La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
Suite de la discussion d'un projet de loi
Cet après-midi, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'amendement n° 2467 portant article additionnel après l'article 23.
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l'amendement n° 2467 , qui fait l'objet de quatre sous-amendements.
Notre amendement propose d'harmoniser l'information des futurs locataires par le biais des annonces, et ainsi de renforcer l'application effective de l'encadrement des loyers pour les communes volontaires. En effet, actuellement, seuls les professionnels de l'immobilier voient le contenu de leurs annonces de location de logement réglementé, selon les dispositions de l'arrêté du 10 janvier 2017. Cela permet aux locataires de contrôler la conformité des loyers proposés, ce qui facilite notamment l'application de l'encadrement des loyers.
Toutefois, aucune information particulière n'est exigée pour les annonces des bailleurs louant directement, notamment entre particuliers. Ce type de transactions a connu une forte croissance. Cette asymétrie dans l'information des potentiels locataires ne permet pas à ces derniers de vérifier ex ante la conformité des annonces avec la législation en vigueur. C'est pourquoi cet amendement, suggéré par l'association CLCV – Confédération de la consommation, du logement et du cadre de vie –, s'inspire de l'arrêté précité du 10 janvier 2017. Il propose donc une égalité de traitement entre toutes les annonces de location de logement, et donc une égalité entre les locataires.
Je trouve cet amendement – que nous avions un peu évoqué avant la levée de séance de cet après-midi – très positif, dans le sens où il permet d'instaurer une équité et une information la plus complète possible, à la fois dans le parc intermédié par des professionnels, mais aussi, et cela constitue les deux tiers du parc locatif privé, pour les annonces de particulier à particulier. C'est un apport de la France insoumise que je salue. J'ai déposé des sous-amendements de précision, que je vous propose de ne pas détailler afin d'avancer. Je donnerai donc un avis favorable à l'amendement n° 2467 , sous réserve de l'adoption des sous-amendements.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du logement, pour donner l'avis du Gouvernement.
C'est à mon tour de donner un avis favorable à l'amendement, sous réserve de l'adoption des sous-amendements. Il est très important de mettre sur un pied d'égalité les annonces qui sont passées par des professionnels de l'immobilier et celles qui passent directement de particulier à particulier, ce que l'amendement permet de faire en exigeant dans les deux cas que les annonces mentionnent les informations nécessaires concernant l'encadrement des loyers : c'est un progrès. Côté professionnels, nous avions la base légale, et un arrêté est en cours de discussion pour être prochainement publié ; côté particuliers, il n'y avait pas de base légale : c'est tout l'intérêt de l'amendement.
L'amendement n° 2467 , sous-amendé, est adopté.
L'amendement n° 2363 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l'amendement n° 2462 .
Il vise à augmenter les sanctions contre les propriétaires ne respectant pas l'encadrement des loyers, au bénéfice des locataires lésés. L'objectif fixé est à la fois de dissuader les propriétaires de recourir à une telle pratique et d'inciter les locataires à effectuer des signalements, afin de rendre l'encadrement des loyers effectif là où il est mis en place.
L'ensemble des villes pratiquant l'encadrement des loyers ont mis en place un site internet qui permet à tout propriétaire de connaître, sans autres démarches, le loyer plafond auquel il peut louer son bien en fonction du loyer de référence calculé par l'observatoire local des loyers (OLL) et fixé par arrêté préfectoral. Par ailleurs, pour Lyon notamment, à chaque nouveau bail, ou renouvellement de bail, le propriétaire a désormais l'obligation d'indiquer le loyer de référence sur son annonce ou son contrat de location, ainsi que les raisons précises d'une éventuelle majoration, dans la limite de 20 %. Il doit aussi indiquer le montant et la justification d'un éventuel complément de loyer, comme le prévoit la loi, mais pour des cas exceptionnels.
Au vu de ces prescriptions très précises et de la facilité pour les bailleurs de connaître le loyer de référence qui se rapporte à leur bien, il nous semble particulièrement injustifiable que des locataires continuent à faire les frais de bailleurs contrevenants. Les sanctions actuelles ne prévoient aucun dédommagement pour les locataires, hormis le remboursement des trop-perçus alors qu'ils sont les victimes. Pourtant il y a urgence à contenir les loyers, voire à les baisser : la dernière enquête de la Fondation Abbé-Pierre montre que les ménages s'appauvrissent à cause de la hausse du coût de leur logement.
La sanction supplémentaire est le versement par le propriétaire contrevenant d'une somme de 2 000 euros au profit du locataire. Les locataires lésés seront donc encouragés à engager des signalements et à saisir les préfets afin de ne plus subir ces situations.
L'amendement n° 2462 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 23 bis est adopté.
L'amendement n° 1992 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 23 ter , amendé, est adopté.
L'article 24 est adopté.
L'amendement n° 2365 de M. Stéphane Peu, tendant à la suppression de l'article 25, est défendu.
L'amendement n° 2365 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
J'observe au passage que beaucoup de nos amendements ont été écartés pour différents motifs, alors qu'ils avaient été déclarés recevables en commission. Il y a des applications de l'article 45 de la Constitution que je ne comprends pas très bien. On connaissait l'article 40, qui permet de déclarer irrecevables des amendements pour un motif budgétaire, et qui affaiblit le débat démocratique. Maintenant, on doit aussi faire face à l'article 45, qui est utilisé de manière parfois assez hétéroclite.
L'amendement n° 2364 réaffirme une disposition du code général des collectivités territoriales (CGCT), qui pose la responsabilité première de l'État en matière de logement. C'est la raison pour laquelle nous proposons de spécifier que les compétences déléguées à des collectivités territoriales sont exercées au nom et pour le compte de l'État, puisque ce dernier doit rester le garant de la politique de solidarité en matière de logement.
Notre collègue l'a dit : cette disposition existe déjà dans le CGCT, et elle revêt d'abord un caractère symbolique. L'exercice des compétences transférées par l'État procède d'une convention signée, sous réserve d'un certain nombre d'obligations – nous avons eu l'occasion d'y revenir au cours de nos débats –, et pour une durée limitée. La convention peut être dénoncée par les préfets si les objectifs fixés ne sont pas atteints ou qu'on ne cherche pas suffisamment à les atteindre. Nous avons déjà évoqué le rôle du préfet vis-à-vis des collectivités. Il s'agit d'autant d'éléments qui caractérisent la volonté du législateur de conserver une responsabilité de principe de l'État dans le champ de la politique de l'habitat. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
La parole est à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, pour donner l'avis du Gouvernement.
L'idée est la même : nous considérons que votre amendement est satisfait, puisque les compétences dont vous parlez – les aides à la pierre, le droit au logement opposable (DALO) et l'hébergement d'urgence – sont exercées au nom et pour le compte de l'État. Je le répète : votre proposition est donc déjà satisfaite en droit, car le système de délégation prévoit, par définition, que les compétences sont exercées au nom et pour le compte du délégant – l'État, dans le cas présent. Demande de retrait.
L'amendement n° 2364 est retiré.
L'article 25 est adopté.
Cet amendement fait correspondre les critères de priorité d'accès au logement social et ceux de la loi DALO, en créant un critère permettant aux personnes à mobilité réduite et occupant un logement non adapté d'être reconnu au titre du DALO. Comme vous le savez, pour être reconnu au titre du DALO, une personne en situation de handicap doit aussi se trouver en situation de suroccupation ou occuper un logement qui ne répond pas au moins à deux critères de décence. Ces critères étant particulièrement restrictifs, il convient de les corriger.
Dans le cadre de la loi ELAN – portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique – votée au début de la législature, nous avions eu un grave désaccord sur le sort réservé aux logements pour handicapés. D'une règle qui prévoyait que 100 % des logements soient « handicapables », c'est-à-dire aménageables sans trop de frais pour les personnes handicapées, on était passé à seulement 10 %. L'ensemble des associations défendant les personnes victimes de handicap s'étaient émues de cette régression.
La reconnaissance du handicap par la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) doit permettre de faire valoir une demande de logement au titre du DALO, afin que ce dernier se manifeste de façon plus solidaire avec nos compatriotes handicapés, lesquels doivent faire partie des personnes prioritaires pour l'accès au logement.
On sait que le DALO existe déjà sans condition de délai pour les ménages en situation de handicap, mais vous apportez ici une précision à laquelle je donne un avis favorable.
Le présent amendement va dans le bon sens, celui d'une meilleure prise en compte du handicap. Je voudrais rebondir sur les propos de mon collègue Stéphane Peu, en évoquant le combat que nous avons mené pour maintenir les dispositions de ce qui a constitué l'une des réussites de notre famille politique, la loi « handicap » de 2005 – s'inscrivant elle-même dans la suite à d'autres lois sur le handicap qui doivent également être mises au crédit de notre famille politique.
Lorsque nous en avions débattu, vous aviez expliqué vouloir poursuivre trois objectifs : construire plus, construire mieux et construire moins cher. Or vous avez décidé de limiter à 10 % la proportion de logements neufs devant être accessibles, donc directement adaptés aux personnes en situation de handicap, tandis que les 90 % restants étaient dits « évolutifs ». Mais en réalité, le coût de construction des logements a-t-il diminué ? Non ! A-t-on construit plus ? Non ! Et a-t-on construit mieux ? Non plus ! Nos échanges avec ceux qui conçoivent les logements le montrent : prévoir le caractère évolutif d'un logement, c'est-à-dire la possibilité qu'il devienne accessible, est tellement contraignant qu'il vaut mieux le rendre d'emblée accessible. D'ailleurs, je ne pense pas me tromper en disant que la plupart des bailleurs sociaux anticipent d'ores et déjà cette contrainte sur l'ensemble de leur parc.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement n° 1334 rectifié .
Il vise à rétablir l'article 25 bis A dans sa rédaction initiale, en supprimant toutefois l'alinéa relatif à l'adaptation du délai concernant la durée maximale de location d'un meublé de tourisme.
En effet, le présent article, introduit par le Sénat, propose de reconnaître aux intercommunalités les plus intégrées la qualité d'autorité organisatrice de l'habitat (AOH). Une telle mesure est très attendue par nombre d'entre elles. Les collectivités souhaitant bénéficier de ce statut doivent se doter des documents de programmation et de planification – plan local d'urbanisme intercommunal (PLUI), programme local de l'habitat (PLH), délégation des aides à la pierre – qui leur permettent de définir et de mettre en œuvre leur stratégie et dont l'élaboration est le fruit d'un dialogue indispensable mené au niveau intercommunal. Il est légitime, madame la ministre, que de telles structures puissent être dotées de compétences élargies.
Avis défavorable pour une simple et bonne raison : le but du projet de loi, c'est justement de donner à certaines intercommunalités, en fonction de certains prérequis que nous avons précisés lors de nos débats en commission, la possibilité de devenir des autorités organisatrices de l'habitat. Je souhaite que l'on en reste à la version de la commission.
Défavorable également.
En réalité – vous le savez bien –, en commission, vous avez un peu réduit la portée de l'ambition initialement affichée. On ne peut que le regretter.
L'amendement n° 1334 rectifié n'est pas adopté.
Il vise à considérer les collectivités territoriales non comme une masse de fonctionnaires de l'État mais bien comme une institution à part entière, une entité dotée d'une autonomie politique et juridique claire, y compris en matière d'habitat.
La délégation des aides à la pierre est de ce point de vue un dispositif intéressant. Des dispositions introduites par le Sénat permettent d'accroître l'autonomie dont peuvent disposer les communes ou les EPCI – établissements publics de coopération intercommunale – délégataires de cette compétence. La notion même de délégation mérite d'être discutée : c'est tout de même une façon un peu particulière de considérer les collectivités territoriales, qui sont traitées comme des institutions auxquelles on ne peut que déléguer mais pas confier des compétences.
Concernant les aides à la pierre, il y a une lacune : tous les EPCI ne demandent pas nécessairement à être délégataires de cette compétence ; quant aux départements volontaires, ils ne peuvent rien faire d'autre que de l'instruction pour le compte de l'État ! Ils n'ont aucune marge de manœuvre et aucune capacité à mobiliser à leurs côtés les autres acteurs de l'habitat.
L'amendement vise donc à ouvrir aux départements la possibilité de bénéficier du statut d'autorité organisatrice de l'habitat, lorsque la compétence des aides à la pierre leur est déléguée. Cela me semble logique et cohérent. Il s'agit encore une fois de soutenir une logique de subsidiarité : sur un territoire, quand un consensus naît pour que ce soit un département qui s'occupe d'une compétence, donnons-lui alors pleinement la force de l'exercer !
Il vise à reconnaître – à l'instar de la disposition introduite pour les intercommunalités les plus intégrées – aux départements les plus actifs en matière de logement la qualité d'autorité organisatrice de l'habitat.
Pour ce faire, les départements devront être nécessairement dotés de documents de programmation et de planification, comme la délégation des aides à la pierre, qui permettent de définir et de mettre en œuvre une stratégie à l'échelle départementale. Il est légitime qu'ils puissent alors être dotés de compétences élargies.
Les amendements identiques n° 294 de M. Jean-Luc Bourgeaux, 299 de M. Vincent Descoeur, 593 de M. Stéphane Peu, 727 de Mme Sylvia Pinel, 1136 de Mme Agnès Firmin Le Bodo et 1700 de M. Thibault Bazin sont défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
Au risque de me répéter, je dirai d'abord que toutes les intercommunalités ne remplissent pas les critères permettant d'obtenir le statut d'autorité organisatrice de l'habitat. La question n'est donc pas de savoir si la compétence du logement et de l'habitat doit relever de l'intercommunalité ou du département. Je suis d'accord avec vous : certains départements sont délégataires des aides à la pierre. Je ne le remets pas en cause et le statut que nous créons ne s'attaque pas du tout à cette réalité. Il ne s'agit pas de donner aux intercommunalités un statut particulier dont elles bénéficieraient au détriment des départements, mais seulement de dire que certaines d'entre elles, parce qu'elles remplissent certains critères et parce qu'elles ont en main certaines compétences, peuvent devenir des autorités organisatrices de l'habitat.
Je suis donc défavorable au dispositif que prévoient vos amendements identiques mais, encore une fois, ce n'est pas contre les départements. En matière de services et d'administration, ces derniers – notamment les plus petits d'entre eux – sont en général mieux dotés que les intercommunalités pour mener à bien les politiques du logement et de l'habitat. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Même avis. Au fond, la notion d'habitat recouvre non seulement le champ du logement mais aussi ceux de l'urbanisme et de l'aménagement de l'espace ; or c'est bien le bloc communal qui est doté de ces compétences. Il ne nous paraît donc pas souhaitable d'élargir aux départements la possibilité de bénéficier du statut d'AOH, compte tenu des compétences qui sont en jeu – comme vous le savez, les PLU et les PLUI sont respectivement établis au niveau d'une commune ou d'une intercommunalité. Il vaut donc mieux laisser les choses en l'état.
Monsieur le rapporteur pour avis, vous répondez comme s'il n'y avait qu'un seul amendement, alors qu'il y en a deux qui ne sont pas exactement identiques : l'un propose qu'« un département ou un groupement de collectivités » puisse être reconnu comme AOH, tandis que l'autre – une série d'identiques – ne mentionne que le département.
Madame la ministre, vous nous répondez en évoquant l'urbanisme alors que nous vous parlons de l'habitat. Bien entendu, l'urbanisme peut créer de l'habitat, mais il y a des endroits où il y a surtout de l'habitat existant. L'échelle départementale, on la connaît ! Nombre de mes collègues sont conseillers départementaux et ont une expertise assez aiguisée en la matière.
Plusieurs acteurs évoluent à cet échelon : les bailleurs départementaux, dont l'action permet d'ailleurs de construire du logement social dans un certain nombre de communes, y compris en zone 3 – heureusement qu'ils existent –, mais aussi les agences départementales d'information sur le logement (ADIL), les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE), ainsi que les opérateurs, notamment la CAL – commission d'attribution des logements –, chargés du logement qui accompagneront l'utilisation de MaPrimeRénov' et donc l'évolution que vous proposez. Tous ces opérateurs sont susceptibles de soutenir les collectivités, notamment les EPCI, lorsqu'il s'agit par exemple de mener une étude préopérationnelle en vue d'une OPAH – opération programmée d'amélioration de l'habitat – ou d'une OPAH-RU – renouvellement urbain.
On voit donc bien que le département est un acteur de l'habitat, que ce soit en matière d'ingénierie, de soutien ou d'investissement. C'est parfois lui qui se voit confier la délégation des aides à la pierre, et certains élaborent même des plans départementaux de l'habitat (PDH) !
En effet, il y a des départements dans lesquels aucune intercommunalité n'a la taille critique lui permettant de le faire. À ce sujet, vous parlez de « petits départements », mais il n'y a pas de petits départements ! Il n'y a que des départements, tout simplement, et ceux dont vous pensez qu'ils sont petits ont un grand cœur : il est important, je crois, de le souligner.
Oui, comme la Meurthe-et-Moselle, sans parler de la Drôme ou de la collectivité européenne d'Alsace.
Je pense donc que permettre aux départements qui veulent aller plus loin, de concert avec les communautés de communes, de se constituer en tant qu'autorité organisatrice de l'habitat, serait une bonne chose. Certes, la question de l'urbanisme dépend du bloc communal – communes ou communautés de communes, si le PLU est à l'échelle intercommunale ; mais l'habitat – on le voit bien s'agissant du logement des personnes défavorisées – est traité à l'échelle départementale, dans le cadre des PDH ! On ne peut donc pas faire comme si les départements n'étaient pas concernés par la question de l'habitat : c'est pourquoi prévoir cette possibilité permettrait à certains d'entre eux d'aller beaucoup plus loin et d'être beaucoup plus efficaces. C'est bien l'un des objectifs du projet de loi 3DS – différenciation, décentralisation, déconcentration. Le présent amendement va dans ce sens : approuvez-le !
Madame la ministre, on ne peut pas être d'accord avec vous quand vous affirmez que l'urbanisme est une compétence du bloc communal :…
Ah bon ?
…c'est une affirmation qui n'est ni vraie, ni objective, ni équilibrée. L'urbanisme est une compétence partagée ! Les SRADDET – schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires –, les SRDEII – schémas régionaux de développement économique, d'innovation et d'internationalisation – ou les SCOT – schémas de cohérence territoriale – sont autant de documents qui relèvent soit du niveau régional, soit de la coopération intercommunale, qui est elle-même, d'ailleurs, par l'intermédiaire des outils cités par Thibault Bazin, souvent soutenue par l'expertise des conseils départementaux.
C'est donc une compétence largement partagée, qu'on le veuille ou non ! On n'élabore pas un PLU ou un PLUI sans prendre en considération les prescriptions des différents schémas et, d'ailleurs, votre propre majorité a contribué à élever certaines de ces prescriptions à des niveaux qui ne se limitent pas au bloc communal.
Il s'agit donc de déterminer comment on définit, au moyen notamment de l'urbanisme, le paysage d'un territoire. La voilà, la question qui se pose ! Et chaque commune ne peut l'aborder seule de son côté : c'est bien pour cela que des schémas ont été mis au point. Finalement, au-delà du plan stratégique, en ce qui concerne notamment la dimension paysagère – c'est bien ce dont il est question quand on parle d'habitat et de construction –, l'échelon le plus pertinent est clairement celui du département. C'est la maille territoriale qui correspond à une réalité géographique, simplement parce que c'est dans cet esprit qu'elle a été créée, au contraire de la région ! Les concepteurs des régions, en voulant créer de grands ensembles, se sont retrouvés coincés par les frontières, tout là-bas à l'est – lorsque le territoire de la France s'arrête –, ce qui les a obligés à regrouper des territoires sans aucune cohérence. Les départements, eux, ont été découpés en fonction de réalités géographiques qui n'ont pas bougé dans le temps ! Une montagne restera toujours une montagne, de même qu'un fleuve, et la population se concentre et s'organise autour de ces contraintes du milieu. Cette réalité géographique, qui est une force pour les institutions, doit également devenir un outil de politique publique.
Madame la ministre, avec ces amendements, nous voulons vous aider à promouvoir la différenciation. Nous ne disons pas que tous les départements doivent être reconnus comme des autorités organisatrices de l'habitat : nous disons qu'ils doivent l'être lorsque les intercommunalités ne le sont pas et lorsqu'il est pertinent qu'ils le soient pour faire progresser les territoires. Laissons-les faire ! Voilà en quoi devrait consister la différenciation territoriale : or, je l'ai dit lors de la discussion générale, cet aspect du texte n'est pas suffisamment approfondi. Je le regrette, car le concept est intéressant.
En matière d'habitat, nous pourrions aujourd'hui favoriser une différenciation intelligente en fonction des réalités, des ambitions et des moyens des territoires. Il est dommage que vous le refusiez.
L'amendement n° 2796 n'est pas adopté.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement n° 1335 .
Il s'agit d'un amendement quasiment rédactionnel, qui vise à modifier le champ d'application de l'article 25 bis A en précisant qu'il s'applique non pas à un EPCI à fiscalité propre, mais à une collectivité ou à un groupement de collectivités. Cette modification n'empêchera pas un EPCI de candidater à la fonction d'autorité organisatrice de l'habitat. Nous constatons tous, dans nos territoires, que les EPCI se regroupent parfois pour exercer la compétence habitat au sein de pays ou de pôles d'équilibre territorial et rural (PETR). L'échelle du département est souvent la plus pertinente sur la question de l'habitat pour proposer un accompagnement adapté aux habitants.
Madame la ministre, vous voulez réformer la politique de l'habitat et faire évoluer le service FAIRE – faciliter, accompagner et informer pour la rénovation énergétique – et les dispositifs Mon accompagnateur Rénov' et MaPrimeRénov l'année prochaine. Le département pourrait être un partenaire précieux dans cette entreprise, tout comme les groupements d'EPCI.
Ne réduisez pas la politique de l'habitat à un modèle homogène et uniforme, construit uniquement à partir de l'EPCI. Dans nos territoires, la compétence habitat est parfois mieux défendue à l'échelle départementale, avec le consentement et la coopération d'EPCI constitués en groupements. Je vous demande de prendre en considération cette réalité, madame la ministre !
Sourires.
Non, ce n'est pas vrai ! Le Gouvernement et la majorité ont fait preuve d'une grande ouverture à l'égard de propositions de la droite comme de la gauche de l'hémicycle, jusqu'à la France insoumise !
« Ah ! » sur les bancs du groupe LR.
On ne peut vraiment pas nous reprocher de refuser des amendements en fonction de leur provenance.
Votre amendement, qui n'est évidemment pas un simple amendement rédactionnel, prolonge le débat que nous avons depuis tout à l'heure sur l'autorité organisatrice de l'habitat. Vous demandez que des collectivités et des groupes de collectivités puissent devenir AOH en oubliant que certaines compétences relèvent de certaines entités et que des conditions sont exigées pour occuper cette fonction. Rappelons que, pour devenir AOH, il faut un PLH et un PLUI, ainsi qu'une convention de délégation de compétences avec l'État. La modification que vous proposez ne ferait qu'engendrer de la confusion. Ce n'est pas parce que le projet de loi entend favoriser la différenciation, la déconcentration et la décentralisation, que les compétences exercées par les uns doivent forcément l'être par les autres.
Il ne s'agit évidemment pas de prétendre que l'intercommunalité fait mieux que le département ou qu'un groupe de collectivités est plus efficace qu'une intercommunalité. Quelles intercommunalités sont-elles en mesure d'exercer certaines compétences et peuvent-elles prétendre au statut d'autorité organisatrice de l'habitat ? Voilà la question à laquelle nous cherchons à apporter une réponse par la différenciation. Le fait d'être désigné comme autorité organisatrice de l'habitat n'est ni une sanction, ni une récompense. Je vous demande donc de retirer l'amendement ; à défaut, mon avis sera défavorable.
Je partage bien évidemment les arguments de M. le rapporteur pour avis. Les intercommunalités devront présenter un PLU et un PLH pour justifier leur capacité à exercer la compétence relative à l'habitat.
Rappelons, par ailleurs, monsieur Bazin, que l'article 25 bis A a été rédigé par le Sénat. Vous nous appelez bien souvent à respecter le travail de la Haute Assemblée. Initialement, je le reconnais, le Gouvernement n'était pas favorable à l'amendement sénatorial à l'origine de cet article, mais nous avons fini par nous y rallier en commission. Nous devons, je crois, en rester là, et respecter la rédaction du Sénat.
N'avons-nous donc comme uniques choix que de revenir à la version gouvernementale du projet de loi ou de ne rien changer aux modifications du Sénat ? À quoi sert l'Assemblée nationale dans ces conditions ? Si nous sommes réunis pour examiner ce texte, ce n'est ni pour revenir à sa version initiale, ni pour valider entièrement la version du Sénat, mais pour apporter notre pierre à l'édifice !
Je ne vous dis pas le contraire !
Sourires.
Je suis perspicace, chers collègues !
Monsieur le rapporteur, dans certains territoires, des PDH sont conclus en supplément des PLH. C'est donc que ce que nous proposons est possible.
Mon collègue Raphaël Schellenberger l'a souligné, il est même des territoires dans lesquels il n'y a pas de PLUI, mais des SCOT, lesquels couvrent une grande partie du territoire. Les PLUI doivent d'ailleurs être compatibles avec les SCOT. Rien ne s'oppose donc à ce que la compétence habitat soit exercée au niveau du département.
Nous vous faisons des propositions pour améliorer l'article 25 bis A. Peut-être faut-il les sous-amender, mais soyons constructifs ! Le président Macron n'a-t-il pas promis de prendre les bonnes idées d'où qu'elles viennent ?
L'amendement n° 1335 n'est pas adopté.
L'amendement n° 3219 de M. Guillaume Gouffier-Cha est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Cher collègue, vous avez la liberté de défendre vos amendements en disant simplement : « Défendu. » De mon côté, je m'efforce la plupart du temps d'exposer mon avis de manière circonstanciée, mais il m'arrive aussi d'être plus court. Je soutiens évidemment cet amendement déposé à l'initiative des députés de la majorité. Si vous souhaitez en débattre, vous avez la possibilité de prendre la parole. En tout état de cause, ne me reprochez pas d'être rapide sur un amendement de la majorité. Reconnaissez que j'apporte toujours un grand soin aux réponses que je formule sur les amendements, quels que soient les groupes qui les ont déposés.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Cet amendement élargit les compétences détenues par les EPCI à fiscalité propre qui seront reconnus autorités organisatrices de l'habitat. Une clause aux conventions pluriannuelles conclues par l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) permettra de prévoir que la reconstitution de l'offre de logements sociaux s'effectue prioritairement dans une commune carencée. Si aucune commune carencée n'est située dans le périmètre de l'unité urbaine, la convention autorisera que la reconstitution de l'offre intervienne en dehors de ce périmètre, dans le respect des limites territoriales de l'EPCI. Cette clause vise à renforcer la mixité sociale. Avis favorable.
Heureusement que nous sommes là pour ralentir le débat et l'approfondir ! Vous étiez prêt à faire voter sur cet amendement sans aucune discussion, monsieur le rapporteur, au simple motif que vous y êtes favorable et que la majorité en a discuté lors d'un conciliabule, en réunion de groupe.
Vous voulez qu'on vous laisse travailler entre vous, comme vous le souhaitez. Eh bien, non ! Ici, nous écrivons la loi et nous en débattons publiquement. Permettez-nous de souligner que, quand un amendement n'est pas défendu,…
…vous ne pouvez pas vous contenter d'exprimer un avis favorable en alléguant que vous en avez la liberté. Vous avez le devoir d'expliciter, pour la représentation nationale et pour ceux qui, demain, seront appelés à juger de l'applicabilité de la loi, les raisons qui vous poussent à soutenir un tel amendement.
Je vous remercie, madame la ministre, des quelques éclaircissements que vous avez donnés, mais cet amendement soulève plusieurs interrogations. Prenons le territoire que je connais le mieux, celui dont je suis issu…
Sourires.
La disposition proposée s'y appliquerait parfaitement. Alors que la loi a confié à l'EPCI la compétence habitat sans que les communes aient été consultées, la mesure proposée par l'amendement permettrait à l'EPCI d'appliquer, pour des raisons d'équilibre politique, dans d'autres communes les programmes de rénovation urbaine qui bénéficiaient jusqu'alors à une seule ville, non carencée. Voilà ce que pourrait permettre la disposition ! Elle est certainement utile et nécessaire dans certains territoires, mais les garde-fous prévus par l'amendement ne sont pas suffisants. Dans les secteurs denses en logements sociaux, aux nombreux quartiers défavorisés, la disposition proposée aura un effet positif mais, dans les territoires moins densément équipés, les enjeux de l'aménagement du territoire et la concurrence en matière de construction de logements pourraient conduire à la dénaturer.
La lecture de l'exposé sommaire de l'amendement m'inspire une question très concrète, madame la ministre. Une commune située en dehors de l'ère urbaine pourrait potentiellement relever d'un zonage de production de logements sociaux différent de celui d'un territoire concerné par le renouvellement urbain. Le financement de la production de logements sociaux dans cette commune, probablement située en zone 3, sera-t-il identique à celui prévu pour le quartier prioritaire ?
Cette question est essentielle. En effet, certains villages veulent construire des logements sociaux, mais leur zonage ne permet pas d'équilibrer l'opération. Cet amendement leur permettra de réaliser cette ambition en l'absence de commune carencée. Or le nerf de la guerre, dans la production de logements sociaux, est le zonage. Les communes équilibrent la production de logements sociaux en fonction de leur zonage. Cette précision est fondamentale, mais elle n'apparaît pas dans l'amendement tel qu'il est rédigé. Quand il y a un flou,… Vous connaissez la suite !
J'aimerais également obtenir quelques précisions sur cet amendement. Dans mon intercommunalité, l'offre de logements sociaux détruits dans le cadre des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) est reconstituée dans l'EPCI situé hors de l'unité urbaine. C'est en tout cas ce qui est prévu par la convention de rénovation urbaine de la communauté d'agglomération de Roissy-Pays-de-France.
Je vais vérifier car j'ai un trou de mémoire concernant cet article de loi. Si je comprends bien, l'amendement propose que la reconstitution de l'offre locative sociale financée par l'ANRU se fasse dans une commune carencée située en dehors de l'unité urbaine s'il n'existe aucune commune déficitaire dans ladite unité urbaine.
On reste dans l'EPCI !
En Île-de-France, il existe des EPCI limitrophes, certains comptant beaucoup de communes carencées et d'autres beaucoup de QPV. Si la reconstitution ne peut se faire dans l'EPCI voisine, cela posera des problèmes en Île-de-France. En petite couronne, il y a des établissements publics territoriaux (EPT), mais le cas peut se présenter en grande couronne : des intercommunalités de villes riches avec beaucoup de communes carencées jouxtent des communes avec QPV et programme de rénovation urbaine.
Prenons un exemple. À côté de Sarcelles, Villiers-le-Bel ou Garges-lès-Gonesse se trouvent des villes comme Montmorency ou Enghien-les-Bains qui comptent peu de logements sociaux. L'idée est de pouvoir construire des logements sociaux dans ces dernières. Je comprends la logique de l'amendement, mais il faut quand même profiter de la navette parlementaire pour vérifier les choses concrètement.
Le dispositif proposé dans cet amendement représente un bon équilibre. Nous sommes déjà habitués à reconstituer l'offre locative sociale à l'intérieur de la commune et en dehors du quartier strict d'habitat collectif.
Élargir le cercle en priorité aux communes carencées de l'EPCI est plutôt une bonne chose. Cependant, il faut veiller à ne pas trop élargir le cercle pour respecter les logiques de territoire. S'il paraît difficile de proposer de construire à l'extérieur de l'EPCI, l'éventualité peut faire réfléchir sur la taille des EPCI et l'organisation intercommunale des secteurs en question.
Si cette réflexion pouvait avoir lieu, notamment en région parisienne, ce serait vraiment bien.
En fait, cet amendement prévoit un ordre de priorité de reconstruction de l'offre de logements. Les communes carencées au titre de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) devront accueillir en priorité les opérations de reconstruction au sein d'un même EPCI. Ensuite, se pose le problème du financement, car il n'est ici question que de logements financés par l'ANRU. Cette lecture de l'amendement est-elle la bonne ?
Cet amendement est aussi issu des consultations que le Gouvernement a eues avec les représentants de nombreuses collectivités, en particulier avec Catherine Vautrin, la présidente de l'EPCI du Grand Reims, et ceux de France urbaine.
Il concerne plutôt les intercommunalités situées en dehors de l'Île-de-France. La question ne se pose pas vraiment en Île-de-France où, pour des raisons géographiques, on est quasiment toujours dans l'aire urbaine : la reconstitution se fait donc à l'intérieur.
En dehors de l'Île-de-France, on trouve des intercommunalités dont le périmètre géographique est supérieur à l'aire urbaine de la ville dans laquelle se trouve le quartier de la politique prioritaire de la ville. Ces dernières, comme celle du Grand Reims, ne peuvent pas faire une reconstitution de l'offre en dehors de l'aire urbaine, même si c'est à l'intérieur de l'intercommunalité.
Cet amendement, fondé sur l'AOH, prévoit d'accorder certaines facultés à une intercommunalité qui prend cette compétence : elle pourra notamment reconstituer l'offre au-delà de l'aire urbaine mais à l'intérieur de l'EPCI. Comme l'a souligné Mme Pinel, elle devra alors respecter un ordre de priorité et commencer par les communes carencées, ce qui est assez logique puisque nous cherchons à renforcer la mixité. Pour résumer, il s'agit d'une faculté offerte aux EPCI qui sont plus grands que leur aire urbaine pour reconstituer l'offre de logements sociaux.
Pour répondre à la question du financement, je précise qu'il est ici question d'opérations de reconstitution de l'offre locative sociale financées par l'ANRU. Du coup, ce sont les barèmes et les subventions ANRU qui s'appliquent et non le zonage classique. Les financements sont donc bonifiés par rapport à ceux qui sont appliqués dans les zones détendues chères à M. Bazin.
Elles le sont à nous tous !
C'est à la fois intéressant et dangereux, notamment si je me réfère à l'intervention de notre collègue Rebeyrotte. Son vœu pieux est d'autant plus invraisemblable dans cette assemblée qu'à l'occasion de l'examen tant de la loi relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, que du présent texte, nous avons proposé des amendements plus efficaces pour en finir avec ces intercommunalités voulues par la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRE), que les préfets ont été obligés de créer sous le gouvernement socialiste, qui a précédé celui-ci. Ces EPCI ont été transformés en énormes mastodontes sur les territoires, déconnectés de la réalité des bassins de vie.
Cet amendement offrirait une opportunité : financer dans le cadre de l'ANRU la reconstruction de logements sociaux en dehors des aires urbaines où ils ont été détruits.
Eh bien oui !
C'est une possibilité !
La disposition pourrait éventuellement avoir un intérêt pour le Grand Reims, mais on ne peut pas décider du lieu où les gens veulent aller habiter. La loi de l'offre et de la demande s'impose, en dépit de textes comme la loi SRU ou autres. Après avoir construit des logements sociaux à un endroit, on ne trouve pas forcément des gens pour y habiter. Les y installer ne règle d'ailleurs pas les problèmes quand l'activité, les besoins et les services ne s'y trouvent pas. Il faut être prudent dans ce domaine.
Nous aurons l'occasion d'y revenir au cours de la navette car, à mon avis, il y a un problème de rédaction. En Île-de-France, le dispositif ne peut pas fonctionner. Prenons l'exemple de mon EPCI. Comme je l'avais signalé à votre cabinet, la quasi-totalité des villes carencées font l'objet d'un plan d'exposition au bruit (PEB), c'est-à-dire qu'elles sont non constructibles. Comment pourrions-nous construire dans l'EPCI ? C'est impossible. Si nous ne pouvons pas construire dans l'EPCI voisine, comment pourrions-nous reconstituer l'offre ?
Dans certains cas très concrets, notamment en Île-de-France, il est impossible de reconstituer l'offre de logements sociaux à moins de construire dans une ville carencée limitrophe de l'EPCI. En raison de cette anomalie, le dispositif ne pourra pas s'appliquer en Île-de-France. Il faut revoir l'amendement pour ne pas interdire de construire dans l'EPCI voisine s'il s'y trouve des villes carencées.
Ce n'est pas nécessaire !
L'Île-de-France est un cas particulier qui pourra éventuellement être réglé dans un point supplémentaire ou dans un autre texte. En revanche, dans nos belles provinces, l'idée de ne pas mettre les logements sociaux forcément à l'endroit où ils ont été détruits mais de les reconstruire un peu plus loin, dans des communes carencées du même EPCI, relève du bon sens.
C'est déjà dans la loi ! Il faut reconstruire un logement pour chaque logement détruit.
Oui, mais cette reconstruction pourrait alors se faire en dehors du lieu de démolition.
Il faudrait remette un peu d'ordre dans ce texte où, finalement, il y a un article pour le Mont-Saint-Michel, un autre pour Nanterre et un troisième pour la communauté urbaine de Reims.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Je croyais qu'il fallait écouter les terroirs !
Rires
et trouver une règle générale qui puisse s'appliquer partout.
Il n'est pas inintéressant de permettre un financement bonifié pour la construction de logements sociaux en dehors des aires urbaines, dans des territoires qui sont candidats et où il est possible de le faire. Mais alors, affichons-le, en toute transparence, et prévoyons les moyens pour le faire !
Il faut procéder d'une manière intelligence, sachant que les services devront suivre. Certains bourgs-centres, éligibles au programme Petites villes de demain, n'ont pas de bailleurs désireux d'y construire ou d'y rénover des logements sociaux.
Eh oui !
Leur cas n'est d'ailleurs pas forcément prévu, mais la question se posera si l'on a les moyens d'aller dans des villages qui ne sont pas très bien dotés en services. Rappelons que la ville de Reims regroupe une bonne partie de la population de l'intercommunalité : 180 000 habitants dans la ville-centre pour une intercommunalité d'un peu plus de 200 000 habitants. Les communes des alentours sont donc très petites par rapport à la ville-centre, ce qui n'est pas le cas des intercommunalités de Metz ou Nancy.
C'est la différenciation !
Affichez cette différenciation quand vous avez fait quelque chose pour une collectivité, cela nous aiderait à en comprendre l'intérêt.
Mais non !
L'amendement n° 3219 est adopté.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement n° 1357 .
En raison du temps législatif programmé, je serai bref.
Le présent amendement propose, pour les intercommunalités qui feraient le choix d'assumer un rôle d'autorité organisatrice de l'habitat, la possibilité de se voir déléguer par l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) les crédits de MaPrimeRénov', afin de garantir leur versement effectif dans les territoires et leur lisibilité pour les citoyens, dans un contexte où les offres plus ou moins sérieuses et abordables n'ont eu de cesse de se développer ces dernières années.
Notre collègue Bazin ne sera pas surpris que je donne un avis très défavorable à cet amendement…
…dont nous avons déjà eu l'occasion de discuter en commission.
Le dispositif MaPrimeRénov' est un succès : parlant sous le contrôle du Gouvernement, je dirais que 700 000 à 800 000 dossiers auront été déposés à la fin de l'année.
Constatant que le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) ne répondait pas bien aux besoins, nous l'avons transformé et créé MaPrimeRénov' qui, selon les études, jouit d'un bon taux de notoriété. Cette prime est pilotée par l'ANAH dont les moyens et les effectifs vont être renforcés, ce qui permettra d'accélérer le traitement des dossiers et de résoudre les problèmes que nous avons parfois constatés dans les circonscriptions. À ce stade, environ 500 000 dossiers sont déjà en cours.
Quels que soient les bancs, nous pouvons tous nous réjouir de voir que la rénovation énergétique devienne une priorité pour nos concitoyens, après l'adoption de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite climat et résilience. MaPrimeRénov', ciblée sur les ménages les plus modestes, remplit ses objectifs sous la houlette de l'ANAH.
Nous examinons un texte qui traite de différenciation, de déconcentration et de décentralisation. Le dispositif MaPrimeRénov' est piloté par l'État, mais les services déconcentrés participent à son déploiement. Continuons dans ce sens. Faisons en sorte que les objectifs fixés dans la loi « climat et résilience » – fin des passoires énergétiques à horizon 2025, 2028 et 2034 – soient atteints. Grâce à cette prime, ils pourront l'être.
Vous ne serez pas surpris : je suis défavorable au transfert de MaPrimeRénov'. Ce dispositif n'est pas une aide à la pierre mais la transformation d'un dispositif fiscal en aide directe et centralisée. Plus de 700 000 dossiers ont été déposés et quelque 350 000 d'entre eux ont été payés pendant l'année écoulée. Centralisée par l'ANAH, leur instruction se passe très bien.
Les collectivités peuvent travailler avec nous comme elles le font tous les jours pour les aides à la pierre, y compris avec MaPrimeRénov' Copropriétés. En tant qu'aide à la pierre, cette dernière peut être déléguée aux collectivités : la rénovation des copropriétés constitue un enjeu important, et cette prime peut être abondée par les collectivités qui le souhaitent.
Ce sera également le cas pour MaPrimeRénov' Sérénité, transformation de l'aide Habiter mieux Sérénité. Elle restera une aide à la pierre mais sera plus favorable à partir de juillet prochain, puisque les délégataires pourront aussi valoriser des certificats d'économie d'énergie. Les collectivités et l'État peuvent donc travailler en partenariat étroit sur la rénovation, avec MaPrimeRénov' Sérénité et MaPrimeRénov' Copropriétés. Et tout le travail d'information et d'accompagnement est fait en partenariat avec les guichets France Rénov et Mon Accompagnateur Rénov', puisqu'il s'agit en général d'émanations des collectivités : anciens espaces info énergie ou délégataires des OPAH qui sont en première ligne pour l'accompagnement des ménages. Avis défavorable.
Vous évoquez l'ANAH et les services déconcentrés, mais certains EPCI sont très investis et ont été très loin dans l'accompagnement pour déployer ces politiques. Nous avons un motif d'inquiétude : le Président Macron a parlé d'un nouvel acte de la décentralisation, mais vous ne parlez que de l'État et de ses services déconcentrés. Je trouve cela dommage : nous pourrions faire confiance aux collectivités en leur déléguant ce qui a été fait. Nous sommes loin de l'objectif de décentralisation, mais c'est votre choix, vous pouvez l'assumer.
Je me permets de relayer une autre inquiétude : les accompagnateurs ne seront pas nécessairement l'ANAH ou les opérateurs issus des collectivités locales que vous avez mentionnés. Pouvez-vous nous assurer de la neutralité de ces futurs accompagnateurs, et que l'accompagnement ne sera pas uniquement financier ? Quand on vise les personnes aux revenus modestes ou très modestes, il faut que l'accompagnement soit aussi social. Il s'agit de deux attentes fortes à l'égard des accompagnateurs, qui pourraient être, à l'avenir, des acteurs privés. Il faut nous assurer que, par exemple, des entreprises de distribution d'énergies fossiles ne pourront pas devenir accompagnateurs, car ils seraient alors juges et parties. C'est une inquiétude du terrain, alors que les collectivités ont souvent mis en place les guichets pour accompagner les ménages.
Bien sûr, la possibilité de valoriser les certificats d'économie d'énergie va dans le bon sens ; néanmoins vous devriez faire confiance aux collectivités locales qui sont très investies et ne vous ont pas attendu pour accompagner les ménages en matière de rénovation énergétique.
Pourquoi les collectivités locales reprennent-elles la délégation des aides à la pierre ? Ce n'est pas pour exercer une politique supplémentaire, mais parce que les citoyens y gagnent en réactivité sur le service et la qualité d'instruction de leur dossier. On instruit mieux quand on est proche du territoire et qu'il peut y avoir un contact direct entre le citoyen pétitionnaire et l'agent instructeur.
Vous dites que ce constat est valable pour les aides à la pierre classiques mais que pour MaPrimeRénov', il vaut mieux fonctionner dans l'autre sens. Mais madame la ministre déléguée, il ne se passe pas une semaine sans que je reçoive dans ma permanence des personnes qui, bien qu'accompagnées grâce aux outils développés par les collectivités locales, ne perçoivent pas la subvention MaPrimeRénov' à laquelle elles ont droit. Alors que c'est sur cette base qu'elles ont monté leur projet, parfois en contractant un prêt-relais auprès d'une banque, et qu'elles ont, parfois aussi, redimensionné une opération de changement de chaudière ou un programme d'isolation, elles se retrouvent dans des situations financières invraisemblablement complexes, parce que l'État ne verse pas les subventions qu'il leur a promises et auxquelles elles ont droit.
Je ne sais pas dans quel monde vous vivez ! MaPrimeRénov' fonctionne pour donner envie aux gens de rénover leur logement, mais, dans la réalité, le versement de l'aide est une catastrophe. Je pourrais venir toutes les semaines évoquer un exemple supplémentaire de familles en réelle difficulté à cause des problèmes de trésorerie que vous leur créez.
L'amendement n° 1357 n'est pas adopté.
L'amendement n° 1994 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour soutenir l'amendement n° 1996 .
Nous proposons de spécifier dans le code général des collectivités territoriales qu'une formation peut être proposée « en matière d'urbanisme, de construction ou d'habitat » aux nouveaux élus chargés de ces questions. Il s'agit de problématiques complexes et les travaux de la commission pour la relance durable de la construction de logements – la commission Rebsamen – ont fait apparaître que la méconnaissance des élus est parfois un frein qui les empêche de se lancer dans la construction et le traitement des dossiers. Il est important de montrer aux élus locaux que nous pouvons les accompagner pour acquérir l'expertise dont ils auront besoin pour mener à bien de tels projets. Il s'agit d'un amendement de précision.
L'amendement n° 1996 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 25 bis A, amendé, est adopté.
Nous proposons de dissocier, dans les délégations possibles de l'État à la métropole du Grand Paris, les compétences relatives aux aides au logement de celles relatives à l'hébergement.
Les compétences relatives aux aides au logement pourraient être transférées à la métropole du Grand Paris dès lors qu'elle se sera dotée d'un plan métropolitain de l'habitat, ce qui n'arrivera pas de sitôt selon moi car le sujet ne fait pas consensus en Île-de-France, c'est le moins que l'on puisse dire. Cela se comprend mieux en rappelant qu'il s'agit d'une des métropoles les plus ségréguées et les moins mixtes de notre pays.
En l'état, les compétences sur les aides au logement sont indissociables de celles relatives à l'hébergement. Il y a une exception : la Ville de Paris a compétence sur les aides au logement mais pas sur l'hébergement, qui reste de la responsabilité de l'État. Pour des raisons compréhensibles en raison de l'ampleur des problèmes d'hébergement, l'État ne souhaite pas déléguer la compétence sur l'hébergement et les collectivités de la métropole ne souhaitent pas l'exercer. Cela risque de constituer un point de blocage lorsque le moment de transférer la compétence sur les aides au logement sera venu.
Nous proposons donc d'étendre à la métropole du Grand Paris la dissociation qui existe aujourd'hui pour la Ville de Paris entre les aides au logement et l'hébergement. L'hébergement resterait une compétence pleine et entière de l'État tandis que les aides au logement pourraient être déléguées.
Avis défavorable. Lorsque les compétences ne sont pas dissociées, faisons en sorte qu'elles soient menées de pair. Les compétences sur les aides au logement et l'hébergement doivent être laissées aux mêmes autorités. Vous avez mentionné l'exception parisienne, mais je ne comprends pas l'intérêt de l'élargir à la métropole du Grand Paris. Je suis favorable au maintien de l'état actuel du droit.
Il existe des enjeux significatifs d'articulation entre le logement et l'hébergement d'urgence. Il s'agit d'un tout cohérent. Le futur plan métropolitain de l'habitat est en cours de préparation et, à ma connaissance, logement et hébergement y sont liés. L'État n'est pas favorable à la sécabilité des deux compétences. Avis défavorable.
Je ne comprends pas bien pourquoi ces compétences ont été dissociées pour la Ville de Paris. Il n'y a pas de plan métropolitain de l'habitat et de l'hébergement, il y a des programmes locaux de l'habitat, qui sont communaux, intercommunaux et bientôt métropolitains. Il y a par ailleurs des plans, souvent départementaux, pour l'hébergement. Les plans stratégiques adoptés dans les collectivités ne sont pas les mêmes pour l'hébergement et le logement, les PLH ne traitent pas de l'hébergement. Donc le plan métropolitain de l'habitat auquel vous faites référence ne traitera pas de l'hébergement.
Par ailleurs, cela risque de créer un point de blocage considérable car, en Île-de-France, la situation est tout à fait spécifique en raison de la densité et de l'importance des questions d'hébergement d'urgence.
Nous faisons cette proposition afin d'être pragmatiques et plus efficaces : pourquoi ne pas dissocier les compétences alors que les documents stratégiques sont totalement distincts ? D'ailleurs, l'élaboration d'un plan métropolitain de l'hébergement n'est pas à l'ordre du jour de la métropole du Grand Paris : les plans pour l'hébergement existent au niveau de l'État ou des départements. Je ne comprends pas bien pourquoi nous n'étendons pas cette dissociation des compétences à la métropole du Grand Paris, sachant qu'elle ne recouvre pas toute la région Île-de-France, mais seulement Paris et un certain nombre de communes du cœur de l'agglomération.
Je soutiens les arguments qui viennent d'être développés par M. Peu : nous sommes un certain nombre à connaître le fonctionnement des départements et on y traite des problèmes de logement des personnes défavorisées dans ce que l'on appelle le PDALHPD, le plan départemental d'action pour le logement et l'hébergement des personnes défavorisées. Je suis associé à sa conception dans mon département depuis six ans et il s'agit de dispositifs très spécifiques. Le département réunit un certain nombre d'acteurs pour travailler à cette question qui n'a rien à voir avec celles qui sont traitées par les PLH.
Il faut se méfier d'un modèle uniforme et simplifié qui ne correspondrait pas à la réalité des missions distinctes exercées par différents acteurs. Si nous ne prenons pas en compte cette réalité, nous risquons de manquer l'objectif.
L'amendement n° 2366 n'est pas adopté.
L'amendement n° 2881 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 25 bis , amendé, est adopté.
Il s'agit de permettre aux bailleurs sociaux de recevoir et de publier des informations relatives au parc HLM, notamment afin d'améliorer l'information du public et des acteurs institutionnels. Cette disposition viendrait alléger le travail administratif des bailleurs sociaux engendré par les multiples enquêtes dont ils sont déjà destinataires. Les informations visées ne comportent aucune donnée personnelle liée à l'occupation des logements ou relative aux ménages locataires. De plus, leur publication respecterait le secret statistique.
L'amendement n° 2373 de M. Stéphane Peu est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Je suis heureux de donner un avis favorable à ces amendements identiques présentés par les groupes Les Républicains et de la Gauche démocrate et républicaine.
Je m'étais engagée à instruire ce point lorsque nous en avions débattu en commission. J'ai le plaisir d'annoncer que le Gouvernement émet également un avis favorable à ces amendements.
« Ah ! » sur divers bancs.
L'article 26 est adopté.
Je suis saisie de plusieurs amendements portant article additionnel après l'article 26.
La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l'amendement n° 3336 .
Il vise à favoriser l'intervention des collectivités à travers les opérations de revitalisation de territoire (ORT) dans des périmètres dont la requalification représente un enjeu majeur d'aménagement du territoire. Ainsi, les ORT pourront désormais délimiter des secteurs d'intervention dans ces territoires dits périphériques et contribuer au recyclage des entrées de villes ainsi qu'à l'intensification des zones pavillonnaires, notamment pour y introduire plus d'activités et de services. Chacun sait que la transformation de ces zones représente un enjeu majeur pour le développement de ces territoires et pour lutter contre l'artificialisation des sols.
L'amendement s'inscrit dans la démarche Repenser les périphéries commerciales lancée dans le cadre du programme Action cœur de ville, qui a permis d'accompagner la transformation des plusieurs territoires. Cette expérimentation, menée dans six territoires, a mis en avant la nécessité de faire travailler ensemble l'État, les collectivités territoriales et les acteurs du commerce pour définir une stratégie commune et pour mener les opérations d'aménagement immobilier nécessaires à la transformation de ces espaces. L'ORT fournit ce cadre de dialogue ainsi que les outils nécessaires à l'action.
Pour faciliter ces opérations, l'amendement vise à compléter les ORT en permettant au maire d'accorder des dérogations favorisant la diversification des fonctions urbaines, notamment les changements de destination ou la construction de fonds de parcelle. Par exemple, dans les zones pavillonnaires, les règles de stationnement, de prospect et de gabarit peuvent empêcher la densification raisonnée souhaitée par les propriétaires. L'introduction d'assouplissements, décidés au cas par cas par l'autorité compétente – les maires – en fonction des besoins locaux, des formes urbaines et de la bonne intégration du projet, permettra de favoriser de telles opérations. Il s'agit donc d'apporter de la souplesse en matière d'urbanisme.
Je ne reviendrai pas sur tous les arguments développés par Mme la ministre, que je partage, mais je précise que cette disposition s'inscrit dans la continuité de la loi « climat et résilience », qui vise à favoriser la densification et le recyclage urbains. Les dérogations proposées me semblent aller dans le bon sens. J'émets donc un avis très favorable.
Pas vous, madame la ministre ! Vous auriez dû laisser la présentation de cet amendement à votre collègue chargée du logement, qui a fait de la lutte contre le pavillon son cheval de bataille politique ! Car c'est bien ce dont il s'agit, au fond : vous entendez assouplir des règles que les élus fixent eux-mêmes. Je rappelle en effet que les PLU et les PLUI font l'objet de débats et d'une procédure d'adoption spécifique, parce qu'ils touchent à un des droits fondamentaux protégés par la Constitution, à savoir le droit de propriété – le droit de décider ce qu'on peut faire d'un terrain, notamment ce qu'on peut ou non y construire –, qu'il convient de protéger. C'est bien parce que les PLU encadrent si durement ce droit qu'ils sont assortis de garanties, de débats publics, de concertations, de procédures d'élaboration et de votes.
Et parce qu'il s'agit de pavillons, vous voudriez foutre tout cela en l'air pour pouvoir construire davantage ! Mais l'objet d'un PLU n'est pas simplement de définir les zones où l'on peut densifier la construction : il s'agit aussi de préserver des espaces de respiration, réservés à des habitats d'une autre nature, comme des pavillons en milieu de parcelle. Car il n'y a rien de condamnable à occuper un pavillon en milieu de parcelle ! On peut accepter que les Français rêvent d'en posséder un et considérer qu'il est souhaitable de leur permettre de continuer à en disposer.
Or vous expliquez que, dans les zones comportant des pavillons en milieu de parcelle, les élus auront beau avoir passé deux, trois, quatre, cinq ans, voire plus, à élaborer un PLU et à consulter les habitants et les personnes publiques concernées,…
Ce n'est absolument pas de cela qu'il s'agit !
…vous pourrez, si vous n'avez pas envie de respecter ce document, décider de construire un immeuble en plein milieu des pavillons.
N'importe quoi !
Après avoir écouté Mme la ministre et lu attentivement l'exposé sommaire de l'amendement, je m'interroge sur l'écart entre la réalité du périmètre des ORT telles qu'elles existent sur le terrain et la présentation que vous en faites. Très concrètement, la plupart des ORT validées ou en cours de validation, qui ont fait l'objet d'un travail étroit entre les services de l'État et les collectivités locales, tendent à se concentrer sur des îlots anciens à revitaliser et très peu – voire pas du tout – sur des entrées de ville ou des espaces pavillonnaires.
Pour avoir beaucoup travaillé sur cette question, je peux vous assurer que tel est bien le cas. D'ailleurs, chaque fois que nous avons débattu du dispositif Denormandie d'investissement locatif dans l'ancien, qui s'adosse aux ORT, il est apparu – je parle sous le contrôle de Sylvia Pinel et de Stéphane Peu, qui étaient eux aussi présents – que ces dernières ne concernent nullement des espaces pavillonnaires. Je ne comprends donc pas quel est votre objectif. Des questions peuvent certes se poser dans les espaces pavillonnaires – les règlements de lotissement causent par exemple des problèmes –, mais elles sont de nature exclusivement juridique et je ne suis pas certain que cet amendement permette de les régler.
S'agissant des îlots urbains, un travail récent a été mené avec de jeunes architectes sur les zones où les collectivités, notamment celles impliquées dans le programme Action cœur de ville, ne parviennent pas à construire, même avec le soutien des bailleurs sociaux. Dans ces îlots, la densité urbaine doit au contraire diminuer, parce que la profondeur de bâti ancien ne permet pas de construire de nouveaux logements de qualité – avec vue, par exemple. Vous proposez de permettre aux maires de densifier davantage en augmentant les gabarits et en dérogeant aux règles de stationnement. Or, précisément, ces quartiers couverts par des ORT souffrent le plus souvent d'un manque de stationnement, ce qui pose des problèmes d'usage et de cadre de vie. La solution que vous proposez pose donc question en matière de gabarits, de densité et de stationnement.
Pour ce qui est du zonage, je rappelle que les quartiers anciens font déjà l'objet, le plus souvent, d'un zonage particulier : ceux qui connaissent les PLU savent qu'ils sont généralement situés en zone UA, plutôt qu'en zone UB, contrairement aux quartiers pavillonnaires. La majorité des ORT sont d'ailleurs soumises à un règlement spécifique.
Faut-il, pour sauver les îlots en difficulté couverts par une ORT, appliquer un « quoi qu'il en coûte » urbanistique ? Une telle logique peut se justifier pour mener des opérations, mais elle peut être mal acceptée par les habitants du quartier et conduire à construire des bâtiments de piètre qualité – non pas environnementale, mais d'usage. Nombre de nos concitoyens nous interpellent déjà sur le phénomène de surdensification, qui n'est pas anodin.
L'autre interrogation concerne la possibilité donnée au maire de « déroger aux règles de retrait fixant une distance minimale par rapport aux limites séparatives » : vous créez là un risque de contentieux majeur.
Bien sûr !
Vous le savez bien, en effet ! Pardonnez-moi, madame la ministre : le temps législatif programmé me permet de m'exprimer un peu plus longuement qu'à l'accoutumée.
Je crois que vous faites fausse route avec cet amendement. Je sais que vous êtes En marche, mais je ne suis pas sûr que ce soit dans la bonne direction !
« Oh là là ! » sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Au contraire, M. Bazin est en très grande forme !
Pour rebondir sur ses propos, je tiens à appeler votre attention sur la question des dérogations aux règles de stationnement. J'en comprends bien l'intérêt : une collectivité pourra réduire les espaces dévolus au stationnement dans un îlot qu'elle rénove, afin de densifier davantage et de construire plus de bâti. Seulement, chacun sait comment les anciens espaces pavillonnaires ont été construits – j'ai en tête l'exemple de ma ville, comme chacun ici présent, je suppose : les voiries sont étroites et les trottoirs ne respectent généralement pas les normes actuelles.
Si vous ne prévoyez pas de stationnement dans les îlots que vous reconstituez ou que vous créez, les voitures seront garées partout sur la chaussée ! Si vous voulez construire à proximité de l'îlot tout en gardant le même gabarit de voiries parce que des pavillons sont situés de part et d'autre du périmètre de l'opération, vous ne pourrez pas prévoir à la fois un trottoir adapté aux personnes à mobilité réduite (PMR), une piste cyclable et des places de stationnement, parce que la largeur de la voirie ne sera pas suffisante.
Vous allez créer une situation d'anarchie dans le quartier, car vous l'aurez surdensifié.
La possibilité de déroger aux obligations en matière de stationnement m'inquiète réellement. Je sais que les contraintes sont très lourdes : dans la commune dont j'ai été maire et dont je suis toujours conseiller municipal, pour chaque opération de densification, nous sommes attentifs à la question du stationnement, car nous savons que ces espaces consomment du foncier. Si nous ne prévoyons pas des places de stationnement, les habitants se gareront sur la voirie ou en dehors de l'îlot : ils ne renonceront pas à leur véhicule, notamment dans les villes périphériques.
L'amendement s'inscrit dans le cadre du programme Action cœur de ville, dont vous savez qu'il a été prolongé jusqu'en 2026 alors qu'il devait initialement prendre fin en 2023. Tous les partenaires concernés – que je ne listerai pas, car vous les connaissez – ont réfléchi au prolongement des opérations qui, comme M. Bazin l'a justement souligné, concernent pour l'heure majoritairement les centres anciens.
Deux éléments apparaissent comme une évidence : la nécessité de recycler les entrées de ville – les 222 villes qui participent au programme ont exprimé cette demande avec force – et la volonté de requalifier et de densifier certains lotissements et zones d'habitat. Ces possibilités seront ouvertes, je le répète, à travers la création d'ORT qui seront entièrement laissées à la main des maires et des intercommunalités : il s'agit de leur donner des outils supplémentaires pour aménager leur territoire. Des difficultés pourront bien sûr se poser, comme vous l'avez très bien expliqué, mais il reviendra aux communes d'y répondre. Vous nous accusez toujours de ne pas laisser les élus agir ; ici, nous proposons d'assouplir les instruments mis à leur disposition.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe Dem.
La plupart des villes moyennes sont probablement désireuses de requalifier leurs entrées de ville. Certaines l'ont déjà fait et d'autres aimeraient le faire, certainement pour des raisons d'attractivité. Seulement, la plupart des entrées de ville ne sont nullement situées dans des périmètres couverts par une ORT. Or chacun sait que les délais nécessaires pour valider ces périmètres sont très longs.
Juste après l'adoption du dispositif Denormandie d'investissement locatif dans l'ancien, il y a maintenant trois ans, l'État a lancé un appel à candidatures des communes qui souhaitaient s'engager dans cette démarche. Pour avoir fait un point récent avec la direction départementale des territoires (DDT), je peux affirmer que les périmètres des ORT ne sont toujours pas validés. Je rappelle que si le projet de loi de finances pour 2022 est adopté – ce qui devrait être le cas –, le dispositif Denormandie prendra fin en décembre 2023. Ainsi, les périmètres des opérations ne sont toujours pas arrêtés alors même que le dispositif auquel elles renvoient s'éteindra dans deux ans. Si vous expliquez aux communes qu'elles doivent définir de nouveaux périmètres d'ORT, je crains qu'il ne se passe pas grand-chose d'ici à 2026.
J'entends que certaines communes puissent avoir pour objectif de densifier leur entrée de ville et leurs zones pavillonnaires, mais nous ne saurions leur permettre de déroger complètement aux documents d'urbanisme, qui sont tout de même soumis à des règles d'adoption particulières, liées à la nature des interdictions qu'elles créent – encore une fois, un PLU ou un PLUI n'est rien d'autre qu'une restriction du droit de propriété. On ne peut pas balayer toutes les procédures qui ont été créées certes pour organiser la construction, mais aussi pour préserver le droit de propriété, sous prétexte qu'il serait plus rapide, dans certaines zones, de monter une ORT.
Car même si, comme l'a très bien dit Thibault Bazin, il faut du temps pour mobiliser et mettre en œuvre une ORT, celle-ci ne nécessite pas en réalité les mêmes enquêtes publiques, concertations ou consultations qu'un PLU. Cela pose donc un réel problème en matière de respect du droit de propriété, d'autant plus que nous parlons de biens fonciers – qui ne sont pas n'importe quels biens.
J'admets qu'il faille limiter le droit de propriété. Nous devons néanmoins faire attention à la façon dont on facilite la dérogation aux règles.
Chers collègues des Républicains, je comprends que vous avez décidé de vous ériger en chevaliers blancs, défenseurs des zones pavillonnaires. Mais dans ce cas, vous devez dire quels avantages elles présentent et quelles sont toutes les règles qui s'y appliquent. Dites par exemple que dans ces zones, où prévaut souvent la constitution de lotissements, ceux-ci sont soumis à un cahier des charges, à des règles auxquelles on ne peut pas déroger par la loi.
De ce point de vue, l'amendement ne fera donc pas obstacle aux règles que vous évoquez.
Deuxièmement, dans les zones pavillonnaires situées en entrée de ville, souvent, on a construit de nombreux logements mais prévu peu de services. Les règles proposées aujourd'hui par le Gouvernement permettront la construction de bâtiments plus denses, pouvant accueillir les services publics qui font cruellement défaut à toutes ces zones et que l'on souhaite justement réimplanter.
M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis, applaudit.
Nous sommes sur un problème, non pas de droit de propriété pur mais de droit de l'urbanisme. Le premier objectif de l'amendement, si on le lit attentivement, est de permettre à l'autorité territoriale d'exercer sa compétence. Telle est d'ailleurs l'ambition du projet de loi dans son ensemble, comme Mme la ministre vous l'a dit.
Ensuite – et je m'adresse à tous ceux qui ont fait du droit de l'urbanisme –, une possibilité de dérogation est proposée ici pour les permis de construire, qu'on soit ou non dans le cadre d'une ORT. Je vous rappelle qu'il y a une vingtaine d'années, on indiquait, dans les annexes des PLU, qu'il était possible d'obtenir une dérogation, sur des surfaces limitées, en passant directement par le préfet. La loi ne le permettant plus aujourd'hui, il était nécessaire de prévoir une nouvelle mesure. L'amendement prévoit donc la possibilité de déroger aux règles dans les zones urbaines. Car si vous souhaitez obtenir une modification du règlement du PLU – vous pouvez interroger vos maires à ce sujet –, vous attendrez un, deux ou trois ans. L'objectif de l'amendement est d'aller vite sur des questions bien identifiées et en faisant confiance à l'autorité territoriale.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – M. Bruno Questel, rapporteur, applaudit également.
L'amendement n° 3336 est adopté.
Si nous prenons acte de l'efficacité des ORT, nous souhaitons que les organismes HLM soient associés à leur élaboration et à leur signature – comme c'est parfois le cas pour le programme Action cœur de ville – puisqu'ils constituent une des pièces maîtresses du dispositif et de sa réussite.
Il est défavorable, d'abord parce que les organismes HLM sont déjà associés à l'élaboration des ORT et peuvent déjà en être signataires ; ensuite parce que les ORT recouvrent un champ bien plus large que celui de l'habitat, comprenant des opérations d'aménagement commercial ou de voirie. Je ne souhaite donc pas aller plus loin que ce qui est prévu aujourd'hui en la matière par le CCH, le code de la construction et de l'habitation.
Je considère que ces amendements sont satisfaits puisque les organismes HLM peuvent être signataires des ORT. Demande de retrait.
La parole est à M. Pierre Venteau, pour soutenir l'amendement n° 2599 .
Il vise, dans l'esprit de la loi, à simplifier et à favoriser la mise en œuvre rapide des conventions ORT pour la requalification du bâti ancien. Nous proposons notamment de raccourcir les délais d'instruction des autorisations d'urbanisme en ne conditionnant ces dernières qu'à un avis simple des ABF, les architectes des bâtiments de France, au titre du code du patrimoine. Cette possibilité pourra ainsi, avec l'accord de l'ensemble des parties, dont l'État, être inscrite dans la convention ORT initiale.
Il faut maintenir l'avis conforme des ABF, qui représente une garantie. Demande de retrait et, à défaut, avis défavorable.
L'amendement n° 2599 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Les amendements identiques n° 626 de Mme Marie-France Lorho et 951 de M. Guy Bricout sont défendus.
La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l'amendement n° 3335 rectifié .
Il vise à expérimenter pendant six ans une simplification des autorisations d'exploitation commerciale en renforçant la stratégie commerciale dans les SCOT et les PLUI en lien avec les ORT.
L'amendement est issu d'un travail étroit avec l'ensemble des ministères concernés et les associations de collectivités territoriales, à partir d'un constat simple et sans appel : la régulation de l'urbanisme commercial n'a pas permis de limiter la croissance des surfaces commerciales. Leur nombre augmente quatre fois plus vite que la consommation, et le taux de vacance est passé de 7 % il y a dix ans à 12 % en 2020.
Depuis le début du quinquennat, le Gouvernement est mobilisé sur cette question, avec le programme Action cœur de ville, la réforme des SCOT – qui doivent désormais se doter d'un plan stratégique commercial – que vous avez votée ou encore la loi « climat et résilience », qui a permis de limiter fortement la construction des surfaces commerciales. Néanmoins les gisements fonciers sont importants dans les espaces déjà urbanisés et le potentiel de commerces à construire reste élevé. Vous savez d'ailleurs que, dans cette perspective, on a volontiers recours au fonds friches.
L'expérimentation proposée, qui vise à renforcer cette dynamique, permet au préfet, après avis conforme de la Commission nationale de l'aménagement commercial (CNAC), de confier la délivrance des autorisations au maire. La condition essentielle est que les documents d'urbanisme limitent fortement la capacité à construire de nouvelles surfaces et encouragent la reconversion. L'expérimentation est donc menée dans un cadre contrôlé et pourrait concerner, à terme, une dizaine de territoires au maximum. Naturellement, les services de l'État et la CNAC accompagneront les collectivités volontaires, dans le cadre d'un dispositif dédié, tout au long du processus d'expérimentation. Cela permettra également de simplifier les procédures.
L'amendement précise bien sûr que les projets impliquant une artificialisation des sols sont exclus de ce dispositif et resteront soumis à la procédure prévue par la loi « climat et résilience ».
Je suis très favorable à cet amendement qui s'inscrit dans la logique qui a guidé la loi ELAN, puisqu'il vise à simplifier le régime d'autorisation sans pour autant déresponsabiliser les porteurs de projet, et à renforcer le rôle des élus locaux, avec toutes les garanties qu'a précisées Mme la ministre.
Je comprends bien l'objectif mais l'outil que vous développez produira les effets contraires. J'essaie sincèrement d'imaginer des cas de figure dans lesquels cette mesure, qui consiste à conférer à une autorisation d'urbanisme la valeur d'une autorisation d'exploitation commerciale, peut fonctionner.
Le frein qui existait jusqu'à présent, au niveau des commissions départementales d'aménagement commercial (CDAC), à la construction de nouvelles surfaces commerciales importantes – car les CDAC ne se prononcent pas sur les plus petites – était le risque de compétition entre territoires voisins. Un territoire X, disposant d'une grande surface, ne voudrait pas qu'une autre grande surface se développe sur le territoire voisin Y car ce serait au détriment de son propre chiffre d'affaires. C'est ainsi que raisonnent les CDAC.
Avec cet amendement, vous vous débarrassez des CDAC. Ce sont donc – généralement – les intercommunalités qui se retrouveront à la manœuvre. L'avis des territoires ne comptera plus.
La seule contrainte prévue est qu'il ne doit pas s'agir d'un projet impliquant une artificialisation des sols. Lorsqu'on évoque ce type de question, on pense aisément à des territoires qui ne manquent pas d'anciennes friches industrielles, en cours de requalification, dans lesquelles des zones commerciales pourraient facilement se développer.
Dans l'exposé sommaire, vous avez indiqué que le niveau de vacance commerciale était trop élevé et qu'il ne fallait pas construire trop de nouveaux commerces. Je pense qu'avec une telle mesure vous allez aboutir au résultat inverse de celui que vous espérez. En effet, vous éliminez le filtre de la régulation de la concurrence qui existait à l'échelle du département. Les friches étant suffisamment nombreuses, les surfaces commerciales – situées en périphérie et de grande taille – se multiplieront.
Je ne partage pas du tout l'avis de mon collègue Schellenberger. L'amendement est guidé par un souci de simplification et une volonté de confiance. Nous pourrions au moins nous accorder collectivement sur ces deux objectifs.
Il répond d'abord à une demande des associations, en particulier l'ADCF, l'Assemblée des communautés de France, et France urbaine. Depuis de nombreuses années, on constate que les procédures pour les dossiers d'urbanisme commercial sont très longues, leur durée pouvant atteindre une dizaine d'années. L'objectif de l'amendement est de réduire ce délai et de ne pas se limiter à l'avis des CDAC. Les élus locaux ici présents connaissent en effet les pratiques de ces commissions et le laxisme dont elles peuvent faire preuve.
Ce projet d'expérimentation est bien encadré puisque les territoires qui y participeront devront présenter un document d'aménagement commercial très élaboré. Comme l'a évoqué Mme la ministre, un passage pour avis conforme devant la CNAC est également prévu. Nous n'aurons donc plus affaire à des instructions menées a posteriori mais à un travail préalable d'aménagement commercial.
Je ne crains pas le risque de concurrence évoqué par notre collègue Schellenberger. Comme le précédent amendement du Gouvernement, celui-ci va au contraire dans le sens de la confiance faite aux élus. Nous devons donc lancer cette expérimentation. Elle nous permettra de montrer aux territoires, qui connaissent bien leur potentiel de développement, que nous leur faisons confiance, mais aussi de poursuivre le rééquilibrage que nous avons opéré avec la loi ELAN et que nous avons largement renforcé, en matière d'encadrement de l'urbanisme commercial, dans la loi « climat et résilience ».
Les assises du commerce, lancées le 1er décembre dernier, mettent en avant ce même objectif de rééquilibrage entre l'urbanisme commercial de périphérie, le centre-ville mais aussi l'e-commerce – une question que nous n'avons pas évoquée mais dont l'ensemble des acteurs commerciaux doivent se saisir.
Moi qui participe aux travaux de la CNAC, je soutiens très fortement la proposition qui nous est faite.
Madame la ministre, j'ai écouté attentivement votre exposé et j'ai lu le texte de votre amendement. Je pense que vous partez d'une bonne intention :…
…éviter les incohérences du développement commercial, en particulier en périphérie, qui portent préjudice aux objectifs des ORT, notamment de celles qui comportent un volet de reconquête du commerce de proximité.
Je comprends cela, et je vois bien à Lunéville que, comme son prédécesseur, la maire est extrêmement attentive à ce sujet. Mais le dispositif proposé n'inclut pas le maire : vous en restez à la lecture habituelle de la majorité qui ne pense qu'en termes d'intercommunalité.
Murmures sur les bancs du groupe LaREM.
Lisez le dispositif de l'amendement, monsieur Questel ! Ensuite nous discuterons.
Madame la ministre, vous mentionnez l'autorité compétente en matière d'urbanisme. Telle qu'elle figure dans le dispositif, s'agissant du PLUI, ce sera le président de la communauté de communes. Or l'instruction et la délivrance des permis dépendent souvent du maire. Il faudra donc clarifier les choses : le texte indique que le président de l'EPCI serait chargé de délivrer les autorisations commerciales parce qu'il gère le PLUI, mais une divergence peut surgir avec la commune porteuse de l'ORT. C'est d'autant plus vrai que de plus en plus de communes centres n'appartiennent pas aux exécutifs des intercommunalités et que, parfois, leurs intérêts ne sont pas les mêmes que ceux des zones d'activité économique de la périphérie – le maire de la commune porteuse de l'ORT de centre ancien n'est d'ailleurs pas toujours associé.
L'un des autres écueils de votre proposition tient à l'exclusion du maire de la participation à la CDAC. Jusqu'à aujourd'hui, le maire de la commune d'implantation était nécessairement à la table ; demain, si rien n'exclut qu'il puisse l'être, ce ne sera pas une obligation.
Mais il est chez lui !
L'un des enjeux consiste, selon les échos du terrain, à éviter la concurrence entre le développement de la périphérie et les activités commerciales que l'on essaie de relancer dans les centres anciens, dans le cadre d'ORT ou de projets Action cœur de ville. Il faut donc faire en sorte que les domaines d'activité en périphérie soient différents de ceux du centre, mais nous ne savons pas comment écrire cela car, en matière d'urbanisme commercial, l'usage final d'un bâtiment n'apparaît pas toujours lors de la délivrance d'un permis en raison de l'éventuelle distinction entre le gestionnaire et le promoteur.
Malgré la bonne intention initiale, je ne suis donc pas sûr que votre amendement permette d'aller dans le bon sens. Il pourrait même faciliter l'éviction du maire de la commune d'implantation de l'ORT.
Je me permets de rebondir sur la remarque de notre collègue Anne Blanc. Est-il pertinent que la présidente de la CNAC émette un avis sur une disposition qui touche directement cette commission ? N'est-ce pas un cas où devrait s'appliquer l'obligation de déport ?
Monsieur Bazin, lorsque je parlais d'autorités compétentes j'évoquais celles qui délivrent les permis de construire, c'est-à-dire les maires. Autrement dit, les choses sont entièrement entre les mains du maire qui est au centre du système. Il n'y a aucun problème. J'espère que cela vous rassure, mais je n'en suis pas certaine, même si vous trouvez que mes intentions sont bonnes, ce qui est exact. Nous répondons à une véritable demande : je connais des communes du programme Action cœur de ville qui doivent réintroduire des commerces en centre-ville tout en disposant de surfaces commerciales à requalifier à leur périphérie. Il est donc essentiel de créer un lien avec les centres-villes, ce que cet amendement permet.
J'ai compris où vous voulez en venir. L'expérimentation est lancée après avis des communes et pilotée par les EPCI. Lorsqu'un maire délivre un permis, cela vaudra autorisation commerciale, mais vous introduisez l'avis conforme du président de l'EPCI. Il y a une question concrète d'articulation entre les deux : nous devrons veiller à ce que cela n'apparaisse pas comme une tutelle de ce dernier sur le maire.
L'amendement n° 3335 rectifié est adopté.
C'est le cinquante-huitième : il y a plus d'amendements du Gouvernement que d'articles dans le projet de loi initial !
Il fait suite à un amendement de M. Castellani du groupe Libertés et territoires et vise à permettre le transfert de biens vacants et sans maître aux conservatoires d'espaces naturels, au-delà des limites des périmètres d'intervention du Conservatoire du littoral.
Les conservatoires d'espaces naturels sont des acteurs importants pour la préservation des espèces… des espaces, mais bien sûr aussi des espèces, et des écosystèmes. La loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages autorise, sous conditions, le transfert de biens vacants et sans maître aux conservatoires d'espaces naturels. Cette disposition permet de lutter contre l'artificialisation des sols, pour la protection des écosystèmes. Cependant, tels qu'ils sont rédigés, les textes limitent l'application de cette procédure au seul périmètre de compétence géographique du Conservatoire du littoral, alors que la stratégie nationale pour les aires protégées, adoptée au début de l'année 2021, montre que le fort enjeu de préservation des écosystèmes concerne un ensemble de territoires plus vaste.
L'amendement vise tout simplement à corriger ce défaut de rédaction, sans bien entendu remettre en cause la priorité donnée aux collectivités pour l'affectation des biens sans maître.
La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l'amendement n° 3470 .
Mme la ministre vient de parfaitement présenter ces amendements. Un certain nombre de textes montrent la volonté du législateur de rendre possible, sous conditions, le transfert de biens vacants sans maître aux conservatoires d'espaces naturels. Les biens en question se trouvent souvent hors du périmètre géographique d'intervention du Conservatoire du littoral, périmètre que la rédaction des textes en vigueur érige aujourd'hui en critère déterminant. Les amendements visent à corriger ce défaut de rédaction.
La parole est à M. Bruno Questel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission.
Avis favorable. Les conservatoires régionaux d'espaces naturels jouent un rôle fondamental pour la préservation des sites, notamment en milieu insulaire.
Le problème des biens sans maître livrés à l'abandon est particulièrement lourd pour les communes. La loi dispose aujourd'hui que sont considérés comme n'ayant pas de maître les biens qui soit « font partie d'une succession ouverte depuis plus de trente ans et pour laquelle aucun successible ne s'est présenté », soit « sont des immeubles qui n'ont pas de propriétaire connu ». L'amendement vise à améliorer la rédaction de l'article concerné du code général de la propriété des personnes publiques en ajoutant « et identifiable » après le mot « connu ». On pourrait ainsi avoir recours à des éléments d'identification plus fiables – toute personne peut déclarer être connue comme le propriétaire – tels que les fichiers d'état civil, les matrices cadastrales, ou tout autre document objectif et accessible.
Comme en commission, je vous demande de retirer votre amendement. L'article 27 bis AA adopté en commission, que nous examinerons dans un instant, permet de répondre favorablement à vos préoccupations.
Ce que vous souhaitez existe déjà : les communes ont accès à l'ensemble de la documentation foncière comme la matrice cadastrale ou le fichier immobilier. L'ajout du terme « identifiable » n'est pas nécessaire : l'amendement est satisfait.
Je le reprends ! M. Bru a travaillé : je trouve dommage qu'il se laisse piétiner comme ça !
Sourires.
Le problème des biens sans maître est très lourd. La proposition relative à la notion d'identification me semble pertinente car il existe de nombreuses interprétations en ce domaine, qui laissent souvent les communes démunies. En théorie, je le reconnais volontiers, madame la ministre, celles-ci ont accès à l'état-civil et aux matrices cadastrales, mais la notion d'identification est parfois sujette à caution.
L'amendement n° 3279 n'est pas adopté.
L'article 27, amendé, est adopté.
L'article 27 bis AA, amendé, est adopté.
L'article 27 bis A est adopté.
L'amendement n° 1515 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 27 bis B, amendé, est adopté.
L'article 27 bis est adopté.
Je suis saisie de plusieurs amendements portant article additionnel après l'article 27 bis .
Les quatre premiers d'entre eux, n° 335, 1021, 1654 et 966, peuvent être soumis à une discussion commune.
Les amendements n° 335 , 1021 et 1654 sont identiques.
La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l'amendement n° 335 .
Afin de préciser la nature des chemins ruraux, il vise à compléter l'article L. 161-1 du code rural et de la pêche maritime en mentionnant notamment : « Les chemins ruraux sont des voies, chemins ou sentiers qui peuvent avoir une fonction de communication ou de liaison, ou qui peuvent être en impasse. »
Les chemins ruraux sont mentionnés sur le plan cadastral entre deux traits pleins comme toute autre voie publique, mais les communes sont souvent contestées lorsqu'elles veulent réhabiliter certains d'entre eux. En effet, en l'absence de titre de propriété sur les chemins ruraux anciens notamment, les juridictions considèrent essentiellement leur usage pour se prononcer sur leur statut. En conséquence, ces chemins ruraux, en général inutilisés pour la circulation automobile, sont souvent barrés ou usurpés par des riverains, ce qui conduit à l'absence de passage du public et, de ce fait, les juges considèrent qu'il s'agit de chemins d'exploitation appartenant aux riverains, qui n'en possèdent pourtant aucun titre de propriété. Les communes ont les plus grandes difficultés à prouver les usages anciens de ces chemins ruraux car il leur est quasiment impossible d'effectuer des recherches d'archives pouvant remonter jusqu'à la loi du 20 août 1881. Il est donc nécessaire d'apporter des précisions pour définir la nature de ces chemins en rappelant leur fonction de communication et de liaison entre diverses voies et autres chemins.
Le présent amendement vise à aider les communes si le recensement prévu par l'article 27 bis faisait l'objet de contestation, et ce afin d'éviter qu'elles ne soient dépossédées de leurs chemins ruraux.
Avis défavorable à l'ensemble des amendements qui visent ni plus ni moins qu'à introduire une nouvelle définition des chemins ruraux dans le cadre normatif. Vous allez d'ailleurs beaucoup plus loin, chers collègues, que les sénateurs qui, eux, se sont contentés de prévoir un recensement des chemins ruraux. En l'état du droit actuel, vous savez tous qu'un chemin rural est un chemin affecté à l'usage du public, qui n'est pas classé dans la voirie communale et qui appartient au domaine privé de la commune. L'extension de ce régime juridique à d'autres voies ne serait opérante ni dans le cadre de la libre administration des collectivités locales ni dans la vie courante.
Même avis avec les mêmes arguments.
Nous avons commencé cette discussion en commission et elle est intéressante. Mais balayer d'un revers de main l'idée de définir ce qu'est un chemin rural en invoquant la libre administration des collectivités territoriales, monsieur le rapporteur, relève vraiment de la pure com'.
Non ! Mais quand on n'est pas d'accord avec vous, c'est forcément de la com' !
Et pour vous, si on cherche à définir correctement les choses, on est forcément contre les collectivités. On pourrait même éventuellement être d'accord sur le fait qu'une définition ne serait pas opportune, mais je doute que vouloir définir les chemins ruraux porte atteinte à la libre administration des collectivités territoriales.
Néanmoins, le débat étant censé éclairer certains points pour l'avenir, il faut tout de même s'entendre un minimum sur ce qu'est un chemin rural parce qu'il y a dans le texte des dispositions qui visent à faciliter leur réappropriation par les collectivités, par les différents outils de recensement, de gestion de la propriété ou d'aménagement, dans le but d'en faciliter l'accès. On peut partager ce but, comme c'est mon cas, mais ces amendements rappellent à fort juste titre quelle est la vocation première des chemins ruraux. Il ne faudrait pas qu'à la suite de réappropriations ou d'aménagements successifs, des chemins de travail pour l'exploitation agricole ou plutôt pour la vie paysanne s'agissant des plus anciens, et situés aux abords des bourgs, deviennent demain exclusivement des chemins de promenade et de loisir, dont le tracteur sera banni, et que l'affouagiste dans les bois, ou le petit paysan qui cultive quelques ares de céréales dans un quasi-jardinet, ne puissent plus y accéder avec leur outil de travail parce qu'on considérerait localement qu'un tel chemin est un chemin de promenade. C'est un vrai sujet de préoccupation qui concerne progressivement non plus seulement les espaces périurbains mais aussi les espaces ruraux.
L'amendement n° 966 n'est pas adopté.
Comme pour l'amendement que j'ai précédemment défendu, celui-ci vise à tirer les conséquences de l'obligation pour les collectivités de prouver la propriété du chemin alors que les riverains s'en exemptent.
La parole est à M. Thierry Benoit, pour soutenir l'amendement n° 3132 .
Ces amendements comme les précédents visent à interpeller à la fois la ministre, le rapporteur et le rapporteur pour avis Jean-Claude Leclabart puisqu'il s'agit d'aider les communes à conserver l'ensemble de leur patrimoine, en l'occurrence les chemins dits ruraux, qu'ils soient dans le patrimoine public ou privé de la commune. Il existe un maillage de chemins ruraux à travers le territoire métropolitain et ultramarin et, depuis un demi-siècle, on les voit disparaître. Il s'agit de contribuer à leur préservation. Tel est l'objet de l'amendement de Pierre Morel-À-L'Huissier que j'ai cosigné.
Mes chers collègues, ce n'est pas parce que des chemins sont des impasses que leur nature juridique est plus facilement identifiable. Les dispositions adoptées à l'article 27 bis suffisent largement à protéger les chemins ruraux.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 203 .
En commission, j'avais déposé un amendement qui prévoyait le recensement quinquennal, par les communes, de leurs chemins ruraux car, au cours des dernières décennies, on a déploré la disparition d'au moins 200 000 kilomètres de ces chemins – entre 250 000 et 300 000 kilomètres d'après certaines estimations –, au gré des remembrements, des aliénations successives et des accaparements par des riverains plus ou moins délicats. Or le réseau des chemins ruraux constitue un patrimoine inestimable qu'il convient de préserver, surtout à l'heure où les Français sont de plus en plus désireux de renouer avec la nature et donc avec les promenades que ces chemins permettent. Mais à cette fin, il est nécessaire de les connaître et de les recenser régulièrement. Je crois que sur ce point, nous pouvons tous être d'accord.
Monsieur le rapporteur, vous m'aviez dit en commission que si l'esprit de mon amendement pouvait emporter l'adhésion, sa rédaction méconnaissait le principe de libre administration des collectivités. J'ai donc retravaillé mon amendement pour qu'il soit plus souple tout en donnant aux communes un objectif clair en ce domaine. Il me semble important de procéder au recensement exhaustif des chemins ruraux pour éviter que les communes ne soient contestées dans leur droit de propriété à l'issue de la période de prescription acquisitive mais aussi pour que ces chemins soient connus et arpentés par qui le souhaite.
Madame Ménard, je me réjouis de vous avoir fait travailler entre les travaux de la commission et ceux menés ici même, mais je suis contraint une nouvelle fois de délivrer un avis défavorable au dispositif que vous proposez car l'article 27 bis est beaucoup plus opérant. Votre proposition demeure trop vague et pas du tout adaptée aux nécessités du terrain.
Même avis. Je suis favorable à l'article 27 bis que je pense plus efficace.
Je ne vois pas en quoi proposer le recensement des chemins ruraux tous les cinq ans pour que les communes en fassent un inventaire précis serait vague ni en quoi ce serait éloigné du terrain ; bien au contraire.
Elle n'a jamais vécu à la campagne.
Je vois bien dans ma circonscription – peut-être vous aussi, monsieur le rapporteur – que, tous les ans, des chemins ruraux disparaissent.
M. Thierry Benoit a visiblement les mêmes problèmes dans sa circonscription.
Le recensement des chemins ruraux, les inscrivant clairement dans le patrimoine de la commune, permet de contrer les riverains indélicats qui accaparent le terrain, suppriment les chemins et les haies. C'est au contraire coller au plus près des réalités du terrain que d'encourager les communes à établir ce recensement pour permettre de sauvegarder au mieux leurs chemins.
Il s'agit d'un véritable enjeu pour nos communes rurales, et je peux attester qu'il existe aussi dans mon territoire, en Meurthe-et-Moselle, où des chemins ruraux disparaissent. Cet amendement d'appel retravaillé peut faire sourire le rapporteur,…
…mais c'est un vrai sujet de préoccupation dans nos territoires. Précisez-le si vous voulez, mais un amendement qui propose qu'« afin de contribuer à un inventaire des chemins ruraux le plus précis possible, tous les cinq ans, les communes s'efforcent de recenser les chemins ruraux situés sur leurs territoires » est un amendement de bon sens qui mériterait…
On pourrait, si nécessaire, rectifier la rédaction. En tout cas, je pense qu'il va dans la bonne direction et j'en soutiens le principe. Si vous voulez que la CMP soit conclusive en cette partie du projet de loi, on pourrait y retravailler pour trouver les termes les plus précis possible, mais la cause que défend cet amendement devrait tous nous rassembler.
Je rappelle que les maires peuvent faire des recensements des chemins ruraux quand ils le veulent.
Vous êtes toujours en train de dire qu'il y a trop de normes, et vous proposez de leur en imposer une nouvelle, à savoir l'obligation de faire un recensement tous les cinq ans, ce qui entraînera en plus des charges nouvelles ! Pourquoi alourdir encore ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – M. Vincent Bru applaudit également.
Madame Ménard, vous avez souligné que vous aviez corrigé votre amendement entre l'examen en commission et aujourd'hui pour ne pas tomber sous les fourches caudines de l'article 72 de la Constitution, mais que signifie en droit le verbe « s'efforcer » ? Il faut rappeler la libre administration des collectivités locales : libre à chaque maire d'en décider, éventuellement motivé par l'association cantonale des maires…
…éventuellement elle-même mobilisée par l'association départementale des maires, celle-ci pouvant être si elle le souhaite surmotivée par l'association régionale des maires, etc. La liberté a une valeur, mais manifestement pas sur tous les bancs !
Protestations sur les bancs du groupe LR.
Monsieur le rapporteur, n'engagez donc pas de polémiques inutiles. Au-delà du texte de l'amendement lui-même, vous en voyez bien l'objet et l'esprit. Le fait est qu'on a, depuis plusieurs années, un accaparement de chemins ruraux, et en parallèle très souvent des destructions de haies et de talutages – c'est le cas en Normandie, pays de bocages, ou du moins encore –,…
Bah oui !
…que ce soit des exploitants agricoles ou des propriétaires privés. C'est une forme d'occupation : pas vu, pas pris.
Voilà ce que les collègues veulent mettre en avant. On peut sans doute trouver une autre rédaction, mais l'amendement a l'intérêt de renvoyer réellement au quotidien d'une commune rurale.
Il est peut-être possible de prendre cette préoccupation en compte d'une autre manière, mais ne l'écartez pas d'un revers de main.
L'enjeu, s'agissant des chemins ruraux, ne se pose pas dans les mêmes termes pour toutes les communes et il faut évidemment leur laisser la liberté de ne pas procéder à un recensement si elles considèrent qu'il n'y a pas de problème dans leur territoire. Dans une loi dont le titre comporte le mot « simplification », il serait quelque peu contradictoire d'imposer une contrainte supplémentaire ; simplification et contrainte ne vont guère ensemble. Le groupe Socialistes et apparentés est favorable à ce qu'en ce domaine, la liberté soit laissée aux communes.
J'ai en tête le cas d'une commune où le maire a constaté qu'un ou deux chemins ruraux avaient été accaparés et que certains autres avaient été fermés lors d'événements, notamment sportifs. Le maire en question a tout simplement diligenté un recensement des chemins ruraux de sa commune, sans avoir besoin qu'on lui dise de le faire : c'est face au problème qu'il a librement pris l'initiative d'agir.
Aussi, je rejoins ce qui a été dit : préservons la libre administration des communes et laissons les maires travailler, avec leurs conseils, à l'intérêt de leur territoire.
Depuis un demi-siècle, au gré des aménagements fonciers et des remembrements, nous avons constaté de la négligence, des accaparements et la disparition progressive des chemins dits ruraux, lesquels ne sont pas nécessairement des chemins d'exploitation. Il s'agit aujourd'hui souvent de chemins creux, bordés de haies, de haies plantées ou de talus. Ces chemins creux servent d'ailleurs de bord d'eau, c'est-à-dire qu'ils permettent, l'hiver, l'écoulement des eaux pluviales. Ainsi, à l'heure où l'on parle du dérèglement climatique, des zones humides et de la préservation de la biodiversité, de la flore et de la faune sauvages, ces chemins ruraux ont une utilité.
Et alors ?
Il convient donc, madame la ministre, d'inscrire dans la loi l'obligation de procéder à un recensement pour les communes, notamment les communes périurbaines des grandes métropoles où, depuis un demi-siècle, les élus font la leçon aux territoires ruraux, tout en faisant n'importe quoi en matière d'habitat et d'urbanisme commercial et industriel. J'insiste, ces élus des métropoles, qui doivent leur ressource en eau aux territoires périphériques et ruraux, ont souvent fait n'importe quoi et j'estime qu'inscrire la préservation des chemins ruraux dans la loi est utile en 2021.
Je vous trouve d'assez mauvaise foi, monsieur le rapporteur. En commission, vous m'aviez dit que vous étiez en parfait accord avec mon amendement sur le fond et qu'il pouvait emporter l'adhésion générale, pourvu que sa rédaction ne soit pas contraire au principe de libre administration des collectivités. Étant moi-même très attachée à ce principe – vous le savez –, je vous ai entendu et, me rendant compte que j'avais effectivement mal formulé l'amendement, je l'ai retravaillé. C'est pourquoi j'écris désormais que « les communes s'efforcent de recenser les chemins ruraux » et non qu'elles en ont l'obligation.
Or vous me dites ce soir qu'il ne faut pas obliger les maires à réaliser ce recensement et qu'ils n'ont de toute façon pas besoin de moi pour savoir qu'ils doivent s'occuper des chemins ruraux. Cette affirmation est tellement vraie que, depuis quelques décennies, ce sont au bas mot 200 000 kilomètres de chemins ruraux qui ont disparu ! Si nous souhaitons conserver ces chemins, peut-être serait-il donc judicieux de les recenser ?
Je ne dis pas que mon amendement est parfaitement formulé ou qu'il ne faudra pas le retravailler encore en commission mixte paritaire ou lors de la navette, mais il me semble nécessaire de mettre noir sur blanc dans la loi la volonté du législateur de sauvegarder les chemins ruraux.
Chère collègue, 200 000 kilomètres représentent cinq fois le tour de la Terre : ce serait donc énormément de chemins ruraux qui auraient disparu sur le seul territoire national ! C'est une donnée que personne ne peut contester.
Quoi qu'il en soit, madame Ménard, l'amendement que vous aviez déposé en commission constituait effectivement une injonction aux collectivités, ce qui est contraire à l'article 72 de la Constitution. Je vous ai tous entendus plaider la cause des chemins ruraux mais, monsieur Benoit, vouloir obliger les communes…
Vous avez bien employé le terme d'obligation, cher collègue, ce qui, tout le monde le sait dans cet hémicycle, est impossible aux termes de l'article 72 de la Constitution. La libre administration des collectivités territoriales permet à chaque maire de prendre l'initiative, s'il le juge nécessaire, d'un tel recensement des chemins ruraux.
Je vous rappelle d'ailleurs qu'il y a des populations, des oppositions et des élections tous les six ans, soit presque la même périodicité que ce que vous proposez, madame Ménard, pour recenser les chemins : cela pourrait donc être un excellent élément de campagne électorale !
Je réitère mon avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement n° 203 n'est pas adopté.
L'amendement n° 1034 de Mme Lise Magnier est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Il est également défavorable. L'amendement vise à ajouter à la définition du chemin rural la fonction de liaison entre d'autres voies ou chemins, mais cette fonction peut être assurée par des sentiers d'exploitation ou des chemins qui ne sont pas ruraux.
L'amendement n° 1034 n'est pas adopté.
Certaines communes veulent recenser leur foncier et réhabiliter des chemins ruraux, et je crois que chacun ici souhaite leur permettre de le faire dans les meilleures conditions. Toutefois, ces communes se heurtent parfois au fait que certains chemins ne font l'objet d'aucun titre de propriété d'un particulier. Or la jurisprudence impose aux communes de démontrer que ces chemins avaient un usage public dans le passé, ce qui est souvent impossible. Le présent amendement vise donc à considérer qu'en l'absence de titre et dès lors, bien entendu, que le chemin relie deux voies publiques – soit deux conditions cumulatives –, le chemin en question appartient à la commune. Il s'agit d'un amendement de simplification, qui s'inscrit pleinement dans l'esprit de ce projet de loi.
Les amendements identiques n° 1017 de Mme Lise Magnier et 2627 de M. Hervé Saulignac sont défendus.
Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?
Il est défavorable, pour deux raisons. Premièrement, ces amendements porteraient atteinte, je suis désolé, monsieur Saulignac, à la liberté des communes, qui doivent pouvoir organiser leurs espaces ruraux comme elles l'entendent, en recensant elles-mêmes leurs chemins ruraux si elles le souhaitent. De plus, ils élargiraient la définition des chemins ruraux, puisque vous ne retenez pas le critère d'affectation au public.
Pour ma part, j'estime que ces amendements sont satisfaits. En effet, le droit actuel apporte une réponse suffisante à la question des chemins sans titre, dans la mesure où il pose une présomption de propriété selon un critère légitime. Soit le chemin est affecté à l'usage du public et il existe des actes réitérés de surveillance et de voirie de l'autorité municipale, et le chemin est dès lors présumé appartenir à la commune – l'article L. 161-2 du code rural et de la pêche maritime est très clair –, soit le chemin sert exclusivement à la communication des fonds privés ou à leur exploitation, et il est présumé appartenir en indivision aux propriétaires des fonds. J'ajoute que les critères de la présomption de propriété ne sauraient être élargis sans risquer de remettre en cause le droit de propriété existant.
Je considère donc que ces amendements sont satisfaits et j'en demande le retrait.
L'amendement n° 2628 n'est pas adopté.
Prochaine séance, demain, à quinze heures :
Lecture définitive du projet de loi de finances pour 2021 ;
À seize heures trente, déclaration du Gouvernement relative au programme de la présidence française du Conseil de l'Union européenne, suivie d'un débat ;
Suite de la discussion du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt-trois heures cinquante-cinq.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra