendrait la forme d'un avis dont le lanceur d'alerte pourra se prévaloir au cours de ses différentes démarches.
La commission adopte l'amendement.
Amendement CL11 du rapporteur.
Lorsque le signalement relève de sa compétence, le Défenseur des droits le recueille et le traite, selon une procédure indépendante et autonome. Un décret en Conseil d'État précisera les délais et les garanties de confidentialité applicables à cette procédure, conformément aux exigences de la directive du Parlement européen et du Conseil, en date du 23 octobre 2019.
La commission adopte l'amendement.
Amendement CL8 du rapporteur.
La commission adopte l'amendement .
La commission adopte l'article 2 modifié.
Après l'article 2
Amendement CL13 du rapporteur.
Cet amendement vise à inscrire le rapport sur le fonctionnement global de la protection des lanceurs d'alerte dans l'article 36 de la loi organique du 29 mars 2011 qui concerne le rapport annuel du Défenseur des droits. Ce rapport devra être élaboré à partir des remontées d'informations transmises par les autorités externes.
La commission adopte l'amendement.
Juste quelques mots sur deux autres amendements de notre groupe qui ont été déclarés irrecevables et auxquels nous pouvons réfléchir. L'un tendait à accorder un bonus, sous la forme d'un avantage fiscal par exemple, aux entreprises qui recrutent un lanceur d'alerte. L'autre visait à proposer un soutien médico-psychologique plutôt que simplement psychologique.
La commission adopte l'ensemble de la proposition de loi organique modifiée
La réunion se termine à 16 heures 10.
Membres présents ou excusés
Présents. - M. Ugo Bernalicis, Mme Yaël Braun-Pivet, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Philippe Dunoyer, Mme Isabelle Florennes, M. Raphaël Gauvain, M. Guillaume Gouffier-Cha, Mme Alexandra Louis, Mme Valérie Oppelt, M. Matthieu Orphelin, M. Alain Tourret, Mme Cécile Untermaier, M. Sylvain Waserman
Excusés. - M. Éric Ciotti, M. Éric Diard, Mme Paula Forteza, M. Laurent Garcia, M. Mansour Kamardine, Mme Catherine Kamowski, M. Ludovic Mendes, M. Pierre Morel-À-L'Huissier, M. Rémy Rebeyrotte