La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Nous abordons l'examen des crédits relatifs à l'outre-mer (no 2301, tome III, annexe 31 ; no 2298, tome XII ; no 2306, tome VI).
La parole est à M. Olivier Serva, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Les crédits de la mission dont je suis le rapporteur spécial témoignent d'une ambition préservée pour les outre-mer. Le niveau des autorisations d'engagement, à 2,55 milliards d'euros, n'est, pour l'essentiel, affecté que par des mesures de périmètre et de transfert. Il connaît néanmoins une légère évolution, en raison de la révision à la baisse de la prévision par l'ACOSS – Agence centrale des organismes de sécurité sociale – du montant des compensations d'exonérations de charges spécifiques à l'outre-mer, inférieur de 34 millions à celui qui était inscrit dans la loi de finances initiale pour 2019. S'il est prévu de réduire de ce fait les dépenses de 34 millions d'euros, j'aurais aimé que d'autres lignes de la mission soient abondées de 34 millions au total, ou que les paramètres du dispositif soient réévalués afin de maintenir le même montant global d'exonérations compensées.
Dans cet esprit, et pour donner tout son sens à la clause de revoyure annoncée par le Gouvernement, j'ai déposé des amendements au projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ces propositions, que j'ai défendues au nom du monde économique et social, ont été partiellement adoptées. Je souhaite que ce débat soit poursuivi et approfondi au Sénat.
En outre, le projet annuel de performances pourrait nous donner une vue plus complète et précise de la construction du montant des crédits demandés dans le cadre de la compensation des exonérations. Il s'agit tout de même d'1,5 milliard d'euros !
Je regrette par ailleurs la baisse de 100 millions d'euros des crédits de paiement. Certes, elle résulte surtout du rythme constaté des décaissements et des sous-exécutions, et témoigne ainsi d'un souci de sincérité de la programmation budgétaire dont chacun peut se réjouir. J'aurais cependant préféré que les sous-consommations soit traitées d'une autre manière, plutôt que d'être simplement entérinées. Une solution résiderait dans le renforcement de l'ingénierie à tous les niveaux. Je me félicite des efforts réalisés en ce sens en faveur de la Guyane et de Mayotte, mais ils devraient être généralisés. Je me satisfais également du rétablissement de l'allocation logement accession, et j'approuve le choix qui a été fait, dans le cadre du plan logement 2019-2022, de consacrer 7 millions d'euros à l'ingénierie. Pour ma part, je propose d'abonder de 2 millions les crédits dédiés à cette même ingénierie dans le cadre de l'action « Aménagement du territoire ».
Je me réjouis également que l'action « Financement de l'économie » du programme 123 soit maintenue à son niveau de 2019, à 23 millions d'euros, et que le fonds exceptionnel d'investissement reste doté de 110 millions, bien que ses crédits de paiement diminuent de 5 millions.
Quant aux dépenses fiscales, leur montant traduit leur importance : elles s'élèvent à 4,5 milliards d'euros, soit près du double des crédits budgétaires. Le projet de loi de finances ne comporte pas, cette année, de disposition fiscale majeure relative à l'outre-mer. Cependant, au cours de l'examen en séance de la première partie du PLF, certains se sont émus d'un amendement gouvernemental visant à instaurer en Guadeloupe et en Martinique, à titre d'expérimentation, un régime libre de taxe – duty free – pour les touristes en croisière. Je regrette, moi aussi, que les conditions d'examen de cet amendement aient conduit au rejet d'une mesure de nature à stimuler l'économie locale et répondant à une demande pressante de la Guadeloupe et de la Martinique. Il revient désormais aux parlementaires guadeloupéens et martiniquais de faire en sorte que cet amendement soit redéposé en l'état au Sénat, et que des conditions d'examen plus sereines permettent son adoption, par-delà les clivages politiques. Ce ne serait que la concrétisation d'une proposition formulée il y a bientôt deux ans dans le cadre du comité interministériel de la mer du 17 novembre 2017. Le sénateur Dominique Théophile et moi-même organisons d'ailleurs le 25 novembre prochain, en Guadeloupe, une réunion avec l'ensemble des acteurs politiques et économiques concernés par cette expérimentation ; ils y sont résolument favorables.
Par ailleurs, des règles fiscales générales peuvent affecter les outre-mer. Je crains notamment que la réduction de la niche fiscale relative au mécénat, prévue à l'article 50 du PLF, ne dissuade des mécènes de financer outre-mer des opérations de conservation ou de restructuration du patrimoine qui ne sauraient, compte tenu de la situation financière dégradée des collectivités ultramarines, être menées sans leur concours.
Pour conclure, madame la ministre, chère Annick, j'appelle votre attention sur l'Office de développement de l'économie agricole d'outre-mer, l'ODEADOM. Dans un souci de rationalisation, sa fusion avec FranceAgriMer est envisagée. Pourtant, les acteurs des filières ultramarines sont pleinement satisfaits de cette structure, qui fonctionne bien et répond à leurs attentes. Pouvez-vous veiller à sa pérennité ? La délégation aux outre-mer de l'Assemblée nationale a d'ailleurs adopté, hier, une motion visant à la maintenir en l'état.
Suivant mon avis favorable, la commission des finances a adopté les crédits de la mission « Outre-mer ».
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. Max Mathiasin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.
La vie chère est une préoccupation majeure dans les territoires ultramarins. Conséquence inéluctable de l'éloignement, de l'insularité et de l'étroitesse des marchés locaux qui ne permettent pas de réaliser des économies d'échelle, elle ne saurait pourtant être une fatalité.
Transformer en atouts les apparentes faiblesses liées à l'éloignement, à l'insularité et à l'étroitesse des marchés, telle est l'ambition du présent budget de la mission « Outre-mer ». Ses crédits traduisent cette ambition en affichant un montant équivalent à celui de la loi de finances pour 2019, à périmètre constant, soit 2,61 milliards d'euros.
Les transferts et les changements de périmètre rationalisent l'affectation des crédits et en améliorent la lisibilité, sans pour autant porter atteinte à la cohérence d'une mission qui décline ses priorités dans les programmes « Emploi outre-mer » et « Conditions de vie outre-mer ». Si le budget de la mission « Outre-mer » paraît globalement stable, hors mesures de périmètre et variations des prévisions de l'ACOSS, il fait néanmoins apparaître une légère baisse des crédits de paiement, de 0,7 %, alors que les autorisations d'engagement affichent une progression de 2 %. La diminution des crédits de paiement doit toutefois être relativisée au vu des difficultés de consommation des crédits révélée par l'exécution budgétaire en 2018 et au cours de l'exercice 2019.
Outre sa stabilité, le présent budget affiche une double volonté : faire du développement économique durable des outre-mer l'une de ses priorités, et apporter aux collectivités territoriales une aide en matière d'ingénierie, en affectant à ce poste 13 millions d'euros de crédits.
Pour résoudre le problème de la vie chère, j'ai choisi d'analyser plus spécifiquement le rôle que jouent les importations agroalimentaires en outre-mer dans le renchérissement de 20 % à 30 % du coût de la vie, du fait des coûts d'approche et de l'insuffisance de la production locale.
Pour développer la production agricole locale – qualifiée d'exemplaire par le président Macron lors de son récent déplacement dans l'île de La Réunion – , je préconise plusieurs mesures : pérenniser et moderniser les taxes, dont l'octroi de mer, afin d'encourager le développement de la production locale ; instaurer une taxe sur la valeur ajoutée – TVA – à 0 % pour les produits importés de première nécessité n'ayant pas d'équivalent dans la production locale ; octroyer des aides spécifiques pour encourager la diversification de cette dernière ; enfin, instituer des aides spécifiques à la création de labels ultramarins pour des produits bruts ou transformés sur place, afin d'opérer une montée en gamme et de conquérir de nouveaux marchés en métropole, en Europe et à l'international. Le développement de la production agricole ultramarine est un moyen efficace de lutter contre la vie chère.
Je terminerai par une citation de notre compatriote Simone Schwarz-Bart, extraite de Pluie et vent sur Télumée Miracle : « Le pays dépend bien souvent du coeur de l'homme : il est minuscule si le coeur est petit, et immense si le coeur est grand. » Il en est de même des crédits de notre mission : je ne doute pas que le coeur des ultramarins et de notre ministre, Mme Annick Girardin, est grand. C'est pourquoi nous espérons que les engagements pris par le président Macron lors de son déplacement à La Réunion se traduiront par une augmentation des crédits du comité interministériel des outre-mer, le CIOM, dès l'an prochain. Néanmoins, je voterai les crédits de la mission « Outre-mer ».
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. Philippe Dunoyer, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
La mission « Outre-mer » connaît une baisse faciale de ses crédits : son budget s'élève à 2,55 milliards d'euros en autorisations d'engagement, en diminution de 4 % ; les crédits de paiement accusent une baisse légèrement plus importante, de 6,54 %, pour s'établir à 2,4 milliards.
Une fois corrigés les effets de périmètre, cette baisse des crédits n'en est plus vraiment une. Elle représente en réalité une vingtaine de millions d'euros, soit 0,8 % de la mission – si l'on en croit le bleu dans lequel le Gouvernement s'engage à instaurer une aide à l'accession sociale et à la sortie de l'insalubrité spécifique à l'outre-mer pour compenser la baisse de 30 millions de l'action « Logement » du programme 123. La situation est donc inverse à celle de la loi de finances pour 2019, qui affichait une hausse certes substantielle, mais uniquement apparente. Le projet de loi de finances pour 2020 affiche quant à lui une baisse qui n'en est pas une, et c'est une bonne chose.
En deux ans, la mission « Outre-mer » a subi d'importantes modifications de périmètre qui rendent sa lecture plus difficile et complexe. Nous pouvons le déplorer, tout en espérant que 2020 est la dernière année qui connaîtra de telles transformations.
Rappelons tout d'abord que la mission « Outre-mer » ne représente qu'une petite part – moins de 12 % – de l'effort global de la nation en faveur des outre-mer. Cet effort s'élève à 22,05 milliards d'euros, soit une progression de 2 % par rapport à 2019.
Ensuite, les réformes réalisées l'an dernier en matière fiscale et sociale – redéfinition du périmètre des exonérations spécifiques à l'outre-mer dès 2019, conséquence de la disparition du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi ; abaissement du plafond de la réduction d'impôt sur le revenu pour domiciliation ultramarine ; suppression du mécanisme de la TVA non perçue récupérable – ont des conséquences sur le PLF pour 2020.
En raison du choix gouvernemental de privilégier les exonérations de cotisations sociales et le soutien à l'économie par des instruments communs à l'ensemble des territoires, les crédits non répartis ont pris une place considérable au sein des crédits alloués aux outre-mer, passant de 176 millions d'euros en 2018 – soit moins de 1 % de l'effort budgétaire global – à 2,5 milliards en 2020, soit 12 % de l'enveloppe totale. Cela fait naître plusieurs interrogations sur la mesure du soutien de l'État dans nos territoires.
À ces incertitudes s'ajoute la prévision à la baisse du montant des exonérations de cotisations, telle qu'elle est anticipée par l'ACOSS. Une telle situation est inconfortable, car les variations de prévisions d'un exercice à l'autre nuisent à la visibilité dans le pilotage du budget de la mission. Ce mécanisme pénalise ainsi gravement l'action publique, puisque des dépenses contraintes et imprévisibles peuvent remettre en cause, en cours d'exercice, les initiatives acceptées par le Parlement touchant aux autres aspects de la vie des populations ultramarines. À cet égard, je note avec satisfaction, madame la ministre, que vous avez obtenu l'assurance du déblocage de nouveaux crédits si le besoin s'en faisait sentir, sans que le reste de la mission serve de variable d'ajustement.
Je tiens à souligner plusieurs avancées figurant dans cette mission. Dans le programme 138 « Emploi outre-mer », notons le recrutement de 135 personnes en cinq ans, dont 35 dès 2020 pour déployer le plan SMA – service militaire adapté – 2025, la création d'une nouvelle compagnie à Bourail, en Nouvelle-Calédonie, ou encore l'augmentation de 10 millions d'euros de la dotation du prêt de développement outre-mer afin d'étendre le bénéfice de celui-ci aux entreprises situées dans les collectivités du Pacifique.
Dans le programme 123, « Conditions de vie outre-mer », nous pouvons saluer l'accompagnement de la création d'observatoires locaux du logement et de l'habitat dans chaque territoire, ou encore le doublement des crédits alloués au fonctionnement de l'ensemble des observatoires des prix, des marges et des revenus.
Au-delà de ces motifs de satisfaction, un aspect de la mission « Outre-mer » doit faire l'objet d'une grande vigilance de notre part. L'exercice budgétaire 2018 a fait apparaître des sous-consommations, portant essentiellement sur le programme 123, à hauteur de 120 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 144 millions en crédits de paiement. Cette sous-consommation chronique de fonds alloués aux collectivités pour la réalisation d'opérations structurantes, le plus souvent contractualisée, est responsable d'une baisse marquée du volume de crédits de paiement dans le PLF pour 2020.
Cette conséquence strictement budgétaire menace un engagement essentiel du Gouvernement – de vous-même, madame la ministre, ainsi que de M. le ministre de l'action et des comptes publics : la sanctuarisation des crédits de la mission. Nous devons veiller à ce que la baisse ne perdure pas et à ce que les territoires bénéficient de dispositifs d'accompagnement et d'ingénierie, déjà évoqués en commission comme au sein de la délégation aux outre-mer. La création d'un groupe de travail consacré à la sous-exécution, que vous nous avez annoncée hier, aidera ainsi les collectivités à améliorer leur taux de consommation de crédits.
Je traiterai enfin brièvement, car nous y reviendrons au cours de l'examen des amendements, d'un volet essentiel de l'action de l'État : la politique de continuité territoriale. Son dispositif funéraire, objet de nombreux débats, est aujourd'hui totalement inopérant. Il serait également nécessaire de développer la continuité intérieure, notamment inter-îles, et celle des liaisons vers d'autres destinations plus proches, en particulier dans les territoires archipélagiques tels que la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française.
Le budget pour 2020 honore les engagements pris dans le cadre du livre bleu outre-mer et des contrats de convergence et de transformation. Il est conforme aux perspectives du plan SMA 2025 et de la trajectoire outre-mer 5. 0. Pour ces raisons, j'émets un avis favorable aux crédits de la mission « Outre-mer ».
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir et sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – M. Max Mathiasin, rapporteur pour avis, applaudit également.
Nous le savons tous, madame la ministre, s'exprimer au nom de son groupe politique est un exercice assez convenu. Selon le parti auquel il appartient, l'orateur encense ou dénigre la mission budgétaire ; la ministre lui répond en faisant de la pédagogie et conclut par une esquive, une pirouette ou une phrase sibylline : « L'État va vous accompagner. »
Sourires.
Durant les cinq minutes qui me sont accordées pour défendre la position du groupe Les Républicains, je voudrais éviter ces travers et vous poser quatre questions précises appelant des réponses tout aussi précises.
La première question concerne les crédits de la mission « Outre-mer ». Vous avez réussi à les maintenir à flot, c'est-à-dire à 2,55 milliards d'euros, par-delà les mesures dites de périmètre. Il n'en demeure pas moins que les crédits de paiement baissent de 100 millions d'euros. Une partie de cette baisse, on l'a dit, peut être imputée à l'ACOSS ; mais une autre partie est directement liée à la sous-consommation des crédits de paiement. Or, dans le même temps, des entreprises, des artisans, des bureaux d'études, des architectes attendent un travail, et des familles un logement. On peut avoir une vision parisienne des choses : « Ban la lé pa kapab utilise l'argent y don a zot », ce que je vais vous traduire…
C'est inutile, je pratique régulièrement le créole.
Je le traduis quand même, à l'intention de l'ensemble de mes collègues :
Sourires et « Merci ! » sur plusieurs bancs
« Les collectivités territoriales et les services déconcentrés de l'État ont du mal à maîtriser et à utiliser, les autorisations d'engagement mises à leur disposition. »
Sourires.
Face à cette situation, vous avancez l'idée quelque peu dérangeante de puiser dans les fonds d'investissement pour renforcer les services instructeurs, autrement dit d'affecter à l'administration, dont vous admettez de fait l'incompétence, une partie des fonds censés servir à la construction de logements. Ce n'est pas la finalité de la ligne budgétaire unique. Non, madame la ministre, il n'y a pas en outre-mer défaillance des services de l'État ni de ceux des collectivités. Il y a en revanche beaucoup de blocages ; et, comme l'a dit M. Dunoyer, une mission d'information, d'expertise, serait nécessaire pour en comprendre les raisons. Nous ne saurions accepter que la sous-consommation des crédits se reproduise l'an prochain alors que les attentes sont si grandes.
Ma deuxième question concerne moins les grandes opérations immobilières que les petites opérations d'amélioration de logements particuliers. Mes collègues et moi-même avons encore déposé cette année un amendement visant à rétablir le dispositif d'incitation fiscale à l'amélioration ou à la réhabilitation des logements particuliers. En effet, le crédit d'impôt ne bénéficie pas à ceux qui en auraient le plus besoin, les propriétaires occupants, car ceux-ci ne peuvent le préfinancer.
Vous le savez, madame la ministre, l'Agence nationale de l'habitat finance certes des opérations dans les territoires ultramarins, mais elle n'y existe pas en tant qu'agence. Les propriétaires occupants ne bénéficient donc pas directement de ses crédits. Souvenez-vous : à vos débuts, vous aviez promis de remédier à cette situation. Ni les crédits d'impôt ni l'ANAH ne permettent donc aux propriétaires occupants de logements très dégradés de financer des travaux de réhabilitation. Allez-vous soutenir notre amendement afin de rétablir outre-mer une situation plus simple, plus normale ?
Ma troisième question concerne le programme 138, qui finance l'action économique et, en grande partie, l'allégement du coût du travail par les exonérations de cotisations sociales. Ces compensations d'exonérations passent de 1,51 à 1,47 milliard d'euros, soit une baisse de plus de 34 millions d'euros, selon les chiffres de l'ACOSS. Cette baisse entraînerait une réduction de 2,3 % du soutien aux entreprises, ce qui est tout simplement inacceptable. Avez-vous obtenu, au nom du « réflexe outre-mer », de renégocier ce montant prévu par l'ACOSS ?
Ma quatrième et dernière question sera la suivante : de nombreuses entreprises auparavant éligibles aux exonérations fiscales ne bénéficient plus des zones franches d'activité nouvelle génération que vous avez instaurées ; allez-vous les réintégrer au dispositif ?
Madame la ministre, je suis bien évidemment prêt à vous accompagner si vous pouvez apporter quelques réponses positives aux questions que je viens de vous poser.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mme Maina Sage applaudit également.
Comme chaque année, nous nous apprêtons à examiner les crédits du budget de l'outre-mer et, comme chaque année, le moment est riche de symboles et d'attentes pour l'ensemble des populations de nos territoires.
Avec 2,5 milliards d'euros en autorisations d'engagement, 2,4 milliards en crédits de paiement, le budget que vous nous présentez cette année, madame la ministre, est équilibré et constant. Retenons surtout que le budget total alloué à l'outre-mer s'élève à 26,5 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 26 milliards en crédits de paiement : un engagement qui concerne tous les ministères, dans tous les domaines.
Je tiens à saluer la hausse de 130 millions d'euros du budget de la transition écologique et solidaire. C'est une priorité pour nos territoires insulaires, qui sont en première ligne face au réchauffement climatique. Je retiens également l'augmentation de 100 millions d'euros des crédits consacrés à l'enseignement scolaire outre-mer.
La mission « Outre-mer » bénéficie quant à elle d'un budget résolument orienté vers l'emploi, car il favorise la formation professionnelle et l'apprentissage, et qui prolonge les engagements déjà souscrits en matière de développement économique : exonérations de charges sociales sur les salaires, renforcement des zones franches d'activité, aides à la création d'entreprise, expérimentation des emplois francs. Ces dispositifs portent déjà leurs fruits : en 2019, les créations d'emplois a augmenté de 2,6 % dans mon territoire, la Guadeloupe, et de 3,5 % dans l'ensemble des outre-mer.
Bien sûr, nous pouvons et nous devons faire plus et mieux. Madame la ministre, vous pouvez compter sur le soutien du groupe du Mouvement démocrate et apparentés, ainsi que sur notre travail au sein des territoires, avec les élus locaux, les acteurs économiques, les opérateurs et les associations. Nous amplifierons nos efforts pour innover davantage, accélérer l'insertion professionnelle, continuer à dynamiser et à diversifier nos économies. Nous en avons les ressources : nos populations sont talentueuses, résilientes, créatives.
Une partie de ce budget est consacrée à l'amélioration des conditions de vie dans les territoires. Le domaine du logement fait l'objet d'efforts particuliers. Là encore, je salue l'action du Gouvernement, en particulier le rétablissement de l'aide à l'accession sociale à la propriété, dont nous vous avions signalé que la suppression aurait des conséquences néfastes.
En matière de logement, sur le terrain, les attentes sont grandes. À ma permanence, en Guadeloupe, il ne se passe pas de semaine sans que je rencontre des personnes en grande difficulté, souvent dans la détresse, du fait d'un logement indigne et insalubre. Je suis bien consciente du fait que le budget d'une année ne suffira pas à résoudre un problème structurel, concernant tous les territoires. Mais veillons collectivement à ce que les crédits votés soient utilisés pleinement, de manière intelligente, pour servir nos populations sur le terrain et lutter concrètement contre l'habitat indigne.
Tous ces efforts supposent un meilleur accompagnement de l'État. Dans nos territoires, les porteurs de projet font face à de longs parcours administratifs et à de nombreux obstacles. En ce qui concerne le déploiement, l'ingénierie, l'étude, il faut que l'État soit au rendez-vous, au plus près des demandes des acteurs et des collectivités. L'augmentation de 13 millions d'euros de l'aide à l'ingénierie va dans ce sens.
Il nous faudra déterminer si ces crédits sont suffisants, et comment faire pour que toutes les lignes de crédit soient suffisamment exploitées, de manière à répondre aux attentes de nos concitoyens. J'aspire à ce que nous prenions l'engagement d'évaluer régulièrement avec vous, madame la ministre, l'utilisation concrète de ces crédits dans tous les territoires, de manière à identifier précisément les besoins, les défaillances et les effets en temps réel.
Le groupe du Mouvement démocrate et apparentés votera ces crédits sans hésitation, en conscience, et, surtout, animé de l'exigence que nous fassions toujours plus pour nos territoires et nos populations. Toujours plus en matière d'emploi et de développement ; en matière de logement et d'amélioration du système de santé ; pour la transition écologique, pour la continuité territoriale, pour le soutien à une agriculture locale de qualité.
M. Stéphane Claireaux et Mme Maina Sage applaudissent.
Contrairement à l'année dernière, le Gouvernement nous épargne pour 2020 les mesures fiscales d'ampleur outre-mer. Ce répit bienvenu nous permettra, je pense, un débat plus serein.
Concernant les aides économiques, nous vous remercions également de l'adaptation concédée au nouveau régime d'exonération de charges, même si je ne suis pas encore convaincue que le tissu économique y soit, dans son ensemble et en fin de compte, gagnant. Attendons donc l'exercice 2019 dans sa totalité.
Malheureusement, je suis au regret de vous dire que je m'en tiendrai là pour les satisfecits et que le groupe Socialistes et apparentés votera contre ce budget.
Prenons les réformes que nous avions dénoncées l'an dernier, notamment celles portant sur l'abattement fiscal à l'impôt sur le revenu ou la suppression de la TVA non perçue récupérable. À la lecture du bleu de la mission, j'avoue quelques difficultés à retrouver les millions d'euros ponctionnés aux entreprises et aux contribuables. Peut-être est-ce là la limite de l'intelligibilité des documents budgétaires, mais pourriez-vous, par exemple, justifier la baisse de 32 millions d'euros des crédits alloués à l'action « Financement de l'économie », créée l'année dernière ?
Alors que la moitié de la législature est derrière nous, je ne rappellerai pas à notre assemblée les mesures que vous avez prises en défaveur des outre-mer, les réformes mal préparées, mal concertées, que vous avez fait passer en force, ni le zèle avec lequel les préfectures appliquent votre méthode de recentralisation systématique et quelque peu brutale des politiques publiques.
En fait de « réflexe outre-mer » – je suis désolée d'avoir à vous le dire alors que vous en faites l'alpha et l'oméga de votre action – , le seul qui prévale au bout du compte est un amoncellement de mesures fiscales et budgétaires dans le seul objectif de faire réaliser des économies à l'État. Les chiffres en témoignent.
J'aurais beaucoup à dire de la mission que nous examinons, mais je m'attarderai spécifiquement sur l'action « Logement ».
Pour la troisième année consécutive, les crédits qui lui sont affectés accusent une baisse, de 5 % en autorisations d'engagement et de 15 % en crédits de paiement, ce qui porte la baisse totale des autorisations d'engagement à 13 %, depuis le début du quinquennat, et celle des crédits de paiement à 18 %.
Cette politique publique subit ainsi un prélèvement sans précédent alors que les besoins sont tels qu'il faudrait, au contraire, y investir massivement. Vous le savez d'autant plus que les conférences du logement en outre-mer concluent toutes à la même urgence.
Détaillons. Les crédits affectés au logement social baissent de 52 millions d'euros, ce qui représente 1 750 logements non financés. Le constat est le même pour ce qui concerne la résorption de l'habitat insalubre : 8 millions d'euros en moins en 2020 et des crédits divisés par deux depuis 2017.
Et ce ne sont pas la timide hausse des crédits dédiés à l'accession à la propriété ni le retour de l'allocation logement accession outre-mer qui permettront de résorber la crise que vous avez vous-mêmes provoquée.
Que dire encore du chiffre global de 215 millions d'euros pour le logement, en baisse constante ? Si nous retirons, de surcroît, les 7 millions d'euros nouvellement fléchés vers l'ingénierie, dont ne bénéficieront pas directement la construction ni la rénovation, nous tombons à un budget pour le logement d'à peine plus de 200 millions d'euros.
Madame la ministre, vous ne cessez de répéter que les crédits baissent à force de ne pas être consommés, rejetant ainsi la responsabilité sur les collectivités dont les projets ne seraient pas suffisamment mûris. À vous écouter, la faute en reviendrait encore au pouvoir local, alors que l'État ne se pose jamais la question de sa propre responsabilité. Je ne remets pas en cause l'action particulière de votre ministère, mais n'y a-t-il pas souvent des problèmes de blocage des dossiers ou touchant l'aide au préfinancement des opérations ? Faute d'instruction et de déblocage de fonds, les dossiers de demande d'aides à l'amélioration de l'habitat prennent du retard partout et s'accumulent. Nous voyons bien là les limites de vos justifications.
Enfin, qu'en est-il de l'exécution budgétaire ? Celle de 2018 nous fait craindre le pire puisque Bercy s'en sert pour justifier, année après année, la baisse de votre budget. Cette réflexion sur l'exécution budgétaire dépasse d'ailleurs le seul sujet du logement puisque le reste à payer de la mission « outre-mer » s'élevait à près de 1,7 milliard d'euros en 2018, en augmentation de 7 %.
Sincèrement, madame la ministre, les arbitrages budgétaires défavorables qui vous sont imposés vous permettront-ils de mener à bien votre mission pour l'outre-mer ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Le budget qui nous est présenté, de 2,5 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 2,4 milliards d'euros en crédits de paiement, comporte plusieurs mesures de périmètre : le prélèvement sur recettes de la Guyane relatif à l'octroi de mer est réintégré au ministère des outre-mer pour 27 millions et la dotation globale d'autonomie de la Polynésie française est transférée en prélèvement sur recettes pour 90,5 millions.
À périmètre constant, le budget traduit une tendance générale et de long terme à la baisse : le montant des autorisations d'engagement diminue de 1,3 % et celui des crédits de paiement de 3,9 %.
S'agissant du logement, les chiffres sont très inquiétants, puisque les crédits diminuent de 13 %. Les moyens accordés au logement ne cessent de se réduire depuis plusieurs années alors que la crise reste aiguë. Nous atteignons un point de rupture au-delà duquel les conséquences de la baisse pourraient être irréversibles : les moyens alloués au logement n'ont jamais été aussi faibles depuis dix ans, même si, madame la ministre, vous avez justifié cette décision, lors de votre audition par la délégation aux outre-mer, par la sous-consommation des crédits consacrés au logement.
Les moyens destinés à soutenir les entreprises baissent de 34 millions d'euros, soit 2,3 %. La réforme des exonérations de charges sociales patronales en outre-mer ne semble pas avoir suffi à compenser la suppression du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi. Il convient donc d'intensifier l'effort consenti par le Gouvernement au bénéfice des entreprises outre-mer afin que celles-ci ne pâtissent pas de l'évolution des politiques publiques menées par les gouvernements successifs.
En revanche, nous saluons le maintien en 2020 du fonds exceptionnel d'investissement destiné à soutenir le développement économique des territoires. Cette pérennisation est d'autant plus salutaire que nous avions débattu, l'an dernier, de la question d'abonder le fonds grâce aux gains budgétaires dégagés par la suppression de 170 millions d'euros de dépenses fiscales outre-mer.
Par ailleurs, le groupe UDI, Agir et indépendants tient à appeler votre attention, madame la ministre, sur les points suivants : l'équivalent fonds vert pour les collectivités du Pacifique, premières concernées par le changement climatique ; la continuité territoriale outre-mer, au sujet de laquelle j'ai rédigé un rapport d'information avec mes collègues Lénaïck Adam, Nathalie Bassire et Monica Michel ; les défis que doit relever l'initiative française pour les récifs coralliens, l'IFRECOR, ainsi que les moyens alloués pour atteindre l'objectif de protéger 100 % du récif corallien d'ici à 2025 ; enfin, la situation de nos militaires, toujours plus nombreux à être recrutés dans le Pacifique mais victimes d'inégalités de traitement qu'il convient de corriger.
Je tiens de nouveau à exprimer mon désarroi de voir supprimée en 2020 la participation de l'État au régime de solidarité en Polynésie française, le RSPF. Nous en avons discuté avec vous hier, madame la ministre, lors de votre audition par la délégation aux outre-mer. Vous renvoyez cette participation au plan de convergence – avec l'accord du gouvernement polynésien – , qui ne sera effectif pour la Polynésie qu'en 2021, voire en 2022. Or la contribution de l'État au RSPF était le symbole de la solidarité nationale envers les Polynésiens les plus démunis.
Enfin, même si ce sujet ne concerne ni directement votre ministère, ni la mission dont nous avons à débattre, notre groupe s'inquiète de la énième réforme du mécénat, qui portera inévitablement atteinte au mécénat en France et en outre-mer. Qu'en sera-t-il de la préservation du patrimoine outremer ?
Malgré ces questions en suspens, auxquelles nous avons bon espoir d'obtenir des réponses, notre groupe tient à vous renouveler sa confiance et se rangera à l'avis de M. Philippe Dunoyer, rapporteur pour avis.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir et sur quelques bancs du groupe LR.
C'est mon collègue Sylvain Brial, député de Wallis-et-Futuna, qui aurait dû exprimer devant vous la position du groupe Libertés et territoires sur les crédits de la mission « Outre-mer ». Permettez-moi donc de vous donner quelques nouvelles de sa santé. Après que nous avons craint le pire, il semble que l'espoir puisse renaître : sans savoir dans quel état il nous reviendra, nous sommes un peu plus confiants qu'auparavant car il a retrouvé la capacité de répondre oui ou non, du moins avec les paupières, et ses membres reprennent vie. Le chemin sera nécessairement très long, mais nous avons bon espoir qu'il surmonte un jour entièrement le violent accident vasculaire cérébral dont il a été victime.
Comme lui, nous avons tous le profond désir d'aider les outre-mer à relever les défis auxquels ils sont confrontés, et, surtout, le devoir de parvenir à établir une égalité réelle entre tous les territoires afin que chacun de nos concitoyens puisse y vivre et s'y épanouir, unis par le sentiment d'appartenir à la même communauté, une communauté qu'Aimé Césaire rêvait véritablement égalitaire et fraternelle.
Mais le chemin pour y parvenir semble long et tortueux. Ainsi, le budget pour l'outre-mer que nous examinons aujourd'hui affiche une baisse de 100 millions d'euros par rapport à 2019. Certes, dans bien des secteurs, les outre-mer bénéficient également des budgets de différents ministères, mais nous manquons de lisibilité et l'horizon n'est pas dégagé pour tous, ni dans tous les domaines.
Il est difficile, dès lors, de visualiser clairement l'ambition gouvernementale pour les outre-mer tant les voix sont parfois discordantes, comme dans le cas de l'octroi de mer, et tant les paroles sont en décalage avec les actes.
Ainsi, les montants alloués au programme « Emploi outre-mer » sont en baisse de près de 2 % en crédits de paiement alors que vous prétendez, parallèlement, encourager la création et la sauvegarde d'emplois durables dans le secteur marchand et lutter contre l'exclusion du marché du travail des publics les plus éloignés de l'emploi. Le législateur, mais aussi les populations d'outre-mer, ont du mal à comprendre une telle dichotomie.
Je pense notamment aux Réunionnais qui, à l'occasion de la récente visite du Président de la République, ont pu lui faire part de leur détresse concernant la situation de l'emploi, de leur perte d'espoir dans l'avenir, de leurs difficultés à vivre « avec 790 euros par mois », dénoncées par une habitante en colère. Les nouvelles mesures annoncées pour indemniser le chômage ne feront qu'aggraver la situation dans ces territoires où le travail est encore plus précaire qu'en métropole.
Certes, le Président de la République a annoncé un plan pour l'emploi et la formation, d'un total de 700 millions d'euros sur trois ans, pour l'île de La Réunion. Mais comment ce plan sera-t-il financé, et qu'en sera-t-il de sa pérennité ? Il ne suffit pas de se contenter d'un cautère sur une jambe de bois quand les tensions deviennent trop fortes, mais bien de contribuer par des mesures de fond à la relance outre-mer.
S'agissant des contrats de convergence, dont celui de Wallis-et-Futuna, signé en juillet dernier, nous ne pouvons que nous interroger quant à leur financement – d'où la réserve exprimée par Sylvain Brial, qui déplorait également que la diversité des îles ne soit pas prise en considération.
Ces contrats doivent permettre d'investir en faveur du développement des territoires, tout en tenant compte des spécificités et des besoins des outre-mer. Ils nécessitent que l'État donne des instructions claires à ses représentants dans les territoires, qu'il veille à l'effectivité d'une ingénierie propice à la réalisation de ces contrats et que les fonds soient versés dans les temps.
Bref, il convient de mettre un terme aux blocages récurrents qui contribuent à freiner, voire à empêcher l'arrivée des financements. La contribution financière de la République à la réussite des outre-mer doit s'appuyer sur deux jambes : la mise à disposition des fonds indispensables au développement des territoires ultramarins et la perception réelle de ces fonds. Il n'est pas acceptable d'entendre que les sommes dévolues aux outre-mer n'ont pas été entièrement consommées et, surtout, que la faute en est rejetée sur les opérateurs et les collectivités alors que les dysfonctionnements, nous le savons, sont ailleurs. Nous nous réjouissons donc, madame la ministre, de votre engagement à faire réaliser une étude des raisons pour lesquelles ces crédits n'ont pas été consommés.
Le groupe Libertés et territoires est également attaché à la continuité territoriale. Certes, concernant Wallis-et-Futuna, nous nous satisfaisons du montant inscrit pour compenser le surcoût de la subvention d'exploitation, mais la somme ne peut cacher les dysfonctionnements d'un service que les autorités traitent avec une désinvolture affligeante.
Le principe de la cohésion nationale impose d'accorder aux outre-mer leur juste place dans notre République : une place qui ne soit ni discriminatoire, ni attentatoire à la personnalité des territoires ultramarins, une place qui fasse d'eux des acteurs à part entière de la réussite de la France. Ainsi, la continuité territoriale est un enjeu de cohésion sociale par le biais du transport, de la formation, de la santé ou de la communication, mais elle est aussi un enjeu de souveraineté.
Mes chers collègues, de la métropole aux outre-mer, nous avons tous un destin commun qui peut être fait de réussites à condition de pratiquer le langage de la vérité et non celui de l'ambiguïté. C'est malheureusement l'ambiguïté qui caractérise ce budget. Aussi est-ce le débat qui s'ouvre qui déterminera notre vote.
Applaudissements sur les bancs du groupe LT.
Madame la ministre, la semaine dernière, je vous ai interrogée en séance publique à la suite de la visite du Président de la République à La Réunion. En réponse, vous avez cherché à nous faire croire que l'outre-mer était bien traité, égrenant des millions par-ci, des millions par-là. Vous n'aurez convaincu personne, car ceux qui souffrent de votre politique bougent encore. Et, tel un mauvais médecin, face à l'aggravation de l'état du malade, vous renouvelez le même traitement. « Zot lé pa la ek sa ; en gros ensorte anou ! »
En effet, comme chaque année, l'examen des crédits de la mission « Outre-mer » nous offre la seule occasion ou presque de débattre de la réalité de nos territoires. Encore le terme de discussion est-il un bien grand mot : vous nous écoutez, mais sans plus ; vous n'entendez pas la souffrance du peuple.
Pour notre part, contrairement à vous et pour ne tromper personne, nous préférons calculer les budgets en prenant en compte l'inflation et l'augmentation de la population.
Le budget de la mission « Outre-mer » est en baisse depuis plusieurs années et il diminuera encore en 2020. Vous allez réduire de 62 millions d'euros le budget du programme « Emploi outre-mer » et de 85 millions d'euros celui du programme « Conditions de vie outre-mer ». Est-ce bien sérieux, madame la ministre ? Quant aux crédits du programme « Aide à l'accès au logement », ils baissent eux aussi, de 67 millions, alors que des dizaines de milliers de demandes sont en attente. J'en profite pour souligner que, sur ce point comme sur d'autres, l'outre-mer n'est pas traité à égalité avec la métropole : en effet, la réduction de loyer de solidarité est appliquée dans l'Hexagone depuis le 1er février 2018 mais pas en outre-mer. Pourquoi ? J'ose espérer que vous allez réparer cette injustice.
Pourtant, le président Macron et vous-même fanfaronnez avec les 700 millions d'euros du fameux plan Pétrel. J'aimerais y croire, mais où sont ces 700 millions, puisque le budget de la mission « Outre-mer » diminue ? Qui pis est, les dépenses prévisionnelles cumulées de tous les ministères pour les départements d'outre-mer sont également en baisse ! Est-ce vraiment juste, madame la ministre, quand les gens sont à bout ?
À ce propos, comment ne pas dénoncer la décision de supprimer au 1er janvier 2020 l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale, cet outil qui, pendant vingt ans, a permis d'éclairer le débat public sur la réalité de la pauvreté en France et en Europe ? Je rappelle que le taux de pauvreté s'élève à 44,3 % en Guyane, à 39 % à La Réunion, à 32 % en Martinique, à 19 % en Guadeloupe et à plus de 80 % à Mayotte. Le pays est malade et, pour seul remède, le Gouvernement casse le thermomètre ! C'est la nouvelle mode chez Macron : l'humain n'a plus sa place. Loin des yeux, loin du coeur…
Par ailleurs, l'ADEME – Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie – a rendu en mai dernier un rapport indiquant que, si un effort financier massif n'était pas fourni, les territoires d'outre-mer n'atteindraient pas l'objectif, que leur impose la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, de 100 % d'énergies renouvelables en pour 2030. Pourtant, le Gouvernement a choisi de faire le contraire en retirant 48 millions d'euros à la transition écologique des territoires.
Enfin, le président Macron a annoncé, le dernier jour de sa visite à La Réunion, un plan zéro leucose d'ici quatre ans. Le directeur de la DAAF – direction de l'alimentation, de l'agriculture et des forêts – , interrogé par le site Imaz Press Réunion, a néanmoins déclaré : « si vous dites qu'on va assainir [le cheptel] en quatre ans, vous vous plantez. [M. ] Macron a pris des morceaux de phrase comme des éléments de communication ». Voilà votre gros problème : de la com', de la com', mais rien de concret ! Nous comprenons mieux pourquoi les crédits du programme « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » sont en baisse de 900 000 euros. Dans ces conditions, comment croire à vos déclarations ?
Le constat est clair : c'est une cure d'austérité pour l'outre-mer. La communication ne suffit pas. Nous voulons un vrai budget et de vraies actions qui aillent dans le sens de la justice sociale, de l'émancipation humaine, de la protection de la nature et de la biodiversité. Madame la ministre, dites-le à vos collègues du gouvernement des riches : nous, ultramarins, refusons votre budget.
Je prends l'opinion à témoin : alors que l'Assemblée est composée de 577 députés, nous sommes à peine une trentaine dans l'hémicycle. Pourtant, vous allez nous imposer votre décision en appelant des députés de l'Hexagone avant le vote. Par cette manoeuvre, ces députés sanctionneront les populations d'outre-mer sans avoir pris la peine d'écouter nos arguments et sans connaître un seul chiffre de ce budget, ce qui constitue un manque de respect inqualifiable.
Comment développer nos territoires dans ces conditions ? Ce système, si peu démocratique, est proprement révoltant. L'outre-mer mérite beaucoup mieux que cela. Pourquoi continuez-vous à empêcher le bien-être du peuple ? Où est la fraternité ? Arrivés à la moitié du mandat d'Emmanuel Macron, nous n'avons pas d'autre choix que de constater l'échec cuisant de votre politique. La seule solution serait une révolution citoyenne par les urnes, que j'appelle de mes voeux.
Permettez-moi de vous faire observer, cher collègue, que le nombre de députés présents n'est pas proportionnel à l'intérêt des sujets abordés. Si tel était le cas, les députés de votre groupe seraient bien plus nombreux.
Sourires et applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC, LaREM et LR.
Nous connaissons tous les enjeux qui existent dans les outre-mer. Le budget que vous défendez, madame la ministre, répond-il aux attentes qui en découlent ? Loin d'ouvrir un acte II du quinquennat, il se situe dans la continuité du budget précédent, fondé sur la volonté de libéraliser l'économie ultramarine.
La regrettable suppression de la majoration de traitement de 40 % pour les fonctionnaires, récemment évoquée par les médias et censée entraîner un cercle vertueux de baisse des prix, est un exemple de cette mentalité. Il y en a d'autres : la suppression du CICE ; la suppression de l'abattement fiscal qui affecte directement les jeunes ménages et les entreprises ; la suppression des contrats aidés qu'entraîne la raréfaction des ressources des collectivités locales… Sous couvert de libéralisation, vous organisez ainsi la paupérisation de la population.
Vous comprendrez donc les réticences qu'exprime le groupe de la Gauche démocratique et républicaine, désireux de sanctionner une politique anxiogène. Pour ma part, avec quelques autres parlementaires d'outre-mer, je subordonnerai mon vote à la qualité de votre écoute et au sort qui sera réservé à nos amendements.
Ce budget perd beaucoup de son périmètre au profit du budget général, ce qui pose encore une fois la question de son efficacité et de sa cohérence. Avec un montant total de 2,5 milliards d'euros, il est en baisse de 4 %. Cette réduction affecte les autorisations d'engagement et, surtout, les crédits de paiement, dont la baisse de 16 % nous conduit à nous interroger. Elle ne saurait être justifiée par la sous-consommation des crédits, puisque celle-ci résulte d'obstacles administratifs et logistiques ; il serait même dommageable de le laisser penser.
La diminution des crédits alloués au logement est elle aussi dommageable. La suppression par le Gouvernement de l'allocation logement accession, contre l'avis unanime des élus des territoires, a eu pour conséquence dramatique le blocage de milliers de dossiers. Il ne faut pas non plus oublier les difficultés du foncier, l'habitat insalubre ou la sortie de l'indivision successorale, qui entravent l'émergence de projets.
Ces errements dans l'approche expliquent les difficultés qui ont émaillé les voyages ministériels en Martinique et en Guadeloupe et, plus récemment, le voyage du Président de la République à La Réunion, du 23 au 25 octobre : aucune réponse n'est apportée aux besoins des outre-mer.
Le chef de l'État a pourtant salué, lors de son déplacement, l'« exemplarité » du modèle ultramarin, en particulier son organisation agricole qui a permis de créer de la richesse et des emplois. Contre une certaine tendance administrative qui consisterait à profiter de cette discussion budgétaire pour revoir le dispositif, le Président de la République a clairement annoncé le déplafonnement des aides attendu par tous ceux qui exploitent une entreprise agricole ou agro-alimentaire en outre-mer. Nous souhaiterions donc connaître votre point de vue sur le sujet, madame la ministre, et espérons que vous apaiserez notre inquiétude en vous engageant explicitement à respecter la parole présidentielle et à prévoir dans le PLF des crédits suffisants pour l'agriculture de diversification outre-mer, afin de financer l'ensemble des besoins en développement des territoires.
Abstraction faite des questions de technique budgétaire et des mesures administratives erronées, je souhaiterais souligner la faille fondamentale de ce budget, qui consiste à vouloir libéraliser techniquement l'économie d'outre-mer. Libéraliser, oui ! Mais pas en oubliant la réelle nécessité de rattrapage économique déjà reconnue par l'article 343 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; ni en oubliant le vieillissement de la population, problème auquel aucune solution de fond n'est apportée ; ni en oubliant notre géographie qui représente un handicap structurel en nous faisant cumuler éloignement, insularité, économie d'entrepôt et pauvreté ; ni en oubliant que c'est toujours l'État qui, par ses politiques fortes et volontaristes, nous a permis l'émancipation et le développement.
L'outre-mer ne souffre pas d'un manque de libéralisation mais du manque de volontarisme de l'État. Nous attendons donc que ces priorités soient mieux traduites dans son budget.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – MM. Raphaël Gérard et Guillaume Vuilletet applaudissent également.
Les crédits de la mission « Outre-mer » s'élèvent, cette année, à 2,6 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 2,5 milliards d'euros en crédits de paiement, à périmètre constant et hors exonérations de charges.
Je ne peux me présenter devant vous sans aborder, comme l'ont fait nos collègues, la diminution de 100 millions d'euros que subissent ces crédits. Il est de ma responsabilité – de notre responsabilité – de faire preuve de transparence à ce sujet. Mme la ministre s'est déjà prêtée à cet exercice en commission ; je m'y livre maintenant face à vous.
La baisse faciale des crédits tient à deux raisons. Premièrement, le rythme de consommation des crédits par les collectivités, entreprises et opérateurs ralentit. Cette sous-consommation a conduit à une diminution du budget de l'ordre de 34 millions d'euros. Deuxièmement, en prévision des exonérations de charges, le budget de la mission a été amputé de 66 millions d'euros environ.
Par ailleurs, il convient de noter que certains changements de périmètre ont eu des conséquences sur le budget de cette année. C'est le cas du « repérimétrage » imputable à la nouvelle dotation de 27 millions d'euros allouée à la Guyane afin d'accompagner cette collectivité territoriale dans la démarche de performance qu'elle a engagée et que l'État soutient. Cette somme sera versée par la direction générale des outre-mer à la direction générale des collectivités locales.
Je vous invite à ne pas perdre de vue l'objectif que nous partageons tous : voter un budget coïncidant au mieux avec les besoins prioritaires de nos territoires.
Ce budget s'attache à transcrire les engagements gouvernementaux en faveur des outre-mer : améliorer le quotidien des ultramarins, renforcer l'accompagnement de nos territoires, soutenir les politiques du logement et de l'emploi. La mise en oeuvre de ces engagements est répartie entre les deux programmes de la mission et est en cohérence avec le livre bleu des outre-mer comme avec la trajectoire outre-mer 5. 0.
Le programme 138, « Emploi outre-mer », vise à accroître la compétitivité des entreprises, mais aussi à améliorer l'accès à l'emploi des jeunes actifs ultramarins. Parmi les dispositifs phares de ce programme se trouve l'action « Aide à l'insertion et à la qualification professionnelle » dont les crédits sont en progression et qui finance, notamment, l'évolution du service militaire adapté en Nouvelle-Calédonie.
Le programme 123, « Conditions de vie outre-mer », met quant à lui en oeuvre les engagements pris en matière d'aménagement du territoire ultramarin s'agissant du logement, des infrastructures et équipements publics et de l'éducation. Parmi les crédits alloués à ce programme, 13 millions d'euros seront affectés à l'accompagnement des collectivités locales, qui viennent s'ajouter aux 800 000 euros dédiés à la constitution d'une plateforme d'ingénierie en Guyane.
Les autorisations d'engagement du volet logement atteignent 215 millions d'euros afin de soutenir les politiques publiques dans ce domaine. Je signale également le rétablissement, dans les seuls territoires ultramarins, de l'aide à l'accession à la propriété et à la rénovation de l'habitat, afin de tenir compte des fragilités et des spécificités de ces territoires en la matière.
Le programme 123 applique le principe de continuité territoriale. Il inclut donc des mesures de désenclavement des territoires et d'aide à la mobilité des populations, financées par le fonds de continuité territoriale. En Guyane – je parle en connaissance de cause – , l'application de ce principe par les opérateurs concernés rencontre des difficultés considérables. Le courrier est acheminé dans des délais anormalement longs, la couverture mobile est insuffisante – ce qui est paradoxal pour un territoire qui accueille pourtant le port spatial de l'Europe – et l'accompagnement de la mobilité pour les étudiants des communes de l'intérieur l'est tout autant. Je ne poursuivrai pas l'inventaire. Toutefois, en tant que corapporteur de la mission d'information sur la continuité territoriale dans les outre-mer, je ne peux que me réjouir que notre gouvernement tienne compte des conclusions que nous avions formulées dans ce cadre le mois dernier.
Il m'est impossible de conclure sans aborder la thématique de la vie chère. La mission d'information lancée par la délégation aux outre-mer sur le sujet atteste de son importance : notre majorité est soucieuse de contribuer à la diminution du coût de la vie, et j'y veillerai en tant que corapporteur.
Chers collègues, si nous devons continuer de veiller à préserver les intérêts de nos territoires, j'en appelle à votre objectivité : le présent budget maintient à un niveau élevé les crédits dédiés aux politiques publiques de l'État en faveur du développement des territoires ultramarins. La poursuite de ces efforts nécessite que nous le votions.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Je vais, bien entendu, essayer de répondre aussi précisément que possible à vos interventions et à vos observations – mais nous pourrons y revenir lors des questions et de l'examen des amendements.
Je vous présente aujourd'hui mon troisième projet de budget en tant que ministre des outre-mer. À entendre vos propos, j'ai le sentiment que nous travaillons dans le même sens. Vous connaissez vos territoires mieux que personne, vous avez fait état des problèmes du quotidien qui touchent nos concitoyens ultramarins, des problèmes auxquelles le Gouvernement apporte, au fil des budgets depuis 2017, des solutions structurantes.
Si l'État est évidemment très attendu dans nos territoires, il n'est pas là, toutefois, pour imposer des solutions d'en haut – j'y veille depuis deux ans et demi maintenant – à des territoires aux caractéristiques, aux contraintes et aux enjeux très différents de ceux qui sont rencontrés dans les départements de l'hexagone. Les réponses que nous avons apportées, que nous apportons et que nous apporterons encore dans les prochains mois et prochaines années, nous les avons coconstruites avec les territoires, les populations et les élus, dans le cadre des assises des outre-mer.
C'est ce cadre participatif qui nous a permis de construire le livre bleu des outre-mer, véritable feuille de route du Gouvernement pour les outre-mer, progressivement mis en oeuvre au cours du quinquennat. Ce livre bleu a trois particularités : il a été construit à l'issue d'une large concertation durant les assises, autour des territoires et de leurs enjeux propres, et les propositions qu'il comporte sont toutes validées au plan interministériel.
Vous le savez, cette feuille de route fait l'objet d'un suivi attentif dans le cadre des comités interministériels des outre-mer, qui se sont déjà réunis à deux reprises en 2019, en février et en septembre, sous la présidence du Premier ministre. D'autres rendez-vous sont prévus en 2020. Je tiens à rappeler que ce type de suivi n'était plus assuré depuis dix ans.
Cette feuille de route interministérielle ne se traduit pas uniquement dans le budget du ministère des outre-mer. De nombreuses mesures au bénéfice des outre-mer sont inscrites dans les différentes missions budgétaires ministérielles. Dans le projet de loi de finances pour 2020, je pense notamment, en matière de logement, à l'instauration de l'aide à l'accession très sociale et à la lutte contre l'habitat insalubre, ou à l'effort de péréquation annoncé par le Président de la République au profit des communes des DROM – départements et régions d'outre-mer.
Je le rappelle, les crédits de la mission « Outre-mer » ne représentent que 2,6 milliards d'euros sur les 22 milliards retracés au sein du document de politique transversale, sans compter les près de 5 milliards d'euros de dépenses fiscales. Les montants d'investissement – car c'est bien d'investissement qu'il s'agit – en faveur des territoires d'outre-mer sont historiques.
Pour en venir aux crédits de la mission, ce budget 2020 maintient le niveau d'ambition élevé du Gouvernement pour les territoires d'outre-mer. À périmètre constant, et hors exonérations de charges, le budget de la mission s'établit ainsi à 2,6 milliards d'euros en autorités d'engagement et à 2,5 milliards en crédits de paiement.
Les autorisations d'engagement sont donc maintenues au niveau très élevé qui avait été alloué en 2019. J'ai bien entendu certaines de vos remarques, mais il faut rappeler qu'en autorisations d'engagement, ce budget de l'outre-mer est le mieux doté que l'on ait connu ! Les crédits de la mission ont augmenté de plus de 20 % l'an passé, grâce à des réformes et à des transformations ambitieuses. Conformément à l'engagement que le Président de la République a pris le 8 juillet dernier, au ministère des outre-mer, l'intégralité des moyens d'action est conservée, pour concrétiser le livre bleu et enclencher la dynamique 5. 0.
Ce budget reflète quatre priorités structurantes. La première est le soutien à l'emploi, qui est le « zéro exclusion » de la trajectoire 5. 0. L'emploi assure la cohésion sociale des territoires : il est le véritable levier du pouvoir d'achat. Il est aussi une question de dignité et de fierté individuelles pour nos concitoyens. Le Gouvernement mène ce combat sans relâche sur l'ensemble du territoire national et donc, bien évidemment, outre-mer, là où les territoires sont frappés de plein fouet par le fléau du chômage.
Si la tâche est rude, nous avons recouru à des outils massifs. Je pense d'abord au plan d'investissement dans les compétences, sous la responsabilité du ministère du travail au niveau national. Pour les outre-mer, il s'élève à 700 millions d'euros sur la durée du quinquennat. Investir dans le capital humain est au coeur de notre bataille pour l'emploi. Je sais que vous partagez notre point de vue.
Nous avons aussi profondément réformé le dispositif d'exonération de cotisations sociales en 2019, pour donner, là encore, la priorité à l'emploi. Je m'étais engagée à mettre en oeuvre une clause de revoyure, monsieur le rapporteur spécial. En vérifiant les premiers effets de la réforme des exonérations votée l'an passé, nous avons constaté des écarts, qui ne figuraient pas dans nos prévisions originelles : c'est pourquoi nous avons permis l'adoption d'un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale qui améliore les paramètres du dispositif pour les entreprises et dont le coût estimé est de 36 millions d'euros.
Dans les secteurs renforcés, c'est zéro charge jusqu'à deux SMIC : 80 % des salaires sont donc entièrement exonérés de charges patronales dans les DROM. Il s'agit d'une mesure concrète pour l'emploi. Dans certains territoires, les socioprofessionnels se sont mobilisés pour permettre l'entrée dans l'emploi de jeunes par le biais de contrats de professionnalisation. C'est une bonne chose car, je le répète, nous devons tous nous mobiliser pour l'emploi. Je les remercie de leur implication.
C'est parce que nous croyons que la bataille pour l'emploi est la mère de toutes les batailles, c'est également parce qu'il faut créer les conditions de créations d'emplois dans les entreprises que nous avons développé, comme je m'y étais engagée, des outils spécifiques d'aide aux entreprises. En 2020, nous prévoyons à cette fin 24 millions d'euros – j'y reviendrai à l'occasion de l'examen des amendements. Ces outils sont les suivants : développement du microcrédit, grâce au renforcement des opérateurs et au déplafonnement des montants ; déploiement dans tous les territoires de l'offre de Bpifrance, la Banque publique d'investissement, et proposition d'outils spécifiques, dont l'extension des conditions d'accès au prêt de développement outre-mer ; dispositions d'affacturage efficaces pour réduire les conséquences sur les trésoreries des entreprises des délais de paiement, très pénalisants dans les territoires d'outre-mer ; dispositifs subventionnels pour soutenir l'investissement et l'innovation ; augmentation, enfin, des crédits de l'aide au fret.
Ces efforts conjugués commencent à payer : au cours des douze derniers mois, 11 400 emplois ont été créés dans les DOM, ce qui représente une croissance de 3,5 %. Dans le même temps, on constate une baisse très importante du volume des chômeurs outre-mer de 2,3 %, ce qui représente 8 158 demandeurs d'emplois en moins. C'est le niveau le plus bas atteint depuis le mois de février 2014. Rien n'est gagné, les difficultés sont immenses et les défis au rendez-vous : toutefois, la tendance semble bonne.
Vous le savez très bien, le fait de nous montrer capables de reconnaître cette tendance à l'amélioration nous permettra aussi de conforter la dynamique engagée dans les territoires d'outre-mer. De nombreux efforts restent à fournir : je serai à vos côtés pour les soutenir.
L'insertion passe également par le SMA, dont l'encadrement est considérablement développé pour améliorer et individualiser le suivi des stagiaires : 127 ETP supplémentaires seront recrutés durant le quinquennat, dont 35 en 2020. Une nouvelle compagnie s'installera en Nouvelle-Calédonie, à Bourail, conformément à l'engagement du Premier ministre.
Il ne convient pas non plus d'oublier les mesures spécifiques annoncées par le Président de la République à La Réunion dans le cadre du plan Pétrel.
Ce plan, monsieur le député Clément – vous l'avez également évoqué, monsieur le député Ratenon – , est doté de 700 millions d'euros, qui ne sont pas prélevés sur le budget des outre-mer. Vous le constaterez si vous reprenez l'ensemble des annonces qui ont été faites : stabilisation, dans le budget du ministère du travail, de l'enveloppe PEC – parcours emploi compétences – à 12 000 emplois jusqu'à la fin du quinquennat ; plus de 5 000 formations par an dès 2020 ; doublement du nombre de postes dans les structures d'insertion – ce qui représente 7 000 postes par an d'ici à 2022 ; possibilité, pour les bénéficiaires du RSA, de cumuler un emploi saisonnier ou d'intégrer un parcours d'insertion, tout en conservant leur droit au RSA. Nous avons également lancé l'expérimentation à La Réunion d'emplois francs, qui seront donc désormais ouverts à ceux qui sont en parcours d'insertion : RSMA – régiment du service militaire adapté – , garantie jeunes, écoles de la deuxième chance, sans obligation géographique de résidence. Ces mesures, qui concrétisent l'engagement que nous avons pris de faire de l'emploi une priorité à La Réunion, comme dans tous les territoires, doivent porter leurs fruits.
L'accompagnement des territoires et des collectivités ultramarines – deuxième priorité – est au coeur de ce budget pour 2020, qui sera la première année pleine de mise en oeuvre des contrats de convergence et de transformation, qui ont été signés avec le Président de la République, le Premier ministre et sept membres du Gouvernement, en juillet dernier. Les crédits consacrés à ce volet par le ministère des outre-mer sont en hausse de plus de 5 % cette année.
Ces contrats sont au coeur du partenariat entre État et collectivités au service des projets des territoires. Je rappelle que la mission « Outre-mer » ne couvre pas tous les crédits apportés par l'État, qui s'élèvent à plus de 2 milliards d'euros sur la période 2019-2022, sans compter les cofinancements des collectivités et les fonds européens. L'ensemble, qui est considérable, témoigne du niveau d'ambition de l'État pour les outre-mer.
Ces crédits permettront de changer le quotidien des ultramarins. Certes, un tel changement prendra du temps – nous le savons tous ici – , car les gros projets d'infrastructures nécessitent souvent plusieurs années pour sortir de terre. Toutefois, les crédits sont contractualisés et offrent en conséquence de la visibilité aux collectivités pour leurs investissements sur la période 2019-2022.
Accompagner les territoires, c'est aussi accompagner spécifiquement les collectivités ultramarines. Le Gouvernement a décidé de réviser les critères de péréquation entre collectivités territoriales, ce qui se traduira par une augmentation de 85 millions d'euros des montants de péréquation envers les départements d'outre-mer d'ici à cinq ans, dont 17 millions dès 2020 – le Président de la République avait annoncé cette première étape le 1er février dernier. Au-delà de cet effort, le Gouvernement attend les conclusions de la mission sur les finances locales des collectivités ultramarines pour préciser les modalités d'accompagnement des collectivités en difficulté financière.
Pour que les crédits se transforment en routes et en écoles, il faut aussi de l'ingénierie. En 2020, je propose donc d'augmenter de 3 millions d'euros les crédits confiés à l'Agence française de développement – AFD – et dédiés à l'ingénierie et à l'assistance à la maîtrise d'ouvrage. Au 1er janvier 2020, les plateformes d'ingénierie de Guyane et de Mayotte seront pleinement opérationnelles ; le recrutement des neuf cadres est quasiment finalisé.
S'agissant plus particulièrement du logement, je propose de dédier 7 millions d'euros de la ligne budgétaire unique à l'ingénierie. Je l'assume, monsieur Lorion, non pour conforter les moyens de l'État mais pour être au service de tous ceux qui, sur le terrain, interviennent pour le logement de nos concitoyens, qu'il s'agisse des communes ou des différents opérateurs. Je le répète, nous devons assumer cette priorité. Il convient de mieux accompagner ceux qui réalisent ces opérations.
Toutefois, l'ingénierie ne suffit pas : il faut passer en mode projet. Je sais que, à cet égard, la pierre est aussi dans notre jardin. À aucun moment, madame la députée Vainqueur-Christophe, je n'exonère l'État d'une quelconque responsabilité dans le retard pris par de nombreuses opérations dans les territoires. J'ai l'habitude de dire les choses clairement. Sans prendre de gants, j'ai souhaité que chacun, dans les territoires d'outre-mer, assume ses responsabilités en matière d'accompagnement. J'ai demandé aux préfets de piloter, avec les administrations et les collectivités, des cellules d'engagement des projets. Les autorisations doivent sortir au plus vite, les avis également. Nos administrations doivent se remettre au service du développement des territoires ; c'est impératif.
Améliorer le quotidien des ultramarins est la troisième priorité. C'est notamment la raison d'être du fonds exceptionnel d'investissement – FEI – qui est intégralement préservé – 110 millions d'euros au service des projets du quotidien, qu'il s'agisse d'un stade, d'une électrification, d'un aménagement portuaire ou d'une rénovation du patrimoine.
Parmi les projets financés par le FEI, j'ai souhaité que l'on favorise cette année – ce sera également le cas l'an prochain – des projets à taille humaine, des projets de proximité qui peuvent se réaliser rapidement, ainsi que des projets qui relèvent de la trajectoire 5. 0 : ils bénéficiaient de 70 % du FEI en 2019, ce sera 100 % en 2020.
Parce qu'un accueil dans de bonnes conditions à l'école change la vie des enfants mais aussi des parents, nous maintenons également 90 millions d'euros de soutien aux constructions scolaires outre-mer, en plus de l'effort du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Quatrième priorité : la mise en oeuvre de la conférence du logement en outre-mer. À la suite des conclusions de cette conférence, l'État s'est engagé à maintenir les autorisations d'engagement de la ligne budgétaire unique – LBU – au-delà de 200 millions d'euros annuels en 2020, 2021 et 2022.
Le montant de 215 millions d'euros, jugé insuffisant par rapport aux besoins et en baisse par rapport au budget 2019 – qui apportait 225 millions d'euros en AE – , a suscité de nombreuses remarques. Il s'agit pour moi d'un seuil minimal fondé sur les capacités d'engagement constatées dans les territoires en 2018 et 2019. En effet, je ne peux que constater qu'au cours des deux dernières années, nous ne sommes pas parvenus à dépasser la barre des 200 millions d'euros en autorisations d'engagement, malgré tous les efforts consentis aux niveaux national et local. L'objectif pour 2020 est bien d'inverser la tendance grâce au plan logement outre-mer 2019-2022 et au déploiement de plans locaux. Mais, comme vous le savez, la construction et la rénovation de logements ne se décident pas d'un claquement de doigts, et elles nécessitent un accompagnement.
Par ailleurs, avec 18 millions d'euros supplémentaires en 2020, les crédits des sociétés immobilières d'outre-mer, les SIDOM, sont au rendez-vous.
Le PLF pour 2020 traduit donc une ambition et des moyens pour les outre-mer. J'ai bien entendu les inquiétudes et les critiques que vous avez formulées ; j'aurai l'occasion de les aborder lors des réponses à vos questions et de nos échanges sur les amendements.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir.
Je vous remercie, madame la ministre, de ces développements très complets…
Sourires.
Nous en venons aux questions, qui, tout comme les réponses, ne doivent pas excéder deux minutes.
La parole est à M. Mohamed Laqhila.
Le budget de la mission « Outre-mer » reste globalement stable, ce qui témoigne d'une ambition intacte – même s'il ne reflète pas à lui seul l'engagement de l'État en la matière.
Madame la ministre, lors de la présentation de ce que vous avez vous-même qualifié d'acte II du mandat, vous avez réaffirmé votre ambition relative à la trajectoire 5. 0. Dans le sillage du livre bleu des outre-mer, vous avez décliné une feuille de route incluant des mesures aussi précises qu'ambitieuses : zéro carbone, zéro déchet, zéro polluant agricole, zéro exclusion et zéro vulnérabilité face au changement climatique.
Si l'on ne peut que se réjouir de ces objectifs, à la hauteur des enjeux auxquels les territoires ultramarins font face, j'insisterai néanmoins sur l'amélioration des conditions de vie des ultramarins et la cohésion sociale de ces territoires. Le renforcement du pilotage des moyens d'ingénierie des collectivités, en particulier, est crucial.
Quel rôle et quels moyens votre ministère a-t-il prévu de donner à la mission « Outre-mer » pour contribuer à la réussite de la trajectoire 5. 0 ? Des moyens d'ingénierie seront-ils mis en oeuvre ? Plus généralement, je souhaiterais savoir si une prévision budgétaire a été établie pour assurer le respect de la trajectoire dans les années futures. Enfin, l'application de chacun de ces objectifs fera-t-elle l'objet d'une évaluation précise et régulière et, le cas échéant, par quels moyens ?
Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et UDI-Agir. – M. Max Mathiasin, rapporteur pour avis, applaudit également.
La trajectoire 5. 0 a pour horizon 2030, tout comme les dix-sept objectifs de développement durable des Nations unies. Présentée officiellement le 8 avril dernier, elle est l'aboutissement d'un travail de plusieurs années, conforme à la dynamique que je défends depuis ma participation à la COP 21. Le 8 juillet dernier, les présidents des exécutifs locaux ont franchi, avec l'État, une première étape en signant la charte 5. 0. De fait, il n'y a pas de sens à défendre une telle ambition au niveau national si elle n'est pas également relayée par nos partenaires au niveau du territoire, au premier rang desquels les collectivités et les entreprises.
Après la signature de la charte, le fait que, comme je l'ai dit, 70 % du FEI aient été consacrés cette année aux actions satisfaisant aux critères 5. 0, avant 100 % en 2020, est un autre signal fort. Il s'agit également de s'assurer que l'ensemble des ministères intègrent la trajectoire dans leurs financements. Par ailleurs, nous travaillons avec l'Agence française de développement à la création d'un fonds 5. 0 qui viendra s'ajouter au budget et aux actions que nous menons dans le cadre du FEI pour soutenir des projets dans les territoires ultramarins. Il devrait être finalisé avant la fin de l'année 2019.
Pour tout cela, l'ingénierie est nécessaire. J'ai déjà évoqué son renforcement de l'ingénierie au bénéfice des territoires, à la fois pour les collectivités et pour les différents opérateurs.
C'est donc une dynamique qui naît ; j'espère que chacun sera au rendez-vous pour relever les nombreux défis des territoires d'outre-mer.
Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM.
Chacun l'a dit, l'exercice budgétaire est souvent très compliqué, notamment pour les citoyens qui nous regardent ; il nous faudra donc en faire un exercice de pédagogie et de simplicité.
Vous l'avez dit, madame la ministre, tous les crédits dédiés à l'outre-mer ne figurent pas dans la mission soumise à notre examen, loin s'en faut. Le Gouvernement a signé cette année avec les territoires ultramarins des contrats de convergence et de transformation qui incluent un engagement financier de 2,1 milliards d'euros, somme qui s'ajoute au budget pour les outre-mer que vous avez déclaré sanctuarisé l'an dernier et que vous confirmez cette année.
Cependant, lorsque j'analyse le document de politique transversale – DPT – , qui me semble être l'outil adéquat pour vérifier que nous disposons bien des sommes nécessaires à la transformation de nos territoires, je constate que les crédits affectés à La Réunion diminuent de 170 millions d'euros en 2020. C'est considérable, d'autant que j'ai intégré à mes calculs les différents crédits non répartis, dont ceux concernant la gendarmerie ou l'agriculture. Comment retrouve-t-on les 2,1 milliards d'euros en AE ? En fonction de quels indicateurs sont-ils répartis entre les territoires – retards, développement humain, etc. ? Enfin, si vous confirmez la baisse de 170 millions d'euros, comment peut-on, avec moins d'argent, réaliser la convergence attendue ?
Vous évoquez la part du budget 2020 réservée aux contrats de convergence et de transformation signés avec la quasi-totalité des territoires d'outre-mer – les contrats avec la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie sont en cours de négociation.
À l'échelle de l'ensemble des ministères, ce sont plus de 2 milliards d'euros qui seront affectés à ces contrats entre 2019 et 2022, dont une partie en 2020. La baisse que vous avez calculée pour La Réunion correspond à la diminution de la prévision de l'ACOSS, qui concerne tous les territoires, et au changement de périmètre de différentes mesures.
Vous me donnez l'occasion d'évoquer la prévision en baisse de l'ACOSS, également abordée par le rapporteur spécial et d'autres députés. Elle soulève une véritable difficulté : les chiffres qui nous sont communiqués au cours de l'année, à différentes échéances, modifient entièrement notre vision des actions en faveur du monde économique que nous menons dans les territoires. Les prévisions de l'ACOSS ne sont donc pas sans effet sur le budget des outre-mer, mais le programme 138 bénéficiera d'ouvertures de crédits supplémentaires si nécessaire. L'évaluation de l'ACOSS pour l'année prochaine n'est pas consolidée, car la réforme ne date que de juillet et la clause de revoyure devrait permettre d'obtenir une amélioration des conditions.
Je voudrais revenir sur le programme 123 et les actions culturelles, notamment sur la ligne dédiée aux soutiens financiers à la production audiovisuelle. Pour nous avoir reçus et écoutés – je vous en remercie – , vous n'ignorez pas que mon collègue Stéphane Claireaux et moi-même avons publié un rapport d'information sur la production audiovisuelle dans les outre-mer, lequel présente plusieurs recommandations pour faciliter l'accès aux aides à la production audiovisuelle et pour assurer plus de transparence s'agissant des subventions accordées dans ce domaine.
Nous avions évoqué l'existence d'un fonds du ministère relevant du programme 123. Pouvez-vous nous fournir davantage d'informations sur l'utilisation de ce fonds et vos objectifs pour 2020 ? De plus, soutenez-vous la démarche visant à renforcer les dispositifs de présence dans les instances comme le centre national du cinéma et de l'image animée – CNC – et le conseil supérieur de l'audiovisuel – CSA – , afin d'accroître la visibilité des outre-mer ?
Un soutien fort à la production locale provoque un formidable effet levier – j'appelle d'ailleurs tous mes collègues à regarder de près cette niche économique importante pour nos territoires : 1 euro d'investissement dégage entre 2,5 et 7 euros de dépenses locales !
Ma seconde question ne relève pas directement de la mission « Outre-mer ». Comme vous le savez, nous allons déposer des amendements visant à assouplir le dispositif fiscal qui s'applique à la navigation de croisière. Pouvez-vous nous faire part de votre position sur les critères d'assouplissement demandés, tant sur la notion d'exclusivité que sur les délais d'exploitation ? Votre soutien nous sera précieux pour défendre notre position la semaine prochaine auprès du ministre de l'économie et des finances.
S'agissant de la création artistique, le ministère dispose effectivement d'un fonds de 400 000 euros pour soutenir différents projets. Est-ce suffisant ? Il nous faut rapidement mener une évaluation de l'utilisation de ce fonds, pour savoir combien de projets sont aujourd'hui refusés faute de crédits disponibles. Nous allons toutefois accroître l'enveloppe la semaine prochaine, au bénéfice des associations, producteurs et créateurs, mais, chacun en a été prévenu, la décision n'est valable que pour cette année. Nous dresserons donc un bilan.
S'agissant de l'application aux navires de la défiscalisation outre-mer – avec un taux de 30 % consenti à ceux qui investissent dans des bateaux de croisière d'une capacité maximum de 400 passagers, la base éligible étant fixée à 20 % des coûts de revient du navire – , je suis, vous le savez, à vos côtés. Trois amendements portent sur cette question dont je discute beaucoup avec Gérald Darmanin, qui, jusqu'à présent, s'est montré ouvert aux propositions ; j'espère qu'il le restera et que, ensemble, nous pourrons le convaincre.
Je souhaite appeler de nouveau votre attention sur le statut des militaires du Pacifique, que j'ai évoqué tout à l'heure, et sur les inégalités qu'ils subissent. J'associe bien évidemment nos collègues calédoniens à cette question.
Le forum de l'emploi qui s'est tenu très récemment en Polynésie française a été une occasion supplémentaire de mesurer l'enracinement des armées dans ce territoire. Trois des sept stands d'information étaient consacrés aux armées et leur succès a été total : les jeunes s'y sont précipités pour s'engager. Rappelons que l'armée recrute 400 à 500 jeunes Polynésiens chaque année, soit autant qu'à La Réunion, qui compte trois fois plus d'habitants.
Or, même si cela peut paraître délirant, les droits d'un militaire français varient en fonction de son origine. S'il est originaire de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique ou de La Réunion, il pourra bénéficier d'une indemnité d'installation en métropole, ou INSMET ; s'il est originaire du Pacifique, il ne pourra prétendre à rien.
En effet !
Les familles sont également confrontées à de nombreuses difficultés, notamment administratives, au moment de leur venue dans l'hexagone. Il faut les accompagner pour favoriser leur insertion sur le marché du travail et leur permettre de jouir de leurs droits.
Le contexte est celui du plan famille 2018-2022, destiné à l'accompagnement des familles et à l'amélioration des conditions de vie des militaires. La ministre des armées, que j'ai interrogée en début d'année, s'était engagée à revoir la situation des militaires du Pacifique pour 2021. Au vu du fort taux de recrutement dans nos îles, peut-on espérer un engagement pour 2020 ?
Madame la ministre, pouvons-nous compter sur votre soutien pour que les militaires du Pacifique et leur famille puissent légitimement prétendre aux mêmes droits que les militaires originaires de n'importe quel territoire de la République ?
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-Agir et LR. ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – M. Max Mathiasin, rapporteur pour avis, applaudit également.
Madame la députée, je connais votre combat à ce sujet. Les indemnités militaires sont encadrées par un texte de 1950 qui excluait les collectivités d'outre-mer – COM – , dont Mayotte qui en était une à l'époque. C'est injuste, et je suis tentée de vous assurer de mon soutien ; mais il appartiendra à la ministre des armées de vous répondre. En tout état de cause, si une évolution du dispositif devait être envisagée, ce ne pourrait être que dans le cadre d'une révision générale du régime indemnitaire des militaires.
La ministre des armées compte mener cette réflexion dans le cadre de la nouvelle politique de rémunération des militaires qu'elle va conduire.
Je peux comprendre que le processus puisse vous paraître trop long, en effet. Je vous réponds comme je le fais par correction vis-à-vis de la ministre des armées, mais je lui en reparlerai et nous verrons si nous pouvons aller plus vite. Elle a bien entendu votre question mais, pour l'instant, c'est dans ce cadre-là qu'il est prévu d'y apporter une réponse.
Cela ne dit pas combien de temps il faut pour le parcourir !
Madame la ministre, il manque 100 000 logements dans nos territoires d'outre-mer, où 150 000 personnes vivent dans des conditions indignes de la République.
En effet, un ultramarin sur douze vit dans un logement spontané. C'est quasiment 300 fois plus que la moyenne nationale. En Guyane, 13 % des logements sont dépourvus d'électricité et 20 % n'ont pas d'accès à l'eau potable. Et à voir les crédits alloués au logement outre-mer, il semblerait que votre gouvernement ait jeté l'éponge.
Qui peut tolérer une telle situation et accepter qu'une partie de la population soit tenue à l'écart des lois républicaines qui élèvent le droit au logement au rang de droit opposable sur le territoire de la nation des droits de l'homme ?
La lutte contre les phénomènes de violence, l'échec scolaire ou le climat social dégradé n'aurait pas de sens si l'on ne s'attaquait pas au mal logement qui, de toute évidence, constitue l'une des sources de ces problèmes.
Sur la question de l'allocation logement accession, vous avez reconnu votre erreur : tant mieux ; mais qu'en est-il des crédits alloués à la construction et à la rénovation du logement social, qui semblent désormais en danger ? Je pense en particulier à l'engagement, obtenu sous l'ancienne majorité, de doubler la ligne budgétaire unique de la Guyane pour la porter à 100 millions d'euros en 2020 dans le cadre de l'opération d'intérêt national.
Par rapport à cette promesse, les 215 millions d'euros de crédits alloués au logement pour l'ensemble des outre-mer traduisent une baisse relative pour 2020. Pourtant, en juillet dernier, la conférence du logement en outre-mer avait conduit à préconiser la stabilisation du financement de l'opération d'intérêt national à long terme, par le biais d'une convention pluriannuelle d'objectifs avec l'État. Où en sommes-nous ?
Même question en ce qui concerne la démarche auprès de la Commission européenne pour justifier des procédures dérogatoires en Guyane en matière d'aménagement simplifié et d'éradication des bidonvilles. A-t-elle été engagée ? Si oui, quels sont les résultats et le calendrier ?
Qu'en est-il du foncier trop cher et des surcoûts qui demeurent de véritables freins à la construction ?
Toutes ces questions appellent des réponses précises de votre part, madame la ministre. Je vous en remercie d'avance.
Comme je l'ai indiqué, la ligne budgétaire unique est dotée de 215 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2020 et elle va être complétée par les crédits des SIDOM, ce qui va porter le montant total à 233,5 millions d'euros.
Il faut aussi compter avec la mobilisation de nos partenaires – le plan d'investissement volontaire d'Action Logement ne représente pas moins d'1,5 milliard d'euros pour les territoires d'outre-mer – et avec toutes les autres mesures annexes dont nous pouvons bénéficier.
Ces ressources concernent l'ensemble des territoires d'outre-mer, il faut le redire. La dynamique issue d'un travail mené aux plans national et local doit être mise à profit. Les outils doivent être davantage utilisés par tous les territoires d'outre-mer.
Pour la Guyane, vous évoquez un montant de 100 millions d'euros ; je veux bien vous croire, mais, selon les données dont je dispose, nous en sommes à 60 millions d'euros pour 2020, conformément aux engagements pris, après 37,2 millions en 2017, 46 millions en 2018 et 50 millions en 2019. Je vais donc chercher plus avant.
En ce qui concerne le plan d'urgence pour la Guyane – PUG – , la trajectoire va être respectée. S'agissant de vos autres questions, je peux vous dire que nous continuons à défendre les projets élaborés par la Guyane pour construire les logements qui font défaut dans ce territoire plus encore que dans beaucoup d'autres.
À cette seconde question, j'associe Jean-Philippe Nilor qui est retenu à la Martinique auprès de son père alité.
Nos territoires ultramarins sont exposés à de fortes contraintes du fait de leur enclavement et de leur dépendance au transport aérien. Cette dépendance est d'autant plus forte que nos familles sont, dans leur vaste majorité, écartelées de part et d'autre des océans, ce qui fait que prendre l'avion est une obligation récurrente pour nombre de ménages ultramarins.
Or, au fur et à mesure de son application, le principe de continuité territoriale se révèle incomplet et inadapté : lorsqu'il s'applique, il ne vaut qu'à l'intérieur de nos territoires ou vers l'hexagone, mais jamais entre les territoires ultramarins. En outre, le passeport mobilité formation professionnelle – PMFP – s'apparente désormais à un véritable outil de pilotage de l'exode massif de nos forces vives.
Parallèlement, le prix des billets d'avion entre les outre-mer augmente régulièrement pour atteindre des tarifs totalement prohibitifs, qui en deviennent des entraves à la liberté de circuler. La Guyane et les Antilles en souffrent particulièrement, elles qui subissent l'exode institutionnalisé de leur force de travail.
Dans ce contexte, la baisse continuelle des aides à la mobilité et le cloisonnement des fonds dédiés à la continuité territoriale sont tout simplement incompréhensibles.
À voir le sort qui leur est réservé par l'exécutif, on se dit que nos territoires sont certainement devenus bien encombrants. Le cycle des coupes claires et des inégalités honteuses se poursuit et ce sont toujours les mêmes qui trinquent.
Madame la ministre, il nous faut vraiment changer de logiciel et mettre un terme à des pratiques préjudiciables qui sont autant d'assignations à résidence permanente. Nos compatriotes ont aussi le droit de se mouvoir dans et hors de leur territoire en toute liberté, égalité et fraternité.
Quels engagements comptez-vous prendre devant la représentation nationale pour améliorer la mobilité de nos populations, en particulier de nos jeunes ?
Tout d'abord, les liaisons ou la mobilité à l'intérieur de chaque territoire relèvent de la compétence des régions ou de chaque collectivité. S'il s'agit de changer la répartition des compétences entre les territoires d'outre-mer et l'État, alors discutons-en : vous savez que je suis très ouverte à une redéfinition des compétences et des rapports entre l'État et les collectivités.
Quoi qu'il en soit, à quelques exceptions près dont certaines s'appliquent à votre territoire, la mobilité interne relève de la compétence des collectivités, qu'il s'agisse d'archipels ou d'îles, comme en Polynésie – nous n'ignorons pas non plus les difficultés que rencontrent des territoires aussi vastes que la Guyane ou encore la Guadeloupe, qui comporte aussi des îles.
En l'état actuel des choses, vous ne pouvez pas me demander ce que je compte faire : je ne peux rien faire puisque, je le répète, cette compétence relève des territoires.
En revanche, nous aurons de vrais débats sur la continuité territoriale, qui fait l'objet de plusieurs amendements. Qu'est-ce qui doit être pris en charge ? Quels sont les besoins des territoires en matière de mobilité ? L'Agence de l'outre-mer pour la mobilité – LADOM – consacre des moyens à la continuité territoriale, notamment en prenant en charge les voyages de certains jeunes. Faut-il aller plus loin ? Faut-il faire mieux, davantage ? Nous y reviendrons en abordant les amendements et je vous ferai des propositions.
L'objectif du deuxième plan logement outre-mer – lequel couvre la période 2019-2022 – , qui n'avait pas été atteint par le premier, reste de construire ou de réhabiliter 10 000 logements chaque année dans les territoires ultramarins.
Ce plan a été adopté au moment où la gouvernance du logement social est en plein bouleversement à La Réunion. La cession par l'État de ses parts dans les SIDOM à CDC Habitat, filiale de la Caisse des dépôts et consignations, a lancé un vaste mouvement de concentration dans le logement social. En effet, la vente de la société immobilière du département de La Réunion – SIDR – a été suivie de près par la prise de contrôle de la société d'habitations à loyer modéré de la Réunion – SHLMR – par Action Logement.
Résultat : les deux plus grands bailleurs sociaux réunionnais, qui représentent chacun plus de 25 000 logements, n'ont plus leur centre de décision à La Réunion. Cette recomposition est en train de s'accélérer avec les prises de participation dans les autres opérateurs intervenant dans le logement social, ou même avec le rachat de ces derniers.
Le paysage local, caractérisé depuis de longues années par l'intervention de sept bailleurs sociaux, risque donc de se transformer en un duopole. Cette concentration correspond aux préconisations de la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite loi ELAN, pour ne pas dire qu'elle la précède. Elle suscite une triple interrogation.
La première porte sur les conséquences de la position dominante de ces deux grands organismes – d'autant plus dominante qu'ils sont aussi, comme vous l'avez confirmé en juillet dernier, les partenaires privilégiés de la stratégie du Gouvernement. Leur présence à tous les niveaux signifie-t-elle qu'ils sont appelés à devenir les principaux acteurs du logement social à La Réunion ?
La deuxième question concerne la place des collectivités locales dans l'un des enjeux essentiels de notre territoire et les mesures qui permettront d'éviter que les collectivités ne deviennent de simples spectatrices de la politique du logement.
La troisième question a trait à l'aménagement du territoire et à la fabrique de la ville, compte tenu de la disparition des principaux outils que sont les sociétés d'économie mixtes locales.
Vous avez raison, madame la députée : dans les territoires et notamment à La Réunion, nous assistons à un mouvement d'adossement des bailleurs sociaux à Action Logement ou CDC Habitat, comme décidé bien avant mon arrivée au ministère – je ne fais que suivre cette dynamique que, par ailleurs, j'approuve.
Les bailleurs sociaux bénéficient ainsi de moyens renforcés, alors que la force de frappe faisait défaut outre-mer en matière de construction de logements. Ce regroupement des forces ne peut qu'améliorer l'efficacité des bailleurs, ce qui pourra leur permettre d'atteindre les objectifs fixés afin de répondre aux attentes de nos concitoyens. Pour La Réunion, il était prévu de construire 5 000 logements par an, un objectif jamais atteint, alors qu'il faudrait revoir ce chiffre à la hausse. Pour ma part, j'espère que la concentration va renforcer notre capacité d'action.
S'agissant de la place des collectivités, je rappelle que quatre sièges au conseil d'administration sont réservés au conseil départemental de La Réunion. Ces conseillers contribuent à la décision et ils représentent 43,2 % du capital de la SIDR. On ne peut pas dire que les élus locaux ne seront pas partie prenante des décisions qui vont être prises.
Il me semble pour ma part que nous devons construire des logements, de façon efficace et en associant les collectivités, ce qui est le cas dans le dispositif choisi. Il s'agit d'une décision prise de longue date, au bon moment, et qui sera favorable au logement à La Réunion.
« La croissance décroche » ; « L'inflation rogne le pouvoir d'achat » ; « Première baisse de l'emploi salarié depuis 2012 » ; « Le chômage et son halo augmentent » ; « Une année très difficile pour l'agriculture » ; « Le nombre de permis de construire se replie ». Ces phrases ne sont pas les critiques d'une opposition trop virulente, mais les titres des principaux chapitres de la brochure que l'INSEE consacre au bilan économique de La Réunion en 2018. On est bien loin des ambitions de la trajectoire 5. 0, et le projet de loi de finances pour 2020 ne paraît pas en mesure de combler l'écart malgré le rétablissement de quelques mesures, réclamé depuis de longs mois.
De manière étonnante, le budget proposé ne tient pas compte de l'un des mouvements sociaux qui ont le plus durement secoué La Réunion. Il souffre également d'un manque de visibilité, d'autant plus pénalisant qu'il est lié à la réforme des exonérations de charges sociales patronales dont la compensation représente 60 % de la mission « Outre-mer ». Les crédits non répartis ne cessent d'augmenter tandis que l'ensemble de la mission est soumis aux variations de l'action 01, relative à ces exonérations.
Ce budget se révèle aussi de plus en plus déconnecté de la réalité avec la suppression, sans autre forme de procès, des crédits de paiement non utilisés. Près de 100 millions d'euros disparaissent précisément là où les attentes sont parmi les plus fortes : moins de crédits pour le logement, secteur où les besoins sont connus depuis très longtemps et où les blocages ne relèvent pas seulement d'une ingénierie de projet défaillante ; chute des crédits pour les infrastructures publiques, alors que le FEI devait récupérer chaque année les 70 millions issus de la réduction de l'avantage sur l'impôt sur le revenu. Comme nous le craignions, le compte n'y est pas.
Doit-on conclure qu'en vertu du principe d'annualité budgétaire ces montants ne seront pas réinjectés dans les économies des outre-mer comme prévu ? Ne faudrait-il pas innover de sorte que le budget de la mission « Outre-mer » soit tourné vers l'avenir, en impulsant de nouvelles actions davantage ciblées sur nos atouts, comme un fonds bleu, une dotation circuits courts ou encore un plan recyclage qui pourraient incarner la stratégie 5. 0 au sein même de la mission ?
Madame la députée, je partage votre avis quant à la création d'un fonds 5. 0, que j'annoncerai sans doute d'ici la fin de l'année. J'espère bénéficier à cette occasion de votre soutien à tous, nécessaire pour insuffler une dynamique. Je ne peux en revanche pas vous laisser dire que les aspirations et les revendications des Réunionnaises et des Réunionnais n'ont pas été entendues. Vous savez que je suis à leur écoute.
Nous avons répondu à la question principale, celle de leur pouvoir d'achat. Tout d'abord, la prime d'activité représente 50 millions d'euros supplémentaires distribués à soixante-douze foyers de la Réunion, soit une augmentation de 43 % des fonds versés. Tous outre-mer confondus, la hausse s'établit à plus de 100 millions d'euros. Grâce aux exonérations de cotisations d'assurance chômage décidées l'an dernier, que vous avez évoquées, les salariés payés au SMIC ont obtenu un gain de 21,90 euros par mois. Pour une personne rémunérée au niveau de deux SMIC, cela représente 526 euros de revenu supplémentaire par an.
La suppression de la taxe d'habitation, dont nous avons également débattu à La Réunion, se traduit par une hausse de pouvoir d'achat de 132 millions d'euros pour les outre-mer, dont une partie pour La Réunion. Les allégements supplémentaires liés aux exonérations de charges votées en 2019, ou au titre du projet de loi de finances pour 2020, s'élèvent à 160 millions d'euros pour les salaires jusqu'à deux SMIC. Voilà qui devrait donner un coup de pouce à l'emploi à La Réunion, comme dans les autres territoires. Les premiers résultats peuvent déjà être constatés.
Mmes Ericka Bareigts et Huguette Bello protestent.
Nous avons également doublé les crédits dédiés à l'Observatoire des prix, des marges et des revenus, l'OPMR, afin de soutenir les travaux consacrés au coût de la vie dans les territoires d'outre-mer et de nous permettre de répondre aux questions soulevées.
Enfin, vous le savez, nous avons nommé un délégué interministériel à la concurrence outre-mer, qui mène notamment des études à La Réunion et pourra lui aussi travailler sur le sujet du coût de la vie.
Je suis très ouverte et reconnais l'importance du débat. Néanmoins, je ne peux vous laisser dire que nous n'avons pas entendu les Réunionnais.
La situation est grave. Le plan Pétrel, annoncé par le Président de la République, a pour objectif de renforcer nos propositions avec des moyens complémentaires au budget des Outre-mer. En toute franchise et honnêteté, l'effort pour La Réunion est sans doute le plus important jamais consenti. Je suis prête à en débattre avec vous, …
Cessez de dire cela. Je dispose de chiffres différents. Dites la vérité !
Mme Ericka Bareigts proteste.
À seize heures cinquante, M. Marc Le Fur remplace M. Richard Ferrand au fauteuil de la présidence.
La mission « Outre-mer » a pour but d'améliorer le quotidien des ultramarins, de mieux accompagner nos territoires et de soutenir les politiques du logement et de l'emploi.
Je souhaiterais vous interpeller sur les deux premiers points, madame la ministre, dans la perspective d'améliorer la visibilité des outre-mer et la compréhension de leurs problèmes. Il s'agit de sujets essentiels, car ils traversent plusieurs champs de l'action publique : ils peuvent concerner l'égalité des chances comme l'attractivité des territoires – et, de ce fait, la représentation de nos territoires dans l'esprit de nos concitoyens.
À l'heure où le délégué interministériel pour l'égalité des chances des Français d'outre-mer est en passe d'être remplacé, il faut développer les politiques publiques en faveur d'une meilleure visibilité des outre-mer, d'une meilleure compréhension et d'une meilleure reconnaissance des spécificités de nos territoires pour en faire autant de facteurs d'attractivité.
La visibilité ultramarine commence à s'améliorer, grâce au pacte de visibilité des outre-mer, signé avec France Télévisions, que vous avez voulu et obtenu avec le soutien d'un groupe de parlementaires, sénateurs et députés, très investis et déterminés. Je salue ici mes collègues Raphaël Gérard et Maina Sage, avec qui j'y ai activement contribué.
Notre socle républicain – s'agissant en particulier de l'égalité des chances – sortira renforcé d'une meilleure connaissance et compréhension de l'outre-mer par nos concitoyens de l'hexagone, dans les différentes sphères de la société.
Quels moyens le Gouvernement compte-t-il donc mettre en oeuvre pour renforcer la visibilité de nos territoires et l'égalité des chances, afin d'aider nos concitoyens ultramarins, dans l'hexagone comme dans nos territoires, à prendre la place qui leur revient au sein de la République ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM et sur les bancs du groupe UDI-Agir.
Vous évoquez la visibilité des territoires ultramarins, une question sensible qu'il nous faut traiter, d'abord dans les médias : c'est le sens du pacte que nous avons proposé à France Télévisions et que nous avons signé, M. le ministre de la culture et moi-même. Je vous remercie, tout comme les députés Raphaël Gérard et Maina Sage, et d'autres encore, d'avoir participé à ces travaux et rendu possible ce pacte, en déterminant des objectifs, des indicateurs et des mécanismes qui permettront d'améliorer la visibilité des territoires d'outre-mer.
France Télévisions applique déjà le pacte, comme j'ai pu moi-même le constater depuis deux mois. De véritables changements sont intervenus ; réjouissons-nous que l'outre-mer soit davantage présent sur les chaînes du groupe.
Quant au poste de délégué interministériel pour l'égalité des chances des Français d'outre-mer, vous savez que son ancien titulaire, Jean-Marc Mormeck, a décidé de rejoindre le conseil régional d'Île-de-France afin d'y travailler pour les quartiers. Je profite de votre question pour le remercier de son implication ces trois dernières années aux côtés des ultramarins, pour défendre leurs droits au niveau national.
Je crois néanmoins que le périmètre de ce que l'on appelait la DIECFOM doit évoluer. J'ai ainsi proposé au Premier ministre, d'une part, de créer une délégation interministérielle pour la visibilité des outre-mer et l'égalité des chances des Français en outre-mer, et, d'autre part, de la rattacher non plus au Premier ministre mais au ministère des outre-mer. Il s'agit ainsi de renforcer l'intégration entre l'équipe du ministère, LADOM et la délégation, pour une plus grande cohérence des politiques menées par les différents acteurs travaillant à la visibilité des ultramarins en métropole.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures.
J'appelle les crédits de la mission « Outre-mer », inscrits à l'état B.
La parole est à Mme Nadia Ramassamy, pour soutenir l'amendement no 1221 .
Si, en septembre dernier, l'ouragan Dorian n'a pas fait de victimes mais a provoqué quelques dégâts en Martinique, l'ouragan Irma dévastait, il y a près de deux ans, les îles de Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Cyclones, ouragans, tsunamis, séismes, inondations, pluies diluviennes, crues torrentielles, coulées de lave volcanique, submersions : les territoires ultramarins doivent faire face à de multiples risques tout en cumulant certaines vulnérabilités telles que l'insularité pour la plupart, la multi-insularité pour d'autres, l'exiguïté de leur territoire, la forte densité démographique, la concentration des populations sur les littoraux ou encore la persistance d'un habitat précaire.
La France doit se préparer au dérèglement du climat causé par le réchauffement de la planète, d'abord en adoptant des modes de transport, de consommation et de production plus écologiques, ensuite en développant une résilience aux risques. Mais comment nous préparer à faire face aux risques quand les plans de prévention des risques, pourtant obligatoires, ne sont pas effectifs ou restent incomplets dans l'ensemble des outre-mer ? Comment nous préparer quand le fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit fonds Barnier, est sous-utilisé par les collectivités territoriales ultramarines, faute d'un accompagnement suffisant de l'État ?
En outre, l'action des forces armées s'est révélée salutaire lors des dernières catastrophes naturelles auxquelles les territoires d'outre-mer ont dû faire face. Or les réformes récentes portant sur les effectifs et la répartition des armées ont réduit la présence de celles-ci.
Pour toutes ces raisons, mon amendement vise à créer un fonds de prévention des risques naturels majeurs dédié aux outre-mer et doté de 50 millions d'euros.
Je peux comprendre la demande légitime de notre collègue, mais 50 millions d'euros, c'est beaucoup ! Se pose naturellement la question du financement de ce fonds, d'autant que l'exposé sommaire de l'amendement évoque un doublement des crédits alloués. Avis défavorable.
Je veux tout d'abord me réjouir de la qualité des travaux menés à l'Assemblée nationale et au Sénat sur le sujet des risques naturels majeurs. Cependant, un délégué interministériel aux risques majeurs outre-mer a été nommé : il mène une réflexion sur cette question, fait le tour de l'ensemble des territoires d'outre-mer et va proposer, d'ici quelques mois, avec l'ensemble des élus concernés, un projet de loi dont nous aurons l'occasion de débattre tous ensemble.
Je rappelle aussi que d'autres outils existent : je pense notamment au fonds Barnier, qui propose des aides auxquelles sont éligibles un éventail élargi de travaux, au fonds vert, ou encore au FEI, qui a accordé cette année 4,5 millions d'euros à La Réunion pour résorber les radiers. Il ne me semble donc pas nécessaire de créer un fonds de prévention, du moins pour l'instant. Je crois surtout que le travail qui a été engagé doit pouvoir aller à son terme. Avis défavorable.
La proposition de Mme Ramassamy est tout à fait légitime. Si un délégué interministériel travaille actuellement sur les procédures d'assurance et de réassurance, c'est que vous savez pertinemment, madame la ministre, que les dégâts causés par le passage d'un cyclone ou d'un ouragan sur des îles extrêmement exposées et fragiles posent un problème particulier aux personnes qui ne bénéficient pas d'un dispositif d'assurance ou qui sont particulièrement exposées à ces catastrophes naturelles, notamment si elles habitent sur les côtes. Après chaque cyclone, après chaque inondation, après chaque tempête, nous avons besoin de soutenir, pendant un temps donné, des familles. La création d'un fonds spécifique, quelle que soit sa dénomination, est une très vieille demande. Je suis sûr que le délégué interministériel proposera des solutions, mais je doute que ces dernières permettront véritablement de protéger et d'accompagner les plus démunis. À titre personnel, je voterai donc l'amendement de Mme Ramassamy.
L'amendement no 1221 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Ericka Bareigts, pour soutenir l'amendement no 1666 .
Si vous me le permettez, monsieur le président, j'aimerais défendre en même temps l'amendement no 1673 .
Ces deux amendements d'appel me permettent de revenir sur la situation des outre-mer, et singulièrement de La Réunion. Tout à l'heure, Mme Bello a fait état de la situation économique particulièrement grave de cette collectivité. Vous avez vous-même reconnu, madame la ministre, qu'il y avait un vrai problème de pouvoir d'achat ; certes, mais il y a aussi un vrai problème d'emploi.
Si votre réponse au problème de pouvoir d'achat se résume à la suppression de la taxe d'habitation, elle ne résoudra pas tout : 40 % des habitants de La Réunion vivent sous le seuil de pauvreté. Quand on ne revalorise pas les minima sociaux à hauteur de l'inflation, qui atteint 1,3 % à La Réunion – c'est le taux le plus élevé que nous ayons connu depuis 2012 – , on ne règle rien non plus.
Ne répondez pas, madame la ministre, que la faute incombe à vos prédécesseurs. Vous en êtes à votre troisième exercice budgétaire, et tout le monde souhaite que les choses avancent, mais là, cela ne marche pas !
Le bilan économique 2018 de l'INSEE pour La Réunion et Mayotte, rédigé en collaboration avec l'IEDOM – l'Institut d'émission des départements d'outre-mer – , montre que les années 2017 et 2018 ont été catastrophiques : la croissance s'est effondrée, le chômage a augmenté de 2 points…
… et le « halo » autour du chômage compte désormais plus de 60 000 personnes. Lors des quatre années précédentes, la tendance était pourtant inverse.
Vous avez engagé l'année dernière une réforme des aides économiques. Elle a été mise en oeuvre avec beaucoup de retard : les décrets ont été publiés le 15 mars 2019 et modifiés en juin de cette année, ce qui laissé pendant six mois les entreprises dans une très grande incertitude. Cela pose la question de la gouvernance du système et de la transparence sur la détermination du montant des aides.
Un second sujet mérite d'être évoqué : lors de mes précédents mandats, j'ai mis sur la table la question des aides et exonérations dont pourraient bénéficier les jeunes diplômés. Aujourd'hui, les jeunes Réunionnais reviennent au pays ; ils ont envie de travailler mais sont très frustrés, très en colère car les exonérations qui existaient entre 2,5 à 3,5 SMIC ont disparu.
L'amendement no 1666 est un pur amendement d'appel : notre collègue ne l'a pas vraiment défendu, et pour cause, car il est difficilement finançable.
S'agissant de l'amendement no 1673 , la baisse de la LBU pose un vrai problème. En revanche, si l'on regarde l'exécution budgétaire, on s'aperçoit que seuls 162 millions d'euros ont été dépensés en 2018. Or le projet de loi de finances pour 2020 établit la LBU à 215 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 190 millions d'euros en crédits de paiement : ce sera déjà mieux que l'exécution 2018 ! Tâchons tous ensemble d'améliorer l'exécution budgétaire de la LBU, notamment grâce aux mesures dont nous allons discuter un peu plus tard. Avis défavorable.
Défavorable. Je note d'ailleurs, madame Bareigts, que vous n'avez pas vraiment défendu vos amendements.
Vous avez affirmé que les demandeurs d'emploi étaient plus nombreux à La Réunion. C'est faux : ils sont moins nombreux, comme je l'ai annoncé tout à l'heure – et ce n'est pas moi qui le dis, mais Pôle emploi.
Vous m'accusez également de ne pas soutenir suffisamment les 40 % de la population vivant sous le seuil de pauvreté ; or je ne suis pas sûre que ces personnes attendent vraiment des exonérations sur les salaires supérieurs à 2 SMIC – leurs revenus sont bien inférieurs !
Vous dites, madame la ministre, qu'il y a moins de demandeurs d'emploi à La Réunion. Certes, on observe un léger frémissement en cette fin d'année 2019, mais les chiffres de 2018 présentés dans le document que j'ai cité font état d'une véritable dégringolade de la situation de l'emploi en 2017 et 2018. Ce sont des faits. Que la réforme mise en oeuvre soit suffisamment efficace pour que cette dégringolade ait pu être rattrapée en six mois, je veux bien l'entendre, mais cela me paraît difficile à croire.
En outre, nous avons tout à la fois la possibilité de mettre en oeuvre des aides et exonérations sur les bas et moyens salaires et le devoir d'instaurer d'autres exonérations sur les salaires plus élevés que touchent les encadrants. En effet, les jeunes diplômés ne reviennent pas à La Réunion, et lorsqu'ils retournent dans leur île natale, ils ne disposent pas d'une offre de salaires sur des postes d'encadrement à la hauteur de leur engagement. Or, bien souvent, leurs parents, qui appartiennent aux classes modestes et moyennes, ont fait beaucoup d'efforts, beaucoup de sacrifices, et aimeraient que leur enfant incarne la réussite dans leur territoire. Nous pouvons donc agir à la fois sur les bas et moyens salaires et sur les salaires plus élevés : l'un n'empêche pas l'autre.
Sur l'amendement no 1673 , madame la ministre, je voudrais que vous nous apportiez une réponse extrêmement précise. Je pense que vous faites une confusion ; c'est pourquoi je souhaite vous aider, et non vous enfoncer.
Monsieur le rapporteur spécial, vous vous rappelez certainement le débat que nous avons depuis longtemps sur le rétablissement de l'article 199 undecies du code général des impôts, qui permettait autrefois aux propriétaires occupant un immeuble dans les outre-mer de défiscaliser les dépenses liées à la réhabilitation de ce dernier. Cette possibilité a été supprimée et remplacée par un crédit d'impôt limité à la rénovation ou la restauration de logements HLM. En d'autres termes, vous avez déplacé la dépense fiscale de la réhabilitation privée pour des propriétaires occupants aux revenus moyens vers la réhabilitation du patrimoine HLM.
Notre collègue David Lorion a dit tout à l'heure quelque chose de très important : vous avez complètement oublié les propriétaires occupants aux revenus modestes ou faibles. Intellectuellement, spirituellement, numériquement, vous avez délégué les politiques en faveur de ces personnes à l'Agence nationale de l'habitat, l'ANAH. Or, à La Réunion, l'ANAH n'existe pas : elle est représentée par une grosse administration, la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement, la DEAL. Aussi ne savons-nous plus du tout qui finance la réhabilitation des logements pour les propriétaires occupants.
Vous disposez là d'une niche incroyable si vous voulez faire travailler le secteur du bâtiment et des travaux publics. Alors que certaines entreprises de ce secteur ferment, que faites-vous pour la restauration des bâtiments des propriétaires occupants ? Quels moyens financiers consacrez-vous à cette action ? En la matière, les chiffres sont les plus bas au monde : je n'ai jamais vu une telle hécatombe dans un domaine aussi important.
Ajoutons à tout cela la nécessité de doter les bâtiments de mécanismes de résistance aux secousses sismiques. De très nombreux quartiers de Martinique, de Guadeloupe et de Guyane ont besoin d'une réhabilitation sanitaire et structurelle.
La parole est à Mme Hélène Vainqueur-Christophe, pour soutenir l'amendement no 1605 .
Tous les amendements que je défendrai sont des amendements d'appel.
Les crédits inscrits sur la ligne budgétaire unique, qui concernent donc la politique du logement, sont en baisse de 32 millions d'euros depuis 2017. Qu'en sera-t-il l'année prochaine, lorsque vous ne pourrez plus compter sur les millions d'euros issus de la loi portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer, la loi DSIOM ?
Par cet amendement, nous proposons donc de revenir aux crédits alloués l'année dernière en augmentant la LBU de 10,5 millions d'euros. Comme nombre de mes concitoyens et nombre d'entreprises du secteur du logement, je suis véritablement inquiète du sous-investissement et de la sous-budgétisation auxquels nous assistons aujourd'hui et qui s'aggravent d'année en année.
Un budget ne sert à rien s'il n'est pas consommé. Je partage votre inquiétude, madame la députée. Pour moi, parler de sous-budgétisation est sans intérêt : parlons plutôt de la sous-exécution, et demandons-nous, comme notre collègue Lorion tout à l'heure, où sont les blocages ; parlons d'ingénierie. Le niveau des crédits proposé ici est bien supérieur au taux d'exécution des crédits votés l'année dernière. Avis défavorable.
En effet, la sous-consommation des crédits nous inquiète tous. Nous proposons 215 millions d'euros en AE pour l'année 2020, alors que nous n'avons pas été capables d'engager les 200 millions votés pour 2019. Il est évident que la somme que nous vous proposons aujourd'hui n'est pas à la hauteur des besoins des territoires d'outre-mer – tout le budget de l'outre-mer n'y suffirait pas ! Mais nous gardons la possibilité de redéployer en cours d'exécution les crédits du programme 123 en faveur de la LBU, et je le ferai en toute transparence vis-à-vis de l'ensemble des parlementaires si cela se révèle nécessaire. Je reste malheureusement persuadée que nous ne serons pas capables, en 2020, de consommer la totalité de ces crédits.
En revanche, nous travaillons à lancer une véritable dynamique dans les territoires ; je la crois d'autant plus probable que les résultats du plan logement sont très attendus, notamment par le secteur du BTP. Il faudra aller de plus en plus vite et de plus en plus loin d'année en année.
Vous ne m'avez toujours pas répondu sur la réhabilitation, madame la ministre, mais, vous connaissant et sachant combien vous respectez les parlementaires, je ne doute pas que cela viendra.
Vous avez vendu les bijoux de famille et il ne reste plus grand-chose. Les bijoux de famille sont importants non tant parce qu'il s'agit d'or, d'argent, des diamants que par le sentiment qu'ils donnent d'être propriétaire de quelque chose. Vous en avez tiré 45 millions pour cette année, mais combien en obtiendrez-vous à l'avenir ? Cela vous a permis d'augmenter artificiellement le financement du logement : tant mieux, ou tant pis ! Mais, je le répète, ce n'est pas seulement du matériel que vous vendez : c'est un esprit, une capacité d'ingénierie, de création.
Je n'ai jamais, en vingt ans de vie publique, entendu dire que la Martinique et la Guadeloupe ne consomment pas des crédits budgétaires parce qu'elles sont incapables de lancer des opérations ! Qu'est-ce que cela signifie ? Que nous sommes des incapables ? Je ne vous accuse pas d'être dans cet état d'esprit, mais ceux qui nous entendent pourraient en conclure que nous serions des tèbè, comme on dit en créole : des gens qui ne savent rien faire. Ce n'est pas le cas ! Nous serions capables d'agir si vous n'aviez pas recentralisé la politique du logement géré par les SIDOM, nous privant ainsi de notre capacité d'ingénierie locale. Or l'invention locale, l'imagination locale, c'est cela qui est important !
Vos 40 millions d'euros, employez-les à stimuler les collectivités locales, à travailler à nouveau à la mise à disposition du foncier, au désenclavement par les voiries et réseaux divers, à la reconfiguration des dispositifs d'accompagnement de la réhabilitation, si compliquée, des centres anciens, à la relance de la politique de lutte contre les logements insalubres. C'est ainsi que vous impulserez une dynamique de consommation active des crédits au niveau local, grâce à l'intelligence locale.
Puisque vous haussez le ton, je vais hausser le ton moi aussi, même si ce n'est bon pour personne ! Je ne comprends pas votre énervement : cette prétendue vente des bijoux de famille date de bien avant l'arrivée aux affaires du présent gouvernement ; je ne fais aujourd'hui que gérer le résultat de la vente, au service des territoires d'outre-mer. Mais je ne critique pas ce qui était à mon avis une bonne décision puisque nous manquons de force de frappe dans les territoires d'outre-mer, comme je l'ai dit tout à l'heure.
Je n'ai jamais dit et vous ne m'entendrez jamais dire que les ultramarins seraient des incapables !
Cela reviendrait à me traiter moi-même d'incapable puisque je suis une ultramarine – et j'en suis très fière ! Loin de moi l'idée que ces territoires ne compte pas suffisamment de gens compétents, de jeunes diplômés. Il s'agit d'un problème d'organisation. Les services de l'État ne disposent plus aujourd'hui de l'ingénierie leur permettant d'assurer un traitement rapide des dossiers. Les collectivités d'outre-mer rencontrent aujourd'hui des difficultés telles qu'elles n'ont pas toujours suffisamment de ressources pour financer une ingénierie locale. Quand je propose des crédits pour l'ingénierie, ce n'est pas pour que les services de l'État s'en servent mais pour que les collectivités puissent faire appel à des compétences locales afin d'aller plus vite et plus loin dans le traitement de ces dossiers.
Voyez le plan logement, monsieur le député : il répond exactement à toutes vos demandes. Or il ne vient pas seulement de moi – j'ai assisté à deux réunions – mais de tous ceux qui y ont participé, parlementaires, collectivités et professionnels travaillant sur le sujet : mon rôle s'est limité à ouvrir la séance et à valider leur travail au bout du compte. C'est là le résultat de la méthode de coconstruction que j'ai toujours privilégiée.
À peine nommée, j'ai lancé la conférence du logement en outre-mer, qui s'est tenue cette année – certes, cela fait deux ans et demi que je suis ministre, mais il y avait d'autres priorités à traiter au cours de la première année. Quoi qu'il en soit, nous sommes au rendez-vous, avec de nouveaux outils, une nouvelle dynamique, une nouvelle manière de faire qui devrait porter ses fruits – et si tel n'était pas le cas, il faudra très rapidement passer à l'évaluation. Je suis très pragmatique : personne n'a la science infuse, moi pas davantage que les autres.
Quant à l'appui à la réhabilitation du parc privé, la répartition budgétaire ne date pas d'aujourd'hui : elle est le fruit de l'histoire, l'ANAH finançant les propriétaires bailleurs et la LBU les propriétaires occupants – et les crédits consacrés à ce volet sont en hausse. J'aurais voulu que l'ANAH s'implique davantage encore dans les territoires d'outre-mer, mais d'autres choix ont été faits lors du lancement du plan logement par l'ensemble de ceux qui y ont été associés.
Pour la période 2019-2020, l'ANAH versera la prime unifiée aux propriétaires bailleurs et occupants, en compensation du crédit d'impôt aujourd'hui supprimé ; elle concerne notamment la rénovation énergétique. Nous devons utiliser l'ensemble des nouveaux outils créés par l'intermédiaire de l'ANAH, de la LBU et d'Action logement. Je sais que la défiscalisation n'est pas telle que vous la souhaitiez, mais je fais le pari que l'ensemble de ces outils nous permettront malgré tout d'apporter plus rapidement des solutions dans les territoires.
Il y a deux rengaines qui commencent à me pomper l'air, madame la ministre.
Sourires.
La première, c'est « ce n'est pas la faute de ce gouvernement si… » : cet argument doit être évacué, ne serait-ce qu'en raison du principe de continuité. S'il y en a un ici qui peut avancer cet argument, c'est moi plutôt que vous, mon collègue Letchimy et tous ceux qui ont soutenu le gouvernement qui a fait ce choix. Au moins, assumons le passé !
La seconde rengaine qui m'insupporte, c'est celle du manque d'ingénierie. Cela fait des décennies que nous construisons outre-mer ! Quand un maire ultramarin veut construire une nouvelle mairie, il fait appel à un bureau d'études et, éventuellement, il organise un concours d'architecture. Qu'est-ce qui a changé en 2019 pour vous autoriser à dire qu'on manque d'ingénierie outre-mer ?
Le problème est ailleurs. Le problème, c'est que, comme me l'expliquait mon collègue Lorion, les services locaux de l'État s'organisent pour freiner l'évolution des dossiers et arguer en fin d'année du retard pris par l'instruction de ces dossiers pour renvoyer leur traitement à l'année suivante. Arrêtons ! Ce n'est pas l'ingénierie qui pose problème outre-mer, c'est la volonté politique que les choses avancent.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
L'amendement no 1605 n'est pas adopté.
Avant de donner la parole à Mme Nadia Ramassamy, pour soutenir l'amendement no 1219 , je vous informe que, sur cet amendement, je suis saisi par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Vous avez la parole, ma chère collègue.
En mars 2018, lors de sa visite d'État en Inde, j'avais demandé au président Macron de rétablir l'allocation logement accession. Il s'y était engagé, et je salue le fait qu'il honore cet engagement, comme il l'a annoncé lors de son récent déplacement à La Réunion.
Toutefois, le projet de loi de finances ne remédie pas au problème du logement dans les outre-mer. La LBU est moins dotée qu'auparavant ; les crédits consacrés à l'accession à la propriété, au logement social et à la lutte contre l'habitat insalubre et indigne sont également en baisse, alors que l'on estime que celui-ci concerne plus de 100 000 logements dans les territoires ultramarins, sans compter l'habitat spontané.
Les besoins en matière d'amélioration de l'habitat sont donc considérables dans nos territoires. Mon amendement propose donc d'augmenter les crédits de l'action « Logement ».
Exclamations et sourires. – Mme Justine Benin applaudit.
… ainsi qu'à nos collègues Letchimy et Kamardine : il y a toujours eu sous-consommation budgétaire outre-mer, mais pas partout.
L'année dernière, certains territoires, tels que la Polynésie ou la Nouvelle-Calédonie, qui jusqu'ici arrivaient à absorber en cours d'année les crédits non consommés, n'y sont pas parvenus et ce problème de sous-consommation budgétaire a éclaté au grand jour.
Les mêmes causes produisant les mêmes effets, commençons par consommer les crédits qui nous sont proposés avant de vouloir les augmenter. Du reste, l'exposé sommaire de votre amendement mentionne la suppression de l'allocation logement accession sans signaler son rétablissement… Avis défavorable.
M. Mansour Kamardine s'exclame.
La LBU n'est pas moins dotée comme vous le dites, madame la députée, mais mieux dotée grâce au produit de la vente des participations dans les SIDOM.
C'est vrai, nous sommes très en retard dans le domaine du logement à La Réunion. Je peux pourtant vous donner un exemple de sous-consommation des crédits du logement dans ce territoire. Je l'ai déjà cité hier, mais vous n'étiez pas là, et je crois important de le répéter à ceux qui prétendent qu'il n'y a pas de problème de consommation des crédits budgétaires : les 24 millions d'euros d'AE alloués au projet Quadrilatère Océan ont été rendus, l'opération ne pouvant se faire pas en raison d'une défaillance de l'opérateur.
Quant à vous, monsieur Kamardine, qui êtes en permanence en contact avec vos concitoyens, les opérateurs et les collectivités, ce n'est pas compliqué de m'indiquer précisément les projets qui sont bloqués par les DREAL, et je peux vous assurer que vous obtiendrez une réponse. Depuis des mois, les préfets ont la consigne de « mettre la pression » sur les services de l'État pour qu'ils accompagnent les projets au lieu de les bloquer, …
… mais il faut que j'aie connaissance des difficultés qui existent pour que nous puissions les traiter.
Vous me dites par ailleurs qu'il n'y a pas de problème d'ingénierie. Pourtant, la première chose que les élus de Mayotte m'ont demandée quand je suis venue dans ce territoire au plus fort de la crise, c'est davantage d'ingénierie pour pouvoir combler les besoins considérables de Mayotte en infrastructures.
Madame la ministre, quand l'allocation logement accession a été supprimée, vous nous aviez dit que 900 dossiers étaient en cours de traitement par les services de l'État. Savez-vous combien il en reste qui ne sont toujours pas traités ? Près de la moitié ! Pourtant, les DREAL et les SEM comptent suffisamment de personnes compétentes, de même que les services d'aménagement des collectivités territoriales. Tous ces gens se voient, il n'y a pas de blocages ; il existe dans ces administrations des bureaux d'étude, des architectes.
La difficulté, ce sont les rouages, les mécanismes de décision : dans les outre-mer, ni les règles d'utilisation de l'argent public et de prise de décision ni les délais ne sont les mêmes que dans le reste du territoire national. C'est pourquoi j'ai proposé, hier et ce matin encore, de créer une mission d'information pour comprendre où se situe le blocage. Le problème ne tient pas nécessairement à l'ingénierie, mais, souvent, aux procédures et aux processus de décision entre les services de l'État et les collectivités locales. Évitons de répéter l'année prochaine les mêmes remarques relatives à l'ingénierie et de répartir les fonds de la même manière, sans accélérer le traitement des dossiers !
J'ai l'impression que la question de l'ingénierie est devenue le serpent de mer ou la tarte à la crème de nos débats ! Quand on refuse d'accroître les crédits d'une ligne budgétaire alors que c'est nécessaire, on nous dit que nous ne savons pas les consommer. Il en a été de même s'agissant de l'eau en Guadeloupe : lors d'une fameuse réunion au cours d'une visite ministérielle, on nous a dit que nous ne pouvions pas réparer les tuyaux parce que nous n'avions pas l'ingénierie pour le faire, alors que le nerf de la guerre – qui nous manque – , c'est l'argent. En Guadeloupe, il faut cinq ans, pas moins, pour voir aboutir un dossier de demande d'aide pour l'amélioration de l'habitat.
Je soutiens donc mes collègues qui demandent la création d'une mission d'information sur ce thème…
… car le blocage se situe au niveau des rouages de l'État, du département ou de la région. Les gens ne voient pas leurs dossiers examinés et sont obligés de demander aux parlementaires d'intervenir auprès d'un agent administratif ou d'un élu pour faire avancer leur demande, tandis que leur maison au toit en tôle ondulée fuit durant la saison des pluies – qui dure six à huit mois.
Il faut donc arrêter de ressortir cette histoire d'absence d'ingénierie. Il y a, dans les outre-mer, notamment en Guadeloupe, des personnes qui ont fait leurs études en métropole et qui reviennent comme ingénieurs métropolitains ; ils ont fait fonctionner les infrastructures pendant des années. Il faut arrêter avec cette histoire d'ingénierie car cela nous infantilise et nous infériorise par rapport à la métropole !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LR et UDI-Agir.
Pour abonder dans le sens de nos collègues, je prendrai l'exemple de la fameuse garantie d'emprunt nécessaire pour les projets de construction ou de rénovation des logements sociaux. Pour qu'un projet soit validé, il faut la délibération du conseil départemental puis du conseil municipal, et d'autres formalités encore. Rien que ces procédures peuvent prendre six mois.
Pour ce qui est de l'instruction des dossiers, résoudre les difficultés exige, à un moment donné, de travailler en commun. Pour conclure la procédure, il faut, une ou deux fois dans l'année, réunir les collectivités et les services concernés – direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement, direction administrative et financière, etc. – autour du préfet. Sinon on s'envoie des courriels et des lettres avec accusé de réception sans fin ; or tout cela, c'est du temps et donc de la souffrance pour les familles. Donc oui à une mission d'information pour évaluer l'état des choses, mais prenons également des mesures concrètes, pragmatiques, réelles, pour débloquer les situations.
Enfin, comme je l'avais souligné l'année dernière, l'augmentation des moyens du FEI ajoute de nouvelles tâches aux services des communes, déjà très sollicitées – en outre-mer comme en métropole. Entre les routes et les écoles, elles ont déjà une masse de travail conséquente. Par exemple, à Saint-Denis, le dédoublement des classes a exigé 3 millions de travaux en deux ans ; cela se traduit par une sollicitation accrue des services, qui n'étaient pas organisés pour y faire face.
Par-dessus, on ajoute encore les sollicitations liées au FEI ; à un moment, ce n'est plus possible, ni humainement ni techniquement. Je pense donc qu'augmenter continuellement les ressources du FEI, c'est recentraliser la décision à Paris. Il faut trouver une autre façon de gérer les appels à projets, notamment avec les contrats de convergence négociés sur le territoire et planifiés sur un, cinq ou dix ans. Cela me semble fondamental : à force d'être sollicitées, les collectivités n'y arrivent plus.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LR et UDI-Agir.
Donc il y a bien trop d'argent !
Je voudrais qu'on s'attarde un peu plus sur la question d'ingénierie, que je connais pour avoir conduit plusieurs missions – notamment sur le financement de la restauration du patrimoine – dans le cadre de la commission des affaires culturelles.
Le désengagement de l'État de certains services d'accompagnement en matière de maîtrise d'ouvrage, qu'il proposait autrefois aux collectivités, mais aussi la complexité de plus en plus grande des montages de financement créent une vraie difficulté dans notre pays, tous territoires confondus. Ce n'est pas une question de compétence ni de formation ou de mauvaise volonté des collectivités. La situation est peut-être pire encore dans les territoires ultramarins, mais il existe de façon générale un vrai déficit d'assistance à maîtrise d'ouvrage et d'aide au montage de projets, en matière d'ingénierie comme en matière financière, qui ralentit énormément les financements ; le problème concerne l'ensemble du pays et nous devrions y travailler collectivement.
Je pense aussi que nous avons tous intérêt à voir ce budget gagner en sincérité. La ministre l'a justement rappelé : on nomme des problèmes qu'on constate au quotidien dans nos territoires – métropolitains comme ultramarins. Bien sûr, on peut reconduire le budget en refusant de reconnaître les difficultés. Toutefois – je rejoins M. Lorion – nommer le problème, c'est le début de la solution. L'étape d'après consiste à chercher les causes structurelles de la difficulté à consommer les crédits, mais l'effort de sincérité affiché dans ce budget mérite d'être souligné. C'est un premier pas qui doit nous permettre d'améliorer les procédures et l'efficacité des financements, donc de faciliter le montage des opérations et d'en augmenter la rapidité de réalisation.
Je voudrais également rebondir sur ce thème car le problème est le même en matière de défiscalisation. Le sujet est récurrent, mais quelle solution faut-il choisir ? Opter pour la sincérité budgétaire, qui voudrait, puisqu'on n'est pas capable de consommer les crédits, qu'on les baisse, ou bien doubler les moyens pour faciliter l'accès à ces crédits ? Nous sommes prêts à travailler avec l'AFD pour créer une plateforme d'ingénierie dans les outre-mer, mais soyons ambitieux pour nos territoires et faisons-leur confiance. C'est le coeur du problème : tous les ans, avec mes collègues de Calédonie, nous demandons la décentralisation de l'instruction, mais on ne nous fait pas confiance. Nous passons donc notre temps à accomplir des allers-retours entre administrations.
Je suis heureuse de voir que nous sommes très nombreux sur ces bancs et je remercie les collègues de l'Hexagone présents au débat. Je sais que vous connaissez aussi cette difficulté dans vos circonscriptions ; vous voyez la complexité que représente le fait d'être à une heure de train de tel ou tel service. Alors imaginez ce qu'il en est quand vous êtes à vingt-deux heures d'avion, et qu'en plus, en Polynésie, vous reprenez encore trois heures d'avion à l'intérieur même de la collectivité ! Il faut nous donner des moyens conséquents, financiers et techniques, et non réduire les crédits au prétexte qu'on ne pourrait pas les consommer ; je ne suis pas en phase avec cette vision.
En conséquence, par solidarité, nous soutiendrons l'amendement. Il faut marquer le fait que ce type de réponse n'est pas acceptable, surtout au regard des besoins criants et urgents de nos territoires, notamment de La Réunion.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 81
Nombre de suffrages exprimés 79
Majorité absolue 40
Pour l'adoption 24
Contre 55
L'amendement no 1219 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Hélène Vainqueur-Christophe, pour soutenir l'amendement no 1606 .
Dans son rapport sur l'exécution budgétaire de la mission « Outre-mer » pour 2018, la Cour des comptes pointait : « Malgré la priorité affichée du ministère de promouvoir un habitat décent et adapté aux populations d'outre-mer [… ] les dépenses budgétaires en faveur du logement n'ont jamais été aussi faibles qu'en 2018 ». La Cour précisait par ailleurs l'existence d'« un écart significatif, de plus de 60 millions d'euros, entre prévision [… ] et réalisation [… ] de dépenses consacrées à la construction de logements locatifs sociaux » ainsi qu'« une sous-exécution des crédits dédiés à la diminution des situations les plus précaires et informelles ».
Partant de ce constat interrogeant la capacité des collectivités à porter des projets, le ministère a, cette année, décidé de flécher 7 millions d'euros sur l'action « Logement » pour financer des missions d'ingénierie et d'assistance à maîtrise d'ouvrage en faveur des collectivités. C'est une démarche que nous demandions et que nous soutenons. Cependant ces 7 millions d'euros sont pris directement sur une LBU, déjà en diminution de 10,5 millions d'euros, et représentent autant en moins pour la construction et la rénovation. Par le présent amendement, nous proposons donc que les 7 millions s'ajoutent aux 215 millions de la LBU.
L'ingénierie représente une question importante. J'aimerais rassurer les collègues, notamment M. Letchimy et M. Mathiasin : il ne s'agit pas d'un mépris vis-à-vis des territoires ultramarins car les défauts, dans ce domaine, se situent à trois niveaux. Tout d'abord, on manque d'ingénierie au niveau de l'État, depuis que la DGOM a été bousculée, il y a quelques années. Ensuite, on en manque au niveau des services déconcentrés de l'État, notamment des préfectures. Enfin, le manque est également sensible au sein des collectivités territoriales. Il ne s'agit donc pas de stigmatiser ces dernières, le problème étant général. En outre, l'ingénierie est aussi à prendre au sens large, au-delà du seul corps des ingénieurs. Je suis donc d'accord avec M. Lorion quand il dit qu'il faut comprendre ce qui bloque et pourquoi, et comment débloquer la situation au niveau législatif ou réglementaire.
Madame Vainqueur-Christophe, la commission ne s'est pas prononcée sur l'amendement, mais, à titre personnel, j'y suis favorable.
C'est la deuxième fois qu'on me prête des propos que je n'ai pas tenus. Madame Sage, vous affirmez qu'on vous dit : puisque vous ne consommez pas les crédits, on les réduit. Mais c'est faux ! Depuis qu'on a découvert, en juin, que la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie ne pouvaient pas régler le problème de sous-consommation des crédits, vieux de plusieurs années, j'essaie de me saisir de cette difficulté – comme de toutes les difficultés que je rencontre au ministère des outre-mer. J'ai ainsi travaillé sur la question du chlordécone, des sargasses et de la viande bovine à La Réunion ; je n'ai refusé d'affronter aucun sujet difficile, et je m'en occupe personnellement.
Je préside moi-même les réunions et j'essaie d'avancer sur tous les sujets.
De la même manière, je me suis saisie de la question de la sous-consommation des crédits et je ne lâcherai pas. J'y reviendrai plein de fois parce que nous devons trouver des solutions.
L'une d'elles, et je rejoins Mme Bareigts, peut être apportée par le Haut Conseil de la commande publique, que nous avons relancé à La Réunion. D'ailleurs, la Bretagne a commencé de s'inspirer de cet exemple en organisant des réunions régulières entre les donneurs d'ordres et tous ceux qui répondent aux marchés publics, afin de mieux connaître les blocages, réagir très vite et être opérationnel. C'est cela aussi, être pragmatique, et je crois qu'on peut généraliser ce type d'outil sans qu'il soit nécessaire que les uns donnent des leçons aux autres. Je vous mets d'ailleurs au défi de me citer une seule fois où moi, ultramarine, j'aurais donné une leçon à des ultramarins.
Je cherche des solutions, et certains territoires d'outre-mer en proposent, comme La Réunion, je viens de l'évoquer. Je suis certaine que d'autres peuvent être partagées afin que nous puissions répondre plus vite aux besoins des territoires.
Je me suis exprimé sur ce sujet important dans mon rapport, après que nous l'avons évoqué en commission des lois et à la délégation aux outre-mer. Je suis également, à titre personnel, favorable à cet amendement.
En effet, il ne va pas à l'encontre de ce que vient d'affirmer la ministre ; il ne va pas à l'encontre de son intention ni de la déclaration qu'elle a prononcée hier devant de la délégation des outre-mer – nos collègues ici présents s'en souviennent très bien. C'est précisément parce que vous allez diriger cette expertise, madame la ministre, qui, je l'espère, associera les députés des différents territoires, que nous pourrons imaginer des solutions.
Cet amendement donne un premier signal, et j'estime que, cette année, on ne peut pas sanctionner la sous-consommation de crédits ; cela reviendrait à être rappelé au tribunal après avoir été jugé. Il faut en effet prendre en compte différents facteurs endogènes, exogènes, structurels, historiques, très compliqués à résoudre, certainement, madame la ministre, mais, au moins, le message que délivre cet amendement va dans votre sens et celui de nos collègues des différents territoires.
Je suis très heureux que les rapporteurs donnent un avis aussi pertinent, aussi positif. Vous savez, madame la ministre, qu'il y a dix ou vingt ans, il suffisait de sacrifier, aux abords des villes, un espace foncier, souvent d'origine agricole, pour construire 500 ou 1 000 logements, dans ce qu'on appelle « des cités », en Guadeloupe ou en Guyane, notamment. Désormais, à cause de la rareté du foncier, les opérations de construction de logements sont beaucoup plus compliquées : au lieu de construire 400 ou 500 logements d'un coup, on est obligé de lancer dix ou vingt programmes de dix, vingt ou trente logements. Nous faisons donc face à une complexité liée au foncier.
À cet égard, l'amendement de notre collègue Vainqueur-Christophe est très pertinent. En effet, qui prend l'initiative de faire construire des logements ? Ce ne sont pas seulement les opérateurs, mais ce sont les mairies, les EPCI – les établissements publics de coopération intercommunale – , les collectivités en général. Mais, pour déterminer les conditions d'accès au foncier, son désenclavement et son aménagement, on a besoin d'une ingénierie pertinente – et non globale, c'est là que je vous donne raison – , grâce à laquelle on sera capable de considérer que, à tel endroit, on pourra construire trente logements dans telles conditions – c'est un coeur de ville, entre plusieurs bâtiments, le sol est mauvais et il faut donc l'adapter, etc.
Cet amendement va donc, je le répète, dans le bon sens. Peut-être, d'ailleurs, pourriez-vous ajouter les 40 millions d'euros que vous avez prévus pour l'ingénierie à la prise en compte de la charge foncière exceptionnelle, liée à la complexité du foncier. C'est ainsi que vous réglerez une partie du problème.
L'amendement no 1606 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Nadia Ramassamy, pour soutenir l'amendement no 1216 .
Nos compatriotes ultramarins habitent trop souvent dans des logements insalubres, sans parler de cet habitat informel qui persiste dans nos territoires. De même, l'incertitude, pendant de nombreux mois, sur l'avenir de l'allocation logement accession, a provoqué une grave crise dans le secteur du bâtiment. C'est sans doute pourquoi l'opérateur n'a pas utilisé les fonds dédiés. Je propose donc à nouveau d'augmenter les crédits consacrés au logement afin d'en finir avec les logements indignes dans les territoires ultramarins.
Le drame qui a eu lieu rue d'Aubagne, à Marseille, il y a un an, doit nous inciter à redoubler d'efforts dans la lutte contre l'habitat indigne et insalubre.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
L'intention est bonne mais il ne s'agit que d'ajouter 300 000 euros aux 215 millions d'euros de l'action « Logement ».
L'amendement no 1216 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Hélène Vainqueur-Christophe, pour soutenir l'amendement no 1608 .
Le présent amendement vise à obtenir des éclaircissements de la part du Gouvernement sur l'action 04 du programme 138. Cette action, créée par le PLF pour 2019, porte, je vous le rappelle, sur des dispositifs nouveaux issus des ressources dégagées par les réformes fiscales adoptées l'an dernier comme l'extinction de la taxe sur la valeur ajoutée non perçue récupérable et la réforme de l'impôt sur le revenu. L'an passé, bien que favorables à des mesures nouvelles en faveur du tissu économique, nous dénoncions l'origine de leur financement, à savoir la ponction opérée par le biais des réformes faites sur le dos des contribuables.
Pour 2020, nous constatons que cette ligne budgétaire subit une très importante baisse de 32 millions d'euros puisqu'on passe de 56 millions d'euros à 24 millions. Notre lecture est-elle la bonne ? Ces financements sont-ils appelés à disparaître en 2020 ?
Enfin, le bleu budgétaire précise : « Par manque d'information et d'accompagnement, les entreprises ultramarines sont peu enclines à participer à des appels à projet nationaux. » Doit-on comprendre que ce fait justifie le resserrement des crédits ?
En 2019, 23,5 millions d'euros étaient programmés en autorisations d'engagement et ce montant passe à 24,3 millions d'euros, soit une hausse de 3 %. De même, les crédits de paiement augmentent. Puisque, contrairement à ce que vous avancez, les crédits ne baissent pas, l'avis est défavorable.
L'amendement no 1608 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 1667 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Ericka Bareigts, pour soutenir l'amendement no 1668 .
Il porte sur un sujet dont nous avons longuement débattu en séance avec la ministre du travail à l'occasion de la discussion du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Nous y sommes revenus, avec plusieurs députés d'outre-mer, lors de rendez-vous avec le cabinet de la ministre, et nous y avons travaillé au sein de la délégation aux outre-mer. Il s'agit pour nous de mettre en évidence, avec le passage aux coûts contrats, de l'éventuelle inadaptation du coût déterminé concernant les apprentis des territoires et départements d'outre-mer. En effet, certaines formations ne sont pas proposées dans nos territoires, si bien qu'un jeune doit prendre l'avion pour suivre ailleurs la formation qu'il souhaite.
Se pose dès lors la question de savoir qui va payer ce surcoût – qui fait partie de la formation professionnelle. Ne peut-on pas prendre en compte, dans le coût contrat, cette difficulté structurelle ? Si l'ordonnance a été prise, elle n'aborde que la difficulté sociale du jeune – ce qui est déjà positif – , mais ne prend absolument pas en compte la question des distances.
Par cet amendement d'appel, nous vous invitons à trouver une solution pour pallier le surcoût d'une formation professionnelle, dû à la mobilité vers l'Hexagone mais aussi vers les pays limitrophes – j'ai, dans le même sens, fait adopter à l'unanimité deux amendements visant à ouvrir la formation en alternance dans les entreprises qui résident dans les grands pays situés dans nos bassins respectifs. Il nous faut de votre part, madame la ministre, monsieur le rapporteur spécial, une réponse très claire si nous voulons donner à nos jeunes la chance de réussir leur parcours professionnel.
Cette question relève de la mission « Travail et emploi » ; aussi la commission ne s'est-elle pas prononcée. L'avis est défavorable.
Je suis ravie que nous ayons pu travailler tous ensemble sur les réponses à apporter à la question. On m'informe que les OPCO – opérateurs de compétences – peuvent prendre en charge la mobilité. Nous allons le vérifier. Si c'est le cas, la réponse est trouvée ; si ce n'est pas le cas, nous aviserons. L'avis est défavorable.
L'amendement no 1668 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Ericka Bareigts, pour soutenir l'amendement no 1669 .
Nous avons déjà longuement évoqué l'ingénierie. La solution que vous proposez, madame la ministre, consiste en un accompagnement par l'AFD. Pourquoi n'utilise-t-on pas – c'est le sens du présent amendement – , ne mobilise-t-on pas l'ANCT, l'Agence nationale de la cohésion des territoires ? Notre collègue Maina Sage a demandé à plusieurs reprises que l'outre-mer soit représenté au sein de celle-ci. Elle ne peut sans doute pas répondre à l'ensemble des problèmes liés à l'ingénierie – elle concerne en effet certains types de collectivités. Reste que l'on peut déjà utiliser un organisme existant, ce qui nous fera gagner un peu d'argent, par le biais de l'AFD.
Vous posez de nouveau la question de l'ingénierie – et à propos. Le rôle de l'Agence nationale de la cohésion des territoires mérite d'être éclairci. Il est vrai que l'effort du Gouvernement est évident pour Mayotte et la Guyane. Je proposerai moi-même d'abonder de 2 millions d'euros, qui seraient consacrés au renforcement de l'ingénierie, les crédits de l'action « Aménagement du territoire » du programme 123. Vous proposez pour votre part d'augmenter ces crédits de 28 millions d'euros… Sur le principe, même si la commission ne s'est pas prononcée, j'y suis favorable à titre personnel.
L'ANCT exerce ses prérogatives sur l'ensemble du territoire – donc dans les territoires d'outre-mer également. Elle va se mettre en place à partir du 1er janvier prochain. Peut-être la montée en puissance de l'ANCT nous permettra-t-elle d'économiser de l'argent en ingénierie ainsi que nous le prévoyons aujourd'hui. Toutefois, franchement, l'AFD peut aller beaucoup plus vite parce qu'elle connaît les territoires d'outre-mer, et nous n'avons pas de temps à perdre. Je souhaite le maintien, pour 2020, des efforts importants en matière d'ingénierie et nous verrons ensuite de quelle manière l'ANCT pourrait intervenir dans les territoires d'outre-mer. L'avis est défavorable.
Il serait vraiment très intéressant de disposer d'un point clair sur l'action de l'AFD : où intervient-elle, comment, pendant combien de temps ? J'y avais procédé pour Mayotte concernant l'eau – question nécessitant alors un accompagnement particulier. Pour l'heure, comme nous savons que le problème que j'ai soulevé est essentiel et que l'AFD s'en occupe, je souhaite que vous nous fournissiez, madame la ministre, un retour précis de son action.
Je vous propose de vous répondre en juin prochain, à l'occasion de l'examen du projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2019.
L'amendement no 1669 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l'amendement no 1132 .
Il vise à dénoncer la baisse des crédits alloués à l'action « Logement » du programme « Conditions de vie outre-mer ». Sans tenir compte de l'inflation, les crédits de paiements diminuent de 29 millions d'euros – de 32 millions si l'on tient compte de l'inflation.
Depuis la signature du plan logement outre-mer, en 2015, l'action en faveur du logement doit être un axe majeur de nos politiques publiques. Mais comment une politique publique aussi importante que celle du logement – en particulier le logement locatif social, sur lequel nous avons beaucoup insisté, ou très social, et l'hébergement d'urgence – pourrait-elle constituer une priorité si on diminue ses crédits ? Vous voyez bien que cela n'a pas de sens !
Madame la ministre, j'espère que vous connaissez la situation désastreuse du logement outre-mer. Des dizaines de milliers d'ultramarins sont dans l'attente de trouver un logement. Avant d'y parvenir, ils subissent souvent des conditions de vie indignes dans des logements insalubres. Combien d'entre eux vivent encore dans des cases en tôle, notamment à Mayotte ? Combien sont en grave danger dès qu'un événement climatique survient ? Nous ne pouvons accepter cette baisse de crédits. C'est le sens de notre amendement.
Je crois, monsieur Ratenon, que vous venez de défendre l'amendement no 1133 au lieu du no 1132. Ce dernier vise à supprimer plus de 26 millions des crédits du programme « Conditions de vie outre-mer » en faveur des conditions de vie outre-mer ! En procédant ainsi, vous faites disparaître les crédits dédiés à l'appui à l'accès aux financements bancaires. J'y suis défavorable.
L'amendement no 1132 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Monsieur Loïc Prud'homme, considérons-nous que l'amendement no 1133 a déjà été défendu ?
Non, Jean-Hugues Ratenon a bel et bien soutenu l'amendement no 1132 . Les amendements nos 1132 et 1133 sont deux amendements d'appel fondés sur un transfert de crédits de l'action 09 « Appui à l'accès aux financements bancaires » du programme 123 vers des fonds d'urgence.
En l'espèce, il s'agit de transférer 25 millions d'euros vers un nouveau fonds d'urgence de lutte contre la vie chère dans les outre-mer, problème majeur. L'État reconnaît ce problème puisqu'il octroie une prime de vie chère à ses fonctionnaires, mais une grande partie de la population ne bénéficie malheureusement pas d'aide spécifique pour pallier cette différence de niveau de vie avec l'Hexagone. Les études de l'INSEE montrent régulièrement des disparités de prix allant jusqu'à 38 % pour les denrées alimentaires.
Le chômage de masse et les bas revenus engendrent une situation de pauvreté accrue dans nos territoires ultramarins : elle est plus de deux fois supérieure à celle constatée au niveau hexagonal. Les familles éprouvent de plus en plus de difficulté à payer leurs factures, à se soigner, à se déplacer, à accéder à la culture, etc. Nous considérons que cette situation n'est pas en adéquation avec les droits fondamentaux de nos concitoyens ultramarins.
J'évoquais la cherté des denrées alimentaires, et la question du développement des agricultures locales ultramarines se pose également. Dans nombre de territoires ultramarins, pour ne pas dire dans la grande majorité d'entre eux, plus de 80 % des denrées sont importées alors qu'il y aurait moyen de développer une agriculture locale, ou plutôt des agricultures locales, afin de tendre vers une plus grande autonomie alimentaire.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
L'amendement no 1133 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour soutenir l'amendement no 1136 .
Il s'agit d'un nouvel amendement d'appel et de dénonciation. Nous proposons que 25 millions d'euros soient redéployés de l'action « Appui à l'accès aux financements bancaires » vers un nouveau fonds d'urgence d'aide supplémentaire à la continuité territoriale, destiné à aider à la continuité territoriale de tous les outre-mer. Droit de valeur constitutionnelle, la continuité territoriale doit être l'affaire de l'État. Assurée en partie par ce dernier, mais également par certaines collectivités d'outre-mer, la continuité territoriale telle qu'elle existe ne suffit pas et elle est injuste. À La Réunion, les contribuables financent en grande partie leur continuité territoriale par l'intermédiaire de la région. Il convient de rectifier une situation injuste et aberrante qui pénalise fortement la population réunionnaise. Nous proposons de remplacer la participation des collectivités ultramarines par la création d'un fonds d'urgence d'aide supplémentaire.
Monsieur Ratenon, je vais faire attention à ce que je dis vous concernant, car certains propos peuvent faire l'objet de montages que l'on retrouve sur les réseaux sociaux…
Sourires.
La continuité territoriale est importante et la question que vous posez est fondamentale. Pour financer votre nouveau fonds, vous prélevez 25 millions d'euros dans le programme « Conditions de vie outre-mer », sans dire comment vous financerez l'appui au financement bancaire que vous privez de ces crédits.
De nombreux amendements traitent de la continuité territoriale, et je suis sûr que Mme la ministre est sensible à ce sujet ; cependant je suis défavorable à votre amendement.
Cet amendement est le premier qui traite de la continuité territoriale ; il y en aura d'autres, et nous aurons l'occasion d'en débattre.
Je fais toutefois observer, s'agissant de la politique de continuité territoriale menée par la région Réunion, qu'il s'agit d'un choix de sa part.
Nous n'avons pas à nous substituer à elle ou à intervenir dans ses choix.
Il est vrai que la continuité territoriale fait partie des missions de LADOM, l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité, qui est en mesure de mettre en place un certain nombre de dispositifs spécifiques. Certains ne sont pas mis en oeuvre, car le dispositif local – appelons-le ainsi – est plus avantageux, plus intéressant et qu'il répond peut-être davantage à certaines attentes ; le Président de la République a eu l'occasion de s'exprimer sur le sujet. Nous parlerons ultérieurement de LADOM, car je crois qu'il est nécessaire de revoir les différentes aides.
La continuité territoriale a fait l'objet d'un rapport demandé par la ministre chargée des transports ; j'ai eu l'honneur de le rédiger après avoir organisé plusieurs auditions.
Lorsqu'on parle de ce sujet, on néglige deux enjeux. La continuité territoriale ne vaut pas seulement entre l'outre-mer et Paris, même si elle s'impose dans ce cas car les écarts de prix d'une période à l'autre sont proprement scandaleux et restent à la charge de la population locale. Le billet d'un vol entre Fort-de-France et Paris passe, selon la période, de 300 ou 400 euros à 1 200 euros. Je parle bien du même trajet, du même fauteuil, au même horaire. L'État a décidé que tout serait régulé par le marché ; il a choisi la concurrence entre compagnies. Cette solution fonctionne pendant les périodes dites « creuses », mais pas dans les périodes d'affluence. On oublie aussi la question de l'autre continuité territoriale : la continuité territoriale interne. Le prix du billet d'avion entre la Guadeloupe et la Martinique est passé de 80 à 250 euros. Il y a le scandale de la liaison entre Fort-de-France et Cayenne : le prix du billet est deux fois supérieur à celui d'un vol entre Fort-de-France et Paris !
Nous devons vraiment essayer de tout faire pour remédier à cette fracture sociale. Nous sommes dans une République. En la matière, les Corses ont gagné un combat. Je ne fais pas de procès d'intention aux Corses mais, en tout cas, pour des raisons historiques, ou peut-être d'autres raisons, l'État respecte la continuité territoriale entre la Corse et ce qu'on appelle « l'Hexagone ». Les moyens mis en oeuvre dans ce cadre n'ont rien à voir avec ceux consacrés à la continuité territoriale de l'outre-mer.
Je fais miens les propos de M. Letchimy. Madame la ministre, je vous ai interrogée sur la continuité territoriale entre les territoires d'outre-mer, plus précisément entre les départements français d'Amérique. J'ai l'impression que vous n'avez pas répondu à ma question : vous m'avez seulement indiqué que cette compétence relevait des collectivités territoriales.
J'apporte mon soutien à l'amendement no 1136 présenté par M. Ratenon, car nous avons toujours considéré que le fait de naître en outre-mer ne devait pas constituer un handicap. Nombre d'études comparatives montrent pourtant qu'il n'y a pas photo entre ce que doivent payer un habitant de Cayenne, de Fort-de-France ou de La Réunion et un habitant de Nice ou de Marseille s'ils veulent se rendre à Paris, par exemple pour des raisons impératives de santé, en raison du décès d'un proche ou pour passer un concours ou un examen.
Je crois que nous sommes victimes d'une sorte de pénalisation alors que nous n'y sommes pour rien. Pour toutes ces raisons, qui nous paraissent impératives, nous répétons, et nous continuerons de le faire autant de fois que nécessaire, que le maintien de la continuité territoriale doit relever d'une compétence régalienne. Il est de la compétence de l'État d'assurer la continuité entre les territoires éloignés de l'Hexagone et la France hexagonale. Il ne s'agit pas de faciliter les villégiatures à Paris – même si l'on pourrait imaginer que les habitants des outre-mer puissent séjourner dans la capitale en touristes, comme le font les Marseillais ou les Corses. Nous parlons de séjours pour des raisons impératives et majeures. Il faudra que nous nous donnions les moyens de répondre enfin sérieusement à cette question.
L'amendement no 1136 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Hélène Vainqueur-Christophe, pour soutenir l'amendement no 1607 .
Il vise à maintenir au niveau de l'an dernier les crédits de l'action 04 du programme 123. Cette action regroupe plusieurs interventions, d'une part dans le domaine sanitaire et social, d'autre part en matière culturelle, sportive et en faveur de la jeunesse.
Nous comprenons bien évidemment des baisses de crédits qui correspondent soit à l'arrêt du financement de projets achevés, soit à des transferts vers d'autres programmes. Pour autant, nous comprenons mal pourquoi ces sommes ne sont pas conservées dans le budget de la mission pour financer d'autres actions sanitaires et sociales. Chacun sait qu'en la matière, les projets et les besoins ne manquent pas.
Par ailleurs, il est bon de rappeler qu'en 2019, selon le bleu budgétaire de 2018 : « Cette action bénéficie de 4 millions d'euros en AE et 4 millions d'euros en CP issus de la rebudgétisation de la TVA non perçue récupérable (NPR) et de la réforme de l'abattement de l'impôt sur revenu dans les départements d'outre-mer. » Alors que ces sommes sont toujours ponctionnées sur les contribuables et les entreprises, que l'état sanitaire et social continue de se dégrader outre-mer, de tels montants paraissent définitivement perdus pour l'outre-mer au profit du budget de l'État.
Tout ce qui concerne la jeunesse, la culture et le sport est important en outre-mer plus qu'ailleurs. La baisse de crédits dont vous faites état interpelle. Je suis sûr que le Gouvernement aura des explications clairvoyantes. Je donne un avis de sagesse.
Madame Vainqueur-Christophe, vous proposez de revenir sur des baisses de crédits décidées soit en raison de débasage – je pense au transfert de l'allocation vieillesse de Saint-Pierre-et-Miquelon vers les fonds de solidarité vieillesse – soit parce que nous sommes arrivés à la fin de programmes d'investissements – comme c'est le cas pour le service oncologie de Papeete. Il y a aussi les réflexions en cours, par exemple sur la construction du contrat de convergence avec la Polynésie française, en lien avec le rapport d'inspection sur l'avenir du soutien au RSPF – le régime de solidarité de ce territoire.
Il y a donc bien des explications concernant chaque baisse de crédits, et rien ne justifie que l'on réintègre les 15,5 millions d'euros en question. Les actions que vous visez pour ce montant n'existent donc plus, il faudrait en conséquence que vous nous indiquiez à quoi seraient consacrés ces crédits.
L'amendement no 1607 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Ericka Bareigts, pour soutenir l'amendement no 1676 .
Il se rapproche de celui que vient de soutenir Mme Vainqueur-Christophe. Madame la ministre, nous pensons en particulier à la valorisation du sport. Les jeunes sont nombreux sur nos territoires. La pratique sportive est en outre une nécessité, à deux titres : tout d'abord, de manière évidente, pour la cohésion sociale ; ensuite pour l'estime de soi, car elle incarne la réussite et renforce la confiance, toutes choses dont la jeunesse a particulièrement besoin.
Or nos associations sportives sont en grande difficulté, et pas seulement du fait de la perte des contrats aidés. Nous avons besoin de nouvelles infrastructures, d'infrastructures de proximité, dont nous manquons, et pas nécessairement de grosses infrastructures. Elles doivent être implantées au plus près de la jeunesse, dans les quartiers, pour favoriser la pratique sportive.
L'amendement alerte le Gouvernement sur la baisse de 15 millions des crédits de l'action « Sanitaire, social, culture, jeunesse et sports », alors que nous devons continuer d'investir dans le sport, la jeunesse et la culture, et initier de nouveaux projets.
Pour les mêmes raisons que celles précédemment évoquées, c'est un avis de sagesse.
Vous savez à quel point je suis attentive à ce sujet, essentiel pour notre jeunesse. Mon premier métier était celui de conseillère d'éducation populaire et de jeunesse. Le sport, l'éducation populaire et le soutien à la vie associative font partie de mes priorités, ce dont témoignent les trois éléments suivants.
Tout d'abord, nous avons doublé les crédits du FEBECS, le fonds d'échanges à but éducatif, culturel et sportif. C'était indispensable et nous allons continuer de soutenir ce fonds, pour répondre notamment aux besoins de mobilité des clubs sportifs.
Ensuite, vous le savez, j'ai demandé à trois ministères de venir abonder le FEBECS : le ministère des sports, bien entendu, mais aussi le ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse, et le ministère de la culture. Pour le moment, seul le ministère des sports s'est engagé à lui apporter son soutien, mais j'espère que les autres ministères seront également au rendez-vous.
Et 7 millions d'euros au titre du ministère des outre-mer plus 7 millions au titre du ministère des sports seront attribués aux contrats de convergence et de transformation des structures sportives, il convient de rappeler aussi cela.
Enfin, le FEI est également venu soutenir cette année – comme sans doute par le passé – les projets d'infrastructures sportives de différentes communes.
J'ajouterai à ces différents éléments l'augmentation de l'enveloppe associative.
Nous sommes donc au rendez-vous des projets ! Mon avis sera défavorable sur l'amendement. Je reste cependant à l'écoute et, s'il est nécessaire d'aller plus loin dans le soutien à la pratique sportive, nous le ferons.
Le FEBECS est très difficile à mobiliser sur les territoires, car les clubs sportifs ne savent pas qu'il existe. Un effort mériterait donc d'être fourni pour le faire mieux connaître sur le terrain.
Ce fonds a également été créé pour favoriser les déplacements des jeunes dans la zone, ce qui paraît essentiel pour favoriser l'ouverture des territoires et développer leurs relations avec les pays voisins.
De toute évidence, pour les projets sportifs, culturels ou liés à l'éducation, les structures, qu'elles soient associatives ou qu'elles appartiennent à l'éducation nationale, ne sollicitent pas assez le FEBECS, à mon sens.
L'amendement no 1676 n'est pas adopté.
Le rapporteur spécial a dit « sagesse » et il vote contre ! Il est aux ordres des élites !
Sourires.
La parole est à Mme Ericka Bareigts, pour soutenir l'amendement no 1674 .
Cet amendement d'appel porte sur un sujet qui nous tient particulièrement à coeur : la pêche à la légine dans les Terres australes et antarctiques françaises, les TAAF. Cette activité est réglementée par l'État, et c'est une bonne chose : il faut gérer la ressource ; on doit être intraitable sur les quotas.
En trois ans, le chiffre d'affaires des armements de pêche australe a augmenté de 60 % en 2017, et il s'élevait à 129 millions d'euros ; c'est donc une affaire qui rapporte : …
… de l'or blanc.
Il se trouve que la procédure a été modifiée afin de n'ouvrir les quotas qu'à des pêcheurs ayant reçu l'autorisation de la pratiquer, la nouvelle procédure s'accompagnant d'un cahier des charges. Or, parmi les critères retenus pour sélectionner les candidats, figure celui de la création d'emplois directs et indirects sur le territoire, et certaines entreprises locales ont vu leur demande rejetée du fait de ce critère. Voyez-vous où je veux en venir, madame la ministre ?
Comment et sous quelle forme pourrons-nous être informés, de manière transparente, des créations d'emplois effectives, dans un territoire, liées à la pêche de la légine ? L'or blanc rapporte beaucoup d'argent à des entreprises qui ne sont pas pleinement ancrées dans les TAAF mais ont été autorisées à pratiquer cette pêche au terme des appels à projets. La question est donc importante. Un manque de transparence serait, je pense, source de nombreuses frustrations et forcément de colère.
Le sujet est important, en effet, mais il n'est pas du ressort de la mission « Outre-mer ». L'avis est défavorable.
Cela mérite tout de même quelques explications.
Vous avez raison, madame Bareigts, la pêche à la légine est un sujet sérieux. Ce poisson est peu consommé dans les territoires français, mais davantage dans d'autres pays. Il peut être, en effet, qualifié d'« or blanc ».
Une révision du plan de gestion de la pêche a eu lieu, avec des appels à projets et des attributions de licences. J'ai déjà eu l'occasion de rappeler, devant l'Assemblée, les priorités du Gouvernement en la matière.
Il m'importe, comme à vous, que la richesse des territoires d'outre-mer, terrestre ou maritime, leur profite. Puisque nous avons créé le critère des créations d'emplois directs et indirects à La Réunion, il nous faudra en effet faire le point chaque année sur leur nombre précis, que je viendrai vous présenter.
Vous savez sans doute que l'un des candidats non retenus au terme du processus d'attribution des licences a déposé un recours. Nous aurons également l'occasion de revenir sur ce dossier.
Je regrette que mon collègue Olivier Serva, président de la délégation aux outre-mer, ait quitté l'hémicycle, car j'avoue ne pas avoir bien compris quand il a déclaré que la pêche à la légine ne concernait pas la mission « Outre-mer ».
La France s'enorgueillit d'être la deuxième puissance mondiale grâce aux pays d'outre-mer, comme nous l'a rappelé le président de l'Assemblée nationale ce midi, dans un brillant discours. Et voilà qu'on nous demande, comme l'aurait dit Aimé Césaire, d'être étrangers à notre propre géographie.
Je ne m'adresse pas à vous, madame la ministre, mais je réagis à la réponse du rapporteur spécial.
Le développement des pays d'outre-mer – Mayotte, La Réunion, la Martinique et la Guadeloupe – n'est pas strictement lié à leur organisation interne. Il est fondamentalement lié à un besoin d'émancipation, à un besoin de nouer des relations avec les pays voisins. Rien n'a de sens sans cette dynamique maritime d'échanges à travers le cabotage, la recherche en matière de biodiversité marine ou les politiques énergétique, culturelle et sportive.
L'amendement no 1674 est certes un amendement d'appel, mais il est temps de sortir le ministère des outre-mer de son ghetto et de donner un véritable sens au mot « mer », afin que le rayonnement de ces territoires ne pâtisse plus du rapetissement d'une pensée rivée aux dynamiques locales.
Le dernier plan triennal de gestion de la pêche à la légine contenait en effet le cahier des charges que vous avez validé, madame la ministre, avec les autres ministères. Ce cahier des charges prévoit un retour sur investissement pour les économies locales et la création d'emplois localisés dans les territoires insulaires de La Réunion.
Mes collègues Ericka Bareigts et Serge Letchimy ont insisté sur la nécessité d'évaluer, tous les ans ou tous les trois ans, les retombées réelles de cette activité. J'ajoute qu'il serait possible de créer une filière pêche en créant une formation sur les métiers de l'économie maritime. Nous avons du retard dans ce domaine. Il est très important que les jeunes réunionais puissent bénéficier de la présence des armateurs à La Réunion, mais aussi en Bretagne et dans l'Atlantique, pour profiter d'une multitude de terrains de stage.
Cette activité des Terres australes et antarctiques françaises pourrait ainsi bénéficier aux jeunes de La Réunion comme à ceux de tous les autres départements d'outre-mer. Cette filière ne peut se constituer qu'avec des leaders nationaux et internationaux, qui pourront accompagner ce travail de formation, qui doit, selon moi, être clairement inscrit dans les résultats attendus des pêcheurs ayant obtenu l'autorisation d'exploiter cet or blanc que constitue la légine, soumise à quotas.
Un projet de lycée des métiers de la mer est actuellement envisagé à La Réunion.
Vous avez raison, et c'est pourquoi nous avons fixé, parmi les critères à remplir, l'obligation de formation. Le livre bleu outre-mer a fixé l'échéance suivante : avant la fin du quinquennat. Ainsi, avant la fin du quinquennat, nous devrions donc avoir à La Réunion, comme dans les autres territoires d'outre-mer, un lycée de la mer. Je veillerai à ce que les engagements pris dans le livre bleu soient tenus ; vous avez raison, 2025, c'est trop tardif.
Quant à la légine, il s'agit en effet d'une véritable richesse, qu'il nous faut préserver. Je rappelle qu'elle est gérée sur place par la préfète des TAAF. Le sujet est donc bien géré localement, même si je suis attentive au dossier.
L'amendement no 1674 n'est pas adopté.
La parole est à M. Philippe Dunoyer, pour soutenir l'amendement no 440 .
Il concerne le fonds de secours sollicité en cas d'aléas climatiques majeurs. La délégation sénatoriale à l'outre-mer a rendu en 2018 un rapport d'information sur les aléas climatiques majeurs et mentionné, en toute transparence, l'audition à laquelle vous aviez participé, madame la ministre. Elle a conclu, fin 2017, que les moyens de ce fonds étaient notoirement sous-évalués, ce que l'année 2018 a malheureusement confirmé.
L'amendement vise à doubler les crédits alloués au fonds de secours pour les porter de 10 millions à 20 millions. Cette somme ne sera évidemment pas suffisante, mais elle nous rendra un peu mieux armés face aux futurs aléas.
Nous savons d'expérience que les territoires d'outre-mer sont de plus en plus exposés aux effets du réchauffement climatique. Nous sommes tous d'accord ici, j'en suis sûr, pour considérer qu'un matelas un peu plus épais permettra de pallier, dans l'urgence, les difficultés des populations exposées. L'ouragan Irma et le cyclone Oma sont autant d'arguments plaidant pour le renforcement de ce fonds.
Je finirai sur une note un peu plus légère, en rappelant qu'Émile de Girardin a dit : « Gouverner, c'est prévoir. » Vous ne pouvez qu'être convaincue, madame la ministre !
Rires.
Ayant entendu ce dernier argument, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée !
Rires et exclamations.
Il est vrai que j'ai évoqué le fonds de secours avec les sénateurs de la délégation sénatoriale à l'outre-mer. L'ouragan Irma venait de frapper Saint-Martin et le montant de 10 millions d'euros pouvait alors paraître faible. Comme vous, je ne le trouvais pas suffisant. Il correspond cependant à une moyenne annuelle, que nous avons calculée.
Cela étant, je suis bien obligée de reconnaître que, si l'on augmente les crédits du fonds de secours et qu'il n'y a pas de crise, ils ne seront pas consommés et l'on devra y renoncer la prochaine fois. Je ne veux pas entrer dans ce cycle et je préfère prévoir 10 millions d'euros, quitte à faire passer ses crédits à 20 millions d'euros s'il y a une crise comme en 2018 – année où le budget du fonds avait atteint 20,3 millions d'euros. L'ouverture de crédits que je propose n'est donc pas prise sur l'enveloppe des autres actions dans les territoires d'outre-mer. L'année où j'ai pris la tête de ce ministère, je vous aurais suivi, monsieur Dunoyer, mais je suis à présent plus prudente vis-à-vis de ce mode de fonctionnement.
Cet amendement d'appel met clairement en lumière la difficulté croissante à laquelle nous serons confrontés pour gérer les risques et les catastrophes qui peuvent s'ensuivre.
Nous avons reçu ce matin, à la commission du développement durable, la présidente du Haut Conseil pour le climat, qui a rendu son rapport en juin. Elle nous a dit que la France est aussi en retard dans le domaine des risques parce qu'il n'y a pas de cohérence des politiques publiques. Ainsi, on est en train de réduire les effectifs qui travaillent dans les stations de Météo France des outre-mer tout en travaillant à un plan général de cohérence et d'amélioration de la prévention des risques naturels sur ces territoires. La cohérence ne se situe pas seulement dans l'augmentation des budgets mais aussi dans l'harmonisation des actions.
L'amendement no 440 n'est pas adopté.
Puis-je considérer, monsieur Dunoyer, que l'amendement no 460 , similaire, a été défendu ?
J'indique tout de même qu'au rythme où nous progressons, il reste encore cinq heures de débats sur cette mission, sachant qu'il y en a une autre après et qu'il faut penser à nos collègues qui l'examineront. J'invite les uns et les autres à accélérer le rythme.
Mon observation ne vous était pas personnellement destinée ; elle concernait l'ensemble des intervenants, y compris les autres rapporteurs et le membre du Gouvernement !
Je serai bref, mais l'objet de cet amendement est différent du précédent puisqu'il se situe en amont, dans le domaine de la prévention des risques, en proposant de doter davantage l'équivalent du fonds vert. C'est un sujet que ma collègue Maina sage et moi connaissons bien, et qu'elle a eu l'occasion de présenter il y a peu de temps.
Je rappelle que, très bizarrement, les collectivités du Pacifique ne sont éligibles ni au fonds Barnier ni au fonds vert construit sur la base de la COP21, et que cette bizarrerie a abouti à la création de ce qu'on pourrait qualifier de « fonds vert » au sein de la mission « Outre-mer ». Nous proposons une solution de prudence, probablement insuffisante, la délégation sénatoriale aux outre-mer suggérant dans son rapport, comme beaucoup d'entre nous ici, la création d'un fonds structurel extrabudgétaire dédié, ce qui permettrait d'éviter les aléas de sous-consommation en fonction de la réalité des situations.
J'interviens au nom des territoires du Pacifique, eux aussi très exposés, certains disent même les premiers exposés aux effets du réchauffement climatique et de la montée des eaux. C'est aussi une réalité dans nombre de territoires non français qui, situées dans cette partie du monde, subissent déjà la montée des eaux. Si les effets de celle-ci sont malheureusement souvent irréversibles, il serait symboliquement important que le fonds vert de la mission « Outre-mer » soit doté de crédits complémentaires.
M. le rapporteur pour avis fait référence à un rapport sénatorial qui préconise la création d'un fonds ad hoc pour le Pacifique. Je crois que le Gouvernement va nous indiquer sa façon de voir les choses. J'émets pour ma part un avis de sagesse.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.
J'ai vérifié, parce qu'on en a parlé hier en commission, et je puis confirmer qu'il y a bien des prêts à taux zéro consentis par l'AFD dans le cadre du fonds vert – même si tout dépend en effet des cas.
J'ai également vérifié si l'enveloppe prévue – 42 millions d'euros au total, dont 24 millions d'euros à destination du fonds vert mis à la disposition de l'AFD par le ministère des outre-mer – était utilisée en totalité : il y a un reliquat de 2 millions d'euros, ce qui signifie qu'on n'est pas au taquet des projets. Les crédits que je propose répondent donc sinon aux besoins, du moins aux demandes. J'émets un avis défavorable.
Le mécanisme du fonds vert consiste en des prêts, pas en des subventions. Ces prêts à taux zéro à destination des collectivités et des services publics représentent une aide conséquente, même compte tenu de l'économie réalisée par l'absence d'intérêts à payer. M. Dunoyer propose de créer un fonds qui permettrait de financer directement. J'insiste sur ce point, car si l'on a réussi à répondre aux demandes par ce mécanisme de prêts bonifiés, c'est un pis-aller, nos collectivités ne pouvant accéder à aucun autre fonds ! C'est un vide juridique ! Il n'est pas normal que la Polynésie, du fait de son statut autonome comme celui de la Calédonie ou d'autres territoires, ne puisse accéder à des fonds nationaux, si, en plus, on la considère trop française pour avoir droit aux fonds européens ou à d'autres fonds internationaux ! Car telle est la réalité : c'est bien parce que nous sommes français que nous ne pouvons y accéder.
Selon moi, ce nouveau fonds ad hoc répondrait aussi à une urgence face au risque climatique, parce que je rappelle que les territoires du Pacifique regorgent de petites îles, des îles basses par rapport au niveau de la mer, notamment des atolls – la France en détient 20 % du nombre total dans le monde, presque tous situés dans le Pacifique. De plus, 90 % des pollutions que l'on subit émanent d'autres territoires que les nôtres.
À tous points de vue, cet amendement me semble apporter une réponse de bon sens. Le problème ne sera peut-être pas réglé cette après-midi. Néanmoins, madame la ministre, on en a déjà beaucoup discuté ensemble, et j'espère que le Gouvernement arrivera à créer un dispositif spécifique au niveau européen.
D'ici là, il faut absolument que vous preniez en compte le vide juridique actuel pour permettre à nos territoires d'accéder à ce type de subventions.
L'amendement no 460 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Claire Guion-Firmin, pour soutenir l'amendement no 1185 .
Il vise à transférer 2 millions d'euros de l'action 01 du programme « Emploi outre-mer » vers l'action 06 du programme « Conditions de vie outre-mer », afin de doter le Fonds de secours de 2 millions d'euros complémentaires. Il est regrettable, vue la vulnérabilité de nos territoires ultramarins, que les moyens de ce fonds soient aussi limités et ne lui permettent pas d'assumer correctement sa mission actuelle ni les défis majeurs à venir.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mme Maina Sage applaudit également.
Pour les mêmes raisons que sur l'amendement no 440 , c'est un avis de sagesse.
L'amendement no 1185 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Sur l'amendement no 1226 , je suis saisi par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Nadia Ramassamy, pour soutenir cet amendement.
Les inégalités d'accès à la santé entre l'Hexagone d'une part, les territoires ultramarins de l'autre, demeurent très préoccupantes. Pour preuve, l'espérance de vie est inférieure de plusieurs années dans ces derniers, la mortalité des prématurés plus forte, tout comme la mortalité infantile globale. La malnutrition, l'exposition à des substances toxiques, l'exposition à des maladies vectorielles, les déserts médicaux, la pénurie de spécialistes et la situation financière très difficile des centres hospitaliers sont des phénomènes qui frappent encore davantage les territoires ultramarins.
Aussi mon amendement vise-t-il à doter de crédits supplémentaires l'action 04 « Sanitaire, social, culture, jeunesse et sports ».
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe LR
puisque les déserts médicaux sont en effet plus importants en outre-mer.
Vous proposez cependant d'abonder la ligne budgétaire « Sanitaire, social, culture, jeunesse et sports » alors que je ne suis pas sûr que ce soit la bonne. Il faudrait plutôt inscrire cette augmentation de crédits dans le cadre plus structurant de la politique de la santé et de la solidarité. La commission ne s'est pas prononcée. À titre personnel, j'émets un avis de sagesse.
Tout d'abord, je tiens à dire que la ministre des solidarités et de la santé est très engagée dans les territoires d'outre-mer et a bien conscience des difficultés que chacun d'eux rencontre.
Et puis j'ai une information importante : la réforme de la vignette du rhum, que vous avez votée en première partie de ce PLF, va entrer en application à partir du 1er janvier 2020 ; à terme, elle permettra d'alimenter un fonds qui atteindra 30 millions d'euros au fur et à mesure de la montée de la taxe. C'est bien votre assemblée qui en a décidé ainsi. C'est aussi le signe d'un renforcement de la prévention dans les territoires d'outre-mer. Je rappelle que 280 000 euros ont été alloués à des associations oeuvrant dans ce secteur par le ministère des outre-mer.
L'avis est défavorable.
Vous dites que vous reportez une enveloppe sur une autre, mais il n'y a aucune évaluation à ce jour. Je pense qu'il vous faut revoir votre réponse.
Madame la ministre, vous nous dites que ce fonds de 30 millions abondé par la taxe sur le rhum, c'est pour la prévention. Je vous rappelle que je fais partie de ceux qui se sont opposés fermement, l'année dernière, à son augmentation. Mais je crois que nous n'aurons plus besoin de cette somme pour la prévention puisque le Gouvernement a décidé d'installer cent radars en Guadeloupe sur les 450 prévus pour toute la France en 2018-2019 ! Cent radars sur 1 035 kilomètres de route, soit un tous les 10 kilomètres ! Du jamais vu !
Sourires.
Il est vrai qu'on a eu trente-deux morts en Guadeloupe depuis le début de l'année, dont dix-sept piétons ou conducteurs de deux-roues ; à ce train-là, nous n'aurons plus besoin de crédits pour la prévention… Comme il devrait alors ne plus y avoir d'accidents de la route et donc plus aucun mort, je vous propose de diminuer ou de conserver le nombre de radars si vous le voulez, mais en tout cas de consacrer les économies ainsi réalisées aux questions de prévention et d'abonder l'action 04, comme le propose ma collègue, c'est-à-dire d'augmenter les possibilités de soigner.
M. Maxime Minot applaudit.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 71
Nombre de suffrages exprimés 68
Majorité absolue 35
Pour l'adoption 23
Contre 45
L'amendement no 1226 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Nicole Sanquer, pour soutenir l'amendement no 1478 .
Le programme cadres avenir a été lancé en Nouvelle-Calédonie en 1989, après les accords de Matignon, notamment pour que les Kanaks puissent y occuper des postes à responsabilités, grâce à une formation dispensée dans l'Hexagone. Ce dispositif favorise la formation de cadres moyens et supérieurs pour répondre à un objectif de rééquilibrage économique et social, en formant les natifs des territoires ultramarins aux postes à hautes responsabilités.
En Nouvelle-Calédonie, le dispositif a porté ses fruits. Ainsi, dans la police nationale, 95 % des commandants de police sont calédoniens, et seuls 24 des 421 fonctionnaires de police sont métropolitains. Il en va de même dans la gendarmerie et dans l'enseignement. Au vu de ce succès, le programme cadres avenir a été étendu à Wallis-et-Futuna et à Mayotte à la rentrée 2018.
Le présent amendement vise à en faire bénéficier la Polynésie française, afin de favoriser l'accession des Polynésiens aux postes à hautes responsabilités et de participer à l'océanisation des cadres.
Le dispositif cadres avenir est un succès en Nouvelle-Calédonie, et j'estime qu'il devrait être généralisé à tous les outre-mer. Mme Sanquer propose qu'il soit appliqué en Polynésie française. J'y suis, à titre personnel, tout à fait favorable, même si la commission des finances ne s'est pas prononcée.
Il est défavorable.
La Nouvelle-Calédonie est effectivement concernée par un programme très spécifique, à savoir le dispositif cadres avenir, qui s'intitulait « 400 cadres » lorsqu'il a été créé pour accompagner le projet de cette collectivité. Nous l'avons étendu très récemment, à titre exceptionnel, à Mayotte, afin de prendre en considération à la fois la grande faiblesse des offres de formation post-baccalauréat et l'évolution démographique sans précédent qui caractérisent ce territoire, que l'on ne rencontre pas dans les autres outre-mer. Je ne suis pas favorable, à ce stade, à l'extension de ce dispositif au-delà de la Nouvelle-Calédonie et de Mayotte.
Je souhaitais intervenir brièvement, puisque la discussion fait appel à mes souvenirs concernant ce magnifique dispositif, qui fonctionne très bien depuis trente ans en Nouvelle-Calédonie. J'entends les arguments de Mme la ministre, selon lesquels les situations diffèrent d'un territoire ultramarin à l'autre, mais là n'est pas le propos de ma collègue Nicole Sanquer : cette dernière souhaite tirer les enseignements d'un dispositif qui, en trente ans, a su s'adapter à l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie, mais qui montre surtout que les jeunes y ont besoin d'un accompagnement particulier.
Pour que cet amendement – auquel j'apporterai modestement mon soutien – ne reste pas lettre morte dans l'hypothèse où il ne serait pas adopté cette après-midi, j'espère, madame la ministre, que vous défendrez auprès de votre collègue la nécessité de développer une stratégie plus large, à l'échelle des autres territoires, afin que soient créés, lorsque l'occasion s'en présentera, des dispositifs équivalents, en Polynésie française ou dans d'autres départements d'outre-mer.
L'amendement no 1478 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Nadia Ramassamy, pour soutenir l'amendement no 1217 .
Le présent projet de loi de finances fait l'impasse sur deux problèmes majeurs pour les outre-mer : les féminicides et les violences contre les femmes, plus nombreuses en outre-mer que dans l'Hexagone.
Si 2,3 % des habitantes de la métropole ont été victimes d'agressions physiques par leur ancien conjoint durant les douze derniers mois, ce taux atteint 17 % en Polynésie française et 19 % en Nouvelle-Calédonie. De même, à La Réunion, les forces de l'ordre sont intervenues plus de 6 000 fois à domicile pour des faits de violences conjugales en 2018 ; La Réunion se classe au troisième rang des départements dénombrant le plus de féminicides, après la Guyane et la Corse.
La secrétaire d'État Marlène Schiappa a créé un fonds national pour lutter contre ces violences, mais nous ne savons pas quelle part de ces moyens bénéficiera aux outre-mer. Le présent amendement vise donc à créer un fonds spécifique aux territoires ultramarins pour lutter contre les violences faites aux femmes. Doté de 5 millions d'euros, il aurait vocation à aider les femmes victimes de violences conjugales et leurs enfants à charge dans la poursuite de leurs activités, à leur garantir un logement, ou à les guider dans leurs démarches administratives et judiciaires.
Vous avez raison, madame Ramassamy, quand vous indiquez que les violences sont plus nombreuses en outre-mer que dans l'Hexagone, et, quand elles sont perpétrées, elles sont plus graves. La secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes a d'ailleurs lancé un Grenelle contre les violences conjugales. Le groupe La République en marche a quant à lui monté une équipe, qui s'est rendue en outre-mer – en l'occurrence en Guadeloupe, où elle a organisé une conférence. Nous attendons les conclusions du Grenelle, qui se terminera le 25 novembre, pour aviser. Je salue notamment l'action de Raphaël Gérard, de Stéphanie Atger et de Guillaume Gouffier-Cha, qui se sont transportés sur place. J'ai toute confiance en leurs propositions pour améliorer l'action en faveur des outre-mer.
En attendant, j'émets un avis de sagesse, la commission des finances ne s'étant pas prononcée sur cet amendement.
Il est défavorable. Je précise que Marlène Schiappa se trouve actuellement à La Réunion pour débattre de la question.
Comme vient de l'indiquer M. Serva, président de la délégation aux outre-mer, plusieurs collègues et moi-même nous sommes rendus, voilà une quinzaine de jours, dans deux territoires ultramarins : la Guadeloupe et la Martinique. Notre groupe de travail a remis hier une centaine de propositions à Marlène Schiappa, dans le cadre du Grenelle contre les violences conjugales.
Il nous semblait essentiel de bien prendre en considération la spécificité – que vous évoquez, madame Ramassamy – des territoires ultramarins et des réponses qu'ils apportent. Il importait également de montrer que ces territoires sont souvent des lieux d'initiatives. Nous avons ainsi eu l'occasion de faire remonter de bonnes, voire de très bonnes pratiques appliquées notamment à la Martinique – je remercie notre collègue Josette Manin pour nous y avoir aiguillés vers les bons interlocuteurs – , où nous avons constaté que des solutions à la fois efficaces et susceptibles de servir de modèle à décliner dans d'autres territoires, y compris hexagonaux, sont appliquées.
Soyez donc assurée que nous sommes particulièrement vigilants quant à ce suivi et que nous veillerons à ce que des réponses concrètes et efficaces, tenant compte des spécificités de chaque territoire ultramarin et encourageant ces initiatives, soient apportées par la secrétaire d'État Marlène Schiappa.
Les violences faites aux femmes sont un problème universel ! Elles ne sont pas propres aux territoires d'outre-mer !
L'examen des amendements donne toujours lieu à beaucoup de discours. Alors que l'on examine le projet de budget consacré aux outre-mer, on nous fait savoir que Mme Schiappa se trouve à La Réunion. Elle a visiblement mal choisi son moment, puisque tous les parlementaires sont présents ici : elle devrait revoir son emploi du temps !
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et FI. – M. Max Mathiasin, rapporteur pour avis, applaudit également.
Par ailleurs, les réponses qui nous sont apportées évoquent de futures études et des actions à venir. C'est pourtant aujourd'hui que l'on votera sur le projet de budget !
Et c'est aujourd'hui que des femmes meurent sous les coups de leur compagnon !
Lorsque Mme Schiappa a annoncé la création d'un fonds national, on ne nous a pas précisé dans quelle mesure les outre-mer en bénéficieraient. Nous demandons que les moyens soient accrus maintenant. Les femmes battues étant plus nombreuses à la Réunion – ou plus généralement dans les outre-mer – ,…
… c'est maintenant que nous devons voter un budget qui en tire les conséquences. Il faut arrêter d'annoncer que l'on va réaliser des études puis prendre des mesures. Nous parlons ici de l'égalité entre les femmes et les hommes, et nous devons agir maintenant ! Les femmes mortes à cause des violences sont toujours plus nombreuses. C'est donc dès à présent qu'il faut traiter de la question, à l'occasion de l'examen de ce projet de budget pour l'outre-mer, et non dans plusieurs mois !
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et FI.
L'amendement no 1217 n'est pas adopté.
Sans doute une femme battue en outre-mer n'est-elle pas la même qu'une femme battue à Paris…
La parole est à Mme Nicole Sanquer, pour soutenir l'amendement no 1472 .
La série d'amendements que je m'apprête à défendre traduit plusieurs recommandations du rapport d'information sur la continuité territoriale dans les outre-mer.
Comme vous le savez, l'aide à la continuité territoriale consiste à prendre en charge une partie du titre de transport pour les résidents ultramarins désireux de se rendre dans l'Hexagone.
La continuité territoriale est un principe très fort, qui participe du désenclavement de nos territoires. Rappelons que l'article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 dispose : « La France est une République indivisible ». En Polynésie française, ne bénéficient de ce dispositif que les personnes qui y résident depuis plus de six mois et sont rattachées à un foyer fiscal dont le quotient familial est inférieur à 14 108 euros. L'ayant droit doit attendre quatre ans pour que ses droits se rechargent. En 2018, 492 Polynésiens ont bénéficié de l'aide à la continuité territoriale.
Le présent amendement vise à accroître les crédits alloués à ce dispositif, afin de relever le plafond de ressources fixé pour définir l'éligibilité à cette aide. Trop de Polynésiens s'en voient en effet refuser le bénéfice, alors que le prix des billets d'avion reste très élevé.
Pour financer cette augmentation de crédits, nous proposons de diminuer ceux du programme 138. Il n'est pas envisagé, néanmoins, de réduire les moyens alloués au financement de l'économie outre-mer ; il s'agit simplement de se conformer aux exigences de la loi organique relative aux lois de finances.
Tout ce qui concerne la continuité territoriale est important. Cette question fait d'ailleurs l'objet d'une des seules lignes consacrée aux outre-mer par le Président de la République dans son programme électoral.
Vous proposez, par le présent amendement, que j'ai cosigné, d'abonder de 3 millions d'euros les crédits consacrés à cette aide. J'y suis, à titre personnel, tout à fait favorable, même si la commission ne s'est pas prononcée.
Cher collègue, l'intérêt du débat parlementaire consiste précisément à discuter. Lorsque je rends un avis de sagesse, il est toujours possible que la ministre me convainque, par ses arguments, de changer de position. C'est tout l'intérêt de l'écoute active et mutuelle.
Plusieurs amendements portant sur ce thème, je me propose de répondre de façon détaillée sur le présent amendement, ce qui me permettra de traiter plus rapidement les suivants.
Je suis moi aussi très attachée à ce que les citoyens ultramarins conservent un lien fort avec l'Hexagone. Tel était l'objectif de la mise en place du dispositif d'aide à la continuité territoriale. Cette aide, dont l'objectif consiste à réduire les frais de transport, peut être simple ou majorée : elle comporte deux volets. Nous devons pouvoir nous interroger sur cet état de fait.
J'ai entendu vos critiques, qui sont fondées. Il est vrai, par exemple, que les plafonds n'ont pas été révisés depuis neuf ans : ils ont été fixés en 2010 et ont depuis lors été maintenus au même niveau. Il pourrait donc paraître légitime de rouvrir ce dossier.
Je rappelle par ailleurs qu'en 2015, nous sommes passés d'un droit annuel à un droit triennal et avons approuvé une baisse de l'aide simple. Nous aurions pu, à cette occasion, soulever à nouveau la question des seuils. Cela ne signifie pas, néanmoins, que nous ne devons pas le faire maintenant. C'est pourquoi je vous propose de créer un groupe de travail sur l'aide à la continuité territoriale, afin d'étudier les modalités selon lesquelles nous pourrions majorer le premier seuil, et peut-être évacuer la question de l'aide simple. Cela permettrait probablement de répondre aux besoins de nos concitoyens du Pacifique, en leur proposant des montants d'aide accrus et donc plus conformes au coût des billets dont ils s'acquittent. La vérité est en effet simple : le prix d'un trajet vers la Polynésie française n'est pas comparable à celui d'un billet d'avion vers les Antilles – même si ce dernier reste onéreux – , et cet aspect n'a pas forcément été assez pris en considération.
Je suis donc d'accord pour rouvrir cette question, mais pas de cette manière et pas aujourd'hui. L'avis défavorable mais le Gouvernement est ouvert au débat.
L'amendement no 1472 n'est pas adopté.
La parole est à M. Philippe Dunoyer, pour soutenir l'amendement no 399 .
Il traite de la même question et porte, du reste, sur un montant identique à celui que proposait l'amendement de Mme Sanquer. J'ajouterai toutefois quelques mots sur ce problème que Mme la ministre a du reste bien résumé.
Ce dispositif, qui remonte à dix-sept ans – il a en effet été créé en 2002 – a évolué à deux reprises seulement, et très peu ces dernières années, voire pas du tout, comme c'est notamment pour ce qui concerne les seuils. Or le coût de la vie dans nos territoires a continué d'évoluer, et pas dans le bon sens. Ces causes ont un effet connu : une réduction régulière du nombre de bénéficiaires.
Un groupe de travail est une perspective très intéressante, à laquelle je souscris pleinement. Il est en effet utile et très important de revoir, d'indexer et de pondérer le dispositif en fonction à la fois du coût des transports selon les territoires et du pouvoir d'achat réel, plutôt que du niveau de revenu moyen de ces territoires. De fait, quand le coût de la vie est élevé, le niveau de revenu est lui aussi un peu plus élevé, mais le pouvoir d'achat des habitants de ces territoires est beaucoup plus faible, ce qui limite pour eux la possibilité d'assumer le prix d'un billet – pour la Nouvelle-Calédonie, par exemple, celui-ci peut atteindre de 1 500 à 2 000 euros. Compte tenu des plafonds existants, l'aide, qui couvre, lorsqu'elle est applicable, la moitié du prix du billet, permettrait peut-être à ses bénéficiaires – s'ils pouvaient payer l'autre moitié, ce qui n'est de toute façon pas le cas – de se rendre en métropole, mais ils ne pourraient rien y faire, faute d'avoir les moyens de se loger, de se restaurer ou de se déplacer.
Ce dispositif commence à tourner en rond et ne fonctionne plus. Je souscris donc à l'appel à revoir le dispositif en profondeur, auquel Mme la ministre a du reste déjà répondu.
Madame la ministre, je salue la création de ce groupe de travail, que vous venez d'annoncer. La délégation aux outre-mer, très sensible à cette annonce, ne manquera pas de se rapprocher de vous très rapidement pour constituer ce groupe. Pour les mêmes raisons que précédemment, je suis favorable à cet amendement.
Pour éclairer l'ensemble de l'Assemblée, je précise que le chiffre sera inférieur à celui qui vient d'être évoqué. Pour la Polynésie française, la prise en charge du billet d'avion représente 25 % du prix, elle est de 41 % pour la Guadeloupe et pour la Martinique ainsi que pour La Réunion, de 35 % pour Mayotte et de 38 % pour la Guyane. Nous devrons donc examiner à nouveau ce dispositif afin de le rendre plus juste et plus équitable.
L'amendement no 399 est retiré.
La parole est à M. Gabriel Serville, pour soutenir l'amendement no 1559 .
Madame la ministre, monsieur le rapporteur, laissez-moi vous dire à quel point je suis déçu par vos réponses.
Le principe de continuité territoriale répond à deux objectifs : le premier est effectivement d'assouplir les problèmes de cohésion nationale ; le deuxième s'inscrit en corollaire du principe d'indivisibilité de la République. Souvent, en effet, nous nous entendons rétorquer qu'il n'est pas possible de sortir du cadre républicain, au motif précisément que la République est une et indivisible. Or elle n'a jamais été une, car la Constitution a parfaitement reconnu sa pluralité. Et elle n'est pas non plus indivisible – si nous voulions consacrer le principe de l'indivisibilité, il faudrait précisément que nous facilitions les déplacements des habitants des outre-mer entre ces territoires et la France hexagonale.
Il s'agit là d'une demande récurrente, qui revient systématiquement sur le tapis depuis plusieurs législatures et à laquelle on nous apporte systématiquement les mêmes réponses. La dernière fois que nous en avons parlé, monsieur le président de la délégation aux outre-mer, c'était, je le rappelle, à la suite de la remise du rapport rédigé par nos collègues Adam, Bassire, Michel et Sanquer, dont notre délégation a pris le temps de souligner l'excellente qualité.
Contrairement à ce qui a été dit dans cet hémicycle, il ne faudrait pas reporter encore aux calendes grecques la réponse attendue par nos collègues et par les populations de nos territoires. Nous pouvons certes nous donner le temps de mettre en place une petite commission de travail pour peaufiner les détails et voir comment mieux répartir les moyens, mais il est impératif, madame la ministre, que nous nous donnions la capacité d'abonder favorablement cette ligne budgétaire. Je le répète : un groupe de travail, pourquoi pas ? mais c'est aujourd'hui qu'il nous faut trouver la juste réponse. J'ai vu le résultat des votes qui ont précédé, mais je maintiendrai mon amendement.
Monsieur Serville, vous vous dites déçu de mes arguments, mais je suis favorable à tout ce qui concerne la co.
ntinuité territoriale – comme d'ailleurs à votre amendement relatif à la continuité territoriale intérieure à la Guyane.
Il convient, là encore, éclairer la représentation nationale. Je ne connaissais pas moi-même la spécificité du dispositif Guyane, qui concerne les déplacements aériens intérieurs à ce territoire, lesquels bénéficient d'un dispositif d'aide à caractère social instauré par la région Guyane et soutenu par le ministère des transports. Une aide de l'État d'un montant d'1,45 million d'euros est en effet allouée à ce dispositif spécifique, qui tient compte des facteurs géographiques et des grandes distances, qui, sur ce territoire couvert à 80 % par la forêt amazonienne, ne peuvent être franchies que par avion. On voit donc bien l'implication forte du ministère des transports.
J'ai par ailleurs découvert que le ministère des outre-mer ajoutait à ce dispositif un montant de 7 000 euros ! Ce chiffre est proprement ridicule ; mieux vaudrait supprimer ces crédits. Quant à en ajouter d'autres, je préfère, sur ce point comme sur certains autres, laisser les ministères directement concernés financer les exceptions de ce genre – en l'occurrence, ici, avec la DGAC, la direction générale de l'aviation civile, pour 1,45 million d'euros.
J'émets un avis défavorable sur cet amendement.
Nous allons travailler ensemble sur la continuité territoriale.
Quant au passeport mobilité, il fera tout à l'heure l'objet d'un amendement que je défendrai. Je n'ai pas très bien compris la question que vous posiez à propos du bassin géographique, mais j'avais connaissance de cet amendement et je proposerai tout à l'heure d'étendre aux années à venir l'expérimentation du passeport mobilité, qui n'était prévue que pour une année.
L'amendement no 1559 n'est pas adopté.
La parole est à M. Philippe Dunoyer, rapporteur pour avis, pour soutenir l'amendement no 410 .
Il concerne un autre aspect de la continuité territoriale, à propos duquel nous avons déjà eu des débats et sur lequel je reviens inlassablement, car il fait l'objet d'un engagement, jusqu'à présent non tenu, pris par l'État dans cette enceinte en février 2017, à l'occasion du débat sur la loi EROM – relative à l'égalité réelle outre-mer – , dont l'article 2, très court, dispose : « La mise en place et le maintien de liaisons territoriales continues entre les différentes composantes du territoire de la République constituent un enjeu de souveraineté [… ]. La continuité territoriale s'entend du renforcement de la cohésion entre les différents territoires de la République, notamment les territoires d'outre-mer, et de la mise en place ou du maintien d'une offre de transports continus et réguliers à l'intérieur de ces territoires et entre ces territoires et la France hexagonale. »
Mon amendement vise les déplacements à l'intérieur de certains territoires. La Guyane bénéficie déjà d'un dispositif de continuité intérieure correspondant à ses réalités : c'est très bien et je considère qu'il s'agisse là non d'une exception, mais plutôt d'un premier pas vers la tenue de cet engagement pris par l'Assemblée nationale, et qui devrait donc s'appliquer à la Polynésie française, à la Nouvelle-Calédonie et à d'autres territoires. Pour être un peu moins subjectif, j'évoquerai l'exemple de la Polynésie française, où Maina Sage rappelait tout à l'heure qu'il faut trois heures pour se rendre d'un point à un autre. En Nouvelle-Calédonie, dans la province des îles Loyauté, lorsque l'on doit se rendre sur la Grande Terre pour des raisons administratives, sanitaires ou autres, il faut prendre un avion, ce qui n'est pas donné, alors que le pouvoir d'achat dans ces îles est très faible.
Fort de cet engagement pris par l'État devant l'Assemblée nationale de permettre des expérimentations désormais pérennes – il existe en effet en Guyane un dispositif de continuité intérieure – , et même s'il semble clair que ce n'est pas aujourd'hui, dans le cadre de l'examen des crédits de cette mission « Outre-mer », que j'obtiendrai une réponse favorable, je souhaiterais que la notion de continuité intérieure entre les îles soit évoquée à la faveur de la réflexion qui s'ouvrira sur l'évolution de la continuité territoriale.
Je citerai également à ce propos Wallis-et-Futuna, où la desserte entre les deux îles fait également l'objet d'un accompagnement financier de l'État, ce qui est très bien. Guyane, Wallis-et-Futuna ; je voudrais que la liste s'allonge, car les difficultés financières et, conséquemment, l'isolement et le double enclavement de ces populations éloignées des centres et des capitales de nos territoires sont de plus en plus difficiles à vivre.
Pour les raisons évoquées précédemment, il est favorable, même si la commission ne s'est pas prononcée.
Je dois avouer que je n'ai pas assisté aux débats de la loi EROM – j'étais alors occupée ailleurs… On me dit cependant – et vous devez le savoir mieux que moi – que l'engagement pris pour la Nouvelle-Calédonie était d'inscrire le dispositif dans le plan de convergence, donc de le négocier avec le territoire concerné. Si cette démarche est confirmée, peut être aborderons-nous la question dans le cadre des négociations que nous avons engagées à propos dudit plan de convergence.
Toutefois, honnêtement, hormis pour les exceptions déjà créées, ouvrir le champ de la continuité intérieure au-delà des engagements qui auraient pu être pris dans l'hémicycle se traduirait par des crédits dont j'imagine bien l'ampleur ! Ce n'est donc pas aujourd'hui, dans le seul cadre du budget des outre-mer, qu'on peut ouvrir ce débat. Je prends donc votre amendement comme un amendement d'appel.
Madame la ministre, vous avez coprésidé les études réalisées avec la ministre des transports.
J'ai accepté, je le répète, de rédiger ce rapport, au terme de nombreuses auditions. Les relations entre le Languedoc-Roussillon et Paris ou entre la Normandie et l'Alsace ne posent pas de problèmes : il s'agit de circuits courts, disposant de processus permettant aux citoyens français de se déplacer d'un département à l'autre dans les meilleures conditions possibles. Or vous faites de notre particularité un handicap très grave. Je comparerai, à cet égard, les possibilités évoquées par M. Dunoyer à la situation qui prévaut pour l'Atlantique et l'Amazonie. Pour quelles raisons n'appliquez-vous pas, au nom de l'égalité et de la constitutionnalité des droits, le même système entre la Martinique et la Guadeloupe ? Pour quelles raisons sommes-nous soumis strictement au marché, qui a fait passer le prix d'un billet, en deux ou trois ans, de 80 à 250 euros ? Pour quelles raisons laissez-vous les Martiniquais et les Guyanais payer un billet d'avion de 800 à 1 000 euros, alors qu'il en coûte 400 euros pour se rendre à Paris durant les périodes creuses ? Il s'agit vraiment un problème de droits et d'équité. On ne peut pas jouer indéfiniment à cela.
Vous nous rendez étrangers à la cordialité de notre géographie et nous pénalisez économiquement. En effet, la Martinique, la Guadeloupe et la Guyane représentent un marché potentiel d'environ 1 million de personnes, permettant d'assurer la cohésion de cette zone. Le handicap ne consiste pas à ce qu'on ne peut pas se balader comme on veut en avion pour 200 euros – et pourquoi pas 50 euros, ou même 10 ? Non, le problème n'est pas là : il est qu'on éteint une dynamique de cohésion dans les régions, dans les bassins maritimes transfrontaliers.
Lorsque j'ai accepté de faire ce rapport, je pensais que tout le monde était au clair là-dessus, mais je constate que la liaison entre la ministre des transports et celle des outre-mer était très artificielle. Je souhaite vraiment que nous reprenions ces discussions et que, puisque les études sont déjà faites, mes conclusions soient diffusées auprès de tous les acteurs et traduites en actions. Compte tenu du travail déjà réalisé, votre proposition de créer une commission ne me semble pas opportune.
L'amendement no 410 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Claire Guion-Firmin, pour soutenir l'amendement no 1182 rectifié .
Il porte lui aussi sur l'importante continuité territoriale et vise particulièrement Saint-Martin. Comme vous le savez, en effet, depuis deux ans, le prix des billets d'avion a littéralement explosé : alors qu'il en coûtait précédemment 150 euros pour se rendre de Guadeloupe à Saint-Martin, on paie désormais 282 euros et même près de 400 euros pour aller de Saint-Martin à Fort-de-France. L'amendement tend donc à relever les plafonds d'éligibilité à cette aide pour les Saint-Martinois.
Pour les mêmes raisons qu'à l'instant, il est favorable, même si la commission ne s'est pas prononcée.
L'amendement no 1182 rectifié , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Nicole Sanquer, pour soutenir l'amendement no 1474 .
Cet amendement se situe dans le même esprit que celui de mon collègue Dunoyer.
Je rappelle que l'extension de l'aide à la continuité intérieure est indispensable au désenclavement des territoires ultramarins. Cette aide de l'État est déjà prévue dans le dernier alinéa de l'article L. 1803-4 du code des transports, qui dispose, en substance, qu'elle peut financer les déplacements à l'intérieur d'un territoire s'il existe des difficultés particulières d'accès à une partie de celui-ci.
Vous n'êtes pas sans savoir que la Polynésie française est composée de 118 îles réparties sur 5,5 millions de kilomètres carrés. Au vu des difficultés d'accès, cette seule donnée suffit à justifier la nécessité d'une aide pour relier l'ensemble de nos îles. Cela permettrait d'améliorer l'aménagement du territoire, d'éviter l'exode des populations vers l'île principale de Tahiti et d'assurer le développement économique et le désenclavement de ces îles.
À titre personnel, je suis défavorable à cet amendement ; la commission ne s'est pas prononcée.
L'amendement no 1474 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Nicole Sanquer, pour soutenir l'amendement no 1473 .
Il vise à octroyer des moyens supplémentaires à l'aide à la continuité territoriale afin d'anticiper l'octroi de l'aide sous la forme d'un pourcentage du titre de transport plutôt que d'un montant forfaitaire. Madame la ministre, vous avez annoncé que le montant de l'aide serait fixé selon les territoires et ne varierait donc pas en fonction du prix du billet. Cette aide représente en moyenne 40 % du prix du billet dans les départements d'outre-mer. Selon nos calculs, cette part s'élève à 10 % pour les collectivités d'outre-mer, mais vous avez précisé que le taux s'élevait à 25 %. Il apparaît en tout cas que le montant est si bas qu'une aide simple ne parvient même pas à couvrir les taxes sur les billets d'avion. Pour corriger cette inégalité, l'amendement propose de fixer l'aide à la continuité territoriale comme part du prix du titre de transport à partir du prix moyen de celui-ci sur l'année n-1, donc de passer d'un montant forfaitaire à un pourcentage du billet d'avion.
Il est défavorable. Comme pour les précédents amendements, je renvoie à l'instauration d'un groupe de travail.
Je remarque que les amendements ont tendance à citer comme exemple le cas de la Guyane, où a été mis en place un dispositif de continuité intérieure. Je rappelle que cette décision avait été prise parce que la somme octroyée pour assurer la continuité territoriale entre la Guyane et l'Hexagone était dérisoire, presque insignifiante, n'aurait rien permis de faire. C'est la raison pour laquelle nous avions préféré la transformer pour la destiner à un usage intérieur beaucoup plus efficace.
Cela dit, je me permettrai de prendre la défense de l'amendement présenté par notre collègue Sanquer. Imaginez 118 îles réparties sur 5,5 millions de kilomètres carrés… Autant, à propos de certains amendements, madame la ministre, je comprends votre volonté de renvoyer à la création d'un groupe de travail, autant j'aurais vraiment voulu – y compris en raison de la somme évoquée, qu'on peut qualifier d'infime – que notre assemblée accepte d'entendre les difficultés de ce territoire en accordant là un avis favorable.
… mais je ne voudrais pas qu'on se méprenne. C'est une vraie question, légitime, personne ne le conteste, mais cette succession d'amendements met en lumière toute l'incohérence du système actuel, son caractère obsolète, puisqu'il passe globalement à côté des objectifs de continuité territoriale, que ce soit entre les territoires ultramarins et l'Hexagone ou au sein des bassins océaniques – comme en Polynésie – ou d'un continent – comme en Guyane.
Un temps de réflexion et de travail est nécessaire car, si l'on adoptait l'un ou l'autre de ces amendements, on laisserait perdurer ces inégalités entre les territoires, ce qui ne serait pas la bonne réponse. Je souscris totalement à la proposition de la ministre, consistant à lancer une réflexion sur le sujet. La loi EROM a fixé un cadre. Au titre de la DOM – la délégation aux outre-mer – , j'ai rédigé avec ma collègue Maina Sage un rapport montrant que l'application de certains aspects de cette loi, notamment la continuité territoriale, présentait des difficultés.
Il me semble plus important de mettre toute notre énergie dans la mise en oeuvre des mesures définies dans la loi EROM que de continuer de procéder à un saupoudrage qui n'aboutirait qu'au maintien des inégalités entre les territoires et des injustices qui y perdurent.
Je me réjouis d'entendre notre collègue Raphaël Gérard parler des inquiétudes des ultramarins sur ce sujet ô combien important qu'est la continuité territoriale. Je suis assez triste, madame la ministre, mais vous semblez sincère, d'autant que vous-même êtes ultramarine puisque vous venez de Saint-Pierre-et-Miquelon. Vous connaissez vos difficultés.
Je voudrais parler d'un point : toutes les populations d'outre-mer vivent le même drame en ce qui concerne la continuité territoriale. À cet égard, je peux vous dire que je jalouse un peu la Corse, où un modus vivendi, un protocole, a été trouvé. À quand chez nous ? Vous proposez certes une méthodologie, un cadre, mais cela fait tellement longtemps que nos populations attendent ! Il faut apporter des précisions rapidement car entre les étudiants, les demandeurs d'emploi, les personnes malades qui doivent venir se soigner en métropole, quelle souffrance pour toutes ces populations ! Et vous savez très bien qu'elles sont attachées à la mère patrie : l'Hexagone.
Chers collègues de la métropole, vous avez entendu Mme Guion-Firmin expliquer qu'après le drame causé par l'ouragan Irma, les prix des billets d'avion avaient doublé, voire triplé ! De la Guadeloupe, le voyage vers Saint-Martin coûte 280 euros ; vers la Guyane, en passant par la Martinique, il coûte 650 euros. J'appartiens certes à la majorité mais je reste vigilante et attentive à tout ce que fait le Gouvernement. C'est pourquoi, madame la ministre, je voulais vous alerter sur ce drame que nous vivons outre-mer et vous faire part des très fortes attentes des populations. Nous restons vigilants concernant la méthode que vous venez de nous proposer.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs des groupes LaREM et UDI-Agir.
L'amendement no 1473 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Nadia Ramassamy, pour soutenir l'amendement no 1222 .
Face aux surcoûts supportés par les sportifs ultramarins en déplacement pour les besoins de leurs entraînements et des compétitions, il convient d'accroître les crédits à la continuité territoriale destinés à alimenter le fonds d'échanges à but éducatif, culturel et sportif.
C'est une demande légitime. Si l'on entre dans le détail, l'année dernière, 1,3 million d'euros ont été consommés, et cette année, 2,4 millions. Consommons d'abord, puis on avisera. L'avis est défavorable.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, je suis très sensible à la question du FEBECS. Je dois aussi reconnaître que ce dispositif n'est peut-être pas assez connu puisque, pour l'instant, aucune préfecture n'a formulé de demande de moyens supplémentaires le concernant alors que j'avais dit que, d'ici à la fin de l'année, je pourrais réfléchir à une augmentation de son enveloppe. Je rappelle d'ailleurs que celle-ci avait déjà été multipliée par deux : elle s'élevait en 2017 à 900 000 euros et atteint maintenant 2 millions. Or la somme n'a pas été totalement consommée.
Nous souhaitons tous que l'instrument que représente le FEBECS soit utile à l'ensemble des jeunes. Je vous propose donc d'adresser à chaque préfet une note demandant qu'une publicité soit faite auprès de toutes les associations – culturelles, sportives, de jeunesse et d'éducation – pour promouvoir ce fonds sur tous les territoires. Il faut davantage parler de ce dispositif avant d'en accroître le montant de façon si forte, car la somme demandée est importante par rapport à ce qui a déjà été consommé.
L'avis est donc défavorable mais je reste très vigilante sur ce sujet.
Tout à l'heure, un collègue disait avoir été surpris par le nombre d'amendements portant sur cette question. Madame la ministre, j'avais rédigé un rapport sur la continuité territoriale dans le cadre des Assises nationales du transport aérien, qui s'étaient tenues en présence d'Élisabeth Borne, alors ministre des transports, et de vous-même. Si l'on commande un rapport, à ce niveau de responsabilité, il ne faut pas ensuite s'en moquer !
La solution que vous proposez pour répondre à toutes les demandes est simplement de programmer une réunion technique. Pourtant le problème soulevé est légitime. Or vous n'avez pas encore accepté un seul amendement, je tiens à vous le dire, ainsi qu'aux collègues qui votent systématiquement contre à main levée à la suite de votre avis défavorable. L'esprit d'ouverture de la République consiste aussi parfois à accepter des mesures qui devraient sembler évidentes !
Vous avez parlé du FEBECS qui n'est pas consommé parce que le travail n'a pas encore été fait. Mais la continuité territoriale éducative, culturelle et sportive, c'est essentiel ! Les enfants originaires de La Réunion, de la Guadeloupe ou de la Martinique sont peut-être de futurs Thierry Henry ou de futurs grands musiciens qui pourraient circuler partout dans le monde. Je trouve inhumain – et je pèse mes mots – de repousser cet amendement. La continuité territoriale concerne des enfants, des jeunes, des sportifs. Nous sommes bloqués uniquement parce que nous sommes très loin. Dites-nous alors clairement ce qu'on peut faire, et si la République est solidaire ou pas, ouverte ou pas !
Puisque vous estimez que la somme demandée est trop élevée, je vous invite à sous-amender ; vous en avez le pouvoir. Vous pouvez par exemple proposer un montant de 150 000 euros plutôt que 300 000, mais je ne vois pas comment un parlementaire pourrait voter contre cet amendement.
Évitons les procès d'intention ; je ne vous en fais pas, donc merci de ne pas m'en faire non plus, monsieur Letchimy.
Concernant le FEBECS, j'ai déjà répondu, et Ericka Bareigts en a également parlé. Le FEBECS n'est pas un dispositif nouveau. À l'époque où je travaillais dans un service d'État, je le gérais – son montant était d'ailleurs beaucoup plus élevé, puis il a baissé et nous l'avons relevé.
J'aimerais verser plus d'argent au FEBECS, mais pour en faire quoi puisque tout cet argent n'est pas consommé ? Devrions-nous être l'un et l'autre hypocrites ? Faudrait-il donc que j'accepte d'augmenter le FEBECS de 300 000 euros qui ne seraient finalement pas consommés et que je devrais donc rendre à Bercy ?
Exclamations sur les bancs du groupe SOC.
À un moment, il faut être honnête ! Ce dispositif, existant depuis longtemps, est promu dans tous les services d'État concernés, mais sans doute pas assez sur le terrain auprès des associations. Notre démarche vise à améliorer cette situation, je vous le dis. Je suis sincèrement désolée de constater que les enveloppes ne soient pas intégralement consommées. Si j'étais persuadée du contraire, je serais d'accord pour augmenter le FEBECS, car la jeunesse constitue pour moi une priorité car c'est la richesse des territoires d'outre-mer. Je n'accepterai donc pas de procès à ce sujet !
Vous dites que vous avez travaillé sur un rapport – ce qui est vrai – en regrettant que celui-ci ne soit pas suivi d'effet – c'est votre point de vue. Si, tout à l'heure, j'ai donné un avis défavorable sur les amendements relatifs à la continuité territoriale, c'est parce que, si on va au bout de ce raisonnement, on ne discute plus de 500 000 euros mais de plusieurs millions, voire davantage. Je ne peux donc pas dire oui à un amendement qui vise à dégager 500 000 euros d'aide à la continuité intérieure pour nos archipels ou pour la Guyane – territoire très étendu – , parce que c'est totalement irréaliste : avec 500 000 euros, on ne fait rien.
La Polynésie étant un archipel, je n'ai pu, lorsque je m'y suis rendue, parcourir l'ensemble de son territoire – même si j'en ai visité une bonne partie – , mais je connais les difficultés auxquelles elle fait face, comme l'ensemble des territoires d'outre-mer. Nous pouvons donc avoir un vrai débat sur le sujet, mais vous comprendrez que je n'accepte pas des amendements qui, en définitive, n'auront aucune utilité.
Cela dit, si vous y tenez tous, nous pouvons rehausser l'enveloppe allouée au FEBECS ; nous verrons alors, en juin prochain, que ce n'était pas le choix le plus utile. Or, j'insiste, nous devons être efficaces dans nos choix !
Nous verrons en juin, avez-vous dit, madame la ministre, qu'un abondement du FEBECS ne serait pas la mesure la plus utile. La position que nous défendons correspond à une remontée de terrain : les associations, les écoles nous disent toutes que pour envoyer, dans le cadre de tel ou tel projet, les enfants ou les jeunes à Madagascar, à Maurice, à Paris ou ailleurs, c'est la croix et la bannière. Il faut organiser des événements, dîners dansants ou je ne sais quoi d'autre, pour avoir deux sous cinquante devant soi.
Nous avons institué, à Saint-Denis de La Réunion, une bourse de voyage. C'est donc la collectivité qui paie ! Et lorsqu'on demande aux gens s'ils ont pensé à s'adresser à la DJSCS – la direction de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale – , ils en découvrent, tout étonnés, l'existence. Ne pas faire connaître les dispositifs est une vraie méthode : on évite ainsi les dépenses, et le tour est joué !
Eu égard aux échos que nous avons pu avoir, la mesure dont nous parlons aura un véritable succès, à condition que l'on soit prêt à dépenser l'argent correspondant. Cette mesure, il faut donc la faire connaître, et ce ne sont pas seulement les préfectures qui doivent s'en charger mais aussi les rectorats et les acteurs de la politique de la ville : tout le monde doit se mobiliser pour résorber l'inégalité, considérable, dont sont victimes les enfants de nos territoires.
Je connais les difficultés en matière de connectivité. Mais le fonds existe : il est un outil que nous devons utiliser au maximum. L'une des plus grandes inégalités, en effet, c'est celle qui sépare un enfant auquel on permet de voyager et de découvrir le monde dès son plus jeune âge, et une autre qui ne s'en voit jamais offrir la possibilité. Cette grande, authentique inégalité fait toute la différence.
Je ne ferai pas droit aux autres demandes de parole dont je suis saisi, mes chers collègues ; les débats n'avancent vraiment pas vite, et chacun a pu s'exprimer sur ce sujet de fond qu'est la continuité territoriale. Nous allons donc procéder au vote.
L'amendement no 1222 n'est pas adopté.
Avec cet amendement, la transition est toute trouvée. Je ne reviens pas sur le problème de l'ingénierie, maintes fois évoqué. J'ai bien compris, madame la ministre, que vous n'êtes pas disposée à augmenter les crédits dès à présent, mais j'ai deux impressions, dont vous me direz si elles sont fausses : la première est que vous êtes prête, une fois évalués les crédits engagés, à reconsidérer la situation s'il y a lieu ; la seconde est qu'il faudrait, eu égard à la proposition de M. Lorion et à la vôtre s'agissant du groupe de travail dédié à la continuité territoriale, en créer un autre pour nous pencher sur les voies et moyens de mieux consommer les crédits alloués à l'ingénierie dans les outre-mer.
J'ai demandé à la DGOM, ainsi qu'à l'ensemble des préfectures, de dresser l'inventaire de tous les projets qui, ayant bénéficié d'autorisations d'engagement, n'ont pas encore appelé les crédits de paiement correspondants. Le total de ces crédits non appelés se monte, je vous l'ai dit l'autre jour, à 1,6 milliard d'euros. Je veux, avec vous, une transparence totale sur ce point d'ici à juin prochain ; nous pourrons alors nous faire une idée plus précise des problèmes ici posés et des réponses que l'on peut y apporter. L'ingénierie et le soutien, on l'a dit, constituent un premier volet ; mais il y aura peut-être des remarques à formuler sur d'autres sujets aussi : on a parlé du foncier, par exemple, et de la quote-part des collectivités qui s'aperçoivent qu'elles n'ont pas les moyens d'accompagner un projet, même si elles l'avaient accepté au départ.
Bref, il y a en effet beaucoup de travail à accomplir, sur la continuité comme sur d'autres sujets. Sachez que je suis de votre côté, du côté des solutions, dont je sais bien qu'elles peuvent être trouvées au ministère, mais aussi et surtout dans les territoires.
Pour toutes ces raisons, je suggère le retrait de l'amendement.
Je veux bien prendre Mme la ministre au mot, si vous me passez l'expression. Je le dis devant la représentation nationale, le SIEAM, le syndicat intercommunal d'eau et d'assainissement de Mayotte, a procédé à un appel de crédits de 12 millions d'euros, sur la base de dépenses engagées conformément aux autorisations, pour réaliser certains travaux ; or, depuis plusieurs mois, cette demande est bloquée par l'État. En réalité, on continue à asphyxier le SIEAM. Je souhaite donc, madame la ministre, que vous soyez en mesure de m'annoncer, dans les prochains jours, que l'arrêté nécessaire au versement de ces crédits a été pris.
L'amendement no 1625 est retiré.
La parole est à Mme Ericka Bareigts, pour soutenir l'amendement no 1671 .
Il vise à rehausser les crédits affectés à une mesure décidée dans le cadre de la loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer, en l'espèce l'aide versée aux familles pour le retour du corps d'un défunt. Il arrive en effet qu'un être cher, enfant ou parent, parte se faire soigner dans l'Hexagone et y décède. Dans ces situations douloureuses, personne ne prend le retour en charge, sinon, le cas échéant, une assurance. Autrement dit, soit les gens ont ce qu'il faut et ne demandent rien, soit ils n'ont aucune protection et doivent assurer le retour du corps à leurs frais, soit une dépense pouvant aller, pour un trajet de Paris jusqu'à La Réunion, de 10 000 à 15 000 euros. La mesure, donc, doit aider les intéressés dans ces moments douloureux, heureusement assez rares.
Néanmoins, aux termes de l'arrêté du 1er mars 2018 que vous avez pris pour l'appliquer, madame la ministre, seuls les foyers dont le quotient familial ne dépasse pas 6 000 euros y sont éligibles. Nous pensons, comme d'autres collègues ayant déposé un autre amendement sur ce thème, que ce plafond est si bas qu'il empêche la pleine application de la mesure pour les publics auxquels nous voulions l'adresser.
Je partage tout à fait votre analyse, madame Bareigts. Je vous propose néanmoins de retirer votre amendement, pour des raisons que vous comprendrez très bientôt.
Je veux apporter quelques éléments de réponse.
J'en suis d'accord, madame Bareigts, il y a une vraie question sur la continuité funéraire. Le choix a été fait, dans le cadre de la loi relative à l'égalité réelle outre-mer, d'appliquer, en ce domaine, les mêmes critères que pour la continuité territoriale, si bien que les mêmes questions se posent en matière de revenus : on tourne en boucle.
Pour l'aide au retour funéraire, seuls trente dossiers ont été enregistrés en 2018, dont seulement quatre étaient éligibles : pour deux d'entre eux, l'aide a été versé en 2018 ; pour les deux autres, elle le sera en 2019. En 2019, soixante-trois dossiers ont été enregistrés à ce jour, dont treize éligibles, pour lesquels le versement est déjà intervenu. Il me faut donc identifier plus précisément les problèmes qui se posent et réfléchir aux moyens d'y remédier.
Pour intéressant qu'il soit, madame Bareigts, votre amendement fixe des montants bien trop élevés par rapport aux besoins réels, quand bien même on modifierait les critères et le périmètre. C'est pourquoi l'avis est défavorable, même si je suis d'accord sur le fond.
Merci pour votre écoute, madame la ministre, sur ce sujet majeur, dont nous avions aussi débattu en délégation aux outre-mer. Mme Sanquer et moi avons d'ailleurs déposé un autre amendement, qui sera examiné juste après celui-ci, pour proposer un montant un peu inférieur.
Le problème, ici, n'est pas tout à fait du même ordre que précédemment puisque l'on nous impose, à travers un arrêté, un quotient familial plafonné à 6 000 euros par an – je dis bien 6 000 euros par an ! Il est donc presque impossible, pour les ménages, de rentrer dans les cases.
Le problème, toute la nuance est là, est que tout a été fait, ici, pour rendre le dispositif inopérant. Pour la continuité territoriale, faut-il le rappeler, le plafond est de 26 000 euros par an ; c'est aussi le plafond applicable au passeport mobilité études comme aux trois autres passeports de mobilité. Quand je vois un plafond de 6 000 euros pour le quotient familial, je me dis donc qu'on a peut-être oublié un 2 !
Sourires.
Je plaisante, mais le sujet est grave. Et vous avez les moyens, madame la ministre, de modifier l'arrêté dès demain. Je vous le demande au nom de toutes les familles concernées. Nous sommes nombreux, ici, à connaître de telles situations. Quand de tels drames surviennent, les choses sont vraiment très difficiles. Quand je dis aux intéressés que les revenus doivent être inférieurs à 6 000 euros par an…
Pas les revenus, le quotient familial !
Certes, et peut-être devriez-vous nous donner des éclaircissements sur ce point, mais c'est ainsi que la mesure est comprise : conditionnée à un plafond de revenus familiaux de 6 000 euros.
Au-delà même des crédits alloués, le présent amendement permet, comme celui qui le suit, d'abonder globalement la ligne budgétaire dévolue à la continuité territoriale, au bénéfice d'autres dispositifs qui s'y rapportent.
J'ai dit que, si je ne partageais pas les montants proposés, je souscrivais à l'amendement sur le fond. Autrement dit, j'émettrai un avis de sagesse sur les autres amendements relatifs à ce thème. Pas de panique, donc.
L'amendement no 1671 n'est pas adopté.
L'amendement no 1476 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je sens Mme la ministre sensible, à juste raison, au sujet dont nous parlons. J'ajouterai toutefois deux arguments à ceux précédemment défendus par nos collègues. Contrairement aux vivants, les défunts ne peuvent plus attendre la constitution d'un groupe de travail. C'est donc tout de suite, madame la ministre, que nous avons besoin d'une réponse.
D'autre part, on ne l'a pas dit mais, pour l'instant, la législation, comme le rappelle mon exposé sommaire, n'ouvre l'aide au transport funéraire qu'aux personnes résidant en outre-mer et mortes dans l'Hexagone – or, lorsqu'on vit outre-mer, le plus souvent, on y meurt aussi. Par conséquent, le dispositif doit également être ouvert aux ultramarins qui vivent dans l'Hexagone depuis un certain nombre d'années. J'en appelle donc à votre coeur, madame la ministre.
Exclamations et sourires sur divers bancs.
Dans l'état actuel des choses, l'aide au transport de corps ne concerne que les rapatriements vers le lieu de résidence habituel – nous pourrions débattre de cette condition. En outre, l'aide aux obsèques est accordée uniquement lorsque le lien de filiation avec le défunt est du premier degré. Souhaitons-nous maintenir ce principe, qui exclut notamment les grands-parents, les frères et les soeurs ? Nous devrons nous poser la question – en tout cas, je souhaite ouvrir ce débat. De même, alors que le dispositif actuel rembourse une partie des frais engagés, nous devrions trouver un moyen de préfinancer les dépenses, car tout le monde ne peut pas avancer les frais du transport. Comme vous le voyez, plusieurs questions se posent à nous, et nous n'y répondrons pas ici.
Monsieur Serva, vous proposez d'augmenter le montant attribué à cette ligne budgétaire. En parallèle, nous devrons oeuvrer rapidement à une modification des conditions de l'aide, car il serait contreproductif d'en augmenter le montant sans en changer les modalités. J'émets donc un avis favorable, et je propose que nous ouvrions le débat.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, LR et MODEM.
Je vous félicite, madame la ministre. Sachez que nous vivons un drame au quotidien : compte tenu de la situation des hôpitaux en outre-mer, les déplacements sanitaires vers la métropole se multiplient. Je félicite notre collègue Olivier Serva pour son amendement, qui est retenu, mais il me semblerait plus juste et respectueux d'y associer Mme Nicole Sanquer et Mme Ericka Bareigts, qui ont formulé des propositions similaires.
Il s'agit par conséquent d'un amendement collectif qui nous permettra, demain matin, de regarder avec plus de respect la République et sa solidarité.
Il fut un temps où ces propositions auraient fait l'objet d'une discussion commune, ce qui aurait favorisé le travail – ma remarque vaut aussi pour d'autres sujets. Le débat nous a fait aller et venir d'une question à l'autre ; il n'a pas été facile à suivre, y compris pour ceux qui nous regardent. J'avais bien l'intention de citer les quatre textes qui traitent du sujet qui nous occupe, à savoir les amendements no 1671 , 1476 , 1624 et 1672 .
L'amendement no 1624 est adopté.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, LR, MODEM et UDI-Agir.
L'amendement no 1672 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Claire Guion-Firmin, pour soutenir l'amendement no 1490 .
Il vise à transférer 1 million d'euros de l'action 04 du programme « Conditions de vie outre-mer » à la création d'un fonds pour la prévention et l'information relatives aux grossesses précoces et à la sexualité, destiné aux jeunes des territoires ultramarins.
Selon une publication annuelle du service statistique des ministères sociaux, le taux de recours aux IVG – interruptions volontaires de grossesse – était de 15,4 pour 1 000 femmes en France en 2018. Il varie très fortement entre les régions. C'est en outre-mer qu'il est le plus élevé : en Guyane et en Guadeloupe, par exemple, il atteint 35 pour 1 000 femmes. Les IVG pratiquées dans les quatre départements historiques d'outre-mer représentent 6,3 % du total constaté en France, pour 2,8 % de la population nationale et 3,8 % des naissances. Ces données ont vocation à être affinées, en intégrant notamment celles du département de Mayotte et des trois collectivités d'outre-mer relevant du droit social national.
Au regard de ces chiffres, il semble nécessaire de développer l'information relative à la sexualité et aux grossesses précoces dans les territoires d'outre-mer. Tel est l'objet du fonds que nous proposons de créer.
Cet amendement traite d'un sujet éminemment sérieux et préoccupant dans les outre-mer. Toutefois, est-il raisonnable de ponctionner de 1 million d'euros une action dont les crédits diminuent déjà de 70 %, à savoir l'action « Sanitaire, social, culture, jeunesse et sports », dont nous avons longuement débattu tout à l'heure ? Je ne le crois pas, et suis donc défavorable à l'amendement.
L'amendement no 1490 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Claire Guion-Firmin, pour soutenir l'amendement no 1493 .
Il vise à créer un fonds permettant d'effectuer des interventions d'urgence de lutte contre l'invasion des algues sargasses. Je propose de le doter d'1 million d'euros, pris sur les crédits de l'action « Fonds exceptionnel d'investissement » du programme « Conditions de vie outre-mer »
La Guadeloupe et la Martinique sont particulièrement touchées par les sargasses, comme d'autres territoires, vous le savez. La Guadeloupe a récemment accueilli une très belle conférence internationale – pour ne pas dire un mini-sommet – , présidé par le Premier ministre, durant lequel des annonces techniques et financières ont été faites. Ces initiatives verront le jour dans les prochains mois, et nous devons les laisser exprimer leur pleine mesure. Je vous demande donc de retirer votre amendement.
Madame la ministre, je m'attendais à ce que vous émettiez un avis défavorable, à l'image du rapporteur spécial. Je rappellerais à ce dernier que la délégation aux outre-mer a eu de riches discussions avec des chefs d'entreprise et des responsables des outre-mer au sujet des sargasses, qui affleurent également en Guyane de temps à autre.
Toutefois, j'ai exprimé le souhait que ce soit l'État qui s'empare du problème. Les finances déjà exsangues des collectivités d'outre-mer ne leur permettent pas d'assumer cette dépense supplémentaire. Notre nation se targue d'être la deuxième zone économique exclusive mondiale, or les sargasses ne prennent pas naissance dans les territoires d'outre-mer mais en haute mer, puis viennent s'échouer sur nos rivages. Bien que j'aie déjà exprimé mon point de vue devant la délégation aux outre-mer, je profite de cet amendement pour demander à la ministre de se faire notre porte-parole auprès du Gouvernement et de plaider pour que les finances de nos collectivités soient soulagées. L'État ne peut pas se contenter de les accompagner financièrement, mais doit assumer pleinement la responsabilité du ramassage et du traitement des sargasses.
M. Gabriel Serva a évoqué la conférence internationale consacrée aux sargasses qui s'est tenue à la Guadeloupe, que le Premier ministre a conclue lui-même, en présence de Mme Frédérique Vidal, de Mme Élisabeth Borne et de moi-même, témoignant ainsi de l'engagement du Gouvernement dans ce domaine. L'État participe largement au plan d'équipement dédié aux collectivités, à hauteur de 12 millions d'euros. Frédérique Vidal a également annoncé que des budgets étaient réservés à la recherche relative aux sargasses – car c'est une des missions que nous devons remplir aux côtés des collectivités. Il a aussi été question de la réutilisation et de la transformation des sargasses. À cela s'ajoutent la possibilité de conclure des partenariats par bassin ainsi que les aides européennes pouvant être attribuées au titre du programme de coopération régionale INTERREG ou d'autres fonds communautaires.
Une dynamique est lancée en Guadeloupe et en Martinique. La Guyane, Saint-Martin et Saint-Barthélemy ont également participé aux travaux. L'État prend toute sa part dans cette dynamique, aux côtés des collectivités, et personne ne remet en cause cette logique d'intervention commune. Prenons un exemple : en 2012, je crois, il a financé l'achat de matériels de ramassage de sargasses, et, pendant un an ou deux, les rivages n'ont pas été infestés ; toutefois, ce matériel n'appartenant à personne, il n'a été entretenu par personne et a été totalement perdu. Je crois donc nécessaire d'impliquer l'ensemble des partenaires sur le terrain – collectivités, entreprises, associations – et que l'État s'engage fortement à leurs côtés. Cet engagement est réel pour l'ensemble des mesures, aux côtés des collectivités qui prennent toute leur part de responsabilité – et je tiens à les en remercier, puisqu'elles le font avec les moyens qui sont les leurs.
L'amendement no 1493 est retiré.
L'amendement no 1677 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il s'inscrit dans le même l'esprit que l'amendement proposé à l'instant par Mme Ericka Bareigts. Nous ne saurions nous contenter de pratiquer une économie de comptoir dans les territoires ultramarins, en important largement depuis la métropole mais en ayant peu d'importations et d'exportations avec notre environnement géographique. Nous devons nous intégrer dans notre environnement, grâce aux atouts que nous possédons en matière de formation, de connaissances ou encore d'ingénierie.
La commission des finances a adopté l'amendement de M. Mathiasin – c'est d'ailleurs le seul qu'elle ait retenu – , qui est certes symbolique puisqu'il ne porte « que » sur 100 000 euros, mais qui a le mérite de fixer un cap : l'intégration des territoires d'outre-mer dans leur environnement régional. Nous devons nous exprimer économiquement, culturellement et sportivement avec les pays caribéens et ceux des autres océans.
Madame la ministre, je n'aurai pas besoin d'en appeler à votre coeur, comme l'a fait le rapporteur spécial. Je me contenterai de souligner que cet amendement est identique à celui, adopté par la commission des finances, que vient de présenter notre rapporteur spécial. La raison se mêlant ici aux sentiments, je ne doute pas que vous prononcerez un avis favorable.
Le Gouvernement a bel et bien l'ambition de soutenir l'intégration des territoires d'outre-mer dans leur bassin maritime, et par conséquent de pratiquer la coopération régionale. L'action correspondante étant faiblement dotée, et puisque c'est à la raison plutôt qu'au coeur que vous en appelez, je m'en remets à la sagesse de votre assemblée.
J'ai presque honte, oui, presque honte. Nous parlons de l'intégration des territoires d'outre-mer dans leur environnement géographique. Or chacun connaît leurs spécificités et les difficultés à se mouvoir d'un bassin à l'autre, et même au sein de chaque territoire. On voudrait nous faire croire qu'on donne un cap en accordant 100 000 euros supplémentaires à un sujet d'une telle importance ? Très sincèrement, ce cap, je ne le vois pas ! Sur le fond, je ne peux qu'abonder dans votre sens ; pour moi, la dynamique consistant à favoriser l'intégration de nos territoires dans leurs bassins respectifs relève du pur bon sens. Mais j'ai honte que l'on ne consacre que 100 000 euros à un sujet de cette nature !
Ce sont 880 000 euros au total !
Monsieur le président, je n'ai pas à m'exprimer brièvement ; j'interviens au nom de mon groupe.
Sourires.
Madame la ministre, je m'attendais à ce que vous présentiez un sous-amendement visant à tirer la proposition de M. Max Mathiasin vers le haut.
Sourires.
Le sujet est trop sérieux. Je suis convaincu que le seul espace d'émancipation économique, culturelle et sociale qui soit vraiment viable pour les départements d'outre-mer est une diplomatie territoriale intégrée. Nous devons conjuguer nos efforts et travailler en commun avec le Brésil, Cuba, Saint-Domingue, le Venezuela ou encore les États-Unis, en vue de trouver des niches de croissance et de développement. Je ne veux pas être blessant, mais il est véritablement dérisoire d'y consacrer 100 000 euros.
J'espère que vous avez compris l'aspect symbolique de la chose. En matière de coopération, la région a des prérogatives, des compétences que lui attribue l'État ; elle ne se substitue pas à l'État. Par cet amendement, je voulais seulement témoigner d'une volonté.
Le montant en jeu est de l'ordre de 880 000 euros. Cela peut paraître insuffisant, vu nos ambitions, mais ces crédits sont consommés à hauteur de 75 %, uniquement pour des dépenses de fonctionnement. Mettons-nous en route pour des projets, et nous irons beaucoup plus loin.
M. Serge Letchimy proteste.
L'amendement propose un transfert de 100 000 euros, soit une hausse d'environ 10 %. C'est un premier pas. J'y souscris, mais ce n'est même pas le sujet. Le sujet, c'est qu'il n'y a pas de véritable ambition sans projets. J'ai évalué chaque dépense : il y a beaucoup trop de frais de fonctionnement et pas assez de projets concrets. Cette situation est sans doute également due aux crédits INTERREG, au fait que les régions mettent des quotes-parts dans leur coopération. Quoi qu'il en soit, quand il faudra aller plus loin, je ne discuterai même pas.
Le président de l'Assemblée nationale a reçu du ministre chargé des relations avec le Parlement une lettre l'informant que l'examen des crédits de la mission « Outre-mer » se poursuivra ce soir à vingt et une heures trente, avant l'examen des crédits de la mission « Travail et emploi ».
La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2020 :
Suite de l'examen des crédits de la mission « Outre-mer » ;
Examen des crédits de la mission « Travail et emploi ».
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra