La séance est ouverte à 15 heures.
Présidence de M. Jean-Louis Bourlanges, président.
Suite de l'examen, ouvert à la presse, et vote sur le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales (n° 3699) (M. Hervé Berville, rapporteur)
Article 1er (suite) : Objectifs de la politique de développement solidaire et programmation financière
La commission est saisie des amendements identiques AE27 de M. Bertrand Pancher et AE141 de M. Jean-Paul Lecoq.
. L'amendement AE27 vise à allouer 1 milliard d'euros supplémentaires à la mission « Aide publique au développement » d'ici à 2022, afin de remplir l'engagement présidentiel de 0,55 % du revenu national brut (RNB) alloué à l'aide publique au développement (APD) en valeur absolue, soit l'équivalent de 15 milliards d'euros en 2020. Ce ratio est calculé sur la base du RNB de 2019. Nous ne pouvons arguer de la chute du RNB en 2020 pour nous contenter de constater un gonflement artificiel de l'APD.
La crise sanitaire a accentué les besoins dans les pays concernés. Ce milliard supplémentaire sera le bienvenu. De tels amendements ne devraient poser aucun problème au rapporteur ni à M. le secrétaire d'État.
. Avis défavorable. La trajectoire financière de l'APD est en hausse dans ce quinquennat. Certes, les besoins se sont accentués, mais l'APD augmente en volume, en dépit de la diminution du RNB.
Mesdames et messieurs les membres de la commission, je suis ravi de vous rejoindre et de suppléer Jean-Yves Le Drian, qui, ce matin, est revenu avec vous sur les grands équilibres du texte, notamment la trajectoire budgétaire de l'APD. S'agissant des amendements en discussion, l'avis du Gouvernement est identique à celui du rapporteur.
La commission rejette les amendements.
La commission examine l'amendement AE171 de M. Jean-Luc Mélenchon.
. Avis défavorable. Depuis 2017, la mission « Aide publique au développement » est celle dont le budget augmente le plus fortement. Ceux qui proposent de l'augmenter davantage auraient sans doute demandé plus s'il avait progressé plus fortement encore. La trajectoire financière de l'APD est orientée à la hausse, à hauteur de 2,5 milliards d'euros au cours du quinquennat.
. Même avis. Les chiffres sont là, et plaident. Le budget de l'APD a augmenté d'année en année, à un rythme annuel de 16 % en moyenne. Nous sommes au rendez-vous.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AE340 du rapporteur.
Il vise à mettre à jour le montant exact des crédits de la mission « Aide publique au développement » adoptés dans le cadre de la loi de finances pour 2021, en le faisant passer de 3,935 à 3,925 milliards d'euros, du fait d'une taxation interministérielle de 10 millions d'euros.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle examine les amendements identiques AE45 de M. Bertrand Pancher, AE179 de M. Jean-Paul Lecoq et AE510 de M. Hubert Julien-Laferrière.
Il s'agit de faire clairement figurer le produit des financements innovants dans nos politiques d'aide au développement. Le fonds de solidarité pour le développement (FSD) a été créé pour contribuer au financement des pays en développement et tendre à réaliser les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), notamment dans le domaine de la santé. Il gère une part du produit de la taxe de solidarité sur les billets d'avion (TSBA) et de la taxe sur les transactions financières (TTF). Ces financements innovants sont affectés à l'aide publique au développement. Dans un contexte de creusement des inégalités provoqué par la pandémie en cours, il semble essentiel que la loi rappelle la nature de ces financements, afin de justifier leur augmentation bienvenue en 2022. Par ailleurs, comment ne pas rappeler l'intérêt que présente l'augmentation de la TTF ? Dans de nombreux pays européens, une envie d'aller plus loin se manifeste. La France a longtemps été le fer de lance de ces stratégies ; elle donne le sentiment que tel est nettement moins le cas. Enfin, il serait judicieux, pour réguler la finance, d'augmenter la TTF.
Il s'agit de rappeler la façon dont est abondé le FSD. S'il va sans dire qu'il est alimenté par la TTF et par la TSBA, il semble prudent de l'écrire dans la loi, ce qui d'ailleurs donne du sens au présent projet de loi de programmation, pour prévenir toute velléité de modifier cet état de fait. Le FSD est nécessaire au financement de l'APD. Il importe d'en rappeler le détail, fût-ce à titre symbolique.
Les financements innovants étaient mentionnés dans la rédaction originale du texte, avant d'en être retirés. J'aimerais savoir pourquoi. Il importe, me semble-t-il, de rappeler l'importance que nous attachons aux financements innovants, notamment dans la perspective de l'adoption d'une taxe sur les transactions financières dans l'Union européenne.
Chers collègues, je suis attaché comme vous à l'usage du FSD pour des objectifs définis – tel sera l'objet de plusieurs amendements dont nous débattrons ultérieurement –, d'une part, et, d'autre part, à la préservation de son financement par la TTF et la TSBA. La mention des financements innovants a été retirée du texte pour une raison juridique. Elle ne permet pas de répondre à la question que vous posez. Je suggère donc le retrait des amendements pour les retravailler, et émets à défaut un avis défavorable. Au demeurant, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2019, nous avons réaffecté 270 millions d'euros destinés à l'Agence française de développement (AFD) vers le budget général de l'État pour financer l'APD, considérant que le FSD doit être financé par des fonds verticaux et par des financements innovants.
Il n'y a aucun doute sur le fait que la France a été à la pointe des financements innovants. Chacun se souvient de l'engagement du président Chirac sur ce point. Politiquement, ce concept est une réalité. Juridiquement, c'est autre chose. J'émets donc un avis défavorable, tout en étant conscient de ce que représentent les financements innovants, dont la part dans l'APD n'est nullement remise en cause. C'est ainsi que le Gouvernement voit les choses.
Pour beaucoup de gens, les financements innovants ne signifient pas grand-chose, mais pas pour d'autres, notamment les Américains, qui ont bloqué la fameuse taxe Chirac sur les billets d'avion, pourtant approuvée par de nombreux pays du Nord. Il s'agissait de créer une taxe infime sur les billets d'avion pour financer la solidarité internationale avec les pays du Sud. Certains pays d'Europe, notamment le nôtre, l'ont adoptée d'office. D'autres ont opté pour une contribution volontaire en sus du prix des billets d'avion. Les financements innovants, pour les pays du Sud, sont complémentaires de ceux issus des diasporas, évoqués ce matin par notre collègue Sira Sylla, ainsi que de l'APD, qui, si elle ne s'amenuise pas, suscite un nombre croissant de questions s'agissant de son utilisation et de son montant. Il s'agit d'un débat important, que nous devons avoir en commission et dans l'hémicycle.
Il s'agit en effet d'un débat important, mais si nous ne l'avons pas lors de l'examen des amendements, quand l'aurons-nous ? Nous devons nous mettre au clair, si nous voulons éviter de nous demander ce que nous faisons ici. Si, lorsque nous présentons un amendement, le rapporteur et le Gouvernement nous disent qu'ils sont d'accord avec nous sur le fond, leurs avis respectifs devraient être favorables. Si les seuls amendements adoptés sont ceux qui ont été négociés entre certaines forces politiques sans que l'on sache comment – pour notre part, nous n'avons pas été invités aux négociations – ou entre le Gouvernement et le rapporteur, le débat n'aura pas lieu, car tout aura été décidé d'avance. Si, en commission, nous prenons le temps de nous convaincre les uns et les autres, et si le rapporteur et le Gouvernement expriment un accord sur le fond, adoptons nos amendements ! La rédaction du projet de loi n'en est pas à sa phase finale, nous pouvons encore travailler pour qu'elle vous convienne davantage.
La commission rejette les amendements.
Puis elle examine les amendements identiques AE44 de M. Bertrand Pancher, AE143 de M. Jean-Paul Lecoq et AE511 de M. Hubert Julien-Laferrière.
J'ajoute qu'ils offrent une chance au rapporteur et à M. le secrétaire d'État de se racheter !
Il s'agit de compléter la première phrase de l'alinéa 7 par les mots «, afin de financer les biens publics mondiaux ». L'APD doit financer la lutte contre les inégalités, la lutte contre la grande pauvreté et la préservation des biens publics mondiaux. Plusieurs de nos priorités sectorielles, notamment la santé, le climat et l'éducation, sont des biens publics mondiaux. On entend souvent dire que les financements innovants sont un peu opaques, que le FSD manque de lisibilité et de transparence, qu'on ne voit pas très bien à quoi il sert. Il me semble donc essentiel de rappeler au sein de l'article 1er que le FSD finance le système multilatéral de l'APD par le biais de grands fonds tels que Unitaid et Gavi en matière de santé, le Fonds vert pour le climat et le Partenariat mondial pour l'éducation (GPE), soit autant de biens publics mondiaux.
Le rapporteur est totalement libre de ses avis, M. Lecoq le sait mieux que quiconque. De surcroît, que deux amendements visent à préciser une disposition n'implique pas qu'ils sont de même nature, ni qu'ils feront l'objet d'un avis identique. On peut très bien, tout en approuvant un objectif, considérer qu'un amendement doit être retravaillé ou qu'il est satisfait. C'est tout l'intérêt d'examiner les textes en commission, puis en séance publique. S'agissant des amendements identiques AE44, AE143 et AE151, j'émets un avis favorable, pour la simple et bonne raison qu'ils sont satisfaits par le décret précisant les modalités d'usage du FSD, publié en 2006 et modifié en 2016.
Je sens naître un élan, auquel nous nous joignons. S'agissant du FSD, les choses sont claires : il permet de financer les biens publics mondiaux, notamment la Facilité financière internationale pour la vaccination, qui est – ô combien ! – un bien public mondial, et plusieurs actions en matière de santé, de climat et d'environnement. Cela va sans dire et ira mieux en le disant.
Je souscris à l'objectif général visé par les auteurs des amendements. Toutefois, je précise que la disposition proposée figure à l'alinéa 10 du cadre de partenariat global (CPG). Disons les choses clairement : soit nous la supprimons du CPG pour l'inclure dans l'article 1er, soit nous l'y laissons et nous rejetons les amendements. Je suis favorable au financement des biens publics mondiaux dans le cadre du FSD, notamment par la TSBA et la TTF, et considère qu'ils doivent faire l'objet d'une attention particulière, mais je crains que ces amendements ne fassent doublon avec le CPG, et qu'ils ne rendent la loi bavarde.
Cher collègue Mbaye, je ne suis pas d'accord avec vous. S'il est des questions sur lesquelles le risque de bavardage est nul, c'est bien celles-là. La question des biens publics mondiaux est fondamentale, même si on peut être en désaccord sur leur définition. Je salue l'ouverture d'esprit dont font preuve M. le rapporteur de M. le secrétaire d'État. Comme l'a indiqué notre collègue Lecoq, si nous voulons avoir le sentiment de contribuer à rédiger la loi, que quelques-uns de nos amendements à ce sujet soient adoptés dans un projet de loi de programmation relatif à l'APD n'est pas de trop.
Les acteurs de l'APD considèrent que les dispositions du présent projet de loi sont contenues pour l'essentiel dans le CPG, et non dans ses articles. Il s'agit ici d'un point essentiel, que nous proposons d'inscrire dans un article. On ne peut pas nous opposer systématiquement l'argument selon lequel les dispositions que nous proposons figurent dans le CPG, alors même que tout le monde s'accorde à dire que celui-ci en comporte trop, et qu'il faut enrichir le cœur politique du projet de loi. Je salue l'avis favorable donné sur ces amendements, qui visent à inscrire à l'article 1er, dans le corps de la loi, les biens publics mondiaux, dont la préservation est l'un des trois objectifs de l'APD. Elle est souvent réalisée avec des fonds abondés, voire proposés par la France. M. le secrétaire d'État a rappelé que la France, sous la présidence de Jacques Chirac, a fortement encouragé les financements innovants, contribuant à la création d'un poste de Secrétaire général adjoint des Nations unies chargé des financements innovants pour le développement, dont le premier titulaire fut le Français Philippe Douste-Blazy.
La commission adopte les amendements.
Puis elle examine l'amendement AE341 du rapporteur.
Cet amendement procède à une rectification budgétaire, afin de mettre à jour le montant cumulé exact des crédits des missions « Aide publique au développement », « Plan de relance » et des crédits alloués au FSD pour l'année 2021. Leur montant passe de 4,723 à 4,713 milliards d'euros.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AE172 de M. Jean-Luc Mélenchon.
Il vise à allouer 1 milliard d'euros supplémentaires à la mission « Aide publique au développement » d'ici à 2022. L'objectif est de transcrire dans les faits l'engagement présidentiel d'allouer 0,55 % du RNB à l'APD en valeur absolue, soit 15 milliards d'euros en 2022, sur la base du RNB de 2019. La chute du RNB au cours d'une année de pandémie provoque un gonflement artificiel du budget de l'APD, ce qui permet d'atteindre la cible de 0,55 % mécaniquement. Nous tenons à faire en sorte que l'engagement précité ne soit pas vidé de son sens.
Pour ce faire, nous disposons d'un levier puissant qui n'est pas utilisé : la TTF. Je reprends un argumentaire précédemment développé dans cette commission. Même si je connais d'ores et déjà la réponse qui sera formulée sur cet amendement, j'insiste sur ce point. Il nous semble indispensable non seulement de pérenniser, mais aussi d'augmenter et de stabiliser l'APD. Or nous n'obtenons absolument rien sur ce point, ni du côté du Gouvernement, ni du côté du rapporteur. Cette attente est pourtant forte parmi les députés de tous bords. J'aimerais que cette requête soit entendue. Nous finirons par nous demander à quoi servent les débats parlementaires, si rien ne peut être modifié.
Chère collègue, j'imagine que vous avez suivi les débats à ce sujet. Vous avez donc constaté des avancées sur ce point, ce qui nous dispense d'adopter votre amendement. Vous souhaitez pérenniser et augmenter l'APD ; nous le faisons depuis 2017. Son augmentation n'est pas artificielle, mais bien réelle. En dépit de la chute du RNB, le volume de l'APD est tenu. Avis défavorable.
. Le volume est tenu. Au demeurant, le présent projet de loi de programmation repose sur des chiffres antérieurs au choc pandémique. Par conséquent, en ratio, l'augmentation de l'APD en 2021 est largement supérieure aux prévisions, comme Jean-Yves Le Drian a dû le dire ce matin. C'est pourquoi nous raisonnons prioritairement en valeur absolue. Nous ne voulons pas suivre l'exemple des Britanniques qui, ayant atteint un ratio de 0,7 % en raison de la contraction du PIB, ont appliqué une réfaction de 2 milliards de livres. Nous sommes au rendez-vous du côté des valeurs absolues, de façon très claire et très précise. Avis défavorable.
En valeur absolue, le montant de l'APD sera légèrement inférieur aux prévisions – environ 900 millions d'euros en moins. Les calculs réalisés avant la pandémie pour tenir l'engagement de 0,55 % du RNB nous amenaient à 15 milliards d'euros, nous serons à 14,1 milliards. J'ai présenté un amendement à ce sujet ce matin. Un réel effort est consenti, selon un raisonnement en valeur absolue, mais nous sommes un peu en deçà de l'objectif.
Depuis le début de la législature, j'ai suivi les débats sur le financement de l'APD. Chaque année, nous constatons que l'effort ne correspond pas à l'engagement pris par le Président de la République. Ce n'est pas une nouveauté !
Monsieur le rapporteur, vous affirmez que nous sommes dans les clous de l'engagement pris. Non ! Dès la première année, nous avons constaté que la trajectoire suivie n'était pas la bonne – je parle sous le contrôle de nos collègues un peu raisonnables. (Protestations sur les bancs du groupe LREM). Mais si ! Consultons les budgets ! Dès le début, nous ne suivions pas la trajectoire prévue ! Le discours était invariablement le suivant : « Nous allons y parvenir au bout du bout, mais cette année, l'effort consenti ne permet pas une montée en puissance de l'APD ». Nous nous inscrivons donc dans une logique de rattrapage, à défaut d'une montée en puissance régulière depuis le début de la législature. Raison de plus pour inscrire cet objectif dans la loi, non seulement en pourcentage, mais aussi en valeur absolue, afin de ne pas dépendre totalement des évolutions du RNB ! Il faut bien convenir qu'il s'agit d'une véritable difficulté.
Madame Autain, vous semblez suggérer qu'il faut adopter votre amendement pour que le Président de la République puisse tenir son engagement. J'indique très simplement et très sereinement, après en avoir discuté avec les organisations non-gouvernementales (ONG) depuis le début du mandat, que l'objectif de 0,55 % du RNB pour l'APD a été pris par le Président de la République dès la campagne électorale, et qu'il s'agit d'un rendez-vous en fin de mandat, en 2022. Rien n'interdit de s'interroger sur la trajectoire suivie, mais je dis clairement et fortement que l'engagement est mathématiquement tenu. Il me semble dommage de laisser planer le doute à ce sujet. L'engagement de 0,55 % du RNB pour l'APD en fin de mandat est tenu. C'est mathématique et factuel.
En effet, cet engagement est tenu. Il faut ajouter à l'APD les fonds issus des diasporas africaines, que nous avons trop peu évoqués jusqu'à présent. Je rappelle que le Président de la République les a placés au cœur de ce partenariat renouvelé.
L'argent des diasporas africaines représente trois fois le montant de l'APD et dépasse de beaucoup le montant des investissements directs étrangers (IDE). Nous menons une politique couplée. Dois-je évoquer le programme « MeetAfrica2 » ? La mobilisation des fonds de la diaspora vivant en Union européenne ? Le fonds de la République du Sénégal ? L'initiative « Choose Africa » ? Les investissements de BPIFrance en Afrique ? Depuis plus de trois ans, notre politique en la matière repose sur l'APD et sur les fonds des diasporas. Vous ne pouvez pas dire le contraire, madame Autain, sauf à insinuer que je vis dans un rêve depuis trois ans, et nos collègues avec moi, et que j'ai assisté en rêve au lancement du programme « MeetAfrica2 » par Jean-Yves Le Drian et Amadou Ba au Sénégal ! S'il vous plaît, dites la vérité ! Tenez compte de la société civile et des diasporas !
J'aimerais procéder à une clarification pour la suite de nos débats. Comme l'a très bien dit M. Waserman, l'engagement est tenu. Madame Autain, vous pouvez dire que ce n'est pas assez ou que c'est trop lent, mais politiquement, l'engagement est tenu. C'est un fait. D'autres ont pris cet engagement et ne l'ont pas tenu. Nous, nous le tenons.
Vous suggérez de modifier les règles du jeu en cours de route, en prenant pour base de calcul du ratio de 0,55 % du RNB celui de l'année 2019. Pourquoi pas ? Le Gouvernement a préféré maintenir le volume de l'APD. Politiquement, nous tenons notre engagement. S'agissant des besoins nouveaux suscités par la crise sanitaire, nous en tenons compte, en maintenant le volume de l'APD. Cette mission budgétaire est celle qui a augmenté le plus. Je rappelle que, lorsque vous étiez au pouvoir, ses crédits étaient en diminution.
Reconnaissez au moins que l'engagement est tenu en volume. Il ne faut pas faire croire aux gens que l'APD n'augmente pas. Elle augmente en espèces sonnantes et trébuchantes. Au demeurant, les ONG rassemblées au sein du Conseil national pour le développement et la solidarité internationale (CNDSI) en conviennent. Je veux bien entendre tout ce que l'on veut, mais on ne peut pas faire abstraction de la réalité.
Les faits, rien que les faits, tous les faits. 2016 : 8,7 milliards d'euros en crédits d'engagement pour la mission « Aide publique au développement ». 2019 : 10,9 milliards d'euros. 2020 : 12,9 milliards d'euros. 2021 : 17 milliards d'euros, compte tenu de l'annulation de la dette du Soudan. 2022 : 14 milliards d'euros. La trajectoire financière de l'APD est clairement ascendante. Les chiffres sont têtus : nous passons de 8,7 milliards en 2016 à 12,9 en 2020. Chacun peut constater qu'un point bas a été atteint lors du précédent quinquennat et que nous avons inversé la tendance. Vous devriez vous réjouir de ce réengagement de la France, madame Autain, à l'unisson de nombreux acteurs du monde du développement. Au demeurant, il n'a rien de cosmétique et se mesure aux projets qui le concrétisent. C'est du lourd, si vous me permettez l'expression ! Nous n'avons pas à rougir, car les engagements sont tenus. C'est pourquoi nous sommes défavorables à l'amendement.
Je n'ai pas tout compris aux fonds qu'a cités Mme Sira Sylla. J'ai lu le projet de loi de bout en bout : ces fonds ne sont mentionnés nulle part comme composante de l'APD. J'ai demandé à mon collaborateur de se renseigner, au cas où j'aurais loupé quelque chose.
S'agissant de la modification des règles du jeu évoquée par M. le rapporteur, je regrette, mais elle est imposée par la crise économique. Dès lors que le diviseur évolue à la baisse, le pourcentage évolue à la hausse. Quant au volume de l'APD, il ne faudrait pas que le discours du Gouvernement change en fonction de son représentant. Ce matin, le ministre Le Drian a exclu l'annulation de la dette du Soudan du calcul du montant de l'APD, contrairement à vous à l'instant, monsieur le secrétaire d'État. Il faudrait savoir !
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez sans doute l'habitude de trajectoires financières qui partent de très bas pour augmenter de façon exponentielle en fin de mandat, ce qui permet peut-être de faire de la communication, mais telle n'est pas la trajectoire que nous envisagions. Là réside sans doute la cause du décalage entre nos discours respectifs.
Je rappelle à M. Berville que je n'ai jamais participé à une majorité soutenant un gouvernement. Il est donc inutile de rappeler ce que j'ai fait lorsque j'étais au pouvoir, car cela n'est jamais arrivé. Cela arrivera probablement, mais pour l'heure, cette expérience n'a jamais été menée, ce dont je suis navrée !
« Les faits, rien que les faits, tous les faits » : nous sommes d'accord avec vous, monsieur le secrétaire d'État ! Le problème, c'est que vos chiffres relèvent en partie de la projection. Personne ne nie que le budget de l'APD a augmenté. Nous disons que sa trajectoire financière est en retard sur les prévisions. Nous touchons au terme de la législature, et le RNB a chuté en raison de la pandémie. Le taux de 0,55 % n'a donc pas la valeur qu'il aurait eue si le budget de l'APD avait augmenté avant. C'est simple à comprendre ! Certes, l'engagement de consacrer 0,55 % du RNB à l'APD sera sans doute tenu à la fin de la législature, mais nous estimons que le rythme adopté induit un manque à gagner par rapport à ce qu'aurait produit une trajectoire plus linéaire, étape par étape, dès le début de la législature. Entendons-nous au moins sur nos désaccords !
. Nous avons eu le débat sur le rythme d'augmentation de l'APD dès le début de la législature, s'agissant de la part de son budget que nous maîtrisons, soit 3 ou 4 milliards d'euros en crédits d'engagement et en autorisations de paiement sur la dizaine de milliards qu'il représentait alors. Il ne portait pas sur les chiffres rappelés à l'instant, qui témoignent d'une augmentation cohérente. Madame Autain, vous vous fondez sur un débat qui n'a rien à voir avec les chiffres précités, qui montrent une progression incontestable depuis 2017.
Nous sommes tous d'accord – je tiens à en prendre acte – que l'engagement de consacrer 0,55 % du RNB à l'APD a été tenu en 2020 et qu'il le sera en 2021 et en 2022. Le présent projet de loi le garantit.
On ne peut pas dire que le Président de la République n'a pas respecté cet engagement. Pour la première fois, notre politique d'aide au développement, telle qu'elle est définie dans le présent projet de loi de programmation, place à l'avant-garde un partenariat avec les diasporas africaines, dont les fonds seront mobilisés, aux côtés des fonds traditionnels de l'APD, tels que le Fonds d'appui aux initiatives de collaborations solidaires (FAICS), et des fonds de l'Union européenne. Tout cela permet de financer des hôpitaux et des sociétés d'autoroutes, ainsi que des programmes tels que « MeetAfrica2 », que les membres de la majorité ici présents connaissent bien. Il ne faut pas se concentrer sur le taux de 0,55 % du RNB. Il importe aussi de tenir compte des fonds des diasporas africaines, qui représentent trois fois le montant de l'APD. C'est inédit. Je présenterai plusieurs amendements visant à pérenniser leur usage.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'amendement rédactionnel AE342 du rapporteur.
La commission est saisie de l'amendement AE154 de Mme Bérengère Poletti.
Il vise à rappeler que la taxe sur les transactions financières (TTF) est un outil majeur du financement de l'APD.
Je comprends l'esprit de l'amendement. J'émets néanmoins un avis défavorable, car son adoption nous obligerait à énumérer les taxes et les recettes qui concourent au financement de l'APD. La plus-value offerte par l'amendement m'échappe, même si le TTF est une composante essentielle du financement de l'APD, qui évoluera peut-être à l'échelle européenne.
D'après l'exposé sommaire rappelé par Michel Herbillon, l'amendement vise à rappeler que la TTF est un outil majeur du financement de l'APD. En présentant l'amendement, Michel Herbillon l'a fait. Nous en prenons acte et nous y souscrivons. L'amendement peut donc être retiré – à défaut, nous émettrons un avis défavorable. Chacun a entendu les propos de M. Herbillon, qui figureront au compte rendu de nos débats. Il est inutile d'inscrire la disposition proposée dans la loi, ce qui nous entraînerait dans une énumération des recettes contribuant au financement de l'APD à tout le moins fastidieuse.
Voilà qui est extraordinaire ! Nous sommes en pleine innovation juridique ! Je remercie M. le secrétaire d'État d'exprimer son accord avec mon argumentation tout en émettant un avis défavorable. Certes, nous avons été témoins d'une autre curiosité juridique ce matin, due à notre excellent collègue rapporteur. Il ne s'agit pas de procéder à une énumération à la Prévert. La TTF est une composante importante du financement de l'APD. De surcroît, nul ici n'ignore que nous l'avons incluse dans le projet de loi autorisant l'approbation de la décision (UE, Euratom) 2020/2053 du Conseil du 14 décembre 2020 relative au système des ressources propres de l'Union européenne et abrogeant la décision 2014/335/UE, Euratom, adopté la semaine dernière avec les voix du groupe Les Républicains. Voici ce qui m'étonne, en ce début d'examen du texte : M. le ministre Le Drian, ce matin et lorsque nous l'avons auditionné, ainsi que M. le rapporteur, ont dit à quel point ils souhaitent parvenir à un consensus sur le texte ; pourtant, dès que nous présentons des amendements, tel que celui-ci, qui vise à opérer un rappel de portée importante, rapporteur et Gouvernement en approuvent le fond tout en émettant un avis défavorable. Cette attitude n'est pas la meilleure façon de parvenir à un consensus sur le texte.
Certes, la TTF est une composante importante du financement de l'APD. Imaginons que l'amendement soit adopté et que les transactions financières s'effondrent ; le produit de la TTF en sera amoindri et nous devrons modifier la loi. Rejeter l'amendement permet d'éviter une énumération des taxes et des recettes qui contribuent au financement de l'APD. En outre, il ne devrait pas figurer à cet endroit du texte. Nos débats sont loin d'être achevés, ce qui laisse place à d'autres évolutions et à d'autres améliorations.
Nul ne conteste l'importance de la TTF. Toutefois, l'amendement porte sur l'alinéa 9, qui vise les autres ressources qui concourent à l'APD. Or l'alinéa 8 vise les fonds de l'APD, dont fait partie la TTF. L'amendement n'est donc pas placé au bon endroit, ce qui justifie son rejet sur le fond, même si l'exposé sommaire qui l'accompagne tinte agréablement aux oreilles.
Ce débat m'inspire une observation générale : l'accord de fond entre les membres de la commission est assez large. Nous gagnerions, d'ici à l'examen du texte en séance publique, à le manifester davantage.
(Applaudissements.)
La commission rejette l'amendement.
La commission est saisie de l'amendement AE464 de M. Dominique Potier.
Le groupe socialiste le dit depuis le début : la question qui se pose ne concerne pas seulement le volume ou le calendrier mais aussi l'utilisation des crédits. La part des dons et des prêts ainsi que des décaissements est toujours un peu mystérieuse, et il y a des dizaines de programmes, des aides qui font l'objet de promesses et des prêts qui se transforment en dons. Je ne suis pas parlementaire depuis très longtemps, mais je sais que les mêmes difficultés se posent depuis des années, même pour les plus aguerris et les plus motivés d'entre nous. C'est une véritable boîte noire. Philippe Baumel, qui a siégé ici avant de travailler à l'AFD, m'a redit récemment à quel point c'était compliqué.
Un vrai problème de fond se pose, y compris sur le plan démocratique. Nous avons déposé plusieurs amendements, et nous attendons du rapporteur une réponse de principe, un rendez-vous pour changer les choses. Il faut de la transparence, de la clarté pour permettre un contrôle par la société civile et par le Parlement. Nous devons absolument progresser en la matière. Je regrette que nous n'ayons pas posé les bases d'une clarification en 2014. Nous devons le faire aujourd'hui. Une démocratie moderne n'a rien à cacher. Si des fonds ont un usage diplomatique, à caractère confidentiel, il faut les mettre à part, mais le Parlement et la société civile doivent être au fait de ce qui est réalisé en France dans le domaine de l'aide publique au développement. Ce serait un immense progrès, dont nous vous saurions gré.
Il y a une vraie question. Les montants de l'aide augmentent mais la part des prêts s'accroît aussi par rapport à ce qu'on observe dans d'autres pays qui ont des APD comparables. La clarification que nous demandons ne serait que le début du travail que nous voulons réaliser ensemble, mais elle serait tout à l'honneur de ce que nous faisons dans des pays tiers et de notre démocratie.
Vous savez notre intérêt et notre détermination en la matière. Il ne peut pas y avoir d'aide publique au développement efficace sans une commission d'évaluation indépendante : il faut renforcer la redevabilité, pour pouvoir dire à nos concitoyens non seulement combien et comment on dépense mais aussi quel est l'impact de ce qu'on fait.
Une partie de votre demande est déjà satisfaite par le tableau précisant la répartition entre les prêts et les dons ainsi que la part relevant de la mission budgétaire. D'autres éléments figurent dans le document de politique transversale (DPT), qui a été largement amélioré en 2018, en réponse à la demande de l'ensemble de la commission étrangère – j'en remercie le Gouvernement –, et dans le projet annuel de performances (PAP) joint, chaque année, au projet de loi de finances.
Je vous invite à retirer l'amendement, sans quoi j'émettrai un avis défavorable. Néanmoins, je considère que nous devons absolument travailler sur un point : il faut arriver à rassembler toutes les informations, qui sont un peu éparpillées, pour avoir une vision d'ensemble. Nous pourrons revenir sur cette question lorsque nous examinerons l'article 2, qui demande au Gouvernement de transmettre tous les ans un rapport sur la politique de développement.
Je me retrouve tout à fait dans l'argumentation du rapporteur. Beaucoup d'informations figurent notamment dans le DPT, qui a été refondu et complété. Grâce à la loi organique relative aux lois de finances, qui a déjà quelques années, vous avez des documents qui permettent de regarder la performance, la réalisation ou non des objectifs. Par ailleurs, la commission indépendante permettra de mieux mesurer l'impact de la politique menée.
Toutes les informations se trouvent dans le DPT, les rapports annuels de performances (RAP), les PAP, etc. Il est urgent de faire en sorte que ces éléments soient mieux vulgarisés. La matière et les chiffres sont là, mais ils sont trop peu partagés. Il faut sensibiliser la population à ce qui est fait – et pas seulement elle : je suis frappé de voir qu'on a de plus en plus de mal à faire partager un élan pour le développement dans les assemblées locales – il est plus difficile de faire adopter des budgets en la matière.
L'amendement étant largement satisfait, je préconise son retrait ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
J'ai beaucoup de sympathie pour l'argumentation développée par Dominique Potier, si ce n'est pour la rédaction de son amendement. Il y a un vrai problème que les améliorations apportées en 2018 n'ont que très imparfaitement permis de traiter. On part de très loin, c'est-à-dire d'une opacité voulue par certaines administrations pour rendre ce budget non pilotable par l'extérieur. Le mélange des prêts et des dons, des opérateurs, des banques de financement, les annulations de crédits et les reports rendent les choses ingérables. Quand on regarde très concrètement le DPT, les documents de performances et les jaunes pour savoir ce qu'on dépense, ce qu'on décaisse, on n'a pas de réponse à cette question pourtant simple. Cela doit être un signal d'alarme.
La solution ne figure pas à l'article 1er. S'agissant de l'article 2, qui prévoit un rapport annuel de synthèse, il reste à voir si on peut définir ce que nous attendons comme niveau de détail.
Quand on demande à un de nos postes à l'étranger quels sont les décaissements, par exemple dans le domaine de la santé ou de la protection des femmes, sous forme de dons et de prêts, on n'a pas de réponse. Le rapporteur m'a dit que les membres du conseil d'administration de l'AFD peuvent le savoir. J'en suis ravi, mais si c'est possible pour eux, cela doit l'être aussi pour les parlementaires. Je me fais l'écho de tous les membres des groupes d'amitié et de tous nos collègues qui font des déplacements : ils se heurtent en permanence à un obstacle. Si nous arrivons à avancer sur ce point, ce sera un énorme progrès en matière de transparence. Celle-ci, comme le ministre l'a dit avant-hier, est un des quatre piliers de ce projet de loi sur le plan méthodologique.
La transparence est fondamentale. Si nous ne sommes même pas capables d'avoir ces chiffres, comment peut-on communiquer auprès des populations et des institutions locales ? J'ai rencontré des députés du Sénégal ou du Niger qui ne sont pas du tout au courant de ce que fait l'AFD dans leurs circonscriptions. Comment voulez-vous que cela infuse ensuite dans la population, qu'on sache que la France, ce n'est pas seulement l'armée mais aussi le pont ou la route entre telle et telle ville ? Si on veut donner de la visibilité à notre action, il faut d'abord qu'il y ait de la transparence et que nous ayons des informations.
Je propose qu'on adopte l'amendement et que le rapporteur, peut-être en lien avec le Gouvernement, en prépare un autre encore meilleur en vue de la séance. Comme tous les groupes ont l'air d'être d'accord sur le problème de transparence, il faut avancer. Cet amendement permet de le faire.
Je veux remercier Dominique Potier et Jacques Maire d'avoir ouvert le débat et d'avoir tenu des propos de grande qualité. J'organisais tous les ans une rencontre entre les collectivités territoriales engagées dans l'aide au développement, les ONG et les services de l'État, notamment l'AFD, mais j'ai arrêté de le faire car les uns me disaient qu'ils avaient la masse critique pour agir et les autres qu'il était impossible d'avoir des aides directes. Étant engagé dans la coopération avec plusieurs pays d'Afrique, je peux apporter le même témoignage que M'Jid El Guerrab : quand on se rend dans un pays et qu'on cherche à savoir quelles sont les aides directes et comment on peut les obtenir, on a affaire à une boîte noire. Il me semble que le Parlement devrait avoir des explications et bénéficier de comptes rendus. Il faut de la clarté, sinon on ne peut pas défendre la politique qui est menée et l'augmentation des budgets. Je ne suis pas certain que l'article 2, même s'il constitue une avancée, permettra d'apporter toute la transparence nécessaire. Je ne sais pas comment faire, mais il faut se poser la question.
Je veux remercier Dominique Potier et Jacques Maire, qui nous ont fait toucher du doigt un mal français : l'incapacité à comprendre la manière dont les politiques publiques se déploient. Au-delà de la question de la transparence, je veux mettre l'accent sur la capacité à piloter les politiques menées et à mesurer leur efficacité. Si on n'a pas des outils partagés par tous, on ne peut pas le faire.
J'ai failli retirer l'amendement pour le modifier d'ici à la séance mais les préoccupations exprimées par nos collègues m'encouragent à suivre la position exposée par Jean-Paul Lecoq. Adoptons cet amendement, qui n'est pas d'une grande violence puisqu'il demande simplement de la transparence en ce qui concerne la part des prêts et des dons, et élaborons d'ici à la séance, monsieur le rapporteur, une architecture permettant de rendre visible le contenu de la boîte noire.
Tout cela ne concerne pas seulement le Parlement. J'ai été amené à regarder, pas plus tard qu'hier, une étude du Comité catholique contre la faim et pour le développement portant sur les flux financiers publics et privés dans l'agroalimentaire, notamment en Afrique. Sans porter de jugement sur l'étude en tant que telle, j'observe qu'il a fallu faire appel à un bureau privé pour éplucher 35 lignes budgétaires, ministérielles et interministérielles : c'était un maquis plus dense que les flux privés. Il a fallu mobiliser une expertise extérieure, ce qui ne devrait pas être nécessaire dans une démocratie. Nous avons vraiment besoin de progresser.
L'amendement que j'ai déposé apportera une pierre à l'édifice, et nous pourrons en rediscuter en séance. La transparence est tout aussi importante que la part du PIB consacrée au développement : il faut de l'efficacité. Pour nous, c'est la démocratie.
Je soutiens Dominique Potier. Le rapporteur et le ministre nous ont expliqué ce matin que les États utilisaient des prêts pour respecter l'objectif de 0,7 %, que c'était un peu fake. On ne peut pas dénoncer cette situation et refuser l'amendement.
Je crois qu'il faut souligner que l'information est publique mais que nous avons tous – les associations, le public et les parlementaires – du mal à y accéder. C'est ce décalage qui suscite le malaise.
Je suis très sensible à cette question, comme tous ceux qui ont travaillé dans des ONG ou auprès d'acteurs du développement, mais je ne peux pas laisser dire qu'il existe une opacité totale, qu'on ne sait rien. Vous pouvez trouver dans les DPT et les PAP tout ce qui est financé, mission par mission et action par action, du petit fonds au Ghana pour l'entreprenariat des femmes jusqu'aux crédits alloués à la Banque ou au FMI. Vous dites qu'on n'a pas le détail pays par pays dans le cadre du DPT. Or tous les décaissements figurent dans ce document. L'activité de l'AFD est également retracée, en distinguant les dons-projets, l'aide budgétaire globale, les prêts, les prêts concessionnels, etc. Par ailleurs, nous avons accès au conseil d'administration de l'AFD, et les informations sont ensuite reversées au débat public.
Votre amendement demande que des éléments figurent dans le CPG, qui vaudra jusqu'à une prochaine révision. Or ce que nous souhaitons tous, c'est que des informations soient délivrées par le Gouvernement de manière régulière, peut-être en les regroupant davantage. Il peut exister des marges d'amélioration, mais je ne pense pas que votre amendement, tel qu'il est rédigé, permettra d'atteindre les objectifs que vous fixez. Nous pourrons le faire, en revanche, lorsque nous examinerons l'article 2 ou lorsque nous travaillerons sur la création d'une commission indépendante d'évaluation.
Il faut encore plus d'évaluation, notamment en ce qui concerne l'impact des actions menées, mais nous pouvons déjà avoir les éléments que vous demandez. Les documents font 200 pages : il faut peut-être les améliorer, les rendre plus synthétiques, mais tout le monde peut y accéder.
L'objectif de transparence est clairement partagé – je le redis, après Jean-Yves Le Drian. Ne laissons pas croire qu'il n'y aurait pas de transparence.
Certains documents ont été améliorés, et je suis tout à fait prêt, cet engagement concernant naturellement le ministre et le Gouvernement, à ce que l'on continue à le faire pour le DPT. Il comprend effectivement un tableau qui montre la répartition par pays : on pourrait l'affiner en distinguant les prêts et les dons, qui sont plutôt détaillés par grandes zones géographiques. Il serait bien préférable de travailler sur cette question dans le cadre des DPT annuels, qui synthétisent toutes les données. Voilà la proposition que je fais.
Je crois que chacun apprécie l'engagement d'améliorer très substantiellement les informations dont chacun ressent le besoin.
La commission rejette l'amendement.
La commission examine les amendements identiques AE168 de M. Jean-Luc Mélenchon, AE298 de Mme Bérengère Poletti, AE509 de M. Hubert Julien-Laferrière et AE543 de Mme Frédérique Dumas.
Vous nous expliquerez probablement, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, que vous allez le faire et que ce n'est pas la peine de l'inscrire dans la loi, mais nous persistons à penser que notre objectif doit figurer dans le texte. Or celui-ci ne va pas au-delà de 2022. Nous voulons préciser que 0,7 % du revenu national brut sera consacré à cette politique d'ici à 2025. Au-delà des engagements pris par le Président de la République, il est important d'inscrire dans le marbre de la loi la trajectoire que nous voulons emprunter, quels que soient les changements possibles en 2022.
J'observe que le ministre et le rapporteur n'arrêtent pas d'acter des accords à l'occasion d'amendements auxquels ils donnent des avis défavorables. Ils pourraient essayer de faire l'inverse à propos de l'amendement AE298 (Sourires).
Nous avons déjà largement débattu de l'objectif, qui a désormais cinquante ans, de consacrer 0,7 % du RNB à l'aide publique au développement. Le retard cumulé s'élève, je crois, à 200 milliards d'euros. Fixer un objectif quantitatif n'interdit pas d'être intelligent et d'essayer d'améliorer notre aide.
J'ai été un peu attristé par le débat qui a eu lieu tout à l'heure. On a affirmé à ma gauche que l'aide n'avait pas augmenté depuis le début de la législature ; Sylvain Waserman a répondu que l'objectif de 0,55 % était tenu et que la question se résumait à cela. Or l'engagement, oral, qui a été pris compte tenu de la baisse du RNB concernait la trajectoire en valeur absolue. Il y a eu, évidemment, une hausse sans précédent des crédits consacrés à l'APD sous ce quinquennat, mais l'engagement pris par certains ministres et par la majorité n'est pas tout à fait respecté : il manque un peu d'argent par rapport aux 15 milliards d'euros
S'agissant de l'objectif de 0,7 %, il me semble important que la France respecte au moins en 2025 l'engagement qui a été pris. Il y va de l'image singulière que notre pays occupe sur la scène internationale.
L'amendement AE543 est également défendu. À la suite du débat de ce matin, j'attends avec impatience la nouvelle rédaction et le travail intellectuel sur les indicateurs qui ont été annoncés.
Le dernier point est au-dessus de mes moyens d'ici à la séance mais j'ai bon espoir que l'on aboutisse, pour le reste, à une solution permettant de tous nous satisfaire.
Même avis. Jean-Yves Le Drian a été clair sur ce point.
La commission rejette les amendements.
Elle est saisie des amendements identiques AE512 de M. Hubert Julien-Laferrière et AE145 de M. Jean-Paul Lecoq.
Nous devons renforcer la part bilatérale de notre aide publique au développement, qui a trop longtemps – avant 2017 – servi de variable d'ajustement budgétaire : elle a diminué contrairement à l'aide multilatérale, en raison de nos engagements pluriannuels. Il ne faudrait pas que cela entretienne, pour autant, une petite musique sur l'efficacité de l'aide multilatérale – on se demande, par exemple, si elle n'est pas un peu bureaucratique. Dans certains domaines, tels que la santé mondiale, on obtiendrait beaucoup moins de résultats si l'aide multilatérale n'était pas renforcée. L'amendement AE512 vise à ne pas oublier cette dimension, surtout après la création d'ACTA (ACT-Accelerator) : nous préciserons que l'aide bilatérale doit « notamment » être renforcée.
Permettez-moi de faire une petite observation : le « notamment » que vous voulez ajouter à l'alinéa 10 devrait, me semble-t-il, être placé après la référence à 2022 et non avant.
Nous proposons aussi d'ajouter « notamment ». Il ne faudrait pas que le rééquilibrage des priorités tourne à un basculement complet. Il y avait déjà des débats sur la part de l'aide bilatérale pendant les années 2007-2012 – je crois que Nicole Ameline avait remis un rapport sur le bilatéralisme et le multilatéralisme – et j'ai trop entendu le Gouvernement parler d'un travail sur l'influence et la puissance de la France au moyen de l'aide bilatérale.
Il faut un véritable équilibre entre le multilatéral et le bilatéral, au service des populations concernées. Pour les députés communistes, l'aide publique au développement n'exige pas un retour sur investissement. On accompagne, on aide face aux fléaux qui touchent l'humanité, comme la guerre et la misère. Une trop forte envie d'en revenir à l'aide bilatérale peut cacher des choses – je ne dis pas que c'est le cas mais nous proposons, pour l'éviter, d'ajouter « notamment ».
Ces amendements sont satisfaits. Je ne vois pas bien la plus-value qui résulterait de l'ajout de « notamment » au sujet de l'aide bilatérale. Je vous demande de retirer l'amendement, sans quoi j'émettrai un avis défavorable. Il ne faut pas opposer le bilatéral et le multilatéral – Hubert Julien-Laferrière insistait fréquemment sur ce point lorsqu'il était rapporteur pour avis des crédits de la mission « Aide publique au développement ».
L'aide bilatérale a atteint un point bas en 2015 – les crédits correspondants étaient alors de 4,6 milliards d'euros. Il a été acté, lors de la réunion du CICID qui a eu lieu en 2018, qu'une part prépondérante de notre réengagement prendrait une forme bilatérale, mais je veux rassurer Hubert Julien-Laferrière et Jean-Paul Lecoq. Les chiffres et les actes parlent d'eux-mêmes : le Président de la République et le Gouvernement sont totalement mobilisés pour faire en sorte que le multilatéralisme soit renforcé en matière de développement.
J'ai le souvenir d'un accroissement de l'engagement de la France dans le cadre du Partenariat mondial pour l'éducation – notre contribution a été portée à 200 millions d'euros –, d'un engagement additionnel, annoncé il y a un peu plus d'un an, en faveur du Fonds mondial, d'une France à la manœuvre pour réunir des crédits au profit du Fonds vert en juillet 2019 et, plus récemment, d'une France qui consacre 500 millions à l'initiative ACTA. Nous continuons donc à nous réengager.
Je vous suggère de retirer ces amendements ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Voici la rédaction de l'alinéa 10 : « La hausse des moyens prévue par le présent article contribuera au renforcement, d'ici à 2022, de la composante bilatérale de l'aide publique au développement de la France ». Je comprends que la hausse ne concernera que l'aide bilatérale.
La commission rejette les amendements.
Elle examine l'amendement AE146 de M. Jean-Paul Lecoq.
Puisque « notamment » était apparemment trop long pour vous, en nombre de lettres, je vais essayer avec des chiffres. Nous proposons de remplacer, au même alinéa, 2022 par 2025. J'ai perdu aux lettres mais j'espère gagner aux chiffres (Sourires).
J'aimerais être sûr de comprendre, compte tenu de ce que vous avez dit tout à l'heure : le renforcement de l'aide bilatérale n'aurait plus lieu d'ici à 2022 mais d'ici à 2025. Vous voulez donc réduire l'ambition, alors que vous avez affirmé qu'elle n'était pas assez forte. J'émets un avis défavorable pour vous permettre d'être en totale cohérence avec vous-même.
M. Lecoq a évoqué les chiffres et les lettres : mon avis reste défavorable au tirage comme au grattage (Sourires).
La commission rejette l'amendement.
La commission adopte l'amendement rédactionnel AE344 du rapporteur.
Elle examine en discussion commune l'amendement AE593 de Mme Mireille Clapot et les amendements identiques AE38 de M. Bertrand Pancher, AE91 de Mme Emmanuelle Anthoine et AE127 de Mme Albane Gaillot.
L'amendement AE593 tend à renforcer les ambitions concernant l'égalité femmes-hommes dans le cadre de notre aide au développement. On ne doit pas se contenter de déclarations d'amour, si je puis dire : il faut également fournir des preuves, en suivant des objectifs chiffrés. Le CICID a décidé en février 2018 que le marqueur « genre » de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) serait utilisé dans le cadre des statistiques de l'AFD et que 50 % des volumes annuels d'engagements de l'AFD devraient avoir le genre pour objectif principal ou significatif. Le Gender Action Plan de l'Union européenne place, quant à lui, la barre à 85 %. Notre amendement propose de retenir un niveau intermédiaire : 75 % des volumes annuels d'engagements de l'aide publique au développement bilatérale auront l'égalité femmes-hommes pour objectif principal ou significatif, et 20 % auront cette question pour objectif principal.
Selon l'OCDE, seuls 20 % de l'APD bilatérale française avaient l'égalité femmes-hommes pour objectif principal ou significatif, que l'on considère les engagements financiers ou les dépenses réelles, et seuls 4 % du total avaient le genre pour objectif principal. D'autres pays ayant adopté une diplomatie féministe, comme le Canada et la Suède, sont en passe d'atteindre la cible de 85 %.
La rédaction actuelle du projet de loi ne prévoit qu'un objectif limité, qui a été qualifié d'insuffisant par le Conseil économique, social et environnemental : le taux des volumes annuels d'engagements de l'AFD ayant le genre pour objectif principal ou significatif est fixé à 50 %. Aucun objectif concernant spécifiquement la part de l'APD ayant l'égalité femmes-hommes pour objectif principal n'est prévu. L'amendement AE38 tend à y remédier.
Il peut y avoir une confusion au sujet de ce qu'on appelle le marqueur « genre » de l'OCDE, et c'est pourquoi ces amendements me paraissent très importants. Il est prévu que 100 % des projets de l'AFD sont marqués « genre », mais cela signifie simplement qu'ils ont été évalués en fonction du marqueur de l'OCDE : ils peuvent très bien avoir obtenu la note 0, 1 ou 2. Cela ne veut donc rien dire : 100 % des projets marqués « genre » peuvent ne pas prendre en compte ces questions… Ce n'est pas le cas, heureusement : je rappelle que c'est à la fois une des cinq priorités sectorielles et une priorité transversale à laquelle la France est très attachée. Néanmoins, il est essentiel d'aller plus loin : l'amendement demande que 85 % des volumes annuels d'engagements de l'aide publique au développement bilatérale aient l'égalité femmes-hommes pour objectif principal ou significatif en 2025.
Cette question est éminemment importante : c'est une des cinq priorités de nos engagements à l'international. Il y a eu, en la matière, un réinvestissement massif depuis quelques années parce que nous avions du retard et que c'est un enjeu central pour la solidarité internationale et le développement.
Je connais l'engagement des uns et des autres, notamment de Mireille Clapot et d'Albane Gaillot, mais j'émettrai un avis défavorable à ces amendements, comme à tous ceux qui visent à insérer des cibles sectorielles ou géographiques à l'alinéa 10 : de tels engagements ont plutôt leur place au sein du cadre de partenariat global, qui comporte des objectifs chiffrés – nous pourrons en reparler à cette occasion.
J'ajoute que plusieurs déclarations, en particulier celle de Paris, de 2005, et celle de Busan, de 2011, ont souligné qu'il fallait prendre en compte la stratégie des pays concernés et s'aligner sur les besoins des populations. Quand on multiplie les indicateurs – relatifs au climat, à l'égalité femmes-hommes, à l'éducation ou à la biodiversité –, la situation devient très compliquée pour ceux qui mènent concrètement les projets. Par ailleurs, les besoins des populations ne correspondent pas nécessairement aux objectifs que nous nous sommes fixés. Il faut donc rester prudent et partir davantage du terrain.
L'objectif visé par ces amendements est évidemment essentiel, même si on peut discuter du pourcentage retenu. Si j'émets un avis défavorable, je le répète, c'est parce cette disposition aurait davantage sa place au sein du cadre de partenariat global qu'à l'alinéa 10 de l'article 1er.
Je partage la philosophie développée par le rapporteur.
Nous avons demandé à l'ADF d'être à un taux de 100 % pour le marqueur 1 de l'OCDE, et il serait naturellement hors de question que des projets soient contraires à un objectif placé si haut… S'agissant du marqueur 2 – le fait d'avoir l'égalité femmes-hommes pour objectif principal –, nous avons demandé à l'AFD d'être à un taux de 50 %. Il faut rappeler d'où on vient : en 2019, l'AFD en était à 35 %.
Passer à 50 % représente déjà une marche importante, d'autant qu'il y a d'autres objectifs à atteindre, notamment en matière de climat et de biodiversité. Dans la vraie vie, cela devient très complexe pour les gestionnaires des projets. J'aimerais que le mieux soit l'ami du bien, mais on sait que ce n'est pas toujours le cas.
Nous comprenons et nous partageons l'enthousiasme, l'élan des signataires des amendements : le CPG est très clair en ce qui concerne cette grande cause. Nous avons fixé à l'AFD des objectifs qui sont déjà ambitieux. Je vous demande donc de retirer ces amendements ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Je vais retirer et réécrire mon amendement afin qu'il porte sur le CPG. J'ai bien noté l'engagement du ministre et du rapporteur concernant des objectifs chiffrés dans ce cadre.
L'amendement AE593 est retiré.
La commission rejette les amendements AE38, AE91 et AE127.
La commission examine, en discussion commune, l'amendement AE6 de M. Bertrand Pancher, l'amendement AE114 de M. Matthieu Orphelin, les amendements identiques AE170 de M. Jean-Luc Mélenchon et AE461 de M. Dominique Potier ainsi que l'amendement AE5 de M. Bertrand Pancher.
L'amendement AE6 prévoit d'appliquer d'ici à 2022 la norme de l'OCDE requérant 86 % d'élément de don dans les prêts, et d'assurer ainsi une meilleure concessionnalité des prêts.
Le surendettement est un grave problème pour les pays en développement. En Afrique subsaharienne, avant la crise sanitaire, deux pays sur cinq faisaient face à une terrible crise de la dette. Au Kenya, la moitié des recettes du pays est affectée au remboursement de la dette. Le respect de la norme de l'OCDE sur l'élément de don des prêts est donc nécessaire, et si l'échéance de 2022 est trop rapprochée, nous pouvons en débattre.
Nous proposons de prévoir pour 2023 l'échéance pour respecter la norme de l'OCDE qui fixe à 86 % la proportion d'élément de don dans les prêts consentis dans le cadre de l'aide publique au développement.
Une réforme – bienvenue – de la comptabilisation des prêts dans l'aide publique au développement a été adoptée par le Comité d'aide au développement de l'OCDE. Jusqu'à présent, on retenait la valeur de l'ensemble des prêts nets, au même titre que les dons. C'est ainsi qu'à la faveur d'un prêt, la Colombie pouvait soudain apparaître première bénéficiaire de l'APD, avant de redescendre dans le classement suite à son remboursement. Il n'était pas possible de voir quels étaient réellement les premiers bénéficiaires de l'aide au développement. La mesure de l'élément de don permet de quantifier la différence entre le prêt bonifié et les conditions de marché.
Lorsqu'un prêt relève de l'aide publique au développement, nous proposons d'inscrire dans la loi le respect de la norme de l'OCDE imposant 86 % d'élément de don, alors que cette valeur se situe autour de 75 % pour la France.
L'amendement AE170 vise à renforcer la part des dons au sein de l'APD française, car le recours aux prêts accentue la dette des pays.
Nous avons constaté une dérive au cours des dernières années, le recours aux prêts s'étant imposé comme une norme, au détriment des dons. Nous proposons d'inscrire dans la loi que le ratio entre prêts et dons doit être favorable à ces derniers.
L'amendement AE461 poursuit le même objet. La France fait partie des trois pays dont la part des prêts dans l'aide au développement est la plus élevée, après le Japon et la Corée du Sud, alors que l'aide accordée par le Danemark ou l'Australie est exclusivement constituée de dons.
Selon la base de données de l'OCDE, en 2018, près de 50 % de l'APD brute bilatérale française était attribuée sous forme de prêts, contre 16 % en moyenne pour l'ensemble des pays du Comité d'aide au développement.
Les dons permettent d'apporter des aides plus directes, mieux ciblées sur les demandes locales. La part des dons doit donc augmenter dans des proportions beaucoup plus importantes. Dans les pays en développement, on entend sans cesse dire que pour obtenir des aides directes, il faut s'adresser à tous les pays sauf à la France.
Monsieur le secrétaire d'État, partagez-vous cet objectif de bon sens ?
Les amendements de cette discussion commune se distinguent en deux catégories.
Certains proposent d'augmenter la part des dons dans l'aide au développement. Je suis d'accord, c'est la trajectoire que nous cherchons à suivre. Il est vrai que nous partons de très loin par rapport à d'autres pays. En revanche, je suis défavorable à l'objectif proposé dans les amendements. Il n'est pas réaliste en effet de prétendre l'atteindre d'ici à 2025 au vu de l'effort nécessaire.
Les autres amendements proposent d'augmenter l'élément de don des prêts, conformément à la norme de l'OCDE. Sur ces sujets très techniques, il faut bien mesurer les conséquences. Augmenter l'élément de don nous interdirait d'intervenir dans les pays à revenus intermédiaires tels que le Mexique ou le Vietnam. Or octroyer à ces États des prêts à des taux plus avantageux que le marché permet aussi d'y lutter contre la pauvreté ou les inégalités. En augmentant dans de telles proportions l'élément de don, nous nous priverions de la capacité d'intervenir. En Chine, il n'est pas possible d'intervenir avec un élément de don important, alors que c'est possible dans d'autres pays, tels que le Burkina Faso.
Avis défavorable sur tous les amendements.
L'aide française est majoritairement composée de dons : ils représentaient 80 % de nos financements bilatéraux et multilatéraux en 2019, ce qui fait de la France le quatrième bailleur mondial en dons.
Nous souhaitons voir progresser la composante bilatérale de l'aide publique au développement de la France, et la part de cette dernière qui est constituée de dons – c'est écrit à l'alinéa 10. L'OCDE a édicté une norme, mais devons-nous appliquer toutes les normes qu'elle publie ? Du reste, l'Organisation a rendu un rapport sur l'APD française qui relevait beaucoup d'éléments positifs. Notre dynamique est positive et va s'accroître. Regardons le verre aux trois quarts plein.
L'élément de don dans les prêts de la France se situe à 75 % : aller au-delà risquerait de nous priver de possibilités d'interventions, ici ou là. Avis défavorable sur ces amendements.
Je comprends qu'il soit difficile d'atteindre ces objectifs en 2025, mais serait-il possible de travailler à une autre trajectoire ? L'APD ne doit pas financer que des activités rentables ; sinon, comment financer des politiques de santé, d'accès à l'eau ou de scolarisation, qui sont stratégiques dans les politiques d'aide au développement Certes, la France veut intervenir partout dans le monde et soutenir de nombreux pays notamment en généralisant les prêts, mais l'aide au développement ne doit pas aller qu'à des projets rentables.
Dans les pays africains, nous constatons que les aides directes des pays voisins – je pense à l'Allemagne – sont systématiquement beaucoup plus importantes que les nôtres. Notre action n'est pas très lisible, y compris pour appuyer notre diplomatie.
Je comprends que l'objectif de 85 % d'élément de don en 2025 est sans doute trop ambitieux. Essayons d'en trouver un plus réaliste. Je suis prêt à retirer mes amendements pour y parvenir.
Les amendements AE6 et AE5 sont retirés.
La commission rejette successivement l'amendement AE114 et les amendements identiques AE170 et AE461.
Elle est saisie des amendements identiques AE4 de M. Bertrand Pancher, AE289 de M. M'jid El Guerrab et AE462 de M. Alain David.
Je propose que d'ici à 2022, l'État s'assure que 50 % de l'aide publique au développement transite par la mission budgétaire « Aide publique au développement », pour financer les priorités que sont la santé, l'éducation, l'adaptation au changement climatique, l'égalité entre femmes et hommes et l'aide humanitaire dans les pays en crise.
Une telle mesure aurait plusieurs effets positifs. Elle faciliterait le respect des priorités du dernier CICID, car la mission budgétaire « Aide publique au développement » est le cœur de nos actions en ce sens. Elle permettrait également d'améliorer la transparence, la lisibilité et le contrôle parlementaire de notre aide au développement.
Entre 2017 et 2020, la mission « Aide publique au développement » ne représentait que 35,09 % de l'APD totale. La hausse de notre aide au cours des dernières années n'a pas entraîné un rééquilibrage en faveur de la mission budgétaire : en 2020, elle concernait 4 milliards d'euros sur un montant total de 12,86 milliards, soit 35,77 %.
Enfin, les priorités thématiques et géographiques ne reçoivent pas les contributions financières nécessaires. La France devrait au moins respecter ses objectifs internationaux, par exemple la cible de l'OMS d'allouer 0,1 % du RNB à l'aide à la santé, soit 15 % de l'APD totale. Pour y parvenir, il est nécessaire de faire transiter le plus de fonds possible par cette mission « Aide publique au développement ».
La mission « Aide publique au développement » ne porte que sur 30 % environ de l'aide publique de la France. Ces amendements prévoient d'augmenter cette part à 50 %. Cela permettrait aussi d'améliorer le contrôle parlementaire de l'aide.
Ces amendements soulèvent la question de l'éclatement budgétaire, et notre capacité à rassembler tous ces sujets au sein d'une seule mission budgétaire. Le problème n'est pas nouveau, et résulte de la cotutelle de cette politique.
Je suis défavorable à tous les amendements qui imposent des pourcentages ou l'allocation de l'aide selon des critères géographiques ou thématiques. C'est au CICID que ces décisions doivent être prises, et ces éléments doivent figurer dans le cadre de partenariat global.
En outre, une grande partie de notre aide au développement passe par l'aide européenne et les fonds multilatéraux, sur lesquels nous avons moins de maîtrise. Fixer un objectif de 50 % de l'aide publique est très ambitieux, et il est très peu probable que nous puissions l'atteindre d'ici à 2022. Je demande le retrait des amendements, sinon avis défavorable.
Notre aide publique au développement passe par des canaux nationaux, mais nous sommes également très engagés au niveau européen. Nous finançons de façon significative les outils d'aide au développement européens. Ainsi, le nouvel instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale (IVCDCI), d'un montant total de 70 milliards, sera financé à hauteur de 17 % par la France, ce qui représente environ 12 milliards.
Cela explique l'existence d'autres canaux que la mission « Aide publique au développement », qui ne regroupe que 35 % des crédits. Ces autres canaux sont importants et intéressants et permettent de contribuer de façon décisive à la politique de développement. Nous avons tous promu une approche multilatérale : elle passe aussi par un pilier européen fort en la matière.
Monsieur le rapporteur, je comprends qu'il ne soit pas possible d'atteindre ce résultat d'ici à 2022, mais puisque nous discutons d'une loi de programmation, vous pourriez proposer une autre échéance : par exemple 2025. Nos débats sur cette loi de programmation butent systématiquement sur cette année 2022. Il faut trouver un moyen de dépasser cette limite.
J'ai entendu les explications du rapporteur et du ministre, et je constate que nous partageons la même préoccupation. Je vais retirer mon amendement. Je voulais surtout que soit réaffirmée la volonté de mieux contrôler l'aide publique au développement. Il est évidemment illusoire d'espérer que 50 % de l'aide au développement passe par la mission « Aide publique au développement », mais il est important de fixer un horizon.
Je comprends vos arguments, monsieur le secrétaire d'État, j'aurais sans doute la même position si j'étais au Gouvernement, de façon à avoir toute latitude pour mener à bien les stratégies d'aide au développement. Mais je ne comprends pas que le Parlement ne s'arc-boute pas sur cette question. Pour mieux dépenser, il faut se fixer des objectifs précis, et affecter clairement les dons. La principale critique qui peut être faite à ce projet de loi est qu'il n'identifie pas de cible claire.
J'entends que l'on puisse discuter des calendriers et des montants, mais le Parlement serait renforcé s'il fixait des cibles précises. Si nous voulons tout faire, nous ne contrôlerons rien et nous ne ciblerons pas les actions ou les pays qui en ont le plus besoin.
Avec mes camarades de la commission, nous avons entrepris un voyage de quelques jours avec ce texte. Nous nous connaissons depuis quatre ans, maintenant. Nous partageons le même engagement au sujet du développement et nous nous sommes progressivement approprié ces sujets.
Aujourd'hui, nous constatons notre accord sur nombre de points fondamentaux de ce texte. En écoutant les arguments des uns et des autres sur la proportion entre prêts et dons, la transparence, ou l'échéance 2025, il est clair que ce qui nous rassemble est beaucoup plus important que ce qui nous sépare et qui relève davantage de problèmes rédactionnels. C'est normal à ce stade et nous devrions aboutir dans quelques jours à un texte commun.
Pourquoi ne pas accepter des amendements hétérodoxes, en gage de bonne volonté, quitte à mener ensuite un travail commun permettant d'aboutir à des formulations plus acceptables ? L'ambiance n'en serait que plus sympathique, alors même qu'il n'y a pas de volonté de différenciation politique de la part des uns ou des autres.
Effectivement, vous êtes d'accord sur beaucoup de choses. Ce sont les votes qui vous séparent…
(Sourires.)
J'allais le dire, monsieur le président, mais vous l'avez encore mieux formulé, avec le sens de l'humour qui vous caractérise et que nous apprécions.
Mais les problèmes ne sont pas uniquement rédactionnels, monsieur Maire. Certes, il y a une volonté de trouver des accords au sein de notre commission. Mais alors que nous discutons d'une loi de programmation, chaque fois que nous souhaitons prévoir au-delà de 2022, on nous répond qu'il est impossible de s'engager au-delà de cette date, et toutes nos discussions achoppent sur ce point.
Le rapporteur et le Gouvernement ont déclaré être ouverts à d'autres rédactions et à certaines de nos propositions, mais bien qu'ils se disent d'accord avec nous, ils ne donnent pas un avis favorable à nos amendements. Il faut sortir de ce processus, pour la suite de l'examen de ce texte en commission et la séance publique. À défaut, on affirmera la volonté d'un accord, mais la réalité du texte sera tout autre. Rapprochez vos intentions louables de la réalité des textes soumis aux votes et des avis donnés sur les amendements.
Le grand souci de Marielle de Sarnez était de parvenir, sur des sujets qui font l'objet d'un large consensus, à dégager une position très largement majoritaire. Nous avons aussi le devoir de parvenir à un accord avec le Sénat en commission mixte paritaire. Il faut nous attacher à faire prévaloir des solutions communes. Il ne n'agit pas de gommer les aspérités, mais dès lors qu'une convergence sur les diagnostics et les propositions existe, vous avez le devoir de manifester cette convergence.
Je comprends mes collègues Herbillon et Lecoq, et j'aurais la même démarche à leur place.
Mais la politique de développement regroupe une multitude d'objectifs et d'indicateurs. Or les modifications que nous apportons sur cet alinéa devront être reproduites sur tous les autres sujets – promotion de l'État de droit, place des entreprises privées, éducation, changement climatique… Ce serait intenable, et la loi deviendrait inapplicable du fait de cet empilement d'objectifs.
Dans le moment politique que nous connaissons, l'enjeu principal est de répondre aux besoins des pays. Nous menons une politique de partenariats, il ne s'agit pas de décider seul. Les pays partenaires nous demandent précisément de mieux prendre en compte leurs besoins et la réalité de ce qu'ils vivent, plutôt que de mesurer l'impact de nos politiques en référence à des cibles quantitatives.
C'est pourquoi je suis défavorable à tous les amendements qui fixent des cibles dans cette partie du texte. Leur place est dans le cadre de partenariat global, que nous étudierons plus tard.
Enfin, ce texte n'arrive pas sans avoir été discuté. Il a fait l'objet de trois tours de table au Conseil national pour le développement et la solidarité internationale (CNDSI). Le travail parlementaire a été pris en compte. On le mesure aux modifications apportées au projet depuis sa version initiale, publiée il y a un an. Nous avons tous contribué à faire évoluer le texte.
Nous avons eu le temps de travailler ensemble ce texte que nous attendons depuis longtemps. Il a été mis sur le métier dès 2018 et a fait l'objet de nombreuses séances au CNDSI, dont certains d'entre vous sont membres.
Le CNDSI est un héritage de la loi de 2014, et le projet dont nous discutons laissera également un héritage. La commission indépendante est une avancée indéniable. La création du mécanisme « 1 % transports » permettra de concrétiser des projets. Ce matin, vous avez adopté un article additionnel avant l'article 1er sur l'ensemble des orientations de la politique de développement.
Il y a déjà eu des avancées, il y en aura encore. Je n'ai aucun doute sur le fait que nous trouverons des points de convergence. Lors de la dernière séance du CNDSI, la semaine dernière, j'ai indiqué que j'étais ouvert à l'insertion d'un article dédié à la société civile. Ce ne sont pas des paroles en l'air, nous aurons l'occasion de les vérifier. Nous ne sommes qu'au début de l'examen de ce texte et il ne fait pas de doute qu'il sera enrichi au terme de nos travaux.
L'amendement AE289 est retiré.
La commission rejette les amendements AE4 et AE462.
Elle est saisie des amendements identiques AE3 de M. Bertrand Pancher, AE151 de Mme Bérengère Poletti et AE463 de M. Dominique Potier.
Je conçois qu'on ne conditionne pas notre politique d'aide au développement à une généralisation de grands objectifs humains. Ce n'est pas le cas de ces amendements, qui visent à consacrer au moins 50 % de notre politique de développement aux pays les moins avancés.
Il semble de bon sens que l'aide au développement profite aux pays les moins avancés, mais bien que la France ait défini une liste de dix-neuf pays prioritaires, ils ne font pas partie des dix principaux récipiendaires. C'est un problème ! Nous saupoudrons l'aide partout dans le monde, sans doute en lien avec notre volonté de rayonnement diplomatique, mais nous sortons complètement des objectifs d'aide au développement.
En 2019, les trois premiers pays bénéficiaires de notre aide sont l'Inde, la Turquie et la Colombie. Certes, ils connaissent des problèmes de développement, mais sans commune mesure avec les pays prioritaires, notamment en Afrique. Il faut vraiment que nous puissions cibler au moins 50 % de notre aide vers les pays les moins avancés.
Ce projet de loi a pour ambition de lutter contre les inégalités mondiales. Notre aide au développement doit donc cibler les populations qui en ont le plus besoin. Il faut faire en sorte que 50 % de notre aide publique au développement soit allouée aux pays les moins avancés d'ici à 2025. Il est tout de même étonnant que le deuxième attributaire de l'aide publique au développement soit la Turquie. La France a défini dix-neuf pays prioritaires qui ne font pourtant pas partie de ses dix principaux récipiendaires. Cibler notre aide publique au développement vers les pays les moins avancés participerait automatiquement au rééquilibrage entre prêts et dons que nous avons déjà évoqué au cours de nos débats.
C'est une mesure d'urgence, alors que l'aide publique au développement allouée aux pays les moins avancés a reculé de 26 % depuis 2015.
Il semble évident que l'aide doit être ciblée sur ceux qui en ont le plus besoin. Or ce n'est pas le cas de l'aide publique au développement française aujourd'hui. En outre, et comme vient de le dire M. Herbillon, cette pratique permettrait de rééquilibrer la part des dons et des prêts. L'aide aux pays les moins avancés a reculé de 26 % depuis cinq ans : on marche sur la tête !
Jacques Maire a parlé d'or, puisque nous sommes tous d'accord sur ce sujet, adoptons ces amendements, quitte à les retravailler pour la séance. Vous connaissez l'adage « Là où il y a une volonté, il y a un chemin » – certains l'attribuent à Einstein, d'autres à Lénine, tout le monde peut s'y retrouver.
Il devient difficile d'entendre le rapporteur dire sans arrêt qu'il est d'accord, mais refuser les amendements.
Nous partageons tous l'objectif de consacrer 50 % de l'APD aux PMA en 2025, bien évidemment. Mais les PMA ne se situent pas qu'en Afrique, il y en a dans d'autres continents, notamment en Asie. La stratégie de la France, eu égard à nos relations, nos liens et notre proximité géographique, vise à axer notre aide sur le continent africain, notamment le Sahel. Nous prévoyons de faire en sorte que 75 % de nos dons aillent aux dix-neuf pays pauvres prioritaires. Nous allons donc au-delà de votre proposition. Mais l'adoptions de vos amendements nous empêcherait de concentrer notre aide sur les pays pauvres prioritaires, notamment au Sahel.
Si nous voulons vraiment consacrer notre aide à l'éducation, la santé, le changement climatique et la biodiversité, il faut des dons. Si la loi imposait de verser 50 % de l'APD aux PMA, nous pourrions comptabiliser des prêts, vu la définition très large retenue pour l'APD.
Ces amendements risquent de freiner notre capacité à atteindre un certain nombre d'objectifs dans les pays les plus vulnérables d'Afrique et du Sahel, c'est pour cela que j'y suis défavorable. Je partage bien sûr votre volonté de destiner l'APD aux pays les plus pauvres mais il ne faut pas empêcher la France de la diriger vers les plus pauvres des plus pauvres.
L'APD inclut des composantes constatées ex post. Il faut nous intéresser à sa part pilotable, et dans cette catégorie, nous souhaitons que les deux tiers des dons projets de l'AFD aillent vers les PMA. C'est dans ce cadre que les dix-neuf pays prioritaires déterminés lors du CICID de 2018 pourront bénéficier d'un certain nombre de projets.
La France est particulièrement engagée dans le Sahel, qui connaît un certain nombre de fragilités qu'il faut aider à résorber. Le pourcentage de la part pilotable de l'APD dédiée aux PMA va au-delà des souhaits des auteurs de ces amendements.
Vous avez évoqué la situation de la Turquie, il convient de relativiser les choses. La Turquie était le vingt-troisième bénéficiaire de l'APD française en 2019, à hauteur de 66 millions d'euros, et uniquement en raison de prêts AFD qui couvraient des financements d'infrastructure, mais aussi des actions en faveur de l'emploi féminin ou des dons bilatéraux en faveur de l'aide aux réfugiés. Ce ne sont pas des actions superflues.
Ce débat passionnant illustre l'intérêt du Parlement lorsqu'il se saisit de sa fonction de discussion et de vote. Je crois que tous les pays pauvres prioritaires sont des PMA. Notre aide publique au développement, c'est notre force dans ces pays. La moitié des pays pauvres prioritaires font partie de ma circonscription des Français de l'étranger, et je constate que d'autres pays souhaitent intégrer cette liste, tels la Sierra Leone et le Liberia. Comment pourraient-ils y être intégrés, pour bénéficier aussi de notre aide publique ?
Nous avons un problème pour établir les comptes. À un moment, la Colombie faisait partie des premiers bénéficiaires de l'APD, et on y trouve maintenant la Turquie. Vivement que la réforme du Comité d'aide au développement de l'OCDE permette de ne compter que l'élément de don des prêts ! Nous pourrons enfin classer les bénéficiaires de manière pertinente. Actuellement, les pays emprunteurs apparaissent parmi les principaux bénéficiaires, ce qui n'a pas de sens puisque le prêt sera remboursé.
J'ai essayé de cumuler les montants d'APD reçus pendant trois ans, de 2016 à 2018. Il apparaît que les premiers bénéficiaires sont la Turquie, le Maroc, l'Inde, le Cameroun, la Colombie, l'Éthiopie et le Nigeria. On ne trouve pas un seul pays parmi les pays pauvres prioritaires ou les PMA ! Depuis la définition des pays prioritaires par le CICID de 2018, l'allocation de notre aide a-t-elle beaucoup changé ?
Par ailleurs, je suis d'accord avec le secrétaire d'État, il faut savoir ce que nous retenons au sein de l'APD. L'écolage ou les politiques d'asile et d'immigration, dont bénéficient des nationaux des PMA, ne doivent pas y figurer.
Il me semble complémentaire de prévoir que les deux tiers des dons bilatéraux dans l'aide pilotable doivent bénéficier aux pays pauvres prioritaires, et que la moitié de l'APD globale aille aux PMA. Il est en tout cas urgent d'avoir une vraie visibilité sur les premiers bénéficiaires de l'aide.
Quand on confronte vos arguments, monsieur le secrétaire d'État, aux éléments dont on dispose, on se dit qu'il y a forcément quelqu'un qui se trompe. Comme ce n'est pas vous, c'est nécessairement nous…
Cela dit, j'ai sous les yeux des notes émanant de grandes organisations œuvrant pour le développement. Or j'y lis que l'APD à destination des PMA a reculé de 26 % depuis 2015, passant d'un quart à moins d'un cinquième. Si j'ai bien compris, vous nous dites que nous sommes plutôt aux alentours de 50 %. Quoi qu'il en soit, une part significative de l'aide au développement doit être accordée aux pays les moins avancés.
Il faudrait séparer ce qui est de l'ordre du prêt et ce qui est de l'ordre du don. L'augmentation en proportion de la part de l'APD consacrée aux PMA ne peut pas passer par des prêts, sauf à accroître encore leur endettement. Si l'on fait cette distinction, on s'aperçoit que les amendements sont satisfaits : les dix-neuf pays prioritaires sont parmi les mieux dotés.
Certes, il convient de séparer ce qui relève du prêt et ce qui relève du don, mais ces amendements ont tout simplement pour objet d'inscrire dans le texte que l'aide doit s'adresser aux pays les plus pauvres. Ceux qui s'y opposent répondent qu'ils veulent que l'aide aille en priorité à l'Afrique. Les deux positions ne sont pas contradictoires. Je m'étonne que ces amendements, dont les auteurs sont de sensibilités politiques différentes, ne recueillent pas votre assentiment.
Quant aux prêts, les pays les plus pauvres ne peuvent pas y recourir facilement : ils n'en ont pas les moyens.
Le projet de loi est relatif « à la lutte contre les inégalités mondiales » : il ne s'adresse pas uniquement à l'Afrique. Les amendements visent à flécher l'aide vers les pays les plus pauvres. Je ne comprends pas pourquoi nous ne pourrions pas les adopter.
Monsieur le rapporteur, n'avez-vous pas le sentiment qu'avec les distinctions qui sont apparues, notamment celle entre l'aide pilotable et l'aide non pilotable et celle entre les dons et les prêts, il y a matière à réfléchir, dans la perspective de la séance publique, à un nouvel amendement, rédigé avec les auteurs de ceux que nous examinons, et qui traduirait notre préoccupation commune, tout en tenant compte des objections techniques très fortes que vous avez marquées ? Notre commission aspire à plus d'unité qu'elle n'en produit. Si vous vous engagiez dans la voie que j'indique, nous pourrions demander à nos collègues de retirer leurs amendements.
Effectivement, on peut comprendre l'objectif de ces amendements. La difficulté est de trouver, pour l'alinéa 10, une formulation acceptable pour tout le monde. Le rapporteur est-il prêt à y travailler en tenant compte de ces amendements ?
Nous sommes tous d'accord sur l'objectif poursuivi, mais pas sur les amendements eux-mêmes. Je suis d'accord avec le rapporteur : sur le plan technique, ils posent problème car les alinéas 33 à 36 du CPG définissent des priorités géographiques et indiquent clairement que les dix-neuf pays prioritaires bénéficient des deux tiers des subventions et de la moitié de l'aide projet. Nous ne pouvons pas écrire une chose dans l'article 1er et une autre dans le cadre de partenariat global. Nous n'allons pas non plus entreprendre de compléter l'article 1er avant d'avoir étudié le CPG.
La possibilité d'ouvrir une voie commune passe par le retrait des amendements, la chose est claire.
Nous sommes au cœur d'un débat majeur.
D'abord, sommes-nous d'accord sur le fait que la part attribuée aux pays les moins avancés recule de manière continue ? Ensuite, souhaitons-nous nous fixer pour objectif d'inverser cette tendance ? Si nous pouvions répondre positivement à ces deux questions, nous avancerions déjà beaucoup.
Par ailleurs, ces amendements ne viennent pas seulement de nous : ils sont inspirés par Oxfam et par la Coordination Solidarité urgence développement (SUD), c'est-à-dire par des gens qui travaillent au quotidien sur ces questions, qui les suivent de près au quotidien, encore plus que nous.
Enfin, je ne vois pas de contradiction entre ces amendements, qui visent à affecter 50 % de l'aide publique au développement aux PMA, et l'objectif que vous rappeliez, à savoir attribuer les deux tiers des dons aux PPP. Je ne retirerai donc pas l'amendement dont je suis signataire.
L'alinéa 34 du CPG est ainsi libellé : « La France a décidé de consacrer 75 % de l'effort financier total de l'État en subventions et en prêts et au moins 85 % de celui mis en œuvre via l'Agence française de développement (AFD) dans la zone Afrique et Méditerranée. » Les amendements sont en contradiction avec cette phrase. On ne peut pas écrire à deux endroits différents du texte des choses contradictoires. Il est certes intéressant de lancer ce débat, mais le texte doit être limpide, clair et précis. Si nous décidions d'adopter ces amendements, il faudrait modifier aussi les alinéas 34 et 35 du CPG, car le texte doit être cohérent.
Par ailleurs, nous ne sommes pas là pour traduire la volonté d'Oxfam ou d'autres associations, quel que soit leur apport.
Ces amendements sont généreux, et nous sommes d'accord avec l'objectif poursuivi, mais l'effort prévu plus loin dans le texte est plus important encore.
Encore une fois, je ne vois pas où se trouve la contradiction. Nous pouvons aider à la fois le Maroc et Madagascar. Toutefois, le second est beaucoup plus pauvre que le premier.
Nous pourrions trouver un accord sur le sujet. Monsieur le secrétaire d'État, avons-nous augmenté, au cours des trois dernières années, notre aide à destination des PMA ? Si oui, dans quelle proportion ? Nous voulons flécher l'aide vers les pays les moins avancés ; je ne vois pas pourquoi ce ne serait pas possible. Cet objectif peut certainement être concilié avec ce qui est écrit par ailleurs dans le texte.
Il n'est pas vrai de dire que les deux objectifs sont contradictoires. Les PPP sont un sous-ensemble des PMA. Dire que l'on consacre les deux tiers des dons bilatéraux aux PPP, c'est très bien, et on ne peut que l'approuver, mais cela n'empêche pas de fixer un objectif complémentaire, en l'occurrence affecter 50 % du total de l'APD aux PMA, soit 15 à 17 milliards. Ce n'est qu'une manière d'affirmer davantage la volonté de réallouer notre aide aux pays les plus pauvres.
Par ailleurs, les dons bilatéraux sont certes un instrument essentiel pour les pays prioritaires, mais les prêts bonifiés peuvent également être intéressants pour certains secteurs économiques, y compris dans des pays pauvres.
Madagascar est cité à l'alinéa 35, ainsi que le Burkina Faso, mais il n'y est pas question du Maroc ni de la Turquie.
Nous nous lançons dans de grandes discussions très généreuses à propos d'une phrase tenant en une ligne, alors que le CPG consacre trois alinéas entiers à la question. L'alinéa 34 précise la répartition globale ; le suivant indique que l'essentiel de cet effort est affecté à dix-neuf pays prioritaires. Le texte suit donc une progression logique.
Dans l'amendement, il est question des « pays les moins avancés », quand l'alinéa 34 mentionne « la zone Afrique et Méditerranée » et l'alinéa 35 les dix-neuf pays en question. Si nous écrivons des choses différentes à deux endroits distincts du texte, nous allons fournir du travail aux avocats… Je dis non pas que les deux objectifs sont contradictoires, mais qu'en rédigeant le texte ainsi, celui-ci va grincer.
Autant inscrire directement la disposition dans le CPG. Si vous préférez qu'elle figure dans l'article 1er, nous pouvons y recopier les trois alinéas que j'évoquais : un autre amendement avait un objet comparable. Mais si nous abordons la question à deux endroits différents, nos successeurs, dans dix ans, auront encore plus de mal que nous n'en avons à reconstituer les choses, car le Gouvernement produira deux rapports distincts : dans l'un il montrera qu'il a bien alloué 50 % de l'aide aux PMA, et dans l'autre il rendra compte de la mise en œuvre du CPG.
Cette observation me paraît pleine de bon sens : le problème tient au fait que ces amendements ne portent pas sur l'alinéa 35 du CPG, où la question est traitée.
C'est ce que j'ai essayé d'expliquer. Un certain nombre d'amendements sont consacrés à la géographie de l'aide, ce que je conçois tout à fait, même si, à mes yeux, la question principale est celle de son impact – est-ce que l'on augmente le taux de vaccination, est-ce que l'on améliore la qualité de l'hospitalisation, est-ce que l'on fait reculer la mortalité infantile ? Tels sont les enjeux qui devraient nous occuper longuement, et ce sera peut-être le cas.
Je comprends, monsieur Herbillon, que l'exercice soit un peu frustrant, car ces amendements semblent de bon sens, mais il n'est pas possible de les concilier avec le CPG. Le texte fixerait des objectifs sinon contradictoires, en tout cas dissonants. Vous disiez que l'objectif devait concerner des dons et non des prêts. Or, on pourrait tout à fait consacrer 50 % de l'APD aux PMA en augmentant la part des prêts. Ce faisant, votre objectif ne serait pas atteint, tandis que le CPG prévoit 80 % en dons pour les pays pauvres prioritaires. Autrement dit, les amendements constitueraient un recul.
L'objectif est bien de cibler les pays les plus vulnérables. À cet égard, je vous sais tous attachés à ce que la France élabore une stratégie et fixe des priorités, et j'entends souvent certains – notamment M. Herbillon – dire qu'il ne faut pas saupoudrer l'aide. Or, en ciblant les PMA, on en arriverait à considérer que le Bhoutan et le Népal sont des priorités pour la France. Nous partageons l'objectif consistant à aider davantage les pays les plus pauvres, mais le CPG contient déjà des éléments permettant d'aller plus loin que ce que vous proposez.
Je comprends que vous vous disiez que ces amendements sont de bon sens et qu'il faut les adopter, mais, en tant que rapporteur, je dois veiller à la cohérence du texte.
Je souscris à l'argumentation du rapporteur.
M. Herbillon demandait des chiffres démontrant l'accroissement de l'engagement de la France envers les PMA. En voici. En 2016, la France consacrait 1,9 milliard aux PMA, soit à peine plus de 20 % du total de l'APD ; en 2019, nous en étions à 2,8 milliards, ce qui avoisinait les 30 %. Orienter les deux tiers des dons vers les PPP permet donc d'accroître la part dédiée aux PMA.
Par ailleurs, le fait d'énumérer des pays prioritaires ne veut pas dire que l'on se limite à cette liste. M. El Guerrab évoquait le Libéria et la Sierra Leone : le Libéria est inscrit dans la liste des PPP ; quant à la Sierra Leone, rien ne nous interdit de l'aider. Ce n'est pas parce que l'on concentre l'aide sur certains pays qu'on ne fait rien pour les autres. Il est possible d'y engager des projets, même s'ils sont moins importants.
L'alinéa 35 du CPG expose les choses très clairement. Il réaffirme que les deux tiers des subventions accordées par l'AFD seront consacrés aux PPP. Pour les PMA, nous arrivons à plus de 75 %, quasiment 80 %, comme le disait M. le rapporteur. Nous sommes donc tous d'accord, et l'objectif est inscrit noir sur blanc.
Tout cela est maintenant très clair. Chacun d'entre nous prendra ses responsabilités. Au-delà du vote qui va intervenir, des convergences pourront d'ailleurs être trouvées d'ici à la séance publique.
L'amendement AE3 est retiré.
La commission rejette les amendements AE151 et AE463.
Elle examine, en discussion commune, les amendements AE460 de M. Dominique Potier et AE7 de M. Bertrand Pancher.
L'éducation et la santé ont longtemps été les parents pauvres de l'aide publique au développement. Toutefois, un réinvestissement important a été opéré, aussi bien au niveau bilatéral qu'au niveau multilatéral Ainsi, 200 millions d'euros sont désormais consacrés au Partenariat mondial pour l'éducation (PME), notamment, contre 17 millions d'euros précédemment. En ce qui concerne la santé, cependant, des efforts restent à faire, même si certains projets sont en cours, notamment dans le contexte de la pandémie. Par ailleurs, ces amendements se rapportent davantage au CPG qu'à l'article 1er. Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Elle en arrive à l'amendement AE71 de M. Vincent Ledoux.
Tout d'abord, je vous remercie de m'accueillir comme membre de la commission des finances et rapporteur spécial de l'action extérieure de l'État.
Il a été beaucoup question des moyens budgétaires affectés à l'aide publique ; je vous parlerai quant à moi des moyens humains alloués aux postes diplomatiques, notamment ceux dans les pays éligibles à l'aide publique au développement. En effet, il ne suffit pas de voter la programmation de crédits : il faut aussi s'assurer que le ministère dispose des effectifs, des compétences nécessaires au regard des objectifs fixés par la loi, par exemple pour mieux piloter les actions sur le terrain et contribuer au renouvellement des actions menées en partenariat avec la société civile.
J'en profite pour saluer la détermination de Jean-Yves Le Drian et de M. le secrétaire d'État. Pendant des années, des sacrifices importants ont été consentis. Or le budget pour 2021 est le premier au format LOLF dans lequel il n'a pas été demandé au Quai d'Orsay de supprimer des effectifs. La mention que je propose d'inscrire dans la loi programmation serait donc une marque de soutien au ministère en vue de la préparation des prochains budgets.
La question est déjà abordée dans le cadre du programme Action publique 2022. Par ailleurs, l'opérateur principal doit maîtriser le niveau de ses effectifs : il faut donc s'assurer que ce sont bien les postes qui sont renforcés. Enfin, cet amendement serait peut-être plus à sa place en loi de finances. Je vous propose donc de le retirer pour le retravailler – notamment avec les services du Quai d'Orsay.
Je propose moi aussi un retrait de l'amendement en vue de le retravailler.
Nous avons effectivement mis un coup d'arrêt, cette année, à l'érosion des effectifs. Nous le devons d'ailleurs en partie à la mobilisation de votre commission, qui a permis de défendre un certain nombre d'emplois. En cette période exceptionnelle, je tire d'ailleurs un coup de chapeau au personnel du Quai d'Orsay : l'épidémie étant mondiale, il a dû travailler en mode dégradé, les postes ont adapté leur fonctionnement et il a fallu gérer le rapatriement de 370 000 Français qui étaient de passage à l'étranger. Le personnel a donc eu plus de travail, dans des conditions plus difficiles. Cela mérite qu'on lui rende hommage. Nous continuerons à nous battre pour avoir des moyens humains permettant de mener une action diplomatique et une politique de développement à la hauteur de nos ambitions.
Cet amendement est très intéressant. Une remarque en passant pour M. le rapporteur : le fait qu'il s'agisse d'une loi de programmation n'interdit pas d'y inscrire des objectifs chiffrés, notamment pour les équivalents temps plein (ETP). Nous l'avons fait pour la recherche, par exemple.
Je tiens à souligner la complexité du travail effectué par le Quai d'Orsay – d'ailleurs, on a commencé à parler en 2019, à l'occasion de la semaine des ambassadeurs, ambassadeurs généralistes, ambassadeurs thématiques. Certaines missions sont très techniques, par exemple quand elles touchent au développement ou à l'environnement, notamment à l'eau. Certains ETP ne peuvent pas être gérés selon les règles des ressources humaines du ministère. Ainsi, on ne peut pas travailler sur un projet de barrage si l'on doit changer d'affectation au bout de deux ans et demi. Il faudrait donc trouver une formule appelant à des moyens humains suffisants, mais sans que ces derniers soient nécessairement gérés par l'administration centrale. Je suis assez d'accord avec la remarque du rapporteur concernant l'opérateur principal, tout en sachant que celui-ci ne doit pas être le seul.
L'idée de l'amendement est donc intéressante, monsieur Ledoux, mais je ne suis pas sûr que vous aurez assez de temps pour y retravailler d'ici à la séance.
Merci à notre collègue Vincent Ledoux de poser excellemment le débat. En effet, depuis trente ans, on assiste à une disparition progressive du réseau des fonctionnaires de l'État à l'étranger en charge du développement. Quand je suis entré au Quai d'Orsay, ils étaient plusieurs dizaines de milliers, des services entiers étaient en charge de ce domaine dans les postes ; dorénavant, il n'y a plus qu'un conseiller chargé du développement. Un phénomène d'attrition s'est donc produit, tant en quantité qu'en qualité.
On confie à l'ambassadeur un rôle d'animation et de mise en cohérence de la politique de développement à travers le conseil de développement local, mais si le conseiller en charge de la question n'a qu'une vision globale et institutionnelle des enjeux, la relation entre le champ du politique et celui du développement – à travers l'opérateur, à savoir la Banque de développement – restera désincarnée. C'est ce qui se passe de plus en plus. Or le projet de loi a précisément pour ambition de redresser la barre, d'engager une nouvelle implication de l'État dans l'animation de ses opérateurs, pour projeter une politique de développement, ce qui nécessite un minimum de moyens.
Dans mon souvenir, le personnel sur place qui se consacre à la politique de développement relève du budget de l'APD. Est-ce bien le cas ? Si oui, il est pertinent de l'évoquer dans une loi de programmation.
Si je comprends bien l'amendement de M. Ledoux, il est question non pas des effectifs de l'AFD – lesquels ne sont pas budgétaires –, mais des effectifs régaliens. Or, depuis trois ans, nous nous battons pour renforcer l'action régalienne et le rôle du Quai d'Orsay dans le domaine du développement. Ne pas s'autoriser à voter cet amendement, dans ce texte ou dans un autre, serait donc en totale contradiction avec cette ambition.
Je remercie à mon tour M. Ledoux pour cet amendement. Toutes celles et ceux qui sont allés sur le terrain ont observé, au cours des dernières années, le rabougrissement de nos services diplomatiques. La coopération n'est plus le fer de lance de notre politique d'influence ; on est à l'os. Les Françaises et les Français de l'étranger le vivent dans leur chair, ils voient les services offerts se réduire sans arrêt.
Faut-il pour autant inscrire dans le projet de loi de programmation la phrase proposée par M. Ledoux, telle qu'elle est rédigée, même si, comme le soulignait Frédéric Petit, on peut inscrire des objectifs chiffrés dans une loi de programmation ? Quoi qu'il en soit, M. le rapporteur a laissé la porte ouverte en suggérant de retravailler l'amendement. Sur le principe, en tout cas, chacun ici ne peut être que favorable à l'objectif poursuivi.
Cet amendement ne fait que rappeler ce que nous disons depuis la première discussion budgétaire de la législature. Notre ancienne présidente elle-même était le fer de lance de notre commission pour préserver les moyens de l'action de l'État à l'étranger, à travers les postes diplomatiques et l'administration centrale.
Dans la loi de programmation militaire, les effectifs nécessaires à la mise en œuvre des objectifs ont été inscrits. Il convient de faire de même ici s'agissant de la politique d'aide au développement – à travers cet amendement ou d'autres, peu importe : quand une idée est bonne, il faut la valider, même si l'amendement n'arrive pas au bon endroit ou n'est pas écrit comme il faut. En l'occurrence, il est crédible d'inscrire des effectifs dans une loi de programmation, et il est bon que nous ayons un débat sur le pilotage politique de l'aide au développement. L'État, le régalien doit piloter la politique d'aide au développement, au lieu de laisser les coudées franches à une agence puissante. Je voterai donc cet amendement.
Cela fait plusieurs années, en effet, que nous nous battons ensemble, avec le ministre, pour maintenir notre niveau d'exigence en la matière. C'est indispensable. Il y va de l'action régalienne. Les effectifs du Quai d'Orsay contribuent à asseoir la politique d'aide publique au développement de la France. Votre amendement, cher Vincent Ledoux, est donc pertinent. Certes, sa rédaction pourrait être revue d'ici à la séance, mais il convient de le voter unanimement.
L'idée est intéressante, bien sûr, et en cohérence avec ce que notre commission défend collectivement depuis le début de la législature. J'avais un doute quant au fait que l'expression « services de l'État à l'étranger » inclue les opérateurs. La discussion ayant permis de lever ce doute, je suis favorable à l'amendement. L'un de nos objectifs est d'ailleurs, s'agissant de la relation entre l'État et les opérateurs, de renforcer sa composante politique, ce qui sera le cas avec les conseils locaux de développement.
Merci donc, cher collègue, pour votre amendement qui va permettre d'assurer la cohérence, sur le terrain, entre nos moyens et nos ambitions.
Ce débat est intéressant, et il a fait apparaître de larges convergences.
Au Quai d'Orsay, nous tirons toutes les conséquences du pilotage politique réaffirmé que M. Lecoq appelait de ses vœux, notamment à travers les conseils locaux de développement. J'ai d'ailleurs un souvenir très précis de la naissance de ce concept : l'idée a émergé dans le bureau de Jean-Yves Le Drian, alors que la question du pilotage politique était posée par Marielle de Sarnez et un certain nombre de parlementaires, lors d'une réunion de travail. C'est donc le résultat d'une coproduction en amont du texte.
Pour que l'ambassadeur pilote correctement le conseil local de développement, encore faut-il qu'il dispose de ressources dédiées. Nous en tirons les conséquences en nous orientant, pour le choix des conseillers de coopération et d'action culturelle (COCAC), vers des profils de plus en plus expérimentés, et en utilisant le levier de la formation : avant le départ des agents, l'accent est mis sur la question du développement, car il faut s'approprier le sujet.
Nous nous rejoignons donc, et, compte tenu des débats, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la commission.
Je tiens à vous rassurer : mon amendement reprend la terminologie de l'étude d'impact – je vous renvoie à la page 19. Il s'agit bien de mettre les moyens humains en cohérence avec les moyens budgétaires. Je vise effectivement les postes et non pas l'administration centrale. Il n'y a pas d'ambiguïté non plus s'agissant des postes affectés aux opérateurs. Par ailleurs, je parle d'une « trajectoire […] cohérente », ce qui ne signifie pas une hausse automatique : il convient de tenir compte des choix et de l'efficience.
Si nous n'inscrivions pas cette précision dans le texte, nous ne pourrions pas le faire au moment du PLF, car un tel amendement ne serait pas recevable.
Merci à tous : en adoptant cet amendement, nous allons saluer nos postes diplomatiques, qui, comme l'a rappelé M. le secrétaire d'État, font un travail absolument exemplaire, tout en nous assurant de la cohérence entre les moyens humains et les objectifs affichés dans ce projet de loi de programmation.
Nous mesurons, en vous écoutant, l'importance qu'il y a à ce que l'un de nos collègues de la commission des finances participe à nos travaux.
La commission adopte l'amendement.
Elle examine l'amendement AE31 de M. Bertrand Pancher.
Cet amendement vise à doubler les aides transitant par les organisations de la société civile (OSC) engagées dans le domaine de la solidarité internationale, l'objectif étant d'atteindre 1 milliard d'euros environ en 2022. Depuis le début, notre stratégie en la matière souffre d'un vrai déséquilibre, au détriment de ces organisations. Je tiens, au passage, à rendre un vibrant hommage à ces dernières : animées le plus souvent par des bénévoles, elles parviennent en effet à rassembler des moyens considérables en déployant des trésors d'imagination. D'autant que, lorsqu'elles s'adressent aux services de l'État, ceux-ci sont très souvent aux abonnés absents. En ma qualité de coprésident du groupe d'études sur la coopération au développement et de président de groupe, je suis souvent sollicité : certaines OSC, affichant des budgets importants, me demandent de les aider à obtenir des moyens de la part de l'État. Or cela ne donne jamais le moindre résultat, à tel point que j'ai cessé de m'adresser à l'AFD. Au début, on me répondait qu'il n'y avait pas de moyens ; après, que ce n'était pas la priorité, ou bien pas le bon moment. Je suis passé à l'Agence pour demander clairement quelles étaient les priorités : les dossiers ont été modifiés en conséquence et déposés de nouveau, mais rien n'y a fait. Bref, c'est toujours non. Il y a d'ailleurs un problème, monsieur le secrétaire d'État : quelles réponses l'AFD donne-t-elle aux organisations de la société civile qui frappent à sa porte ? C'est une véritable boîte noire.
Avis défavorable. Je sais votre attachement à ces organisations. La demande dont vous vous faites l'écho a été débattue à plusieurs reprises au sein du CNDSI ; cela représenterait un effort très important. Toutefois, tous les autres canaux permettant de soutenir les organisations de la société civile (OSC) bénéficient d'augmentations substantielles. Dans le domaine de l'humanitaire, la trajectoire consiste à atteindre 500 millions, soit quasiment un doublement. Les fonds de solidarité pour les projets innovants (FSPI), dans les ambassades, passent de 27 millions d'euros à 71 millions d'euros.
Vous avez qualifié l'AFD de boîte noire. Je note pourtant qu'Oxfam vient de signer une convention avec l'Agence pour des financements en Afrique de l'Ouest. Un certain nombre d'autres ONG travaillent également avec elle. C'est tellement vrai que les financements de l'AFD au titre du droit d'initiative vont franchir pour la première fois la barre des 100 millions d'euros.
Par ailleurs, on ne cesse de dire que la participation de la France recule, mais si sa contribution au Fonds européen de développement (FED), qui alimente lui aussi les ONG sur le terrain, était prise en compte, la perception serait différente.
Quoi qu'il en soit, je vous rejoins s'agissant de l'importance capitale des ONG. C'est pourquoi le projet de loi consacre un paragraphe à leur droit d'initiative, et ce pour la première fois – il n'en était pas fait mention dans la loi de 2014. C'est une manière de reconnaître leur rôle dans le dispositif.
Non seulement la question des OSC est bien identifiée, mais nous souhaitons la prendre en compte aussi bien que possible. Elle a fait l'objet de nombreux échanges au sein du CNDSI. Je rends d'ailleurs hommage à la persévérance de Philippe Jahshan, à l'époque où il représentait la Coordination SUD.
Le CICID a pris un engagement très clair : doubler l'APD française transitant par les OSC. Les chiffres montrent que nous réussisson à monter la marche : nous y consacrons quasiment 500 millions d'euros, contre 310 millions en 2017, et nous atteindrons 620 millions en 2022. Le doublement aura donc été réalisé.
Par ailleurs, la reconnaissance du droit d'initiative va être gravée dans le marbre de la loi. C'était une demande forte.
Ce sont autant d'appuis importants pour donner de l'élan aux OSC.
Les crédits du guichet de l'AFD dédié aux dons pour les ONG ont progressé de 20 millions d'euros par rapport à 2020 ; ils s'élèvent à 130 millions. Les trois quarts des dossiers sont acceptés.
Certes, on peut toujours faire mieux, mais quand on sait d'où nous venons, il n'y a pas de quoi rougir. En outre, et comme le disait M. le rapporteur, l'aide aux OSC passe par différents canaux, notamment dans le domaine de l'humanitaire. La logique du projet de loi consiste également à s'appuyer sur le volontariat dans le Sud, sur les OSC locales.
Nous partageons donc la même philosophie, monsieur Pancher, mais point n'est besoin de modifier le texte.
J'observe en effet un accroissement de la part de l'APD française transitant par les OSC. En revanche, il est quasiment impossible, pour les petites organisations de la société civile, d'obtenir des aides. On ne sait pas comment s'y prendre. Essayez de faire en sorte que l'AFD soit plus ouverte. On a l'impression qu'en dessous d'une certaine somme, cela ne relève plus de sa compétence.
La commission rejette l'amendement.
La commission est saisie de l'amendement AE147 de M. Jean-Paul Lecoq.
Le texte a pour objectif le doublement, d'ici à l'année prochaine, du montant de l'APD allouée à des projets menés par des OSC. L'amendement vise à ce que le montant atteint en 2022 soit maintenu jusqu'en 2025, ce qui constituerait un message politique fort.
J'y suis favorable sur le principe, mais on demandera en 2022 une augmentation de ce volume d'aide.
Une fois qu'on aura atteint le doublement, qu'en sera-t-il si l'APD continue à augmenter ? Entendez-vous geler le volume ou le pourcentage de ces fonds au sein de l'APD ?
Une fois le doublement atteint, faut-il se fixer l'objectif d'un nouveau doublement ? On ne sait pas exactement de quel équilibre vous parlez dans l'amendement.
Nous souhaitons éviter d'entremêler les objectifs dans le texte. Je vous rappelle que le Conseil d'État nous demande de veiller à ce que la loi soit la plus intelligible possible. Je vous invite donc à retirer votre amendement, ce qui vous permettra de le retravailler pour la séance. À défaut, avis défavorable.
L'amendement est retiré.
La commission en vient à la discussion commune des amendements AE458 de M. Dominique Potier et AE32 de M. Bertrand Pancher.
L'amendement vise à reconnaître formellement le « droit d'initiative » des organisations de la société civile, associations et ONG dans la politique d'aide au développement française. Il précise également qu'à l'échéance de 2022, 70 % de l'aide publique au développement bilatérale française versée aux organisations de la société civile et transitant par elles passeront par les dispositifs de subvention et de financement de l'innovation sociale.
Le droit d'initiative est formellement reconnu au VIII de l'article 1er. Le Gouvernement souhaite s'en tenir à cette rédaction explicite. Avis également défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Elle examine l'amendement AE72 de M. Vincent Ledoux.
Cet amendement concerne le nouveau guichet de financement des projets issus de la société civile et vise à apporter deux précisions. Il prévoit que la contribution de l'État pourra couvrir certaines dépenses aujourd'hui mal prises en compte. L'AFD ou le centre de crise peuvent inclure dans leurs subventions un forfait de fonctionnement de 12 à 14 %, qui permet de tenir compte de certains frais de structure, mais qui n'est pas toujours suffisant. Il pourrait être utile de préciser qu'au titre du financement du droit d'initiative des organisations de la société civile, la subvention pourra couvrir les dépenses d'études, de réponse à des appels d'offres internationaux ou de mise en place de démonstrateurs. Il s'agit d'éviter que ces dépenses, parfois très utiles, saturent les plafonds des forfaits de fonctionnement.
En contrepartie, je propose d'indiquer que l'attribution d'une subvention donnera systématiquement lieu à une évaluation selon des conditions définies au préalable dans les conventions d'attribution. Dans mon rapport sur l'ouverture de nos territoires à la priorité africaine de la France, j'avais relevé que les subventions accordées par le ministère à des associations en France font l'objet d'une convention préalable avec la délégation des programmes et des opérateurs (DPO) mais que leur impact n'était pas toujours évalué. Il existe donc un risque que les subventions soient automatiquement reconduites, dans le cadre des mêmes conventions d'objectifs.
Votre amendement concerne plusieurs sujets. S'agissant des frais de gestion, je suis défavorable au fait d'inscrire la disposition que vous proposez dans la loi, surtout à l'article 1er. L'AFD finance déjà les frais de structure. L'étude d'impact, quant à elle, est en effet indispensable. Il faut aussi octroyer de petits fonds d'étude aux structures les plus modestes, ce que l'AFD commence à faire. Cela leur permettra de préparer des projets difficiles dans des territoires risqués. Avis défavorable.
Même avis. Le dispositif « Initiatives OSC » finance déjà, à hauteur de 12 à 14 %, les frais de gestion et, par extension, de structure. Le centre de crise et de soutien (CDCS) du ministère de l'Europe et des affaires étrangères procède de même.
Dans la partie du CPG dédiée à la gouvernance, il n'y a pas de volet consacré à l'évaluation et au contrôle, ce qui me semble pourtant nécessaire. Je suggère qu'on y réfléchisse afin de nourrir la dimension de la gouvernance, qui manque un peu dans le texte.
Je suis prêt à retirer l'amendement pour le retravailler. Peut-être M. le secrétaire d'État pourrait-il préciser que les exigences d'évaluation que nous appelons de nos vœux seront définies par la voie réglementaire ? Les opérateurs doivent rendre des comptes dès lors qu'ils utilisent de l'argent public.
J'ai indiqué qu'on pouvait travailler sur ce sujet et améliorer les choses, si besoin est, par la voie réglementaire.
L'amendement est retiré.
La commission est saisie de l'amendement AE681 du rapporteur.
L'amendement vise à ce que le droit d'initiative soit reconnu aux OSC françaises ou implantées dans les pays partenaires, ce qui permettrait de s'aligner sur les stratégies des États et les besoins locaux. On entend souvent dire qu'il faut au préalable renforcer les capacités de ces pays, car ils ne seraient pas capables de définir les solutions à leurs problèmes. Or, une grande majorité d'entre eux, en particulier en Afrique, ont des réponses endogènes et savent bien mieux que nous ce qu'il faut faire. Il convient donc de leur offrir la possibilité de lancer des initiatives et d'être financé.
La commission adopte l'amendement.
La commission examine l'amendement AE459 de M. Dominique Potier.
L'amendement vise à reconnaître formellement le rôle joué par les organisations de la société civile, associations et ONG. Dans votre rapport sur la « modernisation de la politique partenariale de développement et de solidarité internationale », monsieur le rapporteur, vous constatiez déjà que « les OSC sont […] davantage considérées comme des prestataires que comme de véritables partenaires des politiques de développement ». Il convient de remédier à cet état de fait et de reconnaître formellement dans la loi l'importance de leur rôle. Il faut aussi renforcer leur représentativité au sein des agences et des opérateurs de l'État en permettant que les OSC soient représentées au sein de la commission indépendante d'évaluation, des conseils locaux de développement, des conseils d'administration de l'AFD, d'Expertise France et de Canal France international.
Je suis sensible à votre préoccupation, mais il me semble nécessaire de retravailler l'amendement, qui traite de sujets distincts. Je suis favorable à la première partie, consacrée au droit d'initiative et à la reconnaissance du rôle des associations, des OSC, de l'ECSI, du volontariat mais non à la seconde, qui concerne la représentation des OSC au sein des organisations et des opérateurs, et qui n'a pas sa place à l'alinéa 12. Les associations de la société civile sont représentées au sein du CNDSI et dans les conseils d'administration. Je vous demande de retirer votre amendement et de retravailler la première partie.
Je suis très favorable à ce qu'on aboutisse à une disposition consacrée aux OSC. À l'instar du rapporteur, je pourrais être d'accord sur certains aspects de l'amendement. Je réaffirme mon engagement à ce que l'on travaille à la rédaction d'un amendement consensuel en vue de la séance.
Nous tenons à la deuxième partie de l'amendement mais sommes disposés à y retravailler en vue de la séance.
La commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement AE148 de M. Jean-Paul Lecoq.
L'amendement est retiré.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement AE8 de M. Bertrand Pancher.
La commission est saisie des amendements AE558 et AE555 de Mme Aina Kuric.
Je retire l'amendement AE558, afin que l'on y retravaille en vue de la séance – nous avons eu des échanges avec le rapporteur et le secrétaire d'État à ce sujet.
L'amendement AE555 vise à allouer à l'enregistrement des naissances, à l'enrôlement de la population à l'état civil et à la création de bases de données biométriques au sein des pays partenaires, une partie des nouveaux fonds octroyés à l'aide publique au développement par le projet de loi. Il s'agit de lutter contre le fléau des enfants sans identité, qui les expose à la traite d'êtres humains, aux mariages forcés, aux conflits armés. Favoriser l'enregistrement de chaque naissance, c'est un enjeu central de développement et de la lutte contre les inégalités, qui s'inscrit dans la droite ligne de l'objectif de développement durable 16.9 figurant dans le programme de développement durable adopté en septembre 2015 par l'Assemblée générale des Nations unies.
Cette disposition n'a pas sa place dans cette partie du texte. Avis défavorable. On reparlera de ce sujet central dans le cadre du CPG.
Le CPG est en effet le texte adapté pour traiter de la question. Nous partageons cette ambition. Je salue, à cet égard, le travail conduit par les parlementaires au sein de l'Assemblée parlementaire de la francophonie (APF), qui se sont emparés de ce sujet depuis plusieurs années.
Je rappelle que nous avons travaillé, au sein de la commission, sur les enfants sans identité, et qu'un consensus s'était fait jour. Nous tenons beaucoup à cette disposition, qu'il ne faudra pas oublier d'évoquer lors de l'examen du CPG. J'observe qu'on renvoie de plus en plus de dispositions à l'examen en séance. Il serait souhaitable que nous puissions examiner ces nombreux amendements retravaillés avant la séance publique.
Je voterai contre l'amendement, car il me paraît maladroitement rédigé. Nous avions préconisé d'intégrer l'enregistrement des naissances dans les projets d'enrôlement de la population et de création de bases de données biométriques, qui sont parfois financés par l'AFD et CIVIPOL. En revanche, je ne suis pas favorable au renforcement des projets d'enrôlement et de création de bases de données biométriques partout sur la planète. Quand de tels projets sont financés par l'AFD ou CIVIPOL, nous demandons qu'ils comportent un volet consacré à l'enregistrement des naissances, mais nous ne souhaitons pas que ces institutions aillent, tambour battant, développer de tels programmes, qui seraient mal reçus sur le territoire national.
La volonté de résoudre le problème des enfants dépourvus d'identité est très ancienne. L'Assemblée parlementaire de la francophonie, l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) et de nombreux autres acteurs l'ont manifestée de longue date. L'objectif n'est pas de se substituer à des États souverains, qui doivent appliquer ces politiques, mais de les aider à le faire, comme plusieurs ONG s'y emploient. La formulation de l'amendement est donc à revoir.
J'ai bien entendu vos remarques. Je suis disposée à retravailler l'amendement en vue de la séance. Il faudra toutefois veiller à ne pas passer à côté de ce sujet fondamental en séance publique. Je trouve le jugement de Laurence Dumont un peu dur, car il s'agit de se donner les moyens de lutter contre un fléau clairement établi. C'est un objectif indispensable pour mener de véritables politiques de développement à l'échelle mondiale. Nous devons agir de manière particulièrement forte.
Les amendements sont retirés.
La commission examine l'amendement AE331 de Mme Anne Genetet.
Cet amendement a pour objet d'affirmer de façon plus marquée l'effort de développement des dispositifs de volontariat internationaux. Il s'agit d'augmenter les contributions, de développer les dispositifs, d'étendre le nombre de volontaires mobilisés par le biais du ministère de l'Europe et des affaires étrangères et de l'Agence du service civique. Il convient aussi de répondre à la demande croissante de nos concitoyens de s'engager dans des projets de volontariat à l'international. Celle-ci est de plus en plus comblée par des missions de « volontourisme », séjours courts alliant volontariat et tourisme, hélas sujets à des dérives allant de la tromperie des volontaires à la traite d'êtres humains. Nous entendons contrer ce phénomène par une approche plus ambitieuse et plus opérationnelle du volontariat international.
Nous partageons votre volonté. Cela correspond à ce que nous essayons de faire, au sein de la commission, au sujet du volontariat – on peut citer, par exemple, la création du volontariat de réciprocité. Toutefois, vous souhaitez insérer cette disposition à l'article 1er, et non à l'article 6, qui est consacré au volontariat. Je vous invite donc à viser cet article. J'émets un avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 1er modifié.
Mes chers collègues, il nous reste 499 amendements à examiner. Si nous continuions au même rythme, il nous faudrait encore trente-cinq heures de réunion. Je me vois donc contraint de demander au rapporteur et au secrétaire d'État d'exposer brièvement les motifs de leur avis. Je ne donnerai ensuite la parole qu'à un orateur en faveur de l'amendement et à un orateur d'avis contraire. Je ferai naturellement une exception en présence de sujets qui nécessitent un effort de clarification.
Après l'article 1er
La commission examine l'amendement AE301 de Mme Bérengère Poletti.
Nous proposons de faire des OSC de véritables partenaires. Comme vous l'indiquez, monsieur Berville, dans votre rapport sur la « modernisation de la politique partenariale de développement et de solidarité internationale », « les OSC sont […] davantage considérées comme des prestataires que comme de véritables partenaires des politiques de développement ». Nous proposons de créer un article additionnel après l'article 1er afin que l'on ne nous dise pas que la disposition est mal placée.
Avis défavorable. Votre amendement porte sur plusieurs sujets, parmi lesquels la représentation des OSC, qui n'a pas sa place ici. Nous y reviendrons et donnerons ultérieurement un avis favorable à des amendements de Mme Poletti.
J'ai pris un engagement très clair dans mon avis sur l'amendement de Laurence Dumont, en indiquant que nous allions travailler sur un article consacré aux OSC. Je suis très attaché à la coproduction législative.
La commission rejette l'amendement.
La commission est saisie de l'amendement AE423 de M. Dominique Potier.
L'amendement vise à conditionner tout versement de fonds de la part de l'État, de ses agences et de leurs filiales aux entreprises destinataires de l'aide publique au développement à plusieurs conditions en matière sociale, environnementale et fiscale, quelle que soit la taille des entreprises. Ces obligations sont les suivantes : non-détention d'actifs dans un paradis fiscal ; remise d'un rapport annuel faisant état de la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2030 ; mise en place d'un plan de vigilance. Le non-respect de l'une de ces trois obligations entraînerait un remboursement par le paiement d'une amende pouvant atteindre 5 % du chiffre d'affaires mondial consolidé de la société.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement.
Article 2 : Rapport annuel du Gouvernement relatif à la politique de développement solidaire
La commission examine l'amendement AE306 de Mme Bérengère Poletti.
J'ai déposé un amendement visant à ce que le Gouvernement remette au Parlement un rapport avant le 15 juin de chaque année. Par cohérence, je suis donc défavorable à votre proposition qui prévoit une date ultérieure. Par ailleurs, l'amendement ne définit pas précisément la commission qui est appelée à rendre un rapport.
L'amendement est retiré.
La commission est saisie de l'amendement AE346 du rapporteur.
Il s'agit d'avancer au 15 juin la date de remise du rapport prévu à l'article 2, afin de permettre aux parlementaires de préparer au mieux la session budgétaire.
Avis favorable. Cela nous place dans la temporalité du débat d'orientation budgétaire.
La commission adopte l'amendement.
Les amendements AE347 et AE348 du rapporteur sont retirés.
La commission examine l'amendement AE335 de Mme Anne Genetet.
Avis défavorable. L'objectif de l'aide au développement est la réduction de la pauvreté, la lutte contre les inégalités et la préservation des biens publics mondiaux. Il ne convient pas de faire entrer en compte d'autres objectifs.
La commission rejette l'amendement
Elle examine l'amendement AE552 de M. Bruno Fuchs.
Le rapport doit questionner la cohérence entre la stratégie d'aide publique au développement et les objectifs diplomatiques de la France, qui portent par principe sur la défense de la démocratie et de l'État de droit.
On ne peut pas critiquer la gouvernance d'un pays sans interroger la nature de l'aide qu'on lui fournit. Il ne s'agit pas de conditionner les aides à la nature du régime – les populations en ont besoin, et davantage encore lorsque le régime n'est pas démocratique – mais d'examiner le lien entre les prises de position diplomatiques et l'aide au développement.
Je vous remercie pour votre contribution à nos travaux. Une telle disposition risquerait d'introduire une forme de conditionnalité que personne ne souhaite ici. Ce serait prononcer la double peine pour des populations privées des droits humains et dans le besoin. Il me semble que votre demande est satisfaite, à la fois par l'alinéa 3 de l'article 2 et par le CPG. Depuis un an, nous avons évolué sur ce sujet – les questions migratoires ont été sorties du cadre car cela ne correspondait pas à notre logiciel collectif – ; nous devons poursuivre les discussions, au niveau européen comme au niveau international.
Qui dit cohérence ne dit pas forcément conditionnalité. Nous avons évoqué les conseils locaux : il faudra bien qu'un rapport établisse le lien entre la politique du poste et ce que l'on y fait en maîtrise développement. C'est ainsi que nous pourrons éviter des situations où, comme au Mali, les opérateurs font ce qu'ils veulent.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement AE349 du rapporteur.
Le rapport devra porter sur la cohérence entre la politique de développement solidaire et celle menée en matière environnementale et climatique.
La commission adopte l'amendement.
Elle est saisie, en discussion commune, des amendements AE302 de Mme Bérengère Poletti et AE457 de M. Dominique Potier.
La formulation du principe de cohérence des politiques de développement durable ne correspond pas aux recommandations de l'OCDE.
La commission adopte l'amendement AE302.
En conséquence, l'amendement AE457 tombe.
La commission examine l'amendement AE576 de M. Jacques Maire.
Je vous propose de revenir à un sujet que nous avons évoqué tout à l'heure, celui de la transparence, de la redevabilité et du contrôle.
Nous nous sommes intéressés aux décaissements au sein de la zone Sahel. Malgré nos demandes, l'AFD a refusé de nous donner des chiffres, mais voici ce que nous avons appris de la chaire Sahel – elle-même financée par l'AFD : le premier décaissement survient en moyenne un an après la signature du projet ; le délai moyen de décaissement est de cinq ans ; lorsque le projet s'achève, la proportion des fonds décaissés est en général de 60 %.
Les agences de l'AFD refusent de communiquer le montant des décaissements annuels. Ceux-ci n'augmentent pas, alors que les engagements sont en hausse ! L'idée de cet amendement n'est pas d'inciter les décaissements mais de comprendre quelles sont les dynamiques à l'œuvre, à quels ajustements il faut procéder. Nous proposons donc un suivi annuel des décaissements en dons et en prêts, par pays et par thématique.
Il s'agit d'un amendement à l'article 2, mais ce suivi aurait toute sa place dans le DPT ou dans un autre document budgétaire. Je suggère au Gouvernement d'amender le texte en ce sens.
Je vous propose d'identifier les manques et de faire un courrier au Gouvernement. La durée du délai de décaissement dépend moins de l'AFD que de la capacité d'absorption du partenaire. Cela pose la question de la coordination de l'aide au développement, de l'harmonisation de nos stratégies. Je suis défavorable à cet amendement car il porte sur l'article 2. Il faudrait plutôt détailler le DPT, désagréger les comptes par pays et par thématique. En améliorant ainsi les documents budgétaires, nous renforcerons la capacité des parlementaires à exercer le suivi et le contrôle de redevabilité.
C'est, somme toute, la suite de l'engagement que je viens de prendre. Je suis prêt à muscler le DPT en y faisant figurer ces données. Mon avis sera donc défavorable, mais positif car accompagné d'un engagement clair.
C'est une bonne chose que d'inscrire ce suivi dans le DPT, mais il faut que cela figure dans la loi. Cela fait une heure que nous nous plaignons de ne pas parvenir à distinguer entre dons, subventions, pays, thématiques. Nous demandons simplement que cela soit écrit noir sur blanc dans un rapport remis au Parlement. Il est presque indélicat de le refuser !
La loi de programmation nous offre, tous les vingt ans, l'occasion de transformer les intentions en réalité. C'est un levier unique, que nous devons actionner.
Le grand problème de crédibilité de cette politique publique tient aux éléments de transparence et de redevabilité. Or les difficultés sont permanentes. Certes, elles ne proviennent pas exclusivement de l'AFD et peuvent tenir, comme l'a souligné le rapporteur, aux capacités d'absorption des partenaires. Pour autant, moins de 20 % des crédits de l'AFD sont tracés dans la comptabilité nationale des États partenaires. Ce n'est pas normal ! Ces problèmes de réconciliation budgétaire sont très vivement ressentis, y compris par nos homologues parlementaires.
Je ne mets pas en doute l'engagement du ministre. Cela ne me dérange pas que la disposition figure dans le DPT, mais elle doit aussi être inscrite dans ce texte. Je suis prêt à retirer l'amendement à cette seule condition.
Je m'associe à la demande de Jacques Maire, car il soulève un problème fondamental, l'exécution des crédits. Comme la guerre, l'aide publique devrait être un art d'exécution !
La question de fond, c'est celle qui concerne les populations bénéficiaires de l'aide au développement : leurs conditions de vie se sont-elles améliorées ? La question que pose Jacques Maire, c'est celle de la traçabilité des crédits, à la fois en interne à l'AFD et dans les comptabilités nationales. J'ai travaillé ce sujet et je suis prêt à regarder les chiffres, mais je suis surpris d'entendre affirmer que 80 % des financements de l'AFD s'évaporent dans la nature !
En matière de comptabilité, il faut savoir de quoi l'on parle et préciser que 50 % des financements de l'AFD ne vont pas aux États, c'est d'ailleurs ce qui fait la spécificité de la France comparée à d'autres pays européens, comme le Royaume-Uni.
Oui, il faut améliorer la transparence. Depuis 2017, nous nous efforçons d'améliorer les documents budgétaires afin qu'ils soient à la hauteur des enjeux et de l'évolution des crédits. Je ne pense pas que cette disposition doive figurer dans la loi, d'autant qu'elle inclut les effacements de dette – des éléments bien plus accessibles que les délais de décaissement. Je trouve intéressante la proposition du Gouvernement de faire figurer ces données, que vous avez identifiées comme manquantes, dans le DPT ou dans le rapport prévu à cet article. Mais selon moi, cela ne relève pas de la loi.
Je défendrai en séance publique, en concertation avec le secrétaire d'État et le rapporteur, un amendement de même nature qui portera sur un autre endroit du texte.
L'amendement est retiré.
La commission en vient à l'examen de l'amendement AE73 de M. Vincent Ledoux.
Tous les territoires, et l'ensemble de leurs acteurs, participent à l'aide publique au développement. J'ai travaillé sur le sujet pour le Premier ministre Édouard Philippe durant six mois : j'ai eu un mal fou à évaluer la somme des énergies dépensées. Les versements directs des collectivités aux pays en développement atteignent chaque année 120 millions d'euros. Pour mieux la faire connaître et la valoriser, je demande que la contribution des acteurs territoriaux figure dans ce rapport.
Je profite de cette occasion pour soulever un problème. Les tarifs préférentiels dont bénéficiaient les petites associations humanitaires pour envoyer des colis de vivres ou de médicaments ont augmenté le 1er janvier 2021. J'ai interrogé Philippe Wahl, PDG du groupe La Poste, qui était auditionné par la commission des finances, sur ce changement de tarif. Il m'a indiqué que cela faisait partie des éléments actuellement discutés avec le Gouvernement. Monsieur le secrétaire d'État, pourriez-vous mettre un peu d'huile dans les rouages ? L'aide publique au développement, c'est d'abord par les territoires français qu'elle passe.
Nous sommes, pour beaucoup d'entre nous, des élus locaux et nous connaissons l'engagement des collectivités territoriales. Le rapport pourrait donner une vision globale des actions en faveur du développement, qu'il convient de mieux coordonner. Avis favorable.
Vous connaissez mon attachement et celui de Jean-Yves Le Drian à l'action extérieure des collectivités territoriales : avis favorable.
La commission adopte l'amendement.
Elle examine l'amendement AE162 de Mme Bérengère Poletti.
Il s'agit de réaffirmer l'objectif d'une aide publique au développement programmée sur cinq ans.
Avis défavorable puisque la présente programmation couvre la période allant de 2022 à 2025.
La commission rejette l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement AE414 de Mme Valérie Thomas.
Je ne relancerai pas le débat avec cet amendement qui procède du même esprit que ceux de Jacques Maire et de Dominique Potier. Je vais le retirer, mais je pense que nous gagnerions à disposer d'un document annuel qui rassemblerait toutes ces données.
L'amendement est retiré.
La commission en vient à l'amendement AE682 du rapporteur.
Nous proposons d'inclure dans le rapport annuel la liste des pays où l'AFD opère. Les parlementaires pourront ainsi débattre des interventions susceptibles de poser question, ce qui est dans l'esprit de l'amendement de M. Fuchs.
Pourra-t-on distinguer clairement les aides destinées aux PMA, aux pays prioritaires, disposer de détails sur la nature des interventions ?
Il s'agit simplement de lister les pays où l'AFD opère, certaines de ses interventions pouvant faire débat.
La commission adopte l'amendement.
La séance est levée à 19 heures 40.