La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures.
J'informe l'Assemblée que le Président a pris acte de la cessation, le 3 octobre à minuit, du mandat de député de M. Jean-Baptiste Djebbari, nommé membre du Gouvernement par décret du 3 septembre 2019.
Par une communication du ministre de l'intérieur datée du 5 septembre 2019, faite en application des articles L. O. 176 et L. O. 179 du code électoral, le président a été informé de son remplacement par M. Pierre Venteau, élu en même temps que lui à cet effet.
Hier soir, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'amendement no 193 portant article additionnel après l'article 5.
Si certains sujets nous divisent profondément – la GPA en fait bien sûr partie, et nous aurons l'occasion, tout au long des heures et des jours à venir, de constater l'émotion que suscite l'adoption d'un amendement – , d'autres peuvent nous réunir. Je songe notamment à la lutte contre le trafic et à la transplantation d'organes. Nous devons absolument améliorer le contrôle – la traçabilité, si vous me permettez ce terme – du trafic d'organes à l'échelle internationale. C'est pourquoi nous proposons que l'Agence de la biomédecine rédige un rapport annuel sur ce sujet.
En raison du temps programmé, je me borne à dire qu'il est défendu, madame la présidente.
La parole est à M. Hervé Saulignac, rapporteur de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique, pour donner l'avis de la commission.
Nous avons eu l'occasion hier, à la suite de l'examen d'amendements précédents, d'évoquer ce sujet.
Votre intention, monsieur Breton, me semble en grande partie satisfaite : une enquête est déjà réalisée par l'Agence de la biomédecine, non pas annuellement comme vous le demandez, mais tous les deux ans. Ces questionnaires étant relativement lourds à traiter, je ne crois pas qu'il soit nécessaire de les prévoir chaque année.
Je précise, pour votre information, que c'est la loi bioéthique de 2011 qui a instauré la réalisation de cette enquête – elle est prévue à l'article L. 1418-1-1 du code de la santé publique.
Votre demande est donc satisfaite. Avis défavorable.
La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé, pour donner l'avis du Gouvernement.
Nous partageons, monsieur Breton, votre préoccupation, et même votre indignation, face à des pratiques de tourisme de la transplantation. Les cas les plus graves pourraient être assimilés à un trafic d'organes, qui exploite la détresse des donneurs et des receveurs. C'est d'ailleurs pour protéger notre pays que l'Agence de la biomédecine est chargée de réaliser une enquête tous les deux ans, comme vient de l'indiquer M. le rapporteur, et que cette enquête est rendue publique dans le rapport d'activité de l'Agence.
Il en ressort que le nombre de personnes résidant en France et greffées à l'étranger est très faible, et qu'il s'agit le plus souvent de greffes réalisées à partir de donneurs vivants apparentés au receveur dans les pays d'origine des personnes concernées. La question d'éventuels trafics d'organes fait heureusement l'objet d'un suivi attentif et vigilant, y compris au sein du Conseil de l'Europe.
Pour renforcer son engagement dans ce domaine, la France, comme je l'avais indiqué hier soir, a entamé le processus de signature de la convention de Saint-Jacques-de-Compostelle, qui interviendra dans le cadre de la présidence française du Comité des ministres du Conseil de l'Europe, d'ici la fin de l'année. Cette convention érige en infraction pénale le prélèvement d'organes de donneurs vivants ou décédés et consacre au niveau européen, voire international, les principes que nous défendons et qui encadrent notre dispositif.
Pour cette raison, je vous propose de retirer vos amendements. À défaut, j'y serais défavorable.
Je l'ai déposé notamment avec Josiane Corneloup, qui est très impliquée sur ce sujet du trafic et de la transplantation d'organes. Nous avons bien entendu, monsieur le rapporteur, la réponse que vous avez apportée hier : la pénalisation ne constituait pas la meilleure façon de répondre à ces phénomènes, des sanctions étant déjà prévues.
Nous vous proposons donc d'inscrire un meilleur contrôle et une meilleure traçabilité dans le code de la santé publique, en créant un article L. 1211-4-1, qui disposerait que tout citoyen français doit obtenir, avant son retour en France, un certificat attestant du caractère gratuit du don d'organe dont il bénéficie. Cet article prévoirait également l'obligation, pour tout médecin, de signaler à l'Agence de la biomédecine l'identité de tout patient ayant subi une transplantation qu'il aurait examiné, afin que nous puissions effectivement contrôler ces cas – quelques-uns sont connus, mais sans doute d'autres nous échappent-ils.
Ces dispositions s'inspirent par exemple des pratiques appliquées au Canada depuis une dizaine d'années.
En raison du temps législatif programmé, je me borne à dire qu'il est défendu, madame la présidente.
La parole est à Mme Laurianne Rossi, pour soutenir l'amendement no 2518 .
Il poursuit le même objectif que celui qui vient d'être soutenu. Nous assistons, nous l'avons souligné hier soir, au développement d'un marché de la transplantation – un marché occulte, incontrôlé, parfois criminel, contre lequel il convient de se prémunir. Afin de protéger nos concitoyens de l'exposition aux risques sanitaires qu'ils encourraient en se faisant transplanter à l'étranger puis en revenant en France sans forcément recourir aux soins nécessaires, il importe de permettre à l'Agence de biomédecine de disposer d'un registre national de ces patients, dans leur intérêt mais également dans l'intérêt de notre pays, qui doit promouvoir la protection des droits humains universels.
Il vise lui aussi à lutter contre le trafic d'organes. Comme l'a expliqué ma collègue, les données actuelles relatives aux transplantations effectuées à l'étranger sont incomplètes. Elles proviennent en effet des études réalisées par certains auteurs et des enquêtes menées par l'Agence de la biomédecine, qui se fondent uniquement sur les informations fournies de manière facultative par les centres de dialyse et de transplantation à propos des greffes de reins réalisées à l'étranger.
La création d'un registre national de patients transplantés à l'étranger constituerait le moyen le plus efficace pour connaître la situation réelle du trafic d'organes impliquant des ressortissants français. La collaboration entre les professionnels de santé et les autorités de l'Agence de la biomédecine est indispensable pour mettre en place ce registre. En participant au recueillement de ces informations, les professionnels de santé doivent être protégés juridiquement contre toute poursuite judiciaire ou disciplinaire susceptible d'être engagée contre eux.
Ce registre serait anonyme, afin de respecter le droit à la vie privée des personnes. Il regrouperait deux catégories d'information : celles recueillies par l'intermédiaire des médecins, et celles collectées par l'intermédiaire de la sécurité sociale pour déterminer, par exemple, combien de personnes ont acheté des médicaments antirejet.
Ce registre permettrait de recenser les informations relatives à toute greffe d'organe réalisée à l'étranger sur un patient français ou un patient étranger résidant habituellement en France, et d'améliorer la perception géographique de ce phénomène ainsi que la connaissance des profils des couples donneur-receveur. Ces données pourraient ensuite être partagées avec d'autres pays et avec la Direction européenne de la qualité du médicament et soins de santé (EDQM) du Conseil de l'Europe, afin de mieux analyser le fonctionnement du trafic d'organes à l'échelle internationale.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement no 1092 .
Il comporte la même proposition que celle énoncée par ma collègue Pinel : toute greffe réalisée à l'étranger sur un citoyen français ou sur un citoyen étranger résidant habituellement sur le territoire français devrait être inscrite dans un registre. Il s'agirait là d'un moyen bien plus efficace pour déterminer la réalité de la situation actuelle : les études existant aujourd'hui sont facultatives, n'ont lieu que tous les deux ans et affichent un taux de réponse limité à 37 %. Nous proposons, afin que l'Agence de la biomédecine puisse rédiger correctement son rapport annuel, de rendre ces données automatiques et obligatoires, ce qui permettrait également de répertorier toutes les personnes qui sortent des listes d'attente. Leur sort représente un véritable enjeu, puisque ce sont précisément elles qui sont tentées par le tourisme de transplantation.
Ces amendements portent tous sur le tourisme de transplantation, même si certains présentent des nuances. Quelques dispositions, notamment, m'interpellent.
Je ne suis pas certain, en effet, qu'il soit totalement éthique de demander à un médecin de dénoncer l'un de ses patients qui aurait procédé à une greffe à l'étranger. Si je comprends parfaitement votre intention et juge souhaitable de connaître très exactement celles et ceux qui se livrent à ce type de pratiques, je ne suis pas convaincu que la méthode que vous proposez soit la meilleure.
Vous souhaitez par ailleurs la création d'un registre. Je rappelle, encore une fois, que les cas connus et identifiés – et il y a tout lieu de penser que les enquêtes de l'Agence de la biomédecine sont fiables – s'établissent à dix personnes. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire d'établir un registre pour un chiffre aussi faible – au moins pour le moment : peut-être l'avenir vous donnera-t-il raison, ce que je ne souhaite pas.
En outre, nous savons de manière assez précise ce que ces personnes ont entrepris, où elles sont allées, et dans quelles conditions elles ont obtenu un organe à l'étranger pour se le faire greffer.
Vous évoquez dans votre proposition d'amendement, monsieur Breton, la nécessité, pour l'Agence de la biomédecine, de signaler au ministère de la santé toute personne « dont il existe des motifs raisonnables de croire qu'elle a été impliquée dans une opération financière en vue d'obtenir un organe du corps humain ou ses produits ». Des « motifs raisonnables de croire » ne fondant qu'un simple doute, s'en tenir là me paraîtrait quelque peu léger. Bien entendu, si une équipe médicale avait la preuve qu'un de ses patients a reçu un organe en échange d'un paiement, elle aurait la responsabilité de le signaler et la justice devrait s'en saisir. Parmi les cas qui ont été identifiés, toutefois, rien ne laisse penser que des contreparties financières aient été versées.
Pour toutes ces raisons, même si je ne nie pas le souci de prudence qui anime ces amendements, j'en demande le retrait. À défaut, j'émettrais un avis défavorable.
Je souhaite rebondir sur ce que vient de dire M. le rapporteur, dont je partage évidemment l'avis. L'Agence de la biomédecine réalise tous les deux ans une enquête extrêmement précise, obligatoire et remplie par tous les centres : contrairement à ce que vous avez dit, monsieur Bazin, elle n'est pas du tout facultative et consiste en un long questionnaire. Cette enquête est d'excellente qualité – c'est d'ailleurs pour cela qu'elle n'a lieu que tous les deux ans : elle demande énormément de travail aux centres.
Une enquête exhaustive tous les deux ans est beaucoup plus efficace qu'un registre lorsqu'il s'agit d'événements très rares. De fait, un registre doit être tenu par des personnes chargées d'examiner les dossiers et d'assurer un suivi exhaustif de tous les malades traités dans notre pays ou dans certains territoires. Il existe, du reste, dans le langage de notre pays, une définition de cette notion : le registre doit couvrir 20 % de la population française – ce qui, pour des événements très rares comme ceux que nous évoquons, n'a pas beaucoup d'intérêt – et exige une structure ad hoc pour un ou deux événements qui seront repérés par les professionnels et inscrits dans le rapport établi tous les deux ans par l'agence. La mesure proposée me semble être une fausse bonne idée, un mauvais outil pour répondre à une préoccupation pourtant très légitime.
Ce qui est important, c'est que les équipes soient en mesure de repérer les situations de doute, comme le montre l'enquête exhaustive réalisée tous les deux ans par l'agence, et dont les items sont très précis. Un registre qui s'ajouterait à celui que tient l'agence pour toutes les greffes d'organes en France me semble donc être un mauvais vecteur pour répondre à la question, par ailleurs très légitime, que vous posez aujourd'hui. Je suis donc défavorable à ces amendements, même si je comprends parfaitement la préoccupation et l'inquiétude à laquelle ils répondent.
Je le répète : les signaux dont nous disposons pour la France sont excessivement faibles. Les personnes concernées sont essentiellement des binationaux qui vont recevoir, dans leur pays, une greffe réalisée à partir d'un frère ou d'une soeur, c'est-à-dire des greffes apparentées, dans un cadre tout à fait normal et qui n'a rien de choquant. Avis défavorable, donc.
Cette question devrait être approfondie, mais les limites que nous impose le temps programmé ne permettent pas d'aller au fond des choses. J'entends bien vos réponses et il ne s'agit pas de mettre en cause le travail réalisé jusqu'à présent, mais d'afficher une volonté politique, au niveau interne comme au niveau international.
On peut certes dire, comme vous le faites, que tout va bien et que tout est sous contrôle, mais on peut aller plus loin et envoyer des signaux forts pour dire que ce sujet doit nous réunir. Il est clair que l'action nationale ne suffit pas et qu'il faut agir aussi au niveau international. Nous devrions avoir en la matière plus de volonté et on peut faire mieux que de se contenter d'une attitude défensive et de dire que ce que nous faisons est bien.
La parole est à Mme Laurianne Rossi, pour soutenir l'amendement no 2517 .
Nous constatons que l'inscription sur les listes nationales d'attente, qui est une décision médicale, intervient de manière limitée, tardive et parfois inégalitaire selon les régions. À titre d'exemple, en 2017, le délai d'attente pour un rein était de quatorze mois à Caen et de plus de cinq ans à Paris.
Cet amendement tend donc à affirmer une répartition équitable des greffons au niveau national, et non plus régional.
Je suis embarrassé par cet amendement : s'il est satisfait par les textes – le code de la santé publique prévoit en effet que les règles de répartition de greffons doivent être équitables – , force est de constater que, dans les faits, l'équité existe pas et qu'il existe d'assez fortes disparités géographiques et territoriales.
Sur la forme, donc, considérant que votre amendement n'apporterait rien de plus au droit existant, je ne peux émettre qu'un avis défavorable. Sur le fond, en revanche, il y a là une question, peut-être insuffisamment traitée dans le cadre du projet de loi que nous examinons, et qui mériterait que nous nous y penchions – je pense en particulier à la situation des outre-mer, où l'on observe de vraies disparités avec la métropole, qui ne peuvent pas perdurer si nous voulons que notre code de la santé publique soit conforme à nos pratiques et à la réalité. Avis défavorable, donc, malgré les remarques que j'ai pu formuler.
Cet amendement laisserait penser qu'il n'existe aujourd'hui pas d'équité dans la répartition des greffons. Je tiens donc à réaffirmer haut et fort que l'équité est un principe fondamental, inscrit au niveau législatif, qui s'impose à l'agence. Il n'y a donc absolument pas d'inquiétude à avoir.
En réalité, la répartition des greffons se fait selon un score qui tient compte, évidemment, de l'urgence médicale, des règles de compatibilité entre les greffons et de la rapidité d'acheminement – donc des chances d'obtenir un greffon fonctionnel. Ce score fait l'objet d'un travail mené en concertation avec les professionnels, qui le révisent régulièrement au vu des connaissances scientifiques. Il a précisément pour objet de réduire les manques d'équité et de favoriser une juste répartition des greffons dans notre pays en fonction de tous ces paramètres. Le fait que cet amendement puisse laisser penser que ce n'est pas le cas jusqu'à présent me pose problème.
Sur le fond, l'amendement vise à remettre en cause ce qu'on appelle le « rein local », c'est-à-dire la possibilité d'une distance courte entre les donneurs et les receveurs. Aujourd'hui, tous ces éléments sont pris en compte dans les scores, lesquels sont revisités régulièrement par les professionnels de santé en fonction des connaissances scientifiques. Veiller à l'équité de la répartition des greffons est un travail permanent de l'agence. Je vous propose donc le retrait cet amendement. À défaut, j'y serais défavorable.
L'amendement no 2517 est retiré.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement no 1224 .
En cas, par exemple, d'accident de la route concernant des donneurs potentiels étrangers qui ont en leur possession une carte de donneur et qui ne résident pas en France – car j'ai bien entendu, monsieur le rapporteur, la remarque que vous avez formulée à ce propos en commission – , la première obligation prévue dans le processus est d'interroger notre registre national de refus. Or, celui-ci ne peut pas contenir le nom de ces personnes non-résidentes. Il conviendrait donc, dans ce cas précis, d'éviter cette démarche inutile, sachant que le facteur temps est important dans la chaîne du don d'organes.
Monsieur Bazin, vous avez en effet déjà présenté cet amendement en commission, et l'avez réécrit en vue de la séance publique, en tenant compte du fait qu'un étranger résidant en France peut s'inscrire sur le registre des refus, mais qu'un étranger non-résident n'a pas à y figurer. Si, dans le cas par exemple d'un accident de la route, que vous évoquiez à l'instant, on a la certitude que la personne concernée est un étranger ne résidant pas en France, il n'y a pas lieu d'interroger le registre des refus. La règle qui s'applique est celle que prévoit le cadre législatif en vigueur dans le pays de cette personne en matière de don d'organes. Les équipes médicales peuvent donc, le cas échéant, contacter le consulat concerné, voire la famille du donneur potentiel, dans des conditions qu'on peut aisément imaginer compte tenu de l'urgence qui s'impose.
Ainsi, bien que vous ayez réécrit cet amendement, je n'en vois pas fondamentalement le sens car, dès lors que nous savons qu'il s'agit d'un étranger ne résidant pas en France le registre national du refus n'est pas interrogé.
Certains ressortissants étrangers non-résidents en France sont même déjà inscrits sur le registre des refus : on en compte aujourd'hui 1 300.
L'amendement no 1224 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Laurianne Rossi, pour soutenir l'amendement no 2424 .
Cet amendement, dont je suis cosignataire, tient particulièrement à coeur à Mme Sophie Errante, son auteure, qui est retenue ce matin dans sa circonscription. Il tend à ce que, si la personne majeure fait connaître de son vivant, par tout moyen écrit, son souhait de réaliser un don d'organes après son décès, il ne peut y être fait obstacle.
À moins d'avoir fait connaître son refus enregistré au registre des refus, chacun est présumé donneur consentant. Nous voyons bien cependant que, dans les circonstances difficiles que sont un accident mortel et la confrontation à la mort d'un proche, il est difficile pour la famille et pour les proches de la personne décédée de respecter le choix qu'elle a exprimé.
Madame Rossi, chacun peut souscrire à votre objectif de rendre les choses plus claires et plus opérationnelles, mais je crains que votre amendement ne contribue davantage à la confusion qu'à la clarté. Nous avons évoqué cette question hier et je demeure convaincu que le registre national des refus doit rester l'unique document utilisé, et le document de référence. Introduire, comme vous le souhaitez, un document de la main du défunt qui confirmerait ou infirmerait les éléments existants serait source de confusion.
Je peux parfaitement comprendre que, pour certains de nos concitoyens, il soit difficile d'admettre que, lorsqu'on n'exprime rien, on est présumé consentant. Ce principe peut certes heurter certaines personnes, qui considèrent que, pour que leur volonté soit véritablement prise en considération, elle doit être écrite sur le papier, mais, pour des raisons d'efficacité et de clarté, les dispositions actuellement en vigueur sont pertinentes et doivent perdurer. Nous devons nous y tenir et ne pas donner suite à votre amendement, sur lequel je ne peux émettre qu'un avis défavorable.
L'amendement no 2424 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l'amendement no 2041 .
Les amendements que nous examinons cherchent à apporter une solution à cette situation. Nous savons en effet que les Français sont très favorables au don, mais qu'une personne sur deux seulement communique son choix en la matière. On sait aussi qu'en 2018, le nombre de dons d'organes a diminué de 5 % et qu'on a compté 324 greffes de moins qu'en 2017. Nous évoquons depuis tout à l'heure le registre des refus mais, dans les faits, avant d'entreprendre un prélèvement, les équipes médicales consultent toujours – ou, en tout cas, souvent – les proches du défunt pour s'assurer que celui-ci n'avait pas manifesté d'opposition. Il s'agit d'un choix difficile, dans des circonstances dramatiques.
Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine formule donc une proposition qui me semble opportune et qui n'ajoute rien au registre des refus – même si une transmission est toujours possible – : il s'agirait de faire figurer sur la carte Vitale le choix en matière de don d'organes. Cette inscription relèverait d'une démarche résolument républicaine, conforme à notre modèle de don et de fraternité. Pour les familles et pour le corps médical, elle mettrait fin à l'ambiguïté qui prévaut actuellement et qui a une incidence à la fois sur les familles et sur les médecins chargés de cette délicate question.
Je ne reviendrai pas sur des arguments que j'ai déjà développés ici. Dans un amendement précédent, il était question d'une inscription sur le dossier médical partagé, il s'agit cette fois d'une inscription sur la carte vitale. Je ne crois pas que ce soit une bonne idée car si on procède ainsi, certains de nos concitoyens, qu'ils soient favorables ou opposés au don d'organes, penseront qu'ils n'ont pas fait le nécessaire pour que leur choix soit inscrit sur leur carte vitale.
On ajouterait donc de la complexité à l'intérieur d'une disposition existante, qui n'est certes pas encore totalement entrée dans les esprits, mais qui est claire, simple, lisible. Quand certaines personnes me disent qu'elles ont leur carte de donneur d'organes sur elles, je leur réponds qu'elles n'ont plus besoin de cette carte car elles sont présumées donneuses. Beaucoup le découvrent. Inscrire cette mention – l'approbation ou la désapprobation à l'égard du don d'organes – sur la carte vitale créerait de la confusion. L'avis est donc défavorable.
L'argument de M. le rapporteur sera peut-être valable dans vingt ans, lorsque la loi sera réellement appliquée – un délai de plusieurs dizaines d'années est fréquent s'agissant des lois relatives aux questions médicales. La méthode retenue aujourd'hui, consistant à tenir compte de l'expression du refus, me semble la bonne, même si cela revient à laisser planer le doute concernant celles et ceux qui ne savent pas comment s'y prendre pour faire part de leur choix. Sachant que le doute prévaut, les équipes médicales, très attachées au fait que chacun puisse dire sa volonté – ce qui me semble très important – cherchent en situation d'urgence à connaître la volonté de la personne.
L'amendement no 2041 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Louis Touraine, pour soutenir l'amendement no 1592 .
Chaque année, le nombre de patients inscrits sur liste d'attente en vue d'une transplantation excède largement le nombre de malades transplantés. Vous l'avez dit, madame la ministre, le plan greffe prévoit qu'en 2021 7 800 greffes soient réalisées chaque année en France, un objectif qui sera très loin d'être atteint.
En 2017, pour la première fois, le nombre de transplantations a légèrement dépassé la barre des 6 000. Mais dès 2018, on a constaté une diminution. Grâce à l'organisation de la chaîne des dons, le nombre de transplantations réalisées à partir de donneurs vivants augmentera légèrement, mais la plupart des greffes sont pratiquées à partir de donneurs en état de mort cérébrale. Malheureusement, le nombre de prélèvements, lui, diminue plutôt.
Une possibilité récemment développée consiste à prélever à partir de donneurs dont l'arrêt cardiaque est anticipé : ces derniers se rangent dans la catégorie Maastricht III de la classification internationale. L'amendement proposé ici vise à modifier les règles de consultation du registre national des refus dans le cadre du prélèvement d'organes en ce qui concerne les donneurs de la catégorie Maastricht III.
Il encadre cette évolution par un décret qui sera pris en Conseil d'État après consultation conjointe de l'Agence de la biomédecine et de la Commission nationale informatique et libertés. Cet amendement résulte de plusieurs échanges avec des équipes de coordination qui ont expliqué à quel point les modalités de consultation du registre des refus leur posait des difficultés, aboutissant à des impossibilités de prélèvement chez des donneurs pourtant favorable.
S'appuyant sur un principe très important dans notre pays, la règle prévoit que le registre dont vous parlez n'est consultable qu'après le décès du donneur. La modification que vous proposez entraînerait des risques que chacun peut imaginer ici. Le Comité consultatif national d'éthique a établi une séparation très stricte entre l'équipe qui soigne et décide de l'arrêt et celle qui prélèvera les organes. Cette étanchéité doit selon moi perdurer afin d'éviter que ne s'installe à un moment ou un autre un doute, notamment un soupçon de connivence qui aurait conduit à arrêter des soins pour prélever des organes, ce qui ne serait audible par personne dans le pays. L'avis est donc défavorable.
Nous sommes défavorables à cet amendement pour d'évidentes raisons éthiques parfaitement énoncées par le rapporteur. En 2016 a été instauré, à propos de la catégorie des Maastricht III, un protocole qui ménage un équilibre nécessaire entre les équipes qui prélèvent et celles qui greffent. Grâce à ce protocole, le nombre de greffes effectuées a augmenté, passant de 64 en 2016 à 290 depuis le début de cette année, mobilisant quinze équipes sur le territoire national.
Nous souhaitons poursuivre cette démarche qui nécessite une très grandes implication de tous à l'intérieur des hôpitaux : l'ensemble des équipes, la commission médicale d'établissement, les équipes d'urgence. Nous ne voulons pas apporter de modification à ce protocole encore récent et qui doit continuer à se développer dans de nouveaux établissements, selon toutes les règles que nous avons fixées. Je suis donc tout à fait défavorable à cet amendement.
L'amendement no 1592 n'est pas adopté.
Je suis saisie de plusieurs amendements identiques, nos 863 rectifié et 2523 .
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement no 863 rectifié .
Cet amendement de M. Lurton propose plusieurs mesures qui permettraient de développer un meilleur accompagnement et une meilleure protection des donneurs, incluant un suivi médical.
La parole est à Mme Laurianne Rossi, pour soutenir l'amendement no 2523 .
Cet amendement prévoit de garantir l'effectivité du principe de neutralité financière au bénéfice des donneurs d'organes ou de tissus vivants. Il s'agit tout simplement d'exonérer ces derniers de ticket modérateur et d'interdire tout dépassement d'honoraires dans le cadre de la préparation, de la mise en oeuvre et bien sûr du suivi de ce don. C'est un amendement de bon sens, visant à inciter au don et surtout à neutraliser tout obstacle financier.
La prise en charge du suivi des donneurs est effectivement une question importante. Alors que nous évoquions tout à l'heure l'hypothèse de la création d'un registre des receveurs transplantés à l'étranger, je précise à M. Bazin qu'il existe un registre des donneurs – vivants bien entendu – mis en place par l'Agence de la biomédecine. Celui-ci a vocation à assurer un suivi de l'état de santé des donneurs jusqu'à leur décès.
J'ajoute, à propos de la prise en charge financière, que, comme le précise le guide des bonnes pratiques édité par l'Agence de la biomédecine, la réglementation prévoit que les frais de suivi et de soins assurés au donneur en raison du prélèvement dont il a fait l'objet sont à la charge de l'établissement de santé où est réalisé le prélèvement. Ils doivent donc être remboursés au donneur – y compris les frais d'hébergement et de transport. Peut-être faut-il faire mieux connaître ce guide et ces règles, en tout cas je crois que chacun des amendements présentés est satisfait. Je demande donc le retrait ou, à défaut, émets un avis défavorable.
Un don ne doit évidemment entraîner aucun frais qui serait imposé au donneur vivant, ce qui est bien prévu par les textes. Aucun obstacle financier ne doit se dresser face à une personne qui se lance de son vivant dans une démarche de don dans le cadre intrafamilial.
La promotion du don est un point important s'agissant de l'activité de greffe rénale en France. Le cadre juridique relatif à la neutralité financière est posé depuis très longtemps. Très clair, il garantit au donneur vivant et aux personnes qui les accompagnent le remboursement intégral des frais engagés au titre du don ainsi que la prise en charge des dépenses de soin par les établissements de santé où est réalisé le prélèvement. Cette prise en charge financière, assurée sans avance de frais pour tous les actes de diagnostic, de prélèvement et de suivi effectués par l'établissement hospitalier, inclut bien une exonération du ticket modérateur pour tous ces actes.
De mon point de vue, l'enjeu réside dans la bonne application de ces principes sur le terrain. C'est la raison pour laquelle l'Agence de la biomédecine a diffusé un guide pratique destiné aux donneurs, aux établissements, aux agences régionales de santé et aux caisses de sécurité sociale. Ce guide contient un principe très clair : le donneur n'a rien à payer. Néanmoins je peux m'engager devant vous à renforcer la communication auprès des acteurs, notamment des établissements de santé, autour de ces principes, et à rester à l'écoute des éventuelles difficultés qui pourraient se poser lors de cette application. Au regard de ces explications, je propose un retrait ou émets, à défaut, un avis défavorable.
Les amendements identiques nos 863 rectifié et 2523 sont retirés.
L'article 5 bis est adopté.
La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l'amendement no 151 , tendant à supprimer l'article 6.
Par cet amendement, je propose la suppression de cet article qui vise à étendre les catégories de donneur et de receveur de cellules souches hématopoïétiques au profit des pères et des mères, ce qui serait contraire à la convention d'Oviedo et à l'exigence de protection des personnes vulnérables.
Mme Genevard, vous souhaitez supprimer cet article sur la base de la convention d'Oviedo. L'étude d'impact ne nie pas que l'article 20 de cette convention – à laquelle elle fait référence – , prévoit des cas restreints, sur lesquels se fonde votre raisonnement. Cela dit, cette étude d'impact s'appuie sur un protocole additionnel à la convention, relatif aux organes et tissus, en indiquant que la France ne l'a pas ratifié et qu'elle n'est donc pas liée.
Pour autant, elle rappelle que la mesure du projet de loi que vous contestez ne s'écarte pas d'une dérogation prévue par l'article 15 du protocole autorisant le prélèvement des cellules sur d'autres donneurs que les frères et soeurs, dès lors que le prélèvement n'implique pour le donneur qu'un risque et une contrainte minimaux. Le texte ne contrevient donc pas à la convention d'Oviedo, il s'appuie sur un protocole additionnel qu'il n'a pas ratifié pour fonder cette extension. L'avis est défavorable.
Je comprends tout à fait que ce type de prélèvement puisse surprendre et inquiéter. Il faut bien comprendre que celui-ci n'intervient qu'en dernier recours, lorsqu'un patient est atteint d'une maladie mortelle – généralement une leucémie ou une maladie apparentée – et qu'il n'existe aucun donneur compatible parmi les 34 millions de personnes figurant sur le fichier international.
On est alors conduit à réaliser une greffe intrafamiliale, dite haplo-identique. Si ce parent n'a pas de frère ou de soeur disponible, il ne reste que ses enfants comme dernier recours pour le sauver. Il faut savoir que les enfants sont déjà prélevés lorsqu'un autre membre de la fratrie est atteint de la même pathologie. Les greffes de moelle à partir de donneurs pédiatriques sont donc très fréquentes en France. La seule différence ici est que le prélèvement effectué sur l'enfant n'est pas destiné à son frère ou à sa soeur mais à un de ses parents, ce qui n'est pas autorisé aujourd'hui. Il s'agit de cas extrêmes, rarissimes. Nous avons mis, si j'ose dire, ceinture et bretelles, puisque l'enfant est représenté par un administrateur ad hoc, mais aussi par un pédiatre, auprès du Comité donneur vivant, chargé de juger de la pertinence de l'indication.
Avant toute greffe de moelle hématopoïétique, on recherche le consentement du donneur vivant, en l'occurrence de l'enfant représenté par un administrateur auprès d'un juge. Je pense donc que nous avons pris toutes les précautions pour que l'intérêt de l'enfant soit parfaitement respecté. Il s'agit de cas exceptionnels où le parent va mourir, et ce n'est pas non plus ce que l'on souhaite à un enfant alors que celui-ci serait en mesure d'être prélevé pour sauver son frère ou sa soeur. Pour cette raison, je suis défavorable à votre amendement.
L'amendement no 151 est retiré.
Vu ce que Mme la ministre a dit du caractère exceptionnel des situations en cause, je vais moi aussi retirer l'amendement. Cela dit, nous souhaitions également préciser que seuls les mineurs âgés de plus de 16 ans seraient concernés car étendre la possibilité du don aux mineurs en général présente un risque énorme. Nous nous sommes appuyés sur la convention d'Oviedo sur les droits de l'homme et la biomédecine. Il est d'ailleurs regrettable que la France ne l'ait pas ratifiée car notre pays a toujours été exemplaire en matière de droits de l'homme – une valeur fondatrice inscrite dans notre Constitution. Madame la ministre, à l'occasion des débats sur la bioéthique, il serait opportun d'insister une nouvelle fois sur le sens de cette convention qui protège les plus faibles et fixe des limites ; elle interdit ainsi clairement la marchandisation du corps. Or, on l'a encore constaté hier soir dans l'hémicycle lors du débat sur les questions relatives à la GPA, on veut subrepticement – lentement mais sûrement – nous amener sur ce terrain. Il nous faut des garde-fous car nous sentons que la position du Gouvernement sur ces questions est hélas assez faible, et celle de la majorité plus encore.
Je propose de retirer les amendements, sinon j'y serai défavorable. Pour ce qui est de la convention d'Oviedo, la France l'a bien sûr ratifiée ; seuls n'ont pas été ratifiés les protocoles additionnels, pour des raisons d'interprétation.
En débattant de l'article 6, nous nous étions également posé des questions sur la manière de bien protéger le mineur, mais les garanties apportées nous semblent suffisantes. Ainsi, ce n'est évidemment pas le parent qui décidera de la possibilité du prélèvement des cellules-souches hématopoïétiques ; le tribunal statuera dans l'intérêt de l'enfant. Ces garanties prémunissent de tout risque de pression familiale. Il n'y a donc chez nous ni faiblesse ni fébrilité ; nous recherchons toujours la protection du plus vulnérable, tout en se donnant la possibilité de sauver des vies dans des cas exceptionnels.
J'avais bien noté vos explications le dernier jour de réunion de la commission spéciale, mais comme l'ont souligné plusieurs intervenants, il faut veiller à ne pas forcer affectivement le consentement du mineur. Il nous faut faire collectivement attention aux risques possibles du dispositif proposé – contentieux intrafamiliaux, pressions, droit de puissance des parents – , qui rappellent l'importance de la validité du consentement édictée dans le code de Nuremberg. Compte tenu de ces risques, l'amendement propose une phase expérimentale de trois ans pour les évaluer, en particulier en matière de consentement exprimé, avec l'administrateur ad hoc désigné par le président du tribunal de grande instance.
Ce type de greffe représente un dernier recours et ne concerne en France qu'une dizaine de cas par an. Vous proposez de soumettre le dispositif à une expérimentation ; d'une part, le principe même de l'expérimentation est incongru dans le code de la santé publique, d'autre part, l'expérimentation se fera en un sens quoi qu'il en soit. En effet, si les retours d'expérience montrent que la mesure manque de pertinence sur tel ou tel point, on en tirera les conclusions. S'agissant des garde-fous que vous avez évoqués – dont je mesure, tout comme de nombreux collègues, l'importance – , ils existent déjà, comme Mme la ministre et Aurore Bergé l'ont rappelé. Le texte de loi prévoit ainsi que juge désigne un administrateur ad hoc ; il précise également que le prélèvement ne devra comporter aucun risque pour le mineur et que tous les moyens devront avoir été mis en oeuvre pour trouver un donneur majeur suffisamment compatible avec le receveur ; enfin, en tout état de cause – cela va sans dire – , le refus du mineur fera obstacle au prélèvement. Toutes les dispositions susceptibles de garantir la sécurité que vous appelez de vos voeux ont donc été prévues par le texte. On voit mal l'intérêt d'une expérimentation puisque le suivi des donneurs et des personnes greffées permettra de tirer tous les enseignements nécessaires. Avis défavorable, à moins que vous ne retiriez l'amendement.
Comme le souligne le rapporteur, je ne vois pas bien ce qu'il s'agira d'évaluer. Le comité donneur vivant étant interne à l'Agence de la biomédecine, tous ces cas seront répertoriés et connus de l'Agence qui en fera état dans son rapport d'activité. Je l'ai dit et le rapporteur l'a rappelé : ce sont des cas d'extrême gravité, totalement exceptionnels. Les mêmes enfants, sollicités pour donner leur moelle pour un frère, une soeur, un cousin germain ou une tante, pourraient aujourd'hui le faire. Nous étendons simplement cette possibilité aux parents dans le cas exceptionnel où ceux-ci n'ont pas d'autre donneur au monde. Je ne pense pas qu'un enfant, même âgé de 13 ans, se remettrait de l'idée qu'il aurait pu sauver son parent et qu'on le lui a interdit. Comment le justifier sur le plan éthique ? Nous sommes défavorables à votre amendement, d'autant que l'expérimentation nécessiterait des critères d'évaluation, que vous ne précisez pas. Le consentement de l'enfant sera systématiquement recherché par l'administrateur ; totalement indépendant des parents, celui-ci représentera l'enfant au comité des donneurs vivants et auprès du juge. Je pense que nous avons pris toutes les précautions nécessaires pour introduire les garanties éthiques. Nous vous proposons donc de retirer votre amendement ; à défaut, avis défavorable.
L'article 6 est adopté.
Sur l'amendement no 1826 , je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Joël Aviragnet, pour soutenir l'amendement.
L'article 310 du code civil dispose que « tous les enfants dont la filiation est légalement établie ont les mêmes droits et les mêmes devoirs dans leurs rapports avec leur père et mère ». Le projet de loi supprime les notions de père et mère dans ce qui a vocation à devenir un article chapeau du code civil, et les remplace par celle de parent. Par cohérence avec cette évolution, le présent amendement du groupe Socialistes et apparentés, issu des échanges de vue entre les membres de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les femmes et les hommes, vise à remplacer les notions de père et mère dans la rédaction du code de la santé par la notion de parent.
Je voulais tester la vigilance de M. Bazin ! En effet, l'amendement avait été retiré en commission ; c'est donc mon avis personnel.
La désignation des parents plutôt que du père et de la mère est importante et symbolique dans le code civil, mais sans aucune incidence sur les dispositions du code de la santé publique. Les références au père et à la mère seront naturellement lues comme s'appliquant aux deux mères, l'article 6-1 du code civil prévoyant cette grille de lecture. Dans sa décision du 17 mai 2013, le Conseil constitutionnel a jugé que cela ne posait pas de problème d'intelligibilité de la loi. Je peux néanmoins comprendre votre souhait de mettre les termes en cohérence dans l'ensemble des textes et d'inscrire cette évolution dans le code de la santé publique. Je m'en remets donc à la sagesse de l'Assemblée.
L'amendement proposé est très révélateur et l'avis de sagesse du Gouvernement nous inquiète. L'article 4 consacre la disparition de la mention de la mère comme la femme qui accouche au profit de deux mères indistinctes. Cet amendement, qui sera peut-être – je ne l'espère pas ! – adopté, introduit l'effacement progressif des notions de père et de mère. Souvenez-vous de la discussion que nous avions eue lors du débat sur la loi pour une école de la confiance, lorsque la majorité voulait remplacer les termes de père et de mère par ceux de parent 1 et parent 2 ; nous sommes là dans la même logique.
Le fait de « dégenrer » – je reprends votre terminologie – les parents réjouit peut-être M. Touraine, que je vois sourire ; pour notre part, il nous accable. L'éventuelle adoption du texte de loi qui ouvrirait la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules ne doit pas emporter avec elle les notions de père et de mère. Je rappelle que plus de 80 % des enfants – soit leur immense majorité – sont élevés par leur père et leur mère. Ne laissons pas le texte effacer ce qui relève de la situation la plus fréquente. J'invite nos collègues à ne pas accepter l'amendement.
Le même amendement a été présenté hier dans le cadre de l'article 4, cherchant à réécrire plusieurs éléments de l'article dont celui-ci ; nous l'avons refusé. J'ai l'impression de revivre ce que nous avons vécu en commission spéciale où l'amendement autorisant les centres privés à but lucratif à pratiquer la conservation des gamètes a été rejeté quand nous étions assez nombreux, puis soumis à nouveau et accepté alors que nous l'étions moins. Hier, nous avons été témoins de la même chose s'agissant de la GPA : après plusieurs amendements rejetés, il y en a un qui, enfin, passe. Restons cohérents : les notions de père et mère dans notre code civil sont symboliques et n'empêchent pas, comme l'a dit la ministre, de mettre en application les droits que vous voulez introduire. Les supprimer du code civil serait dramatique, ce n'est pas le message que nous voulons envoyer. Par cohérence, nous nous opposerons donc à l'amendement.
Ceux qui présentent cet amendement ont leur cohérence ; ce qui m'étonne, c'est que, sur un sujet aussi sensible, le Gouvernement s'en remette à la sagesse de l'Assemblée. Déjà la porte ouverte à la légalisation de la GPA provoque un émoi extraordinaire. Or la suppression des mentions de « père » et de « mère » que risque de vous imposer une partie très militante de la majorité – que vous ne parvenez pas à contenir, manifestement – va provoquer un nouvel émoi.
Comprenez bien qu'un père, ce n'est pas une mère et qu'une mère, ce n'est pas un père. Il n'y a pas de hiérarchie entre eux mais simplement des réalités corporelles, des réalités affectives et éducatives, des réalités sociales qui fondent la différence entre les deux. Vouloir tout neutraliser, c'est le calcul de certains qui ne supportent pas la réalité corporelle. Aussi ce projet de loi se caractérise-t-il par un mépris constant du corps. Ainsi procède-t-on à l'éviction du corps dans la définition de la filiation, en particulier dans la reconnaissance de la filiation des enfants nés par GPA à l'étranger. On va le voir encore avec le tri qui sera opéré en matière de dépistage. Tout cela revient à s'en prendre au corps au prétexte d'une volonté de mainmise technique.
Il faut absolument réagir, madame la ministre, parce que vous êtes en train de vous faire déborder par ceux qui ont inspiré ce texte et que vous essayez de contenir. Encore une fois, un père ce n'est pas un « parent » neutre, un père est un homme qui exerce sa fonction de paternité ; une mère est une femme qui, en exerçant sa fonction de maternité, devient mère. Tous deux, pris ensemble, sont parents, mais ils sont distincts, différents.
Et cela ne signifie pas, j'y insiste, que l'un serait plus important que l'autre. Vous êtes incapables d'articuler l'égalité et la différence. Pour avoir l'égalité, vous niez les différences. Réagissez donc, madame la ministre !
Mme Agnès Thill applaudit.
Je souhaite me faire le porte-parole de mes collègues du groupe La République en marche. Il ne faut pas céder à un vertige qui nous éloignerait de la réalité.
Le texte vise à donner aux femmes en couple et aux femmes non mariées la possibilité d'accéder à la PMA, point. Le reste est un autre débat. Comme l'ont relevé certains de nos collègues, 3 % des PMA sont susceptibles d'être concernées par ces nouveaux droits.
Le projet de loi crée de nouveaux droits et il ne s'agit pas d'en enlever aux autres. Sur quelque 800 000 enfants, 780 000 naissent avec un père et une mère. Je ne pense pas qu'il soit par conséquent normal, logique, raisonnable de supprimer la mention de « père » et de « mère » dans le code de la santé publique.
Applaudissements sur de très nombreux bancs des groupes LaREM et LR. – Mme Agnès Thill applaudit également.
La notion de « parents » renvoie à la fonction. Les études sur le sujet sont suffisamment nombreuses pour que je ne relance pas le débat mais il me semblait nécessaire de le rappeler.
Plus la discussion avance et plus l'on se rend compte de l'existence de marqueurs : d'abord l'amendement Ferrand, ensuite, hier soir, l'amendement Touraine… Si l'on y ajoute le temps programmé et la confusion que crée le présent amendement, ce débat, censé être apaisé, l'est de moins en moins.
Cela est largement dû au fait que la majorité n'a pas réussi à réunir les conditions grâce auxquelles il aurait pu l'être. Une fois encore, nous le déplorons parce que les questions relatives à la filiation, à la bioéthique, essentielles, auraient mérité une autre manière de procéder. On ne peut donc que regretter les conditions dans lesquelles nous débattons.
Vous avez raison, chez collègue, le débat porte sur des questions essentielles ; mais je pense que nous parvenons à le mener dans de bonnes conditions depuis les auditions jusqu'à l'examen en séance, en passant par les travaux en commission spéciale. Nous n'avons pas prétendu qu'il s'agirait d'un débat consensuel ; nous avons des désaccords qu'il est bon de pouvoir exprimer ici, mais nous tenons absolument à la sérénité de la discussion.
Pour ce qui est du présent amendement, Jacques Marilossian l'a dit au nom du groupe LaREM, si nous souhaitons fermement permettre aux femmes seules et aux lesbiennes l'accès à la PMA, nous ne souhaitons évidemment pas laisser supposer à qui que ce soit que nous voulons l'effacement des pères et des mères – ce n'est pas l'objet du projet de loi, ce n'est pas notre intention. Permettre à plus de femmes de devenir mère ne revient en aucun cas au souhait de supprimer le père. Il est important que nous le manifestions à travers notre vote.
Il reste qu'à travers l'article 1er vous avez effacé le père et, à travers l'article 4, la mère qui accouche.
C'est pourquoi le présent amendement est en fait cohérent avec ce que vous avez voulu jusqu'à présent.
J'ai défendu un amendement à l'article 4 visant à remplacer, au premier alinéa de l'article 372 du code civil, les mots « père et mère » par les mots « parents de l'enfant », en cohérence avec l'article 371-1 qui mentionne l'autorité parentale. Je pensais que cette proposition avait du sens. Or il me semble qu'on veut modifier ici trop de choses sans faire preuve de tout le discernement nécessaire. Je ne suis donc pas favorable au présent amendement même s'il me paraît sensé de remplacer, dans nos codes, à tel et tel endroit précis, les notions de « père et mère » par celle de « parents ».
Pour une fois je suis d'accord avec Mme Genevard : il ne s'agit pas ici d'une mutation de novo d'un symbole. Nous suivons bien la même logique que précédemment.
Dès lors qu'on admet que les parents peuvent être, dans un cas, une femme et un homme, et, dans d'autres, deux femmes ou une femme seule, …
… ou deux hommes, il faut appeler ces personnes des parents. On ne peut pas dire d'un couple de femmes qu'il est composé d'une mère et d'un père. On est par conséquent naturellement conduit à dissocier le genre et la fonction parentale. Il est donc plus logique – et sans qu'on ajoute à l'avancée réalisée par l'adoption des articles précédents – que les textes précisent que ces deux femmes sont deux parents ou que cet homme et cette femme sont deux parents.
Il est assez symptomatique de voir à quel point la volonté de rendre cohérents entre eux le code civil et le code de la santé exacerbe une sensibilité qu'on ne découvre pas, certes, …
Nous savons bien ce qu'il y a derrière vos propositions, ne nous prenez pas pour des idiots !
… mais si vous êtes cohérents, ceux qui défendent le présent amendement ne le sont pas moins. Votre cohérence se heurte néanmoins à une limite : vous niez des réalités, celles que Jean-Louis Touraine vient d'exposer.
Un couple de parents peut être composé de deux individus de même sexe. Aussi, lorsque l'amendement propose une adaptation des textes aux réalités et propose qu'on emploie la notion de « parents », il n'efface pas le papa ou la maman. Les parents, j'y insiste, peuvent être deux femmes ou, évidemment, un homme et une femme – donc rien n'est effacé, je le répète. Et ce n'est pas parce que l'amendement vise à prendre en considération certaines réalités et à renforcer la cohérence des textes, que le modèle que vous défendez serait mis à mal – le modèle le plus vertueux étant à vos yeux, du point de vue de l'intérêt de l'enfant, un couple de parents de chaque sexe. Je reconnais votre cohérence ; reconnaissez donc la cohérence de ceux qui défendent l'amendement.
N'en déplaise à M. Saulignac, il ne s'agit pas de cohérence mais bien de militantisme. Dans l'hypothèse d'un couple de femmes, en effet, il suffit de parler de deux mères. C'est d'ailleurs l'idée que consacre l'article 4 et nous avons passé suffisamment de temps sur le fait de savoir si l'une était l'égale de l'autre – et nous continuons de penser, pour notre part, que ce n'est pas le cas. Vous donnez droit ici à la thèse du professeur Touraine sur la procréation sans sexe et sur la parentalité sans sexe. Or, je le répète, c'est du militantisme et non une prise en considération de la réalité.
Mme Agnès Thill applaudit.
Rappel au règlement
Mon intervention, qui se fonde sur l'article qui convient du nouveau règlement, concerne le décompte du temps de parole…
Une disposition nouvelle de l'article 58 précise que « tout rappel au règlement doit se fonder sur un article du règlement autre que le présent article ».
Mon intervention se fonde sur les articles 48 et 49 du règlement.
Quand le rapporteur s'exprime sur un amendement dont il est cosignataire à titre personnel, comme c'est le cas ici, son temps de parole est-il décompté de celui attribué à son groupe ? Il reste en effet moins de deux heures au groupe LR et nous ne pourrons bientôt plus nous exprimer sur des questions essentielles.
Quand le rapporteur au banc défend son propre amendement, en son nom, son temps de parole est décompté de celui de son groupe. Quand il s'exprime sur tout autre amendement, il le fait en tant que rapporteur.
Je m'en voudrais de gâcher la totale sérénité de nos débats. Aussi, si le règlement le permet, décomptez mon temps de parole de celui de mon groupe, qui en dispose d'encore beaucoup, et, si le règlement le permet également, je veux bien offrir à M. Bazin les deux minutes et demie pendant lesquelles je viens de m'exprimer ; elles sont à lui car je sais qu'il en a terriblement besoin.
MM. Joël Aviragnet, Maxime Minot et Jean-Louis Touraine applaudissent.
En effet, tout ce qui vient d'être dit par le rapporteur sur l'amendement no 1826 , dont il est cosignataire à titre personnel, sera décompté du temps de parole attribué à son groupe.
Après l'article 6
J'ai été peu présent depuis le début de la discussion puisque j'étais dans ma circonscription. Quels que soient les textes, un enfant naîtra d'un père et d'une mère ; on ne pourra pas changer les fondements de la nature. Je vous invite à penser à votre propre père et à penser à tous ces enfants à qui on va imposer de naître avec deux mères et sans père. Nous décidons pour eux, nous interdisons à ces enfants, qui seront des milliers, peut-être des dizaines de milliers, d'avoir un père. Je demande à chacun d'entre vous, j'y insiste, de penser à ses parents, à son père. Ce texte me dérange au plus profond de moi-même. Car s'il est vrai que le débat doit être apaisé, que chacun peut choisir le plus librement son mode de vie, on ne pourra jamais changer la nature humaine par le biais d'amendements.
Après l'intervention « dérivante » de M. Bazin, je renonce à mon temps de parole. Le débat était intéressant jusqu'à ce qu'il prenne une tournure procédurière. Je propose par conséquent que nous passions vite au vote.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 32
Nombre de suffrages exprimés 32
Majorité absolue 17
Pour l'adoption 7
Contre 25
L'amendement no 1826 n'est pas adopté.
Je suis saisi d'un amendement no 1666 , tendant à supprimer l'article 7.
La parole est à Mme Agnès Thill pour le soutenir.
L'amendement no 1666 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l'amendement no 192 .
Madame la ministre, en commission spéciale, vous vous étiez prononcée contre l'amendement de correction rédactionnelle identique que je soutenais. On trouve, à plusieurs reprises, dans l'article 7 la notion de « représentation à la personne ». Il me semble que l'emploi de la préposition « à » est le fait d'une coquille. L'expression « représentation à la personne » n'a aucun sens juridique. En droit, on parle toujours de représentation « de » la personne. Mon amendement vise à corriger l'article 7 en ce sens.
La situation est assez cocasse, et, à vrai dire, peu commune. Madame Genevard, je ne vous cache pas que j'ai très envie de vous donner raison. Spontanément, j'aurais parlé, comme vous, de « représentation de la personne ». Et puis, je sais, que vous maniez parfaitement la langue française, et je n'ai aucune raison de ne pas vous faire confiance lorsque vous faites une remarque relative à la syntaxe.
Toutefois, on me demande de vous dire que vous avez tort. J'avoue que les arguments que l'on me donne ne me convainquent pas totalement, mais je vous en fais part. Le droit civil distingue parmi les mesures de protection juridique, d'une part, la mesure de représentation à la personne et celle de représentation aux biens – il s'agit de représentations partielles – , d'autre part, la notion de représentation de la personne, qui est une notion différente impliquant une représentation globale de la personne.
Je vous dis tout de l'explication qui m'a été donnée. Elle ne me convainc pas, et j'aimerais beaucoup que l'on parle de « représentation de la personne ». Comme j'ai une certaine liberté, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée – au moins, comme cela, c'est elle qui décidera peut-être de ce qui doit être dit.
Comme M. le rapporteur, spontanément, j'aurais compris que l'on corrigeât le texte dans le sens voulu par Mme Genevard, mais l'analyse des services juridiques de différents ministères indique que la rédaction du projet de loi correspond bel et bien aux règles du droit civil.
Selon cette analyse, il est important de distinguer clairement les mesures de protection juridique avec représentation ou avec assistance, mais également le champ des mesures de protection à la personne ou protection aux biens. Faire référence à une mesure de protection avec représentation de la personne ne permet pas de faire cette distinction, distinction pourtant primordiale pour le majeur protégé. Il est nécessaire de préciser dans le code de la santé publique qu'un tiers ne peut être autorisé à représenter un majeur protégé en matière de sa santé que dans le cadre d'une mesure de protection à la personne.
En conséquence, je suis défavorable à l'amendement. Vous l'avez compris, de moi-même, je ne vous aurais pas fait la même réponse, mais celle-là est cadrée juridiquement.
C'est un avis de juriste contre l'avis d'autres juristes. Je n'ai pas la même lecture !
L'amendement no 192 n'est pas adopté.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement no 1228 .
Il tend à compléter le premier alinéa de l'article 7 par les mots : « sans l'accord exprès de la personne protégée, et sans l'autorisation du juge des tutelles l'ayant préalablement auditionnée ». Cette double condition cumulative garantirait le respect des volontés et des droits des personnes protégées en vertu de la convention relative aux droits des personnes handicapées, en particulier de son article 12, tout en limitant les risques d'abus et de trafic d'organes dont les personnes les plus vulnérables pourraient être l'objet, comme c'est le cas dans certains pays.
Il y a aussi l'amendement no 1229 , qui suit, même s'il ne traite pas tout à fait de la même chose.
Je le défends également. Nous n'avons pas assez de temps. Mais c'est à votre bon coeur, monsieur le rapporteur : vous pouvez accepter les deux !
Je suis défavorable à l'amendement no 1228 . L'article 7 ne concerne pas indifféremment toutes les personnes protégées. Les personnes qui font l'objet d'une mesure de protection à la personne ne sont pas concernées par les dons d'organes de leur vivant. Il ne semble pas souhaitable d'ouvrir cette possibilité à toute personne protégée, en particulier celles que je viens d'évoquer. Il convient donc de maintenir la protection dont ces dernières bénéficient, notamment en raison de leur vulnérabilité.
Je demande le retrait de l'amendement no 1229 . À défaut mon avis sera défavorable. Il vise à modifier l'article L. 1235-2 du code de la santé publique, relatif au prélèvement des organes à l'occasion d'une intervention chirurgicale pratiquée dans l'intérêt de la personne. Cette précision est importante afin d'éviter toute confusion.
Vous souhaitez réécrire une disposition principalement relative à la « transplantation domino » qui concerne les patients atteints de mucoviscidose. Nous parlons donc bien d'opérations chirurgicales effectuées dans l'intérêt de la personne – c'est le moins que l'on puisse dire lorsque la vie de cette dernière est en jeu.
Je ne peux pas être favorable à votre amendement, car, en réécrivant l'alinéa 6 de l'article L. 1235-2, vous le rendez confus. Selon l'amendement : « Lorsque le mineur ou le majeur protégé ne peut exprimer sa volonté ou comprendre les conséquences de cet acte, l'utilisation ultérieure des organes est subordonnée à l'absence d'opposition de la personne protégée… » Il me semble que si un majeur protégé ne peut exprimer sa volonté, il ne peut pas non plus exprimer son opposition.
L'amendement no 1229 est retiré.
Monsieur Bazin, vous souhaitez que la personne protégée donne personnellement son consentement au don d'organes, et que le don soit autorisé par le juge lorsque le donneur bénéficie d'une mesure de représentation à la personne.
Le premier alinéa de l'article 7, que vous entendez modifier, procède à une harmonisation rédactionnelle s'agissant des termes « majeurs protégés », mais il ne modifie pas le dispositif de protection qui les entoure. La personne protégée est entendue par le président du tribunal de grande instance. Le comité d'experts autorise le prélèvement après avoir apprécié la justification médicale d'un prélèvement et d'une greffe d'organe, ainsi que leurs conséquences sur le donneur. Le refus du majeur protégé devant le juge constitue une ligne rouge. Le dispositif de protection de la personne protégée est donc totalement maintenu. C'est la raison pour laquelle je suis défavorable à votre amendement.
L'amendement no 1228 n'est pas adopté.
L'article 7 est adopté.
Les articles 6 et 7 du projet de loi renforcent les majeurs protégés dans l'exercice de leur citoyenneté en leur permettant de donner leur consentement au don d'organes ou de cellules souches hématopoïétiques. Ils ne peuvent toutefois toujours pas donner leur sang. L'amendement vise à leur ouvrir cette possibilité.
L'entretien préalable au don du sang avec un professionnel de santé permet de s'assurer que le consentement est éclairé et sans danger pour les donneurs et les receveurs. Cette évolution avait déjà été souhaitée dans la loi du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique. De nombreux rapports et avis ont formulé des préconisations pour autoriser le don de sang aux majeurs protégés. Le dernier en date est le rapport d'information de la commission des lois de l'Assemblée nationale sur les droits fondamentaux des majeurs protégés, de juin 2019.
Cet amendement, dont le premier signataire est Mme Élodie Jacquier-Laforge, s'inscrit également dans la logique de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, qui ouvre le droit de vote aux majeurs protégés ; il répond à un enjeu fondamental de citoyenneté pour les personnes concernées et l'ensemble de la société.
Les amendements suivants traitent également du don du sang. Madame de Vaucouleurs, je partage votre préoccupation de lever des interdictions pesant sur des majeurs protégés qui souhaiteraient donner leur sang, si tant est qu'ils puissent y consentir.
La rédaction de votre amendement présente une difficulté, car il donnerait à tous les majeurs protégés la possibilité de donner leur sang. Je pense que ce n'est pas votre intention, et je crois que ce n'est pas souhaitable.
La commission a émis un avis défavorable à l'amendement no 1991 . Les amendements suivants sur le même sujet, dont la rédaction est différente, peuvent bénéficier d'une autre approche et d'un autre avis.
Madame la députée, votre amendement propose d'ouvrir le don du sang à toute personne faisant l'objet d'une mesure de protection légale. Cela pose la question du consentement éclairé au don.
Vous le savez, le Gouvernement et moi-même sommes extrêmement sensibles à la question du renforcement de l'autonomisation des personnes protégées, et de leur pouvoir décisionnel dans le choix d'un geste altruiste, tant pour leurs proches que pour les patients en général. Toutefois la question de l'ouverture au don du sang, et plus largement de l'évolution de la filière sang, de la collecte jusqu'à la sécurisation de la couverture des besoins en produits sanguins labiles et des médicaments dérivés du plasma, doit s'inscrire dans le bon véhicule législatif, c'est-à-dire dans un texte dédié à la filière sang.
L'inscription du consentement au don pour les greffes dans ce projet de loi s'explique par son caractère particulier, c'est-à-dire par le fait que, dans le cas d'une greffe, le pronostic vital est engagé, en particulier pour les greffes de cellules souches hématopoïétiques, ou en raison de l'impératif de compatibilité, ce qui est souvent le cas pour les greffes d'organes. On ne trouve pas une telle intensité dans les besoins constatés en matière de produits sanguins.
En conséquence, nous pensons qu'il n'y a pas lieu d'introduire cet amendement dans ce projet de loi. Mon avis est donc défavorable.
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l'amendement no 1774 .
En raison du temps législatif programmé, je me contente de dire qu'il est défendu !
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement no 1898 .
En raison du temps législatif programmé, je me contente de dire qu'il est défendu !
L'amendement no 1991 n'est pas adopté.
L'article 8 prévoit un simple recueil d'informations sur la non opposition de la personne vivante hors d'état d'exprimer sa volonté et le consentement d'une seule personne de la famille en cas d'examens génétiques ou d'identification sur une personne décédée. Est-ce suffisant, mes chers collègues, pour garantir le respect de la vie privée de la personne, autrement dit le respect de sa liberté ? N'allons-nous pas, dans les prochaines années, assister à une évolution semblable à celle constatée pour le prélèvement d'organe sur personne décédée : le consentement présumé finit par devenir un consentement imposé à la personne comme à sa famille ?
Ne serait-il pas plus juste de recueillir le consentement éclairé des proches, dans le cas d'une personne vivante hors d'état d'exprimer sa volonté, et de l'ensemble des membres de la famille potentiellement concernée, dans le cas d'une personne décédée ?
J'ai bien conscience que cela serait compliqué, mais il en va du principe même du consentement libre et éclairé.
Comment éviter, par ailleurs, madame la ministre, que la surenchère en matière de médecine préventive ne finisse par porter atteinte à ce principe ?
Les exceptions ne devraient-elles pas se limiter à celles qui sont justifiables par une réelle perspective thérapeutique pour la personne, et non par la simple information sur des risques pathologiques d'ordre génétique, par définition incertains ?
Ce sont là des questions importantes.
En raison du temps législatif programmé, je me conterai de dire « défendu ».
Avis défavorable. La mesure présentée à l'article 8 est très importante car elle peut sauver des vies.
Elle est nécessaire, par exemple, lorsqu'un jeune décède brutalement d'une crise cardiaque et qu'il s'agit de retrouver une origine génétique éventuelle, familialement transmise.
Elle est très importante également pour les patients atteints d'un cancer puisqu'elle permet de savoir si les anomalies identifiées sont innées ou si elles relèvent d'une maladie génétique intra-familiale.
Je rappelle, en outre, que nous transcrivons dans ce texte une proposition de loi issue de votre groupe au Sénat, monsieur Bazin. Nous l'avions suivie avec bienveillance car elle répond à une nécessité et permettra de sauver des vies.
Pardonnez-moi, monsieur Bazin, ce n'est pas vous, en effet, qui avez demandé la suppression de la mesure présentée à l'article 8 !
Je suis défavorable à l'amendement déposé par Mmes Ménard et Thill.
Cette mesure nous semble très utile et je tenais à l'expliquer à ceux qui n'en connaissaient pas les tenants et les aboutissants.
L'amendement no 1501 n'est pas adopté.
Sur l'article 8, je suis saisie par le groupe La République en marche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement no 1230 .
L'amendement no 1230 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 2192 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement no 1231 .
En raison du temps législatif programmé, je contente de dire qu'il est défendu.
L'amendement no 1231 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 28
Nombre de suffrages exprimés 26
Majorité absolue 14
Pour l'adoption 26
Contre 0
L'article 8, amendé, est adopté.
Applaudissements.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix heures trente-cinq, est reprise à dix heures cinquante.
La parole est à M. Francis Chouat, pour soutenir l'amendement no 1475 .
Cet amendement ne peut se comprendre qu'en référence qu'à mon amendement no 1470 et à l'amendement no 1653 de M. Berta, qui viendront en discussion après l'article 9. Comme M. Berta présentera alors son amendement, je n'interviendrai pas de nouveau pour défendre mon amendement no 1470 .
Depuis bientôt cinquante ans, la France a pris conscience de l'intérêt de dépister le plus tôt possible certaines maladies rares et graves de l'enfant. Il s'agit aujourd'hui de tenir compte des révolutions de la génétique et des progrès accomplis dans la prise en charge des maladies rares.
Actuellement, l'examen des caractéristiques génétiques d'une personne à des fins médicales concerne des populations restreintes présentant un risque très élevé de maladie génétique. Il a donc pour principal objectif de confirmer ou de diagnostiquer une maladie existante. Il s'accompagne d'un dispositif d'information préalable et de consentement relatif aux conditions d'information de la parentèle en cas de diagnostic positif. L'encadrement législatif issu notamment des précédentes lois de bioéthique est adapté à cette situation.
Quant au dépistage généralisé de certaines maladies génétiques graves chez les nourrissons, il est réalisé à partir du dosage de marqueurs biologiques témoignant d'un probable dysfonctionnement biologique. Pour certaines de ces maladies, dans un second temps et pour un nombre restreint de nourrissons détectés positifs, la caractérisation d'une mutation génétique est réalisée.
Le progrès technologique et la très forte chute des coûts de la caractérisation de mutations génétiques permettent aujourd'hui d'envisager l'utilisation de tels outils dans le cadre de programmes de dépistage néonatal, pour identifier spécifiquement certaines mutations. Selon les maladies, la caractérisation de la mutation génétique causale peut être plus simple que le dosage d'un marqueur témoin du dysfonctionnement biologique produit par cette mutation. Dans d'autres, faute de marqueurs biologiques, elle peut permettre de détecter des maladies de façon beaucoup plus précoce – c'est tout l'intérêt de l'amendement – et d'envisager des traitements plus efficaces. Je précise qu'il ne s'agit évidemment pas d'examiner l'ensemble du génome des personnes, mais simplement de rechercher certaines mutations très spécifiques.
Les dispositions actuelles relatives à l'information préalable à la réalisation d'examens des caractéristiques génétiques auprès de populations à fort risque sont inadaptées au dépistage en population générale. Nous proposons donc d'adapter les conditions d'information et de recueil préalable du consentement écrit des parents, tout particulièrement en ce qui concerne l'information des membres de la famille.
Cette adaptation ne remet évidemment pas en cause les autres obligations d'information dans les rares cas où le résultat est positif et la maladie diagnostiquée. Elle ne porte que sur la phase préalable du dépistage.
Avant de laisser Mme la ministre s'exprimer sur ce sujet sensible, je veux vous dire en préambule que je partage vos préoccupations, monsieur le député, et que je crois nécessaire d'aller vers l'objectif que vous assignez, en particulier le dépistage précoce des maladies pour lesquelles il n'est pas possible aujourd'hui.
Rappelons qu'aucun article de loi ne précise le régime juridique du dépistage néonatal et qu'aucune disposition législative n'a trait à ce dernier : ce régime n'est prévu que par la voie réglementaire. C'est un élément qu'il faut avoir à l'esprit.
Ensuite, à supposer que le dépistage néonatal soit étendu à d'autres anomalies génétiques comme vous le souhaitez, il importe de prévoir des procédures d'information de la parentèle ; c'est là le coeur de l'article 9.
La commission a émis un avis défavorable à votre amendement, sans négliger ni sous-estimer, je le répète, le bien-fondé de vos préoccupations. En effet, la mise en oeuvre de tests génétiques en première intention, que vous appelez de vos voeux, apparaît aujourd'hui prématurée ; elle appellerait un travail d'expertise plus poussé – Mme la ministre aura l'occasion de détailler les travaux déjà engagés dans ce domaine et d'indiquer à quelle échéance il serait envisageable de vous répondre favorablement.
Monsieur le député, vous souhaitez déroger, pour le programme de dépistage néonatal en population générale, au dispositif d'information préalable relatif aux conditions d'information de la parentèle, et intégrer au dépistage néonatal les tests génétiques en première intention.
Il s'agit d'une question décisive. Pour moi, cela reviendrait à autoriser les tests génétiques en population générale chez tous les nouveau-nés.
Évidemment, le dépistage néonatal est très important : il permet de détecter des maladies très tôt, donc d'améliorer la prise en charge de certaines maladies rares et graves dont les conséquences peuvent parfois être mortelles, ou entraîner des handicaps sévères, si la prise en charge n'est pas suffisamment précoce.
Au cours des dernières années, nous avons réaffirmé cette priorité en travaillant avec l'ensemble des personnes concernées – associations de malades, professionnels de santé – pour mieux structurer cette activité et répondre encore mieux aux besoins de la population concernée, comme cela était prévu dans le plan maladies rares 2018-2022.
En France, cinq maladies rares sont dépistées au moyen du prélèvement d'une goutte de sang au talon, méthode bien connue : la phénylcétonurie, l'hypothyroïdie congénitale, l'hyperplasie congénitale des surrénales, la mucoviscidose et la drépanocytose. S'y ajoute le dépistage de la surdité permanente, qui repose évidemment sur d'autres techniques.
Deux maladies supplémentaires sont concernées : le déficit en MCAD – ou déficit en acyl-CoA déshydrogénase des acides gras à chaînes moyennes – et le déficit immunitaire combiné sévère ou DICS. Pour le déficit en MCAD, le déploiement effectif du nouveau test de dépistage est prévu au premier trimestre 2020 ; pour le DICS, la Haute Autorité de santé rendra un avis au cours du dernier trimestre 2019. Le dépistage devrait donc s'étendre à ces deux maladies.
Tous les programmes nationaux de dépistage sont mis en oeuvre en application du code de la santé publique. Ils font l'objet d'arrêtés pris après avis de la HAS et de l'Agence de la biomédecine. Pour le dépistage néonatal, il s'agit de l'arrêté du 22 février 2018.
Vous souhaitez introduire le dépistage néonatal au niveau législatif. Je n'y suis pas favorable, d'abord par souci de cohérence avec les autres programmes français de dépistage – je songe à tous ceux qui concernent le cancer – , ensuite pour conserver de la souplesse et pouvoir adapter un dispositif qui a fait ses preuves et qui s'enrichit régulièrement de nouveaux tests, en fonction des connaissances scientifiques et de notre capacité à mieux soigner et à mieux prendre en charge les maladies à un stade précoce.
Vous souhaitez également que le test de dépistage néonatal repose sur des techniques de génétique. Si je comprends parfaitement votre intention, cela me semble tout à fait prématuré. En effet, rien ne permet aujourd'hui de dire avec une certitude suffisante qu'un dépistage par test génétique en première intention satisferait au même critère de pertinence que les actuels programmes nationaux de dépistage en population générale, et qu'il ne soulèverait pas de nouvelles questions que nous ne sommes actuellement pas en mesure d'expertiser, telle que la découverte d'anomalies incidentes, voire de maladies récessives dont on informerait les intéressés alors qu'elles ne se sont pas exprimées. Il s'agit de questions redoutables, extrêmement sensibles. Je ne souhaite donc pas ouvrir cette voie pour l'instant.
Bien entendu, je suis très à l'écoute de tous ceux qui mettent en avant ces sujets, en particulier les représentants des associations ; mes services les reçoivent en permanence : nous travaillons avec les parties concernées. Je m'engage devant vous à rester particulièrement attentive à cette question. Mais je vous demande de retirer votre amendement, sans quoi je ne pourrai lui être que défavorable.
Monsieur le rapporteur, madame la ministre, je vous remercie pour vos réponses qui éclairent notre débat. Vous évoquez, madame la ministre, la nécessité d'apporter de la souplesse dans la façon dont évoluent ces dépistages et, de ce point de vue, vous considérez que le cadre législatif durcit plutôt qu'il n'assouplit. Vous estimez en outre que ma proposition est prématurée. En tout cas, je souhaite que ce débat continue de vivre et que, surtout, des mesures réglementaires permettent d'avancer. C'est la raison pour laquelle il me paraît sage de retirer mon amendement.
M. Guillaume Chiche applaudit.
L'amendement no 1475 est retiré.
L'amendement no 458 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 108 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 1673 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 9 est adopté.
Je suis saisie de plusieurs amendements portant article additionnel après l'article 9.
Sur l'amendement no 1653 , je suis saisie par le groupe du Mouvement démocrate et apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l'amendement no 460 .
Les potentialités prédictives des technologies peuvent gravement entraver la vie économique et sociale d'une personne dès lors que la probabilité de survenance d'une maladie l'empêcherait de conclure une police d'assurance ou d'obtenir un prêt bancaire par exemple. Le présent amendement vise donc à établir des limites claires quant au recours à des tests génétiques par des entreprises commerciales. Il s'agit d'être sûr que nos concitoyens ne se retrouvent pas dans la situation où ces tests leur seraient imposés par des acteurs économiques.
L'amendement de M. Hetzel est satisfait à au moins trois reprises. Tout d'abord, l'article 16-13 du code civil pose le principe général de non-discrimination en raison de caractéristiques génétiques. Cet interdit est réitéré à l'article 225-1 du code pénal. Enfin, le code de la santé publique interdit aux banques et assurances de prendre en compte ces caractéristiques, même si elles leur sont volontairement transmises par la personne concernée. Avis défavorable.
Je suis complètement d'accord avec M. le rapporteur et, pour compléter ses propos, je précise que l'utilisation des données de santé, par exemple celles d'adhérents à une assurance par des organismes assureurs, est déjà strictement encadrée par la loi.
Ainsi, les dispositions relatives aux contrats d'assurance « santé solidaire et responsable », qui représentent la quasi-totalité du marché, prohibent l'usage de questionnaires médicaux préalables à la conclusion d'un contrat quand ils pourraient donner lieu à l'application de technologies prédictives. Sur la quasi-totalité du marché des contrats de complémentaire santé, l'utilisation de ces technologies se limite donc, en pratique, à l'établissement de données très générales, comme l'âge, afin de déterminer une tarification des contrats et des garanties pour une population donnée.
De plus, en matière d'assurance emprunteur, la convention AERAS – s'assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé – a permis d'asseoir sur un consensus scientifique, partagé par les associations de malades et d'usagers, les assureurs et les médecins, l'application du droit à l'oubli pour les patients atteints de cancer ou d'autres pathologies listées dans une grille de référence.
Par ailleurs, cet amendement me semble beaucoup trop général et d'une portée beaucoup trop large. Nous avons déjà dans notre droit des garanties plus précises et efficaces. Avis défavorable.
L'amendement no 460 n'est pas adopté.
Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 1470 , 1653 et 1121 , pouvant être soumis à une discussion commune.
L'amendement no 1470 de M. Francis Chouat est défendu.
Les amendements nos 1653 et 1121 peuvent faire l'objet d'une présentation groupée.
La parole est à M. Philippe Berta, pour les soutenir.
Ces deux amendements visent à renforcer dans l'urgence le dispositif de dépistage néonatal de notre pays. Nous sommes en effet un certain nombre à considérer qu'il s'agit là d'un problème majeur de santé publique.
Je ne m'étendrai pas sur l'historique : 1972 est l'année des premiers dispositifs de diagnostic néonatal ; 2002 est l'année de l'introduction du cinquième dispositif de dépistage généralisé, celui de la mucoviscidose. Aujourd'hui est envisagée l'introduction d'un ou deux dispositifs supplémentaires dans l'arsenal du dépistage néonatal généralisé.
L'augmentation des dispositifs de dépistage néonatal généralisé permettrait tout d'abord de déceler chez un nourrisson la présence d'un plus grand nombre de pathologies identifiées pour lesquelles on dispose d'une réponse. La science a progressé et, pour un grand nombre de pathologies diagnosticables en période néonatale, nous avons aujourd'hui davantage d'outils, qu'ils soient thérapeutiques ou d'accompagnement, qu'il s'agisse de régimes alimentaires ou de compléments alimentaires. Tous les autres pays ont su se saisir de ces données pour offrir des solutions à beaucoup d'enfants au lieu de les laisser au bord du chemin ou, pour parler plus crûment, de les laisser mourir.
Je rappelle qu'il existe 8 000 pathologies génétiques dont sont atteints 3 millions de nos enfants. Certes, ils font l'objet d'un accompagnement dans le cadre du plan national maladies rares, dont la troisième version date de juillet 2018. Mais justement, l'objectif central de ce plan est de raccourcir le temps de diagnostic, comme le rappelle encore un rapport à mi-parcours paru ces dernières semaines. En France, pour déceler une pathologie à la naissance, il faut en moyenne presque cinq ans d'errances diagnostiques pour l'enfant et sa famille, avec des résultats catastrophiques à la clé en raison d'une prise en charge trop tardive – soit l'enfant est mort entre-temps, soit les lésions sont devenues assez irréversibles et le handicap va apparaître.
Que se passe-t-il dans les pays semblables au nôtre ? En Italie, quarante pathologies sont détectées à la naissance. En Autriche, en Espagne, en Islande, en Hongrie, au Portugal, en Suède, aux Pays-Bas et en Estonie, entre vingt et trente pathologies font l'objet d'un diagnostic. En Allemagne, au Danemark, en Belgique, en Suisse, au Royaume-Uni et en Irlande, entre autres, le dépistage porte sur dix à vingt pathologies.
Permettez-moi de vous raconter une anecdote. Samedi, je reçois chez moi le patron du Royal Children's Hospital de Melbourne. Il a 2 000 personnes sous ses ordres et dispose d'une des plus belles plateformes de génétique pédiatrique au monde. Un article publié bientôt dans une grande revue scientifique anglo-saxonne va probablement faire date, puisqu'il révèle que, grâce à la mise en place d'une petite plateforme de séquençage et au terme d'un essai d'un an sur 200 enfants, l'Australie s'avère capable, où que ce soit sur son territoire et malgré l'immensité du pays, de déceler 1 000 pathologies en soixante-douze heures chrono après avoir procédé à un prélèvement de sang sur un nourrisson et à un séquençage de l'exome, c'est-à-dire de la partie collante du génome. Rendez-vous compte, 1 000 pathologies en soixante-douze heures chrono, 200 enfants testés, 100 enfants sauvés ! Ce programme va dorénavant devenir national ; l'hôpital n'aura qu'à monter un back-up avec une seconde plateforme à Brisbane pour pallier tout souci technique sur la première. L'Australie dépistera donc 1 000 pathologies génétiques. J'insiste sur le fait qu'on ne fait pas ces tests pour le plaisir, mais parce qu'on a des solutions à offrir à ces enfants et à leurs familles.
Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM, SOC et LT ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
Tous ces amendements ont été repoussés par la commission. Pour autant, on ne peut être insensible à l'argumentaire de Philippe Berta – un argumentaire plutôt imparable qui doit interpeller chacune et chacun d'entre nous. J'ai aussi en mémoire nos auditions, qui ont montré incontestablement l'intérêt de ce type de dépistage. Comme tout à l'heure, j'exprime mon accord sur le fond et sur la nécessité d'aller très vite vers un élargissement du dépistage néonatal, encore aujourd'hui particulièrement restreint, mais je redis que ce sujet relève du domaine réglementaire : sauf erreur de ma part, tous les dépistages sont encadrés par des articles figurant dans la partie réglementaire du code de la santé publique. Introduire la disposition proposée au niveau législatif pourrait susciter des interrogations sur l'importance accordée aux autres dépistages.
De plus, Mme la ministre a rappelé qu'une extension des dépistages néonataux nécessiterait un important travail de fond, notamment pour sécuriser ces tests, cibler ces derniers et évaluer leur bénéfice au regard de leur coût.
Enfin, Mme la ministre a indiqué que les travaux menés sur ce sujet par la direction générale de la santé invitent à prendre un peu de temps – je souhaite tout de même que nous n'en prenions pas trop.
Nonobstant ce que je viens de dire à titre personnel, j'exprime ici l'avis défavorable de la commission.
Monsieur Berta, vous nous avez fait une magnifique démonstration de ce que la technique sait faire. Il est en effet possible d'établir le génome complet de tout individu, au prix de 100 euros par personne, et de dépister 1 000 gènes en moins d'une journée. Certains pays peuvent donc décider de procéder à l'analyse de 1 000 gènes chez tous les nouveau-nés. Techniquement, nous savons le faire en France aussi bien qu'en Australie. Mais nous discutons ici d'un projet de loi de bioéthique : il faut donc savoir ce que nous souhaitons en matière d'éthique.
L'identification d'un gène anormal, d'une mutation, n'équivaut pas à la découverte assurée d'une pathologie. Il existe des pénétrances inégales, des expressions variables de maladies, même lorsqu'un gène est muté. C'est pourquoi certains dépistages ne sont pas fondés sur le génome mais sur sa traduction biologique, comme le manque d'une enzyme. Il est bien plus important de connaître la réalité de la maladie, par exemple à l'aide d'une goutte de sang, que de savoir si un gène est muté.
Par ailleurs, lorsqu'on recherche 1 000 gènes, on en voit 100 000. Accepter votre proposition aurait pour conséquence de collecter des milliers de données génétiques chez tous les nouveau-nés français. Souhaitons-nous que tous les Français à la naissance disposent de leur génome complet, dont nous ne saurons pas quoi faire ?
Selon la définition de l'OMS – l'Organisation mondiale de la santé – , un dépistage répond à des critères d'évaluation très précis. Le bénéfice pour la santé publique d'une technique de dépistage doit être comparé aux risques encourus dans la population. Je ne pense pas que l'OMS estime que le dépistage de 1 000 maladies rares ait un intérêt : nous ne possédons pas les traitements pour autant de maladies, sans quoi le Téléthon n'aurait plus lieu d'être. Si nous bénéficions de traitements et de prises en charge précoces pour certaines maladies, nous n'avons malheureusement, dans de très nombreux cas, rien à proposer.
Nous tenons compte en permanence des données scientifiques. La HAS évalue systématiquement les programmes de dépistage à l'aune des critères objectifs de l'OMS.
Je ne souhaite pas inscrire le dépistage néonatal dans la loi, car cela impliquerait de se demander pourquoi tous les programmes de dépistage de santé publique ne sont pas considérés de la même manière. De plus, je ne désire pas que ces dépistages soient réalisés à l'aide de techniques génétiques non encore évaluées par la HAS. Peut-être celle-ci en viendra-t-elle à nous indiquer que tel dépistage sera rendu plus sensible, plus adéquat et plus pertinent par l'utilisation d'une technique génétique. Aujourd'hui cependant, cette proposition va trop loin : ce n'est pas parce qu'une technique existe, qu'elle est réalisable et peu coûteuse, que nous souhaitons l'inscrire dans ce texte. C'est pourquoi je suis défavorable à ces amendements.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
En science, on appelle cela « la preuve de concept » : elle n'a malheureusement pas été instituée par la France, mais par l'ensemble des autres pays occidentaux. Pour connaître cette communauté, je n'imagine pas une seconde qu'elle se serait amusée à diagnostiquer des pathologies que nous ne saurions pas traiter – celles-là ne seront pas prises en considération.
Nous constatons que même des États américains dont l'état d'esprit en la matière est particulier pratiquent déjà soixante-cinq diagnostics : c'est parce qu'il existe des solutions ! Quand un bébé naît atone, une sorte de chiffe molle, vous avez tout intérêt à savoir immédiatement quelle prise en charge adopter.
Dans ce cas, c'est du diagnostic, pas du dépistage !
Vous citiez le Téléthon, madame la ministre. Nous commençons aujourd'hui à avoir des thérapies : j'espère que nous parviendrons à les financer et à proposer un accompagnement au long cours.
Peut-être que le chiffre australien de 1 000 dépistages est trop élevé actuellement – attendons la publication du New England Journal of Medicine dans quelques semaines – , mais ils ne prennent en considération que 1 000 des 8 000 maladies génétiques actuellement recensées.
J'éprouve un immense respect pour mon collègue Philippe Berta, que je connais depuis très longtemps, mais je voudrais intervenir ici en tant que pédiatre, métier que j'exerçais avant d'être député.
En effet, la prise en charge des nourrissons constitue l'enjeu de notre discussion. Peut-être le nombre de pathologies dépistées évoqué par Mme la ministre est-il actuellement insuffisant – c'est d'ailleurs ma position – , mais l'important reste la prise en charge thérapeutique. M. Berta a cité l'exemple d'un nouveau-né atone : la recherche d'une cause génétique à cette symptomatologie n'est pas un dépistage mais un diagnostic, ce qui est totalement différent.
Je suis inquiet de la perspective évoquée par Mme la ministre, selon laquelle tout nouveau-né aurait sa carte d'identité génétique. Les gènes revêtent une grande importance, mais d'autres éléments interviennent pour aboutir à une symptomatologie, c'est-à-dire à une maladie, qui doit être prise en charge de façon thérapeutique – pas seulement avec des soins d'accompagnement ou un soutien psychologique de la famille.
Il existe un risque que nous devons évaluer, en tant que législateurs. Le dépistage peut identifier des porteurs sains ; il n'est certes pas négligeable de les repérer, mais si nous créons une société où nous les connaissons, nous aboutirons à un monde dans lequel nous choisirons notre conjoint en fonction de ses gènes. Mes chers collègues, j'appelle votre attention sur tous les bancs : dans une telle société, le choix de notre compagnon ou de notre compagne ne sera plus dicté seulement par l'amour, mais aussi par son identité génétique. Ce n'est pas tirer le fil, d'ailleurs bien court, d'une pelote : nous connaîtrons la composition génétique de notre conjoint et, spontanément, nous ne voudrons pas avoir des enfants avec le porteur d'une mutation génétique.
J'ajoute qu'il est psychologiquement très difficile pour un individu de porter une mutation génétique. En tant que professionnel, je peux témoigner que la responsabilité d'avoir transmis à un enfant une maladie génétique, comme parent ou comme donneur, est particulièrement lourde à endosser.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Le sujet est complexe et nous devons préserver un équilibre. Comme l'a dit M. Berta, l'objectif n'est pas d'accomplir une prouesse technologique mais d'identifier des pathologies pour les soigner et soulager des enfants et leur famille. Nous sommes dans le domaine de la santé publique.
Je ne vois pas pourquoi des Français devraient aller à l'étranger pour bénéficier d'un tel dépistage. Nous venons de consacrer deux semaines de débats à une avancée législative majeure, mais alors que la PMA pour toutes concernera entre 3 000 et 5 000 personnes, laisserons-nous perdurer un retard flagrant dans un domaine qui concerne la santé et la vie quotidienne de millions d'enfants et de leur famille ?
Nous devons nous demander ce que la science peut faire. M. Berta a souligné que d'autres pays sont allés beaucoup plus loin dans le dépistage, avec pour seul objectif d'apporter au plus vite des solutions à certaines pathologies. La question est celle de la capacité de notre pays à soigner, ou du moins à accompagner ces pathologies, au bénéfice de nos citoyens.
Mme Michèle de Vaucouleurs applaudit.
Certes, la perfection génétique n'existe pas, et c'est tant mieux : nous sommes tous porteurs de mutations. Prenons l'exemple de la mucoviscidose. Je ne sais pas combien nous sommes ce matin, mais statistiquement, un ou deux d'entre nous sont atteints d'une des mutations responsables de cette maladie. Le savoir n'est pas dénué d'intérêt : si vous avez un projet parental avec une autre personne porteuse d'une de ces mutations, vous pourrez bénéficier d'un conseil génétique, éventuellement d'une confirmation de diagnostic permettant d'accéder à un diagnostic préimplantatoire. Nous n'avons pas de solution : nous ne sommes pas capables de remplacer le canal chlore défectueux de la mucoviscidose. Mais lorsque le diagnostic est posé, l'accompagnement peut être mis en place dès la période néonatale. Il y a vingt ans, l'espérance de vie d'un enfant atteint de mucoviscidose était de quelques années ; aujourd'hui, elle est de trente ou quarante ans, grâce au diagnostic et à l'accompagnement très précoces.
Enfin, le plan national maladies rares 2018-2022 prévoit une action 2. 2 intitulée « accélérer la mise en place de nouveaux dépistages néonataux ». Ailleurs, on peut lire que « la préparation de la révision de la loi de bioéthique permettra de mener cette réflexion ». Nous menons cette réflexion, en accord avec les desiderata du ministère.
Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM et sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
En 1997 sortait un film intitulé Bienvenue à Gattaca. Plusieurs d'entre nous l'ont sans doute vu ; nous considérions alors qu'il s'agissait de science-fiction. Les débats actuels, hélas, montrent que nous devons plus que jamais considérer les questions éthiques avec énormément de prudence. Dans cette fiction, les enfants conçus « naturellement » sont relégués, parce que moins performants que les autres.
Quel monde voulons-nous préparer ? Quelle est notre vision de l'humanité ? Jusqu'à quel point la technique sert-elle l'intérêt supérieur de l'humanité ? Ces questions sont fondamentales. Je voudrais saluer l'intervention de M. Eliaou, qui a de surcroît témoigné en tant que professionnel, car il a pointé du doigt la question centrale : où se situe le véritable humanisme ? Il consiste aussi à reconnaître et accepter la finitude de l'être humain. Or, une nouvelle fois, ces amendements montrent que certains ici souhaitent s'ériger en démiurges.
Protestations sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
C'est une ligne rouge. Permettez-moi d'affirmer que nous sommes un certain nombre à refuser son franchissement, parce que nous considérons qu'il s'agit d'eugénisme.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR et parmi les députés non inscrits.
C'est vous qui considérez que c'est de l'eugénisme ! C'est vous qui franchissez la ligne rouge !
J'avoue qu'on ne peut qu'être partagé à l'écoute des arguments de M. Berta d'une part, et de celles et ceux dont l'avis est défavorable, comme Mme la ministre, d'autre part.
D'un point de vue éthique, nous devons décider si les bénéfices sont plus importants que les risques de dérives, qui ont été décrits ici et là, et surtout si la connaissance nouvelle du fait qu'un nouveau-né porte en lui des gènes pouvant l'amener à développer des pathologies – sans que ce développement soit automatique ni homogène – nous permettra demain de mieux soigner l'enfant qu'il va devenir. Parce que cela se produira dans certains cas, mais pas à chaque fois, l'obligation de rechercher et de ficher une multitude de gènes chez l'ensemble des nouveau-nés emporte plus de risques que de bienfaits thérapeutiques à venir. C'est ce qui m'amène à considérer que la balance penche – de peu – du côté du rejet des amendements.
Ces plaidoyers ou ces réquisitoires nous interpellent. Il est difficile d'adopter une position tranchée. Pouvons-nous nous priver de l'évolution de la science pour effectuer des dépistages afin de mieux accompagner des enfants ? Je ne le pense pas. Comment peut-on affirmer que, contrairement à d'autres pays, la France ne pourrait pas avancer parce qu'elle s'est dotée de lois de bioéthique ? Si ces lois existent, elles constituent une richesse pour notre pays et ne doivent pas devenir un frein à l'évolution et aux avancées de la médecine.
Il faut par conséquent trouver un équilibre. Certains pays dépistent des centaines d'anomalies quand nous n'en dépistons que très peu. La France peut raisonnablement avancer, sans pour autant tomber dans les excès pointés par certains, et dépister d'autres maladies afin de mieux accompagner les enfants dès les premiers jours. Nous serons donc plutôt favorables aux amendements.
Si je suis, comme M. Hetzel, très opposé au transhumanisme, je suis très favorable à l'humanisme voire à l'hyperhumanisme. Concrètement, nous avons compris au XXe siècle que l'on pouvait diagnostiquer certaines maladies à la naissance, ce qui apporte un bénéfice pour l'enfant, lequel sera soumis à des régimes alimentaires et à des traitements précoces afin d'enrayer la progression de ces maladies graves et de garder un état général satisfaisant. Malheureusement, nous nous sommes limités à cinq diagnostics quand tous les autres pays ont avancé. Si certains sont peut-être allés trop loin, l'action de la France est vraiment insuffisante.
Prenons un exemple parmi la vingtaine de maladies qui mériteraient d'être dépistées à la naissance par des dosages sanguins ou des tests génétiques : plus de neuf enfants sur dix auxquels on a diagnostiqué à la naissance des déficits immunitaires sévères guérissent grâce à une greffe de cellule-souche et mènent ensuite une vie normale, sans même avoir besoin de suivre un traitement – ils sont définitivement et complètement guéris. En revanche, en l'absence de dépistage à la naissance, la majeure partie d'entre eux décèdent avant l'âge de 18 mois car la première infection est mortelle. J'ai cité cet exemple parmi d'autres. Dans le cas d'une vingtaine de maladies, le diagnostic à la naissance est vital pour l'enfant.
Ceux qui, dans cet hémicycle, sont réfractaires à l'amendement de M. Berta, pour diverses raisons idéologiques que je comprends, doivent savoir que leur décision emportera dans les années à venir quelques centaines, voire quelques milliers de vies humaines – celles d'enfants qui auraient pu bénéficier d'un diagnostic néonatal et d'un traitement initial, alors qu'un traitement administré à l'âge de 1 an est trop tardif.
On ne peut qu'être sensible à la situation très difficile des familles dont un enfant souffre d'une maladie rare. À cet instant, on peut aussi penser à tous les médecins et professionnels de santé présents à leur chevet.
L'amendement no 1653 prévoit un dépistage néonatal des anomalies génétiques « pouvant être responsables » d'une affection grave justifiant de mesures de prévention. Autrement dit, nous ne sommes pas sûrs que ces anomalies entraîneront effectivement une affection grave. Or la prédiction généralisée peut aussi créer du mal-être chez ceux qui ne développeront pas ces pathologies. Il faut fixer des limites à la médecine prédictive, qui est peu évoquée dans le texte. C'est un vrai défi qui ressort de nos états généraux.
L'amendement tend à instaurer un dépistage génétique pour tous les nouveau-nés, ce qui ne semble pas justifié, les externalités négatives dudit dépistage étant plus importantes que les bénéfices escomptés. Fixons, je le répète, des limites à la technique afin que la génétique ne commande pas toutes les relations humaines par la suite. Il ne faut pas effectuer de sélection sur tous. Peut-être faut-il détruire la masse des données après la période néonatale. Mais il faut surtout accompagner mieux et de manière ciblée.
Je connais votre sens de la mesure, monsieur Hetzel, mais il faut distinguer l'utilisation de la technologie visant à sauver des vies, à laquelle nous sommes tous favorables, et celle qui vise à augmenter les capacités humaines, comme dans le cas de l'intelligence artificielle – vous parliez tout à l'heure de démiurge – , qui peut présenter à terme des risques civilisationnels. En l'espèce, je ne vois pas ici de démiurge, et s'il en existe, ils sont dans de grandes sociétés privées étrangères dont les objectifs ne sont pas les nôtres.
Parce que je considère qu'il est sain de poser un cadre et de proposer aux parents de sauver le plus de vies possible, en effectuant des dépistages en amont, je soutiens l'amendement no 1653 de M. Berta.
J'ai entendu des propos que j'ai trouvés excessifs, quand ils ne m'ont pas choquée. Je suis fondamentalement opposée à ces amendements, et je vais vous réexpliquer pourquoi.
Nous ne sommes pas dans le domaine de l'eugénisme, puisque les enfants dont nous parlons sont nés. Il s'agit de savoir si l'on détecte précocement, avant le moindre signe – tel est le rôle d'un dépistage – , une maladie qui pourrait être prise en charge. Selon la définition de l'OMS, un dépistage ne doit s'effectuer que s'il peut être suivi d'une prise en charge ; si ce n'est pas le cas, il n'est pas recommandé de dépister.
Tout à l'heure, M. Berta a laissé entendre qu'on laisserait mourir des enfants atones. Non ! Un nouveau-né qui présente aujourd'hui le moindre symptôme est pris en charge par un pédiatre et, si l'on constate un risque de maladie génétique, il est diagnostiqué. Le diagnostic génétique est remarquablement effectué dans notre pays grâce à des plateformes et à des services spécialisés.
Les amendements dont nous discutons tendent à organiser un dépistage pour tout le monde, sans aucun signe, à la naissance, sur une goutte de sang. Or, je le répète, il n'y a pas lieu aujourd'hui de dépister des maladies qu'on ne sait pas traiter. En revanche, le ministère de la santé, les pédiatres, les obstétriciens et les associations de malades concernées par le plan national maladies rares s'évertuent évidemment à proposer le maximum de dépistages lorsque ceux-ci peuvent donner lieu à une prise en charge adaptée. Ce travail est mené par des groupes d'experts, notamment par celui qui, au sein de la HAS, évalue toute nouvelle connaissance médicale ainsi que l'intérêt de l'intégrer dans un dépistage néonatal. C'est ainsi qu'on fait évoluer les pratiques afin de prendre en compte les progrès scientifiques évidents. Je souligne que le ministère, la HAS et les experts effectuent ce travail en permanence, ce qui nous amènera à associer deux nouveaux dépistages au dispositif actuel.
La France, j'en conviens, a pu accumuler du retard car, pendant des années, les dépistages n'ont pas été organisés. En l'absence de pilotage national, ils étaient gérés historiquement par des associations, mais cela a fait l'objet d'une remise en ordre il y a un peu plus d'un an. Le dépistage fait désormais l'objet d'un pilotage centralisé, la HAS émettant systématiquement un avis sur les techniques les plus adaptées.
Les auteurs des amendements nous proposent de passer au tout-génétique. Je dis : « Stop ! ». Arrêtons le fantasme du tout-génétique. Ce n'est pas parce qu'on décèle une anomalie qu'il existe une maladie. Nous risquons de nous retrouver face à des dizaines, voire à des centaines d'informations dont nous ne saurons que faire.
Si la génétique peut être utile à un dépistage, parce qu'elle donne une signature robuste pour une maladie donnée, la HAS prescrira d'effectuer une recherche génétique. S'il existe, au contraire, une pénétrance variable du gène – c'est-à-dire si le gène ne s'exprime pas forcément – , elle recommandera d'utiliser une autre technique. Laissons les spécialistes et les médecins faire leur travail. Ce n'est pas au législateur de décider des techniques de dépistage. Ne cédons pas au fantasme d'une génétique qui serait à même de régler tous les problèmes. Ce serait donc une grave erreur que d'inscrire dans le projet de loi les dispositions prévues dans les amendements, auxquels je réitère mon avis défavorable.
J'ajoute que je suis loin d'être convaincue par l'exemple des autres pays, notamment anglo-saxons. Dans ces pays, qui n'ont pas de loi de bioéthique, tout le monde peut s'acheter partout son génome. Ce n'est pas le choix que nous avons fait, sans quoi nous ne serions pas en train de discuter ce projet de loi de bioéthique à la française.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM.
La bonne nouvelle, c'est qu'en vertu de la loi de bioéthique à la française, un diagnostic est toujours soumis à consentement. On n'oblige jamais les parents, qui sont toujours consultés, à l'effectuer. En outre, le diagnostic néonatal dont nous parlons, qui se pratique sur une goutte de sang, existe depuis 1972. Il n'y a donc rien de neuf sous le soleil.
La seule nouveauté tient au fait qu'il faut élargir rapidement ce dispositif. Je connais bien les gènes à pénétrance variable – il en existe, mais quand on a une délétion delta-F508 sur le gène de la mucoviscidose, on a la mucoviscidose. Les pathologies que l'on teste sont les pathologies monogéniques, pour lesquelles les mutations ont été répertoriées, et on sait associer à chacune une variable phénotypique permettant de savoir ce qui va se passer sur le plan médical. Voilà ce qu'on regarde. Il est hors de question d'observer des informations sur lesquelles on ne peut pas agir ou qui ne donnent pas lieu à un verdict définitif. Toutefois, de très nombreuses mutations permettent aujourd'hui d'effectuer un diagnostic définitif et, surtout, de proposer une prise en charge adaptée. C'est pourquoi le diagnostic doit être effectué le plus tôt possible.
Quant au mot « eugénisme », je l'entends depuis quelques semaines à chaque fois que certains sont à court d'argument. Nous ne sommes absolument pas dans ce domaine : il s'agit ici de soigner quelques cas individuels, non de mener une politique d'État qui tendrait à faire évoluer l'espèce humaine.
Il serait souhaitable que l'on s'abstienne ici de toute forme de fantasme et que l'on fasse preuve d'objectivité sur les dispositions de l'amendement no 1653 , dont je rappelle les termes. Il s'agit d'insérer, après l'article L. 1131-1-3 du code de la santé publique, un article L. 1131-1-4 ainsi rédigé : « Le dépistage néonatal s'entend de celui des anomalies génétiques pouvant être responsables…
… d'une affection grave justifiant de mesures de prévention, y compris de conseil génétique, ou de soins. Il est effectué par des techniques biochimiques ou génétiques, auprès de tous les nouveau-nés ou, dans certains cas, auprès de ceux qui présentent un risque particulier de développer l'une de ces maladies. La liste de ces maladies est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé, après avis de l'Agence de la biomédecine. »
Il est donc question non d'ouvrir le dépistage à 8 000 pathologies, mais seulement de se laisser toute latitude pour alimenter de manière suffisante la liste des maladies pouvant donner lieu à un dépistage, compte tenu des soins qui peuvent être proposés, afin de sauver des enfants.
La France a été une nation pionnière en matière de dépistage. En cinquante ans, le dépistage de la mucoviscidose a été effectué sur 33 millions de nouveau-nés et la maladie a été identifiée chez 30 000 d'entre eux, qui ont pu être soignés et accompagnés. Or, actuellement, nous sommes en retard par rapport aux possibilités offertes par la technique et la science. Comment peut-on maintenir ce retard quand on sait que les enfants chez qui des anomalies génétiques n'ont pas été identifiées en subiront les conséquences, soit qu'ils meurent, soit qu'ils contractent des pathologies très graves ?
Le plan national maladies rares est très ambitieux. Nous devons rester cohérents avec les idées qui y sont avancées, qui ne présentent pas de risque particulier.
Une fois que les symptômes se sont déclarés, nous agissons de manière efficace : nous sommes capables d'identifier la maladie en cause et nous accompagnons le malade. Or le dépistage permettrait bien souvent d'identifier les maladies plusieurs mois voire plusieurs années avant que les symptômes ne surviennent. Lorsqu'on est porteur d'une maladie, les symptômes n'apparaissent en effet pas toujours immédiatement. C'est pourquoi il est important d'élargir le dépistage néonatal à un ensemble de maladies identifiées clairement – il ne s'agit bien évidemment pas de traiter de milliers de gènes.
L'amendement no 1470 n'est pas adopté.
Je mets maintenant aux voix, par scrutin public, l'amendement no 1653 .
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 37
Nombre de suffrages exprimés 33
Majorité absolue 17
Pour l'adoption 10
Contre 23
L'amendement no 1653 n'est pas adopté.
L'amendement no 1121 n'est pas adopté.
Cet amendement vise à corriger une incohérence de notre législation concernant les tests génétiques dits récréatifs, qui permettent d'obtenir des informations généalogiques. Quelque 100 000 Français font ces tests chaque année alors même que cette pratique est interdite et sanctionnée par le code pénal : en effet, toute personne qui procède, en dehors du cadre prévu par la loi, à l'examen de ses caractéristiques génétiques ou de celles d'une tierce personne est passible d'une amende extrêmement lourde de 3 750 euros. Il y a donc là une incohérence : malgré leur interdiction par le code pénal, le recours à ces tests est répandu et va même s'accélérer. J'ai soulevé cette question en commission spéciale, suscitant une certaine surprise, mais quinze jours ou trois semaines plus tard, le débat aura sans doute gagné en maturité.
Le présent amendement tend à autoriser les tests dits récréatifs, puisqu'ils se pratiquent dans notre pays. Il doit être mis en relation avec les deux autres amendements que j'ai déposés à l'article 10, les amendements nos 2012 et 2014 . Ce dernier propose que le recours à ces tests soit encadré par des professionnels de santé ou des conseillers génétiques, de manière à ce que les résultats puissent être commentés, ce qui permettra de résoudre une autre difficulté apparue au cours de nos débats. Certains affirment que ces tests sont peu fiables, et même dangereux parce qu'ils donnent des informations souvent erronées ou menacent l'équilibre familial. D'autres, au contraire, demandent que chacun soit autorisé à retrouver ses origines, ce que permettent ces tests très répandus.
Finissons-en avec ces contradictions et prenons une décision claire : nous pouvons soit autoriser ces tests génétiques avec un accompagnement, ce qui nécessiterait une modification du code pénal, comme je le suggère ici, soit faire appliquer la loi, comme je le propose dans d'autres amendements que j'ai déposés après l'article 10.
La parole est à Mme Natalia Pouzyreff, pour soutenir l'amendement no 1972 .
Actuellement, les tests génétiques ne sont autorisés que dans un cadre bien précis, à des fins de recherche ou médicales. Le présent amendement propose de faire évoluer la loi en permettant l'examen de ses caractéristiques génétiques à des fins de recherche de ses origines personnelles. Cela vise à donner au législateur et aux pouvoirs publics la possibilité d'encadrer une pratique qui, aujourd'hui, reconnaissons-le, se développe en dehors du cadre juridique et médical. Comme vient de l'indiquer M. Fuchs, cette année, plus de 100 000 Français ont eu recours à des tests ADN, lesquels sont d'ailleurs autorisés dans tous les pays européens, à l'exception de la France et de la Pologne – c'est dire !
Nous ne préconisons pas d'autoriser une pratique généralisée de ces tests, mais d'encadrer ces derniers dans le cadre d'une recherche de ses origines personnelles. Cela permettra la constitution de bases de données essentielles en termes de souveraineté, puisqu'il s'agit de conserver sur le sol français ou européen des données personnelles on ne peut plus sensibles.
Je précise qu'il ne s'agit en aucun cas d'autoriser le dépistage de prédispositions médicales héréditaires – il faut éviter toute dérive eugéniste. Les tests qui seraient autorisés sont souvent dits récréatifs : ils permettent à un individu d'accéder à ses origines historiques, géographiques, personnelles.
Aujourd'hui, ces tests sont pratiqués par des sociétés étrangères. La société israélienne leader du marché, MyHeritage, en a effectué plus de trois millions. Les échantillons ADN de citoyens français sont donc entreposés dans des laboratoires en Israël ou aux États-Unis ; ils peuvent être utilisés ou modifiés pour des travaux dérivés. Le présent amendement permet de souligner que ces données très sensibles posent une question de souveraineté nationale. Elles ne doivent pas tomber entre les mains de sociétés étrangères. Si l'on encadre légalement le recours à ces tests, ces données pourront rester sur le territoire national ou européen, au bénéfice de notre souveraineté. Cela permettra également de constituer, à terme, des banques de données qui nous donneront des résultats aussi impressionnants que ceux obtenus par les sociétés privées.
Nous sommes ici dans le domaine du big data. La France et l'Europe ne doivent pas prendre de retard sur ces questions ; à défaut, elles se trouveront ensuite démunies sur des questions aussi sensibles.
Cet amendement vise à étendre la pratique des tests génétiques dont le seul objet est de permettre, par l'étude du séquençage de l'ADN, de retracer ses origines en fonction de la répartition des populations par bassin géographique.
Bien que couramment réalisés sur notre territoire, comme l'ont rappelé nos collègues, ces tests demeurent prohibés en France. Les lois de bioéthique de 1994 ont encadré cette pratique en n'autorisant les tests génétiques qu'à des fins médicales ou de recherche. Conformément à l'article L. 1131-3 du code de la santé publique, toute utilisation à d'autres fins que celles prévues par la loi est pénalement répréhensible et passible d'une amende de 3 750 euros.
Chaque année, près de 100 000 Français procèdent à l'analyse de leurs gènes à l'étranger à ce dessein. Se procurer un kit, prélever ses cellules buccales à l'aide d'un coton-tige et en envoyer un échantillon dans un pays où cela est autorisé n'est en rien compliqué. Continuerons-nous à fermer les yeux sur ce tourisme génétique contre lequel de nombreuses voix s'élèvent ?
Chers collègues, je vous invite à faire évoluer ce cadre juridique rigide, vieux de vingt-cinq ans, qui semble anachronique et inadapté. Cette évolution est particulièrement attendue aux Antilles, en Guyane et à La Réunion, où l'histoire a rendu l'identification des origines géographiques des populations complexe. Avoir légalement accès à ce type de tests serait un progrès considérable, pour nous autres, descendants d'esclaves.
J'en appelle enfin au pouvoir réglementaire pour l'encadrement des conditions de réalisation de ces tests et d'agrément des organismes habilités.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. Philippe Berta, rapporteur de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique, pour donner l'avis de la commission sur ces quatre amendements.
Je formulerai un avis global sur les tests génétiques dits récréatifs – une appellation qui m'a toujours un peu surpris, comme elle a déjà surpris l'un de nous hier. Malheureusement, ces tests n'ont rien de récréatif.
Dès 1994, le législateur a considéré qu'il fallait circonscrire le recours aux tests génétiques aux seuls champs médicaux et de recherche – un domaine que je viens de défendre – afin d'éviter toute possibilité d'étude génétique à des fins industrielles, commerciales ou, plus largement, de convenance.
Je suis, à titre personnel, profondément convaincu qu'il faut maintenir cette prohibition, car les tests récréatifs auxquels de plus en plus de Français ont recours sur internet, le plus souvent sans savoir qu'ils encourent une amende de 3 750 euros, présentent divers dangers, lesquels ont été très bien soulignés dans le numéro du mois de mai 2019 d'un journal de vulgarisation que je vous invite à lire, Pour la science. Ce journal s'est amusé à tester ces entreprises, en leur envoyant par exemple l'ADN de vraies jumelles : il a obtenu des résultats totalement différents !
Comme de nombreuses personnes ont eu recours à ces tests, un groupe intitulé NPE – not parent expected – a fini par être créé sur Facebook. En effet, ce petit jeu qu'il aurait pu sembler intéressant d'offrir le soir de Noël a conduit aux catastrophes qui étaient annoncées : il s'avère qu'environ 15 % d'entre nous n'avons pas le père biologique que nous pensions avoir.
On parle de recherches généalogiques. Or il faut savoir que les bases de données utilisées proviennent à 90 % de travaux scientifiques qui relèvent du domaine public. Y sont ajoutés les ADN qu'envoient les uns et les autres, mais il faut avoir conscience que ces ADN appartiennent tous à des personnes de la même génération. Nos parents, grands-parents ou arrière-grands-parents n'ont pas pu envoyer leur ADN, dont nous ne disposons pas, à moins de déterrer les morts pour faire des prélèvements post mortem, ce qui ne me semble pas une bonne idée. Vendre un outil généalogique à des populations telles que la nôtre, traversée par de forts courants migratoires et caractérisée par une grande mixité, relève du mensonge. Ce n'est pas réaliste, et c'est dangereux.
Ceux qui recourent à ces tests doivent être conscients qu'ils donnent leurs données génétiques à des sociétés privées qui peuvent en faire absolument ce qu'elles veulent. Les groupes pharmaceutiques, du moins ceux qui sont américains, sont sans doute parmi leurs meilleurs clients. L'utilisation des données récoltées par ces entreprises n'est absolument pas encadrée, ce qui a d'ailleurs été récemment remarquablement bien précisé par la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL.
Je ne peux donc donner à ces amendements qu'un avis défavorable, tout en souhaitant, à titre personnel, que soit instituée une structure publique ou conclu un partenariat public-privé à la française, qui nous permette de traiter ces données génétiques entre nous, d'encadrer leur usage et de les protéger. Avis défavorable.
Permettez-moi, madame la présidente, d'apporter une réponse globale à tous ces amendements, puisque plusieurs députés souhaitent autoriser les tests récréatifs pratiqués à l'étranger.
Ces tests se sont en effet banalisés et M. le rapporteur a très bien expliqué en quoi leur exploitation relève, là encore, d'un mythe de la génétique toute-puissante et capable de fournir des réponses robustes. Ce n'est malheureusement pas le cas. Ces tests sont censés indiquer des origines géographiques probables, et c'est grâce à eux que certains enfants nés par AMP avec tiers donneur ont en effet pu retrouver des parents lointains.
En toute franchise, cependant, je ne me vois pas modifier le cadre légal actuel, qui est très protecteur en matière de génétique, a fortiori alors que nous permettons aux personnes nées d'une AMP avec tiers donneur d'accéder à leurs origines, précisément pour leur éviter cette démarche que nous jugeons fantasmatique. Nous souhaitons favoriser l'accès aux origines via le registre France Greffe de moelle pour les personnes nées d'une AMP avec tiers donneur, mais certainement pas en leur proposant de recourir à des tests génétiques, et il est encore moins question d'autoriser la population générale à recourir auxdits tests.
Comme l'a dit M. le rapporteur, les tests génétiques sont très bien encadrés : ils sont permis sur prescription médicale en cas de suspicion de maladie, ou dans le cadre de protocoles de recherche visant à faire avancer la science, ou encore pour des raisons judiciaires, notamment lorsqu'il faut établir la paternité d'une personne ou son identité en cas d'acte criminel.
En conséquence, la sollicitation d'un examen génétique en dehors des conditions prévues par la loi est punie. Il me semble utile que notre débat mette en lumière l'interdiction que fait la loi à nos concitoyens d'envoyer leur ADN à l'étranger, non pas pour embêter les Français, mais pour de bonnes raisons – parce que les informations qui leur sont fournies ne sont pas exactes, et parce qu'ils confient leur ADN à des sociétés privées marchandes étrangères. Nous voulons éviter les dérives et l'exploitation des données personnelles des Français à l'étranger.
Ces amendements reviendraient à autoriser une quatrième finalité aux tests génétiques – une finalité « récréative ». Ce serait ouvrir la porte à l'utilisation de ces tests pour des motifs allant bien au-delà de la seule recherche des origines. Où placer le curseur ?
Faudrait-il englober les tests de paternité ? Imaginez que tous les membres d'une même famille envoient leur ADN : cela provoquerait bien des mauvaises surprises – qui se produisent déjà puisque 15 % des Français n'ont pas le père biologique qu'ils croient avoir.
En outre, je réfute totalement l'argument selon lequel il vaudrait mieux disposer de bases de données au sein de sociétés privées en France, qui seraient autorisées à effectuer ces tests récréatifs. La France s'est dotée d'un plan en cours de déploiement pour accumuler les données génétiques des Français à des fins de recherche et de soins.
Ce plan France Médecine génomique 2025 est doté de 200 millions d'euros. Les deux premières plateformes ont d'ailleurs été financées dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale que vous avez adopté il y a deux ans ; elles sont désormais installées à l'AP-HP – l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris – et à Lyon. Dix autres plateformes de génétique vont être créées. En clair, nous nous dotons des moyens d'effectuer des analyses génétiques et de constituer une base de données française afin d'améliorer le soin et la connaissance, mais certainement pas à des fins récréatives.
Ne nous trompons pas : derrière les pressions qui s'exercent en faveur de l'ouverture des tests génétiques à des fins récréatives se trouve tout simplement une volonté marchande. Aujourd'hui, la génétique est très simple. N'importe qui peut ouvrir un laboratoire de génétique comportant un matériel de séquençage et donner des informations.
Nous avons décidé de ne pas ouvrir les tests génétiques, qui apporteraient une fausse liberté. En effet, ils conduisent souvent à fournir aux personnes concernées des données auxquelles elles ne s'attendent pas. J'ai eu connaissance de l'expérience de personnes qui, ayant envoyé leur ADN en Chine et aux États-Unis, ont reçu des informations qui allaient au-delà de leur origine et qui concernaient des susceptibilités de maladie à l'âge adulte ou pendant la vieillesse, informations dont elles ne savent pas quoi faire. On sait en outre que les informations en question peuvent être tout à fait fausses ou erronées. En réalité, elles donnent un faux espoir de médecine prédictive. Je partage l'inquiétude de M. Eliaou : viendra un moment où chacun pourra disposer de sa carte d'identité génétique, en fonction de laquelle on finira peut-être par se marier… Est-ce cette société-là que nous souhaitons ?
La France s'est dotée de lois de bioéthique bien pensées, qui font la part des choses entre ce qui est utile aux soins et aux personnes et ce qui relève du fantasme voire qui pourrait entraîner des dérives sociétales. Nous souhaitons tous prendre les mesures qui se traduisent par un progrès pour nos concitoyens ; or les tests récréatifs sont tout sauf un progrès. La génétique est une science sereine qui doit être source d'espoir. Nous devons la soutenir, mais gardons-nous d'en faire un enjeu récréatif.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM.
Nous sommes en 2019 et nous examinons une révision des lois de bioéthique. Nous ne saurions faire l'impasse sur le phénomène des tests ADN, qui se développe, parfois, il est vrai, dans des buts dévoyés. Vous avez d'ailleurs indiqué, monsieur le rapporteur, que ces données tombaient souvent aux mains de laboratoires pharmaceutiques situés aux États-Unis, par exemple, qui utilisent les données personnelles de citoyens français pour alimenter leurs recherches.
C'est pourquoi nous proposons précisément d'encadrer cette pratique, qui existe de toute façon et à laquelle plus de 100 000 Français ont recours, et d'en élargir à la recherche des origines personnelles le champ qui englobe actuellement la recherche médicale et les enquêtes de police judiciaire.
Vous parlez de « fantasme », madame la ministre – à tort, me semble-t-il, puisque nous venons d'autoriser l'accès aux origines des enfants nés d'un don de gamètes par AMP qui pourront donc, dans dix-huit ou vingt ans, avoir accès à l'identité du donneur. C'est la preuve qu'il ne s'agit pas d'un fantasme, puisque nous répondons par ce texte à une demande forte. Qui recherche ses origines sinon les enfants déjà nés et issus d'un don de gamète par AMP ? Ce sont eux, ainsi que les enfants nés sous X, qui font ces recherches et qui, actuellement, n'ont d'autre solution que de recourir à des tests commercialisés par des sociétés étrangères.
La réalité est là. Nous sommes en 2019 et la technologie disponible permet certaines avancées ; nous demandons simplement qu'elles soient bien encadrées.
Quant à l'argument relatif aux potentielles dérives eugéniques, je précise qu'une personne effectuant un test ADN peut s'en tenir aux données purement généalogiques concernant l'origine géographique. Je crois même qu'il faut payer un supplément pour obtenir des données relatives aux prédispositions médicales, qui ne sont donc pas fournies d'emblée.
Enfin, vous avez affirmé, monsieur le rapporteur, madame la ministre, que ces tests n'étaient pas performants. Je regrette, mais ils produisent des résultats en quarante-huit heures pour des enfants issus d'une AMP. Je connais une femme âgée de 83 ans pour qui il y a pire que naître sous X : mourir sous X. Grâce à un test ADN, elle a pu retrouver des petits-neveux et des petites-nièces et renouer le lien entre générations en quarante-huit heures – certains tests pouvant prendre quelques mois. Quoi qu'il en soit, on ne saurait prétendre que ces tests, qui servent à localiser des parents proches, sont inefficaces. Au contraire, ils sont très performants. Face à cette réalité, le législateur a la responsabilité d'encadrer au mieux ces pratiques.
Sauf votre respect, madame la ministre, l'emploi de l'adjectif « récréatif » me semble grave s'agissant de personnes qui recherchent leur origine et souhaitent construire sereinement leur identité. Moi, jeune député noir, rechercherais-je mes origines et le pays africain d'où je viens à des fins « récréatives » ? Voudrais-je une construction personnelle sereine « pour m'amuser » ? Cela me semble réducteur et inquiétant. Certaines personnes sont mal dans leur peau parce qu'elles ne parviennent pas à avancer, ne sachant pas d'où elles viennent.
Comme l'a dit Mme Pouzyreff, nous formulons une proposition simple consistant à encadrer les bases de données afin qu'elles demeurent en France et ne partent pas ailleurs. Qu'on le veuille ou non, de nombreux Français effectuent ces tests à l'étranger. Pour avancer dans le bon sens, reconnaissons le poids de l'histoire et de l'identité de chacun. Je ne peux accepter que l'on qualifie ces tests de « récréatifs » en les assimilant à un fantasme ou à un amusement. Non, la demande est réelle. Tous ici, nous sommes responsables. Il nous appartient de rapporter les éléments qui proviennent de nos circonscriptions et des Français en général ; il n'est pas question de s'amuser !
Mme Natalia Pouzyreff applaudit.
Vous serez surprise, madame la ministre, que je partage votre raisonnement qui me semble fondé à une exception près. Il reste en effet un paramètre dont vous ne tenez pas compte et que nous devons intégrer dans notre raisonnement collectif : ces tests ADN existent, ils sont disponibles et utilisés. Voilà le sujet !
Sans doute, monsieur le rapporteur, certains de ces tests ne sont-ils pas exacts, mais on ne saurait prétendre qu'ils sont complètement faux et qu'ils donnent des résultats entièrement aléatoires. Qu'il existe des inexactitudes, des imprécisions ou des incohérences, soit, mais elles sont marginales. On ne peut laisser dire ici que ces tests sont complètement faux ou inventés de toutes pièces, ni fonder un raisonnement sur ce postulat.
Dès lors que l'on admet l'existence et la disponibilité de ces tests, je défendrai dans un instant l'amendement no 2014 visant à les encadrer dans un cadre sanitaire, de sorte qu'ils soient décryptés, analysés et commentés avec un conseiller génétique. Un autre amendement vise à limiter la capacité d'analyse aux éléments généalogiques, et non génétiques. Moyennant cet encadrement, nous aurons admis l'existence d'une situation réelle. Ne nous retranchons pas dans je ne sais quel fort !
Si l'on estime que ces tests ne sont pas fiables et ne doivent pas être autorisés, êtes-vous prête, madame la ministre, à intenter des poursuites à l'encontre de chacun des 100 000 Français qui effectue ces tests, et à faire appliquer la loi si elle n'évolue pas ?
Permettez-moi de prendre une dernière fois la parole sur ce sujet. Je comprends que des enfants nés sous X recherchent leurs origines. Nous entendons les difficultés et souffrances individuelles. Je rappelle cependant que nous légiférons aujourd'hui pour 67 millions de Français.
La demande des enfants nés sous X a été entendue, puisque la loi du 22 janvier 2002 relative à l'accès aux origines des personnes adoptées et pupilles de l'État a mis en place le Conseil national d'accès aux origines personnelles – CNAOP – , destiné à faciliter, encadrer et accompagner l'accès aux origines. Un décret va être publié pour faciliter l'accès aux origines des enfants nés sous X, cet accès venant d'être accordé pour les enfants issus d'un tiers donneur. Nous faisons la loi pour répondre à ces demandes individuelles.
Mais ce que vous demandez est beaucoup plus large. M. Fuchs dit que cette pratique a cours ailleurs et que les Français l'utilisent : c'est vrai, mais si nous suivions ce raisonnement, nous pourrions l'appliquer à la GPA, …
… à tout ce que nous examinons aujourd'hui et aux embryons chimères en Chine. Ce raisonnement conduit au moins-disant éthique.
M. Pascal Brindeau et Mme Agnès Thill applaudissent.
Nous avons trouvé un équilibre entre ce qui est utile aux Français, en termes de soins, de prise en charge et d'avancée des connaissances, et nos valeurs éthiques fondamentales. En tant que ministre des solidarités et de la santé, et mes collègues du Gouvernement sont tout à fait en phase avec moi – je regrette que Frédérique Vidal ne puisse pas être présente car elle tiendrait le même raisonnement – , je pense que nous irions beaucoup trop loin en permettant à chaque citoyen de disposer de sa signature génétique, car cela pourrait entraîner des dérives comportementales que nous ne souhaitons pas. Encore une fois, autoriser une pratique parce qu'elle est permise dans d'autres pays est un argument totalement irrecevable pour ce texte.
Notre société est curieuse. Nous possédons tous des petits objets auxquels nous donnons l'empreinte biométrique de notre visage ; or nos téléphones sont payants et autorisés. Certains portent des montres connectées qui transmettent en temps réel leur fréquence cardiaque à des sociétés privées étrangères ; ces montres aussi sont payantes et autorisées. Si vous éternuez près d'une enceinte connectée, des entreprises reçoivent cette donnée de santé biométrique : là encore, nous payons cet objet, qui est autorisé. Mais si nous voulons payer pour donner notre ADN et notre génome à ces sociétés, cela nous est interdit.
Nous transmettons des données de santé très précieuses, allant jusqu'au génome, à des sociétés privées dont nous ignorons ce qu'elles en font. Soit nous assumons que tout est interdit et nous appliquons la loi existante, soit, comme le disait M. Fuchs, nous votons une loi visant à encadrer ces pratiques et à protéger les données de nos concitoyens, dans une visée éthique, en les stockant en France et en prévoyant leur gestion par des entreprises françaises ou européennes. L'entre-deux actuel est source d'incompréhension pour les citoyens, qui effectuent ces tests si accessibles et si peu chers. Nous laissons partir à l'étranger ce que l'on pourrait qualifier de « souveraineté génomique », sans savoir ce qui est fait de ces données.
L'idée est donc d'élaborer un cadre destiné à prendre soin de nos concitoyens car des sociétés veulent posséder leurs données les plus précieuses pour des raisons commerciales.
Ne pourrait-on pas, dans un second temps, sensibiliser les citoyens aux dangers de la fuite des données de santé ? Nous savons que personne ne lit les conditions générales d'utilisation, si bien que je doute que le consentement soit véritablement éclairé. Je vous invite donc, mes chers collègues, à mener une double réflexion sur l'encadrement de ces pratiques et la sensibilisation des citoyens.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Je profite de cette discussion pour interpeller le Gouvernement. Je souhaitais déposer un amendement à cet article, mais l'article 40 de la Constitution m'en a empêché. Je voulais demander au Gouvernement d'élaborer un grand plan d'information sur ces questions. Je vous rejoins pleinement, madame la ministre, lorsque vous dites que les tests génétiques doivent rester dans un cadre thérapeutique et de recherche : telle est la loi, qui est juste sur ce point.
Le terme même de « récréatif » pose problème, car ces tests ne sont pas inoffensifs. Ainsi, comme cela a été rappelé, plus de 3 000 dossiers détenus par la société Vitagene et contenant des informations confidentielles ont été diffusés au grand jour il y a quelques mois. Les risques sont donc énormes.
Certes, l'arsenal juridique pose des interdictions, mais il faut informer pour le rendre efficace. Le Gouvernement a un rôle important à jouer pour sensibiliser nos concitoyens au fait que les données génétiques ont du sens pour la recherche et la thérapie, mais que leur dimension récréative pose des problèmes aigus. En effet, ces tests peuvent emporter des conséquences pour les individus, dont ces derniers ne mesurent même pas les effets.
Nous avons déjà eu ce débat assez longuement en commission spéciale, mais il est important de l'avoir également dans l'hémicycle.
On comprend l'attrait de cette technologie qui permet de rechercher ses origines immédiates ou plus lointaines, mais son caractère libéral, voire libertaire, est contraire à toute règle bioéthique française. Avec ces tests, vous ne pourrez pas empêcher les pratiques que l'on constate dans les pays anglo-saxons, notamment aux États-Unis où des personnes choisissent les caractéristiques génétiques du tiers donneur, donc de l'enfant à naître, dans le cadre d'une PMA.
L'argument consistant à dire qu'il faut légaliser une pratique en France, même pour l'encadrer, car elle est autorisée à l'étranger est très dangereux. Si nous le reprenions, nous serions conduits à légaliser de nombreuses activités permises dans d'autres pays, comme la consommation de produits stupéfiants.
Monsieur Fuchs, vous avez dit que si nous refusions d'autoriser les tests récréatifs, il faudrait appliquer la loi et punir les personnes qui y ont recours, mais la loi pénale prohibe de nombreux actes dont les auteurs ne sont ni condamnés ni même poursuivis.
L'argument sur la souveraineté m'a intéressé et la plateforme sur les données de santé, développée par l'État, est la bienvenue. Les amendements ne garantissent absolument pas la constitution de bases de données de santé ni le maintien des informations personnelles et sensibles sur le sol français ou européen. Ils n'encadrent pas assez les dérives potentielles et proposent une ouverture non maîtrisée.
Il y a des amendements à l'article 11 !
Je ne vais pas revenir sur l'argument selon lequel l'autorisation de ces tests à l'étranger doit les rendre légaux en France, ni sur celui de la nécessité d'encadrer des analyses génétiques, plus ou moins précises, non prescrites médicalement.
Il ne faut pas confondre la recherche de l'identité du donneur avec celle de sa généalogie. Cela n'a rien à voir ! Les études de génétique populationnelle, quantitative et épidémiologique montrent que les ethnies n'existent pas. Ne serait-il pas contradictoire d'autoriser ce type de pratiques alors que l'interdiction de discrimination en raison des caractéristiques génétiques est un principe fondamental du droit français ? Ce hiatus me pose problème.
Donner des résultats est très simple, puisqu'ils reposent sur la comparaison entre l'ADN de l'individu et une base de données. Si cette dernière est incomplète, non conforme et mal organisée, les résultats ne seront que ce l'on souhaite qu'ils soient. La qualité de la base de données est donc primordiale pour obtenir des résultats fiables.
M. Raphan a évoqué les objets connectés pouvant transmettre notre fréquence cardiaque et notre empreinte biométrique. Certes, mais ces données concernent l'individu quand la génétique concerne l'ascendance, la descendance et ce que nous ferons de la société.
Enfin, j'appelle la représentation nationale, comme je l'ai déjà fait en commission spéciale, à s'exprimer avec force sur l'incompatibilité et l'incohérence d'interdire les tests dits récréatifs tout en autorisant les encarts publicitaires à la télévision. J'ai posé une question écrite sur ce sujet. Je vous invite, mes chers collègues, à soutenir l'interdiction de ces publicités à la télévision.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Murmures sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je suis désolée, mes chers collègues, mais le présent projet de loi ne se limite pas à l'ouverture de la PMA à toutes les femmes. Il recèle d'autres questions importantes de bioéthique qu'il serait dommage d'évacuer.
Sans nous montrer rétrogrades, nous souhaitons mettre fin à une hypocrisie puisque la loi ne s'applique pas, les personnes ayant vraiment besoin des tests parvenant toujours à y avoir accès. C'est pourquoi mon amendement no 1972 vise à encadrer le recours à ces tests. D'ailleurs, les tests génétiques aux fins de recherche médicale sont déjà encadrés par des médecins : si M. Adam, lors d'une consultation chez un médecin, fait part de sa grande envie de pratiquer un test génétique pour connaître son origine géographique, le praticien pourra peut-être accepter sa demande. De même, les époux Kermalvezen savaient qu'ils étaient issus d'un don de gamètes et avaient été conçus par PMA, si bien qu'ils ont voulu vérifier, avant de se marier et de procréer, s'ils n'étaient pas demi-frère et demi-soeur, au vu des risques encourus.
Dans un tel cas, les tests ADN, encadrés par décret, sont utiles. Nous ne proposons pas d'ouvrir leur accès à tous les Français, mais d'élargir le champ de leur recours. Aujourd'hui, ces tests se limitent aux enquêtes de police judiciaire et à la recherche médicale, et nous souhaitons qu'un certain public puisse connaître ses origines personnelles.
Ces tests peuvent être dangereux, parfois même dévastateurs, lorsqu'ils ne sont pas interprétés. Je ne dis pas qu'il faut les autoriser en France parce que d'autres pays les permettent, mais qu'il convient d'encadrer cette pratique qui présente des risques.
On entend dire que ces tests doivent être interdits car ils sont dangereux et manquent de fiabilité, mais on laisse faire car il n'y a pas de sanctions prononcées contre les quelque 100 000 personnes qui les ont effectués à l'étranger. Nous avons débattu, pendant quinze jours, d'une avancée majeure touchant à l'élargissement de l'accès à la PMA, qui ne concerne que 3 000, 4 000 ou 5 000 personnes. Là, il s'agit de centaines de milliers, bientôt de millions de personnes, peut-être. Nous pouvons donc consacrer un peu de temps à cette question pour trouver le bon ajustement. À l'heure actuelle, nous édictons une interdiction tout en laissant faire ; un tel cadre ne permet ni de rassurer, ni d'accompagner, ni de protéger.
On entend dire aussi qu'il faut encadrer au mieux cette pratique, puisque des Français y ont recours et que cela ira en s'intensifiant. C'est le raisonnement qui sous-tend les amendements dont nous discutons.
Un troisième raisonnement consiste à s'en tenir à l'interdiction en vigueur et à se donner les moyens de faire applique la loi. Tel est le sens de l'amendement que j'ai défendu tout à l'heure. Je rejoins sur ce point M. Eliaou.
Dans un amendement qui sera examiné ultérieurement, nous proposerons d'interdire la publicité pour les tests génétiques et d'alourdir les sanctions applicables en cas d'infraction. Il faut faire appliquer les interdictions, et la loi en général. Sommes-nous capables de lancer 100 000, 200 000 ou 300 000 procédures pour faire appliquer l'interdiction de ces tests ?
M. Lénaïck Adam applaudit.
Je prends la parole dès à présent pour éviter, dans notre intérêt collectif, que le débat sur ce sujet ne s'éternise. Je tiens à présenter l'amendement no 1571 portant article additionnel après l'article 10, que nous examinerons ultérieurement.
J'ai écouté attentivement les arguments avancés par Mme la ministre, ainsi que ceux de nos collègues Natalia Pouzyreff, Pierre-Alain Raphan et Bruno Fuchs, qui ont évoqué, à juste titre, les 100 000 Français ayant développé un intérêt croissant pour la généalogie et qui auraient envoyé des échantillons salivaires à des sociétés étrangères.
J'aborderai le sujet sous un angle économique, notamment du point de vue du business. Il s'agit d'un business très profitable. Depuis plusieurs mois, des sociétés étrangères non européennes, que je ne citerai pas, diffusent à l'envi, sur les réseaux sociaux, des spots publicitaires montrant des célébrités et des relais d'opinion découvrir leurs origines, afin de donner aux autres l'envie de le faire.
Je répète, après d'autres, que de tels tests génétiques sont interdits en France. Il en résulte un manque à gagner pour nos entreprises nationales. Or plusieurs entreprises françaises tentent désespérément de se développer sur ce segment d'activité, notamment Geneanet, qui figure parmi les leaders français. Je tiens à préciser que j'ai élaboré mon amendement avec elle.
Nous devons nous interroger sur le fait que le patrimoine génétique des Français puisse devenir la propriété d'acteurs économiques agissant hors de toute réglementation communautaire, sans respecter le règlement général sur la protection des données, le RGPD.
On peut objecter qu'il existe un risque que ces échantillons ADN soient détournés à des fins médicales. M. Fuchs l'a rappelé il y a quelques instants. Cela ne m'a pas échappé : c'est pourquoi nous avons veillé de près, lors de la rédaction de l'amendement no 1571 , à circonscrire les possibilités ouvertes par ces tests, qui ne pourraient avoir qu'une visée généalogique. Dès lors, il sera impossible d'analyser l'ADN, ou même de le vendre à des fins médicales.
Madame la présidente, cet amendement n'est pas en discussion commune avec ceux dont nous débattons !
La plupart des Français sont curieux de leurs origines géographiques. Des entreprises françaises déploient leur activité sur ce segment de marché. La concurrence déloyale qu'elles y subissent de la part d'entreprises étrangères doit être prise en considération.
Je suis particulièrement sensible à l'argument de M. Hetzel relatif à l'information des citoyens. Si cette pratique, à laquelle se livrent 100 000 Français, est interdite, et si le fait que des entreprises françaises y donnent accès pose problème, alors nous devons informer très clairement notre population des risques encourus, bien davantage qu'à l'heure actuelle.
Par ailleurs, si cette pratique est interdite, interdisons clairement et sanctionnons lourdement toute publicité en sa faveur, notamment sur les réseaux sociaux, au profit d'entreprises étrangères qui veulent vendre aux Français des services que les entreprises françaises n'ont pas le droit de leur proposer.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
L'amendement no 2018 n'est pas adopté.
L'amendement no 2098 n'est pas adopté.
Non, par cohérence. Mon amendement a le même objet que les précédents, avec une rédaction différente.
L'amendement no 2013 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l'amendement no 149 rectifié .
Défavorable. L'amendement vise à maintenir le cadre juridique en vigueur ; or il est manifestement nécessaire de le faire évoluer afin d'adapter le cadre du consentement aux examens des caractéristiques génétiques à l'évolution des technologies. Je pense en particulier au NGS – le séquençage nouvelle génération, aussi appelé séquençage à haut débit – , qui permet d'explorer le génome bien plus largement qu'aujourd'hui, voire complètement, et augmente donc considérablement la probabilité de découverte incidente d'anomalies génétiques non recherchées. Il convient de permettre sa mise en oeuvre, sous réserve du consentement libre et éclairé de la personne concernée, recueilli à l'occasion d'un examen génétique réalisé pour une autre finalité au cours duquel celle-ci est informée de la possibilité de découvertes génétiques incidentes susceptibles d'être utiles au corps médical, c'est-à-dire dont la connaissance permettrait soit à la personne concernée soit aux membres de sa famille de bénéficier de mesures de prévention, notamment de conseils génétiques et de soins.
L'amendement no 149 rectifié , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 2014 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Nous en venons à l'amendement no 2583 , sur lequel je suis saisie par le groupe UDI, Agir et indépendants d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Pascal Brindeau, pour le soutenir l'amendement.
Plusieurs de nos collègues, dont Jean-François Eliaou à l'instant, se sont exprimés en faveur de l'interdiction de la publicité pour les tests génétiques dans les médias. Tel est l'objet du présent amendement, dont je ne doute pas qu'il sera voté, dans quelques minutes, à une très large majorité.
Nous avons beaucoup débattu de ce sujet. Manifestement, nous avons un problème de bon fonctionnement dans ce pays. Toutefois, dès lors que l'on considère que les tests génétiques sont prohibés – nous avons voté dans ce sens – , il va de soi que la publicité le sera aussi. Le travail à effectuer consiste en un léger réveil du CSA – le Conseil supérieur de l'audiovisuel – , afin qu'il mette en application ces décisions.
Il est vrai qu'un annonceur étranger a diffusé, à l'été 2018, sur plusieurs chaînes de télévision, une publicité pour les tests ADN. Le CSA a adressé aux chaînes concernées une mise en garde, qui a été suivie d'effet : la publicité a été retirée. Il a également informé l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité, qui a relayé l'information auprès de ses membres. Cela ne devrait donc plus se produire.
Vous souhaitez interdire le démarchage publicitaire en faveur des tests génétiques, lesquels ne peuvent être réalisés que pour trois motifs. Les tests récréatifs sont déjà interdits par la loi. Votre amendement n'apporte donc rien au droit en vigueur.
Par ailleurs, le code pénal sanctionne déjà le fait de procéder à l'examen de ces caractéristiques génétiques. Par conséquent, les entreprises qui s'y livrent tombent sous le coup de sanctions pénales, même si elles sont immatriculées et exercent à l'étranger, dès lors, par exemple, que le matériel génétique transmis est prélevé en France.
Enfin, toute personne sollicitant l'examen de ses caractéristiques génétiques encoure une sanction pénale. Votre amendement est donc satisfait.
Par ailleurs, je tiens à vous rassurer au sujet des réseaux sociaux. La précédente loi de bioéthique a confié à l'Agence de la biomédecine une mission d'information sur les tests génétiques. Un site internet dédié, www. genetique-medicale. fr, a été créé. Une réflexion est en cours avec la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Le CSA a également été sensibilisé à ce sujet, d'autant que son périmètre de compétence pourrait évoluer pour inclure internet.
Nos débats ont toute leur importance car ils permettent de faire de la pédagogie auprès de nos concitoyens. Nous sommes tout à fait mobilisés pour maintenir notre vigilance afin d'interdire toute publicité pour les tests génétiques, où qu'elle se trouve. Cependant, le droit en vigueur le permet d'ores et déjà. Votre amendement me semble donc satisfait : je vous demande donc de le retirer, faute de quoi je lui donnerai un avis défavorable.
Non, madame la présidente, car les arguments de Mme la ministre ne m'ont pas convaincu. L'interdiction de la pratique n'implique pas ipso facto l'interdiction de la publicité. En outre, il est fréquent qu'une interdiction découle de deux dispositions législatives relevant de deux codes distincts. L'éventuel caractère redondant de l'amendement ne me gêne pas.
Sans doute la pratique est-elle interdite et l'amendement est-il satisfait, mais il faut bien constater que l'interdiction n'est pas suivie d'effet. Comme plusieurs d'entre vous sans doute, j'ai, depuis quelques semaines, l'habitude de taper dans un moteur de recherche des termes tels que « génétique ». Comme par hasard, je reçois à longueur de journée des publicités agressives m'invitant à acheter tel ou tel test génétique, notamment une mettant en scène un ancien champion du monde de football – non pas de la dernière coupe du monde, mais de celle de 1998 – , que l'on voit ravi, devant son écran d'ordinateur, de découvrir qu'il a 3 % de sang africain, 5 % de sang suédois et que sais-je encore !
Il faut donner du sens aux décisions que nous prenons ici. Nous ne pouvons pas dire que ces tests sont interdits, de même que la publicité en leur faveur, et en recevoir à longueur de journée sans réagir. Parfois, je me pose la question suivante, formulée le plus simplement du monde : à quoi servons-nous ? Cela aurait de la gueule, si vous me passez cette expression, que la représentation nationale décide, à cet instant, de suivre M. Brindeau et d'exprimer très clairement son souhait d'interdire cette publicité, en cohérence avec l'interdiction des tests génétiques à caractère récréatif.
Mme Olivia Grégoire applaudit.
Le raisonnement qui vient d'être tenu, et que je m'apprêtais à tenir, est imparable. À un moment donné, il faut dire les choses, dès lors que des dispositions ne sont pas appliquées ou respectées. Je remercie M. Brindeau, dont je voterai l'amendement, et en profite pour livrer une petite bande-annonce de l'amendement no 2015 portant article additionnel après l'article 10, qui vise à préciser et alourdir certaines sanctions applicables en pareil cas.
Madame la ministre, quel article de loi s'attaque à la publicité et à la promotion de ces pratiques interdites ? S'il y est bien précisé que la publicité est interdite, quelles sont les sanctions ? Pour une entreprise, 3 750 euros d'amende, ce n'est pas grand-chose ! Nous n'assurons pas du tout l'effectivité de la sanction. Et que faites-vous du cas des « youtubeurs » qui font la promotion de ces tests ? Notre législation, dans son état actuel, ne me semble pas adaptée. Nous soutiendrons donc pleinement l'amendement de M. Brindeau.
Je soutiendrai également l'amendement de M. Brindeau. Au demeurant, je défendrai ultérieurement un amendement allant dans le même sens.
Nous avons débattu de ce sujet en commission. Plusieurs d'entre nous ont relevé l'inefficacité de notre législation et insisté sur la nécessité, pour le Gouvernement, de prendre un engagement fort pour lutter contre cette publicité. Je vous avais demandé, madame la ministre, combien de sanctions ont été prononcées sur la base des dispositions existantes. Je n'ai pas eu de réponse. Combien d'entreprises ont-elles été sanctionnées ? Nous ne le savons pas.
Lundi 30 septembre, j'ai encore reçu des publicités d'entreprises étrangères, notamment par le canal de YouTube. Pour 59 euros, le kit est disponible.
Soit l'interdiction est effective, les sanctions tombent et il y a des chiffres pour le montrer ; soit on soutient les entreprises françaises qui essaient de se débattre sur ce marché, car elles existent bel et bien et souffrent de concurrence déloyale. Si c'est interdit, l'interdiction doit être respectée tant par les entreprises étrangères que par les françaises.
M. Bruno Fuchs et M. Pierre-Alain Raphan applaudissent.
Je prends la parole ici pour que des voix s'élèvent de tous les groupes sur ce sujet : je soutiendrai moi aussi cet amendement. Il faut en effet interdire ces publicités.
Il faut aussi que cesse cette passion des origines ethniques qui, de mon point de vue, est fondamentalement antirépublicaine et se développe dans un climat assez nauséabond dans notre pays.
Tant pour les arguments qui ont été développés que pour des raisons liées à l'idéologie qui sous-tend ces tests, je voterai pour cet amendement.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 27
Nombre de suffrages exprimés 24
Majorité absolue 13
Pour l'adoption 13
Contre 11
L'amendement no 2583 est adopté.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR, UDI-Agir, SOC, FI et GDR. – Mme Olivia Grégoire applaudit également.
L'article 10, amendé, est adopté.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion du projet de loi relatif à la bioéthique.
La séance est levée.
La séance est levée à douze heures quarante-cinq.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra